La révolution du transport - Le Devoir...tablement une carte à jouer, notam-ment parce que les...

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LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019 NUMÉRO 6 DE 10 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AHIER SPÉ AHIER SPÉ AHIER SPÉ C CIAL AHIER SPÉ C IVADO, AU COEUR DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE Suivez-nous! Pilote automatique dans les trains, les voitures et les avions, gestion intelligente du trafic, soutien logistique dans le transport des mar- chandises, applications mobiles pour optimiser nos déplacements… L’intelligence artificielle est en train de révolutionner le secteur du transport, apportant par le fait même des solutions nouvelles aux grands enjeux de mobilité liés à la croissance démographique et à l’urbanisation. À quoi ressemblera le transport de demain ? La révolution du transport

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LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019

NUMÉRO 6 DE 10

I N T E L L I G E N C E A R T I F I C I E L L E

AHIER SPÉ

AHIER SPÉ

AHIER SPÉC

CIAL AHIER SPÉ C

IVADO, AU COEUR DE LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE ET DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Suivez-nous!

Pilote automatique dans les trains, les voitures et les avions, gestionintelligente du trafic, soutien logistique dans le transport des mar-chandises, applications mobiles pour optimiser nos déplacements…L’intelligence artificielle est en train de révolutionner le secteur dutransport, apportant par le fait même des solutions nouvelles auxgrands enjeux de mobilité liés à la croissance démographique et àl’urbanisation. À quoi ressemblera le transport de demain ?

La révolution du transport

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Cité MultimédiaP

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LE CGMU : LE CŒUR ET LE CERVEAUDES SYSTÈMES DE TRANSPORTINTELLIGENTS À MONTRÉAL

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS AU SERVICE DES TRANSPORTS

LA BASE DE DONNÉES DYNAMIQUE GÉO-TRAFIC ET L’INFORMATION AUX VOYAGEURS

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019C 2 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

CONCORDIA .CA/TRANSPORTENCOMMUN

C’EST LE VOYAGE QUI COMPTE Rendre la navette quotidienne plus rapide, sécuritaire et confortable.

DES VILLES

T19-

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H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

C ompiler une foule de donnéessur les flux de déplacements afin

d’améliorer la capacité et la rapiditéd’intervention, mieux diagnostiquerles situations problématiques et êtreen mesure de planifier les nouvellesinfrastr uctures en fonction desconstats observés, assurer la sécu-rité des personnes, optimiser leurmobilité et celle des marchandises etfavoriser une approche de dévelop-pement durable : voilà, à terme, lesdif férents objectifs du Système detransports intelligents mis en branlepar la Ville de Montréal ces der-nières années.

Un STI dont le cœur et le cerveau sesituent au sein du Centre de gestion dela mobilité urbaine (CGMU). C’est iciqu’est acheminée toute l’informationprovenant de divers équipements —feux de circulation, caméras, détec-teurs, panneaux à messages varia-bles, etc. — et qu’elle est traitée et ana-lysée afin de prendre les meilleuresdécisions, en temps réel.

« De nombreuses villes mettent aupoint leur propre système de trans-por ts intelligents, souligne Jean-François Tremblay, président-direc-teur général de Jalon, organisme œu-vrant en mobilité intelligente à Mont-réal. Le très beau message de la mé-tropole en revanche, c’est de vouloirpar tir du transpor t collectif et degref fer le reste. On n’essaye pasd’augmenter la place de la voiture in-dividuelle, mais plutôt de la relativi-ser sans diminuer le confor t et laqualité de déplacement. »

IntégrationÀ terme, environ cinq cents camérasseront installées aux intersections né-vralgiques du réseau artériel montréa-lais. Elles permettront aux opérateursdu CGMU de constater les probléma-tiques de congestion et les incidents af-fectant les déplacements afin de répon-dre aux besoins croissants de mobilitédes citoyens, de plus en plus nom-breux à vivre en ville ou à venir y tra-vailler ou s’y divertir.

