L’EXPRESSION ORALE EN TERMINALE… UNE EPREUVE · 2008. 1. 4. · l’évaluation de l’aptitude...
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IUFM DE BOURGOGNE
Professeur certifié.Anglais.
L’EXPRESSION ORALEEN TERMINALE…UNE EPREUVE ?
Par Nelly BARAULT, sous la direction de Madame HOSTACHY.
Mai 2003 Numéro de dossier : 02STA03630
SOMMAIRE
Introduction……………………………………………………………… p. 1
I. A la recherche des causes… ……………………………………… p. 2
les contraintes institutionnelles ………………………………. p. 2
l’enquête menée et ses résultats ……………………………….. p. 4
le problème de la motivation ………………………………….. p. 7
II. Les stratégies mises en œuvre et leurs conséquences ….. p. 10
le dialogue ………………………………………………………. p. 10
l’évaluation ………………………………………………………. p. 13
le document iconographique, la vidéo, la musique…………. p. 15
les débats …………………………………………………………. p. 20
III. Les conclusions à en tirer ………………………………………. p. 23
la variété des activités ..…………………………………………. p. 23
l’ opinion des apprenants ………………………………………. p. 26
Conclusion……………………………………………………………….. p. 30
Introduction
A l’origine de ce mémoire, la question de Yohan, élève de Terminale S, en tout
début d’année : « Pourquoi est-on noté à l’oral, alors que l’épreuve du baccalauréat
est à l’écrit ? ». Après quelques explications de ma part, allant de l’importance de
l’adjectif «vivant » dans l’expression « langue vivante », à la nécessité de prendre
conscience d’un avenir à long terme qui va bien au-delà du baccalauréat, Yohan a
semblé assez convaincu. Cependant, ce qu’impliquait cette question n’a pas laissé les
quinze autres élèves de la classe tout à fait insensibles au problème. Très vite je me
suis en effet rendue compte que cette classe par ailleurs très sympathique et dont
l’effectif ne pouvait que favoriser la compétence d’expression orale, avait quelques
difficultés avec la prise de parole.
Il est vrai qu’en la comparant, sans doute à tort, avec la classe de seconde dont
je suis également le professeur, et avec les classes de collège que j’ai prises en charge
lors du stage de pratique accompagnée, la différence était flagrante en matière de
participation orale. De plus, en discutant avec les autres professeurs de cette
terminale, tout le monde s’accordait à dire que la classe manquait un peu de
dynamisme, même si je suis restée prudente avec ce « profil » de classe.
Tous ces éléments combinés ont remis en cause ma pratique pédagogique en
tant que professeur d’anglais, un de mes objectifs principal étant de faire en sorte que
le temps de parole des élèves en langue cible soit bien supérieur au mien. Comment
alors mettre en valeur l’expression orale des élèves de terminale dont la
préoccupation majeure – et on ne peut les en blâmer – reste le baccalauréat ?
Comment les stimuler, comment leur donner envie de s’exprimer oralement ?
Comment les aider à dépasser leurs appréhensions ? Autant de questions auxquelles
j’ai tenté de répondre durant ces quelques mois passés avec les Terminales 5.
Il convient tout d’abord d’essayer de repérer les divers éléments qui
constituent des obstacles à la prise de parole des apprenants ; éléments qui vont
ensuite être à l’origine de différentes stratégies mises en place pour remédier au
problème ; et enfin, à partir des échecs et des réussites de certaines pratiques,
quelques réponses sont données, sans pour autant mettre un point final à un sujet
qu’on n’aura de cesse d’étudier.
I. A la recherche des causes…
les contraintes institutionnelles
Dans la définition des épreuves du baccalauréat qui apparaît dans les
Instructions Officielles (note de service n° 2001-115 du 20 juin 2001 et rectificatif du
10 octobre 2001), deux épreuves concernent directement la série Scientifique. Il y a
d’une part « l’épreuve obligatoire écrite de langue vivante étrangère 1 [qui] a pour
objectif l’évaluation de l’aptitude à la compréhension de la langue écrite et
l’évaluation de l’aptitude à l’expression écrite », et d’autre part les « épreuves orales
de contrôle en langues vivantes étrangères » durant lesquelles « Après avoir présenté
le texte choisi par l’examinateur dans la liste, le candidat devra faire la preuve de son
aptitude à réagir spontanément au cours de l’entretien avec l’examinateur ».
Afin de préparer au mieux les élèves de Terminale S au baccalauréat, il faut
donc prendre en compte deux objectifs, tout en gardant à l’esprit que les élèves, eux,
n’en ont qu’un seul en tête : réussir l’épreuve écrite. Le professeur de langue, lui, doit
à la fois les amener à atteindre ce premier objectif et , le cas échéant, il ne doit pas les
laisser dépourvus en cas d’épreuve orale. Dans le cadre d’un volume horaire de deux
heures par semaine, il faut donc constituer une liste d’une dizaine de textes pour les
épreuves du second groupe, tout en faisant en sorte que l’épreuve écrite ne puisse en
aucun cas déstabiliser les élèves-candidats le jour venu.
Bien entendu, les deux préparations ne sont pas aux antipodes l’une de l’autre
puisque les textes étudiés qui vont constituer la liste finale permettent de travailler la
compréhension écrite. Ceci dit, les élèves ne voient pas toujours l’intérêt de faire se
succéder les textes les uns après les autres, et le volume horaire étant ce qu’il est, il
laisse peu de place à la fantaisie. Je cite à ce propos Sophie Moirand qui explique
dans Enseigner à communiquer en langue étrangère qu’« il est plus gratifiant pour
l’enseignant que les apprenants prennent en charge une partie de leur apprentissage,
mais [que] ce n’est pas toujours facile dans des situations où leur autonomie est
limitée par des contraintes institutionnelles. »
Car bien au-delà du baccalauréat, l’enseignant vise en effet l’autonomie de ses
élèves, et ne peut donc s’arrêter à leur avenir immédiat. Le même Yohan m’a un jour
demandé « Pourquoi ne fait-on pas des bacs blancs à la place des devoirs
surveillés ? ». Il est très net là encore que pour eux, l’avenir se joue en juin 2003, et je
me garderai bien de leur en tenir rigueur. L’enseignant, les élèves et Yohan en
particulier se rendent alors bien compte qu’ils se trouvent face à un vaste paradoxe :
en effet, on justifie une liste de textes par l’échéance du baccalauréat et on justifie
d’autres pratiques pédagogiques par l’avenir professionnel et tout ce qui s’y rattache.
Il n’est donc pas aisé de leur faire comprendre tous les facteurs qui entrent en jeu.
Même si les élèves connaissent plus ou moins les textes officiels, ils estiment
que l’oral y est placé au second rang et que l’écrit est privilégié. Dans ces conditions,
ils s’attachent aux compétences de compréhension de l’écrit et d’expression écrite, et
délaissent quelque peu les compétences liées à l’oral. Leur raisonnement est logique :
si l’oral était si important, l’épreuve du baccalauréat en Langue Vivante 1 serait un
oral, et non un écrit. Les textes officiels qui régissent le baccalauréat ne jouent donc
pas en faveur d’une plus grande prise en compte de l’oral en langue étrangère.
Mes seize élèves de Terminale S ont eu du mal – et certains d’entre eux ont
encore du mal – à comprendre l’utilité de l’oral au vu des épreuves du baccalauréat.
Et quand bien même ils entrevoient cette utilité dans l’après-juin 2003, ils ne se
sentent pas encore vraiment concernés. Le baccalauréat, aussi nécessaire qu’il soit,
peut donc les amener à choisir de privilégier le travail de l’écrit aux dépends du
travail de l’oral, et ceci dès le début de l’année de Terminale. Ici encore je cite Sophie
Moirand qui écrit : « Par les stratégies scolaires l’apprenant manifeste ses capacités
d’adaptation au système scolaire pour bien réussir les exercices et surtout les
épreuves d’examen auxquels on le soumet ; ce sont des stratégies qui visent des
objectifs académiques : réussir un concours et non pas apprendre à communiquer en
langue étrangère. »
Les textes officiels, le baccalauréat, le volume horaire sont autant de freins à la
participation orale des élèves de Terminale, mais bien d’autres éléments sont à
prendre en compte, comme en témoignent les résultats de l’enquête menée auprès de
quatre classes de Terminale du Lycée Stephen Liégeard à Brochon.
l’enquête et ses résultats (voir Annexes 1 a. et 1 b.)
