Lacan Lituraterre

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    MERCREDI 12 MAI 1971

    LITURATERRE1

    Ce mot se lgitime de L'Ernout et Meillet:lino, litura, liturarius. Il m'est venu, pourtant, dece jeu du mot dont il arrive qu'on fasse l'esprit :

    le contrepet revenant aux lvres, le renversement

    l'oreille.

    Ce dictionnaire (qu'on y aille) m'apporteauspice d'tre fond d'un dpart que je prenais

    (partir, ici est rpartir) de l'quivoque dont Joyce

    (James Joyce, dis-je) glisse d'a letter a litter,

    d'une lettre (je traduis) une ordure.

    On se souvient qu'une "messe-haine" lui

    vouloir du bien, lui offrait une psychanalyse,

    comme on ferait d'une douche. Et de Jung

    encore

    Au jeu que nous voquons, il n'y et riengagn, y allant tout droit au mieux de ce qu'on

    peut attendre de la psychanalyse sa fin.

    A faire litire de la lettre, est-ce saint

    Thomas encore qui lui revient, comme l'uvre en

    tmoigne tout de son long ?

    Ou bien la psychanalyse atteste-t-elle l sa

    convergence avec ce que notre poque accuse du

    dbridement du lien antique dont se contient la

    (1). Confrence du 12 mai 1971, incluse dans le sminaireD'un discours qui ne serait pas du semblant, au titre de la sanceVII. Ce texte lui-mme a t publi dans Littrature, n 3, Paris, Larousse, 1971. Nous donnons la double transcription : gauche, de l'enregistrement, droite, de l'dition.

    enregistrement dition

    Ce mot, que je viens d'crire, intitule ce queje vais vous offrir aujourd'hui. Il faut bien,

    puisque vous tes convoqus l, que je vous lance

    quelque chose. C'est videmment inspir par l'actualit.

    C'est le titre dont je me suis efforc de rpondre

    une demande qui m'a t faite d'introduire un

    numro qui va paratre sur "Littrature et

    Psychanalyse".

    Ce mot, lituraterre je l'ai invent , selgitime de l'Ernout et Meillet. Il y en a peut-treici qui savent ce que c'est: c'est un dictionnaire

    dit tymologique du latin ce qui n'est pas

    compltement vrai. Cherchez lino, litura, voustrouverez, et puis liturarius. Il est bien prcisque a n'a rien faire avec littera, la lettre. Quea n'ait rien faire, moi je m'en fous. Je ne me

    soumets pas forcment l'tymologie quand je me

    laisse aller ce jeu de mots dont on fait

    l'occasion le mot d'esprit, le contrepet dans

    l'occasion vident en revenant aux lvre et le

    renversement l'oreille.

    Ce n'est pas pour rien que quand vous

    apprenez une langue trangre, vous mettez la

    premire consonne de ce que vous avez entendu la

    seconde, et la seconde, la premire.

    Donc ce dictionnaire, qu'on s'y reporte,m'apporte auspice, d'tre fond du mme dpart

    que je prenais d'un premier mouvement, d'un

    dpart au sens de rparti, dpart d'une quivoque

    dont Joyce c'est James Joyce dont je parle ,

    dont James Joyce glisse de a letter a litter,d'une lettre [ Viki?] une ordure.

    Il y avait, vous vous en souvenez peut-tre,

    mais trs probablement vous n'en avez jamais rien

    su, y avait une mcne qui lui voulait du bien, qui

    lui offrait une psychanalyse, et mme que c'tait

    de Jung qu'elle la lui offrait.

    Au jeu que nous voquons, il n'y et riengagn puisqu'il allait tout droit, avec ce a letter, alitter, tout droit au mieux de ce que l'on peutattendre de la psychanalyse sa fin.

    A faire litire de la lettre, est-ce saint

    Thomas encore vous vous souvenez peut-tre,

    ou vous n'avez jamais su : sicut palea , est-ceSaint Thomas encore, qui revient Joyce, comme

    son uvre en tmoigne tout au long ?

    Ou bien est-ce la psychanalyse qui atteste, sa

    convergence avec ce que notre poque accuse d'un

    dbridement du lien, du lien antique dont se

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    LITURATERRE

    contient la pollution dans la culture ? J'avais

    brod l-dessus comme par hasard un peu avant le

    mai de 68, pour ne pas faire dfaut, ce jour-l,

    aux paums de ces affluences que je me trouve

    maintenant dplacer, quand je fais visite quelque

    part : c'tait Bordeaux [, le spectacle (?)]. La

    civilisation, y rappelai-je en prmisse, c'est l'gout.Il faut dire sans doute, que c'est peu aprs

    que ma proposition d'octobre 67 ait t accueillie

    comme on sait, c'est--dire dans doute que, en

    jouant de a, j'tais un peu las de la poubelle

    laquelle j'ai riv mon sort. Pourtant, on sait que je

    ne suis pas seul , pour partage, l'avoure.

    L'avoure, pour prononcer l'ancienne, l'avoir

    dont Beckett fait balance au doit qui fait dchet

    de notre tre. Cet avoure sauve l'honneur de la

    littrature et ce qui m'agre assez me relve du

    privilge que je pourrais croire tenir de ma place.

    La question est de savoir si ce dont les

    manuels semblent faire tal depuis qu'ils existent

    je parle des manuels de littrature , soit que

    la littrature soit accommodation des restes. Est-ce

    affaire de collocation dans l'crit, de ce qui

    d'abord primitivement serait chant, mythe parl,

    procession dramatique ?

    Pour la psychanalyse, qu'elle soit appendue

    l'dipe l'dipe du mythe ne la qualifie en

    rien pour s'y retrouver dans le texte de Sophocle.

    C'est pas pareil. L'vocation par Freud d'un texte

    de Dostoevski ne suffit pas pour dire que la

    critique de texte, jusqu'ici chasse garde du

    discours universitaire, ait reu de la psychanalyseplus d'air.

    Ici pourtant, mon enseignement a place dans

    un changement de configuration qui actuellement,

    sous couleur d'actualit, actuellement s'affiche d'un

    slogan de promotion de l'crit. Mais ce changement

    dont d'autres tmoignages, par exemple que ce

    soit de nos jours qu'enfin Rabelais soit lu

    montre qu'il repose peut-tre sur un dplacement

    d'intrt quoi je m'accorde mieux.

    Je suis, comme auteur, moins impliqu qu'on

    n'imagine. Mes crits : un titre plus ironique

    qu'on ne croit puisqu'il s'agit, en somme, soit derapports, qui sont fonction de Congrs soit, disons,

    j'aimerais bien qu'on les entende comme a, des

    lettres ouvertes o je [ne?] fais sans doute

    question, chaque fois, [que?] d'un pan de mon

    enseignement, mais enfin, a en donne le ton.

    Loin en tout cas de me commettre dans ce

    frotti-frotta littraire, dont se dnote le psychanalyste

    en mal d'invention, j'y dnonce la tentative

    immanquable dmontrer l'ingalit de sa pratique

    motiver le moindre jugement littraire.

    Il est pourtant frappant que ce recueil de mes

    Ecrits, je l'ai ouvert d'un article que j'isole enl'extrayant de sa chronologie la chronologie y

    fait rgle et que l, il s'agisse d'un conte, lui-

    pollution dans la culture. J'avais brod l-dessus,

    comme par hasard un peu avant le mai de 68,

    pour ne pas faire dfaut au paum de ces

    affluences que je dplace o je fais visite

    maintenant, Bordeaux ce jour-l. La civilisation,

    y rappelai-je en prmisse, c'est l'gout.

    Il faut dire sans doute que j'tais las de al

    poubelle laquelle j'ai riv mon sort. On sait que

    je ne suis pas seul, , pour partage, l'avouer.

    L'avouer ou, prononc l'ancienne, l'avoir

    dont Beckett fait balance au doit qui fait dchet

    de notre tre, sauve l'honneur de la littrature, et

    me relve du privilge que je croirais tenir de ma

    place.

    La question est de savoir si ce dont les

    manuels semblent faire tal, soit que la littrature

    soit accommodation des restes, est affaire de

    collocation dans l'crit de ce qui d'abord serait

    chant, mythe parl, procession dramatique.

