La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

21

Click here to load reader

Transcript of La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

Page 1: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

Orbis Litterarum (1975), 30,51-71

La Femme dans la litt6rature francaise du dix- neuvieme siecle: ange et diable Louisa Jones, University of Washington

Cet article esquisse le dbveloppement de la mythologie feminine depuis la litterature pre-r&olutionnaire jusqu’au Symbolisme. L‘image de la femme dans la littkrature masculine est revelatrice d’attitudes importantes sur des rapports tels que: nature et socibt6, matihre et monde surnaturel, nature et art, calcul et g6n6rosit6 dans la creation artistique et dans les contacts personnels et politi- qua , ainsi qu’entre les diffbrentes classes sociales, entre l’artiste et la soci6t6. Des exemples precis tires des oeuvres les plus im- portantes montrent comment l’Id6alisation romantique et spin-- tuelle de la femme-ange devient l’image destructrice et animale des Naturalistes et la femme fatale diabolique des mcadents. L’artiste lui-mike adopte des caract6ristiques consid6r6es jusqu’ alors comme &ant essentiellement feminines, ce qui contribue Ir son narcissisme grandissant et B son alienation de la sociite et de cette Autre qui est la femme. Certains types litteraires - - vierge de mklodrame, bonne courtisane, pauvre ouvrikre, vamp qui dktruit les energies artistiques--sent analyses de manikre B mettre en evidence certains dualismes fondamentaux qui rendent possibles des images.

L‘Ctude d’un thkme littkraire aussi riche que celui de la femme doit obliga- toirement porter sur des questions t d s vastes: problemes d’organisation sociale, des rapports qui existent entre l’artiste, son oeuvre et la sociCtk qu’il dCpeint, problkmes encore plus profonds de la configuration mythique de l’homme et de la femme dans une certaine soci6t6 a un moment particulier de l’histoire. Nous retrouverons au cours de cette Ctude les grandes dualitCs de la tradition occidentale: corps-iime, matikre-esprit, et surtout, dans la symbolique fkminine, l’opposition EveMarie. La littCrature du dix- neuvihe sikcle, dans sa fqon de traiter les archCtypes traditionnels, leur confert a nouveau des dimensions surnaturelles absentes des oeuvres d’imagination du dix-huitieme: le Valmont cynique de Laclos devient le Don Salluste diabolique de Hugo. En meme temps, les dualitCs se polarisent B 1’ext.dme: le dix-neuvieme est peutltre le si2cle qui depuis le moyen age

Page 2: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

Louisa Jones 52

souffre le plus d’un manichCisme insurmontable qui dissocie et oppose corps et esprit, puretk et corruption, bon et mCchant, proldtaires et posddants, travail et jeu, sciences et arts. La guerre entre les sexes se polarise aussi: jamais la femme n’a paru aussi lointaine et inaccessible, qu’elle soit divine ou diabolique. Les diffdrentes formes d‘aliCnation sociale divisent jusqu’au noyau le plus intime de la personnalie qui se fragmente, devient double, multiple meme: la sincCritC d’un Baudelaire est encore plus difficile a cerner que celle d’un Montaigne.1 L’homme publique s’oppose a l’homme privC-- et la femme, elle, que devient-elle?

Je me propose d’ttudier un seul aspect de ces problkmes, l’image de la femme dans la littkrature masculine: que reprbsentait la femme aux yeux de ces h o m e s de plus en plus aliCnCs de leur sociCtC qu’ktaient les Ccrivains? Parmi les Oeuvres des plus grands d’entre eux, bien qu’elles ne soient pas nkcissairement les plus typiques, nous trouverons nCanmoins la possibilitC de dCgager certaines tendances principales correspndant aux grandes lignes des mouvements littkraires. De plus, il faudra considCrer dans chaque exemple les conventions du genre littkraire. Le roman nous instruira surtout des diffkrences sociales, de l’opposition entre la vie de province et la vie parisienne, des moeurs de 1’Cpoque. La poCsie rCvklera les types gCnCraux et les projections du dCsir personnel. Quant au thtitre, le genre social par excellence, il permetira de distinguer les types populaires que le publique acceptait c o m e vraisemblables, tout en les trouvant problkmati- ques. Finalement, il faut reconnaitre que mes conclusions gCnCrales dCpen- dront indvitablement d‘une intkrprktation personnelle des Oeuvres que le lecteur ne partagera peutdtre pas toujours. Dans une Ctude de cette longueur, je ne pourral prCtendre 2 des preuves definitives; mais il me semble que la synthkse m2me simplement esquissCe d’un probl6me si impor- tant et encore si proche de nous vaut bien la peine &&re tent6e.

Examinons d’abord rapidement l’image de la femme hCritCe du dix- huitikme sikcle. Nous aurons intCr2.t B distinguer deux sortes de romans: le roman aristocratique des salons et le roman bourgeois,2 dont l’influence s’impme surtout aprks 1760 avec le succes de La Nouvelle He‘loise. Dans le roman aristocratique (tel, par exemple, Les Egarements du coeur et de E’esprit de CrCbillon fils) les femmes peuvent Ctre des partenaires Cgales dans le jeu du plaisir et de la politique amoureuse. Les hCrdnes autant que les hCrm se disputent divertissements, conqdtes, sCductions. Les &les du jeu sont les conventions sociales; le but est d’Cviter B tout prix l’ennui, et

Page 3: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la Eitttrature frarqaise du dix-neuvi2me si2cle 53

peut4tre aussi un vide plus profond encore. Pourtant il existe des diffkren- ces importantes dans les carrikres des deux sexes: la femme doit se garder une rkputation de vertu, au moins en apparence. Sans cette fqade, elle serait mise hors jeu. Un homme peut acquCrir m e rCputation notoire de skducteur, il sera toujours r e p , m6me recherchC, par la bonne sociCtC. Qui se charge de faire ou de dCfaire les bonnes rkputations? Ce sont toujours les vieilles dames, prudes Arsinds qui n’ont plus l’espoir de jouer le r6le de CClim2nes. Autre diffkrence importante: la plus grande conqdte de la femme est de fixer un homme, tandis qu’un homme cherche toujours multiplier le nombre de ses aventures.

Les Liaisons dangereuses de Laclos, publikes en 1782, brossent un ultime portrait de cette sociCtC sur le point de disparaitre. Le personnage fkminin central, la Marquise de Merteuil, raconte dans une lettre cklhbre l’histoire de sa vie et explique comment elle est arrivCe a se concevoir comme une nouvelle Dalila. T&s jeune encore, elle apprit le contr6le exact de ses moindres Cmotions, puisque la domination d’autrui exige un calcul tr6s rigoureux. Ainsi, sans jamais rkvtler son jeu, sans ccse laisser pknCtrer,x elle fait une impression calculCe dans les thtatres divers ou elle exerce ses talents: femme froide et vertueuse d’une part, amante dklicieuse, esclave du plaisir d‘autre part, enfin maitresse absolue de l’homme qui la poursuit.

