La Quinzaine littéraire n°114

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La Quinzaine littéraire n°114

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SOMMAIRE

3 LE LIVRE DELA QUINZAINE

4 LITTERATUREETRANGERE

78

9 ROMANS FRANÇAIS10

11 DOSSIER12141819

2022

24

25 PHILOSOPHIE

28 PSYCHANALYSE

29

31 CINEMA

32 THEATRE

33 MUSIQUE

34 ARTS35

Khrouchtchev

Strindberg

Wyndham Lewis

John Updike

Dominique Rolin

la Ludvine

André Bretonet 1'« Esprit moderne»

Husserl

Jean-Michel Rey

Jean Laplanche

A. Kibédi-Varga

Bertolucci

Sautet

Souvenirs

Lettres à Harriet BO$$e

(1900-1908)Journal occulte (1900-1908)Tarr

Les quatre faces d'une histoire

Les éclairs

Cher cher Gouratzine

André Breton

La problématique du rêveSur moi, une influence tardive

Le témoignage d'un « ancien »

Le surréalisme en librairie

A sa plus simple expressionSurréalisme, Morale, MusiquePaul Souday et le surréalismeContre un détournementde pensée

Philosophie première

L'enjeu des signes

Vie et mort en psychanalyse

Rhétorique et littérature

Le conformiste

Max et les ferrailleurs

Le théâtre à Paris

G.R.M.71

Dans les galeries

A la lumière de Morandi

Wifredo Lam

par Annie Kriegel

par Marthe Robert

par Serge Fauchereau

par Jacques-Pierre Amette

par Philippe Sollers

par Paul Otchakovsky-Laurens

par Pierre Péjupar Jean-Pierre Morelpar Michel Deguy

Propos recueillispar Gilles LapougePropos recueillispar Pierre Bourgeade

par José Pierrepar Dionys Mascolo

par Robert Misrahi

par Angèle Kremer-Marietti

par Roger Dadoun

par Georges KassaÏ

par Louis Seguin

par Lucien Attoun

par Anne Rey

par Jean-Jacques Lévèque

par Jean-Pierre Rosier

par Jean Selz

Crédits photographiques

La Quinzaineilttl'r.l.lrt'

François Erval, Maurice Nadeau.

Conseiller: Joseph Breitbach.

Comité de rédaction :Georges Balandier,Bernard Cazes,François Châtelet,Françoise Choay,Dominique Fernandez,Marc Ferro, Gilles Lapouge,Gilbert Walusinski.

Secrétariat de la rédactionet documentation

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Courrier littéraireAdelaïde Blasquez.

Grille de couvertureJacques Daniel.

~édaction, administration43, rue du Temple, Paris (4")

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Règlement par mandat, chèquebancaire, chèque postal :C.C.P. Paris 15551-53.

Directeur de la publication :

François Emanuel.

Impression G./.P.A. V.

Printed in France.

p. 5p. 6p. 7

p. 9

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p. 23

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Le Mercure de France

Le Mercure de France

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Denoël

Bourgois

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Béatrice Heylighers

Bernard Perrine

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Khrouchtchev parlepar Annie Kriegel

1KhrouchtchevSouvenirsLaffont éd., 592 p.

On a surtout jusqu'ici discutéde l'authenticité de ce documentbien que les experts [ Georges F.Kennan aux Etats-Unis ou MichelTatu en France (1)] se rencontrentsur le sens à donner, dans ce casprécis, au concept d'authenticité.Les Mémoires du général de Gaulleconstituent, outre une œuvre litté­raire, une source d'informationsd'abord factuellement contrôléessur dossiers puis organisées et in­terprétées à la fois selon l'intelli­gence qu'en a l'écrivain et en fonc­tion de son désir de trancher pourla pOstérité les amihiguïtés inhéren­tes à toute entreprise politique.Rien de tel pour les Mémoires deKhrouchtchev. Pas de dossiers à la

base des faits qui sont ici rapportés :en un sens ce sont vraiment desmémoires, car c'est la mémoireseule de l'auteur qui a sélectionnéles données et commande leur ana­lyse.

Mais la mémoire de qui ? Peut­être Khrouchtchev a-t-il rédigéquelques courts passages dont lafacture semble plus « écrite» qued'autres, mais il a surtout parlé etparlé dans ce que les Allemandsappellent des Tischgesprache - desconversations de table et d'après­dîner, parlé de manière discursive.Parlé mais parlé à qui ? Quand ilparlait, croyait-il ne parler qu'à desfamiliers ? Croyait-il parler au peu­ple soviétique, tenter un ultimeeffort pour contrebattre l'énorme,l'étonnante impopularité qui estrestée attachée à son nom (et à sonsobriquet de Koukouroujki ~

« Maïs »), intervenh à sa manière

dans la lutte toujours ouverte pourou contre Staline et le stalinisme :un « Contre Brejnev» comme Mal­raux, faisant parler de Gaulle, écritun « Contre Pompidou»? Ou sa­vait-il qu'il ne parlait que pourl'Occident ? Ou encore protestait-ilpour sa gloire, au sens classique duterme?

Des récits discontinus, hétéro­gènes, d'un vieil homme à la re­traite, rassemblés (le conteur le sa­chant ou non ?), rédigés (souscontrôle de l'auteur? par des tierssans mandat ?), traduits du russeen anglais puis de l'anglais enfrançais : il est évident dans cesconditions qu'on ne saurait ni s'at­tacher à la lettre de ces 592 pages,ni s'étonner que la lecture en soitsouvent fastidieuse tant le texte,produit de cette cascade d'opéra­tions, est à la fois lâc4e et. délavé.Certes Khrouchtchev n'est pas un

artiste: mais on aurait pu s'atten­dre à ce qu'il fût un conteur. Orsa célèbre verve ne résiste pas auxexigences de composition, de choix,et de style qu'appelle l'écriture.Seules quelques scènes particuliè­rement énormes ou terrifiantes gar­dent du trait. Dans l'univers ato­misé de la dictature, les individus- tirés de la masse, distingués,précipités selon un cursus inlassa­blement renouvelé - tournent lemanège plus que les classes, grou­pes et instances constitués : or lespersonnages que devraient nousdonner à voir Khrouchtchev nesont pas seulement falots parcequ'il fallait être tel pour survivre,ils sont encore rendus falots parl'incapacité où l'auteur est de nousen dire le plus souvent autre choseque ce qu'en dit la formule stéréo­typée et pauvre: c'était d'honnêtescommunistes. Honnêtes se référant..

~

Cinq ans, déjàComme les années précédentes, nous ne laisserons pas passer

le .15 mars sans souligner cette date anniversaire. La Quinzainelittéraire entre dans sa sixième année. Nos lecteurs, nos abonnés,nos amis s'en réjouiront avec nous, surtout en un moment où lasituation de la presse littéraire dans notre pays donne lieu, ici etlà, à des commentaires attristés.

Il ne suffit pas que la Quinzaine littéraire • tienne -. Il fautqu'elle progresse, qu'elle s'améliore, qu'elle devienne vraiment ceque nous avons voulu en faire : le miroir critique d'une activitéintellectuelle dont nous ne voudrions manquer, faute de moyenssuffisants, aucune des manifestations.

Une réconfortante assemblée générale de nos actionnaires (quisont, rappelons-le, 500 de nos abonnés), tenue à Paris le 15 Janvierdernier, a suggéré diverses mesures pour le développement dela Quinzaine. La première, que nous adoptons, est de créer, pourceux qui se sentent particulièrement proches de notre journal unabonnement de soutien annuel de 120 F. En retour, nous nousmettrons à leur service pour tout ce qu'ils voudront bien nous

. demander : sur le plan de l'information, des renseignements biblio­graphiques, voire de conseils fournis par les divers spécialistesqui collaborent à la Quinzaine.

Parmi les autres suggestions à l'étude, nous soumettons à noslecteurs celie-ci, qui nous a séduits; la formation, partout où ceserait posslbl~, de groupes d'Amis de la Quinzaine littéraire. Nousavons dans chaque grande ville, et surtout les villes universitaires,des dizaines d'abonnés (sans parler des lecteurs au numéro) quipourraient avoir envie de se connaître, de se rencontrer, de œenerpeut-être en commun une action sur l'un des divers plans qu'essaiede couvrir la Quinzaine. Par simple consultation de notre fichiernous pouvons faciliter ces rencontres, mettre .en rapports les unsavec les autres, aider à la constitution de ces groupes. Ils pour­raient bénéficier des conférences que l'un ou l'autre de nos colla-

La QulnzaIne Littéraire, du 15 au 31 mars 1971

borateurs est amené à prononcer (hier, François Châtelet était àToulouse, le 18 mars Gilbert Walusinski sera à Poitiers, etc.), enattendant que ces groupes soient assez forts et assez actifs pournous demander d'entendre à leur seul profit tel ou tel de nos amisrédacteurs. Cette Association, régie par la loi de 1901 (sansbut lucratif) et gérée de façon autonome, n'aurait pas pour but de

.nous procurer de l'argent. Il suffirait qu'elle soit pour nous unréseau de relais à travers Universités, Maisons de la culture,Associations culturelles diverses et un moyen supplémentaire denous enraciner là où nous sommes déjà présents. Que nos amiset abonnés intéressés nous écrivent. Nous étudierons leurs sugges­tions et les tiendrons au courant des développements possiblesde cette proposition.

Profitons de cet anniversaire pour rappeler une fois de plusque la Quinzaine littéraire ne bénéficie d'aucun mécénat, ne disposed'aucune ressource occulte, n'a derrière elle ni organisme depresse ni d'édition, ni. association ou syndicat quelconque (fût-il,et cela ne serait pas si scandaleux, celui des libraires). Et pourtantelle vit. C'est peut-être parce qu'outre le capital qu'ont bien voulului .fournir quelques centaines de ses abonnés, elle repose sur cetautre, fait de temps, de travail, de dévouement que lui concèdentgénéreusement les membres d'un personnel réduit à l'essentiel et,depuis le premier jour, enthousiaste à toutes les tâches, tandis queles membres - soulignons-le, bénévoles - du comité de rédacti'onfont souvent passer leurs nombreuses et Importantes occupationsaprès les exigences du journal. Le moment semble venu où cetterichesse qui tient à la pauvreté de nos moyens nous permet deprévoir d'ici le 15 mars 1972 mille abonnés nouv.eaux, cinq millelecteurs de plus au numéro. C'est du moins l'objectif que nous noussommes fixé. Nous comptons sur vous, amis, pour que cet objectifsoit atteint.

Q.L.

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.. Khrouchtchev

dans le langage communiste, à lavertu ·de loyauté (à l'égard duparti).

Est-ce à dire qu'on peut en res­ter là avec ce document? Certes,non. Tel quel, il jette même lelecteur averti dans un abîme de ré­flexion.

D'abord, il permet de mieuxprendre la mesure de la souffrancesoviétique depuis cinquante ans.On avait jusqu'ici surtout dresséla carte de la souffrance des mem·bres de la classe politique, tour àtour bourreau et victime. D'unepart, les témoins qui avaient sur­vécu aux procès et aux camps ap­partenaient plus ou moins aux cer·cles de l'appareil et de ses dépen­dances ou à des groupes marginaux.D'autre part, la Lioubianka, lesisolateurs, Magadan, Vorkouta; au­tant de mots, autant de noms quin'appartenaient qu'au vocabulairede la répression terroriste. Ici, cequ'on entrevoit mieux, c'est lasouffrance du peuple : une fois pardécennie, au cours des trois pre­mières décennies du pouvoir sovié­tique, les paysans ukrainiens ontsubi une famine telle qu'elle a don­né lieu à des cas d'anthropophagie.Il faut lire par exemple le récitabominable où Khrouchtchev ra­conte comment Kiritchenko, alorssecrétaire du comité régionald'Odessa, lui rapporta dans l'hiver1946-47 avoir vu dans un kolkhozeune paysanne devenue folle defaim découpant et salant les cada­vres de ses deux enfants. Boulever­sé, Khrouchtchev en parle à Sta­line qui le prend très mal : « Tute ramollis! On te trompe ; on es­père toucher ta sensiblerie en teracontant des choses pareilles. Onveut te forcer à distribuer toutesles réserves ». Khrouchtchev ajoutealors : « Apparemment, il avait desinformateurs qui me court-circui­taient et à qui il accordait plus decrédit qu'à moi ». Ce .qui nous in­troduit au cœur du problème"clef :le fonctionnement du système sovié­tique. Sous cet angle, on comprendmieux maintenant pourquoi toutesles tentatives, en Union soviétique,dans les démocraties populaires (etdans les P.C. occidentaux), faitespour changer le système se sont fi­nalement ramenées à un essai demodifier le circuit de l'information.

L'information - autrement dit,le savoir nécessaire à la construc·tion d'un quelconque projet straté­gique ou tactique - varie .en effet,du point de vue de la quantité, en

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fonction du grade dans lahiérar­chie du parti. Le rythme d'accumu­lation est d'8.illeurs très lent à croî­tre et il faut aller très haut pourêtre en mesure d'embrasser un pa·norama important et se trouver ex·posé à une somme appréciable dedOJlDées. Mais cela, on le savaitdéjà. Ce qu'on savait moins, c'estqu'en Union soviétique, exactementcomme dans n'importe quel particommuniste, l'obstacle majeur à lacirculation de l'information n'estpas d'ordre quantitatif mais quali.tatif : car c'est le cloisonnementhorizontal qui empêche qu'on accu­mule d'autres informations que cel­les propres à son domaine d'activitéspécifique. Déjà, tout jeune, auXV· congrès du Parti (1927),Khrouchtchev avait noté la ségré­gation établie entre les délégationsvenues de républiques soviétiquesdifférentes. Plus tard il généraliseet après l'assassinat de Kirov, alorsqu'il est secrétaire du comité deMoscou, il observe. « On établitune liste des gens à éloigner de laville. J'ignore où on les envoya.Je ne l'ai jamais dem.andé. Noussommes toujours restés fidèles à larègle qui veut que si l'on ne vousdisait pas quelque chose, c'est quecela ne vous concernait pas; c'étaitl'affaire de l'Etat, et moins vous ensaviez mieux cela valait J).

Ainsi un membre du proche en­tourage de Staline procède, pourtout ce qui ne regarde pas lechamp où il est de sa responsabilitédirecte d'intervenir, comme n'im­porte quel profane : il recueille,par son mini·réseau personnel declients, de collaborateurs et d'amis,des signaux indirects discontinuset fugaces qu'il décrypte selon uncode que la pratique enrichit etaffirme progressivement. De ces si­gnaux (langage complexe et diffé­rencié), Khrouchtchev donne unbon exemple en narrant la luttepour la « Ligne générale» qu'il amenée à l'Institut d'Etudes indus­trielles de Moscou où il avait étéenvoyé en 1929-1930 : « Il exis·tait un groupe qui soutenait la Li­gne Générale du Parti et s'opposaitaux droitistes... Droitiers, opposi·tionnistes, ces gens évoluaienttous, fondamentalement, dans lamême direction politique et notregroupe était contre eux. Nous ve·nions tous du Sud, du Donbass, deDniepropetrovsk et de Kharkov;en outre, nous étions tous entrés auParti après la Révolution. Lorsque,à une réunion, on présentait un

candidat à un poste de l'organisa.tion de l'Institut, il devait monterà la tribune et dire d'où il venait,quand il avait adhéré au Parti, decette façon, la Vieille Garde de lacellule reconnaissait sans mal ceuxqui, selon toute probabilité, nemanquerait pas de s'opposer à elle,et votait contre eux ».

Ce système d'information - desréseaux verticaux officiels spéciali.sés et une myriade de mini·réseauxhorizontaux, privés, généraux ­aboutit en bref à l'absence d'unpool commun d'informations sus­ceptible de constituer un communsavoir : dans cette absence, dansce creux, se love le système dictato­rial (le dictateur lui-même ne fai­sant d'ailleurs aucunement excep­tion : la persistance de son pouvoirne tient pas tant à ce qu'il a unemeilleure information que les au­tres, elle tient à ce que, ayantconquis le pouvoir, il le conservepar la terreur).

A quoi il faut ajouter deux ob­servations complémentaires. D'unepart la marge de sécurité que four·nit l'imitation des précédents dansun tel système d'information: d'oùla rapidité avec laquelle se cristal­lise une tradition protectrice dansquelque ordre que ce soit.

D'autre part, plus encore dansun pays où l'administration n'a ja.mais été assez compétente pour as­surer ne serait-ce que le minimumquotidien, le pouvoir politique nes'exerce que par le biais de « cam­pagnes », à-coups volontaires, vio­lents et superficiels destinés à rat­traper en bloc le retard, à désen·­liser la machine, à atteindre les ob­jectifs privilégiés ou, un beau jour,décidés tels. D'où l'épisode grotes­que et symbolique où l'on voit Sta·line convoquer Khrouchtchev, alors« Père de la Cité », c'est·à·dire se­crétaire du Comité de Moscou, pourlui enjoindre de s'occuper toutesaffaires cessantes des toilettes publi­ques. Naturellement on peut y voirune marque de sollicitude pour lepeuple. Il n'est pas non plus inter­dit d'y voir une farce tragique, unClochemerle écrit par RaskolnikovMais c'est aussi à force de « campa­gnes» où tous les talents etles ressources disponibles étaientconcentrés sur un point que furentmenées à ·bien les grandes entre-·prises du régime, le métro de Mos­cou comme l'industrie lourde.

(1) Cf. Geor~e F. Kennan, TheNew York ReVlew of Books, 25 fév1971, et Michel Tatu, Le Monde25 fév. 1971).

I.ITTaaATuam 1

1StrindbergLettres à Harriet Bosse(1900.1908)Mercure de France éd., 244 p.

1Journal occulte (1900.1908)Mercure de France éd., 182 p.

te Nous n'avons qu'à fermerles yeux, écrit Kafka à FeliceBauer en 1912, et notre pro·pre sang nous fait des confé­rences sur Strindberg -. Et-ceencore vrai avec une par~iIIe

évidence? Strindberg commu­nique-t-i1 encore aussi directe­ment avec le « sang. de noscontemporains?

Bien des choses à vrai dire sein­blent s'interposer entre lui et lelecteur d'aujourd'hui, surtout pourla part de son œuvre où il se donnepour le pamphlétaire et le roman·cier de sa propre vie. Car là, luttantavec des armes puissantes contredes ennemis qui nous paraissentinexistants, pour des valeurs quenous jugeons nulles ou périmées, ilbrouille nos concepts, bouleversenos catégories et porte le troubledans notre idée compacte de la mo­dernité. Pour un peu nous dirionsqu'en lui l'artiste qui observe estde beaucoup supérieur au polémistequi interprète et juge, en d'autrestermes que Strindberg est granddans ses pièces, et rétrograde lors­qu'il exprime tout uniment se pen­sée. Mais est·ce soutenable souscette forme simplifiée? C'est pré­cisément la question qui se poseà la lecture de son autobiographie,et spécialement des deux livresrécemment parus qui constituentles dernières pièces de son dossier.

De ces deux livres posthumes,dont l'un est un recueil de lettresà Harriet Bosse, sa troisième femme,l'autre un extrait de journal intimeayant trait à la même époque de savie et rapportant les mêmes événe­ments, Strindberg auteur dramati­que est en effet presque entièrementabsent, ou plutôt il s'efface derrièrela personne réelle du mari, un maricertes vieilli, un fois de plus amou­reux, une fois de plus abandonné,mais toujours soupçonneux, écor­ché, invivable, qui se veut seul enface du public (on n'en peut douterpuisqu'il a pris toutes mesures pourqu'après sa mort, sa correspond~nc,e

et son Journal occulte fussent lDte­gralement publiés). Or si en tantqu'auteur de pièces, Strindberg

L~enfer de Strindbergpar Marthe Robert

La QuIDzalne Uttéralre, du 15 au 31 maTS 1971

émeut toujours le spectateur et lElecteur actuels, en tant que mari.tel qu'il se peint dans ses romaruautobiographiques et ses libelles, ily a lieu de croire qu'il n'attire guèrEla sympathie (paradoxalement, étan1donné que l'homme de théâtrEtrouve justement dans le mari ltprincipal fournisseur de ses grief:et de ses drames). Le premier es1accepté avec les bizarreries du dé·lire qui, étant aussi celles du géniepassent sans plus au compte dEla littérature; mais le deuxièmEn'est pas absous, ce doctrinaire hai­neux engagé dans un combat pé'nible et sans issue contre la moititde l'humanité paraît presque mé·riter ses souffrances, on ne lu:pardonne pas les idées délirante:- les mêmes pourtant dont il faildes « scènes» d'autre part - qu:lui inspirent ses convictions déplai­santes, et en particulier sa misogynie.

A en juger par les témoignage:du temps, les contemporains dlStrindberg ne semblent pas avoÏJconnu pareille ambiguïté, les détracleurs comme les partisans ayant vtdans ses idées non pas du tout de:productions symptomatiques liées iun dérangement mental, mais bieIl'expression vigoureuse, juste poUlles uns, fausse pour les autres, d'uIproblème urgent posé à un momen'de crise grave de l'évolution sociale et de la pensée. Au demeuraD'Strindberg n'était pas le premier ifaire profession d'antiféminismttnilitant, des philosophes famewl'avaient précédé, et l'on ne sachlpas que Schopenhauer ou Nietzschtaient traité le sujet avec plus dlménagements au tournant du siècleo Il n'était pas non plus le seuà ressentir le problème de la femmlcomme quelque chose qui touchaide près, et dangereusement, amracines de sa propre existence : el1903, Otto Weininger se tue à l'âglde vingt-trois ans, quatre mois aprèavoir écrit contre les femmes un réquisitoire atroce et génial qui, danson esprit, devait fonder une nouvelle philosophie. « W eininger a scell,sa foi avec son suicide», écriStrindberg à un ami du jeune désespéré, « vers 1880 j'ai été prè

•de faire comme lui; seul avec m,« découverte». Ce n'est pas unopinion, mais une découverte, eWeininger était un découvreur)JQ'uelques années plus tard, Kafksqui à cette époque ne connaît pas 1théâtre de Strindberg, mais uniqutment les romans autobiographique

traduits par Schering, comprendencore cette découverte par l'inter­médiaire de son « sang», commele voulait en somme le « :erodi.gieux» auteur dans les bras du·quel il se voyait « blotti ». Et certesrares sont ceux qui prennentla prédication antiféministe au sé­rieux jusque dans ses dernièresconséquences charnelles, mais si laplupart des contemporains se con­tentent de la tenir pour une opinionà attaquer ou à défendre, personnene s'avise d'en rechercher les causesdans la pathologie.

Pour nous au contraire, les idéesde Strindberg sur les femmes - etsur la vie en général, mais ici juste­ment les femmes sont les représen­tantes de fa vie - sont devenuesindissociables de la personnalitémorbide qui les a conçues et propa­gées, ce sont.moins des opinions ­en cela Strindberg voyait parfaite­ment clair - que des symptômesparmi d'autres dans une liste donton peut dresser le tableau.

L'écrivain lui-même en fournitla preuve dans le roman autobio­graphique qu'il tient à jour pen·dant des années pour se plaindre,accuser, se défendre et surtout, selaver de la c( faute» mystérieuseavec laquelle il dit être né «( Jesuis né coupable )~). Du Fils de laservante au Journal occulte en pas­sant par le Plaidoyer d'un fou, ildécrit en effet les rôles changeantsque la femme joue tour à tour ouparfois simultanément dans sonexistence morcelée, et l'on peutsuivre l'évolution de son mal à lafaçon dont, parallèlement, ces rôlestout à la fois mythiques et concretstendent à se dégrader. Ainsi il s'enfaut de beaucoup que le Johan duFils de la servante et de Fermenfa,.tian soit l'adolescent irréconciliableincarné par Weiniger. TI appraîtbien plutôt comme un jeune hommed'un type assez courant, en proieaux tourments d'une sexualité quetout - religion, morale et mœursdu temps - relie aux idées de fauteet de danger (n'oublions pas qu'a.lors les dangers imaginaires de laféminité pouvaient encore se justi­fier par le danger réel des maladiesvénériennes), névrosé certes, et ja.loux, mais sans rien qui annoncel'espèce de messianisme antifémi·niste à quoi Strindberg se sentirabientôt appelé.

Bien plus, dans le document qu'ilintitule Lui et Elle, et qui est irré­cuSable puisqu'il consiste en un

laTriet Bosse.

échange de correspondance publiéedu vivant des intéressés, ce mêmeJohan est encore si loin de conce­voir l'amour comme une lutte sansmerci entre les sexes qu'il glorifieà tout bout de champ le génie dela bien-aimée, à la façon des rOJpan·tiques de l'époque précédente etdes « gynolâtres » contemporainsles plus combatifs. « En avant estla voie, en avant! vers la lumière,les cimes d'où retentira ta voixpareille à la prophétesse. Oh, si uneseule fois tu savais combien jecrois à ton génie! ». Ce n'est paslà le langage d'un homme qui veutmaintenir la femme à une place in­térieure dans la hiérarchie spirituel.le et sociale, mais à n'en pas douterStrindberg le prend au sérieux, etpendant des années il pousse effec·tivement Siri von Essen à produirearticles et romans, en attendant del'aider à monter sur la scène.

Jusqu'en 1880, si l'on accepte ladate qu'il lui donne lui·même pourcelle de sa première vélléité de sui·

cide dans sa lettre sur Weininger,il est probable que, touchant lesfemmes, Strindberg ne se distinguepas essentiellement des jeunes genscultivés de sa génération et de sonmilieu: il oscille entre l'adorationet la peur, l'idéalisation et le mé·pris, le tout et le rien, et en bonromantique qu'il reste au fond mal·gré le naturalisme de son art, ildemande encore à l'Eternel fémininde jeter un voile sur les dangersde la femme réelle, ou plus exacte­ment sur la dangereuse ambiva·lence de ses propres sentiments(rappelons toutefois que cette am·bivalence n'est pas si grande qu'ellelui interdise le mariage : à la diffé­rence des grands misogynes du siè­cle, il a pour comble de malheurla passion de la conjugalité).

Si 1880 est bien l'année oùStrindberg songe à ~ suicider, lamaladie mentale qui par accès varavager toute son existence se dé­clare trois ans après son union avecl'Adorée, et ce qui n'était peut.être jusque-là que le lieu commund'un certain conformisme devientd'un coup violence halneuse, raged'anéantir, inépuisable ressenti·ment. La fureur jalouse des lettresde Lui et Elle, encore assez compré­hensible puisque alors Siri vonEssen vit toujours avec son premiermari, fait place à l'explosion. dejalousie morbide décrite dans l'His­toire d'une âme et, surtout, dans lePlaidoyer d'un fou, où la misogyniesomme toute banale dont Strindbergse réclamait d'abord verse définiti­vement dans la manie.

Durant la crise terrible d'Infernoet de Légendes, la haine de la fem­me qui incarne les divers visagesde l'épouse - elle porte partoutle nom symbolique de Maria ­n'est plus seule à nourrir les thè­mes de la persécution, d'autres en­nemis surgissent un à un, qui sontautant de tentatives d'explicationd'une vie intérieure marquée parla c( dévastatiQD » (le mot vient deSwendenborg, auquel Strindbergdemande la vision du monde totaleet cohérente lJUÏ.--précisément luiest refusée). C'est qu'à-l'e.!!~ntre

du paranoïaque classique, avec-le­quel il a pourtant en partage letriple mal de la méfiance, ·de l'or·gueil et de la jalousie, il ne parvientpas à se former un système de délirestable, mais, obligé d'expliquer sesétats à mesure de leur apparition,il consomme une quantité incroya­ble d'interprétations, de sorte queces persécuteurs changent de nom

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~ Strindberg

et de rôle avant qu'il n'ait acquisla certitude de leur malignité.

De là le manque de convictionqui perce parfois à travers ces hy­pothèses délirantes dont l'auteurlui-même semhle ressentir la fragi­lité et la monotonie. « On connaîtces électriciens... » fait-il dire à unmédecin auquel il confie les agis­sements de ses « ennemis ». Etdans un autre passage de son jour-'nal de « damné »: « 0", observe,on recueille, on réfléchit, d'abordc'est pour rire de sa propre supersti­tion, puis le rire disparaît et on nesait plus que penser ». S'il rit, iln'y paraît guère dans l'enfer per­sonnel où il est descendu, maismême là il est vrai qu'il garde in-

. tacte sa faculté de s'observer et dese juger, tellement même qu'il estparfois bien près du lieu obscurd'où procèdent ses angoisses et lafatalité de ses égarements.

Ainsi, lui qui ~raint par-dessustout d'être un nouveau « M. Bo­vary », il met en pleine lumière,plus crûment que Dostoïevski et,notons-le, avant Freud, la constel­lation affective particulière qui pré­side au destin des jaloux délirantscomme des éternels maris : à sesyeux l'adultère de la femme n'estsi grave que parce qu'il entraîneune relation homosexuelle avec lerival, de sorte que le mari trompén'est pas seulement socialement« déshonoré », mais contraint à une« promiscuité » infâme, et tenté desurcroît à son corps défendant

'. (Freud dirait aussi conformémentà sOn désir le plus profond) par tou­tes les images liées à l'amour inter­dit. Pour, l'adepte de la « religionmâle », en cela effectivement inter­,prète fidèle qe l'inconscient viril,là 'est l'horreur qui ronge secrète­ment toute sa vie conjugale, là est

: l'équivoque de la femme et ce quirend sa faute inexpiable, fût-elleseulement soupçonnée. Ainsi aufond de lui Strindberg connaît lestenants et les aboutissants de sajalousie, et de même qu'il se sait« assez puéril (nous dirions infan­tile) et assez malheureux pour ex­traire la poésie des incidents lesplus vulgaires et les plus naturels »- c'est-à-dire pour po~r en ·faitsdes rapports de sens accidentels ­de même il ne s'abuse qu'imparfai-

. tement sur les causes de sa misère :« Mes ennemis, ce sont ceux quiont été lésés par mon mauvais vou­loir:. Et chaque fois que je dépisteun nouvel ennemi, c'est que maconscience est atteinte ». A demi

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Strindberg.

conscient de la « projection » et del'inversion tendancieuse sur quoise fonde sa mythologie, il semhle àcertains moments qu'il ne soit plustrès loin de démasquer le vrai vi­sage de son persécuteur, ou mêmequ'il le connaisse sans parvenir às'en délivrer. C'est peut-être grâceà ce savoir confusément pressentique sa pensée reste capable denuances jusque dans les pires aber­rations, et que la haine en lui netue jamais tout à fait la tendresse,ni le sentiment de la beauté.

Cependant, le dernier pas ne serapas franchi, encore que sa dernièreexpérience conjugale, aussi désas­treuse que les deux autres, soitmoins marquée par la violence ja­louse que par la mélancolie. D'abordsans doute l'écrivain rend grâce àla jeune femme qui est entrée danssa maison, alors qu'il était « désolé,vieux, laid, méchant, désespéré»(étrange encore, la dureté de cetteauto-critique gagnée sur l'aveugle­ment du délire). Elle lui a « rendula jeunesse », par elle il est « de­venu presque bon », et il la remer­cie, « elle, qui l'a réconcüié avecl'humanité et avec la femme ». Maiscette réconciliation' ne peut pasdurer, la femme rédemptrice est unefois de plus placée trop haut pourne pas devenir suspecte, Strindberga de nouveau un sursaut de révoltedevant la posture humiliante àquoi le contraint son adoration, etbientôt il soupçonne Harriet devouloir uniquement le mettre à samerci, ou comme il dit, « l'assassi..ner ». Le drame éclate dès les pre­miers jours du mariage et les époux,pris sans savoir comment dans unelutte farouche pour le pouvoir, netardent pas à renoncer à la viecommune, sans toutefois se résou­dre à une véritable séparation.

Pendant trois ans ils entretien­nent pour ainsi dire à distance desingulières relations amoureusesque Strindberg pour sa part conti­nuera longtemps après le divorce,sous une forme spéciale dite « télé­pathique ». C'est le prétexte d'unenouvelle construction délirante dans

laquelle il tente de nier sa nouvelledéfaite: Harriet ne l'a quitté qu'enapparence, elle est près de lui mal­gré son absence, et même fiancée,même mariée, elle vient le « cher­cher» toutes les nuits pour luiprouver qu'elle n'appartient qu'àlui. Ainsi la persécution tourne àl'érotomanie, en prenant cette foisun sens positif, puisqu'elle tendà innocenter la femme et à annulerson abandon. Il est vrai qu'à la fin- au bout de cinq ans - Strind­berg ne jouit plus sans crainte niremords de la succube issue de sonimagination torturée, l'amour sen­suel « télépathique» qui l'a d'abordconsolé (tout en exprimant le motifsecret qu'il déguisait naguère enjalousie, car à travers Harriet ilentre en contact avec son nouveaumari) lui apparaît maintenantcomme une pratique dangereuse,illicite, voire criminelle. Il y re­nonce donc et cesse de tenir sonjournal. Désormais, comme il le ditdans le titre d'un de ses livres lesplus émouvants, il est seul pour lereste de sa vie.