Au fil des discussions avec mes collègues de langue qui enseignent en
Terminale, je me suis rendue compte que le manque de participation orale concernait
la plupart de ces classes. J’ai donc décider de faire un sondage et de le soumettre à
quatre classes de Terminale du lycée, dont la mienne. Au total, 85 élèves ont répondu
anonymement aux quatre questions qui constituaient l’enquête. L’objectif de cette
enquête était de comprendre le pourquoi de la « non-participation » de certains
élèves, de faire ressortir les divers éléments qui les empêchent de s’exprimer à l’oral,
et de voir quels genres d’activités pourraient, selon eux, être source de motivation.
Un autre aspect de l’enquête est à prendre en compte : son effet sur les élèves. Il
semble qu’aucun des élèves interrogés n’ait pris cette enquête à la légère, sans doute
parce qu’ils ont senti que leur opinion et leurs sentiments importaient, et qu’on
(l’institution, le lycée, les professeurs) s’intéressait à eux.
La première question de l’enquête était basée sur le quantitatif. Il était
demandé aux élèves s’ils participaient beaucoup ou peu en cours de langue. Sans
grande surprise, 43 d’entre eux ont coché la case « de temps en temps », ce qui
équivaut à un pourcentage de 50,6%. Mais il est plus intéressant de voir comment
sont répartis les élèves qui constituent l’autre moitié. Si on regroupe ceux qui disent
participer « souvent » et « le plus possible », on obtient un pourcentage de 22,4%. Ce
qui signifie que 27% des élèves interrogés participent « jamais » ou « très rarement ».
Les résultats correspondent donc bien au constat fait par les différents professeurs, et
montrent également que 73% des élèves sont eux-mêmes conscients du fait qu’ils
participent peu à l’oral. Cette première question conforte donc l’idée selon laquelle
les professeurs de langue des élèves interrogés se trouvent face à des classes dans
lesquelles la communication orale en langue étrangère n’est pas ce qu‘elle devrait
être ou ce qu’on souhaiterait qu’elle soit.
Logiquement la deuxième question s ‘attachait aux causes du problème
soulevé et demandait donc aux élèves pourquoi ils ne participaient pas à l’oral. A
première vue, les résultats peuvent paraître surprenants à une époque où sont
davantage mis en avant les problèmes liés à l’ennui et au manque d’intérêt des élèves
dans certaines matières. En effet, au vu des résultats de l’enquête, il s’avère
que près de 52% des élèves interrogés ne participent pas parce qu’ils ne comprennent
pas ce qui est demandé. Ainsi, l’enquête est avant tout axée sur la compétence
d’expression orale, alors que c’est la compétence de compréhension qui semble poser
problème à la majorité des élèves ! Il est évident qu’un élève qui ne comprend pas
une question ne peut y répondre, même avec plein de bonne volonté. A nous
enseignants, avant d’exiger une participation active, de faire en sorte que les
questions que nous posons soient comprises de tous et que ce que nous attendons
soit clair pour tous.
Dans ces conditions, il n’est pas trop étonnant de voir que la deuxième cause
de « non-participation » est la peur de faire une erreur pour 36% des élèves
interrogés. Il est clair que l’erreur est encore sacralisée par un certain nombre
d’élèves et donc par un certain nombre de professeurs. Le manque d’intérêt pour le
sujet arrive à la troisième place : c’est là que le problème de la motivation se pose,
problème qui sera approfondi dans la troisième partie de ce chapitre. Quelques
élèves interrogés ont également donné d’autres raisons pour expliquer le fait qu’ils
s’exprimaient peu à l’oral : la première raison est le manque d’inspiration (5 élèves
l’ont cité) ; 4 élèves ont mentionné le fait qu’ils ne parvenaient pas à formuler leurs
réponses, et d’autres encore ont écrit qu’ils avaient un mauvais niveau. Toutes ces
raisons montrent que les difficultés rencontrées par les élèves sont avant tout dues à
des problèmes liés aux compétences de élèves, plus qu’à un manque de bonne
volonté, même s’il est difficile d’interpréter et de comprendre ce que recouvre
l’expression « manque d’inspiration ».
La troisième question de l’enquête partait de l’idée selon laquelle un des buts
premiers de l’apprentissage d’une langue vivante est de pouvoir communiquer en
situation authentique dans la langue cible. J’ai donc voulu savoir si les élèves
voyaient un rapport entre ce qu’ils apprenaient en cours et les situations
authentiques dans lesquelles ils pouvaient se trouver ( à l’étranger ou au contact
d’anglophones), étant donné que l’enseignant est là pour à plus ou moins court terme
les rendre autonomes dans de pareilles situations. Les résultats de l’enquête
montrent que la grande majorité des élèves n’établissent pas de lien direct entre ce
qui est fait en cours et des situations réelles de communication. 47% d’entre eux
trouvent qu’il y a « plus ou moins » un lien et 42,4% qu’il n’y en a pas (« non » ou
« plutôt non ») ! C’est l’artificialité des contenus des cours qui est mise en
cause ici et ce constat est assez alarmant puisque les élèves se posent certainement la
question de l’utilité de ces cours dans l’optique d’une situation authentique, ce qui
constitue un net frein à l’implication orale de l’élève dans la progression du cours, et
donc à sa motivation.
La quatrième et dernière question proposait diverses activités ou supports
susceptibles de motiver les élèves à la participation orale. L’activité la plus stimulante
pour 50,6% d’entre eux est la confrontation d’opinions sous forme de débats, et cela
va dans le sens de l’observation faite précédemment sur le besoin des apprenants de
faire connaître leurs opinions et de les opposer à d’autres. Les élèves semblent
également trouver motivant de travailler à partir de vidéos, de musiques ou de
paroles de chansons (45,8%). En revanche, le travail avec l’assistant(e) et le travail à
partir d’enregistrements audio n’intéressent que peu d’élèves. Il convient de
remarquer que seulement 6 élèves sur 85 ont fait des suggestions, les 6 ayant proposé
la même chose : se rendre à l’étranger (ce qui est d’ailleurs possible dans le cadre du
lycée puisque depuis longtemps est organisé chaque année un échange avec une
école de York). Leurs centres d’intérêt restent donc la musique et la vidéo, et on ne
doit pas négliger leur désir de se faire entendre sur des sujets qui les concernent.
L’enquête a donc mis en lumière un certain nombre d’éléments qui expliquent
le manque de participation orale des élèves, ainsi que quelques ébauches de
solutions, notamment concernant la motivation des apprenants qui reste un
problème auquel il faut faire face.
le problème de la motivation
La notion de « motivation » a rejoint les bancs de l’école il y a déjà un certain
nombre d’années. Selon la définition de l’Encyclopédie Encarta, il s’agit de
l’ « ensemble des causes, conscientes ou inconscientes, qui sont à l’origine du
comportement individuel ». En tant qu’enseignant, il faut donc s’attacher à créer les
causes qui vont agir sur le comportement individuel des élèves tel qu’on le
souhaite. Dans son article des Cahiers Pédagogiques intitulé « Au-delà de la carotte
et du bâton », Monique Lafont rappelle l’origine du concept de « motivation » :
« Créée au départ (années 30) par des publicitaires américains, la notion de
motivation sert actuellement à désigner l’ensemble des processus ou
mécanismes par lesquels un groupe, une entreprise, une société parviennent à faire
endosser par leurs membres les rôles sociaux estimés souhaitables pour le bon
fonctionnement de l’ensemble .» On peut donc tout à fait adapter cette définition à
l’Ecole et plus particulièrement à une classe : il faut en effet tout un ensemble de
processus mis en place par le professeur afin que les élèves (membres de la classe)
adoptent un comportement souhaitable pour la bonne marche du cours. En d’autres
termes, pour ce qui est de la participation orale, il faut par diverses stratégies amener
les élèves à sentir la nécessité de l’échange oral pour la progression du cours.
Bon nombre d’ouvrages et de théories ont été publiés à ce sujet, mais il me
semble que la théorie des attentes de Porter et Lawler (psychosociologues
américains) expliquée par Monique Lafont, correspond bien aux mécanismes
psychologiques des apprenants. Selon eux, un individu ne s’implique dans l’action
que s’il a préalablement répondu « oui » à trois questions :
1. suis-je capable de réaliser l’action demandée et d’obtenir le résultat fixé ?
2. l’obtention du résultat déclenche-t-elle de manière quasi-certaine une contrepartie
(au moins une absence de punition) ?