Mme de Merteuil a comme correspondant un ami et complice, le ctlbbre skducteur Valmont. L‘objet de ses soins au moment de l’histoire est une femme t&s diffkrente de sa confidente: c’est une femme dCvote et bour- geoise, incapable de calcul, pour qui la vertu, l’amour de son mari et ses devoirs religieux sont une meme passion. Cette femme a qui manquent totalement les fqons dttournkes et les connaissances de Mme de Merteuil, chez qui il n’y a pas de dkcalage voulu entre apparence et rkalitk, puisqu’elle recherche avant tout la sincCritC, cette femme sera pour Valmont, comme elle le sera pour Sade et souvent pour les Romantiques, une victime irrk- sistible. Ainsi le conflit central du roman est symbolisk par les diffkrences fondmentales existant entre deux types de femme, l’aristocrate et la bour- geoise, la femme pour qui le plaisir et la politique sont un meme jeu de domination, et la femme a sentiments, livr6e a des forces qui la dkpassent. Le mgme contraste se retrouve entre les aristocrates de Boucher et de Fragonard et les jeunes filles sentimentales de Greuze.

Valmont rCsume trks bien ces distinctions lorsqu’il essaie de justifier B la marquise son attirance pour une bourgeoise. Pour lui, les femmes ddent a

Page 4: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

Louisa Jones 54

la dduction pour trois raisons: pour certaines, ccle plaisir est toujours le plaisir, et n’est jamais que cela, et aup& de celles-lh, de quelque titre qu’on nous dCcore, nous ne sommes jamais que des facteurs, de simples commis- sionnaires dont la lascivitb fait tout le mCrite;, d’autres sont Cmues par <<la cClCbritC de 1’Amantp c < L e plaisir de l’avoir enlev6 une rivale., Sa nouvelle maitresse, elle, appartient a une catCgorie bien plus rare, c’est ccune femme ddicate et sensible qui fit son unique affaire de l’amour.9 Pour cette femme, le plaisir consiste finalement non a dominer, mais B se livrer a ses Cmotions, a sa passion, a son amant. Elle deviendra un type important de femme romantique.

Sade nous montre encore un mCme cuntraste entre les deux soeurs, Juliette et Justine. La premihre, par calcul et par audace, atteint le rang de comtesse et acquiert de grandes richesses; la seconde, toujours vulnCrable, croyant aux fictions de sa sociCtC, confiante en une protection divine qui ne se manifeste jamais, invite la pedcution. Elle semble meme la rechercher lorsque, par exemple, elle tombe amoureuse d’un de ses persCcuteurs, Bressac. On pense au tableau de Greuze <<La Jeune fille pleurant la mort de son oiseau,, dont Diderot Ccrit, tout en plaignant son malheur, qu’il aurait bien voulu en Ctre la cause.4 Elle aussi invite a la persecution. Juliette a compris, selon Sade, que la nature est fondamentalement mkchante, que les enjeux appartiennent aux plus forts; Justine par contre est punie maintes fois de sa croyance en la vertu naturelle. Ainsi voyons-nous que la femme devient un symbole important d’une forme de dualisme qui oppose vie naturelle et vie de socittt, attirance vers le sublime et vers la curruptim. Justine doit Ctre un ange pour que le vide du ciel soit plus clairement dC- montrC par sa dCfaite continuelle. Mais il parait aussi que le plaisir de per- &cuter est bien plus grand si la victime - - la femme - - est angklique. La franchise des descriptions chez Sade est Cvidemment exceptionnelle, mais nous retrouvons le meme plaisir de perstcution chez les auteurs bourgeois vertueux dont les hCroines meurent longuement la fin de l’histoire, dans La Nouvelle HkloZse, dans le roman anglais Clarissa, et bien d’autres. La mort de Justine, frappke par un bclair, n’est qu’un viol ultime - - perp6trC par Dieu cette fois. Ainsi Sade parodiet-il les morts plus languissantes des autres victimes. La vulntrabilitt de la bourgeoise vertueuse et sentimentale invite la pedcution.

Si, aprh la rhdution, les femmes aristocrates ne sont pas dCmodCes, elles tendent nCanmoins B se confondre de plus en plus avec les bourgeoises.

Page 5: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la litthatwe frawaise du dix-neuvitme si2cle 55

Balzac, dans <<Une Etude de femme,, montre t&s bien comment l’aristo- crate de la Restauration n’est plus la grande dame d‘autrefois. Dam sa Phy- siologie du mariage de 1829, sa premikre oeuvre signCe, il groupe aristocrate et bourgeoise dans une meme catCgorie. Si, sur trente millions de Franqais, la moitiC sont des fernmes, il se refuse a parler de neuf millions d’entre elles. Celles-ci travaillent, Ckvent elles-memes leurs enfants, se htilent aux champs, ne connaissent pas la coquetterie; elles sont pour le jeune Balzac des ccorangoutangs.i> Les seules vraies femmes, bourgeoises et aristocrates ensemble, sont idCalement skduisantes, fragiles, incapables d’effort physi- que; elles savent ntanmoins mener un homme--mCme si c’est pour son bien.

L’hCroi‘ne de <<La Femme abandonnee,, rkunit dans un mClange ambigu les deux types de femme du dix-huitikme si6cle: elle a la subtile coquetterie de l’aristocrate et la spontanCitC passionnCe de la bourgeoise. C‘est dCjh une femme naturelle pour qui sa passion compte plus que les conventions sociales et qui perd sa rkputation par amour. AbandonnCe une premikre fois par son amant indigne, elle se retire de la sociCt6 pour vivre seule 2 la cam- pagne LA un jeune aristocrate s’Cprend d‘elle. S’il est poussC d’abord par la vanitk, eIle saura si bien rCgler leurs rapports que son nouvel admirateur s’amCliorera, l’aimera d’une vraie passion. Elle lui explique d’ailleurs que la premikre fais, ~J’ai donc 6t6 esclave quand j’aurais dQ me faire tyran.>>5 Cette fois-ci encore, si elle arrive par sa plus grande expbrience et par sa dklicatesse plus raffinCe & guider les pas de son amant, c’est pour de nouveau se livrer toute entikre, sans aucune autre garantie que I’intensitC de la pas- sion. 11s connaissent ainsi neuf ans de bonheur en Suisse. A la fin, influend par sa famille, le jeune homme consent d un mariage de convenance, quitte sa mdtresse cngClique et loyale; se rendant compte de son crime, il finit par se tuer.

Balzac souligne sans Cquivoque ses sympathies envers cette femme sup6rieure:

Une femme ne se forme pas, ne se ploie pas en un jour a m caprices de la pas- sion. La voluptC, comme une fleur rare, demande les soins de la culture la plus ingknieuse; [. . .] cette admirable entente, cette croyance religieuses, et la certi- tude fkconde de ressentir un bonheur particulier ou excessif prks de la personne aimke, sont en partie le secret des attachements durables et des longues passions. P&s d‘une femme qui posdde le gCnie de son sexe, l’amour n’est jamais une habitude: son adorable tendresse sait revetir des formes si varikes, elle est si spirituelle et si aimante tout ensemble, e l k met fant dartifices dans sa nafure

Page 6: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

Louisa Jones 56

ou de nature1 dans ses artifices, qu’elle se rend aussi puissante par le souvenir qu’elle l’est par sa prksence [. . .] Si fun homme] a encore sur les Bvres le goQt d’un amour celeste et qu’il ait bless6 mortellement sa vtntable Cpouse au profit d’une chim&re sociale, alors il faut mourir ou avoir cette philosophie matkrielle, Cgoiste, froide, qui fait horreur am %mes passionnk6

Balzac se r6vele ici partisan de l’amour sans contrat social. Si la femme lCgitime peut tolCrer l’existence d’une maitresse, celle-ci, plus dCsintCressCe en son amour, doit refuser tout compromis. cL‘hCroine de ce wnte Ctait d’ailleurs bien en droit de se refuser au plus avilissant partage qui existe, et qu’une maitresse doit avoir en haine parce que dans la puretC de son amour en rCside toute la justification.>>7

Cette femme, nous le voyons, rCunit la spontantitC naturelle de la passion a l’artifice aristocratique. Balzac souligne de plus que tous ces ClCments con- tribuent & sa purete6, a sa qualit6 d’ange: cccette croyance religieuse,, cccet amour cCleste., Sa supCriorit6 est celle du romantique qui vit au-dessus de la sociCt6, dans un Ctat passionn6; mais en mGme temps cette femme est surnaturelle. Pour Balzac, la femme parvient mieux que l’homme a cet Ctat d’exaltation Cgalement naturelle et spirituelle parce que l’homme, lui, reste p r i s d e r des raisons sociales.

