INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION...

33
UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019 Travaux dirigés suivant les cours magistraux d’Introduction historique au droit dispensés par Pierre-Olivier Chaumet

Transcript of INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION...

Page 1: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS

INTRODUCTION

HISTORIQUE

AU DROITPREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE

Fascicule de Travaux Dirigés

2018 - 2019

Travaux dirigés suivant les cours magistrauxd’Introduction historique au droit dispensés parPierre-Olivier Chaumet

Page 2: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019
Page 3: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

BIBLIOGRAPHIE

Manuels

BASDEVANT-GAUDEMET (Brigitte), GAUDEMET (Jean), Introduction historique au droit XIII-XXe siècles, 3e éd., Paris, LGDJ, 2010.Carbasse (Jean-Marie), Manuel d’introduction historique au droit, 4e éd., Paris, PUF, 2011

CHAUMET (Pierre-Olivier), Introduction historique au droit ; De la fin de l’Antiquité àla codification napoléonienne, 1ère éd., Paris, Ellipses, 2016

GAUDEMET (Jean), Les institutions de l’Antiquité, 7 éd., Paris, Précis Domat-Montchrestien, 2002.GUYOT (Olivier), RIGAUDIERE (Albert), SASSIER (Yves), Pouvoirs et institutions dans la France médiévale, t. I, Des origines à l’époque féodale ; t. II, Des temps féodaux aux temps de l’État, Paris, Armand Colin, coll. U, 1994.HAROUEL (Jean-Louis), BARBEY (Jean), BOURNAZEL (Eric), TèreHIBAUD-PAYEN (Jacqueline),

Histoire des institutions de l’époque franque à la révolution, 1 éd. Paris, PUF, coll. Droit fondamental, 1987.LEMARIGNIER (Jean-François.), La France médiévale, institutions et société, Paris, A. Colin, coll. U, 1970.SAINT-BONNET (François), SASSIER (Yves), Histoire des institutions avant 1789, coll. Domat Droit Public, 2e éd., Paris, Montchrestien, 2006.

SUEUR (Philippe), Histoire du droit public français, XV-XVIII siècle, 2 vol., Paris PUF, Thémis, 1989 (rééd.).

Monographies

BARBEY (Jean), Être roi. Le roi et son gouvernement de Hugues Capet à Louis XVI, Paris, 1992.

BARBEY (Jean), La fonction royale. Essence et légitimité d’après les Tractatus de Jean de Terrevermeille, Paris, 1983.BARBEY (Jean), BLUCHE (Frédéric), RIALS (Stéphane), Lois fondamentales et succession de France, Paris, PUF, 1987.GANSHOF (Frantz Louis), Qu’est-ce que la féodalité ?, 5e éd., Paris, Tallandier, “ Pluriel ”, 1982.HALPHEN (Louis), Charlemagne et l’Empire carolingien, Paris, Albin Michel, “ L’évolution de l’humanité ”, rééd. 1968.LEMAIRE (André), Les lois fondamentales de la monarchie française d’après les théoriciens de l’Ancien Régime, Paris, 1907.LEMARIGNIER (Jean-François), Le gouvernement royal aux premiers temps capétiens, Paris, Picard, 1965.

2

Page 4: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 1

Méthodologie

3

Page 5: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD - 2018/2019

I. – MÉTHODE DU COMMENTAIRE DE TEXTE EN HISTOIRE DU DROIT (durée de l’exercice : 3 h.)

Le commentaire de texte en histoire du droit doit impérativement se conformer aux règlessuivantes :

A / PRÉPARATION (durée de l’exercice : 1 h. 30)

Elle commence par :1. Une lecture approfondie du texte, crayon à la main (durée 20 mn) Il s’agit d’analyser le texte, en repérant ses principales articulations et en soulignant lesmots et les notions essentielles qui feront l’objet de définitions dans le commentaire. Enlisant le texte, il convient, sur des brouillons que l’on utilisera qu’au recto, de noter les idéesprincipales contenues dans le texte et les connaissances acquises en cours auxquelles ellesrenvoient. À partir de cette analyse, on peut ensuite procéder à :2. L’élaboration du plan (durée 40mn) a) Méthode d’élaboration. – Partant de l’analyse du texte et des notes prises au brouillon, l’élaboration du plan doit permettre la construction d’un devoir qui évitera deux écueils principaux : 1/ La dissertation, qui consiste à réciter le cours ou à exposer de manière théorique desquestions qui se sont pas en rapport direct avec le texte. 2/ La paraphrase, qui consiste à répéter le contenu du texte sans l’analyser. Pour éviter ces travers, l’élaboration du plan doit être effectuée uniquement à partir ducontenu du texte lui-même. Les idées jetées au brouillon doivent être numérotées et l’on doitensuite tenter de faire entrer tous ces numéros dans les différentes parties du plan que l’onélabore. b) Règles d’élaboration. – Le plan doit respecter impérativement trois règles : 1 / Il doit d’abord à tout prix être organisé en deux parties. 2 / Il doit ensuite être parfaitement symétrique : si la première partie comprend deuxparagraphes, la deuxième doit aussi en comprendre deux ; si la première en comprend trois– ce qui est le maximum possible – la deuxième en comprend également trois. 3 / Il doit enfin être équilibré : les parties et les paragraphes doivent être sensiblementde la même taille. Deux grands types de plan sont possibles : soit thématique, soit linéaire. - Le commentaire thématique consiste à choisir deux idées fortes du texte ou encore deux axes de réflexion (par ex. pourquoi / comment) à partir desquels sera organisé le commentaire. - Le commentaire linéaire, qui est la meilleure formule, mais la plus difficile, consiste à construire le commentaire en respectant scrupuleusement le plan du texte tout en prenant du recul par rapport à celui-ci. c) Règles de présentation. – Le plan du texte doit impérativement être apparent. Il fautdonc donner aux parties et aux sous-parties des titres. Mais le devoir doit cependant pouvoiraussi être lu sans ces titres. En tête de chacune des parties, il faut par conséquent annonceren une ou deux phrases les sous-parties. Par ex. : “ Après avoir abordé telle question (A),nous nous pencherons sur telle autre (B) ” ou encore “ Avant d’examiner tel problème (B),nous étudierons tel autre (A) ”. À la fin de chaque sous-partie, il faut aussi ménager une phrase de transition qui assurele lien avec la partie suivante. D’où cette présentation : I. TITREII. TITRE

Annonce des sous-parties du IAnnonce des sous-parties du II A / TitreA / Titre TransitionTransition B / TitreB / Titre Transition

4

Page 6: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

3. La rédaction de l’introduction (durée 30 mn)

L’introduction est un élément capital du devoir : quantitativement, elle doit représenter 20à 25% de l’ensemble. Elle comprend obligatoirement quatre points, nécessairementprésentés dans l’ordre qui suit : a) Présentation du texte et de l’auteur. – Il faut ici indiquer d’abord la nature du texte : normatif (capitulaire, ordonnance, extrait du Corpus juris civilis…) ; diplomatique (charte, notice, extrait de cartulaire…) ; narratif (chronique) ; littéraire (œuvre de fiction…) etc. On doit ensuite donner sa date et présenter son auteur, s’il est connu. b) Contexte historique du texte. – Le texte doit être replacé dans son contexte politique, économique, social et culturel de la manière la plus précise possible. On évitera à cette occasion la dissertation et le hors sujet en veillant notamment à ne pas évoquer des questions contemporaines du texte mais sans rapport direct avec son contenu. Cette mise en contexte du texte est l’exercice fondamental qui permettra de mettre en valeur les enjeux du texte. Elle permet d’éviter le double écueil de la dissertation sur le propos du texte et de la simple paraphrase. c) Problématique juridique et historique du texte. – Partant du contexte, il convient ensuite de mettre en exergue les problèmes de critique que pose le texte relativement à l’histoire du droit et des institutions. C’est à partir de ces problèmes qu’est bâti le plan, selon la manière indiquée ci-dessus. d) Annonce du plan. – Découlant naturellement de la problématique qui précède, l’annonce du plan, qui se fait en une ou deux phrases doit être à la fois parfaitement correcte du point de vue littéraire et sans aucune équivoque. Par exemple : “ Ainsi, ayant envisagé telle question (I), nous pourrons nous pencher sur telle autre (II) ”. À l’issu de cette préparation, le devoir se poursuit par la rédaction.

B / LA RÉDACTION (durée de l’exercice : 1 h. 30)

Le plan détaillé ayant été minutieusement établi, la rédaction du devoir ne poseaucune difficulté particulière de méthode. Quelques précautions s’imposent cependant. 1. D’abord, on doit veiller sans cesse à suivre le texte de près, afin de ne pas disserter au lieu de commenter. Pour ce faire, il est vivement conseillé de partir de très courtes citations ou de mots du texte que l’on reprend directement pour les commenter. 2. Ensuite, on doit absolument veiller à la rigueur de l’analyse historico-juridique. L’écueil principal à éviter est bien sûr l’anachronisme qui, nécessairement, entraîne une erreur d’interprétation. Deux règles permettent de l’éviter : a) À aucun moment il ne doit être fait allusion, dans le corps du devoir, à un fait ou unévénement postérieur au texte commenté : pas plus qu’on ne peut expliquer le présent parl’avenir, on ne peut en effet expliquer le passé par le présent ou par des éléments plusrécents que ceux sur lesquels on se penche. b) Tout jugement personnel, même neutre, doit être absolument banni : l’opinionpersonnelle du commentateur est par essence sans intérêt. 3. Enfin, il faut veiller à respecter les normes littéraires admises dans la présentation matérielle du commentaire. À ce propos, on peut rappeler que : a) L’emploi du futur dans le passé est strictement prohibé. b) Les majuscules s’emploient seulement en début de phrase, pour les noms propres et pour les institutions uniques lorsqu’il s’agit de choses, jamais lorsqu’il s’agit de personnes.On écrit donc l’Église, l’État, le Parlement, mais le roi, l’empereur, le pape… Lorsquel’institution est accompagnée d’un adjectif, celui-ci ne prend une majuscule que lorsqu’il estplacé avant : le Tiers-État, mais les États généraux… Le mot saint ne prend une majusculeque lorsqu’il est appliqué à une fête, un lieu, une institution (la Saint-Jean, la commune deSaint-Cloud, la basilique Saint-Pierre), jamais lorsqu’il est employé comme prédicat : le roisaint Louis. Dans ce dernier cas, on ne l’emploie que lorsqu’il est indispensable pouridentifier le personnage (on dit saint Louis, mais Thomas d’Aquin, Jeanne d’Arc etc.). Casparticuliers : Saint-Esprit, Sainte-Trinité, Saint-Office, Saint-Siège, Saint-Empire, Sainte-Alliance. On met aussi une majuscule aux noms des peuples (les Burgondes, les Francs) etaux noms des grandes périodes historiques : l’Antiquité, le Moyen Âge (sans trait d’union),l’Ancien Régime, la Révolution, l’Empire etc. Il est bon de rappeler également que les

5

Page 7: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

majuscules, contrairement à une légende fort répandue, doivent impérativement êtreaccentuées à peine d’entraîner de regrettables confusions ; comment distinguer sans accent,par exemple : LES ENFANTS LÉGITIMES DE LOUIS XIV et LES ENFANTS LÉGITIMÉS DE LOUIS XIV ?

c) Le millésime des rois de France, des empereurs et des papes doit impérativement êtrelibellé en chiffres romains et non en chiffres arabes et il en va de même, en dépit d’unehabitude aussi récente que déplorable, des siècles. Hormis ces cas et les dates, pourlesquelles on doit en revanche employer les chiffres arabes, tous les nombres doivent êtreécrits en toutes lettres. d) Un devoir ne doit jamais être rédigé à la première personne du singulier. On évitera également le pluriel de majesté (nous verrons…) pour préférer la troisième personne (on peut constater…), le style indirect (il semble intéressant de voir…).

