La conjecture ABC et quelques unes de ses …The ABC conjecture was first stated in 1985, by D....

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2018 La conjecture ABC et quelques unes de ses conséquences TER Émeline Crouseilles et Alexandre Lardeur Sous la direction de M. Bernard Le Stum

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2018︷︸︸︷La conjecture ABC et quelques

unes de ses conséquencesTER︸︷︷︸

Émeline Crouseilles et Alexandre LardeurSous la direction de M. Bernard Le Stum

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Résumé

In this paper, we are presenting the ABC conjecture in different forms, and a few of itsconsequences. We chose to talk mainly about the effective Mordell conjecture.We can formulate the ABC conjecture as follows : for ε > 0, there exists a constant Cεsuch that for all a, b, c ∈ Z6=0 coprime, with a+ b = c, then

max(|a|, |b|, |c|) ≤ CεRad(abc)1+ε

where Rad(n) is the produce of its prime p. The ABC conjecture was first stated in1985, by D. Masser and J. Oesterlé. One of the most important fact about it is thatit implies the Fermat’s last theorem, one of the biggest problem for three centuries innumber theory.We first show how the ABC conjecture implies the asymptotic Fermat’s Last Theorem.Then, we develop tools in order to prove Mordell’s Conjecture. Finally, we will talk aboutthe Erdős-Woods conjecture, and the Wieferich primes, and the importance of the ABCconjecture is in these cases.

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Table des matières

1 Introduction 21.1 Un premier exemple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21.2 Les différentes conjectures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

2 Le théorème de Fermat et la conjecture ABC 62.1 Théorème de Fermat asymptotique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62.2 Le théorème de Fermat généralisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

3 La conjecture de Mordell 103.1 Énoncé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103.2 Définitions et outils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

A) Valuations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10B) La conjecture ABC dans l’espace projectif P2 . . . . . . . . . . . . 12C) La théorie des hauteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13D) Ramification et formule d’Hurwitz . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14E) Théorie des diviseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15F) Le théorème de Belyi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16G) Premier de bonne réduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

3.3 Démonstration de la conjecture de Mordell . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

4 D’autres conséquences de la conjecture ABC 234.1 La conjecture d’Erdős-Woods . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

A) Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23B) La conjecture d’Erdős-Woods . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

4.2 Les premiers de Wieferich . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

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Chapitre 1

Introduction

1.1 Un premier exemple

Pour comprendre comment fonctionne cette conjecture, commençons par prendretrois éléments a, b, et c premiers entre eux. Prenons a = 1024, b = 81 et c = 1105. On aalors :

1024 + 81 = 1105.On regarde la factorisation en nombres premiers.

210 + 34 = 5× 13× 17.

Regardons le radical du produit de ces trois nombres, c’est-à-dire le produit de leursfacteurs premiers :

Rad(abc) = 2× 3× 5× 13× 17 = 6630,6630 > 1105.

Le radical du produit abc est plus grand que la somme c des deux premiers nombres.On a là un début de la formulation commune de la conjecture ABC. La conjecture nes’arrête pas là car ce constat ne fonctionne pas tout le temps.

Contre-exemple : Prenons a = 3, b = 125 et donc c = 128.

3 + 125 = 128

3 + 53 = 27.

On a cette fois-ci Rad(abc) = 3× 5× 2 = 30 < 128.Ainsi, notre conjecture première ne fonctionne pas ici. Que doit-on en penser ? En

faisant des tests, on verra clairement que le premier cas est bien plus fréquent que lesecond. De plus, si l’on porte le radical à une puissance supérieure à 1, on a un constatencore plus étrange : si pour Rad(abc)k l’exposant k vaut 1, on obtiendra un nombreinfini d’exceptions. Si, en revanche, k vaut une puissance supérieure stricte à 1, mêmed’extrêmement peu, alors il n’existerait qu’un nombre fini d’exceptions. On obtient fi-nalement la conjecture suivante, donnée par D. Masser et J. Oesterlé en 1985 :

Conjecture ABC Soit ε > 0. Il existe une constante Cε positive telle que pour touttriplet d’entiers (a, b, c) premiers entre eux vérifiant a+ b = c, on ait :

max(|a|, |b|, |c|) ≤ Cε × Rad(abc)1+ε.

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1.2. LES DIFFÉRENTES CONJECTURES CHAPITRE 1.

1.2 Les différentes conjectures

De ces exemples, nous pouvons aboutir à plusieurs conjectures, qui n’ont pas toutes lemême poids. Nous travaillons ici dans l’anneau des entiers Z. Ce dernier étant factoriel,tout n ∈ Z a une unique décomposition :

n = (−1)e0pe11 . . . pekk

où p1, . . . , pk sont des nombres premiers distincts, e0 ∈ {0, 1} et où les ei ∈ N pouri = 1, . . . , k.

Définition 1.1 (Radical)On appelle radical de n, où n = (−1)e0pe1

1 . . . pekk la quantité suivante :

Rad(n) := p1 . . . pk.

Exemple : Rad(1024) = Rad(210) = 2.

Définition 1.2 Pour a, b, c ∈ Z tel que a+ b = c, on définit les quantités suivantes :1. h(a, b, c) := max(log |a|, log |b|, log |c|) (hauteur logarithmique),2. r(a, b, c) := log Rad(abc),

3. L ={h(a, b, c)r(a, b, c) : a, b, c ∈ Z, a+ b = c ; pgcd(a, b, c) = 1

}.

On a alors une première conjecture :

Conjecture 1 (ABC Faible) supL <∞.

En d’autres termes, il existe C ∈ R+ telle que ∀ a, b, c ∈ Z, a+b = c; pgcd(a, b, c) = 1 :

h(a, b, c) 6 C × r(a, b, c).

Cette conjecture ne donne pas de grandes précisions sur la borne de L. Dans lesexemples vus précédemment, on apprécierait de mettre 1 au lieu de ∞, mais l’exemplevu en première partie nous montre que cela ne fonctionne pas. W. Jastrzebowski et D.Spielman ont donné un nombre infini de ces exemples.

Lemme 1.1 2n|32n − 1.

Démonstration. On procède par récurrence :Pour n = 0, 2n = 1 divise 320 − 1 = 2.Supposons que pour un certain n ∈ N, 2n|32n − 1. Il existe donc k ∈ Z tel que

32n − 1 = 2nk.

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1.2. LES DIFFÉRENTES CONJECTURES CHAPITRE 1.

On a alors :

32n+1 − 1 = (32n)2 − 1= (32n − 1)(32n + 1)= 2nk((2nk + 1) + 1)= 2n+1k(2n−1 + 1)= 2n+1k′.

Donc 2n+1|32n+1 − 1 d’où le résultat.

Proposition 1.2 Il existe une infinité de a, b, c ∈ Z avec a+ b = c et pgcd(a, b, c) = 1

qui vérifient h(a, b, c)r(a, b, c) > 1.

Démonstration. On définit les suites suivantes :

an = 32n bn = −1 cn = 32n − 1.

Chaque triplet (an, bn, cn) vérifie

an + bn = cn

pgcd(an, bn, cn) = 1.

On a alors h(an, bn, cn) = log an = 2n log 3, et :

r(an, bn, cn) = log Rad(anbncn) ≤ log Rad(an) Rad(cn)

≤ log Rad(an) + log Rad(cn)

= log 3 + log Rad(cn).

Comme cn = 32n−1, via le lemme précédent, 2n|cn, donc il existe k ∈ Z tel que cn = 2nk,c’est-à-dire k = cn

2n . Ainsi :

log Rad(cn) = log Rad(2nk) ≤ log Rad(2n) Rad(k)

= log 2 + log Rad( cn2n )

≤ log 2 + log cn2n .

On a finalement :

r(an, bn, cn) ≤ log 3 + log 2 + log cn2n ≤ log 4 + log 2 + log cn2n ≤ log cn − (n− 3) log 2.

Et :r(an, bn, cn)h(an, bn, cn) ≤

log cn − (n− 3) log 22n log 3 ≤ 1− (n− 3) log 2

2n log 3 < 1 si n ≥ 4.