De tels sentiments nous rappellent la sdne entre Benjamin Constant et Madame de Stael, rapportCe dam la Ctcile de Constant, oh l’hiroine ap- pelle ses enfants autaur d’elle, montrant son amant d’un geste et s’excla- mant: ccVoilA l’homme qui veut perdre votre m&e en la forCant a l’Cpouser9

Les rapports humains dans Adolphe ne sont pourtant pas les memes que chez Balzac, et la narration a la premiere personne permet un jeu de sym- pathies bien plus ambigu encore que celui du nanateur de <<La Femme abandonnke., La malheureuse EllCnore, qui a dCj& prouvC sa g6nCrositC envers le Comte de P. . . en lui sauvant sa fortune, lui a dorm6 deux enfants et continue a vivre ouvertement avec lui. S’il ne I’Cpouse pas, ce n’est pas 1’idCal de sa passion qui Yen em@che mais la simple conscience qui rien ne l’y oblige, Ellknore ayant dCj& tout donnC.9 Pourtant il la respecte. Adolphe offre mieux: la passion tumulteuse qui manque au comte. EllCnore ne peut rCsister au dCsir de la partager. Comme le hCros de Balzac, Adolphe avoue qu’il est d’abord puss6 par l’ennui et par la vanitC, l’espoir d‘une con- q&te,lo mais ensuite il pousse ce cri du coeur:

Page 7: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la litttrature frarqaise du dix-neuvi2me sibcle 57

Malheur ?i I’homme qui, dans les premiers moments d’une liaison d’amour, ne croit pas que cette liaison doit &re Bternelle. . . . Une femme que son coeur entraine a, dans cet instant, quelque chose de touchant et de sack Ce n’est pas le plaisir, ce n’est pas la nature, ce ne sont pas les sens qui sont corrupteurs; ce sont les calculs auxquels la sociCtk nous accoutume, et les rkflexions que I’expkrience fait naitre. J’aimai, je respectai mille fois plus E116nore aprBs qu’elle se fut donnBe.l1

Le narrateur ici se place du dtC de la spontanCitC pure, sans calcul aucun; mais il se fait souvent illusion sur ses propres sentiments. I1 faut dire que sa passion reussit encore moins bien au couple que chez Balzac. Les amants de Constant sont souvent cruels l’un envers l’autre, et s’ils louent la passion naturelle sous forme de gCnCrositk amoureuse, la volontC de dominer n’est jamais loin. Le dCsir qui Cquivaut a la volontC de possCder et de diriger l’autre (c’est-adire le sadisme dans un sens large) et le dCsir de se soumettre a une force plus puissante que soi (le masochisme au sens large) sont des ingrkdients essentiels du Romantisme.12 Justine a eu beaucoup de soeurs et meme, on le verra, des fdres.

Au dix-huitieme siecle, les clichCs de la sCduction permettent toujours d’appeler ccrnon angex la femme aimCe, mais au dix-neuvihe sikcle cette mCtaphore peut Ctre comprise littkralement. Le lieu-commun mondain se traduit en mktaphore de transcendance. L‘Elvire de Lamartine, ses autres amours, sa fille et sa niece sont pour lui autant d’intermidiaires entre le ciel et la terre, comme nous le voyons dans des pdmes tels que <<Novissima verbap <<La Femme,, ou <<Un Nom,: <<Femme, ange mortel, creation divine/ Seul rayon dont la vie un moment s’illumine.>>l3 Balzac exprime des sentiments semblables dans la courte dkdicace <<A Maria, qui prCdde Eugknie Grandet. EugCnie, cornme Ursule Mirouet, comme 1’hCroine du Lys dans la vallte sont des variations sur le tMme de la femmeange pro- vinciale, abandonnCe, persCcutCe et victime de sa passim.

I1 est B noter que Balzac crke souvent un contraste entre la parisienne mondaine et corrompue et la provinciale innocente victimiste. La hiCrarchie des classes a t remplacke en partie par cette distinction gkographique. Stendhal, dans Le Rouge et Ze noir met en valeur les deux oppositions en meme temps. La provinciale et bourgeoise Madame de Renal est naive, spontanke, passionnte; elle ne comprend nen aux calculs de Julien. La parisienne Mathilde, par contre, est une aristocrate, une <<femme de e t e p pour qui la lutte pour la domination est ce qui donne son prix ?i l’amour. Pour elle la passion consiste a se crCer un r6le digne de ses and-

Page 8: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

58 Louisa Jones

tres et de r6ussir a le bien jouer. C‘est la bourgeoise sentimentale qui sera l’objet de la tentative d‘assassinat; elIe mourra de chagrin, entourbe de ses enfants. L‘aristocrate, fidele a son rele, emportera la tkte de Julien guillotink sur ses genoux.

Stendhal, dans ce roman trks riche, dkveloppe d‘autres aspects importants de notre problkme. L’amour de Madame de Renal est tout maternel-- n’accueille-t-elle pas Julien, au dCbut, comme un de ses enfants? L’E116nore de Constant est m&re aussi, et, comme la <<femme abandonnke, de Balzac, elle est plus figke que son amant. Au dix-huitieme siecle (et encore dans La Physiologie du mariage de Balzac) la femme dduisante cache ses enfants pour ne pas paraitre vieille, donc moins attirante en tant que maitresse.14 Les h6ros romantiques par contre recherchent les mkres, les femmes plus figkes. On a dkja constat6 que le htros romantique a souvent un @re mon- dain et philosophe, t k s dix-huitikme siecle, dont il n’est pas compris (tels les @res de Lucien Leuwen, d’Adolphe, de Red)); et que souvent sa mkre protectrice est morte tr& jeune (Adolphe, RenC, Julien). D’autre part, nous avons vu que la femme symbolise le sentiment naturel pour beaucoup d’auteurs. On serait tent6 d’adopter un point de vue Freudien, voyant ainsi chez le Romantique qui id6alise la nature un dCsir de rejeter l’autorit6, (la sociCt6, le @re) pour mieux jouir du monde naturel, maternel, f6minin. Ce retour a un id64 absolu de la passion reste, bien sar, impossible a pratiquer, inaccessible, soumis a un interdit social: ainsi en est-il souvent de la femme que le heros d6sire. Elle peut &re marike, appartenir a une autre cIasse sociale, Ctre reine meme (Ruy Blas). Atala nous pr6sente le type de cette situation oh la femme naturelle, soumise a une mauvaise autorit6 masculine, doit rester toujours au-dessus des dksirs de son amant. Cependant la bonne religion, selon Chateaubriand, aurait converti l’homme sauvage la soci6tk chr6tienne par la douceur, conciliant ainsi le d6sir naturel et l’amour social du prochain. Le $re Aubry, bon <<@re>> cette fois-ci, aurait consack l’union de la sociCt6 et de la passion, des noces de l’homme et de la nature., Atala serait devenue mkre. La nouvelle est riche en images de matemit& mais toutes sont likes a des soci6tks interdites Chactas par une fatalit6 6crasante.

