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HAL Id: pasteur-01348191 https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-01348191 Submitted on 22 Jul 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial| 4.0 International License Histoire de l’anaphylaxie et de l’allergie Bernard David To cite this version: Bernard David. Histoire de l’anaphylaxie et de l’allergie. 39ème journée du GAICRM - groupe- ment d’allergologie et d’immunologie clinique du Rhône Moyen, Apr 2016, Rochegude, France. 27 p. pasteur-01348191

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Submitted on 22 Jul 2016

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Histoire de l’anaphylaxie et de l’allergieBernard David

To cite this version:Bernard David. Histoire de l’anaphylaxie et de l’allergie. 39ème journée du GAICRM - groupe-ment d’allergologie et d’immunologie clinique du Rhône Moyen, Apr 2016, Rochegude, France. 27 p.�pasteur-01348191�

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39e journée du GAICRM Symposium du 2 avril 2016 Rochegude

Histoire de l’anaphylaxie et de l’allergie

Professeur Bernard DAVID Institut Pasteur Quand on analyse l’histoire des sciences et de la médecine, jl est très difficile d’interpréter les écrits antérieurs à l’imprimerie, surtout quand les néologismes utilisés ont été créés au début du siècle dernier comme l’anaphylaxie et l’allergie. Je laisserai donc de côté la préhistoire pour évoquer en guise de prologue une recherche clinique très élaborée sur un état considéré morbide par Bostock la fièvre des foins en 1819. En 1831 Elliotson, dans une courte note, incrimina nettement les pollens, mais c’est C.H. Blackley qui en 1865, étudiant la Hay Fever, en détermina scientifiquement la cause. II constata que « les inhalations de pollens produisaient toujours chez les patients des symptômes caractéristiques dont l'intensité était en relation directe avec la quantité de pollen en suspension dans l'air; et que la chaleur, la lumière, la poussière, les substances odorantes ne suffisaient pas pour déterminer un accès de fièvre des foins ». II démontra l'action des pollens des graminées fleurissant en Angleterre en mai et juin, et, d'autre part, il prouva que ces graminées forment les 95% des pollens en suspension dans l'air les collectant par des cerfs-volants comportant des lames glycérinées. On peut considérer qu’il est le précurseur de la recherche clinique intégrant la cause et la caractérisation des symptômes, l’expérimentation clinique (également sur lui-même), la détection des pollens et leur analyse et enfin le diagnostic. Ce fut lui, qui le premier, appliqua la cuti-réaction

La Hay Fever intitulé rhume des foins en France ( parfois l'asthme des foins) devient le modèle clinique idéal parfaitement étudié qui illustrera en premier la découverte scientifique de l’anaphylaxie en 1902 Il est curieux qu'en France à la même époque l'existence de l'asthme des foins ait été mise en doute. En 1872-1873 Strauss et Decaisne refusent d'admettre que le rhume des foins soit une véritable entité morbide. A Montpellier, en 1872, la thèse de Bouffier intitulée Asthme de foin faillit être refusée sans l'intervention d’un professeur de clinique à cette Faculté. La médecine française prenait déjà son retard dans le développement des sciences biologiques malgré Claude Bernard, Louis Pasteur, E. Roux, A. Yersin, E. Metchnikoff. L’ère de l’anaphylaxie 1902-1930

1 Les découvertes

En 1898, Charles Richet lui-même, étudiant avec J. Héricourt les effets du sérum d'anguille sur les chiens, avait observé que la seconde injection rend ces animaux malades et les fait dépérir. Les auteurs de ces observations isolées n'avaient pas saisi l'importance de ce phénomène qu'ils ne considéraient que comme une curiosité

Le 15 février 1902, Charles Richet et Paul Portier, dans une note publiée à la Société de Biologie de Paris, établissaient qu'une substance, insuffisante à tuer ou même à rendre malade un chien normal, détermine des accidents foudroyants et mortels chez cet animal si, quelque temps auparavant, il a reçu cette même substance. Pour la première fois le phénomène reçoit un nom "anaphylaxie", en opposition à la "prophylaxie", qui était attendue dans le cadre d'une démarche vaccinale.

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Charles Richet et Paul Portier

Les circonstances de la découverte de l'anaphylaxie sont généralement connues. Elles tiennent à la fois du hasard, d'un conte de fées et d'un trait de génie.Au cours d'une croisière faite en 190l sur le yacht du prince Albert de Monaco, le Prince Albert et le Dr Jules Richard, ami du Prince, conseillèrent à Richet et Portier d'étudier les propriétés toxiques des Physalies qu'on appelle aussi « anémones de mer » ou « orties de mer ». à cause des réactions cutanées douloureuses et cuisantes qu'elles provoquent. Lors de leur retour en France, ils décidèrent de poursuivre leurs recherches sur le mécanisme d'action des extraits de ces Cœlentérés. Ne pouvant pas se procurer de Physalies, ils entreprirent des recherches sur les Actinies, relativement abondantes sur les rivages français.En cherchant à établir la dose toxique des extraits d'Actinies, Richet et Portier virent tout de suite qu'il fallait attendre plusieurs jours avant de conclure, car beaucoup d'animaux injectés ne moururent que quelques jours après l'injection. Ils gardèrent donc des chiens qui avaient été injectés avec une dose non mortelle d'extrait, afin de les réinjecter après leur rétablissement avec une dose plus é1evée. Par la même occasion, ils voulurent vérifier s'il était possible d'immuniser l'animal contre ces substances venimeuses. C'est alors que se présenta un fait imprévu: le chien Neptune apparemment guéri, se montra d'une sensibilité extraordinaire et succomba lors de la deuxième injection, en quelques minutes, après inoculation d'une dose minime du même extrait L'observation la plus importante pour la suite des travaux consacrés aux mécanismes de l'anaphylaxie est la démonstration du transfert passif de l'état de sensibilisation à l'aide du sérum de l'animal qui a reçu la première injection. Les expérimentations furent réalisées par Maurice Nicolle, Charles Richet et par M.J. Rosenau et J.F. Anderson). Ainsi fut découverte l'anaphylaxie en 1902. Avec la découverte dc l'anaphylaxie se posa brutalement l'ensemble du problème de l'hypersensibilité. La découverte surprit : on cherchait l‘immunité et on découvrit l'hypersensibilité. Cette nouvelle forme de réaction biologique fut tellement inattendue qu'il fallut forger un nouveau terme pour la désigner. L'étymologie de l'anaphylaxie indique implicitement la surprise de ceux qui ont découvert le phénomène.