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1.2. LES DIFFÉRENTES CONJECTURES CHAPITRE 1.

Remarque : Concrètement, cela montre qu’on ne peut pas généraliser ce qu’on a vudans le tout premier exemple (c < Rad(abc)).

On a ensuite une seconde conjecture :

Conjecture 2 (ABC non-effective) lim supL = 1.

Une forme dite effective est la suivante :

Conjecture 3 (ABC effective) Pour ε > 0 il existe une constante calculable Cε telleque pour tout a, b, c ∈ Z avec pgcd(a, b, c) = 1 et a+ b = c on ait :

h(a, b, c) ≤ (1 + ε)r(a, b, c) + Cε.

Cette inégalité peut se réécrire sous la forme vue précédemment :

max(|a|, |b|, |c|) ≤ Cε Rad(abc)1+ε.

Remarque : La constante Cε n’est pas exactement la même dans chacune des formulesdonnées ci-dessus. Nous utiliserons en revanche cette même forme pour la constante dansla conjecture ABC dans le reste du papier par abus de notation.

On peut généraliser les trois conjectures sous la forme suivante :

h(a, b, c) ≤ (α+ ε)r(a, b, c) + Cε.

ABC faible nous donne alors que α < ∞, ABC non-effective que α = 1 et ABCeffective indique que Cε est calculable pour ε > 0.

Une version plus précise a été donnée par Alan Baker en 2004 :

max(|a|, |b|, |c|) ≤ 65 Rad(abc)(log Rad(abc))ω

ω! .

où ω = ω(abc) est le nombre de premiers distincts divisant a, b et c. Cela permet d’obtenirla formule suivante :

max(|a|, |b|, |c|) < Rad(abc)74 . (∗1)

Remarque : La dernière formule a été déduite par S. Laishram et T. N. Shorey dans[5].

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Chapitre 2

Le théorème de Fermat et laconjecture ABC

La conjecture ABC a pour la première fois été énoncée lors d’une discussion entreJoseph Oesterlé, de l’université de Paris VI, et David Masser, de l’université de Bâleen Suisse, en 1985. Il est important de noter que cette conjecture n’a pas encore dedémonstration reconnue. Cependant, en 2012, Shinichi Mochizuki a publié un article de500 pages (environ) proposant une démonstration, utilisant des outils qu’il a lui-mêmecréés. Cette dernière n’a pas encore été approuvée par la communauté scientifique.

Le constat le plus impressionnant à l’époque était que la conjecture pouvait démon-trer le dernier théorème de Fermat, là où une véritable démonstration n’a été donnéequ’en 1994 par Andrew Wiles. Ce théorème avait été énoncé au XVIIème siècle parPierre de Fermat. Avant 1994, il avait déjà été démontré qu’il n’existait pas de solutionspour de nombreuses valeurs de n, et que pour une démonstration complète du théorèmeil suffisait de le montrer pour n premier et pour n = 4.

2.1 Théorème de Fermat asymptotique

Le théorème de Fermat asymptotique est une version plus faible du dernier théorèmede Fermat, dont voici l’énoncé.

Théorème 1 (Dernier théorème de Fermat)Il n’existe pas de triplet (x, y, z) d’entiers positifs non nuls tel que xn+yn = zn si n > 2.

Il existe une infinité de solutions non triviales pour n = 2 : ce sont les tripletsPythagoriciens.

Exemples• 32 + 42 = 52

• 52 + 122 = 132

La conjecture ABC nous permet de démontrer la version asymptotique du dernierthéorème de Fermat :

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2.1. THÉORÈME DE FERMAT ASYMPTOTIQUE CHAPITRE 2.

Théorème 2 La conjecture ABC implique qu’il existe K1 > 0 tel que pour toutn > K1, l’équation xn + yn = zn pour x, y, z entiers positifs non nuls n’a pas desolution.

Démonstration. Soient x, y, z trois entiers positifs tels que xyz 6= 0, et xn + yn = zn.Quitte à diviser ces trois nombres par leur pgcd, on peut appliquer la conjecture ABCqui nous donne que

max(xn, yn, zn) ≤ Kε Rad(xnynzn)1+ε.

On a max(xn, yn, zn) = zn. On obtient alors que

zn ≤ Kε Rad(xyz)1+ε.

On sait que Rad(t) ≤ t pour tout t. Ainsi, on a Rad(xyz) ≤ xyz ≤ z3. D’où

zn ≤ Kε z3+3ε

⇔ ln(zn) ≤ ln(Kε z3+3ε)

⇔ n ln(z) ≤ ln(Kε) + (3 + 3ε) ln(z).

Comme z ≥ 2, on a :n ln(2) ≤ ln(Kε) + (3 + 3ε) ln(2)

⇔ n ≤ ln(Kε)ln(2) + 3(1 + ε).

Si on choisit ε = 1, on a finalement

n ≤ 6 + ln(K1)ln(2)

et on obtient un majorant de n dépendant explicitement de K1.

En fait, en utilisant la conjecture ∗1, on peut même montrer le dernier théorème deFermat :

Démonstration. En reprenant les mêmes éléments que dans la preuve précédente et enposant ε = 3

4 , on obtient l’inégalité suivante :

zn < Rad(xyz)74

zn < (xyz)74

zn < z214

n < 214 < 6.

Donc on obtient que n < 6 ; or il existe des preuves du théorème de Fermat pourn = 3, 4, 5 (voir [4]), ce qui achève la preuve.

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2.2. LE THÉORÈME DE FERMAT GÉNÉRALISÉ CHAPITRE 2.

2.2 Le théorème de Fermat généralisé

La conjecture ABC permet donc de démontrer le dernier théorème de Fermat, maisne s’arrête pas là. Nous allons montrer ici qu’elle permet de démontrer le théorème deFermat généralisé. On considère l’équation suivante :

Axr +Bys = Czt.

En prenant A = B = C = 1 et r = s = t on obtient l’équation de Fermat. On a alorsle théorème suivant :

Théorème 3 (Darmon et Granville)Soient r, s et t trois entiers positifs vérifiant 1

r+ 1s

+ 1t< 1, et soient A,B et C trois

entiers fixés. Alors l’équation généralisée de Fermat n’a qu’un nombre fini de solutionsentières telles que pgcd(Ax,By) = 1.

Démonstration. Une démonstration non fondée sur la conjecture existe (voir [3]).

La conjecture ABC implique le théorème précédent. Pour cela, on commence parfaire la remarque suivante :

Lemme 2.1 Pour trois entiers positifs non nuls r, s et t vérifiant

1r

+ 1s

+ 1t< 1, (∗2)

alors1r

+ 1s

+ 1t≤ 1− 1

42 .

Démonstration. Quitte à faire un changement de variables, on peut supposer que r ≤s ≤ t. On a forcément r ≥ 2 sinon (∗2) ne fonctionne pas.Attaquons-nous cas par cas à l’inégalité.r = 2 Alors (∗2) peut se réécrire 1

s + 1t <

12 donc s ≥ 3.

s = 3 Alors 1t <

12 −

13 nous donne t ≥ 7 et donc 1

r + 1s + 1

t ≤12 + 1

3 + 17 = 41

42 .

s = 4 Alors 1t <

12 −

14 nous donne t ≥ 5 et donc 1

r + 1s + 1

t ≤12 + 1

4 + 15 = 19

20 .

s ≥ 5 Alors, par hypothèse t ≥ 5. La somme sera encore plus petite que dans lecas précédent.

r = 3 On a donc s, t ≥ 3 et 1s + 1

t <23 .

s = 3 Alors 1t <

13 ce qui nous donne t ≥ 4 et finalement 1

r+ 1s+ 1

t ≤13 + 1

3 + 14 = 11

12 .

s ≥ 4 Comme t ≥ s, t ≥ 4. D’où 1r + 1

s + 1t ≤

13 + 1

4 + 14 = 5

6 .