L’analyse de ces données jouera

par ailleurs un rôle crucial dans

l’atténuation des ruptures dans

la chaîne des déplacements,

sous l’angle notamment des

déplacements intermodaux

Mais à l’aide de l’apprentissage auto-matique, l’une des applications del’intelligence artificielle, la Ville sou-haite également, à terme, pouvoirprédire la circulation, évaluer la per-formance des équipements de circu-lation et proposer des améliorations.L’objectif ? Rendre notamment lesfeux de circulation proactifs sur letrafic à venir, l’utilisation de l’IA per-mettant de prendre en considérationplus de variables influençant les dé-bits de circulation, dont la météo,l’état de la chaussée et les périodesoù l’on constate une augmentationinhabituelle de la circulation, commeles congés ou les événements spor-tifs et culturels, etc.

TRANSPORTS INTELLIGENTS

Montréal veut être à l’avant-gardeMercredi 13 février dernier au petit matin. Depuis les douze dernières

heures, il est tombé plus de 30cm de neige sur Montréal. La plus grosse

tempête de la saison. Inévitablement, l’heure de pointe est difficile dans

les rues de la métropole. Inévitablement ? Peut-être plus dans cinq ou

dix ans. Grâce à son Système de transports intelligents (STI), la Ville sou-

haite en effet mieux diagnostiquer les situations problématiques en

amont ou en temps réel afin d’améliorer la gestion des déplacements.

STÉPHANE MILOT UNSPLASH

INFOGRAPHIE CGMU

Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont

cependant pas de droit de regard sur les textes. La rédaction du Devoir n’a pas pris part à la production de ces contenus

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Carte citoyenneCarte

citoyenne

Gestion dutransport collectif

Gestion artérielle

Gestion autoroutière

Corridors intégrés

Gestion d’événements

Outils de prédictionP

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LE PAIEMENT ÉLECTRONIQUE : POUR UNE MEILLEURE EXPÉRIENCE DE MOBILITÉ

LES MESURES DE PRIORITÉ AUX FEUX DE CIRCULATION POUR LES SERVICES D’URGENCE ET DE TRANSPORT COLLECTIF

LES SYSTÈMES DE GESTION INTÉGRÉS DE CORRIDORS

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019 C 3INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

«Le mot d’ordre, c’est l’intégrationde tous les transports, qu’ils soientindividuels, collectifs (métro, bus,tramway, autopar tage) ou actifs(marche, vélo), précise M. Tremblay.Il y a toute une partie de la popula-tion qui affirme qu’elle se sépareraitbien de sa voiture si le type de mobi-lité qu’on lui proposait à la place étaitplus efficace.»

Créateurs d’expérienceDes modes de transpor ts mieuxconnectés entre eux, des usagersmieux informés sur les dif férentesoptions qui s’of frent à eux, par desapplications numériques notamment,un système d’abonnement et de fac-turation intégrés en fonction des dif-férentes options souscrites, et unemobilité qui gère à la fois les besoinsquotidiens et les situations excep-tionnelles ou d’urgence. Car si se dé-placer à vélo ou en métro pour allertravailler au centre-ville est relative-ment facile, la voiture devient néces-saire pour aller acheter un téléviseurle samedi ou lorsqu’il faut aller cher-cher son enfant en urgence à la gar-derie. À moins d’intensifier et de di-versifier l’offre d’autopartage.

Jean-François Tremblay affirme parailleurs que Montréal a de beauxatouts à jouer en matière de transportsintelligents, notamment parce que lamétropole demeure une place forte del’industrie du divertissement.

« Aujourd’hui, les usagers sontdes consommateurs d’expérience,et Montréal a le savoir-faire et lestalents nécessaires pour nourrir cetappétit, estime-t-il. Prenons le véhi-cule autonome. Pour l’instant, onen parle surtout sous l’angle de lasécurité et de la technologie. Maison commence tout doucement à ré-fléchir au type d’expérience quel’on voudra vivre à l’intérieur deces voitures lorsque plus personnene les conduira. »

Le p.-d.g. de Jalon est d’avis que,dans ce domaine, la métropole a véri-tablement une carte à jouer, notam-ment parce que les coûts y sont bienmoins élevés que dans la Silicon Val-ley par exemple.

