La Langue Catalane Et Son Histoire

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La langue catalane et son histoire Plan de l'article 1 L'aire linguistique catalane 2 Les peuples originaires de la péninsule 3 La romanisation de l'Hispania 4 Les invasions germaniques et le morcellement du latin 1 Les Wisigoths 2 Les langues romanes 3 L'influence linguistique du gothique 5 La période arabe 6 La naissance du catalan 1 La monarchie carolingienne 2 L'indépendance de la Catalogne 7 L'union de l'Aragon et de la Catalogne 1 La répartition des langues 2 L'expansion catalane 8 Le déclin du catalan ou la «Decadència» 1 L'union de l'Aragon et de la Castille 2 Le traité des Pyrénées de 1659 3 La guerre de Succession d'Espagne (1714) 9 La renaissance du catalan 1 Le début 2 Le rétablissement de la Generalitat 3 La guerre civile espagnole 10 La période franquiste 11 Les catalanophones dans l'Espagne démocratique 1 La Constitution espagnole 2 Le catalan hors de l'Espagne 3 Les locuteurs du catalan 4 Les variétés dialectales 5 Le catalan standard 12 Conclusion 1 L'aire linguistique catalane L'aire linguistique du catalan comprend une partie sud de la France (région de Perpignan), la principauté d'Andorre, la Catalogne (Barcelona), le Pays valencien (Valencia), les îles Baléares (Palma), sans oublier la ville d'Alghero (40 800 habitants) en Sardaigne, où réside une petite communauté de quelque 28 500 catalanophones.

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La langue catalaneet son histoire

Plan de l'article

1 L'aire linguistique catalane

2 Les peuples originaires de la péninsule

3 La romanisation de l'Hispania

4 Les invasions germaniques et le morcellement du latin 1 Les Wisigoths 2 Les langues romanes 3 L'influence linguistique du gothique

5 La période arabe

6 La naissance du catalan 1 La monarchie carolingienne 2 L'indépendance de la Catalogne

7 L'union de l'Aragon et de la Catalogne 1 La répartition des langues 2 L'expansion catalane

8 Le déclin du catalan ou la «Decadència» 1 L'union de l'Aragon et de la Castille 2 Le traité des Pyrénées de 1659 3 La guerre de Succession d'Espagne (1714)

9 La renaissance du catalan 1 Le début 2 Le rétablissement de la Generalitat 3 La guerre civile espagnole

10 La période franquiste

11 Les catalanophones dans l'Espagne démocratique 1 La Constitution espagnole 2 Le catalan hors de l'Espagne 3 Les locuteurs du catalan 4 Les variétés dialectales 5 Le catalan standard

12 Conclusion

1 L'aire linguistique catalane

L'aire linguistique du catalan comprend une partie sud de la France (région de Perpignan), la principauté d'Andorre, laCatalogne (Barcelona), le Pays valencien (Valencia), les îles Baléares (Palma), sans oublier la ville d'Alghero (40 800habitants) en Sardaigne, où réside une petite communauté de quelque 28 500 catalanophones.

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Cette aire linguistique est aussi désignée comme étant les «Pays catalans»(en catalan: "Països Catalans"; en espagnol: "Países Catalanes") s'étend surmoins de 60 000 km² (près de deux fois la Belgique) et est répartie dansquatre États différents: la France, Andorre, l'Espagne et l'Italie (voir la carteplus précise).

En France, l'aire catalane comprend une partie du département des PyrénéesOrientales (dans le LanguedocRoussillon), appelée aussi la «Catalogne duNord», alors qu'en Italie le catalan est parlé par une petite communauté dansla ville d'Alghero située en Sardaigne.

En Espagne, le catalan est parlé en Catalogne (appelée la «Catalogne duSud» ou «el Principat»), au Pays valencien (País Valencià ou officiellement«Comunitat Valenciana»), aux îles Baléares (Illes Balears), dans une étroitebande d'environ 14 km à l'est de l'Aragon (appelée «frange de l'Est» ou Franjade Ponent; en aragonais: Francha de Lebán), ainsi que dans une partie de larégion de Carxe dans le territoire autonome de la Murcie. La principautéd'Andorre (Principat d'Andorra) est le seul État indépendant sont la langueofficielle est le catalan.Jusqu'au Moyen Âge, le catalan et l'occitan (en France) ne faisaient qu'uneseule et même langue: ce sont des destins politiques différents et deuxrattachement à des blocs dominants opposés qui les ont fait évoluer chacunde leur côté. Après de longs débats, les intellectuels catalans ont fini parproclamer solennellement en 1934 que le catalan était distinct de l'occitan, lepremier faisant partie du groupe ibéroroman; le second, du groupe galloroman.

Aujourd'hui, la plupart des linguistes considèrent que le catalan constitue ungroupe distinct parmi les langues ibéroromanes septentrionales au mêmetitre que le portugais et l'espagnol. Pour d'autres linguistes, le catalancontinuerait d'être classé parmi les langues galloromanes méridionales, àl'instar de l'occitan. Quoi qu'il en soit, dans le cadre de cette présentation, lecatalan et ses variantes sont considérés comme des langues ibéroseptentrionales.

2 Les peuples originaires de la péninsule

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Dès l’époque néolithique, soit vers le VIe millénaire, un peuple auxorigines encore mystérieuses, les Ibères, se sont installés en Europeoccidentale. Certains historiens croient que les Ibères seraientoriginaires de la région de l'Èbre, alors appelé Iberus, tandis qued'autres affirment qu'ils seraient arrivés d'Afrique du Nord entre 4000et 3500 avant notre ère. On sait cependant avec certitude que, versl'an 3000, les Ibères avaient gagné la péninsule Ibérique pour s'yétablir le long de la Méditerranée (voir la carte de gauche). Ilsformaient plusieurs peuples distincts, dont les Lacetani, les Ausetani,les Sordones, les Indigetes, les Cessetani, les Hercavones, etc.,dans les régions où résident aujourd'hui les catalanophones. Lalangue de ces peuples anciens, l'ibère (avec de nombreuses variétésdialectales), a été attesté dans des inscriptions qui n’ont pas encoreété entièrement déchiffrées. Cette langue autochtone, qui n'est pasd'origine indoeuropéenne, devait progressivement s'éteindre vers leIer ou le IIe siècle de notre ère, pour être remplacée graduellementpar le latin et, plus tard, par les langues romanes.

Au IIe millénaire, les côtes méditerranéennes furent occupées par lesPhéniciens et les Grecs. Ce sont les Grecs qui ont désigné lapéninsule Iberia (en français: Ibérie), sans doute en souvenir despremiers occupants, les Ibères.

Vers l’an 1000, des vagues d’immigrants venus de la Germanie et de la Gaule, les Celtes, arrivèrent par le nord et s’établirentdans la vallée de l’Èbre, à l’ouest de la région occupée par les Aquitains et plus ou moins dans la Catalogne actuelle. LesCeltes et les Ibères ont probablement coexisté durant un certain temps, puis ils se sont mélangés en formant le fond celtibèrede la population de la péninsule. Les Celtibères parlaient une langue celtique de type archaïque, relativement différente dugaulois parlé au nord de la péninsule. Ils ont laissé des traces dans de nombreux noms de lieux comme Berdún, Salardú,Navardún ou Conimbriga (au Portugal). Au cours du Ve siècle, les Carthaginois venus de l’Afrique du Nord étendirent leurdomination sur la partie sud de la péninsule, mais ils furent suivis rapidement par les Romains.

3 La romanisation de l'Hispania

Ce furent les armées des frères Scipion qui commencèrent laconquête romaine en 218 avant notre ère, soit au cours de laseconde guerre punique contre les Carthaginois; mais les Romainsne les écrasèrent qu’en 208. Après s'être emparés d'Emporion

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(Empuries) dans le nordest de la péninsule, les Romainsorganisèrent la conquête de la péninsule Ibérique à partir deTerragone (Tarragona), ce qui mettait fin à la présencecarthaginoise et à la civilisation ibère. Néanmoins, les envahisseursmirent près de deux siècles à imposer la «pax romana» enHispania.

La romanisation fut assez rapide au sud (en 169 avant notre ère),en Hispania citerior (en deça de l’Èbre ou Rio Ebro). Leshabitants abandonnèrent vite leur langue pour parler le latinpopulaire. Dans le Nord, ce que les Romains appelaient alorsl’Hispania ulterior (Galice, Pays basque et Catalogne), c'estàdirel’Espagne lointaine, la résistance fut farouche, car les Romains ne«pacifièrent» cette région qu’en l'année 19 avant notre ère.

Finalement, toute la péninsule Ibérique se latinisa, à l’exceptiondu Pays basque au nord, où les habitants continuèrent à parlerleur langue, malgré les pressions exercées par les Romains.L’Hispania fut réorganisée et divisée en trois provinces: laBétique (ou Baetica) au sud, la Lusitanie (Lusitania) à l’ouest etla Tarraconaise (Tarraconensis) dans le reste de la péninsule.

Étant donné que l’Hispania était située à l’extrémité de l’Empireromain, donc plus isolée, le latin parlé dans ces trois provincesdemeura généralement plus archaïsant et moins ouvert auxinnovations linguistiques venues de Rome. D’ailleurs, beaucoupde formes latines anciennes furent conservées plus tard encastillan et en portugais. Par exemple, le vieux mot latin mensa(«table») a donné mesa en castillan et en portugais, mais il a étéabandonné en Catalogne, en Gaule et en Italie pour un nouveau

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mot, tabula, devenu taula en catalan, table en français et tavolaen italien. On pourrait multiplier les exemples de ce genre,lesquels témoigneraient, comparativement au reste du monderomanisé, de l’évolution différente du latin dans l’ancienneHispania.

De plus, l’évolution du latin accusa une différence supplémentaire entre les parlers du Nord (au nord de l’Èbre) et ceux du Sud.Certaines populations du Nord se latinisèrent parfois très tardivement, jusqu’à la fin du IIIe siècle. Au final, les populations firentplus que se latiniser, car elles se christianisèrent également.

3 Les invasions germaniques et le morcellement du latin

Les différences linguistiques du latin populaire particulières à l’Hispania allaient s’accentuer avec les invasions germaniquesqui commencèrent en 409 avec les Vandales, puis avec les Alains et les Suèves. En 412, les Wisigoths, devenus alliés desRomains, refoulèrent les Vandales en Bétique, les Alains en Lusitanie et les Suèves dans l’actuelle Galice. Les Wisigothsentrèrent en Hispania en 414 et fondèrent un royaume en 415 avec Barcelone comme capitale. De fait, les Wisigoth furent lepremier peuple germanique à s'installer sur les terres de ce qui allait devenir la Catalogne.

3.1 Les Wisigoths

Au milieu du Ve siècle, les Wisigoths occupaient non seulement lesudouest de la France, mais pratiquement toute la péninsuleIbérique, soit de Gibraltar jusqu’au sud de la Loire, avec Toulousecomme capitale. Mais l’unification du territoire wisigoth ne fut assuréeque lorsque Tolède devint la capitale du royaume en 507, pourenviron deux cents ans. Ce sont les Wisigoths qui auraient donnéson nom actuel à la Catalogne: Gotholonia ou Gotolonia («terre desGoths).

À la fin du Ve siècle, l'Empire romain d'Occident se trouvait morcelé

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en une dizaine de royaumes germaniques (voir la carte historique) :pendant que les Ostrogoths étaient installés en Italie, en Sardaigne etdans les Balkans, les Wisigoths occupaient l'Espagne et le sud de laFrance, les Francs avaient pris le nord de la France et de laGermanie, pendant que les Suèves occupaient la Galice, alors queles Basques étaient retranchés dans leurs montagnes.