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2.2. LE THÉORÈME DE FERMAT GÉNÉRALISÉ CHAPITRE 2.

r ≥ 4 On a alors s, t ≥ 4 et alors 1r + 1

s + 1t ≤

14 + 1

4 + 14 = 3

4 .

Proposition 2.2 Les conjectures 2 et 3 impliquent le théorème précédent.

Démonstration. Soient A,B,C, x, y, z, r, s, t vérifiant les conditions du théorème. On vaappliquer la conjecture ABC aux trois éléments suivants : a = Axr ; b = Bys ; c = Czt.La condition (Ax,By) = 1 nous assure que pgcd(a, b, c) = 1. Notre objectif est alorsde borner la hauteur logarithmique du triplet de points, ce qui va nous donner (via lespropriétés des hauteurs) un nombre fini de solutions. Majorons en premier lieu le radical :

Rad(abc) = Rad(AxrBysCzt) ≤ Rad(ABC) Rad(x) Rad (y) Rad (z)

≤ Rad (ABC)× xyz

≤ Rad (ABC)×(a

A

) 1r(b

B

) 1s(c

C

) 1t

.

On utilise le logarithme :

r (a, b, c) = log Rad (abc)

≤ 1r

log(a

A

)+ 1s

log(b

B

)+ 1t

log(c

C

)+ log Rad (ABC)

≤(1r

+ 1s

+ 1t

)h (a, b, c) + log Rad (ABC)

− log |A|r− log |B|

s− log |C|

t.

Par le lemme précédent :

r (a, b, c) ≤(

1− 142

)× h (a, b, c) +KA,B,C .

avec KA,B,C constante calculable dépendante de A,B,C.On utilise ensuite la conjecture ABC pour un ε > 0 :

h (a, b, c) ≤ (1 + ε) r (a, b, c) + Cε.

On remplace par ce que l’on a trouvé ci-haut et on obtient :

h (a, b, c) ≤ (1 + ε) [(

1− 142

)× h (a, b, c) +KA,B,C ] + Cε(

1− (1 + ε)(

1− 142

))h (a, b, c) ≤ (1 + ε)KA,B,C + Cε.

La conjecture 3 nous donne alors des informations si (1−(1+ε)(1− 1

42

)> 0, soit lorsque

ε < 141 . On pourra alors calculer Cε pour ε < 1

41 et KA,B,C , ce qui nous donne une bornesupérieure connue pour l’ensemble des solutions de l’équation de Fermat généralisée.Si on suppose uniquement la conjecture 2, on obtient tout de même une borne pourh(a, b, c) et comme il existe un nombre fini d’éléments vérifiant h(a, b, c) ≤ K0 pour unK0 fixé, on a un nombre fini de solutions à l’équation demandée.

Remarque : La preuve ici nous permet de prouver qu’il existe un nombre fini desolutions à l’équation de Fermat généralisée tout en permettant à r, s, t de varier. Lerésultat est plus fort que le théorème démontré par Darmon et Granville.

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Chapitre 3

La conjecture de Mordell

3.1 Énoncé

Conjecture 4 (conjecture de Mordell) Soit C une courbe algébrique définiesur Q de genre g ≥ 2. Alors la courbe n’a qu’un ensemble fini de points à coordonnéesrationnelles.

Par exemple, si on prend la courbe donnée par l’équation y2 = x5 + x + 1 de genre2, la conjecture de Mordell nous dit donc que x5 + x + 1 n’est le carré d’un nombrerationnel que pour un nombre fini de x rationnels.

La conjecture de Mordell, faite en 1922, est désormais connue sous le nom de Théo-rème de Faltings, dû à Gerd Faltings, mathématicien allemand qui a réussi en 1983 à ladémontrer, et qui a obtenu la médaille Fields en 1986 en récompense de sa démonstra-tion.

En 1991, Vojta donna une toute autre démonstration utilisant les techniques d’ap-proximation diophantiennes. La démonstration que nous allons étudier ici provient d’unarticle publié par Machiel Van Frankenhuysen, qui utilise la conjecture ABC et lesfonctions de Belyi (voir [9]). L’intérêt de cette démonstration (et de l’utilisation de laconjecture ABC) réside dans le fait que c’est uniquement avec elle qu’on peut obte-nir une borne supérieure sur la hauteur des points, là où les autres démonstrations nepeuvent obtenir une borne explicite que sur le nombre de points dans C(Q). Nous allonsdonc développer l’ensemble des outils nécessaires à cette démonstration.

3.2 Définitions et outils

A) Valuations

Définition 3.1 (Valuation)Une valuation de Q est une application

v : Q −→ R ∪ {−∞}

vérifiant :• v(x) = −∞ ⇐⇒ x = 0,

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3.2. DÉFINITIONS ET OUTILS CHAPITRE 3.

• v(xy) = v(x) + v(y), ∀x, y ∈ Q∗,• v(x+ y) ≤ K + max{v(x), v(y)}, ∀x, y ∈ Q, K constante.

Remarque : La définition donnée ici de la valuation est particulière au papier, et nereflète pas la définition générale des valuations. Nous reprenons seulement celle utiliséepar Machiel Van Frankenhuysen ([9]).Si p est premier, on note ordp(x) la puissance du facteur p dans x. Comme x est rationnel,ordp(x) peut être négatif.

Définition 3.2 (Valuation p-adique)Soit p premier. On définit une valuation p-adique sur Q de la façon suivante : vp(x) =− ordp(x) log p. Pour l’infini on a v∞(x) = log |x|.

Propriétés • vp(x+ y) ≤ max(vp(x), vp(y)) (vp est non-archimédienne),• v∞(x+ y) ≤ log 2 + max(v∞(x), v∞(y)) (v∞ est archimédienne).

Remarque : La valuation triviale est définie par :• v(0) = −∞• v(x) = 0 pour x 6= 0.

La valuation triviale et les valuations p-adique (ainsi que v∞) représentent l’ensembledes valuations de Q. Cela nous donne la formule suivante :

Proposition 3.1 (Formule de la somme.)

Soit x ∈ Q∗. Alors : ∑v

v(x) = 0. (∗3)

Démonstration. Soit x ∈ Q∗. On peut écrire :

|x| =∏p

pordp(x),

où les p sont premiers et presque tous nuls. D’où :

log |x| =∑p

ordp(x) log p = v∞(x).

Finalement, ∑v

v(x) =∑p

vp(x) + v∞(x)

=∑p

− ordp(x) log p+ log |x|

= −∑p

ordp(x) log p+∑p

ordp(x) log p

= 0.

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3.2. DÉFINITIONS ET OUTILS CHAPITRE 3.

B) La conjecture ABC dans l’espace projectif P2

Pour démontrer la conjecture, nous allons avoir besoin d’utiliser la conjecture ABCdans le plan projectif sur Q, que l’on note P2(Q). On rappelle que P2(Q) est l’ensembledes points (x : y : z), avec x, y, z ∈ Q, non tous nuls, tels que pour λ ∈ Q∗, les points(x : y : z) et (λx : λy : λz) désignent le même point dans P2(Q). Des équations homogènesdonnent des sous-ensembles dans P2. Nous allons ici considérer en particulier le sous-ensemble donné par l’équation x+ y = z, qui se trouve être une droite dans P2(Q).

Le point (0 : 0 : 0) n’est pas un point de P2(Q). On dit que c’est un point indéterminé.

Définition 3.3 (Hauteur)La hauteur d’un point P = (a : b : c) ∈ P2(Q) est définie par :

h(P ) =∑v

max{v(a), v(b), v(c)}

où v parcourt l’ensemble des valuations p-adiques de Q (exceptée la valuation triviale).

Définition 3.4 (Radical)Si a, b, c ∈ Q sont non nuls, on définit le radical de P par :

r(P ) = r(a : b : c) =∑

p:#{vp(a),vp(b),vp(c)}≥2log p.