« Il s’agit d’un champ naissant,conclut-il, ce qui implique qu’il va yavoir beaucoup d’essais, beaucoupd’erreurs. Et les entreprises préfè-rent toujours que les erreurs lui coû-tent le moins cher possible…»

ISTOCK

EN BREF»Un programme pour les jeunespousses en IA

Le soutien logistique dans le do-maine maritime, l’expérience desusagers des transports automobiles,la résilience des villes et l’intégrationdes drones dans l’espace urbain : lesjeunes pousses, qui seront sélection-nées dans la cohorte du programmeAI@CENTECH qui démarrera enmai prochain, devront travailler surdes solutions en intelligence artifi-cielle (IA) visant à améliorer l’un deces aspects. Ces quatre thématiquesont été déterminées par l’entrepriseThales. Cette dernière s’est associéeà l’accélérateur d’entreprise Cen-tech, issue de l’École de technologiesupérieure (ETS), pour mettre enplace un programme, dévoilé le25 janvier dernier. Après un pro-gramme d’«accélération» d’une douzaine de semaines, les projets lesplus prometteurs accéderont ensuiteà un programme de «propulsion» de six mois, durant lesquels ils seront directement accompagnés par Thales. É.P.-E.

850 personnesréunies pour l’IA à Montréal

Le Forum stratégique sur l’intelli-gence artificielle (IA) a réuni près de 850 leaders de l’industrie lundidernier dans la métropole, manifes-tation de l’effervescence et de la mobilisation du milieu montréalaispour l’apprentissage profond. Orga-nisé par la Chambre de commercedu Montréal métropolitain, l’événe-ment visait à stimuler la collabora-tion entre les différents acteursmontréalais en IA, surtout dans lesecteur privé. Après des investisse-ments massifs en ce sens par les mi-lieux universitaires, c’est maintenantaux entreprises d’être «au rendez-vous», a affirmé Michel Leblanc,président et chef de la direction de la Chambre. Le ministre fédéral desTransports, Marc Garneau, le minis-tre québécois de l’Économie et del’Innovation, Pierre Fitzgibbon, et la mairesse de la Ville de Montréal, Valérie Plante, étaient présents.«Montréal doit aller plus loin pour libérer plus de données, pour réflé-chir la ville autrement», a d’ailleursaffirmé Mme Plante, soulignant parle fait même la volonté de Montréalde se positionner comme une ville«éthique, responsable et ouverte».

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CONTENU PARTENAIRE

C ette confiance est d’autant plus im-portante pour cette entreprise

qu’elle travaille dans des domainespour le moins névralgiques. Thalescompte 65  000 employés dans lemonde, dont 3000 en recherche —l’entreprise consacre d’ailleurs 20% deson chiffre d’affaires à la recherche etau développement. La moitié de sesactivités est consacrée à la défense,l’autre au civil. Le groupe aide à contrô-ler la chaîne de décisions dans les mo-ments critiques pour les clients dansles domaines du transport, de l’explora-tion de l’espace, de la défense et de lasécurité.

De préventive à prédictiveC’est parce que Thales est conscientede l’importance de chacune des activi-tés de ses clients que l’équipe travailledepuis plusieurs mois sur des outils demaintenance prédictive. D’ici un an, es-time le groupe, ces outils pilotés parl’intelligence artificielle pourront antici-per les pannes et les réparations, maisaussi être en mesure d’expliquer lacause de la panne anticipée.

Ces recherches sur la prédictivitésont menées au Canada qui, avec laFrance, est l’un des deux pays centresde Thales. Si l’entreprise a choisi deconcentrer autant son développementchez nous, c’est entre autres grâce àl’accès au talent et à la formation, maisaussi grâce au dynamisme de l’écosys-tème universitaire, à l’intérêt porté parles paliers gouvernementaux à l’innova-tion, ainsi qu’aux partenariats public-privé et à la nature de la relation entreles deux pays, qui est très amicale. Leschamps de recherche de l’entreprise,notamment celui de la défense, ontégalement déterminé ce choix. « On nepeut pas faire de la recherche dans

n’importe quel pays, précise Marco Er-man. Le Canada fait partie des paysavec lesquels on peut faire en touteconfiance ce type d’études. »