À la fin du commentaire, il est possible aussi de rédiger une conclusion. Rédaction

de la conclusion : elle doit nécessairement comprendre trois points.

a) L’appréciation générale de la sincérité du texte. – Celle-ci doit se garder de touteanalyse subjective et ne reposer que sur des données de méthodologie historique. Onappréciera par exemple de manière fort différente un document normatif ou diplomatiqueet un document littéraire ou narratif.b) L’apport historique et juridique du texte. – Il s’agit ici de montrer dans quellemesure le contenu du texte est original ou à l’inverse banal et de replacer cette originalitéou cette valeur d’exemple dans l’histoire générale du droit et des institutions.c) L’ouverture. – La dernière phrase de la conclusion doit être une porte ouverte surl’avenir : les répercutions qu’a pu avoir le texte ou les institutions qu’il décrit dans la suitede l’histoire.

II. – MÉTHODE DE LA DISSERTATION EN HISTOIRE DU DROIT (durée de l’exercice : 3 h.)

La dissertation d’histoire du droit, comme le commentaire de texte, suit certaines règlesimpératives :

A / PRÉPARATION (durée de l’exercice : 1 h. 30)

Elle commence par : 1. Une analyse attentive du libellé du sujet (durée 20 à 30 mn) Chacun des mots employés, qui n’ont pas été choisis au hasard, doit retenir l’attentionpour préparer le devoir. Après s’être assuré du sens exact du sujet proposé, il convient denoter, sur des feuilles de brouillon, toutes les idées qu’inspirent le thème proposé et, surtout,toutes les connaissances acquises en cours auxquelles celui-ci renvoie. À l’issue de cepremier temps de réflexion, on doit procéder à : 2. L’élaboration du plan (durée 30 à 40 mn) a) Méthode d’élaboration. – Le plan doit être élaboré en tenant compte à la fois dulibellé précis du sujet proposé et des réflexions et connaissances que l’on a eu soin de noterau brouillon. L’écueil à éviter en priorité est la simple récitation mécanique de tout ou partie du coursrelatif au thème proposé. Pour y parvenir, il est souhaitable de choisir un axe de réflexion detype dynamique. Plusieurs types de plan favorisent une telle démarche. À titre d’exemple :1. Définition, 2. Régime juridique ; 1. Pourquoi, 2. Comment ; Plan dit “ à deux égard ” etc. Le second écueil à éviter est le hors sujet, qui consiste à déborder du cadre de réflexionimposé. La lecture attentive du libellé du sujet doit l’éviter, sachant que, souvent, celui-ciformule directement les éléments principaux d’un plan possible. Afin de vérifier la pertinence du plan, on prendra soin, à l’instar du commentaire de texte,de numéroter les idées et connaissances jetées au brouillon pour tenter ensuite d’intégrerces numéros dans le plan projeté.

6

Page 8: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

b) Règles d’élaboration. – Le plan de la dissertation doit respecter les mêmes canons que le plan du commentaire et doit être : 1 / organisé en deux parties ; 2 / symétrique ; 3 / équilibré (cf. supra, Méthode du commentaire). c) Règles de présentation. – La dissertation, comme le commentaire de texte, doit comporter un plan apparent avec des parties et des sous-parties munies de titres, annoncées, pour les parties, en fin d’introduction, et, pour les sous-parties, en tête de chacune des parties, chaque sous-partie se terminant ici encore par une phrase de transition. 3. La rédaction de l’introduction (durée 30 mn) Là encore, l’introduction constitue un élément capital qui doit représenter 20 à 25 % del’ensemble du devoir. Comme le commentaire de texte, elle comprend toujours quatre pointsprésentés dans l’ordre qui suit : a) Présentation du sujet. – Elle doit commencer par reprendre en exergue le libellé exact du sujet, entre guillemets, puis se poursuivre par une première analyse sommaire de la portée du thème proposé indiquant ce qu’il est nécessaire de traiter et, éventuellement, ce qui ne l’est pas. b) Contexte historique du sujet. – Il s’agit de replacer le thème de la dissertation dans son contexte général, en veillant toutefois à ne pas s’égarer vers des questions sans rapport avec l’objet principal du devoir. c) Problématique juridique et historique du sujet. – À partir du contexte présenté précédemment, il s’agit de dégager les questions essentielles que pose le sujet relativement à l’histoire du droit et des institutions, interrogations qui détermineront ensuite le plan. Attention : la problématique ne doit jamais être la répétition du sujet. Elle doit au contraire toujours mettre en lumière ses enjeux et suggérer une perspective de démonstration pour le plan qui s’annonce. d) Annonce du plan. – L’annonce du plan qui clôt l’introduction doit découler logiquement de la problématique qui a été exposée et, comme pour le commentaire de texte, être formulée en une ou deux phrases à la fois claires et littérairement correctes (cf. supra les exemples données pour le commentaire de texte).

B / LA RÉDACTION (durée de l’exercice : 1 h. 30)

La rédaction d’une dissertation offre, sur le fond, davantage de liberté qu’un commentairede texte. Il convient cependant ici encore de veiller sans cesse à ne pas s’écarter du sujet. Il est aussi nécessaire d’éviter tout anachronisme en prêtant attention à ne pas traiter,dans le corps du devoir, d’éléments postérieurs à la période historique étudiée et en écartantsystématiquement les jugements personnels qui, par nature, ne peuvent manquer d’être endécalage avec le thème de la dissertation. Les règles formelles, enfin, sont les mêmes que celles exposées supra pour lecommentaire de texte.

Pour plus de précisions sur la méthode de la dissertation et du commentaire detexte, voir :Brigitte BASDEVANT-GAUDEMET, Valérie GOUTAL-ARNAL, Corrigés d’examens : Histoire du droit et des institutions, Paris, LGDJ, 1997 (Nouv. éd. 2000).

III. – MÉTHODE DE LA FICHE DE TEXTE EN HISTOIRE DU DROIT

La fiche de texte consiste à établir, à titre d’exercice, un travail préparatoire aucommentaire de texte à partir des documents divers contenus dans les fiches de TD pourlesquels il n’aura pas été demandé à l’étudiant de commentaires détaillés. Comme pour un commentaire de texte, il convient d’abord de lire le texte un crayon à lamain, repérant les articulations, les notions et les mots essentiels qui méritent d’être définisou commentés.

7

Page 9: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD - 2018/2019

Durant cet exercice, il est conseillé de noter aussi les idées qu’inspire le texte et lesconnaissances auxquelles il renvoie sur une feuille de brouillon. Il est ensuite nécessaire de rechercher, à partir de manuels et de dictionnaires : – l’auteur du texte ; – le contexte historique précis ; – la définition exacte de tous les termes inconnus. À partir de ce travail préliminaire, on doit rédiger ensuite au propre, sous forme de fiche,le canevas de ce que devraient être l’introduction et le plan du texte, en indiquant : a) La nature du texte, sa date et son auteur b) Le contexte historique c) La problématique juridique et historique d) Le plan qui serait suivi en cas de commentaire.

8

Page 10: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD - 2018/2019

SÉANCE 2

L’Antiquité romaine

9

Page 11: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

L’oeuvre d’Auguste : Res Gestae Divi Augusti

Autobiographie rédigée par Auguste et gravée à l’entrée de son mausolée à Rome(fragments)

1.1. - A l’âge de dix-neuf ans, j’ai levé une armée de ma propre initiative et à mes propresfrais, grave à laquelle j’ai rendu la liberté à la res publica qui avait été opprimée par unefaction.8.5. - Par de nouvelles lois prises sur mon initiative j’ai restauré beaucoup de traditions denos ancêtres qui tombaient à notre époque en désuétude, et moi-même, sur de nombreuxpoints, j’ai fourni des exemples à initier par la postérité.34.1.-3 - Dans mes sixième et septième consulats, après que j’eux éteint les flammes desguerres civiles, alors que je détenais de l’assentiment de tous le contrôle absolu des affaires,je transférai la res publica de ma potestas à la volonté du sénat et du peuple romain…Après cette époque, je l’ai emporté sur tous par l’ »auctoritas », mais de potestas je n’eneus en rien plus que les autres qui ont été, à moi aussi, mes collègues dans la magistrature.

La généralisation de la citoyenneté romaine : Édit de Caracalla (212)

Papyrus de Giessen (Éd. P.-F. GIRARD, Textes de droit romain, II, Camerino, 1977, p. 478-490, trad. J. GAUDEMET, Inst. de l’Ant., p. 309) L’empereur César Marc Aurèle Sévère Antonin a dit : « Maintenant, donc… il vaut mieux,en repoussant les plaintes et les libelles, rechercher comment je peux rendre grâce auxdieux immortels de m’avoir conservé sain et sauf… par une telle victoire. C’est pourquoi jepense pouvoir ainsi magnifiquement et pieusement donner satisfaction à leur majesté, sij’amène au culte des dieux les pérégrins chaque fois qu’ils entrent au nombre de mes sujets.Je donne donc à tous les pérégrins qui sont sur la terre le droit de cité romaine (tout genrede cité demeurant), exception faite pour les déditices […]. Cet édit augmentera la majesté dupeuple romain quand sera accordé la même dignité à l’égard des autres pérégrins… »

Le christianisme religion d’État : Édit de Thessalonique (380)

Code Théodosien, 16, 1, 2 (trad. F. ROUMY) Les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose, Augustes, au peuple de Constantinople.Nous voulons que tous les peuples que gouverne la mesure de notre clémence se tournentvers cette religion que le divin apôtre Pierre a transmis aux Romains — ainsi que l’affirme unetradition qui, depuis lui, est parvenue jusqu’à maintenant — et qu’il est clair que suivent le pontifeDamase et Pierre, évêque d’Alexandrie, homme d’une sainteté apostolique. De sorte que, enaccord avec la discipline apostolique et la doctrine évangélique, nous croyions en la seule en laseule Divinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en une même majesté et une pieuse Trinité.Nous ordonnons que ceux qui suivent cette loi embrassent le nom de Chrétiens catholiques etque les autres, que nous jugeons déments et insensés, assument l’infamie du dogme hérétique,que leurs assemblées ne puissent recevoir le nom d’églises, qu’enfin ils soient châtiés, d’abordpar la vengeance divine, ensuite par la décision que nous a inspiré le jugement céleste. Donné le4 des calendes de mars à Thessalonique, Gratien Auguste étant consul pour la cinquième fois etThéodose Auguste pour la première fois.