3.2 Les langues romanes

Les Wisigoths, comme plusieurs peuples germaniques, n'ont pas imposé leur langue, car ils n'étaient pas assez nombreux,tandis que les mariages mixtes les assimilaient graduellement aux populations autochtones. Finalement, les Wisigothsadoptèrent la langue des vaincus, une langue qui n’était plus le latin d’origine, mais un latin populaire dit «vulgaire» (du latinvulgus: «peuple») considérablement transformé pour devenir du roman, sauf au Pays basque où le basque, une langue préindoeuropéenne, s'est maintenu dans les montagnes.

Étant donné que les écoles et l'administration romaines avaient disparu, le latin populaire avait perdu de son uniformité etévolué de manière différente dans les différents territoires des Wisigoths, comme d'ailleurs dans les autres royaumesgermaniques. En même temps, nous savons que certaines langues germaniques, tels le gothique (la langue des Wisigoths) etle francique (la langue des Francs), furent parlées encore jusque dans la seconde moitié du VIe siècle et qu'elles ont pusurvivre dans certaines régions jusqu'au milieu du VIIe siècle. Durant environ deux siècles, les populations germaniques de lapéninsule Ibérique s'assimilèrent progressivement et changèrent de langue maternelle pour utiliser les variétés romanes enusage à cette époque. À la fin du VIIe siècle, le wisigoth était une langue morte, à l'instar du latin. Celuici demeura la langue dela culture et de l'écriture, tandis que le roman était devenu la langue parlée par la grande majorité des habitants de lapéninsule. Évidemment, ce n'est qu'ultérieurement qu'on prendra conscience que la langue écrite et la langue parlée étaientdevenues deux réalités différenciées. Cependant, cette langue romane parlée n'était pas uniforme, elle était segmentée en unemultitude de variétés linguistiques locales, aisément compréhensibles de village en village, mais plus hermétiques entre leNord et le Sud de la péninsule.

3.3 L'influence linguistique du gothique

Néanmoins, le gothique et le franc ont laissé des traces dans les langues ibéroromanes, notamment dans le castillan et le

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catalan. Nous savons que les emprunts au gothique sont d'environ un millier en castillan; ce nombre est probablementidentique en catalan auquel il faut ajouter des mots du francique, car le catalan a subi l'influence du francique, contrairementaux autres langues ibériques. Étant donné que le catalan n'existait pas encore au début du VIIe siècle, beaucoup de ces motsont été transmis aux variétés romanes qui deviendront du catalan. Enfin, certains de ces germanismes furent sans douteintroduits par le biais d’une langue romane voisine, comme l'occitan ou le français. Le règne des Wisigoths dura un peu plusd’un siècle, jusqu'à l'arrivée des Arabes en Hispania. Le catalan, pour sa part, allait être influencé par le francique des Francsaprès les invasions arabes.

4 La période arabe

Profitant de l'effritement du pouvoir wisigoth aux prises avec des révoltesinternes, les Arabes (appelés «Maures») débarquèrent à Gibraltar en 711; ils conquirent presque toute la péninsule Ibérique en moins de septannées. Au nord, la Catalogne leur fut acquise en 712, le royaume deValence en 714, la ville de Barcelone en 717, mais les îles Baléaresn'allaient être conquises qu'en 903. La supériorité militaire desmusulmans était incontestable. Beaucoup de chrétiens d’Espagne seréfugièrent dans les royaumes indépendants au nord (les Asturies, leLéon, les Pyrénées), tandis que la religion et la civilisation musulmanes’implantaient rapidement dans le reste de la péninsule. Seules deuxrégions échappèrent à la domination musulmane: la région des Pyrénéespour un temps, mais surtout le nordouest de l’Espagne, soit les Asturieset le Léon.

La région occupée par les Arabes fut appelé AlAndalus. Selonl'historien allemand Heinz Halm, le mot proviendrait de deux motswisigoths arabisés: landa signifiant «terre» et hlauts signifiant «sort» ou«tirage».

Traditionnellement, les Wisigoths procédaient à la répartition des terres conquises par tirage au sort. Ce terme aurait été reprispar les Arabes au VIIIe siècle et déformé phonétiquement en alAndalus.

Il ne faut pas croire que l'influence arabe sur les territoires ibériques fut homogène, car il convient detenir compte de la durée de l'occupation et de l'intensité de l'arabisation. Par exemple, les emprunts àl'arabe furent moins nombreux dans la Vieille Catalogne (plus au nord) que dans la Nouvelle Catalogne

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plus au sud, ainsi qu'au Pays valencien et aux Baléares, ces derniers territoires se trouvant pluslongtemps sous la domination arabe, alors que le catalan commençait à s'y implanter.

Les Arabes ont poursuivi leur expansion audelà des Pyrénées, en territoire franc dans l'Empirecarolingien, mais ils furent vaincus en 732, lors de la célèbre bataille de Poitiers, par Charles Martel,grandpère de Charlemagne. L’expansion musulmane vers le nord venait de prendre fin. Les Arabes sereplièrent définitivement au sud des Pyrénées. Les Arabes allaient perdre progressivement desterritoires jusqu'en janvier 1492, alors qu'ils furent vaincus à Grenade par les Rois Catholiques.

À partir du XIe siècle, l’arabe devint la langue de culture de la plus grande partie de la péninsule Ibérique et influençaconsidérablement le castillan et les autres langues comme le catalan et l'aragonais. Le lexique de ces langues s’imprégnad’arabismes d’une manière impressionnante, mais surtout le castillan, l'andalou et le portugais, etc. En castillan, leur nombres’élèverait à environ 4000 mots, sans compter les 1500 toponymes qu’on trouve encore en Espagne. Quant au catalan, àl'exemple du français, de l'occitan et de l'italien, il a beaucoup moins subi l'influence de la langue arabe que le castillan. De fait,la coexistence de l'arabe avec le catalan et l'aragonais fut très brève, car une partie de la population chrétienne quitta lesterritoires contrôlés par les Arabes, alors qu'une autre s'islamisa en adoptant la langue arabe.

Au cours de l'occupation arabe, le catalan a néanmoins emprunté quelques centaines de mots arabes: talaia («tour de guet»),duana («douane»), albarà («bordereau de livraison»), arròs («riz»), sucre («sucre»), carxofa («artichaut»), alfàbega («basilic»),massapà («pâte d'amande»), xarop («sirop»), safata («plateau»), matalàs («matelas), guitarra («guitare»), etc. La toponymiefut aussi très influencée par l'arabe avec les préfixes Beni, Bini, et Al: Benimel·là, Binissalem, Alcúdia, etc. Sans oublier lesanthroponymes du type Mesquida, Rufat, Borja, etc.

6 La naissance du catalan

Lors de l’occupation arabomusulmane, le processus de fragmentation du roman s’accéléra considérablement en raison dumorcellement des nouveaux conquérants en une vingtaine de petits royaumes indépendants. Les nombreuses variétésromanes se transformèrent en diverses langues qu’on peut regrouper en trois grandes catégories: les langues d'oïl au nord dela France, les langues d'oc, dont fit partie le catalan, au sud de la France et au nord de l’Espagne, les langues castillanes ausud. Ainsi, le catalan serait né entre la fin du VIIe siècle et le début du VIIIe siècle, au terme de l'évolution finale du latinpopulaire. À cette époque, le catalan et l'occitan ne formaient qu'une seule langue. C'est seulement à partir du IXe siècle que lecatalan se développa de façon distincte. Cependant, cette langue n'était employée qu'à l'oral, le latin continuant d'être la seulelangue écrite. Le catalan ne commencera à être employé par écrit qu'au bout de quelques siècles, et ce, de manièreprogressive.

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5.1 La monarchie carolingienne

Après avoir arrêté l'expansion arabe à Poitiers (732), les Francs pénétrèrent par vaguessuccessives au nord de la péninsule Ibérique. Pépin le Bref (715768), le fils de Charles Martel,réussit à chasser définitivement les Arabes de la Septimanie, une province au sud du royaumefranc; en 759, il libéra Narbonne des Arabes. Il fut le premier roi franc à établir une frontière fixe auniveau de la barrière naturelle des Pyrénées. Son fils, Charlemagne (742814), poursuivit l’avancéecarolingienne et fit la conquête de Gérone en 785. En 801, il délogea les Arabes de Barcelone, puisil conquit toute la Vieille Catalogne, des Pyrénées jusqu'au fleuve Llobregat qui se jette dans laMéditerranée. Les territoire conquis sur les musulmans devinrent la Marche d'Espagne (dufrancique marka, «marcher», servant à désigner une province frontalière), nom donné au territoirefranc dans la péninsule Ibérique, juste au sud des Pyrénées.

Les monarques carolingiens organisèrent les nouveaux territoires en comtés et construisirent deschâteauxforts près de la frontière. Les comtes étaient désignés par la royauté carolingienne.

Au nord des Pyrénées, les comtés francs faisaient partie de la province de Septimanie (en latin Septimania), nom de la VIIelégion romaine qui y avait été originellement établie, mais aussi en raison des sept villes principales de l'époque : Narbonne(Narbona), Elne (Helna), Lodève (Lodeva), Carcassonne (Carcassona), Agde (Agde), Béziers (Baeterrae) et Maguelonne(Magalona). Cette région allaient être occupée par les Arabes à partir de 719, mais reprise par les Francs de Charles Martel en732. Au Xe siècle, elle devint le duché de Narbonne, puis fut rattachée aux comtes de Toulouse pour faire partie du domaineroyal de France en 1229.

Les comtés de la Marche d'Espagne, au nombre de dix à la fin du IXe siècle, correspondent encore aux dénominationscatalanes actuelles : Ribagorça, Pallars, Urgell, Cerdanya (Cerdagne), Rosselló (Roussillon), Empúries, Besalú, Osona, Girona(Gérone) et Barcelona (Barcelone); s'y ajoutèrent Arago, Pallars, Barga, etc. La ville de Barcelone devient le centre despossessions franques en Espagne.

Marche d'Espagne Septimanie

1. Royaume dePampelune2. Comté d'Aragon3. Comté deSobrarbe 4. Comté deRibagorça5. Val d'Aran

17. Comté de Roussillon(Rosselló)18. Comté de Conflent (Conflent)19. Comté du Razès (Rasès)

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6. Comté de Pallars7. Comté d'Urgell8. Comté deCerdagne9. Comté de Besalu10. Comté dePeralada11. Comté de Ripoll 12. Comté de Barga13. Comtéd'Empuries 14. Comté d'Osona15. Comté deGérone 16. Comté deBarcelone

20. Comté de Carcassonne(Carcassona)21. Comté de Narbonne(Narbona)22. Comté d'Agde et de Béziers(AgdeBesiers)23. Comté de Lodève (Lodeva)24. Comté de Melgueil(Melguelh)25. Comté de Nîmes (Nimes)

Charlemagne gouvernait son empire par l'intermédiaire des comtés, sous l'autorité d'un «compagnon du roi» appelécomes/comitis (ce qui a donné en français «comte» et «comté») à qui il déléguait l'administration locale. Ce dernier était à lafois un administrateur, un juge, un chef militaire et un percepteur d'impôts. Très souvent choisis parmi les membres de laproche famille de Charlemagne, les comtes furent à l'origine d'une aristocratie dont les liens survivront, malgré les frontières,au morcellement de l'empire carolingien. Parmi eux, le comté qui joua le plus grand rôle, fut le celui de Barcelone. Le titre decomte était alors révocable, puis avec le temps le titre devint héréditaire, ce qui allait donner lieu à des dynasties comtalescatalanes.

