Lancaster House, Lettre de Weimar, un second souffle pour l’Europe de la défense ?

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Lancaster House, Lettre de Weimar, un second souffle pour l’Europe de la défense ? Table ronde du vendredi 6 janvier 2012 Synthèses & Interventions

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Table ronde du vendredi 6 janvier 2012

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Table ronde du vendredi 6 janvier 2012

INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES DE DÉFENSE NATIONALEService communication - contact : 01 44 42 54 15

1 place Joffre – Paris VIIe

www.ihedn.fr

Synthèses&Interventions

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De gauche à droite et de haut en bas :

Vice-amiral d'escadre Richard LabordeEric PetersAlastair CameronDocteur Holger MahnickeJustyna Zajac

De gauche à droite et de haut en bas :

Graham MuirIngénieur général de l’armement Yves Caleca

Arnaud MigouxAlain Lamassoure

Modérateur : Olivier Jehin

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De gauche à droite et de haut en bas :

Vice-amiral d'escadre Richard LabordeEric PetersAlastair CameronDocteur Holger MahnickeJustyna Zajac

De gauche à droite et de haut en bas :

Graham MuirIngénieur général de l’armement Yves Caleca

Arnaud MigouxAlain Lamassoure

Modérateur : Olivier Jehin

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3OuvertureVice-amiral d’escadreRichard LabordeDirecteur de l’Institut des hautes études de défense nationale et de l’Enseigne-ment militaire supérieur

6Introduction :"Relancer la PSDC ?"

Eric PetersConseiller pour les affaires in-ternationales et économiques, Bureau of European Policy Advisers (BEPA), Commission européenne

18Table ronde 1Lancaster House,Lettre de Weimar,regards croisésModérateur : Olivier Jehin, journaliste, Agence Europe

Innovation des Accords de Lancaster House

(02/11/2010)Alastair CameronChercheur associé, FRS et Rusi

Dynamique de La lettre de Weimar (06/12/2010)Docteur Holger MahnickePremier conseiller auprès de l’ambassade d’Allemagne en France

Expérience polonaise de La lettre de Weimar (06/12/2010)Justyna ZajacUniversité de Varsovie,membre de la commission du Livre blanc sur la défense de la République de Pologne

32Table ronde 2Constructiondes capacitéseuropéennesModérateur : Olivier Jehin, journaliste, Agence Europe

Graham MuirChef de l’unité Planning Policy, Agence européenne de défense

Ingénieur général de l’armement Yves CalecaDGA/DS, sous-directeur de la coopération et du développe-ment international

Arnaud MigouxDélégation aux affaires stratégiques du ministère de la DéfenseChef du bureau Union euro-péenne

Conclusion Avons-nous les moyens de nos ambitions ?"Alain LamassoureAncien ministre, membre du Parlement européen (PPE-FR)

45AnnexesTraité de Lancaster House (2 novembre 2010)Lettre de Weimar (6 décembre 2010)

Sommaire

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

OuvertureVice-amiral d’escadre Richard LabordeDirecteur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN),Directeur de l’Enseignement militaire supérieur (EMS)

Monsieur le parlementaire européen,monsieur le conseiller du présidentde la Commission européenne,mesdames et messieurs les auditeurs,

La reprise de vos sessions nationales s’ouvre sur une interrogation concernant le devenir de la défense européenne et ce alors qu’une crise profonde traverse l’espace commu-nautaire ou l’espace européen. Le devenir de la défense européenne est un sujet dont la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne qui vient de s’achever, avait fait une priorité, mais les chocs finan-ciers et budgétaires se sont imposés aux agendas les mieux préparés. Il n’empêche que les États qui le peuvent et les États qui le veulent – l’intervention en Libye l’a clai-rement démontré – ont continué d’avancer en format restreint sur la base de deux dis-positifs ad hoc : le plus récent de ces dispo-sitifs est le partenariat franco-britannique. Il a été lancé par le Traité de coopération en matière de défense et de sécurité signé à Lancaster House le 2 novembre 2010, une nouvelle réunion au sommet est prévue le 14 février prochain alors que nous fêtons aujourd’hui même le 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc. Nous ne pouvons que souhaiter que les divergences

franco-britanniques sur l’union fiscale n’af-fectent pas la poursuite de la coopération dans les domaines militaires et dans ceux de la défense.

Le groupe de haut niveau créé en vertu du traité s’est réuni, quant à lui, à Londres le 9 novembre dernier pour procéder à un Retex (retour d’expérience dans notre jargon) de l’opération conjointe en Libye au regard des projets envisagés par le traité. L’accent a été mis sur la nécessité de mettre en place des capacités militaires flexibles, efficaces et déployables rapidement.

Les dossiers techniques avancent. Ils avancent tout simplement, car les contraintes demeurent. Il s’agit bien de dégager des économies par la mutualisation des programmes conjoints, notamment sur les drones, les missiles, et la guerre des mines.

L’autre dispositif plus ancien inclut une disposition de défense dans un cadre plus vaste. Le Triangle de Weimar a été fondé il y a un peu plus de 20 ans, le 28 août 1991, date anniversaire de la naissance de Goethe. Le ministre allemand Hans-Dietrich Gens-cher né, lui, dans la ville voisine de Halle en Thuringe, longtemps en Allemagne de

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

OuvertureVice-amiral d’escadre Richard LabordeDirecteur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN)Directeur de l’Enseignement militaire supérieur (EMS)

Monsieur le parlementaire européen,monsieur le conseiller du présidentde la Commission européenne,mesdames et messieurs les auditeurs,

La reprise de vos sessions nationales s’ouvre sur une interrogation concernant le devenir de la défense européenne et ce alors qu’une crise profonde traverse l’espace commu-nautaire ou l’espace européen. Le devenir de la défense européenne est un sujet dont la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne qui vient de s’achever, avait fait une priorité, mais les chocs finan-ciers et budgétaires se sont imposés aux agendas les mieux préparés. Il n’empêche que les États qui le peuvent et les États qui le veulent – l’intervention en Libye l’a clai-rement démontré – ont continué d’avancer en format restreint sur la base de deux dis-positifs ad hoc : le plus récent de ces dispo-sitifs est le partenariat franco-britannique. Il a été lancé par le Traité de coopération en matière de défense et de sécurité signé à Lancaster House le 2 novembre 2010, une nouvelle réunion au sommet est prévue le 14 février prochain alors que nous fêtons aujourd’hui même le 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc. Nous ne pouvons que souhaiter que les divergences

franco-britanniques sur l’union fiscale n’af-fectent pas la poursuite de la coopération dans les domaines militaires et dans ceux de la défense.

Le groupe de haut niveau créé en vertu du traité s’est réuni, quant à lui, à Londres le 9 novembre dernier pour procéder à un Retex (retour d’expérience dans notre jargon) de l’opération conjointe en Libye au regard des projets envisagés par le traité. L’accent a été mis sur la nécessité de mettre en place des capacités militaires flexibles, efficaces et déployables rapidement.

Les dossiers techniques avancent. Ils avancent tout simplement, car les contraintes demeurent. Il s’agit bien de dégager des économies par la mutualisation des programmes conjoints, notamment sur les drones, les missiles, et la guerre des mines.

L’autre dispositif plus ancien inclut une disposition de défense dans un cadre plus vaste. Le Triangle de Weimar a été fondé il y a un peu plus de 20 ans, le 28 août 1991, date anniversaire de la naissance de Goethe. Le ministre allemand Hans-Dietrich Gens-cher né, lui, dans la ville voisine de Halle en Thuringe, longtemps en Allemagne de

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Je voudrais exprimer toute ma reconnais-sance à tous les intervenants qui nous ont rejoints ce matin, notamment depuis Varsovie et Bruxelles, voire des Alpes françaises pour nous aider à mieux comprendre cette situa-tion complexe. Je dois aussi préciser que cette table ronde qui était initialement orga-nisée au profit des sessions nationales de l’IHEDN, a été volontairement ouverte, compte tenu de l’intérêt que le thème suscitait.

Me voici au terme de mes propos introductifs et je vais me tourner maintenant vers mon-sieur Eric Peters, conseiller pour les affaires internationales et économiques au sein du bureau des conseillers politiques du pré-sident de la Commission européenne. Votre article publié récemment dans Le Monde sur les perspectives de la défense européenne avait retenu toute notre attention.

l’Est, avait proposé ce lieu, symbolique s’il en est, à ses homologues français et polo-nais. Il s’agissait pour les trois ministres des Affaires étrangères d’appliquer à leurs rela-tions bilatérales, entre une Allemagne réuni-fiée et une Pologne libérée, les bonnes pra-tiques de la réconciliation franco-allemande.

Il s’agit bien d’un mécanisme unique, sans traité, sans budget, sans secrétariat, mais avec seulement, si je puis dire, des actions, des concertations, des consultations. Deux domaines ont été privilégiés : la politique européenne de voisinage (PEV) et la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis huit fois depuis lors. Le 6 décembre 2010, les trois ministres des Affaires étran-gères et les trois ministres de la Défense ont adressé La lettre de Weimar à Mme Cathe-rine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité ; dans cette Lettre de Weimar sont proposées (je cite) « des pistes concrètes pour faire avancer la PSDC : coo-pération UE-Otan, capacités permanentes de planification et de conduite civilo-militaires, groupements tactiques ou encore le déve-loppement de capacités militaires ». Je note que cette lettre a été écrite au moment où le Service européen pour l’action extérieure se mettait en place.

Le 24 janvier 2011, les ministres des Affaires étrangères des 27 ont adopté des conclu-sions faisant leur, le contenu de La lettre de Weimar en matière d’Europe de la défense

et surtout de mise en commun et de par-tage, le fameux Pooling & Sharing des capa-cités militaires. Le Cops, Comité politique et de sécurité en a ensuite avalisé le principe, demandant également à la haute représen-tante de saluer cette lettre. Mme Ashton a répondu le 26 janvier de manière prudente sur un État-major européen – que personne ne conteste s’il est efficace – sur la coopé-ration structurée permanente et l’urgence à développer des capacités militaires. Elle insiste également sur des sujets non traités dans La lettre de Weimar, notamment le rôle de l’Otan et, bien sûr, la relation entre l’Union européenne et les États-Unis.

Ceci est évidemment un écho de la posi-tion des autres États membres. La CMPD, la structure de planification civilo-militaire (Crisis Management and Planification Direc-torate) a été chargée, aidée de l’Agence européenne de défense (AED) et de l’état-major militaire, de soumettre un calendrier avec plusieurs étapes. Le Comité militaire de l’Union européenne doit faire remonter des États membres leur analyse des moyens qu’ils sont prêts à déléguer, de ceux qu’ils sont prêts à partager et, bien sûr, de ceux qu’ils veulent garder en propre.

L’objet de cette table ronde qui nous ras-semble ce matin est de faire le point sur l’état d’avancement et de réalisation de ces engagements et ce, dans un contexte un peu particulier, celui du cinquantième anniversaire du Traité de l’Élysée entre la France et l’Allemagne qui sera célébré en janvier 2013.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Je voudrais exprimer toute ma reconnais-sance à tous les intervenants qui nous ont rejoints ce matin, notamment depuis Varsovie et Bruxelles, voire des Alpes françaises pour nous aider à mieux comprendre cette situa-tion complexe. Je dois aussi préciser que cette table ronde qui était initialement orga-nisée au profit des sessions nationales de l’IHEDN, a été volontairement ouverte, compte tenu de l’intérêt que le thème suscitait.

Me voici au terme de mes propos introductifs et je vais me tourner maintenant vers mon-sieur Eric Peters, conseiller pour les affaires internationales et économiques au sein du bureau des conseillers politiques du pré-sident de la Commission européenne. Votre article publié récemment dans Le Monde sur les perspectives de la défense européenne avait retenu toute notre attention.

l’Est, avait proposé ce lieu, symbolique s’il en est, à ses homologues français et polo-nais. Il s’agissait pour les trois ministres des Affaires étrangères d’appliquer à leurs rela-tions bilatérales, entre une Allemagne réuni-fiée et une Pologne libérée, les bonnes pra-tiques de la réconciliation franco-allemande.

Il s’agit bien d’un mécanisme unique, sans traité, sans budget, sans secrétariat, mais avec seulement, si je puis dire, des actions, des concertations, des consultations. Deux domaines ont été privilégiés : la politique européenne de voisinage (PEV) et la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Les chefs d’État et de gouvernement se sont réunis huit fois depuis lors. Le 6 décembre 2010, les trois ministres des Affaires étran-gères et les trois ministres de la Défense ont adressé La lettre de Weimar à Mme Cathe-rine Ashton, haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité ; dans cette Lettre de Weimar sont proposées (je cite) « des pistes concrètes pour faire avancer la PSDC : coo-pération UE-Otan, capacités permanentes de planification et de conduite civilo-militaires, groupements tactiques ou encore le déve-loppement de capacités militaires ». Je note que cette lettre a été écrite au moment où le Service européen pour l’action extérieure se mettait en place.

Le 24 janvier 2011, les ministres des Affaires étrangères des 27 ont adopté des conclu-sions faisant leur, le contenu de La lettre de Weimar en matière d’Europe de la défense

et surtout de mise en commun et de par-tage, le fameux Pooling & Sharing des capa-cités militaires. Le Cops, Comité politique et de sécurité en a ensuite avalisé le principe, demandant également à la haute représen-tante de saluer cette lettre. Mme Ashton a répondu le 26 janvier de manière prudente sur un État-major européen – que personne ne conteste s’il est efficace – sur la coopé-ration structurée permanente et l’urgence à développer des capacités militaires. Elle insiste également sur des sujets non traités dans La lettre de Weimar, notamment le rôle de l’Otan et, bien sûr, la relation entre l’Union européenne et les États-Unis.

Ceci est évidemment un écho de la posi-tion des autres États membres. La CMPD, la structure de planification civilo-militaire (Crisis Management and Planification Direc-torate) a été chargée, aidée de l’Agence européenne de défense (AED) et de l’état-major militaire, de soumettre un calendrier avec plusieurs étapes. Le Comité militaire de l’Union européenne doit faire remonter des États membres leur analyse des moyens qu’ils sont prêts à déléguer, de ceux qu’ils sont prêts à partager et, bien sûr, de ceux qu’ils veulent garder en propre.

L’objet de cette table ronde qui nous ras-semble ce matin est de faire le point sur l’état d’avancement et de réalisation de ces engagements et ce, dans un contexte un peu particulier, celui du cinquantième anniversaire du Traité de l’Élysée entre la France et l’Allemagne qui sera célébré en janvier 2013.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

d’abord de la convergence des conclusions politiques que les États membres tireront de l’opération libyenne. Deux issues sont pos-sibles : soit une démotivation, soit un sursaut européen comme à l’issue de la guerre des Balkans. Restent trois questions pour trois pistes d’action.

• Comment faire émerger un intérêt commun ? En dotant l’UE d’une véritable stratégie de sécurité globale qui développerait sa vision du monde, des enjeux en matière de sécurité éco-nomique et de défense.

• Comment faire vivre les structures ?Avec de nouvelles opérations.

• Comment renforcer la base industrielle euro-péenne ?Une task force lancée par le président de la Commission est en cours d’identification des sujets prioritaires.

Dans le cadre des institutions européennes, l’articulation entre le monde politique et le monde militaire est handicapée par le fon-dement même du projet européen qui a, pour des raisons originelles, conservé une grande méfiance à l’égard de la force, privi-légiant les règles. Il existe donc un véritable enjeu de formation de la société civile et de création d’interface entre les acteurs civils et militaires, notamment à Bruxelles, où les communautés civiles et militaires se parlent peu et se comprennent encore moins.

Introduction : relancer la PSDC ?Eric Peters – SynthèseConseiller pour les affaires internationales et économiques,Bureau of European Policy Advisers (Bepa), Commission européenne

Au chevet de la PSDC, il convient de prendre trois pouls.

Pouls militaire : beaucoup de militaires res-sentent de la désillusion face aux difficultés opérationnelles et politiques de la PSDC. Aucune nouvelle opération militaire n’a été lancée depuis deux ans malgré la détériora-tion du contexte de sécurité dans certaines régions comme au Sahel. Une désillusion renforcée par le bilan militaire tiré de l’opéra-tion libyenne à inscrire au passif de la PSDC. D’où un sentiment que ce qui marche, c’est le bilatéral franco-britannique et pas l’UE, qui souffre d’un double blocage : institutionnel avec le manque de leadership des structures bruxelloises et existentiel avec le manque de leadership politique des États membres. Dans le Traité de Lisbonne subsiste un décalage important entre les objectifs affichés et les réalisations liées à l’absence de consensus réel, du fait d’un manque d’intérêt commun et de la méthode utilisée pour la mise en place de la PSDC, qui a progressé à grands coups d’accords politiques aux ambitions parfois sans mesure avec les moyens d’action réels.

Pouls stratégique et politique : il est nécessaire pour l’Europe de disposer de l’ensemble des attributs d’une puissance

pour pouvoir peser dans le monde du XXIe siècle. Le monde postmoderne n’a aucune raison de se développer de manière harmonieuse. Certains se préparent plus que d’autres à cette situation. Une étude du Sipri(1) montre qu’entre 2001 et 2010, les dépenses militaires ont augmenté de 50 % dans le monde, de 170 % en Asie et de 4 % en Europe. Au final, c’est surtout l’impact de la crise économique sur la dynamique poli-tique de la construction européenne autour de la zone euro et des pays qui veulent la suivre, qui sera crucial pour faire avancer la politique de sécurité.

Pouls américain : cela fait maintenant plu-sieurs années que les États-Unis expriment, non sans arrière-pensée, leur souhait de voir l’Europe être plus active, plus responsable et plus entreprenante pour assurer sa sécurité et celle de ces frontières. Pour la politique de défense européenne, ces déclarations exercent des pressions à trois niveaux : bud-gétaire, technologique et stratégique.

Le bilan de ces trois pouls fait pencher la balance en faveur de la nécessité d’un réveil possible de la PSDC. L’avenir dépendra

(1) Stockholm International Peace Research Institute

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

d’abord de la convergence des conclusions politiques que les États membres tireront de l’opération libyenne. Deux issues sont pos-sibles : soit une démotivation, soit un sursaut européen comme à l’issue de la guerre des Balkans. Restent trois questions pour trois pistes d’action.

• Comment faire émerger un intérêt commun ? En dotant l’UE d’une véritable stratégie de sécurité globale qui développerait sa vision du monde, des enjeux en matière de sécurité éco-nomique et de défense.

• Comment faire vivre les structures ?Avec de nouvelles opérations.

• Comment renforcer la base industrielle euro-péenne ?Une task force lancée par le président de la Commission est en cours d’identification des sujets prioritaires.

Dans le cadre des institutions européennes, l’articulation entre le monde politique et le monde militaire est handicapée par le fon-dement même du projet européen qui a, pour des raisons originelles, conservé une grande méfiance à l’égard de la force, privi-légiant les règles. Il existe donc un véritable enjeu de formation de la société civile et de création d’interface entre les acteurs civils et militaires, notamment à Bruxelles, où les communautés civiles et militaires se parlent peu et se comprennent encore moins.

Introduction : relancer la PSDC ?Eric Peters – SynthèseConseiller pour les affaires internationales et économiques,Bureau of European Policy Advisers (Bepa), Commission européenne

Au chevet de la PSDC, il convient de prendre trois pouls.

Pouls militaire : beaucoup de militaires res-sentent de la désillusion face aux difficultés opérationnelles et politiques de la PSDC. Aucune nouvelle opération militaire n’a été lancée depuis deux ans malgré la détériora-tion du contexte de sécurité dans certaines régions comme au Sahel. Une désillusion renforcée par le bilan militaire tiré de l’opéra-tion libyenne à inscrire au passif de la PSDC. D’où un sentiment que ce qui marche, c’est le bilatéral franco-britannique et pas l’UE, qui souffre d’un double blocage : institutionnel avec le manque de leadership des structures bruxelloises et existentiel avec le manque de leadership politique des États membres. Dans le Traité de Lisbonne subsiste un décalage important entre les objectifs affichés et les réalisations liées à l’absence de consensus réel, du fait d’un manque d’intérêt commun et de la méthode utilisée pour la mise en place de la PSDC, qui a progressé à grands coups d’accords politiques aux ambitions parfois sans mesure avec les moyens d’action réels.

Pouls stratégique et politique : il est nécessaire pour l’Europe de disposer de l’ensemble des attributs d’une puissance

pour pouvoir peser dans le monde du XXIe siècle. Le monde postmoderne n’a aucune raison de se développer de manière harmonieuse. Certains se préparent plus que d’autres à cette situation. Une étude du Sipri(1) montre qu’entre 2001 et 2010, les dépenses militaires ont augmenté de 50 % dans le monde, de 170 % en Asie et de 4 % en Europe. Au final, c’est surtout l’impact de la crise économique sur la dynamique poli-tique de la construction européenne autour de la zone euro et des pays qui veulent la suivre, qui sera crucial pour faire avancer la politique de sécurité.

Pouls américain : cela fait maintenant plu-sieurs années que les États-Unis expriment, non sans arrière-pensée, leur souhait de voir l’Europe être plus active, plus responsable et plus entreprenante pour assurer sa sécurité et celle de ces frontières. Pour la politique de défense européenne, ces déclarations exercent des pressions à trois niveaux : bud-gétaire, technologique et stratégique.

Le bilan de ces trois pouls fait pencher la balance en faveur de la nécessité d’un réveil possible de la PSDC. L’avenir dépendra

(1) Stockholm International Peace Research Institute

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IntroductionEric Peters - InterventionConseiller pour les affaires internationales et économiques,Bureau of European Policy Advisers (BEPA), Commission européenne

Merci beaucoup amiral, mesdames et mes-sieurs.

D’abord, je remercie l’IHEDN et son directeur pour cette invitation à ouvrir cette matinée. Je suis impressionné, heureux d’être parmi vous et de pouvoir profiter du débat qui va suivre. Je dois dire que j’ai été parti-culièrement séduit par l’idée doublement courageuse, voire provocante, d’inviter un fonctionnaire de la Commission européenne pour participer et introduire un débat sur la sécurité et la défense qui se trouvent au cœur de la souveraineté des États membres. Je voudrais d’abord rassurer les personnes anxieuses de cette perspective – et je sais qu’il y a des experts ici en la matière – en disant que je m’exprime à titre personnel et que mes propos n’engagent ni la Commis-sion européenne, ni le président. Je souhaite également indiquer que je suis venu ici, plus pour poser des questions, introduire le débat plutôt que pour proposer des réponses qui seraient toutes faites.

Nous voilà en début d’année au chevet de la politique de défense commune. Si je fai-sais un sondage dans la salle, je ne suis pas sûr que le diagnostic soit très heureux. Nous aurions des diagnostics qui pourraient aller

de l’hibernation jusqu’aux soins intensifs peut-être. Je voudrais, pour engager cette réflexion, l’aborder avec une démarche rationnelle en prenant le pouls du patient. Je vous propose, comme le font les médecins chinois, de prendre 3 pouls :

• un pouls militaire d’abord ;• un pouls stratégique et politique ensuite ;• un pouls américain enfin.

Il n’y a pas de protocole pour tester la qualité et la dynamique de la PSDC. J’ai prévu mon protocole à moi, mais je vais faire appel à des personnes éminentes et à des interventions qui ont été prévues pour chaque pouls.

• Pour le pouls militaire, je vais faire réfé-rence à une intervention de l’amiral Guil-laud.

• Pour le pouls politique et stratégique, à une intervention du président Barroso.

• Pour le pouls américain, à une intervention récente de Leon Panetta.

Ces trois interventions se sont dérou-lées au cours d’une période d’une quin-zaine de jours, entre fin septembre et mi-octobre 2011.

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IntroductionEric Peters - InterventionConseiller pour les affaires internationales et économiques,Bureau of European Policy Advisers (BEPA), Commission européenne

Merci beaucoup amiral, mesdames et mes-sieurs.

D’abord, je remercie l’IHEDN et son directeur pour cette invitation à ouvrir cette matinée. Je suis impressionné, heureux d’être parmi vous et de pouvoir profiter du débat qui va suivre. Je dois dire que j’ai été parti-culièrement séduit par l’idée doublement courageuse, voire provocante, d’inviter un fonctionnaire de la Commission européenne pour participer et introduire un débat sur la sécurité et la défense qui se trouvent au cœur de la souveraineté des États membres. Je voudrais d’abord rassurer les personnes anxieuses de cette perspective – et je sais qu’il y a des experts ici en la matière – en disant que je m’exprime à titre personnel et que mes propos n’engagent ni la Commis-sion européenne, ni le président. Je souhaite également indiquer que je suis venu ici, plus pour poser des questions, introduire le débat plutôt que pour proposer des réponses qui seraient toutes faites.

Nous voilà en début d’année au chevet de la politique de défense commune. Si je fai-sais un sondage dans la salle, je ne suis pas sûr que le diagnostic soit très heureux. Nous aurions des diagnostics qui pourraient aller

de l’hibernation jusqu’aux soins intensifs peut-être. Je voudrais, pour engager cette réflexion, l’aborder avec une démarche rationnelle en prenant le pouls du patient. Je vous propose, comme le font les médecins chinois, de prendre 3 pouls :

• un pouls militaire d’abord ;• un pouls stratégique et politique ensuite ;• un pouls américain enfin.

Il n’y a pas de protocole pour tester la qualité et la dynamique de la PSDC. J’ai prévu mon protocole à moi, mais je vais faire appel à des personnes éminentes et à des interventions qui ont été prévues pour chaque pouls.

• Pour le pouls militaire, je vais faire réfé-rence à une intervention de l’amiral Guil-laud.

• Pour le pouls politique et stratégique, à une intervention du président Barroso.

• Pour le pouls américain, à une intervention récente de Leon Panetta.

Ces trois interventions se sont dérou-lées au cours d’une période d’une quin-zaine de jours, entre fin septembre et mi-octobre 2011.

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descendu à son niveau le plus bas, 200. Par ailleurs, le taux de réussite des opérations menées par les pirates a considérablement chuté.

Enfin, l’amiral Guillaud pointe la double nature du blocage : institutionnel avec le manque de leadership des structures bruxelloises et existentiel avec le manque de leadership politique des États membres qui s’interrogent encore sur le sens et l’objectif de la PSDC. En fait, cette dimen-sion existentielle la plus importante, à mon sens, trouve ses racines dans l’absence de consensus sur une question fondamentale : les défenses nationales de l’Otan épuisent-elles les besoins des Européens en matière de défense et de sécurité ? Ou autrement posée : l’Union européenne doit-elle et peut-elle intervenir comme un ensemble cohérent au sein de l’Otan, voire indépendamment de l’Otan ?

La question se trouve théoriquement dans le Traité de Lisbonne qui décrit assez longue-ment les objectifs et moyens de la PSDC ; mais il subsiste un décalage important entre les objectifs affichés et les réalisations liées à l’absence de consensus réel qui trouve ses origines à la fois dans un manque d’intérêt commun, mais aussi dans la méthode uti-lisée pour la mise en place de la PSDC ; contrairement à la méthode Monnet prônant des projets concrets dans des domaines limités, mais décisifs, la PSDC a progressé à grands coups d’accords politiques aux ambitions parfois sans mesure avec les moyens d’action réels.

On peut d’ailleurs se rappeler que Jacques Delors avait bien perçu les risques d’une telle approche dès les années 1990, lorsqu’il déconseillait la mise en place prématurée, selon lui, d’une politique étrangère européenne et prônait une approche pragmatique d’action commune au cas par cas plus réaliste.