10

Page 12: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 3

La royauté franque

11

Page 13: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

La personnalité des lois

MONTESQUIEU, De l’esprit des lois (1748)

(in Œuvres complètes, Paris, Éditions du Seuil, 1965, Livre XXVIII, Chapitre 4 « Comment le droit romain se perdit dans le pays

du domaine des francs, et se conserva dans le pays du domaine des goths et des bourguignons », p. 725-726.)

Le pays qu’on appelle aujourd’hui la France, fut gouverné, dans la première race, par la loiromaine ou le code Théodosien, et par les diverses lois des barbares qui y habitaient. Dans le pays du domaine des Francs, la loi salique était établie pour les Francs, et le codeThéodosien pour les Romains. Dans celui du domaine des Wisigoths, une compilation du codeThéodosien, faite par l’ordre d’Alaric, régla les différends des Romains ; les coutumes de la nation,qu’Euric fit rédiger par écrit, décidèrent ceux des Wisigoths. Mais pourquoi les lois saliques acquirent-elles une autorité presque générale dans les pays des Francs ? Et pourquoi le droit romain s’y perdit-ilpeu à peu, pendant que dans le domaine des Wisigoths le droit romain s’étendit, et eut une autoritégénérale ? Je dis que le droit romain perdit son usage chez les Francs, à cause des grandsavantages qu’il y avait à être Franc, barbare, ou homme vivant sous la loi salique ; tout le monde futporté à quitter le droit romain pour vivre sous la loi salique. Il fut seulement retenu par lesecclésiastiques, parce qu’ils n’eurent point d’intérêt à changer. Les différences des conditions et desrangs ne consistaient que dans la grandeur des compositions, comme je le ferai voir ailleurs. Or, deslois particulières leur donnèrent des compositions aussi favorables que celles qu’avaient les Francs :ils gardèrent donc le droit romain. Ils n’en recevaient aucun préjudice ; et il leur convenait d’ailleurs,parce qu’il était l’ouvrage des empereurs chrétiens. D’un autre côté, dans le patrimoine des Wisigoths,la loi wisigothe ne donnant aucun avantage civil aux Wisigoths sur les Romains, les Romains n’eurentaucune raison de cesser de vivre sous leur loi pour vivre sous une autre : ils gardèrent donc leurs lois,et ne prirent point celles des Wisigoths.

Le pouvoir du roi franc sur ses guerriers

GRÉGOIRE DE TOURS, Histoire des Francs, II, 27

(éd. ROBERT LATOUCHE, Paris, Les Belles lettres, 1995)

Après ces événements Childéric étant mort, Clovis, son fils régna à sa place. Pendant lacinquième année du règne de ce roi, Syagrius, roi des Romains, fils d’Egidius, avait son siège dans lacité de Soissons que feu ledit Egidius avait possédée. Contre lui marcha Clovis (…) et il invite sonadversaire à préparer le champ de bataille. Or celui-ci ne le refusa pas et n’eut pas peur de résister.Puis pendant qu’ils se battaient entre eux, Syagrius, voyant son armée écrasée, tourne le dos et seprécipite dans une course rapide chez le roi Alaric à Toulouse (…). En ce temps beaucoup d’églises furent pillées par l’armée de Clovis, parce qu’il était encoreenfoncé dans les erreurs du fanatisme. C’est ainsi que les troupes avaient enlevé d’une église unvase d’une grandeur et d’une beauté merveilleuses, avec d’autres ornements servant au ministèreecclésiastique. L’évêque de cette église envoya donc des messagers au roi pour lui demander que, sison église ne pouvait recouvrer les autres vases sacrés, du moins elle recouvrât celui-ci. Cequ’entendant le roi dit au messager : « Suis nous jusqu’à Soissons parce qu’on devra y partager toutce qui a été pris et lorsque le sort m’aura donné ce vase, j’exécuterai ce que le « pape » demande ». Puis arrivant à Soissons, où toute la masse du butin avait été placée au milieu, le roi dit : « Je vousprie, ô très valeureux guerriers, de ne pas vous opposer à ce que me soit concédé hors part ce vase». Il faisait en effet allusion au vase mentionné ci-dessus. A ces mots du roi, ceux qui avaient l’espritsain répliquent : « Tout ce que nous voyons ici, glorieux Roi, est à toi et nous sommes soumis à tadomination ». Fais donc maintenant ce qui convient à ton bon plaisir ». Or après qu’ils eurent ainsiparlé, un homme léger, jaloux et frivole, ayant levé sa hache, frappa le vase en criant à haute voix : «Tu n’auras rien ici que ce que le sort t’attribuera vraiment ». A ces mots qui stupéfièrent tout le monde,le roi contint son ressentiment avec une douce patience et prenant le vase il le rendit à l’envoyéecclésiastique en gardant cachée dans son cœur sa blessure. Mais au bout d’une année il fit défilertoute sa phalange en armes pour inspecter sur le Champ de Mars la propreté de ses armes. Or tandisqu’il se dispose à passer en revue tous les hommes, il s’approche du briseur du vase à qui il

12

Page 14: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

dit : « Personne n’a apporté des armes aussi mal tenues que les tiennes, car ni ta lance, ni ton épée,ni ta hache ne sont en bon état ». Et saisissant la hache de l’homme, il la jeta à terre. Mais tandis quecelui-ci s’était un peu incliné pour la ramasser, le roi levant les mains lui envoya sa propre hache dansla tête en disant : « C’est ainsi que tu as fait à Soissons avec le vase ». Quand l’homme fut mort, le roi ordonna aux autres de se retirer et par cet acte il leur inspire unegrande crainte à son égard.

Le partage du royaume entre les fils à la mort du roi

GRÉGOIRE DE TOURS, Histoire des Francs, IV, 22 (éd. KRUSCH et LEVISON, MGH, SS rer. merov., I/1, p. 154-155 ; trad. IMBERT -SAUTEL, Hist. des inst.,I, p. 331) Chilpéric, après les funérailles de son père, reçut les trésors qui étaient amassés dans ledomaine de Braine et s’étant tourné vers les Francs [qui pouvaient lui être] les plus utiles, sesoumit ceux -ci, séduits par ses présents. Bientôt il entre dans Paris et occupe le siège duroi Childebert ; mais il ne lui fut par permis de le posséder longtemps, car ses frères seréunir pour l’en chasser ; c’est ainsi que les quatre [frères] — c’est-à-dire Caribert, Gontran,Chilpéric et Sigebert — procédèrent à un partage [du royaume] selon la loi. Le sort donna àCaribert, le royaume de Childebert avec, pour capitale, Paris ; à Gontran, le royaume deClodomir avec, pour capitale, Orléans ; à Chilpéric, le royaume de Clotaire son père, avec,pour capitale, Soissons ; à Sigebert, le royaume de Thierry avec, pour capitale, Reims.

Le comte, agent de l’administration royale

MARCULFE, Formules, I, 8 (éd. K. ZEUMER, MGH, LL, V, p. 47-48 ; trad. IMBERT -SAUTEL, Hist. des inst., I, p. 340) Charte de duché, de patriciat ou de comté. — La perspicacité de la clémence royale estlouée dans sa perfection pour ce qu’elle sait choisir entre tous les sujets ceux quedistinguent leur mérite et leur vigilance et il ne convient pas de remettre une dignité judiciaireà quiconque avant d’avoir éprouvé sa foi et son zèle. En conséquence, comme il noussemble avoir trouvé en toi, foi et efficacité, nous t’avons confié la charge du comté, du duchéou du patriciat, dans tel pays, que Un tel, ton prédécesseur, paraît avoir assumée jusqu’àprésent, pour l’assumer et la régir, en sorte que tu gardes toujours une foi intacte à l’égardde notre gouvernement, et que tous les peuples habitant là — tant Francs, Romains,Burgondes que toute autre nation — vivent et soient administrés par ta direction et tongouvernement et que tu les régisses par droit chemin, selon leur loi et coutume, que tuapparaisses le grand défenseur des veuves et des orphelins, que les crimes des brigands etdes malfaiteurs soient sévèrement réprimés par toi, afin que les peuples vivant dans laprospérité et dans la joie sous ton gouvernement aient à demeurer tranquilles ; et que tousce que dans cette charge l’autorité du fisc est en droit d’attendre que tu l’apportes toi-même,chaque année, à nos trésors.

13

Page 15: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 4

La féodalité

14

Page 16: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

L’Ordinatio imperii de 817

(éd. BORETIUS, MGH, Cap. reg. Franc., I, p. 270-273, n° 136 ; trad. IMBERT -SAUTEL, Hist. des inst., I, p. 382-384)