La plupart des comtes carolingiens parlaient le francique, la langue des Francs, mais lalangue écrite demeurait le latin d'Église. Quant à la langue de la population locale, c'étaitune variété de roman qui différait d'une région à l'autre. Les comtés des territoirescorrespondant à la Catalogne actuelle étaient les suivants: Barcelone, Urgel, Cerdagne,Empúries, Pallars, Osona (Ausone), Roussillon et Gérone. Ces comtés provenaient enréalité d'anciennes divisions administratives des Wisigoths.

À cette époque, tous ces comtés faisaient partie intégrante de l'Empire carolingien,

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particulièrement ce qui deviendra après la mort de Charlemagne la «Francie occidentale»("Francia Occidentalis"), alors que les autres régions de la péninsule Ibérique faisaient partiede l'émirat de Cordoue, à l'exception des Asturies et du Pays basque (indépendants). C'estpourquoi les comtés catalans (voir la carte de gauche) conserveront un héritage culturel etlinguistique particuliers par comparaison au reste de l'Espagne. La langue catalane seradavantage influencée, comme le français et l'occitan, par le francique.

5.2 L'indépendance de la Catalogne

Au IXe siècle, le comte Guifred le Velu, en catalan Guifré el Pilós (840897), comte d'Urgell etde Cerdagne, parvint à réunir sous son autorité les comtés d'Osona, de Gérone et de Barcelone.Il est considéré comme le fondateur de la Catalogne en construisant l'État catalan autour ducomté de Barcelone, rejetant ainsi la suzeraineté des rois francs. Il fut aussi à l'origine d'unedynastie comtale et royale, qui allait se transmettre de père en fils jusqu'en 1410, soit cinqsiècles. C'est lui qui élabora les armoiries des comtes de Barcelone. Vers la fin du Xe siècle,profitant du déclin de l'Empire carolingien, les comtes de Barcelone établirent la suprématie deleur ville sur toute la région, ce qui entraîna la séparation définitive de la Catalogne à l'égard dela France carolingienne.

C'est avec le comte Borrell II (mort en 992) que la Catalogne deviendra un État indépendant, alors que le dernier suzeraind'origine franque était Hugues Capet (mort en 996), fondateur de la dynastie capétienne, laquelle donnera 37 rois à la France,mais aussi des souverains à Naples, à la Sicile, à l’Espagne, au Portugal, à la Hongrie, à la Pologne, à la Roumanie et auLuxembourg.

Le processus d'unification se renforça sous le règne du comte deBarcelone Raimond Bérenger Ier (10351076). À cette époque, lescomtés de Besalú, de Cerdagne, d'Empuries et d'Urgellreconnaissaient la suprématie du comte de Barcelone. De plus, les

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évêchés catalans appartenaient à une même provinceecclésiastique, celle de Narbonne, ce qui favorisait un facteur decohésion et d'unification linguistique.

Au siècle suivant, sous le règne du comte Raimond Bérenger III(10961131), les mots català et Catalunya s'appliquaient déjà àl'ensemble des habitants de la région. La dénomination comtat deBarcelona (comté de Barcelone) en vint à désigner l'ensemble desterritoires catalans, expression qui allait précéder Principat deCatalunya, la principauté de Catalogne et, plus tard, la Generalitatde Catalunya.

À la même époque, soit aux XIe et XIIe siècles, les comtes de Barcelone, devenus les souverains de la Catalogne, entreprirentune ambitieuse politique d'expansion territoriale sur un vaste territoire du sud de la France actuelle. Ainsi, le comte RaimondBérenger Ier (10221076) acheta en 1067 les comtés de Carcassonne et de Razès, et fit l'acquisition de plusieurs droits surNarbonne, Toulouse et Béziers. Un siècle plus tard, en 1112, Raimond Bérenger III (10821131) acquit par son mariage avecDouce de Provence les droits des comtés de Gévaudan, de Millau, du Carladez et de la Provence. Il prit la ville de Majorqueaux Baléares en 1114.

Peu à peu, les premiers textes rédigés en catalan firent leur apparition : il s'agit des Greuges de Guitard Isarn, senyor deCaboet (10801095), ce qui correspondrait en français aux «Doléances de Guitard Isarn, seigneur de Caboet». Il y a aussi leJurament de pau i treva del comte Pere Ramon de Pallars Jussà al bisbe d'Urgell, ce qui signifie «Serment de paix et trêve ducomte Pere Ramon de Pallars Jussà à l'évêque d'Urgell», daté probablement de 1098. Puis l'emploi d'éléments catalans dansdes documents à caractère féodal, avant tout des serments et des doléances, s'étendit progressivement. Le XIIe siècle vitarriver les premiers textes écrits en catalan à caractère juridique, ainsi que les premières traductions. Le catalan était la languede l'administration catalane et celle de la plus grande partie de la population. Dès cette époque, le catalan s'affirmait face aulatin, au castillan, à l'aragonais et à l'occitan. Avec le développement des villes, le catalan devint la langue de la littératurereligieuse et juridique, ainsi que des affaires commerciales méditerranéennes.

6 L'union de l'Aragon et de la Catalogne

Un autre événement historique allait marquer l'histoire

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de la Catalogne: l'union en 1137 du royaume d'Aragonet de la Catalogne. En vertu du traité, le comte deBarcelone, Raimond Bérenger IV (en catalan RamonBerenguer IV, 11131162), devait épouser Pétronilled'Aragon (11361164), l'héritière du royaume d'Aragon;le comte de Barcelone héritait de la couronne d'Aragon,même si Pétronille décédait avant le mariage qui eut lieuen 1150. RaimondBérenger IV gouverna l'Aragon,sans en être roi, car il préféra porter le titre de «comtede Barcelone» et «prince du royaume d'Aragon». Mais ilfut le dernier monarque catalan à utiliser en premier lieule titre de «comte de Barcelone». Alphonse II d'Aragon(11571196), le fils de RaimondBéranger IV, devint lepremier souverain de la Couronne d'Aragon, portantsimultanément les titres de comte de Barcelone, comtedu Roussillon et roi d'Aragon.

Contrairement aux usages de l'époque, la Couronned'Aragon développa un mode d'administration trèsdécentralisé, une sorte de confédération aragocatalane,dans le but de répondre aux grandes différencespolitiques, économiques et linguistiques des deuxparties de la Couronne, l'Aragon et la Catalogne.

D'un côté, l'Aragon conservait ses particularismes au sein de la Couronne d'Aragon, grâce à ses Cortes (Parlement) et auxpouvoirs étendus de sa noblesse, y compris sa langue, l'aragonais, mais aussi le castillan utilisé par une grande partie de lapopulation. Quant à la Catalogne, elle conservait ses usages et coutumes, sa monnaie et sa langue officielle, le catalan. Ils'agissait bien de l'union dynastique de deux entités autonomes, qui conservaient chacune ses lois particulières et sesinstitutions, mais demeuraient unies sous le règne d'un seul souverain. Beaucoup d'historiens ont considéré cette organisationpolitique comme l'un des «chefsd'œuvre du Moyen Âge hispanique». En 1164, les territoires qui composaient alors lacouronne aragonaise étaient les suivants:

le royaume d'Aragon (Jaca, Roda de Isábena, Huesca, Barbastro, Tarazona, Saragosse et Calatayud) ; les comtés catalans : le comté de Barcelone, mais aussi les comtés qui lui ont été réunis tels les comtés de Berga, de Besalú, de Gérone,de Manresa et d'Osona ; les comtés vassaux de la Couronne aragonaise : les comtés de Pallars Sobirá, de Pallars Jussá, d'Urgell, d'Ampurias, de Roussillon, deBigorre et de Comminges, ainsi que les les vicomtés de Béarn, de Carcassonne et du Razès ; le marquisat de Provence, héritage de la mère de RaimondBérenger IV, Douce de Provence, et administré par Alphonse II entre 1166 et1196 (Arles, Nice, AixenProvence, Marseille), mais aussi les comtés du Carladès, du Gévaudan et de Millau ;

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les conquêtes de RaimondBérenger IV (Daroca, Monreal del Campo, Montalbán, Caspe, Fraga, Lérida et Tortosa).

Ces territoires furent en grande partie catalanisés de part et d'autre des Pyrénées. Cependant, les régions plus éloignées ne lefurent point, que ce soit dans le Béarn, dans le Languedoc ou en Provence.

6.1 La répartition des langues

À partir de 1212, la Reconquête espagnole (appelée Reconquista) prit del’expansion et les terres progressivement abandonnées par les musulmansfurent colonisées par les habitants venus du Nord. Les langues d’oc (oulangues occitanes) ont donné naissance au gascon, au languedocien, aubéarnais, etc., ainsi qu'au catalan qui leur était très apparenté. Vers le XIesiècle, on peut dire que, grosso modo, le centre de la péninsule Ibérique étaitcastillanisé, l’est et le nord était catalanisé, sauf au Pays basque où la languebasque s’était maintenue contre vents et marées. Quant au nordouest, ils’était «galicianisé» et donnera plus tard naissance au portugais.

En outre, certains idiomes issus du latin se sont développés dans les zonesintermédiaires tels que le léonais, une sorte de «dialecte de transition» entre legalicien et le castillan, et l’aragonais, qui se situerait entre le castillan et lecatalan. Jusqu’au milieu du Xe siècle, le castillan n’était pas une langue plusimportante que les autres, c’était un obscur dialecte parlé dans le centre et lenord de la péninsule.

À la fin de la Reconquête espagnole, le paysage politique se présentait ainsi:

au nord: la principauté d'Andorre, avec la langue catalane; au nord: le royaume de Navarre, avec la langue basque; au nordest: le royaume d’Aragon (Catalogne, Valence, Baléares), de langue catalane; à l’ouest: le royaume du Portual, avec la langue portugaise; le reste du pays: le royaume de Castille (Léon, Asturies, Cordoue, Estrémadure, Galice, Cadix, Séville), avec la languecastillane.

En 1512 le royaume de Navarre disparaîtra, annexé par Ferdinand d’Aragon au royaume de Castille et que la BasseNavarreau nord sera intégrée à la France lorsque Henri IV (15721610) deviendra à la fois roi de France et de Navarre (celle du Nord).

8.2 L'expansion catalane

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Dès le XIIe siècle, RaimondBérenger III deBarcelone (en catalan: Ramón BerenguerIII) dit le Grand (né en 1082 et décédé en1131), avait reçu en héritage les comtés deBarcelone, de Gérone et d'Osona (Ausoneen français) en 1082, puis comté de Besalùen 1111, le comté de Provence en 1112, laCerdagne française en 1117. RaimondBéranger III étendit sa domination jusquedans le midi de la France où il devintRaimondBérenger Ier de Provence. Il avaitconquis aux dépens des musulmans la villede Tarragone au sud entre 1119 et 1129.Son règne permit à l'unification catalaned'accomplir des progrès importants. Sessuccesseurs prirent les villes de Tordosa en1148 et de Lleida en 1148.

Puis les Catalans menèrent une politiqued'expansion particulière à travers laMéditerranée tout au long du XIIIe siècle etdans le premier tiers du XIVe siècle. Aprèsavoir conquis sur les musulmans lesterritoires de la Vieille Catalogne, duRoyaume de Majorque et du Royaume deValence, la Confédération catalanoaragonaise conquit la Sicile, la Sardaigne,les duchés d’Athènes et de Néopatrie enGrèce. La Sardaigne avait été cédée par lepape Boniface VIII à Jacques II d’Aragon,puis elle fut incorporée au royaume en 1323et repeuplée de catalanophones dès 1372.

Les Catalans conservèrent leurs comtés septentrionaux au nord des Pyrénées jusqu’en 1659, alors que le Roussillon allait êtreannexé par la France, tandis que la principauté d’Andorre allait rester la copropriété des comtes d’Urgel (Catalogne) et descomtes de Foix (France).