Le défi des donnéesMais pour que la prédiction soit cor-recte, encore faut-il être bien certainque les systèmes d’IA sont nourrisadéquatement. « Il faut s’assurer quedes types de données qui pourraientinduire en erreur ne rentrent pas dansle système », explique Marco Erman,qui ajoute que c’est l’une des raisonspour lesquelles Thales met autantd’énergie du côté de la cyberprotec-tion des données. « Dans le monde del’IA, si les données ne sont pas debonne qualité, si elles sont fausses oucorrompues, le résultat sera égale-ment faux ou corrompu. Tout com-mence par les données. »

Le président-directeur général de lasociété, Patrice Caine, insiste par ail-leurs sur le besoin de diversifier lesdonnées afin de développer des algo-rithmes non biaisés. Un algorithmepeut tout à fait être « inconsciem-ment biaisé ».

« On n’est pas dans un modèle d’es-sais-erreurs, ajoute pour sa part DavidSadek. I l faut absolument que çamarche tout le temps. La confiancese gagne par goutte et se perd parsaut ! Donc, pour nous, à Thales, quisommes sur des systèmes critiques,cette confiance est l’un de nos axesstratégiques. C’est l'un des élémentsque nous avons inscrits dans notrefeuille de route en intelligence artifi-cielle. »

Thales développe actuellement unmodèle hybride en intelligence artifi-cielle. Ce modèle est basé à la fois surl’apprentissage profond, à savoir l’ana-

lyse de données massives, et sur l’IAdite symbolique, qui se nourrit plutôtde raisonnement et de logique.

« Nous combinons ces deux ap-proches pour concevoir des systèmesqui sont capables non seulement defaire de la perception, c’est-à-dire re-connaître des images, des sons, maisaussi de faire des raisonnements et des’engager dans des dialogues intuitifsadaptés au contexte », explique DavidSadek.

« Nous avons l’avantage d’avoir cesdeux compétences depuis trenteans », ajoute Marco Erman, qui en pré-cise l’objectif : « Que la machine soitcapable d’expliquer ce qu’elle fait enlangage humain, et non par des for-mules mathématiques. De manière àce que ce soit compréhensible entemps réel par les opérateurs, et pasuniquement les mathématiciens. »

Car la confiance passe par la trans-parence et les explications. Si la tech-nologie demeure fermée, car compré-hensible par un nombre réduit d’ex-perts, la méfiance s’instaure inévita-blement. C’est pourquoi l’explicabilitéest au cœur de l’engagement dugroupe Thales.

Le groupe espère ainsi attirer le plusde talents possible et a bon espoir depouvoir y parvenir. Marco Erman croiten effet que travailler pour les trans-ports, et plus encore l’exploration del’espace, est une aventure humaine in-croyable pour les jeunes talents. « Jepense que, si on a les bons talents,qu’on sait les motiver, qu’on vise le côtéhumain, l’aspect technologique va sui-vre », conclut-il.

Voir la vidéo à ce sujet avec l’article sur le site Web du Devoir

THALES

L’importance d’instaurer la confiance en l’IA

PHOTO« La confiance est sans doute ce qui nous différencie le plus des autres

acteurs dans le domaine », croit Marco Erman, directeur technique chez Thales et

chargé de la recherche, des technologies et de l’innovation. Il s’exprimait lors du

Thales Media Day, journée portes ouvertes organisée à Montréal et à laquelle

une quarantaine de journalistes internationaux ont assisté, le 24 janvier dernier.

Cet événement se tenait en simultané en France, au Royaume-Uni, en Espagne,

en Allemagne, aux Pays-Bas et au Moyen-Orient.

LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019C 4 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Siegfried Usal, Directeur général, cortAIx/Digital FactoryAmérique du Nord, Patrice Caine, PDG de Thales, et le

professeur Yoshua Bengio de l’Université de Montréal,lors de la Thales Media Day

IMAGE AU CARRE

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LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019 C 5INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Faire prendre aux transports la voie intelligenteDes systèmes intelligents de transport pour répondre aux défis de pollution et de consommation d’énergie ?

Une idée brillante.