    Pour la psychanalyse, qu'elle soit appendue

    l'dipe, ne la qualifie en rien pour s'y retrouver

    dans le texte de Sophocle. L'vocation par Freud

    d'un texte de Dostoevski ne suffit pas pour dire

    que la critique de textes, chasse jusqu'ici garde

    du discours universitaire, ait reu de la psychanalyse

    plus d'air.

    Ici mon enseignement a place dans un

    changement de configuration qui s'affiche d'un

    slogan de promotion de l'crit, mais dont d'autres

    tmoignages, par exemple, que ce soit de nos

    jours qu'enfin Rabelais soi t lu, montrent un

    dplacement des intrts quoi je m'accorde

    mieux.

    J'y suis comme auteur moins impliqu qu'on

    n'imagine, et mes crits, un titre plus ironique

    qu'on ne croit : quand il s'agit soit de rapports,fonction de Congrs, soit disons de "lettres

    ouvertes" o je fais question d'un pan de mon

    enseignement.

    Loin en tout cas de me commettre en ce

    frotti-frotta littraire dont se dnote le psychanalyste

    en mal d'invention, j'y dnonce la tentative

    immanquable dmontrer l'ingalit de sa pratique

    motiver le moindre jugement littraire.

    Il est pourtant frappant que j'ouvre ce recueil

    d'un article que j'isole de sa chronologie, et qu'il

    s'y agisse d'un conte, lui-mme bien particulier de

    ne pouvoir rentrer dans la liste ordonne des

    enregistrement dition

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    mme, il faut le dire, bien particulier de ne

    pouvoir entrer dans la liste ordonne vous

    savez qu'on l'a faite des situations dramatiques.

    Enfin laissons a. Lui, le conte, il se fait de ce

    qu'il advient de la poste d'une lettre missive, au su

    de qui se passent ses "faire suivre" et de quels

    termes s'appuie que je puisse, moi, dire cettelettre, dire propos d'elle qu'une lettre toujours en

    vient sa destination. Et ceci aprs que, des

    dtours qu'elle y a subis, dans le conte, le compte,

    si je puis dire, soit rendu sans aucun recours son

    contenu, de la lettre. C'est cela qui rend remarquable

    l'effet qu'elle porte sur ceux qui, tour tour, s'en

    font les dtenteurs, tout arguant qu'ils puissent

    tre du pouvoir qu'elle confre pour y prtendre

    que cet effet [dit (?)] puisse s'articuler, ce que je

    fais, moi, d'un effet de fminisation.

    C'est l, je m'excuse d'y revenir, bien distinguer

    je parle de ce que je fais la lettre du

    signifiant mme en tant qu'ici elle l'emporte, elle

    l'emporte dans son enveloppe, puisqu'il s'agit d'une

    lettre au sens du mot pistole. Or je prtends que

    je ne fais pas l, du mot "lettre", usage mtaphorique,

    puisque justement le conte consiste en ce qu'y

    passe comme muscade le message dont c'est

    l'crit, donc proprement la lettre qui fait, seule,

    priptie.

    Ma critique, si elle a lieu d'tre tenue pour

    littraire, ne saurait l donc porter, je m'y essaie,

    que sur ce que Poe fait, d'tre crivain lui-mme,

    former un tel message sur la lettre. Il est clair

    qu' ne pas le dire tel quel, tel que je le dis, moi,ce n'est pas insuffisamment, c'est d'autant plus

    rigoureusement qu'il l'avoue.

    Nanmoins, l'lision, l'lision de ce message

    n'en saurait tre lucide au moyen de quelque

    trait que ce soit de sa psycho-biographie ; bouche

    plutt qu'elle en serait, cette lision.

    Une psychanalyste qui, on s'en souvient peut-

    tre, a rcur les autres textes de Poe, ici dclare

    forfait de sa serpillire. Elle y touche pas, la

    Marie ! Voil pour le texte de Poe.

    Mais pour le mien, de texte, est-ce qu'il ne

    pourrait pas se rsoudre par ma psycho-biographie moi ? Le vu que je formerais, par exemple,

    d'tre lu un jour convenablement. Mais pour a,

    pour que a vaille, il faudrait d'abord qu'on

    dveloppe qui s 'y emploierait , cette

    interprtation , dveloppe ce que j'entends : que

    la lettre porte pour arriver toujours, je dis, sadestination.

    C'est l peut-tre que je suis pour l'instant en

    cheville avec les dvots de l'criture. Il est certain

    que comme d'ordinaire la psychanalyse ici reoit

    de la littrature et elle pourrait d'abord en prendre

    cette graine qui serait, du ressort du refoulement,

    une ide moins psycho-biographique.

    situations dramatiques : celui de ce qu'il advient

    de la poste d'une lettre missive, d'au su de qui se

    passent ses renvois, et de quels termes s'appuie

    que je puisse la dire venue destination, aprs

    que, des dtours qu'elle y a subis, le conte et son

    compte se soient soutenus sans aucun recours

    son contenu. Il n'en est que plus remarquable quel'effet qu'elle porte sur ceux qui tour tour la

    dtiennent, tout arguant du pouvoir qu'elle confre

    qu'ils soient pour y prtendre, puisse s'interprter,

    ce que je fais, d'une fminisation.

    Voil le compte bien rendu de ce qui

    distingue la lettre du signifiant mme qu'elle

    emporte. En quoi ce n'est pas faire mtaphore de

    l'pistole. Puisque le conte consiste en ce qu'y

    passe comme muscade le message dont la lettre y

    fait priptie sans lui.

    Ma critique, si elle a lieu d'tre tenue pour

    littraire, ne saurait porter, je m'y essaie, que sur

    ce que Poe fait d'tre crivain former un tel

    message sur la lettre. Il est clair qu' n'y pas le

    dire tel quel, ce n'est pas insuffisamment, c'estd'autant plus rigoureusement qu'il l'avoue.

    Nanmoins l'lision n'en saurait tre lucide

    au moyen de quelque trait de sa psychobiographie :

    bouche plutt qu'elle en serait.

    (Ainsi la psychanalyste qui a rcur les

    autres textes de Poe, ici dclare forfait de son

    mnage).

    Pas plus mon texte moi ne saura it-il se

    rsoudre par la mienne : le vu que je formeraispar exemple d'tre lu enfin convenablement. Car

    encore faudrait-il pour cela qu'on dveloppe ce

    que j'entends que la lettre porte pour arriver

    toujours sa destination.

    Il est certain que, comme d'ordinaire, la

    psychanalyse ici reoit, de la littrature, si elle en

    prend du refoulement dans son ressort une ide

    moins psychobiographique.

    enregistrement dition

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    LITURATERRE

    Pour moi, si je propose le texte de Poe, avec

    ce qu'il y a derrire, la psychanalyse, c'est

    justement de ce qu'elle ne puisse l'aborder qu' y

    montrer son chec. C'est par l que je l'claire, la

    psychanalyse, et on le sait on le sait que je

    ce que j'invoque ainsi c'est au dos de mon

    volume : j'invoque ainsi les Lumires. Pourtant jel'claire de dmontrer o elle fait trou, lapsychanalyse. a n'a rien d'illgitime : a a dj

    port son fruit, on le sait depuis longtemps, en

    optique et la plus rcente physique, celle du

    photon, s'en arme.

    C'est par cette mthode que la psychanalyse

    pourrait mieux justifier son intrusion dans la

    critique littraire. a voudrait dire que la critique

    littraire viendrait effectivement se renouveler

    de ce que la psychanalyse soit l pour que les

    textes se mesurent elle, justement de ce que

    l'nigme reste de son ct ; qu'elle soit coite.

    Mais ceux ceux des psychanalystes dont ce

    n'est pas mdire que d'avancer que, plutt qu'ils

    ne l'exercent, la psychanalyse, ils en sont exercs,

    entendent mal mes propos, tout le moins d'tre

    pris en corps.

    J'oppose leur adresse vrit et savoir. C'est

    la premire o aussitt ils reconnaissent leur

    office, alors que sur la sellette, c'est leur vrit

    que j'attends. J'insiste, corriger mon tir de dire :

    savoir en chec, voil o la psychanalyse se

    montre au mieux. Savoir en chec, comme on dit

    "figure en abme", a ne veut pas dire chec du

    savoir. Aussitt j'apprends qu'on s'en croit dispensde faire preuve d'aucun savoir.