Mais Charles Richet ne fut pas seulement un éminent savant, il était aussi un homme érudit, passionné de littérature et de philosophie et de ce que l’on appelle aujourd’hui les sciences humaines. Scientifique et médecin digne de la lignée des Louis Pasteur et Claude Bernard, il a, par son courage et sa noblesse de caractère, œuvré pour le bien de l’humanité non seulement par une découverte unique en ce début de siècle qu’est l’anaphylaxie, mais aussi par son action militante en faveur de la justice sociale, de la santé pour tous et de la paix dans le monde.

Paul Portier fut à la fois un grand savant, un éminent physiologiste, un authentique chef d'école et un homme d'une grande modestie. II a apporté des renseignements d'un intérêt considérable sur la physiologie des mammifères marins, les régulations biochimiques et respiratoires des insectes au cours dc leur croissance et de leur métamorphose, la régulation du milieu intérieur des téléostéens…En 1958, lors du III ° Congrès International d'Allergologie à Paris organisé par Bernard Halpern, un hommage officiel lui fut rendu. Bien qu’aveugle et pratiquement sourd, il accepta l’invitation et son allocution reçut une émouvante ovation dans la salle où était présent Sir Henry Dale qui était parmi ceux qui applaudirent, debout.

Maurice Arthus

En 1903, un an après la découverte de Richet et Portier, faite chez les chiens avec des substances toxiques, Maurice Arthus étudia l’anaphylaxie du lapin. II allait montrer que des substances non toxiques, telles que le sérum de cheval, pouvaient sensibiliser et que le phénomène principal du choc anaphylactique chez le lapin était la chute de pression artérielle. Il voulut ensuite révéler une anaphylaxie locale en injectant au lapin à plusieurs reprises (tous les six jours), du sérum de cheval

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en injection sous-cutanée ; à la quatrième injection apparait au point injecté une induration inflammatoire et à la septième, une plaque de gangrène. En réalité, ce phénomène désigné sous le nom de phénomène d'Arthus, ne correspond pas à une anaphylaxie locale mais à une réaction due à la formations de complexes immuns ( complexe antigène-anticorps) comme la maladie sérique qui seront répertoriés bien plus tard dans le type III des hypersenbilités en 1963

Alexandre Besredka

En 1907, A. Besredka, travaillant à Paris, à l'Institut Pasteur, faisait une découverte capitale. Un cobaye anaphylactisé au sérum de cheval, après avoir reçu une certaine dose, non mortelle, de ce sérum sous la peau, se trouve de ce fait en état de supporter, quelques heures après, une ou même deux doses mortelles de sérum. Il décrit à ce moment, se référant aux travaux de Richet et Portier, les citant et les commentant le choc anaphylactique dénomination par tous acceptée et dont il est le parrain incontesté. « Le tableau clinique de l'anaphylaxie est celui que nous montre le cobaye et que 1'on désigne aujourd'hui communément, sur notre proposition, sous le nom de choc anaphylactique ». I1 en décrit les analogies avec le choc du chien (Richet), du lapin, du bœuf, du cheval et de l'homme, (se référant au mémoire de Von Pirquet et de Schick). Le souci de la préservation contre ces accidents apparait immédiatement Un cobaye anaphylactisé au sérum de cheval, après avoir reçu une certaine dose, non mortelle, de ce sérum sous la peau, se trouve de ce fait en état de supporter, quelques heures après, une ou même deux doses mortelles de sérum. « Si l'on veut préserver contre plusieurs doses mortelles, on utilisera des doses subintrantes : au lieu d'une seule injection de sérum, on en fera deux, trois ou même quatre ; à chaque nouvelle injection qui suit de quelques minutes la précédente, on augmentera la dose de sérum et, comme chaque nouvelle injection renforce la résistance, on arrivera très rapidement à créer un état réfractaire d'une solidité remarquable » A. Besredka poursuivit l'étude de cette prévention de l'anaphylaxie et proposa le terme d'antianaphylaxie : c'est donc à juste titre à lui que le procédé de vaccination par les petites doses préalables revient. (Technique ou méthode de Besredka). Clemens von Pirquet

En 1903, Clemens Von Pirquet en administrant à des enfants du sérum de cheval immunisé contre les bactéries pathogènes constate que cette immunisation passive ne protège pas tous les enfants, car certains réagissent violemment aux injections. En se fondant simplement sur des observations cliniques, il en déduit qu’ils se sont sensibilisés contre le sérum. Il décrit en 1906 avec Bela Shick, ce qu’il appelle la maladie sérique (Réaction retardée : urticaire, douleurs articulaires, atteintes rénales, fièvres…) et émet comme hypothèse l’existence de réactions pathogènes liées aux anticorps au lieu des réactions immunes normales. Ces étranges réactions où l’immunité est différente lui suggèrent un terme "allergie" (allos-autre, ergon- réaction) tiré du grec comme l’avait fait Charles Richet pour anaphylaxie. Ce terme paraîtra dans un ouvrage publié en 1910. Il reflète la proposition d'une théorie uniciste associant immunité et hypersensibilité. Etymologiquement, le mot désigne une réaction différente lors d'un deuxième contact avec la même substance (antigénique) par rapport au premier contact. Von Pirquet admet que la maladie sérique peut être due à l'action de précipités d'antigènes et d'anticorps. Il semble que Charles Richet ait finalement adhéré à cette hypothèse en proposant en 1907 que l'anaphylaxie puisse représenter un moyen de défense rapide vis-à-vis des faibles doses de toxine, permettant ainsi à l'immunité de se développer.