Passons maintenant au pouls stratégique et politique : je vous propose un extrait du discours annuel sur l’état de l’Union que José Manuel Barroso, président de la Commission européenne a prononcé devant le Parlement le 28 septembre dernier, je le cite :

« La politique étrangère de sécurité com-mune doit être renforcée, elle doit être crédible, il faut qu’elle s’appuie sur une dimension de sécurité et de défense com-mune si l’on veut vraiment compter dans le monde. Nous devons faire davantage avec les moyens dont nous disposons ».

Au fond, le président de la Commission exprime la nécessité pour l’Europe de dis-poser de l’ensemble des attributs d’une puissance pour pouvoir peser dans le monde du XXIe siècle. Le monde qui émerge à l’ho-rizon 2025 sera différent, il sera marqué par l’ascension de l’Asie qui représentera 60 % de la population, 30 % de la richesse mon-diale, par l’augmentation des inégalités, par une demande énergétique accrue de 50 % avec un "mix énergétique" dans lequel la Chine avec son charbon et la Russie avec son gaz joueront un rôle accru. L’Europe sera un continent vieilli qui ne représentera plus que 6,5 % de la population, ce sera un

Honneur aux militaires, je propose de com-mencer par cette citation de l’amiral Guil-laud, chef d’État-major des armées fran-çaises (Cema) lors de son audition devant la Commission des affaires étrangères de la défense au Sénat le 11 octobre dernier, il disait :

« S’agissant de l’Europe de la défense, j’ai l’habitude de dire qu’elle est en hibernation. C’est une vue optimiste, puisqu’elle implique qu’il y aura un réveil, un printemps. L’Europe de la défense a manqué le coche de la Libye. Entre militaires européens, nous sommes tous d’accord, mais on ne fera pas l’Europe de la défense sans la volonté des États. J’ajoute que les structures militaires euro-péennes à Bruxelles n’ont montré aucune appétence pour prendre des initiatives ».

Ces propos expriment la désillusion que ressentent de nombreux militaires face aux difficultés opérationnelles et politiques de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Il est vrai que les faits sont sévères. Aucune nouvelle opération militaire n’a été lancée depuis deux ans malgré la détérioration du contexte de sécu-rité dans certaines régions, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient. L’exemple de la situation au Sahel est particulièrement parlant. Depuis des années, l’Europe sait que des menaces en matière de sécurité se développent, incluant le trafic de drogue et la prise d’otages et, plus récemment, un afflux d’armes en provenance de Libye. Les besoins sont aussi largement connus, il faut renforcer la stabilité, la sécurité et le tissu

social local notamment en redéployant les services publics et l’administration et en offrant des conseils et de l’assistance.

Pourtant, malgré ce constat, même une opé-ration purement civile a des difficultés à être lancée, car certains États membres ne fai-saient toujours pas le lien jusqu’à récemment entre cette situation et leur propre sécurité. Cette désillusion n’a été que renforcée par le bilan militaire tiré de l’opération libyenne, qui est également à mettre au passif de la PSDC, alors que l’Union européenne s’est vue offrir par l’Otan un rôle dans l’opéra-tion, l’embargo maritime, elle s’est révélée incapable de jouer un rôle décisif. D’où la conclusion militaire largement perçue que ce qui marche, c’est le bilatéral franco-bri-tannique et pas l’Union européenne.

On sent aussi un certain regret dans les propos du Cema : dans les années 1990, l’échec de l’Europe en Bosnie et au Kosovo avait provoqué un sursaut qui, au fil des ans, avait permis à l’Union européenne de se doter d’un instrument civil et militaire de gestion des crises pleinement opérationnel et d’asseoir sa crédibilité sur la scène inter-nationale. Au total, plus de 20 missions ont été lancées, 80 000 hommes déployés avec de vraies réussites, que ce soit au Tchad, au Congo, ou au large de la Somalie pour com-battre les pirates. L’opération Atalante, même imparfaite, est un succès réel, reconnu et un avantage pour le monde entier, puisqu’il protège les flux de commerces globaux qui empruntent cette zone. Les effets sont clairs et le nombre d’otages pris par les pirates est

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descendu à son niveau le plus bas, 200. Par ailleurs, le taux de réussite des opérations menées par les pirates a considérablement chuté.

Enfin, l’amiral Guillaud pointe la double nature du blocage : institutionnel avec le manque de leadership des structures bruxelloises et existentiel avec le manque de leadership politique des États membres qui s’interrogent encore sur le sens et l’objectif de la PSDC. En fait, cette dimen-sion existentielle la plus importante, à mon sens, trouve ses racines dans l’absence de consensus sur une question fondamentale : les défenses nationales de l’Otan épuisent-elles les besoins des Européens en matière de défense et de sécurité ? Ou autrement posée : l’Union européenne doit-elle et peut-elle intervenir comme un ensemble cohérent au sein de l’Otan, voire indépendamment de l’Otan ?

La question se trouve théoriquement dans le Traité de Lisbonne qui décrit assez longue-ment les objectifs et moyens de la PSDC ; mais il subsiste un décalage important entre les objectifs affichés et les réalisations liées à l’absence de consensus réel qui trouve ses origines à la fois dans un manque d’intérêt commun, mais aussi dans la méthode uti-lisée pour la mise en place de la PSDC ; contrairement à la méthode Monnet prônant des projets concrets dans des domaines limités, mais décisifs, la PSDC a progressé à grands coups d’accords politiques aux ambitions parfois sans mesure avec les moyens d’action réels.

On peut d’ailleurs se rappeler que Jacques Delors avait bien perçu les risques d’une telle approche dès les années 1990, lorsqu’il déconseillait la mise en place prématurée, selon lui, d’une politique étrangère européenne et prônait une approche pragmatique d’action commune au cas par cas plus réaliste.

Passons maintenant au pouls stratégique et politique : je vous propose un extrait du discours annuel sur l’état de l’Union que José Manuel Barroso, président de la Commission européenne a prononcé devant le Parlement le 28 septembre dernier, je le cite :

« La politique étrangère de sécurité com-mune doit être renforcée, elle doit être crédible, il faut qu’elle s’appuie sur une dimension de sécurité et de défense com-mune si l’on veut vraiment compter dans le monde. Nous devons faire davantage avec les moyens dont nous disposons ».

Au fond, le président de la Commission exprime la nécessité pour l’Europe de dis-poser de l’ensemble des attributs d’une puissance pour pouvoir peser dans le monde du XXIe siècle. Le monde qui émerge à l’ho-rizon 2025 sera différent, il sera marqué par l’ascension de l’Asie qui représentera 60 % de la population, 30 % de la richesse mon-diale, par l’augmentation des inégalités, par une demande énergétique accrue de 50 % avec un "mix énergétique" dans lequel la Chine avec son charbon et la Russie avec son gaz joueront un rôle accru. L’Europe sera un continent vieilli qui ne représentera plus que 6,5 % de la population, ce sera un

Honneur aux militaires, je propose de com-mencer par cette citation de l’amiral Guil-laud, chef d’État-major des armées fran-çaises (Cema) lors de son audition devant la Commission des affaires étrangères de la défense au Sénat le 11 octobre dernier, il disait :

« S’agissant de l’Europe de la défense, j’ai l’habitude de dire qu’elle est en hibernation. C’est une vue optimiste, puisqu’elle implique qu’il y aura un réveil, un printemps. L’Europe de la défense a manqué le coche de la Libye. Entre militaires européens, nous sommes tous d’accord, mais on ne fera pas l’Europe de la défense sans la volonté des États. J’ajoute que les structures militaires euro-péennes à Bruxelles n’ont montré aucune appétence pour prendre des initiatives ».

Ces propos expriment la désillusion que ressentent de nombreux militaires face aux difficultés opérationnelles et politiques de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Il est vrai que les faits sont sévères. Aucune nouvelle opération militaire n’a été lancée depuis deux ans malgré la détérioration du contexte de sécu-rité dans certaines régions, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient. L’exemple de la situation au Sahel est particulièrement parlant. Depuis des années, l’Europe sait que des menaces en matière de sécurité se développent, incluant le trafic de drogue et la prise d’otages et, plus récemment, un afflux d’armes en provenance de Libye. Les besoins sont aussi largement connus, il faut renforcer la stabilité, la sécurité et le tissu

social local notamment en redéployant les services publics et l’administration et en offrant des conseils et de l’assistance.

Pourtant, malgré ce constat, même une opé-ration purement civile a des difficultés à être lancée, car certains États membres ne fai-saient toujours pas le lien jusqu’à récemment entre cette situation et leur propre sécurité. Cette désillusion n’a été que renforcée par le bilan militaire tiré de l’opération libyenne, qui est également à mettre au passif de la PSDC, alors que l’Union européenne s’est vue offrir par l’Otan un rôle dans l’opéra-tion, l’embargo maritime, elle s’est révélée incapable de jouer un rôle décisif. D’où la conclusion militaire largement perçue que ce qui marche, c’est le bilatéral franco-bri-tannique et pas l’Union européenne.

On sent aussi un certain regret dans les propos du Cema : dans les années 1990, l’échec de l’Europe en Bosnie et au Kosovo avait provoqué un sursaut qui, au fil des ans, avait permis à l’Union européenne de se doter d’un instrument civil et militaire de gestion des crises pleinement opérationnel et d’asseoir sa crédibilité sur la scène inter-nationale. Au total, plus de 20 missions ont été lancées, 80 000 hommes déployés avec de vraies réussites, que ce soit au Tchad, au Congo, ou au large de la Somalie pour com-battre les pirates. L’opération Atalante, même imparfaite, est un succès réel, reconnu et un avantage pour le monde entier, puisqu’il protège les flux de commerces globaux qui empruntent cette zone. Les effets sont clairs et le nombre d’otages pris par les pirates est

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une véritable stratégie en matière de sécu-rité et de défense qui soit à la mesure de sa taille économique et s’appuie sur l’Europe. La volonté de la Pologne de se joindre au groupe franco-allemand est susceptible de renforcer une vision continentale au travers du triangle de Weimar. Le Royaume-Uni a toujours joué un rôle ambivalent, à la fois partie prenante à toutes les avancées majeures depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo, mais aussi très opposé à laisser à la PSDC une réelle autonomie vis-à-vis de l’Otan, notamment s’agissant de la mise en place d’un centre de commandement opérationnel militaire permanent.

Toutes ces positions politiques seront affec-tées par la crise et la réduction des dettes publiques, comme le rappelle José Manuel Barroso, quand il dit qu’il faut faire mieux ensemble. D’évidence, il y a beaucoup à faire. Déjà sans la crise, les budgets de défense étaient passés de 3,5 % du PIB à 1,7 % en 2008, sans compter que ces dépenses ne sont pas toujours bien utilisées. Elles servent majoritairement à entretenir le personnel, 1,8 million de soldats, au détriment des inves-tissements en matériel moderne, moins de 15 % et avec des taux de "projetabilité" très faibles. Enfin, les dépenses sont réparties de manière très inégale au sein de l’Union euro-péenne puisque la France et le Royaume-Uni représentent 50 % des dépenses de défense.

La question est de savoir si ces contraintes budgétaires peuvent en soi justifier un par-tage de souveraineté ou une dépendance par rapport à d’autres États membres. C’est tout

le problème du dossier du Pooling & Sharing qui progresse pas à pas, par exemple en matière de transports aériens. Mais, malgré la pression de la crise, les innovations restent marginales et ne touchent pas le cœur des économies possibles du fait d’un déficit de confiance entre partenaires. Sans prévisibi-lité et confiance concernant l’utilisation des moyens mis en commun, rien de sérieux ne sera possible y compris en matière de déve-loppement de matériel commun.

Le modèle en la matière est certainement l’Accord de Lancaster House puisqu’il repose in fine sur un partage de souverai-neté assumée du fait de l’établissement dans la durée d’un climat de confiance très élevé entre les deux partenaires.

Finalement, il me semble que c’est surtout l’impact de la crise économique sur la dyna-mique politique de la construction européenne autour de la zone euro et des pays qui veulent la suivre, qui sera crucial pour faire avancer la politique de sécurité. La position britannique sera particulièrement importante à la lumière du revirement fondamental que le Gouverne-ment Cameron a effectué en acceptant l’inté-gration du continent sur le plan économique sans le Royaume-Uni, une rupture avec plus de 400 ans de diplomatie britannique. Le Royaume-Uni laissera-t-il le continent pro-gresser vers une union de défense à travers des coopérations permanentes structurées ou renforcées ? Ou bien souhaitera-t-il, au contraire, compenser sa moindre implication dans le domaine économique par un sursaut politique en matière de défense ?

monde dans lequel les États-Unis et l’Union européenne auront probablement perdu leur leadership en matière de technologie. Ce monde sera multipolaire, avec une puis-sance toujours dominante : les États-Unis et un chapelet de puissances moyennes dont une grande partie sera issue de l’actuel groupe des pays émergents, à la tête des-quels se trouveront la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Russie et le Mexique. Contrairement à ce que pensent certains, en particulier en Europe, ce monde post-moderne n’a aucune raison de se développer de manière harmonieuse. Ce serait bien la pre-mière fois que la concurrence pour l’accès à des ressources de plus en plus rares d’explo-ration de nouveaux territoires, que ce soit au fond des mers ou en Arctique, la réorganisation de la puissance au niveau mondial, les inéga-lités croissantes, les différends territoriaux ou la compétition entre plusieurs systèmes éco-nomiques, ne se solderaient pas par des ten-sions géopolitiques. La gestion de ces tensions mobilisera les outils diplomatiques et la gou-vernance multilatérale, mais elle requerra aussi l’usage de la force au travers d’instruments de défense et de gestion des crises.

À cet égard, l’analyse des dépenses mili-taires montre que certains se préparent plus que d’autres à cette situation. Une étude récente du Sipri(2) montre ainsi qu’entre 2001 et 2010, les dépenses militaires ont augmenté de 50 % dans le monde, de 170 % en Asie et de 4 % en Europe.

(2) Stockholm International Peace Research Institute

Pour se préparer au monde de demain, l’Union européenne peut compter sur de nombreux atouts. Elle est une puissance économique respectée qui reste attractive malgré la crise. Elle a le potentiel de devenir une puissance moderne, c’est-à-dire globale, acceptable et coopérative, disposant en matière de sécu-rité d’une capacité d’intervention unique sur l’ensemble du spectre civil et militaire. Je pense qu’au fond les États membres de l’Union européenne sont bien conscients de cette situation, de la nécessité de l’Europe de peser plus en étant plus unie, y compris dans la dimension sécurité. Cette évidence straté-gique est d’ailleurs la grande force du projet européen sur le long terme, face notamment à l’Otan, issu d’un monde bipolaire disparu qui doit considérablement renouveler sa doc-trine stratégique. Mais il est aussi clair que l’action politique reste dominée par les inté-rêts nationaux et ne parvient que difficilement à se caler avec l’analyse stratégique. Comme souvent dans le passé, la dynamique com-mune sera liée à la manière dont les grands pays européens intégreront cette dimension stratégique dans leur position.

La coopération franco-allemande, qui a tou-jours joué un rôle important pour dynamiser la PSDC, doit se renouveler et surmonter la divi-sion sur la Libye. Pour la France, l’enjeu est, à mon sens, de revenir en soutien de la PSDC et de ne pas affecter son capital de crédibilité stratégique, en maintenant un cap engagé depuis quinze ans en faveur d’une PSDC indépendante et crédible. Pour l’Allemagne, le chemin est peut-être plus important, car elle doit gagner en prévisibilité et se construire

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une véritable stratégie en matière de sécu-rité et de défense qui soit à la mesure de sa taille économique et s’appuie sur l’Europe. La volonté de la Pologne de se joindre au groupe franco-allemand est susceptible de renforcer une vision continentale au travers du triangle de Weimar. Le Royaume-Uni a toujours joué un rôle ambivalent, à la fois partie prenante à toutes les avancées majeures depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo, mais aussi très opposé à laisser à la PSDC une réelle autonomie vis-à-vis de l’Otan, notamment s’agissant de la mise en place d’un centre de commandement opérationnel militaire permanent.

Toutes ces positions politiques seront affec-tées par la crise et la réduction des dettes publiques, comme le rappelle José Manuel Barroso, quand il dit qu’il faut faire mieux ensemble. D’évidence, il y a beaucoup à faire. Déjà sans la crise, les budgets de défense étaient passés de 3,5 % du PIB à 1,7 % en 2008, sans compter que ces dépenses ne sont pas toujours bien utilisées. Elles servent majoritairement à entretenir le personnel, 1,8 million de soldats, au détriment des inves-tissements en matériel moderne, moins de 15 % et avec des taux de "projetabilité" très faibles. Enfin, les dépenses sont réparties de manière très inégale au sein de l’Union euro-péenne puisque la France et le Royaume-Uni représentent 50 % des dépenses de défense.

La question est de savoir si ces contraintes budgétaires peuvent en soi justifier un par-tage de souveraineté ou une dépendance par rapport à d’autres États membres. C’est tout

le problème du dossier du Pooling & Sharing qui progresse pas à pas, par exemple en matière de transports aériens. Mais, malgré la pression de la crise, les innovations restent marginales et ne touchent pas le cœur des économies possibles du fait d’un déficit de confiance entre partenaires. Sans prévisibi-lité et confiance concernant l’utilisation des moyens mis en commun, rien de sérieux ne sera possible y compris en matière de déve-loppement de matériel commun.

Le modèle en la matière est certainement l’Accord de Lancaster House puisqu’il repose in fine sur un partage de souverai-neté assumée du fait de l’établissement dans la durée d’un climat de confiance très élevé entre les deux partenaires.

Finalement, il me semble que c’est surtout l’impact de la crise économique sur la dyna-mique politique de la construction européenne autour de la zone euro et des pays qui veulent la suivre, qui sera crucial pour faire avancer la politique de sécurité. La position britannique sera particulièrement importante à la lumière du revirement fondamental que le Gouverne-ment Cameron a effectué en acceptant l’inté-gration du continent sur le plan économique sans le Royaume-Uni, une rupture avec plus de 400 ans de diplomatie britannique. Le Royaume-Uni laissera-t-il le continent pro-gresser vers une union de défense à travers des coopérations permanentes structurées ou renforcées ? Ou bien souhaitera-t-il, au contraire, compenser sa moindre implication dans le domaine économique par un sursaut politique en matière de défense ?

monde dans lequel les États-Unis et l’Union européenne auront probablement perdu leur leadership en matière de technologie. Ce monde sera multipolaire, avec une puis-sance toujours dominante : les États-Unis et un chapelet de puissances moyennes dont une grande partie sera issue de l’actuel groupe des pays émergents, à la tête des-quels se trouveront la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Russie et le Mexique. Contrairement à ce que pensent certains, en particulier en Europe, ce monde post-moderne n’a aucune raison de se développer de manière harmonieuse. Ce serait bien la pre-mière fois que la concurrence pour l’accès à des ressources de plus en plus rares d’explo-ration de nouveaux territoires, que ce soit au fond des mers ou en Arctique, la réorganisation de la puissance au niveau mondial, les inéga-lités croissantes, les différends territoriaux ou la compétition entre plusieurs systèmes éco-nomiques, ne se solderaient pas par des ten-sions géopolitiques. La gestion de ces tensions mobilisera les outils diplomatiques et la gou-vernance multilatérale, mais elle requerra aussi l’usage de la force au travers d’instruments de défense et de gestion des crises.

À cet égard, l’analyse des dépenses mili-taires montre que certains se préparent plus que d’autres à cette situation. Une étude récente du Sipri(2) montre ainsi qu’entre 2001 et 2010, les dépenses militaires ont augmenté de 50 % dans le monde, de 170 % en Asie et de 4 % en Europe.

(2) Stockholm International Peace Research Institute

Pour se préparer au monde de demain, l’Union européenne peut compter sur de nombreux atouts. Elle est une puissance économique respectée qui reste attractive malgré la crise. Elle a le potentiel de devenir une puissance moderne, c’est-à-dire globale, acceptable et coopérative, disposant en matière de sécu-rité d’une capacité d’intervention unique sur l’ensemble du spectre civil et militaire. Je pense qu’au fond les États membres de l’Union européenne sont bien conscients de cette situation, de la nécessité de l’Europe de peser plus en étant plus unie, y compris dans la dimension sécurité. Cette évidence straté-gique est d’ailleurs la grande force du projet européen sur le long terme, face notamment à l’Otan, issu d’un monde bipolaire disparu qui doit considérablement renouveler sa doc-trine stratégique. Mais il est aussi clair que l’action politique reste dominée par les inté-rêts nationaux et ne parvient que difficilement à se caler avec l’analyse stratégique. Comme souvent dans le passé, la dynamique com-mune sera liée à la manière dont les grands pays européens intégreront cette dimension stratégique dans leur position.

La coopération franco-allemande, qui a tou-jours joué un rôle important pour dynamiser la PSDC, doit se renouveler et surmonter la divi-sion sur la Libye. Pour la France, l’enjeu est, à mon sens, de revenir en soutien de la PSDC et de ne pas affecter son capital de crédibilité stratégique, en maintenant un cap engagé depuis quinze ans en faveur d’une PSDC indépendante et crédible. Pour l’Allemagne, le chemin est peut-être plus important, car elle doit gagner en prévisibilité et se construire

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véhicules blindés, les 11 frégates différentes ou nos 3 avions de chasse, alors que, dans le même temps, l’industrie américaine s’est structurée autour de 5 champions : Loc-kheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics, Raytheon.

Niveau stratégique : l’engagement améri-cain croissant dans la région Asie-Pacifique, un certain désengagement de la zone euro-péenne pourrait avoir des conséquences importantes notamment un désalignement des priorités stratégiques entre les deux partenaires. D’une certaine manière, la Libye a failli révéler ces différentes appréciations. Elles auraient éclaté au grand jour si le pré-sident Obama n’avait pas, in fine, choisi de se rallier à la position européenne en faveur d’une action commune.

Si l’on fait, au final, le bilan de ces trois pouls, on peut en tirer une analyse qui fait pencher la balance en faveur d’un réveil possible de la PSDC, comme le suggère l’amiral Guil-laud. La PSDC connaît certes une baisse de régime, mais elle a fait ses preuves opéra-tionnelles et elle a le temps pour elle. Beau-coup dépendra de l’impact des pressions à terme, l’intégration économique accrue de la zone euro, les contraintes budgétaires, mais aussi des pressions externes et de l’évolu-tion stratégique des États-Unis, voire l’émer-gence d’un monde multipolaire en faveur d’une véritable politique de sécurité et de défense indépendante de l’Otan. L’exemple donné par la zone euro montre qu’en cas de crise, l’intégration peut aller très vite et de manière très profonde.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire et attendre la crise salvatrice, au contraire ! L’avenir dépendra d’abord de la convergence des conclusions politiques que les États membres tireront de l’opération libyenne, deux issues sont possibles : soit une démo-tivation, soit un sursaut européen comme à l’issue de la guerre des Balkans.

Il existe déjà des marges de manœuvre de progrès et je suis sûr que les débats qui sui-vront feront émerger des pistes, que ce soit en matière de Pooling & Sharing, de coopé-rations structurées, d’optimisation budgé-taire ou d’amélioration de la réactivité de la PSDC.

Pour ma part, je voudrais vous livrer trois questions qui délimitent des pistes d’action possibles et qui sont applicables à court terme, gardant en mémoire que le contexte politique européen restera dominé par la crise économique, les élections nationales à venir en France et en Allemagne et la montée du populisme. À périmètre constant, il sera bien difficile d’extraire beaucoup de capital politique pour traiter les questions de sécurité et de défense au-delà de l’Afgha-nistan ou de l’Iran.

Ma première question concerne l’émer-gence d’un intérêt commun.

Comment faire émerger un intérêt commun ?

À mon sens, il sera difficile de faire des progrès substantiels en matière de PSDC,

Je ne connais pas la réponse à cette ques-tion, mais je suis sûr d’une chose : c’est en allant de l’avant et en faisant de la PSDC une réussite que l’on maximalise nos chances de voir un jour le Royaume-Uni s’en rapprocher à terme.

Venons-en maintenant au pouls américain.

Voici ce que le secrétaire d’État américain à la défense, Leon Panetta, expliquait le 5 octobre 2011 lors d’une conférence à Bruxelles :

« Des deux côtés de l’Atlantique, beau-coup reconnaissent que le partenariat de défense est à un moment crucial. Mon prédécesseur et ami Bob Gates a profité de son dernier discours en tant que secré-taire d’État à la défense pour émettre un message fort à destination de Bruxelles et de l’Europe à propos de la nécessité de renforcer son engagement en matière de défense et de répartir de manière plus équitable le fardeau de la sécurité avec les États-Unis. »

Ces préoccupations exprimées par nos amis américains ne sont pas si récentes. On pou-vait déjà en discerner les prodromes dans le dernier discours de George Bush en 2008. Cela fait maintenant plusieurs années que les États-Unis expriment non sans arrière-pensée leur souhait de voir l’Europe être plus active, plus responsable et plus entre-prenante pour assurer sa sécurité et celle de ces frontières.

Pour la politique de défense européenne, ces déclarations exercent des pressions à trois niveaux : budgétaire, technologique et stratégique.

Niveau budgétaire : avec la crise et l’ex-plosion des déficits, les États-Unis doivent couper significativement dans les crédits de défense et demandent à l’Europe de participer plus activement à la sécurité commune, que ce soit au travers du Poo-ling & Sharing ou au travers de l’agenda de Smart Defence du secrétaire général de l’Otan.

Niveau technologique : le risque de décro-chage entre l’Europe et les États-Unis appa-raît aussi en filigrane comme un risque. Comment garantir une capacité d’interven-tion commune dans une organisation, l’Otan, où les États-Unis représentent 75 % des dépenses ? Si l’opération libyenne a permis de montrer que globalement les choix et le niveau technologique des Européens étaient à la hauteur, elle a également mis en évi-dence des lacunes importantes, y compris l’incapacité de certaines forces de se joindre à la coalition du fait de l’obsolescence de leur matériel. C’est une question d’inves-tissements R&T, où l’Europe pèse cinq fois moins que les États-Unis et de manière dispersée. Mais c’est aussi une question de politique industrielle. Malgré les succès dans le domaine aéronautique des années 1990, l’industrie européenne n’a pas été suffisamment restructurée, les exemples de programme dupliqués ou incompatibles sont bien connus, que ce soit nos 16 modèles de

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véhicules blindés, les 11 frégates différentes ou nos 3 avions de chasse, alors que, dans le même temps, l’industrie américaine s’est structurée autour de 5 champions : Loc-kheed Martin, Boeing, Northrop Grumman, General Dynamics, Raytheon.

Niveau stratégique : l’engagement améri-cain croissant dans la région Asie-Pacifique, un certain désengagement de la zone euro-péenne pourrait avoir des conséquences importantes notamment un désalignement des priorités stratégiques entre les deux partenaires. D’une certaine manière, la Libye a failli révéler ces différentes appréciations. Elles auraient éclaté au grand jour si le pré-sident Obama n’avait pas, in fine, choisi de se rallier à la position européenne en faveur d’une action commune.

Si l’on fait, au final, le bilan de ces trois pouls, on peut en tirer une analyse qui fait pencher la balance en faveur d’un réveil possible de la PSDC, comme le suggère l’amiral Guil-laud. La PSDC connaît certes une baisse de régime, mais elle a fait ses preuves opéra-tionnelles et elle a le temps pour elle. Beau-coup dépendra de l’impact des pressions à terme, l’intégration économique accrue de la zone euro, les contraintes budgétaires, mais aussi des pressions externes et de l’évolu-tion stratégique des États-Unis, voire l’émer-gence d’un monde multipolaire en faveur d’une véritable politique de sécurité et de défense indépendante de l’Otan. L’exemple donné par la zone euro montre qu’en cas de crise, l’intégration peut aller très vite et de manière très profonde.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire et attendre la crise salvatrice, au contraire ! L’avenir dépendra d’abord de la convergence des conclusions politiques que les États membres tireront de l’opération libyenne, deux issues sont possibles : soit une démo-tivation, soit un sursaut européen comme à l’issue de la guerre des Balkans.