Remarque : Ces définitions ne dépendent pas du choix des coordonnées de P . En effet,pour le radical, on remarque, en prenant comme point (λa : λb : λc), que : vp(λx) =vp(λ) + vp(x), et ainsi : {vp(λa), vp(λb), vp(λc)} = {vp(λ) + vp(a), vp(λ) + vp(b), vp(λ) +vp(c)}, et donc le cardinal de cet ensemble ne diffère pas de celui de {vp(a), vp(b), vp(c)}.Pour la hauteur, on utilise la formule de la somme (∗3).

h(λa : λb : λc) =∑v

max{v(λa), v(λb), v(λc)}

=∑v

max{vp(λ) + vp(a), vp(λ) + vp(b), vp(λ) + vp(c)}

=∑v

v(λ)︸ ︷︷ ︸=0

+∑v

max{v(a), v(b), v(c)}.

En prenant des triplets premiers entre eux, avec a + b = c, on remarque que cesdéfinitions coïncident avec celles de la définition 1.2.

Définition 3.5 (Terme d’erreur)On définit le terme d’erreur de P la quantité :

e(P ) = e(a : b : c) = max{h(P )− r(P ), 0}.

On obtient la reformulation suivante pour la conjecture ABC :

Conjecture 5 (ABC dans P2) Pour tout ε > 0 il existe une constante K(ε) tel que

e(P ) ≤ εh(P ) +K(ε)

pour tout point P = (a : b : c) ∈ P2(Q) sur la droite a+ b = c avec abc 6= 0.

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3.2. DÉFINITIONS ET OUTILS CHAPITRE 3.

De nombreuses conjectures ont été faites depuis la première version de J. Oesterlé etD. Masser, qui permettent d’expliciter et d’obtenir des valeurs numériques de la constanteK(ε) (un exemple est donné plus haut ∗1).

Admettons que dans la conjecture 5, K(ε) est donnée explicitement comme fonctionde ε. On détermine alors, pour chaque valeur de h, le minimum ψ(h) de εh+K(ε),

ψ(h) = minε>0

εh+K(ε)

Ainsi, on peut réécrire 5 comme :

e(P ) ≤ ψ(h(P )) (∗4)

pour une certaine fonction ψ(h) = o(h).

C) La théorie des hauteurs

Pour démontrer la conjecture de Mordell nous avons besoin de définir certaines fonc-tions hauteurs, qui ici ne seront définies que sur Q. Tout d’abord, une fonction hauteurH sur une variété est une fonction qui à un point P associe la valeur H(P ) qui mesurela complexité arithmétique du point. Par exemple, si on prend 1

2 et 1000020001 , ces deux

nombres sont proches l’un de l’autre, mais intuitivement le second est plus compliquéarithmétiquement que le premier.

On rappelle la définition de hauteur vue dans la partie précédente, qu’on peut icigénéraliser sur Pn(Q).

Définition 3.6 (Hauteur logarithmique)Pour un point x = (x0 : . . . : xn) ∈ Pn(Q), on définit sa hauteur logarithmique (que l’onnommera dans la suite juste hauteur) par :

h(x) =∑v

max{v(x0) : . . . : v(xn)}.

Propriété importante : Pour tout C > 0, l’ensemble {x ∈ Pn(Q) : h(x) ≤ C} est fini.

Une propriété qui va nous être tout aussi utile est la suivante : pour un point x, unmorphisme de degré d multiplie sa hauteur par d, c’est-à-dire :

Proposition 3.2 f : PN (Q) → PM (Q) une application de degré d. Il existe uneconstante C tel que :

dh(x)− C ≤ h(f(x)) ≤ dh(x) + C ∀x ∈ PN (Q).

Démonstration. La démonstration est en deux temps, avec plus de facilité pour la ma-joration. Nous renvoyons à [7] et [2] pour plus de détails.

Remarque : Les constantes dépendent de l’application. Ainsi, si l’on s’intéresse àl’application P : (a : b) 7→ (a : b : a+ b) on obtient :

h(x) ≤ h(P (x)) ≤ h(x) + log 2. (∗5)

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3.2. DÉFINITIONS ET OUTILS CHAPITRE 3.

Pour finir, nous allons avoir besoin de définir une hauteur sur une courbe algébriquenon singulière C. On choisit alors une application f : C → P1. Si f est de degré d, ondéfinit la hauteur h(x) = hf (x), pour x ∈ C(Q) de la façon suivante :

h(x) = hf (x) = 1dh(f(x)).

Si de plus, on prend un autre morphisme g : C → P1, il existe une constante K telle que

|hf (x)− hg(x)| ≤ K√hf (x). (∗6)

D) Ramification et formule d’Hurwitz

Soit f : C → C′ une application entre deux courbes algébriques non singulières.En travaillant avec des valeurs complexes, on obtient une application entre surfaces deRiemann. Pour un point y ∈ C′(C), f−1{y} contient presque toujours le même nombred’antécédents, que l’on va noter d. Ce nombre d est appelé degré de f , noté d = deg f .Seulement, pour un nombre fini de points y, l’ensemble des antécédents peut contenirmoins de d points. Ainsi, quand #f−1{y} < deg f , on dit que f est ramifiée sur y.

Pour un point x ∈ C(C), en général f envoie un (petit) voisinage de x injectivementsur un petit voisinage de f(x) dans C′(C). Pour un nombre fini de points x, l’applicationn’est injective pour aucun voisinage de x. Pour ces points, on dit que f est ramifiée enx. Dans ce cas, il existe un nombre e ≥ 2 et un petit voisinage U de x dans C(C) tel quel’image de U − {x} par f a e antécédents. Ce nombre e est appelé multiplicité de f enx, noté ex(f). Ainsi, f n’est pas ramifié en x si et seulement si ex(f) = 1.

Nous avons que f est ramifiée sur y si et seulement si f est ramifiée en un certain pointx, avec f(x) = y. Soit g : C′ → C′′ une autre application. Alors deg(g◦f) = deg f×deg g,et g ◦ f est ramifiée exactement en tout point où f l’est aussi, et en tout point x ∈ C(C)tel que g est ramifiée en f(x). De même, g ◦ f est ramifiée sur chaque point où g estramifiée et sur chaque point z ∈ C′′ tel que f est ramifiée sur des points dans g−1{z}.Lorsque l’on compte les points de f−1{y} avec leur multiplicité, on aura toujours le degréde f ,

pour tout y ∈ C′(C) :∑

x : f(x)=yex(f) = deg f. (∗7)

Nous allons aussi avoir besoin de la formule d’Hurwitz, qui relie la ramification de favec le genre de C et de C′ :

2g(C)− 2 = (2g(C′)− 2)× deg f +∑

x∈C(C)(ex(f)− 1). (∗8)

Remarque : La somme à droite est finie, car il n’existe qu’un nombre fini de x telsque ex(f) > 1.En appliquant la formule à l’application z 7→ z2 de P1 vers P1, on obtient que le genrede P1 est 0. En effet, l’application utilisée est de multiplicité 2 en 0, donc ramifiée en 0,et de même en l’infini, ce qui donne :

2g(P1)− 2 = (2g(P1)− 2)× 2 +∑

f(x)=0,∞(ex(f)− 1)

2g(P1)− 2 = 4g(P1)− 4 + 2

g(P1) = 0.

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3.2. DÉFINITIONS ET OUTILS CHAPITRE 3.

Finalement, si f : C → P1 est une fonction uniquement ramifiée en 0, 1 ou∞, la formulese réécrit de la façon suivante :

2g(C)− 2 = −2 deg f +∑

f(x)=0,1,∞(ex(f)− 1)

= deg f −#f−1{0, 1,∞} (∗9)

d’après (∗7) et (∗8).

E) Théorie des diviseurs

Définition 3.7 (Diviseur)Soit C(C) une surface de Riemann. On appelle diviseur une somme finie

D = e1x1 + e2x2 + ...+ ekxk

avec x1, ..., xk ∈ C(C) et e1, ..., ek ∈ Z. On dit que ei = ordxi(D) est l’ordre de D en xi.Donc, on a :

D =∑

x∈C(C)ordx(D)(x).