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Henry H. Dale La démonstration du transfert passif de l'état de sensibilisation à l'aide du sérum de l'animal qui a reçu la première injection ((Maurice Nicolle, Ch. Richet, M.J. Rosenau et J.F. Anderson) a permis de confirmer l'hypothèse que les facteurs sériques, soit des anticorps en solution dans le sérum, devaient se fixer très fortement à des tissus et résister au lavage pour que la réaction anaphylactique ait lieu. En effet, William Schultz en 1910 montra que des segments d'intestins de cobayes sensibilisés et soigneusement lavés, se contractaient après l'addition d'un antigène spécifique mais pas avec un antigène non-spécifique. C’est le grand physiologiste anglais Sir H. H. Dale qui a isolé la substance responsable, l’histamine, (1910 Ackermann), et qui a montré avec Laidlaw les puissants effets vasoactifs qu'elle exerçait sur la microcirculation, les muscles lisses et les sécrétions digestives. Enfin il a établi le rôle de l'histamine dans le choc anaphylactique, point de départ des recherches sur les antihistaminiques de synthèse. Vers 1920, C. H. Best, H. H. Dale et leurs collaborateurs ont mis en évidence et localisé cette amine biogène dans les tissus animaux et humains, ce qui est en faveur de sa fonction physiologique réelle

2 les expériences cliniques

Désensibilisation spécifique par injections préventives d’extraits polliniques

C'est à la voie sous-cutanée que l'on a eu recours et qui était actuellement utilisée d'une façon courante en Amérique. En 1903, à Hambourg Dunbar a essayé d'adapter le concept de l'immunité protectrice également au traitement du rhume des foins. Il extrait du pollen de certaines plantes (seigle, orge, blé, riz, maïs) une substance qu'il considère comme une toxine et provoque avec cet extrait, à n'importe quelle époque, des symptômes typiques du rhume des foins. Il chercha à immuniser les chevaux pour préparer un sérum antitoxique lequel ne s’avéra pas efficace. Néanmoins, on lui doit d’avoir préconisé la voie sous-cutanée pour injecter des extraits polliniques aux patients. Les bases du traitement moderne par les injections sous-cutanées de pollen.de graminées ne seront établies qu’en 1911 par Leonhard Noon et John Freeman. Leonard Noon - probablement après avoir lu le travail et les expériences d’A. Besredka - a eu le courage d’effectuer chez l’homme un travail de pionnier sur l'immunothérapie spécifique de l'allergène en utilisant des extraits de pollen de graminées. Tout d'abord, il devait préparer des extraits de divers pollens (standardisés en créant des unités, unité Noon) et trouver la bonne dilution dans des tests cutanés, avant qu'il commence à traiter des patients souffrant de rhume des foins. Pour mesurer l'effet, il avait l’habitude de pratiquer des tests de provocation conjonctivale en administrant des gouttelettes de différentes dilutions d'extrait dans l'œil du patient et en évaluant des rougeurs et l'intensité de la réaction inflammatoire. Son excellent travail de recherche clinique fut publié dans la revue Lancet en 1911. Malheureusement, Noon mourut très jeune atteint de tuberculose et son travail fut poursuivi par son collègue John Freeman qui codifia la technique d’injection et en trois ans traita 84 malades. L’évaluation des résultats cliniques obtenus avec succès furent publiés la même année dans Lancet. J. Freeman ajouta que pour permettre un traitement désensibilisant vraiment efficace, il était nécessaire de faire le diagnostic précis des pollens sensibilisateurs et que c’était aux cuti-réactions qu’on devait s'adresser puisqu'elles sont suffisamment sensibles pour différencier les pollens entre eux. De très nombreux auteurs se servirent de cette méthode. A.-F. Coca, H.-A. Cooke, M. A.Ramirez, K. Prausnitz…

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Immunologie et hypersensibilité