Le travail d'un espritinstable et obsédé

Les écrits autobiographiques deStrindberg sont trop intimementmêlés aux intrigues tendancieusesdu délire pour qu'on en attende uneperspective exacte et des informa­tions fondées. Sans doute les faitsy sont convenablement datés etclassés (le trouble ici ne comportepas la moindre confusion dans lesdonnées de temps et d'espace), enoutre ils sont rapportés dans un lan­gage normalement organisé, unlangage de constat en quelque sortequi, exempt de préciosité, de manié­risme, comme des néologismes etextravagances syntaxiques à quoise reconnaît souvent l'écriture psy­chotique, reste jusque dans les en­chaînements les plus fallacieuxl'instrument de la réalité. Mais d'unautre côté ils n'en sont pas moins

foncièrement dénaturés par le tra­vail continuel de l'esprit tout à lafois instable et obsédé qui les expli­que ou les éxploite pour les besoinsde sa propre cause; entachés d'er­reur et d'illusion, chargés de faus­ses perceptions et de conclusionssuperstitieuses, ils n'ont pas mêmele ~gré de crédibilité qu'on accordevolontiers au roman et à la poésie,puisqu'ils sont censés ne rendre quedes choses arrivées. Quant aux idées,opinions et croyances qui sont dé­duites de ces faits mal reliés, ilva de soi qu'elles ressortissent plusà une mythologie personnelle qu'àune expérience intellectuelle déci­sive pour la généralité.

Tout se passe en effet comme siles déportements du délire, faux eneux-mêmes quand ils s'exprimentdans la vie, changeaient de natureet de sens dès qu'ils sont mis parécrit. Non que Strindberg cessed'être lui-même du seul fait qu'ildécide de se raconter dans une œu­vre, il reste comme il le dit « mé­chant, désespéré », d'autant plusinjuste qu'il a soif de justice, tour­menteur et tourmenté; mais l'acted'écrire introduit entre lui-même etson expérience une mystérieuse dis­tance grâce à quoi' il « observe,recueille, réfléchit », et le résultatde cette observation, qui reste juste'en dépit de ses prémisses faussées,le conduit effectivement à des « dé­couvertes » imprévues.

En bonne règle, le paranoïa.'JUequ'il est encore aujourd'hui auxyeux des psychiatres ne devraitpas. savoir ce qu'il en est de ses« ennemis » et des motifs secrets desa jalousie; il devrait ignorer lesmécanismes compliqués de la «pro­jection» par quoi il attribue auxchoses et êtres du dehors des dé­sirs maléfiques qui n'existent qu'enlui; or tout cela, bien qu'il nepuisse s'en affranchir, il le sait,et il l'écrit de telle sorte qu'unescène de ménage contée par luidevient la « scène » par excellence,une scène où il s'identifie si bienavec sa partenaire qu'il la: découvreet la révèle à elle-même dans toutela vérité « infernale » de ses désirscachés

Est-ce le radicalisme du délirequi laisse ici affleurer la vérité?Ou le génie assez fort pour le maî­triser? On ne sait, pourtant unechose paraît sûre, c'est que dans cecas comme dans d'autres moinstroublants, le faux de la vie fait levrai de la littérature.

. Marthe Robert

Wyndham Lewis

1Wyndham LewisTarrTrad. de l'anglaispar B. LafourcadeBourgois éd., 576 p.

Contemporain de Pound, Eliot,Joyce, D.H. Lawrence et VirginiaWoolf dont il fut l'ami ou l'ennemi- ses sentiments comme ses opi­nions étaient toujours tranchées ­Wyndham Lewis (1884-1957) nousest assez mal connu en France où ilvécut pourtant plusieurs annéesavant la première Guerre Mondiale.C'est sa peinture que nous connais­sons le moins mal, or nous voici enprésence d'un roman. Il ne s'agit enrien d'une fantaisie de peintre ta·quinant la plume entre deux ta­bleaux. Tarr est un livre majeur,l'un des meilleurs d'une œuvre quicomprend plusieurs dizaines de vo­lumes de critique sociale ou litté­raire, de romans et nouvelles (parmilesquels The Revenge For Love,1937) et même de théâtre et depoésie. Comme William Blake,Lewis était un homme au talentmultiple qui entendait s'exprimeraussi bien par la peinture et ledessin que par l'écriture.

Peintre, l'un des premiers pein­tres abstraits de l'histoire de la pein­ture et assurément l'un des plusimportants de ce siècle en Grande­Bretagne, Wyndham Lewis avaitfondé la revue Blast en 1914 pourêtre l'organe du V orticisme, mouve­ment artistique qu'il avait alorsconçu avec Ezra Pound. Nous défi·nirons très schématiquement le vor­ticisme en peinture comme une va­riante anglaise du futurisme italienou du rayonnisme russe; les ta­bleaux de Lewis peuvent parfoisêtre rapprochés de ceux de Boccioni,de Larionov ou des frères Duchamp­Villon. En littérature, le vorticismeprônait une écriture fortement atta­chée aux sensations visuelles com­me l'avait voulu plus tôt l'imagis­me, mais exprimant en même tempsle mouvement, le tourbillon mêmede la vie, le vortex que certains ta­bleaux de Lewis à l'époque parve­naient à rendre avec une grandeforce. Le vorticisme impliquait unrejet de tout sentimentalisme.

C'est dans ce climat effervescentque Lewis écrivit Tarr. Le livre pa­rut d'abord en feuilleton pendant laguerre avant d'être publié en volu­me en 1918. Plus tard, en 1928,Lewis y apporta des corrections dansl'expression et la ponctuation, sup-

primant en particulier le modernis­me bien superficiel qui consistaità séparer les phrases non par unpoint mais par le signe =. Le livrene passa pas inaperçu; rejeté ouapplaudi, il ne pouvait laisser indif­férent le lecteur de 1918. Saluantcette publication comme un événe­ment, Ezra Pound déclara sansambages: « Tarr est le roman an­glais le plus vigoureux et le plusvolcanique de notre temps». EtPound soutiendra toujours que seulJoyce peut supporter la comparai­son avec Lewis.

Avec Tarr nous évoluons dans leParis de l'immédiat avant-guerre,dans ce monde cosmopolite de ra­pins et de riches étrangères moinsamateurs d'art que d'artistes quedevait fréquenter Wyndham Lewislorsqu'il vivait lui-même à Paris. Enfait, les Français n'apparaissent quefugitivement au cours du romanpuisque l'action se déroule presqueuniquement au sein d'une minoritéd'artistes venus d'Allemagne ou dequelque pays de l'Est, attirés par lesfacilités et les plaisirs offerts parla vie parisienne aux exilés volon­taires. Dans ce monde clos maisagité, le roman ne s'occupe que d'unnombre restreint de personnages.Malgré le titre, le principal person­nage n'est pas Tarr mais Kreisler.Ce dernier est un peintre allemandsans talent, un romantique grotes­que en proie à d'insolubles problè­mes sexuels et financiers qui n'estpas sans faire songer parfois au Sta­vroguine des Possédés. Sans être bienbrillant, l'Anglais Tarr à qui toutréussit, l'art et les femmes, est enquelque sorte son antithèse. Rap­prochant et séparant l'un et l'autre,ajoutons la présense de deux fem­mes, Bertha une épaisse Teutonnesentimentale et la Russo-germani­que Anastasya qui n'est qu'une va­riante un peu plus stylée du mêmemodèle. Tous les quatre suffirontà la matière romanesque bien mincedu livre : entre le moment où Tarrabandonne sa maîtresse Bertha etcelui où il la remplace par Anasta­sya, Kreisler tergiverse fébrilementde l'une à l'autre avant de finir defaçon ridicule et pitoyable.

Si peu de matière et quatre perosonnages seulement pour un si grosroman peut ·surprendre et d'autantplus que toute analyse ou suggestionpsychologique est écartée : Lewisaffichera toujours le plus grandmépris pour ce qu'il considèreCOmme des dégradations modernes,le monologue intérieur de Joyce ou

le rôle du subconscient chez D.H.Lawrence. « Dogmatiquement, jesuis pour la méthode de l'approcheextérieure », écrivait Lewis; « l'ap­proche extérieure des choses (en sefondant sur le témoignage de l'œilplutôt que sur des organes des sen,splus sensibles à l'émotion) peut fairedu grotesque un compagnon sain etattrayant ». Ces théories ne vont pasl'amener à quelque chose de pro­che de ce qu'on a naguère appelél'école du regard, car l'œil chez luireste celui, analytique, du peintre ;on songe aux peintures mécanistesde l'époque, celles de Fernand Légerou celles de Lewis lui-même, lors­que tel personnage a « l'air d'unmécanicien de l'Age de Fer, né dansun gisement de machines embryon­naires» et tel autre l'apparenced'un robot : cc cela ne l'empêchaitpas, il est vrai, d'évoluer, mais cesrouages étaient tout hérissés d'in­quiétantes têtes de piston, de for­mes semblables à des tuyaux d'orgueou à des grosses perforatrices.Quand il essayait d'être aimable, ilne réussissait généralement qu'àêtre inquiétant ».

Tout ce monde à la veille d'uneguerre a effectivement l'aspectinquiétant. Le véritable objet dulivre est la dénonciation de la fail­lite d'une société saisie dans l'exis­tence vide de Kreisler ou Berthaopposant vainement l'art et la vie,étant incapables d'y trouver uneraison d'être. Le mépris de Lewisaffleure parfois dans les paroles deTarr, un peu son porte-parole :C( Votre insignifiante tisane est unmélange de rebuts du Libéralisme,de triste écume de décadence Fin­de-Siècle et de vestiges vestimentai­res d'une bohème vulgaire dontl'état-major se trouve dans les fau­bourgs de Carlyle et Whistler. Vousêtes un concentré de bibine, supé­rieurement organisé: ü n'y a abso­lument rien à dire en votre fa­veur». Ceci aurait pu conduireLewis à une révolte analogue àcelle des dadaïstes; il n'en futrien : son refus du désordre roman­tique et décadent lui fera choisirla voie du fascisme pendant lesannées trente - erreur qui, malgréses rétractations tardives, lui vaudrade subir un relatif purgatoire jus­qu'à ces dernières années.

Tarr aurait pu n'être qu'un ex­cellent document sur une époquesans un extraordinaire humour sou­tenu tout au long du livre, qui luipermet de venir jusqu'à nous pres­que sans rides après plus d'un demi-

Timon composition, 1912

siècle. Entièrement détaché d'eux,Lewis se montre féroce envers sespersonnages. Dans un numéro spé­cial (1) de la revue Agenda, consa­cré à Lewis, le critique anglais Mar­tin Seymour-Smith écrivait l'andernier : « il avait sacrifié l'huma­nité à un humour sauvage ». C'estsans doute là le secret de la force decette œuvre aux angles durs où· lerire de l'auteur et des lecteurs reste'Ç'inçant.

Serge Fauchereau(1) Cf. Quinzaine du 1-15 février·70.

français

61. Le commentaire de texteslittéraires J. Thoravat, M.Léo 13 F

62. Etudes de grammaire et destyle. 1. Jean Chaillet 26 F

63. Etudes de grammaire et destyle. 2. Jean Chaillet 26 F

64. Le français d'Afriquedu Nord André Lanty 25F

bordasLa QuInzalne Uttéralre, du 15 au 31 mars 1971 7

'Des nouvellesd'Updike En feuilletant...

1John UpdikèLes quatre faces d'une histoireTrad. de l'américainparR. Salem et P. ReumauxSeuil éd., 254 p.

Il faudrait lire les nouvellesd'Updike dans un balancementdoux de Trans-Europ Express,quand le soir tombe sur les gnmdesvilles. Le mélange de volubilitécharmante et de litote attristée a legoût des tasses de café qu'on termi­ne, et cette prose s'accorderait bienavec le confort des accoudoirs, ledécor feutré des couloirs et la son­nette grêle du steward qui annoncele dîner avant 1a nuit.

Le clavier sur lequel Updike joue'sa--partition n'est pas très étendu,mais ce qu'il perd en largeur, il legagne en profondeur et en perfec.tion. Après l'échec relatif de Cou­ples on a plaisir à retrouver la vei·ne la meilleure, celle de Plumes depigeon et de la Ferme. Une délica­tesse de regard et une finesse sen­suelle assez rares. Un charme non­chalant, aussi, d'auteur couvert desuccès, qui travaille dans l'ombrede Fitzge!ald.

L'impitoyablejeu des couples

Tout ce beau décor d'écrivainpour magazine' de luxe ne doit pasnous' cacher la profonde insatisfac­tion des êtres, le 'pessimisme duregard, la tendresse déçue des per­sonnages. Updike n'écrit pas desnouvelles à l'eau de rose. Ses his.toires' ont le mérite de se lire agréa.blement. Elles ont le douhle méritede nous décrire impitoyahlement lejeu des couples qui ne peuvent nise quitter ni rester ensemble. Lalâcheté, la blessure vraie et la vani­té tissent un réseau serré qui seprend parfaitement dans le style.'Ses couples font penser à un tahleaude Cranach. L'homme et la femmese tendent la main, ils ne se rejoi­gnent jamais. Updike, c'est pàrti­culièrement net dans ce recueil, aune vision très marquée 'p~~ laBible. Ses personnages, tout moder­nes qu'ils soient, suhissent le péchéoriginel. Une pomme est toujoursentre eux, au-delà des :.jeux ducorps. Une fêlure fondamentale lesrejette, chacun à sa solitude. Etl'accord, lorsqu'il apparaît, n'estplus qu'un souvenir. L'Eden est

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perdu. Proust n'est pas loin. MaisLuther non plus.

Un narcissiqueimpénitent

Chroniqueur attentif de ces re­tournements nostalgiques et d'unequête inassouvie, John Updike n'enreste pas moins un narcissique im­pénitent. Sachons-lui gré de parlerde ce qu'il connaît. Il prend undétachement apparent qui lui per­met en réalité de se confier avecplus d'assurance. Le jeu des surfa­ces entre les hommes et les femmes,cette guérilla souvent muette etcruelle permet à la psychologie endentelle de s'adonner à des acroba­ties parfois décevantes. Mais l'artd'Updike, c'est de désarmer la criti­que au moment même où il agace.Quelques phrases d'un dialogue,toutes simples, vous réconcilientavec son art. On n'aime pas Updike,on a des faiblesses pour lui. C'estcomme pour Rousseau : on l'ap­pelle Jean-Jacques et on l'aimemême quand on ne croit plUs l'ai­mer.

Le gel inté'rieur des personnagesd'Updike cache en fait une sortede romantisme qui n'ose dire sonnom. Ces fuites des personnages,ces versatilités sont le fait de gensqui préfèrent la solitude à quelquechose qui n'est que du bricolagesentimental. C'est la technique dutout ou rien. Des bouffées de ten­dresse que l'auteur qualifierait« d'insondable» atteignent réguliè­rement ces êtres écorché vifs, moro­ses et fuyants, en quête de l'Autre.'De temps à autre une sorte de répit,de chant très pur s'exprime enquelques pages parfaites : c'est lecas dans la nouvelle l'Obscurité :niéditation menée, ,la nuit, par unpersonnage réfugié auprès d'unefemme endormie ; alors tout devientnuancé, givré, tendre et délivré,avec cet arrière-plan de morositétragique.

On pourrait reprocher beaucoupde choses à Updike : son côté « cou­su main», son côté « nouvellespour magazine à papier glacé », saicomplaisance à l'égard de lui-mê­me. Mais Updike sait si bien dire cequi se passe quand il ne se passe 1

apparemment rien, il est si rapide,si juste par éclairs qu'on reste dé­sarmé, subjugué : rarement roman­cier de chev.et l'aura été avec sipeu de mièvrerie.

Jacques-Pierre Amette

Lautréamont

La revue «Entretiens" (Ed. Su­bervie, Rodez) publie, sous la di­rection de Max Chaleil un fort nu­méro sur Lautréamont. Outre desétudes originales d'Hubert Juin,J.M.G. Le Clézio, Henry Miller, An­dré Laude, Pierre Minet, etc., ilcomporte la réédition complète dufa'meux numéro du «Disque vert»consacré par Franz Hellens à Lau­tréamont en 1925.

Ce numéro du «Disque vert»avait à l'époque excité la verve dessurréalistes, de Paul Eluard en par­ticulier qui avait accolé au nomde chacun des collaborateurs de cenuméro (de Jean Cassou à MarcelArland et Paul Valéry) des épithè­tes injurieuses. C'est ce que nousrapelle Marcel Jean qui a reprisses études bien connues : Maldo­ror et Genèse de la Pensée moder­ne, depuis longtemps introuvables,en commentaires aux Chants, sousle titre : Isidore Ducasse, comte deLautréamont, Œuvres complètes,chez Eric Losfeld. Il a tenu comptedes derniers ouvrages parus sur laquestion (qui, souvent, lui doiventbeaucoup), de sorte qu'on peut con­sidérer désormais son édition com­me définitive. Elle est en outreagréablement présentée, en deuxcouleurs qui permettent de distin­guer le commentaire du texte mê­me.

Jean-Pierre Duprey

François Di Dio (Ed. le Soleilnoir) publie un troisième recueildu jeune poète surréaliste Jean­Pierre Duprey qui, on le sait, a misfin à ses jours en 1959. Il contientune pièce inédite en 3 actes laForêt sacrilège, un long poème éga­lement inédit : l'Ombre sagittaireet de nombreux fragments. Il estprécédé de la préface qu'André Bre­ton avait destiné à la Forêt sacri­lège et qui a paru dans son Antho­logie de l'Humour noir. Il est ac­compagné d'illustrations de Toyen.«Pour une fois, c'est le pouls del'espèce humaine qu'il s'agit deprendre, écrivait Breton, et com­ment le pourrait-on mieux qu'aucontact et par la sollicitation d'uneœuvre qui soit à ce jour la plusneuve et la plus inspirée?» Précé­dents ouvrages de Jean"Pierre Du­prey, au Soleil noir : Derrière sondouble et la Fin et la manière. Ce­lui-ci porte le titre: la Forêt sacri­lège (156 p.).

Le maniérisme

Marcel Raymon::l (De Baudelaireau Surréalisme) vient de compo-

ser une curieuse Anthologie : laPoésie française et le maniérisme1546-1610 (?) qui distribue les poè­mes des grands et petits poètes del'époque selon des thèmes comme« l'amour », "la louange et lesfêtes », «les dieux lO, "les visions lO,

« la création", etc., suivant en celales hypothèses de WOlfflin dans sesPrincipes fondamentaux de l'his­toire de l'art où sont opposés traitpour trait l'art de la Renaissanceet l'art du Baroque. «Ordre de ré­férences commode, écrit MarcelRaymond, (qui) permet une meil­leure lecture, en éclairant latérale­ment certains aspects de la poésiedu XVI" siècle français qui étaientdemeurés dans une relative obscuri­té". Ce qu'il a voulu voir, en som­me, c'est «l'évolution d'un style •.(Librairie Droz, Genève, distribu­teur à Paris : Librairie Minard,276 p.).

Dans la joie

Notre ami Gilbert Walusinski pu­blie chez Armand Colin un "Guideblanc» Pourquoi une mathématiquemoderne? C'est un ouvrage accessi­ble au profane qui explique en par­ticulier les raisons de la réformedans l'enseignement des mathéma­tiques et qui détaille cette réformepoint par point selon les divers de­grés et classes d'enseignement. Unlexique, des exemples concrets, denombreuses références et une écri­ture allègre tendraient à prouverque la mathématique est désormaisune science pleine d'agréments.(206 p.).

Henri Michaux

Un tout petit livre d'Henri Mi­chaux paraît à l'Herne : Poteauxd'angle. Il est difficile à définir,mais son titre indique déjà qu'ilpourrait s'agir, si Henri Michauxposait au «sage lO, des fondementsd'une certaine sagesse, à usage in­terne bien entendu. Aphorismes?peut-être, "remarques" serait plusmodeste et conviendrait mieux aupersonnage, comme celle-ci, parexemple : " Ne laisse personne choi­sir tes boucs émissaires. C'est tonaffaire. S'il coïncide avec le boucémissaire d'un autre, ou de dizainesd'autres et davantage, change debouc. Ce ne peut être' le ' tien. lO

L'allure «chinoise» de nombre deces sentences laisse croire que lacouverture rouge de ce petit livren'est pas due au hasard (40 p.).Ceux qui iront regarder les œu­vres du peintre au Point Cardinal àpartir du 16 mars feraient bien deconsulter auparavant ce vade-me­cum.

ROMANS

:fRANÇAIS

L'écriture hors langagepar Philippe Sollers

meté, .et ce qu'il faut bien appelerle courage, de Dominique Rolinsont ici exemplaires, et il ne semhlepas qu'on s'en soit beaucoup aperçu- tellement l'intérêt général à pro­téger le niveau moyennement idéo­logique de la narration sociale estprofond, surveillé, complexe : quia réellement lu : Maintenant, leCorps? Qui lira les Eclairs ? Ce~titres nous sont expliqués, cepen­dant, par trois exergues. Mainte­nant : « Accroche-toi à' l'ici et aumaintenant, par lesquels toutIle fu­tur plonge dans le passé » (Joyce).Le Corps: « La préparation sur monpropre corps dont je suis chargé enrêve, est donc. cette analyse de moi­même que comporte la publicationde mon livre» (Freud). Les Eclairs:« C'est la plus belle des nuits, lanuit des éclairs : le jour, auprèsd'elle, est la nuit» (André Breton).

Phrases révélatrices de l'opéra­tion sur la langue dans son rapportavec l'inconscient : c'est en péné­trant dans la déchirure de" la signi-

fication, dans ces éclairs que sontle lapsus, le rêve, la pensée obsé­dante, qui font du jour de laconscience une nuit; c'est en se·livrant à cette publication de soi­même qui suppose un travail sansfin repris du champ organique;c'est en creusant le lieu et le pré­sent sans présence de l'écriture quifait communiquer tous les temps,que le transfert d'écriture peut seconstituer comme tel. Théâtre del'impossible, ou encore de la« nuit » éclairée : « dans l'impossi­bilité, écrit Blanchot, le temps chan­ge de sens, ne se donne plus à partirde l'avenir comme ce qui rassem­ble en dépassant, mais est la disper­sion du présent qui ne passe pas,tout en n'étant que passage, ne sefixe jamais dans un présent, ne seremet à aucun passé, ne va versnul avenir : l'incessant. »

Il y a une courbure imaginairedu temps, comme il y a un espacecourbe. Et tout se passe comme sil'effet de langage, porté par une

~

1Dominique RolinLes EclairsDènoël éd., 320 p.

On sait, mais on ne dit sans.doute pas assez, que le déplacementrécent de la pratique de la « litté­rature», la décomposition analyti­que de ce que ce mot recouvraitdans. l'habitude de notre discours,l'irruption simultanée d'une écri­ture liée à une autre logique quecelle de la représentation écrite,ont été rendus possibles, de longuedate, par le travail de Maurice Blan­chot.

Il faut donc relire l'Entretieninfini si l'on veut comprendre com­ment la percée qui. se consolideaujourd'hui, a été suscitée dans unchamp précis où Il l'écriture détientl'extériorité », où elle « ne commen­ce que lorsque le langage, retourné

, sur lui-même, se désigne, se saisitet disparaît ». Comment il importede savoir reconnaître un « tracé oùécrire r0!Dpt toujours par avanceavec ce qui est écrit ». Comment lesnouvelles relations dégagées par ceIl dehors qui s'expulse» font appa­.raître, dans leur mouvement néga­tif, un «nuage d'intermittences»,un « entrelacs lacunaire » qui for­me le texte moderne. 1.e{l proposi­tions de Blanchot, elles-mêmes insé-

parables de l'animation comme tou­jours déjà effacée qui les porte etles interrompt, sont répétées et ten­dues vers ce nouvel espace del'absence de livre où « écrire, c'estl'absence d'œuvre telle qu'ellé seproduit à travers l'œuvre et la tra­versant». Production génétique,moléculaire, à l'intérieur de la­quelle peuvent n'être retenues.....etnotées que les scansions d'interrup­tions, les boucles vides et suspen­dues d'un frayage indéfiniment re­pris à sa base (par exemple, Fuguede Roger Laporte). L'écriture estdésormais cette instance qui affirmel'impossihilité du récit comme réel.Ce qu'on aura appelé le « roman »se voit ainsi touché à sa racine,dans son ressort inconscient et re­producteur.

Aucune vérification de ce passagedu récit à l'écriture du récit n'estsans doute plus évidente que dansle lent travail, discret, à l'écart, desderniers romans de Dominique Ro­lin. De quel prix se paye la ruptureavec une pratique traditionnelle del'exposition romanesque, l'auteur lesait sans aucun doute. Comhien, àl'inverse, de romanciers « expéri­mentaux» qui sont tentés· par leretour aux stéréotypes classiques,par l'abandon du risque consistantà ne pas savoir d'avance ce que lelangage pense à leur place ? La fer-

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La Qldnzatne Uttéralre, du 15 au 31 mars 1971 9

~ D. Rolin

écriture qui a pris l'initiative d'unfonctionnement « pour rien », étaitprécisément l'éclair qui permet devoir la jonction et la disjonction dece temps pluriel et de cet espace.Les Eclairs reprend comme techni­que un ensemble de gestes déjàdéveloppés dans les deux livres pré­cédents : le surgissement de mot,comme aimanté dans le champécrit; le récit de rêve; l'analyse dudédoublement de la fonction d'écri­ture; la narration d'un trajet dansune ville; l'entrée dans un tableau.La tableau (cadre du fantasme) estici central: au contraire d'un écran,il assume la fonction d'une contre­projection qui renvoie sans cessele récit à ses différents étagescontradictoires. De même, le surgis­sement de mot est souligné par lesquinze définitions différentes du mot« éclair» qui, comme des devinet­tes inconciliables à réponse pourtantunique, ouvrent chacune des sé­quences. Le tableau (deux prome­neurs du XVIIIe siècle au bord d'uncanal) filtre et transforme le temps,comme une réserve colorée de mort.Les mots, eux, « munis de moteursà puissance inégale », « foule (qui)sillonne en tous sens l'eau tendue »,déclenchent une constante circula­tion entrecoupée de traces, de re­mises en scène.

A partird'un sarcophage

« Au commencement toujours lamême attitude : couchée sur le CI)tédroit... » L'écriture est en effet cou­chée sur le côté droit, elle est, sil'on peut dire, pour celui qui enfait son ombre, son propre « divan »analytique, un lit de mort. On com­prend pourquoi les Eclairs ont lieuà partir d'un « sarcophage» : cequi se présente au regard est ici unplafond peint, muet, bleu, mortel,comme celui que devaient devenirsans fin les momies égyptiennes.Cette immobilité est en mêmetemps mobilité déliée, sourde : « lemonde est capable de s'exprimerà travers moi qui n'ai jamais existé,n'existe pas, n'existerai jamais: saparole est circulaire, profonde etse meut avec lenteur ». Mais ainsi,depuis ce poste d'observation et detransformation : « chaque jour estun organe. Chaque heure devientun nerf, un muscle, un os. Chaqueinstant est l'artère et la veine ». Lemouvement s'étage : inorganique(mort) à la base, progression dansl'espace (trajet), régression dans le

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temps (scène primitive, rêves),Igression dans l'organisation « ex·?losante-fixe» de l'écriture peinte.

Corps morcelé : « organes... for·nant un corps indépendant à l'inté·deur de mon corps; parlant, parlant;ans cesse vers moi au négatif ».:onstitution et consumation d'un ta·ms signifiant (qu'on se souvienne dela « figure dans le tapis », d'Henryrames - écrivain dont se rapprochele plus Dominique Rolin qui, detoute façon, n'est pas un « écrivaintrançais» ne serait-ce que par sa~apacité de contact immédiat avec~e qu'on pourrait appeler la fictionil énigme) : « le monde est unwntenant brassé par l'infini d'untexte éternellement en train de,'écrire en avançant et reculant,porté par les mots mis en phrases,puis en pages, puis en volumes[)uverts et rabattus, tour à tour dé­chiffrants et déchiffrés, scandantset scandés par la houle de l'air etla houle de l'eau, marquants etmarqués d'attente. »

L'expérience de l'écriture « hors­langage » (Blanchot), ou, plus exac­tement, surdéterminant le langage(écriture qui, encore une fois, n'estpas ce qui est écrit, mais le lieudouble d'où surgit et vers quoi re­tourne ce qui s'écrit), fait pivoter lareprésentation de l'histoire : ellepense ce qui se meurt comme unefuite vers la naissance, elle fait detoute biographie une série « d'é­clairs » et de chaque nuit l'inscrip­tion rêvée d'une même questiondéplacée, elle guette le jour depuisune lumière trop vive pour ne pasprendre l'aspect de l'ombre, elle« aime l'annulation des gestes, l'ou­bli des faits », elle connaît, dans sadéfense, le prix du « plaisir his­torique drainé en secret ».

Qui ne comprend pas l'enjeuintrodUit par l'analyse pour unenouvelle détermination du réel, dusymbolique, de l'imaginaire, nepourra sans doute pas lire lesEclairs, texte sans sommeil à trav~rs

le sommeil. Lacan a posé- la ques­tion : « Si rien de ce qui s'articuledans le sommeil n'est admis à l'ana­lyse que de son récit, n'est-ce passupposer que la structure du récitne succombe pas au sommeil ? »

Ce livre étrange part bien decette supposition : souple, feuilleté,venu d'ailleurs, gardant dans toutesses coupures sa force de rêve, ilcoule comme une eau noir~ et bril­lante vers ce qu'il nomme lui-mêmeun « bras de mer élargi ».

Philippe Sollers

Discoursde I~exil

l ia LudvineCher cher GouratzineChristian Bourgois éd., 328 p.

En Florence notre toujours at·tardée dans un songe Renaissance,ô notre jeune morte, notre jadisfastueuse. Vadim Alexandrovitchl'exilé parmi tant d'autres, s'achar­ne à la perte de Gouratzine le su­perbe, le séduisant, le criminel peut­être, qui lui ravit Alexandrine untemps ·possédée. Et Vadim de tresserautour de son rival un fin, tour­menté réseau de révélations, demenaces à peine ou trop voilées,de louanges aussi, auquel lui-mêmeva se laisser prendre tant cet appa­reillage subtil finit par ressemblerà sa propre histoire et manifestesa propre consomption.

En fait, de ce récit l'on pourraitpresque dire qu'il ne contient, com­me la tête dolente et meurtrie dunarrateur, Vadim le dessaisi, riend'autre qu'une énorme rumeur,l'épuisante rum~ur de l'exil, cellede Florence où dans le salon deWladimira A. Gouratzine viennentles émigrés nostalgiques causer enun français si hésitant qu'ü endevient ( ...) une chantante palabre.Car ce' long discours que distendle silence, ce perfide et tragiquebavardage qui souvent s'interromptmais toujours reprend et dans lesinterstices, les creux duquel se glis­sent, innombrables, les méprises etles malentendus, les sous-entendusdont il a besoin pour se déployer,qu'il ne cesse de susciter, de secré­ter, c'est, sur plus de trois centspages, le discours de l'exil, un exilsans fin reconduit.

Pourtant cette dimension préémi­nente, si elle est créatrice d'appau­vrissement, si elle est, elle-même,l'appauvrissement, n'est pas signede pauvreté. Au contraire. Le livre

est de l'exil le lieu, c'est en luique se perpètre la spoliation, parlui qu'elle se consomme et qu'elleconsume. Et ce, à tous les niveauxd'une création singulièrement com­plexe et riche. Ainsi l'histoire, celleencore d'une dépossession que Va­dim Alexandrovitch tente d'annu­ler en l'écrivant, mais, en l'écrivantil ne peut que désespérément lavivre encore et toujours et de nou­velle façon, compte moins que letexte qui la porte et qu'elle a poursimple mission, parfois et pour mé­moire mais non sans retentisse­ments, échos multiples et contra­riés, vibrations cruelles, de justifier.Car ce texte, excessif et splendide,raconte une autre histoire, plusvaste, qui ne peut celle-là être réé­crite mais bien sans cesse s'écrire,uniquement s'écrire, d'un mouve­ment qui détruit et dilapide dansle temps où il expose. Il parvient àforce d'insistance et de déraison àse séparer de l'anecdote qui fait sedéchirer doucement Gouratzine etSandra et Vadim Alexandrovitch,et devient, autonome, l'élément dé­terminant d'un autre procès, l'ins­trument d'une condamnation qui serépercute et s'amplifie jusqu'à serésoudre en une immense confisca­tion, une nouvelle expulsion.

Alors... Quelque chose de sem­blable à une douleur petite et bienaimée commença de couler, d'apla­nir nos reliefs intérieurs, de com­bler chacune de leurs cavités et deleurs brèches, les simplifia, les ren­dit uniformes et lisses et veloutées,d'une douceur presque excessive,crémeuse. Alors cet épuisementque provoquèrent trop d'obsti­nation, une si grande fascina­tion, et auquel il cède corps etâme, âme surtout, fait Vadim bra­der ses biens, ses mystères, sestrésors, ses mots, les aligner, luiqui ne peut parler, ne peut écriresans devenir aussitôt le jouet decela qui le dépasse infiniment etle mène par tours et détours sansfin, ailleurs, ailleurs toujours, sonexil. Et l'exil, une fois encore, araison de ce qui tendait à le niermais n'existait en fait que pourl'affirmer un peu plus. Le retouren des terres aimées, terres d'exilpourtant, ne signifie plus rien d'au­tre que la. coîncidence d'un destinà lui.même, d'une fresque à sonmotif, l'extriction d'un discours, lafin d'un livre qui aura su jusqu'auterme jouer de toutes les ambiguïtésd'une fastueuse littérature du dépé­rissement.