À quoi ressemblera lamobilité du futur?H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N NE T É T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

Les véhicules sont des centres de données sur roues, et ils le seront encore plus à l’avenir. Selon Microsoft, dans six ans seulement, 100% desvoitures neuves seront connectées et, d’ici 2030, 15% d’entre elles seront autonomes. Elles prendront alors en charge l’envoi, la réception etl’analyse de grandes quantités de données, permettant de réduire le nom-bre d’accidents, de limiter la congestion et de gérer les déplacements demanière efficace. En attendant, partout dans le monde, des projets de mo-bilité intelligente se mettent en branle. En voici quelques-uns.

STATIONNEMENT FACILE

1 Près de 30 % du trafic urbain estgénéré par des automobilistes à

la recherche d’une place de station-nement, ce qui engendre congestion,pollution et agacement. Depuisquelques années, plusieurs villes ten-tent de réduire le phénomène grâceau stationnement intelligent. Le prin-cipe ? Installer des capteurs dans lachaussée, qui vont indiquer entemps réel aux automobilistes lesplaces disponibles à destination. Cer-taines applications offrent égalementla possibilité d’être alerté en cas dedépassement de durée, voire depayer pour prolonger la validité dustationnement. Dans un autre ordred’idées, les informations peuventaussi être remontées aux autoritésafin de déceler les véhicules en infra-ction. Les villes de Nice, en France,ainsi que Los Angeles et San Fran-cisco, aux États-Unis, utilisent déjàce type de ser vices, tout commeMontréal, qui souhaite également seservir des données collectées pourmettre en place un système de modi-fication dynamique du coût de sta-tionnement. H.R.-G.

COVOITURAGE INTÉGRÉ

2 Près d’un milliard d’internautessont des utilisateurs actifs de Fa-

cebook. Des internautes qui se par-lent le plus souvent vir tuellement,mais qui se servent aussi du réseausocial pour organiser des événe-ments destinés à se rencontrer dansla vraie vie. Concert, fête communau-taire, chalet ou canot-camping entreamis, réunion de famille et mêmem a r i a g e … L e s p r o f e s s i o n n e l s

comme les particuliers utilisent deplus en plus cet outil pour planifierleurs événements. Reste à savoircomment s’y rendre. D’où l’idée deMark Zuckerberg d’offrir à ses abon-nés un nouveau système de covoitu-rage. Il s’agirait, d’après le brevet dé-posé, d’af ficher un onglet covoitu-rage permettant d’organiser facile-ment le voyage à plusieurs, à mêmela page consacrée à l’événement. Etcomme Facebook sait à peu près toutsur tout le monde, toutes les don-nées collectées et analysées lui per-mettront de tenter de coupler passa-gers et conducteur en fonction deleurs intérêts. H.R.-G.

QUAND FORD SE MET AU VÉLO

3 Alors que de nombreux construc-teurs automobiles planchent sur la

voiture du futur, d’autres tentent de re-voir globalement la mobilité urbaine.Ainsi, Ford a mis au point un vélo élec-trique, pliable et connecté, appeléMoDe : Me. Intelligent, il est relié àune application mobile permettant derationaliser les déplacements en choi-sissant le meilleur mode possible entemps réel : voiture personnelle ou enautopartage, transport en commun,vélo ou marche. L’application proposeégalement un système de guidage.Ainsi, un capteur à ultrasons alerte parexemple le cycliste en faisant vibrer leguidon qu’un véhicule est en train dele doubler. Ce dernier est par ailleursaverti par des vibrations au niveau dechaque poignée lorsqu’il doit tourner.Le but de Ford? Mettre en place unécosystème où le constructeur devien-drait fournisseur de mobilité. H.R.-G.

SUITE À LA PAGE C7 : MOBILITÉ

Navette autonome Navya de la Ville de CandiacPICABOO

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CONTENU PARTENAIRE

E n 2018, 73 % des adultes québécoispossédaient au moins un téléphone

intelligent. En 2010, soit trois ans après lelancement du premier iPhone, ce n’étaitle cas que de 17% d’entre eux.

Pour les spécialistes de la planificationdes transports, cette rapide popularisa-tion de la technologie s’est avérée por-teuse, car elle a élargi leur champ de pos-sibilités en matière de collecte de don-nées sur les déplacements.

Il faut savoir que, dans ce domaine, larécolte de données revêt une importancecapitale.