Le premier département d'immunologie a été fondé en 1919 à New York au Cornell Medical College et placé sous la direction de Robert A. Cooke. Avec son adjoint Arthur F. Coca (le fondateur du Journal of Immunology), ils développèrent une clinique d'allergologie avec un recrutement d'asthmes, de dermatites de contact, de rhumes des foins et de maladies sériques. Ils introduisirent la pratique systématique des tests intradermiques et la purification des antigènes. Ils furent les premiers à décrire la prédisposition génétique aux maladies allergiques en créant le terme d'atopie pour désigner cette condition. En France, F.Widal, Abrami et Pasteur Vallery-Radot, déclarent que le seul fait de pouvoir se sensibiliser semble être une marque d'un état pathologique qui parait transmissible héréditairement. La parenté évidente de l’asthme, du rhume des foins, de l'urticaire, de la migraine et leur constatation si fréquente dans certaines familles montrent bien que parmi tous ces organismes pourtant soumis à l’inhalation des mêmes particules, à l’ingestion des mêmes aliments, seuls sont susceptibles de s’y sensibiliser ceux qui offrent à l’anaphylaxie un terrain propice ». Il est possible qu’il y ait chez certains sujets une prédisposition héréditaire. Cooke et Vander Veer en 1917 relevèrent l’hérédité chez 50% environ des 504 malades atteints de rhume des foins étudiés par eux. Scheppegrell en 19l8 étudiant, 4l5 cas de fièvre des foins trouve que 36,5% des parents au premier degré (père, mère, frères, sœurs) souffrent ou ont souffert de la maladie. Cette très forte interaction avec la clinique, que l'on retrouve chez certains allergologistes autrichiens et allemands, allait permettre des progrès importants dans ce domaine. C'est ainsi qu'en 1921, Cari Prausnitz et Heinz Küstner, reproduisirent, chez l’homme, le transfert passif de l’anaphylaxie réalisé chez l’animal en 1907. Le Dr Carl Prausnitz s’injecta dans le derme du sérum de Heinz Küstner qui était allergique au poisson suivie 24h plus tard par l'injection de l'allergène, dans ce cas un extrait de poisson, à l’endroit de la première injection provoquant immédiatement une réaction correspondant à de l’urticaire. Cette expérience fut considérée d’emblée comme un test diagnostique in vivo sous le nom de PK dans le monde entier durant 60 ans. Cet événement ne pouvait s’expliquer que par la présence dans le sérum de Küstner d’un facteur capable d’entraîner une réaction cutanée immédiate. Ce facteur fut baptisé plus tard réagine, par référence aux rougeurs visibles sur la peau. D’ailleurs, c'est en utilisant cette réaction que Kimishige et Teruko Ishizaka découvrirent que les anticorps responsables de la réaction anaphylactique étaient bien les réagines, correspondant à une nouvelle classe d'immunoglobulines qui seront nommées IgE en 1967

Arthur Coca et Robert Cooke publièrent nouvelle classification des phénomènes d'hypersensibilité qu’il était souvent difficile à discerner tandis que la pollinose déjà en 1923 (J Immunol ) représentait un modèle idéal vu les connaissances acquises en recherche clinique à la fin du siècle dernier et fut considérée comme le chef de file des « maladies » anaphylactiques Robert Doerr fut le premier à exprimer fortement la nécessité d’établir une classification des phénomènes d’hypersensibilité. Il proposa dès 1923 de regrouper ces phénomènes sous le « terme allergie » qui avait été introduit par von Pirquet ; or des symptômes tels que le rhume des foins, l’asthme, l’urticaire, survenant chez des patients hypersensibles aux protéines naturelles de l’environnement semblaient correspondre aux travaux scientifiques réalisés chez l’animal décrits par Richet et Portier qu’ils avaient intitulé anaphylaxie. « Il n’est pas douteux, écrivait Charles Richet dans son livre sur l’anaphylaxie en 1911 que certains accidents morbides, qui jusqu’alors n’avaient pas reçu d’explication rationnelle peuvent être interprétés dans le sens d’une réaction anaphylactique. Tout d’abord la sensibilité extraordinaire de certains individus à telles ou telles ingestions alimentaires. De même l’ingestion de certains aliments (viande de porc, fraises, crustacés…) détermine chez certains individus des accidents notables. La maladie des foins, l’asthme essentiel relèvent aussi peut-être de la même cause. »

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Une forte controverse s’engagea entre Doer d’un côté et de l’autre, Cooke et Coca qui avaient proposé un classement axé sur les hypersensibilités divisés en deux groupes, l’un comportant l’anaphylaxie, l’atopie et l’hypersensibilité à l’infection, l’autre à la maladie sérique et dermatitis venenata. Il est vrai que l’anaphylaxie et l’atopie relevaient du même mécanisme et d’une entité clinique le rhume des foins et l’asthme. Jusqu’en 1930, tous les travaux de recherche clinique étaient davantage centrés sur l’anaphylaxie que sur l’allergie comme en témoigne la première page du Journal of Immunology créé en 1913 où les 5 premières publications sont consacrées à l’anaphylaxie ! Finalement, après de multiples débats très houleux, Doer l’emportera et le Journal of Allergy fut fondé 1929 qui abolira l’ère de l’anaphylaxie au profit de l’allergie, excepté en France jusqu’en 1947.

Recherches cliniques en France sur l'anaphylaxie

Si la découverte de l’anaphylaxie en 1902 par Richet et Portier et les travaux scientifiques menés par Arthus, Nicolle et Besredka ont eu retentissement à l’étranger, il n’en fut pas de même en France. Les Ecoles de médecine et l’Académie de Médecine françaises n’étant pas portées sur la Science (Claude Bernard et Louis Pasteur en savent quelque chose) ne furent guère intéressées d’abord par les pollinoses en clinique, par la biologie en général et surtout par la microbiologie l’immunologie qu’ils laissèrent avec plaisir à l’Institut Pasteur. Cette décision explique pourquoi l’immunologie restait occulte et ne paraissait que dans les Annales de l’Institut Pasteur avec la microbiologie. C’est alors qu’à partir de 1911, quelques cliniciens français sous la férule de Fernand Widal vont développer les premières recherches cliniques. qui mèneront son élève Louis Pasteur Vallery-Radot à fonder une véritable école avec son collaborateur P .Blamoutier sur les maladies « anaphylactiques » à la fois cliniques et expérimentales de 1921 à 1947.

Fernand Widal (1862-1929), médecin des hôpitaux de Paris, Professeur de médecine clinique, à l’Hôpital Cochin, membre de l’Académie de médecine et de l'Académie des sciences, auteur du syndrome de Widal, caractérisé par l'association d'asthme, de polypes nasaux et d'intolérance à l'aspirine (1929) fut un extraordinaire chef d’école Ses travaux scientifiques s’étendent de la biologie microbienne (fièvre typhoïde, sérodiagnostic, vaccin), à la néphrologie et à partir de 1914 aux phénomènes anaphylactiques cliniques et biologiques. Il définit la crise hémoclasique et la met en évidence dans un certain nombre d'affections par sensibilisation Il sera considéré comme l’un des premiers à montrer le rôle de l’anaphylaxie en particulier dans l’asthme, le rhume des foins et l’urticaire

Le 13 février 1914, Fernand Widal publiait, avec Pierre Abrami, Et. Brissaud et Ed. Joltrain, l'observation d'un malade atteint d'urticaire géante, récidivante depuis six ans, due à l'ingestion d'albumines d'origine animale. Il mettait en évidence, précédant la crise ortiée, une crise vasculo-humorale, caractérisée par une chute rapide de la pression artérielle, une baisse progressive du chiffre des leucocytes et des troubles de la coagulation sanguine. Ils donnèrent à cet ensemble de troubles le nom de crise hémo-clasique ou mieux colloïdoclasique.