Au nom du Seigneur Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, Louis, par la divine Providence,empereur auguste. Comme nous avions réuni, au nom de Dieu, l’an huit cent dix-sept de l’Incarnationdu Seigneur, indiction dix, et la quatrième année de notre règne impérial, au mois de juillet, dans notrepalais d’Aix-la-Chapelle, selon l’usage accoutumé, une assemblée sacrée et la généralité de notrepeuple pour traiter de l’utilité des églises et de tout notre empire, et que nous nous appliquions à ces[desseins], brusquement sous l’effet de l’inspiration divine, il arriva que nos fidèles nous invitèrent àtraiter, selon l’usage de nos parents, de l’état de tout notre royaume et de la situation de nos fils, alorsque nous étions en bonne santé et que Dieu nous concédait la paix de tout côtés. Mais quoique cetteinvitation fût faite en tout dévouement et fidélité, il ne nous a nullement paru [convenable] ni à nous nià ceux qui ont l’esprit saint et sage, que pour l’amour et la grâce de nos fils, l’unité de l’empire quinous a été conservé par Dieu, fût scindée par le partage des hommes, de peur qu’à cette occasionn’éclate un scandale dans la sainte Église et que nous ne commettions une offense envers celui aupouvoir de qui se trouvent les droits de tous les royaumes. C’est pourquoi nous avons pensé qu’il étaitnécessaire d’obtenir de lui, par des jeûnes, des prières et des largesses d’aumônes, ce que notrefaiblesse n’osait pas [tenter]. Ces rites étant accomplis pendant trois jours, par la volonté du Dieu toutpuissant, à ce que nous pensons, il se fit que nos vœux et ceux de tout notre peuple convergèrentpour le choix de notre bien-aimé fils aîné, Lothaire. En conséquence, la divine Providence a voulunous manifester ainsi qu’à notre peuple que [notre fils] par un vœu commun, [devait être] selonl’usage solennel, couronné du diadème impérial et devenir notre associé et notre successeur, si Dieule veut, à l’Empire. Quant à ses frères, Pépin et Louis, notre homonyme, il plut d’un commun conseilde les distinguer par le titre royal et de les établir dans les pays ci-dessous désignés, où après notredécès, ils exerceraient le pouvoir sous la puissance royale de leur frère aîné, selon les articles notésci-dessous où se trouve renfermée cette condition que nous avons établie entre eux. Ces articles ontété déterminés avec la collaboration de tous nos fidèles pour l’utilité de l’empire et la conservationentre tous d’une paix perpétuelle ainsi que pour la sécurité de l’Église toute entière ; et euxdéterminés [il a plu] de les consigner par écrit et de les confirmer par nos propres souscriptionsmanuelles de telle sorte qu’avec le secours de Dieu, comme tous ont agi d’un commun vœu, demême tous les conservent inviolablement pour leur paix perpétuelle et celle du peuple chrétien toutentier ; étant sauf en tout notre pouvoir impérial sur nos fils et notre peuple avec toute la soumissionqui doit être témoignée au père par ses fils et à l’empereur et au roi par ses peuples. — 1. Nousvoulons que Pépin ait l’Aquitaine, la Gascogne et toute la marche de Toulouse et en outre quatrecomtés, c’est-à-dire, en Septimanie, celui de Carcassonne et en Bourgogne, ceux d’Autun, d’Avallonet de Nevers. — 2. De même nous voulons que Louis ait la Bavière, la Carinthie, la Bohême, le paysdes Avars et des Slaves qui sont au-delà de la partie orientale de la Bavière, et en outre qu’il ait à sadisposition deux domaines impériaux dans le pays de Lauterhofen et d’Ingolstadt… — 18. Noussollicitons encore le dévouement de tous notre peuple et l’assurance remarquable d’une foi sincèrechez tous nos peuples pour que si, celui de nos fils qui succèdera par la volonté divine, disparaît dece monde sans enfant légitime, en vue du salut de tous, de la tranquillité de l’Église et l’unité del’Empire, on imite en choisissant l’un de nos enfants, s’ils survivent à leur frère, la condition que nousavions mise à sa propre désignation, de telle sorte que dans cet établissement, on recherchel’accomplissement d’une volonté non pas humaine mais divine.

La cérémonie

Serments prêté au nouveau comte de Flandre Guillaume, et investiture (1127) GALBERT DE BRUGES, Histoire du meurtre de Charles le Bon, Chap. 54

Le sept des ides d’avril, un jeudi, on fit à nouveau hommage au comte. Ces hommages firent accomplisde la manière suivante pour lui assurer la foi et la sûreté. En premier lieu, on fit hommage de la façonsuivante : le comte demanda [au futur vassal] s’il voulait devenir son homme sans réserve, et celui-cirépondit : “ Je le veux ” ; puis ses mains étant jointes dans celles du comte, qui les étreignit, ils s’allièrentpar un baiser ; en second lieu, celui qui avait fait hommage engagea sa foi en ces termes : “ Je promets enma foi d’être fidèle, à partir de cet instant, au comte Guillaume, et de lui garder contre tous et entièrementson hommage, de bonne foi et sans tromperie ” ; en troisième lieu, il jura cela sur les reliques des saints.Ensuite, avec la verge qu’il tenait à la main, le comte leur donna les investitures à eux tous qui, par cepacte, lui avaient promis sûreté, fait hommage et en même temps prêté serment.

15

Page 17: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

Les obligations du vassalFULBERT DE CHARTRES, Lettre à Guillaume V d’Aquitaine (1020)

(éd. Rec. des hist. des Gaules, X, p. 463 ; trad. GANSHOF, Qu’est-ce que la féodalité ?, p. 135-36)

Au très glorieux duc d’Aquitaine Guilhem, Fulbert, évêque. Invité à écrire sur la teneur dela fidélité, j’ai noté brièvement pour vous ce qui suit, d’après les Livres qui font autorité. Celuiqui jure fidélité à son seigneur doit toujours avoir les six mots suivants présents à la mémoire: sain et sauf, sûr, honnête, utile, facile, possible. Sain et sauf, afin qu’il ne cause pasquelque dommage au corps de son seigneur. Sûr, afin qu’il ne nuise pas à son seigneur enlivrant son secret ou ses châteaux forts qui garantissent sa sécurité. Honnête, afin qu’il neporte pas atteinte aux droits de justice de son seigneur ou aux autres prérogativesintéressant l’honneur auquel il peut prétendre. Utile, afin qu’il ne fasse pas de tort auxpossessions de son seigneur. Facile et possible, afin qu’il ne rende pas difficile à sonseigneur le bien que celui-ci pourrait facilement faire et afin qu’il ne rende pas impossible cequi eût été possible à son seigneur. C’est justice que le vassal s’abstienne de nuire ainsi àson seigneur. Mais ce n’est pas ainsi qu’il mérite son fief, car il ne suffit pas de s’abstenir defaire le mal, mais il faut faire le bien. Il importe donc que sous les six aspects qui viennentd’être indiqués, il fournisse fidèlement à son seigneur le conseil et l’aide, s’il veut paraîtredigne de son bénéfice et s’acquitter de la fidélité qu’il a jurée. Le seigneur aussi doit, danstous ces domaines, rendre la pareille à celui qui a juré fidélité. S’il ne le faisait pas, il serait àbon droit taxé de mauvaise foi ; de même que le vassal qui serait surpris manquant à sesdevoirs, par action ou par simple consentement, serait coupable de perfidie et de parjure.

Les trois ordres de la société féodale

ADALBÉRON DE LAON, Poème au roi Robert [le Pieux] (vers 1025) Pour que la Res publica jouisse de la paix tranquille de l’Église, il est nécessaire del’assujettir à deux lois différentes, définies l’une et l’autre par la sagesse, qui est la mère detoute vertu. L’une — la loi divine — ne fait aucune différence entre ses ministres ; selon elle,ils sont tous égaux de condition, si différents entre eux que la nature ou leur rang aient pules faire naître ; un fils d’ouvrier n’est pas inférieur à l’héritier d’un roi. À ceux-là, cette loiclémente interdit toute vile occupation mondaine. Il ne fendent point la glèbe ; ils nemarchent pas derrière la croupe des bœufs ; à peine s’occupent-ils des vignes, des arbres,des jardins. Ils ne sont ni bouchers, ni aubergistes, pas plus que gardiens de porcs,conducteurs de boucs ou bergers ; ils ne criblent point le blé, ignorent la cuisante chaleurd’une marmite graisseuse ; ils ne font point trémousser les cochons sur le dos des bœufs ;ils ne sont pas blanchisseurs et dédaignent de faire bouillir le linge. Dieu leur a soumis parses commandements le genre humain tout entier ; pas un prince n’en est excepté, puisqu’ilest dit “ tout entier ”. La société des fidèles ne forme qu’un corps ; mais la Res publica encomprend trois. Car l’autre — la loi humaine — distingue deux autres groupes ; nobles etserfs, en effet, ne sont pas régis par le même statut. Deux personnages occupent le premierrang : l’un est le roi, l’autre l’empereur ; c’est leur gouvernement que nous voyons assurer lasolidité de la Res publica. Il y en a d’autres dont la condition est telle que nulle puissance neles contraint, pourvu qu’ils s’abstiennent des crimes réprimés par la justice royale. Ceux-cisont les guerriers, protecteurs des églises ; ils sont les défenseurs du peuple, des grandscomme des petits, de tous enfin, et assurent du même coup leur propre sécurité. La maisonde Dieu, que l’on croit une, est donc divisée en trois : les uns prient ( oratores), les autrescombattent (pugnatores), les autres enfin travaillent (laboratores). Ces trois parties quicoexistent ne souffrent pas d’être disjointes ; les services rendus par l’une sont la conditiondes œuvres des deux autres ; chaune à son tour se charge de soulager l’ensemble. Ainsi,cet assemblage triple n’en n’ait pas moins un ; et c’est ainsi que la loi a pu triompher et lemonde jouir de la paix. Mais aujourd’hui les lois tombent en ruines et déjà toute la paix a fui ;les mœurs des hommes s’altèrent, la structure de la Res publica s’altère. Roi, tu ne tiens àbon droit la balance de la justice, tu ne gouvernes le monde que si tu contiens avec lesrênes des lois ceux qui glissent sur la pente du crime.

16

Page 18: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 5

Le droit coutumier

17

Page 19: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

Le morcellement coutumier de l’époque féodale

PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes de Clermont en Beauvaisis (1283)

§1 : La grande espérance que nous avons en l’aide de Celui par qui toutes choses sont faites etsans qui rien ne pourrait être fait (…) nous donne envie de mettre tout notre cœur et notre intelligenceau travail pour composer un libre grâce auquel ceux qui désirent vivre en paix puissent apprendrerapidement comment se défendre contre ceux qui les assigneront en justice à tort et pour mauvaisecause, et comment distinguer le droit du tort, selon l’usage et la coutume de Clermont en Beauvaisis.Et parce que nous sommes de ce pays-ci, et que nous nous sommes occupé de garder les droits etles coutumes de cette comté par la volonté du très haut et très noble homme Robert, fils du Roi deFrance, comte de Clermont, nous devons avoir le désir plus particulier d’écrire sur les coutumes de cepays-ci plutôt que d’un autre ; et nous avons trois raisons principales qui nous y poussent. §2 : La première raison, c’est que Dieu a commandé que l’on aimât son prochain comme soi-même, et que les habitants de ce pays-ci sont notre prochain pour raison de voisinage et denaissance (« nacion ») (…). §3 : La seconde raison, c’st pour faire, avec l’aide de Dieu, quelque chose qui plaise à notreseigneur le comte et à ceux de son conseil ; car, s’il plait à Dieu, il pourra apprendre dans ce librecomment il devra garder et faire garder les coutumes de sa terre, la comté de Clermont, de sorte queses hommes et le menu peuple puissent vivre en paix au-dessous de lui et qu’ainsi tricheurs et friponssoient démasqués et repoussés (« boutés arrière ») par le droit et la justice du comte. §4 : La troisième raison, c’est qu’il va de soi que nous avons mieux en mémoire ce que nousavons vu pratiquer et juger depuis notre enfance en ce pays-ci plutôt qu’en d’autres dont nousn’avons appris ni les coutumes ni les usages. §6 : Et (…) nous entendons appuyer principalement ce libre sur les jugement qui ont été rendus denotre temps en ladite comté de Clermont ; et aussi pour partie sur les clairs usages et clairescoutumes qui y ont été de tout temps observés et pratiqués ; et pour partie, dans les cas douteux enladite comté, sur les jugements rendus dans les châtellenies voisines ; et (enfin) sur le droit qui estcommun à tous au royaume de France (…). §7 : (…) Il m’est avis, que ces coutumes qui sont maintenant en usage, il est bon et profitable deles écrire et de les enregistrer de façon qu’elles soient maintenus sans plus changer dorénavant ; car,comme les mémoires sont chancelantes et la vie des hommes courte, ce qui ‘est pas écrit est bientôtoublié. On le voit bien, les coutumes sont si diverses que l’on ne pourrait pas trouver au royaume deFrance deux châtellenies qui usent dans tous les cas d’une même coutume. (…) Chapitre I. - De l’office du Bailli § 29 : Quiconque entre en office de baillie doit jurer sur les (reliques des) saints qu’il gardera le droit de son seigneur et d’autrui, qu’il ne prendra rien pour faire droit ou faire tort et qu’il maintiendra une droite et loyale justice. Et quand il a fait ce serment, il doit œuvrer de manière à ne pas être parjure (…). § 31 : Parce que ce serait chose trop longue et trop pénible pour les hommes qui font les jugements de mettre en jugement tous les cas qui viennent devant le bailli, celui-ci doit s’efforcer d’expédier les affaires quand il sait ce qu’il faut faire selon la coutume, et quand la chose est claire et évidente. Mais ce qui est douteux, et les affaires importantes (« grosses querelles ») doivent être mises en jugement. Et il ne convient pas que l’on mette en jugement les cas qui ont déjà été jugés autrefois, même si le jugement a été fait par d’autres personnes, car l’on ne doit pas faire plusieurs jugements pour un même cas. (…) Chapitre XXIV. - De coutumes et d’usages