Renk est une autre variante sur le thbme de la passion inaccessible: h o m e toujours incomplet, assoiffk de permanence et d’absolu, pour qui la femme idkale serait sortie de lui-rn&me, nouvelle Eve en meme temps qu’fime soeur compl6mentaire de la sienne. Amklie, sa vraie soeur, est pour

Page 9: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dam la litthature framaise du dix-neuvi2me sitcle 59

lui ccpresque une mhre, c’Ctait quelque chose de plus tendre, et encore: ccAm6lie avait r q u de la Nature quelque chose de divin [. . .] elle tenait de la femme la timidit6 et I’amour, et de l’ange la puret6 et la milodie., Mais Amdlie, vraie soeur, reste soumise a l’interdit de l’inceste plus explicite ici que dans AtuZa. Les anges, d’ailleurs, sont difficiles a atteindre pour un h6ros li6, malgr6 ses plus pures aspirations, a la terre.

Victor Hugo r6sume bien toutes ces nuances dans la dernikre strophe de son <<Date Lilia>>:

Oh! qui que vous soyez, bCnissez-18. C‘est elle! La soeur, visible aux y e n , de mon l m e immortelle! Mon orgueil, mon espoir, mon abri, mon recours! Toit de mes jeunes ans qu’es$rent mes view jours! C‘est elle! la vertu sur ma tcte penchCe; La figure d’albltre en ma maison cachCe; L‘arbre qui, sur la route OG je marche ?i pas lourds, Verse des fruits souvent et de l’ombre toujours; La femme dont ma joie est le bonheur supreme; Qui, si now chancelons, ses enfants ou moi-mcme, Les soutient de la main et me soutient du coeur; Celle qui, lorsqu’au mal, pensif, je m’abondonne, Seule peut me punir et seule me pardonne; Qui de m a propres torts me console et m’absout; A qui j’ai dit toujours! et qui m’a dit partout! Elle! tout dans un mot! c’est dans ma froide brume Une fleur de beaut6 que la bontC parfume! D u n e double nature hymen mysttrieux! La fleur est de la terre et le parfum des cieux!

Leu Chants du crkpuscule, 16 septembre 1834

Femme vertueuse et dleste, soeur et mkre - - tout est &. Elle reprksente I’objet id6al du dksir, I’absalu de la beaut6 ou de la vertu qui sera, selon les auteurs, accessible ou non dans ce monde, mais toujours de nature divine. Les inttrprttations psychologiques et mktaphysiques sont complt- mentaires.

Le Rouge et le noir nous r6vkle encore un autre aspect de cette premikre p6riode: l’homme romantique, dans beaucoup de cas, assimile des carac- tkristiques fkminines. Julien est une personnalite double, wmme l’a si bien montr6 Jean-Pierre Richard dans Litttrature et sensation (Paris, 1954). Son attirance spontanCe envers la passion, qui s’exprime si souvent chez lui par les lames dont il se sent trahi, est en conflit avec son d6sir de domination complkte de lui-meme et des autres. Cette dernikre tendance le porte B l’am-

Page 10: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

60 Louisa Jones

bition sociale et politique, mais la premikre dCjoue ses calculs malgrC lui. Ironiquement, comme toujours chez les hommes de coeur, c’est sa sinc6ritC qui gagne h Julien des protecteurs; tous veulent pourtant qu’il apprenne b se maitriser. Lorsque Madame de R6nal aperCoit Julien pour la premihre fois, il lui parait ccpresque une jeune fille.>> Si peu a peu il devient homme vis a vis de la sociCtC, le Julien du dCnouement rejette les valeurs sociales; il se donne a la passion plutat qu’B l’ambition, B I’adultkre et a l’amour im- possible plut6t qu’au mariage, aux valeurs que reprksentent les femmes, plut6t que les hommes, de sa sociCtC.

Le Ruy Blas de Victor Hugo (1837) nous montre un autre hCros pas- sionnC qui se laisse souvent aller aux pleurs, qui s’Cvanouit meme aux mo- ments intenses et qui, malgrC une ceriaine aptitude pour la politique qui surprend les mondains qui l’entourent, choisit en fin de compte l’amour. Sa souffrance passionnCe laisse peu de place au r6le principal fkminin, celui de la reine inaccessible qu’il adore, et la m o t de Ruy Blas nous parait un martyre de plus aux mains cruelles de la sociCtC masculine.

Dans Lorenzaccio de Musset (1843), le due Alexandre se moque de son cousin et serviteur Lorenzo lorsque celui-ci s’Cvanouit A la vue d’une kpke. Selon le duc, Lorenzo est cane femmelettep ccun &veur,>> ccun philosophe,>> c c u n gratteur de papier.. SensibilitC d‘artiste et sensibditk de femme sont ici Ctroitement likes. La jeune tante de Lorenzo dCfend sa ccliichetC>> par la question: c<Et pourquoi cet enfant n’aurait-il pas le droit que nous avons toutes, nous autres femmes?>>ls Lorenzo fera preuve pourtant d‘un courage rCel et tout masculin en assassinant le duc.

Nous dCcouvrons dans ces cas une opposition entre la gCnCrasitC, I’humilitC, la passion, la spontanCitC, la sincCrit6, le rejet des conventions sociales d‘une part, et YCgoisme, la vanitk, l’ambitioa, le calcul et la dissimu- lation politique d’autre part. Si Balzac attribue souvent les premiers traits de caracthre aux femmes, nous les retrouvons dans ces derniers exemples chez des protagonistes masculins. Tout se passe comme si, aprhs l’exemple historique rCcent de tant de passion et de douleur, I’artiste voulait appro- prier pour ses hCros une partie de la sensibilitk, de la noblesse dam le sacrifice et dans la souffrance, qui Ctaient jusqu’alors rCservCes surtout aux hCroines. 11 commence ainsi en meme temps Ia critique d’une sociCtC orientke vers l’ambition et vers l’argent, sociCtC dont il se sentira de plus en plus aliCn6. Aprks cette transition, la femme gardera sa sensibilitk &motive, mais sa capacitk de transcendance sera de plus en plus attribuCe h l’artiste.

Page 11: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la littkrature fraqaise du dix-neuvidme siPcle 61

Baudelaire l’appelera <#imagination,>> - - facultk dont les femmes seront de plus en plus dCnuCes.