Il existe déjà des marges de manœuvre de progrès et je suis sûr que les débats qui sui-vront feront émerger des pistes, que ce soit en matière de Pooling & Sharing, de coopé-rations structurées, d’optimisation budgé-taire ou d’amélioration de la réactivité de la PSDC.

Pour ma part, je voudrais vous livrer trois questions qui délimitent des pistes d’action possibles et qui sont applicables à court terme, gardant en mémoire que le contexte politique européen restera dominé par la crise économique, les élections nationales à venir en France et en Allemagne et la montée du populisme. À périmètre constant, il sera bien difficile d’extraire beaucoup de capital politique pour traiter les questions de sécurité et de défense au-delà de l’Afgha-nistan ou de l’Iran.

Ma première question concerne l’émer-gence d’un intérêt commun.

Comment faire émerger un intérêt commun ?

À mon sens, il sera difficile de faire des progrès substantiels en matière de PSDC,

Je ne connais pas la réponse à cette ques-tion, mais je suis sûr d’une chose : c’est en allant de l’avant et en faisant de la PSDC une réussite que l’on maximalise nos chances de voir un jour le Royaume-Uni s’en rapprocher à terme.

Venons-en maintenant au pouls américain.

Voici ce que le secrétaire d’État américain à la défense, Leon Panetta, expliquait le 5 octobre 2011 lors d’une conférence à Bruxelles :

« Des deux côtés de l’Atlantique, beau-coup reconnaissent que le partenariat de défense est à un moment crucial. Mon prédécesseur et ami Bob Gates a profité de son dernier discours en tant que secré-taire d’État à la défense pour émettre un message fort à destination de Bruxelles et de l’Europe à propos de la nécessité de renforcer son engagement en matière de défense et de répartir de manière plus équitable le fardeau de la sécurité avec les États-Unis. »

Ces préoccupations exprimées par nos amis américains ne sont pas si récentes. On pou-vait déjà en discerner les prodromes dans le dernier discours de George Bush en 2008. Cela fait maintenant plusieurs années que les États-Unis expriment non sans arrière-pensée leur souhait de voir l’Europe être plus active, plus responsable et plus entre-prenante pour assurer sa sécurité et celle de ces frontières.

Pour la politique de défense européenne, ces déclarations exercent des pressions à trois niveaux : budgétaire, technologique et stratégique.

Niveau budgétaire : avec la crise et l’ex-plosion des déficits, les États-Unis doivent couper significativement dans les crédits de défense et demandent à l’Europe de participer plus activement à la sécurité commune, que ce soit au travers du Poo-ling & Sharing ou au travers de l’agenda de Smart Defence du secrétaire général de l’Otan.

Niveau technologique : le risque de décro-chage entre l’Europe et les États-Unis appa-raît aussi en filigrane comme un risque. Comment garantir une capacité d’interven-tion commune dans une organisation, l’Otan, où les États-Unis représentent 75 % des dépenses ? Si l’opération libyenne a permis de montrer que globalement les choix et le niveau technologique des Européens étaient à la hauteur, elle a également mis en évi-dence des lacunes importantes, y compris l’incapacité de certaines forces de se joindre à la coalition du fait de l’obsolescence de leur matériel. C’est une question d’inves-tissements R&T, où l’Europe pèse cinq fois moins que les États-Unis et de manière dispersée. Mais c’est aussi une question de politique industrielle. Malgré les succès dans le domaine aéronautique des années 1990, l’industrie européenne n’a pas été suffisamment restructurée, les exemples de programme dupliqués ou incompatibles sont bien connus, que ce soit nos 16 modèles de

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

marchés publics et les transferts de matériel de défense constitue un pas important, mais ne sera pas suffisant. Il faut aussi impliquer le développement des technologies duales financées à hauteur d’un milliard par le budget communautaire, renforcer le dialogue avec l’Agence européenne de défense.

C’est d’ailleurs sur la base de cette analyse que le président de la Commission a décidé de lancer une task force au sein de la Commission avec comme mission de renforcer la compé-titivité de la base industrielle européenne de défense. La task force est actuellement en phase d’identification des sujets prioritaires : mise en place des directives sur les marchés publics et transferts de matériel militaire, pro-tection des chaînes d’approvisionnement, financement de technologies duales dans le cadre du septième programme-cadre.

Je voudrais terminer sur un sujet qui n’est pas directement lié à la PSDC, mais qui est un vrai sujet de fond. Il concerne l’esprit de défense, parce que je constate que les enjeux de la défense sont peu compris par les non militaires. Alors, c’est vrai pour les citoyens européens, mais c’est aussi vrai pour les institutions bruxelloises qui ont vraiment des difficultés à comprendre la nécessité d’in-vestir des ressources financières humaines massives en matière de sécurité par simple ignorance, parfois par rejet ou négligence pour un sujet qui appartiendrait à un monde

passé. C’est un vrai problème pour l’action politique d’aujourd’hui et cela le sera encore plus pour l’action politique de demain, car elle compromet in fine la possibilité de défendre les intérêts de l’Union européenne et de ses citoyens. L’articulation entre le monde poli-tique et le monde militaire n’est jamais facile. Mais, dans le cadre des institutions euro-péennes, elle est, de surcroît, handicapée par le fondement même du projet européen qui s’est construit sur les cendres de deux guerres et semble avoir conservé une grande méfiance à l’égard de la force, privilégiant les règles. Cela met en relief deux choses qui seront mes deux derniers commentaires :

Premièrement, saluer le courage des poli-tiques, que ce soient les députés européens ou le président de la Commission, qui mettent de l’énergie et du capital politique pour jus-tement essayer de faire ressortir les enjeux qui sont liés à la défense et à la défense des intérêts de l’Union européenne.

Deuxièmement, il existe un véritable enjeu de formation de la société civile et de créa-tion d’interface entre les acteurs civils et militaires, notamment à Bruxelles où les communautés civiles et militaires se parlent peu et se comprennent encore moins ! Voici en quelque sorte un marché que l’IHEDN pourrait explorer si nécessaire.

Je vous remercie pour votre attention.

Pooling & Sharing et même en matière d’in-dustrie européenne sans l’émergence d’in-térêts communs et de besoins européens cohérents et clairs. La constitution de cet intérêt européen qui résultera de la conver-gence d’intérêts nationaux est un travail de longue haleine. Mais un moyen pour pro-gresser serait de doter l’Union européenne d’une véritable stratégie de sécurité globale qui développerait sa vision du monde, des enjeux en matière de sécurité économique et de défense, qui établirait des priorités, des principes d’action et inclurait l’ensemble des politiques de l’Union européenne depuis le commerce jusqu’à la PSDC en passant par la lutte contre le changement climatique ou la pauvreté. Une telle stratégie permettrait, en outre, de doter l’ensemble des institu-tions européennes d’un discours commun qui mettrait l’accent sur les convergences et permettrait d’être mieux entendus à la fois par nos partenaires et par nos concitoyens.

Deuxième question, deuxième piste.

Comment faire vivre les structures ?

« Sur le long terme, nous serons tous morts », avait l’habitude de dire John May-nard Keynes. À force d’attendre le grand soir, le risque existe de voir disparaître un instru-ment certes imparfait, mais qui a l’avantage d’exister.

C’est pourquoi, il me paraît extrêmement important de continuer à faire vivre la PSDC avec de nouvelles opérations. À cet égard, les développements les plus récents sont promet-

teurs, grâce notamment à l’impulsion donnée par le Triangle de Weimar dont l’un des objec-tifs est justement de faire vivre les structures. Les conclusions toutes récentes du Conseil des affaires étrangères du 1er décembre constituent à cet égard une étape impor-tante en déclinant un programme de travail ambitieux, le Conseil de l’Union européenne a enfin pris les décisions politiques de lancer une nouvelle opération de renforcement des capacités régionales maritimes dans la Corne de l’Afrique – une opération civile avec expertise militaire – et de la sortir d’un centre opérationnel, sorte de mini état-major pour coordonner les différentes opérations lancées dans cette zone. Ces conclusions comportent également un programme de travail pour le haut représentant avec la possibilité d’opéra-tions à venir dans le Sahel et le sud Soudan.

Troisième piste, troisième question.

Comment renforcer la base industrielle européenne ?

Il existe de réelles opportunités pour favoriser le renforcement et l’efficacité des capacités, notamment au travers d’une politique euro-péenne industrielle et d’un marché intérieur plus compétitif.

Actuellement, 22 % des marchés publics au niveau européen en matière de défense com-portent une dimension européenne. D’autre part, les formalités de transfert transfronta-lier de matériel militaire entre États membres coûtent chaque année 400 millions à l’indus-trie. La mise en œuvre des directives sur les

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marchés publics et les transferts de matériel de défense constitue un pas important, mais ne sera pas suffisant. Il faut aussi impliquer le développement des technologies duales financées à hauteur d’un milliard par le budget communautaire, renforcer le dialogue avec l’Agence européenne de défense.

C’est d’ailleurs sur la base de cette analyse que le président de la Commission a décidé de lancer une task force au sein de la Commission avec comme mission de renforcer la compé-titivité de la base industrielle européenne de défense. La task force est actuellement en phase d’identification des sujets prioritaires : mise en place des directives sur les marchés publics et transferts de matériel militaire, pro-tection des chaînes d’approvisionnement, financement de technologies duales dans le cadre du septième programme-cadre.

Je voudrais terminer sur un sujet qui n’est pas directement lié à la PSDC, mais qui est un vrai sujet de fond. Il concerne l’esprit de défense, parce que je constate que les enjeux de la défense sont peu compris par les non militaires. Alors, c’est vrai pour les citoyens européens, mais c’est aussi vrai pour les institutions bruxelloises qui ont vraiment des difficultés à comprendre la nécessité d’in-vestir des ressources financières humaines massives en matière de sécurité par simple ignorance, parfois par rejet ou négligence pour un sujet qui appartiendrait à un monde

passé. C’est un vrai problème pour l’action politique d’aujourd’hui et cela le sera encore plus pour l’action politique de demain, car elle compromet in fine la possibilité de défendre les intérêts de l’Union européenne et de ses citoyens. L’articulation entre le monde poli-tique et le monde militaire n’est jamais facile. Mais, dans le cadre des institutions euro-péennes, elle est, de surcroît, handicapée par le fondement même du projet européen qui s’est construit sur les cendres de deux guerres et semble avoir conservé une grande méfiance à l’égard de la force, privilégiant les règles. Cela met en relief deux choses qui seront mes deux derniers commentaires :

Premièrement, saluer le courage des poli-tiques, que ce soient les députés européens ou le président de la Commission, qui mettent de l’énergie et du capital politique pour jus-tement essayer de faire ressortir les enjeux qui sont liés à la défense et à la défense des intérêts de l’Union européenne.

Deuxièmement, il existe un véritable enjeu de formation de la société civile et de créa-tion d’interface entre les acteurs civils et militaires, notamment à Bruxelles où les communautés civiles et militaires se parlent peu et se comprennent encore moins ! Voici en quelque sorte un marché que l’IHEDN pourrait explorer si nécessaire.

Je vous remercie pour votre attention.

Pooling & Sharing et même en matière d’in-dustrie européenne sans l’émergence d’in-térêts communs et de besoins européens cohérents et clairs. La constitution de cet intérêt européen qui résultera de la conver-gence d’intérêts nationaux est un travail de longue haleine. Mais un moyen pour pro-gresser serait de doter l’Union européenne d’une véritable stratégie de sécurité globale qui développerait sa vision du monde, des enjeux en matière de sécurité économique et de défense, qui établirait des priorités, des principes d’action et inclurait l’ensemble des politiques de l’Union européenne depuis le commerce jusqu’à la PSDC en passant par la lutte contre le changement climatique ou la pauvreté. Une telle stratégie permettrait, en outre, de doter l’ensemble des institu-tions européennes d’un discours commun qui mettrait l’accent sur les convergences et permettrait d’être mieux entendus à la fois par nos partenaires et par nos concitoyens.

Deuxième question, deuxième piste.

Comment faire vivre les structures ?

« Sur le long terme, nous serons tous morts », avait l’habitude de dire John May-nard Keynes. À force d’attendre le grand soir, le risque existe de voir disparaître un instru-ment certes imparfait, mais qui a l’avantage d’exister.

C’est pourquoi, il me paraît extrêmement important de continuer à faire vivre la PSDC avec de nouvelles opérations. À cet égard, les développements les plus récents sont promet-

teurs, grâce notamment à l’impulsion donnée par le Triangle de Weimar dont l’un des objec-tifs est justement de faire vivre les structures. Les conclusions toutes récentes du Conseil des affaires étrangères du 1er décembre constituent à cet égard une étape impor-tante en déclinant un programme de travail ambitieux, le Conseil de l’Union européenne a enfin pris les décisions politiques de lancer une nouvelle opération de renforcement des capacités régionales maritimes dans la Corne de l’Afrique – une opération civile avec expertise militaire – et de la sortir d’un centre opérationnel, sorte de mini état-major pour coordonner les différentes opérations lancées dans cette zone. Ces conclusions comportent également un programme de travail pour le haut représentant avec la possibilité d’opéra-tions à venir dans le Sahel et le sud Soudan.

Troisième piste, troisième question.

Comment renforcer la base industrielle européenne ?

Il existe de réelles opportunités pour favoriser le renforcement et l’efficacité des capacités, notamment au travers d’une politique euro-péenne industrielle et d’un marché intérieur plus compétitif.

Actuellement, 22 % des marchés publics au niveau européen en matière de défense com-portent une dimension européenne. D’autre part, les formalités de transfert transfronta-lier de matériel militaire entre États membres coûtent chaque année 400 millions à l’indus-trie. La mise en œuvre des directives sur les

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Innovation des Accords de Lancaster House (02/11/2010)Alastair CameronChercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS)et au Royal United Services Institute for Defence & Security Studies (Rusi)

Mesdames et messieurs, bonjour.

Je remercie beaucoup l’IHEDN pour cette invitation.

J’ai été appelé pour vous parler de l’inno-vation des Accords de Lancaster House et ce, à un moment donné où l’on attend un peu au tournant ce que va être cette coo-pération franco-britannique. Ces traités ont été signés il y a un an et on a pu voir que le couple franco-britannique exprimé par MM. Sarkozy et Cameron passait par des hauts et des bas en fonction des événements. Mais ces traités de coopération ont quand même été signés après une année riche en concer-tation entre les deux pays.

Au Royaume-Uni, cette stratégie est étroite-ment liée à la sortie du green paper produit sous le gouvernement Labour puis, du Stra-tegic Defence and Security Review (SDSR) sorti sous le gouvernement de coalition actuel qui favorise adaptabilité et partenariat (adap-tability & partnership) comme étant les maîtres mots d’une politique de défense britannique qui anticipe à la fois l’après-Afghanistan

et les effets de coupe budgétaire massive dans leur budget de défense. Le partenariat est alors pour certains une façon de garder la mise, le temps de survivre à une période d’austérité dans le secteur de défense et/ou de se protéger d’un déclassement capacitaire trop important avec le partenaire américain en préservant à deux et ce, avec la France, une capacité d’action que l’on risquerait de perdre pour soi-même. Pour d’autres, c’est une manière de mieux équilibrer le balancier stratégique au moment même où les États-Unis commencent à se désintéresser peut-être du continent européen. Pour d’autres encore, c’est l’appétit sur le plan budgétaire qui prime avec la coopération franco-bri-tannique ouvrant la perspective de faire des économies d’échelle dans notre économie de défense, si nous parvenons à nous entendre à deux sur un investissement commun ou com-plémentaire dans notre politique d’acquisition et d’armement, y compris dans les services, la maintenance et l’entretien.

Pour la France, il s’agit, selon moi, de la suite logique de cette politique de réintégra-tion dans le commandement militaire intégré

Table ronde 1Lancaster House, Lettre de Weimar, regards croisésModérateur : Olivier Jehin, journaliste, Agence Europe

Innovation des Accords de Lancaster House (02/11/2010)Alastair CameronChercheur associé, FRS et Rusi

Dynamique de La lettre de Weimar (06/12/2010)Docteur Holger MahnickePremier conseiller auprès de l’ambassade d’Allemagne en France

Expérience polonaise de La lettre de Weimar (06/12/2010)Justyna ZajacUniversité de Varsovie, membre de la commissiondu Livre blanc sur la défense de la République de Pologne

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Innovation des Accords de Lancaster House (02/11/2010)Alastair CameronChercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS)et au Royal United Services Institute for Defence & Security Studies (Rusi)

Mesdames et messieurs, bonjour.

Je remercie beaucoup l’IHEDN pour cette invitation.

J’ai été appelé pour vous parler de l’inno-vation des Accords de Lancaster House et ce, à un moment donné où l’on attend un peu au tournant ce que va être cette coo-pération franco-britannique. Ces traités ont été signés il y a un an et on a pu voir que le couple franco-britannique exprimé par MM. Sarkozy et Cameron passait par des hauts et des bas en fonction des événements. Mais ces traités de coopération ont quand même été signés après une année riche en concer-tation entre les deux pays.

Au Royaume-Uni, cette stratégie est étroite-ment liée à la sortie du green paper produit sous le gouvernement Labour puis, du Stra-tegic Defence and Security Review (SDSR) sorti sous le gouvernement de coalition actuel qui favorise adaptabilité et partenariat (adap-tability & partnership) comme étant les maîtres mots d’une politique de défense britannique qui anticipe à la fois l’après-Afghanistan

et les effets de coupe budgétaire massive dans leur budget de défense. Le partenariat est alors pour certains une façon de garder la mise, le temps de survivre à une période d’austérité dans le secteur de défense et/ou de se protéger d’un déclassement capacitaire trop important avec le partenaire américain en préservant à deux et ce, avec la France, une capacité d’action que l’on risquerait de perdre pour soi-même. Pour d’autres, c’est une manière de mieux équilibrer le balancier stratégique au moment même où les États-Unis commencent à se désintéresser peut-être du continent européen. Pour d’autres encore, c’est l’appétit sur le plan budgétaire qui prime avec la coopération franco-bri-tannique ouvrant la perspective de faire des économies d’échelle dans notre économie de défense, si nous parvenons à nous entendre à deux sur un investissement commun ou com-plémentaire dans notre politique d’acquisition et d’armement, y compris dans les services, la maintenance et l’entretien.

Pour la France, il s’agit, selon moi, de la suite logique de cette politique de réintégra-tion dans le commandement militaire intégré

Table ronde 1Lancaster House, Lettre de Weimar, regards croisésModérateur : Olivier Jehin, journaliste, Agence Europe

Innovation des Accords de Lancaster House (02/11/2010)Alastair CameronChercheur associé, FRS et Rusi

Dynamique de La lettre de Weimar (06/12/2010)Docteur Holger MahnickePremier conseiller auprès de l’ambassade d’Allemagne en France

Expérience polonaise de La lettre de Weimar (06/12/2010)Justyna ZajacUniversité de Varsovie, membre de la commissiondu Livre blanc sur la défense de la République de Pologne

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

de l’Otan où il est certain que l’Élysée escomptait de la part du Royaume-Uni et des États-Unis un retour positif très fort lié à cette démarche prise sous l’impulsion du président Sarkozy en 2008. Finalement, cela a pris un peu plus de temps du fait des longueurs et des incertitudes attachées à la campagne en Afghanistan et du début de la crise financière à l’automne 2008. Mais la France se trouve pleinement en novembre 2010 là où elle aurait voulu être en avril 2009, à la suite de ces réintégrations, c’est-à-dire à la fois en bonne place et en coo-pération étroite sur le plan militaire avec les Britanniques et les Américains. La Libye concrétise ceci en 2011 et pourrait donner lieu à un renforcement trilatéral très utile à chacun.

Il s’agit d’un traité et non pas d’une lettre d’intention. L’innovation réelle que consti-tuent les accords de coopération défense et sécurité entre la France et le Royaume-Uni font que la relation défense qu’elle institue est largement dépolitisée, pragmatique en termes de coordination et d’identification des synergies opérationnelles et indus-trielles, le tout étant marqué par un traité ayant une valeur juridique plutôt que l’ex-pression d’une volonté politique dont le but est un peu incertain.

À l'heure de l’austérité dans les budgets de défense en Europe, on ne parle plus ici de coopération comme d’une fin en soi ou d’un headline goal ayant vocation à affi-chage politique, mais bien de se donner la possibilité de préserver le tissu des capa-

cités militaires et industrielles de défense de nos deux pays en s’épaulant mutuellement tant dans le domaine logistique qu’opéra-tionnel. Les interdépendances qui peuvent être ainsi envisagées à terme font preuve d’une réelle confiance l’un dans l’autre qui ne peut être que très difficilement étendue à d’autres. Cette confiance vient du fait que Paris et Londres partagent de façon étroite la même conception et la culture de l’emploi de la force militaire. Quoi qu’il advienne de la coopération plus large en Europe, au sein de l’Union européenne comme de l’Otan, tout au moins sur le plan stratégico-mili-taire, les deux pays fondent cet accord sur une acceptation d’une certaine interdépen-dance souveraine qui s’accompagne d’un processus d’autopréservation. L’ensemble des articles figurant dans les traités s’auto-suffit au couple lui-même, la relation ne se remet pas au bon fonctionnement d’autres instances ou au pas de marche d’autres pays pour être concrétisée. L’étendue donc de cette coopération dépendra de l’enga-gement réciproque et volontaire des deux parties de poursuivre cette relation pour que cela marche. Il en sera ainsi sur le long terme, période durant laquelle on pourra être amené à faire l’exploration de tout son potentiel.

Renouveau et refonte de la relation entre la France et la Grande-Bretagne qui portent déjà ses fruits selon moi : celle-ci a été symbolisée par l’adéquation stratégique au niveau exécutif entre le président Sarkozy et le Premier ministre David Cameron tout au long de la campagne en Libye, mais aussi

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de l’Otan où il est certain que l’Élysée escomptait de la part du Royaume-Uni et des États-Unis un retour positif très fort lié à cette démarche prise sous l’impulsion du président Sarkozy en 2008. Finalement, cela a pris un peu plus de temps du fait des longueurs et des incertitudes attachées à la campagne en Afghanistan et du début de la crise financière à l’automne 2008. Mais la France se trouve pleinement en novembre 2010 là où elle aurait voulu être en avril 2009, à la suite de ces réintégrations, c’est-à-dire à la fois en bonne place et en coo-pération étroite sur le plan militaire avec les Britanniques et les Américains. La Libye concrétise ceci en 2011 et pourrait donner lieu à un renforcement trilatéral très utile à chacun.

Il s’agit d’un traité et non pas d’une lettre d’intention. L’innovation réelle que consti-tuent les accords de coopération défense et sécurité entre la France et le Royaume-Uni font que la relation défense qu’elle institue est largement dépolitisée, pragmatique en termes de coordination et d’identification des synergies opérationnelles et indus-trielles, le tout étant marqué par un traité ayant une valeur juridique plutôt que l’ex-pression d’une volonté politique dont le but est un peu incertain.

À l'heure de l’austérité dans les budgets de défense en Europe, on ne parle plus ici de coopération comme d’une fin en soi ou d’un headline goal ayant vocation à affi-chage politique, mais bien de se donner la possibilité de préserver le tissu des capa-

cités militaires et industrielles de défense de nos deux pays en s’épaulant mutuellement tant dans le domaine logistique qu’opéra-tionnel. Les interdépendances qui peuvent être ainsi envisagées à terme font preuve d’une réelle confiance l’un dans l’autre qui ne peut être que très difficilement étendue à d’autres. Cette confiance vient du fait que Paris et Londres partagent de façon étroite la même conception et la culture de l’emploi de la force militaire. Quoi qu’il advienne de la coopération plus large en Europe, au sein de l’Union européenne comme de l’Otan, tout au moins sur le plan stratégico-mili-taire, les deux pays fondent cet accord sur une acceptation d’une certaine interdépen-dance souveraine qui s’accompagne d’un processus d’autopréservation. L’ensemble des articles figurant dans les traités s’auto-suffit au couple lui-même, la relation ne se remet pas au bon fonctionnement d’autres instances ou au pas de marche d’autres pays pour être concrétisée. L’étendue donc de cette coopération dépendra de l’enga-gement réciproque et volontaire des deux parties de poursuivre cette relation pour que cela marche. Il en sera ainsi sur le long terme, période durant laquelle on pourra être amené à faire l’exploration de tout son potentiel.

Renouveau et refonte de la relation entre la France et la Grande-Bretagne qui portent déjà ses fruits selon moi : celle-ci a été symbolisée par l’adéquation stratégique au niveau exécutif entre le président Sarkozy et le Premier ministre David Cameron tout au long de la campagne en Libye, mais aussi

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Selon moi, tenir un grand écart stratégique de ce type ne sera pas facile en l’absence d’efforts conséquents de la part du reste de l’Europe en matière de défense. In fine, affirmer que le lien bilatéral franco-britan-nique à lui seul peut servir à relancer l’Eu-rope de la défense revient à faire le même vœu pieux que d’affirmer que la réintégra-

tion militaire de la France au sein de l’Otan s’accompagnerait d’avancées complémen-taires dans l’Europe de la défense.

En réalité, il n’est ni dans le pouvoir de la France ni dans celui du Royaume-Uni d’ac-corder cette Europe de la défense.il faudrait bien sûr qu’elle le veuille pour elle.

relayée par le binôme des ministres des Affaires étrangères Alain Juppé et William Hague. Au-delà de l’effort commun en Libye, on a assisté à la mise en place également en 2011 des équipes ministérielles qui, de part et d’autre de la Manche, ont tissé des relations au moyen comme au plus haut niveau de la classe politique et militaire, dont les relations sont façonnées par un certain automatisme dans la concertation.

Les Accords de Lancaster House repré-sentent-ils un second souffle pour l’Europe de la défense ou un nouveau point de départ ? C’était la question plus large de ce séminaire aujourd’hui.

Les accords, pour moi, sont plus largement un point de départ qu’un second souffle, à savoir favoriser l’approche bilatérale plutôt que le contexte multilatéral est, en effet fondatrice à plusieurs niveaux et, à l’instar de l’euro, les Britanniques n’ont en réalité aucune priorité à participer à cette Europe de la défense. Depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo, la France et la Grande-Bretagne avaient ensemble, à plusieurs reprises, pris l’initiative de relancer le débat capacitaire entre Européens, que ce soit la constitution de l’Agence européenne de défense, la création des groupements tactiques Battle Groups ou des initiatives pratiques telles que le regrou-pement sur la maintenance et l'entraînement de pilotes d’hélicoptères qu’elles avaient proposé aux partenaires européens à la suite du sommet bilatéral de mars 2008. Vu de Londres, ces efforts n’ayant produit que très peu d’avancées concrètes et employables sur

le terrain, les Britanniques ont largement fait le constat d’échec de la politique de défense de coopération en Europe.

Certains hauts gradés en France faisant pour l’heure le même constat – une opinion formée à la suite des difficultés rencontrées lors du montage de l’opération de l’Union européenne au Tchad et confirmée par la débandade de l’UE face à la crise libyenne – parlent ouvertement d’une période d’hiber-nation pour la PSDC. Le problème annoncé est que la France demeure tiraillée par son souci d’entraîner l’Allemagne et le reste d’une Europe peu ou prou réticente à l’usage de la force armée dans son projet d’Europe de la défense, alors que la Grande-Bretagne, elle, ne s’attend plus à des initiatives d’envergure de la part des Européens.