    Serait-ce lettre morte que j'aie mis au titre

    d'un de ces morceaux, que j'ai dit Ecrits : de lalettre l'instance comme raison de l'inconscient ?

    N'est-ce pas dsigner assez dans la lettre ce

    qui, devoir insister, n'est pas l de plein droit, si

    fort de raison que a s'avance. Dire cette raison

    moyenne extrme c'est bien montrer, je l'ai fait

    dj l'occasion, la bifidit o s'engage toute

    mesure. Mais n'y a-t-il rien dans le rel, qui se

    passe de cette mdiation ? Ce pourrait tre la

    frontire. La frontire, sparer deux territoires,n'a qu'un dfaut mais il est de taille : elle

    symbolise qu'ils sont de mme tabac, si je puis

    dire. En tout cas, pour quiconque la franchit. Je

    ne sais pas si vous vous y tes arrts, mais c'est

    le principe dont un jour un nomm von Uexkll a

    fabriqu le terme d'Umwelt. C'est fait sur leprincipe qu'il est le reflet de l'Innenwelt ; c'est lapromotion de la frontire l ' idologie.

    C'est videmment un dpart fcheux qu'une biologie

    car c'tait une biologie qu'il voulait, avec a,

    fonder, Uexkll , une biologie qui se donne dj

    tout au dpart. Le fait de l'adaptation, notamment,

    qui fait le fond de ce couplage Umwelt etInnenwelt. Evidemment, la slection la slection

    enregistrement dition Pour moi si je propose la psychanalyse la

    lettre comme en souffrance, c'est qu'elle y montre

    son chec. Et c'est par l que je l'claire : quand

    j' invoque ainsi les lumires, c'est de dmontrer o

    elle fait trou. On le sait depuis longtemps : riende plus important en optique, et la plus rcente

    physique du photon s'en arme.

    Mthode par o la psychanalyse justifie

    mieux son intrusion : car si la critique littraire

    pouvait effectivement se renouveler, ce serait de

    ce que la psychanalyse soit l pour que les textes

    se mesurent elle, l'nigme tant de son ct.

    Mais ceux dont ce n'est pas mdire avancer

    que, plutt qu'ils l'exercent, ils en sont exercs,

    tout le moins d'tre pris en corps , entendent

    mal mes propos.

    J'oppose leur adresse vrit et savoir : c'est

    la premire o aussitt ils reconnaissent leur

    office, alors que sur la sellette, c'est leur vrit

    que j'attends. J'insiste corriger mon tir d'un

    savoir en chec : comme on dit figure en abyme,

    ce n'est pas chec du savoir. J'apprends alors

    qu'on s'en croit dispens de faire preuve d'aucun

    savoir.

    Serait-ce lettre morte que j'aie mis au titre

    d'un de ces morceaux que j'ai dit crits, , de lalettre l'instance, comme raison de l'inconscient ?

    N'est-ce pas dsigner assez dans la lettre ce

    qui, devoir insister, n'est pas l de plein droit si

    fort de raison que a s'avance. La dire moyenne

    ou bien extrme, c'est montrer la bifidit o

    s'engage toute mesure, mais n'y a-t-il rien dans le

    rel qui se passe de cette mdiation ? La frontire

    certes, sparer deux territoires, en symbolise

    qu'ils sont mmes pour qui la franchit, qu'ils ontcommune mesure. C'est le principe de l'Umwelt,qui fait reflet de l'Innenwelt. Fcheuse, cettebiologie qui se donne dj tout de principe : le

    fait de l'adaptation notamment : ne parlons pas de

    la slection, elle franche idologie se bnir

    d'tre naturelle.

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    a ne vaut pas mieux, au titre de l'idologie. C'est

    pas parce qu'elle se bnit elle-mme d'tre naturelle

    qu'elle l'est moins.

    Je vais vous proposer quelque chose, comme

    a, tout brutalement pour venir aprs a letter, alitter, moi je vais vous dire : la lettre n'est-elle

    pas le littral fonder dans le littoral ? Car a,c'est autre chose qu'une frontire. D'ailleurs, vous

    avez pu remarquer que a ne se comprend jamais.

    Le littoral, c'est ce qui pose un domaine tout

    entier comme faisant, un autre, si vous voulez,

    frontire, mais justement de ceci qu'ils n'ont

    absolument rien en commun, mme pas une

    relation rciproque.

    La lettre, n'est-elle pas proprement littorale ?

    Le bord du trou dans le savoir que la psychanalyse

    dsigne, justement quand elle aborde de la lettre,

    voil-t-il pas ce qu'elle dessine ?

    Le drle, c'est de constater comment la

    psychanalyse s'oblige en quelque sorte, de son

    mouvement mme, mconnatre le sens de ce

    que pourtant la lettre dit la lettre, c'est le cas de

    le dire, quand toutes ses interprtations se rsument

    la jouissance.

    Entre la jouissance et le savoir, la lettre

    ferait le littoral.

    Tout a n'empche pas que tout ce que j'ai

    dit de l'inconscient, restant l, ait quand mme la

    prcdence, sans quoi ce que j'avance n'aurait

    absolument aucun sens. Il reste savoir comment

    l'inconscient que je dis tre effet de langage,

    puisqu'il en suppose la structure comme ncessaireet suffisante , comment il commande cette

    fonction de la lettre.

    Qu'elle soit instrument propre l'inscription

    du discours ne la rend pas du tout impropre

    servir ce que j'en fais, quand dans l'instance dela lettre, par exemple, dont je parlais tout l'heure, je l'emploie montrer le jeu de ce que

    l'autre appelle Jean Tardieu le mot pris pour

    un autre, voire le mot pris par un autre, autrement

    dit la mtaphore et la mtonymie, comme effets de

    la phrase. Elle symbolise donc aisment tous ces

    effets de signifiants, mais a n'impose nullementqu'elle soit, elle, la lettre dans ces effets-mmes,

    pour lesquels elle me sert d'instrument, qu'elle soit

    primaire.

    L'examen s'impose moins de cette primarit,

    qui n'est mme pas supposer, mais de ce qui, du

    langage, appelle le littoral au littral.

    Rien de ce que j'ai inscrit, l'aide de lettres,

    des formations de l'inconscient pour les rcuprer

    de ce dont Freud les formule les noncs, plus

    simplement, des faits de langage , rien ne

    permet de confondre, comme il s'est fait, la lettre

    avec le signifiant. Ce que j'ai inscrit, l'aide de

    lettres, des formations de l'inconscient n'autorise

    pas faire de la lettre un signifiant et l'affecter,

    enregistrement dition

    La lettre n'est-elle pas littorale plus

    proprement, soit figurant qu'un domaine tout entierfait pour l'autre frontire, de ce qu'ils sont

    trangers, jusqu' n'tre pas rciproques.

    Le bord du trou dans le savoir, voil-t-il pas

    ce qu'elle dessine. Et comment la psychanalyse, si,

    justement ce que la lette dit " la lettre" par sa

    bouche, il ne lui fallait pas le mconnatre,

    comment pourrait-elle nier qu'il soit, ce trou de

    ce qu' le combler, elle recoure y invoquer la

    jouissance ?

    Reste savoir comment l'inconscient que je

    dis tre effet de langage, de ce qu'il en suppose la

    structure comme ncessaire et suffisante, commandecette fonction de la lettre.

    Qu'elle soit instrument propre l'criture du

    discours, ne la rend pas impropre dsigner le

    mot pris pour un autre, voire par un autre, dans la

    phrase, donc symboliser certains effets de

    signifiant, mais n'impose pas qu'elle soit dans ces

    effets primaire.

    Un examen ne s'impose pas de cette primarit,

    qui n'est mme pas supposer, mais de ce qui du

    langage appelle le littoral au littral.

    Ce que j'ai inscrit, l'aide de lettres, des

    formations de l'inconscient pour les rcuprer de

    ce dont Freud les formule, tre ce qu'elles sont,

    des effets de signifiant, n'autorise pas faire de la

    lettre un signifiant, ni l'affecter, qui plus est,

    d'une primarit au regard du signifiant.