Paul Otchakovsky-Laurens

André Breton

et le

Surréalisme

aujourd'hui

André Breton ne sera pas resté longtemps au purgatoire.Alors que, de son vivant, en dépit d'une influence énorme, sesouvrages ne se vendaient guère, on assiste depuis sa mort àleurs rééditions successives. C'est ainsi que depuis 1966 on avu reparaître Anthologie de l'humour noir et Clair de terre,les Champs magnétiques (en collaboration avec Philippe Sou­pault), Signe ascendant, les Pas perdus, Point du Jour, parfQisen livres de poche, tandis que Marguerite Bonnet vient de ras­sembler dans Perspective cavalière (Gallimard), des textes jus­qu'à présents épars : préfaces, présentations d'expositions,articles, etc. Nadja, le 'Manifeste du Surréalisme figurent comme• lectures recommandées - dans les classes terminales de noslycées, André Breton et le Surréalisme sont cette année auprogramme de l'agrégation des lettres.

Pourtant, l'explosion de Mai 1968 devait bien quelque chose- comme Brice Parain l'a montré dans ces colonnes - auSurréalisme, et c'est bien sur le Surréalisme qu'en tous domai-­nes ce qu'on appelle l'Avant-Garde prend appui, dans l'espoirde frayer des voies nouvelles à la poésie, à la littérature, à lapeinture, de même qu'à partir d'un certain • acquis - surréalisteont été explorés de nouveaux moyens d'accès vers. l'inconnu -.Si, plus que par ses œuvres même, le Surréalisme a inauguré

La QII'malne Uttâ'alre, du 15 au 31 mars 1m1

de nouvelles façons de vivre, on ne dira point que nos moderneshippies n'en ont pas tiré quelques conséquences concrètes. Lafameuse trinité à laquelle André Breton entendait vouer sa vie:• l'amour, la liberté, la poésie -, sans doute toujours en voied'être. récupérés -, n'en gardent pas moins les couleurs indélé­biles de la révolte. Il se pourrait qu'en dépit du temps qui passeet des nouvelles appellations qu'on lui donne, le Surréalismesoit en effet. éternel -.

Nous avons voulu nous en assurer. A côté du témoignaged'un. ancien -, Gérard Rosenthal, figurent dans les pages qu'onva lire des textes d'écrivains, de poètes, de critiques qui, saufJosé Pierre, n'étaient pas en mesure d'a~partenii' au -groupesurréaliste: soit en raison d'une démarche personnelle proprequi le leur a fait ignorer, soit en raison de leur âge. Pierre Péjuet Jean-Pierre Morel n'ont pas dépassé de beaucoup la vingtièmeannée, Dionys Mascolo n'a connu André Breton qu'après làguerre, Michel Deguy ne s'est fait connaître en tant que poèteque depuis vingt ans environ. Plus que l'avis des surréalistesactuels nous importaient ces témoignages, en vue de répondreà la question: • Où en est Breton aujourd'hui? où en est leSurréalisme? -.

t t

André Breton

Ce sont, par delà ses poèmes etses textes, ces moments de nudité,ces instants-expériences, qui échap­pent complètement à une approcheet à une compréhension analytiquede ce que fut, de ce qu'est AndréBreton.

Si c'est le désir qui, sous-tend laprésence, la volonté d'oubli n'~t-elle

La présence à la vie consistedonc en une attitude de nudité maisimplique aussi un acte qui dénude:« Le surréalisme, dit Georges Ba­taille, f:St précisément le mouve­ment qui dénude l'intérêt dernier,le dégage des compromis, en faitrésolument le caprice même» (6).

Passons sous silence le jeu demots par lequel nous pourrions direqu'en 1920 Breton écrivit: Vousm'oublierez (7) et considérons plu­tôt la dédicace peu remarquée deClair de Terre: « Au grand poèteSaint Pol Roux. A ceux qui, commelui s'offrirent le MAGNIFIQUEplaisir de se faire oublier. » Quel­que chose se révèle dans ces-lignesqui ,n'est pas se~ement une provo­cation mais aussi un désir de trou­ver dans l'oubli le seul espace suf­f~sant pour accueillir ce ;,que l'onest ou veut être. C'est cette authen·tique volonté d'oubli que Bretonévoque chez Germain Nouveau« qui, de bonne heure renonça,même à son nom et se mit à men­dier », chez Duchamp qui aban­donna la peinture pour joue:\' aux,échecs ou chez Vaché qui patlait,( d'une réussite dans l'épicerie: .. ».

raît avoir un caractère' magique etrévélateur des connivences existantentre sa subjectivité libérée et laréalité objectale.

Mais que passe-t-il dans une œu­vre de la présence d'un homme?Rien, peu, ou autre chose'; et sansdoute ne peut-on pas séparer laplus ou moins grande réussite decet état de présence à la vie d'unecertaine volonté individuelle d'ou­bli. D'ailleurs la création généra-

,lisée de la vie ne pourra résulterque d'un mouvement collectif delibération de toutes les subjectivitésdans lequel la personnalité commetelle se verra dissoute. Souhaiterl'oubli, c'est déjà anticiper cettedissolution'et préfigurer une formequalitativement supérieure d'exis­tence.

1. La présence à la vieet la volonté d'oubli.

« Plutôt la vie, plutôt cette rosacesur ma tombe, la vie de la pré­sence, rien que de la présence... »

demande et affirme Breton dansClair de Terre. La présence à la vieest le premier degré de la révolte,elle est l'insurrection contre l'op­pression venue de la grisaille quo­tidienne, elle est une façon devivre l'instant comme une nouveau­té profonde, une manière d'anéantirentre la vie et soi tous les inter­médiaires tels que la conventionqui pousse à se soumettre,' tels quel'habitude qui pousse à répéter, telsque le rôle qui pousse à imiter;être ,présènt à la vie c'est créer à.tout moment son existence, se ren­dre disponible et par conséquentouvert au merveilleux. La présenceà la vie est aussi l'attente active, lahaute vigilance faite d'attentionminutieuse aUx détails, aux menusévénements, aux petites émotions ;la vie devient cette attente pourl'attente, féconde et exaltante :

Breton avait « de la présence » ;il prenait dans l'ici et le mainte­nant tout l'espace et tout le tempsqu'il lui fallait.

« André Breton a-t-il dit passe. »Dans de nombreux textes il sedécrit ainsi comme une présencequi va, au fil de longs après­midi comme lui seul a le secretd'en passer; dès lors, la simplerencontre d'un tel être dénudé pa·

• La conception dédaigneuse del'écriture et l'écriture exigeante.

« Plutôt la vie avec ses salonsd'attente lorsqu'on sait que l'onne sera jamais introduit. »

Mais créer sa vie quotidiennesuppose que l'on sache s'offrir àelle, et cela oblige à la plus grandenudité. L'on a transgressé les li­mites, l'on s'est dégagé de la gan­gue de culpabilité et de honte, plusrien ne protège... L'on gêne peut­être mais l'on est aussi extrêmement

'vulnérablti «'Il n'avait pas honte,dit Charh Duits d'André Breton.Il ne savait même pas que l'on pou­vait avoir. honte. Il était comme ilétait et il se montrait. C'était trèsgrand... Il était n~. Nu parmi des .gens: consternés qui baissaient lesyeux, qui réajustaient leur cravate,qui toussotaient... » (5).

• La présence à la vie et la volontéd'oubli;

• Le comportement « humoristi­que » et l'oisiveté aristocratique ;

Nous voudrions à présent étudierquelle p4tce tiennent dans l'œuvreet l'existence d'André Breton troisgrands thèmes constants de l'EspritModerne (au sens ou nous l'enten­dons) et que nous 'nommerons :

ses amis; si, dès 1924 Breton pro­clamait en grand seigneur danssa Confession dédaigneuse: « Moiqui ne laisse passer sous ma plumeaucune ligne à laquelle je ne voisprendre un sens lointain, je tienspour RIEN la postérité» c'est belet bien la postérité, c'est-à-dire l'en­semble variable des magasiniers del'esprit qui lui a fait le sort que l'onsait.

Malgré quelques scandales réelset qUelques menus ennuis avecl'ordre ou la loi, c'est dès les dé­buts du surréalisme que commençal!entreprise de récupération specta­culaire de l'œuvre de Breton et de

Si la vie et l'œuvre de Bretonne se séparent ,pas, nous pouvonscependant y 'tailler deux parts : lapart consommable, acceptable etutilisable selon les normes du sys­tème dans lequel il vécut et danslequel nous, vivons encore, et la parttoujours indépassable puisque lesconditions matérielles et intellec..tuelles qui l'ont engendrée ne sontpas surmontées.

Comparée à ces constantes, l'œu­vre n'est plus que l'inutile et iné­vitable écho de la vie. '

Si nous mettons de côté tout cequi, dans l'œuvre d'André Breton,relève de cette nostalgie de « cris­tallisation » dont parle JulienGracq (1), tout ce qui se veutesquisse de théorie ou de généra­lisation (y compris même ce projetsystématique d'exprimer « le fonc­tionnement réel de la pensée ») toutce qui, donc, offre un flanc gépé­reux aux commentaires et analyses,quelque chose demeure; quelquechose comme la présence d'un cer­tain nombre de constantes extra­littéraires qui n'ont une force pro­digieuse de conviction qu'en cequ'elles témoignent de la façonsans concession dont cet hommemena sa vie ou souhaita que cer­tains menassent la leur.

L'on se prend alors à regretterque Breton n'ait pas prêté uneoreille plus attentive lorsque RenéDaumal le prévenait prémonitoire­ment : « Prenez garde André !Jre­ton de figurer plus tard dans lesmanuels d'Histoire littéraire alorsque si nous briguions quelque hon­neur ce serait celui d'être inscritpour la postérité dans l'histoire descataclysmes» (3). Mais il Y a pour­tant aujourd'hui encore deux ,partsà faire dans ce qui nous reste de

. . Breton, dans ce que Breton resteCes constant~, Je. les nommeraI pour nous, car, quoique Nadja et

constantes de 1Espnt Moderne, en • l'Amour foù figurent maintenante~pl~yant ce term~ ~~s le ~ns au programme de l'agrégatioD deou Rimbaud appelait a etre « reso- Lettres Modernes ce sont bien cer­lume~t ~~erne », dans un sens taines phrases de Breton qu'en~al~rs ~lmm~nt.plu~ vaste ~e ce7 1968, parmi tant d'autres inventées,lUI qu Apo~ma?,e m~oqu~lt sa~s l'on pouvait lire sur certains mursce~ sans 1attemdre .JamaiS, malS de Paris : « La révolte, avait écrit,dan~ un sens plus .ng?ureux qu.e un marqueur anonyme à la facultécelw que Breton lUI-meme souhal- d'Assas et la révolte seule est créa­tait dégager lorsqu'en 1921 il son- trice ~ lu~ière et cette lumièrege~it réunir « un Congrès ?e l'E~ ne peut ~mprunter que trois voies :prit moderne» pour en decouvnr la poésie, la liberté et l'amour »(4).une « loi de tendance» (2).

- Les constantes de l'esprit moder-Je nomme donc « Esprit moder. ne ne se donnent que par traces et

ne» tout ce qui est irrécupérable par fragments :' fragments à isolerpar l'esprit dominant d'une époque dans l'œuvre de Breton, traces queet qui cependant va dans le sens Breton se fait fort de suivre lors­de l'irrémédiable et boulewrsante que dans les Pas perdus ,ou dansévolution des choses; le Moderne, l'Anthologie de l'humour noir illes modes les plus élastiques ne devient le révélateur privilégié depeuvent l'ingurgiter. ce fil rouge du modernisme qui

court entre certains personnages depremière grandeur comme Du­champ, Jarry, Vaché ou commeSwift, Sade ou Rigaut et dont cer­tains n'eurent de rapports que nulsou occasionnels avec la littérature.

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et 1"'Esprit moderne"

La QuInzaIne Uttéraire, du 15 au 31 mars 1971

pas alors proportionnelle à la forcedu désir ? On songe au propos émi­nemment « moderne» de Sade :« Je souhaite que les traces de matombe disparaissent de dessus lasurface de la terre comme je meflatte que ma mémoire disparaissede la mémoire des hommes. » Ac­cepter la présence et l'oubli c'estadhérer de façon créatrice au tempstel qu'il s'écoule, refusant paravance d'être pris au piège atem­porel de la récupération littéraire.La faiblesse de Breton (comme deSade) est peut-être de n'avoir pas« .réussi» à se faire oublier.

2. Le comportementcc Umoristique ))et l'oisivetéaristocratique.

Dans 1'« Umour » (comme l'écritVaché) se manüeste le refus sansappel de participer; une attitudeumoristique de base est le scandalequi consiste à provoquer l'incom­préhension d'autrui. Peu d'umourdans l'œuvre même de Breton maisl'on n'est cependant pas près detrouver dans les manuels scolaires lecommentaire littéraire du poèmeP.S.T.T. consistant en une listedes Breton relevée dans l'annuairedu téléphone avec leur fonctionet leur profession. Peu d'umourcomme tel, mais un dépistage systé­matique et une célébration de toutesles attitudes qui en relèvent.

L'on a pu taxer l'Umour d'atti­tude strictement esthétique s'atta­quant à toutes les valeurs moraleset culturelles mais refusant d'enconsidérer les racines politiques. Ily a cependant dans l'Humour noirque Breton sut dégager de « ... labêtise, de l'ironie sceptique, de laplaisanterie sans gravité » (8), uneintimité trop poussée avec la mortet avec l'angoisse (Rigaut dormantavec son suicide sous son oreiller)et l'on est encore trop loin d'entre­voir quelles solutions collectivespourront être apportées à certainsproblèmes individuels vitaux pourque l'on puisse le reléguer au ma­gasin des accessoires. Breton montraquelle exigence radicale se mani·feste dans tout comportement umo­ristique et qui fait que l'on ne peut« expliquer » l'Umour en le rédui-

sant à une attitude politiquementsituable (réaction petite-bourgeoisedésengagée de quelques intellectuelsd'avant-garde) ou en faisant unefacette parmi d'autres de l'existencede tel ou tel homme. L'Umourradical, l'Umour sans concessionconstitue donc l'une des constantesde l'Esprit moderne dont on nepeut affirmer encore ou infirmerla puissance révolutionnaire et quireste vraiment une utilisation dan­gereuse de l'imagination : «chèreimagination, dit Breton, ce quej'aime surtout en toi c'est que tune pardonnea pas» (9).

Sans cette mise en jeu, sans cerisque de se perdre, pas de chan­gement qualilÜ possible. Paradoxa­lement, dans les attitudes de puredérision que révère Breton, il y ale pressentiment presque sacré quequelque chose de « totalement au­tre » doit se donner ; quelque chosequi loin d'exclure un changementde l'ordre social signüie un change­ment total de la vie.

Et donc une seule alternative, u~seul choix : d'un côté l'ennui, ladébilité, le type d'existence d'hom­mes incapables « de se trouver à lahauteur d'une situation exception­nelle telle que l'amour » de l'autre:la vie de la présence, dangereusepeut-être, mais prometteuse et gra­tuite.

« Nous sommes désignés, estimeBreton dans Légitime défense, pourprésider à une sorte d'échange ver­tigineux faute duquel nous nousdésintéresserions du sens de notrevie, ne serait-ce que par paresse,par rage et pour laisser libre coursà notre débilité. »

A propos du travail, c'est aussid'un choix qu'il s'agit: « Et qu'onne me parle pas après cela du tra­vail, demande Breton, je veux direde la valeur morale du travail...Que les sinistres obligations de lavie me l'imPosent, soit, qu'on medemande d'y croire, de révérer lemien ou celui des autres (10), ja­mais ». Et lorsqu'il attaque lejournal l'Humanité qu'il juge « in­digne du rôle d'éducation proléta­rienne qu'il prétend assumer » c'estentre autres parce que ce journaldécourage «toute autre activitéextrapolitique que le sport et glo­rifie le travail non chom » (11).

Ainsi, c'est à la fois à une moralebourgeoise du labeur et du mérite età une certaine morale ouvriéristequi en est le décalque que Bretons'attaque, leur opposant une éthiquearistocratique du désir.

A un monde fondé sur le travail,Breto~ oppose le projet d'un mondede la jouissance. Lorsqu'il fulminecontre l'homme « qui a consenti àtravailler, qui tout au moins n'apas répugné à jouer sa chance (cequ'il appelle sa chance 1) »Bretonestime qu'en face de cette chanceofferte par le système s'en trouveune autre qu'à un moment ou à unautre de son existence (dans l'ado­lescence, peut-être) tout individupeut courir... C'est à ne pas man­quer cette chance qu'il invite dansLGchez tout : cr LGchez tout... Lâ­chez la proie pour l'ombre. Lâchezau besoin une vie aisée, ce qu'on

vQUS donne pour une situationd'avenir, partez sur les routes. »

3. La conceptiondédaigneuse de l'écritureet l'écriture èxigeante.

Contrairement à « un personnageà la Vaché » Breton produit ; pire,Breton publie. Même s'il précise :« On publie pour trouver des hom­mes, rien de plus ». Il n'en restepas moins que certains de ses p0è­mes sont classés par les cuistresde la postérité «parmi les plusbeaux de la langue française » dontparadoxalement il reconnaît avoirle sens, lui qui proclame ailleurs :«Nous n'avons pas de talent! D.

Breton, pourtant, comprend etmagnüie ce sentiment essentielle­ment moderne de l'inutilité d'écri-

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~ L'« Esprit moderne »

re ; il parle de « la poésie au besoinsans poèmes : la poésie telle quenous l'entendons»; il envie, c'estune façon de parler, « ... tout hom­me qui a le temps de préparerquelque chose comme un livre... »« ... Que ne me laisse-t-il croire quechemin faisant s'est présentée à luiau moins une véritable occasion d'yrenoncer! » (12). •

Ecrire est une activité que frappede dérision « l'autre chose» à la­quelle on ne peut participer par ladescription, mais seulement en lavivant et en l'éprouvant, commeDesnos « qui, nous raconte Breton,lit en lui, à livre ouvert et ne faitrien pour retenir les feuillets quis'envolent au vent de sa vie» (13).

Au contact de Vaché ou de Du­champ, Breton fut peut-être tentépar l'improductivité :

« Mieux vaut laisser direqu'André Bretonreceveur de Contributions indi­rectess'adonne au collageen attendant la retraite. »

écrit·il dans Pour Lafcadio (14).

« l'accorde un peu d'umour à.Lafcadio, disait justement Vaché,car il ne lit pas et ne produit qu'enexpériences amusantes comme l'as­sassinat» (15).

Breton ne peut se résoudre àcette stérilité volontaire qu'il rem­place par une austérité créatriceen choisissant d'une part de ne pasraturer l'écriture, d'autre part dene pas écrire n'importe quoi.

Que représentent les Champsmagnétiques sinon une façon ma­gistrale d'annuler le reproche deLafcadio à la littérature ? Mais, endehors de l'écriture automatique,c'est l'austérité qui est de règle;

« le veux qu'on se taise lorsqu'oncesse de ressentir. »

delIlande le Premier manifeste.Ecrire devient un moyen de main­tenir la présence, d'y faire écho,de l'approfondir, de la stimuler, dela prolonger.

De nécessaires correspondancesdoivent exister entre l'instant fé-'

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cond et le texte : cc le ne .fais pasétat des moments nuls de ma vie »explique Breton. Ecrire permetalors de ne pas rompre la tension,d'introduire et de cristalliser l'in­quiétude.'

Et peut-être que pour Breton,produire selon cette disciplined'écriture, selon cette écritureexigeante, est une manière d'échap­per à l'esthétisme purement oisüet stérile car, dit-il :

cc le suis cependant très loin del'insouciance et je n'admets pasqu'on puisse trouver un repos dansle sentiment de la vanité de touteschoses» (16).

Certes, Breton n'est pas l'hommequi incarne ou manifeste le mieuxtous ces thèmes de l'Esprit mo­deme qui sont liés à une transgres.sion de tous les instants : trans­gression des rapports ordinaires en­tre les hommes, transgression del'habitude et de toutes les contrain·tes journalières diffuses ; dans cha­cune de ces attitudes modernes,Breton trouve son maître; il nepouvait être en effet à la fois Du­champ, Vaché, Rigaut, Crevel etJarry.

Sans doute est·il pourtant celuiqui sut le mieux indiquer, dansses écrits comme dans son exis­tence en quoi ces conceptions etcomportements fragmentaires relè­vent d'une même vision de la viesans jamais renvoyer à une cohé­rence ni à un. tout qui les expli­querait et les inclurait.

Pierre Péju

1. Dans.André Breton de J.: Gracq(Corti éditeur); 2. Caractères del'évolution modeme, les Pas perdusp. 187; 3. Dans le Grand jeu n° 31929; 4. Dans l'Amour fou .. S. DansAndré Breton a-t-il dit passe deC. Duits (Denoël, LN); 6. GeorgesBataille : Lettre à Merleau-Ponty,1947; 7. Vous m'oublierez, pièceécrite par Breton en. collaborationavec Plùlippe Soupault; 8. Par'!­tonnerre (préface à l'Anthologie del'humour noir, 1939); 9. Premiermanifeste du surréalisme, p. 12,(Idées); 10. Nadja, p. 67, (Livre depoche); 11. Légitime défense, dansPoint du jour, p. 38; 12. Nadja ..13. Premier manifeste du surréalis­me .. 14. Pour Lafcadio, dans Montde Piété, 1919; 15. Jacques Vaché,lettre de guerre du 11 octobre 1916 ;16. LA Confession dédaigneuse, p. 7.

A l'époque où la psychana­lyse commençait à être con­nue en France, les surréalis­tes furent parmi les premiersà se «reconnaître It en elle.

Non pour suivre la mode :mais bien des recoupementset des concordances entrel'activité surréaliste et la dé­finition, par la psychanalyse,de ses objets et de sonchamp paraissaient alors pos­sibles. A mesure toutefoisque l'œuvre de Freud était

On sait quelle place le rêve tientdans la production et la réflexionsurréalistes et quel intérêt Bretonen particulier y attache. Toutd'abord, le rêve dépasse les limitestraditionnellement assignées à l'ex·pression par la convention réalistedominante. Les produits de l'exi·gence de figurabilité, par exemple,ont toute la .valeur subversive desœuvres d'avant-garde et l'attraitsupplémentaire d'être à la portéecc de tous les inconscients». C'estsur la reproduction matérielle eten série de formations composites- ainsi le gnome.livre de bois etde laine dont il parle en 1924 ­que Breton comptait, entre autres,pour attester de la présence concrètedu surréel dans le décor de l'exis­tence et de son lieu au désir.

Les cc égards aux moyens de lamise en scène», selon l'expressionde Lacan, ne touchent pas seule·ment aux procédés d'expression.Pour Breton, la machinerie du rêvecommande aussi, du moins en par·tie, la vie quotidienne telle qu'ilpeut l'éprouver et la concevoir danscertaines circonstances : un théâtreunique, bien que fait de lieux dif­férents, une intrigue bizarre, mais(c qui perd presque tout à n'être pasvue», des personnages et des fi­gurants dont il ignore s'ils sont,par rapport à lui, des copies àpeine modüiées, c( quelques mil·lions d'exemplaires de lui seul» ou,au contraire, l'altérité radicale.

Si « la vérité particulière à cha­cun de nous est un jeu de patience »et si l'on pense que le rêve est dansle secret de ces découpes et de c.esemboîtures, il faut donc connaître,mais 'surtout (c capter» ou « disci­pliner » les forces qui le constituent.Ainsi, pense Breton, seraient expo-

Lamieux connue, le compromisdevenait plus difficile, et lesintuitiol1s surréalistes, nepouvant guère changer, de­vaient au moins se formuleren des termes nouveaux.

D'après les Vases Communi­cants, récemment réédités, onpeut voir comment Breton re­modelait en 1932 la probléma­tique surréaliste du rêve en laconfrontant à l'Interprétationdes Rêves de Freud.

sées devant l'homme, et comme mi­ses à portée de sa main, toutes lespossibilités de la vie, notammentcelles qu'il se refuse toujours àexploiter et celles qu'il ne connaîtmême pas. Maître de l'agence durêve, l'homme aura enfin comprisla « nécessité naturelle » qui dirigesa vie. Seules, la poésie plastiqueet la poésie donnent parfois l'im­pression de déployer toutes les pos­sibilités humaines: justement dansla mesure où les auteurs se sontlibérés de la figuration convention­nelle pour se soumettre au travaildu rêve.

Toutes ces intuitions sont repri­ses dans les Vases communicants,et Breton semble alors soucieux deles vérifier, en les confrontant àl'Interprétation des rêves de Freud,et de leur donner une portée quisoit à la fois celle de la sciencepositive et celle d'un programmerigoureux d'action pratique. On apu écrire que ce texte clôt, dansle développement du surréalisme,la période de production du maté­riel et ouvre celle de son interpré­tation.

A première vue, la psychanalyseparaît en effet avoir gagné beau­coup de terrain, surtout si l'onpense aux réserves faites à sonsujet dans Nadja ou le second Ma·nifeste. C'est le processus de la for·mation des rêves, tel que Freudl'étahlit qui devient, dans ses gran·des lignes, le modèle unique pourreconstituer la genèse d'un ohjetsurréaliste ou d'une phrase de wveil; chaque fois, c'est un élémentsexuel - désir, allusion, représen­tation - qui se découvre détermi­nant. On peut s'étonner, surtout enconsidérant des textes postérieurs,que le recours aux « pires éclaircis-

problématique du rêve

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José Pierre

L'Abécédaire

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La Monnaie vivante

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rées au récit du rêve; simplificationde certains procédés, notamment lacondensation; abandon de certainesexigences de la figurabilîté (cellede l'ironie, par ex.) quand ellespourraient compliquer le décodagequ'opère l'auteur; absence appa­rente de résistances qui rapprochele travail associatif, pour sa rapi­dité et sa c( profusion », de l'écri­ture automatique. A vrai dire, Bre­ton analyse moins son rêve qu'il nerepère et n'éclaircit des correspon­dances entre les éléments de celui­ci et tel souvenir des jours ou dessemaines passées : personnes, dé­cors, idées, soucis, projets. Le rêveet la veille sont deux séries, conti­nues et homogènes, de représenta­tions, la première transcrivant laseconde de manière un peu parti­culière. Le texte antérieur une foisrétabli, l'analyse peut s'arrêter.

Breton n'insiste pas sur les causesde cette transcription dont il indi­que pourtant les mécanismes. L'hy­pothèse de l'appareil psychique etdes variations de l'énergie danschacun des systèmes suivant quele sujet dort ou qu'il est éveillé n'apas entamé ses convictions de 1924sur « le fonctionnement réel» dela pensée, et il postule que cc l'acti­vité psychique s'exercerait dans lesommeil de façon continue ». De lanature et du rôle des désirs in­conscients et des fantasmes, il negarde à peu près rien, comme lemontrent ses considérations sur lefameux rêve de Maury. Et c'esttoute la notion de cc réalité psychi­que » qu'il· rejette comme une ex­trapolation idéaliste, imposée àFreud par son manque d'espritphilosophique.

C'est ici un point sensible. Entermes provisoirement marxistes, etau fil d'un raisonnement qui veutse calquer sur Matérialisme et ·Em­pirWcriticisme, Breton reformule saconception moniste de la surréalité ;bien entendu, l'opposition de laréalité matérielle et de la réalitépsychique lui est inacceptable parcequ'elle allonge la liste des antino­mies entre l'esprit et le monde;au-delà, la conception psychanalyti­que de cc l'autre scène» comme lieu- ou théâtre, ou réserve - du rêveet de la fantaisie est à repousser,car elle rendrait impossible le seulvœu d'une « conversion de plus enplus nécessaire ... de l'imaginé auvécu ou plus exactement au devoir­vivre ». Or, pour Breton, cetteconversion n'est pas seulement unsouhait, c'est une entreprise qu'il

~

sements» (c'est Breton qui le dit)des rêves typiques et à « la clédes symboles sexuels les plus sim­pies» soit si soudain et si massif.Pour l'expliquer, il faut se rappelerque, pour Breton, l'art n'a aucunprivilège particulier parmi toutesles formations du désir et que ces .interprétations, destinées à balayerles « misérables cachotteries» spi­ritualistes dont on entoure d'habi­tude la production littéraire, trou­vent une place normale dans sonauto-analyse. C'est même seulementà leur propos qu'il remonte jusqu'àdes événements infantiles. Pour­tant, l'avancée, la percée de frontqu'opère ici la psychanalyse estpeut-être destinée aussi à masquerles progrès incertains qu'elle faitpar ailleurs.

Laissant de côté la question desavoir si le choix d'une auto-analysepartielle n'est pas une façon derésister à la psychanalyse et à ses« exploits d'huissier », il faut re­marquer que Breton, par ce choix,veut d'abord soumettre l'enseigne­ment de Freud au cc critérium de lapratique », notion qu'il emprunteà Lénine : trait constant, et l'undes plus curieux, de la démarchesurréaliste que d'éprouver toutenotion, tout mode de sentir ou depenser hors des limites que les in­venteurs ou les spécialistes - lescc professwnnels - lui reconnais­sent ou lui assignent, et de l'éprou­ver sur soi. D'autre part, Bretonentend montrer, sur des exemplespersonnels, cc l'identité entre les re­présentations de la veille et cellesdu sommeil ». La mise en scènede la vie passe alors entièrement àla charge de l'agence du rêve, auprix d'une extension analogue àcelle qui faisait de la formation durêve le modèle de toute productionartistique.

A cette douhle fin, Breton retientsurtout l'Interprétation des rêves,le rôle des cc restes diurnes·» et lesprocédés du travail du rêve; lespremiers pour établir que les maté­riaux essentiels sont pris dans lavie éveillée, les autres pour suggé­rer que, dans certains cas, l'espritéveillé peut fonctionner assez long­temps, hors de toute hypnose, com­me celui du rêveur. Pour les besoinsde sa cause, Breton doit tantôtrestreindre, tantôt étendre les dé­couvertes de Freud. Les restrictionssont manifestes dans l'auto-analysede la première partie : confusionsà propos des stimuli sensoriels oude certaines associations, incorpo-

La Qulnza1ne Littéraire, du 15 au 31 mars 1971

~ Le rêve

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Première page du «Manifeste du Surréalisme,., 1924.

pression est de Nerval - et d'uneconception normative de l'amourqui peut seule justifier l'attraitsexuel. Dans l'auto-analyse, la dis­tinction se retrouve : le travaild'association se fait en directiondes restes diurnes, la vie sexuelle durêveur n'étant évoquée, la plupartdu temps, qu'en liaison avec latraduction symbolique d'élémentstels que le pont, la cravate, la ma­chine à sous ou la table mise. Dece fait, la sexualité apparaît sur­tout comme un code, et les révéla­tions qu'avait pu promettre1'« observateur imprudent et sanstache » ne le compromettent guère.

A cet endroit, toute la portée dela découverte psychanalytique estremise en question de façon expli­cite. Loin que l'imaginaire se cons­truise en relation avec l'hallucina-

désirs ou des pensées de ce système,les « entrepreneurs» du rêve;quant à ceux que Freud baptise les« capitalistes », Breton connaît leurexistence~ mais il n'en fait guèreétat. Un clivage se marque ici: offi·ciellement, Breton proclame l'im­portance des désirs inconscients,infantiles et refoulés, et il reprocheà Freud d'avoir donné une versiontrop expurgée de ses propres ana­lyses; en même temps, sa résis­tance est assez nette, malgré sesdénégations; on trouve dans lesVases communicants plusieurs desreproches généralement faits àFreud à cette époque : l'abus de lasuggestion, l'extension à l'hommenormal des résultats obtenus avecles névrosés; on, lit aussi, dansmaint passage, l'opposition des« enivrements vulgaires» - l'ex-

la. psychanalyse : ce n'est pas lafonction du rêve qui est l'essentielpour Freud. Et le savant n'ouvrepas, dans ce domaine, des voiescomparables à celles qu'ont pu tra­cer Saint Pol Roux ou Hervey deSaint·Denis : « Bien avant qu'eûtcours la théorie de moins en moinscontroversée selon laquelle le rêveserait toujours la réalisation d'undésir, il est remarquable qu'unhomme se soit trouvé pour tenter deréaliser pratiquement ses désirsdans le rêve ». Il n'y a guère quele jeu de mots qui puisse assurerici le lien entre la psychanalyse etla recherche surréaliste.

. Alors que Freud voit, entre au­tres, dans le rêve, un moyen deconserver le sommeil du pré­conscient, Breton s'intéresse pres­que exclusivement au destin des

veut mener à bien.Dans ces conditions, et si le rê­

ve nocturne trouve ses garants 'dansla vie matérielle, le « rêve diurne »ne peut rester, lui non plus, unthéâtre privé. Il doit prendre, dansle temps et l'espace, les dimensionsde la vie effective. Ce que Bretonretrace dans la deuxième paltie deson livre, ce n'est pas un fantasme,ni même une série de fantasmes,c'est « un rêve éveillé traînant surplusieurs jours ». Toutefois, la nar­ration seule assure la continuité decette rêverie et sa ressemblanceavec le contenu manifeste d'unrêve. D'autre part, l'état affectifdans lequel Breton se trouvait aumoment de ce « rêve », et dont ilnous donne le tableau, laisse penserqu'un psychanalyste userait ici d'unautre modèle : celui de la mélan­colie. L'extension du rêve diurnefournit à Breton un pendant com­mode ·du rêve des nuits pour safaçon de voir les choses ; quand lesentiment du monde extérieur estvivace dans l'esprit de l'homme, ill'est aussi dans le rêve; celui-cis'unit avec la veille pour le ren­forcer; mais quand la mélancolieprovoque une perte d'intérêt pourle monde, à l'état de veille, ce vides'accroît encore sous l'effet du rêve« liquidateur »; dans le premiercas le rêve renforce la vie éveillée ;dans le second, il l'affaiblit en l'en­vahissant.