En tenant un discours qui vise à proposer à d’autres pays leur intégration dans certains aspects pratiques de cette coopération bila-térale, après une période d’ancrage sous direction franco-britannique, afin que les autres pays puissent rattraper le train en marche, la France cherche à satisfaire tout le monde. Certes, le modèle de partenariat renforcé franco-britannique pourrait repré-senter pour d’autres une voie. Une coo-pération accrue de ce type pourrait servir d’émulation au sein de l’UE au travers de la coopération structurée et permanente. Pourquoi pas ? Mais il ne faudrait pas perdre de vue la dimension bilatérale qui, pour le moment, est la seule à permettre un appro-fondissement substantiel de la coopération entre la France et le Royaume-Uni.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Selon moi, tenir un grand écart stratégique de ce type ne sera pas facile en l’absence d’efforts conséquents de la part du reste de l’Europe en matière de défense. In fine, affirmer que le lien bilatéral franco-britan-nique à lui seul peut servir à relancer l’Eu-rope de la défense revient à faire le même vœu pieux que d’affirmer que la réintégra-

tion militaire de la France au sein de l’Otan s’accompagnerait d’avancées complémen-taires dans l’Europe de la défense.

En réalité, il n’est ni dans le pouvoir de la France ni dans celui du Royaume-Uni d’ac-corder cette Europe de la défense.il faudrait bien sûr qu’elle le veuille pour elle.

relayée par le binôme des ministres des Affaires étrangères Alain Juppé et William Hague. Au-delà de l’effort commun en Libye, on a assisté à la mise en place également en 2011 des équipes ministérielles qui, de part et d’autre de la Manche, ont tissé des relations au moyen comme au plus haut niveau de la classe politique et militaire, dont les relations sont façonnées par un certain automatisme dans la concertation.

Les Accords de Lancaster House repré-sentent-ils un second souffle pour l’Europe de la défense ou un nouveau point de départ ? C’était la question plus large de ce séminaire aujourd’hui.

Les accords, pour moi, sont plus largement un point de départ qu’un second souffle, à savoir favoriser l’approche bilatérale plutôt que le contexte multilatéral est, en effet fondatrice à plusieurs niveaux et, à l’instar de l’euro, les Britanniques n’ont en réalité aucune priorité à participer à cette Europe de la défense. Depuis le sommet franco-britannique de Saint-Malo, la France et la Grande-Bretagne avaient ensemble, à plusieurs reprises, pris l’initiative de relancer le débat capacitaire entre Européens, que ce soit la constitution de l’Agence européenne de défense, la création des groupements tactiques Battle Groups ou des initiatives pratiques telles que le regrou-pement sur la maintenance et l'entraînement de pilotes d’hélicoptères qu’elles avaient proposé aux partenaires européens à la suite du sommet bilatéral de mars 2008. Vu de Londres, ces efforts n’ayant produit que très peu d’avancées concrètes et employables sur

le terrain, les Britanniques ont largement fait le constat d’échec de la politique de défense de coopération en Europe.

Certains hauts gradés en France faisant pour l’heure le même constat – une opinion formée à la suite des difficultés rencontrées lors du montage de l’opération de l’Union européenne au Tchad et confirmée par la débandade de l’UE face à la crise libyenne – parlent ouvertement d’une période d’hiber-nation pour la PSDC. Le problème annoncé est que la France demeure tiraillée par son souci d’entraîner l’Allemagne et le reste d’une Europe peu ou prou réticente à l’usage de la force armée dans son projet d’Europe de la défense, alors que la Grande-Bretagne, elle, ne s’attend plus à des initiatives d’envergure de la part des Européens.

En tenant un discours qui vise à proposer à d’autres pays leur intégration dans certains aspects pratiques de cette coopération bila-térale, après une période d’ancrage sous direction franco-britannique, afin que les autres pays puissent rattraper le train en marche, la France cherche à satisfaire tout le monde. Certes, le modèle de partenariat renforcé franco-britannique pourrait repré-senter pour d’autres une voie. Une coo-pération accrue de ce type pourrait servir d’émulation au sein de l’UE au travers de la coopération structurée et permanente. Pourquoi pas ? Mais il ne faudrait pas perdre de vue la dimension bilatérale qui, pour le moment, est la seule à permettre un appro-fondissement substantiel de la coopération entre la France et le Royaume-Uni.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Dynamique de La lettre de WeimarHolger MahnickePremier conseiller auprès de l’ambassade d’Allemagne en France

Je voudrais intervenir au sujet de l’initiative de Weimar. À vrai dire, j’ai un peu hésité lorsque l’on m’a proposé de parler de la dynamique de l’initiative de Weimar !

Comme vous le savez, la lettre des six ministres adressée à la haute représentante date du 6 décembre 2010. La réponse de Lady Ashton est intervenue fin janvier 2011. Nous avons eu ensuite le rapport de la haute représentante en juin 2011, qui a fait l’objet d’un important débat au Conseil en juillet et la dernière étape comporte les conclu-sions du Conseil des affaires étrangères le 1er décembre dernier. J’imagine très bien qu’il ne s’agit pas d’une dynamique telle que la rêverait le président de la République.

Mais soyons sérieux et réalistes, concernant l’évolution de la PSDC, il n’est pas envisa-geable d’obtenir des résultats à court terme. Il faut bien souligner que nous parlons d’une évolution qui touche à la souveraineté des États membres et que cela provoque des réticences évidentes chez certains par-tenaires. De plus, avec la crise de l’euro, l’Europe se trouve actuellement face à des défis exceptionnels. Beaucoup d’autres aspects de l’intégration européenne, y com-pris la PSDC, sont passés au second plan. Nous devons donc faire preuve d’une grande

ténacité pour atteindre nos objectifs dans le domaine de la PSDC.

Aujourd’hui, nous sommes à un tournant : soit nous renforçons notre intégration poli-tique et nous conservons notre pouvoir, soit nous persistons à garder 27 souverai-netés nationales et prenons alors le risque grandissant de perdre notre influence. La défense européenne n’est pas tellement une question de capacité. Elle dépend avant tout du développement d’une politique étrangère et de sécurité européenne et d’une stratégie bien définie.

C’est donc dans ce contexte que s’ins-crit l’initiative de Weimar. Elle a lancé une dynamique au sein de l’Union européenne. Je suis convaincu qu’elle portera ses fruits. Les premiers résultats montrent que nous avançons déjà autant que possible, ainsi comme vous le savez, l’une des propositions de La lettre de Weimar concernait la création d’un quartier-général permanent de l’Union européenne ou, plus précisément, dans le langage européen, la création de capacités permanentes de planification et de conduite civilo-militaire. Cette proposition vise à com-bler les lacunes actuelles qui ont été rele-vées lors d’un séminaire à ce sujet en mai 2011 en Allemagne.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Dynamique de La lettre de WeimarHolger MahnickePremier conseiller auprès de l’ambassade d’Allemagne en France

Je voudrais intervenir au sujet de l’initiative de Weimar. À vrai dire, j’ai un peu hésité lorsque l’on m’a proposé de parler de la dynamique de l’initiative de Weimar !

Comme vous le savez, la lettre des six ministres adressée à la haute représentante date du 6 décembre 2010. La réponse de Lady Ashton est intervenue fin janvier 2011. Nous avons eu ensuite le rapport de la haute représentante en juin 2011, qui a fait l’objet d’un important débat au Conseil en juillet et la dernière étape comporte les conclu-sions du Conseil des affaires étrangères le 1er décembre dernier. J’imagine très bien qu’il ne s’agit pas d’une dynamique telle que la rêverait le président de la République.

Mais soyons sérieux et réalistes, concernant l’évolution de la PSDC, il n’est pas envisa-geable d’obtenir des résultats à court terme. Il faut bien souligner que nous parlons d’une évolution qui touche à la souveraineté des États membres et que cela provoque des réticences évidentes chez certains par-tenaires. De plus, avec la crise de l’euro, l’Europe se trouve actuellement face à des défis exceptionnels. Beaucoup d’autres aspects de l’intégration européenne, y com-pris la PSDC, sont passés au second plan. Nous devons donc faire preuve d’une grande

ténacité pour atteindre nos objectifs dans le domaine de la PSDC.

Aujourd’hui, nous sommes à un tournant : soit nous renforçons notre intégration poli-tique et nous conservons notre pouvoir, soit nous persistons à garder 27 souverai-netés nationales et prenons alors le risque grandissant de perdre notre influence. La défense européenne n’est pas tellement une question de capacité. Elle dépend avant tout du développement d’une politique étrangère et de sécurité européenne et d’une stratégie bien définie.

C’est donc dans ce contexte que s’ins-crit l’initiative de Weimar. Elle a lancé une dynamique au sein de l’Union européenne. Je suis convaincu qu’elle portera ses fruits. Les premiers résultats montrent que nous avançons déjà autant que possible, ainsi comme vous le savez, l’une des propositions de La lettre de Weimar concernait la création d’un quartier-général permanent de l’Union européenne ou, plus précisément, dans le langage européen, la création de capacités permanentes de planification et de conduite civilo-militaire. Cette proposition vise à com-bler les lacunes actuelles qui ont été rele-vées lors d’un séminaire à ce sujet en mai 2011 en Allemagne.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Un autre aspect concerne l’amélioration du concept des groupements tactiques, la formation du groupement tactique dit "de Weimar" en 2013 nous donnera l’occasion de progresser à cet égard.

Enfin, elle traite du développement des capacités européennes, une thématique que la France avait mise en exergue lors de sa présidence en 2008. Dans ce contexte, l’ini-tiative de Gand sur la mutualisation et le par-tage a déjà permis d’engager une réflexion au sein de l’Union.

En conclusion, je souhaite relever deux points.

Premièrement, La lettre de Weimar est une initiative exhaustive et complexe. Elle reste unique dans son caractère et a lancé un pro-cessus au sein de l’Union européenne qui fera évoluer la PSDC et a déjà abouti à de premiers résultats.

Deuxièmement, nous n’avons pas encore épuisé toute la richesse de proposition de La lettre de Weimar et des idées présentées par la haute représentante dans son rapport. Il nous incombe à nous, aux États membres et également à la haute représentante, de conti-nuer à œuvrer pour faire avancer la PSDC.

Merci.

Tout d’abord, le détachement d’un per-sonnel militaire au quartier-général désigné se déroule actuellement sur une base ad hoc causant une perte de temps, d’expertise et de continuité. En revanche, une structure permanente garantirait le développement d’une compétence durable et solide.

Deuxième problème : à chaque nouvelle mission, les relations entre le quartier général militaire désigné et les structures de la PSDC à Bruxelles doivent être renou-velées. Il nous paraît évident que ce pro-cessus pose des limites à la coordination et à l’interaction surtout avec la capacité de planification et de conduite civilo-militaire (la fameuse CPCC) et nous ne sommes pas capables d’exploiter suffisamment l’atout, le véritable atout de l’Union européenne dans ce domaine qui est l’approche glo-bale, ce bon "mix" entre mission militaire et civile.

Qu’est-ce que le Conseil du 1er décembre 2011 a maintenant décidé ? Il a pris la décision, je cite : « d’activer sur une base ad hoc le centre d’opération pour une opération spécifique menée dans le cadre de la PSDC ». Sur cette base, le Conseil convient d’accélérer la planifi-cation relative à l’activation du centre d’opéra-tion pour les opérations menées dans la Corne de l’Afrique au plus tard d’ici le prochain Conseil des affaires étrangères du 30 janvier 2012.

Incontestablement, ce langage technique souligne que nous sommes encore loin de la création d’une structure permanente où la solution ambitieuse d’en parler dans un

rapport est telle que nous l’aurions souhaité à Berlin, mais cela a été refusé par nos amis britanniques.

En revanche, en prévoyant d’activer des structures, qui existent d’ailleurs déjà depuis 2004, mais qui n’ont jamais été utilisées pour les missions de l’Union européenne dans la Corne de l’Afrique, c’est-à-dire la nouvelle mission pour le développement des capacités maritimes régionales et la mission de formation des forces de sécurité soma-liennes, nous franchirons un seuil important. Le Conseil a également décidé d’examiner profondément l’efficacité de l’action de l’Union européenne en matière de planifica-tion et de conduite des missions civiles et militaires. Donc, la proposition d’un quartier-général permanent reste sur la table. Notre but à long terme sera de confier à ce centre d’opérations la planification et la conduite des missions d’une envergure comparable à celle de l’ex-Kosovo et de missions mili-taires similaires à la Kfor de l’Otan. Ainsi, nous pourrons démontrer la pertinence de cette approche.

Mais La lettre de Weimar ne se limite pas à cette idée d’une structure permanente de planification et de conduite civilo-militaire. Elle contient d’autres volets dans la coopé-ration entre l’Union européenne et l’Otan. Il faut trouver des moyens de coopération pratiques afin de contourner les problèmes issus du blocage de l’Accord Berlin Plus, en raison du différend entre la Turquie et Chypre.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Un autre aspect concerne l’amélioration du concept des groupements tactiques, la formation du groupement tactique dit "de Weimar" en 2013 nous donnera l’occasion de progresser à cet égard.

Enfin, elle traite du développement des capacités européennes, une thématique que la France avait mise en exergue lors de sa présidence en 2008. Dans ce contexte, l’ini-tiative de Gand sur la mutualisation et le par-tage a déjà permis d’engager une réflexion au sein de l’Union.

En conclusion, je souhaite relever deux points.

Premièrement, La lettre de Weimar est une initiative exhaustive et complexe. Elle reste unique dans son caractère et a lancé un pro-cessus au sein de l’Union européenne qui fera évoluer la PSDC et a déjà abouti à de premiers résultats.

Deuxièmement, nous n’avons pas encore épuisé toute la richesse de proposition de La lettre de Weimar et des idées présentées par la haute représentante dans son rapport. Il nous incombe à nous, aux États membres et également à la haute représentante, de conti-nuer à œuvrer pour faire avancer la PSDC.

Merci.

Tout d’abord, le détachement d’un per-sonnel militaire au quartier-général désigné se déroule actuellement sur une base ad hoc causant une perte de temps, d’expertise et de continuité. En revanche, une structure permanente garantirait le développement d’une compétence durable et solide.

Deuxième problème : à chaque nouvelle mission, les relations entre le quartier général militaire désigné et les structures de la PSDC à Bruxelles doivent être renou-velées. Il nous paraît évident que ce pro-cessus pose des limites à la coordination et à l’interaction surtout avec la capacité de planification et de conduite civilo-militaire (la fameuse CPCC) et nous ne sommes pas capables d’exploiter suffisamment l’atout, le véritable atout de l’Union européenne dans ce domaine qui est l’approche glo-bale, ce bon "mix" entre mission militaire et civile.

Qu’est-ce que le Conseil du 1er décembre 2011 a maintenant décidé ? Il a pris la décision, je cite : « d’activer sur une base ad hoc le centre d’opération pour une opération spécifique menée dans le cadre de la PSDC ». Sur cette base, le Conseil convient d’accélérer la planifi-cation relative à l’activation du centre d’opéra-tion pour les opérations menées dans la Corne de l’Afrique au plus tard d’ici le prochain Conseil des affaires étrangères du 30 janvier 2012.

Incontestablement, ce langage technique souligne que nous sommes encore loin de la création d’une structure permanente où la solution ambitieuse d’en parler dans un

rapport est telle que nous l’aurions souhaité à Berlin, mais cela a été refusé par nos amis britanniques.

En revanche, en prévoyant d’activer des structures, qui existent d’ailleurs déjà depuis 2004, mais qui n’ont jamais été utilisées pour les missions de l’Union européenne dans la Corne de l’Afrique, c’est-à-dire la nouvelle mission pour le développement des capacités maritimes régionales et la mission de formation des forces de sécurité soma-liennes, nous franchirons un seuil important. Le Conseil a également décidé d’examiner profondément l’efficacité de l’action de l’Union européenne en matière de planifica-tion et de conduite des missions civiles et militaires. Donc, la proposition d’un quartier-général permanent reste sur la table. Notre but à long terme sera de confier à ce centre d’opérations la planification et la conduite des missions d’une envergure comparable à celle de l’ex-Kosovo et de missions mili-taires similaires à la Kfor de l’Otan. Ainsi, nous pourrons démontrer la pertinence de cette approche.

Mais La lettre de Weimar ne se limite pas à cette idée d’une structure permanente de planification et de conduite civilo-militaire. Elle contient d’autres volets dans la coopé-ration entre l’Union européenne et l’Otan. Il faut trouver des moyens de coopération pratiques afin de contourner les problèmes issus du blocage de l’Accord Berlin Plus, en raison du différend entre la Turquie et Chypre.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Expérience polonaisede La lettre de WeimarJustyna ZajacUniversité de Varsovie,membre de la commission du Livre blanc sur la défense de la République de Pologne

Mesdames et messieurs,

Je replacerai l’expérience polonaise de La lettre de Weimar, dans le contexte déjà décrit par M. Mahnicke, de la crise écono-mique et de l’Union européenne, ainsi que des crises politiques rencontrées par cer-tains États. Je veux souligner d’abord que La lettre de Weimar est une confirmation de changements très importants dans la poli-tique de sécurité polonaise. Comme vous le savez, dans les années 1990, la Pologne a fondé sa défense principalement sur l’Otan et sur les États-Unis.

Aujourd’hui, la Pologne veut toujours une présence américaine en Europe, mais depuis 2005-2006, elle a adopté une approche beaucoup plus pro-européenne dans le domaine de la politique de défense et de sécurité. Cela a été rendu très visible après 2007, avec l’avènement d’un gouvernement de coalition polonais. En novembre 2009, une déclaration concernant la sécurité et la défense a été signée entre la Pologne et la France. Dans cette déclaration, les deux pays s’engageaient à développer la coopération entre la Politique de sécurité et de défense

commune (PSDC) et l’Otan considérées comme deux institutions complémentaires ; développer la coopération bilatérale ; ainsi que la coopération pour résoudre les problèmes relatifs à la sécurité européenne et mondiale. Ce document montre clairement l’intention polonaise de s’impliquer activement dans le développement d’une politique commune de sécurité au sein de l’UE. Puis, il y a eu La lettre de Weimar en décembre 2010.

La PSDC est devenue une priorité de la pré-sidence polonaise de l’UE(3), et le ministre de la Défense polonais, M. Bogdan Klich, a fait particulièrement cas de développer la PSDC. Au sujet de cette présidence, cinq points méritent d’être relevés.

Le premier a trait à l’initiative de Pooling and Sharing (P&S). Dans La lettre de Weimar, il est indiqué que les capacités militaires et civiles de l’UE peuvent être mises en commun.

Le deuxième concerne la création des groupements tactiques qui n’ont jamais été employés jusqu’à présent. La Pologne

(3) Du 1er juillet au 31 décembre 2011

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Expérience polonaisede La lettre de WeimarJustyna ZajacUniversité de Varsovie,membre de la commission du Livre blanc sur la défense de la République de Pologne

Mesdames et messieurs,

Je replacerai l’expérience polonaise de La lettre de Weimar, dans le contexte déjà décrit par M. Mahnicke, de la crise écono-mique et de l’Union européenne, ainsi que des crises politiques rencontrées par cer-tains États. Je veux souligner d’abord que La lettre de Weimar est une confirmation de changements très importants dans la poli-tique de sécurité polonaise. Comme vous le savez, dans les années 1990, la Pologne a fondé sa défense principalement sur l’Otan et sur les États-Unis.

Aujourd’hui, la Pologne veut toujours une présence américaine en Europe, mais depuis 2005-2006, elle a adopté une approche beaucoup plus pro-européenne dans le domaine de la politique de défense et de sécurité. Cela a été rendu très visible après 2007, avec l’avènement d’un gouvernement de coalition polonais. En novembre 2009, une déclaration concernant la sécurité et la défense a été signée entre la Pologne et la France. Dans cette déclaration, les deux pays s’engageaient à développer la coopération entre la Politique de sécurité et de défense

commune (PSDC) et l’Otan considérées comme deux institutions complémentaires ; développer la coopération bilatérale ; ainsi que la coopération pour résoudre les problèmes relatifs à la sécurité européenne et mondiale. Ce document montre clairement l’intention polonaise de s’impliquer activement dans le développement d’une politique commune de sécurité au sein de l’UE. Puis, il y a eu La lettre de Weimar en décembre 2010.

La PSDC est devenue une priorité de la pré-sidence polonaise de l’UE(3), et le ministre de la Défense polonais, M. Bogdan Klich, a fait particulièrement cas de développer la PSDC. Au sujet de cette présidence, cinq points méritent d’être relevés.

Le premier a trait à l’initiative de Pooling and Sharing (P&S). Dans La lettre de Weimar, il est indiqué que les capacités militaires et civiles de l’UE peuvent être mises en commun.

Le deuxième concerne la création des groupements tactiques qui n’ont jamais été employés jusqu’à présent. La Pologne

(3) Du 1er juillet au 31 décembre 2011

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

le développement de la PSDC. Nous pen-sons que la Pologne doit être activement impliquée dans le développement d’une coopération renforcée et lutter pour fournir du contenu à la fois en matière de défense mutuelle et sur les clauses de solidarité.

Nous pensons également qu’il est dans l’in-térêt de la Pologne de démarrer le processus d’intégration d’unités militaires, sans lequel aucun progrès fondamental dans le renforce-ment des capacités européennes n’est pos-

sible. Nous voudrions voir l’accord bilatéral qui a été signé entre la France et l’Allemagne, comme le commencement d’une structure permanente de coopération dans le cadre de l’UE, afin que la PSDC se renforce.

Hier, la nouvelle stratégie de défense amé-ricaine a été rendue publique. Elle envisage de diminuer les troupes américaines en Europe et d’être plus présente au Moyen-Orient ainsi qu’en Asie. C’est important pour l’Europe et la PSDC.

a demandé des améliorations comme de pouvoir les utiliser comme forces initiales ; d’y introduire si nécessaire une dimen-sion aérienne et maritime ; de prolonger la période de mise en alerte de ces grou-pements tactiques de 6 à 12 mois. Elle a souhaité également une révision du méca-nisme de financement commun, afin que la contribution financière à ces groupements tactiques ne soit pas le fait seulement des États qui veulent les utiliser, mais de l’UE. La Pologne fera partie des trois futurs grou-pements tactiques. Le premier a fait l’objet d’un accord signé en 2006 par la Pologne, l’Allemagne, la Slovaquie, la Lituanie et la Lettonie. Le 2e accord, également signé en 2006, est appelé "groupement tactique de Weimar". Il regroupe la Pologne, l’Alle-magne et la France et doit commencer à fonctionner en 2013. Il y a également un "groupement tactique des États de Višegrad" qui rassemble la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. La Pologne souhaite faire parti-ciper l’Ukraine à ce groupe qui ne fonction-nera qu’en 2015.

Le troisième point de la politique menée par la présidence polonaise, en matière de PSDC, était de réformer les structures de l’UE dans ce domaine. La Pologne considère qu’il est important de mettre en place un commandement permanent civilo-militaire. Elle a souhaité en outre modifier l’équipe militaire à Bruxelles ainsi que celle du centre opérationnel de l’UE afin de rendre leur fonc-tionnement plus efficace.Le quatrième point était de renforcer la coo-

pération entre l’UE et l’Otan. Une question également très importante, car elle permet de renforçer la coopération entre l’Agence européenne de défense et le Commande-ment allié transformation de l’Otan (ACT).

Le dernier point consistait à développer la politique orientale de l’UE dans le domaine de la sécurité. L’un des postulats était de permettre à des citoyens des pays de l’Est de participer à des cours donnés par le Collège européen de sécurité et de défense (CESD). En septembre 2011, la deuxième réunion du partenariat oriental s’est déroulée à Varsovie. L’une des décisions prise à cette occasion a été d’établir à Varsovie l’Académie pour l’administration du partenariat oriental. La Russie ne fait pas partie de ce partenariat oriental, mais c’est un État très important lorsque l’on parle de sécurité européenne.

En conclusion, je dirais que la Pologne est très activement impliquée dans le déve-loppement de la PSDC. C’est La lettre de Weimar. C’est sa confirmation. Mais c’était également très visible avant. J’ai mentionné la déclaration franco-polonaise de 2009. Cette tendance est également confirmée par le travail en cours du bureau de la sécurité nationale. En décembre 2010, le président polonais a lancé la revue stratégique de sécurité nationale, qui sera prête au prin-temps. Son but est de mener une évaluation étendue des conditions actuelles de la sécu-rité nationale de la Pologne et de dresser des conclusions concernant nos buts stra-tégiques dans le domaine de la sécurité. L’un des buts de cette revue stratégique est

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

le développement de la PSDC. Nous pen-sons que la Pologne doit être activement impliquée dans le développement d’une coopération renforcée et lutter pour fournir du contenu à la fois en matière de défense mutuelle et sur les clauses de solidarité.

Nous pensons également qu’il est dans l’in-térêt de la Pologne de démarrer le processus d’intégration d’unités militaires, sans lequel aucun progrès fondamental dans le renforce-ment des capacités européennes n’est pos-

sible. Nous voudrions voir l’accord bilatéral qui a été signé entre la France et l’Allemagne, comme le commencement d’une structure permanente de coopération dans le cadre de l’UE, afin que la PSDC se renforce.

Hier, la nouvelle stratégie de défense amé-ricaine a été rendue publique. Elle envisage de diminuer les troupes américaines en Europe et d’être plus présente au Moyen-Orient ainsi qu’en Asie. C’est important pour l’Europe et la PSDC.

a demandé des améliorations comme de pouvoir les utiliser comme forces initiales ; d’y introduire si nécessaire une dimen-sion aérienne et maritime ; de prolonger la période de mise en alerte de ces grou-pements tactiques de 6 à 12 mois. Elle a souhaité également une révision du méca-nisme de financement commun, afin que la contribution financière à ces groupements tactiques ne soit pas le fait seulement des États qui veulent les utiliser, mais de l’UE. La Pologne fera partie des trois futurs grou-pements tactiques. Le premier a fait l’objet d’un accord signé en 2006 par la Pologne, l’Allemagne, la Slovaquie, la Lituanie et la Lettonie. Le 2e accord, également signé en 2006, est appelé "groupement tactique de Weimar". Il regroupe la Pologne, l’Alle-magne et la France et doit commencer à fonctionner en 2013. Il y a également un "groupement tactique des États de Višegrad" qui rassemble la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. La Pologne souhaite faire parti-ciper l’Ukraine à ce groupe qui ne fonction-nera qu’en 2015.

Le troisième point de la politique menée par la présidence polonaise, en matière de PSDC, était de réformer les structures de l’UE dans ce domaine. La Pologne considère qu’il est important de mettre en place un commandement permanent civilo-militaire. Elle a souhaité en outre modifier l’équipe militaire à Bruxelles ainsi que celle du centre opérationnel de l’UE afin de rendre leur fonc-tionnement plus efficace.Le quatrième point était de renforcer la coo-

pération entre l’UE et l’Otan. Une question également très importante, car elle permet de renforçer la coopération entre l’Agence européenne de défense et le Commande-ment allié transformation de l’Otan (ACT).