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    LITURATERRE

    qui plus est, d'une primarit au regard du signifiant.

    Un tel discours confusionnel n'a pu surgir

    que de celui, du discours, qui m'importe, et

    justement, qui m'importe : dans un autre discours

    que j'pingle au temps venu du discours universitaire,

    soit, comme je l'ai soulign assez depuis un an et

    demi je pense, soit : du savoir mis en usage partir du semblant.

    Le moindre sentiment de l'exprience quoi

    je pare, ne peut se situer que d'un autre discours

    que de celui-l ; eut d garder de produire ce

    discours que je dsigne, pas plus, sans l'avouer de

    moi. On me l'a pargn, dieu merci. N'empche

    qu' m'importer, au sens que j'ai dit tout l'heure,

    on m'importune.

    Si j'avais trouv recevables les modles que

    Freud articule dans une Esquisse d'o dcrire lefrayage, le forage de routes imprcives, je n'en

    aurais pas pour autant pris la mtaphore de

    l'criture. Et justement c'est sur ce point que,

    l'Esquisse, je ne la trouve pas recevable. L'crituren'est pas l'impression, n'en dplaise tout ce qui

    s'est fait comme blabla sur le fameux Wunderblock.Que je tire parti de la lettre appele cinquante

    deuxime, c'est d'y lire ce que Freud pouvait

    noncer sous le terme qu'il forge du WZ,Wahrnehmungszeichen, et de reprer que c'est cequ'il pouvait trouver de plus proche du signifiant

    la date o Saussure ne l'avait pas encore remis au

    jour, ce fameux signifiant, qui ne date quand

    mme pas de lui, puisqu'il date des stociens.

    Que Freud l'crive l de deux lettres, commemoi d'ailleurs je ne l'cris que d'une, a ne prouve

    en rien que la lettre soit primaire.

    Je vais donc essayer, pour vous aujourd'hui,

    d'indiquer le vif de ce qui me parat produire la

    lettre comme consquence, et du langage, prcisment

    de ce que je dis : que l'habite qui parle.

    J'en emprunterai les traits ce que, d'une

    conomie de langage, permet de dessiner ce que

    promeut, mon ide, que littrature peut tre en

    train de virer lituraterre.

    N'allez pas vous tonner de m'y voir procder

    d'une dmonstration littraire puisque c'est lmarcher du pas dont la question elle-mme

    s'avance. On pourra y voir y voir s'affirmer ce

    que peut tre une telle dmonstration, que j'appelle

    littraire. Je suis toujours un peu au bord.

    Pourquoi pas, cette fois-ci m'y lancer ?

    Je reviens d'un voyage que j'attendais de

    faire au Japon, de ce que d'un premier premier

    voyage, j'avais prouv de littoral. On peut

    m'entendre de ce que j'ai dit tout l'heure de

    l'Umwelt, [que] j'ai rpudi justement de a : derendre le voyage impossible, ce qui, si vous

    suivez mes formules, serait assurer son rel.

    Seulement voil, c'est prmatur : c'est le dpart

    enregistrement dition

    Un tel discours confusionnel n'a pu surgir

    que de celui qui m'importe. Mais il m'importe

    dans un autre que j'pingle, le temps venu, du

    discours universitaire, soit du savoir mis en usage

    partir du semblant.

    Le moindre sentiment de l'exprience quoi

    je pare, ne peut se situer que d'un autre discours,

    eut d garder de le produire, sans l'avouer de moi.

    Qu'on me l'pargne Dieu merci ! n'empche pas

    qu' m'importer au sens que je viens de dire, on

    m'importune.

    Si j'avais trouv recevables les modles que

    Freud articule dans une Esquisse se forer deroute impressives, je n'en aurais pas pour autant

    pris mtaphore de l'criture. Elle n'est pas l'impression,

    ce n'en dplaise au bloc magique.

    Quand je tire parti de la lettre Fliess 52 e,

    c'est d'y lire ce que Freud pouvait noncer sous le

    terme qu'il forge du WZ, Wahrnehmungszeichen,de plus proche du signifiant, la date o Saussure

    ne l'a pas encore reproduit (du signans stocien).

    Que Freud l'crive de deux lettres, ne prouvepas plus que de moi, que la lettre soit primaire.

    Je vais donc essayer d'indiquer le vif de ce

    qui me parat produire la lettre comme consquence,

    et du langage, prcisment de ce que je dis : que

    l'habite qui parle.

    J'en emprunterai les traits ce que d'une

    conomie du langage permet de dessiner ce que

    promeut mon ide, que littrature peut-tre vire

    lituraterre.

    On ne s'tonnera pas de m'y voir procder

    d'une dmonstration littraire puisque c'est lmarcher du pas dont la question se produit. En

    quoi pourtant peut s'affirmer ce qu'est une telle

    dmonstration.

    Je reviens d'un voyage que j'attendais de

    faire au Japon de ce que d'un premier j'avais

    prouv de littoral. Qu'on m'entende demi-mot

    de ce que tout l'heure de l'Umwelt j'ai rpudicomme rendant le voyage impossible : d'un ct

    donc, selon ma formule, assurant son rel, mais

    prmaturment, seulement d'en rendre, mais de

    maldonne, impossible le dpart, soit tout au plus

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    MERCREDI 12 MAI 1971

    que a rend impossible, sauf chanter : "Partons,

    partons !"

    a se fait d'ailleurs beaucoup. Je ne noterai

    qu'un moment de ce voyage : celui qu'il se trouve

    que j'ai recueilli, de quoi ? d'une route nouvelle

    qu'il s'est trouv que j'ai prise, simplement de ceci

    que, la premire fois que j'y suis all, elle taitsimplement interdite. Il faut que j'avoue que ce ne

    fut pas l'aller, le long du cercle arctique, qui

    trace cette route pour l'avion, que je fis lecture, de

    quoi ? de ce que je voyais de la plaine sibrienne.

    Je suis en train de vous faire un essai de

    sibrithique. Cet essai n'aurait pas vu le jour sila mfiance des sovitiques pas seulement pour

    moi, pour les avions m'avait laiss voir les

    villes, les industries, les installations militaires qui

    font le prix de la Sibrie. Mais enfin, cette

    mfiance, c'est l une condition que nous appellerons

    accidentelle. Pourquoi mme pas occidentelle, sion y met de l'occire un peu ? L'amoncellement du

    Sud Sibrien, c'est a qui nous pend au nez !

    La seule condition dcisive est ici la condition

    de littoral justement. Pour moi, parce que je suis

    un petit peu dur de la feuille, elle n'a jou qu'au

    retour, d'tre littralement ce que le Japon, de sa

    lettre, m'ait sans doute fait ce petit peu trop de

    chatouillement qui est juste ce qu'il faut pour que

    je le ressente. Je dis que je le ressens parce que

    bien sr, pour le reprer, le prvoir, j'avais dj

    fait a ici, quand je vous ai parl un petit peu de

    la langue japonaise ; de ce qui, cette langue

    proprement la fait : c'est l'criture. Je vous ai djdit a.

    Il a fallu sans doute pour a, pour ce petit

    peu trop qu'il me fallait, que ce qu'on appelle l'art

    reprsente quelque chose. a tient dans le fait de

    ce que la peinture japonaise y dmontre de son

    mariage la lettre, trs prcisment sous la forme

    de la calligraphie.

    a me fascine, les choses qui pendent

    kakemono, c'est comme a que a se jaspine ,les choses qui pendent aux murs de tout muse l-

    bas, portant inscrits des caractres, chinois de

    formation, que je sais un peu, trs peu, mais quisi peu que je les sache me permettent de mesurer

    ce qui s'en lide dans la cursive o le singulier de

    la main crase l'universel, soit proprement ce que

    je vous apprends ne valoir que du signifiant. Vous

    vous rappelez ? Un trait est toujours vertical. C'est

    toujours vrai s'il n'y a pas de trait.

    Donc, dans la cursive, le caractre je ne l'y

    retrouve pas parce que je suis novice, mais ce

    n'est pas l'important , car ce que j'appelle le

    singulier peut appuyer une forme plus ferme.