On :voit que, pour maintenirl'idée d'un rêve diurne sans suppo­ser qu'en certains cas la réalitépsychique peut se montrer aussicohérente.que la réalité matérielle,et même la dominer, Breton estobligé de recourir à une distinctioDnormative entre « bons » ·et « mau­vais rêves ». Et si l'antinomie tra·ditionnelle entre le rêve et l'actionest supprimée par .ce moyen, elleest rétablie entre. la rêverie et l'ac­tion. L'oppositon des deux rêvespermet alors à Breton d'établir unesorte de typologie des formes dela figuration humaine selon qu'ellesuit le modèle du « bon» ou du« mauvaiS rêve» : dans un cas,confiance.en la vie, action' révolu­tionnaire, pratique de la poésie;dans l'autre, refuge dans la mon­danité, ,dans la religion, dans lesuicide..

Le troisième'-grand souci de Bre­ton, celui de la fonction du rêve,reparaît donc dans les Vases com·municants et, une fois encore, laréponse est cherchée dans une di­rection très différente de celle de

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PAUL NIZANPourunenouvellecultureTextes réunis et présentéspar Susan Suleiman

On a redécouvert depuis peuNizan romancier Nizan

pamphlétaire, Nizan voyageur :voici Nizan

critique littéraireet théoricien de la culture.

peut se passer des conseils du rêve.On voit se dessiner l'ambition su­prême : actuellement, le rêve sesubstitue à l'homme pour résoudreles problèmes de celui-ci; il con­vient que, dans l'avenir, l'hommereprenne toute sa place et se servede .ses rêves; ou encore : aprèsav~nr app~is ,des rêves le rôle quilUI est assigne dans la vie, l'hommes'efforcera d'être non seulement unacteur clairvoyant, mais l'auteurde son texte, de tout le texte. C'esten ce sens que la négation de l'in­conscient est, chez Breton, la plusradicale. C'est sur ce point aussiqu'il essaie de fléchir le matéria·lisme historique.

Après sa lecture de l'Interpréta­tion des rêves comme avant Breton, 's occupe moins du sens du rêve quede sa vérité ou de son secret. Etseule une interprétation anagogiquepeut rendre compte de sa fonction :« principe salutaire», « source in­connue de lumière». Que Bretonn'ait guère quitté le terrain desdébuts se voit à plus d'un indice,en particulier l'importance qu'ildonne à l'élément symholique dupont dans le premier rêve qu'ilanalys~ ; c~r le rêve ne fait pas quecondUIre 1 homme en avant, il re­présente encore sa propre activitépar l'emblème le plus clair; cettesorte de mise en abyme ou de« phénomène fonctionnel» confir­me que, de toutes les possibilitésoffertes à l'homme par le rêve,comme par l'écriture automatique,la plus haute reste, pour Breton,celle qui lui fait saisir le fonction­nement réel de la pensée dansl'instant même où il écrit, l'ins­tant même où il dort.

lean-Pierre Morel

tion et avec le désir, c'est en sommela sexualité qui est une provincede l'imagination. Breton parle,dans sa réplique à Freud, de « lacaractéristique sexuelle... de l'acti­vité imaginaire ·symbolique» et,de son point de vue, la polémiquesur l'oubli des noms de Scherneret de Volkelt n'est pas absurde. Sil'on assimile la psychanalyse à latrouvaille et à l'exploitation dec~tte « caractéristique », il se peutbien que Freud perde toute priorité.Du reste, si l'on se reporte auxidées de Scherner, dans le résuméqu'en donne Freud, on comprendla sympathie que Breton pouvaitéprouver à leur égard : imaginationlibérée de la raison, cc activité artis­tique » du rêve, usage de la méta­phore, une grande partie du Mani­feste y semble par avance contenue.A ce compte, la psychanalyse et lesurréalisme semblent procéder de lamême intuition fondamentale etpoursuivre une entreprise communequi « peut passer pour être aussibien du ressort des poètes que dessavants ».

En faisant jouer aux restes diur­nes, contre ce qu'enseigne Freud, lerôle primordial dans la formationdu rêve, Breton peut donner uneréponse affirmative à sa questionde 1924 : « le rêve ne peut-il êtreappliqué, lui aussi, à la résolutiondes questions fondamentales de lavie ?». Il suffit de généraliser ­et même de légiférer - à partir decertaines remarques de Freud sur lapoursuite possible, en rêve, d'uneactivité intellectuelle apparentée àcelle de la veille; que le rêvepuisse aider à résoudre des pro­~lèmes o~ à lever,des préoccupa­tions deVient une regle : toujours,il « tire parti des contradictionsdans le sens de la vie ». Cette fonc­tion anticipatrice, dans la mesureoù elle dépend, selon Freud, de lapensé~ de veille, ne peut même pasetre dite une cc fonction secondaire »du rêve : Breton en fait la marquede la toute-puissance de ce dernier.Qu'elle soit capable à l'occasiond'être prophétique, Breton l'affirmeencore, contre Freud qui le nieexplicitement. Bien entendu, l'hy­pothèse d'une régression temporelleet formelle pour expliquer le rêven'est, pour le poète, qu'une diver·s~on « métaphysique», puisque lereve nocturne est le mécanismeprincipal de la conversion de l'ima·wné au devoir·être; comme ce de­voir-être est aussi le sens de l'his·toire, aucune action individuelleou collective, surtout politique, ne

La QuInzalne UttéraJre, du 15 au 31 mars 1971

Sur moi., une influence tardivepar Michel Deguy

L'influence du surréalisme futsur moi assez tardive (entre 18 et20 ans), en tout cas seconde, et,plutôt que du « surréalisme » il nes'agissait au début que de la lecture- partielle - de tel ou tel poète(Breton, Aragon, l:luard...). Pourautant que je me rappelle ces pre­mières rencontres, je fus atteintsurtout par une rhétorique : lapompe de Breton, rinsolence d'Ara­gon, la préciosité d'Eluard. La le­çon de liberté poétique, c'est d'Apol­linaire que je l'avais d'abord re­çue; le Mouvement perpétuel oule Traité du style confirmaient.

Mais le « philosophe» que j'étaispar les études ne prenait pas assezau sérieux les idées concentréesdans les Manifestes. Sous des maî-

_tres alanistes, ou, dans le meilleurcas, hegeliens, nous n'avions pasencore l'âge du surréalisme - etpar là je compris, plus tard, com­bien il est difficile et chanceux derejoindre sa propre époque. Cetteépoque nous arrivait en ordre dis­persé, et académisée par les filtrespédagogiques ou autres; Artaud,Bataille, nous venaient d'en dehorsdu surréalisme.

Plus tard, sous l'influence di­recte d'un ami, homme d'une géné­ration intermédiaire et étranger(le poète chilien Iommi), s'ouvritenfin l'occasion d'une « imitation »,dans le meilleur Sens possible, dusurréalisme : la tentative ensemblede quitter (le) tout d'une certainefaçon pour ramasser (le) tout a'unecertaine façon; la ..confiance quela capacité d'un ensemble est su­périeure à la somme de ses élé­ments; le constat qu'une objectivi­té d'acte poétique en configurationpeut -avoir un résultat indépendantdes int~HRp.s et des aptitudes dechacun, èolli1D:e le texte ~tiqueécrit sur le champ p~,:" plusieursengloutit' le matéria~ psychique desa genèse monst~euse pour prop?"ser son énigm~_qui f.qrce à inventerdes décrypteniénts. '

Nous en avons fait l'expériencedans' des voyages et des traductionscollectives, dont la Revue de poésiefut le document. Nous avons pra­tiqué l'alliage « plastique» de lapeinture et des phrases. (Chose amu­sante, dans l'anecdote il est mêmearrivé à not~e groupe d'exploserune première fois à l'occasion d'unequerene sur Breton où je ne me rap­pelle plus comment les rôles étaientdistribués). Peut-être le long decette- « répétition » en sommes-nousarrivés au moment où la réalité po-

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litique dissout le meilleur désirpoétique d'un être-ensemble et d'unfaire-ensemble qui n'aurait decompte à rendre à personne; et oùnous sommes rattrapés et corrodéspar le retard et le manque de l'ana­lyse sur l'idéologie qui cimentaitnotre réunion - s'il faut de l'idéo­logie, ou croyance, ou implicite,pour tenir ensemble quelque temps.A échelle cavalière, il est sansdoute facile, trop peut-être, de faireun bilan, dont je trouve par exem­ple sous la plume de Sollers (T.Q.44) un résumé qui vaut aussi biencomme memorandum des myopiesdes neveux du surréalisme : rup­ture insuffisante avec le code rhé­torique; relalton trop esthétiqueavec l'inconscient traité commeboîte de Pandore; élargissement,mais trop limité, de Paire occiden­tale ; alibi pour les hésitations poli­tiques trouvé dans telle modalitéde « socialisme utopique» réinventéà peu de frais ... etc.,

Breton exploite le filon des lieuxcommuns, des sillons tracés dansla langue, des locutions « toutesfaites », toute cette lettre plus mor­te que vive «( C'est un certain étatde nous qui pense », dit Kleist). Ilobéit à l'attraction des traces; ilrefraye les chemins-de-pensée-qui­marchent de la langue. La penséese cherche dans les choses en lesdisant comme elles sont par ce quela langue en a déjà dit. CommeFlaubert était fasciné par la bêtisede l'us, ainsi et à l'envers pourBreton l'usage, l'usure, peut êtrerelevé. La langue est somniloque, illa fait marcher en perte d'équilibresur les arêtes des rencontres. Il estl'Orphée des stéréotypes. Parlantbiologiquement (si nous prenonsdans la langue, comme métaphorepour la langue, aussi ce qu'elle ditde la vie) _: il croise les locutions :hybridations, greffes, croisements...Il engendre une postérité de mulets,de roses... Il domestique et il térato­logise.

L'élément, ou matière de la p~m­

sée poétique, est ce système de -'ré­percussion, ou lettre, ce lit d'asso­nances où elle se retourne. « L'échorépond à l'écho, tout se répercute »(Braque).

Certes, le texte de Breton s'estacculturé : il est devenu la vitrinede Dali par le jeu de la représen­tation (pris au tourniquet de l'imi­tation art-nature par le biais de« l'image psychique» ) et par lacommande de l'industrie du luxe :on fabrique très vite un décor qui

ressemble à ce poème, un « mondede rêve»; la technique s'en char­ge ; mais cet échec n'est pas impu­table à Breton qui convoquait toutle monde au jeu d'une transforma­tion réelle ne pouvant avoir lieusans le langage :

« La rose peut changer totalementde propriétés en passant par l'écri­ture automatique ». Le mouvementdu poème est d'inventer ce qui estcomme c'est. Il ne s'agit pas, lisantle texte de Breton, de « reconstituerle perçu », c'est-à-dire ce qu'avaitsous les yeux André Breton; maisd'apprendre à percevoir en disant,à dire en percevant.

C'est pourquoi je n'étais pasd'accord avec Genette soupçonnantBreton de « retour à la magie»parce qu'il avait parlé « d'agir surle moteur du monde ». Le moteurdu monde c'est le langage; il nes'agit pas de formules magiquesdispensant d'une action réelle pouragir à distance sur un moteur du~onde qui, lui, s'en moque bien;mais d'agir poétiquement dans etsur ce milieu-langage : le monde.Il s'agit des métamorphoses. C'estle contraire de l'esprit de géomé­trie: il n'y a pas une définitionpour le défini. Il n'y a pas de défi­nition; il y a les équivalences du« loup» (par exemple); sans blo­cage sur un rapport unilatéral mot­chose. Pour dire une chose, toutle monde y passerait, c'est-à-diretout le langage de la langue : unionlibre. Si le poème propose des« guetteuses nues », attention : ellesne sont pas littérales, c'est-à-direpas imaginaires : il ne s'agit pas« d'images », ersatz de perception,vagues fantasmes qu'aurait le poète«( erreur des sens », etc.,; mirage0: érotique » à quoi il nous induiraitmagiquement). Il n'y a jamais defemmes nues qui guettent sur laplace, ni pour la perception, ni pourl'imagination. Mais avec ces guet­teuses nues, il s'agit de deux effetspropres au poème : a) la référencemythologique, consciente ou non,aux sirènes; b) n'importe quoi peuts'appeler guetteuses nues, et ai:psi,il y a des guetteuses nues; parexemple des fleurs ou des réver­bères; à savoir tout ce qui estcomme. « Guetteuses nues» est,un moment, le comparaht, lenoyau-figure pour ce qui paraît entrouvant ainsi nom emprunté etconfiguration éphémère. Le moded'être poétique d'un étant est sonêtre-comme; c'est là son identité :il n'y a pas d'abord un être-propre;

mais l'étant se donne (il y a) enêtre-avec, en trans-ition, en méta­morphoses. La métaphoricité estdonc le mode d'être de l'étant, unavec le manque de son nom.

La poésie est précieuse. Il fautque s'échangent les choses en leurfiction. Breton souvent, pour nom­mer «( juger », souvent) une chose,fait une déclaration générale, unéquivalent verbal, avec vaste détourpar une déclaration de principesur le monde, le tout. Il remet« tout» en question dans la pers­pective en question; il réarticule­équilibre le « tout» avec {ou parrapport à) ce détail, cette circons­tance. Opération de contrepoids; lapoésie joue le tout pour le tout(un « tout» pour ce tout). D'uncôté cette chose (innommable,« extatique impuissance à disparaî­tre » selon Mallarmé) de l'autre satare en mots; il àllègue-résume letout dans une perspective : formule­symbole.

Le transbord en poème s'effectuepar l'opération d'un Je de majestéqui (n') est personne; mais lesujet de la langue. La langue prendla parole en personne pour accueil­lir l'être fable selon ce qui a lieu,sa formule: le poème est emphase;le transfert en la disparition vibra­toire est cérémonieux, d'un céré­monial qu'on entend bien que Bre­ton a appris chez Lautréamont.Faste périodique, l'acte d'écrire sefait remarquer comme opération.Le nombreux, le bien musclé de lasyntaxe, l'ampoulé, autant, chezBreton, d'exhibitions du discoursjouant le jeu du vraisemblable.

Ce sont p.t:écautions, circonlo­cutions : dans tous les sens ; roues,roulements. La phrase; péri-et para­phrase d'elle-même, s'échauffe cm­phatiquement. Vous allez voir ceque vous allez voir; une phase àne pas rater. Vous avez vu ce quevous avez vu. Exhortation, apprêt,apparat, appareillage~ Les phrasesraniment la langue, lui font enten­dre sa liberté de jeu. Il y a dansle poème moderne une sorte de har­cèlement stochastique de ce quilui échappe, qui est sa chose. C'estun peu comme le jeu de la « bataillenavale » ; un sondage par mots etsyntagmes qui prospectent au ha­sard -objectivement. Il s'en fautd'une lettre, au millimètre, pourque « tout» change ( ... varié, ca­rié...). Le poème saute silencieuse­ment sur les mines...

Michel Deguy

Le témoignaged~un "ancien'~

Le Surréalismeen librairie

Gérard Rosenthal (Francis Gé­rard) qui fut l'un des premierscompagnons d'André Breton,devait s'éloigner assez rapide­ment du groupe surréaliste,pour se vouer à l'action poli­tique. Voici les souvenirs qu'ila bien voulu nous confier.

- J'ai participé aux deux grandesaventures de ce temps, le surréa~

IIsme puis le marxisme révolution­naire. J'ai suivi un chemin assezsemblable à celui de Pierre Na­ville : l'un et l'autre, nous avonsappartenu au groupe surréaliste;peu de temps après la rupture avecDada. Ensuite, nous avons fait, àpeu près au même moment, notreservice militaire. Je suis restéabsent de Paris assez longtempspuisque j'avais été appelé en Syrie.A mon retour, je me suis engagé àfond dans l'action politique et idéo­logique mais je voudrais bien pré­ciser dans quel esprit : le but de­meurait de poursuivre cette libé­ration inconditionnelle de l'hommeque le surréalisme exigeait aussi.Simplement, il nous paraissait quecette libération ne pouvait s'accom·plir que par les moyens de la poli­tique.

A l'époque, les efforts que nousavons faits pour provoquer les sur­réalistes à l'engagement politiquen'ont pas été bien compris. Leirisme rappelait récemment que le jouroù j'ai fait remarquer, dans uneréunion, qu'il ne serait peut-êtrepas inutile de jeter un coup d'œilsur ce qui se passait en Russie,un rire homérique m'a salué. Plustard, Breton a senti que le surréa­lisme ne pouvait être un pur jeupoétique, détaché des drames del'histoire. Il fut l'un des premiersà nous rejoindre lorsque fut orga­nisée par nous l'enquête sur lesprocès de Moscou. Il nous a tou­jours apporté un soutien efficacedans le soutien des révolutionnai­res écrasés mais, même lorsqu'ilsse mêlaient à la lutte politique, lessurréalistes étaient d'abord despoètes, qui faisaient alliance avecles révolutionnaires. Au contraire,pour Naville et moi, il s'imposaitde passer sur un nouveau plan, ce­lui de la politique, qui englobe etdomine le premier.-

- Comment nous sommes-nousséparés des surréa!istes? Il n'y apas eu rupture ni excommunicationmais une distance de plus en plusgrande s'est creusée entre nous.L'éloignement définitif s'est concré­tisé lors du voyage que nous avons

Avec Uon Trotsky.fait en Russie, pour le 10" anni­versaire de la Révolution. Nousavons rencontré Trotsky, que jedevais bien connaître plus tardpuisque j'ai été son secrétaire pen­dant cinq mois et son avocat jus­qu'à sa mort. Dès cette premièreentrevue, sa puissance m'a frappé.Il avait été exclu la veille du Comitécentral et il nous a expliqué lasituation de la Russie, due au reculdes forces vives de la révolution.Je vous parle de Trotsky mais celane nous éloigne pas de Breton puis­que plus tard les deux hommesse sont connus au Mexique. Entrele révolutionnaire banni et le poètemaudit, le contact a été Immédiatet profond. C'est à cette époquequ'ont été jetées les bases de laFédération internationale de l'artrévolutionnaire et Indépendant. laFlARI. A son retour du Mexique,Breton a collaboré avec Pierre Ma­bille et moi à la direction de larevue • Clé -, qui s'Inspirait juste­ment des principes de la FIARI.-

- C'est en 1923 que j'étais entréen relation avec Breton, par l'inter­médiaire d'Aragon et de Desnos.Je me suis intégré au groupe. Onse réunissait chaque jour à Certa,dans le passage de l'Opéra et cha­que soir au Cyrano, à l'heure du­Mandarin puis on terminait la soi­rée chez Breton, au 42, rue Fon·taine. Là, il régnait, il était le cen·tre, tout passait par lui. Du reste,on ne voit guère qui lui eut disputécette primauté : Eluard était unesorte d'amateur distingué, Aragonjouait les chevau-légers, Péretétait le fidèle, un • mameluck - etce n'est pas Soupault qui eûtcontredit Breton. Ainsi s'organisaitspontanément une espèce de pha­lanstère un peu démoniaque. Oui"un phalanstère plutôt qu'une cha·pelle, avec des passions très vives.

Jean Petithory, tient une li­brairie-galerie, 2, rue du Père­Corentin, 14-, à l'enseigne des• Mains Libres -. Pierre Bour­geade a été lui rendre visite.

Comment êtes-vous devenu li­braire?

P. H. - Tout naturellement. J'ai­mais les livres. Je suivais les ven­tes. J'étals collectionneur. Un beaujour, j'ai décidé d'ouvrir une Iibrai·rie. Voilà.

Je crois que vous êtes • expert ­du fonds Eluard à la bibliothèquede Saint-Denis?

P. H. - Oui. J'admirais beaucoupEluard. J'admire beaucoup ManRay, avec qui je suis lié d'amitiédepuis très longtemps. J'al doncappelé la librairie • Les Mains LI·bres. en hommage au livre -qu'Ilsont fait ensemble.

Avez-vous remarqué qu'un despoèmes des Mains Libres porte untitre qui se rapporte à l'entretienque nous avons aujourd'hui?

P. H. - Non, mais ça ne m'éton­ne pas.

Nous étions très sensibles à unemorale collective qui évoque celledu groupe des Possédés, même sinous allions beaucoup moins loinou plus loin que les Possédés. -

• De quoi débattions-nous? Oh !de tout mais je ne me souviens pasde discussions de doctrine. Il yavait une curiosité insatiable etnous mettions tout en commun,chacun proposait ses trouvaillesqui pouvaient aller de Fantômas àun livre de Freud. Ce qui dominait,c'était un extraordinaire jaillisse­ment intellectuel, un goût ardentde la poésie, une gaieté constante.-

" Sur ce point, une légende s'estformée, je ne sais pourquoi, selonlaquelle Breton était un hommetriste et maussade. Rien de moinsexact. C'est vrai qu'il affectait uneallure solennelle, majestueuse, maisje ne me souviens pas de m'êtrejamais ennuyé avec lui. Même sapolitesse, qui était d'un raffinementextrême, elle constituait un luxe etil en usait avec ironie. Il en allaitde même des modes. A un certainmoment, tout le monde s'est misà porter une casquette mais cen'était pas vraiment du dandysme,plutôt une figure de ce jeu très

Cet entretien va paraître d~ns laQuinzaine du 15 mars. L'un des,poèmes des Mains Libres a pourtitre" Le temps qu'il faisait le 14mars.• Il pourrait nous servir depréface.

P. H. - C'est vrai 1• Enjôleur d'enfants

[charmeur d'oiseaux• J'attends la venue du

[printemps...

Cette coïncidence jette un jourobscur sur les correspondances lit­téraires.

P. H. - Je crois qu'II n'y a pasde coïncidences. Si une rencontrese fait, c'est qu'elle était Inévita­ble. Eluard et Man Ray, par exem­ple.

On ne peut dire iequel des deuxIllustre l'autre.

P. H. - On peut très bien ledire, au contraire! C'est Eluard quiillustre Man Ray. (J.P. prend l'édi·tlon originale et me montre la pagede titre.• Les mains Iibres/ ManRay / dessins / Illustrés par lespoèmes / de / Paul Eluard .). Lespoèmes ont été faits pour les des·sins. tgrave qu'était le ~urréallsme. Jevous jure qu'on ne s'ennuyait pasdurant le dîner Saint·Pol Roux oudans toutes les provocations sur­réalistes. Or, c'était toujours Bre­ton qui les organisait. C'était unhomme extrêmement cultivé, au dé­but en poésie exclusivement, puisdans toutes sortes d'autres domai·.nes. Il était un brillant causeur etil adorait la mystification - malspas la farce - ce qui ne l'empê­chait pas de tenir le surréalismepour une aventure sérieuse, uneaventure essentielle.-

• Vous voyez, ma participationactive au groupe n'a pas duré trèslongtemps, de 1923 à 1925, maisjusqu'à la fin, j'ai conservé uneestime absolue pour Breton. Il atoujours fait preuve d'une intégritémorale et intellectuelle irréprocha­ble. Il ya une phrase de Drieu laRochelle qu'Aragon avait rapportéeà Breton et qui le définit fort bien:• Dans le surréalisme, tout le mon·de prétend dépasser le surréalismemais il n'yen a qu'un qui y par·vienne et c'est André Breton.-

Propos recueillis'par Gilles Lapouge

La QulDzalne Uttéralre, du 15 au 31 mars 1971 19

~ Librairie Asapar José Pierre

« C'est André Breton qui m'a ap­pris à lire », me disait il y a quel­ques jours un jeune peintre que jerencontrais pour la première fois.Seule la lecture de Breton lui avaitdécouvert que les livres, ces meublesinutiles, pouvaient parfois le concer­ner (pas souvent, dites). Et que lesmots, soudain arrachés à ce vastecomplot ourdi contre notre esprit,afin de le maintenir dans la somno­lence et le renoncement, par « lesidéologies d'intimidation», commeles nomme Dionys Mascolo, repre­naient la parole dès lors qu'ils fai­saient l'amour... Aux peintres, sipar exemple je parle des peintres,on dirait que Breton a plus d'unefois « appris à lire » non seulementles livres (et la vie), mais la pein­ture elle-même et tout ce qui enelle somnolait d'explosives possibi­lités.

Robert Lebel n'allait-il pas jus­qu'à affirmer (dans une récenteémission télévisée) qu'en sommeBreton était parvenu à persuaderles peintres surréalistes de peindrela peinture que lui, Breton, souhai­tait leur voir peindre? C'était allerbravement contre cette méconnais­sance chroniqu de la pensée artis­tique de Breton qui fait le principalotnemènt de pres e tous les ouvra­ges consacrés à la peinture sur­réaliste (ce dont il convient de tenirdavantage rigueur à un Marcel

i tout de mêpte milita assezement dans les rangs surréalis-

, qu'à des amateurs aussi peulairés que WilliaIIJ, RlIbin ou'

René Passeron). Et l' irmation deRobert Lebel ne cessive quesi elle ne su consente-

men~tHtaic:'=~!i~r=~peintrestale des-propre

1BI,.".,;,ieka11IiÎfiJt

Manne-

Vous devriez en faire une éditioncourante.

P. H. - Non. C'était un tirage àtrès peu d'exemplaires, qui a étéaussitôt épuisé.

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P. H. - Pourquoi pas '1

P. H. - Novak vit actuellementà Trebic, en Moravie, où Il est pro­fesseur. Son art est, en quelquesorte, la recherche d'une poésie.visuelle. Il est de la I.ignée (lescréateurs cc d'objets . rréallstes»Depuis qJ.lelq es années, Il expé­rimente de nouvelles tecllniquesautomatiques, cc alchlmages », frois­sages, etc. Ses œucent à apmuséeartis

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LES MAMELLESDE TIRESIAS

P. H. - 500 F.

A quel prix?

C'est donné!

Pouvez-vous le situer, en quel­ques mots?

Ja­ornent, à la

exposition du jeunetchécoslovaque ladislas

ovak, qui se rattache à ce mou­vement.

de demandes! Il en a été de mê­me pour le manuscrit d'Apollinaireque nous venons de citer. Vingtdemandes!

en.»était coté

2500 F. Il s'est vendu immédiate­ment. J'al même eu une vingtaine

P. H. - Breton, évidemment,Eluard, Aragon. Tous les grandtextes surréalistes. Et les obje

Par exemple, J'avais sur mOÏ·~~;i;~ji~~\~di;wM~nier catalogue cc un cart ..~Breton avec n petit cou­leur rose, maintenu par des ficel­les en croix» et portant ces vers:

• Le torrent automobile de sucre[candi

Prend en éc rpa un long fr[son

Vous avez raison. On entend direquelquefois que la bibliophilie estune activité un peu en marge dela littérature. Mais souvent, la con­naissance de l'œuvre originale... jeveux dire, dans sa matérialité,éclaire son contenu - à supposerqu'on puisse les distinguer. C'estbibliologie, qu'on devrait dire!On manque de sciences para-litté­raires, en ce moment.

P. H. - Oui. Ça explique l'inté­rêt des autographes, des manus­crits. J'ai eu récemment en cata­logue la page de titre, manuscrite,des Mamelles de Tirésias, de lamain même d'Apollinaire. J'ai aus­si le livre en édition originale. LesvoicI.· Vous remarquerez, entre lemanuscrit et le livre, une légèredifférence.

C'est Apollinaire qui l'a inventé?

Je ne la vois pas.

P. H. - Je m'intéresse'les œuvres cont raines,Futurisme Jourd'hui. J'alcatal e plusieurs manuscritsGenet, par exemple.

Quels sont les auteurs les plusrecherchés?

Vous vous intéressez unique­ment au surréalisme?

P. H. - Vous lisez trop vite.Apollinaire a écrit sur le manus­crit : drame surnaturaliste. L'édi­tion originale porte : drame surréa­Hste. C'est la première apparitionécrite de ce mot.

P. H. - C'est Pierre Albert-Birotqui lui a suggéré, parce que luin'aimait pas le mot cc surnaturalis­te •.

20

plus simple expressionpersonnalité hors du commun detels dons d' « éveilleur », mais toutautant sur le compte d'une penséeque Breton a lui·même définie,orientée, approfondie et baptiséele surréalismè.

Ce qui m'importe, c'est moinsaujourd'hui, en 1971, de savoir siBreton a ou non «appris à lire »(les livres, la peinture et le monde)à Max Ernst, à Magritte et à Dali(c'est.à.dire à des gens qui l'ontconnu et fréquenté des années du­rant, ont eu avec lui des échangesassez passionnés pour se traduire fi·nalement, au moins dans d.eux destrois cas cités, par d'éclatm{tes rup­tures) que de savoir si sa pensée ar·tistique (ou sa pensée tout court)continue de toucher et d'animer dejeunes artistes qui ne l'ont ni connuni fréquenté. En d'autres termes :quels rapports entretient l'art d'au­jourd'hui (celui qui se fait, celuiqui va se faire) avec la -pensée artis·tique (ou la pensée tout court) deBreton, c'est-à·dire avec la penséeartistique (ou la pensée tout court)du surréalisme ?

Une réponse véritable à cettequestion supposerait tout d'abordune enquête menée auprès de tousceux qui comptent dans la défini·tion de l'art d'aujourd'hui (et passeulement les vedettes du « derniercri », mais elles aussi), entreprised'autant plus difficile à conduireque beaucoup d'artistes (les Améri·cains, notamment) sont à peu près·totalement ignorants des écrits deBreton (ignorance que je ne déplorepas, que je constate seulement) etseraient donc portés à interpréter laquestion comme une invitation à sesituer par rapport aux activitéshistoriquement datées (disons1919-1969) d'un groupe de poètesel de peintres. Or, à mes yeux dumoins, il s'agit de tout autre chose.

.Je sais qu'il y a des peintres surréali­stes qui se sont révélés depuis ladisparition d'André Breton et jesuis persuadé qu'il y en aura d'au·tres, demain ou après-demain, dontcertains souhaiteront vraisembla­blement s'intégrer à une action col·lective pour peu que la formule decelle-ci vienne à s'imposer, non pasen termes de nostalgie mais au pré.sent. Mais ce n'est là qu'une partiede la réponse...

Parce que, lorsque Breton écri·vait par exemple en 1925 : cc L'œu­vre plastique, pour répondre à lanécessité de révision absolue des va­leurs réelles sur laquelle aujour-

Victor Brauner: Le surréaliste, 1947.d'hui tous les esprits s'accordent,se référera donc à un modèle pure·ment intérieur ou ne. sera pas », ils'agÏssaÏt pour lui de bien autrechose que de promulguer un dogmeartistique ou même plus simplementde définir une plateforme communeaux activités des peintres de son en­tourage. li s'agÏssaÏt de « répondreà la nécessité de révision absolue desvaleurs réelles », c'est·à·dire d'unecc nécessité» qui en est venue de·puis à s'imposer de manière abrupte(surtout depuis deux ans, par on nesait quel mystère) aux intellectuelsen général et aux artistes en parti.culier. Où en sommes·nous doncavec cette c( nécessité» ? Ou, si l'onpréfère, quelles réponses s'y propo·sent actuellement, presque un demi·siècle après que leur urgence ait étéproclamée ?

On jurerait bien que le « modè­le » est devenu, ces derniers temps,de plus en plus « extérieur » ! Fré­quemment, la référence à l'environ·nement quotidien emprunte à celui­ci ses formes ou ses matériaux(Pop Art, Nouveau Réalisme, Arte

Povera, Minimal Art, Art cinéti­que), ce qui d'ailleurs n'exclut for­cément ni le lyrisme ni la subjecti­vité. Mais à ces références de carac­tère sensihle, voire sensuel, sesubstituent de plus en plus des réfé­rences intellectuelles (dites abusi­vement «scientiIiques» en mêmetemps que le bavardage pédant sevoit élevé à la dignité de « théo·rie»), le « ma<Jèle» de l'œuvred'art (ou du comportement artisti·que) étant alors demandé à la cyber­nétique, à la sociologie, à la Gestalt·theorie, au matérialisme dialectique,au néo-positivisme anglo-saxon, austructuralisme linguistique ou en·core à une aimable décoction detoutes ces belles choses réunies : latisane qui en résulte est générale­ment désignée par l'appellationd'Art conceptuel. Comme nous enavertit Otto Hahn, «l'Art estmaintenant invention et présenta­tion de schémas artüiciels ou ré·flexion sur l'artüice ).

Je ne mets pas en cause le bien­fondé de ces « nouvelles proposi­tions quant à la nature de l'art»

(Joseph Kosuth) : je pense aucontraire que même les moins sob­jectüs des artistes sont mus par descauses qu'ils ne contrôlent pas. Jeremarque pourtant que l'esthétiquedominante du moment privilégie unen deça de l'œuvre alors que Bretonétait plutôt sensihle à son au-delà,à ce sur quoi elle débouche, ensomme à sa générosité. Si passion­nant que soit quelquefois (rare.ment) l'Art conceptuel, la seulechose dont il paraisse en mesure denous délivrer, c'est de la Cl mysti- .fication» de l'art (rendant ainsid'autant plus pesantes toutes les au­tres mystiIications). Car il s'accom­plit au prix d'une annihilation pres­que totale des pouvoirs de l'artiste(c'est·à-dire de l'homme) alors quele surréalisme entendait les porterà leur degré maximum pour les fai­re servir à l'émancipation de tousles hommes. « Le peuple et les ar­tistes partagent l'imagination poéti­que», comme l'écrit superbementJean Schuster (1).