Le dernier point consistait à développer la politique orientale de l’UE dans le domaine de la sécurité. L’un des postulats était de permettre à des citoyens des pays de l’Est de participer à des cours donnés par le Collège européen de sécurité et de défense (CESD). En septembre 2011, la deuxième réunion du partenariat oriental s’est déroulée à Varsovie. L’une des décisions prise à cette occasion a été d’établir à Varsovie l’Académie pour l’administration du partenariat oriental. La Russie ne fait pas partie de ce partenariat oriental, mais c’est un État très important lorsque l’on parle de sécurité européenne.

En conclusion, je dirais que la Pologne est très activement impliquée dans le déve-loppement de la PSDC. C’est La lettre de Weimar. C’est sa confirmation. Mais c’était également très visible avant. J’ai mentionné la déclaration franco-polonaise de 2009. Cette tendance est également confirmée par le travail en cours du bureau de la sécurité nationale. En décembre 2010, le président polonais a lancé la revue stratégique de sécurité nationale, qui sera prête au prin-temps. Son but est de mener une évaluation étendue des conditions actuelles de la sécu-rité nationale de la Pologne et de dresser des conclusions concernant nos buts stra-tégiques dans le domaine de la sécurité. L’un des buts de cette revue stratégique est

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Graham MUIRChef de l’unité Planning Policy, Agence européenne de défense

Merci à l’IHEDN de m’avoir invité aujourd’hui.

On m’a demandé d’intervenir brièvement. Je voudrais juste évoquer trois points :• brosser le contexte stratégique ;• essayer d’expliquer comment l’Agence

européenne de défense (AED) va aider nos 26(4) États à coopérer et fournir des capa-cités militaires ;

• esquisser les deux ou trois défis que j’en-visage.

Le contexte stratégique d’abord. Vous êtes probablement familiers avec ces chiffres, mais en termes globaux, les budgets de défense des membres de l’UE pris collecti-vement, ont été réduits au cours de ces dix dernières années de 50 % et cette tendance devrait perdurer. Le budget du Royaume-Uni va être réduit de 8 %. Vous savez sans doute mieux que moi ce qu’il adviendra du budget français après les élections de mai. Il devrait également être réduit. Les deux budgets majeurs de l’Union subissent donc des réduc-tions, et cette tendance devrait continuer. Afin de contrer cette réduction des dépenses militaires, l’ambition générale de l’UE n’a pas diminué. D’un côté, vous avez ce haut niveau d’ambition, de l’autre une capacité apparente d’y répondre. Toutefois, les États-Unis ont mené une partie des opérations en Libye. Sans eux, je ne dis pas que l’UE n’aurait

(4) Le Danemark ne fait pas partie de l’AED

pas pu conduire les opérations en Libye, elle l’aurait fait, mais les opérations auraient pu durer plus longtemps et elles auraient dû être menées de façon différente. Donc, nous avons ce problème. L’une des réponses semble être de faire plus ensemble. Et c’est ce que fait l’Agence européenne de défense (AED).

Ce que nous essayons de faire depuis le début c’est du Pooling and Sharing (P&S), une expression valise reprise par tout le monde depuis le sommet informel de Gand en 2010. Mais l’AED fait cela depuis 2004-2005. Les États membres mutualisent leurs investissements, assez modestes, leur budget est seulement de 30,5 millions d’euros et ils partagent leur production. L’AED a une façon de travailler "à la carte", ce qui signifie que l'ensemble des 26 États membres n’ont pas besoin d’être partie pre-nante de tous les projets que nous menons. Nous n’avons besoin que d’être deux pour lancer une opération. Les autres peuvent se joindre au fur et à mesure. Nous disposons de ce mécanisme très flexible. Nous parta-geons les mêmes intérêts stratégiques, les mêmes insuffisances de capacités opéra-tionnelles. Nous les regroupons dans notre cadre et nous essayons de livrer une capa-cité. Nous facilitons et stimulons la coopé-ration. Vous pourriez soutenir qu’avec un budget annuel de 30,5 millions d’euros, vous ne pouvez pas livrer grand-chose. Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Le travail

Table ronde 2Construction des capacités européennesModérateur : Olivier Jehin, journaliste, Agence Europe

Graham MuirChef de l’unité Planning Policy, Agence européenne de défense

Ingénieur général de l’armement Yves CalecaDGA/DS, sous-directeur de la coopération et du développement inter-national

Arnaud MigouxDélégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense,chef du bureau Union européenne

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Graham MUIRChef de l’unité Planning Policy, Agence européenne de défense

Merci à l’IHEDN de m’avoir invité aujourd’hui.

On m’a demandé d’intervenir brièvement. Je voudrais juste évoquer trois points :

• brosser le contexte stratégique ;• essayer d’expliquer comment l’Agence

européenne de défense (AED) va aider nos 26(4) États à coopérer et fournir des capa-cités militaires ;

• esquisser les deux ou trois défis que j’envisage.

Le contexte stratégique d’abord. Vous êtes probablement familiers avec ces chiffres, mais en termes globaux, les budgets de défense des membres de l’UE pris collecti-vement, ont été réduits au cours de ces dix dernières années de 50 % et cette tendance devrait perdurer. Le budget du Royaume-Uni va être réduit de 8 %. Vous savez sans doute mieux que moi ce qu’il adviendra du budget français après les élections de mai. Il devrait également être réduit. Les deux budgets majeurs de l’Union subissent donc des réduc-tions, et cette tendance devrait continuer. Afin de contrer cette réduction des dépenses militaires, l’ambition générale de l’UE n’a pas diminué. D’un côté, vous avez ce haut niveau d’ambition, de l’autre une capacité apparente d’y répondre. Toutefois, les États-Unis ont mené une partie des opérations en Libye. Sans eux, je ne dis pas que l’UE n’aurait

(4) Le Danemark ne fait pas partie de l’AED

pas pu conduire les opérations en Libye, elle l’aurait fait, mais les opérations auraient pu durer plus longtemps et elles auraient dû être menées de façon différente. Donc, nous avons ce problème. L’une des réponses semble être de faire plus ensemble. Et c’est ce que fait l’Agence européenne de défense (AED).

Ce que nous essayons de faire depuis le début c’est du Pooling and Sharing (P&S), une expression valise reprise par tout le monde depuis le sommet informel de Gand en 2010. Mais l’AED fait cela depuis 2004-2005. Les États membres mutualisent leurs investissements, assez modestes, leur budget est seulement de 30,5 millions d’euros et ils partagent leur production. L’AED a une façon de travailler "à la carte", ce qui signifie que l'ensemble des 26 États membres n’ont pas besoin d’être partie pre-nante de tous les projets que nous menons. Nous n’avons besoin que d’être deux pour lancer une opération. Les autres peuvent se joindre au fur et à mesure. Nous disposons de ce mécanisme très flexible. Nous parta-geons les mêmes intérêts stratégiques, les mêmes insuffisances de capacités opéra-tionnelles. Nous les regroupons dans notre cadre et nous essayons de livrer une capa-cité. Nous facilitons et stimulons la coopé-ration. Vous pourriez soutenir qu’avec un budget annuel de 30,5 millions d’euros, vous ne pouvez pas livrer grand-chose. Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Le travail

Table ronde 2Construction des capacités européennesModérateur : Olivier Jehin, journaliste, Agence Europe

Graham MuirChef de l’unité Planning Policy, Agence européenne de défense

Ingénieur général de l’armement Yves CalecaDGA/DS, sous-directeur de la coopération et du développement inter-national

Arnaud MigouxDélégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense,chef du bureau Union européenne

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

effectué au sein de l’agence génère entre 100 et 250 millions d’euros de travail par an. Si notre budget est faible, le rendement généré est exponentiellement significatif. Il y a juste un an, à Gand, suivant une ini-tiative germano-suédoise, les ministres de la Défense ont déclaré que nous devions en faire plus ensemble. Il y a six mois, nous avons formé un groupe de travail afin de fournir des résultats à l’automne 2011. Ce que nous avons fait. Le 30 novembre 2011, au comité de direction des ministres de la Défense, le chef de l’agence a pré-senté une série de propositions, de projets, qui ont reçu le soutien de la part des États membres. Notre travail a été facilité par des experts externes – dont je suis heureux que l’un d'entre eux, un Français, François Lureau, soit ici aujourd’hui parmi nous. Nous avons mis sur la table onze projets, chacun attirant des engagements fermes de la part des États membres. Il nous a été demandé de livrer plus de projets lors de la prochaine réunion qui devrait se tenir en mars.

Le troisième point que je voudrais aborder, ce sont les défis. Pourquoi est-ce si difficile ? Ce n’est pas la première fois que des États membres de l’Otan ou de l’UE, ou des deux essayent de rassembler leurs capacités mili-taires afin de les améliorer collectivement : Defense Capabilities Initiative (DCI) de l’Otan ; force de réaction rapide de l’Otan ; groupe-ments tactiques de l’UE, etc. Il y a eu énormé-ment d’initiatives. Mais franchement, jusqu’à présent, les résultats ont été modestes. Il y a des raisons légitimes à cela.

Les États membres sont manifestement un peu inquiets de subir une perte de souve-raineté ou d’autonomie, lorsqu’ils mutua-lisent et partagent (Pooling and Sharing). C’est ce que j’appelle l’assurance de dis-ponibilité. Si vous mettez en commun et partagez une capacité, pouvez-vous avoir la garantie d’avoir accès à cette capacité lorsque le besoin opérationnel se présente ? Ce sont des préoccupations légitimes. Mais elles peuvent trouver une solution. Si vous regardez le Traité franco-britannique par exemple, des mesures ont été prises. Ce traité engage légalement les deux États. Les Belges et les Hollandais partagent la mainte-nance de leur flotte navale. Il y a des façons de faire. Donc la souveraineté, l’autonomie, sont de réelles préoccupations, qui peuvent toutefois être surmontées.

Un autre défi est celui de la volonté politique. Je pense que si l’on faisait un sondage à tra-vers l’Europe, vous constateriez sans doute que, dans la plupart des pays d’Europe, la défense n’est pas le sujet de préoccupation numéro un des populations. En termes de sécurité, c’est peut-être une préoccupation. Mais je pense que les gens sont généra-lement plus préoccupés par les questions intérieures : santé, éducation, transports, environnement. Cela signifie qu’en général, les 26 États membres participant à notre agence, ont un combat de plus en plus dif-ficile à mener pour conserver une part du budget gouvernemental. Mais finalement, ce n’est pas tant une question quantitative de taille de budget. Le budget collectif des 26 États membres consacré à la défense est

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effectué au sein de l’agence génère entre 100 et 250 millions d’euros de travail par an. Si notre budget est faible, le rendement généré est exponentiellement significatif. Il y a juste un an, à Gand, suivant une ini-tiative germano-suédoise, les ministres de la Défense ont déclaré que nous devions en faire plus ensemble. Il y a six mois, nous avons formé un groupe de travail afin de fournir des résultats à l’automne 2011. Ce que nous avons fait. Le 30 novembre 2011, au comité de direction des ministres de la Défense, le chef de l’agence a pré-senté une série de propositions, de projets, qui ont reçu le soutien de la part des États membres. Notre travail a été facilité par des experts externes – dont je suis heureux que l’un d'entre eux, un Français, François Lureau, soit ici aujourd’hui parmi nous. Nous avons mis sur la table onze projets, chacun attirant des engagements fermes de la part des États membres. Il nous a été demandé de livrer plus de projets lors de la prochaine réunion qui devrait se tenir en mars.

Le troisième point que je voudrais aborder, ce sont les défis. Pourquoi est-ce si difficile ? Ce n’est pas la première fois que des États membres de l’Otan ou de l’UE, ou des deux essayent de rassembler leurs capacités mili-taires afin de les améliorer collectivement : Defense Capabilities Initiative (DCI) de l’Otan ; force de réaction rapide de l’Otan ; groupe-ments tactiques de l’UE, etc. Il y a eu énormé-ment d’initiatives. Mais franchement, jusqu’à présent, les résultats ont été modestes. Il y a des raisons légitimes à cela.

Les États membres sont manifestement un peu inquiets de subir une perte de souve-raineté ou d’autonomie, lorsqu’ils mutua-lisent et partagent (Pooling and Sharing). C’est ce que j’appelle l’assurance de dis-ponibilité. Si vous mettez en commun et partagez une capacité, pouvez-vous avoir la garantie d’avoir accès à cette capacité lorsque le besoin opérationnel se présente ? Ce sont des préoccupations légitimes. Mais elles peuvent trouver une solution. Si vous regardez le Traité franco-britannique par exemple, des mesures ont été prises. Ce traité engage légalement les deux États. Les Belges et les Hollandais partagent la mainte-nance de leur flotte navale. Il y a des façons de faire. Donc la souveraineté, l’autonomie, sont de réelles préoccupations, qui peuvent toutefois être surmontées.

Un autre défi est celui de la volonté politique. Je pense que si l’on faisait un sondage à tra-vers l’Europe, vous constateriez sans doute que, dans la plupart des pays d’Europe, la défense n’est pas le sujet de préoccupation numéro un des populations. En termes de sécurité, c’est peut-être une préoccupation. Mais je pense que les gens sont généra-lement plus préoccupés par les questions intérieures : santé, éducation, transports, environnement. Cela signifie qu’en général, les 26 États membres participant à notre agence, ont un combat de plus en plus dif-ficile à mener pour conserver une part du budget gouvernemental. Mais finalement, ce n’est pas tant une question quantitative de taille de budget. Le budget collectif des 26 États membres consacré à la défense est

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Yves CalecaDirection générale de l'armement /Direction de la stratégieSous-directeur de la coopération et du développement international

D’abord, merci de me donner l’occasion d’intervenir devant cette assemblée.

La coopération en matière d’armement est très volontiers introduite, ces derniers temps, avec un point de vue assez triste : la coopé-ration stagne, c’est un fait, elle n’est pas allée vers tout ce que l’on espérait, il n’y a pas si longtemps, en matière de construction euro-péenne d’armement. Mais, du fait de la crise, de la pression financière considérable, des contraintes que nous avons, nous sommes obligés de faire des efforts de coopération. Cela va donc développer la coopération.

Un point tout à fait positif, depuis un an, c’est le mouvement créé par la coopération franco-britannique déjà largement évoquée ce matin. C’est la dynamique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Une coopé-ration qui, certes, a stagné ou décru, mais qui, de fait, est dans un mouvement où il y a une exigence d’en faire plus. Cette exigence, ce Pooling and Sharing, cette mutualisation et ce partage, qu’en est-il du point de vue d’un ingénieur ? Quelles sont les dynamiques à l’œuvre ? Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans le paradoxe extraordinaire où nous réduisons nos budgets de défense en Europe à un moment où, de toute évidence, le contexte est celui d’un monde dangereux avec des instabilités qui sont largement en développement. L’exigence de regrouper et

de mutualiser nos capacités est bien réelle et profonde. Quand je dis nos capacités, ce sont des capacités étatiques et des capacités industrielles qui sont les composantes à part entière de la capacité de défense.

Pour commencer par ce qui se passe dans le cadre européen, il faut souligner tout ce travail d’identification de sujets, de besoins militaires au travers du terme de Pooling and Sharing engagé à l’Agence européenne de défense (AED) et aussi de façon parallèle à l’Otan, particulièrement sous le pilotage de ACT(5), dans la thématique Smart Defence. Tout ce travail relance de fait une dynamique de convergence des besoins militaires dans un cadre multinational avec un mélange de sujets modestes ou d’autres beaucoup plus ambitieux, avec des regroupements de pays, des coopérations à la carte, au cas par cas. Parmi ces sujets qui émergent, il y a des mutualisations de matériel existant et aussi des projets d’acquisition.

Aujourd’hui, il y a floraison de thèmes. Si l’on ajoute les thèmes qui émergent à ACT et ceux à l’AED, une cinquantaine de sujets sont entre nos mains. Parmi eux, certains vont mourir, d’autres se préciser et être lancés dans les prochains mois. Une dyna-mique est incontestablement à l’œuvre.

(5) Allied Command Transformation-Nato

de 200 milliards d’euros. Pour 200 milliards d’euros, vous pourriez penser que l’UE pour-rait faire un peu plus que ce qu’elle fait. Vous pourriez penser que les 26 États pourraient déployer plus de 66 000 troupes sur un total de 1,6 million d’hommes en uniforme que nous comptons en Europe. Ce n’est pas qu’une question d’argent. C’est une ques-tion de volonté politique.

C’est aussi une question de difficulté structu-relle. Il est intéressant de comparer l’Europe avec les États-Unis. L’Europe dépense 50 % de son budget de défense en personnel,

alors que les États-Unis y consacrent 25 %. Et cela va se réduire encore un peu plus. Donc le Pooling and Sharing n’est pas une panacée qui va soigner tous les problèmes de l’Europe en une nuit ou même au cours des deux trois ans à venir. Collectivement, nos ministres doivent examiner la façon dont ils dépensent leur argent, et l’investissent. Y a-t-il des moyens de mieux dépenser ? Peut-on contracter avec des services à l’extérieur ? Réduire le personnel ? Rationa-liser ? Il y a beaucoup d’argent consacré au soutien qui pourrait être externalisé. Ce ne sont que des idées.

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Yves CalecaDirection générale de l'armement /Direction de la stratégieSous-directeur de la coopération et du développement international

D’abord, merci de me donner l’occasion d’intervenir devant cette assemblée.

La coopération en matière d’armement est très volontiers introduite, ces derniers temps, avec un point de vue assez triste : la coopé-ration stagne, c’est un fait, elle n’est pas allée vers tout ce que l’on espérait, il n’y a pas si longtemps, en matière de construction euro-péenne d’armement. Mais, du fait de la crise, de la pression financière considérable, des contraintes que nous avons, nous sommes obligés de faire des efforts de coopération. Cela va donc développer la coopération.

Un point tout à fait positif, depuis un an, c’est le mouvement créé par la coopération franco-britannique déjà largement évoquée ce matin. C’est la dynamique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Une coopé-ration qui, certes, a stagné ou décru, mais qui, de fait, est dans un mouvement où il y a une exigence d’en faire plus. Cette exigence, ce Pooling and Sharing, cette mutualisation et ce partage, qu’en est-il du point de vue d’un ingénieur ? Quelles sont les dynamiques à l’œuvre ? Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans le paradoxe extraordinaire où nous réduisons nos budgets de défense en Europe à un moment où, de toute évidence, le contexte est celui d’un monde dangereux avec des instabilités qui sont largement en développement. L’exigence de regrouper et

de mutualiser nos capacités est bien réelle et profonde. Quand je dis nos capacités, ce sont des capacités étatiques et des capacités industrielles qui sont les composantes à part entière de la capacité de défense.

Pour commencer par ce qui se passe dans le cadre européen, il faut souligner tout ce travail d’identification de sujets, de besoins militaires au travers du terme de Pooling and Sharing engagé à l’Agence européenne de défense (AED) et aussi de façon parallèle à l’Otan, particulièrement sous le pilotage de ACT(5), dans la thématique Smart Defence. Tout ce travail relance de fait une dynamique de convergence des besoins militaires dans un cadre multinational avec un mélange de sujets modestes ou d’autres beaucoup plus ambitieux, avec des regroupements de pays, des coopérations à la carte, au cas par cas. Parmi ces sujets qui émergent, il y a des mutualisations de matériel existant et aussi des projets d’acquisition.

Aujourd’hui, il y a floraison de thèmes. Si l’on ajoute les thèmes qui émergent à ACT et ceux à l’AED, une cinquantaine de sujets sont entre nos mains. Parmi eux, certains vont mourir, d’autres se préciser et être lancés dans les prochains mois. Une dyna-mique est incontestablement à l’œuvre.

(5) Allied Command Transformation-Nato

de 200 milliards d’euros. Pour 200 milliards d’euros, vous pourriez penser que l’UE pour-rait faire un peu plus que ce qu’elle fait. Vous pourriez penser que les 26 États pourraient déployer plus de 66 000 troupes sur un total de 1,6 million d’hommes en uniforme que nous comptons en Europe. Ce n’est pas qu’une question d’argent. C’est une ques-tion de volonté politique.

C’est aussi une question de difficulté structu-relle. Il est intéressant de comparer l’Europe avec les États-Unis. L’Europe dépense 50 % de son budget de défense en personnel,

alors que les États-Unis y consacrent 25 %. Et cela va se réduire encore un peu plus. Donc le Pooling and Sharing n’est pas une panacée qui va soigner tous les problèmes de l’Europe en une nuit ou même au cours des deux trois ans à venir. Collectivement, nos ministres doivent examiner la façon dont ils dépensent leur argent, et l’investissent. Y a-t-il des moyens de mieux dépenser ? Peut-on contracter avec des services à l’extérieur ? Réduire le personnel ? Rationa-liser ? Il y a beaucoup d’argent consacré au soutien qui pourrait être externalisé. Ce ne sont que des idées.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

À côté de ce travail sur les besoins, on voit s’affirmer – c’est une évolution assez natu-relle – la nécessité d’autres axes d’effort pour bâtir les coopérations futures sur les problèmes d’armement. J’en cite quelques-uns qu’il y a matière à approfondir et déve-lopper : dans le domaine de la recherche et technologie (R&T), il est nécessaire de lancer une politique de démonstrateur, c’est un thème important. Autre évidence qui revient à la surface : il est nécessaire d’inciter les États à se doter d’une planification à long terme, à dix ans, car elle manque toujours. Il faut bannir les duplications. Un effort parmi d’autres, mais particulièrement sensible, c’est la nécessité absolue d’harmoniser les pratiques de qualification en matière de coopération. Dans les grandes thématiques, il faut favoriser les rapprochements indus-triels.

D’autres questions reviennent également : celles des instruments qui vont nous aider à favoriser ces coopérations, et en particulier les instruments financiers. Tout un débat est en train de se rebâtir sur ces sujets-là dans les cadres multinationaux.

La coopération franco-britannique a pris une longueur d’avance sur ces questions, en engageant dans la partie où se situe le Traité de Lancaster House à la fois un programme de R&T consistant, des programmes d’ar-mements et des travaux d’intégration indus-trielle. Je ne parle que du volet armement. Dans les démarches engagées dans cette coopération franco-britannique, nous avons vu en particulier comment la coopération

d’armement était en train de changer fonda-mentalement de visage. Elle est passée à un schéma où la coopération s’entend comme une recherche de mutuelle dépendance entre les industries des différents pays. Ce n’est pas qu’un mot, nous sommes large-ment au-delà des coopérations classiques où il s’agissait certes de faire des écono-mies, mais, en même temps, où l’on bâtis-sait des doublons en terme de compétences entre les pays coopérants, ce qui a mené à des duplications de capacité industrielle assez fréquentes. Un jeu bien connu consis-tait au travers des coopérations à acquérir les compétences que l’on n’avait pas et qui étaient chez le voisin européen. Nous ne sommes plus du tout dans ce schéma-là. La démarche engagée désormais est une démarche de création de dépendance mutuelle. Cela ne se conçoit qu’au travers d’engagements très forts des États et des industriels, car ce sont évidemment des dépendances qui s’organisent dans la durée.

Quel que soit le format de coopération (à deux ou à plusieurs), nous avons à notre dis-position des structures de coopération bien rodées pour conduire ces affaires de coopé-ration d’armement. C’est un atout. Pour les citer rapidement, il s’agit de :

• l’Agence européenne de défense, avec sa capacité de préparer des programmes futurs dans toutes les composantes et capacités ;

• l’Occar(6) pour conduire le programme une fois qu’il est décidé ;

(6) Organisation conjointe de coopération en matière d’armement

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

À côté de ce travail sur les besoins, on voit s’affirmer – c’est une évolution assez natu-relle – la nécessité d’autres axes d’effort pour bâtir les coopérations futures sur les problèmes d’armement. J’en cite quelques-uns qu’il y a matière à approfondir et déve-lopper : dans le domaine de la recherche et technologie (R&T), il est nécessaire de lancer une politique de démonstrateur, c’est un thème important. Autre évidence qui revient à la surface : il est nécessaire d’inciter les États à se doter d’une planification à long terme, à dix ans, car elle manque toujours. Il faut bannir les duplications. Un effort parmi d’autres, mais particulièrement sensible, c’est la nécessité absolue d’harmoniser les pratiques de qualification en matière de coopération. Dans les grandes thématiques, il faut favoriser les rapprochements indus-triels.

D’autres questions reviennent également : celles des instruments qui vont nous aider à favoriser ces coopérations, et en particulier les instruments financiers. Tout un débat est en train de se rebâtir sur ces sujets-là dans les cadres multinationaux.

La coopération franco-britannique a pris une longueur d’avance sur ces questions, en engageant dans la partie où se situe le Traité de Lancaster House à la fois un programme de R&T consistant, des programmes d’ar-mements et des travaux d’intégration indus-trielle. Je ne parle que du volet armement. Dans les démarches engagées dans cette coopération franco-britannique, nous avons vu en particulier comment la coopération

d’armement était en train de changer fonda-mentalement de visage. Elle est passée à un schéma où la coopération s’entend comme une recherche de mutuelle dépendance entre les industries des différents pays. Ce n’est pas qu’un mot, nous sommes large-ment au-delà des coopérations classiques où il s’agissait certes de faire des écono-mies, mais, en même temps, où l’on bâtis-sait des doublons en terme de compétences entre les pays coopérants, ce qui a mené à des duplications de capacité industrielle assez fréquentes. Un jeu bien connu consis-tait au travers des coopérations à acquérir les compétences que l’on n’avait pas et qui étaient chez le voisin européen. Nous ne sommes plus du tout dans ce schéma-là. La démarche engagée désormais est une démarche de création de dépendance mutuelle. Cela ne se conçoit qu’au travers d’engagements très forts des États et des industriels, car ce sont évidemment des dépendances qui s’organisent dans la durée.

Quel que soit le format de coopération (à deux ou à plusieurs), nous avons à notre dis-position des structures de coopération bien rodées pour conduire ces affaires de coopé-ration d’armement. C’est un atout. Pour les citer rapidement, il s’agit de :

• l’Agence européenne de défense, avec sa capacité de préparer des programmes futurs dans toutes les composantes et capacités ;

• l’Occar(6) pour conduire le programme une fois qu’il est décidé ;

(6) Organisation conjointe de coopération en matière d’armement

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Peut-il véritablement y avoir complémentarité entre les approches capacitaires à l’UE et à l’Otan ?Arnaud MIGOUXDélégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense (DAS)Chef du bureau Union européenne

Les coupes sans précédent et non coor-données dans les budgets de défense de la majorité des États membres de l’Union européenne, en particulier en matière de recherche et technologies (R&T), rendent l’abandon de capacités au niveau national inévitable. Dans ce contexte, la mutualisa-tion et le partage de capacités ne sont plus une option, mais une nécessité. Ce constat a été fait tant à l’UE qu’à l’Otan et les deux organisations ont lancé, à quelques mois d’intervalle, deux processus d’identifica-tion des opportunités existantes : l’initiative Pooling & Sharing (P&S) à l’UE et l’initiative Smart Defense à l’Otan.

Depuis 2008, bien que plusieurs modèles de mutualisation et de partage aient été proposés aux États membres de l’UE(7) et que les initiatives germano-suédoises et de

(7) Mise en commun par la propriété conjointe avec l’acquisi-tion d’équipements par des consortiums de pays participants ou par l’Union européenne ; utilisation de capacités exis-tantes optimisée par le transfert de certaines compétences à une structure commune, tout en maintenant la propriété nationale des moyens ; mise en commun de l’acquisition des biens ou de services externalisés ; et partage des rôles et des tâches.

Weimar aient fourni des orientations métho-dologiques pour parvenir à des résultats concrets, même le partage de l’existant peine à se mettre en place.