Avant de quitter la femme-ange, relevons-en un dernier aspect. Nous I’avons w e souvent sous sa forme platonique de soeur, moitik perdue de l’homme qu’il cherche dans l’amour. La personnalit6 double a beaucoup de variantes chez les Romantiques. Le dialogue est t r b frCquent, ainsi entre Stello et le Docteur Noir de Vigny, entre Musset et son Spectre, entre Lamartine et son 2me. Cette dualit6 reflkte souvent celle du corps et de l ’he , et il est nature1 que ces d e w Nles prennent quelquefois des connota- tions sexuelles du type animus/anima. Mais si le hCros romantique et sa soeur-amante peuvent se rCunir en une seule entitk, quelquefois un meme personnage reprksente les deux aspects. Le thkme de l’androgyne est frk- quent depuis le dkbut du siGcle.16 La Skraphita de Balzac et le Jocelyn de Lamartine sont tous deux objets d’amour universel. Les versions suivantes, comme Mademoiselle de Maupin, seront moins pures, et on pourrait, h la fin du siecle, placer le dandy et certaines sortes de clown dans cette tradi- tion.17

Comme chez le dandy et le clown, la double yersonnalitk - - souvent ironique - - peut tr&s bien caractCriser l’artiste. C’est le cas de Baudelaire, chez qui la femme est surtout la projection d’une partie de lui-meme. Le sado-masochisme, 6vident partout dans sa pdsie aussi bien que dam ses essais, est un ingkdient essentiel a sa conception de l’amour. Examinons ce passage trks explicite de son journal:

Je crois que j’ai dejb Bcrit dans mes notes que I’amour ressemblait fort $I une operation chirurgicale [. . .] Quand-m&me les deux amants seraient trks-epris et tr&-pleins de desirs reciproques, I’un des dew sera toujours plus calmes ou moins possCd6 que l’autre. Celui-18, ou celle-lb, c’est l’optrateur, ou le bour- reau; l’autre, c’est le sujet, la victime. Entendez-vous ces soupirs, preludes d’une tragBdie de deshonneur, ces gkmissements, ces cris, ces r%es [. . .] --Epouvantable jeu oh il faut que I’un des joueurs perde le gouvernement de soi-m&me.ls

Les r6les ne sont pas ici adjug& a priori h l’homme ou h la femme. Chacun peut dominer ou se soumettre et, plus important, la m6me personne peut jouer les deux tour h tour. L‘auteur est tent6 kgalement par les deux. On pense inkvitablement a la strophe cCl8bre de <<L’Hkautontimoroumknos>> :

Page 12: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

62 Louisa Jones

Je suis la plaie et le couteau. Je suis le soufflet et la joue. Je suis les membres et la roue, Et la victime et le bourreau.ls

En tant que N t e , Baudelaire a plut6t tendance B se laisser dominer, tout en voulant s’en venger. Son art lui rend n6cessaire cet &at de possession, d’intoxication, que lui procurent tant6t les drogues, tantdt les femmes et tant6t . . . la poCsie seule. La femme pour h i est tour B tour vampire et madonne - - mais celle-ci est une madonne espagnole dont le coeur est transperch de sept Cp6es, plackes 1l avec plaisir par le @te. C’est un jeu essentiellement diabolique ( c o m e pour Sade d’ailleurs) et Baudelaire le reconnait pleinement. Le repos - - l’innocence d’avant la chute - - est seul inaccessible. A certains moments Baudelaire manifeste une grande nostalgie pour cette vie antkrieure et d’ailleurs; telle I’invitation B sa maitresse: <<Man enfant, ma soeur/ Songe B la douceur/ D’aller lk-bas vivre ensemble90 Moment de trbve impossible que le p&te propose au beau milieu des hostilitks. La rhktorique romantique a nettement changk de connotation: la femme chez Baudelaire est d t j l la femtne fatale et diabolique. Son aspect ang6lique s’est mCtamorphos6 en un masque de mort grotesque - - quoique toujours nature]. Baudelaire restera B jamais c6lbbre pour son observation: <La femme est naturelle, donc abominable. ))21

Cependant, Baudelaire semble pressentir par moments que cette lutte est une projection - - hautement pdtique - - de son propre monde intkrieur. Dans son essai sur Wagner, il Ccrit: <<Tout cerveau bien conform6 porte en lui deux infinis, le ciel et l’enfer, et dans toute image de l’un de ces infinis il reconnait subitement la moitik de lui-mi?me.>)22 L‘objet de son d6sir et de sa haine est une autre partie de hi-m6me. Le conte <<La Fanfarlo, nous dkcrit une danseuse-actrice (r6le frkquent de la femme fatale); cependant l’autre personnage f6minin du conte, une jeune nouvelle-mariCe, est capable de se plaindre t r b amerement, d’une fason t r k rCaliste qui r6vble une bonne observation de la socittk, de la victimisation des femmes dans le mariage. A d’autres moments encore, Baudelaire montre une grande com- passion envers les femmes, surtout les vieilles. Les revirements brusques de ses attitudes dans ce contexte trouvent leur pendant dans ses remarques sur les pauvres. Dans ce jeu de masques, lequel est le vrai? TOUS, sans doute, et B la fois.

Madame Bovary de Flaubert parait au meme moment que Les Fleurs du

Page 13: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la littkrature fraqaise du dix-neuvidme siLcle 63

mal. Baudelaire a Ccrit au sujet du roman un essai frappant ou il fait une seule critique importante, mais une critique essentielle pour le roman du dix- neuvibme sikcle: pour Baudelaire, Madame Bovary est invraisemblable. Pourquoi? Parce qu’aucune femme ne pourrait ressentir de tels Clans de passion, une telle soif d’absolu, ni, en meme temps, l’ennui et le dCsespoir que Flaubert attribue B Emma. Pour Baudelaire, Emma fait preuve d’une <<imagination supAme et tyranniquep c<d’un goM immodCrC de la skduction, de la domination;, Ket pourtant Madame Bovary se donne; emportde par les sophismes de son imagination, elle se donne magnifiquement, gBnCreuse- ment, d‘une manibre toute masculine, B des drijles qui ne sont pas ses tgaux, exactement comme les pobtes se livrent B des drdesses.>>23 L‘on connait, d’ailleurs, la phrase de Flaubert si souvent rCpCtCe: <<Madame Bovary, c’est m o b Cependant dans ses oeuvres, tous les personnages, hommes, femmes, assexuBs, sont caractifids par la m2me tentation d’absolu, le meme dBsir inassouvi, le meme vide, la meme absence. FClicitC, dans aUn Coeur simple), remplace les objets de son amour l’un aprbs l’autre, quand ils se dCrobent B elle par I’infidClitC ou par la mort, le reportant d‘un homme sur des enfants, sur un animal, pour finir par un perroquet empaill6 et pour- rissant. A la fin du mnte sa foi seule - - la foi d’un coeur simple - -rCussit B transformer ce perroquet en esprit divin; vision que le narrateur ne partage pas d’ailleurs - - B son regret? - - puisqu’il est h pour nous assurer que FClicitC se fait encore illusion. La daliti, le monde concret, est ce vide pourrissant. Dans Madame Bovary, la femme adultbre symbolise parfaite- ment le dCsir inassouvi; en meme temps, puisqu’elle est aussi un des grands clichBs littkraires de l’Cpoque, elle reprksente les formes &riles de l’art et du langage. La fameuse sdne des cornices agricoles juxtapose les lieux- communs lamartiniens sur l’amour (y compris la femme-ange) et la rhCtori- que Bgalement vide du progres scientifique. Ses amants et son man tous appellent Emma un ange, mais toujours ?i un moment de dCsespoir intense ou de destruction. L’ironie avec laquelle Flaubert traite ses personnages le vise aussi lui-m6me; il partage leur sort.