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Le sud des Pyrénées

En 1232, le roi Jacques Ier d'Aragon (12081276), dit le Conquérant (en catalan Jaume I el Conqueridor), entreprit laconquête du territoire qui allait devenir le Royaume de Valence, mais le conflit dura jusqu'au traité d'Almizra de 1244, signéentre la couronne d'Aragon et la couronne de Castille afin de fixer les frontières des royaumes de Valence et de Murcie. Lesnouveaux arrivant venus de la Catalogne n'occupèrent que la zone côtière, tandis que l'intérieur fut repeuplé partiellement parles habitants du Royaume d'Aragon parlant soit l'aragonais soit le castillan. Néanmoins, le repeuplement par des chrétiensdemeura relativement lent, car à la fin du règne de Jacques Ier d'Aragon le Royaume de Valence était encore habitémassivement par des Arabes. Cette réalité a laissé des marques encore manifestes dans la langue des locuteurs du Paysvalencien : on y parle le catalan (ou valencien) sur les côtes et le castillan dans l'arrière pays.

En 1229, une expédition, comprenant 15 000 hommes aragonais et catalans, avait débarqué à l'île Majorque (Baléares) ets'était emparée de la ville de Palma, avait passé les habitants musulmans au fil de l'épée; les survivants s'étaient enfuis versl'Afrique ou avaient été réduits en esclavage. Les Catalans repeuplèrent les îles Baléares de catalanophones en quelquesannées. Durant tout le Moyen Âge, le catalan resta la langue véhiculaire des habitants du Royaume d’Aragon, du nord desPyrénées en passant par la Catalogne (devenue la Generalitat de Catalunya), le Pays valencien, les îles Baléares et laSardaigne. Cette époque fut pour les Catalans une période de grand épanouissement économique, littéraire et artistique, cequi eut pour effet de répandre la langue hors de ses frontières d'origine.

Le traité de Corbeil (1258)

Une vieille querelle, dont les revendications remontaient à près de 500 ans, opposait la France à l'Aragon : la premièrerevendiquait la Marche d'Espagne, tandis que l'autre avait des prétentions sur le midi de la France. En 1258, par le traité deCorbeil, rédigé en latin et signé au prieuré de SaintJeanenl'Isle entre les représentants de Jacques Ier d'Aragon et de LouisIX (dit saint Louis), la France renonçait à ses prétentions sur la Catalogne, tandis que le roi d'Aragon renonçait à certaines sesprétentions dans le Languedoc (sauf Montpellier). Le roi d'Aragon, Jacques Ier, abandonnait son rêve d’expansion vers le norden cédant tous ses droits sur le Languedoc, y compris Carcassonne. En fait, il renonçait à ses prétentions sur la Provence et leLanguedoc, à l'exception de Montpellier, c'estàdire les domaines de Marguerite de Provence, l'épouse du roi de France. Encontrepartie, le roi de France renonçait à ses prétentions sur toute la Catalogne, la Cerdagne et le Conflent, malgré desprivilèges hérités de ses prédécesseurs carolingiens.

Renonciations (comtés) de Louis IX Renonciations (comtés) de Jacques Ier

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12. Roussillon13. Conflent14. Cerdagne15. Urgel 16. Barga17. Ripoll

18. Besalu19. Peralada20. Empuries21. Gérone22. Osona23. Barcelone

1. Toulouse2. Comminges3. Foix 4. Carcassonne5. Razès6. Narbonne

7. Béziers8. Lodève9. Nîmes10. Provence11. Montpellier

L'objectif du traité était d'échanger des territoires de façon à ce qu'aucune enclave ne subsiste de part et d'autre de la frontièrefrancoaragonaise, ce qui n'a pas été vraiment atteint. En effet, la question du comté de Montpellier était restée en suspens, demême qu'une incertitude concernant le Roussillon qui, de toute façon, reviendra à la France en 1659. Le traité de Corbeilmarquait la limite territoriale entre les langues d'oc et le catalan, mais des Français se sont retrouvés en Catalogne, et desCatalans en France. De plus, la limite entre les deux royaumes demeura encore floue, peu claire et apte à de nombreuxmalentendus entre les sujets du roi de France et ceux du roi d'Aragon, avec le résultat que la frontière ne fut à peu près jamaisrespectée.

La Couronne d'Aragon a atteignit son apogée avec la conquête du royaume de Valence et la prise de possession de laSardaigne, de la Sicile, même temporairement de la Corse et du Royaume de Naples. Les Catalans vont même fonder unduché éphémère en Grèce. Cette expansion explique l'emploi du catalan au Pays valencien, aux Baléares et dans un quartierde la ville bourg d'Alghero en Sardaigne. À cette époque, les Catalans s’affirmèrent comme la première puissance de laMéditerranée occidentale.

7 Le déclin du catalan ou la «Decadència»

La Catalogne amorça son déclin après la peste noire de 1348. Cette pandémie fut à l'origine transmise par des bateaux génoisen 1347, puis elle se répandit dans les ports méditerranéens, avant de se généraliser dans toute l'Europe occidentale : au total,25 millions de victimes en Europe seulement, et autant en Asie. En Espagne, la peste a pu décimer jusqu'aux deux tiers de lapopulation, en particulier en Aragon et en Catalogne, au cours de neuf vagues épidémiques qui se sont produites entre 1348 et1401. Dans le Royaume d'Aragon, environ 40 % des habitants ont été victimes de la peste. De fait, les épidémies, les pestes,les révoltes paysannes, le banditisme et les incursions turques finirent par fragiliser gravement la Catalogne. Forcément, lesravages dus à la peste noire eut des conséquences sur le nombre des locuteurs du catalan en réduisant considérablement leseffectifs.

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7.1 L'union de l'Aragon et de la Castille

Sous le règne de Jean II d'Aragon (13981479), la crise s'envenima davantage lors d'une longue guerre civile déclenchéeentre le roi et son fils Charles de Viane qui avait reçu l'appui des élites catalanes. Afin de conserver son trône, Jean II d'Aragonfut contraint de demander de l’aide auprès des Français. En échange, il devait perdre le Roussillon et la Cerdagne. Réunisdans les Cortès (Parlement), les Catalans obtinrent la libération du prince et le rétablissement de ses droits d'héritier. De plus,Jean II d'Aragon dut consentir au mariage du prince avec Isabelle de Castille, mais Charles fut empoisonné en 1461 avant lemariage, avec le résultat qu'Isabelle finit par épouser en 1469 Ferdinand qui devint Ferdinand II d'Aragon.

Le mariage en 1469 de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle deCastille eut pour effet de réunir les deux royaumes d'Aragon et dela Castille, ce qui devait entraîner aussi à court terme la fin de ladynastie catalane. Les deux monarques régnèrent ensemble, mêmesi les deux couronnes demeuraient séparées.

En 1487, les armées de Ferdinand d'Aragon et d’Isabelle de Castilleenvahirent le Royaume de Grenade. Malaga, la plus fortifiée descités grenadines, tomba en août 1487; à la fin de 1489, les villes deGuadix, d'Almuñecar, d'Almeria et de Baza tombèrent également.Au début de 1490, il ne restait plus que la ville de Grenade encoreaux mains des musulmans. Le 2 janvier 1492, après plusieurs moisde siège, les forces unifiées du roi d'Aragon et de la reine deCastille allaient prendre Grenade, le dernier bastion musulman enEspagne. Tous ces événements contribuèrent à assurer le prestigedu Royaume de Castille. Grâce à Ferdinand d'Aragon, le Royaumede Castille devint une puissance mondiale. Ce fut aussi l'époque del'âge d'or de la littérature espagnole.

Quant aux Catalans, ils supportèrent mal la nouvelle autorité castillane. Ce fut le début de la rude concurrence du catalan avecle castillan, car l'Espagne unifiée imposa la castillanisation du royaume, bien que le catalan continuât de bénéficier de sonstatut de langue officielle dans les anciens comtés de la Catalogne. Néanmoins, le long déclin de la langue catalane étaitamorcé. Les Catalans ont appelé cette période la «Decadència», la «décadence», une période dans laquelle la languecatalane est entrée dans un processus de régression qui durera jusqu'au XIXe siècle. Pendant trois siècles, les Catalans vontse rebeller à de nombreuses reprises pour défendre leurs droits face au pouvoir castillan de plus en plus expansionniste; ilschercheront vainement à échapper à l'effort militaire de l'Empire espagnol.

7.2 Le traité des Pyrénées de 1659

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Au cours du XVIIe siècle, l'Espagne vécut sous le règne des souverains issus de la Maison d'Autriche, notamment CharlesQuint (15001558) et ses successeurs. Charles Quint est monté sur le trône d'Espagne en 1516 sous le nom de Charles Ierd'Espagne. Dans cet immense empire, la Catalogne constituait un État autonome tout en conservant ses institutionstraditionnelles et sa langue. Toutefois, dorénavant, en raison de la prépondérance incontestable de la Castille, la Catalognedevait demeurer à l'écart des affaires de l'Espagne, notamment dans les échanges avec le Nouveau Monde, c'estàdirel'Amérique, car tout passait essentiellement par Séville et Madrid. Bref, la découverte de l'Amérique en 1492 entraîna ledéplacement des échanges commerciaux de la Méditerranée vers l’Atlantique, ce qui accentuait la régression de la Catalogneet de sa langue.

Les difficultés économiques s'accentuèrent en Catalogne. Qui plus est, la Couronne d'Espagne dePhilippe IV (Felipe IV) cherchait à financer par des impôts alourdis ses guerres hispaniques, dont laguerre de Trente Ans (de 1618 à 1648) contre la France, un conflit qui déchira l'Europe durant troisdécennies. La guerre contre la France accrut encore les tensions entre la Generalitat de Catalogne etle gouvernement espagnol. Philippe IV voulut unifier les États d'Espagne, mais rencontra une viveopposition en Catalogne. En 1640, celleci se souleva contre Philippe IV. La Catalogne proclama laRépublique catalane, puis en janvier 1641 désigna le roi de France, alors Louis XIII, comme le comtede Barcelone et le souverain de la Catalogne. Aussitôt, en décembre 1640, les Français entrèrent enCatalogne et en 1642 occupèrent les villes de Barcelone, de Collioure, de Perpignan et de Salses, desorte que la plus grande partie du Roussillon fut maintenue sous contrôle français, tandis que lestroupes espagnole de Philippe IV étaient chassées du territoire. La principauté de la Catalogne futplacée sous souveraineté française durant une dizaine d'années.

Pour la France, cette intervention en Catalogne présentait une occasion d'ouvrir un front sur le territoire espagnol afin d'affaiblirles forces de Philippe IV et de servir éventuellement comme monnaie d'échange. Mais la situation ne pouvait perdurer.Profitant de la déception des indépendantistes catalans face aux excès de l'armée française, Philippe IV envoya en 1652 unearmée dirigée par le général Juan José d'Autriche, afin de «pacifier» la Catalogne. Le général mit fin rapidement à la rébellionet imposa la domination espagnole sur toute la région.

Lors du traité des Pyrénées de 1659, conclu entre Louis XIV et Philippe IVd'Espagne, les Catalans perdirent la Catalogne du Nord au profit du royaume deFrance. Cette région correspond aujourd’hui au département des PyrénéesOrientales, dont la préfecture est Perpignan. Les catalanophones de Francerésistèrent aux nouvelles autorités et continuèrent à utiliser leur langue.