Un diviseur D est positif, D ≥ 0, si ordx(D) ≥ 0 pour tout x ∈ C(C). On écrit D ≤ D′

pour D′ −D ≥ 0. De plus, le degré de D est degD = e1 + ...+ ek.Enfin, on appelle support de D l’ensemble supD = {x ∈ C(C) : ordx(D) 6= 0}.

Définition 3.8 (a-diviseur)Soit f : C → P1 et soit a ∈ P1(C). Alors le a-diviseur de f est donné par

f∗(a) =∑

x∈f−1({a})ex(f)(x).

De plus, deg f∗(a) = deg f .

Définition 3.9 (Diviseur défini sur Q, diviseur irréductible)Soit C une courbe définie sur Q. Tout plongement σ : Q → C induit un plongement deC(Q) dans C(C). Alors un diviseur positif D est défini sur Q si l’image σ(D) ne dépendpas de σ.De plus, un diviseur positif D défini sur Q est dit irréductible si on ne peut pas l’écrirecomme somme de diviseurs positifs définis sur Q.

Remarque : Si D est un diviseur positif, les applications f : C → P1 telles que f∗(∞) ≤D forment un espace vectoriel ; de plus, si D est défini sur Q, en ne considérant que lesf définies sur Q, elles forment un Q-espace vectoriel.On note la dimension de cet espace par l(D). Le théorème de Riemann-Roch nous donneque :

l(D) = degD + 1− g,si degD ≥ 2g − 1 où g est le genre de C.

Le lemme suivant nous sera très utile pour la démonstration de la conjecture deMordell :

Lemme 3.3 Soit D un diviseur positif de C de genre g. Si degD ≥ 2g, alors il existeune application d : C → P1 telle que D = d∗(0).

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3.2. DÉFINITIONS ET OUTILS CHAPITRE 3.

Démonstration. Pour le cas D = 0 et g = 0, D = 0 est le 0-diviseur d’une applicationconstante non nulle.Soit D > 0 de degré ≥ 2g. On écrit D =

r∑i=1e′ixi. Soit xj ∈ sup(D) pour un certain

j ∈ {1, . . . , r}. On a alors :

deg(D − (xj)) = degD − 1 ≥ 2g − 1.

Nous avons vu ci-dessus que pour un diviseur G l(G) = degG + 1 − g, c’est-à-diredegG = l(G)− 1 + g. On obtient finalement :

l(D − (xj)) = l(D)− 1.

Comme l(D − (xj)) est la dimension de l’espace vectoriel engendré par les applicationsf telles que f∗(∞) ≤ D − (xj), on voit que la dimension de {f : f∗(∞) ≤ D − (xj)}est plus petite que la dimension de {f : f∗(∞) ≤ D} ; donc il existe une fonction f telle

que f∗(∞) ≤ D mais pas f∗(∞) ≤ D − (xj). On peut écrire f∗(∞) =r∑i=1eixi et donc

D − (xj) =r∑i=1

(e′i − δi,j)xi, pour tout xi.

D’une part, on a f∗(∞) ≤ D donc ei ≤ e′i.D’autre part, f∗(∞) ≤ D − (xj), donc on obtient pour xj que ej > e′j − δj,j = e′j − 1 ;autrement dit, ej = e′j .Donc f a un pôle en xj , d’ordre la multiplicité de xj , car ej = e′j .Pour chaque xj ∈ sup(D), on peut trouver une fonction fxj qui a un pôle d’ordreordxj (D) en xj , et qui peut avoir d’autres pôles d’ordre au plus celui de D, mais pasplus. Ainsi, il existe une combinaison linéaire de ces fonctions, f =

∑x∈ sup(D)

cxfx,, avec

cx ∈ Q, qui aura D comme diviseur.Donc, en prenant d = 1

f , on a bien que D = d∗(0).

F) Le théorème de Belyi

Théorème 4 Soit C une courbe algébrique définie sur Q, et soit Σ un sous-ensemblede points algébriques de C. Il existe une application f : C → P1, définie sur Q associée àΣ telle que f soit uniquement ramifiée sur 0, 1 et ∞, et f(Σ) ⊆ {0, 1,∞}.

Démonstration. On procède par étapes.Étape 1 : On peut supposer que C = P1

Soit g : C → P1 une autre application définie sur Q. On considère le sous-ensemblede P1 suivant :

Σ′ = g(Σ) ∪ {x ∈ P1 : g est ramifiée sur x}.

S’il existe h : P1 → P1 associée à Σ′ et à P1 qui vérifie le théorème, on prend alorsf = h ◦ g. En effet, si h(Σ′) ⊆ {0, 1,∞}, pour x ∈ Σ,

f(x) = h ◦ g(x) = h(g(x)︸︷︷︸∈Σ′

) ⊆ {0, 1,∞},

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3.2. DÉFINITIONS ET OUTILS CHAPITRE 3.

et f n’est bien ramifiée qu’en 0, 1 et ∞. Nous n’allons donc plus travailler qu’avecC = P1, et Σ ⊂ P1 sous-ensemble de points algébriques.

Étape 2 : On peut supposer que Σ ⊆ C(Q) et 0, 1, ∞ ∈ Σ.Soit d le degré maximal sur Q des éléments de Σ, notons p le nombre d’élémentsde Σ de degré d, et prenons α ∈ Σ de degré d. α est racine d’un polynôme m(X),de degré d, à coefficients rationnels. On obtient l’application m : P1 → P1,

m : (x0 : x1) 7→ (x1dm(x0

x1) : x1

d),

Cette application est ramifiée en∞, et en tout point critique x, c’est à dire tel quem′(x) = 0. On considère maintenant le sous-ensemble suivant :

Σ′ = m(Σ) ∪ {∞} ∪m(S)

où S est l’ensemble des éléments x tel que m′(x) = 0. m(S) ne contient donc quedes éléments de degré ≤ d− 1. Comme m(α) = 0, et que pour tout γ ∈ Σ, le degréde m(γ) est au plus celui de γ, Σ′ contient au plus p− 1 éléments de degré d.En répétant cette étape, Σ ne contiendra finalement plus que des points rationnels.Nous pouvons enfin supposer que {0, 1,∞} ⊆ Σ.

Étape 3 : Réduction du nombre d’éléments de Σ.Supposons que Σ contienne 0, 1 et ∞, et un quatrième point α ∈ Q différentdes trois précédents, qu’on écrit α = a/c, avec a, c 6= 0 et a 6= c. On considèremaintenant la fonction

ϕ(x) = λxa(1− x)c−a.

Cette application est ramifiée en 0, 1 et ∞, et en tout point x tel que ϕ′(x) = 0.De plus, ϕ(x) = 0 ou ∞ seulement pour 0, 1 ou ∞. Ainsi, si x 6= 0, 1, ∞, on aϕ′(x) = 0 si et seulement si ϕ′(x)/ϕ(x) = 0. Cela nous donne :

ϕ′(x)ϕ(x) = a

x− c− a

1− x

et on obtient en calculant que ϕ′(x) = 0 pour x = a/c. On choisit ensuite λ pourobtenir ϕ(a/c) = 1. Cela nous permet d’obtenir que ϕ est uniquement ramifiée en0, 1 et ∞, et comme ϕ{0, 1,∞} = {0,∞}, ϕ(Σ) contient moins d’éléments que Σ.En répétant cette étape, Σ ne contiendra finalement que 0, 1 et ∞.

G) Premier de bonne réduction

Définition 3.10 Premiers de bonne réduction.Soit C une courbe définie sur Q par l’ensemble des (x0 : ... : xn) ∈ Pn satisfaisant leséquations :

p1(x0, ..., xn) = 0...

pk(x0, ..., xn) = 0

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3.3. DÉMONSTRATION DE LA CONJECTURE DE MORDELL CHAPITRE 3.

où les pi sont des polynômes homogènes, et soit f : C → Pm donnée par m+1 polynômeshomogènes de même degré, définie sur Q par :

f : (x0 : ... : xn) 7→ (f0(x0, ..., xn) : ... : fm(x0, ..., xn)).