Dans le thC8tre des annCes cinquante, nous trouvons un cas frappant d’oppition femme-ange/femme-diable: c’est la polCmique qui entoure le personnage de Camille dans la Dame aux camklius de Dumas fils. Le roman parait en 1848, la pike est montCe dix ans plus tard. Cette courtisane malheureuse rachetCe par un amour pur, auquel elle doit renoncer avant de mourir de consomption, est une variante du type que Baudelaire dCcrivait

Page 14: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

64 Louisa Jones

ironiquement comme <<la grisette dkchue, la femme moderne, plade entre la fatalit6 du travail improductif et la fatalit6 de la prostitution 1Cgale.>>24 Si les Julien Sore1 de la Restauration pouvaient changer leur condition social par la politique, l‘arm6e ou I’Cglise, seule la prostitution offrait des avantages semblables aux femmes. Encore beaucoup y 6taient-elles poussCes par la misitre - - on songe a la Fantine des Misbrables. Pour les Romanti- ques, me telle femme est encore la femme innocente, naturelle, perskcutke par une sociCtk masculine corrompue; elle peut toujours garder pure et in- tacte sa <<virginit6 de 1’8me.>> Camille appartient encore A cette tradition de puret6 angklique. Au d6but de la piitce, Armand craint de retrouver chez Camille une autre Manon Lescaut, mais, peu semblable 2 la courtisme du dix-huiticme siitcle qui ne pouvait se passer de luxe, Camille veut tout abandonner pour vivre avec son amant dans la plus grande simplicit6 - - ii la campagne Cvidemment. Quand elle se sacrifie, ce n’est pas uniquement pour lui mais pour un autre ange, la soeur d’Armand, jeune fille qui, selon la description de son pkre, ne vit que pour la passion, elle aussi. Malheu- reusement la jeune aristocrate s’est Cprise d’un fils de bonne famille pre vinciale qui n’acceptera jamais que son beau-frkre vive avec une courtisane. Camille en se retirant permet la r6alisation d’un bonheur et passionnk et 16gitime--combinaison d’autant plus facile ii imaginer que nous ne le voyons jamais. I1 est clah que la soeur avait tous les avantages au dkpart. Elle n’est du reste qu’un prCtexte A la gCnCrositC, c’est-ii-dire a l’esprit de sacrifice, de Camille.

Augier, dans Le Mariage d’OZympe, prend la parole contre cette image de la courtisane, faisant allusion directement au SUCCBS de Dumas fils. Olympe est trompeuse et vicieuse; la femme B calcul de nouveau, et non pas la bonne nature spontante et gkntreuse. Par intkret, elle s6duit un fds de bonne famille qui ne connait encore rien du monde. I1 consent B 1’Cpouser clandestinement, voyant en elle une Camille parfaite. Par hasard (et grfice aux ruses d’Olympe) le jeune couple rencontre en Allemagne le chef de famille, duc ultra-royaliste qui est rest6 en exil aprks la r6volution avec sa femme et sa petite-fille. Cette dernikre, cousine plutdt que soeur et donc accessible, est amoureuse du jeune h6ros; c’est la femme vertueuse et lCgi- time qu’il aurait dQ choisir, afin qu’ils deviennent tous les deux un vieux couple solide, loyal et toujours amoureux comme les grand-parents. D’abord acceptCe avec g6nCrositC par ces gens qui ne connaissent rien d’elle sauf sa basse naissance, Olympe montre bientdt ce qu’un des personnages secon-

Page 15: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la littkrature francaise du dix-neuvi2me sibcle 65

daires appelle <<la nostalgie de la boue., Elle veut quitter son mari, dkclare son intention de faire chanter sa famille. Le noble vieillard est obligC, pour sauver l’honneur, de tuer cette femme diabolique. L’ironie dramatique pour le spectateur qui connait bien les origines d’Olympe n’est nulle part aussi grande qu’aux moments oh son mari l’appelle ccange.>>

Vers cette tpoque, avec le roman rtaliste, la femme de basse naissance devient B la mode. Les Frbres Goncourt publient Germinie Lacerteux en 1864. C’est l’histoire de la vie secrbte et vicieuse d’une servante, vie insoup- GonnCe par sa maitresse vertueuse qui, bien qu’aristocrate, avait eu elle- m&me la vie trks dure. PeutCtre doit-on voir I B , malgrC les prktentions a l’objectivitt des auteurs, un point moral B marquer contre la servante? L’histoire fut modelte d’aprbs celle de leur propre servante dont ils con- nurent la vtritable vie seulement au moment de sa mort. Est-ce que ses maltres ont pu se sentir tromp&, joub, par cette indkpendance insoupcon- nte? Le ton du roman rCvkle une Cnorme condescension qui est peut4tre m e fqon de dominer de nouveau la domestique. Toujours est-il que la Germinie fictive est complbtement passive, B la merci des circonstances; c’est une intelligence bornCe en proie a ses instincts et B la corruption du monde qui l’entoure. La nature n’est pas plus innocente ici que la sociCt6, la campagne n’est pas plus pure que la ville. Dans un sens, cette femme est toujours victime de la sociCtk. Dans le roman expkrimental de Zola, Thkrbe Raquin (1867) nous retrouvons la femme passive, mais encore plus mCchante, incapable de rtsister aux crimes - - l’adulthre et le meurtre - - que ses passions lui dictent. On a l’impression que, parce qu’elle est ouvribre et inculte, elle est encore plus naturelle, plus animale, que ses soeurs.

Evidemment, si la femme en 1ittCrature parait de plus en plus animale, de moins en moins ange, elle reflbte la dCsillusion persmnelle de ses cr6a- teurs; ceux-ci ressentent une angoisse gtn6rale qui peut aussi s’exprimer chez des personnages masculins (dans L’Assomoir, par exemple). Mais la femme se pr6te mieux B cette expression. Elle symbolise encore ici les rap- ports entre l’homme et cette nature qui n’est plus ni sainte ni bienveillante mais menaGante; elle reprksente aussi 1’Autre social, devenu hostile. Enfin, le psitivisme cache une dtception romantique qui reconnait, avec regret, le manque de transcendance du monde mattriel. Cette dtsillusion et ce dbespoir, si fort surtout chez les artistes, cherchent souvent un bouc Cmissaire, un reprksentant qui assumera les ptchb de la communautC. Je crois que la femme remplit cette fonction, au moins dans la littCrature de

Page 16: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

66 Louisa Jones

cette pCriode. ThCodore de Banville quoique plus mod&& que certains, dCfinit d’une faqon typique le dCcalage entre idCal et reel:

La femme est comme la rose une creation de l’homme qui, avec son %me divine, corrigeant la nature, a fait Imogene et Juliette, la Venus de Milo et la Polymnie, c’est-&-dire la femme telle qu’elle devrait 6tre. Les dames qui Bcrivent (dailleurs avec beaucoup de gr%ce et de talent) nous montrent inexorablement la femme telle qu’elle est. La belle a v a n ~ e . ~ ~

L‘homme, de son p i n t de vue B lui, a toujours une %me, des aspirations, des desirs qui, s’ils sont physiques, ont neanmoins un correspondent dans le monde spirituel. La femme, par contre, au lieu de lui montrer le chemin du ciel, symbolise tout ce qui l’attache la terre, le corps, la matihre, les besoins physiques, la nature - - maintenant devenue diabolique.