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Du côté espagnol, l'Espagne obtenait la fin du soutien français au Royaume duPortugal, indépendant depuis la révolte de 1640, ainsi que la renonciation desprétentions françaises au comté de Barcelone. Au cours des négociations, lesCatalans furent toujours tenus à l'écart. Ils n'eurent connaissance du traité desPyrénées que trois mois plus tard, soit en février 1660. La France obtint le Roussillon,le Vallespir, le Conflent, le Capcir et la vallée du Carol, en plus de tous les villages quijouxtaient le Conflent et le Capcir, soit 33 villages. Considérée comme une ville, Lliviaen fut exclue et c'est la raison pour laquelle elle est toujours espagnole de nos jours,enclavée dans la France. L'application du traité des Pyrénées s'étendit sur plusieursannées et, en définitive, de façon partielle.

Ce n'est qu'en 1682 que commença la francisation en Catalogne du Nord. En 1700, Louis XIV interdit le catalan dansl’Administration et dans tous les actes officiels. En effet, le traité stipule «qu'à l'avenir toutes les Procédures & les Actes publicsqui se feront dans lesdits Païs, seront couchés en Langue Françoise» et non plus «dans ladite Langue Catalane» (voir ledécret d'interdiction de 1700). Dès lors, le catalan de France était appelé à régresser. D'une province relativement marginale,Louis XIV réussit en quelques années à intégrer le Roussillon pour en faire une province incontournable de sa politiqueextérieure.

7.3 La guerre de Succession d'Espagne (1714)

En 1700, Charles II d'Espagne, le dernier roi des Habsbourg, décédait sans héritier, mais avait désigné Philippe d'Anjou, lepetitfils de Louis XIV, comme son successeur au trône. Dès lors, même si le risque de réunion des couronnes française etespagnole semblait réduite, les monarchies européennes craignirent de voir l'Espagne devenir une sorte de protectoratfrançais. C'est pourquoi toutes les autres puissances européennes se soulevèrent contre la France et l'Espagne, ce quidéclencha la longue guerre de Succession d’Espagne (17021717).

Les Catalans, de leur côté, appuyaient la candidature de l'archiduc Charles d'Autriche contrePhilippe d’Anjou de France, ce qui signifie qu'ils favorisaient le camp de la Maison des Habsbourgcontre celle des Bourbons. La ville de Barcelone fut assiégée par les troupes francoespagnoles et

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ne se rendit qu'après une résistance de cinq jours, le 11 septembre 1714. Cette défaite fut àl'origine de la fête nationale de la Catalogne (Diada Nacional de Catalunya). Ensuite, la Catalognes'est soumise pour un siècle.

Vainqueur de la guerre de Succession, Philippe V (16831746) accéda au trône d'Espagne queLouis XIV avait revendiqué pour lui par le biais des alliances matrimoniales. Mais cettereconnaissance du petitfils du roi de France par tous les pays d'Europe s'est faite au prix de pertesterritoriales importantes pour la France et l'Espagne. Pendant que Louis XIV perdait l'Acadie,TerreNeuve et la Baied'Hudson, l'Espagne perdait Gibraltar, Minorque aux Baléares et desterritoires en Italie.

L'Espagne demeura sous influence française et Philippe V pratiqua une politique de centralisationadministrative à la française. Ainsi, la Catalogne, le Pays valencien et les Baléares se virent imposeren 1716 les décrets («decretos») de la Nueva Planta (la «nouvelle base»). Ces décrets de Philippe Vprescrivaient un modèle juridique, politique et administratif communs à toutes les provinces d'Espagne,y compris dans les régions catalanophones (Catalogne, Pays valencien et Baléares).

Le droit catalan fut supprimé, de même que la Generalitat de Catalogne et l'Université de la Catalogne.Le castillan devint la seule langue officielle de l’Administration publique, alors que le catalan restait lalangue de la majorité des habitants de cette région. Dans le Decreto de Nueva Planta Cataluña 1716, ilétait clairement énoncé que les affaires lors des audiences royales devaient se dérouler en languecastillane: «Las causas en la Real Audiencia se sustanciarán en lengua castellana [...]».

Par la suite, la castillanisation gagna du terrain partout en Espagne, notamment en Catalogne, au Pays valencien, en Aragonet aux îles Baléares. En Sardaigne, le catalan demeura la langue dominante malgré la castillanisation de l’aristocratie localejusqu’en 1720, alors que l’île fut incorporée au Royaume d’Italie, ce qui entraîna la quasidisparition du catalan. En somme, lapetite principauté d’Andorre resta le seul territoire où le catalan s’est maintenu en tant que langue officielle.

8 La renaissance du catalan

Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Catalogne s'intégra progressivement à la nation espagnole, tout en s'affirmantau plan de l'économie. À ce momentlà, la Catalogne vécut une grande transformation économique et sociale dans lesdomaines de l'agriculture, de la pêche, de l'industrie manufacturière, de l'amélioration des moyens de communication, etc. La

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bourgeoisie catalane se développa et pénétra le marché national espagnol. Ce fut le début de l'industrialisation de la Catalogneet de l'apparition du prolétariat. La croissance de Barcelone fut considérable: elle devint la seconde ville d'Espagne aprèsMadrid. Les Catalans devinrent bilingues (catalan et castillan) dans les villes, mais ils sont restés unilingues catalans dans lescampagnes.

8.1 Le début

En 1812, la Catalogne fut annexée à l'empire français par Napoléon, ce qui favorisa son aspiration à l'autonomie, laquelles'exprima dans un mouvement catalaniste. Au cours du XIXe siècle, le catalan connut une certaine renaissance, appelée laRenaixença. Celleci fut assez forte en Catalogne et aux îles Baléares, mais relativement faible au Pays valencien et enAragon, et inexistante en France et en Italie (Sardaigne). La langue catalane redevint une langue de culture et une languescientifique, mais ne regagna pas son statut de langue officielle. Le combat pour la nation et la langue catalanes prit del'ampleur. En 1873, fut proclamée la Première République espagnole, mais le régime fut marqué par une forte instabilité et ladémission successive de plusieurs présidents, tandis que l'armée exerçait un pouvoir grandissant. Finalement, un coup d'État,organisé par les monarchistes mit fin à la République dès janvier 1874. Une monarchie constitutionnelle fut instaurée en janvier1875 avec le roi Alphonse XII (de 1875 à 1885).

Au début du XXe siècle, la Lliga Regionalista (Ligue régionaliste) entreprit de promouvoir l'autodétermination de la Catalogne.La région fut constamment agitée par ce mouvement catalaniste, et ce, d'autant plus que les masses populaires urbainesrevendiquaient l'amélioration de leurs conditions de vie particulièrement misérables à cette époque. Les campagnes depromotion du catalan permirent la création en 1907 de l’Institut d’Estudis Catalans, qui élabora la codification de la langue,publia des grammaires et des dictionnaires. En 1909, la reprise de la guerre contre le Maroc et le système de recrutementprovoquèrent une grève générale à Barcelone, laquelle se transforma en une insurrection populaire, vite réprimée avecviolence.

8.2 Le rétablissement de la Generalitat

En 1931, la proclamation de la Seconde République espagnole (19311939) faisait de l'Espagne «un État intégral,compatible avec l'autonomie des Municipalités et des Régions ("Un Estado integral, compatible con la autonomía de losMunicipios y de las Regiones"), conformément à l'article 1er de la Constitution espagnole. Le nouveau régime politique permitde rétablir la Generalitat de Catalunya avec des compétences considérables et de récupérer le statut du catalan comme langueofficielle (perdu au XVIIIe siècle). Pendant ce temps, le roi Alphonse XIII abandonnait Madrid et partait en exil sans avoirabdiqué.

La Generalitat entreprit de restaurer l’usage du catalan dans l’enseignement, les médias, l’édition, etc. En vertu de l'article 1erdu Statut d'autonomie de 1932, la Catalogne était constituée en région autonome au sein de l'État espagnol, son territoirecouvrant les provinces de Barcelone, de Tarragone, de Lérida et de Gérone. L'article 2 du Statut d'autonomie (1932)reconnaissait que «la langue catalane est, comme le castillan, une langue officielle en Catalogne»:

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Article 2 1) La langue catalane est, comme le castillan, une langue officielle en Catalogne. Pour les communications officielles de la Catalogneavec le reste de l'Espagne, ainsi que les communications avec les autorités de l'État avec la Catalogne, la langue officielle sera lecastillan .

2) Toute disposition ou décision officielle émise en Catalogne doit être publiée dans les deux langues. La notification doit également êtrefaite de la même manière, à la demande d'une partie intéressée .

3) Dans le territoire catalan, les citoyens, quelle que soit leur langue maternelle, ont le droit de choisir leur langue officielle qu'ils préfèrentdans leurs relations avec les tribunaux, les autorités et les fonctionnaires de toutes sortes, tant pour la Generalitat que pour la République.

Toutefois, il convient de bien comprendre la portée de la Constitution espagnole de 1931 et du Statut d'autonomie de 1932. LaConstitution espagnole de 1931 donnait le droit aux régions d'employer les «langues de provinces et des régions» (art. 4):

Artículo 4

1) El castellano es el idioma oficial de la República.

2) Todo español tiene obligación de saberlo y derecho de usarlo, sinperjuicio de los derechos que las leyes del Estado reconozcan a laslenguas de las provincias o regiones.

3) Salvo lo que se disponga en leyes especiales, a nadie se lepodrá exigir el conocimiento ni el uso de ninguna lengua regional.

Article 4

1) Le castillan est la langue officielle de la République.

2) Tout Espagnol a le devoir de la connaître et le droit d'en faireusage, sans préjudice des droits que les lois de l'État reconnaîtrontaux langues des provinces ou des régions.

3) Sauf une disposition contraire prévue dans des lois particulières,nul ne pourra exiger ni la connaissance ni l'usage d'aucune languerégionale.

L'article 50 de la Constitution de 1931 allait plus loin en autorisant l'enseignement des «langues respectives» ("lenguasrespectivas") dans les régions autonomes:

Artículo 50

1) Las regiones autónomas podrán organizar la enseñanza ensus lenguas respectivas, de acuerdo con las facultades que seconcedan en sus Estatutos.

2) Es obligatorio el estudio de la lengua castellana, y ésta seusara también como instrumento de enseñanza en todos loscentros de instrucción primaria y secundaria de las regionesautónomas. El Estado podrá mantener o crear en ellasinstituciones docentes de todos los grados en el idioma oficial dela República.

3) El Estado ejercerá la suprema inspección en todo el territorio

Article 50

1) Les régions autonomes peuvent organiser l'enseignement dans leurslangues respectives, conformément aux pouvoirs conférés dans leursStatuts.

2) L'étude de la langue castillane est obligatoire; elle est utiliséeégalement comme véhicule d'enseignement dans tous lesétablissements d'enseignement primaire et secondaire des régionsautonomes. L'État peut maintenir ou créer dans ces régions desétablissements d'enseignement, à tous les niveaux, dans la langueofficielle de la République.

3) L'État exercera sa haute inspection dans tout le territoire national

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nacional pata asegurar el cumplimiento de las disposicionescontenidas en este Artículo y en los dos anteriores.

4) El Estado atenderá a la expansión cultural de Españaestableciendo delegaciones y centros de estudio y enseñanza enel extranjero y preferentemente en los paíseshispanoamericanos.

pour assurer l'accomplissement des dispositions contenues dans leprésent article ainsi que dans les deux articles précédents.

4) L'État veillera à l'expansion culturelle de l'Espagne, en établissantdes délégations et des centres études et d'enseignement à l'étranger etpréférablement dans les pays hispanoaméricains.

Ces deux textes apportaient plusieurs restrictions aux acquis dans les domaines de la politique, de l’administration et de lajustice. L'une des langues officielles, le castillan, était plus officielle que l'autre et une prépondérance était établie.