Pourtant, le bénéfice d’une telle démarche d’un point de vue capacitaire, industriel et opérationnel est reconnu de tous, compte tenu des duplications existantes(8), et plus récemment, du retour d’expérience de l’opération en Libye, qui a démontré que les États européens ne disposent déjà plus de plusieurs capacités cruciales pour monter une opération de ce type(9).

Les résultats du recensement, effectué à la demande du Comité militaire de l’UE (CMUE) des domaines prioritaires pour lancer de nouveaux projets de P&S, sont particulièrement révélateurs : parmi les 116 propositions ayant été jugées recevables, mi-octobre 2011, moins de 15 d’entre elles

(8) 12 producteurs de véhicules blindés de transport de troupes, 16 chantiers navals, 20 collèges militaires, 4 pro-grammes d’avions de combat.(9) Ravitaillement en vol, renseignement, surveillance et re-connaissance (ISR), soutien médical.

• des agences de l’Otan, spécialisées, qui à moyen terme, seront réorganisées, en particulier une agence pour les systèmes de communication et d’information à laquelle on aime bien avoir recours pour assurer l’interopérabilité de nos systèmes d’information à l’échelle de l’ensemble de l’Alliance, mais aussi une agence pour la logistique à laquelle nous avons recours.

Il s’agit d’utiliser ces différentes structures, chacune dans leur rôle, en évitant bien entendu qu’elles se dupliquent.

Parmi les acteurs et institutions qui inter-viennent dans ces affaires d’armement, figurent des institutions multinationales. Depuis peu, la Commission européenne est entrée avec un rôle de régulateur. Elle a effectivement mis en œuvre des directives tout à fait importantes en fin d’année der-nière : la directive sur les transferts intra-communautaires, la directive sur les mar-

chés publics de défense et de sécurité. Ce sont des outils de régulation de ce qui est un début de marché intérieur européen pour les affaires d’armement. C’est un aspect tout à fait fondamental pour bâtir les coopérations à venir.

Dans ce contexte qui est finalement à la fois difficile et motivant, il est évident pour le succès des coopérations que le rôle fon-damental va être celui des États et de l’af-firmation dans la continuité de leur volonté d’investir ensemble dans ces affaires d’ar-mement.

Le jeu de l’année 2012 va être certainement très important, au travers de la réalisation et de la mise en pratique d’un certain nombre de ces sujets émergents, dont on va voir s’ils se concrétisent effectivement au-delà de ce qui est déjà très largement en place dans les affaires de coopération franco-britannique lancées l’année dernière.

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Peut-il véritablement y avoir complémentarité entre les approches capacitaires à l’UE et à l’Otan ?Arnaud MIGOUXDélégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense (DAS)Chef du bureau Union européenne

Les coupes sans précédent et non coor-données dans les budgets de défense de la majorité des États membres de l’Union européenne, en particulier en matière de recherche et technologies (R&T), rendent l’abandon de capacités au niveau national inévitable. Dans ce contexte, la mutualisa-tion et le partage de capacités ne sont plus une option, mais une nécessité. Ce constat a été fait tant à l’UE qu’à l’Otan et les deux organisations ont lancé, à quelques mois d’intervalle, deux processus d’identifica-tion des opportunités existantes : l’initiative Pooling & Sharing (P&S) à l’UE et l’initiative Smart Defense à l’Otan.

Depuis 2008, bien que plusieurs modèles de mutualisation et de partage aient été proposés aux États membres de l’UE(7) et que les initiatives germano-suédoises et de

(7) Mise en commun par la propriété conjointe avec l’acquisi-tion d’équipements par des consortiums de pays participants ou par l’Union européenne ; utilisation de capacités exis-tantes optimisée par le transfert de certaines compétences à une structure commune, tout en maintenant la propriété nationale des moyens ; mise en commun de l’acquisition des biens ou de services externalisés ; et partage des rôles et des tâches.

Weimar aient fourni des orientations métho-dologiques pour parvenir à des résultats concrets, même le partage de l’existant peine à se mettre en place.

Pourtant, le bénéfice d’une telle démarche d’un point de vue capacitaire, industriel et opérationnel est reconnu de tous, compte tenu des duplications existantes(8), et plus récemment, du retour d’expérience de l’opération en Libye, qui a démontré que les États européens ne disposent déjà plus de plusieurs capacités cruciales pour monter une opération de ce type(9).

Les résultats du recensement, effectué à la demande du Comité militaire de l’UE (CMUE) des domaines prioritaires pour lancer de nouveaux projets de P&S, sont particulièrement révélateurs : parmi les 116 propositions ayant été jugées recevables, mi-octobre 2011, moins de 15 d’entre elles

(8) 12 producteurs de véhicules blindés de transport de troupes, 16 chantiers navals, 20 collèges militaires, 4 pro-grammes d’avions de combat.(9) Ravitaillement en vol, renseignement, surveillance et re-connaissance (ISR), soutien médical.

• des agences de l’Otan, spécialisées, qui à moyen terme, seront réorganisées, en particulier une agence pour les systèmes de communication et d’information à laquelle on aime bien avoir recours pour assurer l’interopérabilité de nos systèmes d’information à l’échelle de l’ensemble de l’Alliance, mais aussi une agence pour la logistique à laquelle nous avons recours.

Il s’agit d’utiliser ces différentes structures, chacune dans leur rôle, en évitant bien entendu qu’elles se dupliquent.

Parmi les acteurs et institutions qui inter-viennent dans ces affaires d’armement, figurent des institutions multinationales. Depuis peu, la Commission européenne est entrée avec un rôle de régulateur. Elle a effectivement mis en œuvre des directives tout à fait importantes en fin d’année der-nière : la directive sur les transferts intra-communautaires, la directive sur les mar-

chés publics de défense et de sécurité. Ce sont des outils de régulation de ce qui est un début de marché intérieur européen pour les affaires d’armement. C’est un aspect tout à fait fondamental pour bâtir les coopérations à venir.

Dans ce contexte qui est finalement à la fois difficile et motivant, il est évident pour le succès des coopérations que le rôle fon-damental va être celui des États et de l’af-firmation dans la continuité de leur volonté d’investir ensemble dans ces affaires d’ar-mement.

Le jeu de l’année 2012 va être certainement très important, au travers de la réalisation et de la mise en pratique d’un certain nombre de ces sujets émergents, dont on va voir s’ils se concrétisent effectivement au-delà de ce qui est déjà très largement en place dans les affaires de coopération franco-britannique lancées l’année dernière.

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seraient à même de jouer un rôle structurant pour pallier les lacunes identifiées(10).

L’AED, quant à elle, a confié à un groupe d’experts de haut niveau(11) (anciens chefs d’État-major des armées ou directeurs généraux de l’armement) le soin d’identi-fier des pistes possibles de collaboration par le biais de consultation auprès de leurs collègues européens. Ce travail a servi de base aux onze options (d’ampleur limitée) qui sont présentées aujourd’hui, auxquelles contribuent deux propositions françaises (la mutualisation du soutien technique des avions ravitailleurs de type MRTT et la for-mation commune des pilotes de transport).

Il est assez évident que face à la baisse des budgets d’acquisition, la Recherche et Tech-nologie (R&T) constitue aujourd’hui le dernier moyen avec l’export d’éviter un affaissement des compétences industrielles européennes. L’AED, dont la R&T constitue la principale plus-value, fait preuve de volontarisme pour faire émerger des projets structu-rants, pour promouvoir le réinvestissement des économies réalisées dans les budgets de défense et pour préserver et consolider la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Néanmoins, aujourd’hui, faute d’un fort soutien politique,

(10) Ex. : ravitaillement en vol, surveillance maritime, véhicules aériens sans pilote, protection NRBC, lutte contre les engins explosifs improvisés, communication satellitaire, capteurs et plateformes de renseignement, surveillance et reconnais-sance, systèmes de combat et d’information.(11) Il s’agit du général italien Vincenzo Camparini (ancien Cema), du finlandais Eero Lavonen (ancien DGA), du général suédois Matts Nielsen et du français François Lureau (ancien DGA).

son budget opérationnel est en baisse (non prise en compte de l’inflation), ce qui com-promet non seulement la capacité d’action de l’Agence (notamment en matière de R&T), mais également, à terme, son exis-tence elle-même.

Cette démarche de P&S est menacée ou mise en difficulté par plusieurs facteurs :

• un faible niveau d’engagement des États membres. Il est révélateur et un peu pré-occupant qu’y compris les premiers pro-moteurs de l’initiative tels que l’Allemagne et la Suède, s’impliquent peu aujourd’hui. L’Allemagne par exemple a porté deux projets identiques simultanément à l’Otan et à l’UE avant d’annoncer qu’elle assu-merait le rôle de nation-cadre pour ces deux projets au sein de l’Alliance ;

• l’abstention britannique qui considère que sa participation au Pooling and Sharing se fera dans le cadre du Traité franco-britan-nique exclusivement ;

• les achats de matériel extraeuropéens sur étagère : on peut ainsi citer la proposi-tion américaine de F16 d’occasion à des pays d’Europe centrale afin d’assurer la police du ciel par la mise en pool de ces aéronefs, ou la signature par l’Espagne et la Corée d’un MoU(12) non engageant sur la formation des pilotes de chasse et l’achat d’avions coréens T50, alors même que cette formation commune fait l’objet d’un projet de l’AED dont l’Espagne fait partie ;

(12) Memorendum of Understanding

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

seraient à même de jouer un rôle structurant pour pallier les lacunes identifiées(10).

L’AED, quant à elle, a confié à un groupe d’experts de haut niveau(11) (anciens chefs d’État-major des armées ou directeurs généraux de l’armement) le soin d’identi-fier des pistes possibles de collaboration par le biais de consultation auprès de leurs collègues européens. Ce travail a servi de base aux onze options (d’ampleur limitée) qui sont présentées aujourd’hui, auxquelles contribuent deux propositions françaises (la mutualisation du soutien technique des avions ravitailleurs de type MRTT et la for-mation commune des pilotes de transport).

Il est assez évident que face à la baisse des budgets d’acquisition, la Recherche et Tech-nologie (R&T) constitue aujourd’hui le dernier moyen avec l’export d’éviter un affaissement des compétences industrielles européennes. L’AED, dont la R&T constitue la principale plus-value, fait preuve de volontarisme pour faire émerger des projets structu-rants, pour promouvoir le réinvestissement des économies réalisées dans les budgets de défense et pour préserver et consolider la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). Néanmoins, aujourd’hui, faute d’un fort soutien politique,

(10) Ex. : ravitaillement en vol, surveillance maritime, véhicules aériens sans pilote, protection NRBC, lutte contre les engins explosifs improvisés, communication satellitaire, capteurs et plateformes de renseignement, surveillance et reconnais-sance, systèmes de combat et d’information.(11) Il s’agit du général italien Vincenzo Camparini (ancien Cema), du finlandais Eero Lavonen (ancien DGA), du général suédois Matts Nielsen et du français François Lureau (ancien DGA).

son budget opérationnel est en baisse (non prise en compte de l’inflation), ce qui com-promet non seulement la capacité d’action de l’Agence (notamment en matière de R&T), mais également, à terme, son exis-tence elle-même.

Cette démarche de P&S est menacée ou mise en difficulté par plusieurs facteurs :

• un faible niveau d’engagement des États membres. Il est révélateur et un peu pré-occupant qu’y compris les premiers pro-moteurs de l’initiative tels que l’Allemagne et la Suède, s’impliquent peu aujourd’hui. L’Allemagne par exemple a porté deux projets identiques simultanément à l’Otan et à l’UE avant d’annoncer qu’elle assu-merait le rôle de nation-cadre pour ces deux projets au sein de l’Alliance ;

• l’abstention britannique qui considère que sa participation au Pooling and Sharing se fera dans le cadre du Traité franco-britan-nique exclusivement ;

• les achats de matériel extraeuropéens sur étagère : on peut ainsi citer la proposi-tion américaine de F16 d’occasion à des pays d’Europe centrale afin d’assurer la police du ciel par la mise en pool de ces aéronefs, ou la signature par l’Espagne et la Corée d’un MoU(12) non engageant sur la formation des pilotes de chasse et l’achat d’avions coréens T50, alors même que cette formation commune fait l’objet d’un projet de l’AED dont l’Espagne fait partie ;

(12) Memorendum of Understanding

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Celle selon laquelle la Smart Defense est une incitation politique des Nations à déve-lopper des coopérations. Dans cette logique, les approches multinationales constituent le résultat essentiel de la démarche. Ceux qui se rattachent à cette tendance ne conçoivent pas d’effet en profondeur de la Smart Defense sur l’organisation et les modes de fonctionnement de l’Alliance qui reposent avant tout sur les contributions volontaires de Nations autonomes et responsables. C’est plutôt la position de la Grande-Bre-tagne et c’est clairement la nôtre.

Le secrétaire général entend ainsi parvenir à l’adoption d’un "paquet" lors du sommet de Chicago répondant aux trois piliers d’ores et déjà identifiés par ACT. Face à cet agenda ambitieux, les Nations restent prudentes et ne semblent pas, à ce stade, s’être encore réellement approprié ce thème. Elles mettent en avant dans leurs premières analyses le coût des projets multinationaux (A400M, NH90, F-35, etc.) et manifestent des préoc-cupations légitimes sur l’impact de la Smart Defense sur leur souveraineté, leur industrie, et leur budget.

Certaines d’entre elles, France en tête, redoutent enfin que la Smart Defense ne se réduise à la multiplication des financements communs conduisant les Nations qui main-tiennent un effort de défense raisonnable à payer pour la défense de celles qui ont renoncé à préserver un outil de défense, favorisant ainsi les comportements de "pas-sager clandestin" (free-rider).

Plus que la question de la duplication, de la complémentarité ou de la concurrence des processus, l’enjeu du Pooling and Sharing et de la Smart Defense réside avant tout dans une prise de conscience forte du risque de perte de puissance de l’Europe. En effet, choisir un cadre particulier pour développer une capacité n’est pas neutre. Tant que le processus est à un niveau exploratoire (cahier des charges, spécifications), un projet peut se trouver dans les deux enceintes. En revanche, pour aller plus loin, un choix doit impérativement être opéré.

Dans le contexte actuel, choisir de déve-lopper une capacité à l’UE constitue un signe tangible de soutien à la BITDE(14) et marque une "préférence communautaire". Toutefois, l’absence d’engagement politique fort d’une très grande majorité d’États membres dans les projets de partage et de mutualisation dans le cadre européen pourrait conférer à l’initiative Smart Defense, par effet de contraste, une attractivité supérieure.

Cette perspective n’est pas exempte de risques.

La déresponsabilisation des Européens, qui se contenteraient de financer quelques projets phares sans préserver un outil de défense minimum. Dans cette hypothèse, les grands pays européens seraient les seuls à ne pas trouver leur compte : les États-Unis obtiendraient le financement commun de

(14) Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE)

• l’ampleur limitée des projets proposés qui ne concernent que des domaines peu structurants et assez périphériques. Si ceci permet d’accoutumer les Nations à la démarche de Pooling and Sharing, il n’en reste pas moins que l’avenir de cette démarche suppose, pour être crédible que des projets à portée stratégique soient identifiés.

Annoncée par le secrétaire général de l’Otan à la conférence sur la sécurité de Munich, le 4 février 2011, la Smart Defense a pour but de maintenir la capacité des Alliés à garantir leur sécurité alors que leurs budgets de défense sont soumis à de fortes contraintes. Cette initiative se veut coordonnée avec l’ini-tiative de Pooling and Sharing confiée par les États membres de l’UE à l’AED.

ACT(13) a été chargé d’identifier les projets capacitaires qui pouvaient faire l’objet d’une coopération entre Nations. Une Task Force en charge de ces travaux a rendu un rap-port final en septembre dernier. Plus de cent propositions ont été réparties en trois catégories. La première regroupe 10 pro-jets de moindre importance qui, placés sous l’autorité d’une Nation pilote, devraient rapi-dement aboutir sans rencontrer d’obstacle majeur ; la deuxième regroupe 36 projets plus ambitieux issus pour la plus grande partie du paquet capacitaire de Lisbonne. Aucune Nation pilote n’a toutefois été iden-tifiée à ce stade ; la troisième catégorie

(13) Allied Command Transformation-NATO

comporte un ensemble d’une centaine de projets, dont l’étude a été reportée pour un cycle ultérieur.

Presque un an après son lancement, la Smart Defense reste un concept flou qui n’a pas fait l’objet d’une véritable explicitation de ses objectifs, de son périmètre, de ses méthodes. À ce stade, cette l’initiative relève donc encore davantage du slogan politique tant son contenu paraît encore flou et attrape-tout. La Smart Defense repose schématiquement sur trois piliers : les approches multinationales et innovantes ; la spécialisation (problématique des niches capacitaires) ; la priorisation (iden-tification des capacités critiques comme pour le paquet capacitaire de Lisbonne).

La question centrale réside dans le mode de financement des projets issus de la Smart Defense. Deux écoles, deux options sont clairement identifiables.

Celle qui voit dans le financement commun de capacités détenues et opérées par l’Otan le meilleur moyen de garantir le maintien du niveau opérationnel de l’Alliance par l’acquisition collective de capacités haute-ment technologiques, critiques et coûteuses. Cette tendance conduit à envisager un niveau d’intégration élevé des capacités et du fonctionnement de l’Alliance, faisant de celle-ci une "agence de sécurité" à laquelle les Nations délègueraient une partie de leurs responsabilités de Défense. La Norvège, la Pologne et l’Allemagne semblent partisanes de cette option.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Celle selon laquelle la Smart Defense est une incitation politique des Nations à déve-lopper des coopérations. Dans cette logique, les approches multinationales constituent le résultat essentiel de la démarche. Ceux qui se rattachent à cette tendance ne conçoivent pas d’effet en profondeur de la Smart Defense sur l’organisation et les modes de fonctionnement de l’Alliance qui reposent avant tout sur les contributions volontaires de Nations autonomes et responsables. C’est plutôt la position de la Grande-Bre-tagne et c’est clairement la nôtre.

Le secrétaire général entend ainsi parvenir à l’adoption d’un "paquet" lors du sommet de Chicago répondant aux trois piliers d’ores et déjà identifiés par ACT. Face à cet agenda ambitieux, les Nations restent prudentes et ne semblent pas, à ce stade, s’être encore réellement approprié ce thème. Elles mettent en avant dans leurs premières analyses le coût des projets multinationaux (A400M, NH90, F-35, etc.) et manifestent des préoc-cupations légitimes sur l’impact de la Smart Defense sur leur souveraineté, leur industrie, et leur budget.

Certaines d’entre elles, France en tête, redoutent enfin que la Smart Defense ne se réduise à la multiplication des financements communs conduisant les Nations qui main-tiennent un effort de défense raisonnable à payer pour la défense de celles qui ont renoncé à préserver un outil de défense, favorisant ainsi les comportements de "pas-sager clandestin" (free-rider).

Plus que la question de la duplication, de la complémentarité ou de la concurrence des processus, l’enjeu du Pooling and Sharing et de la Smart Defense réside avant tout dans une prise de conscience forte du risque de perte de puissance de l’Europe. En effet, choisir un cadre particulier pour développer une capacité n’est pas neutre. Tant que le processus est à un niveau exploratoire (cahier des charges, spécifications), un projet peut se trouver dans les deux enceintes. En revanche, pour aller plus loin, un choix doit impérativement être opéré.

Dans le contexte actuel, choisir de déve-lopper une capacité à l’UE constitue un signe tangible de soutien à la BITDE(14) et marque une "préférence communautaire". Toutefois, l’absence d’engagement politique fort d’une très grande majorité d’États membres dans les projets de partage et de mutualisation dans le cadre européen pourrait conférer à l’initiative Smart Defense, par effet de contraste, une attractivité supérieure.

Cette perspective n’est pas exempte de risques.

La déresponsabilisation des Européens, qui se contenteraient de financer quelques projets phares sans préserver un outil de défense minimum. Dans cette hypothèse, les grands pays européens seraient les seuls à ne pas trouver leur compte : les États-Unis obtiendraient le financement commun de

(14) Base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE)

• l’ampleur limitée des projets proposés qui ne concernent que des domaines peu structurants et assez périphériques. Si ceci permet d’accoutumer les Nations à la démarche de Pooling and Sharing, il n’en reste pas moins que l’avenir de cette démarche suppose, pour être crédible que des projets à portée stratégique soient identifiés.

Annoncée par le secrétaire général de l’Otan à la conférence sur la sécurité de Munich, le 4 février 2011, la Smart Defense a pour but de maintenir la capacité des Alliés à garantir leur sécurité alors que leurs budgets de défense sont soumis à de fortes contraintes. Cette initiative se veut coordonnée avec l’ini-tiative de Pooling and Sharing confiée par les États membres de l’UE à l’AED.

ACT(13) a été chargé d’identifier les projets capacitaires qui pouvaient faire l’objet d’une coopération entre Nations. Une Task Force en charge de ces travaux a rendu un rap-port final en septembre dernier. Plus de cent propositions ont été réparties en trois catégories. La première regroupe 10 pro-jets de moindre importance qui, placés sous l’autorité d’une Nation pilote, devraient rapi-dement aboutir sans rencontrer d’obstacle majeur ; la deuxième regroupe 36 projets plus ambitieux issus pour la plus grande partie du paquet capacitaire de Lisbonne. Aucune Nation pilote n’a toutefois été iden-tifiée à ce stade ; la troisième catégorie

(13) Allied Command Transformation-NATO

comporte un ensemble d’une centaine de projets, dont l’étude a été reportée pour un cycle ultérieur.

Presque un an après son lancement, la Smart Defense reste un concept flou qui n’a pas fait l’objet d’une véritable explicitation de ses objectifs, de son périmètre, de ses méthodes. À ce stade, cette l’initiative relève donc encore davantage du slogan politique tant son contenu paraît encore flou et attrape-tout. La Smart Defense repose schématiquement sur trois piliers : les approches multinationales et innovantes ; la spécialisation (problématique des niches capacitaires) ; la priorisation (iden-tification des capacités critiques comme pour le paquet capacitaire de Lisbonne).

La question centrale réside dans le mode de financement des projets issus de la Smart Defense. Deux écoles, deux options sont clairement identifiables.

Celle qui voit dans le financement commun de capacités détenues et opérées par l’Otan le meilleur moyen de garantir le maintien du niveau opérationnel de l’Alliance par l’acquisition collective de capacités haute-ment technologiques, critiques et coûteuses. Cette tendance conduit à envisager un niveau d’intégration élevé des capacités et du fonctionnement de l’Alliance, faisant de celle-ci une "agence de sécurité" à laquelle les Nations délègueraient une partie de leurs responsabilités de Défense. La Norvège, la Pologne et l’Allemagne semblent partisanes de cette option.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Conclusion : avons-nous les moyensde nos ambitions ?Alain Lamassoure - SynthèseAncien ministre, membre du Parlement européen (PPE-FR)

Est-ce que l’Europe a les moyens de ses ambitions ? La réponse est simple : le problème ne réside pas dans les moyens, il réside dans l’ab-

sence d’ambitions ou plus exactement dans l’absence de volonté politique. Nous faisons semblant chacun chez soi d’avoir une poli-tique de défense. En France, cela s’appelle le Livre blanc. Nous faisons semblant collec-tivement dans le cadre de l’Union européenne avec presque les mêmes acteurs que dans l’Otan. Or, depuis quinze ans, tous les euro-baromètres montrent qu’à la question posée aux citoyens européens : quel est le domaine dans lequel l’Union européenne serait la plus utile ? 80 % des citoyens du continent, un peu moins de l’autre côté de la Manche, mais plus des deux tiers, répondent naturellement : la politique étrangère et la défense. L’opinion publique précède donc les dirigeants.

Toutes les conditions sont réunies, sauf une : nos dirigeants n’ont pas la volonté politique. Il y a une raison profonde, culturelle, depuis la dernière guerre, il y a d’abord le fait que nous avons construit l’Europe contre la guerre. Ainsi, nous avons beaucoup de dif-ficultés à penser que l’Europe peut faire la guerre. C’est un problème considérable.

Nous agissons dans le non agir. Nous envoyons des troupes, mais à condition qu’elles ne fassent pas la guerre, et si l’on peut ne pas les envoyer, cela vaut mieux.

Un espoir un peu paradoxal : nous sommes ruinés ! En France, la loi de finances mili-taire triennale française 2011-2013, repré-sente 95 milliards 300 millions d’euros. C’est le même chiffre à 1 000 euros près que celui du déficit du budget de l’État fran-çais en 2011. Nous avons devant nous des années et des années de disette budgétaire. Les choix sont simples : nous sommes en crise budgétaire, nous sommes ruinés, nous n’avons plus d’ennemis déclarés, il y a d’énormes menaces, par conséquent, le premier gisement d’économie portera sur les dépenses militaires.

Dans ce domaine, les économies à faire sont devant nous. Et c’est une chance extraor-dinaire. Nous allons être obligés évidem-ment de faire beaucoup mieux avec moins d’argent, non pas un peu moins d’argent, mais beaucoup moins d’argent. La menace c’est d’aboutir à 1 600 000 hommes sous l’uniforme coûtant 200 milliards d'euros pour avoir 27 armées d’opérette. C’est très,

capacités couteuses produites par l’indus-trie américaine aujourd’hui prises en charge presque exclusivement par le budget amé-ricain Damb(15) ; les "petits" pays feraient financer en commun des capacités dont ils ne disposent pas ou plus (forces aériennes) ; les "grands" européens se trouveraient à financer l’industrie américaine au détriment de leurs propres investissements au nom de la solidarité entre alliés.

La logique de niche : poussée à l’excès, cette logique exclusivement américaine consisterait à spécialiser les forces euro-péennes en leur assignant des rôles précis dans les missions actuelles et futures de l’Alliance. Cela se ferait inévitablement au détriment de leur souveraineté en matière de défense et de leur capacité à agir sans les Américains.

Un outil de promotion de l’industrie américaine : la Smart Defense conforte-rait ainsi sa domination technologique et économique sur l’industrie européenne au nom de la rationalité budgétaire et de

(15) Défense antimissile balistique

l’avantage comparatif. En effet, bien que les États-Unis appellent de leurs vœux une Europe plus autonome en matière de capacités, ils n’entendent aucunement que cela se fasse au détriment de leurs intérêts industriels nationaux, particulièrement dans un contexte où les restrictions budgétaires de défense aux États-Unis pourraient être comprises entre 500 et 1 000 milliards de dollars sur dix ans. Ainsi, les États euro-péens, pour acquérir les capacités qui leur manquent pour prendre leur autonomie, se voient et se verront proposer du matériel américain par le biais d’offres défiant toute concurrence ou par le biais de l’Otan. Cela transparaît nettement dans l’idée de finan-cement sur coût commun de capacités qui ne concernent que des équipements produits outre-Atlantique (drones, Awacs, C17). Finalement, en partie inspiré du P&S européen, la Smart Defense pourrait repré-senter un danger pour la BITDE, en parti-culier si les États membres décidaient de mener de la R&T à l’Otan, ce qui hypothé-querait la perspective d’une Europe de la défense capable d’agir seule.

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Conclusion : avons-nous les moyensde nos ambitions ?Alain Lamassoure - SynthèseAncien ministre, membre du Parlement européen (PPE-FR)

Est-ce que l’Europe a les moyens de ses ambitions ? La réponse est simple : le problème ne réside pas dans les moyens, il réside dans l’ab-

sence d’ambitions ou plus exactement dans l’absence de volonté politique. Nous faisons semblant chacun chez soi d’avoir une poli-tique de défense. En France, cela s’appelle le Livre blanc. Nous faisons semblant collec-tivement dans le cadre de l’Union européenne avec presque les mêmes acteurs que dans l’Otan. Or, depuis quinze ans, tous les euro-baromètres montrent qu’à la question posée aux citoyens européens : quel est le domaine dans lequel l’Union européenne serait la plus utile ? 80 % des citoyens du continent, un peu moins de l’autre côté de la Manche, mais plus des deux tiers, répondent naturellement : la politique étrangère et la défense. L’opinion publique précède donc les dirigeants.