Zola nous en donne un des meilleurs exemples dans Nana. Nous la voyons d‘abord au Theatre des Vari6tCs qui, selon son directeur, n’est vrai- ment pas autre chose qu’un bordel. Nana est la nouveautt du moment. Quand elle apparait d’abord sur la sckne, dans le r6le de VCnus, elle fait rire. Elle est maladroite, bonne enfant mais vulgaire, mauvaise actrice - - trop naturelle, tvidemment. Mais peu B peu, tous les hommes subissent sa fascination; on ne rit plus: <<Tout d’un coup, dans la bonne enfant, la femme se dressait, inquiCtante, apportant le coup de folie de son sexe, ouvrant l’inconnu du dCsir. Nana souriait toujours, mais d’un sourire aigu de mangeuse d’homme.~z5

Aprhs ces dCbuts, Zola nous prCsente Nana mmme symbole de la dCca- dence du Second Empire, faisant coincider le dCnouement du roman, la mort de Nana, avec le dtbut de la guerre franco-prussienne. Mais avant cela, quand Nana est trks a la mode, un journaliste prkvsyant tcrit un long article a son sujet. Zola nous le resume ainsi:

[l’article] intituli La Mouche $Or, Ctait l’histoire d’une jeune fille, nke de quatre ou cinq generations d’ivrognes, le sang gilt6 par un langue heritage de misire et de boisson, qui se transformait chez elle en un dktraquement nerveux de son sexe de femme. Elle avait poussc5 dans un faubourg, sur le pave parisien; et grande, belle, de chair superbe ainsi qu’une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnds dont elle ktait le produit. Avec elle, la pourriture qu’on laissait fermenter dans le peuple remontait et pourrissait l’aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le vouloir elle-m&me, corrompant et desorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le

Page 17: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la littkrature francaise du dix-neuvidme sibcle 67

lait. Et c’6tait B la fin de I’article que se trouvait la comparaison de la mouche, une mouche couleur de soleil, envolke de I’ordure, une mouche qui prenait la mort sur les charognes tolkrkes le long des chemins, et qui, bourdonnante, dansante, jetant un kclat de pierreries, empoisonnait les hommes rien qu’8 se poser sur eux, dans les palais ok elle entrait par les fen&tres.26

Remarquons que Zola ne blgme point Nana, mais plut6t la sociCtC qui la produit; mais c’est justement un moyen de plus pour faire ressortir l’intel- ligence et la volontC limitkes, la sexualit6 rampante et nkfaste, de son h6roYne. Elle personnifie aussi la corruption qui monte des bas niveaux de la socibt6: corps, matikre, sexualit6 de femme et prolktariat sont identifib.

Nana ne comprend rien B cet article, et demande B son amant de le lui ex- pliquer. Celui-ci est un vieux comte, autrefois modkle de vertu, qui n’a pu rksister B la tentation des chairs opulentes de Nana. Aprks cette conversa- tion, le comte la regarde, toute nue, qui s’admire dans une glace. I1 sent la profondeur de sa propre chute:

I1 songeait B son ancienne horreur de la femme, au monstre de I’Ecriture, lubrique, sentant le fauve. Nana ktait toute velue, un duvet de rousse faisant de son corps un velours; tandis que, dans sa croupe et ses cuisses de cavale, dans les renflements charnus creus6s de plus profonds, qui donnaient au sexe le voile troublant de leur ombre, il y avait de la bcte. C‘ktait la b&te &or, inconsciente comme une force, et dont I’odeur seule gltait le monde. Muffat regardait tou- jours, obs6d6, posdd6, au point qu’ayant ferm6 les paupi&res, pour ne plus voir, l’animal reparut au fond des tknkbres grandi, temble, exagkrant sa posture, Maintenant, il serait IB, devant ses yeux, dans sa chair, B j amai~ .~‘

Le type social du roman naturaliste mkne facilement B ce type universe], connu des Ecritures, et vivant non plus dans le monde ext6rieur mais au plus profond de I’homme malheureux. Cette Nana naturaliste ressemble beaucoup B la femme fatale des symbolistes. Les pauvres pierrots de Lafor- gue sont Cgalement esclaves de femmes indignes, voire diaboliques: ccJe songeaid Oui, divins, ces yeux. Mais rien n’existe derrikre./ Son h e est affaire d’occuliste. >>28 Les premiers e m e s de Mallarmt prCsentent une autre variante, la femme-mkre qui fait sentir au p&te le poids de ses obliga- tions terrestres et qui 1’emNche de partir, de s’envoler (ceFen&res,>> ccBrise marine,). Barbey d’AurCvilly caractkrise bien la femme-diable dans la prkface des Diaboliques:

Page 18: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

68 Louisa Jones

Quant aux femmes de ces histoires, pourquoi ne seraient-elles pas les Diaboli- ques? N’ont-elles pas assez de diabolisme en leur pmonne pour mtriter ce doux nom? Diaboliques! il n’y en a pas une seule B qui on puisse dire drieusement le mot de cCMon Ange!, sans exag6rer. Comme le Diable, qui Btait un ange aussi, mais qui a culbutB, - - si elles sont des anges, c’est comme lui, - - la t2te en bas, le . . . reste en haut. Pas une ici qui soit pure, vertueuse, innocente [. . .I On a voulu faire un petit mus6e de ces dames, - - en attendant qu’on fasse le mude, encore plus petit, des dames qui leur font pendant et contraste dam la soci6t6.. .

Apr& les Diaboliques, les Ce‘lestes . . . si on trouve du bleu assez pur . . . Mais y en a-t-i1?29

I1 y a une dernihre variante, particulihrement intkressante, de la femme fatale, c’est l’acrobate ou la clownesss. Parfois c’est le type de Colombine, qui refuse de prendre Pierrot au sCrieux tout en le trompant avec Arlequin, la femme au coeur de pierre, la &ductrice, la dr6lesse indigne du p d t e que dCcrit Baudelaire. Parfois c’est la cavalihre, cClebrCe comme ses cousines les prostitukes, dans les tableaux de Toulouse Lautrec et de Seurat. Les deux types sont rapprochCs par leur rCputation d’adresse physique. Peut- Ctre que l’exemple littkraire le plus curieux se trouve dans A Rebours de Huysmans (1887). Des Esseintes, prince des dandys, reprCsente t&s con- sciemment la derniere branche pourrie d’un grand arbre familial noble. Sa propre faiblesse physique est accompagnCe d‘un go& exquis en toute chose, d’une connaissance de dtcadent. Dans un des premiers chapitres, Des Esseintes se souvient de ses anciennes maitresses. La premikre Ctait amCri- caine (donc plus vulgaire, plus naturelle) et acrobate. Elle s’appelait Miss Urania. Les pauvres forces du hCros ne pouvait guere h i suffire, il lui a donc prCfCrC une ventriloque. Celle-ci, dont Cvidemment tout l’esprit Ctait dans le ventre, excitait son amant en projetant sa voix de l’autre d tC de la porte, feignant #&re un homme en train d’entrer par force. Mais ceci en deman- dait encore trop aux forces du heros. I1 choisit plutijt un jeune gargon pour, enfin, abandonner les plaisirs de cette sorte. Son imagination lui suffit dorCnavant. I1 reste obsCdC par des images de femme fatale dont il a une bonne collection de reprtsentations picturales.30 Vers la fin du roman, la syphilis lui apparait en &ve sous les traits d’une femme-vampire, entourCe de pierrots acrobates.