3. l’enjeu présente-t-il un intérêt ou une réelle valeur ?
Faute de réponse positive, le « processus motivationnel » ne s’enclenchera pas. On a
vu dans l’enquête que la réponse à la question 1. est loin d’être toujours positive :
beaucoup d’élèves se sentent en effet incapables de répondre oralement aux
questions posées, soit parce qu’ils ne les comprennent pas, soit parce qu’ils ne
parviennent pas à formuler leurs réponses. Dans ce cas, le processus se bloque dès le
départ. La question 2. fait référence à l’évaluation ou encore aux appréciations du
professeur ou des autres élèves. Et enfin la question 3. se concentre sur la notion
d’ « intérêt » très en vogue ces dernières années.
On associe régulièrement « motivation » et « intérêt » jusqu’à les confondre.
Or la théorie des attentes montre qu’il y a d’autres étapes au sein du « processus
motivationnel » avant celle qui concerne l’intérêt. Bien entendu, dans le cadre d’un
cours, les étapes ne sont pas vraiment distinctes, elle sont au contraire naturellement
réunies. C’est à l’enseignant de faire en sorte que chez chaque élève le mécanisme de
motivation puisse s’enclencher sans entrave. L’élève doit comprendre ce qui lui est
demandé et être capable d’y répondre ; sa réponse doit être appréciée positivement
par l’enseignant d’une manière ou d’une autre ; et ce qui est demandé doit susciter
un intérêt pour tous. Ceci dit, dans l’esprit de l’apprenant, l’intérêt est certainement
prédominant : si le thème abordé n’éveille en lui aucune curiosité, il ne cherchera
peut-être pas à comprendre les questions posées.
Si des trois points, c’est aujourd’hui l’intérêt qui préoccupe les théoriciens et
les professeurs, c’est sans doute parce qu’il est plus aisé d’aider les élèves dans le
domaine des compétences linguistiques et d’encourager leurs efforts, que de trouver
des supports et des activités susceptibles des les intéresser. En ce qui concerne les
classes de Terminale, on a affaire à un public âgé de 17 à 20 ans qui n’a plus la même
spontanéité et la même curiosité qu’un public de Seconde. Mais l’enquête a montré
qu’ils avaient un certain nombre de centres d’intérêts sur lesquels nous, professeurs,
devons nous appuyer pour forger des cours « motivants ». A ce propos je cite Donn
Byrne qui dans le chapitre intitulé « The problems of the learners » de son ouvrage
Teaching oral English écrit : « […] The second problem is that of interest : in order to
talk, the students must have something to talk about ; but how do we select topics
and themes which will arouse their interest? There is no easy answer here, but clearly
the starting point must be the learners themselves : their own background and
experiences. »
La question est posée et même s’il est difficile d’y apporter des réponses, je me
suis attelée à trouver des solutions au problème soulevé. En prenant en compte les
contraintes institutionnelles, sans pour autant me focaliser sur elles, en écoutant les
difficultés rencontrées et les désirs formulés par les élèves dans l’enquête et pendant
certains cours, j’ai mis en œuvre diverses stratégies afin de stimuler l’expression
orale de mes élèves de Terminale 5. Je me suis inspirée des conseils prodigués par
mes collègues, ainsi que d’ouvrages traitant de l’oral et de la motivation. Toutes les
causes mentionnées dans cette première partie m’ont permis de comprendre toute
l’étendue du problème et de tenter d’y remédier dans la mesure du possible, grâce à
de multiples expériences que je vais m’attacher à décrire et à analyser.
II. Les stratégies mises en œuvre et leurs conséquences.
le dialogue
Après quelques semaines passées à enseigner l’anglais aux Terminales 5 et
après les multiples questions posées par les élèves sur la nécessité de l’oral, je me suis
dit que j’allais prendre quelques minutes sur l’heure de cours, voire plus, pour
discuter avec eux de l’importance de l’oral en langues vivantes.
J’ai commencé par leur expliquer que contrairement aux langues classiques
telles que le latin ou le grec ancien, l’anglais était une langue qui avant toute chose se
parlait, et qu’en situation authentique de communication, l’écrit serait de moindre
utilité. J’ai continué en leur disant qu’ils auraient sans doute beaucoup l’occasion de
voyager, et que vu la prédominance de l’anglais dans le monde, il serait dommage
qu’ils soient incapables de communiquer avec quiconque simplement parce qu’ils
n’ont pas pris l’habitude de parler anglais pendant les cours. Bien qu’ils fussent à
l’unanimité entièrement d’accord avec mes propos, ils n’ont pas semblés très
convaincus. Je me suis en outre rendue compte que le dialogue que j’avais eu en vue
s’était transformé en monologue, et j’ai donc poursuivi en leur posant des questions
sur leur avenir professionnel.
Certains d’entre eux visent des carrières d’ingénieurs, d’autres sont intéressés
par le commerce, mais la plupart d’entre eux n’ont pas de projet bien précis en tête.
J’ai donc insisté sur le fait qu’à l’époque à laquelle nous vivons, l’aptitude à parler
l’anglais ou une autre langue étrangère était nécessaire dans une grande partie des
corps de métiers, et que bien des entretiens d’embauche se faisaient en anglais.
Marie-Henriette Ott-Richard, dans son ouvrage Des clés pour l’interaction en anglais
cite les propos recueillis à Versailles lors du Colloque National sur l’enseignement
des langues vivantes en France (dans la perspective de l’ouverture européenne en
1993). Elle rappelle « qu’en ce qui concerne la qualification de leur personnel en
langues vivantes, les chefs d’entreprise à vocation internationale, comme ceux des
PME export donnent la priorité à la langue de communication » et « que la maîtrise
d’une ou plusieurs langues vivantes constitue pour eux un critère de recrutement à
tous les niveaux, de l’ingénieur au personnel de chantier et qu’un membre du
personnel de l’entreprise quel que soit son niveau de compétence est un
handicapé s’il ne parle pas la langue requise. » Ce fut à peu près le contenu de
mon discours, même si je n’ai pas utilisé tout à fait les mêmes termes face à ma classe
de Terminale. La réaction des élèves fut de contredire mes propos en affirmant que
ce n’était pas vrai pour toutes les entreprises et que j’exagérais. La discussion a pris
fin après quelques touches d’humour et le cours a repris sa marche habituelle, sans
plus ni moins de participation orale de la part des élèves.
Quel effet a eu cette modeste conversation ? Un effet bien minime à dire vrai.
D’une part les élèves ont bien du mal à imaginer ce qu’est le monde professionnel, et
ils se disent qu’ils ont encore quelques années d’études devant eux avant d’y entrer.
Il est difficile de les faire se représenter les attentes des entreprises en matière de
langues vivantes, d’autant plus qu’ils pensent avoir amplement le temps d’y penser.
D’autre part, la Terminale 5 a sans doute eu l’impression d’entendre dans mes
propos un discours moralisateur, plus qu’un discours constructif. On aura beau leur
répéter que telle ou telle chose est capitale pour leur avenir, il n’est pas aisé pour eux
de le comprendre à un âge où il se figurent mal ce que sera cet avenir.
Loin d’être découragée, j’ai saisi l’occasion de la réunion parents-professeurs
de Terminale qui a eu lieu en décembre pour insister à nouveau sur l’importance de
la participation orale en cours d’anglais. J’espérais que ce même discours basé sur la
communication orale et l’avenir professionnel serait mieux compris par les adultes
présents pour être ensuite retransmis aux élèves eux-mêmes. La plupart de ceux qui
étaient venus avec leurs parents ont promis qu’ils feraient un effort pour être plus
actifs oralement. Les cours qui ont suivi cette réunion n’ont cependant pas été très
différents de ceux qui l’avaient précédée.
Pourquoi ? Sans doute parce que le discours était encore le même, et que les
élèves ne l’écoutent plus à force de l’entendre. Il n’est pas très judicieux non plus de
sans cesse revenir sur le problème au risque de bloquer les élèves. Il convient plutôt
de contourner ce problème, de faire en sorte que les élèves se mettent à participer
davantage à l’oral sans qu’ils s’en rendent compte. Je n’irais pas jusqu’à dire que le
dialogue n’ a servi à rien puisqu’il est toujours très important de discuter avec les
élèves afin de mieux les connaître, et pour qu’ils sentent qu’on s’intéresse à eux, mais
il a presque eu l’effet inverse de ce pour quoi il avait été instaurer. Ainsi, lorsque par
la suite j’ai distribué l‘enquête en expliquant de quoi il s’agissait, j’ai évité d’aborder
à nouveau la question.