Car ce n'est sans doute pas unhasard si cet art sans illusions estaussi un phénomène hyper-culturel(Cl La culture ne se développe quesur la culture », répète Otto Hahnaprès Malraux) qui nie toute possi­bilité pour l'art d'échapper à laculture, qui nie .que « l'œil existe àl'état sauvage» (comme le fait Ber·nard Teyssèdre), qui s'acharne ànier « des arts que la barbarie occi­dentale qualüie de primitüs parceque le processus de son élaborationlui échappe, ou de nms parce quetoute fraîcheur de la pensée lui pa·raît le contraire de la pensée », pourciter encore Jean Schuster (2). lin'existe peut-être pas de meilleurearme contre le « dernier cri» de la« barbarie occidentale» (ce Cl cou­teau sans manche auquel il manquela lame ») et la démission qu'il ins­titue que la pensée d'André Breton,plus que jamais « à la portée de tousles inconscients ». Les jeux ne sontpas faits. Certes, chacun est librede préférer les fruits secs deVB 101 au~ artistes que loue Lesurréalisme et la peinture, ou l'ané·mie graisseuse de Tel Quel aux Va­ses communicants. Mais quel pro­gramme à ce jour pourrait se me·surer à celui qu'indique cette phra.se d'André Breton: « Nous rédui­rons l'art à sa plus simple expres­sion, qui est l'amour» ?

José Pierre

(1) et (2) Jean Schuster, Dévelop­pements sur l'infra-réalisme deMatta, « Le désordre ", Eric Losfeld.

La QuInzaIne Littéraire, du 15 au 31 mars 1971 21

Surréalisme~par Dionys Mascolo

.................................................. , ..

NOM ....................•.................... , .

ADRESSE .

Surréalisme généralisé

Essayons maintenant de direquelque chose du surréalisme déve­loppé (ou généralisé, non restreint),sans perdre de vue que la « l.héo­rie » ne saurait jamais en être faitequ'a posteriori, et que nous n'ensommes pas là.

Il faut répéter que le surréalisme,tout comme le communisme, au­quel il est indissociablement lié,appartient à cette catégorie d'idéesqui sont des commencements (desexigences), non des fins (des « vé­rités »). L'un des premiers traitsqui le distinguent de tout mouve­ment de pensée et lui donne droitde regard sur tous, c'est qu'il posel'exigence révolutionriaire et cellesde la pensée comme une seule etmême exigence. Mais cela ne faitencore qu'indiquer très sommaire­ment sa généralité. Si cette idée,ce commencement, ce projet quin'est pas né dans la sphère de larecherche philosophique, l'activitéphilosophique y est assujettie dé­sormais, il y a à cela des causesplus profondes, encore mal recon­nues, peut-être inavouables. L'at­tentat qu'aucun philosophe n'auraitosé accomplir, attentat contre l'ato­me de l'esprit, l'insécable concept,un désir est venu, de l'extérieur(on le dirait venu du génieféminin, de cet extérieur quele génie féminin n'a pas cesséd'être dans l'histoire des émotiomet des idées) l'accomplir. Il est ilpeine croyable que le célèbre « toulporte à croire qu'il existe un cer·tain point de l'esprit... » ait été prisau sérieux. Il l'a été. Cette « bellephrase » dit dans la langue de l'in­~tion à partir d:e quoi, et versquoi l'effort de la pensée cherchantevaut d'être poursuivi. C'est à par­tir de cette attente, de cet espoir- au vrai : de ce soupçon, qui adéjà retiré de sa stabilité à l'édificedes concepts en même temps qu'àtout concept de sa fixité (que leu)'valeur d'usage y survive n'y changerien), que le travail de pensée peutreprendre en effet, et pour l'appro­fondir. A la réalité du concept sesubstitue la réalité du désir, desexigences (surréalité) issus de cequi existe en l'homme « à l'étatsauvage », et qui visent l'inconnu.A la domination des concepts, danslesquels s'effectue la limitation ra­tionnelle du désir, son asservisse·ment « réaliste », s'oppose l'autoritédes exigences qui placent au plushaut ce qui n'est pas - ce qui me

rien de son développement ulté­rieur, ne put longl.emps se cléfinirqu'en rupture avec tout l'ordreexistant : ordre philosophique etpoétique aussi bien que politique- en révolte contre l'état de chosesauquel tout nouveau désir se heurtedans les esprits non moins que dansles choses.

Cinquante ans ont passé. Les dé­veloppements attendus (non pas pré­vus) ont eu lieu. Et c'est la fortunemême du mot qui oblige à rappelerque le surréalisme, loin d'être réa­lisé nulle part ni en personne, de­meure une exigence infinie (sansaccomplissement possible, puisqueaprès tout accomplissement possibleelle doit se retrouver entière), enmême temps qu'une puissance derupture indéfinie, puissance qui nes'en prend plus à la seule réalitéextérieure ou au seul état de chosesintellectuel, mais· qui. a pénétréjusqu'à l'âme des pllH eecrets mo­biles, et forcé les défenses de l'an­tique for intérieur même. Si lemot, en effet, dans sa fortune ac­tuelle, a gardé le caractère restric·tif qu'il avait à l'origine, ce n'estplus là, pour nous, ni rigueur niréserve; c'est négligence et omis·sion, comme si les développementsaccomplis n'existaient pas (ou, cequi revient au même, comme s'iln'en était sorti que des œuvres).A ce point, le mot se réduit à dési­gner une surface « culturelle », unstyle, un ton, un tic, une mode,une époque, une école, un musée...Il devient repère esthétique, épi­thète littéraire, et comme tel, motévasü, vidé, vidant. Certaines pro­positions « en l'air» ne deviennentadmissibles et ne prennent de sensque précisément dans cette accep­tion quasi nulle du mot. Affirmerque «nous sommes ·tous surréalis­tes» n'est pas aujourd'hui parlerfaux, c'est dire presque rien. Ce«presque rien]) justifierait à luiseul la récente décision. du groupesurréaliste s'interdisant sine die deporter ce nom et d'en marquer lesactivités qu'il poursuit. C'est re­donner le surréalisme à sa véritéde projet, abandonnant l'étiquetteà ce qui est certes du surréalismeencore, mais qui, pour s'être fixé,en est déjà au presque rien (et n'estpas devenu pour autant le « biende tous », si ce n'est au sens d'unpauvre enrichissement du décor ­le décor· fût·il révolutionnaire : àcet égard Mai 68 - le surréalismedans la rue - ou sur les murs ? ­apporta sa'part d'équivoque).

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tionemin que d'entrée de jeuBreton en donna « une fois pourtoutes », et qu'il remit sans cel'.'ieen avant en effet par la suite, estelle-même de caractère déIihéré­ment restrictif. Il ne pouvait enêtre autrement. Avec l'automatismepsychique et la primauté qui luifut alors reconnue, le moment estatteint d'une élévation de la tem.pérature de l'esprit qui pouvaitseule conduire à la formation detout le complexe ~te. Si l'au­tomatisme se trouve toujours enlui comme son principe, son foyerpremier et sa pierre de touche, ilest bien éloigné néanmoins d'enépuiser aujourd'hui le contenu. Oupour le dire. en d'autres termes, ilne pourrait de lui-même y conduireà nouveau (en ce sens, et seulementen ce sens, le llUl'I'éalisme est « his­torique ]»,

Cette approximation, cette mo­destie à la fois rigoureuse et provo­cant~ n'éhtit que trop juste, s'agis­sant d'un ·mouvement de penséevoué de naissance, non pas simple­ment à miser SUl' l'mconnu (ce quin'aurait encore rien eu d'absolu­ment n~uveau, au regard surtoutdes problèmes d'expression), maisbien plus profondément, bien plusgravement, à viser l'inconnu, etqui, se défendant de· préjuger en

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Rappelons-nous pour commencerque le mot lui-même ne fut jamaisqu'une approximation. Breton leproposant en convint le premier :il le proposai~ faute de mieux, etIOUII le parrainage occasionneld'Apollinaire. Approximatif, il estné aussi .polémique. Il s'agissaitalors d'opposer, au réalisme régnantet à tous les procédés d'imitationqui en découlent, un réalisme del'imaginaire et du rêve. La défini-

Surréalisme restreint

D

Le· llUl'I'éalisme, aux exigencesduquel je sais que mes ·propresexigences s'identifient pour l'essen­tiel, si je cherche à nouveau, au­jourd'hui,· avec l'effort de simpli-

. cité qui s'impose, à me Ï:tgurer cequ'il signifie pour moi de vital,

. au-cleIà donc de l'esprit de moder­nité dont quelque chose, grâce à lui,appartient déjà au présent (estpœsé), je dois constater dèS l'abordqu'à peu près rien dans l'expériencepratiqUe ou de pensée que je puisen avoir ne correspond. à l'emploicouràriunent fait du mot. Je nepuis me dire «surréaliste» D'oùVient cela ? Il est évident du moinsque l'existence. d'un surréalismeésotérique ne saurait se soutenirun instant.

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Morale, Musique

La QuInzaIne Littéraire, du 15 au 31 mars 1971

manque, que je désire, dont j'aibesoin, cela que je suis le moinsirréellement : ma réalité hors demoi.

Infiniment diversifiée, cette puis­sailce de rupture initiale se retrou­ve agissante à ehaqup, stade, enehaquè poin'i du' développement de{'ic;lée sûrr6aJiste. Ce subvertisSe·mént inultipli~ n'est lui-même pos·sible que parce que, parallèlementà ce qu'elle libère d'énergies ence sens, l'idée' surréaliste ne cessed'opérer comme force d'intégration4J1li ' ri 'admet pas de limites. Elle.se donne en quelque sorte de quoirompre sans fin à nouveau. Ellerassemble et refond toutes les ques­tions qUi se posent dans la réaliteen une question d'ensemble où les4J1lestions particulières demeurent,m~ ne peuvent plus se résoudreni même être pensées séparément :la question séparée n'admet plus derépOnse (commodité réaliste carac­téristique des fi: âges classiques»).En ce sens, aimanté par l'image de«l'homme total» (totalité des dé­marches humaines), le surréalismedans ses développements est moinslié à une surréalité qui fut au dé­part son point d'appui réel, existant,qu'à une exigence de totalité, vo­lonté de ce qui n'est pas. Il estmoins un surréalisme (son départ)qu'un fi: totalisme» (sa visée), sil'on peut risquer ce mot.

Le pouvoir englobant qui est lesien, la fusion à laquelle il soumettout l'homme est précisément cequi multiplie sa capacité de ruptureinitiale. L'homme « surréaliste » de­vient le lie.1J. de forces dont on nepeut plus dire qu'elles sont ni des­tructrices ni constructrices, qui plu­tôt ont pour rôle de remonter in.cessamment en lui ce double mou­vement inédit de fusion-rupture,d'intégration-désintégration. Il s'en­suit notamment que c'en est finipour quiconque de pouvoir vivresans dommage, deux, trois vies sé·parées: vie intellectuelle, vie civi·que, vie privée - cette dernièredichotomisée elle-même en : viesociale, vie affective - cette der·nière partagée à son tour en d'au­tres tout aussI peu communicantesentre elles : vies vécues, vies rê­vées... Dans un tel système d'exi­gences, réunissant toutes les condui·tes humaines sous le signe uniquede la recherche de ce qui n'est pas,on voit comment peut jouer à pleinsur tous les plis, à tous les nœudsdu réseau d'entraves la force déran­geante de l'esprit d'insoumission.Toute activité pratique, tout acte

de pensée, quelle que soit sa « va·leur JO propre, attend désormais etreçoit du, dehors la confirmationde son authenticité; toute activitéspécialisée peut désormais être niéepar n'importe quelle autre, dudehors' toujours: niée précisémentpar ce qu'elle aura cru pouvoirlaisser en dehors d'elle pour s'ac·complir. Premier emporté par cevent du large, le poèt~-poète estdéjà une C#lpèce disparue. Il n'estplus possible d'être philosophe, ouartiste, ou militant révolutionnaire,au amant, et chrétien. La profon­deur sans humour n'est pas pro­fonde. L'humour non libertairen'est pas l'humour. L'amour nonmatérialiste n'est pas l'amour. Ainside suite. Valéry qui méprisa leromantisme allemand est un littéra­teur intelligent, non un penseur.Tout talent est ennui, néant vif,temps tué, qui développe une fa­culté sur l'atrophie des autres :désolante fi: beauté »,' nullité dechampion olympique.

Ce schéma néglige apparemmentdeux faits majeurs, qu'il est doncjuste de prendre en exemples pourconclure. En tant que force de rup·ture, le surréalisme dans ses dé­veloppements semble n'être pasparvenu à se délester de toute mo­rale. En tant que force d'intégra­tion, il a cru pouvoir faire commesi un monde de non-musique étaitthéoriquement admissible et humai­nement vivable. Il y aurait dansle surréalisme une morale de trop,et la musique de moins.

Morale

Il est aisé de répondre à la ques­tion d'une prétendue morale sur·réaliste. Il y en eut souvent appa·rence, il n'exista jamais rien detel. L'extrême sévérité à laquelleaboutit le jeu de négation récipro­que que l'on a dit ne s'appuie suraucune considération de valeur.Elle est « objective », exprime l'ex­trême ,sévérité de la partie donttout homme qui a choisi de ne pasprendre congé a accepté que sonexistence soit l'enjeu. Il ne s'agitplus ensuite que d'être régùlierdans un jeu accepté. Si c'est làrigueur, c'est rigueur au simplesens de loi de cohérence d'un en­semble - ce qui retient la viequotidienne dé n'être que les dé­combres du temps qui passe (l'ami.tié à vau-l'eau, la tristesse étale,

tout geste humain détourné dansle sens de l'entropie universelle).A Jean Ballard qui venait de consa·crer un numéro des Cahiers du sudau romantisme allemand : a: Pour·quoi vous occupez-vous d~ ces ténè·bres, Jean, alors que nous avons iciune trinité lumineuse : le ciel, lesoleil et la mer?». C'est Valéryqui dit là très lumineusement lui·même qu'il n'était pas un penseur,ce n'est pas moi en l'écrivant plushaut. Il est vrai que cette rigueurde la chose même, parfaitementneutre, mais qui a de la ressem·blance avec une morale, certainsauteurs surréalistes se sont si bienidentifiés à elle qu'il leur est arrivéd'en donner une image inquiétante,lui prêtant voix comme si par.1aiten elle une conscience morale. Cesécarts du langage moralisant nepeuvent remettre en question lefait que tout ce ,que le surréalismea de vigueur métaphysique seconfond avec une négatia!l absoluede toutes les valeurs de morale. Ily a bien rupture, et rupture sansretour.

Musique

Qua~t à la musique. - Si je disqu'à chaque mot prononcé ü y a'Une musique qui n'est pas jouée­voulant exprimer mon horreur dudiscours qui étouffè la croissancedans la pensée de ce qui lui permet­trait de s'identifier au désir - cetteproposition, à mon sens, est d'espritsurréaliste. Quand je sais d'unepart que rien n'est plus proche del'érotique que le délire à n'en pasfinir d'une musique, même pousséed'identification engendrant l'absen·ce impersonnelle, même excès im­possiblement dirigé, même acharne·ment mis à fuir la fin recherchée,fatale peut-être, toujours illégitime(il n'y a pas de musique qui nes'accompagne de l'absolue certitudequ'ü n'y a pas de raison pour queça finisse); quand je dis d'autrepart que ce qui se cherche dansl'exercice du surréalisme est unétat des facultés où la pensée toutentière se soit véritablement faitedésir, je ne puis donner de cet étatd'image p.lus pertinente que cellede la musique.

Il est possible de dire cela encoreautrement. Musique est ce qu'il ya de plus proche du silence, ou cequi est plus silencieux que le si·

lence même. Il n'existe pas, on lesait, de silence absolu : aucunn'interrompt en effet le perpétuelmurmure intérieur, bien au contrai.re. La musique, si. Pour mieuxdire, elle coïncide parfaitementavec lui, se substitue parfaitementà lui, ou le comble : elle est demême nature que cet intarissablemurmure intérieur et coule exac.tement entre les mêmes rives; Maisil faut voir ici que le murmure oumo~ologue intérieur, source' perpé.,tuelle de pure parole, n'est peut.être pas encore le jeu absolumentdésintéressé de la pensée. Il charriedes mots, par quoi quelque chose dela pensée logicienne, de la misèredu discours, de la servilité des ha. .bitudes ne peut manquer de péné.trer en lui. Supposons-nous assezd'héroïsme pour nous priver untemps de l'assise des mots, assezd'esprit' de risque pour descendreécouter la pensée là où les motslui manquent, là où elle est la pen.sée de ce qu'elle est d'inconnu àelle-même. Au-dessous du niveaudu monologue intérieur, sourée aJ,i.mentant la source, le murmure pro­fond, dont quelque chose parvientd'ailleurs à franchir parfois le seuilde la perception, serait ie murmureparfait, et serait tout entier musi.que.

Autrement encore. Si l'exigencesurréaliste en principe illimitée s'est'apparemment, par l'exclusion de lamusique, donné une limite, on'sup­posera tout d'abord que la raisonen est que Breton ne put se résou­dre à manquer de l'assise des mots.La condamnation qu'il. porta contreelle - et qu'il ne semble pas quepersonne ait jamais contestée - nefit qu'exagérer le caractère restric·tif originel du surréalisme. De l'ex·pression musicale il dit alors qu'elleest, par opposition à l'expressionplastique, confusionnelle. De la mu­sique même, au témoignage d'An.dré Masson, il disait, pour motiverson refus, qu'elle est l'indéterminé.Motivation étrange, qui donne àpenser : car quel motif à refus est.ce là, si vous ne vous éclairez plusà la lanterne rationaliste? Bienplutôt, si Breton l'exclut en prin~

cipe, ne serait·ce p8s que la 'musi·que est déjà l'imaginaire réalisé,le lieu surréaliste par excellence, àproximité du point où le silence etla parole cesseraient d'être perçuscontradictoirement? Il est tout àfait frappant qu'aussitôt après avoirainsi rejeté la musique à « la nuit »,Breton tentant de dire ce que peutêtre le modèle. intérieur de l'œuvre

~.

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Contreun détournementde pensée

plastique tient un langage qui pour­rait s'appliquer au mieux, à quel­ques mots près, à la pensée musi­cale. Mais nous devons nous sou­venir que pour Breton, à cemoment, c'est la réalité même quiétait en jeu. Il lui importait par­dessus tout d'accroître le champ réelde toute démarche, de faire gagnerde la réalité à l'imaginaire. Pour lamusique, c'était déjà fait. En cesens, et quoi qu'il en eût, sonentreprise revenait à musicaliser leréel. Ce qui n'est pas saper peu lesassurances. Son refus lui auraitalors été dicté par une sorte deprudence vitale (comme Freud serefusant à lire Nietzsche, qu'il de­vinait trop proche de lui). Dansun texte trop négligé de 1944,Silence d'or, Breton lui-même ébau­che d'ailleurs un dépassement del'antagonisme qu'il a toujours vuentre musique et poésie, et va jus­qu'à parler d'une II. musique inté­rieure» portant et conditionnantvraisemblablement la «parole in­térieure ». Il est vrai qu'il en parleencore du point de vue exclusif dela poésie : il s'agit d'une musiqueindissolublement liée aux mots, decette musique que font les mots dela parole intérieure eux-mêmes(II. les grands poètes ont été des au­ditifs, non des visionnaires»). Tex­te d'une ouverture, d'une générosi­té admirahle cependant, d'unhomme qui prétendait ne rien en­tendre à la chose, et dont les pré­sentes réflexions voudraient êtreun prolongement.

Qu'il y ait ou non maintenantune musique surréaliste (au sensdes œuvres musicales), c'est unetout autre question, fausse questionsans doute. « Musique surréaliste »,n'est-ce pas pléonasme, si le fonc­tionnement réel de la pensée estd'ordre musical ?

En tout état de cause, si l'espritde la musique n'était pas intégra­ble à l'idée surréaliste, il faudraitconvenir que celle-ci n'est pas en­core ce qui peut conduire à larefonte de toutes les facultés enune faculté unique, à la réunionde toutes les démarches en unedémarche souveraine, dont elle afait naître l'exigence.. Exigence àlaquelle il est trop tard pour re­noncer. Question? Dionys MascQIo .

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Extraits d'un article de PaulSouday, paru le 13 novembre1924 dans fi Le Temps D, aprèsla publication du Manifeste dusurréalisme.

• Grâce aux dieux, nous avonsune nouvelle école littéraire. Avrai dire, ce n'est pas d'écoles lit­téraires que nous avons jamaismanqué; mais elle n'ont pas tou­jours produit d'aussi brillants su­jets qu'II l'eOt fallu (u.).

La nouvelle école professe lesurréalisme et M. André Bretonvient d'en publier le manifeste. Enest-II le chef? Du moins Il n'estpas seul. Avec lui sont MM. LouisAragon, Philippe Soupault, JeanPaulhan, Joseph Delteil. C'est luiqui les nomme et Il en cite d'autresdont l'énumération n'en finit pas.On refuse du monde.

En quoi consiste le surréalisme?D'après l'étymologie, Il est au réa­lisme ce que le surhomme est (ouserait) à l'homme : Il le surpasse.Mais ce n'est point assez et,d'après M. André Breton, Il le nie.• Le procès de l'attitude réalistedemande à être in~truit, dit M. An­dré Breton. L'attitude réaliste, Ins­pirée du positivisme, de Saint·Thomas à Anatole France, m'a bienl'air hostile à tout essor Intellectuelet moral. Je- l'al en horreur carelle est faite de médiocrité, deHaine et de plate .suffisance.. Onne savait pas que Saint Thomas fOtpositiviste et l'on croyait qu'Ana­tole France avait combattu le réa­lisme ·ou naturalisme contemporain.N'insistons pas 1

En d'autres termes, les person­nes qui se laissent aller à dire ouécrire tout ce, qui leur passe parla tête, font du surréalisme sans lesavoir, comme M. Jourdain faisaitde la prose.' Si j'al bien compris,c'est ce que M. James Joyce ap­pelle le monologue intérieur. Voilàune esthétique bien commode. Vousdevinez qu'elle s'appuie sur le freu­disme, l'inconscient, etc. Il s'agitd'écouter et d'.enregistrer précisé­ment les oracles surgis des pro­fondeurs de notre être, sans •. lesgâter par la logique, l'esprit cri­tique ni aucune Intrusion d'aucunesort~.

Cher Maurice Nadeau,

La lettre que nous vous envoyonsaujourd'hui et que nous serionsheureux que vous acceptiez de ren­dre publique a été rédigée. auxpremiers jours de janvier et n'avaitpas alors de destination certaine.Elle traduit les sentiments de beau­coup. Un scrupule nous a retenusjusqu'ici de la rendre publique.Le simple fait d'exprimer notreréprobation de procédés qui, tantôtselon le mouvement d'une pénibleinconscience, tantôt sous forme demanœuvre intéressée, aboutissent àun détournement de pensée, ris­quait de nous entraîner dans le jeuauquel il s'agissait précisément deporter un coup d'arrêt. Difficultéconsidérable, dont nous ne nousdissimulons pas qu'elle ne peut êtretout à fait surmontée.

Toutefois le spectacle de cettebagarre d'héritiers se disputant despensées qui nous sont amies duretrop. Il incommodait. A la longueÜ fait honte. Il va de soi que cespensées appartiennent à tous, que

Les signataires de la présentecommunication s'élèvent contrel'exploitation dont sont l'objet dedifférents côtés, singulièrement de­puis mai 68, les noms d'AntoninArtaud, de Georges Bataille et d'An­dré Breton.

Qu'avec plus ou moins de rigueurou de naïveté certains cercles in­tellectuels tentent de tirer à euxdes pensées fortes, sur lesquelles ilséprouvent le besoin de s'appuyer,avant même souvent. d'en avoiraperçu toutes les nuances, c'est làsans doute un phénomène générale­ment admissible, inévitable en toutcas. Il n'est pas tolérable en re­vanche qu'ils en viennent à réduireces pensées à jouer un rôle tactiquedans les actions polémiques où leurvolonté de croissance les entraîne.

Ces procédés se sont récemmentdéveloppés à outrance. Aux cita­tions abusives des textes s'ajoutentmaintenant celles de communica­tions privées, la relation de confi­dences, les notations affectives, les

chacun peut s'en réclamer autantqu'aucun de nous, et ceux que nousincriminons autant que quiconque.C'est pourquoi, décidant de passeroutre à la difficulté signalée, noustenons à préciser très clairementqu'à nos yeux ce qui est en questionici n'est pas la valeur intellectuellegénérale de trois noms et de troisœuvres, mais bien l'utilisation op­portuniste qui en est faite au­jourd'hui pour des besoin.s politi­ques précis.

Nous avons pris enfin le parti designer ce texte de nos quatre seulsnoms, qui ont simple valeur indi­cative. Nous espérons ainsi lui reti­rer de son caractère déclaratif, né­cessairement tranchant (mais onconviendra qu'un long travaü dequestionnement ne s'imposait pasici), toujours dans le souci de nepas donner d'extension à une 4is­pute dont nous refusons le prin­cipe même, et à l'intérieur de la­quelle nous entendons encore unefois que la condamnation que nousportons contre elle ne nous entraînepas.

anecdotes - bref, tout un prétendumatériel d'information qui n'a d'au­tre vérité que celle d'une indiscré­tion généralisée.

Plus gravement encore, les grou­pes en question se disputent à lafois la triple autorité d'AntoninArtaud, de Georges Bataille etd'André Breton et l'agrément del'actuel parti communiste français.

Nous sommes convaincus que labrutalité à laquelle on s'abandonneainsi n'est pas celle du «combatspirituel» qui la justifierait peut­être, mais, bien plus dérisoirement,celle d'une bataille d'hommes delettres.

Ils se devraient de faire passerle respect des pensées dont ils seréclament avant le souci des vic­toires qu'ils peuvent remporter lesuns sur les autres en se couvrantde ces pensées.

Marguerite Bonnet, Robert An­telme, Michel Leiris, Dionys Mas­colo.

PHILOSOPHIE Les idées majeuresde 'Husserl

Catalogue sur demande au: Editions PaJot semce Q[,106, bd S&iDt-Oermain, PAlUS 6·. .

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Pour eommeQter la genèseaB.PABIIS ~H'

Blstolre du lIexiquePréface de Jacques Soustelle 28,70'

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première, qui commencerait authen.tiquement à l'homme et bannirait deson champ tout principe transcen­dant, fût-il masqué. On pourraitalors comprendre que si la tâche dela phénoménologie est de décrireles actes essentiels, généraux, et in·telligibles d'une conscience en gé­néral (voir les pages 148-153, 181·184 et 198-199)et non pas le moinsdu monde une émotivité privée, elleest aussi, désormais, de décrire latotalité des actes de la conscience,et notamment ceux qui sont à lasource de la sociabilité en généralc'est-à-dire de l'éthique individuelleet de l'histoire politique. Phüoso­phie première devrait donc peromettre de mieux comprendre d'unepart la Critique de la raison dialec­tique, parue en 1960, et d'autrepart les œuvres d'autres phénomé­nologues qui, depuis cette date,n'ont pas forcément brandi le nomde Husserl comme un drapeau,mais doivent à ce philosophe et leurméthode et leur souci de réfléchir

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Le proeessuspSJebanalJtlquePréface du Dr Bégoin

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MARS Un monde autre: l'enfanee1971 De ses représentations à son mythe ...to,

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Soelologledes relations raelales

ordre qu'elle soit. » (p. 273). Troispages plus haut, interprétant Spi­noza avec intelligence et profon­deur, Husserl écrivait : en faisantpreuve d'un irrespect brutal, Spi­noza tente de développer une onto­logie et une théologie a-théologiqueset une éthique à partir de défini­tions fondamentales d'ordre pure­ment axiomatique et selon une mé­thode rigoureusement déductive. »

Nous commençons à percevoir unnouveau visage de la phénoméno­logie husserlienne : d'une part elleest peut-être l'une des racines sou­terraines du souci moderne pourl'épistémologie (notre texte, p. 278),et d'autre part elle justifie beau­coup plus un humanisme athéecomme celui de Sartre par exemple,que les théologies pseudo-phénomé­nologiques de Ricœur ou Lévinas.C'est dans cette perspective quele texte aujourd'hui publié sera-utile : il permettra de rappeler ceque doit et peut être aujourd'huiune philosophie authentiquement

autre terrain que celui qu'avaitchoisi Husserl? La marque de lamodernité n'est-elle pas en dehorsde la phénoménologie ?

Que s'est-il donc passé? Qu'estdevenu le public de Husserl?Qu'est devenue la phénoménologie?S'est-elle réfugiée dans les coursésotériques de Ricœur, traducteurdes Ideen; ou dans les cours plusésotériques encore d'un Lévinas?Des cours de Fribourg-en-Brisgauaux cours de Nanterre-la-Folie, laphénoménologie ne fut-elle qu'unsimple discours universitaire, morneet abstrait, séparé de l'histoire, dela politique et des intérêts vivantsdu public? N'est-elle, comme cer­tains feignent de le croire en Sor­bonne, que la description de lasubjectivité illusoire? Ne fut-elle,dans les années 50, qu'un beau feude paille, un' éclat d'or à la sortiede la nuit nazie, une promesse sanssuite ?. Nous ne pensons pas qu'il ensoit ainsi. Notons d'abord quelquesfaits. L'œuvre de Gaston Bachelardporte sûrement la marque de lamodernité, mais sa fille, l'épistémo­logue Suzanne Bachelard, traduitprécisément Husserl (Logique for­melle' et logique transcendantale).Certes, Ricœur n'est pas épistémo­logue, et parce qu'il est husserlien,il ne cesse pas d'être chrétien : oùest donc la modernité de Husserl?

C'est ici qu'on peut cerner unmalentendu, ou plutôt une mau­vaise foi et une récupération ; on liten effet, et précisément dans Phi­losophie première : «... ce qu'onpeut accorder à la théologie neconvient pas ipso facto à la philo­sophie. Celle-ci n'a pas le droit des'appuyer sur un dogme préalable,une conviction a priori de quelque

C'est Ludwig Landgrebe, alorsassistant de Husserl à Fribourg-en­Brisgau, qui réalisa la premièretranscription dactylographique àpartir d'une sténographie, du coursde l'hiver 1923-24; le titre, quiest un vrai titre, dit le programmeet le contenu de ce cours: il s'agitd'une Philosophie première, c'est-à­dire du fondement et du commence­ment de la philosophie. Le texte estsi dense, il exprime avec tant de'fermeté les idées majeures et cons­tantes de Husserl, qu'on ne sauraittrop se féliciter de l'excellente tra­duction qu'en donne aujourd'huiArion L. KelkeI.

Pourtant, cette publication nemanque pas d'être étonnante: c'estun demi-siècle qui nous sépare dumoment vivant où ce cours fut dit.N'y a-t-il pas là un retard irrépa­rable? Nous allons dire pourquoinous ne le pensons pas, mais le pro­blème de l'actualité de Husserl n'enreste pas moins posé, si l'on jetteun regard synthétique sur le mou­vement actuel des idées. Du côtédes Sciences humaines, les mouve­ments psychanalytiques semblentn'avoir été en mesure d'acquérirleur autonomie et leur féconditéque dans l'exacte mesure où ilss'opposaient à l'idée centrale de laphénoménologie husserlienne, idéeselon laquelle il y a une sciencepossible de l'ego cogito et selon la­quelle le philosophe est celui quipeut et doit jeter les bases d'unetelle science.

La polémique qui opposa il y aquelque temps Ricœur aux psycha­nalystes et aux philosophes laca­niens semble illustrer la nécessitédu divorce entre le savoir de l'in­conscient et ce qu'on appelle unephilosophie du sujet. Du côté del'ethnologie, la polémique anciennede Lévi-Strauss et Sartre sembleencore prouver (si l'on n'a pas luCritique de la raison dialectique)qu'il y a aussi une insurmontableopposition entre la science des struc­tures sociales et une philosophiephénoménologique. D'une façonplus générale ne faut-il pas consta­ter que l'épistémologie contempo­raine ou l'archéologie du savoir oula méthode linguistique manifestentune effective fécondité de laconnaissance et cela sur un tout

1HusserlPhilosophie PremièreCollection Epiméthée,P.U.F. éd., 374 p.

La Qtdnza1ne Uttéralre, du 15 au 31 mars 1971 25

~ Husserl L~enjeu

sur ce qu'est, dans l'ordre de l'exis­tence et de la pensée, le re-commen­cement.

C'est que l'influence de Husserlse manifeste beaucoup plus dans lesdéveloppements et les fruits de sapensée que dans les discours deralliement. Bachelard pratique enfait .une phénoménologie de l'ima­gination de la matière, .et il le dit.Les sciences humaines empruntent

.à la linguistique (croient-elles) l'idéede structure, mais c'est à la linguis­tique et à la phénoménologiequ'elles empruntent l'idée de signi­fication, de sens et de signes; cequi leur revient n'est que le privi­lège qu'elles accordent aux fQrmesvides, par rapport aux contenuseffectivement vécus et actualisés aumoyen des structures. Ce n'est pasnon plus un hasard si tel jeune phi­losophe de valeur, qui aime réflé­clftr sur .les signes, écrit aussi unoU~I;age sur l'empirisme de Hume:n"est-ce pas dans PhÎÙJsophie pre­mière que Husserl rappelle (p.262) : « Etant donné l'intérêt parti­culier que nous portons à l'empi­risme.» Par ailleurs, il se réfèretouj~urs à Hume et, ici, à Hume età'Locke.