    L'important c'est ce qu'il y ajoute. C'est une

    dimension, ou encore, comme je vous ai appris

    jouer de a, une demansion, l o demeure ce queje vous ai dj introduit, je crois, dans quelque

    enregistrement dition de chanter "Partons".

    Je ne noterai que le moment que j'ai recueilli

    d'une route nouvelle, la prendre de ce qu'elle ne

    fut plus comme la premire fois interdite. J'avoue

    pourtant que ce ne fut pas l'aller le long du

    cercle arctique en avion, que me fit lecture ce queje voyais de la plaine sibrienne.

    Mon essai prsent, en tant qu'il pourrait

    s'intituler d'une sibrithique, n'aurait donc pas vu

    le jour si la mfiance des sovitiques m'avait

    laiss voir les villes, voire les industries, les

    installations militaires qui leur font prix de la

    Sibrie, mais ce n'est que condition accidentelle,

    quoique moins peut-tre la nommer occidentelle,

    y indiquer l'accident d'un amoncellement de

    l'occire.

    Seule dcisive est la condition littorale, et

    celle-l ne jouait qu'au retour d'tre littralement

    ce que le Japon de sa lettre m'avait sans doute fait

    ce petit peu trop qui est juste ce qu'il faut pour

    que je le ressente, puisque aprs tout j'avais dit

    que c'est l ce dont sa langue s'affecte minemment.

    Sans doute ce trop tient-il ce que l'art en

    vhicule : j'en dirai le fait de ce que la peinture y

    dmontre de son mariage la lettre, trs prcisment

    sous la forme de la calligraphie.

    Comment dire ce qui me fascine dans ces

    choses qui pendent, kakmono que a se jaspine,pendent aux murs de tout muse en ces lieux,

    portant inscrits des caractre, chinois de formation,

    que je sais un peu, mais qui, si peu que je lessache, me permettent de mesurer ce qui s'en lide

    dans la cursive, o le singulier de la main crase

    l'universel, soit proprement ce que je vous apprends

    ne valoir que du signifiant : je ne l'y retrouve plus

    mais c'est que je suis novice. L au reste n'tait

    pas l'important, car mme ce que ce singulier

    appuie une forme plus ferme, et y ajoute la

    dimension, la demansion, ai-je dj dit, la demansion

    du papeludun, celle dont s'voque ce que j'instaure

    du sujet dans le Hun-En-Peluce, ce qu'il meuble

    l'angoisse de l'Achose, soit ce que je connote du

    petit a ici fait l'objet d'tre enjeu de quel pari quise gagne avec de l'encre et du pinceau.

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    LITURATERRE

    avant ou avant dernier sminaire, d'un mot que

    j'cr is, pour m'amuser, le papludun . C'est lademansion dont vous savez qu'elle me permet, [on

    peut le dire, tout a (?)], du petit jeu des

    mathmatiques de Peano, etc. et de la faon dont

    il faut que Frege s'y prenne pour rduire la srie

    des nombres "naturels" entre guillemets lalogique, celle donc dont j'instaure le sujet dans ce

    que je vais appeler aujourd'hui encore, puisque je

    fais de la littrature et que je suis gai, vous allez

    le reconnatre, je l'avais crit sous une autre

    forme, [ces derniers temps, (?)] celle-ci : le Hun-en-peluce. a sert beaucoup Hun, a se met laplace de ce que j'appelle l'Achose avec un

    grand A et a la bouche du petit a, dont cen'est peut-tre pas par hasard qu'il peut se rduire

    comme a, [dsign (?)] une lettre. Au niveau

    de la calligraphie, c'est cette lettre qui fait l'enjeu

    d'un pari ; d'un pari mais lequel ? qui se

    gagne avec de l'encre et du pinceau.

    Voil c'est comme a qu'invinciblement

    m'apparut dans une circonstance qui est y

    retenir, savoir d'entre les nuages , m'apparut le

    ruissellement qui est seule trace apparatre d'y

    oprer, plus encore que d'en indiquer le relief,

    sous cette latitude dans ce qu'on appelle la plaine

    sibrienne ; plaine vraiment dsole, au sens

    propre, d'aucune vgtation que de reflets ; reflets

    de ce ruissellement, lesquels poussent l'ombre ce

    qui n'en miroite pas.

    Qu'est-ce que c'est que a, le ruissellement ?

    C'est un bouquet. a fait bouquet de ce qu'ailleursj'ai distingu du trait premier et de ce qui l'efface.

    Je l'ai dit en son temps, mais on oublie toujours

    une partie de la chose, je l'ai dit propos du trait

    unaire : c'est de l'effacement du trait que se

    dsigne le sujet. Il se marque donc en deux temps,

    ce qui distingue ce qui est rature.

    Litura , lituraterre. Rature d'aucune trace quisoit d'avant, c'est ce qui fait terre du littoral.

    Litura pure, c'est le littral. La produire, cetterature, c'est reproduire cette moiti [il n'y en a pas

    de sienne part (?)], cette moiti dont le sujet

    subsiste. Ceux qui sont l depuis un bout de temps mais il doit y en avoir de moins en moins

    doivent se souvenir de ce qu'un jour j'ai fait rcit

    des aventures d'une moiti de poulet. Produire la

    rature, seule, dfinitive, c'est a l'exploit de la

    calligraphie. Vous pouvez toujours essayer. Essayez

    de faire simplement ce que je ne vais pas faire

    parce que je la raterais, d'abord parce que je n'ai

    pas de pinceau , essayez de faire cette barre

    horizontale, qui se trace de gauche droite, pour

    figurer d'un trait l'un unaire comme caractre,

    franchement. Vous mettrez trs longtemps trouver

    de quelle rature a s'attaque et de quel suspens a

    s'arrte, de sorte que ce que vous ferez sera

    lamentable. C'est sans espoir pour un occident.

    enregistrement dition

    Tel invinciblement m'apparut, cette circonstance

    n'est pas rien : d'entre-les-nuages, le ruissellement,

    seule trace apparatre, d'y oprer plus encore que

    d'en indiquer le relief en cette latitude, dans ce

    qui de la Sibrie fait plaine, plaine dsole

    d'aucune vgtation que de reflets, lesquels poussent

    l'ombre ce qui n'en miroite pas.

    Le ruissellement est bouquet du trait premier

    et de ce qui l'efface. Je l'ai dit : c'est de leurconjonction qu'il se fait sujet, mais de ce que s'y

    marquent deux temps. Il y faut donc que s'y

    distingue la rature.

    Rature d'aucune trace qui soit d'avant, c'est

    ce qui fait terre du littoral. Litura pure, c'est lelittral. La produire, c'est reproduire cette moiti

    sans paire dont le sujet subsiste. Tel est l'exploit

    de la calligraphie. Essayez de faire cette barre

    horizontale qui se trace de gauche droite pourfigurer d'un trait l'un unaire comme caractre,

    vous mettrez longtemps trouver de quel appui

    elle s'attaque, de quel suspens elle s'arrte. A vrai

    dire, c'est sans espoir pour un occident.

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    MERCREDI 12 MAI 1971

    Il faut un train diffrent qui ne s'attrape qu'

    se dtacher de quoi que ce soit qui vous raye.

    Entre centre et absence, entre savoir et

    jouissance, il y a littoral qui ne vire au li ttral

    qu' ce que, ce virage, vous puissiez le prendre le

    mme tout instant. C'est de a seulement que

    vous pouvez vous tenir pour agent qui le soutienne.Ce qui se rvle de ma vision de ruissellement,

    ce qu'y domine la rature, c'est qu' se produire

    d'entre les nuages, elle se conjugue sa source

    que c'est bien aux nues qu'Aristophane me hle

    de trouver ce qu'il en est du signifiant, soit le

    semblant par excellence, si c'est de sa rupture

    qu'en pleut, effet ce qu'il s'en prcipite, ce qui y

    tait matire en suspension.

    Il faut vous dire que la peinture japonaise,

    tout l'heure je vous ai dit qu'elle s'entremle si

    bien de calligraphie et aprs tout pourquoi pas

    et que l, le nuage n'y manque pas. C'est de l o

    j'tais cette heure que j'ai vraiment bien compris

    quelle fonction avaient ces nuages ces nuages

    d'or qui littralement bouchent, cachent toute une

    partie des scnes qui, dans des lieux des lieux

    qui sont des choses qui se droulent dans un autre

    sens, celles-l. On les appelle makemono ,

    prsident la rpartition des petites scnes.