Après cette première stratégie sans grand effet quel que fût le ton employé, et
avant de m’attaquer aux contenus des cours à proprement parler, il m’a paru
essentiel de m’attarder un peu sur la question de l’évaluation de l’oral.
l’évaluation
Dès le jour de la rentrée, j’ai annoncé à ma classe de Terminale que la
participation orale serait évaluée. D’une part, il y aurait à chaque début d’heure, ou
presque, un contrôle des connaissances fait sous forme de Prise de Parole en Continu
(PPC) enregistrée sur un dictaphone et notée sur 20 à partir d’une grille d’évaluation
(Annexe 2). Ayant été habitués à ce genre d’exercices, les élèves n’étaient pas surpris.
D’autre part, leur participation orale pendant le cours serait évaluée
quantitativement et qualitativement par deux élèves de la classe. Pour être plus
précise, à chaque début d’heure, je distribuais la liste nominative des élèves (Annexe
3) à deux d’entre eux qui signalaient chaque prise de parole par un trait ou une croix
devant le nom de celui ou celle qui participait. Un code avait été mis au point dès le
départ pour ce qui était de l’évaluation qualitative : par exemple, un « very good » de
ma part équivalait à deux traits/croix. Les élèves qui évaluaient n’étaient bien
entendu jamais les mêmes. Cette deuxième façon d’évaluer a davantage surpris la
classe et a été à l’origine de la question de Yohan citée dans l’introduction. Ceci dit,
les élèves ont trouvé ce système assez juste et s’en sont vite accommodés.
Je trouvais moi aussi que c’était une bonne manière d’évaluer leurs prises de parole
au fil du cours, dans la mesure où ils étaient leurs propres évaluateurs et gagnaient
ainsi un peu d’autonomie. Avec ce système je n’étais pas le seul juge et cela m’évitais
en outre d’avoir à rester à proximité du bureau afin d’inscrire une croix à chaque fois
qu’un élève s’exprimait en anglais. Bien que juste pour les élèves et pratique pour le
professeur, visiblement ce système ne poussait pas les élèves à participer activement.
Et ils s’en sont aperçus le jour où j’ai donné les notes d’oral : la moyenne était de 9,6,
les notes s’échelonnant de 4 à 16. En dépit de l’air surpris ou déçu de certains élèves,
il n’y eut pas de contestations, sans doute parce qu’ils estimaient que les notes
obtenues reflétaient assez bien finalement leur implication en matière de
participation orale. D’ailleurs, ayant donné les notes en début d’heure, j’ai été
vraiment étonnée par l’effet produit sur l’heure de cours : jamais auparavant je
n’avais vu autant de mains levées et autant d’élèves ayant à cœur de participer à
l’oral. Même les élèves qui avaient l’habitude de ne rien dire ont pris part à la
construction du cours. Ravie, je les ai vivement félicités à la fin de l’heure.
L’effet produit n’a cependant pas duré très longtemps, ce qui m’a poussé à
réfléchir sur ma méthode d’évaluation qui ne me satisfaisait pas vraiment car l’élève
en tant qu’individu ne se rendait compte de la fréquence et de la qualité de sa
participation que lorsqu’il avait la liste sous les yeux, c’est-à-dire lorsqu’il était
évaluateur, ce qui arrivait toutes les huit séances. J’ai donc décidé de changer mon
système d’évaluation de l’oral, et de remplacer l’évaluation collective par une
évaluation individuelle (Annexe 4) , et ceci dès la rentrée du mois de janvier. Chaque
élève a ainsi sa propre grille d’évaluation de l’oral que je distribue à chaque début de
cours et ramasse à la fin de chaque heure de cours. Cette grille prend en compte
chaque effort de participation orale, même s’il ne s’agit que de quelques mots, afin
que même les élèves les plus réticents à l’expression orale comprennent que tout ce
qui est dit en langue cible a son importance. Grâce à cette grille l’élève est face à sa
propre progression inscrite noir sur blanc, et ceci à chaque heure de cours. Il observe
la part de son implication dans le cours, et la feuille blanche en cas de « non-
participation » peut causer une réaction positive de la part de l’apprenant.
Concrètement, ce changement de méthode d’évaluation n’est pas resté sans
conséquence. J’ai en effet observé qu’un certain nombre d’élèves qui participaient de
manière très irrégulière, le faisaient désormais régulièrement à chaque heure de
cours. Le comportement d’une élève, Corinne, a été particulièrement significatif :
Corinne a des résultats satisfaisants à l’écrit mais ne participe quasiment jamais à
l’oral. Au début d’un cours, je l’ai entendue dire à sa voisine : « Je ne vais quand
même pas avoir aucun bâton sur ma feuille ! », et de façon spontanée elle a fait le
compte-rendu de la séance précédente (il n’y avait pas de PPC enregistrée prévue).
C’était sans doute un gros effort de sa part et on voit donc clairement l’impact que
cette grille d’évaluation a pu avoir sur elle, même s’il n’en est pas de même pour tous
les élèves. D’une manière générale, le changement en matière d’évaluation n’a eu que
des effets positifs sur la participation orale des élèves. L’évaluation individuelle, plus
que l’évaluation collective, leur permet de mieux se rendre compte du rôle majeur
qu’ils jouent dans la note finale.
La remise en cause de la méthode d’évaluation a donc été d’une grande
utilité : elle a stimulé certains élèves et donc a quelque peu ravivé le cours. Ceci dit,
les cours se suivent et ne se ressemblent pas, et il est évident qu’un simple
changement de grille d’évaluation n’allait pas tout bouleverser. Il fallait désormais
s’attaquer au cours lui-même et à ma façon de le construire afin d’intéresser les
élèves, car il est bien plus facile et agréable de parler d’un sujet lorsqu’il éveille une
quelconque curiosité.
le document iconographique, la vidéo, la musique
Dès le début de l’année j’avais dans l’optique de ne pas m’arrêter à l’étude de
divers textes les uns après les autres, dans la mesure où l’exercice aurait été assez
rébarbatif à la fois pour les élèves et pour moi-même. Il me semblait que le document
iconographique était un support facilement abordable pour un professeur débutant
tout en étant un important stimulateur de parole pour les élèves. Et le premier
document que nous (les Terminales 5 et moi-même) avons étudié était un document
iconographique (Annexe 5), plus précisément une photo qui abordait le thème de
l’immigration aux Etats-Unis dans la première moitié du vingtième siècle. Les élèves
ont paru assez inspirés par cette photographie et la plupart d’entre eux ont participé
activement à l’oral. Le document iconographique a l’avantage de pouvoir être abordé
par tous les élèves : les plus faibles prennent volontiers la parole pour décrire le
document et ceux qui ont plus de facilité s’attachent davantage à l’implicite. Face à
une image ou une photo, il n’y a pas les mêmes barrières de compréhension que face
à un texte écrit, ce qui fait du document iconographique un document accessible à
tous.
Au fil des semaines nous avons étudiés un certain nombre d’images et de
photos, mais j’insisterais sur une en particulier qui a marqué la classe. La séquence à
venir avait pour sujet le rôle de la presse dans les sociétés modernes. Pour
l’introduire, j’avais choisi cette photo (Annexe 6) à dessein : moi-même ayant été
choquée par cette photographie, je me doutais qu’elle allait provoquer quelques
réactions parmi les élèves. Lorsque je leur ai demandé d’ouvrir leur manuel à la page
concernée, il y eut un temps de silence puis les mains se sont levées sans même
attendre que je demande quoi que ce soit. La description de la photographie fut
vraiment très succincte tant les élèves, et même les plus faibles, étaient pressés de
faire part de leur opinion sur l’implicite de la photo et donc sur la presse en général.
La classe s’est exprimée en majorité, en dénonçant l’attitude d’une certaine catégorie
de médias, comme en témoignait sur la photo le comportement du journaliste
écrasant la petite fille. Les avis étaient partagés quant à cette petite fille : était-elle
vivante ou non ? Mais tous ont tenté de justifier leurs interprétations, ce qui est très
constructif et enrichissant en matière de participation orale.