La phénoménologien'est pasune orthodoxie

Certes, la phénoménologie n'estpas une orthodoxie ni un clan. Maisà prendre conscience de l'univer­selle fécondité, présente et future,de la méthode phénoménologique,on ouvrira de nouvelles sentes auxchemins du savoir, sur les champsmêmes qui sont .actuellement ex·plorés par les sciences humainesaussi bien que par la philosophie.En ayant le même souci du concretet de la rigueur que Husserl, lapensée contemporaine évitera peut­être l'obstacle prochain qui la me­nace et qui est paradoxalementle positivisme et le formalisme toutensemble. L'inconscient ne peut pasparler si le désir n'a pas de sens,et le langage est absurde et muetsi·la parole n'est pas une chair. Siron n'oublie pas le sens, on pourrabien abandonner le mot « phéno­ménologie » qui ne fera plus rien àl'affaire. Libérées des luttes de clan,toutes les disciplines pourront che­miner ensemble et travailler ensem­ble à la constitution d'une philo­sophie qui serait à la fois une vérité,un pouvoir, et une vie.

Robert Misrahi

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1Jean-Michel ReyL'enjeu des signesLecture de NietzscheEditions du Seuil, 287 p.

Le principe de l'exégèse est dé­sormais dépassé pour une bonnepart des nouveaux travaux philo­sophiques et pour l'ouvrage deJean-Michel Rey, dont la premièremarque distinctive est justement dese différencier de ceux que l'on ran­geait traditionnellement sous la ru·hrique « histoire de la philosophie ».Ou bien, disons plutôt qu'il s'agitd'une nouveUe exégèse proprementphilologique, en ce sens qu'elle seveut non pas un commentaire maisune lecture. Et qui dit ici lectureimplique une présence réelle, celled'une écriture prise dans son acti·vité vivante, voire corporelle, parcelui qui la lit. Le texte n'est plusune chose en soi, sa significationn'est plus « appréhendée»; il estpris comme un signe épais, il estpercé d'un mouvement de relancemanifestant ses deux versants :écriture/lecture.

C'est l'articulation duelle d'unepratique psychanalytique/philologi­que. Et si ce nouveau travail estuniversellement praticable, à Nietz­sche il est applicable, lui qui en ef·fet ramenait toutes les manifesta­tions écrites à des effets de condi­tions d'existence. En outre, il fautbien reconnaître que les masques,que réalise son « écriture », suppor·tent le choc et même se laissent vo­lontiers percuter, car ils se veulentpar eux-mêmes provoquants. Enfin,l'assimilation aux concepts freu·diens est aisée, car il est toujourspossible de ramener le plus aumoins : Nietzsche implique Freudet même davantage, si l'on veut bienconsidérer ce qu'il veut nous mettreen évidence : tous les « peut-être »dans la manifestation et tous les dé­masquages de sa « psychologie desprofondeurs».

Pour unecc historicité stratifiée ))

Certes, qui veut procéder au« commentaire' simple» n'avanceguère dans la lecture de Nietzsche,et tous les « nietzschéens» serontd'accord. En fait foi, un texte quime tombe sous les yeux, parmi'tantd'autres : « on doit ranger la plusgrande partie de la pensée conscien·te parmi les activités instinctives, ilen est de même de la pensée philo-

sopique» (Par delà le bien .et lemal, § 3). Jean-Michel Rey susci­tera néanmoins des réactions scan­dalisées, puisqu'il veut étreindre« le désir sans fin déplacé et idéa­lisé, sans fin réinvesti par des dé­tours inédits» (p. 12) qu'est le dé­sir inhérent au discours philosophi­que. Discours auquel est ici re·porté le processus du refoulementavec « interdit» et « castration ».Contre le commentaire stérile qui« dissimule » de connivence avec laphilosophie commentée, Jean-Mi.chel Rey tente une nouvelle prati.que pour « traiter» le texte commeil peut le mériter, contre la disqua.lification du corps, pour l'exhuma­tion d'une «historicité stratifiée»(p. 34).

« Interprétation du corps et ma­lentendu du corps », telle est la phi.losophie pour Nietzsche, ainsi quele souligne Jean-Michel Rey, et cet·te « logique de la fiction » comportetout un système d'oppositions dé·noncées par Nietzsche dont le dua­lisme âme-corps est le modèle. C'està partir de ce modèle à réduire queNietzsche cherche à « produire etmettre en scène ce qui rend possibleces oppositions » : par-delà les dua·lismes, il découvre à nos yeux, ildévoile, non pas une « vérité », maisle « procès infini de l'interpréta­tion», sa différentielle; et celacontre le désaveu pratiqué par lamétaphysique à l'endroit de ce quil'a mise en acte. La logique philoso­phique devient alors une logique dudésir, « qui n'est, écrit JeaJlooMichelRey, que l'autre nom du jeu desinstances saisi dans sa face « trophumaine ».

La philosophie des valeurs de­vient ici un réinvestissement des si­gnes, une perte de valeur : « équa-

tion où la valeur et le mot se con­fondent». Telle est cette fameuse« transvaluation» des valeurs, quin'est que l'effet du « surplomb dusignifiant» : la métaphore est uséesans être nommée jamais, Le leurrede la métaphore reste en pointillédans les textes qui suivent son tra­cé en niant ce support : Nietzschedésinvestit et déréalise le discoursainsi défini, pour finalement éclai­rer les « jeux de mots )1 que sont lesujet et l'être. Le discours métaphy­sique est donc épuisé à sa source,là même où s'échangèrent le signeet la valeur, dans un « espace théo­logique». Aussi toute présencen'est-elle que dissimulée, voilée,masquée : ainsi en est-il de la vé­rité que les philosophes ne réussi­rent pas à séduire (voir la préfacede Par-delà le bien et le mal).

Un gesteininterrompu

Non plus des « vérités», maisseulement des « lignes d'horizon denotre connaissance », mais aussi unhorizon de peu de profondeur, com­me le remarque Jean-Michel Rey,c'est à quoi aboutit la destructionnietzschéenne. Mais cette destruc·tion était en puissance dans le textemême de la métaphysique dans lamesure où « elle a en même tempseffacé son texte dans son tracé etinstitué une hiérarchie des signeset des valeurs : les deux gestes sontliés intimement et relèvent des mê·mes procédures syntaxiques et logi­ques, ils s'empruntent mutuelle·ment leurs ressources pour s'établiret se codifier ». On le voit, le véri·table « Livre du philosophe », c'estdésormais le livre désarticulé, dé·truit, vidé de ses bourdes. Entreautres, tel est le Zarathoustra qui,en tant que « livre », « peut se lirecomme la subversion totale de l'es·pace du livre, sa mise en scène quien disperse les éléments et les re­distribue suivant une autre articu·lation, suivant d'autres axes». Lelivre fait semblant de commencer etde finir, en fait il est un geste in­terrompu : il n'est que l'effet d'unprocès. Il est une inscription dontNietzsche, comme le montre nette­ment Jean-Michel Rey, veut lireles procédures d'inscription. Nousdirions ici : lire l'indicible, lire ceque le livre ne peut pas dire et dontla lecture reste cependant possible.Certes, cette lecture indiscrète del'indicible peut choquer certains,elle nous semble cependant loyale.

nietzschéenLoyauté, probité, vigilance : tel·

les sont les « qualités » queNietzsche ne se refusait pas, et quidevait le justifier de décrypter leLivre. Mais le monde n'est pas unlivre ouvert, c'est un jeu de forces.L'articulation écriture/lecture estprésente dans le Zarathoustra, eneffet n'est-il pas, comme le suggèrepertinemment Jean-Michel Rey,une scène de lecture et un théâtred'écriture? L'inscription du Zara·thoustra est celle d'un tracé dansun sillon et ce tracé s'écrit avec lesang. Nietzsche n'a pas écrit: il agravé, laissant des empreintes (sesaphorismes), provoquant, tout com·me force dans le monde, une « lec·ture productive ».

Jean-Michel Rey fait·il une nouevelle «interprétation» de Nietzsche?La nouveauté réside ici, non pasdans « l'interprétation », mais dansla « production ». En transgressantla transgression métaphysique elle­même (qui consiste à tourner la loi,à l'inscrire ailleurs) Nietzsche réa·lise l'indicible: et c'est sans doutece que tente de dire l'auteur de celivre difficile: difficile, parce qu'ildoit jouer son inscription 'pourprouver l'inscription de Nietzsche.En effet, il n'y a pas de langage pré­vu pour « faire voir », sans abuserdes signes, à la fois de décryptagedu Livre et le geste que ce livre im·plique dans la continuité du monde.Dans quel sens le livre de J-ean.Michel Rey est·il un « livre » ?Commence-t·il et finit·il ? Non, ilfait davantage en se faisant le livrede l'enjeu nietzschéen.

Dégager lacontradiction

Car, il ne s'agit pas de commen·ter le vrai et le faux, mais de déga.ger dans la gravure la contradictioninstaurée « entre les « abréviationsde signes» et les signes eux·mê·mes» (Nietzsche, La Volonté dePuissance; cité par J.·M. Rey, p.199). S'en prendre au chiffre dulangage chiffré, c'est ce qu'accom­plit cette « lecture de Nietzsche ».Mais le signe a l'habitude du« sens» : celui·ci apparaît comme« procès de dégagement hors de sesprocédures ». A la fois un résuméet un compromis, le signe reproduitl'interdit : il est stratégique. Lesens, c'est «l'effet surchargé d'uninvestissement », c'est un effet aprèscoup. Là-dessus vient l' «interpré.tation » pour recouvrir les procédu.

res économiques qui créèrent le« sens » qui est, dans le passage dela Généalogie de la Morale citéici, un « élément mobile » non pasun sens mais une « synthèse desens» : « tout le passé historiquedu châtiment, l'histoire de son uti·lisation à deS fins diverses, se cris­tallise finalement en une sorted'unité difficile à résoudre, difficileà analyser, et, appuyons sur cepoint, absolument impossible à dé­finir ». L'exégèse a donc ses ni.veaux dans l'épaisseur du signe,« ~vident ». Le sens ne peut êtreque sujet à métamorphoses sur labase d'un signifiant multiple.

Où s'inscritle leurre

L'enjeu des signes, on le com·prend, est l'enjeu des différentspoints où s'inscrit le leurre, de làles guillemets fréquents de Nietz­sche : le signifiant est alors barré.Le sens n'est que l'effet d'un telsignifiant, et il est mis en questioncomme les termes dont on peut de­mander : « de quelles forces sont­ils les représentants? Qu'est-ce quiest investi ? De quelles équivalencessont·ils l'enjeu? Quelle loi y fonc­tionne toujours déjà ? »,

On mesure toute la distance quisépare une telle entreprise de leè­ture d'une interprétation très psy­chologisante, mais intéressante ce­pendant, celle de Lou Andréas­Salomé, dont on vient de réimpri­mer le Frédéric Nietzsche (1). Eneffet, et bien qu'il ne s'agisse pasd'un commentaire mais d'un témoi­gnage amical, tout ce qu'écrit Loune pénètre pas les masques dontNietzsche se recouvre, y comprisle masque de la folie, qu'elle cons­tate sans réussir à en percer le mys­tère, qui n'est pas que psychologi­que; non plus, les métamorphosesde Nietzsche ne sont ramenées àleur véritable dénominateur com·mun. Quant au' « ,système Nietzs­che », loin d'être vu comme un sou­terrain ou comme le labyrinthe op­tique du monde, il apparaît commeune simple « histoire de son âme ».C'est à l'écriture de Lou Andréas­Salomé qu'il 'faudrait appliquer lalecture, pour y découvrir la femme.

Angèle Kreiner-Marietti

(1) Réimpression Gordon &Breach, Paris, Londres, New York.1970.

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La Quinzaine Uttéraire, du 15 au 31 mars 1971 27

1P8YCBANALYS.

Vie et mort

1Jean LaplancheVie et mort en psychanalyseFlammarion éd., 216 p.

La problématique de la sexualité,premier volet du triptyque présentépar Jean Laplanche sous le titreVie et mort en psychanalyse., com­mence par lever la confusion silongtemps et encore entretenue aù­tour de la notion d'instinct. Freudemploie instinkt pour désigner l'ins­tinct au sens traditionnel du terme,« un comportement préformé, dontle schème est héréditairement fixéet qui se répète selon des modalitésrelativement adaptées à un certaintype d'objet» (p. 20); s'il fait in­tervenir le mot Trieb, d'une valeurétymologique parallèle au précé­dent (racine: pousser), c'est, pourlui qui est si attentif aux valeursdu langage, dans le but de greffer,sur une similarité, une différence- et cette différence est, en psy­chanalyse, proprement fondatrice.La distance entre Instinkt et Trieb,,entre l'Instinct et la Pulsion, me­sure très exactement le temps et lemouvement au cours desquels lasexualité s'institue face à l'ordrebiologique, décroche de l'organisa­tion vitale, « naturelle ».

Pour décrire le mode spécifiqued'articulation de la pulsion à l'ins­tinct, Laplanche est obligé de réta­blir, encore, un autre terme freu­dien, anlehnung, qui désigne le pro­cessus capital de l'étayage : « lapulsion sexuelle s'étaye sur unefonction non sexuelle, vitale, ou,comme le formule Freud... « surune fonction corporelle essentielleà la vie » (p. 31) ; on pourrait par­ler ici d'un temps contre- : au dou­ble sens de la préposition, qualifiantaussi bien la proximité que l'oppo­sition, pour marquer ce rapport dia­lectique de la pulsion à l'instinct. Ily a un étrange « destin » des mots,de la pulsion : au lieu d'étayage(pourtant proposé, note Laplanche,dès 1923, par Mme, Reverchon­Jouve dans sa première traductiondes Trois essais), les traductionsfrançaise et anglaise ont mis en cir­culation le terme jargonnantd'« anaclitique », lequel, servant àdésigner un type de choix d'objetopposé au type narcissique, véhiculetoute une « théorie de la relation àla mère» et assume, en tout étatcie cause, une fonction idéologiquede couverture, ou d'occultation, dece moment primordial, originaire,dans la théorie freudienne, qu'est

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l'émergence de la sexualité.Si «la sexualité, tout entière

d'abord appuyée sur la fonction, esten même temps tout entière dans lemouvement qui la dissocie d'avecla fonction vitale », (p. 34, soulignépar Laplanche), réciproquement, lalogique freudienne déployée à par­tir du thème de l'excitation, en ar­rive à poser toute dissociation com­me instauratrice de sexualité, « tou­te fonction, et finalement touteactivité humaine... peut être éro­gène» (p. 39). Reste à décrire età rendre compte de ce mouvementde dissociation, de cette «légèredéviation », de ce « clinamen» àpartir de la fonction. Laplanche nepeut faire mieux, ici, que de citerFreud : « L'excitation sexuelle seproduit comme effet marginal (Ne­benwirkung) de toute une série de

processus internes dès que l'inten­sité de ces processus a dépassé cer­taines limites quantitatives» (p.40). Le recours à la quantité estune des constantes de la penséefreudienne; mais il faut bien voirque, chez lui, la quantité est tou­jours liée à des seuils, à des lignesfrontières, que leur passage, leurtransgression met à jour, à desnœuds à partir desquels s'opèrentdes bifurcations, s'effectue un sautqualitatif; elle se lit dans un sys­tème, une structure. Evoquer iciun « clinamen » emprunté à la mé­taphysique atomiste d'Epicure et deLucrèce n'est pas S4l!S danger;c'est supposer qu'une pure accumu·lation de quantité - mais cela exis­te-t-il ? - produit comme sponta­nément (clinamen 1) une transfor­mation aussi radicale que la se-

cousse sexuelle originaire.En fait, à diverses reprises, La­

planche désigne la structure au seinde laquelle le phénomène quanti­tatif peut produire son effet« L'ordre vital, dit-il, comporte cequ'on peut appeler une imperfec­tion fondamentale chez l'être hu­main, une véritable déhiscence. Cequi est « perverti » par la sexualité,c'est... une fonction débile, préma­ture » (p. 45). L'immaturité de lastructure biologique de l'hommeserait précisément le terrain propiceaux déviations, aux « aberrations »,la brèche appelant toutes les formesd'intrusion; il convenait peut-êtrede signaler à ce point la théorie dela foetalisation de l'espèce humaineproposée par Bolk et dont on saittout le parti qu'a tiré Geza Roheim.Une des caractéristiques les plusspectaculaires de cette immaturitése manifeste précisément dansl'« instauration diphasée» de lasexualité, et Laplanche montrecomment à la fois la sexualité vienttrop tard comme processus organi­que, et trop tôt comme « relationinterhumaine» (p. 77). La défail­lance des montages instinctuels chezl'homme, la « perversion » de l'or­dre vital « infesté », comme le ditfortement Laplanche, par la sexua­lité, s'expriment en processus véri­tablement constitutifs du sujet hu­main. La continuité fonctionnellequi mène du besoin à l'objet réel(de la faim au lait/sein nourricier)est rompue: perte de l'objet; l'ex­tériorisation fonctionnelle est dumême coup renversée : rebrousse­ment auto-érotique; la dé-natura­tion de l'instinct appelle l'occupa­tion du corps biologique par lesfantasmes parentaux : « l'excitationsexuelle» est vécue par l'enfantcomme « un corps étranger inter­ne» (p. 43, souligné par Laplan­che).

Poser la sexualité, au moins dansson temps essentiel d'émergence,comme perversion de l'instinct, dela « nature », comme coextensivedonc au procès même d'humanisa·tion (ou d'hominisation), c'est dé·finir le principe fondamental de ·larévolution freudienne; .on com­prend qu'à l'accusation de « pan­sexualisme » - la plus repandue ­Freud n'ait riposté « que 'de biais » :c'est qu'il va beaucoup plus loinque de « mettre de la sexualité par­tout », puisqu'il en fait l'originemême, l'originaire de, l'hommecomme tel. C'est un coup terribleet décisif porté li la vision naturelle

en psychanalyseRetour de larhétorique

(quel que soit le système qu'elleinforme, : idéalisme, vitalisme oumécanisme) de l 'homme, visiondans laquelle est « tenue », depuisPlaton, la pensée occidentale. Quele sujet de la philosophie tradition­nelle, le sujet du Cogito, soit en­traîné dans le démantèlement opérépar Freud, cela est inévitable, etc'est avec une parfaite logique queLaplanche fait succéder à la pro­blématique de la genèse sexuelleuné problématique du moi, où ildécoupe avec une extrême précisionles ,processus et fonctions du moi.D'une analyse particulièrement ser­rée et minutieuse, nous retiendronsdonc, plus ou moins arbitrairement,mais en tout cas parce qu'elles nousparaissent étroitement reliées auxrecherches théoriques actuelles, lareprise de la thèse freudienne de1895 posant, « d'emblée le moicomme n'étant pas essentiellementun sujet» (p. 113), mais préciséeet développée par Laplanche encette proposition plus pratique :«le moi est... une sorte d'objet.relais, susceptible de se donner, defaçon plus ou moins usurpée ettrompeuse pour nous, comme unsujet voulant et désirant » (p. 114) ;)a relation du moi à la « consciencede réalité », où il apparaît que lemoi « n'apporte pas un accès' pri­vilégié au réel, mais... va permettreà la réalité externe de jouer seule,tandis qu'ü va mettre hors de jeula pseudo-réalité d'origine interne »(p. 106); enfin et surtout, l'idéed'une « sorte de reprise des fonc­tions vitales, débiles et immatures,par le moi et son support libidinal »(p. 141), reprise qui rend compte,sans doute, du prodigieux acharne­ment mis à vouloir assurer l'auto­nomie du moi et l'instance transcen­dantale du sujet.

Traitant enfin, dans un troisièmemouvement, de la pulsion de mort,Laplanche écarte la tentation psy­chographique : que la guerre, lamaladie, la mort de sa fille, l'hos·tilité ambiante, aient profondémentaffecté Freud, nul n'en doute; maisune accumulation d'événements nesaurait expliquer l'opération théo­rique monumentale que constituel'inscription de la pulsion de mortdans le système freudien. Inscrip­tion préparée, certes, comme lemontre Laplanche, par maintes éla­borations antérieures. Mais la pul.sion de mort n'est pas sommationde traits - empruntés au masochis­me, au sadisme, à l'agressivité, auprincipe de plaisir, etc. - mais

bien, comme jadis la sexualité, unepièce capitale dans la constructionfreudienne, et comme précédem­ment, c'est en termes de révolutionqu'elle s'évoque. Avec Eros, Freudsemblait faire un pas en arrière :force de liaison, d'intégration, forcede vie, n'était-elle pas, écho del'idéalisme platonicien, réhabilita­tion dé l'ordre naturel et vital?Mais le Zwang freudien, son dai­mon en quelquë sorte, dont Laplan­che tout au long de son ouvragen'a cessé de suivre, avec une vigi­lance aiguë, les subtils et souventétranges cheminements, pousseFreud deux pas en avant : la pul­sion de mort renouvelle cetterupture du vital opérée précé­demment par la sexualité; maisalors que celle-ci continuait des'étayer sur la fonction, la pulsionde mort porte son attaque et s'ins­talle au cœur même de la vie,l'ébranle dans ses fondements, dansson être même - remettant ducoup en question l'existence mêmed'un être de ce nom. « Cette com­pulsion à démolir la vie » pousse àla limite - pour certains, la limitede l'absurde - « la subversion gé­néralisée introduite par la sexua­lité », pour aboutir à la propositionselon laquelle « la pulsion de mortest l'âme même, le principe consti­tutif, de la. circulation libidinale»(p. 211). C'est une proposition qui,littéralement, donne à penser : peu,à ce jour, s'y sont risqués.

Redistribuant, selon trois axes ca­pitaux - la sexualité, le moi, lamort - la riche et complexe pro­duction de concepts freudiens, JeanLaplanche accomplit l'exploit intel·lectuel (la passion y est incluse) delivrer en deux cents pages limpides,non seulement une lecture/analyserigoureuse de quelques ensemblesfreudiens fondamentaux, mais en­core le dessin des lignes de forceinconscientes qui commandent cesensembles et les transforment. Enun temps où des tas de petits pou­cets chaussent à la six-quatre-deuxles bottes de sept lieues de la théo­risation, Vie et mort en psychana­lyse fournit la preuve que, pour lapensée freudienne définie commemode original d'intrication de l'ex·périence et de la théorie, l'abordhistorico·structural pratiqué par La­planche est une des voies les plussûres et les plus efficaces pour sai.sir l'ampleur et l'audace de la perocée prati~théorique de Freud.

Roger D'adoun

l A. Kibédi-VargaRhétorique et littératureDidier éd., 235 p.

La rhétorique occupe une placeprépondérante dans l'analyse du dis­cours : les rhéteurs sont parmi lespremiers précurseurs du structura­lisme en littérature. L'idée que l'am­vre d'art verbale obéit à des règlesde construction strictes et inélucta­bles qui, de par leur nature même,imposent des limites à l'arbitrairede l'inspiration, n'est pas étrangèreà cette conception artisanale de lalittérature, développée, par exem·pIe, par Barthes, dans le Degrézéro de l'écriture.

Les vieuxprincipes

Professeur de français à l'Uni­versité d'Amsterdam, M. KibédiVarga, auteur d'une thèse remar·quée sur l'essence de la poésie(Les constantes du poème), a mis àprofit les explications de texte qu'ilavait été, amenées à conduire avecses étudiants pour « 'établir des rap­ports entre la rhétorique et' l'œu­vre littéraire et montrer le profitque l'étudiant, l'amateur et le criti­que peuvent tirer de la connaissan­ce de la rhétorique, au moment oùils abordent l'étude des structureslittéraires» (p. 15). Laissant decôté les références aux grands au­teurs de l'Antiquité et du MoyenAge, il se borne à exposer les pré­ceptes tels qu'ils ont été enseignéset pratiqués en France à l'époqueclassique. Il ressort de cet ensei·gnement que les trois genres de larhétorique (le démonstratif, le déli­bératif et le judiciaire) correspon­dent aux principaux besoins del'homme, ils « enferment et com­prennent tout ce qui se passe parmiles hommes dans le commerce de lavie civile, et ce qui regarde leurbonheur dans cette vie et dans l'au­tre » (Le Gras, La Rhétorique fran­çaise, Paris, 1671). On reconnaîtici le souci de nos structuralistes deramener l'apparente multiplicitédes phénomènes à un nombre res­treint de principes et d'unités. Avecprudence, Kibédi·Varga proposeune analogie entre les distinctionsque les traités de rhétorique établis­sent pour définir les trois genres dudiscours et celles qui servent d'ha­bitude à définir les. trois genres lit·téraires : le genre épique, le genre

lyrique et le genre dramatique : lelyrique et l'épique se rattachent audémonstratif et le genre dramati·que n'est pas sans analogie avec ledélibératif et le judiciaire, cepen­dant que certaines formes moder.nes du genre épique, certaines caté·gories modernes du roman, relè·vent peut-être également du délibé·ratif. Parmi les cinq parties de larhétorique : l'inventio, la disposi­tio, l'elocutio, la memoria et la pro­nuntiatio, les deux dernières concer·nent respectivement les méthodesd'apprentissage par cœur des texteset l'utilisation de la voix et desgestes appropriés pendant la repro­duction orale du discours.

Selon la définition de la Rhéto­rique et les r~gles de l'éloquencede Gibert, Paris, 1730 « quelquesoit le sujet que l'orateur ait à trai­ter,... il faut d'abord qu'il chercheles moyens de persuader ce qu'ilavance. Il faut ensuite qu'il don­ne un ordre aux moyens qu'il a ju.gé convenables à son sujet; il faut

,enfin qu'il sache énoncer chaquechose selon son importance ou sadignité» d'où les trois parties :l'Invention, l'Ordre et l'Elocution.Kibédi-Varga n'étudie que les deuxpremières catégories qui concernentdirectement les rapports entrestructures théoriques et structureslittéraires, pour souligner que« l'étude de l'argumentation logi­que est plus importante que celledes passions ; mais... persuader veutdire tout aussi bien toucher queconvaincre. C'est que, en dernièreanalyse, la rhétorique est un art dela communication humaine; l'au·diteur-récepteur est au centre del'intérêt ».

La rhétorique,point de départ

On ne peut ne pas être frappé parla ressemblance entre la préoccupa­tion des rhéteurs de donner des « re·cettes» efficaces pour une cuisinediscursive et l'insistance de certainscourants de la linguistique modernesur le déterminisme des structureslinguistiques, sur le côté systémati­que des langues et, partant, des œu­vres littéraires, sur les règles quiengendrent, qui « génèrent » le dis­cours. Dans la troisième partie deson ouvrage, Kibédi-Varga abordele fond du problème : les rapportsentre rhétorique et littérature.

Il analyse d'abord la rhétoriquecomme point de départ de la litté-

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La QuIDzaJne Uttéra1re, du 15 au 31 mars 1971 29

~ Rhétorique

rature .et se demande comment lalittérature s'y conforme: toute œu­vre littéraire est défiirle par rap­port à l'une des trois situations enrhétorique ; après quoi Kihédi-Var­ga étudie les rapports de la littéra­ture avec les autres parties princi­pales de la rhétorique : l'inventionet la disposition. Travail prélimi­naire, souligne-t-il, et forcément in­complet : la démonstration de l'au­teur ne porte que sur quelques tex­tes littéraires des siècles classiques :trois poèmes lyriques, deux tragé­dies. Il met d'ailleurs en garde con­tre les difficultés d'étendre unetelle tentative au-delà du XVIIIesiècle : la rhétorique correspond auclassicisme : la littérature romanti­que est née du refus à la fois duclassicisme et de la rhétorique;l'analyse de la littérature modernene pourra être entreprise dans cetteperspective que lorsque la critiquemoderne aura corrigé les défauts dela rhétorique classique.

Retourde la rhetorique

Dans un dernier chapitre, l'au­teur trace les perspectives d'unetelle recherche. Le retour actuelà la rhétorique est peut-être l'abou­tissement d'un processus dialecti­que : les conditions de la productionlittéraire ont changé; l'écrivain saitinieux à qui il s'adresse, les opposi­tions du genre «extérieur-inté­rieur» et «objet-sujet» sont enpasse d'être abolies grâce aux pro­grès des sciences humaines, unerhétorique nouvelle et synthétiqueest en train de naître avec unchamp d'application bien plus vasteque n'était celui de la rhétoriqueclassique. La littérarité n'est pasune affaire de sujet; la véritablefin de l'œuvre est l'écriture, le lan­gage est une combinatoire, l'histoiredevient une «.disposition » au sensrhétorique du terme, du passé.L'ouvrage se termine sur une noteoptimiste: « on est en droit d'espé­rer que la critique littéraire d'au­jourd'hui réussira à créer une scien.ce de la littérature qui sera une rhé­torique assouplie et enrichie, per­mettant de rendre compte de toutesles structures internes, riches etcomplexes, de l'œuvre littéraire, etqu'elle réussira ainsi d'une manièreplus générale là où l'esthétique clas­sique a échoué ».

Georges Kassai'

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COLLECTIONS

Les collectionsde Maspero

On ne peut qU"applaudlr aux effortsfaits depuis quelques années par lacollection • Bibliothèque Soclallste-,aux éditions Maspero, qui, sous la dl·.rection de Gérard Haupt et dans undomaine sans doute pal'tlouller, malsdont nul ne saurait aujourd'hui contes·ter l'Importance: celui de l'histoiredes mouvements socialistes, a entra­pris de mettre àla disposition desétudiants, des chercheurs, des mlll·tants ou, tout simplement, des lec·teurs Intéressés par ces problèmes,des ouvrages tenus occultés en Fran­ce pour des raisons diverses quoiqueconsidérés, dans le ·reste du monde,comme de grands classiques.

C'est ainsi qu'après plus de qua­rante ans, le public français va enfinavoir accès à la célèbre biographie deMarx par Franz Mehrlng, parue enAllemagne vers 1928 et qui. de l'avisde tous les spécialistes, reste avecla Vie de Karl Marx par Boris Nico­laievskl et Otto Maenchen-Helfen, ré­cemment réédité chez Gallimard, l'étu·de la plus complète et la plus sOreque l'on possède sur le grand penseursocialiste

Cette première traduction françaisede la Vie et l'œuvre cie Karl Marx,par Franz Mehrlng paraîtra, commetous les livres de la série, avec unImportant appareil critique. Précisonsqu'II n'aura pas fallu moins de cinqannées au traducteur, Gérard Bloch,pour mener à bien son entreprise. Lefait mérite d'être souligné car Il peromet de mesurer la difficulté d'un teltravail et Illustre bien l'esprit d'unecollection dont le souci est moins derépondre à des impératifs de circons­tance qu'à ceux d'une conception exl·geante de la recherche scientifique.

Travail de longue haleine aussi quecelui de la mise au point de la biogra­phie de Rosa Luxemburg par P. Nettl,à paraître én 1971, et dont on n'a pashésité à reprendre la traduction ­d'abord entreprise d'après l'originalanglais - après la parution de ia ver­sion allemande de l'ouvrage, remaniéepar l'auteur peu avant sa mort etconsidérablement augmentée par sessoins - Il est Intéressant de noterà ce propos que, par un curieux ra­tour des choses, certains autres titreset, notamment, l'Accumulation du ca­pital de Rosa Luxemburg (rééditédepuis peu dans la • Petite CollectionMaspero -). ont été en revanche tra­duits à l'étranger d'après la versionfrançaise.

Parallèlement à ces· classIques dela littérature socialiste, présentés pourla plupart dans leur première traduc­tion française ou, tout au moins, dansune traduction Inédite, la • Bibliothè­que Socialiste - poursuit deux autresobjectifs.

Le premier est de publier des docu­ments de base pour l'histoire du mou­vement ouvrier français et Internatio­nal en ce qu'Ils nous donnent, à l'étatbrut, le témoignage de ceux qui enfurent les principaux artisans, tout ennous proposant d'autre part, grâce àune longue présentation et à un abon·dant appareil de notes, des élémentsd'Interprétation sur les problèmes quise posaient en ce domaine au d6but

du siècle et qui, souvent, se posentencore dans lès mêmes termes aujour·d'huI.

C'est dans cette optique que JeanMaitron et Colette Chambelland nousprésentent, sous le titre de Syndica­lisme révolutionnaire et communisme,les archives de Pierre Monatte, fonda­teur de • ta Vie Ouvrière -, grandefigure du syndicalisme français, quiparticipa à la fondation du Parti com­muniste et dont les rapports avec lemouvement communiste (II démission­na de ses fonctions au Comité direc·teur du Parti en 1924) éclairent d'unjour nouveau l'histoire présente etpassée du syndicalisme révolution­naire.

Conçu selon la même démarche,les Bolchévlks et ta révolution d'octo­bre, où se trouvent rassemblés lesprocès-verbaux des réunions du Co­mité central du Parti Bolchévlk entreavril 1917 et février 1918 (présenta­tion de Giuseppe Boffa) , met en pleinelumière le rôle joué par Lénlné,Trots1cy, Staline, Zinoviev, Kamenev,Boukharine, etc., aussi bien dans leursdécisions collectives que dans leursaffrontements parfois critiques.

Citons également les BoIchévlks pareux-mêmes, où Gérard Haupt et Jean­Jacques Marle ont réuni cinquantearticles concernant les grands diri·geants du Parti Bolchévlk, extraits dela Grande Encyclopédie Soviétique pu­bliée en 1924, articles qui, pour la plu­part, étalent autobiographiques et queles présentateurs se sont attachés 11compléter dans la suite des événe:­ments, en précisant ce que sont deve­nus les protagonistes dans le coursde l'histoire soviétique; Militarisme,guerre ·et révolution, choix de textesprésentés par Claudie Weill et traduits

LES REVUES

Annales (1970-4) présente un dos­sier d'une grande richesse sur le thè­me • Histoire et urbanisation -, où fi­gurent notamment des études sur lesvilles américaines et soviétiques, etune mise au point de F. Choay surl'histoire et la méthode en urbanisme.