§ 683 : La coutume est prouvée de deux manières. C’est d’abord lorsqu’elle est générale dans toute lacomté et qu’elle existe depuis longtemps que quiconque peut s’en souvenir sans contestation. (…) Etl’autre manière de reconnaître une coutume, c’est, lorsqu’il y a eu contestation sur une coutume alléguéepar une partie, l’approbation de cette coutume en justice, comme il est advenu bien des fois en partages desuccession et en autres querelles. Voilà les deux voies pour prouver une coutume. Et ces coutumes(prouvées), le comte est tenu de les garder et faire garder par ses sujets de telle façon que nul ne lescorrompe. Et si le comte lui-même voulait les corrompre ou souffrait qu’elles fussent corrompues, le Roi nele devrait pas souffrir, car il est tenu de garder et faire garder les coutumes de son royaume.

18

Page 20: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 6

La royauté capétienne

19

Page 21: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

La fonction royale

JONAS D’ORLÉANS, De l’institution royale (IXe siècle)

La fonction de roi consiste à gouverner et régir le peuple de Dieu en équité et justice et en sorteque tous s’appliquent à cultiver la paix et la concorde. En conséquence, lui-même doit d’abord être le défenseur de l’Église et des serviteurs de Dieu.Son devoir est de favoriser avec sagacité le salut et le ministère des prêtres, il doit garder par sesarmes et par sa protection, l’Église du Christ, défendre la misère, les veuves, les orphelines et tousautres pauvres et tous indigents. Sa crainte et son soin doivent être autant que possible d’empêcher d’abord l’injustice, ensuite, aucas où celle-ci se réaliserait, ne lui permettre de durer en aucune manière et ne laisser à personnel’espoir d’échapper ou l’audace de mal faire, mais que tous sachent que si quelque méfait par euxcommis, parvient à sa connaissance, celui-ci ne demeurera ni sans châtiment, ni sans vengeance,mais que selon la nature du fait, s’établira la mesure du juste châtiment, c’est pourquoi le roi a étéplacé sur le trône du gouvernement pour mener à bien les jugements droits, de telle sorte que par lui-même il veille et s’informe afin que nul dans l’exercice de la justice qu’il administre, dans le cadre desfonctions à lui commises, ne s’écarte de la vérité et de l’équité. Il doit savoir en effet que la cause qu’il administre, dans le cadre des fonctions à lui commises,n’existe pas en tant que cause des hommes, mais comme cause de Dieu, à qui en raison de lafonction qu’il a reçue, il devra rendre des comptes au jour terrible du jugement.

Le caractère électif de la royauté

ADHÉMAR DE CHABANNES, Chronique

À cette époque, Aldebert, comte de Périgord, qui était le fils de Boson le vieux et d’une sœur deBernard du nom d’Emma, avait porté la guerre sous les murs de Poitiers et se comportait envainqueur. S’étant emparé aussi de Tours par un siège, il en avait reçu la soumission pour la donner àFoulques, comte d’Anjou. Mais ce dernier n’avait pas tardé à s’aliéner les habitants, et Eudes deChampagne était entré dans la place. Aldebert remit le siège devant la ville ; alors le roi Hugues etRobert on fils ne craignirent pas de le menacer d’une guerre ; ils lui tinrent ce propos : “ Qui t’as faitcomte ? ” Aldebert de rétorquer : “ Qui vous a fait rois ? ”.

Association au trône et suzeraineté

SUGER, abbé de Saint-Denis (†1151), La Geste de Louis VI1, Chapitre III

Ainsi le jeune et renommé Louis, agréable, aimable et bienveillant (au point que certaines gens letenaient pour simple) devenait adulte. Illustre et courageux défenseur du royaume paternel, ilpourvoyait aux intérêts des églises et, ce qui durant longtemps n’avait pas été dans les habitudes,veillait à la tranquillité du clergé, des travailleurs et des pauvres. Or il advint en ce temps que des différends surgirent à propos de certaines coutumes entre l’abbéde Saint-Denis Adam et Bouchard, homme noble, seigneur de Montmorency. L’effervescence etl’irritation devinrent à ce point pénibles que, tout lien d’hommage rompu, les anciens alliés entrèrenten conflit par les armes, les combats et le feu. Le bruit de cette affaire parvint aux oreilles deMonseigneur Louis, qui, dans son indignation, eut peine à tolérer pareille chose. Sans retard, il fitsemondre ce Bouchard à comparaître devant son père au château de Poissy pour y être jugé. Ayantperdu son procès, Bouchard ne voulut pas exécuter la sentence portée par jugement. On ne le retintpas : ce n’est pas la coutume des Français ; mais s’étant retiré, il vit bientôt quel dommage, quelleruine mérite de la part de la majesté royale l’insubordination des sujets. En effet, le jeune et fameux prince porta immédiatement les armes contre lui et aussi contre sesalliés et complices, car Bouchard s’était adjoint Mathieu, comte de Beaumont, et Dreu de Mouchy,vaillants hommes et belliqueux [1101] ; il ravagea la terre de Bouchard et, détruisant les lieux fortifiéset les basses-cours à l’exception des donjons, la mit dans le pire état, l’accablant sous le poids desincendies, de la faim, des coups d’épée. De l’intérieur du château on faisait pareillement des effortspour résister. Alors, avec les chevaliers français et flamands, ceux de son oncle Robert et les sienspropres, il mit le siège tout autour. Par ces coups et d’autres semblables, écrasants pour Bouchard, il

1 Louis VI le Gros, roi de France (1108-1137), fils de Philippe Ier

20

Page 22: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

humilia celui-ci, le courba sous sa volonté et son bon plaisir, et apaisa, en obtenant satisfaction,

la querelle qui avait causé les troubles.

21

Page 23: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

Procès verbal du couronnement de Philippe Ier (1059)

L’an de l’Incarnation du Seigneur 1059, indiction douze, vingt-huitième du règne du roiHenri finissant ce jour, dix des calendes de juin, la quatrième année de l’épiscopat deGervais ; le saint jour de Pentecôte, le roi Philippe a été sacré par l’archevêque Gervaisdans l’église cathédrale, devant l’autel de Notre-Dame selon l’ordre suivant. La messecommencée, avant la lecture de l’épître le seigneur archevêque se tourna vers le roi et luiexposa la foi catholique, lui demandant s’il y croyait et s’il la voulait défendre. Sur sa réponseaffirmative, on lui présenta la professio ; l’ayant acceptée, il en fit lui-même la lecture, bienqu’il ne fût alors âgé que de sept ans et il la souscrivit. Cette professio était ainsi : “ MoiPhilippe, par la faveur de Dieu bientôt futur roi de France, en ce jour de mon ordination jepromets devant Dieu et devant ses saints de conserver à chacun de vous le privilègecanonique, la foi qui lui est due et la justice ; d’être leur défenseur autant que je le pourraiavec l’aide de Dieu, comme il est juste qu’un roi agisse en son royaume, en faveur dechaque évêque et de l’Église à lui commise ; d’accorder aussi au peuple qui nous est confié,de notre autorité, des lois conformes à ses droits ”. Cette lecture achevée, le roi déposacette promesse entre les mains de l’archevêque, en présence d’Hugues de Besançon, légatdu pape Nicolas II. Étaient également présent : Hermafroi, évêque de Sion, Mainardarchevêque de Sens, Barthélémy, archevêque de Tours, Heddon évêque de Soissons,Roger, évêque de Chalons, Elinand, évêque de Laon, Baudoin évêque de Noyon, Riolant,évêque de Senlis, Lietbert, évêque de Cambrai, Guy, évêque d’Amiens, Aganon évêqued’Autun, Hardouin, évêque de Langres, Achard, évêque de Chalon-sur-Saône, Isembert,évêque d’Orléans, Imbert, évêque de Paris, Gautier, évêque de Meaux, Hugues, évêque deNevers, Geoffroy, évêque d’Auxerre, Hugues, évêque de Troyes, Itier, évêque de Limoges,Guillaume, évêque d’Angoulême, Arnoul, évêque de Saintes, Werec, évêque de Nantes,enfin les abbés de Saint-Remi, Saint-Benoît-sur-Loire, Saint-Denis, etc. L’archevêqueGervais prit en main le bâton pastoral de saint Remi et exposa, au milieu du plus grandcalme, pour quelles raisons il avait le droit d’élire et de consacrer le roi, depuis que saintRemi avait baptisé et consacré Clovis. Il montra ensuite comment le pape Hormisdas avaitdonné à saint Remi ce droit de consécration en même temps que la primatie de toute laGaule et comment le pape Victor lui avait renouvelé ce privilège à lui et à son église. Alorsavec le consentement de son père Henri, l’archevêque procéda à l’élection royale dePhilippe. Après lui, les légats du Siège romain quoiqu’il eût été dit expressément que cettecérémonie pouvait avoir lieu sans l’assentiment du pape, les légats y assistèrent cependantpour faire honneur au prince et lui témoigner son affection. Après eux, l’archevêque et lesévêques, les abbés et les clercs. Ensuite Gui, duc d’Aquitaine. Après, Hugues, fils et envoyédu duc de Bourgogne. Après, les envoyés du marquis Baudouin et ceux de Geoffroy, comted’Anjou. Ensuite le comte Raoul de Valois, Herbert de Vermandois, Gui de Ponthieu,Guillaume de Soissons, Renaud, Roger, Manassé, Hilduin, Guillaume d’Auvergne, Aldebertde la Marche, Foulques d’Angoulême, le vicomte de Limoges. Après, les chevaliers et lepeuple, tant grand que menu, donnant leur consentement d’une seule voix, approuvèrent encriant trois fois : “ Nous approuvons, nous voulons qu’il en soit ainsi. ” Alors Philippe renditlui-même un précepte, comme avaient fait ses prédécesseurs, concernant les biens deNotre-Dame, le comté de Reims, les biens de Saint-Rémi et d’autres abbayes. Il le confirmaet souscrivit. L’archevêque souscrivit également. Il l’établit grand chancelier comma avaienttoujours fait ses prédécesseurs pour les archevêques de Reims. Il fut ensuite consacré.L’archevêque revint à son trône, fit apporter le privilège du pape Victor et en fit donnerlecture en présence des évêques. Cette cérémonie s’accomplit dans le recueillement, sanstrouble et sans que personne fit la moindre opposition.