    Pourquoi [se peut-il, puisque des gens comme

    a (?)] savent dessiner prouvent-ils le besoin

    de les entremler de ces amas de nuages, si ce

    n'est prcisment que c'est a qui y introduit la

    dimension de signifiant ? La lettre qui fait

    peinture, s'y distingue.Cette rupture donc, du semblant, qui dissout

    ce qui faisait forme, phnomne, mtore, c'est a,

    je vous l'ai dj dit : la science s'opre au dpart

    de la faon la plus sensible de l'effort d'en percer

    l'aspect. Mais du mme coup a doit tre aussi

    que ce soit d'en congdier ce qui, de cette rupture,

    ferait jouissance, c'est--dire d'en dissiper ce

    qu'elle soutient, cette hypothse, pour m'exprimer

    ainsi de la jouissance, qui fait le monde en

    somme, car l'ide de monde, c'est a. Penser qu'il

    soit fait d'une pulsion telle, qu'aussi bien s'en

    figure le vide.Eh bien ce qui de jouissance s'voque ce

    que se rompe un semblant, voil ce qui, dans le

    rel c'est l le point important , dans le rel,

    se prsente comme ravinement.

    C'est l [que nat ce (?)] par quoi l'criture

    peut tre dite, dans le rel, le ravinement du

    signifi, soit ce qui a plu du semblant en tant que

    c'est a qui fait le signifiant. L'criture ne

    dcalque pas le signifiant : elle n'y remonte qu'

    prendre nom, mais exactement de la mme faon

    que a arrive toutes choses que vient

    dnommer la batterie signifiante aprs qu'elle les a

    dnombres.

    enregistrement dition Il y faut un train qui ne s'attrape qu' se

    dtacher de quoi que ce soit qui vous raye.

    Entre centre et absence, entre savoir et

    jouissance, il y a littoral qui ne vire au li ttral

    qu' ce que ce virage, vous puissiez le prendre le

    mme tout instant. C'est de a seulement que

    vous pouvez vous tenir pour agent qui le soutienne.Ce qui se rvle de ma vision du ruissellement,

    ce qu'y domine la rature, c'est qu' se produire

    d'entre les nuages, elle se conjugue sa source,

    que c'est bien aux nues qu'Aristophane me hle

    de trouver ce qu'il en est du signifiant : soit le

    semblant, par excellence, si c'est de sa rupture

    qu'en pleut, effet ce qu'il s'en prcipite, ce qui y

    tait matire suspension.

    Cette rupture qui dissout ce qui faisait forme,

    phnomne, mtore, et dont j'ai dit que la science

    s'opre en percer l'aspect, n'est-ce pas aussi que

    ce soit d'en congdier ce qui de cette rupture

    ferait jouissance ce que le monde ou aussi bien

    l'immonde, y ait pulsion figurer la vie.

    Ce qui de jouissance s'voque ce que se

    rompe un semblant, voil ce qui dans le rel se

    prsente comme ravinement.

    C'est du mme effet que l'criture est dans le

    rel le ravinement du signifi, ce qui a plu du

    semblant en tant qu'il fait le signifiant. Elle ne

    dcalque pas celui-ci, mais ses effets de langue, ce

    qui s'en forge par qui la parle. Elle n'y remonte

    qu' y prendre nom, comme il arrive ces effets

    parmi les choses que dnomme la batterie signifiante

    pour les avoir dnombres.

  • 7/31/2019 Lacan Lituraterre

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    LITURATERRE

    Comme bien entendu, je ne suis pas sr que

    mon discours s'entende, il va falloir quand mme

    que je fasse l'pingle d'une opposition. L'criture,

    la lettre, c'est dans le rel et le signifiant, dans le

    symbolique. Comme a, a pourra faire pour vous

    ritournelle.

    J'en reviens un moment plus tard quandl'avion a avanc un peu, comme a je vous ai

    dit que c'tait sur le voyage de retour. Alors, l,

    c'est a qui est frappant, c'est de les voir

    apparatre : il y a d'autres traces qui se voient se

    soutenir en isobares, elles. Evidemment, elles

    s'aident de temps en temps d'un remblai enfin,

    en gros, isobares. a les fait normales celles

    dont la pente, qu'on peut appeler suprme, du

    relief se marque des courbes.

    L o j'tais, c'tait trs clair. J'avais dj

    vu, Osaka, comment les les autoroutes paraissent

    descendre du ciel : il n'y a que de l qu'elles ont

    pu se poser comme a, les unes au-dessus des

    autres. Il y a une certaine architecture japonaise,

    la plus moderne, qui sait trs bien retrouver

    l'ancienne. L'architecture japonaise, a consiste

    essentiellement en un battement d'une aile d'oiseau.

    a m'a aid comprendre de voir tout de

    suite que le plus court chemin d'un point un

    autre, ce ne serait jamais montr personne s'il

    n'y avait pas le nuage. Comment a se fait une

    route ? Jamais personne au monde ne suit la ligne

    droite : ni l'homme, ni l'amibe, ni la mouche, ni la

    branche, ni rien du tout. Aux dernires nouvelles,

    on sait que le trait de lumire non plus ne la suitpas, tout ait solidaire de la courbure universelle.

    La droite, l-dedans, a inscrit tout de mme

    quelque chose. a inscrit la distance, mais la

    distance cf. loi de Newton , a n'estabsolument rien qu'un facteur effectif d'une dynamique

    que nous appellerons de cascade, celle qui fait que

    tout ce qui choit suit une parabole.

    Donc, il n'y a de droite que d'criture,

    d'arpentage que du ciel.

    Mais ce sont l'un et l'autre, en tant que tels,

    de soutenir la droite, ce sont artefacts, n'habiter

    que le langage. Il ne faudrait quand mme pasl'oublier. Notre science n'est oprante que d'un

    ruissellement de petites lettres et de graphiques

    combins.

    Sous le pont Mirabeau, certes comme sous

    celui d'une revue qui fut la mienne, l o j'avais

    foutu comme enseigne un pont-oreille emprunt

    Orus Apollo , sous le pont Mirabeau coule la

    Seine, primitive. C'est une Seine telle, ne l'oubliez

    pas, relire Freud, qu'y peut y battre le V romain

    de l'heure cinq. C'est dans l'Homme aux loups.Mais qu'aussi bien on n'en jouit pas, que n'y

    pleuve l'interprtation.

    Que le symptme institue l'ordre dont s'avre

    notre politique, c'est l le pas qu'elle a franchi,

    enregistrement dition

    Plus tard de l'avion se virent s'y souteniren isobares, ft-ce obliquer d'un remblai,

    d'autres normales celles dont la pente suprme

    du relief se marquait de cours d'eau.

    N'ai-je pas vu Osaka comment les autoroutes

    se posent les unes sur les autres comme planeurs

    venus du ciel ? Outre que l-bas l'architecture la

    plus moderne retrouve l'ancienne se faire aile

    s'abattre d'un oiseau.

    Comment le plus court chemin d'un point

    un autre se serait-il montr sinon du nuage que

    pousse le vent tant qu'il ne change pas de cap ?

    Ni l'amibe, ni l'homme, ni la branche, ni la

    mouche, ni la fourmi n'en eussent fait exemple

    avant que la lumire s'avre solidaire d'une

    courbure universelle, celle o la droite ne se

    soutient que d'inscrire la distance dans les facteurseffectifs d'une dynamique de cascade.

    Il y a de droite que l'criture, comme

    d'arpentage que venu du ciel.

    Mais criture comme arpentage sont artefacts

    n'habiter que le langage. Comment l'oublierions-

    nous quand notre science n'est oprante que d'unruissellement de petites lettres et de graphiques

    combins ?

    Sous le pont Mirabeau certes, comme sous

    celui dont une revue qui fut la mienne se fit

    enseigne, l'emprunter ce pont-oreille Horus-

    Apollon, sous le pont Mirabeau, oui, coule la

    Seine primitive, et c'est une scne telle qu'y peut

    battre le V romain de l'heure cinq (cf. L'Hommeaux Loups). Mais aussi bien n'en jouit-on qu' cequ'y pleuve la parole d'interprtation.