Sociologie du Travail (1970-4) traiteégalement de l'urbanisme, mais cettefOl!! dans sa dimension politique (voirpar exemple • La commande publiqued'architecture - de J. lautman et Ray­monde Moulin).

Contrepoint, revue créée l'annéedernière (16, rue de la Granga-Bata­11ère, Paris-go), traite dans son n° 2de l'Union Soviétique. A signaler par­tlculièrement: des extraits du Pro­gramme du Mouvement Démocratiquede l'U.R.S.S. (Boris L1tv1noff), et deuxtextes d'Alain Besançon et FrançoisFejto.

Economie et Soclét6s Onstltut deScience Economique Appliquée, diri­gé par F. Perroux) : le n° 10 contientla troisième livraison d'un ensembleconsacré au saint-simonisme. Le thè-

de l'allemand par Marcel Ollivier, etqui constituent un tableau d'ensemblede l'œuvre de Karl Liebknecht danstous les domaines de son action poli­tique. 'Enfin, parmi les ouvrages enpréparation, figurent la C0rrespondan­ce en deux volumes de Rosa Luxem­burg qui, dans le cas d'un accueilfavorable, Inaugurera une série consa­crée à la correspondance des grandesfigures du socialisme; les Mémoiresde N. Roy, communiste Indien à la per­sonnalité singulière et qui fut le pre­mier militant asiatique à jouer un rôlede premier plan au sein du Komintern ;une Vie révolutionnaire de CharlesRappoport, écrivain socialiste d'originerusse (auteur, notamment, d'une bio­graphie de Jean Jaurès), qui, émigréen France, participa à la fondation duParti communiste français dont Il dé­missionna en 1938, lors des derniersprocès de Moscou, ainsi qu'II s'enexplique dans ces Mémoires.

Le troisième volet de ce triptyqueautour duquel la • Bibliothèque Socia­liste - entend de plus en plus articu­ler sa production, est représenté pardes ouvrages de réflexion théoriquequi mettent l'accent aussi bien surdes aspects cruciaux que sur desaspects négligés de l'histoire du mou­vement ouvrier.

Actuellement sous presse, AlfredRosmer et le mouvement ouvrier inter·national, par Charles Gras, retrace auplus près, à travers la vie de ce syn­dicaliste qui ,fut rami et l'exécuteurtestamentaire de Trotsky et se séparadu Parti communiste dont il avait pour­tant été un des fondateurs, l'histoiredes mouvements oppositionnels aucommunisme, de la veille de la pra­mière guerre mondiale aux années 30.

Aclélliide Blasquez

me général: les Influences exercéesà l'étranger. Une étude se détachepar son caractère singulièrementactuel, celle de J. Walch • Le Saint­simonisme et les grandes entreprisesdu XiX· siècle.•

EsprIt (décembre 1970) : deux arti­cles, très différents de ton, sur l'ensei­gnement. Ivan illich, qui fut membrede la communauté religieuse mexi­caine de Cuernavaca, poursuit sonœuvre de démolition de l'école, qu'IIaccuse d'être responsable de la socié­té de consommation; Antoine Prost,de son côté, passe au crible d'une cri­tique sans complaisance La Repr0­duction de Bourdieu et Passeron.

population et Sociét6s est un bulla­tin mensuel de 4 p'ages, édité par l'Ins­titut National d Etudes Démographi­ques, qui renferme une quantité consi­dérable d'Informations sous un volumerestreint. te numéro de décembre ytraite des perspectives de populationà long terme, et du caractère peu réa­liste de • croissance démographiquezéro • dont on parle beaucoup actuelle­ment aux U.SA., et pas seulementdans les milieux contestataires.

Les bons usages

La Q1dnza1ne UttéraJre, du15 au 31 mars 1971

1BertolucciLe conformisteBonaparte . Cinémonde opéraElysées"· Lincoln 1 . Marbeuf

IsautetMax et les ferrailleursDanton - MarignanMontrouge • Richelieu

Bien que leurs mobiles soientdifférents, provocation et pari pourBertolucci, habitude professionnellechez Sautet, le Conformiste et Maxet les ferrailleurs s'enferment vo­lontairement dans les limites etles règles d'un sytème commercial.Ils sont conformes et Bertolucciétait certainement fort conscientde la coïncidence et de ses retom­bées. Les restrictions ainsi accep­tées et une fols établies, Il estcurieux de voir comment les au­teurs s'en accommodent, commentils utilisent les lois du succès fi­nancier, les règles de la fabrica­tion et jusqu'à la convention durécit pour tenter d'en dénaturerl'objet, faire en sorte que la réall·sation ne coïncide plus avec sonprojet, s'appliquer pour que labeauté et l'Intelligence du produitsoient les signes les plus visiblesde cette disparité.

Une libreadaptation

L'adaptation du Confonnlste fn­troduit quelques différences. Ellesvont du retrait à l'ajout en passantpar la variation et ont toutes leurintérêt, mais Il faut retenir d'abordla nouveauté qui a trait à l'organi­sation même du récit. Elle· est laplus manifeste et aussi la, plusfertile. Bertolucci transforme le ro­man linéaire de Moravia· en unemultitude étagée de retours sur lepassé. Tandis qu'II suit en voitureson ancien maître libéral pour êtresOr qu'II tombera dans le guet­apens qui lui est tendu, un profes­seur fasciste se rappelle, en undésordre calculé, les événementsqui, pour lui, expliquent le présentde l'année 1938 et que ce présentordonne et fige.

Ces rappels sont autant de vi­sions qui se signaient, au contrairedes brumes dont se pare d'habitudela mémoire, par leur netteté. Cha­cune est construite autour d'unthème moins analogique qu'esthé­tique. Le souvenir, pour Bertolucci,

est un objet d'art. Le passé estmontré comme si le héros n'enavait retenu que des perspectives,des meubles et des papiers peints,où"'se disposent les reliques déco­ratives des années trente. La cou­leur, traitée en dominantes mono­chromes, concourt à cette orne­mentation où le mouvement ne veutplus· apparaître que comme unebeauté parmi d'autres. Un envol defeuilles mortes, admirable, est sui­vi dans son élan. Il annnexe lascène et l'enferme dans l'admira·tion même. Il n'est jusqu'à la « phi­losophie -, où une référence « miseen scène - au mythe de la caverneest plus crocéenne que platoni­cienne, d'époque donc, qui n'appor-te son glacis. .

L'avantagedu procédé

L'avantage Immédiat du procédéest de régler son compte au psy­chologisme de Moravia qui, spé­cialement dans ce roman, apparaîtcomme la conséquence lointained'une Inspiration sartrienne. Perdudans l'analyse des sèntiments, di­lué dans la recherche des mobileset dans le cheminement des pen'·sées, le roman est comme le refletanachronique et déformé de l'En­fance~d'un chef. Lé film abandonnecette obsession de la causalité in­térieure et laisse avec elle uneinterprétation qui relevait d'unepsychanalyse mécaniste. L'ambi­guïté sexuelle était une clé dulivre, où Marcello, torturé par saféminité latente la combattait, pré­cisément, par la. conformité. Lavoici réduite et tr~nsformée enune collection de phantasmes. Ber­tolucci a prêté le meilleur de sontalent à produire, avec une préci­sion attentive et un souel presquemaniaque de stylisation, les scènesérotiques de 80n film. Le Confor­miste est un album de hantises.La scène où Trlntlgnant observeDominique Sanda caressant Stefa­na Sandrelli et où sa présence estdevinée par la plus avisée desdeux partenaires est caractéristi­que de ce fétichisme par l'Image.

Toutefois Bertolucci ne sembleguère conscient de ce que, en dé­daignant la psychologie surannéede Moravia, Il prive son récit de sasubstance politique-. Le psycholo­gisme n'était pas une simple sou­mission à un romanesque désuet, Ilétait polémique. S'adressant à la

Romy Schneider et Michel Piccolidans c Max et les ferrailleurs _.

bourgeoisie fascisante ~e l'Italie,dans les années 60, Moravia luioffrait, comme Sartre en Francevlngt-clnq ans avant lui, une ImageInquiétante de ses malformationsmentales. Dépouillés de cette ré­flexion agressive, les épisodes sevident aussi de leur sens. Ils nesont plus que prétextes à esthé­tique Ingénieuse et brillante, oùles figurants même ne sont quepassants imperturbables, automa­tes esclaves du décor, même s'Ilsaccompagnent les héros en chan­tant l'Internationale. Le marxismedont se réclame l'auteur suit lesort commun. Privée de cette fic­tion Intérieure, la grille gramclste,sans laquelle l'opposition du maî­tre, traditionnel, et du disciple,« organique -, est peu intelligible,devient une référence abstraite àpeine perceptible.

Le récit enfin pâtit de la règlequ'II" s'est donnée. Tant que leprésent sert de support au jeudes retours et des évocations, laforme est équilibrée et belle. Maislorsque, vers la fin, le passé estabandonné définitivement au profitde la seule actualité, l'intérêt, l'uni­té et le style fléchissent d~un seulcoup. Un double crime dans uneforêt, où Dominique Sanda s'écrouleavec la grâce d'un animai blessé,donne au film son véritable dénoue­ment. Au-delà le propos ne faitplus que survivre, de fausse finen fausse fin, dans l'uniformitéd'un" aujourd'hui où la beauté desformes ausl\1 bien que l'Inventiondes gestes, lorsqu'elles apparais­sent néanmoins, ne parviennent pasà trouver leur place ni à fonder "leurs prétextes.

Tandis que Bertolucci engage unpari condescendant avec le commer­ce, Claude Sautel. professionnels'II en est, joue systématiquementla partie. Max et les ferrailleurs estun film français. Il renvoie toutentier au style, aux lieux et auxhéros de ce cinéma. Les postes. depolice, les chambres, les bistrots,de même que les policiers, lesputains et les petits chapardeurs,appartiennent à la familiarité de samémoire. Sautet, en allant cher·cher ses héros dans le lumpenpro­letariat et en négligeant la modeplus récente où fleurissent lestruands évolués chers à Melvilleet autres, renoue avec le passé dela pôésie banlieusarde et du voyouanarchisant. Il revient à ce cinémadont Bertrand Tavernier ,écrivait :"cet art bourgeois d'avant-guerrese définit beaucoup plus nettementpar rapport à son public (qui levoit ou qui inspire l'auteur) quela plupart des œuvres modernes -.(Positif, n° 117, p. 52).

Le monde de((Max et les ferrailleurs»

Le monde de Max et les ferrall·leurs est, selon le prédicat balza­cien, « probable - (<< il est utile defaire observer ici que, d'abord,l'historien des mœurs obéit à deslois plus dures que celles qui ré­gissent l'historien des faits; il doitrendre tout probable, même levrai -. Les Paysans). Il est conduitpar des décrets stricts, tradition­nels, de cohérence et de bol"! fonc­tionnement qui seuls peuvent enassurer la vraisemblance. Sa per­fection ne peut être que classique.L'émotion même que provoque lesamours impossibles et déchiréesde Max et de Lily, aussi bien quele' meurtre final, absurde, par le­quel le policier veut se perdre dansle mal qu'il a enfanté, cette sensi­bilité et cette' morale concourentà la solidité de l'édifice.

La perfection de Max est aussiun achèvement. La cohérence est lacondition nécessaire imposée parla suffisance de son propos cri­tique. Elle en est à la fols le res­sort et le frein. L'intrigue est éta­blie sur une machination. Elles'articule autour de la connaissanceou de l'ignorance des personnages(Max connaît Abel, Abeli connaîtLily, Max connaît Lily, mals-Abel nesalt pas que Max connaît~Lily etLily ne sait pas que Max connaîtAbel). Elle est encore, sur le ton

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~ Cinéma Le théâtre à Parisdu tragique, le rappel d'une méca·nique éprouvée, les engrenages duvaudeville. Et c'est assemblée se­lon les lois de cette architecturer~slduelle qu'apparaît, avec uneévidence qui refuse les pièges etles facilités d'une thèse qui seraitsimplement surajoutée ou, à l'in­verse, illustrée, la dénonciation. Lerécit de Max souligne une doubleobsession policière, la hantise duflagrant délit et, corrélative, lerecours à la provocation.

L'un et l'autre se dessinent d'au­tant plus nettement qu'ils sontcomme éclairés par la fiction qu'Ilsaccompagnent. Ils sont des prin­cipes complémentaires, indispensa­bles, tolérés voire favorisés par lahiérarchie et dont une affaire ré­cente, par une coïncidence- remar­quable, a "montré le pouvoir. Lamise en cause, et c'est une consé­quence directe de l'affabulation,reste néanmoins inachevée. Elledemeure plus individuelle que col·lectlve, plus morale que politi­que (1). La fiction la déplace surle terrain de l'intelligibilité pure,sinon du débat académique, où lanetteté du dessin ne garantit pastoujours sa précision, mals ne l'af·faiblit pas tout à fait. Max estl'arrière petit-fils dégénéré de Ja·vert, le produit d'une police assu·rée de sa réalité et de son Indé­pendance, donc de son droit sinonde sa justice. SI le film la montredistincte de l'Etat, Il faut aussisavoir qu'elle se veut telle et quela critique Inscrite dans la peinturerejoint la critique de ce projet.

L'ambition, chez Sautet, est plusdissimulée que chez Bertoluccimals sans doute plus ample. La sor­tie quasi simultanée des deux filmspermet de les opposer comme unart de l'homogénéité à une exploi­tation décorative du discontinu.Mais l'un et l'autre doivent aussiêtre retenus comme des tentativesnon négligeables, inégalement heu­reuses, résolues et explicites, dansl'usage d'une forme et de moyensqui sont trop souvent considéréscomme des contraintes ou des mo­tifs de mépris.

louis Seguin

(1) Lors de ses débuts, Claude Sautet.prit pour • héros ., dans Chisa. tous ris­.... un truand ex-tortionnaire de la Gesta·po. Il Ignorait certainement cette particu­larité, mais cette ignorance montre assezles dangers Qu'il y a à prendre, sans vouloirtrop réfléchir. le parti du • vécu. contrela • théorie •.

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Après le dur régime Imposé à lacritique, conviée parfois à deuxspectacles le même soir et misedans l'impossibilité de couvrir cor­rectement l'actualité théâtrale,c'est' le calme plat qui s'annonceavant la traditionnelle morte-saisonde plus en piuS' étalée et que neviendra probablement pas meublercette année un véritable Théâtredes Nations toujours moribond etdont personne ne sait ..:..- ce qui estscandaleux- ce qu'II sera.

Madame Jonas dans la Baleine,de Barjavel, qui passe de la science-

Une scène de c Sucre d'orge-.

fiction à l'affliction, Pauvre France,de l'ancien secrétaire de Sartre,Jean Cau, saisi par la débauche etsauvé par Jacques Fabbri, Du côtéde l'autre, d'Alan Ayckbourn, quia certainement mis à côté, et leClient, de Jean-Claude Carrière, quiest peut-être un auteur mais pasencore un metteur en scène, aurontdu mal à tenir le haut du p6vé auBoulevard. Quant aux rares tenta·tives des jeunes animateurs, ellessont apparues plutôt Inabouties etparfois même franchement man­quées.

Il faut que le Sycomorecoule.Néanmoins, Jean-Michel Ribes,

auteur et metteur en scène, auThéâtre de Plaisance, d'un specta­cle un peu fou, ambitieux et limitéà la fois, est parvenu à ses finspremières: dire en deux heures cequ'à vingt-quatre ans il porte dedésenchantement et, malgré tout,d'espérance, dans un monde où,

renvoyant dos à dos idéologie op­pressive et bureaucratie répressive,la place de l'homme, prisonnier delui-même, ne lui sembJe pas juste­ment occupée. A coups de calem·bours, comme dans ses Fraisesmuselées, toujours à l'affiche auKaléidoscope, de formules hâtiveset parfois trop lapidaires, maissurtout grâce à une maîtrise dansl'orchestration de l'espace scéni­que éclaté qui n'affaiblit pas pourautant un humour propre au caba­ret, il parvient avec Il faut que leSycomore coule à dessiner sa para-

bole même s'il lui arrive de s'yempêtrer. Son. Sycomore - flottemals ne coule pas. Faut-il le regret­ter?

Les Chroniquescoloniales.Au théâtre de la Cité internatio­

nale, le nouveau spectacle de Jé­rôme Savary et de son Grand MagicCircus, toujours habité de • sesanimaux tristes -, tient, quant à lui,du cabaret, du cirque et de la po­chade de. normalien. Cette fois,c'est l'histoire de • Zartan, frèremal-aimé de Tarzan JO qui nous estcontée à travers ces Chroniquescoloniales. Je ne vous raconteraipas l'histoire que vous devez ima­giner en vous remémorant les ban­des dessinées de votre enfance.Du reste, un spectacle de JérômeSavary ne se raconte pas telle­ment : il participe d'un état d'es­prit et surtout de l'envie, pour luiet ses acteurs, de s'amuser et,tant mieux si le public y trouve

son plaisir. Tout cela est un peudébridé, truffé de gags heureux,de tendresse et de vulgarité assu·mée. \1 arrive même que la poésie,au-delà de l'Inévitable • tableau nuvivant -, entre par effraction. Etl'ennui et la bonne humeur s'entre·mêlent. Mais faute d'auteur, etparce que Savary ne veut pas seprendre au sérieux, l'Impressiond'un talent gâché et fourvoyé de­meure quand les lampions du balpopulaire, soutenu par la fanfare dutreizième arrondissement, s'étel·gnent. L'homme-orchestre qu'estSavary est un auteur manqué malsun grand animateur. Ne pourrait-IIpas devenir un metteur en scènesingulier?

L'Indien cherche le Bronxet Sucre d'orgeC'est probablement ce qui a man·

qué le plus au théâtre de la Gaîté­Montparnasse. Un auteur américain,inconnu en France, y faisait sesdébuts avec deux courtes pièces(une troisième, Clair-obseur y étantprésentée à 23 heures) : L'IndIencherche le Bronx et Sucre d'orge.Michel Fagadau n'est jamais par­venu à faire prendre consistanceà l'entreprise. Mais peut-être n'est·il pas seul responsable?

Il n'est pas sûr qu'Israël Horo·witz, du reste bien traduit parLaurent Wesman, ait quelque chosede neuf à dire : 1\ y a quelquesannées, Edward Albee avait su.dans Zoo story, sa seule bonnepièce, cerner la cruauté d'un mon·de implacable, l'abêtissement desgens et, surtout, l'impuissance ren­trée et l'angoisse tragique de ceuxdont la peur de mourir est moinstorte que leur horreur de vivre. Ici,deux voyous désœuvrés, dont lasilhouette est mal dessinée, s'In­génient à martyriser un Indien perodu, renc.ontré par hasard dans larue, tandis que dans Sucre d'orge,deux étudiants jouent sérieusementà se rêver autres. Ce n'est pas trèsoriginal comme thème, surtout dansle théâtre américain d'aujourd'hui :outre Albee, il y a eu égalementShisgal, par exemple, que LaurentTerzieff, qui joue avec Colette Cas­tel, Marcel Dalio et Philippe Ogouzces deux pièces, avait révélé na­guère. A part Dalio, dans le rôlemuet de l'Indien, personne nesemble à l'aise dans ce spectacle.Peut-être parce que cela a déjàété mieux dit.

lucien Attoun

MUSIQUE

G.R.M.71Après la grisaille d'un automne

peu fertile en découvertes, ce moisde février restera, pour nos oreil­les soudain assaillies de toutesparts, celui de la fonte des glacesde la routine.

Transformée, autour d'un énor­me appareillage électronique, encabine spatiale, la petite salled'écoute perdue dans les profon­deurs du Musée d'Art Moderneaura en effet vu en ce mois s'ac­complir par quatorze fois le mons­trueux accouplement de PierreHenry et de son • corticalart. :spectacle aux limites de l'insoute­nable que cet humain grassouilletet d'apparence paisible branché parélectrodes au corps informe d'unemachine, le Corticalart, inventé parRoger Lafosse à des usagesd'abord purement· scientifiques.Ainsi recueillies à même son cer­veau et transformées par troisgénérateurs électroniques en émis­sions sonores, les ondes électri­ques émises par son activité men­tale (ondes alpha du repos, betade la concentration et artefact desphénomènes oculaires) se trouvè­rent sur-le-champ réutilisées parPierre Henry en une improvisationen plusieurs temps, crachements,éclatements, vibrations complexes,longues oscillations et chavire­ments brusques après d'assourdis­sants • cr~scendl ., le tout sur fondrythmique lancinant et mixé surl'instant avec des bandes électro-)niques toutes préparées.

D'une extrême densité sonore etrendus plus saisissants encore parleur origine encéphalique, ceseffets (parfois beaux) ont parait-ilmené Pierre Henry au bord de l'hyp-'nose et du dédoublement psychique,ce. qui ne l'a pas empêché de. pro­longer l'expérience de deux séan­ces supplémentaires : qu'il. en soità la fois la caisse de résonance,l'archet. l'exécutant et le chef d'or­chestre, la tête pensante et lavictime consentante, symbolisesans doute une étape futuriste dumythe d'Orphée, mais d'un· Orphéeaux Enfers de la machine et capa­ble de succomber comme quicon­que aux surenchères publicitaires.

Moins spectaculaires, sans dou­te, mais généralement moins éprou­vantes, les Joumées-Rencontre or·ganisées à cinq reprises par leGroupe de Recherches de l'O.R.T.F. permettaient de dresser, enune approche de jour en jour pluspanoramique, le bilan riche et va-

rié des expériences, des recher­ches théoriques ou des créationsachevées auxquelles se sont atte­lés, en trois ans de quasi-retraitelaborieuse, les émules de PierreSchaeffer. A la fols souhaitée etredoutée par ces exp~rimentateurs

soucieux cependant de • donner àentendre. en musiciens les riches­ses longtemps insoupçonnées dumonde sonore total, cette prise decontact décisive avec le public né­cessitait une organisation sans fall·les (à peine compromise par unegrève de dernière heure), une grilletrès aérée (quatre • tranches.d'une hèure séparées, de 18 h 30 àminuit, par de longs entractes) etle choix difficile de cadres privi­légiés, susceptibles de compenserl'absence de dramatisation d'uneécoute aveugle face aux seulshaut-parleurs. L'église Saint-Séve­rin, l'Espace Cardin, le sous-sol duPavillon 10 des Halles : de cestrois lieux finalement choisis, rete­nons les deux derniers pour n'avoirpu assister, dans le premier, auconcert collectif composé et mon·té par François Bayle et Alain Sa­vouret.

L'ancien Théâtre des Ambassa­deurs semblait, pour les œuvresd'Ivo Malec et de Guy Reibel quiy furent principalement données,un cadre trop sage ou trop étroit.Le pre'mier poursuit au long de ses• 3L» (Lumlnétu~es pour bande,Lumina et Lied) une expérienced'élargissement Jiu matériel humaindes méthodes çoncrètes : de l'en­semble de cordes qui, dans Luml·na, en vient à confondre ses sono­rités et ses attaques avec le conte­nu simultané d'une bande électro­acoustique, il passe, dans Lied, àla fusion du même ensemble avec

différentes émissions vocales dechoristes chargés d'assurer, en di­rect cette fois, le rôle d'une parti­tion concrète. Un projet un peuanalogue semble avoir dicté à GuyReibel ·son Jeu d'Echanges pourtrois orchestres qui, loin de susci·ter comme prévu • l'i.rrationnel,l'imaginaire et peut-être la musi­que., nous a paru tomber totale·ment à plat dans un espace aussiexigu. Mals l'on s'amuse aux facé­ties qu'exécutent sur' scène, dans

. Musique en Liesse du même au­teur, un guitariste et un pianiste,émerveillés comme des enfants defaire éclore ici ou là mille objetssonores associés, dans un monta­ge malheureusernent un peu lâcheet finalement languissant, à toutessortes de musiques traditionnelles,d'extraits de jazz et d'évocationssonores.

Mais c'est aux Halles qu'eurentlieu les grands moments de cesRencontres, dans l'espace à la foisillimité et secret de cette grandecrypte où les auditeurs, assis ouallongés à même le sol, plongésen eux-mêmes ou tendrement en·lacés, évoquaient par leur allurefantomatique quelque chose desalignements de Carnac par pleinelune.

Treize heures de conférences etde musique étalées sur trois jourstentaient d'y établir une synthèseentre le passé (représenté par unpanorama complet de l'œuvre dePierre Schaeffer) et le futur, peut­être annoncé par le • débraillé.esthétique d'une séquence d'im·provlsation, libre puis dirigée, inti­tulée New Music. Située sansdoute à l'opposé de cette tenta·tive et guère plus proche des pré­occupations actuelles d'un Luc Fer·

rari apparemment soucieux d'évi­ter dans Presque Rien toute « récu­pération • du sonore par l'esthétis­me, la direction qu'emprunte Fran­çois Bayle dans deux œuvres im­portantes (Jeïta ; l'ExpérienceAcoustique) pourrait à la fois cons­tituer un relais pour l'avenir etrésoudre dès à présent le diffi­cile problème de la communicatio~.

Evoquant à ce propos la résis­tance de certains de ses auditeurs,Pierre Schaeffer (dans l'un de sesentretiens avec Marc Pierret) l'as­similait implicitement à la doublenature des premières œuvres con­crètes dans lesquelles « une espè­ce d'agression est commise surles éléments vocaux - ou musi­caux au sens traditionnel - dansla mesure où ils restent reconnais­sables, même à l'état de fragmentsdiversements répétés et malmenés.Mais d'autre part, si on oublie leursorigines, qu'on les écoute poureux-mêmes, on commence à dé­couvrir entre eux des relationsqu'il faut bien appeler musicales •.Muettes le plus souvent, aujour­d'hui, sur leurs origines concrètesgrâce aux progrès des manipula­tions techniques, les musiquesélectro-acoustiques n'en continuentpas moins à exercer, par l'impor­tance qu'elles nous forcent à ac­corder à leur matériau, une force• vers le bas. souvent contraireau dialogue esthétique. Des œu­vres entendues à ces Journées­Rencontre, celles de François Bay­le nous ont paru les seules à pou­voir faire naître à l'Imagination col­lective une rêverie intérieure sou­vent issue, comme l'image sur­réaliste, du choc des opposés.Cette naissance d'une syntaxeaussi sensible qu'irrationnelle, c~

pable d'articuler poétiquement lesobjets sonores pour qu'ils ne• jouent. plus mals • fassentl'amour. constitue l'un des événe­ments de ces Rencontres. L'autreserait peut-être l'amorce d'ungrand remous de libération par l'im­provisation même si elle donne lieupour l'instant non pas au manie­ment délibéré d'un matériau élabo­ré mais à l'exploitation • à la chan­ce. de certains tics sécrétés parce matériau même. Mals que l'oneh soit à s'interroger impatiem­ment sur l'avenir du G.R.M. prou­verait, s'il en était besoin, combienl'écoute de la • musique des ma­chines. est désormais entrée dansnos mœurs.

Anne Rey

La QuInza1ne Littéraire, du 15 au 31 mars 1971 33

Dans les galeries A la lumière

19 mars - 11 avril

GALERIE RIVE DROITE3, rue Duras· Paris 8" • 265-33-45

fait sans sortir des critères pictu­raux, c'est-à-dIre qu'II dessine dansl'espace avec des objets. Poussant leraffinement jusqu'à la miniaturIsation.

LITTERATUREPOPULAIRE

Jean-Jacques Lévèque

On l'avait volontiers comparé à Bon·nard. KilT1\Jra (galerie Kriegel) s'estdégagé des suavités colorées pourdonner plus de force à son graphisme,une sorte de véhémence 'à la respira­tion de la toile qui épouse les rythmesélémentaires : l'expression végétale,la joie solaire, les poussées de l'ar­bre, les enlacements de la nature. Gra­phisme épais souvent, quoique agile,et couleurs qui chantent avec aisance,concourent à faire palpiter l'espace, àlui donner cette élasticité par quoi,justement, Il devient présent.

Kimura

Les jeunes Editions de L'IMPOSSIBLEpublieront prochainement les meilleursrécits d'aventures, de suspense, fantasti­ques ou autres... que les auteurs intéres­sés par la littérature "d'évasion" voudrontbien leur soumettre (textes inédits: his­toires brèves, contes, nouvelles...).Un fichier "illustrateurs" étant égalementen cours de constitution, les artistes dési­reux d'y figurer sont invités à communi­quer à l'éditeur la reproduction photogra­phique d'un dessin caractéristipue.Correspondance: Editions de L'IMPOS­SIBLE, 151 rue du Chevalerel. 75-Paris 13·'

Frédéric BOOTZ

Morandi: Nature morte, 1961.

Le cuivre martelé a connu de mul·tlples avatars dans les exercices déco­ratifs propres à entretenir dans lesfoyers la nostalgie d'horizons loin­tains, à 1a manière de Pierre LotI.Aussi n'est.:ce point un mince cou­rage que de tenter aujourd'hui de l'utl·liser comme un Wosatn ou un Bigno­lais. Ce dernier y profile des corpsou plutôt des enveloppes de vie oùl'organisation rationnelle du corps nes'est pas encore décidée : fœtus ensomme comme on en trouve parfoisdans les récits de Michaux, expressionapparemment consciente et assez pa·thétfque de la solitude. C'est traitésobrement, avec un sens évident dela ligne sculpturale qui sauve f'œuvrede l'anecdote et du pittoresque. (Ga­lerie françolse Besnard).

BIGNOLAIS

Aux termes d'un certain raffine·ment de la vision qui, paradoxalement,entend donner à voir à la fois les loin·tains mouvants de l'espace, et ledétail microscopique du plus proche,Bootz (Galerie Ariel) se voit dansl'obligation de travailler sur deux re·glstres complémentaires : l'espacepictural, où le tableau s'ouvre magis­tralement sur les profondeurs océanes(avec quelque chose de sombre quipalpite au-delà des images) et l'es­pace réel·, où l'objet organise sesmises en scène, qui peuvent, au be·soin, devenir symboliques. Mais, con­trairement à tous les artistes quiconfectionnent des objets, Bootz le

SONDERBORG

Longtemps éloigné de la peinture de« chevalet. par de multiples travauxd'intégration comme la tapisserie, oule décor mural, Lagrange aborde unenouvelle série de tableaux à «sujet-,comme Il aime à le faire : les démé­nageurs et surtout les équilibristes.On reconnaîtra, au passage, ne fOt-cequ'à titre de référence, cette manièresophistiquée de silhouetter un person­nage, un peu dans l'esprit de Schlem­mer qui était, au Bauhaus, professeurde chorégraphie, ce qui est logique.Mais les équilibr,istes de Lagrange des­sinentdans l'espace des roues, descroix, des proUesses, qui forcent lepeintre à trouver', à la fols, une écri­ture de la rapidité, et de l'équilibre.Cela se traduit par une touche promp­te quoique affirmée" un dessin enve­loppant, quoique nerveux, une mise enpage claire, efficace, qui est celle duphotographe qui saisit au 1/1000 deseconde un Instant de vie. (Gale...le VII­laud-Galanls) .

LAGRANGE

refait la table d'un repas dément :,crânes, tibias et boyaux, en petitspâtés et saucissons. De quoi vous le­ver le cœur. Ceux qui ont la nostal·gie du « Grand Guignol '. peuvent tou·jours venir quêter le petit fr~sson dansles coulisses de cette Indigestion soli·taire. '

Le problème de la promptitude estégalement celui de Sonderborg. C'estdire qu'II a été longtemps "artisted'une gestuaUté qui se préoccupaitmoins de montrer, que de 'Il signifier ­les élans brutaux qui habitent l'hom­me. Il prenait alors soin de minuterl'action picturale : quelques minutessouvent. ,Curieusement, ou peut-êtretout simplement parce qu'U y avaitune logique profonde entre les gestesdu peintre et la perception • moder·nlste - qu'II avait, visuellement, dumonde, ces dessins à grandes bala­fres sombre~, qui Jouaient sur le fondblanc, suggéraient des pans entiersde notre environnement: coursesd'automobiles, zlg-zag furieux desnéons, fracas du choc de l'accident,perspectives heurtées des villes amé­ricaines. Le passage du geste, danssa virginité, à une reconstruction vi·suelle repérable du monde amblant,pouvait être franchi très vite. Il l'est,puisque ,l'artiste nous propose cette• Cité à part -, qui reste celle deSonderborg, mais dans laquelle on sereconnaît. Une sorte de Piranèse desgratte-cIel, des échafaudages tubu·lalres, des folles de l'électricité 1 (Ga­lerie Daniel Gervis).