Toutes les conditions sont réunies, sauf une : nos dirigeants n’ont pas la volonté politique. Il y a une raison profonde, culturelle, depuis la dernière guerre, il y a d’abord le fait que nous avons construit l’Europe contre la guerre. Ainsi, nous avons beaucoup de dif-ficultés à penser que l’Europe peut faire la guerre. C’est un problème considérable.

Nous agissons dans le non agir. Nous envoyons des troupes, mais à condition qu’elles ne fassent pas la guerre, et si l’on peut ne pas les envoyer, cela vaut mieux.

Un espoir un peu paradoxal : nous sommes ruinés ! En France, la loi de finances mili-taire triennale française 2011-2013, repré-sente 95 milliards 300 millions d’euros. C’est le même chiffre à 1 000 euros près que celui du déficit du budget de l’État fran-çais en 2011. Nous avons devant nous des années et des années de disette budgétaire. Les choix sont simples : nous sommes en crise budgétaire, nous sommes ruinés, nous n’avons plus d’ennemis déclarés, il y a d’énormes menaces, par conséquent, le premier gisement d’économie portera sur les dépenses militaires.

Dans ce domaine, les économies à faire sont devant nous. Et c’est une chance extraor-dinaire. Nous allons être obligés évidem-ment de faire beaucoup mieux avec moins d’argent, non pas un peu moins d’argent, mais beaucoup moins d’argent. La menace c’est d’aboutir à 1 600 000 hommes sous l’uniforme coûtant 200 milliards d'euros pour avoir 27 armées d’opérette. C’est très,

capacités couteuses produites par l’indus-trie américaine aujourd’hui prises en charge presque exclusivement par le budget amé-ricain Damb(15) ; les "petits" pays feraient financer en commun des capacités dont ils ne disposent pas ou plus (forces aériennes) ; les "grands" européens se trouveraient à financer l’industrie américaine au détriment de leurs propres investissements au nom de la solidarité entre alliés.

La logique de niche : poussée à l’excès, cette logique exclusivement américaine consisterait à spécialiser les forces euro-péennes en leur assignant des rôles précis dans les missions actuelles et futures de l’Alliance. Cela se ferait inévitablement au détriment de leur souveraineté en matière de défense et de leur capacité à agir sans les Américains.

Un outil de promotion de l’industrie américaine : la Smart Defense conforte-rait ainsi sa domination technologique et économique sur l’industrie européenne au nom de la rationalité budgétaire et de

(15) Défense antimissile balistique

l’avantage comparatif. En effet, bien que les États-Unis appellent de leurs vœux une Europe plus autonome en matière de capacités, ils n’entendent aucunement que cela se fasse au détriment de leurs intérêts industriels nationaux, particulièrement dans un contexte où les restrictions budgétaires de défense aux États-Unis pourraient être comprises entre 500 et 1 000 milliards de dollars sur dix ans. Ainsi, les États euro-péens, pour acquérir les capacités qui leur manquent pour prendre leur autonomie, se voient et se verront proposer du matériel américain par le biais d’offres défiant toute concurrence ou par le biais de l’Otan. Cela transparaît nettement dans l’idée de finan-cement sur coût commun de capacités qui ne concernent que des équipements produits outre-Atlantique (drones, Awacs, C17). Finalement, en partie inspiré du P&S européen, la Smart Defense pourrait repré-senter un danger pour la BITDE, en parti-culier si les États membres décidaient de mener de la R&T à l’Otan, ce qui hypothé-querait la perspective d’une Europe de la défense capable d’agir seule.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

très cher. En revanche, c’est une somme qui est tout à fait appréciable si nous savons l’utiliser avec le souci de faire face aux menaces communes qui pèsent sur nous dans ce XXIe siècle passionnant et dange-reux. Il faut faire du Pooling & Sharing par-tout où l’on peut. Si nous ne sortons pas de la crise de la dette, nous perdons toute indépendance.

La défense commence d’abord par la poli-tique étrangère. Nous devons avoir notre agenda : définir de grandes orientations de politiques étrangères, nous mettre d’ac-cord sur l’outil militaire, sur les moyens de défense que nous mettons en œuvre tous ensemble en mutualisant et en nous parta-geant les rôles pour répondre à ces objectifs. Le partage des rôles concerne la recherche, le domaine industriel et naturellement les

forces. Nous devons appliquer le principe de la préférence européenne pour les acqui-sitions de matériel vis-à-vis de l’extérieur. Nous avons besoin de champions européens pour fabriquer les armes y compris dans les nouvelles technologies du XXIe siècle.

Il y a 20 ans, nous avons perdu une occa-sion historique de redéfinir notre politique étrangère et notre politique de défense au moment de la fin de la guerre froide. Main-tenant, 20 ans après, nous avons une deu-xième occasion historique de faire ce que nous aurions dû faire il y a 20 ans. Cette occasion, c’est que nous sommes ruinés ! Pour le coup, si nous ne la saisissons pas, alors nous aurons 27 Suisses s’ajoutant à la 28e. La balle est dans le camp de la France pour des raisons profondes, histo-riques.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

très cher. En revanche, c’est une somme qui est tout à fait appréciable si nous savons l’utiliser avec le souci de faire face aux menaces communes qui pèsent sur nous dans ce XXIe siècle passionnant et dange-reux. Il faut faire du Pooling & Sharing par-tout où l’on peut. Si nous ne sortons pas de la crise de la dette, nous perdons toute indépendance.

La défense commence d’abord par la poli-tique étrangère. Nous devons avoir notre agenda : définir de grandes orientations de politiques étrangères, nous mettre d’ac-cord sur l’outil militaire, sur les moyens de défense que nous mettons en œuvre tous ensemble en mutualisant et en nous parta-geant les rôles pour répondre à ces objectifs. Le partage des rôles concerne la recherche, le domaine industriel et naturellement les

forces. Nous devons appliquer le principe de la préférence européenne pour les acqui-sitions de matériel vis-à-vis de l’extérieur. Nous avons besoin de champions européens pour fabriquer les armes y compris dans les nouvelles technologies du XXIe siècle.

Il y a 20 ans, nous avons perdu une occa-sion historique de redéfinir notre politique étrangère et notre politique de défense au moment de la fin de la guerre froide. Main-tenant, 20 ans après, nous avons une deu-xième occasion historique de faire ce que nous aurions dû faire il y a 20 ans. Cette occasion, c’est que nous sommes ruinés ! Pour le coup, si nous ne la saisissons pas, alors nous aurons 27 Suisses s’ajoutant à la 28e. La balle est dans le camp de la France pour des raisons profondes, histo-riques.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

ACCORDS DE LANCASTER HOUSE2 NOVEMBRE 2012

TRAITÉ

DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉFENSEET DE SÉCURITÉ

ENTRE

LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

ET

LE ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNEET D’IRLANDE DU NORD

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ACCORDS DE LANCASTER HOUSE2 NOVEMBRE 2012

TRAITÉ

DE COOPÉRATION EN MATIÈRE DE DÉFENSEET DE SÉCURITÉ

ENTRE

LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

ET

LE ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNEET D’IRLANDE DU NORD

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Convaincus qu’une base industrielle et technologique de défense qui soit robuste et compétitive constitue un impératif à la fois stratégique et économique pour les deux parties,

Sont convenus de ce qui suit :

ARTICLE 1er

Objectifs

Se fondant sur les liens solides établis entre leurs communautés de défense et de sécu-rité et leurs forces armées respectives, les parties s’engagent à bâtir un partenariat à long terme mutuellement avantageux en matière de défense et de sécurité visant à :

1) optimiser leurs capacités en coordonnant le développement, l’acquisi-tion, le déploiement et l’entretien d’un éventail de capacités, d’instal-lations, d’équipements, de matériels et de services afin de s’acquitter de tout l’éventail des missions, y compris les plus exigeantes ;

2) renforcer l’industrie de défense des deux parties, promouvoir la coo-pération en matière de recherche et de technologie et développer des programmes de coopération en matière d’équipements ;

3) se déployer ensemble sur les théâtres où les deux parties sont conve-nues de s’engager, dans des opérations menées sous les auspices des Nations unies, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou de la Politique de sécurité et de défense commune de l’Union euro-péenne, ou au sein d’une coalition ou dans un cadre bilatéral, et sou-tenir, selon un accord défini au cas par cas, une partie lorsqu’elle est engagée dans des opérations auxquelles ne participe pas l’autre partie ;

4) assurer la viabilité et la sécurité de leur dissuasion nationale, dans le respect du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ;

5) apporter leur soutien à l’action des Nations unies, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et de l’Union européenne dans le cadre de la politique commune de sécurité et de défense, ainsi qu’à la com-plémentarité entre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et l’Union européenne dans tous les domaines pertinents.

La République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ci-après dénommés "les parties",

Rappelant que leurs politiques étrangères et de défense reposent sur des intérêts, des valeurs et des responsabilités communs,

Conscients de leurs droits et de leurs obligations en vertu de la Charte des Nations unies, notamment en qualité de membres permanents du Conseil de sécurité, et de leurs droits et de leurs obligations en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, en qualité d’États dotés d’armes nucléaires et parties au Traité,

Conscients de leurs droits et de leurs obligations en vertu du Traité de l’Atlantique Nord et du Traité sur l’Union européenne dans le domaine de la sécurité et de la défense,

Convaincus qu’une coopération accrue en matière de défense et de sécurité renforce l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui demeure le fondement de leur dé-fense collective et l’enceinte de sa mise en œuvre, et réaffirmant leur engagement de soutenir le rôle de la Politique de sécurité et de défense commune de l’Union euro-péenne dans le renforcement de la sécurité internationale,

Convaincus qu’une coopération bilatérale accrue en matière de défense et de sécurité renforcera ces droits et ces obligations de même que les objectifs figurant dans les traités susmentionnés,

Gardant à l’esprit qu’ils n’envisagent pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’une des parties pourraient être menacés sans que ceux de l’autre le soient aussi,

Déterminés à répondre aux défis stratégiques, à promouvoir la paix et la sécurité inter-nationales, à assurer la sécurité collective, à prendre des mesures de prévention et de dissuasion à l’encontre d’agresseurs potentiels et à contrer les menaces, notamment le terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive et les attaques contre les systèmes d’information,

Désireux d’améliorer encore l’efficacité et l’interopérabilité de leurs forces armées,

Rappelant que le contrôle de leurs forces armées, la décision de les employer et lerecours à la force relèveront toujours de la souveraineté nationale,

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Convaincus qu’une base industrielle et technologique de défense qui soit robuste et compétitive constitue un impératif à la fois stratégique et économique pour les deux parties,

Sont convenus de ce qui suit :

ARTICLE 1er

Objectifs

Se fondant sur les liens solides établis entre leurs communautés de défense et de sécu-rité et leurs forces armées respectives, les parties s’engagent à bâtir un partenariat à long terme mutuellement avantageux en matière de défense et de sécurité visant à :

1) optimiser leurs capacités en coordonnant le développement, l’acquisi-tion, le déploiement et l’entretien d’un éventail de capacités, d’instal-lations, d’équipements, de matériels et de services afin de s’acquitter de tout l’éventail des missions, y compris les plus exigeantes ;

2) renforcer l’industrie de défense des deux parties, promouvoir la coo-pération en matière de recherche et de technologie et développer des programmes de coopération en matière d’équipements ;

3) se déployer ensemble sur les théâtres où les deux parties sont conve-nues de s’engager, dans des opérations menées sous les auspices des Nations unies, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ou de la Politique de sécurité et de défense commune de l’Union euro-péenne, ou au sein d’une coalition ou dans un cadre bilatéral, et sou-tenir, selon un accord défini au cas par cas, une partie lorsqu’elle est engagée dans des opérations auxquelles ne participe pas l’autre partie ;

4) assurer la viabilité et la sécurité de leur dissuasion nationale, dans le respect du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ;

5) apporter leur soutien à l’action des Nations unies, de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et de l’Union européenne dans le cadre de la politique commune de sécurité et de défense, ainsi qu’à la com-plémentarité entre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et l’Union européenne dans tous les domaines pertinents.

La République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ci-après dénommés "les parties",

Rappelant que leurs politiques étrangères et de défense reposent sur des intérêts, des valeurs et des responsabilités communs,

Conscients de leurs droits et de leurs obligations en vertu de la Charte des Nations unies, notamment en qualité de membres permanents du Conseil de sécurité, et de leurs droits et de leurs obligations en vertu du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, en qualité d’États dotés d’armes nucléaires et parties au Traité,

Conscients de leurs droits et de leurs obligations en vertu du Traité de l’Atlantique Nord et du Traité sur l’Union européenne dans le domaine de la sécurité et de la défense,

Convaincus qu’une coopération accrue en matière de défense et de sécurité renforce l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, qui demeure le fondement de leur dé-fense collective et l’enceinte de sa mise en œuvre, et réaffirmant leur engagement de soutenir le rôle de la Politique de sécurité et de défense commune de l’Union euro-péenne dans le renforcement de la sécurité internationale,

Convaincus qu’une coopération bilatérale accrue en matière de défense et de sécurité renforcera ces droits et ces obligations de même que les objectifs figurant dans les traités susmentionnés,

Gardant à l’esprit qu’ils n’envisagent pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’une des parties pourraient être menacés sans que ceux de l’autre le soient aussi,

Déterminés à répondre aux défis stratégiques, à promouvoir la paix et la sécurité inter-nationales, à assurer la sécurité collective, à prendre des mesures de prévention et de dissuasion à l’encontre d’agresseurs potentiels et à contrer les menaces, notamment le terrorisme, la prolifération d’armes de destruction massive et les attaques contre les systèmes d’information,

Désireux d’améliorer encore l’efficacité et l’interopérabilité de leurs forces armées,

Rappelant que le contrôle de leurs forces armées, la décision de les employer et lerecours à la force relèveront toujours de la souveraineté nationale,

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7. L’échange d’informations relatives aux processus en matière politique, d’orientations, de planification et de prise de décision liés à la planifi-cation, au lancement, au commandement et au contrôle d’opérations militaires et civilo-militaires bilatérales et multilatérales ;

8. Sous réserve des règles de sécurité nationale, l’échange de données et d’informations classifiées relatives à la performance des divers équipe-ments et systèmes de défense ainsi qu’à des fins opérationnelles.

ARTICLE 3

Accords et arrangements complémentaires

Les parties peuvent décider de conclure des accords ou des arrangements écrits en vue de mettre en œuvre des aspects spécifiques de leur coopération en vertu du présent Traité. Ces accords ou arrangements sont soumis aux dispositions du présent Traité que les parties jugent appropriées lorsque ces dispositions sont explicitement invoquées dans ces accords ou arrangements.

ARTICLE 4

Gestion de la coopération

1. Le président de la République française et le Premier ministre britannique dressent un bilan des progrès de la coopération prévue par le présent Traité et formulent des orientations pour son développement lors du Sommet annuel.

2. La préparation des éléments liés à la défense et à la sécurité du Sommet annuel et la coopération menée en vertu des dispositions du présent Traité sont diri-gées et coordonnées par un Groupe de haut niveau. Les chefs des délégations nationales au Groupe de haut niveau sont nommés par le président de la Répu-blique française et le Premier ministre britannique.

3. Le Groupe de haut niveau prend ses décisions par consensus. Il est chargé:

a) de définir les objectifs, priorités et avantages à long terme de la coopé-ration convenue en vertu du présent Traité ;

b) d’exercer un contrôle sur l’ensemble de la coopération convenue en vertu du présent Traité, y compris les aspects de sécurité ;

ARTICLE 2

Domaine d’application

Les parties conviennent que la coopération entreprise en vertu des dispositions du pré-sent Traité couvre notamment:

1. Le renforcement de la coopération entre les forces armées de chaque partie, telle que définie dans une Lettre d’intention commune qui sera signée par les ministres de la Défense des deux parties, qui doit com-prendre, entre autres, une coopération de plus en plus étroite dans les domaines suivants : la conduite d’exercices conjoints et d’autres activités d’entrainement, des travaux communs sur la doctrine mili-taire et l’échange de personnels militaires, le partage et la mise en commun de matériels, d’équipements et de services et, sous réserve des dispositions de l’article 5(2), une étroite coopération en matière de contribution et mise en commun de forces et de capacités pour les opérations militaires et l’emploi des forces ;

2. La poursuite et le renforcement des travaux sur la coopération indus-trielle et en matière d’armement dans le cadre du Groupe de travail de haut niveau, en associant l’industrie le cas échéant, par une approche conjointe à long terme visant à livrer des équipements militaires performants de la manière la plus efficiente possible, en limitant au maximum les contraintes nationales et en renforçant la compétitivité industrielle ;

3. La construction et l’exploitation commune de telles installations dont conviendront éventuellement les parties ;

4. La vente ou le prêt de matériels, d’équipements et de services par une partie à l’autre partie ou l’acquisition par les deux parties auprès de tierces parties ;

5. Le développement de leurs bases industrielles et technologiques de défense et de centres d’excellence autour de technologies clés, assortis de mécanismes de gouvernance d’entreprise efficaces sur le territoire des deux parties, en développant ainsi entre elles une interdépendance plus grande ;

6. Le détachement ou l’échange de personnels entre les parties ;

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7. L’échange d’informations relatives aux processus en matière politique, d’orientations, de planification et de prise de décision liés à la planifi-cation, au lancement, au commandement et au contrôle d’opérations militaires et civilo-militaires bilatérales et multilatérales ;

8. Sous réserve des règles de sécurité nationale, l’échange de données et d’informations classifiées relatives à la performance des divers équipe-ments et systèmes de défense ainsi qu’à des fins opérationnelles.

ARTICLE 3

Accords et arrangements complémentaires

Les parties peuvent décider de conclure des accords ou des arrangements écrits en vue de mettre en œuvre des aspects spécifiques de leur coopération en vertu du présent Traité. Ces accords ou arrangements sont soumis aux dispositions du présent Traité que les parties jugent appropriées lorsque ces dispositions sont explicitement invoquées dans ces accords ou arrangements.

ARTICLE 4

Gestion de la coopération

1. Le président de la République française et le Premier ministre britannique dressent un bilan des progrès de la coopération prévue par le présent Traité et formulent des orientations pour son développement lors du Sommet annuel.

2. La préparation des éléments liés à la défense et à la sécurité du Sommet annuel et la coopération menée en vertu des dispositions du présent Traité sont diri-gées et coordonnées par un Groupe de haut niveau. Les chefs des délégations nationales au Groupe de haut niveau sont nommés par le président de la Répu-blique française et le Premier ministre britannique.

3. Le Groupe de haut niveau prend ses décisions par consensus. Il est chargé:

a) de définir les objectifs, priorités et avantages à long terme de la coopé-ration convenue en vertu du présent Traité ;

b) d’exercer un contrôle sur l’ensemble de la coopération convenue en vertu du présent Traité, y compris les aspects de sécurité ;

ARTICLE 2

Domaine d’application

Les parties conviennent que la coopération entreprise en vertu des dispositions du pré-sent Traité couvre notamment:

1. Le renforcement de la coopération entre les forces armées de chaque partie, telle que définie dans une Lettre d’intention commune qui sera signée par les ministres de la Défense des deux parties, qui doit com-prendre, entre autres, une coopération de plus en plus étroite dans les domaines suivants : la conduite d’exercices conjoints et d’autres activités d’entrainement, des travaux communs sur la doctrine mili-taire et l’échange de personnels militaires, le partage et la mise en commun de matériels, d’équipements et de services et, sous réserve des dispositions de l’article 5(2), une étroite coopération en matière de contribution et mise en commun de forces et de capacités pour les opérations militaires et l’emploi des forces ;

2. La poursuite et le renforcement des travaux sur la coopération indus-trielle et en matière d’armement dans le cadre du Groupe de travail de haut niveau, en associant l’industrie le cas échéant, par une approche conjointe à long terme visant à livrer des équipements militaires performants de la manière la plus efficiente possible, en limitant au maximum les contraintes nationales et en renforçant la compétitivité industrielle ;

3. La construction et l’exploitation commune de telles installations dont conviendront éventuellement les parties ;

4. La vente ou le prêt de matériels, d’équipements et de services par une partie à l’autre partie ou l’acquisition par les deux parties auprès de tierces parties ;

5. Le développement de leurs bases industrielles et technologiques de défense et de centres d’excellence autour de technologies clés, assortis de mécanismes de gouvernance d’entreprise efficaces sur le territoire des deux parties, en développant ainsi entre elles une interdépendance plus grande ;

6. Le détachement ou l’échange de personnels entre les parties ;

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2. Si cet accord ou arrangement est dénoncé, ses dispositions de fond ainsi que les obligations visées au paragraphe 1 ci-dessus continueront de s’appliquer jusqu’à une date raisonnable à laquelle l’autre partie aura obtenu ou mis en place une installation de substitution ou une autre source d’équipement ou de fonction de soutien de ce type ou y aura accès. Les modalités de poursuite de cette mise en œuvre sont au besoin définies dans des accords ou arrangements adéquats entre lesparties.

3. Aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, la fourniture de fonctions de soutien inclut tout personnel nécessaire.

ARTICLE 7

Acquisitions et programmes futurs en matière de capacités

Les parties s’engagent à comparer, dès que possible, les objectifs et programmes pros-pectifs en matière de capacités et, dans toute la mesure du possible, à harmoniser les calendriers et les besoins. Les parties s’engagent à se consulter avant de prendre toute décision sur des programmes ou acquisitions importantes en matière de capacités.

ARTICLE 8

Transferts, accès au marché et licences d’exportation

1. En appliquant les lois, règlements ainsi que toute politique définie dans le domaine de l’exportation de matériels et de technologies d’armement, les parties s’en-gagent à faciliter autant que possible le transfert d’équipements et de services de défense et de sécurité entre les parties, conformément à leurs procédures nationales d’autorisa-tion.

2. Chacune des parties s’engage à ne pas entraver un accès légitime à ses marchés et à ses contrats publics dans le domaine de la défense et de la sécurité.

3. Les parties conviennent de faciliter et de promouvoir l’exportation à des tierces parties d’équipements de défense et de sécurité produits conjointement par des entités françaises et britanniques, par accord et dans le cadre de leur législation nationale res-pective.

c) d’identifier de nouveaux secteurs de coopération à proposer au Sommet ;

d) de régler les litiges et les différends pouvant survenir dans le cadre de la mise en œuvre de la coopération prévue par le présent Traité ;

e) de recommander tout amendement éventuel au présent Traité.

ARTICLE 5

Déploiement et emploi des forces

1. Le déploiement et l’emploi des forces armées de chaque partie demeurent àtout moment une compétence nationale.

2. Dans toute opération, le déploiement et l’emploi des forces armées d’une par-tie avec ou pour l’autre partie s’effectuent sur ordre exprès de la première partie et par accord écrit avec l’autre partie. Ce déploiement ou emploi donne lieu, après examen attentif par les deux parties, à des instructions adressées par les parties à leurs autorités respectives concernant les objectifs stratégiques, l’échelle de l’opération, la mission, la durée, et l’état final. Les parties doivent parvenir, préalablement au déploiement ou à l’emploi, à une entente commune sur le but et la base juridique, en vertu du droit inter-national, de ce déploiement ou emploi, ainsi qu’à des règles d’engagement appropriées et complémentaires.

3. Des arrangements appropriés en matière de commandement et de contrôle sont conclus entre les deux parties pour toutes les opérations ou déploiements bilaté-raux.

ARTICLE 6

Accès aux installations, équipements ou fonctions de soutien

1. Chaque partie s’engage à mettre à disposition toute installation, tout équipement et toute fonction de soutien et à garantir un accès sans entrave à ceux-ci si la coopération entreprise dans le cadre du présent Traité a amené les deux parties à partager les installa-tions, équipements ou fonctions de soutien ou a entraîné une dépendance de l’une des parties vis-à-vis des installations, équipements ou fonctions de soutien de l’autre partie, sous réserve de toute exception à cet accès stipulée dans tout accord ou arrangement appli-cable relatif à ladite coopération.

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2. Si cet accord ou arrangement est dénoncé, ses dispositions de fond ainsi que les obligations visées au paragraphe 1 ci-dessus continueront de s’appliquer jusqu’à une date raisonnable à laquelle l’autre partie aura obtenu ou mis en place une installation de substitution ou une autre source d’équipement ou de fonction de soutien de ce type ou y aura accès. Les modalités de poursuite de cette mise en œuvre sont au besoin définies dans des accords ou arrangements adéquats entre lesparties.

3. Aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, la fourniture de fonctions de soutien inclut tout personnel nécessaire.

ARTICLE 7

Acquisitions et programmes futurs en matière de capacités

Les parties s’engagent à comparer, dès que possible, les objectifs et programmes pros-pectifs en matière de capacités et, dans toute la mesure du possible, à harmoniser les calendriers et les besoins. Les parties s’engagent à se consulter avant de prendre toute décision sur des programmes ou acquisitions importantes en matière de capacités.

ARTICLE 8

Transferts, accès au marché et licences d’exportation

1. En appliquant les lois, règlements ainsi que toute politique définie dans le domaine de l’exportation de matériels et de technologies d’armement, les parties s’en-gagent à faciliter autant que possible le transfert d’équipements et de services de défense et de sécurité entre les parties, conformément à leurs procédures nationales d’autorisa-tion.

2. Chacune des parties s’engage à ne pas entraver un accès légitime à ses marchés et à ses contrats publics dans le domaine de la défense et de la sécurité.

3. Les parties conviennent de faciliter et de promouvoir l’exportation à des tierces parties d’équipements de défense et de sécurité produits conjointement par des entités françaises et britanniques, par accord et dans le cadre de leur législation nationale res-pective.

c) d’identifier de nouveaux secteurs de coopération à proposer au Sommet ;

d) de régler les litiges et les différends pouvant survenir dans le cadre de la mise en œuvre de la coopération prévue par le présent Traité ;

e) de recommander tout amendement éventuel au présent Traité.

ARTICLE 5

Déploiement et emploi des forces

1. Le déploiement et l’emploi des forces armées de chaque partie demeurent àtout moment une compétence nationale.

2. Dans toute opération, le déploiement et l’emploi des forces armées d’une par-tie avec ou pour l’autre partie s’effectuent sur ordre exprès de la première partie et par accord écrit avec l’autre partie. Ce déploiement ou emploi donne lieu, après examen attentif par les deux parties, à des instructions adressées par les parties à leurs autorités respectives concernant les objectifs stratégiques, l’échelle de l’opération, la mission, la durée, et l’état final. Les parties doivent parvenir, préalablement au déploiement ou à l’emploi, à une entente commune sur le but et la base juridique, en vertu du droit inter-national, de ce déploiement ou emploi, ainsi qu’à des règles d’engagement appropriées et complémentaires.

3. Des arrangements appropriés en matière de commandement et de contrôle sont conclus entre les deux parties pour toutes les opérations ou déploiements bilaté-raux.

ARTICLE 6

Accès aux installations, équipements ou fonctions de soutien

1. Chaque partie s’engage à mettre à disposition toute installation, tout équipement et toute fonction de soutien et à garantir un accès sans entrave à ceux-ci si la coopération entreprise dans le cadre du présent Traité a amené les deux parties à partager les installa-tions, équipements ou fonctions de soutien ou a entraîné une dépendance de l’une des parties vis-à-vis des installations, équipements ou fonctions de soutien de l’autre partie, sous réserve de toute exception à cet accès stipulée dans tout accord ou arrangement appli-cable relatif à ladite coopération.

