Immobilier tertiaire et investissement : asset ou share deal ......collection guide-annuaire 2011...

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COLLECTION GUIDE-ANNUAIRE 2011 DÉCIDEURS : STRATÉGIE FINANCE DROIT 30 IMMOBILIER & CONSTRUCTION PAROLES D’EXPERTS L’optimisation d’un investissement immobilier passe avant tout par l’analyse des critères de choix entre l’investissement direct dit « asset deal » et l’investissement à travers une structure juridique dédiée dit « share deal », prenant la forme géné- ralement d’une SCI ou d’une SAS. Pour mener à bien un investissement immobilier, il convient d’identifier les critères de choix entre ces deux formes d’acquisition.Préalablement à l’opération d’acquisition, il est indispensable de déterminer quel sera le schéma d’acquisition le plus adapté, asset ou share deal, de sorte qu’une phase d’analyse des critères de choix sera nécessaire. Les intervenants Dans un asset deal intervient un notaire qui est cosignataire de l’acte d’acquisition. Cet officier ministé- riel va procéder à des vérifications quant à la situation du bien immo- bilier au regard notamment de la propriété, de sa construction, du respect des règles d’urbanisme, de l’existence d’une copropriété, d’une situation locative, de servitudes et d’inscriptions hypothécaires, de l’état sanitaire du bien (diagnostics, mesurages, …), et des questions liées à la pollution et à l’environne- ment. Dans un share deal, un avo- cat intervient car les vérifications purement immobilières qui sont de même nature que celles énon- cées dans l’asset deal, devront être complétées d’un audit tenant à la structure de détention, au droit des sociétés, à la fiscalité et voire dans certains cas au droit social. La documentation juridique Dans un asset deal, le notaire prépare un acte authentique qui est norma- lisé, assorti de garanties et d’obliga- tions légales. À l’inverse, dans un share deal, hormis la propriété des titres composant le capital social de la structure de détention, il n’existe ni normalisation ni garantie légales. Il doit donc être prévu un proces- sus similaire à celui de n’importe quelle acquisition de société, c’est- à-dire la rédaction et la négociation détaillées d’un contrat d’acquisition et d’un contrat de garanties d’actifs et de passifs, outre la garantie de la garantie. Le processus d’acquisition Le travail est en conséquence beau- coup plus important dans le cas du share deal que dans celui de l’asset deal, mais le délai de réalisation ne dépend que de la diligence et de la célérité des intervenants, tandis que le notaire devra accomplir des formalités légales qui prennent au minimum deux mois correspondant notamment à la purge de droits de préemption. La structure du financement Dans un asset deal, le financement pourra être adossé directement aux biens et droits immobiliers, tant sur les actifs que sur les fruits locatifs par l’intermédiaire d’ins- criptions hypothécaires. L’acquisi- tion d’une structure de détention posera une problématique de financement plus complexe, pas- sant soit par un refinancement de la dette préexistante au sein de la structure d’acquisition, soit par la mise en place d’une dette cor- porate dont les garanties offertes aux prêteurs sont nécessairement moins sécurisées et donc plus dif- ficiles à obtenir, puisque la prise de sûretés sur les actifs d’une société acquise doit tenir compte de la protection de l’intérêt social Immobilier tertiaire et investissement : asset ou share deal ? L’asset deal est réalisé avec un notaire, dans un cadre contractuel normé, et le share deal réalisé avec un avocat, dans un cadre contractuel plus flexible. Le choix entre l’investissement immobilier en asset deal ou en share deal doit être effectué selon des critères tenant à la structure de financement et à la fiscalité de la cession subséquente, et s’inscrit dans un processus de nature différente. Sarah Lugan, Diplôme supérieur du Notariat NMW avocats est un cabinet résolument pluridisciplinaire et tourné vers un seul secteur d’activité économique, qui est celui de l’immobilier. L’accompagnement passe par la compréhension de la stratégie et des objectifs des clients. La culture des clients conditionne l’approche, plus ou moins agressive ou conservatrice par exemple, selon le profil. SUR L’AUTEUR

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IMMOBILIER & CONSTRUCTION • PAROLES D’EXPERTS

L’optimisation d’un investissement immobilier passe avant tout par l’analyse des critères de choix entre l’investissement direct dit «  asset deal  » et l’investissement à travers une structure juridique dédiée dit « share deal », prenant la forme géné-ralement d’une SCI ou d’une SAS. Pour mener à bien un investissement immobilier, il convient d’identifier les critères de choix entre ces deux formes d’acquisition.Préalablement à l’opération d’acquisition, il est indispensable de déterminer quel sera le schéma d’acquisition le plus adapté, asset ou share deal, de sorte qu’une phase d’analyse des critères de choix sera nécessaire.

Les intervenantsDans un asset deal intervient un notaire qui est cosignataire de l’acte d’acquisition. Cet officier ministé-riel va procéder à des vérifications quant à la situation du bien immo-bilier au regard notamment de la propriété, de sa construction, du respect des règles d’urbanisme, de

l’existence d’une copropriété, d’une situation locative, de servitudes et d’inscriptions hypothécaires, de l’état sanitaire du bien (diagnostics, mesurages, …), et des questions liées à la pollution et à l’environne-ment. Dans un share deal, un avo-cat intervient car les vérifications purement immobilières qui sont de même nature que celles énon-cées dans l’asset deal, devront être complétées d’un audit tenant à la structure de détention, au droit des sociétés, à la fiscalité et voire dans certains cas au droit social.

La documentation juridiqueDans un asset deal, le notaire prépare un acte authentique qui est norma-lisé, assorti de garanties et d’obliga-tions légales. À l’inverse, dans un share deal, hormis la propriété des titres composant le capital social de la structure de détention, il n’existe ni normalisation ni garantie légales. Il doit donc être prévu un proces-sus similaire à celui de n’importe quelle acquisition de société, c’est-

à-dire la rédaction et la négociation détaillées d’un contrat d’acquisition et d’un contrat de garanties d’actifs et de passifs, outre la garantie de la garantie.