Jusqu'au 30 mars

PIERRE DEJEAN

GALERIE LAMBERT

peintures· dessins

MATHIEU

LE SOLEIL DANS LA TETE10, rue de Vaugirard - 033-80-91

NICOLAU8

IPOUSTEGUY

CALDER

L'Introduction du fer dans le paysageartistique contemporain s'accompagned'une multiplicité significative d'op­tlons, de styles, de genres, qui tra·duit bien la souplesse Inattendue dece matériau. Calder en use abondam·ment en jouant sur deux fonctions an­tagonistes mals qu'il traite encoJ1l­plémentarité, la légèreté et le mou­vement, le poids et la monumentalité.Aux mobiles répondent, en effet, lesstablles. ces derniers occupent les lo­caux de la galerie Maeght. Leurs mas·se's n'effraient pas, bien qu'elles aientcette puissance ramassée que l'onattribue aux animaux prêts à bondir,muscles bandés, parce qu'elles se dé­nouent à l'Instant même où elless'étalent concentrées au plus fort, auplus profond d'elles·mêmes. Rien n'eststatique chez Calder, même cette mas·se dans toute sa formidable puis·sance.

peintre canadien14, rue Saint-Louis·en-I'lIe - (IVe)

B.BASSANO~,r.Grégoire·de·Tours- 326-41-43

STELIO SOLE

Occupation de 'la galerie Claude Ber­nard par un personnage légèrementplus volumineux que la normale et qui,selon les dires mêmes du sculpteur,Ipousteguy, est un prisonnier mangeantavec appétit ses gardiens. Cela pour~rait être une proposition de dessinpour «Hara Klrl -, cela d'ailleurs, mê­me en sculpture, reste très anecdoti·que. Ipousteguy ne montre là que'son savo~r-falre. En céramique Il a

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La QulnzaIne Uttéraire, du 15 au 31 mars 1971

de Morandi

FRANCIS PONGE

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Wifredo Lam :Dans le milieu familial,1969.

ancestrale. • Persécutés par les Es­pagnols catholiques, traqués par lapolice, ils ont pourtant subsisté,mais à la faveur d'un déguisement •.Ainsi Shango, le dieu noi[ de lafoudre, secrètement adoré sous lestraits d'une sainte, Barabara.

Cette transfusion, cette confusiondes cultes, entraîne le mythe dansle pur domaine de l'inabsolu. Etl'inabsolu trouve sa parfaite incar­nation dans le monstre. C'est pour­quoi Yvon Taillandier a étudié par­ticulièrement le caractère tératolo­gique des créations de Lam, s'inter·rogeant sur leur hybridité, analy·sant chaque cas avec une curiositéd'anatomiste.

Pour Wifredo Lam, pour ses des·sins à l'encre de Chine ou au fusain,tracés avec une énergie qui ajoute àla puissance des idées le langage dela certitude, pour ses lithographieset ses eaux-fortes destinées à l'illus­tration de l'Antichambre de la Na­ture, d'Alain Jouffroy, de Lessivedu loup, de Dominique Fourcade,d'Apostroph' Apocalypse, de Glié­rasim Luca, un même esprit graphi­que domine, celui que nous connais­sions déjà par ses peintures, et quitrouve ici, dans un extraordinairemouvement dramatique, son expres­sion la plus précise, la plus conciseet la plus acérée.

Jean Selz

La fabrique du pré

Mythologie ou zoologie, ou zoolo­gie mythologique, l'univers de Lam,ce • Lamland - comme l'appelleYvon Taillandier, nous semble re­doutable dans la mesure où uneinfra-humanité y apparaît dans unrapport biologique avec le mondeanimal. Monde inquiet comme toutmonde inquiétant, armé pour la me­nace et l'agression, l'arme inventéepar l'homme se confondant avecl'arme naturelle, là où la dague re·joint le bec, -la flèche le dard,l'épieu l'ergot, le pic le croc, leharpon les cornes.

Les chevaux' et les insectes, lesoiseaux et les cerls-volants (les cerlsqui volent), et ces idoles hésitant en­tre deux modes de représentation ­la Dame à la licorne devenue toutà la fois dame et licorne - avecleurs faux, leurs fouets, leurs ai­guillons, leurs ailes et leurs sexes,'surgissent comme ces dieux que leslégendes font descendre, déguisés,sur la terre, pour y commettre quel·que auguste forlait, s'y fiancer avecd'innocentes victimes ou s'assurerde l'adoration de leurs adorateurs.

La fiancée d'un dieu, Lam en afait le portrait. Hérissée d'épines etse consumant sous la cendre rouge,elle est déjà elle-même déesse perosécutée de la persécution. Et lesdieux dont ·parle le préfacier de celivre où chaque page, chaque image,agite notre imagination, sont pré­cisément des dieux déguisés, tnms­fuges en terre cubaine de l'Afrique

Lam

1Préface d'Yvon Taillandier85 pl. dont 11 en couleursDenoël, 120 p., 140 F.

alors perceptible et leur oppositioncompose le tableau sans en dé­truire l'unité. Ces masses d'ombresallégées par l'épaisseur de l'air etpar les reflets des lumières qui lesentourent ne sont pas nées de spé­culations mystiques, mais d'uneobservation de la nature, d'unecontemplation, d'une méditation.

Ne pas se laisser distraire duproblème fondamental de la lumiè­re explique le choix de ces paysa­ges faits d'un chemin, d'un talus,de simples masses d'arbres, dereliefs légers où se posent lescubes élémentaires des maisonssans fenêtres, apprises chez Cé­zanne.

Même choix dans les objets. dontla simplicité ne vient jamais d'uneIntention morale d'esthète épris depauvreté ou d'austérité, mais d'unregard cherchant la vérité dans sesnuances.

La pauvreté pour le peintrequ'est Morandi, c'est la ligne droite,l'angle aigu, la couleur aplat.

La richesse, c'est l'arête usée,l'angle arrondi, où hésitent ombreet lumière et qui permettent lamodulation d'un contour, qui n'estpas dessiné, mais peint dans l'es­pace.

La richesse, c'est la couleur in­certaine dont on ne sait jamais s'ils'agit de celle du dessus ou dudessous, celle de la surface ou dela matière, celle des reflets descouleurs. voisines ou du ton localde l'objet lui-même.

La douceur surprenante des cou­leurs répond à la même préoccupa­tion que celle évoquée à proposdes valeurs. Les couleurs violentesne peuvent être vues ensemble;elles détruisent le tableau commetrop d'épices le goût. Morandi neles raffine pas, mais en affine lerapport jusqu'à la limite de la per­ception, afin d'en exalter la vibra­tion, On comprend l'utilité de la• célèbre - poussière qui recouvraitles objets de son atelier et à la­quelle il tenait tant.

Ces formes multiples, de cou­leurs changeantes, disposées diffé­remment, sous des perspectivesdiverses, dans une lumière varia­ble, composent une œuvre continuedont Morandi souhaitait que cha­cun des éléments soit regardé iso­lément : ce que l'accrochage lon­donien permettait et qui, malheu­reusement, n'a pu être repris auMusée d'Art Moderne.

Jean-Ple~re Rosier

Peinture. italienne - raffinée, as­semblage de bouteilles dans leclimat, sinon l'ombre métaphysi­que de Chirico, voilà un jugementsommaire, fréquemment porté surMorandi, que la rétrospective tar­dive du Musée d'Art Moderne per­met enfin de réviser.

Les premières toiles, autour des­quelles s'est sans doute fixée cetteopinion, montrent en fait commentMorandi s'est débarrassé, de 1911à 1920, souvent avec bonheur, desinfluences du temps, qu'ellessoient cubistes, futuristes ou méta­physiques. Dès cette époque, quel­ques toiles révèlent et contiennentsa personnalité secrète, telle cetteNature morte de 1916 (n° 6) qu'ilreprendra douze ans plus tard dansson œuvre gravé.

En 1920, la Biennale de Veniselui apporte la révélation de Cé·zanne. S'ensuit une période d'in­terrogation où, sous les apparencestrompeuses d'une facture plus in­décise, Morandi opère en fait undépouillement - aidé en cela parun retour à la gravure - qui leconduit à découvrir sa ·nature pro­fonde que masquait la maîtrise desœuvres marquées par le mouve­ment • Pittore Metafisica-.

Sans. rupture apparente, nousreprenons pied, devant Morandi,avec une certaine peinture dontnous risquions de perdre la no­tion : celle de Chardin, Corot. Cé­zanne, qui la tenaient eux-mêmesde Piero et Véronèse, dont l'Artrestait avant tout plastique, préoc­cupé de formes et de couleurs dansla lumière; de quoi dérouter quine sait plus voir à force de com­prendre.

On se croit souvent quitte avecMorandi, quand on s'en tient àdes impressions de raffinementsvite monotones. C'est faute de s'yarrêter, car la révélation ne peutnaître ici que du même regard at­tentif posé par Morandi sur leschoses. Il est en effet le type mê­me du·peintre qui, restituant surson tableau l'évidence qui lui estrévélée, permet à l'amateur deconnaître, à son tour, ce momentdélicieux où regarder devient VOIR.Quelques pas de recul suffisentpour voir tout d'un coup se dégagerles lumières et les ombres d'unpaysage qui, de près, restait uni­forme, comme voilé. Pourquoi lesvaleurs claires et foncées sont­elles si peu contrastées? Parcequ'elles peuvent ainsi être vues si­multanément; leur rapport reste

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Etat • Textes littéraires correspondance de conception nouvelle du Nombr. illustrationsMercure de France, français. Gombrowicz, des Voyage et tradition rôle de l'Etat et Coll.• Les sentiers128 p., 21 F Droz, 264 p., 48 F Inédits, des entretiens Approche sociologique une régionalisation de la création.

et sa dernière interview d'un sous-groupe de l'enseignement Sklra, 160 p., 48 FEdith Boissonnas Plaute et Térence

Tsigane: Pieyre de MandiarguesLes ManouchesInitiales Œuvres complètes Léon Gorny Payot, 264 p., 25,70 F PHILOSOPHIE et la peintureGallimard 96 p., 13 F Texte traduit, présenté Diderot, un grand ·L'avenir des

et annoté par P. Grimal européen 100 000 tsiganes qLII Marc PailletGéraro Cléry • Bibliothèque de Grasset, 424 p., 35 F vivent en France, Dominique Aubier Marx contre MarxRoman de l'Ue suivi La Pléiade. Un livre qui, à travers au sein d'une société Le principe du langage La sociétéde Folle à bonheur Gallimard, 1 512 p., 65 F l'analyse des multiples technocratique Plaidoirie pour une tech~reeucratlque

8 lithographies de perspectives de l'œuvre cause gagnée, tome III Denoël, 336 p., 25 FMarco Richterich PrinCe de de Diderot, s'efforce de

J. Leplat, G. Mialaret, Ed. du Mont-Blanc, Une étude de l'évolutionPierre Jean Oswald, Faucigny·Luclnge dégager la figure R. Pagès et M. Reuchlin 320 p., 30,7~ F du monde actuel88 p., 12 F Souvenirs d' • un des plus grands

Traité de psychologie Une exploration. du à partir d'une analyselibrairie Académique agitateurs de tous appliquée • tome 1 : fonctionnement de structurelle des sociétés

Jèan-Pierre Duprey Perrin, 288 p., 27,50 F les temps. Les applications de l'esprit, à travers communistesLa forêt sacrifiée Madame Royale, le la psychologie l'étude des 22 lettreset autres textes comte de Chambord, Paul Nizan Sous la direction de de l'hébreu carré Tentations et actions7 III. de Troyen l'impératrice Pour une nouvelle Maurice Reuchlin de la conscience JuiveLe Soleil Noir, Marie-Louise et la culture P.U.F:, 240 p., 24 F Hommage à Jean Textes introduits,160 P.. 23,50 F duchesse de Berry, Textes réunis et Hypollte présentés et revus parUn recueil qui regroupe évoqués par le présentés par Margaret Mead Ouvrage collectif E. Amado Lévy-Valensiplusieurs textes, épars petit-fils du S. Suleiman P.U.f., 240 p., 24 F et J. Halpérlnjusqu'alors, de ce grand duc de Berry Grasset, 328 p., 25 F Le fossé des ' Préface de J. Halpérin

générations Un ensemble de textespoète surréaliste Un recueil des dus à quelques-uns des P.U.F., 408 p., 40 Fchroniques de Nizan Trad. de l'américain VI" et VIII" Colloques"'Phi'lippe Juillan par J. Clairvoye amis et des plus

Denise Le Dantec D'Annunzio dans. l'Humanité .,Coll.• Médiations. proches élèves d'intellectuels juifs

Métropole Nombr. illustrations • Le Soir. et la revue Gonthier-Denoël, de J. Hyp olite de langue françaisePierre Jean Oswald, Fayard, 384 p., 45 F • Commune ~ 160 p., 12 F176 p., 9,90 F Une étude biographique Une analyse de la Jean Piaget Alvin Toffler

.étayée sur des Pascal Pia mutation sociale qui, Les théories de Le choc du futurHenri Michaux témoignages et des Romanciers, poètes en bouleversant les la cauSalité Trad. de ·l'américainPoteaux d'angle documents inédits et essayistes du normes du processus Avec la collaboration par S. Laroche etColt. :L'envers. XIX" siècle de la transmission de M. Bunge, S. Metzgerl'Herne, 40 p., 14 F J. et B. Massin • Dossiers des Lettres culturelle, suscite un F. Halbwalchs, Denoël, 544 p., 25 F

Wolfgang Amadeus Nouvelles. fossé entre ·Ia nouvelle Th. S. Kuhn et Essai sur les problèmesMozart Denoël, 576 p., génération et la L Rosenfeld de la vie moderne

REEDITIONS 34 i'IIustrations relié toile, 45 F précédente P.U.F., 212 p., 27 F et future

CLASSIQUES Fayard, 1 250 p., 65 F Choix de chroniques Comptes rendus desA la fois une biographie, dues au récent lauréat

A. Moles et travaux sur la causalité Theo Lobsackune histoire de l'œuvre de l'édition critique

J.-M. Mouchot . menés au Centre La manipulation deGabriele d'Annunzio et une synthèse les méthodes des International l'espritL'enfant de volupté des rapports entre Francis Ponge sciences humaines . d'Epistémologie Trad. de l'allemandTrad. de l'Italien la vie du compositeur La fabrique du pré dans l'entreprise génétique par R. Albeckpar Georges Hérelle et sa création musicale Nombr. illustrations Fayard, 240 p., 25 F F~yard, 280 p., 25 FCalmann-Lévy, Coll. • Les sentiers Un inventaire des les conséquences du344 p., 24 F de la création· méthodes intellectuelles '. ESSAIS

développement de laSklra, 160 p., 48 F de création et d'action bio-chimie et de ses

~éodore de Bèze CRITIQUE (Voir les nO' 24 et 46 appliquées dans le cadre applications sur l'avenirdroit des magistrats HISTOIRE de la Quinzaine) de l'entreprise de l'humanité

Introduction, édition et LITI'ERAIREnotes par R. M. Kingdon Pierre AIe'Chinsky.'Les Classtques de la Positions et oppositions Gaston Varenne Roue libre Menahem Mayerpensée politique. A. Bonzon sur le roman l'abus des drogues Nombr. illustrations Le managementDroz, 104 p., 35 F La nouvelle critique contemporain • Psychologie et . Coll. • tes sentiers en Israël

de Racine Klincksieck, 254 p., 28 F Sciences I;fumaines • de ·Ia création. Coll. • Management.Philippe Hériat A.G. Nlzet, Actes du Colloque de Ch. Dessart, 418 p.".32 F. ,; S~ira, 160 p., 48 F Fayard/Marne,Lés noces de bronze 220 p., 19,35 F Strasbourg (avril 1970) La toxicomanie moderne 256 p., 22 F(Les Boussardel Il) D'après un cours et ses conséquences Miguel Angel Asturias Les applications du32 ill. in texte • d'extension . Robert Poulet physiques, morales et Trois de quatre'soleils management en Israël,G!lllima~d,. 3~2 p., ~9 F universitaire •. Mon ~i. Bardamu biOlogiques Nombr. illustrations à travers .J'historique Au....

La QuIDzalne Uttâ'aJre, du 15 au 31 mars 1971 3"'1

développement Albert Speer pays à la fols Le marché monétaire grands compositeurs Présence Africaine,

économique, industriel, Au cœur du • développé, sous- dans fe système disparus et qui a fait 147 p., 15 F

bancaire et commercial III· Reich développé et non financier français l'objet d'Innombrables Un symbole de la lutte

de cet Etat Fayard, 800 p., 49 F développé. Préface de J. Duhamei enquêtes pour la liberté et des

(voir le n° 113 P.U.F., 304 p., 40 F souffrances des peuples

Christian Valin de la .Qulnzalne) Roger Garaudy Une étude systématique Claude-Henri Chouard africains

Michèle Peres-Rain Reconquête de l'espoir à travers laquel·le se La grande peurL'ordinateur, le service Grasset, 160 p., 12 F dégage une analyse des du cancer Guillaume Hanoteau

Informatlq...e et Roger Garaudy poursuit problèmes monétaires Coll. • En direct. Ces nuits qui ont

l'entreprise POLITIQUE ici son dialogue avec les de notre temps Mercure de France, fait ParisColl .• Management. ECONOI\tlQUE chrétiens et son examen 184 p., 17 F Fayard, 680 p., 35 F

Fayard, 256 p., 22 F critique du socialisme Philippe Richer Par un professeur D'. Ubu roi. à

Deux spécialistes font • à la soviétique. La Chine et le agrégé à la Faculté • Huis-clos ., un

le point sur les Julio Barreiro tiers monde de Médecine, un demi-siècle de théâtremultiples applications de Violence et politique Jules Humbert-Droz Payot, 448 p., 44,60 F document qui fait justice revécu à travers lesl'Informatique à en Amérl~ue Latine De Lénine à Staline Un panorama Informé des mythes dont se grandes • générales.

l'entreprise Trad. de 1espagnol Dix ans au service de nourrit le profane et qui firent le Tout-Parispar G. Bessière l'Internationale Pierre Rossi

l'initie aux réalitésUne analyse des médicales du cancerdiverses formes que

communiste (1921·1931) Les clefs deHISTOIRE 30 illustrations la guerre ARTSprend la vjolence Ed. de La Baconnière, Coli .• La Bibliothèque Menle Grégoire URBANISMEsud-américaine, par un 512 p., 52 F arabe. Les cris de la vieJean Anglade militant politique La suite des Mémoires Martineau, 160 p., 18 F Tchou, 276 p., 25 FLa vie quotidienne uruguayen politiques de ce témoin Les origines, le Par la célèbre Art et sociétéclans le Massif Central privilégié du mouvement déroulement et les courriériste, un 15 illustrationsal XIX· siècle Raymond Barrillon communiste perspectives de la document sur les • Revue d'Esthétique.Hachette, 288 p., 22 F Servan-Schrelber, guerre du Proche..()rient rapports humains tels (numéro spécial 3-4)Un panorama des pour quoi faire ? C. P. Kindleberger analysés par un qu'on les vit aujourd'hui Klincksieck, 225 p., 22 Fhommes, des modes Grasset, 192 p., 12 F Les investissements dei spécialiste des La fonction cr·itique dede vie, des Idées, Par le chef du service Etats-Unis dans le qùestions arabes Nlkos Kazantzakl l'œuvre d'art et la placed'où se dégage une politique du • Monde -, monde Voyages Chlne-Japon de l'artiste dans laIndividualité régionale une radioscopie de Trad. de l'américain A. Rousseau ·Plon, 384 p., 27,50 F sociétéà l'Image d'une période J..J. S.-S. et une analyse par Annie Nicolas R. Beaunez Une vision angoissée dechangeante et de la modification des Calmann-Lévy, L'expérience de la décadence de notre Fleurs du Népalmultiforme mœurs politiques 272 p., 23 F Grenoble civilisation, par l'auteur 122 reproductions

en France Par un professeur à Editions Ouvrières, du • Christ recruclfié - L'Or du Temps,Jacques Castelnau l'institut de technologie 192 p., 15 F 120 p., 70 FHistoire de fa Terreur Roger Beaunez de Cambridge, un Les posslbll.ltés et les Pierre et Marthe Photographies deLibrairie Académique Max Dejour ouvrage qui jette un limites de l'action Massenet sculptures érotiquesPerrin, 352 p., 30,60 F La commune, le conseil éclairage nouveau sur municipale à travers Journal d'une longue du NépalReconstitution détaillée municipal... et les une question un exemple précis nuitet portraits des citoyens controversée Fayard, 304 p., 28 f La Bible deprincipaux protagonistes Editions UniversItaIres,

Jacques Rueff Un témoignage à deux Saint-Savinde cette époque 184 p., 8,70 F Khrouchtchev Le péché monétaire volx sur la Résistance Textes patristiquestroublée Appuyée sur des Souvenirs de l'Occident et la "Ile d'un couple traduits par la R.M.E.

exemples concrets, une Introductipn, notes et Plon, 288 p., 22,50 f dans une période . de SolmsJean Delumeau analyse des POllslblHtés commentaires de Analyse sévère d'une troublée (P. Massenet Introduction et étudeLe cathoUclsme entre et des limites du Edward Crankshaw politique monétaire fut le premier super- archéologique deLuther et Voltaire pouvoir munl'clpal Trad. du russe par basée sur. l'étalon de préfet Igame nommé par R.OurselP.U.F., 360 p., 30 F

Zblgnlew BrzezlnsklP Girard, R. Olclna, change-or -, • les droits le gouvernemènt 80 pl. et 4 h.-t. couleurs

Une mise au point R.Schwat, de tirage spéciaux - et en 1947) Zodiaque, 200 p., 45 Fméthodique, à la lumière La révolution sous la direction de • le recyclage des Une étude qui éclairede la sociologie technocratique Jacques Michel capitaux exportés - F. Gary Powers d'un jour nouveau cetrétrospective et de la Trad. de l'américain 56 p. de hors-texte J'étals pilote espion admirable ensemble depsychologie collective par Jean Vlennet Laffont, 592 p., 30 F Daniel Verres avec ~a collaboration fresques

Calmann-Lévy• (voir ce numéro Le discours du de Curt GentrySergio 1. Mlnerbi 392 p., 29 F de la Quinzaine) capitalisme Traduit de l'américain L'art cistercienL'Italie et la Palestine Les conséquences L'Herne, 159 p., 22 F par Claude Yelnlck hors de Franca(1914-1920) sociologiques et

Le communisme Coll. • Thêorle et 16 p. d'illustrations Texte de Marle-AnselmeP.U.F., 300 p., 50 F politiques d'une

réalité et utopie stratégie - Calmann-Lévy, Dimierrévo!utlon qui, desLe rôle joué par. l'ItalieEtats-Unis, se répand Sous ,la direction de De la pensée de 384 p., 28 F Photographies Inédites

en Palestine pendant lapeu à peu dans le Maximilien Rubel Pompidou à ·Ia lecture Le témoignage de ce du Zodiaque

première guerre • Economies et d'Althusser, en passant lieutenant américain 128 pl. et 8 h.-t. couleursmondiale monde entier et

sociétés - par J..J. S.-S., le abattu par les Russes Zodiaque, 326 p., 48 Fdéterminera la vie del'homme de demain Droz, 229 p., 23 F management, etc., ou la le 1er mal 1960, puis Les témoins du

Sabatlno Moscatl • Cahier de l'I.S.E.A.- • métaphysique. d'un jugé et condamné à rayonnement de l'OrdreL'épopée des Phéniciens n° 11 système qui se Moscou des Citeaux aux XII" etFayard, 376 p., 50 F Josué de Castro caractérise par son Xiii· siècles en Irlande,L'aventure mal connue Géopolitique de

Michel Lesage absence de sens Albert Stlhlé Scandinavie,de ces • peuples de la la faim Le prêtre et le Yougoslavie, Pologne,mer - qui, de Editions Ouvrières, Les régimes politiques commissaire U.R.S.S., Liban, etc.

484 p., 45 F de l'U.R.S.S. et de Grasset, 264 p., 21 F1200 av. J.-C. jusqu'là laEdition revue et l'Europe de l'Est DOCUMENTSchute de Carthage ontaugmentée de ce livre P.U.f., 368 p., 28 F

Le témoignage d'un Waldemar Georgemarqué la civilisation

qui rend compte de la Une étude comparativeprêtre français capturé G. Nouaille-Rouault

méditerranéenne Rosemary Brown par les Vietnamiens en L'univers de Rouaultréalité du problème des Institutions En communication 1952 et interné pendantMarcel Roubault de la faim à notre politiques de l'U.R.S.S. avec l'alHlelà deux années au camp

46 aquarelles

Peut-on prévoir époque et de l'furope de l'Est -P. Belfond et Les n° 1H. Screpel éd.,

les catastrophes ainsi que du Productions de Paris96 p., 39,50 F

natureUes? ·François de Combret fonctionnement des N.O.E., 224 p., 18 FCollection • Les carnets

P.U.F., 176 p., 19 F Les trois Brésil différents régimes Le témoignage de ceTHEATRE de dessins-

Le réquisitoire d'un Planète, 288 p., 22 F politiques curieux médium,expert contre l'impéritie Un témoignage de spécialisé dans la Bernard B. Dadlé Hans Hœtlnkdes Pouvoirs publics première main sur ce Michelle de Mourgues communication avec les Béatrice du Congo L'univers de Dürer

38

En ce moment et jusqu'au 4 avr·il setient à la Bibliothèque municipale d'Or­léans une exposition Georges Bataille.

Dans le n° 112 de la Q.l., une erreurs'est glissée dans l'article sur Van HetReve de Anne Fabre Luce. En effet,l'auteur des Soirs a publié son romanen 1947, non pas deux ans avant lesTropismes de Nathalie Sarraute (quiparurent en 1939), ma.ls huit ans après.

On sait que l'auteur de l'Expérienceintérieure fut conservateur de laditebibliothèque où son souvenir reste vi­vant. Une série d'entretiens ont étéet seront tenus avec ~a participationde Jean Plel, François Perroux, JeanDuvlgnaud, Philippe Sollers, ClaudeGallimard, J.-J. Pauvert, Lo Duca, Dio­nys Mascolo, Jean Schuster, KostasAxelos, etc., sur les divers thèmesqui ont préoccupé Georges Bataille :"érotisme, la littérature, l'économie p0­litique, l'exigence révolutionnaire.

48 reproductionsen couleursH. Screpel éd.,96 p., 39,50 FCollection • Les carnetsde dessins·

Jean ProuvéUne architecture parl'Industrie317 photos et 157 pl.et esquissesArtémis-Zurich,212 p., 115 FLes réalisations et lespropositions d'un desgrands promoteurs del'industrialisation dubâtiment de 1923 à 1968

Fulvio RolterFreya StarkTurquie131 reprod. en noir,21 reprod. en couleursAtlantls éd.,276 p., 112 F

Andréas VolwahsenInde islamique84 pl., 16 p. de plansoriginaux, 40 dessinsin t.Office du Livre,200 p., 58,50 Ft'architecture du sous­continent Indien sous lerègne des grandssouverains musulmans

RELIGIONS

Juan AriasLe Dieu en quije ne crois pasTrad. de l'espagnolpar J. MignonCerf, 184 p., 15 FUn commentaire originalet audacieux del'Evangile

Edmond BarbotinL'humanité de l'hommeAubier-Montaigne,324 p., 27 FUne méditation autourde l'avenir del'humanisme dans unesociété vouée à • lamaladie du progrès.

Edmond BarbotinHumanité de DieuAubier-Montaigne,352 p., 30 FUne approcheanthropologique dumystère chrétien

Michel BrionLes ressources duclergé et de l'Egliseen FranceCerf, 144 p., 16,50 FUn réquisitoirerigoureusementdocumenté contre lesprivilèges et lesbénéfices de l'Eglise

J. CapelladesJ. LercaroEspace sacré etarchitecture moderneCerf, 144 p., 15 FPour une architecturereligieuse appropriée àla mission de 1'>Eglise

Alfred ·Fabre-LuceL'été de la résurrectionGrasset, 224 p., 20 fUn ouvrage qui s'inscritdans le cadre d' • unevaste entreprise dereconstruction duchristianisme....

La Bible et les PèresPrésentation d'A. Benoitet P. PrlgentP.U.F., 280 p., 50 FTravaux du colloqueorganisé en 1969 par leCentre d'Analyse et deDocumentationpatristiques deStrasbourg

Marcel LegautL'homme à la rechercbede son humanité·Aubier-Montaigne,288 p., 24 FDeuxième tome del' • Introduction àl'Intelligence du passéet de l'avenir duchristll!nisme •

Peter LengsfeldAdam et le ChristAubier-Montaigne,292 p., 27 F

Renée MasslpA la santé de DieuGrasset, 208 p., 16 F

Paul TillichAux confinsTrad. de l'anglaispar Jean-Marc SaintPlanète, 160 p., 25 FL'autobiographieintellectuelle dugrand théologienprotestant

HUMOURSPORTSDIVERS

Raymond ChanonL'entraînement àla courseNombr. illustrationsEditions Universitaires,316 p., 29,95 F

Georges CoulongesClude ou le pays destomates platesCalmann-Lévy,248 p., 15 FUne satire truculenteet licencieuse de latechnocratie et dumanagement

Alain Saint-HilaireFabuleux royaumesd'Arable32 p. de photographies176 p., 18 FLe Kuwalt, le Quatar,Bahraln, sociétésmédiévales où l'onprépare l'èrepost-pétrolifère

Geoffrey WilJ.lamsSir Thomas Llptonjoue et gagne ou letriomphe de la technique28 il1., 23 dessins etcartesArthaud, 220 p., 24 FL'aventure d'unrecordman mondial de laCourseTransatlantique

POCHELITrERATIJRE

AndersenContes • Tome 3Livre de Poche

William BurroughsLa machine molle10/18

BalzacL'lIJustre Gaudlssartsuivi de 5 étudesLivre de Poche

Gilbert CesbronIl suffit d'aimerLivre de Poche

Adolphe de CustineAloysBibliothèque 10/18

DiderotLe neveu de RameauGarnler-Flammarlon

John Dos PassosLa grosse galetteLivre de Poche

Maurice Druon :Les rois maudits :Le roi de ferLa reine étrangléeLes poisons de lacouronneLa loi des milesLa louve de FranceLe Ils et le lionLivre de Poche

. Paul GuimardLes choses de la vieLivre de Poche

·Eugène Le RoyJacquou le CroquantLivre de Poche

RabelaisLe Quart LivreGarnier-FlammarionMarquis de Sade

La marquise de Gange10/18

Georges SimenonLa guinguette èdeux sousLivre de Poche

Jacques SternbergLa sortie est aufond de l'espaceDenoël/Présencedu Futur

ZolaAu bonheur desdamesGarnier-Flammarion

THEATRE

Yvon BirsterPlace ThiersPierre Jean Oswald/Théâtre ne FranceUne 'Chronique destemps de la Communede Parisvus de province

Eric EychenneDrugstore .Pierre Jean Oswald/Théâtre en FrlHlceUne créàtlon du Théâtred'essaid'Alx-eo-Provence

labicheThéitre .' Tome 3Livre de Poche

ESSAIS

François BlncluerLes Français devantl'Imp6t sous l'ancienrégimeFlammarion/Questionsd'histoire

R.L. BruckbergerL'histoire deJésus-ChristLivre de Poche

Georges FriedmannSept études sur l'hommeet la techniqueGonthier-Denoël/Médiations

Alexandre KoyréMystiques, spirituels,alchimistes du XVI"siècle allemandGallimard/Idées

H. LeisegangLa gnosePetite BibliothèquePayot

Jean PaulhanLa peinture cubiste8 p. d'III. dont 4 encouleursDenoël-Gonthler/Médiations

Georges PIrouéComment lire Proust?Petite BibliothèquePayot

Jean RostandCarnet d'un biologisteLivre de Poche

Alfred TajanRené VolardPourquoi desdyslexiques ?Dyslexie et rééducationPetite BibliothèquePayot

INEDITS.

Raymond BaliPédagogie de lacommunication

.P.U.F./InitiatlonphilosophiqueLa crise du langage etrespectives de lasociété, du milieufamilial et de l'école

Guy BarbeyL'enseignementassisté par ordinateurCasterman/EnfanceEducation Enseignement

Maurice BarlétyHistoire de lamédecineQue sais-je?

Philippe BébonSalacrouEditions Universitaires/Classiques du XX·siècle

Georges CerbetPiagetEditions Universitalres/Psychothèque

Hélène CharnasseFrance VernillatLes instruments àcordes pincéesQue sals-je?

Jacques Chaum1erLes techniquesdocumentairesQue sais-je?

Christian DavidL'état amoureuxPetite BibliothèquePayotUn ensemble d'essaisles responsabilitéspsychanalytiques surle sentiment amoureux

Massa M. DlabatéJanjon .Présence AfricaineTraduction des chants .épiques et d'amourdes pays de lasavane africaine

Extraits dela presse a11em8n!1eBilingueAubier-Flammarlon

Sidney FlnkelstelnMcluhan pI'QPhète ouImposteur?Adaptation dePh. BurdlgalMame/MediumUn débat autour duthème dudétennlnismetechnologique

Jean GattégnoLa science-fictionQue sals-je?

Pierre GascarRimbaud et la CommuneGallimardlldéesUne étude surl'évolution de Rimbaudet, notamment, sur lamarque qu'a ·'aisséela Commune surl'ensemble de sonœuvre.

La QuInzaIne littéraire, .du 15 au 31 mars 1971 39

· OIJVRilGES S,IJR

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EXTRAIT DU CATALOGUE••

JEAN CASSOU

LES MASSACRES DE PARIS 'JEAN-PIERRE CHABROL

LE CANON FRATERNITÉPIERRE GASCAR

collection "Idées") RIMBAUD ET LA COMMUNEHENRI GUILLEMIN

.LES ORIGINES DE LA COMMUNE DE PARIS1. L'Héroïque défense de Paris

2. Cette curieuse guerre de 70

3. La Capitulation de 1871

HENRI GUILLEMIN

L'AVÉNEMENT DE MONSIEUR THIERS Cà paraitre)

HENRI LEFEBVRE

LA PROCLAMATION DE LA COMMUNEALBERT OLLIVIER

LA COMMUNE (collection "Idées")

EDITH THOMAS

LES PÉTROLEUSES

ROSSEL

LOUISE MICHEL ou La Velléda de l'Anarchie'Qi<IlCo()

ci.ci.ci. GALLIMARD