8.3 La guerre civile espagnole

L'avènement de la Seconde République avait réveillé beaucoup d'espoir non seulement chez les autonomistes, mais aussichez les ouvriers et les paysans. Puis les réformes se sont fait attendre. De vastes pans de la population furent déçus, car lesmalaises sociaux, économiques, culturels et politiques, qui accablaient l'Espagne depuis plusieurs générations, seperpétuaient. Le coup d'État de 1936 provoqua l'effondrement de la Seconde République, avec des conséquencesimprévisibles. L'Espagne devint le lieu d'affrontement des grandes puissances et le terrain de manœuvre des grandes arméeseuropéennes. Ce fut la guerre civile espagnole (19361939), tristement célèbre avec ses 400 000 morts, qui opposa, d'unepart, le camp des républicains composé de loyalistes à l'égard du gouvernement légalement établi de la Seconde République,d'autre part, les nationalistes de droite dirigés par le général Francisco Franco. Celuici fut élu, le 1er octobre 1936, «chef dugouvernement de l'État espagnol» par une junte militaire.

9 La période franquiste

Le général Franco conquit le Pays basque en octobre 1937, puis l'Aragon et la Catalogne, alors quetombait Barcelone le 26 janvier 1939, puis finalement Madrid le 28 mars. Le reste de l'Espagne futconquis dans le mois qui suivit, tandis que les derniers combats avaient lieu à Alicante (Paysvalencien). Dès le 1er avril 1939, Franco pouvait annoncer que «la guerre est finie». La livraisond'armes de la part des Allemands et des Italien avait donné un net avantage aux nationalistes deFranco.

Mais la guerre civile et la victoire du général Franco mirent fin à l’autonomie accordée aux Catalans.Lorsqu’en mars 1938 les troupes franquistes pénétrèrent sur le territoire catalan, l'une des prioritésde Franco fut d'abroger le Statut d'autonomie de la Catalogne par la loi du 5 avril 1938 (Ley dederogació de l´Estatut de Catalunya pel general Franco).

La Catalogne allait alors connaître l'une des périodes les plus tragiques de son histoire. En effet,Francisco Franco étouffa toute velléité d’opposition et interdit brutalement l’usage public du catalan

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Francisco Franco dans toute l’Espagne, et ce, jusqu’en 1975, l’année de sa mort.

Contrairement aux régimes précédents qui avaient tenté d'en finir avec la pluralité linguistique en Espagne, Franco pouvaitrecourir à des moyens différents et plus efficaces pour faire appliquer sa politique, notamment les techniques decommunications et la coercition dans les écoles. Pendant cette période, l'autonomie catalane disparut d'une façon brutale.

Un décret adopté le 28 juillet 1940, le Décret portant création de l'usage exclusif de l'espagnol dans les services publics(Decreto estableciendo el uso exclusivo del español en los servicios públicos), illustre parfaitement la répression linguistiqueexercée par le régime de Franco. Voici les deux premiers articles du décret (traduction):

Article 1er (traduction)

À partir du 1er août prochain, tous les fonctionnaires intermédiaires des sociétés provinciales et municipales dans cette province, quelleque soit leur catégorie, qui s'exprimeront à l'intérieur comme à l'extérieur des bâtiments officiels dans autre langue que celle officielle del'État seront «ipso facto» destitués, sans qu'aucun appel ne soit recevable.

Article 2

1) S'il y a des manquements commis par des fonctionnaires rémunérés, titulaires d'un poste ou responsables d'unités administratives oud'organismes qui sont en instance d'être réintégrés, ces manquements permettront de clore le dossier dans l'état où il se trouve, etentraîneront la destitution immédiate du contrevenant, sans aucun recours.

En 1945, une ordonnance ministérielle ordonnait l'emploi obligatoire du castillan dans les écoles: Nueva ley de educaciónprimaria que sólo permite enseñar en castellano («Nouvelle loi sur l'éducation primaire autorisant un enseignement seulementen castillan»). Même dans les prisons, il fut interdit de parler une autre langue que l'espagnol. Évidemment, le catalan futprohibé dans les raisons sociales, les marques de commerce et les cinémas. Le catalan fut proscrit durant quarante longuesannées dans tous les domaines de la vie publique. Aucun livre en catalan ne fut imprimé, la langue ne fut plus enseignée et lesCatalans furent souvent discriminés pour des motifs linguistiques dans leur propre pays. Il fallait pour le régime franquiste deréduire à néant l'identité catalane en s'attaquant à la langue et aux diverses expressions de la culture. De nombreuxnationalistes catalans — dont Jordi Pujol, futur président de la Catalogne — furent emprisonnés pendant des années. Durantde longues décennies, le catalan ne put être employé qu’à l'intérieur du foyer familial. Les années qui suivirent secaractérisèrent par une résistance culturelle d’ordre général.

Les Catalans s'attirèrent de sévères réprimandes de la part des franquistes lorsqu'ils parlaient catalan: Perro separatista(«Chien séparatiste»), Quién es el perro que ha ladrado? («Qui est le chien qui a aboyé?»), Si eres español, habla la lenguadel imperio («Si tu es espagnol, parle la langue de l'Empire») ou encore habla en cristiano («Parle chrétien»), ce qui pourraitêtre l'équivalent ibérique du Speak white des anglophones du Canada à l'intention des francophones! Un très grand nombred’écrivains catalans décidèrent de s’exiler.

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En 1968, le chanteur catalan, Lluis Llach, devint une des figures de proue dans le combat pour la culture catalane sous lefranquisme. Il compara le régime à un poteau pourri dans la chanson "L'Estaca" (en français: le pieu), dont le refrain est «IItombera, tombera, tombera» ("Segur que tomba, tomba, tomba"). Cette chanson devint l'hymne de la résistance à Madrid.Franco mourut le 20 novembre 1975. La voie de la démocratisation était désormais ouverte pour le prince Juan Carlos deBourbon, qui devenait roi d'Espagne. En peu de temps, il écarta les franquistes conservateurs de la scène politique et entrepritde transformer le pays en une démocratie moderne

10 Les catalanophones dans l'Espagne démocratique

La nouvelle Constitution de 1978 permit non seulement la rétablissement de la Generalitat de Catalunya, mais aussi la créationde 17 communautés autonomes, dont certaines d'entre elles ont pu conserver le catalan comme langue coofficielle: laCatalogne, le Pays valencien et les îles Baléares, alors que la Galice et le Pays basque ont maintenu comme langue coofficielle le galicien ou le basque.

1) Andalousie (Andalucía) 2) Aragon (Aragón) 3) Canaries (Canarias) 4) Cantabrie (Cantabria) 5) VieilleCastille (Castilla y La Macha) 6) CastilleetLéon (Castilla y León) 7) Catalogne (Cataluña / Catalunya) 8) Communauté de Madrid (Comunidad de Madrid) 9) Communauté forale de Navarre (Comunidad Foral de Navarra) 10) Communauté valencienne (Comunidad Valenciana)11) Estrémadure (Estremadura)12) Galice (Galicia)13) Îles Baléares (Islas Baleares)14) La Rioja: castillan15) Pays basque (Pais Vasco / Euskadi)16) Principauté des Asturies (Principado de Asturias):17) Région de Murcie (Region de Murcia)

1) castillan2) castillan et aragonais3) castillan4) castillan5) castillan6) castillan et asturien7) castillan et catalan + aranais pour le val d'Aran8) castillan9) castillan et basque10) castillan et catalan (valencien)11) castillan12) castillan et galicien13) castillan et catalan14) castillan15) castillan et basque16) castillan et asturien17) castillan

Chacune des communautés autonomes s'est vu accorder un statut d'autonomie particulier, une sorte de constitution interneélaborée par une assemblée d'élus locaux (députés et sénateurs) mais aussi adoptée par les Cortès Generales (Parlement etSénat espagnols). Les communautés autonomes assument maintenant des compétences exclusives dans de nombreuxdomaines: les institutions gouvernementales locales (parlement, gouvernement, administration, écoles), l'aménagement duterritoire et la protection de l'environnement, les chemins de fer et les routes (qui ne traversent qu'un seul territoire d'unecommunauté autonome), l'agriculture et l'exploitation forestière, la chasse et la pêche, le développement économique, laculture, l'enseignement et l'emploi des langues, la santé et l'assistance sociale, le tourisme et le loisir, la police. Les

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Communautés autonomes disposent ainsi de larges pouvoirs qui leur permettent de se gouverner localement, mais lesmunicipalités ne sont pas assujetties aux gouvernements communautaires; elles demeurent complètement autonomes dansleurs champs de compétence.

10.1 La Constitution espagnole

En matière de langue, l'article 3 de la Constitution nationale a reconnu l'existence des autres langues espagnoles égalementofficielles, sans en nommer une seule :

Article 3

1) Le castillan est la langue espagnole officielle de l'État. Tous les Espagnols ont le devoir de le connaître et le droit de l'utiliser.

2) Les autres langues espagnoles sont également officielles dans les différentes Communautés autonomes en accord avec leurs Statuts.

3) La richesse des particularités linguistiques distinctives de l'Espagne est un patrimoine culturel qui doit faire l'objet d'une protection etd'un respect particuliers.

En Espagne, connaître la langue officielle de l'État est une obligation constitutionnelle. En effet, aucun Espagnol, mêmelorsqu'il est autorisé à utiliser une autre langue dans une communauté autonome, ne peut ignorer le castillan. Cette obligationconcernant la connaissance d'une langue (le castillan) ne s'applique pas au catalan, au basque, au galicien ou à toute autrelangue locale en Espagne. L'utilisation des langues minoritaires en Espagne ne constitue pas une obligation, mais simplementun droit. Les langues ne sont donc pas officielles ou coofficielles au même degré: la langue officielle dans toute l'Espagnedemeure le castillan, ce qui lui assure une préséance certaine.

De toutes les Communautés autonomes, ce sont surtout la Catalogne, le Pays valencien, les îles Baléares, la Galice et le Paysbasque qui se distinguent au plan linguistique, car leur langue particulière est coofficielle avec le castillan. Il faudraitmentionner aussi des «langues particulières» non officielles: le basque en Navarre, l'aragonais en Aragon, l'asturien dans lesAsturies, l'aranais au val d'Aran (sous la juridiction de la Catalogne).

La Catalogne

Les principales dispositions juridiques qui accordent un statut officiel au catalan émanent des textes appelés «statutd'autonomie», notamment le Statut d'autonomie de 1979 (aujourd'hui abrogé) et le Statut d'autonomie de 2006 (modifié par leTribunal constitutionnel). Comme on pouvait s'y attendre, la Communauté autonome de la Catalogne agit en tant que véritablechef de file lorsqu'il est question de promouvoir l'usage du catalan. Cette affirmation a été renforcée en 2006 par l'approbationde la réforme du Statut d'autonomie de la Catalogne de 1979. Le nouveau Statut d'autonomie maintient les mêmes élémentsessentiels, notamment l'affirmation que le catalan est la «langue propre» de la Catalogne (art. 6.1), la langue normale del'enseignement (art. 6.1) et la langue officielle à côté du castillan (art. 6.2).