Ce document a donc choqué les esprits sans doute parce qu’on se sent tous
concernés par l’omniprésence des médias, et les élèves peut-être encore plus que
nous. Il a donné envie aux élèves de s’exprimer, et ce fut un réel plaisir que de voir
une discussion s’établir entre eux en langue cible ! Bien entendu tous les documents
iconographiques vus en classe n’ont pas été étudiés avec le même enthousiasme. Le
choix du document est très important ainsi que le thème qu’il aborde. Cependant,
qu’il soit analysé de manière plus ou moins active, le document iconographique a le
mérite de faire parler la plupart des élèves, ce qui n’est pas le cas de tous les
supports.
L’enquête a montré que 45,8% des élèves interrogés pensent que la vidéo est un
support motivant pour la participation orale. Je me suis donc penchée sur la
question, ayant à cœur de varier les supports le plus possible. Nous sommes partis
de l’extrait du roman Philadelphia qui apparaît dans le manuel Your Way (Annexe 7)
sous le titre « The Handshake ». Il s’agissait d’un document écrit : nous avons donc
commencé par travailler sur la compréhension du texte, puis par la suite, nous en
avons analyser l’implicite qui abordait la discrimination sexuelle et les préjugés
concernant les malades du SIDA et les personnes séropositives. Une fois le texte
compris les élèves se sont assez impliqués dans l’échange oral : le sujet semblait les
intéresser.
Ayant en mémoire le film « Philadelphia » qui avait marqué l’époque, j’avais
décidé de mettre en parallèle avec le texte l’extrait de film correspondant. Comme les
divergences étaient nombreuses entre les deux, il me paraissait intéressant de les
comparer et de voir ce que le livre avait retenu du film puisqu’il s’agit d’un des rares
exemples où le roman s’ inspire du film. Pendant le premier visionnage de l’extrait
en question, je pris soin de cacher les sous-titrages français, ce qui a posé un certain
nombre de problèmes de compréhension aux élèves. En effet, Tom Hanks et Denzel
Washington parlent assez rapidement, et la classe a eu des difficultés à comprendre
les dires des acteurs. Quelques élèves se sont quand même exprimés pour décrire la
situation, mais la plupart d’entre eux ont été gênés par la compréhension et n’ont
donc quasiment rien dit. Après plusieurs visionnages et la découverte des sous-
titrages, les élèves ne se sont plus heurtés au problème de la compréhension, mais la
participation orale est quand même restée très moyenne, en dépit du sujet qui au
départ les avait intéressés et d’un support a priori plus attrayant qu’un texte.
Pourquoi ? Tout d’abord il était pour moi impensable que des élèves de
quelques années plus jeunes que moi n’aient pas vu le film « Philadelphia ». Il a
tellement marqué toute ma génération que leur connaissance du film était pour moi
d’ores et déjà acquise, ce qui était loin d’être le cas puisque lorsque j’ai demandé qui
l’avait déjà vu, deux mains se sont levées dans la classe, à ma plus grande surprise. Je
m’étais en fait mis dans la tête que la compréhension ne poserait aucun problème
puisqu’ils connaissaient déjà l’histoire. Or la compréhension a causé de vraies
difficultés et, on l’a vu dans les résultats de l’enquête, cela va bien évidemment à
l’encontre de toute envie et de toute possibilité de s’exprimer oralement. Ensuite, je
pense que le sujet ayant déjà été abordé dans le texte, les élèves étaient un peu lassés
par une séquence qui traînait un peu en longueur. Il aurait été peut-être plus
judicieux de commencer par la vidéo, pour surprendre les élèves et consolider
ensuite la leçon par une rapide étude du texte. En bref, cette expérience n’a pas été
très concluante en matière de participation orale, sans doute parce que j’avais fait ce
choix en fonction de moi-même et non pas en fonction des élèves.
D’après l’enquête, le même pourcentage d’élèves ont choisi la vidéo et la
musique comme supports « moteurs » de la participation orale. J’ai donc décidé de
construire une séquence autour d’une artiste, peut-être méconnue des élèves, mais à
la biographie tout à fait surprenante et susceptible de les intéresser : j’ai choisi Sinéad
O’Connor, compositeur-interprète irlandais, dont les débuts quelque peu
anticonformistes ont alimenté la presse. M’appuyant sur mon expérience avec la
vidéo, les élèves ont cette fois-ci été tout de suite mis en contact avec la musique et la
chanson, avant toute forme de texte écrit.
J’avais sélectionné la chanson « Black boys on mopeds » issue de l’album I do
not want what I haven’t got (paroles en Annexe 8 a.), pour le côté rebelle des paroles
et surtout pour tout l’arrière-plan culturel auquel il est fait référence. Lors de la
première écoute, les élèves n’avaient rien sous les yeux et je leur ai demandé de
retenir les mots et les expressions qu’ils comprenaient. A la fin de l’écoute, la plupart
des mains étaient levées et j’ai écrit au tableau sous leur dictée tous les termes qu’ils
avaient relevés. La deuxième écoute se fit avec la même consigne, et là encore, un
certain nombre d’élèves se sont investis dans le cours. A partir de toutes les
expressions relevées (il y avait parmi elles « Margareth Thatcher on TV », « the home
of the police », « England »), nous avons tenté tous ensemble de deviner les grandes
lignes de ce qui était dit dans la chanson et de formuler des hypothèses quant à
l’origine de la chanteuse. Bien que l’exercice fût difficile, les élèves se sont montrés
assez volontaires et les hypothèses se sont succédées de manière très active. J’ai
ensuite distribué le texte incomplet et nous avons réécouté la chanson afin de
combler les blancs, activité qui s’est révélée très stimulante pour la participation orale
puisque tous les élèves se sont exprimés spontanément. Après avoir déblayé la
compréhension des paroles, nous nous sommes attachés aux références culturelles, et
je dois beaucoup à Julien qui, féru d’histoire, a donné à ses camarades tous les
repères culturels dont ils avaient besoin pour saisir le sens du texte, et ceci en anglais.
Il fut d’ailleurs très intéressant de voir avec quelle volonté d’apprendre les autres
l’ont écouté. Le cours s’est enfin axé sur la signification implicite des paroles, et les
élèves ont beaucoup participé pour dire combien les mots dénonçaient la politique de
l’Angleterre.
Dans la mesure où peu de choses avaient été dites quant à la personnalité de la
chanteuse, j’ai fait un lien entre cette chanson et un article paru dans le Chicago Sun-
Times en 1997 intitulé « A kinder, gentler O’Connor brings new style to town »
(Annexe 8 b.). Cet article montre l’évolution de Sinéad O’Connor, de l’époque où elle
écrivait des textes comme « Black boys on mopeds » à 1997, année de parution de
l’article. Il fait également une brève allusion au problème de la religion en Irlande. Là
encore les élèves ont été très intéressés par le comportement provocateur de la
chanteuse, ainsi que par ses propos assez directs. Une fois le texte compris, ils se sont
volontiers exprimés sur la maturité acquise par la chanteuse, sur les gestes choquants
qu’elle a pu faire, sur le ton qu‘elle utilise et sur l’objectif de l’article de manière plus
générale. Etant donné le côté réactionnaire de cette artiste, les élèves se sont peut-être
sentis plus concernés à un âge où ils ont encore cette volonté de s’opposer aux
institutions et de « refaire le monde ». Il a semblé que la vie de Sinéad O’Connor les
ait touchés et c’est certainement la raison pour laquelle ils ont eu envie de s’exprimer.
Par conséquent, cette expérience « musicale » a porté ses fruits. Le travail sur
la chanson a permis à tous de participer puisque même les plus faibles ont pu faire
part de ce qu’il avaient compris. J’ai d’ailleurs remarqué que parmi ces élèves,
certains d’entre eux avaient une grande faculté d’écoute et de reconnaissance de la
langue. Je n’ai pas été cette fois prise de cours par la méconnaissance de l’artiste mais
au contraire, je m’en suis servi afin de créer une attente et de surprendre les élèves, ce
qui a plutôt bien fonctionné puisque ils ont découvert quelqu’un dont les expériences
et la musique les ont intéressés et les ont fait s’exprimer spontanément en langue
cible. Si cette séquence a favorisé la participation orale, c’est d’abord parce que le
support changeait, et aussi parce que la personnalité de l’artiste choisie était en
accord avec le côté « rebelle » des élèves face à la société, ce qui a inconsciemment
provoquer leur prise de parole. Ils ont ainsi exprimé leur opinion quant aux propos
et aux actions de la chanteuse, et fait part de leur avis, ce qui importe beaucoup pour
eux. C’est ce qu’on va voir dans la mise en place des débats.
les débats
Au vu des résultats de l‘enquête, il est très net que l’organisation de débats est
ce qui semble le plus éveiller l’intérêt des élèves. Comme on l’a vu précédemment, ils
aiment donner leur opinion et la confronter à d’autres, et dans ces conditions, l’idée
du débat paraît répondre à leurs attentes.