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présent Traité, sous réserve des dispositions de l’Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Ir-lande du Nord concernant la protection réciproque des informations classifiées, signé à Londres le 27 mars 2008, ou de tout accord ultérieur. En vertu de ces arrangements, les informations fournies par une partie à l’autre partie ne peuvent être utilisées qu’aux fins pour lesquelles elles ont été fournies.

2. En ce qui concerne les informations pour lesquelles il existe des droits de pro-priété intellectuelle, aucune disposition du présent Traité n’autorise ni ne régit la com-munication, l’utilisation, l’échange ou la divulgation d’informations, classifiées ou non, pour lesquelles il existe des droits de propriété intellectuelle, sauf si l’autorisation écrite spécifique du propriétaire desdits droits a été obtenue, qu’il s’agisse d’une partie au présent Traité ou d’une tierce partie.

ARTICLE 12

Demandes d’indemnisation et responsabilité

En cas de dommage causé à des biens, ou de blessure ou de décès résultant d’un acte ou d’une omission volontaire ou d’une négligence grave de l’une des parties, de son personnel ou de ses agents, ladite partie est pleinement responsable de la satisfaction ou du traitement de toute demande d’indemnisation y relative.

ARTICLE 13

Autres accords de sécurité et de défense

Les dispositions du présent Traité n’affectent pas les droits ou obligations de chacune des parties en vertu d’autres accords de sécurité et de défense auxquels elle est partie.

ARTICLE 14

Durée, retrait et dénonciation

1. Le présent Traité reste en vigueur jusqu’à la date où l’une ou l’autre partie décide de s’en retirer moyennant un préavis de douze mois au moins adressé à l’autre partie.

4. Les droits et obligations énoncés aux paragraphes 1 à 3 ci-dessus sont soumis aux droits et obligations des parties dans le cadre de l’Union européenne et de leurs autres engagements internationaux et prennent par conséquent effet dans le respect desdits droits et obligations.

ARTICLE 9

Industrie et technologie

1. Les deux parties conviennent de développer et de préserver les capacités indus-trielles et les technologies de défense clés de manière à améliorer leur indépendance dans le domaine des technologies de défense clés et d’accroître la sécurité de leur appro-visionnement et à développer les capacités opérationnelles de leurs forces armées.

2. À ces fins, les parties s’emploient à limiter au maximum les obstacles réglemen-taires superflus, à améliorer le dialogue entre leurs entreprises de défense et à favoriser leur rationalisation en vue de permettre l’acquisition des équipements les plus adaptés à leurs exigences en matière de performances et de coûts.

ARTICLE 10

Coûts et bénéfices

1. Les parties se répartissent équitablement tous les coûts et bénéfices résultant de leur participation à l’ensemble de la coopération menée en vertu du présent Traité, notamment tous les frais généraux et administratifs, sauf disposition contraire figurant dans les accords ou arrangements complémentaires.

2. S’il est nécessaire de conclure des marchés pour tous les matériels, équipements ou services requis pour permettre à une partie de s’acquitter de ses responsabilités en vertu du présent Traité, le droit et les procédures de l’Union européenne s’appliquent à ces marchés lorsqu’ils sont pertinents.

ARTICLE 11

Informations

1. Les parties concluent des arrangements en vue de faciliter l’échange d’infor-mations, notamment d’informations classifiées, aux fins de la coopération en vertu du

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présent Traité, sous réserve des dispositions de l’Accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Ir-lande du Nord concernant la protection réciproque des informations classifiées, signé à Londres le 27 mars 2008, ou de tout accord ultérieur. En vertu de ces arrangements, les informations fournies par une partie à l’autre partie ne peuvent être utilisées qu’aux fins pour lesquelles elles ont été fournies.

2. En ce qui concerne les informations pour lesquelles il existe des droits de pro-priété intellectuelle, aucune disposition du présent Traité n’autorise ni ne régit la com-munication, l’utilisation, l’échange ou la divulgation d’informations, classifiées ou non, pour lesquelles il existe des droits de propriété intellectuelle, sauf si l’autorisation écrite spécifique du propriétaire desdits droits a été obtenue, qu’il s’agisse d’une partie au présent Traité ou d’une tierce partie.

ARTICLE 12

Demandes d’indemnisation et responsabilité

En cas de dommage causé à des biens, ou de blessure ou de décès résultant d’un acte ou d’une omission volontaire ou d’une négligence grave de l’une des parties, de son personnel ou de ses agents, ladite partie est pleinement responsable de la satisfaction ou du traitement de toute demande d’indemnisation y relative.

ARTICLE 13

Autres accords de sécurité et de défense

Les dispositions du présent Traité n’affectent pas les droits ou obligations de chacune des parties en vertu d’autres accords de sécurité et de défense auxquels elle est partie.

ARTICLE 14

Durée, retrait et dénonciation

1. Le présent Traité reste en vigueur jusqu’à la date où l’une ou l’autre partie décide de s’en retirer moyennant un préavis de douze mois au moins adressé à l’autre partie.

4. Les droits et obligations énoncés aux paragraphes 1 à 3 ci-dessus sont soumis aux droits et obligations des parties dans le cadre de l’Union européenne et de leurs autres engagements internationaux et prennent par conséquent effet dans le respect desdits droits et obligations.

ARTICLE 9

Industrie et technologie

1. Les deux parties conviennent de développer et de préserver les capacités indus-trielles et les technologies de défense clés de manière à améliorer leur indépendance dans le domaine des technologies de défense clés et d’accroître la sécurité de leur appro-visionnement et à développer les capacités opérationnelles de leurs forces armées.

2. À ces fins, les parties s’emploient à limiter au maximum les obstacles réglemen-taires superflus, à améliorer le dialogue entre leurs entreprises de défense et à favoriser leur rationalisation en vue de permettre l’acquisition des équipements les plus adaptés à leurs exigences en matière de performances et de coûts.

ARTICLE 10

Coûts et bénéfices

1. Les parties se répartissent équitablement tous les coûts et bénéfices résultant de leur participation à l’ensemble de la coopération menée en vertu du présent Traité, notamment tous les frais généraux et administratifs, sauf disposition contraire figurant dans les accords ou arrangements complémentaires.

2. S’il est nécessaire de conclure des marchés pour tous les matériels, équipements ou services requis pour permettre à une partie de s’acquitter de ses responsabilités en vertu du présent Traité, le droit et les procédures de l’Union européenne s’appliquent à ces marchés lorsqu’ils sont pertinents.

ARTICLE 11

Informations

1. Les parties concluent des arrangements en vue de faciliter l’échange d’infor-mations, notamment d’informations classifiées, aux fins de la coopération en vertu du

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ARTICLE 17

Entrée en vigueur

Le présent Traité entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt du dernier des deux instruments de ratification.

En foi de quoi les soussignés, dûment autorisés par leur gouvernement respectif, ont signé le présent Traité.

Fait à…………………………………….., en double exemplaire, en langues française et anglaise, les deux textes faisant également foi.

Pour la République française Pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Le président de la République Le Premier ministre

Le Premier ministre

Le ministre des affaires étrangères et européennes

Le ministre de la Défense

2. Durant le délai de préavis, les parties décident de modalités satisfaisantes pour le règlement de tout passif exigible. Toutes les dispositions du présent Traité continuent à s’appliquer durant ce délai. La coopération menée conformément aux accords ou arrangements spécifiques se poursuivra après l’expiration du présent Traité conformé-ment aux dispositions de ces accords ou arrangements. Les parties pourront apporter tout amendement nécessaire auxdits accords ou arrangements.

ARTICLE 15

Différends

Tout différend concernant l’interprétation ou l’application des dispositions du présent Traité est, dans la mesure du possible, réglé par voie de consultations entre les parties. Si un différend ne peut être réglé par voie de consultations, les parties peuvent décider de s’en remettre à un mécanisme de règlement des différends. Les parties décident du mécanisme adéquat.

ARTICLE 16

Amendements

Le présent Traité peut être amendé à tout moment, par écrit, d’un commun accord entre les parties.

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ARTICLE 17

Entrée en vigueur

Le présent Traité entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le dépôt du dernier des deux instruments de ratification.

En foi de quoi les soussignés, dûment autorisés par leur gouvernement respectif, ont signé le présent Traité.

Fait à…………………………………….., en double exemplaire, en langues française et anglaise, les deux textes faisant également foi.

Pour la République française Pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

Le président de la République Le Premier ministre

Le Premier ministre

Le ministre des affaires étrangères et européennes

Le ministre de la Défense

2. Durant le délai de préavis, les parties décident de modalités satisfaisantes pour le règlement de tout passif exigible. Toutes les dispositions du présent Traité continuent à s’appliquer durant ce délai. La coopération menée conformément aux accords ou arrangements spécifiques se poursuivra après l’expiration du présent Traité conformé-ment aux dispositions de ces accords ou arrangements. Les parties pourront apporter tout amendement nécessaire auxdits accords ou arrangements.

ARTICLE 15

Différends

Tout différend concernant l’interprétation ou l’application des dispositions du présent Traité est, dans la mesure du possible, réglé par voie de consultations entre les parties. Si un différend ne peut être réglé par voie de consultations, les parties peuvent décider de s’en remettre à un mécanisme de règlement des différends. Les parties décident du mécanisme adéquat.

ARTICLE 16

Amendements

Le présent Traité peut être amendé à tout moment, par écrit, d’un commun accord entre les parties.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Les enseignements tirés doivent être transformés en mesures concrètes afin d’améliorer la performance de l’UE sur le plan de la PSDC, notamment en termes de structures et de capacités. Nous souhaitons que l’Union, qui dispose d’un large éven-tail d’instruments, renforce sa contribution à la paix et la sécurité internationales et améliore sa capacité à faire face aux menaces qui pèsent sur sa sécurité. Le Traité de Lisbonne nous fournit une orientation précise à cet égard. À 1’avenir, la coopération structurée permanente pourrait constituer un outil utile pour réaliser des progrès enmatière de renforcement des capacités européennes.

Dans un contexte de fortes contraintes financières, nous devons être prêts à prendre des décisions audacieuses. La PSDC doit devenir à la fois plus performante et plus efficiente.

La France, l’Allemagne et la Pologne sont convaincues qu’avec vous comme chef de file, madame la haute représentante, et avec le soutien actif des États membres, nous avons aujourd’hui d’une bonne occasion pour réaliser des progrès significatifs dans les domaines qui suivent.

Coopération UE-Otan

Nous avons tous intérêt à une bonne relation entre l’UE et l’Otan, et cela pour une raison simple : la majorité des partenaires européens appartiennent aux deux organi-sations. L’amélioration de la coopération UE-Otan est nécessaire pour rendre plus efficace l’engagement européen dans les affaires mondiales. Nous reconnaissons et encourageons vivement les efforts que le secrétaire général de l’Otan et vous-même avez entrepris pour intensifier la coopération entre les deux organisations afin de donner une nouvelle impul-sion à cette coopération, en y associant 1’ensemble des États membres et des Alliés.

Des relations de travail sont essentielles pour remplir nos objectifs opérationnels. Il y a largement de quoi renforcer nos relations, tant en ce qui concerne la coopération sur les théâtres d’opération que dans le cadre d’initiatives pratiques, dans le domaine des capacités et dans d’autres domaines. À cet égard, nous soutenons sans réserve la nécessité de renforcer mutuellement la coopération pour faciliter la production de capacités de défense. Nous devons nous appuyer notamment sur le partenariat essentiel entre 1’Agence européenne de Défense et le Commandement allié pour la transformation (ACT) et encourager leur coopé-ration fructueuse dans des domaines déjà définis. Le dialogue entre l’UE et l’Otan pourrait également porter sur les nouveaux défis, notamment la cyberdéfense.

Pour compléter ce qui existe déjà dans le domaine des relations entre l’UE et l’Otan, nous nous félicitons également d’un resserrement de la coopération avec les États-Unis et d’autres pays tiers pour des opérations et missions de la PCSD, forts

Paris, Berlin, Varsovie, 6 décembre 2010

Les ministres des Affaires étrangèresde la France, de 1’Allemagne et de la PologneLes ministres de la Défensede la France, de l’Allemagne et de la Pologne

Madame Catherine AshtonHaute Représentante de l’Unioneuropéennepour les Affaires étrangèreset la politique de sécuritéConseil de l’Union européenne

(Traduit de l’anglais)

Madame la Haute Représentante,

Depuis Saint-Malo, nous avons fait des progrès considérables vers une véri-table contribution européenne à la gestion des crises et à la défense. Les objectifs et le cadre institutionnel de cette contribution ont été définis et confirmés par le Conseil européen, depuis sa réunion à Cologne en 1999 à celle de Bruxelles en 2008. Nous avons également été en mesure d’élaborer la Stratégie européenne de Sécurité, qui nous donne des orientations pour une action permanente reposant sur une évaluation com-mune de l’environnement de sécurité sur le continent et dans le reste du monde. Le Traité de Lisbonne nous fait encore progresser vers l’établissement d’une politique de sécurité et de défense commune (PSDC) qui correspondrait à nos ambitions.

Après plusieurs opérations réussies, en Bosnie, au Congo, au Tchad, au Ko-sovo, en Géorgie ou contre la piraterie au large des côtes de la Somalie, la politique de sécurité et de défense commune se renforce pour devenir un instrument efficace de gestion des crises. L’Union européenne est devenue un acteur reconnu et recherché dans le domaine de la sécurité. Elle sera de plus en sollicitée, seule ou en coordination avec d’autres acteurs comme les Nations unies, l’Otan, les États-Unis ou les puissances émergentes.

Pour maintenir cette dynamique, nous devons donner une nouvelle impulsion à la politique européenne de sécurité et de défense, en pleine complémentarité avec 1’Otan. Votre investissement personnel dans cette entreprise sera essentiel.

Lettre de Weimar

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Les enseignements tirés doivent être transformés en mesures concrètes afin d’améliorer la performance de l’UE sur le plan de la PSDC, notamment en termes de structures et de capacités. Nous souhaitons que l’Union, qui dispose d’un large éven-tail d’instruments, renforce sa contribution à la paix et la sécurité internationales et améliore sa capacité à faire face aux menaces qui pèsent sur sa sécurité. Le Traité de Lisbonne nous fournit une orientation précise à cet égard. À 1’avenir, la coopération structurée permanente pourrait constituer un outil utile pour réaliser des progrès enmatière de renforcement des capacités européennes.

Dans un contexte de fortes contraintes financières, nous devons être prêts à prendre des décisions audacieuses. La PSDC doit devenir à la fois plus performante et plus efficiente.

La France, l’Allemagne et la Pologne sont convaincues qu’avec vous comme chef de file, madame la haute représentante, et avec le soutien actif des États membres, nous avons aujourd’hui d’une bonne occasion pour réaliser des progrès significatifs dans les domaines qui suivent.

Coopération UE-Otan

Nous avons tous intérêt à une bonne relation entre l’UE et l’Otan, et cela pour une raison simple : la majorité des partenaires européens appartiennent aux deux organi-sations. L’amélioration de la coopération UE-Otan est nécessaire pour rendre plus efficace l’engagement européen dans les affaires mondiales. Nous reconnaissons et encourageons vivement les efforts que le secrétaire général de l’Otan et vous-même avez entrepris pour intensifier la coopération entre les deux organisations afin de donner une nouvelle impul-sion à cette coopération, en y associant 1’ensemble des États membres et des Alliés.

Des relations de travail sont essentielles pour remplir nos objectifs opérationnels. Il y a largement de quoi renforcer nos relations, tant en ce qui concerne la coopération sur les théâtres d’opération que dans le cadre d’initiatives pratiques, dans le domaine des capacités et dans d’autres domaines. À cet égard, nous soutenons sans réserve la nécessité de renforcer mutuellement la coopération pour faciliter la production de capacités de défense. Nous devons nous appuyer notamment sur le partenariat essentiel entre 1’Agence européenne de Défense et le Commandement allié pour la transformation (ACT) et encourager leur coopé-ration fructueuse dans des domaines déjà définis. Le dialogue entre l’UE et l’Otan pourrait également porter sur les nouveaux défis, notamment la cyberdéfense.

Pour compléter ce qui existe déjà dans le domaine des relations entre l’UE et l’Otan, nous nous félicitons également d’un resserrement de la coopération avec les États-Unis et d’autres pays tiers pour des opérations et missions de la PCSD, forts

Paris, Berlin, Varsovie, 6 décembre 2010

Les ministres des Affaires étrangèresde la France, de 1’Allemagne et de la PologneLes ministres de la Défensede la France, de l’Allemagne et de la Pologne

Madame Catherine AshtonHaute Représentante de l’Unioneuropéennepour les Affaires étrangèreset la politique de sécuritéConseil de l’Union européenne

(Traduit de l’anglais)

Madame la Haute Représentante,

Depuis Saint-Malo, nous avons fait des progrès considérables vers une véri-table contribution européenne à la gestion des crises et à la défense. Les objectifs et le cadre institutionnel de cette contribution ont été définis et confirmés par le Conseil européen, depuis sa réunion à Cologne en 1999 à celle de Bruxelles en 2008. Nous avons également été en mesure d’élaborer la Stratégie européenne de Sécurité, qui nous donne des orientations pour une action permanente reposant sur une évaluation com-mune de l’environnement de sécurité sur le continent et dans le reste du monde. Le Traité de Lisbonne nous fait encore progresser vers l’établissement d’une politique de sécurité et de défense commune (PSDC) qui correspondrait à nos ambitions.

Après plusieurs opérations réussies, en Bosnie, au Congo, au Tchad, au Ko-sovo, en Géorgie ou contre la piraterie au large des côtes de la Somalie, la politique de sécurité et de défense commune se renforce pour devenir un instrument efficace de gestion des crises. L’Union européenne est devenue un acteur reconnu et recherché dans le domaine de la sécurité. Elle sera de plus en sollicitée, seule ou en coordination avec d’autres acteurs comme les Nations unies, l’Otan, les États-Unis ou les puissances émergentes.

Pour maintenir cette dynamique, nous devons donner une nouvelle impulsion à la politique européenne de sécurité et de défense, en pleine complémentarité avec 1’Otan. Votre investissement personnel dans cette entreprise sera essentiel.

Lettre de Weimar

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Parallèlement, nous sommes convaincus que des principes de financement adéquats et équilibrés faciliteraient le déploiement des groupements tactiques. Pour pré-parer la révision du mécanisme Athena sous la présidence polonaise, nous travaillerons avec vous afin d’élaborer des propositions, concernant notamment un financement commun, visant à améliorer 1’état de préparation, la déployabilité et la rentabilité des groupements tactiques (par exemple le transport stratégique).

Capacités européennes

Les objectifs stratégiques entérinés il y a deux ans par le Conseil européen exigent de développer des capacités robustes, souples et interopérables. Dans le contexte financier actuel, le défi devient encore plus pressant. Néanmoins, nous devons conti-nuer à progresser sur des initiatives et des projets concrets, tant dans le cadre bilatéral que collectif, en renforçant la coopération au sein de 1’UE et entre 1’UE et l’Otan sur les questions de développement des capacités militaires et en recherchant de nouvelles méthodes de développement et d’optimisation de nos capacités (par exemple mutuali-sation des efforts, spécialisation).

La restructuration de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne demeure une nécessité stratégique et économique, de même que l’encourage-ment des investissements en matière de recherche. Nous estimons que sous votre impul-sion, l’Agence européenne de Défense peut jouer un rôle substantiel dans ce domaine particulier.

Nous vous invitons à présenter en temps opportun un rapport sur les progrès réalisés dans ce domaine important, qui pourrait servir de base à une discussion appro-fondie au niveau ministériel.

Partenaires de leadership

La France, 1’Allemagne et la Pologne vous soutiendront dans votre action d’impulsion pour faire en sorte que l’UE développe des outils plus robustes et plus efficaces permettant une action européenne cohérente.

Notre initiative doit être considérée comme un paquet global dont les mesures pourront être réalisées étape par étape.

L’Allemagne, la Pologne et la France vous proposent de lancer un processus de réflexion dès que possible à titre de première mesure en vue de la mise en œuvre de notre initiative.

de nos expériences au Kosovo, dans le cadre de l’opération Atalante ou de la mission EUTM en Somalie.

Nous sommes convaincus qu’avec le secrétaire général de l’Otan, vous avez un rôle crucial à jouer afin d’inciter les États membres à traduire ces engagements en mesures concrètes.

Capacités permanentes de planification et de conduite civilo-militaires, développement des groupements tactiques

En analysant les enseignements tirés des opérations et missions passées et compte tenu de notre niveau d’ambition élevé, nous estimons que la PSDC doit être plus efficace, notamment dans le domaine de la gestion des crises civilo-militaires. Pour compléter et faire progresser les décisions déjà prises au Conseil européen du 11 décembre 2008, nous jugeons particulièrement nécessaire d’améliorer nos capacités de planification et de conduite des opérations et des missions, de renforcer la coopération entre nos armées et de créer des synergies dans un contexte où les ressources sont limitées, en prenant bien en compte la complémentarité avec les capacités de planification nationales et celles de 1’Otan.

Forts de notre expérience, nous proposons de travailler sur trois éléments :

•Au niveau stratégique, amélioration de la capacité de planification et deconduite des opérations et missions civilo-militaires et militaires, en s’ap-puyant sur les structures existantes.

•Auniveauopérationnel,améliorationdescapacitésdeconduitemilitaires.

•Auniveautactique,adaptationdenosgroupementstactiquesàdesbesoinsopé-rationnels complexes, notamment par le biais d’un renforcement des capacités civilo-militaires. Dans ce contexte, nous étudierons également la possibilité de créer des modules comprenant des capacités militaires et civiles complètes.

Pour concrétiser 1’ensemble de ces propositions, 1’Allemagne, la Pologne et la France renforceront leur coopération au sein du groupement tactique qu’elles doivent mettre à disposition durant le premier semestre de 2013 en invitant leurs partenaires à partager leur expérience.

Compte tenu des possibilités qu’offre ce groupement tactique, 1’Allemagne, la Pologne et la France réaffirment leur volonté de le déployer. À cet égard, nous enten-dons le rendre plus disponible encore pour qu’il réagisse mieux aux urgences opération-nelles, notamment en mettant en place une planification avancée ciblée en coopération avec les structures de la PSDC.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Parallèlement, nous sommes convaincus que des principes de financement adéquats et équilibrés faciliteraient le déploiement des groupements tactiques. Pour pré-parer la révision du mécanisme Athena sous la présidence polonaise, nous travaillerons avec vous afin d’élaborer des propositions, concernant notamment un financement commun, visant à améliorer 1’état de préparation, la déployabilité et la rentabilité des groupements tactiques (par exemple le transport stratégique).

Capacités européennes

Les objectifs stratégiques entérinés il y a deux ans par le Conseil européen exigent de développer des capacités robustes, souples et interopérables. Dans le contexte financier actuel, le défi devient encore plus pressant. Néanmoins, nous devons conti-nuer à progresser sur des initiatives et des projets concrets, tant dans le cadre bilatéral que collectif, en renforçant la coopération au sein de 1’UE et entre 1’UE et l’Otan sur les questions de développement des capacités militaires et en recherchant de nouvelles méthodes de développement et d’optimisation de nos capacités (par exemple mutuali-sation des efforts, spécialisation).

La restructuration de la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne demeure une nécessité stratégique et économique, de même que l’encourage-ment des investissements en matière de recherche. Nous estimons que sous votre impul-sion, l’Agence européenne de Défense peut jouer un rôle substantiel dans ce domaine particulier.

Nous vous invitons à présenter en temps opportun un rapport sur les progrès réalisés dans ce domaine important, qui pourrait servir de base à une discussion appro-fondie au niveau ministériel.

Partenaires de leadership

La France, 1’Allemagne et la Pologne vous soutiendront dans votre action d’impulsion pour faire en sorte que l’UE développe des outils plus robustes et plus efficaces permettant une action européenne cohérente.

Notre initiative doit être considérée comme un paquet global dont les mesures pourront être réalisées étape par étape.

L’Allemagne, la Pologne et la France vous proposent de lancer un processus de réflexion dès que possible à titre de première mesure en vue de la mise en œuvre de notre initiative.

de nos expériences au Kosovo, dans le cadre de l’opération Atalante ou de la mission EUTM en Somalie.

Nous sommes convaincus qu’avec le secrétaire général de l’Otan, vous avez un rôle crucial à jouer afin d’inciter les États membres à traduire ces engagements en mesures concrètes.

Capacités permanentes de planification et de conduite civilo-militaires, développement des groupements tactiques

En analysant les enseignements tirés des opérations et missions passées et compte tenu de notre niveau d’ambition élevé, nous estimons que la PSDC doit être plus efficace, notamment dans le domaine de la gestion des crises civilo-militaires. Pour compléter et faire progresser les décisions déjà prises au Conseil européen du 11 décembre 2008, nous jugeons particulièrement nécessaire d’améliorer nos capacités de planification et de conduite des opérations et des missions, de renforcer la coopération entre nos armées et de créer des synergies dans un contexte où les ressources sont limitées, en prenant bien en compte la complémentarité avec les capacités de planification nationales et celles de 1’Otan.

Forts de notre expérience, nous proposons de travailler sur trois éléments :

•Au niveau stratégique, amélioration de la capacité de planification et deconduite des opérations et missions civilo-militaires et militaires, en s’ap-puyant sur les structures existantes.

•Auniveauopérationnel,améliorationdescapacitésdeconduitemilitaires.

•Auniveautactique,adaptationdenosgroupementstactiquesàdesbesoinsopé-rationnels complexes, notamment par le biais d’un renforcement des capacités civilo-militaires. Dans ce contexte, nous étudierons également la possibilité de créer des modules comprenant des capacités militaires et civiles complètes.

Pour concrétiser 1’ensemble de ces propositions, 1’Allemagne, la Pologne et la France renforceront leur coopération au sein du groupement tactique qu’elles doivent mettre à disposition durant le premier semestre de 2013 en invitant leurs partenaires à partager leur expérience.

Compte tenu des possibilités qu’offre ce groupement tactique, 1’Allemagne, la Pologne et la France réaffirment leur volonté de le déployer. À cet égard, nous enten-dons le rendre plus disponible encore pour qu’il réagisse mieux aux urgences opération-nelles, notamment en mettant en place une planification avancée ciblée en coopération avec les structures de la PSDC.

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L a n c a s t e r H o u s e , l e t t r e d e W e i m a rUn second souffle pour l’Europe de la défense ?

Nous sommes désireux de contribuer à ce processus en étroite coopération avec les présidences actuelle et futures, nos homologues et vous-mêmes. Nous sommes prêts à partager nos idées avec nos collègues et nous vous serions reconnaissants d’ins-crire ce point à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil "Affaires étrangères". L’objectif est d’obtenir des résultats concrets sous la présidence polonaise de l’UE du-rant le deuxième semestre de 2011

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Nous sommes désireux de contribuer à ce processus en étroite coopération avec les présidences actuelle et futures, nos homologues et vous-mêmes. Nous sommes prêts à partager nos idées avec nos collègues et nous vous serions reconnaissants d’ins-crire ce point à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil "Affaires étrangères". L’objectif est d’obtenir des résultats concrets sous la présidence polonaise de l’UE du-rant le deuxième semestre de 2011

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Table ronde du vendredi 6 janvier 2012

INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES DE DÉFENSE NATIONALEService communication - contact : 01 44 42 54 15

1 place Joffre – Paris VIIe

www.ihedn.fr

Synthèses&Interventions