On multiplie respectivement ces équations par un entier bien choisi de sorte que tous lescoefficients soient entiers.Soit p un nombre premier. On réduit chacun de ces coefficients modulo p, et on réduitaussi modulo p les variables utilisées. Un nombre algébrique α devient 0 si vp(α) < 0 et∞ si vp(α) > 0. On note par une barre la réduction modulo p. Mais on peut obtenir descas où la réduction modulo p devient problématique :

- Si l’équation devient "0 = 0",- Si le degré de l’application f est diminué,- Si l’application f devient indéterminée en certains points, c’est-à-dire si elle associe

à un point le point (0 : 0) (voir page 14),- Si, pour un diviseurD de C, modulo p, certains points deD coïncident ou deviennent

indéterminés,- Si, pour deux points distincts a et b ∈ P1(Q), tel que f n’est pas ramifiée sur a, a

ou b deviennent indéterminés, ou coïncident.On enlève l’ensemble de ces p, dits de mauvaise réduction, en notant que cet ensembleest fini lorsqu’on fixe le diviseur.

On enlève aussi les p de mauvaise réduction (définis par les cas ci-dessus) pour lesdiviseurs f∗(a) et f∗(b).

Propriétés (premiers de bonne réduction.)- f n’est pas constante.- deg f = deg f∗(a) = deg f , pour a ∈ P1(Q).

3.3 Démonstration de la conjecture de Mordell

Le principe de la démonstration est le suivant :1. On construit une fonction de Belyi f : C → P1 avec certaines particularités.

2. On obtient avec la conjecture ABC que soit x ∈ C(Q) est envoyé par f sur 0, 1 ou∞, soit la hauteur de f(x) est bornée par une constante explicite.

Démonstration. Soit f : C → P1 une fonction de Belyi associée à la courbe C, avec Σ = ∅.Alors f est bien définie sur Q, et en particulier, on a f(x) ∈ P1(Q) si x ∈ C(Q).Soient A, B et C les diviseurs respectifs de f pour 0, 1 et∞, autrement dit : A = f∗(0) ,B = f∗(1) et C = f∗(∞). Ces diviseurs ont une décomposition en diviseurs irréductibles :

A = e1M1 + · · ·+ eiMi,

B = ei+1Mi+1 + · · ·+ ejMj ,

C = ej+1Mj+1 + · · ·+ ekMk.

On note dν le degré de Mν et d le degré de f . Ll’ensemble des antécédents de chacundes éléments de {0, 1,∞} est égal à la somme des degrés de ses diviseurs (irréductibles),

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3.3. DÉMONSTRATION DE LA CONJECTURE DE MORDELL CHAPITRE 3.

autrement dit : #f−1{0} =∑iν=1 dν , #f−1{1} =

∑jν=i+1 dν et #f−1{∞} =

∑kν=j+1 dν .

La fonction f étant de Belyi, elle n’est ramifiée que sur {0, 1,∞} et en utilisant la formuled’Hurwitz, on a :

#f−1{0, 1,∞} =k∑ν=1

dν = d+ 2− 2g < d.

Prenons maintenant un N assez grand tel que pour chaque ν, NMν soit donné commele diviseur d’une fonction mν pour 0 :

NMν = m∗ν(0).

Si on utilise le lemme 3.3, on peut prendre N = 2g.Soit x ∈ C(Q) un point à coordonnées rationnelles tel que f(x) 6= 0, 1, ∞. Nous allonsappliquer la conjecture ABC au point :

P = (f(x) : 1− f(x) : 1)

et allons en déduire que la hauteur de x est bornée. Par (∗5), on a h(P ) ≥ h(f(x)). Pourf , comme vue dans la partie sur la théorie des hauteurs h(x) := hf (x) et on obtient

h(P ) ≥ dh(x). (∗10)

Cherchons maintenant une approximation du radical. Prenons p un nombre premier debonne réduction pour C, f , chaquemν et chaqueMν . Le premier p permet d’obtenir log pdans le radical s’il satisfait la condition : #{vp(f(x)), vp(1−f(x)), vp(1)} ≥ 2. Le premierp satisfait cette condition si vp(f(x)) > 0 ou bien si vp(f(x)) < 0 ou si vp(f(x)) = 0,auquel cas il faut que vp(1− f(x)) 6= 0. Comme vp(1) = 0 pour tout p, alors

vp(1− f(x)) ≤ max[vp(1), vp(f(x))]

≤ 0

donc il faut forcément que vp(1− f(x)) < 0 dans ce dernier cas.En résumé, le premier p permet d’obtenir log p dans le radical si et seulement si vp(f(x)) >0, vp(f(x)) < 0 ou vp(1 − f(x)) < 0. Cela signifie que f(x) = ∞, 0 ou 1. En effet, parexemple, si vp(f(x)) > 0, par définition de la valuation p-adique, on a

vp(f(x)) = − ordp(f(x)) log p.

On obtient ordp(f(x)) < 0 si vp(f(x)) > 0, ce qui nous donne modulo p que f(x) = ∞.Le raisonnement est similaire dans le deuxième et le dernier cas.Si f(x) = ∞, 0 ou 1, alors x est dans le support d’un des diviseurs A, B ou C. Commep est un premier de bonne réduction, les décompositions de A, B et C restent les mêmesmodulo p. Donc d’après ce qui précède, x est dans le support d’un certain Mν : x ∈sup(Mν). Donc x ∈ sup(NMν) = sup(m∗ν(0)). Donc mν(x) = 0. On a vu que f(x) =0⇔ vp(f(x)) < 0. On obtient ici vp(mν(x)) < 0.On a mν

∗(0) = NMν ; on admet que, de manière générale, ordp(x) est un multiple deN . Donc ici, vp(mν(x)) est un multiple de N log p.Cela nous donne que vp(mν(x)) = −λN log p, λ > 0 ; le signe − vient du fait que

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3.3. DÉMONSTRATION DE LA CONJECTURE DE MORDELL CHAPITRE 3.

vp(mν(x)) est négatif, mais N et log p sont positifs. Il vient alors :

log p = − 1λN vp(mν(x))

≤ − 1N vp(mν(x))

≤k∑ν=1

max(0,− 1Nvp(mν(x))).

Donc la contribution de p (c’est-à-dire log p) au radical est bornée par :

k∑ν=1

max(0,− 1Nvp(mν(x))).

On remarque pour la valuation v∞ qu’on a bien :

0 ≤k∑ν=1

max(0,− 1Nv∞(mν(x))

car il s’agit d’une somme de termes positifs ou nuls : si − 1N v∞(mν(x)) < 0, alors on

prend 0. Cette somme est donc positive ou nulle.On rappelle la définition du radical :

r(P ) = r(a : b : c) =∑

p : #{vp(a),vp(b),vp(c)}≥2log p.

Donc ici :

r(P ) =∑

p de bonne réductionlog p +

∑p de mauvaise réduction

log p

≤∑

bons p

∑ν

max(0,− 1Nvp(mν(x)) +

∑mauvais p

log p.

On sait qu’il existe seulement un nombre fini de p de mauvaise réduction ; donc∑

mauvais plog p

est une somme finie, que l’on peut noter K0.De plus, on peut majorer la somme des valuations p-adiques pour p de bonne réductionpar la somme de toutes les valuations, c’est-à-dire que l’inégalité ci-dessus devient :

r(P ) ≤k∑ν=1

∑v

max(0,− 1Nv(mν(x))) +K0.

En considérant dans la suite uniquement l’ensemble des mν(x) avec v(mν(x)) < 0 soitlorsque − 1

N v(mν(x) est positif, notre inégalité devient :∑v

max(0,− 1Nv(mν(x))) =

∑v

− 1Nv(mν(x))

= 1N

∑v

− v(mν(x)).

On rappelle la définition de la hauteur :

h(P ) = h(a : b : c) =∑v

max{v(a), v(b), v(c)}.