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De plus, le Statut d'autonomie de 2006 incorpore trois nouvelles dispositions d'une grande portée. La première vise à équilibrerl'asymétrie qui existe quant à l'obligation de la connaissance des langues coofficielles, le castillan et le catalan. À ce sujet,l'article 6.2 énonce que «toutes les personnes ont le droit d'utiliser les deux langues officielles, et les citoyens de Catalogne ontle droit et le devoir de les connaître et de les utiliser l'une ou l'autre. Un autre élément ajouté découle de la condition de«langue propre»: le catalan doit être «la langue utilisée habituellement et de préférence par les administrations publiques et lesmédias publics de Catalogne (art. 6.1), ainsi que dans l'enseignement. En dernier lieu, un paragraphe (art. 6.2) sur les droits etobligations linguistiques a été inséré. De cette façon, le personnel des administrations publiques de Catalogne, c'estàdirel'administration de la justice, le ministère des Finances et des Registres publics, est tenu d'accueillir et de répondre au citoyendans la langue officielle de son choix, sans que cela ne puisse causer une quelconque discrimination, par exemple causer unretard indu dans le traitement des requêtes ou des documents.

L'élaboration du Statut d'autonomie de 2006 fut longue et très compliquée. Le premier texte proposé par le Parlement,approuvé par 90 % des votes exprimés par les parlementaires, fut profondément modifié par le gouvernement espagnol, àl'époque dirigé par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Une fois le texte approuvé par le Parlement espagnol (CortesGenerales) et par référendum en Catalogne, le Parti populaire (PP) — le principal parti d'opposition — a décidé de lesoumettre au Tribunal constitutionnel. Après quatre années de délibérations, pendant lesquelles des tractations entre les partispolitiques dans la nomination des juges ont été omniprésentes, le Tribunal a déclaré que 14 articles étaient inconstitutionnels,en plus de réduire la portée de 27 autres articles. En ce qui a trait à la langue catalane, le Tribunal a refusé qu'on emploie leterme «de préférence» (art. 6.1) au catalan en matière de langue dans les administrations publiques. Finalement, l'arrêt du 28juin 2010 a rétabli l'asymétrie favorable au castillan lorsqu'il est question du devoir des citoyens de connaître une langueparticulière. Audelà des réductions d'ordre linguistique, l'arrêt du Tribunal constitutionnel confirme que cette instance apréséance sur la volonté démocratique exprimée par les Catalans, voire le Parlement espagnol.

Le Pays valencien

Au Pays valencien, la réforme du Statut d'autonomie n'a pas causé de tremblement de terre ni de polémique. Ce n'estsûrement pas étranger au fait que le Parti populaire (PP) détient une majorité absolue dans cette communauté de puisplusieurs années. Le Parti populaire prône, depuis longtemps, et ce, avec l'appui des mouvements d'extrême droite et du Partisocialiste ouvrier espagnol (PSOE), que la variante dialectale parlée au Pays valencien n'est pas le catalan. C'est ainsi que, levalencien, dénomination historique du catalan dans le Pays valencien, est reconnu comme langue coofficielle dans le Statut d'autonomie de 2006: «La langue particulière (propre)de la Communauté valencienne est le valencien.» Cette démonstration de «sécession linguistique» a été décidée non pas parla population, mais par des partis politiques de droite, alors que du point de vue scientifique cette idéologie ne tient pas laroute.

Au Pays valencien, tout individu a le droit de connaître et d'utiliser le valencien, mais non celui de le connaître. Dans ledomaine de l'enseignement, l'accent est mis sur l'enseignement du valencien, mais, nuance importante, pas nécessairementen valencien. De plus, la Loi sur l'usage et l'enseignement du valencien (1983) considère la possibilité que certaines régions du

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territoire valencien soient exemptes de l'utilisation et de l'enseignement du valencien. Malgré tout, le Statut d'autonomie de2006 affirme que la langue coofficielle, le valencien, a besoin d'une protection spéciale. Il est admis que tout citoyen puisseutiliser l'une ou l'autre des langues coofficielles auprès des organismes du gouvernement local et se fasse répondre dans lamême langue.

Les îles Baléares

D'après le Statut d'autonomie de 2007, le statut du catalan dans les île Baléares n'est pas différent de celui des territoires déjàmentionnés. Le catalan est la «langue propre» et, avec le castillan, il est la langue officielle (art. 4). Les autres articles du Statutd'autonomie des Baléares se rapprochent davantage du statut du Pays valencien qu'à celui de la Catalogne. Les citoyens desBaléares ont donc le droit, mais non le devoir ou l'obligation, de connaître et d'utiliser le catalan. Ici aussi, nul ne peut subir dediscrimination pour des motifs linguistiques (art. 4.2). Afin de garantir ces droits, les institutions des Baléares doivent créer lesconditions qui assurent la connaissance des deux langues au sein de la population. Ainsi, le le citoyen qui s'adresse àl'administration de la Communauté autonome en catalan ou en castillan a le droit d'obtenir une réponse dans la langue de sonchoix (art. 14.3).

10.2 Le catalan hors de l'Espagne

Le catalan est aussi parlé dans la principauté d'Andorre et dans le sud de la France. La principauté d’Andorre est le seul Étatsouverain au monde à avoir adopté le catalan comme langue officielle. Voir à ce sujet le Règlement sur l'usage de la langueofficielle en public (2005). Toutefois, Andorre reste le seul pays d’Europe où ses propres ressortissants d'origine sontminoritaires. En effet, les hispanophones forment au moins 38 % des locuteurs, contre 36 % pour les catalanophones, 11,5 %pour les lusophones (portugais) et plus de 6 % pour les francophones. Il reste encore 6 % ou 7 % pour d'autres langues. Parcrainte d’être minorisés au plan linguistique, les Andorrans catalanophones se protègent. C’est pourquoi les citoyens de cepays ont toujours appuyé leur gouvernement dans sa volonté de catalaniser le territoire. C'est ce qui explique que l'Étatandorran a prévu de nombreuses dispositions juridiques pour favoriser le catalan.

En France, le catalan est une langue parlée par quelque 110 000 locuteurs sur une population de 440 000 habitants dans ledépartement des PyrénéesOrientales (no 66). Cette région correspond à ce qu'on appelle la Catalogne du Nord (Catalunyadel Nord), tout autour de Perpignan. La variante géographique du catalan parlée en France a été traditionnellement connuesous le nom de catalan septentrional ou plus souvent roussillonnais. Bien que le catalan soit considéré comme l'une deslangues régionales de France, celuici ne bénéficie d'aucun statut juridique particulier. La politique linguistique pratiquée enCatalogne du Nord a toujours favorisé le français au détriment du catalan; cette francisation dirigée par les autorités françaisess'est étendue dans toute la région. Aujourd'hui, l'usage du catalan est autorisé partiellement à l'école et dans les médias.

Le catalan est encore parlé en Sardaigne (Italie). Il y existe une petite communauté catalanophone de 28 500 locuteurs,concentrée dans la ville d'Alghero (40 000 habitants), celleci étant située dans une péninsule au nordouest de l’île. Commeen France, il n’est pas question de service public quelconque en catalan, ni d’école reconnue par l’État italien, bien que, dansune seule école, une trentaine d’élèves étudient des rudiments de catalan sur une base volontaire. La seule loi pouvant

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concerner la protection du catalan est la Loi du 15 décembre 1999, n° 482 (Règles en matière de protection des minoritéslinguistiques historiques), mais cette protection s'est révélée bien mince.

10.3 Les locuteurs du catalan

Le catalan, toutes variétés confondues, est parlé par plus de six millions de locuteurs.

Région Population totale Pourcentage LocuteursCatalogne 6,8 millions 60 % 4 080 000

Pays valencien 3,7 millions 40 % 1 480 000

Baléares 800 000 73 % 584 000

Aragon (Franja de Ponent) 1,2 million 3,3 % 40 000

Murcie (Carxe) 1,3 million 0,04 % 500

Andorre 65 970 34,4 % 22 628

LanguedocRoussillon (France) 2,3 millions 6 % 140 000

Alguer (Sardaigne) 1,6 million 1,8 % 30 000

Total 17 765 970 6,3 millions

Cependant, le nombre des locuteurs demeure très approximatif, car beaucoup de personnes affirment comprendre la languesans la parler de façon habituelle. En Catalogne du Nord (LanguedocRoussillon) dont la population était de 410 000 habitants(en 2005), des données fournies par une enquête révèlent que 34 % des personnes interrogées (environ 140 000 personnes)ont déclaré savoir parler le catalan, ce qui correspondrait à quelque 140 000 catalanophones. Mais 17 % des personnesinterrogées ont affirmé le parler «bien» et 16 % ont dit éprouver des difficultés à le parler en raison de leur manque de maîtrise.D'autres sources (Carles de Rosselló Peralta) affirment que le nombre des catalanophones en Europe serait de dix millions delocuteurs, alors que le marché potentiel du catalan pourrait atteindre 14 millions.

10.4 Les variétés dialectales

Selon qu’on se trouve à Barcelone, Valence, Perpignan (France), Majorque (Baléares) ou Lleida (Lérida), le catalan présentedes variétés dialectales qui se révèlent peu importantes au plan de la phonétique et du lexique. Ces variétés n'affectent guèrela langue écrite qui, pour sa part, conserve son unité fondamentale. Ainsi, on peut dire qu'il existe aujourd'hui une seule langueécrite correspondant aux normes de l'Institut d'Estudis Catalans pour l'ensemble des «pays catalans».

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On distingue deux grands groupes dialectaux: le catalan oriental et le catalan occidental.

Dans le groupe du catalan occidental, on compte trois grandes variétés:

le catalan occidental du Nord ; le catalan méridional (valencien septentrional) ; le valencien.

Quant au groupe du catalan oriental, il compte quatre variétés:

le catalan du Nord (roussillonnais en France) ; le catalan central (régions de Gérone et de Barcelone) ; les dialectes baléarais et l'alghérois (parler d'Alghero ou d'Alguer en catalan).

Chacun des ces sousgroupes est fragmenté encore en quelques variantes dialectales:

Groupe occidental Groupe oriental

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(1) catalan occidental du Nord

dialecte de Ribagorza (prov. de Huesca) dialecte de Pallars ou pallarais (prov. de Lérida) léridan (prov. de Lérida)

(2) catalan méridional (valencien septentrional)

dialecte de Tortosa ou tortosine (prov. de Tarragona) dialecte de Matarraña (prov. de Teruel) valencien de Maestrazgo (prov. de Castellón)

(3) valencien

valencien de la Plana (prov. de Castellón) valencien central ou apitxat valencien méridional valencien alicantin majorquin de Tarbena et de la vallée de la Gallinera

(1) catalan septentrional

dialecte de Capcir ou capcirois dialecte de Rosellón ou rosellonais

(2) catalan central

dialecte de la Costa Brava ou salat dialecte de Barcelone ou barcelonais dialecte de Tarragone ou tarragonais xipelle

(3) catalan baléarais

majorquin ou dialecte de Majorque minorquin ou dialecte de Minorque ibizois ou dialecte d'Ibiza

(4) alghérois

alghérois (ville d'Alghero dans l'île de Sardaigne)

Toutes ces variétés linguistique sont relativement compréhensibles entre elles, surtout en Espagne et dans les îles Baléares.Cependant, le catalan parlé à Alguero en Sardaigne est plus difficile pour les autres catalanophones. Le catalan parlé àAlghero, appelé alguérois ou alguerès en catalan, est un catalan archaïsant, conséquences de son isolement géographique dureste de l'aire linguistique catalane, mais aussi fortement italianisé avec des influences sardes.

10.5 Le catalan standard

L’une des caractéristiques les plus importantes du catalan standard réside dans l’emploi de la consonne palatale initiale notée[ll] dans le système graphique: la lluna (la lune), la llengua (la langue), la lliço (la leçon), la llet (le lait), un llibre (un livre), Lleida(Lérida), etc.