« Elle est essentielle, assure M. Patter-son. On utilise ces données pour fairedes estimations de la demande future entransport selon différents scénarios pos-sibles. […] Presque toutes les analysesdans la planification des transports sontbasées sur les types de comportementsdes gens au fil de la journée.»

Traditionnellement, la collecte de cesdonnées est réalisée par des enquêtestéléphoniques origine-destination. Descitoyens sont contactés sur leur ligne ré-sidentielle et invités à répondre à unquestionnaire sur leurs comportementsen matière de transports. Des précisionssur les trajets et habitudes des autresmembres de leur ménage leur sont éga-lement demandées.

Or, cette façon de faire comporte sonlot de problèmes, et l’un d’eux s’avère detaille : le déclin du nombre de ménagespossédant un téléphone fixe.

« De moins en moins de gens ont destéléphones fixes et ce n’est pas aléatoireà travers la population, relève M. Patter-son. C’est encore plus le cas chez lesjeunes. Du coup, on a des échantillons demoins en moins grands et les jeunes sontde moins en moins bien représentés dansces données.»

Le fait qu’avec cette méthode, les ré-pondants doivent faire appel à leur mé-moire est également problématique.

« Quand on pose des questions auxgens par rapport à leurs comportementsen transports, souvent, ils oublient deschoses ou ils donnent des informationsqui ne sont pas tout à fait exactes sur euxou sur d’autres membres de leur mé-nage», confirme le professeur.

L’apport du téléphone intelligentDotés de fonctions de géolocalisation etde détection des mouvements, les télé-phones intelligents constituent des outilsfort intéressants pour les spécialistes dela planification des transports parce qu’ilssont capables de collecter des donnéesen temps réel.

En pratique, il suffit que des utilisateurstéléchargent une application spécialementconçue pour recueillir des données de dé-placement et qu’ils acceptent de partagerces dernières tout en gardant l’anonymatpour qu’ensuite des spécialistes de la pla-nification puissent les analyser.

À terme, la prolifération de ces collectesde données en continu a le potentiel depermettre de réelles améliorations dans laplanification des transports. Mais l’emploidu téléphone intelligent n’est pas encoreune panacée, prévient M. Patterson.

« La collecte des données, c’est unechose, mais pouvoir les utiliser, c’en estune autre. La compréhension de ces don-nées est très complexe, et c’est un granddéfi», commente-t-il.

D’après le spécialiste, l’intelligence arti-ficielle recèle un grand potentiel pour fa-voriser cette compréhension.

« Elle peut nous permettre de mieuxcomprendre les données en détectantdes “patrons” et nous aider à mieux saisirles données brutes», précise-t-il.

Plateforme ItinerumDésireux d’avoir accès à une banque dedonnées de qualité pour conduire ses re-cherches, M. Patterson a eu l’idée decréer une plateforme Web qui permettraità ses utilisateurs — des villes, des cher-cheurs, des sociétés de transport, etc. —de créer facilement leur propre étudespécialisée pour la collecte de données.Avec son équipe du laboratoire TRIP del’Université Concordia, il a donc conçu laplateforme Itinerum.

«Elle permet à des gens de créer leurspropres études par l’entremise de télé-phones intelligents avec leurs propresquestions, explique M. Patterson. L’idée,c’est qu’ils puissent monter leur propreétude en dix minutes. Une fois qu’elle estmontée, ils peuvent aller faire la récoltede données, visualiser les données quientrent et télécharger tout ça d’une fa-çon qui est très accessible pour un cher-cheur typique.»

D’ici quelques années, la plateformedéveloppée à Concordia devrait permet-tre d’intéressantes avancées dans le do-maine de la planification des transports.

« Le but, c’est qu’elle soit utilisée etqu’un jour, comme c’est à source ouverte,les utilisateurs arrivent à développer leurspropres algorithmes et codes qui vontpouvoir se retrouver dans un projet glo-bal, conclut M. Patterson. À long terme,l’idée, c’est de pouvoir utiliser ces don-nées pour faire de l’analyse de comporte-ments et de la recherche en analyse decomportements en transport.»