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3.3. DÉMONSTRATION DE LA CONJECTURE DE MORDELL CHAPITRE 3.

Ainsi, on obtient finalement :

r(P ) ≤k∑ν=1

∑v

max(0,− 1Nv(mν(x))) +K0

=k∑ν=1

1Nh(mν(x)) +K0. (∗11)

On va maintenant majorer h(mν(x)).On sait que degmν = Ndν , et d’après (∗6) dans la théorie des hauteurs :

|hf (x)− hg(x)| ≤ K√hf (x)

pour une certaine constante K et des fonctions f, g : C → P1.En prenant g = mν on a, en considérant uniquement la borne inférieure :

|1dhf (x))− 1Ndν

h(mν(x))| ≤ K√

1dh(f(x))

h(x)− 1Ndν

h(mν(x)) ≥ −K√h(x)

1Ndν

h(mν(x)) ≤ h(x) +K√h(x)

h(mν(x)) ≤ Ndνh(x) +NdνK√h(x).

On a majoré h(mν(x)) ; on peut remplacer cette expression dans l’inégalité (∗11) et onobtient :

r(P ) ≤k∑ν=1

dνh(x) +k∑ν=1

dνK√h(x) +K0.

On peut noterk∑ν=1

dνK = K1 et on a alors :

r(P ) ≤k∑ν=1

dνh(x) +K0 +K1

√h(x).

On peut maintenant appliquer la conjecture ABC sous sa forme :

e(P ) ≤ εh(P ) +Kε

avec e(P ) = max(0, h(P )− r(P )) = h(P )− r(P ).

On utilisera (∗9)k∑ν=1

dν = d+ 2− 2g et (∗10) : dh(x) ≤ h(P ).

La conjecture ABC nous donne donc :

h(P )− r(P ) ≤ εh(P ) +Kε

(1− ε)h(P ) ≤ r(P ) +Kε

(1− ε)dh(x) ≤ r(P ) +Kε

dh(x) ≤ r(P ) + εdh(x) +Kε.

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3.3. DÉMONSTRATION DE LA CONJECTURE DE MORDELL CHAPITRE 3.

On pose εdh(x) +Kε = ψ(dh(x)), et on majore r(P ) par notre résultat précédent.

dh(x) ≤k∑ν=1

dνh(x) +K0 +K1

√h(x) + ψ(dh(x))

(k∑ν=1

dν + 2g − 2)h(x) ≤k∑ν=1

dνh(x) +K0 +K1

√h(x) + ψ(dh(x))

(2g − 2)h(x) ≤ K1√h(x) +K0 + ψ(dh(x)).

D’après (∗4), ψ(dh(x)) = o(h(x)). De plus, comme g ≥ 2, on a que 2g − 2 > 0.Ainsi, h(x) est bornée. Or, d’après la théorie des hauteurs, pour tout B > 0, le nombrede x ∈ P1(Q) avec h(x) < B est fini. Donc ici, C(Q) est fini ce qui donne le résultat.

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Chapitre 4

D’autres conséquences de laconjecture ABC

La conjecture ABC a énormément de conséquences, principalement dans la théoriedes nombres. Nous venons de voir un exemple de son utilisation dans un domaine toutautre, mais nous allons ici nous pencher sur deux conséquences arithmétiques, où lamanipulation de la conjecture est très simple, mais là où ses conséquences sont trèsimportantes.

4.1 La conjecture d’Erdős-Woods

A) Introduction

Le problème est le suivant : existe-t-il un entier k tel que pour deux entiers x et y,si Rad(x+ i) = Rad(y + i) pour i ∈ {0, . . . , k} alors x = y ?La conjecture ABC permet de donner des informations sur les valeurs possibles dek. En supposant la conjecture ABC vraie, cela va nous amener à des résultats assezintéressants.Commençons par rappeler la conjecture ABC utile ici :

Conjecture ABC Soit ε > 0. Il existe une constante Cε tel que pour tout triplet(a, b, c) ∈ Z avec pgcd(a, b, c) = 1 et a+ b = c alors :

max(|a|, |b|, |c|) ≤ Cε Rad(abc)1+ε.

Nous allons utiliser la version de Baker (∗1), avec ε = 34 :

max(|a|, |b|, |c|) < Rad(abc)74 .

Revenons au problème d’Erdős-Woods. On peut déjà remarquer que k 6= 1 par le théo-rème suivant :

Théorème 5 Il existe un nombre infini de couples d’entiers (x, y), avec x < y vérifiant

Rad(x) = Rad(y) et Rad(x+ 1) = Rad(y + 1). (∗12)

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4.1. LA CONJECTURE D’ERDŐS-WOODS CHAPITRE 4.

Démonstration. Soit γ ≥ 1. On définit x et y comme suit :

x = 2γ − 2 = 2(2γ−1 − 1) et y = (2γ − 1)2 − 1 = 2γ+1(2γ−1 − 1).

Nous avons x+ 1 = 2γ − 1 et y + 1 = (2γ − 1)2, donc :

Rad(x) = Rad(y) = 2 Rad(2γ−1 − 1)

Rad(x+ 1) = Rad(y + 1) = Rad(2γ − 1)

x et y vérifient donc bien (∗12).

Remarque : Il existe un autre exemple ne suivant pas la forme ci-dessus, en prenantle couple suivant :

(x, y) = (75, 1215).

En effet :

75 = 3× 52 et 1215 = 35 × 5 donc Rad(75) = Rad(1215) = 3× 5 = 15.76 = 22 × 19 et 1216 = 19× 26 donc Rad(76) = Rad(1216) = 2× 19 = 38.Il n’y a pas d’autres exemples connus à ce jour.De plus, personne n’a encore trouvé deux entiers x et y différents tels que Rad(x) =Rad(y), Rad(x + 1) = Rad(y + 1) et Rad(x + 2) = Rad(y + 2). On en vient donc à laconjecture d’Erdős-Woods.

B) La conjecture d’Erdős-Woods

Conjecture 6 Il existe une constante absolue k tel que si x et y sont des entierspositifs satisfaisant Rad(x+ i) = Rad(y + i) pour i ∈ {0, 1, · · · , k − 1}, alors x = y.

La conjecture ABC implique que cette conjecture est correcte pour k = 2, sauf pour unnombre fini de x.

Théorème 6 Si la conjecture ABC est vraie, alors il existe un nombre fini d’entiers0 < y < x tel que

Rad(x) = Rad(y),Rad(x+ 1) = Rad(y + 1), (∗13)Rad(x+ 2) = Rad(y + 2).

Démonstration. Prenons y < x satisfaisant (∗13). On peut donc poser :

x = pα11 pα2

2 . . . pαuu y = pβ11 p

β22 . . . pβuu

x+ 1 = qγ11 q

γ22 . . . qγtt y + 1 = qζ1

1 qζ22 . . . qζtt

x+ 2 = rδ11 r

δ22 . . . rδll y + 2 = rµ1

1 rµ22 . . . rµll .

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4.1. LA CONJECTURE D’ERDŐS-WOODS CHAPITRE 4.

On remarque :pj | x− y,

qi | (x+ 1)− (y + 1) = x− y,

rh | (x+ 2)− (y + 2) = x− y.

Appliquons la conjecture ABC aux trois équations suivantes :

x︸︷︷︸a

+ 1︸︷︷︸b

= x+ 1︸ ︷︷ ︸c

(x+ 1)︸ ︷︷ ︸a

+ 1︸︷︷︸b

= (x+ 2)︸ ︷︷ ︸c

x︸︷︷︸a

+ 2︸︷︷︸b

= (x+ 2)︸ ︷︷ ︸c

On a alors :

(x+ 1) ≤ C(ε) Rad(x(x+ 1)) = C(ε)(∏

pj∏

qi)1+ε

(x+ 2) ≤ C(ε)(∏

qi∏

rh)1+ε

(x+ 2) ≤ C(ε)(2∏

pj∏

rh)1+ε.