Avant même que l’enquête soit réalisée, j’avais avec les Terminales 5 mis en
place un débat ; quand j’écris « j’avais mis en place », l’expression n’est pas très juste
puisqu’à dire vrai, il s’était mis en place tout seul, mettant fin à l’étude de l’article de
Newsweek intitulé « Shepherds of the inner city » (Annexe 9). En effet, nous venions
de terminer l’étude du texte et j’ai demandé aux élèves leur opinion sur ce
programme américain destiné à remettre dans le droit chemin des adolescents à la
dérive. Quelques élèves ont commencé à faire part de leurs commentaires sur le sujet
et les avis divergeaient. Ainsi peu à peu, les uns se sont mis à répondre aux
remarques des autres et deux groupes se sont formés, les uns étant plutôt « pour » ce
genre de programmes, les autres plutôt « contre ». Mon rôle se limitait à donner la
parole de façon équitable et à fournir du vocabulaire en cas de besoin. Le débat s’est
donc installé et même si les seize élèves ne se sont pas tous impliqués, une bonne
dizaine d’entre eux se sont pris au jeu et se sont exprimés de façon spontanée. Le
débat a duré un peu plus d’un quart d’heure et c’est la sonnerie qui y a mis fin. En
dépit de l’absence d’organisation, il y avait eu un échange d’idées en anglais tel qu’il
aurait pu se faire en situation authentique de communication entre personnes
anglophones. Les élèves m’ont dit avoir pris beaucoup de plaisir à prendre part à ce
genre d’activité.
Cette manifestation d’enthousiasme ainsi que les résultats de l’enquête m’ont
incitée à renouveler l’expérience avec eux, de manière un peu plus organisée, et ce
fut fait à partir d’un extrait du roman de Bill Bryson, The Lost Continent, le titre de
l’extrait donné par le manuel Your Way étant « Electric holidays » (Annexe 10). Ce
texte aborde un certain type de tourisme américain qui consiste à suréquiper un
mobile home ou un camping-car pour être sûr de ne manquer de rien une fois loin de
la maison. Le narrateur, partisan des départs à l’aventure et du camping sauvage,
décrit ce phénomène avec beaucoup d’humour et de sarcasme. Après l’étude du
texte, j’ai divisé la classe (géographiquement) en deux groupes de huit, un groupe
étant de l’avis du narrateur, les autres élèves étant des fidèles des mobile homes et
camping-cars tout équipés. Je leur ai donné quelques minutes pour trouver des
arguments pertinents pour défendre leur point de vue ; la consigne leur interdisait le
recours au français. Même s’ils ont commencé en français, après quelques remarques
de ma part, ils se sont mis à échanger en anglais à l’intérieur des deux groupes. Je cite
à nouveau à ce propos Sophie Moirand qui explique que « Quand on introduit le
travail en groupes, on s’aperçoit que les apprenants impliqués dans une tâche
commune font appel pour la mener à bien à des stratégies particulières dès qu’ils
perçoivent un décalage entre leurs besoins de communication et leurs capacités
communicatives potentielles : il s’agit en effet d’arriver à faire passer son point de
vue, discuter celui des autres, accepter de se corriger, corriger les autres, etc. » Il est
vrai que j’ai été témoin ce jour-là de réelles discussions sans que les élèves me
demandent tel ou tel mot de vocabulaire ; ils ont puisé dans leurs connaissances et
ont réellement fait preuve d’autonomie. Le débat en lui-même a été tout a fait digne
de ce nom et les élèves ont pris plaisir à détruire les arguments du groupe opposé. Ce
fut un exercice très enrichissant et tous les élèves se sont investis en prenant la parole
pour défendre les intérêts du groupe.
A quoi doit-on un tel enthousiasme ? D’une part, comme cela a été dit
précédemment, il tient au fait que les élèves aiment se prononcer sur des thèmes qui
les touchent. Le premier débat cité concernait directement leur tranche d’âge et le
système scolaire, et le second, traité avec humour décrivait un type de vacances
particulier qu’ils avaient pu ou seraient à même d’expérimenter. D’autre part, il ne
faut pas négliger l’ambiance de classe que crée un débat, fort différente de celle d’un
cours « normal ». En effet, l’atmosphère est plus détendue et il n’y a pas une « leçon »
à proprement parler écrite au tableau, ce qui joue en faveur des élèves gênés ou
angoissés et laisse davantage libre cours à l’expression de leurs opinions. Enfin, dans
ces cas-là, le professeur s’efface et ceci est important dans la mesure où les élèves ont
le sentiment d’eux-mêmes construire le cours de façon plus autonome. Autant de
raisons qui font du débat un élément moteur de la participation orale.
Voici donc comment les Terminales 5 ont été confrontés à divers supports et
diverses activités, tous sensés stimuler leur participation orale, avec les réussites et
les échecs qui viennent d’être mentionnés et expliqués. Bien qu’on ne peut établir des
règles générales concernant les stratégies qui donnent des résultats ou non, dans la
mesure où chaque classe est différente de même que chaque élève ou chaque heure
de cours, il convient d’analyser tout ce qui a pu se passer au sein de cette classe en
matière de participation orale. Même si quelques prémices de réponses ont été
données, il faut repérer les facteurs qui sont entrés en jeu dans le développement de
la compétence d’expression orale.
III. Les conclusions à en tirer
la variété des activités
Sans même enseigner, chacun est conscient que la monotonie est l’ennemie de
la motivation et de l’intérêt. En dépit des contraintes institutionnelles qui requièrent
en Terminale la présentation d’une liste de textes au baccalauréat, on ne peut se
contenter d’étudier des textes les uns après les autres, sans s’attacher à d’autres
supports ou d’autres activités. L’enquête est d’ailleurs significative puisque aucun
des élèves interrogés n’a coché qu’une seule case à la question 4, ce qui montre très
clairement que les élèves ont besoin de changement et sont entièrement en faveur
d’une multiplicité de supports et d’activités. C’est en ce sens que j’ai œuvré afin
d’éviter un travail trop routinier avec eux, en mettant en place tout ce que j’ai décrit
dans la deuxième partie de ce mémoire. J’ai compris au fil des semaines, puis des
mois qu’il fallait surprendre les élèves et leur offrir de la nouveauté dans la mesure
du possible, car c’est ainsi qu’ils vont être amenés à participer oralement, sans en
prendre réellement conscience.
Il est très intéressant, par exemple, de voir avec quelle impatience les élèves
attendent la mise en marche de la télévision, dès qu’ils voient une cassette vidéo
posée sur le bureau. Et si je reprends l’exemple de « Philadelphia » cité
précédemment, le fait que l’extrait du film s’inscrive dans la continuité du texte a mis
à mal la surprise et la nouveauté visées, et c’est en ce sens je pense, que la
participation orale des élèves n’a pas été à la mesure de mes espérances. D’ailleurs
lorsque j’ai à nouveau passé l’extrait du film lors de la séance suivante, ils ont
exprimé à voix basse, mais sans doute de façon à ce que je l’entende, leur « ras le
bol ». Cet exemple illustre bien l’idée selon laquelle il ne faut pas varier les activités
dans ce seul but. Il est important d’utiliser un nouveau support de la bonne manière,
et au bon moment de façon à ce qu’il soit naturellement stimulateur de participation
orale. Pour ce faire, il faut faire appel aux émotions des élèves, telles que la surprise :
c’est ainsi que l’élève a envie de s’exprimer. C’est pourquoi la variété des supports et
des activités est si importante au cours de l’année… mais aussi au cours de l’heure.
En effet, de même que la monotonie ne doit pas s’installer au fil des séances,
elle ne doit pas avoir sa place durant une heure de cours, et je me suis rendue compte
de cela un peu plus tard dans l’année. Pourtant, lors de l’année que j’ai passée en
Angleterre, j’enseignais le Français à des élèves de maternelle et de primaire de
manière ludique, et je devais changer d’activité, de jeu environ toutes les 5-10
minutes afin que les enfants restent concentrés et ne s’ennuient pas. A cet âge-là un
rythme rapide est nécessaire. Or je n’ai pas fait le lien entre mon expérience là-bas et
celle que je vivais avec mes Terminales : la différence d’âge était telle que je ne
pensais pas que des adolescents entre 17 et 20 ans éprouvaient le même besoin, à
moindre échelle, de changer d’activité plusieurs fois au cours de l’heure. J’ ai pris
conscience de cet aspect lors d’une séance durant laquelle nous avions un certain
nombre de choses à faire : le cours s’est déroulé à un rythme assez soutenu et les
élèves ont beaucoup participé à l’oral. Avec un certain recul j’ai compris que la
succession d’activités très diverses avait rythmé le cours et avait empêché l’ennui de
s’installer.