Dans Les Frkres Zemganno d’Edmond de Goncourt, l’enfance des hCros est passCe aup&s d’une mere bohkmienne, achetCe contre son grC par leur pbre en Turquie, et d‘une franqaise qui s’appelle <<La TalochCe., Ces deux femmes sombres, toutes les deux victimes, toutes deux saltimbanques, ont toutes deux une fCrocitC naturelle qui semble les lier A des puissances occultes

Page 19: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la littkrature frarqaise du dix-neuvi2me sibcle 69

et dangereuses.31 A la fin du roman, les deux frGres voient leur carrihre brisCe par les malkfices d’une Ccuykre millionnaire et amtricaine, la Tompkins. La puissance de 1’Amazone diabolique est ici identifiCe nettement B celle de I’argent, ennemi dCclarC de l’artiste tout autant que la femme.

Jean Starobinski, dans un livre excellent Portrait de l‘artiste en saltimban- que (Skira, 1970), montre combien souvent le clown-acrobate apparait B la fin du dix-neuvibme sibcle. Mais tandis que Pierrot ou I’acrobate m2le aspirent B quitter la terre, B sauter plus loin (comme, par exemple, dans c<Le Saut du tremplin,> de Banville), devant la ride de la foule incapable de le comprendre, la femme reprksente I’agilitC du corps, l’essence de la matihe, la substance terrestre. Nous avons remarqu6 chez les Romantiques les nombreux dialogues avec 1’2me-soeur, entre animus et anima. La person- nalitC qui est m e et autonome dans un monde idCal, peut aussi dans un monde imparfait se diviser entre masque publique et visage privC. Le dtcalage entre ces personnae diverses, surtout leur manque d’harmonie, peut faire souffrir auteur ou personnage. C’est le cas du clown dont les rires qu’il suscite cachent un coeur brisk. C’est le cas de l’artiste, oblig6 de plaire B un public insensible aux richesses de son monde intCrieur. C‘est le cas du dandy tel que Baudelaire le dCcrit, qui d6pend de la foule pourtant incapable de reconnaitre pleinement sa supCrioritC. C’est encore le cas de la courtisane Camille, toujours contrainte B la gait6 pour plaire ?i des amants qui mtconnaissent son coeur. Mais aprCs Olympe, la femme n’a plus droit B cette double nature, n’ayant plus d’gme, plus d‘innocence, plus d‘intCriont6 (c<Divins, ces yeux. Mais rien n’existe derribre./ Son 2me est affaire d’occuliste>>). La femme n’a de choix qu’entre une animalit6 instinctive et inconsciente ou la duplicitC volontaire et toute nCgative du diable: c’est l’aspect satanique de I’actrice et de la femme fatale. Dans les deux cas, elle est une fois de plus au service d’une force qui la dkpasse. Dans les deux cas, victime elle-mgme, elle victimise les hommes. Dans les deux cas, elle est une crkation de l’imagination masculine (tout autant que la femme idCalisCe), image oh se concentre toutes les angoisses de cette fin de si&cle toujours dualiste, polarisCe entre naturalisme et symbolisme.

NOTES

1. Voir ?t ce propos la synth&se brillante de Lionel Trilling dam son Sincerity and Authenticity (Cambridge: Harvard Univ. Press, 1973).

Page 20: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

Louisa Jones

2. Peter Brooks, dans The Novel of Worldliness (Princeton: Princeton Univ. Press, 1%7) donne les dkfinitions de ces dew types en les plaGant dans leur contexte historique.

3. Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangireuses (Pans: Edition de la Pltiade, 1951), pp. 125-6.

4. Denis Diderot, Oeuvres esthttiques (Paris: Gamier, 1%0), p. 536. 5. Honor6 de Balzac, uLa Femme abandonnhe,, La Comedie humaine, Tome I1

6. Balzac, p. 337. C‘est moi qui souligne. 7. Balzac, p. 338. 8. Benjamin Constant, Cicile, Oeuvres (Paris: Editions & la PlBiade, 1957), p. 172. 9. Constant, Adolphe, Oeuvres, p. 32.

70

(Paris: Alexandre Houssiaw, 1855), p. 319.

10. Nous remarquons la m&me opposition entre vanit6 romantique et amour sentimen- tal chez le jeune Delacroix dans son Journal, 5 septembre 1822 (Paris; Plon, 1932), p. 5.

11. Constant, Adolphe, p. 32. 12. Ces dkfinitions et leur rapport avec la mentalit6 romantique ont 6t6 Ctudieks avec

profondeur par R6n6 Girard dans son Mensonge romantique, vkriti romanesque (Paris: Grass&, 1961). Pour un dkveloppement plus fantaisiste mais fascinant, voir aussi Willet Cunnington, Feminine Attitudes in the Nineteenth Century (London: Heineman, 1935).

13. Alphonse de Lamartine, *La Femme, Recueillements poitiques (Paris: c h a I’auteur, 1860), p. 461.

14. La mise en valeur de la maternit6, surtout chez les ourgeois, commence cependant avant la r6volution avec I’idCe, chhre aux philosophes, que l’unitt de la famille offre une conciliation possible entre I’instinct et les besoins de la soci6t6. La Julie de Rousseau en est l’un des exemples litt6raires les plus c6Bbres. Voir I’article d6taillC de Carol Duncan, “Happy Mothers and Other New Ideas in French Art, Art Forum (December, 1973), pp. 570-614.

15. Alfred de Musset, Lorenzaccio dans Comidies et proverbes (Paris: Gamier, l%l), p. 71.

16. Une 6tude detaillee de ce sujet est uThe Image of the Androgyne in the Nineteenth Century, de A. J. L. Busst, dans Romantic Mythologies, ed. Ian Fletcher (London: Routledge, Kegan and Paul, 1%7).

17. Voir Emilien Carassus, uEr0.w dans Le Mythe du Dandy (Paris: Armand Colin, 1971), pp. 145-156, et William Willeford, The Fool and his Scepter (Evanston: Northwestern Univ. Press, 1969).

18. Charles Baudelaire, Oeuvres compl2tes (Paris: Editions de la PlCiade, 1951), p. 1340. 19. Baudelaire, p. 74. 20. Baudelaire, <Invitation au voyage,, p. 51. 21. Baudelaire, p. 1272. 22. Baudelaire, p. 1224. 23. Baudelaire, pp. 653-5. 24. Thtodore de Banville, Critiques (Paris: Biblioth&ue Charpentier, 1917), p. 428. 25. Emile Zola, Nana, dans Oeuvres compl2tes (Paris: Bemouard, 1928) Tome X,

26. Zola, pp. 200-1. 27. Zola, p. 202.

pp. 31-2.

Page 21: La Femme dans la littérature française du dixneuvième siècle: ange et diable

La Femme dans la littiratwe franqaise du dix-neuvidme sidcle 71

28. Jules Laforgue, cCPierrots, dans L'lmitation de Notre Dame de la Lune, (Pans: Armand Colin, 1959), p. 184.

29. Jules Barbey d'Aurevilly, Les Diaboliques dans Oeuvres compldtes (Pans: Ber- nouard, 1926) Tome V, pp. 2-4.

30. Pour une interpretation de la femme fatale en peinture, voir l'article de Martha Kingsbury, <<The Femme Fatale and Her Sisters,, Woman as Sex Object, eds. Thomas Hess and Linda Nochlin, (New Yurk: Newsweek Books, 1972), pp. 206-21.

31. Edmond de Goncourt, Les Frdres Zemgunno (Paris: Nelson, 1879), pp. 29-40.