Dans le pire des cas, on peut avoir 2 comme facteur premier commun dans au plus deuxdes trois éléments x, x + 1, et x + 2, mais sinon les nombres premiers pj ,qi et rh sontdistincts.

x3 ≤ (x+ 1)(x+ 2)2 ≤ C(ε)3(2∏

pj∏

qi∏

rh)2+2ε.

Comme chaque pj , qi et rh divise x− y on a finalement que∏

pj∏

qi∏

rh|x− y d’où :

x3 ≤ C(ε)3(2∏

pj∏

qi∏

rh)2+2ε

x3 ≤ C(ε)3(2(x− y))2+2ε.

Comme y < x :

x3 ≤ C(ε)3(2x)2+2ε

x3 ≤ C(ε)322+2εx2+2ε.

En prenant ε < 12 nous avons 2 + 2ε < 3 et :

x1−2ε ≤ C(ε)3 × 22+2ε

x ≤ C(ε)3

1−2ε × 22+2ε1−2ε .

Finalement, x est borné, ce qui nous donne un nombre fini de possibilités.

On peut même aller plus loin. Dans un article publié par M. Langevin [6], ce derniera montré en utilisant la forme explicite de la conjecture ABC donnée par A. Baker qu’il

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4.1. LA CONJECTURE D’ERDŐS-WOODS CHAPITRE 4.

existe un nombre fini d’exceptions à la conjecture d’Erdős-Woods pour le cas k = 3, aveccette fois-ci une borne effective.

Théorème 7 Si 0 < y < x sont deux entiers tels que :

Rad(x) = Rad(y),

Rad(x+ 1) = Rad(y + 1),

Rad(x+ 2) = Rad(y + 2),

Rad(x+ 3) = Rad(y + 3),

et si (∗1) est vraie, alors x < 67.

Démonstration. Soient (x, y) avec y < x vérifiant les hypothèses du théorème 7 :

x = pα11 pα2

2 . . . pαuu y = pβ11 p

β22 . . . pβuu

x+ 1 = qγ11 q

γ22 . . . qγtt y + 1 = qζ1

1 qζ22 . . . qζtt

x+ 2 = rδ11 r

δ22 . . . rδll y + 2 = rµ1

1 rµ22 . . . rµll .

x+ 3 = sω11 sω2

2 . . . sωgg y + 3 = sρ1

1 sρ22 . . . s

ρgg .

Comme précédemment, on remarque :

pj | x− y,

qi | (x+ 1)− (y + 1) = x− y,

rh | (x+ 2)− (y + 2) = x− y,

sm | (x+ 3)− (y + 3) = x− y.

On applique ∗1 aux deux équations suivantes :

x+ 1 = (x+ 1) et (x+ 2) + 1 = (x+ 3)

pour obtenir :(x+ 1) ≤ (

∏pj∏

qi)74

(x+ 3) ≤ (∏

rh∏

sm)74 .

Dans le pire des cas, 2 et 3 peuvent apparaitre deux fois, sinon les nombres sont tousdistincts. En effet, si un premier p divise deux nombres différents a et b, alors p|b − a,donc dans notre cas p divise au plus 3.

x2 ≤ (x+ 1)(x+ 3) ≤ (∏

pj∏

qi∏

rh∏

sm)74

≤ (2× 3(x− y))74

≤ 674 × x

74 .

Finalement :x ≤ 67 = 279936

et on obtient une borne effective.

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4.2. LES PREMIERS DE WIEFERICH CHAPITRE 4.

4.2 Les premiers de Wieferich

Définition 4.1 (Premier de Wieferich)Un nombre premier p est de Wieferich si 2p−1 ≡ 1 (mod p2).

L’une des nombreuses conséquences de la conjecture ABC est la suivante :

Théorème 8 Soit p premier impair. Alors si la conjecture ABC est vraie, l’ensembleU = {p : 2p−1 6≡ 1 (mod p2)} est infini.

Démonstration. On raisonne par l’absurde.Supposons que U est un ensemble fini. On pose V = {p : p premier, 2p−1 ≡ 1 mod (p2)}qui est l’ensemble des nombres de Wieferich.Soit n > 0 entier, assez grand, tel que si pu ∈ U , alors pu - n.Nous allons étudier le nombre 2n − 1, qui est une suite non bornée. On l’écrit sousla forme 2n − 1 = UnVn, où les diviseurs premiers de Un sont dans U et les diviseurspremiers de Vn sont dans V . On va chercher à montrer que les suites Un et Vn sontbornées en utilisant notre hypothèse de départ, ce qui va mener à une contradiction carleur produit, 2n − 1, n’est pas borné.On va montrer que p | Un =⇒ p2 - Un,

p | Vn =⇒ p2 | Vn.

On pose m1 = op(2) et m2 = op2(2), où op(a) est l’ordre de a modulo p. Cela nousdonne 2m1 = 1 + λp, d’où

2m1p = (1 + λp)p

=p∑

k=0

(p

k

)(λp)k

≡ 1 (mod p2).

D’où m1p est un multiple de m2 : m2|m1p.D’autre part, on a que 2m2 ≡ 1 (mod p2) ⇒ 2m2 ≡ 1 (mod p). Ce qui nous donne doncque m2 est un multiple de m1 : m1|m2. Ainsi, on a soit m2 = m1, soit m2 = m1p.

- On suppose que p | Un.• Sim2 = m1, commem1|(p−1), on a quem2|(p−1), et alors 2p−1 ≡ 1 (mod p2).Mais p | Un =⇒ p ∈ U . Par définition, 2p−1 6≡ 1 (mod p2). Il y a contradiction.

• Doncm2 = m1p, comme p ∈ U , on a p - n, doncm2 - n. Donc 2n 6≡ 1 (mod p2).

On a montré que p | Un =⇒ p2 - Un.

- On suppose que p | Vn.• Si m2 = m1p, c’est impossible car p|Vn =⇒ p ∈ V . Par définition, 2p−1 ≡

1 (mod p2) ; donc m2|(p− 1), p - n : il y a une contradiction.

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4.2. LES PREMIERS DE WIEFERICH CHAPITRE 4.

• Donc m2 = m1 et comme p|Vn, p|(2n − 1), m1|n car alors 2n ≡ 1 (mod p).Donc comme m2 = m1, on obtient m2|n, c’est-à-dire 2n ≡ 1 (mod p2), ouencore p2|(2n − 1).

On a montré p | Vn =⇒ p2 | Vn.

Posons maintenant L :=∏p∈U

p. On utilise ici l’hypothèse que U est fini, sinon L n’est

pas fini. L est donc une constante.Comme p|Un =⇒ p2 - Un, Un =

∏p |Un

p est sans facteur carré. D’où Un ≤ L.

D’autre part, comme p|Vn =⇒ p2|Vn, tous les facteurs de Vn sont au moins à la puissance2. On obtient Rad(Vn) ≤ Vn

12 .

On considère l’expression(2n − 1) + 1 = 2n

c’est-à-dire UnVn + 1 = 2n. Puis on lui applique la conjecture ABC :D’une part, on a Vn < UnVn + 1 = 2n,D’autre part, on a par ABC : max(2n − 1, 1, 2n) ≤ Kε Rad((2n − 1)× 1× 2n)1+ε.

2n ≤ Kε Rad(2nUnVn)1+ε

≤ Kε 21+ε(Rad(Un) Rad(Vn))1+ε

≤ Kε 21+εRad(Vn)1+ε Rad(Un)1+ε

≤ 21+εKε Rad(Vn)1+ε Rad(Un)1+ε

≤ 21+εKεVn1+ε

2 L1+ε.

D’où Vn ≤ 21+εKεVn1+ε

2 L1+ε ⇐⇒ Vn ≤ (21+εKεL1+ε)

21−ε (on peut supposer que ε 6= 1 car

ε peut prendre n’importe quelle valeur, donc on en choisit une en particulier, différentede 1). C’est une constante qui ne dépend pas de n, donc Vn est borné par rapport à n.Ily a donc contradiction : U est infini.

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Bibliographie

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Matematica Contemporanea 16, pages 45–72, 1999.

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