Voir la vidéo à ce sujet avec l’article sur le site Web du Devoir

TÉLÉPHONIE MOBILE ET TRANSPORTS

Une révolution en coursISTOCK

À quel point la téléphonie intelligente est-elle en train de transformer laplanification des transports ? « Énormément », répond Zachary Patterson,chercheur et professeur agrégé au Département de géographie, d’urbanismeet d’environnement de l’Université Concordia. Entretien.

LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019C 6 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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SUITE DE LA PAGE C5

JOY REAL UNSPLASH

LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019 C 7INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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DES VÉHICULES

AUTONOMES EN HIVER?

5La navette autonome se frotteaux rigueurs de l’hiver. Keolis Ca-

nada expérimente actuellement la na-vette NAVYA, sans passagers, dans lecontexte de la saison froide. Il s’agitdu même véhicule qui a assuré en oc-tobre dernier un service de transporten commun sans chauffeur dans lesrues de Candiac. Ce minibus avaitdéjà été testé en hiver au Michigan,mais jamais dans le climat québécois.

L’un des objectifs consiste à amélio-rer la pile du véhicule électrique, carcelle-ci offre une énergie réduite enbas de moins 10 degrés Celsius.«Avec le verglas, la neige, la poudre-rie et les dif férentes précipitationsqu’on reçoit durant quelques mois,les capteurs se doivent d’être modi-fiés pour être capables de bien com-prendre ces intempéries qui peuventsurvenir de manière abrupte», ajouteMarie Hélène Cloutier, vice-prési-dente expérience passager, marke-ting et commercialisation chez KeolisCanada. En novembre dernier, la na-vette autonome avait été essayée lorsdes premières neiges et elle perdaitses repères en raison de la neige ac-cumulée en bordure de la chaussée.« Les hivers du Québec vont conti-nuer d’être un défi pendant quelquetemps pour les voitures autonomes»,prévient Marie Hélène Cloutier. LaVille de Candiac a confirmé la repriseau printemps du service avec passa-gers, alors que la navette a fait sespreuves sous la pluie. « Noussommes très fiers d’être la premièreville au Canada à aller de l’avant avecun tel projet», a indiqué le maire Nor-mand Dyotte par courriel. É.P.-E.

UN PORT

INTELLIGENT

4L’intelligence artificielle pourraitréduire les émissions de gaz à ef-

fet de serre et améliorer la chaîne lo-gistique liée aux activités portuaires.Element AI, une entreprise montréa-laise qui fournit des services dans ledomaine de l’intelligence artificielle,collabore en ce moment avec le Portde Montréal pour perfectionner l’ap-plication le PORTail du camionnage.Cette dernière, pour le moment,transmet en temps réel aux camion-neurs, qui viennent charger ou dé-charger sur place de la marchandise,le trafic routier et le temps d’attenteaux dif férents terminaux. ElementAI s’emploie à mettre au point un ou-til prédictif qui permettra aux ca-mionneurs de mieux anticiper la flui-dité routière, de mieux prévoir leursdéplacements et d’éviter de restercoincés dans des bouchons de circu-lation. En plus d’améliorer l’efficacitédes chaînes logistiques, un tel mo-dèle prédictif pourrait éviter la pollu-tion générée par les moteurs des ca-mions immobilisés qui continuent detourner. É.P.-E. NAVYA

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CONTENU PARTENAIRE

ISTOCK

LE DEVOIR, LES SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 FÉVRIER 2019C 8 INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

IVADO

Optimiser les services de transport grâce à l’IA

Pour le commun des mortels, l’intelligence artificielle en matière de trans-

ports, c’est le véhicule autonome. Et pourtant, si l’IA est bel et bien en train

de révolutionner ce secteur, c’est bien plus parce qu’elle permet d’optimiser

l’utilisation des infrastructures existantes en appréhendant l’ensemble du

transport de personnes et de marchandises de manière globale.

Nous avons besoin de transports col-lectifs solides, affirme Martin Trépa-nier, professeur titulaire au Départe-ment de mathématiques et de génieindustriel à Polytechnique Montréal. Ilfaut développer des systèmes permet-tant d’améliorer le transport de masseavant de penser au transport indivi-duel et au transport par véhicules au-tonomes», dit-il.