22

Page 24: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 7

Les lois fondamentales du royaume

23

Page 25: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

Chronique dite de Jean de Venette (vers 1345-1368)

À la mort du roi Charles (IV), les barons furent convoqués pour traiter de la garde duroyaume. En effet, comme la reine était enceinte et que l’on ne pouvait préjuger du sexe del’enfant, personne n’osait, à titre précaire, assumer les prérogatives royales. Toute laquestion était de savoir à qui, par droit de proximité, devait être confiée la garde duroyaume, surtout en raison du principe que dans le royaume de France la femme n’a pasaccès personnellement au pouvoir royal. De leur côté, les Anglais déclaraient que leur jeune roi Édouard était le plus procheparent, en tant que fils d’une fille de Philippe le Bel (Isabelle) et par conséquent neveu dufeu roi Charles. Si donc la reine ne mettait pas au monde un enfant mâle, ce prince devraitassumer la garde et même le gouvernement du royaume, plutôt que Philippe, comte deValois, qui n’était que cousin germain du défunt. Nombre de juristes compétents en droit canon et en droit civil s’accordèrent cependant àdéclarer qu’Isabelle, reine d’Angleterre, fille de Philippe le Bel et sœur du feu roi Charles,était écartée de la garde et de la conduite du royaume non en raison de son degré deparenté, mais à cause de son sexe : à supposer qu’elle eût été homme, la garde et legouvernement lui eussent été attribués. La polémique devait se poursuivre quand fut posée la question du trône. Les Françaisn’admettaient pas sans émotion l’idée d’être assujettis à l’Angleterre. Or si le fils d’Isabelleavait quelque droit à alléguer, il tenait ce droit de sa mère : or, sa mère n’avait aucun droit. Ilen allait donc de même du fils. Autrement c’eût été admettre que l’accessoire l’emportait surle principal. Cette sentence ayant été retenue comme la plus sensée et adoptée par les barons, lagarde du royaume fut donnée à Philippe, comte de Valois, et il reçut alors le titre de régentdu royaume.

Le « Honteux traité de Troyes » (Mai 1420)

Charles par la grâce de Dieu, roi de France […] Premièrement que, pour ce que parl’alliance de mariage faite pour le bien de la dite paix en notre dit fils le roi Henri et notre trèschère et très aimée fille Catherine, il est devenu notre fils […] — 6. Item, est accordé quetantôt après notre trépas et dés lors en avant, la couronne et le royaume de France, avectous leurs droits et appartenances demeureront et seront perpétuellement à notre dit fils leroi Henri et ses hoirs. — 7. Item, que pour ce que nous sommes tenus et empêchés le plusdu temps, par telle manière que nous ne pouvons en notre personne entendre ou vaquer àla disposition des besognes de notre royaume, la faculté et exercice de gouverner etordonner la chose publique dudit royaume seront et demeureront, notre vie durant, à notredit fils le roi Henri, avec le conseil des nobles et sages du royaume […] — 12. Item, quenotre fils labourera de son pouvoir, et le plutôt que faire se pourra profitablement, à mettreen notre obéissance toutes et chacunes villes cités et châteaux, lieux, pays et personnesdedans notre royaume, désobéissants à nous et rebelles, tenant le parti ou étant du partivulgairement appelé du Dauphin ou d’Armagnac … — 29. Item, considéré les horribles eténormes crimes et délits perpétrés audit royaume de France, par Charles, soit -disantdauphin de Viennois, il est accordé que nous, ni notre dit fils le roi Henri, ni aussi notre trèscher Philippe, duc de Bourgogne, ne traiterons aucunement de paix ou de concorde avecledit Charles, ne ferons ou ferons traiter, sinon du conseil et assentiment de tous et chacunde nous trois et des trois États des deux royaumes dessus dits.

24

Page 26: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

L’édit de Moulins (février 1566)

1. Le domaine de notre couronne ne peut être aliéné qu’en deux cas seulement, l’un pourapanage des puînés mâles de la maison de France, auquel cas il y a retour à notrecouronne par leur décès sans mâles, en pareil état et condition qu’était ledit domaine lors dela concession de l’apanage, nonobstant toutes dispositions, possession, acte exprès outaisible fait ou intervenu pendant l’apanage ; l’autre pour l’aliénation à deniers comptantspour la nécessité de la guerre, après lettres patentes pour ce décernées et publiées en nosparlements, auquel cas il y a faculté de rachat perpétuel. — 2. Le domaine de notrecouronne est entendu comme celui qui est expressément consacré, uni et incorporé à notrecouronne, ou qui a été tenu et administré par nos receveurs et officiers pendant l’espace dedix ans et est entré en ligne de compte. — 3. De pareille nature et condition sont les terresautrefois aliénées et transférées par nos prédécesseurs rois, à la charge de retour à lacouronne, en certaines conditions de mâles ou autres semblables. — 4. Ne pourra notredomaine être baillé à ferme ou louage, sinon au plus offrant et dernier enchérisseur ; et nepourront les fruits des fermes ou louages dudit domaine être données à quelque personne,ni pour quelque cause que ce soit ou puisse être ; pareillement ne seront baillés aucunesexemptions des paiements des droits appartenant et dépendant dudit domaine en quelqueforme ou façon que ce soit. — 5. Défendons à nos cours de parlements et chambres descomptes d’avoir aucun égard aux lettres patentes contenant aliénation de notre domaine etfruit de celui-ci, hors des cas susdits, pour quelque cause et temps que ce soit, encore quece fût pour un an, et leur est inhibé de procéder à l’entérinement et vérification d’icelles. Etne sont tenues pour valablement entérinées celles qui auront ci-devant été octroyées, sinonqu’elles eussent été vérifiées tant en nos dites cours de parlements que chambres descomptes, et par chacune desdites cours et chambres : et ne sera par vertu de celles-ciaucune chose allouée aux comptes des officiers comptable dudit domaine. — 6. Ceux quidétiennent le domaine de notre couronne sans concession valable dûment vérifiée,autrement que dessus, seront condamnés et tenus rendre les fruits perçus depuis leur induepossession et jouissance : non seulement depuis la saisie qui sera faite depuis la réunion,mais aussi depuis leur jouissance ou de leurs prédécesseurs, sans qu’ils se puissentexcuser de bonne foi, quelque titre ou concession qu’ils aient de nos prédécesseurs ou denous […]. — 17. Les terres domaniales ne se pourront dorénavant aliéner par inféodation àvie, à long temps ou perpétuité, ou condition quelle que ce soit. Au contraire, elles sebailleront à ferme à notre profit comme nos autres terres et droits : et de pareille façon serausé ès terres sujettes à retour à notre couronne, et ce sans préjudice des inféodations déjàfaites, pour le regard desquelles enjoignons à nos procureurs de s’enquérir bien etdiligemment de la cause et forme, pour en faire telle poursuite que de raison.

Arrêt dit « Lemaistre » rendu le 28 juin 1593 par le Parlement de Paris

Sur la remontrance ci-devant faite à la cour par le procureur général du roi et la matièremise en délibération, ladite cour, toutes chambres assemblées, n’ayant, comme elle n’ajamais eu, autre intention que de maintenir la religion catholique, apostolique et romaine etl’État royal et Couronne de France sous la protection d’un bon roi très chrétien, catholique etfrançais, a ordonné et ordonne que remontrances seront faites cette après-dîner par MaîtreJean Lemaistre, président, assisté d’un bon nombre de conseillers en ladite cour, à Monsieurle lieutenant général du royaume*, en présence des princes et officiers de la Couronne étantà présent en cette ville, à ce qu’aucun traité ne se fasse pour transférer la Couronne en lamain de prince ou princesse étrangers ; que les lois fondamentales de ce royaume soientgardées et les arrêts donnés par ladite cour pour déclaration d’un roi catholique et françaisexécutés ; et qu’il ait à employer l’autorité qui lui est commise pour empêcher que, sousprétexte de la religion, la Couronne ne soit transférée en main étrangère contre les lois duroyaume ; et pourvoir le plus promptement que faire se pourra au repos et soulagement dupeuple, pour l’extrême nécessité en laquelle il est réduit. Et néanmoins, dès à présent, laditecour déclare tous traités faits et à faire ci-après pour l’établissement de prince ou princesseétrangers, nuls et de nul effet et valeur, comme faits au préjudice de la loi salique et autreslois fondamentales de l’État.

25

Page 27: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

L’édit de Marly pris par Louis XIV en Juillet 1714

Louis […]. L’affection que nous portons à notre très cher et bien-aimé fils Louis-Auguste deBourbon, duc du Maine, et à notre très cher et bien-aimé fils Louis-Alexandre de Bourbon, comtede Toulouse, nous a engagé à les légitimer et à leur donner le nom de Bourbon par nos lettresdes mois de Décembre 1673 et novembre 1681 […]. Nous avons aussi estimé devoir les fairejouir des prérogatives et avantages dus à leur naissance en leur accordant au mois de mai 1694des lettres pour tenir, eux et leur descendants en légitime mariage, le premier rangimmédiatement après les princes de sang royal […]. Mais, voulant leur donner encore de plusgrandes marques de notre tendresse et de notre estime, nous croyons devoir porter nos vuesplus loin en leur faveur, en pourvoyant en même temps à ce que nous croyons être du bien et del’avantage de notre État. Et quoique par le grand nombre de princes du sang dont la maisonroyale est présentement composée, il y ait tout lieu d’espérer que […] la couronne y demeurerapendant une longue suite de siècles, une sage prévoyance exige néanmoins de notre amourpour la tranquillité de notre royaume que nous prévenions les malheurs et les troubles quipourraient y arriver, si tous les princes de notre maison royale venaient à manquer ; ce qui feraitnaître des divisions entre les grands seigneurs du royaume et donnerait lieu à l’ambition pours’assurer la souveraine autorité par le sort des armes et par d’autres voies également fatales àl’État. La crainte d’un si triste événement […] nous engage d’assurer à notre royaume dessuccesseurs qui y soient déjà fortement attachés par leur naissance et de désigner ceux à quicette couronne devra être dévolue dans les temps à venir, s’il arrivait qu’il ne restât pas un seulprince légitime du sang et de la maison de Bourbon pour porter la couronne de France ; nouscroyons qu’en ce cas l’honneur d’y succéder serait dû à nos dits enfants légitimés et à leurenfants et descendants mâles nés en légitime mariage […]. Pour ces causes […], déclarons etordonnons par le présent Édit, perpétuel et irrévocable, que si, dans la suite des temps, tous lesprinces légitimes de notre auguste maison de Bourbon venaient à manquer en sorte qu’il n’enrestât pas un seul pour être héritier de notre couronne, elle soit dans ce cas dévolue et déféréede plein droit à nos dits fils légitimés et à leurs enfants et descendants mâles à perpétuité […],les déclarant par ces présentes capables, au cas seulement de manquement de tous les princeslégitimes de notre sang, de succéder à la couronne de France exclusivement à tous autres…

Claude Leprestre, Questions notables de droit, Paris, éd. 1663, p. 226-229.