Dans la Presse Médicale du 11 juillet 1914, Widal, avec Lermoyez, P. Abrami, Et. Brissaud et Ed. Joltrain, rapportait l'observation d'un asthmatique, marchand de moutons, dont les crises étaient dues au contact de ces animaux. F.Widal fit venir à l’hôpital Cochin le patient qui amena 30 moutons qui furent enfermés dans une écurie neuve. Le 27 Janvier le patient, après un examen

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clinique et biologique, séjourne dans la pièce où sont enfermés les moutons depuis 2 jours. Toutes les quart-d’ heures, il subit un contrôle vasculo-sanguin (analyse de la crise hémoclasique) et au bout de 2 heures, il a une crise d’asthme typique. C’est le premier test de provocation connu avec méthode et rigueur chez l’homme.

Tandis qu'en France Widal et ses collaborateurs montraient que l'asthme et l'urticaire devaient être considérés comme des phénomènes du même ordre que les phénomènes provoqués chez l'animal sensibilisé par un antigène, les auteurs américains, en particulier Cooke, Coca, Rackemann, indépendamment des travaux français et sans les connaître, utilisant la méthode des cutiréactions et des intradermoréactions , montraient que les sujets atteints de rhume des foins, d'asthme ou d'urticaire étaient sensibilisés à certains antigènes. Ils parlent d'allergie pour rapprocher ces faits de ceux observés en Allemagne par Von Pirquet avec la tuberculine. L'anaphylaxie expérimentale, et l'allergie observée chez l'homme, apparaissaient comme deux modalités d'un processus identique, à l'origine duquel était une hypersensibilité.

Pour conclure ce chapitre, on s’aperçoit que de nombreux travaux entrepris en France dont Fernand Widal fut l’initiateur sont restés dans l’ombre vu le désintérêt des autorités médicales et scientifiques françaises et les difficultés de divulguer à l’étranger les publications en langue française dans des revues moins accessibles que le J. of Immunology et plus tard le J. of Allergy. Il en sera de même jusqu’en 1947. F.Widal décède en 1929 et L.Pasteur Vallery-Radot prend le relai pour développer la clinique, la science, la pédagogie et l’art d’enseigner que lui a transmis son maître. Durant cette période, il aura dirigé la première thèse française sur le rhume des foins dont le livre est paru 1926 rédigé par un pastorien Paul Giroud qui terminera sa carrière pastorienne en 1963 comme chef du service des rickettsioses.

L’ère de l’allergie

La longue marche (1930-1945)

C'est entre les deux guerres mondiales que fut prospecté l'immense domaine de l'allergie en clinique qui s’est développée à partir des solides fondations posées par les chercheurs biologistes et cliniciens de l’époque précédente. Mais, il fallut attendre l’après-guerre pour que naissent de nouvelles grandes découvertes. Cependant, même si la recherche clinique a élargi le champ d’un nouveau type de physiologie et de pathologie, quelques découvertes ont été faites dans les domaines de l’anaphylaxie et de l’immunologie. 1 Domaine de l’anaphylaxie : l’essentiel des recherches fondamentales dans le domaine de l'allergie s'est focalisé pendant cette période sur un facteur sérique libéré par des tissus à l'origine d'une réaction anaphylactique : l’histamine (H Dale 1911). Une confirmation fut donnée par la découverte des substances antagonistes de l'histamine empêchant, de ce fait le choc anaphylactique. C’est à Daniel Bovet (prix Nobel 1957) chercheur à l'Institut Pasteur depuis 1929 et à Anne-Marie Staub, son assistante que l'on doit cette découverte en 1937. Ils découvrirent qu’un dérivé de la diéthylamine le 1571 F doué d'une activité antagoniste à l'égard de la plupart des effets physiologiques de l'histamine, se montrait capable de protéger le cobaye contre deux ou trois doses létales d'histamine et de neutraliser in vitro les effets de l'histamine sur la musculature lisse (intestin, utérus) du cobaye et également empêcher le choc anaphylactique du cobaye sensibilisé. Cependant ces substances étaient toxiques et ne pouvait donc pas être utilisées chez l’homme. Outre

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les antihistaminiques, Daniel Bovet fut considéré comme le fondateur de la chimie thérapeutique, car ses travaux ont porté aussi sur les curarisants de synthèse et les sulfamides avec J. Tréfouël C'est seulement en 1942 que les antihistaminiques de synthèse purent être appliqués à l'allergie humaine grâce aux travaux de Bernard Halpern qui, après deux ans de recherches découvrit dans les laboratoires Rhône-Poulenc, de nouveaux antihistaminiques, en particulier un dérivé de l'aniline, appelé Antergan plus actif sur l'animal et non toxique. Poursuivant ses recherches, après la deuxième guerre mondiale, dans la clinique médicale de l'Hôpital Broussais, (Pr Pasteur Vallery-Radot), il a découvrit un dérivé de la phénothiazine (le 3277 R) encore plus actif, introduit en thérapeutique sous le nom de Phénergan. Ce sont encore les travaux d’Halpern qui ont précisé le mode d'action des antihistaminiques (inhibition compétitive des effets de l’histamine). Les antihistaminiques ont donc été le point de départ de la première thérapeutique pharmacologique appliquée à l’allergie et….l’anaphylaxie.