On peut noter aussi comme second trait caractéristique la désanalisation des voyelles finales. Là où le français, par exemple,termine ses mots en [voyelle + n], le catalan ne garde que la voyelle accentuée. Ainsi, le latin vinum a donné en français le vin,en catalan el vi; bonum (lat.) a donné bon en français mais bo en catalan. De même pour les mots catalan & català, Perpignan& Perpinyà, la main & la mà, le jardin & el jardi, etc. Soulignons aussi la présence de nombreuses diphtongues, écrites ou, auet eu.

L'orthographe

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C’est Pompeu Fabra qui, en 1918, a mené une réforme de l’orthographe catalane. Il a publié en 1932 son dictionnaire généraldu catalan. Cependant, il n’a pu en arriver à doter la langue d’un système graphique parfaitement phonétique. Cela tient à lanature de la langue dont le nombre de phonèmes dépasse le nombre de signes de l'alphabet.

Depuis 1975, des travaux de normalisation de l'usage du catalan ont été entrepris sous l'impulsion, d'une part, de la DireccióGeneral de Política Lingüística, un organisme qui dépend directement, du Departament de Cultura de la Generalitat deCalaunya et, d'autre part, de la Secció Filològica de l'Institut d'Estudis Catalans (IEC), une institution indépendante maisreconnue officiellement comme référence en ce qui a trait à la normalisation du catalan. D'ailleurs, la Secció Filològica estaujourd'hui responsable de la mise à jour de l'orthographe catalane.

En plus du [l] palatal représenté par le graphème [ll] (la lluna, la llengua, etc.), il existe d'autres exemples caractéristiques del'orthographe catalane, notamment le [n] palatal représenté en français par le graphème [gn] et que les Catalans écrivent [ny],comme dans les mots disseny (dessin), juny (juin), alemany (allemand) ou Carlemany (Charlemagne). Citons également legraphème [ig] servant à noter les consonnes fricatives [tch] et [dj], comme dans le nom de famille qui est un peu, en Catalogne,l'équivalent du «Dupont français», c’estàdire Puig prononcé [poutch]. Le catalan, à l’exemple du français, utilise le graphème[ç] (lliço, Renaixença), lequel a la même sonorité qu’en français [ss].

Une autre caractéristique concerne le timbre des voyelles. Ainsi, en position faible, c’estàdire non accentuée, les voyelles [a]et [e] prennent une valeur neutre assez proche du «e muet français»: le mot catala se prononce à peu près comme [kete/la], ladernière syllabe étant tonique (donc plus accentuée). Au pluriel ainsi qu’en fin de mot, le [a] non tonique s'écrit [e] sans que laprononciation n'en soit affectée: l'aventura devient les aventures; la llengua devient les llengües.

Il en est ainsi pour la voyelle [o]. En position tonique, ce graphème est toujours prononcé [o] (comme pot en français) ou [ò](comme port en français). Cependant, en position non tonique (ou atone), le graphème [o] se prononce [ou] (comme bout enfrançais), sans que cela n'apparaisse dans l'orthographe: obert (ouvert) est prononcé [oubertt]; tornavis (tournevis),[tournebiss]; els numeros (les nombres), [els noumerouss].

Le vocabulaire

En raison de son aire linguistique située entre les langues d’oïl (nord de la France) et l’Espagne, le vocabulaire catalan estsouvent constitué de termes plus proches du français et de l’occitan (soit le galloroman) que de l'espagnol et du portugais (soitl'ibéroroman), et ce, qu'il s'agisse de noms ou d'adjectifs. En ce sens, le catalan est un intermédiaire entre l'ibéroroman et legalloroman:

Catalan Occitan / Français Espagnol / Portugais

cadira cadieira / chaise silla / cadeira

taula taula / table mesa / mesa

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finestra fenèstra / fenêtre ventana / janela

ocell aucel / oiseau pájaro / ave

formatge formatge / fromage queso / queijo

poma poma / pomme manzana / maçã

petit pichon / petit pequeño / pequeno

forquilla forqueta / fourchette tenedor / garfo

Il en est ainsi avec certains motsoutils (conjonctions, prépositions, adverbes): cat. malgrat, fr. malgré, esp. a pesar de; cat.encara, fr. encore; esp. aun/todavia; cat. doncs, fr. donc; esp. pues/luego; cat. vers, fr. vers, esp. hacia. Évidemment, onpourrait trouver des exemples où le catalan est plus près de l’espagnol que du français. Par exemple, merci se dit mercé enoccitan, mais gracias en esp. et gràcies en catalan; bonjour se dit bonjorn en occitan, mais buenos días en esp. et bon dia encatalan. Quoi qu'il en soit, ces exemples montrent que le catalan conserve des caractéristiques propres tant aux langues galloromanes qu'aux langues ibéroromanes.

Pour ce qui est de l'occitan présenté ici, il s'agit de l'occitan central, c'estàdire du languedocien. En provençal, on diraitplutôt cadièra (chaise), aucèu (oiseau), fromatge/brossa/pichot (fromage), les autres mots étant identiques. En gascon, ilfaudrait dire hinestra (fenêtre), aucèth (oiseau), hormatge (fromage), petit (petit) et horquèta (fourchette), le reste étantidentique.

Et pour terminer:

En français: Parlezvous français?En occitan: Parlatz francés?En catalan: Parles francès?En espagnol: ¿Habla usted francés?En portugais: Você fala francês?

Le français et le catalan

Il existe plus de similitudes entre le français et le catalan que pour toutes les autres langues romanes, y compris l'espagnol.Afin de donner une idée de ces similitudes, nous allons comparer deux textes écrits: l'un en catalan, l'autre en français.

Llei 13/2008, del 5 de novembre, de la presidència de la Generalitat i del Govern (catalan)

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Loi 13/ 2008 du 5 novembre sur le président de la Generalitat et du gouvernement (traduction française) Ley 13/2008, de 5 de noviembre, de la presidencia de la Generalidad y del Gobierno (espagnol)Article 1 (catalan)Article 1 (traduction française)Artículo 1 (espagnol)Objecte (catalan)Objet (traduction française)Objeto (espagnol)Aquesta llei té per objecte regular l’elecció, l’estatut personal i les atribucions del president o presidenta de la Generalitat...La présente loi vise à réglementer l'élection, le statut personnel et les attributions du président ou de la présidente de laGeneralitat...La presente ley tiene por objeto regular la elección, el estatuto personal y las atribuciones del presidente o presidenta de laGeneralidad...i la composició, l’organització, el funcionament i les atribucions del Govern, de conformitat amb els articles 67.5 i 68.3 de l’Estatut.ainsi que la composition, l'organisation, le fonctionnement et les pouvoirs du gouvernement, conformément aux articles 67.5 et 68.3du Statut.y la composición, la organización, el funcionamiento y las atribuciones del Gobierno, de conformidad con los artículos 67.5 y 68.3del Estatuto.

Les ressemblances sont frappantes dans le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe. On constate aussi que le catalan est plusproche du français que l'espagnol. Évidemment, cela demeure deux langues différentes, car l'aspect phonétique réserve dessurprises de taille. C'est que l'Histoire démontre que le catalan et le français ont souvent été en contact.

Voici une transcription «phonétique» du même texte en catalan. Il faut prononcer toutes les consonnes écrites (par exemple,dans astatout, le t final doit être entendu). Par contre, les voyelles ont été transcrites à la française. Les syllabes toniques, àl'avantdernière position, sont surlignées; s'il n'y a pas de surligné, c'est parce que la dernière est la syllabe tonique. Onconstatera que la graphie catalane ne correspond pas à la graphie française.

Llei 13/2008, del 5 de novembre, de la presidència de la Generalitat i del Govern (catalan)Yéi trédza barra dos mil bouit, dal cync da nubembra, da la prasidència da la janaralitat i dal goubern.

Article 1 (catalan) = articlaObjecte (catalan) = oubjéctaAquesta llei té per objecte regular l’elecció, l’estatut personal i les atribucions del president o presidenta de la Generalitat...akèsta yéi té par oubjècta ragulá l'alacció, l'astatout parsounal i las atriboucions dal prazidén ó prasidénta da la janaralitat

i la composició, l’organització, el funcionament i les atribucions del Govern, de conformitat amb els articles 67.5 i 68.3 de

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l’Estatut.i la coumpousició, l'ourganització, al founciounamén i las atriboucions dal goubern, da coumfourmitat am als articlassechantaset poun cync i sechanta bouit poun très da l'Astatout.

C'est dans sa prononciation que le catalan se démarque considérablement du français pour se rapprocher davantage del'espagnol.

11 Conclusion

L'histoire de la langue catalane est intimement liée à celle des événements politiques et militaires, comme c'est le cas denombreuses autres langues (anglais, français, espagnol, portugais, russe, allemand, etc.). Entre le XIe et le XIVe siècle, lecatalan vécut une longue période d'expansion due à la fois aux armées catalanes et au commerce florissant des bourgeois dela Catalogne. L'union de l'Aragon et de la Castille en 1459 allait entraîner le début du déclin du catalan au profit du castillan(espagnol). Dès lors, il devenait presque impossible pour les Catalans de s'opposer militairement aux armées des souverainscastillans. Plus tard, la guerre de Trente Ans (16181648) et le traité des Pyrénées (1659) fragilisèrent encore davantage laCatalogne. Ensuite, la guerre de Succession et l'avènement du Bourbon Philippe V (16831746), petitfils de Louis XIV, autrône d'Espagne scellèrent le sort de la langue catalane dans tout le pays devenu très centralisé au profit des autorités deMadrid et de la langue castillane. Par la suite, la castillanisation gagna du terrain dans toute l'Espagne accentuant ainsi ledéclin du catalan réduit au statut d'une simple langue régionale. Seule la petite principauté d’Andorre put résister au castillan etau français, protégée par ses montagnes des Pyrénées.

Le milieu du XIXe siècle vit apparaître en Catalogne et un peu partout en Espagne des mouvements autonomistes. En 1931, laproclamation de la Seconde République espagnole (19311939) permit aux Catalans de restaurer la Generalitat de Catalunyaavec des compétences considérables et de récupérer le statut du catalan comme langue officielle perdu depuis des décennies.Mais la Seconde République ne survécut pas aux innombrables problèmes sociaux, économiques, culturels et politiques, quiaccablaient l'Espagne depuis plusieurs générations. Le coup d'État de 1936 provoqua l'effondrement de la République etl'avènement de la guerre civile. La Catalogne connut alors l'une des périodes les plus tragiques de son histoire. Le généralFranco étouffa toute velléité d’opposition et interdit brutalement l’usage public du catalan dans toute l’Espagne, et ce, jusqu’en1975, l’année de sa mort.

Le nouveau régime démocratique issu de la Constitution de 1978 permit non seulement la restauration du catalan enCatalogne, au Pays valencien et aux îles Baléares, mais de redonner aussi son statut au basque au Pays basque et enNavarre, ainsi qu'au galicien en Galice. Aujourd'hui, dans les 17 communautés autonomes, certaines d'entre elles ont puconserver le catalan comme langue coofficielle, soit la Catalogne, le Pays valencien et les îles Baléares, alors que la Galice etle Pays basque ont maintenu comme langue coofficielle le galicien ou le basque. Parmi toutes les langues régionalesd’Espagne – le basque, le galicien, le catalan des îles Baléares et celui du Pays valencien –, seul le catalan de la Catalognesemble, en dépit d’une forte immigration castillanophone, en mesure de tenir tête au castillan, en raison du dynamisme

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économique de la bourgeoisie catalane, de son habileté politique et de ses ambitions européennes. Il est probable que cesuccès de la langue catalane ait une effet d'entraînement pour les autres langues, y compris l'aragonais et l'asturien. Mais il y aencore loin de la coupe aux lèvres. Les dinosaures espagnols savent veiller au grain et veulent conserver les prérogatives ducastillan.

Dernière révision en date du 27 nov. 2014

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