    Que le symptme institue l'ordre dont s'avre

    notre politique, implique d'autre part que tout ce

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    implique d'autre part que tout ce qui s'articule de

    cet ordre soit passible d'interprtation.

    C'est pourquoi on a bien raison de mettre la

    psychanalyse au chef de la politique. Et ceci

    pourrait n'tre pas du tout repos, pour ce qui de la

    politique a fait figure jusqu'ici, si la psychanalyse

    s'avrait plus avertie.[] Il suffirait peut-tre que, pour mettre

    notre espoir ailleurs ce que font mes littrateurs,

    si je peux les faire mes compagnons , il

    suffirait que, de l'criture, nous tirions un autre

    parti que de tribune ou tribunal pour que s'y

    jouent d'autres paroles, nous en faire nous-

    mmes, nous en faire le tribut.

    Je l'ai dit, et je ne l'oublie jamais : il n'y a

    pas de mtalangage. Toute logique est fausse de

    prendre dpart du langage-objet, comme

    immanquablement elle le fait jusqu' ce jour.

    Il n'y a donc pas de mtalangage, mais l'crit qui

    se fabrique du langage pourrait peut-tre tre

    matriel de force ce que s'y changent nos

    propos. Je ne vois pas d'autre espoir pour ce qui

    actuellement s'aiguise.

    Est-il possible en somme, du littoral, de

    constituer tel discours qui se caractrise j'en

    pose la question cette anne de ne pas

    s'mettre du semblant ? C'est videmment la

    question qui ne se propose que de la littrature

    dite d'avant-garde, laquelle elle-mme est un fait

    de littoral et donc ne se soutient pas du semblant,

    mais pour autant ne prouve rien, sinon montrer

    la cassure que seul un discours peut produire.Je dis produire, mettre en avant avec effet de

    production. C'est le schma de mes quadripodes de

    l'anne dernire.

    Ce quoi semble prtendre une littrature en

    son ambition, que j'pingle de lituraterrir, c'est de

    s'ordonner d'un mouvement qu'elle appelle scientifique.

    Il est de fait que dans la science, l'criture a

    fait merveille, et que tout marque que cette

    merveille n'est pas prs de se tarir.

    Cependant la science physique se trouve va

    se trouver ramene la considration du symptme

    dans les faits par la pollution il y a dj desscientifiques qui y sont sensibles , par la

    pollution de ce que, du terrestre, on appelle, sans

    plus de critique, environnement. C'est l'ide de

    Uexkll : Umwelt, mais bhaviourise, c'est--direcompltement crtinise.

    Pour lituraterrir moi-mme, je fais remarquer

    que je n'ai fait ici dans le ravinement, image

    certes, mais aucune mtaphore : l'criture est ceravinement. Ce que j'ai crit l y est compris.

    Quand je parle de jouissance, j'invoque lgitimement

    ce que j'accumule d'auditoire et pas moins,

    naturellement, ce dont je me prive. a m'occupe,

    votre affluence. Le ravinement, je l'ai prpar.

    enregistrement dition qui s'articule de cet ordre soit passible d'interprtation.

    C'est pourquoi on a bien raison de mettre la

    psychanalyse au chef de la politique. Et ceci

    pourrait n'tre pas de tout repos pour ce qui de la

    politique a fait figure jusqu'ici, si la psychanalyse

    s'en avrait avertie.Il suffirait peut-tre, on se dit a sans doute,

    que de l'criture nous tirions un autre parti que de

    tribune ou de tribunal, pour que s'y jouent d'autres

    paroles nous en faire le tribut.

    Il n'y a pas de mtalangage, mais l'crit qui

    se fabrique du langage est matriel peut-tre de

    force ce que s'y changent nos propos.

    Est-il possible du littoral de constituer tel

    discours qui se caractrise de ne pas s'mettre du

    semblant ? L est la question qui ne se propose

    que de la littrature dite d'avant-garde, laquelle est

    elle-mme fait de littoral : et donc ne se soutient

    pas du semblant, mais pour autant ne prouve rien

    que la cassure, que seul un discours peut produire,

    avec effet de production.

    Ce quoi semble prtendre une littrature en

    son ambition de lituraterrir, c'est de s'ordonner

    d'un mouvement qu'elle appelle scientifique.

    Il est de fait que l'criture y a fait merveille

    et que tout marque que cette merveille n'est pas

    prs de se tarir.

    Cependant la science physique se trouve, va

    se trouver ramene la considration du symptme

    dans les faits, par la pollution de ce que duterrestre on appelle, sans plus de critique de

    l'Umwelt, l'environnement : c'est l'ide d'Uexkllbhaviourise, c'est--dire crtinise.

    Pour lituraterrir moi-mme, je fais remarquer

    que je n'ai fait dans le ravinement qui l'image,

    aucune mtaphore. L'criture est ce ravinement

    mme, et quand je parle de jouissance, j'invoque

    lgitimement ce que j'accumule d'auditoire : pas

    moins par l celles dont je me prive, car a

    m'occupe.

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    LITURATERRE

    Qu'il y ait, inclus dans la langue japonaise

    c'est l que je reprends , un effet d'criture,

    l'important ce qui nous y offre ressource peut

    tre exempt lituraterrir , l'important, c'est que

    l'effet d'criture reste attach l'criture. Que ce

    qui est porteur de l'effet d'criture y soit une

    criture spcialise en ceci qu'en japonais, cettecriture spcialise puisse se lire de deux

    prononciations diffrentes : en on-yomi je nesuis pas l en train de vous jeter de la poudre aux

    yeux, je vous dirai le moins de japonais que je

    pourrai , on-yomi, c'est comme a que as'appelle, et sa prononciation en caractre en

    caractre a se prononce comme tel distinctement ;

    en kun-yomi, de la faon dont a se dit enjaponais, ce que le caractre veut dire.

    Vous allez naturellement vous foutre dedans,

    c'est--dire que sous le prtexte que le caractre

    est lettre, vous allez croire que je suis en train de

    dire que dans le japonais, les paves du signifiant

    courent sur le fleuve du signifi. C'est la lettre, et

    non pas le signifiant, qui ici fait appui de

    signifiant, et comme n'importe quoi d'autre,

    suivre la loi de mtaphore dont j'ai rappel ces

    derniers temps qu'elle fait l'essence du langage.

    C'est toujours d'ailleurs de l o il est, le langage :

    du discours, qu'il prend quoi que ce soit au filet

    du signifiant, donc l'criture elle-mme.

    Seulement voil, elle est promue de l la

    fonction d'un rfrent, aussi essentiel que toutes

    choses et c'est a qui change le statut du sujet :

    c'est par l qu'il s'appuie sur un ciel constell etnon seulement sur le trait unaire pour son

    identification fondamentale. Eh bien justement, il

    y en a trop. Trop d'appuis, c'est la mme chose

    que de n'en pas avoir. C'est pour a qu'il prend

    appui ailleurs, sur le Tu et qu'en japonais, on voittoutes les formes grammaticales : pour le moindre

    nonc [] il y a des manires plus ou moins

    polies de le dire, selon la faon dont je l'implique

    dans le Tu . Je l'implique si je suis japonais.Comme je ne suis pas japonais, je ne le fais pas :

    a me fatiguerait.

    Comme serait vraiment la porte de tout lemonde d'apprendre le japonais quand vous aurez

    vu que la moindre chose y fait sujet de variations

    dans l'nonc, qui sont des variations de politesse,

    vous aurez appris quelque chose.

    Vous aurez appris qu'en japonais, la vrit

    renforce la structure de fiction que j'y dnote,

    justement d'y ajouter les lois de la politesse .

    Singulirement, a semble porter le rsultat

    de ce qu'il n'y ait rien dfendre du refoul,

    puisque le refoul lui-mme trouve se loger de

    cette rfrence la lettre.

    En d'autres termes, le sujet est divis, comme

    partout, par le langage mais un de ses registres

    peut se satisfaire de la rfrence l'criture et

    enregistrement dition Je voudrais tmoigner de ce qui se produit

    d'un fait dj marqu : savoir celui d'une langue,

    le japonais, en tant que la travaille l'criture.