Repères chronologiques de l’histoire de l’histamine

- 1907 synthèse chimique Windaus, Vogt 1942 antihistaminique (Antergan ) B.Halpern

- 1910 origine organique Ackerman 1953 histamine mastocytaire Riley, West

- 1911 effets anaphylactiques Dale, Laidlaw 1959 dosage fluorimétrique Shore, Burkhalter

- 1912 histamine : amine tissulaire Fühner 1964 histamino libération par les leucocytes -- humains Lichenstein, Osler

- 1927 « triple réponse » Lewis

- 1937 antihistaminique (exp.) Bovet, Staub 1966 concept d’un récepteur H1 Ash, Schild

- 1940 libérations d’histamine in vitro G. Katz 1972 antagoniste H2 (Black et al )

2 Immunologie : étroitement liée à la microbiologie dès l’origine, (vaccins, diagnostic sérologique) s'étaient affrontées les deux théories sur l'immunité cellulaire ( Metchnikoff) et humorale (Bordet). Les anticorps l’ont emporté et sont considérés comme le substrat de l'immunité, mais pour expliquer l’interaction entre l’anticorps et l’agent pathogène (plus tard l’antigène), Paul Ehrlich, en 1900 émet une théorie sélective qui ne sera pas prouvée et ce sont les immunochimistes qui prendront le relai. De1934 à 1938, John Marrack proposera la théorie de la reconnaissance spécifique d’un antigène par un anticorps souris (l'interprétation physicochimique). En 1937 et 1938 deux éminents immunochimistes Mickael Heidelberger et Elvin Kabat, utilisèrent l’ultracentrifugation pour élaborer une théorie de précipitation quantitative du sérum et démontrer que les anticorps sont des protéines. Entretemps, Peter Gorer découvrit l’antigène H-2 de la souris. .Les années suivantes ne seront pas propices pour émanciper les activités scientifiques, médicales, culturelles et autres…

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L’essor de l’anaphylaxie-allergie 1 Situation de la France (1945-1972)

Le statut de l’allergie

C’est Louis Pasteur Vallery-Radot, après avoir fait émerger, grâce F.Widal, l’anaphylaxie qui apportera la majeure partie à la contribution de ce qui deviendra l’allergie clinique, a pendant 20 ans avec Pierre Blamoutier, construit l’édifice de l’allergologie française moderne, malgré l’aveuglement des patrons de la Médecine officielle. En 1946, il a su regrouper tous ceux qui ont bénéficié de son enseignement et de son expérience : anciens élèves, assistants, médecins praticiens hospitaliers, professeurs soit 35 membres fondateurs. En 1947, il fonde la Société Française d'Allergie avec P. Blamoutier, A. Tzanck, E. Sidi, B.-N. Halpern, P. Grabar, Madame A. Holtzer, et J. Sclafer et les cliniciens de toutes les équipes provinciales et parisiennes. Président Fondateur, il présidera la Société de 1947 à 1949 Les premiers secrétaires en seront P. Blamoutier 1947-1959) et J. Sclafer (1960). La première séance de la Société Française d'Allergie s'est tenue à la Clinique propédeutique de l'hôpital Broussais le 17 juin 1947. Pasteur Vallery-Radot ouvre la première consultation hospitalière d'allergie en France, dès 1947, à l'Hospice de Bicêtre, puis, ultérieurement, à l'Hôpital Bichat et à l'Hôpital Broussais dans lequel Bernard Halpern continuera ses recherches et Jean Blamoutier ses consultations. René Wolfromm inaugurera également un centre d’allergologie à l’hôpital Rothschild. L’école Pasteur Vallery-Radot est née et Jacques Charpin viendra les rejoindre après 1950 avant de créer une Consultation d’Allergologie et développer à Marseille ce qui a été initié à Paris. Ensuite, se développèrent en Province après Paris et Marseille d’autres consultations en médecine interne, en pneumologie, en dermatologie…(Lille, Strasbourg, Lyon, Bordeaux …)

L’influence des pionniers de l’allergologie (Vallery-Radot, Blamoutier, Wolfromm, Charpin et Halpern) se concrétisera par des réunions de la Société Française à Paris (communications), un congrès annuel Provincial , des travaux de recherche clinique et scientifique (Bernard Halpern), la création en1961,de la Revue Française d'Allergie par J. Blamoutier, l’organisation à Paris, en Juin 1950, du premier Congrès européen d'Allergie Paris ( hôpital Broussais), et du 3e Congrès international d'allergologie à Paris (1958) ( Pasteur Vallery-Radot B.. Halpern et A. Andrée Holtzer-Decaux). .Jacques Charpin organisera en 1971, à Marseille le 8° Congrès Européen d’Allergologie. Enfin le premier traité en langue française sur « Les maladies Allergiques » (Pasteur Vallery-Radot, P. Blamoutier, R. Wolfromm, J. Charpin et B Halpern parut en1963 et le bilan de la Société Française d'Allergie 20 ans plus tard (1967)comptait 400 Membres parisiens ou provinciaux, auxquels s'ajoutent des Membres Correspondants, de nationalité étrangère