C’est à partir de là que j’ai fait en sorte de donner plus de petites activités à
faire à la maison, pour aider à la compréhension notamment, ce qui permet à chacun
de se pencher à son rythme sur un texte ou tout autre document, de le comprendre,
et une fois de retour en classe de pouvoir en rendre compte à l’oral. L’activité de
correction de ce genre d’exercices est très stimulatrice de prise de parole, même par
les élèves les plus en difficulté. De même, je fais plus ou moins rapidement des
révisions sur certains points de grammaire qui posent problème, en faisant réfléchir
les élèves sur le pourquoi d’une règle et en les faisant ensuite pratiquer à l’écrit et à
l’oral. Toutes ces petites activités créent des ruptures dans le déroulement du cours et
donc évitent une certaine routine qui rend les élèves très passifs et donc très peu
enclins à l’expression orale.
Pour les mois et les années à venir, j’aimerais me servir de mon expérience
dans le cycle primaire également pour l’aspect ludique de la chose. En effet, à tous
niveaux les élèves sont, je pense, sensibles aux jeux sous quelque forme qu’ils soient.
D’après les résultats de l’enquête, 40% des élèves interrogés se disent intéressés par
des « jeux de mise en situation ». Le jeu semble favoriser l’apprentissage tout comme
l’investissement et l’implication dans le cours. Je souhaite donc mettre en place un
certain nombre d’activités ludiques, même en classe de Terminale, afin de me rendre
compte de l’impact que ce genre d’activité peut avoir sur la participation orale des
élèves. Bien entendu, le tout est de les créer et surtout de les adapter au public
concerné. Mais c’est sans aucun doute une piste que je veux suivre dans l’optique
d’une expression orale plus importante de la part des élèves. Il est en effet quasi-
certain qu’un jeu au sein d’un cours (bien sûr en relation avec le thème ou le point de
grammaire abordés) ne peut que favoriser l’expression des élèves à condition qu’il ne
soit pas trop en décalage avec leur âge. Là encore il permettrait une rupture dans le
cours et de cette manière l’animerait.
Je ne voudrais pas dans ce sous-chapitre sembler dénigrer le document écrit,
sous prétexte de varier les supports. Il a en effet son importance, non seulement d’un
point de vue institutionnel, mais aussi dans l’optique d’une plus grande participation
orale. Dans son ouvrage Une approche communicative de l’enseignement des
langues, H.G. Widdowson pose la question suivante : « Comment proposer une
lecture de façon à persuader l’apprenant de l’envisager comme un exemple d’emploi
normal de la langue même quand ce n’est pas le cas ? » Et il répond en expliquant
que « L’apprenant peut ne ressentir aucune motivation à lire quelque chose traitant
de questions extérieures à ses centres d’intérêt ordinaires, un morceau de langue
isolé qui lui est imposé à des fins d’apprentissage de la langue. » Un document écrit
peut être très motivant en matière de participation orale, à l’instar de documents
vidéo ou musicaux ; de la même manière, ces derniers peuvent paraître tout à fait
inintéressants pour les élèves s’ils ont été mal choisis, c’est-à-dire s’ils ne
correspondent en rien aux centres d’intérêt des élèves. En ce sens varier les supports
et les activités sous-entend également de varier les thèmes abordés. Et on est parfois
surpris par l’intérêt qu’éveille tel ou tel texte chez les élèves, simplement parce qu’il
les concerne plus. Le document écrit ne va donc pas à l’encontre de la participation
orale des élèves, et parfois bien au contraire. Il ne suffit pas de varier les supports et
les activités pour que les élèves prennent plaisir à s’exprimer à l’oral, il faut aussi
procéder à des choix qui prennent en compte leur vécu et leurs expériences. Et
certains textes sont de grands stimulateurs de prise de parole, comme on l’a vu avec
l’article concernant Sinéad O’Connor entre autres. Par conséquent il ne faut pas
minimiser l’intérêt du document écrit et s’en tenir à l’aspect rébarbatif qu’il peut
revêtir.
Ainsi « variété » et « diversité » sont les maîtres-mots de l’implication des
élèves dans la construction du cours. Et il faut donc sans cesse varier les supports, les
activités et aussi les sujets étudiés pour éveiller l’intérêt des élèves. Mais cela doit se
faire de manière réfléchie afin de faire les bons choix, en accord dans la mesure du
possible avec les désirs des élèves.
l’opinion de l’apprenant
L’opinion des apprenants doit être perçue de deux façons : il faut d’une part
en tenir compte dans le choix des activités et des supports, d’autre part il faut faire en
sorte que les apprenants puissent l’exprimer. L’opinion est donc à la fois à la base du
choix fait par l’enseignant et ce qui en résulte. Mais dans les deux cas, ce qui importe
pour les élèves, c’est qu’on leur demande ce qu’ils pensent de tel ou tel support ou de
tel ou tel point de vue adopté par l’auteur.
Tout en sachant cela, je n’ai pourtant pas fait en sorte dès le début de prendre
en compte leur intérêt pour certains sujets. Au départ, je sélectionnais des documents
« susceptibles » de les intéresser, sans savoir vraiment s’ils allaient effectivement
éveiller une quelconque curiosité chez les élèves. Pourtant, le jour de la rentrée, je
leur avais fait remplir une fiche sur laquelle ils devaient m’écrire ce qu’ils aimaient et
ce qu’ils n’aimaient pas dans la vie en général. Je m’étais alors jurée de prendre en
compte leurs réponses dans mes choix de documents, ce que je n’ai pas vraiment fait.
Or en les relisant récemment je me suis rendue compte que la majorité d’entre eux
s’intéressaient au sport. J’ai donc fermement l’intention d’étudier avec eux un
document abordant le thème du sport, ce qui serait d’autant plus intéressant qu’une
élève de la classe, Cécilia, pratique la course d’orientation à haut niveau et pourrait
donc faire partager son expérience. Je n’ai pas assez tenu compte de leurs centres
d’intérêt au début de l’année et n’ai donc pas orienté mes choix en fonction de ceux-
ci ; ce qui n’a bien sûr pas jouer en faveur d’une plus grande participation orale.
C’est lors de mes lectures (cf. les ouvrages cités dans la bibliographie) et
lorsque a commencé à germer l’idée de faire une enquête que je me suis rendue
compte de mon erreur. Je cite à ce propos une nouvelle fois Donn Byrne qui dans son
ouvrage mentionné précédemment rappelle : « What we should be concerned with is
not what the students know but their opinions and reactions. » En tant que débutante
dans la profession je me suis au départ concentrée sur les connaissances et les savoir-
faire des élèves, en ayant pour seul objectif de les accroître, et j’ai considéré leurs
centres d’intérêt comme secondaires, ce qui n’est bien sûr pas le cas. C’est en effet en
choisissant des thèmes qui les concerne qu’on stimule leur envie de participer à l’oral
et donc qu’ils enrichissent par eux-mêmes leurs connaissances. L’enquête a été très
importante dans ma prise de conscience du fait que les élèves avaient des désirs qui
pouvaient être aisément satisfaits dans le cours.
C’est ainsi que je me suis mise à rechercher des documents traitant des sujets
qui les concernent directement, comme cela a été le cas par exemple avec le texte
« Shepherds of the inner city » : les élèves ont immédiatement fait le lien entre les
problèmes que la jeunesse américaine rencontre avec la scolarité et ce qui se passe en
France en ce moment. Comme l’explique Marie-Henriette Ott-Richard dans son
ouvrage déjà cité, « Le cours doit se prolonger dans le monde extérieur qui est
l’univers réel des élèves et des événements qui font leur vie. » Ainsi, si je reprends cet
exemple, les élèves ont participé de manière très active, car de par leur âge ils se sont
sentis assez proches du travailleur social dont est racontée l’histoire dans le texte, et
se sont intéressés à un problème qui n’existe pas qu’aux Etats-Unis. J’ai d’ailleurs
remarqué que l’actualité les intéresse beaucoup plus qu’on ne peut le penser, tout au
moins en ce qui concerne ma classe de Terminale. En tant qu’enseignant, il faut donc
prêter attention au moindre indice que peuvent nous donner les élèves sur leurs
centres d’intérêt, et ensuite les exploiter afin de construire des séquences en lien
direct avec ce qui les concerne, tout en étant pertinentes d’un point de vue
pédagogique. L’enquête a indirectement montré que les élèves appréciaient qu’on
leur demande leur avis, puisque aucun des élèves interrogés n’a fait part d’une
réflexion négative quant à l’enquête et tous ont semblé contents de donner leur point
de vue.