Après la mort de Louis le Hutin, laissant une seule fille de sa première femme etClémence sa seconde femme, enceinte, les barons et seigneurs de la France ordonnèrentque Philippe, son frère, serait déclaré régent ; afin que, si Clémence accouchait d'un fils, ilcontinuât la régence jusqu'à la majorité de l'enfant et que, si elle accouchait d'une fille, il fûtdéclaré roi […]. Le fils qui naquit de Clémence, nommé Jean, ne vécut que huit jours etPhilippe fut reconnu roi. Eudes, duc de Bourgogne, voulut défendre le droit au royaume pourJeanne (sa nièce), la fille de Louis le Hutin, alléguant que le droit lui ordonnait de succéder àson père qui n'avait ni fils, ni plus proche héritier qu'elle. La chronique non imprimée de cetemps écrit : « on lui opposa que les femmes ne devaient point succéder au royaume deFrance, sans pouvoir pourtant en apporter de preuves évidentes ». Cette chronique ne faitaucune mention de la loi salique […]. Charles le Bel, frère de Philippe, lui succéda auroyaume en excluant les filles de Philippe qui ne lui en firent d'ailleurs aucune controverse.Mais après la mort de Charles le Bel, qui avait laissé sa femme enceinte (et accoucha d'unefille), la dispute se renouvela plus fort que jamais entre Philippe de Valois son cousin, etÉdouard, roi d'Angleterre, son neveu. Philippe de Valois défendait son droit par la loi saliquequi donnait la succession de la couronne au plus proche parent mâle du défunt. Édouarddéniait la loi salique […]. Les raisons de l'un et l'autre ayant été entendues en assembléesdes États généraux, au jugement desquels ils s'étaient remis, il y eut décision au profit dePhilippe de Valois […].

26

Page 28: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 8

La monarchie administrative

27

Page 29: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

Pierre de l’Estoile, Journal - Extraits (vers 1345-1368)

On fit aussi en ce temps, en France, un parti de la justice en l’édit de Paulet, tout proprepour la ruiner et l’abolir : car la dispense des quarante jours que les officiers achètent fera,comme dit quelqu’un, qu’ils se dispenseront aisément de bien faire, et feront porterinjustement au peuple le tribut annuel qu’elle leur coûte, tout ainsi qu’ils ont déjà fait et fontencore tous les jours : et encore que la dispense dise que c’est pour donner cœur auxofficiers de bien servir, conservant par ce moyen leurs offices, si est-ce comme dit quelqu’un(qu’il y a apparence) qu’ils ne suivront jamais le sens de la lettre pour les garder pluslongtemps ; mais s’en serviront à la même intention des partisans ; c’est-à-dire pour faireleur profit. Et c’est à craindre que les gens de bien même ne soient contraints d’en userainsi, pour l’incommodité que cette rente et surcharge leur apportera. Il y a encore deuxautres inconvénients (…) qui proviendront de cette dispense : c’est qu’elle rendra tousoffices patrimoniaux aux officiers, et diminuera d’autant l’autorité du roi, les tirants du pouvoirde sa Majesté. L’autre inconvénient sera un vrai établissement de l’ignorance, et parconséquent, de toute confusion : car ils ont comme en héritage, par ce bon règlement, ceque par la science ils doivent acquérir. C’est une partie des raisons qui courent, et qu’on afait entendre au roi même sur l’établissement de ce nouvel édit partisan.

François Ier, Ordonnance sur le fait de la justice (Villers-Cotterêts, août 1539)in Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789, Paris, Belin-Leprieur, 1828, t XlI, p.600-602, p.610-611.

François […] Sçavoir faisons à tous présens et advenir que, pour aucunement pourvoir aubien de notre justice, abréviation des procès et soulagement de nos sujets, avons, par éditperpétuel et irrévocable, statué et ordonné, statuons et ordonnons les choses qui s'ensuivent : 1. C'est à sçavoir que nous avons défendu et défendons à tous nos sujets de ne faire citer ni convenir les laïcs pardevant les juges d'Église ès actions pures personnelles, sur peine de perdition de cause et d'amende arbitraire. 2. Et avons défendu à tous juges ecclésiastiques de ne bailler ni délivrer aucunes citations verbalement ou par écrit, pour faire citer nosdits sujets purs lays èsdites matières pures personnelles, sur peine aussi d'amende arbitraire. […] 4. Sans préjudice toutefois de la juridiction ecclésiastique ès matières de sacrement et autres pures spirituelles et ecclésiastiques, dont ils pourront connaître contre lesdits purs laïcs selon la forme de droit, et aussi sans préjudice de la juridiction temporelle et séculière contre les clercs mariés et non mariés, faisans et exerçans états ou négociations, pour raisons desquels ils sont tenus et ont accoutumé de répondre en cour séculière, où ils seront contraints de ce faire, tant ès matières civiles que criminelles, ainsi qu'ils ont fait par ci-devant. 5. Que les appellations comme d'abus, interjettées par les prêtres et autres personnes ecclésiastiques, ès matières de discipline et correction ou autres pures personnelles et non dépendantes de réalité, n'auront aucun effet suspensif ; ainsi nonobstant lesdites appellations et sans préjudice d'icelles, pourront les juges d'Église passer outre contre lesdites personnes ecclésiastiques. […] 50. Que des sépultures des personnes tenans bénéfices sera faict registre en forme de preuve, par les chapitres, collèges, monastères et cures, qui fera foi et pour la preuve du temps de la mort, duquel temps sera fait expresse mention esdicts registres, et pour servir au jugement des procès où il seroit question de prouver ledit temps de la mort […]. 51. Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps et l'heure de la nativité, et par l'extraict dudict registre se pourra prouver le temps de la majorité ou minorité, et fera pleine foy à ceste fin […]. 53. Et lesquels chapitres, couvents et cures seront tenus mettre lesdicts registres par

chacun an par devers le greffe du prochain siège du bailli ou sénéschal royal, pour y estre

28

fidèlement gardés et y avoir recours quand mestier et besoin sera […].

Page 30: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD - 2017/2018

29

L1 S1 - IHD – 2018/2019

La séance du Parlement de Paris, dite « séance de la flagellation », du 3 mars 1766

Lorsque le roi a été monté sur les hauts-sièges ... s'étant assis et couvert il a dit : «J'entends que la présente séance ne tire pas à conséquence ... Messieurs, je suis venu moi-même répondre à vos remontrances. Monsieur de Saint-Florentin s'étant approché du roi,ayant mis un genou à terre, a pris des mains de S. M. la réponse, et ayant repris sa place,l'a fait passer au sieur Joly de Fleury, ... qui en a fait la lecture ainsi qu'il suit : […] Je ne souffrirai pas qu'il se forme en mon royaume une association qui ferait dégénéreren une confédération de résistance le lien naturel des mêmes devoirs et des obligationscommunes, ni qu'il s'introduise dans la Monarchie un corps imaginaire qui ne pourrait qu'entroubler l'harmonie. La magistrature ne forme point un corps, ni un ordre séparé des troisordres du royaume ; les magistrats sont les officiers chargés de m'acquitter du devoirvraiment royal de rendre la justice à ses sujets, fonction qui les attache à ma personne et quiles rendra toujours recommandables à mes yeux. Je connais l'importance de leurs services : c'est donc une illusion, qui ne tend qu'àébranler la confiance par de fausses alarmes, que d'imaginer un projet formé d'anéantir lamagistrature et de lui supposer des ennemis auprès du trône; ses seuls, ses vrais ennemissont ceux qui, dans son propre sein lui font tenir un langage opposé à ses principes ; qui luifont dire que tous les parlements ne font qu'un seul et même corps, distribué en plusieursclasses; que ce corps, nécessairement indivisible est de l'essence de la Monarchie et qu'il luisert de base ; qu'il est le siège, le tribunal, l'organe de la Nation ; qu'il est le protecteur et ledépositaire essentiel de sa liberté, de ses intérêts, de ses droits; qu'il lui répond de ce dépôt,et serait criminel envers elle s'il l'abandonnait ; qu'il est comptable de toutes les parties dubien public, non seulement au roi, mais aussi à la Nation ; qu'il est juge entre le roi et sonpeuple ; que, gardien respectif : il maintient l'équilibre du gouvernement, en réprimantégalement l'excès de la liberté et l'abus de pouvoir ; que les parlements coopèrent avec lapuissance souveraine dans l'établissement des lois ; qu'ils peuvent quelquefois, par leur seuleffort s'affranchir d'une loi enregistrée et la regarder à juste titre comme non existante ; qu'ilsdoivent opposer une barrière insurmontable aux décisions qu'ils attribuent à l'autoritéarbitraire et qu'ils appellent des actes illégaux, ainsi qu'aux ordres qu'ils prétendent surpris,et que, s'il en résulte un combat d'autorité, il est de leur devoir d'abandonner leurs fonctionset de se démettre de leurs offices, sans que leur démission puisse être reçue. Entreprendre d'ériger en principes des vérités si pernicieuses, c'est faire injure à lamagistrature, démentir son institution, trahir ses intérêts, et méconnaître les véritables loisfondamentales de l'État ; comme s'il était permis d'oublier que c'est en ma personne seuleque réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l'esprit de conseil, dejustice, de raison ; que c'est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leurautorité ; que la plénitude de cette autorité, qu'elles n'exercent qu'en mon nom, demeuretoujours en moi, et que l'usage n'en peut jamais être tourné contre moi; que c'est à moi seulqu'appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage ; que c'est par ma seuleautorité que les officiers de mes cours procèdent, non à la formation, mais àl'enregistrement, à la publication, à l'exécution de la loi, et qu' il leur est permis de meremontrer ce qui est du devoir de bons et utiles conseillers; que l'ordre public tout entierémane de moi et les droits et les intérêts de la Nation, dont on ose faire un corps séparé dumonarque, sont nécessairement unis avec les miens et ne reposent qu'en mes mains. Les remontrances seront toujours reçues favorablement quand elles ne respireront quecette modération qui fait le caractère du magistrat et de la vérité, quand le secret enconservera la décence et l'utilité, et quand cette voie si sagement établie ne se trouvera pastravestie en libellés, où la soumission à ma volonté est présentée comme un crime ... ; mais,si après que j'ai examiné, ces remontrances et qu'en connaissance de cause j'ai persistédans mes volontés, mes cours persévéraient dans le refus de s'y soumettre, au lieud'enregistrer du très exprès commandement du roi, formule usité pour exprimer le devoir del'obéissance, la confusion et l'anarchie prendraient la place de l'ordre légitime, et lespectacle scandaleux d'une contradiction rivale de ma puissance souveraine me réduirait àla triste nécessité d'employer tout le pouvoir que j'ai reçu de Dieu pour préserver mespeuples des suites funestes de ces entremises…