Le statut de l’immunologie en France

L’enseignement de l'immunologie à la faculté de médecine de Paris reste inclus dans celui de la .microbiologie plutôt sous forme de sérologie car et il n'existe aucune chaire française d'immunologie, alors que la première chaire américaine a été fondée en 1924. Quant au CNRS, sa rénovation pour développer les sciences biologiques n’implique pas l'immunologie, même dans la microbiologie alors que l'Institut Pasteur a l'exclusivité de cet enseignement, avec l’accord des autorités médicales et scientifiques, qui fut créé en 1889 par E. Roux et qui en 1950, intitulé le « Grand cours Pasteur » restera le premier cours européen et le seul en France jusqu’en 1971. Il doit être suivi une année pour obtenir les diplômes de microbiologie, biologie moléculaire et d’immunologie. En 1961 c’est la DGRST qui va favoriser l'essor de l'immunologie fondamentale, encore une fois essentiellement pastorienne. (P. Grabar, J.Oudin, AM Staub et S.Avraméas, A. Bussard) et le CNRS suivra son exemple. En 1947,l'Institut National d'Hygiène (l’INH) créé en

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1940 met en place un comité d'études sanitaires destiné à financer la recherche en santé publique. En 1960, l’INH édifie pour B. Halpern l'Institut d'Immunobiologie qui, en plus de ses travaux sur l’anaphylaxie et l’allergie, s’intéresse à la phagocytose et organisera en 1962 un colloque sur le système réticulo-endothélial et immunité. En l’INH devient l’Inserm et Bernard Halpern en dirigera l’unité de recherche « Recherches en immunobiologie » qu’il dirigera jusqu’en 1976. De 1964 à 1969, l’Inserm installe des nouveaux laboratoires de recherche (90) implantés, pour la plupart, dans les CHU de l’Assistance publique de Paris et dans les grands centres hospitaliers régionaux (CHR) . En conclusion, en 1965, la Société Française d'Immunologie est créée à l’Institut Pasteur par Pierre Grabar (premier président) et Marcel Raynaud, bien tardivement, comparée à la fondation des sociétés américaine et britannique (1916,1958) et l'enseignement d'immunologie est organisé en faculté des sciences en 1971, sous l'impulsion de Maxime Seligmann. Enfin la réforme hospitalo-universitaire de Robert Debré en 1954 sera appliquée en1969. Elle mentionnait que, pour rénover la médecine française, il fallait que le médecin soit en même temps un clinicien, un enseignant et un chercheur hors-pair.

2 L’allergie et l’univers biologique : découvertes (1945-2000)

Alors qu’.en Allemagne, en Angleterre et aux Etats-Unis, l'allergologie a constitué l'essentiel du champ de l'Immunologie clinique, ce n’est pas le cas en France où elle a été négligée par les immunologistes L’allergologie tant en clinique qu’en science fondamentale est une discipline à multiples facettes dont les allergènes, (de banales protéines) par exemple, est un domaine qui lui appartient. Elle est donc à la fois multidisciplinaire et exclusive. Pour progresser, il est impératif qu’une grande partie des sciences de la vie lui soit indispensable et qu’elle soit dépendante des recherches en immunologie, en biologie cellulaire et moléculaire, génétique, pharmacologie … . On en est convaincu quand on observe l’ordre chronologique des découvertes de 1945 à l’an 2000.

Dans le domaine de l’allergie, c’est la source cellulaire de l’histamine qui met au premier plan les mastocytes et les basophiles. Dans une seconde étape, deux nouvelles découvertes apportent à l’anaphylaxie et à l’allergie son exclusivité. La première concerne les allergènes qui sortent de la poussière (les acariens remplacent le mythe de la poussière de maison) et qui sont concrétisés par l’isolement biochimique de la première molécule protéique du pollen de ragweed (ambroisie) intitulé antigène E. La seconde révèle le secret attendu depuis 1902 qui valorise Charles Richet, par la mise en évidence de l’anticorps responsable l’anaphylaxie : l’immunoglobine E ou IgE. C'est en utilisant le test de Prausnitz-Küstner (PK), qu’en 1966-1967 Kimishige Ishizaka et sa femme Teruko découvrirent en examinant, après fractionnement biochimique le sérum de malades allergiques au pollen de Ragweed, que les anticorps responsables de la réaction anaphylactique, appelés réagines, correspondaient à une nouvelle classe d'immunoglobulines, non encore décrite, qu'ils appelèrent gamma-E (E pour érythème). En 1967, la caractérisation d'une nouvelle protéine myélomateuse par S.G.O. Johanssen et H. Bennich , la protéine IgND, permit de préparer des anticorps spécifiques de la chaîne lourde de cette nouvelle immunoglobuline et de doser les IgE qui se sont révélées élevées dans un ensemble de maladies allergiques. Après avoir découvert l'IgE les Ishizaka montrèrent que des sites de fixation pour cette classe d'Immunoglobuline sont présents sur les polynucléaires basophiles et que l'agrégation par des anticorps anti-gamma E provoque leur dégranulation).

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Explosion des découvertes en immunologie, allergie et technologie

ALLERGIE

- mastocytes : 1953 histamine mastocytaire J. Riley, G. West

- basophiles : I964 : histamino libération par les leucocytes humains Lichenstein, Osler

- allergènes : 1964 : isolement du premier allergène Ag E du ragweed T.P.King - 1964-1967 : les acariens Pyroglyphides R. Voorhorst et M. Spieksma

- mécanismes allergiques : 1966-67 : mise en évidence des IgE K. Ishizaka, T. Ishizaka - 1967: myélome à IgE D. R Stanworth

- médiateurs chimiques: 1982: leukotriènes et prostaglandines B. Samuelsson

IMMUNLOGIE

- immunologie cellulaire: 1956: lymphocytes B (Bourse de Fabricius) B.Glick . . 1961 : rôles du thymus : lymphocytes T Jacques Miller. . 1966 : Coopération des lymphocytes B et T H. Claman . .1972 I° première interleukine ( IL-1) Gery et Waksman . . . 1973: les cellules dendritiques (CPA) R. Steinma . . . 1974 les cytokines (ex interleukines) Stanley Cohen . 1975 : IgE et action antiparasitaire André Capron et coll . . 1989 immunité innée (récepteurs de reconnaissance) Charles Janeway . 1995 cellules T régulatrices. S. Sakaguchi . . 1996 Immunité innée et récepteurs de type Toll J.Hoffmann, B. Beutler