Mais l‘enquête n’ a pas seulement révélé la volonté des élèves à se prononcer
sur les supports qu’ils aimeraient voir plus souvent utilisés, elle a également
démontré qu’ils ont besoin de donner leur point de vue sur le contenu du support, à
savoir la position de telle ou telle personne sur un thème précis. C’est en ce sens que
la majorité d’entre eux ont dit aimer prendre part à des débats. A en juger par ceux
qui ont été organisés dans la classe, il est très net qu’ils sont sources d’expression
orale pour les élèves parce qu’ils font appel à leurs propres prises de position. A un
âge où leurs opinions commencent à s’affirmer et où ils se forgent des idées bien
arrêtées sur des sujets qui leur tiennent à cœur, ils aiment les faire partager et les
confronter à ce que pensent les autres, d’où toute l’importance du débat. Les élèves
aiment parler d’eux-mêmes et en profitent lorsqu’on leur en donne l’occasion. Peu de
disciplines permettent à l’apprenant d’exprimer pleinement ce qu’il a envie de dire ;
les langues font partie des disciplines qui le permettent, il faut donc montrer aux
élèves que le cours de langues ouvre la porte à leur expression. En tant
qu’enseignant, cela signifie qu’il faut accepter tous les points de vue, et aussi
admettre que le cours tel qu’il se déroulera en classe sera forcément différent de celui
qui a été préparé sur papier. Et c’est d’ailleurs ce qui rend le métier si intéressant.
L’élève n’a que faire des documents s’ils ne font pas appel à des expériences
vécues, à des émotions ressenties, à des prises de position. Il veut parler de ce qui le
touche et être écouté. C’est d’ailleurs ce que dit Michel Tozzi dans son article des
Cahiers pédagogiques intitulé « Le désir de philosopher ». Il écrit en effet « Il n’y a
pas plus motivant pour un être humain que de parler de soi et d’être écouté, que de
lui parler de lui-même : car JE m’intéresse. » A l’origine de la motivation il y a donc
avant tout l’être humain, et en ce qui nous concerne, l’élève en tant qu’individu. Il
faut donc choisir des sujets controversés, en faisant quand même attention à ce qu’ils
ne soient pas rebattus et donc ne mettant en jeu que des clichés : on en revient alors à
l‘ennui et à la monotonie puisque les élèves n’ont plus l’impression de faire part de
leur opinion mais de répéter ce qu’il a été dit maintes et maintes fois sur le sujet.
Selon eux, leur opinion n’a de valeur que si elle est originale et ceci est d’ailleurs
flagrant en classe : il y a toujours un ou plusieurs élèves qui vont à l’encontre de
l’opinion générale et détruisent les arguments avancés par les autres, et c’est
également ce qui donne du rythme au cours et le rend plus intéressant aux yeux des
élèves.
Ainsi l’opinion de l’apprenant tient une grande place dans le cours de
langues ; il n’attache alors plus la même importance au fait qu’il peut faire des
erreurs car ce qui importe pour lui, c’est de dire ce qu’il a à dire, et surtout d’être
entendu et écouté par les autres et par l’enseignant.
Conclusion
Au vu de toutes les activités et de tous les supports qui ont été utilisés pour
remédier au problème du manque de participation orale en Terminale – problème
dont nous avons vu que les causes étaient multiples et variées – et au vu des
tentatives d’analyse de ces stratégies mises en place et de leurs conséquences, il
paraît difficile d’apporter des réponses définitives aux questions posées. Certaines
activités ou certains supports stimulent grandement la prise de parole des élèves, soit
parce qu’ils apportent une touche de nouveauté et donc suscitent l’intérêt des élèves,
soit parce qu’ils donnent aux élèves la possibilité d’exprimer librement leur opinion
sur des sujets les concernant. Ceci dit, aucune classe n’est semblable à une autre et il
est fort probable qu’une activité particulière qui a été un grand stimulateur de parole
dans une classe n’ait pas du tout le même effet dans une autre.
L’élève a besoin qu’on s’intéresse à lui en tant qu’individu, et donc il faut
toujours penser qu’il s‘exprimera plus volontiers sur un sujet qui l’interpelle que sur
un thème choisi par l’enseignant pour sa satisfaction personnelle. Il faut également
fuir la monotonie, et ceci est valable aussi bien pour le professeur que pour les élèves
car l’ennui de l’un entraîne nécessairement celui des autres. Ma brève expérience m’a
également appris que se concentrer sur le problème et sans cesse le rappeler aux
élèves n’était d’aucune utilité et créait une atmosphère de tension qui n’avait pas lieu
d’être.
C’est en ce sens que je souhaite souligner l’importance de l’instauration d’un
climat de confiance entre les élèves et le professeur, climat qui est nécessaire et bien
entendu propice à la participation orale des élèves. J’ai la chance d’avoir de bonnes
relations avec ma classe de Terminale, sans doute grâce à l’humour qui se manifeste
à chaque heure de cours et peut-être aussi grâce aux encouragements que je leur
prodigue sans compter afin qu’ils n’éprouvent aucune gêne et aucune angoisse à
s’exprimer oralement. L’humour et la bienveillance jouent un rôle non négligeable
dans les liens qui s’établissent entre la classe et le professeur. Et ce sont ces liens qui
expliquent en partie le manque de dynamisme des élèves lorsque l’enseignant
montre une certaine fatigue, par exemple. L’enthousiasme du professeur y est pour
beaucoup dans celui des élèves.
Ce mémoire est un point de départ, l’ébauche de tout un travail qui est encore à faire
en partant de tout ce qui a été mené, et en modifiant, en adaptant, en
approfondissant les stratégies mises en œuvre. Comme je l’ai écrit, j’aimerais
beaucoup m’attacher à l’aspect ludique du cours de langue qui je pense a toute son
importance en matière de participation orale et cela à tout niveau d’apprentissage.
Une piste, parmi tant d’autres, à explorer tout au long de ma carrière.
BIBLIOGRAPHIE
Instructions Officielles :- Note de service n°2001-91 du 30 mai 2001 : Définition des épreuves (BO n°23 du 7 juin 2001)- Note de service n°2001-11 du 20 juin 2001 : Portant modification de lanote de service 2001-91 (BO n°26 du 28 juin 2001)
- Rectificatif du 10 octobre 2001 (BO n°38 du 18 octobre 2001)
Enseigner à communiquer en langue étrangère, Sophie Moirand. Hachette,Recherches/Applications, 1982, 188p.
Cahiers pédagogiques, spécial n°300 « La Motivation ». Edité par le C.R.A.P, janvier1992, 80p.
Teaching oral English, Donn Byrne. Longman Handbooks for Language Teachers,1976, 46p.
Des clés pour l’interaction en anglais, Marie-Henriette Ott-Richard. CRDPStrasbourg, 1991, 180p. : ill.
Your Way (Terminales sections technologiques/options LV2). Nathan, 1996, 224p.
Une approche communicative de l’enseignement des langues, H.G. Widdowson.Langues et apprentissage des langues, collection dirigée par H. Besse et D. Coste,Ecole normale supérieure de Fontenay Saint-Cloud, CREDIF, Hatier/Didier,1991,191p.
L’EXPRESSION ORALE EN TERMINALE…UNE EPREUVE ?
RESUME : Ce mémoire a pour but d’exposer le problème du manque de participation orale en classe de Terminale. Il tente de mettre en évidence les origines du problème et présente également toutes les stratégies adoptées pour améliorer la situation. Les réussites et les échecs de ces stratégies y sont analysées afin de donner des réponses adaptées aux questions soulevées par le sujet.
MOTS CLES : - institutions - motivation - enquête - diversité - opinion
Etablissement en responsabilité : Lycée Stephen Liégeard – Brochon (21)
Classes prises en charge : une classe de Seconde une classe de Terminale Section Scientifique