    Qu'il y ait inclus dans la langue japonaise un

    effet d'criture, l'important est qu'il reste attach

    l'criture et que ce qui est porteur de l'effet

    d'criture y soit une criture spcialise en ceciqu'en japonais elle puisse se lire de deux

    prononciations diffrentes : en on-yomi saprononciation en caractre, le caractre se prononce

    comme tel distinctement, en kun-yomi la faondont se dit en japonais ce qu'il veut dire.

    a serait comique d'y voir dsigner, sous

    prtexte que le caractre est lettre, les paves du

    signifiant courant aux fleuves du signifi. C'est la

    lettre comme telle qui fait appui au signifiant

    selon sa loi de mtaphore. C'est d'ailleurs : du

    discours, qu'il la prend au filet du semblant.

    Elle est pourtant promue de l comme

    rfrent aussi essentiel que toute chose, et ceci

    change le statut du sujet. Qu'il s'appuie sur un ciel

    constell, et non seulement sur le trait unaire,pour son identification fondamentale, explique

    qu'il ne puisse prendre appui que sur le Tu, c'est-

    -dire sous toutes les formes grammaticales dont

    le moindre nonc se varie des relations de

    politesse qu'il implique dans son signifi.

    La vrit y renforce la structure de fiction

    que j'y dnote, de ce que cette fiction soit soumise

    aux lois de la politesse.

    Singulirement ceci semble porter le rsultat

    qu'il n'y ait rien dfendre de refoul, puisque le

    refoul lui-mme trouve se loger de la rfrence

    la lettre.

    En d'autres termes le sujet est divis comme

    partout par le langage, mais un de ses registres

    peut se satisfaire de la rfrence l'criture et

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    l'autre de l'exercice de la parole.

    C'est sans doute ce qui a donn mon cher

    ami Roland Barthes ce sentiment enivr que, de

    toutes ses bonnes manires, le sujet japonais ne

    fait, en bloc, rien. Du moins est-ce ce qu'il dit et

    que je vous recommande, car c'est une uvre

    sensationnelle.L'Empire des signes 1, il intitule a. Dans les

    titres on fait, des termes, souvent un usage

    impropre. Enfin, on fait a pour les diteurs.

    Ce qui veut dire videmment que c'est l'empire

    des semblants. Il suffit de lire le texte pour s'en

    apercevoir.

    Enfin, le japonais, le japonais mythique, le

    petit japonais du commun, m'a-t-on dit, la trouve

    mauvaise du moins c'est ce que j'ai entendu l-

    bas. Et en effet, quelque excellent qu'est l'crit de

    Roland Barthes, j'y opposerai ce que je dis

    aujourd'hui, savoir que rien n'est plus distinct du

    vide creus par l'criture que le semblant, en ceci

    d'abord que le premier est godet, prt toujours

    faire accueil la jouissance, ou tout au moins

    l'invoquer de son artifice.

    D'aprs nos habitudes, rien ne communique

    moins de soi qu'un tel sujet qui, en fin de compte,

    ne cache rien. Il n'a qu' vous manipuler, et je

    vous assure qu'il ne s'en prive pas. C'est pour moi

    un dlice, car en fin de compte j'adore a. Vous

    tes un lment entre autres du crmonial o le

    sujet se compose, justement, de pouvoir se

    dcomposer. Le bunraku, hein peut-tre que

    vous avez vu a, certains d'entre vous, quand ilssont passs Paris , le bunraku j'ai t lerevoir l-bas, je l'avais dj vu la premire fois ,

    eh bien, le bunraku le bunraku, c'est l sonressort, il fait voir la structure toute ordinaire pour

    ceux qui elle donne leurs murs elles-mmes.

    Vous savez qu'on voit ct de la marionnette,

    exactement dcouvert, les gens qui y oprent.

    Aussi bien, comme au bunraku, tout ce quise dit dans une conversation japonaise pourrait-il

    aussi bien tre lu par un rcitant. C'est l ce qui

    a du soulager Barthes. Le Japon est l'endroit o il

    est le plus naturel de se soutenir [] d'uneinterprte, [] d'une interprte. On est tout fait

    heureux : on peut se doubler d'une interprte, a

    ne ncessite en aucun cas une interprtation.

    Vous vous rendez compte, si j'tais soulag !

    Le japonais, c'est la traduction perptuelle du fait

    de langage.

    Ce que j'aime je vais finir l-dessus ,

    c'est que la seule communication que j'y ai eue

    hors les europens bien sr, avec lesquels je

    sais m'entendre selon notre malentendu culturel ,

    la seule que j'ai eue avec un japonais c'est aussi la

    enregistrement dition

    (1). Roland Barthes,L'empire des signes, Genve, A. Skira, 1970.

    l'autre de la parole.

    C'est sans doute ce qui a donn Roland

    Barthes ce sentiment enivr que de toutes ces

    manires le sujet japonais ne fait enveloppe rien.

    L'empire des signes, intitule-t-il son essai voulantdire : empire des semblants.

    Le japonais, m'a-t-on dit, la trouve mauvaise.

    Car rien de plus distinct du vide creus par

    l'criture que le semblant. Le premier est godet

    prt toujours faire accueil la jouissance, ou

    tout au moins l'invoquer de son artifice.

    D'aprs nos habitudes, rien ne communique

    moins de soi qu'un tel sujet qui en fin de compte

    ne cache rien. Il n'a qu' vous (manipuler) : vous

    tes un lment entre autres du crmonial o le

    sujet se compose justement de pouvoir se dcomposer.

    Le bunraku, thtre des marionnettes, en fait voirla structure toute ordinaire pour ceux qui elle

    donne leurs murs elles-mmes.

    Aussi bien, comme au bunraku tout ce qui sedit pourrait-il tre lu par un rcitant. C'est ce qui

    a d soulager Barthes. Le Japon est l'endroit o il

    est le plus naturel de se soutenir d'un ou d'une

    interprte, justement de ce qu'il ne ncessite pasl'interprtation.

    C'est la traduction perptuelle faite langage.

    Ce que j'aime, c'est que la seule communication

    que j'y aie eue (hors les Europens avec lesquels

    je sais manier notre malentendu culturel), c'est

    aussi la seule qui l-bas comme ailleurs puisse

    tre communication, de n'tre pas dialogue :

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    LITURATERRE

    seule qui, l-bas comme ailleurs, puisse tre une

    communication, de n'tre pas dialogue, c'est une

    communication scientifique.

    J'ai t voir un minent biologiste, que je ne

    nommerai pas en raison des rgles de la politesse

    japonaise et de ce que je vais dire. a l'a pouss

    me dmontrer ses travaux, naturellement, l oa se fait : au tableau noir. Le fait que, faute

    d'information, je n'y compris rien, n'empche

    nullement ce qu'il a crit, ses formules, d'tre

    entirement valables comme les miennes, l o

    elles sont, au tableau , valables pour les

    molcules dont mes descendants se feront sujets

    sans que j'aie jamais eu savoir comment je leur

    transmettais ce qui rendait vraisemblable que, moi,

    je les classe parmi les tres vivants.

    Une ascse de l'criture a n'te rien aux

    avantages que nous pouvons prendre de la critique

    littraire ne me semble pour fermer la

    boucle sur quelque chose de cohrent, en raison de

    ce que j'ai dj avanc , ne me semble pouvoir

    passer qu' rejoindre ce "c'est crit" impossible

    dont s'instaurera peut-tre un jour le rapport

    sexuel.

    enregistrement dition savoir la communication scientifique.

    Elle poussa un minent biologiste me

    dmontrer ses travaux, naturellement au tableau

    noir. Le fait que, faute d'information, je n'y

    compris rien, n'empche pas d'tre valable ce quirestait crit l. Valable pour les molcules dont

    mes descendants se feront sujets, sans que j'aie

    jamais eu savoir comment je leur transmettais ce

    qui rendait vraisemblable qu'avec moi je les classe

    de pure logique, parmi les tres vivants.

    Une ascse de l'criture ne me semble

    pourvoir passer qu' rejoindre un "c'est crit" dont

    s'instaurerait le rapport sexuel.