30

Page 31: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

SÉANCE 9

L’État moderne

31

Page 32: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

Les attributs du pouvoir souverain

GUY COQUILLE, Institution au droit français

Le roi est monarque et n’a point de compagnon en sa majesté royale. Les honneursextérieurs peuvent être communiqués par les rois à leurs femmes, mais ce qui est demajesté représentant sa puissance et dignité réside inséparablement en sa seule personne.Aussi, en l’assemblée des États à Orléans, les gens du Tiers État n’estimèrent raisonnableque le titre de majesté fut attribué à la reine, veuve et mère du roi […]. L’un des principauxdroits de la majesté et autorité du roi est de faire des lois et ordonnances générales pour lapolice universelle de son royaume. Les lois et ordonnances des rois doivent être publiées etvérifiées en parlement ou en autre cour souveraine, selon le sujet de l’affaire ; autrement lessujets n’en sont liés ; et, quand la cour ajoute à l’acte de publication que ç’a été de l’exprèsmandement du roi, c’est une marque que la cour n’a pas trouvé l’édit raisonnable […].L’autre chef de la majesté, autorité et dignité royale est d’interdire et commander la guerrecontre autres seigneurs souverains, qui est une forme de justice. Quand un seigneursouverain refuse de faire raison à l’autre souverain, il est loisible de le contraindre à cetteraison par la force des armes […]. L’autre droit royal est le domaine de la couronne […].C’est aussi droit royal l’investiture que tous les évêques nouvellement institués doiventprendre du roi et lui prêtant serment de fidélité […]. L’autre droit de royauté est que le roi estprotecteur et conservateur des églises de son royaume, non pas pour y faire lois en ce quiconcerne le fait des consciences et la spiritualité, mais pour maintenir l’Église en ses droitset anciennes libertés […]. Faire monnaie d’or et d’argent ou de métaux mêlés et alloyés estaussi droit de royauté […]. Il y a une autre sorte de droit royal, qui consiste en octroi degrâces et dispenses contre le droit commun, comme sont les légitimations des bâtards,naturalisations des aubains et étrangers, anoblissement des roturiers, amortissements,rémissions pour homicides, concessions de privilèges à villes, communautés et universités,concessions de foires et marchés, concession de faire ville close avec forteresse et d’avoircorps et communauté […]. L’autre grand droit royal est qu’au roi seul appartient de leverdeniers et espèces sur ses sujets.

Les “ Trois propositions ” de Bossuet

BOSSUET, Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, III

PREMIÈRE PROPOSITION : L’autorité royale est sacrée. — Dieu établit les rois comme ses ministreset règne par eux sur les peuples. Nous avons déjà vu que toute puissance vient de Dieu. “ Leprince, ajoute saint Paul, est ministre de Dieu pour le bien. Si vous faites mal, tremblez ; car cen’est pas en vain qu’il a le glaive : et il est ministre de Dieu, vengeur des mauvaises actions. ”Les princes agissent donc comme ministres de Dieu et ses lieutenants sur la terre. C’est par euxqu’il exerce son empire. “ Pensez-vous pouvoir résister au royaume du Seigneur, qu’il possèdepar les enfants de David ? ” C’est pour cela que nous avons vu que le trône royal n’est pas letrône d’un homme, mais le trône de Dieu même. […] Et enfin qu’on ne croit pas que cela soitparticulier au Israélites d’avoir des rois établis de Dieu, voici ce que dit l’Ecclésiastique : “ Dieudonne à chaque peuple son gouverneur ; et Israël lui est manifestement réservé. ” Il gouvernedonc tous les peuples, et leur donne à tous leurs rois, quoiqu’il gouverne Israël d’une manièreplus particulière et plus déclarée. DEUXIÈME PROPOSITION : La personne des rois est sacrée. — Ilparaît de tout cela que la personne des rois est sacrée, et qu’attenter sur eux c’est un sacrilège.Dieu les fait oindre par ses prophètes d’une onction sacrée, comme il fait oindre les pontifes etses autels. Mais même sans l’application extérieure de cette onction, ils sont sacrés par leurcharge, comme étant les représentants de la majesté, députés par la providence à l’exécution deses desseins […]. TROISIÈME PROPOSITION : On doit obéir au prince par principe de religion et deconscience. — Saint Paul après avoir dit que le prince est le ministre de Dieu, conclut ainsi : “ Ilest donc nécessaire que vous lui soyez soumis non-seulement par la crainte de sa colère, maisencore par l’obligation de votre conscience. ” C’est pourquoi “ il le faut servir, non à l’œil, commepour plaire aux hommes, mais avec bonne volonté, avec crainte, avec respect, et d’un cœursincère comme à Jésus Christ ” […]. C’est pourquoi saint Pierre dit : “ Soyez donc soumis pourl’amour de Dieu à l’ordre qui est établi parmi les hommes : soyez soumis au roi comme à celuiqui a la puissance suprême, et à ceux à qui il donne son autorité comme étant envoyés

32

Page 33: INTRODUCTION · 2018-09-25 · UNIVERSITÉ PARIS VIII - VINCENNES SAINT - DENIS INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE Fascicule de Travaux Dirigés 2018 - 2019

L1 S1 - IHD – 2018/2019

de lui pour la louange, des bonnes actions, et la punition des mauvaises. ” Quand même ilsne s’acquitteraient pas de ce devoir, il faut respecter en eux leur charge et leur ministère. “Obéissez à vos maîtres, non seulement à ceux qui sont bons et modérés, mais encore àceux qui sont fâcheux et injustes. ” Il y a donc quelque chose de religieux dans le respectqu’on rend au prince. Le service de Dieu et le respect pour les rois sont choses unies ; etsaint Pierre met ensemble ces deux devoirs : “ Craignez Dieu, honorez le roi. ” Aussi Dieu a-t-il mis dans les princes quelque chose de divin. “ J’ai dit : Vous êtes des dieux, et vous êtestous les enfants du Très-Haut. ” C’est Dieu même que David fait parler ainsi. De là vient queles serviteurs de Dieu jurent par le salut et la vie du roi, comme par une chose divine etsacrée. Urie parlant à David : “ Par votre salut et par la conservation de votre vie, je ne feraipoint cette chose… ” C’est donc l’esprit du christianisme de faire respecter les rois avec uneespèce de religion, que le même Tertullien appelle très bien “ la religion de la secondemajesté ”. Cette seconde majesté n’est qu’un écoulement de la première ; c’est-à-dire de ladivine, qui pour le bien des choses humaine, a voulu faire rejaillir quelque partie de son éclatsur les rois. Jean BODIN, Les six livres de la République (1576)

I. – 1. La république est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur estcommun, avec puissance souveraine […].- 9. La souveraineté est la puissance absolue etperpétuelle d’une République […], elle n’a d’autre condition que la loi de Dieu et de la nature necommande. Il faut que ceux-là qui sont souverains ne soient aucunement sujets aucommandement d’autrui et qu’ils puissent donner loi aux sujets et casser ou anéantir les loisinutiles pour en faire d’autres, ce que ne peut faire celui qui est sujet aux lois ou à ceux qui ontcommandement sur lui. C’est pourquoi la loi dit que le prince est absous de la puissance des loiset ce mot de loi emporte aussi en latin le commandement de celui qui a la souveraineté […].Aussi voyons-nous à la fin des édits et ordonnances ces mots : “ Car tel est notre plaisir ”, pourfaire entendre que les lois du prince souverain, ores qu’elles fussent fondées en bonnes et vivesraisons, néanmoins qu’elles ne dépendent que de sa pure et franche volonté […]. Quant aux loisqui concernent l’état du royaume et l’établissement de celui-ci, d’autant qu’elles sont annexées etunies avec la couronne, le Prince n’y peut déroger, comme est la Loi salique, et quoi qu’il fasse,toujours le successeur peut casser ce qui aura été fait au préjudice des lois royales […]. - 11. Lapremière marque du prince souverain, c’est la puissance de donner loi à tous en général et àchacun en particulier, qui est incommunicable aux sujets […]. Sous cette même puissance dedonner et casser la loi sont compris tous les autres droits et marques de souveraineté […],comme décerner la guerre ou faire la paix, connaître en dernier ressort des jugements de tousmagistrats, instituer et destituer les plus grands officiers, imposer ou exempter les sujets decharges et subsides, octroyer grâces et dispenses contre la rigueur des lois, hausser ou baisserle titre, valeur et pied des monnaies[…]. II. – 1. Puisque nous avons parlé de la souveraineté et des marques et droits de celle- ci, il faut voir en toute République ceux qui tiennent la souveraineté pour juger quel est l’État[…]. Il n’y a que trois États ou trois sortes de République, à savoir la monarchie, l’aristocratie et la démocratie : la monarchie s’appelle quand un seul à la souveraineté […] et que le reste du peuple n’y a que voir ; la démocratie ou l’état populaire, quand tout le peuple ou la plupart de celui-ci en corps a la puissance souveraine ; l’aristocratie, quand la moindre partie du peuple a la souveraineté en corps et donne loi au reste du peuple […]. - 2. Nous avons dit que la monarchie est une sorte de République en laquelle la souveraineté absolue gît en un seul Prince […] ; toute monarchie est seigneuriale ou royale ou tyrannique […]. La monarchie royale ou légitime est celle où les sujets obéissent aux lois du monarque et le monarque aux lois de la nature, demeurant la liberté naturelle et la propriété des biens aux sujets. La monarchie seigneuriale est celle où le prince est fait seigneur des biens et des personnes par le droit des armes et de bonne guerre, gouvernant ses sujets comme le père de famille ses esclaves. La monarchie tyrannique est celle où le monarque, méprisant les lois de nature, abuse des personnes libres comme d’esclaves et des biens des sujets comme des siens…

33