Le chercheur est par ailleurs direc-teur du Centre interuniversitaire de re-cherche sur les réseaux d’entreprise, lalogistique et le transport (CIRRELT), uncentre de recherche faisant partied’IVADO. Avec plus de 80 chercheursau Québec, le CIRRELT est le plusgrand centre de recherche en trans-port du monde par le nombre de sesprofesseurs.

«En recherche, notre travail consisteà concevoir de meilleurs systèmes detransport afin de diminuer les impactsnégatifs tant sur la population que surl’environnement», explique Emma Fre-jinger, professeure agrégée au Dépar-tement d’informatique et de rechercheopérationnelle à l’Université de Mont-réal et titulaire de la Chaire CN en opti-misation des opérations ferroviaires.

Mme Frejinger travaille principalementsur l’optimisation de la planification et dela conception des réseaux de transport.Elle rappelle que le transport de per-sonnes comme de marchandises, aussiessentiel soit-il dans une société, a deseffets négatifs importants, tels que lebruit ou encore les gaz à effet de serre.Ainsi, au Québec, le transport est res-ponsable d’environ 40 % des émissions,dont 80 % sont générées par le transportroutier. «Cela n’est pas soutenable sur lelong terme», affirme Mme Frejinger.

D’autant moins que cela a un coût. Lacongestion dans la région du Grand

Montréal est en effet estimée à plu-sieurs milliards de dollars par année.

«La logistique de transport de per-sonnes et de marchandises va devoirêtre mieux organisée, prévient MartinTrépanier. Nos infrastructures sont sa-turées et nos besoins grandissent. Il y ades réorganisations à prévoir, et celane se fera pas sans heurt.»

Objectif ultime : encourager un com-portement durable de la part des usa-gers. Dans une ville comme Montréal,de nombreux acteurs offrent des ser-vices de transport. Il y a le métro, l’au-tobus, les différents services de taxi, levélo et l’automobile en partage. Mais ilssont tous liés les uns aux autrespuisqu’ils utilisent tous les mêmesroutes. D’où la nécessité de regarder lasituation de manière globale.

«Ce sont ces services dans leur en-semble que l’on veut mieux compren-dre et mieux planifier, explique EmmaFrejinger. Tous les modes de transportsont liés. Le système est complexe.C’est là que réside le défi scientifique.»

L’apport de l’IAOr, s’il est possible aujourd’hui de fairece genre d’études et d’avancées entransport, c’est bien grâce à l’IA. «Onarrive à faire des prévisions de trèsbonne qualité en utilisant d’énormesbases de données, note Emma Frejin-ger. C’est quelque chose qui n’était paspossible avant.»

Les recherches en transport collectifdu professeur Martin Trépanier utilisentpar exemple des données massives enprovenance de systèmes de paiementpar carte à puce mis à la dispositiondes usagers du transport urbain. «Pourtraiter une telle quantité de données, àsavoir plusieurs millions de transac-tions, ça prend des méthodes de fouille

de données assez avancées, confirmeM. Trépanier. Grâce à l’apprentissageautomatique, on utilise les donnéesconcernant les trajectoires anonymi-sées des cartes, par exemple, afin deprévoir des comportements plus incer-tains, comme les futures demandesdes usagers.»

Mme Frejinger ajoute que l’enjeu estd’éviter les inefficacités. Certes, il fautrépondre aux demandes et aux besoinsdes usagers aujourd’hui et demain,mais il faut également optimiser lessystèmes, à savoir ne pas proposerplus que le nécessaire au risque decréer un besoin.

Et dans le transport comme danstous les autres domaines, l’utilisationde l’intelligence artificielle n’en estqu’à ses balbutiements. Celle-ci se dé-veloppera beaucoup dans les pro-chaines années. Véhicules autonomes,traitement des données, systèmes detransports intelligents, feux de circula-tion intelligents, interaction entre lesdonnées de circulation et de transportcollectif, sécurité routière… les appli-cations sont multiples.

«L’intelligence artificielle va être aucœur de la réorganisation, conclutMartin Trépanier. Mais au final, ça varester quand même un problème phy-sique avec pour objectif de déplacerdes personnes et des marchandisesen plus grand nombre sur des infra-structures déjà saturées. On n’yéchappera pas.»

Voir la vidéo à ce sujet avec l’article sur le site Web du Devoir.

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