Le processus d’acquisition Le travail est en conséquence beau-coup plus important dans le cas du share deal que dans celui de l’asset deal, mais le délai de réalisation ne dépend que de la diligence et de la célérité des intervenants, tandis que le notaire devra accomplir des formalités légales qui prennent au minimum deux mois correspondant notamment à la purge de droits de préemption.

La structure du financement Dans un asset deal, le financement pourra être adossé directement aux biens et droits immobiliers, tant sur les actifs que sur les fruits locatifs par l’intermédiaire d’ins-criptions hypothécaires. L’acquisi-tion d’une structure de détention posera une problématique de financement plus complexe, pas-sant soit par un refinancement de la dette préexistante au sein de la structure d’acquisition, soit par la mise en place d’une dette cor-porate dont les garanties offertes aux prêteurs sont nécessairement moins sécurisées et donc plus dif-ficiles à obtenir, puisque la prise de sûretés sur les actifs d’une société acquise doit tenir compte de la protection de l’intérêt social

Immobilier tertiaire et investissement : asset ou share deal ?

L’asset deal est réalisé avec un notaire, dans un cadre contractuel normé, et le share deal réalisé avec un avocat, dans un cadre contractuel plus flexible. Le choix entre l’investissement immobilier en asset deal ou en share deal doit être effectué selon des critères tenant à la structure de financement et à la fiscalité de la cession subséquente, et s’inscrit dans un processus de nature différente.

Sarah Lugan, Diplôme supérieur du Notariat

NMW avocats est un cabinet résolument pluridisciplinaire et tourné vers un seul secteur d’activité économique, qui est celui de l’immobilier. L’accompagnement passe par la compréhension de la stratégie et des objectifs des clients. La culture des clients conditionne l’approche, plus ou moins agressive ou conservatrice par exemple, selon le profil.

SUR L’AUTEUR

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31collection guide-annuaire 2011 décideurs : stratégie finance droit

de ladite société, distinct de celui des investisseurs.

La fiscalitéEn matière de droits de muta-tion, dans le cas de l’asset deal, les frais correspondent soit à la TVA si l’achat intervient dans les cinq ans de l’achèvement de l’im-meuble (outre les émoluments au taux de 0,825 %1, frais et débours du notaire, la taxe de publicité fon-cière au taux de 0,715 %, le salaire du conservateur au taux de 0,1 %), soit lorsque le délai de cinq ans est écoulé, aux droits de mutation au taux de 5,09 %. En matière de share deal, ce coût doit être comparé au cas par cas. En effet, l’acquisition de parts composant le capital social d’une société à prépondérance immobilière est soumise au taux de 5%, et les droits de mutation sont minorés du montant des dettes de la société acquise. Ainsi, le différentiel

de coût est plus ou moins impor-tant selon que la société acquise a été financée par fonds propres ou par endettement notamment sous forme de crédits bancaires ou de compte-courant d’associés. Côté investisseur, pour anticiper la ces-sion future de l’immeuble au sein d’une structure juridique dédiée, on privilégiera le financement par endettement à celui par fonds propres. En effet, le financement par endettement offrira au cession-naire futur à la fois une capacité de refinancement hypothécaire plutôt que corporate, et une minoration des droits de mutation applicables à la cession.La question de la base amortissable pour l’acquéreur était dans le passé un élément important à prendre en compte, cet argu-ment jouant en faveur de l’asset deal, grâce à l’amortissement des constructions.Cette question est passée au second plan, pour deux

raisons : la première, tenant à l’éva-luation, depuis la mise en œuvre de l’approche « par composants », qui conduit à constater que l’accroisse-ment de valeur en matière immo-bilière est plus lié au foncier, non amortissable, qu’aux constructions, amortissables, de sorte que l’acqué-reur d’un bien ne peut souvent pas amortir beaucoup plus que le ven-deur ; et la seconde, qui résulte de ce que de plus en plus d’acquéreurs ont la qualité de SIIC, d’OPCI ou de SCPI, et ne tirent donc, du fait de leur exonération ou transparence fiscale, aucun avantage particulier de l’amortissement des construc-tions. L’imposition du cédant, minorée en application de l’article 210 E du Code général des impôts, précisément s’il est à l’IS et cède à une SIIC, un OPCI ou une SCPI, n’est pas non plus déterminante, depuis que la cession des sociétés à prépondérance immobilière est éli-gible à l’article 210 E au même titre que la cession directe de l’immeuble sous-jacent. Au final, la détention au sein d’une structure juridique dédiée type OPCI ou SCPI, pour un patrimoine d’une certaine taille, ne se justifie que pour des immeubles d’une valeur importante, en prenant soin de procéder à un financement essentiellement par endettement. En effet, le coût de la gestion de chaque structure juridique est également un élément à prendre en compte, maintenant que les systèmes de ges-tion analytique disponibles pour les investisseurs immobiliers permettent de mesurer la contribution détaillée de chaque immeuble détenu par une structure juridique donnée.

LES POINTS CLÉS Pour qu’un share deal soit efficace, le processus de collecte de la documentation juridique et d’analyse

juridique doit être équivalent au contrôle exercé par le notaire dans le cadre de l’asset deal.

Le share deal est dans la majorité des cas privilégié par le rôle de la dette dans le schéma fiscal. Il est cependant à maîtriser en raison des garanties demandées par les institutions financières en matière lors de financement.

1 Décret n° 2011-188 du 17 février 2011 modifiant le décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires.©

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omPar Sarah Lugan. NMW Avocats