Immuno génétique 1963 : les gènes de la réponse immunitaire B. Benacerraf . 1978 réarrangement génétique et diversité des anticorps S.Tonegawa

BIOTECHNOLOGIE

1953 : immunoélectrophorèse Pierre Grabar . 1972 : I° clonage d’un gène Paul Berg - 1975 : I° anticorps monoclonal C. Milstein et G.Köhle . .. . 1980 : 1° allergène recombinant d’acarien Der p 1 Ky Chua

Dans le domaine de l’immunologie, un enchainement en cascade de découvertes va ouvrir la voie aux mécanismes des multiples réponses immunitaires à commencer par l’identification des lymphocytes B, puis T, leur coopération avec les cellules dendritiques, leur régulation avec les cytokines ( I° interleukine en 1972, actuellement 37 cytokines et 48 chimiokines) et les cellules T et B régulatrices (T reg B reg)..L’immunogénétique et la biotechnologie avec ses anticorps monoclonaux et ses allergènes recombinants participeront aussi au développement et aux progrès des sciences humaines en biologie et en clinique dont l’anaphylaxie et l’allergie représentent un maillon incontournable de l’évolution.

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Les travaux scientifiques dans les laboratoires de recherche développent de plus en plus des thématiques diversifiées qui tentent d’apporter des solutions la recherche clinique : exemples

- allergènes : recombinants ( structure moléculaire, mutations dirigées pour les modifier) - Immunologie cellulaire : cellules T reg et B reg, immuno compétences du mastocyte - Immunostimulation et adjuvants :immunisation génique et nucléotides d’ADN (CPG) - Immunité innée et ses récepteurs : récepteurs Toll, cellules dendritiques

Certains laboratoires étudient l’action du microbiote sur les réponses immunitaires à IgE, d’autres s’intéressent aux effets environnementaux sur l’épigénétique. Enfin une récente discipline, l’allergologie s’est affirmée en étudiant l’action anti tumorale des IgE. En 2012, un article dans Nature développe l’aspect immunitaire de l’hypersensibilité à IgE en tant que réaction de défense

La pathologie allergique repose en majeure partie sur la production d’IgE spécifiques et sur les mécanismes immunologiques qui orientent sa régulation . Cependant, la découverte des IgE n'a pas répondu aux interrogations formulées dès le début du siècle quant aux relations entre anaphylaxie et immunité. La raison d'être de cette classe d'anticorps, qui semblait dévolue exclusivement à l'induction de réactions inflammatoires impliquant les mastocytes et les basophiles, était difficile à comprendre dans une perspective darwinienne de la biologie. Il a fallu attendre le développement de l'immunologie parasitaire, avec en particulier les travaux d'André et Monique Capron en France, pour que l'on appréhende mieux le rôle important des anticorps de classe IgE dans la défense antiparasitaire. Cette découverte n'a fait que déplacer le débat.

Les immenses progrès réalisés au cours de ce demi-siècle en immunologie justifieraient que l’allergologie y soit intégrée dans le domaine de l’hypersensibilité avec sa propre spécificité comme l’auto-immunité. Son support moléculaire, l’IgE, identifié plus de soixante ans après la découverte de l’anaphylaxie, a révélé que son état d’hypersensibilité correspond à des mécanismes extrêmement complexes qui, soumis aux influences de l’environnement et de son immunité innée réagit de façon positive ou négative. La nature de l’hypersensibilité est d’être excessive dans tous les domaines et la conséquence n’est nécessairement pas néfaste. En art comme en science ou encore en psychologie, elle peut être créatrice, imaginative, quasi sublime ou bien inversement destructrice pour soi –même ou pour les autres. Partout en France médiatiquement ou dans certains organismes, on déclame que l’allergie est une maladie alors qu’en science on la compare à une réaction de défense. D’ailleurs certains travaux scientifiques se sont orientés vers cette voie Il n’empêche que la pathologie allergique existe bien, certes, et tout doit être mis en œuvre en incluant la recherche clinique et la recherche fondamentale pour la juguler, voire la guérir pour lui rendre une immunophysiologie conforme à son état d’hypersensibilité.

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ANNEXE

Isolement des premiers allergènes majeurs 1962-64: Ag E du ragweed (ambrosia) Amb a 1 T.P.King

1967-71: Ag M de la morue Gad c 1 K. Aas, S. Elsayed

1980: Ag P 11 de D. Pteronyssinus Der p 1 MD Chapman TA Platts-Mills 1982: Ag 11 de D. Farinae Der f 1 Equipe B. David: JP Dandeu/ J. Le Mao

1983: Ag 23 du bouleau Bet v 1 H. Ipsen, H. Lowenstein

………………………………………. 1985: Ag majeur du pollen de Dactyle Dac g 1 Equipe B. David : S. Mécheri/ G. Peltre 1993: Ag majeur du cheval Equ c 1 Equipe B. David : JP Dandeu/ J.Rabillon . ; Allergènes répertoriés en 2014 : › 1000

Clonage des allergènes majeurs

1988: premier clonage avec Der p I KY Chua et coll

- 8 ans après l’isolement

1991: clonage Der f I RJ Dillworth, KY Chua et coll - 8 ans après l’isolement

1991: clonage Amb a I T Rafnar et coll

- 30 ans après l’isolement

2003: clonage Gad c I T Van Doo, S Elsayed et coll

- 35 ans après l’isolement ……………………………………………………………………….

Isolement d’Equ c I (1993) et clonage d’Equ c I (1996) . Equipe B David : JP Dandeu, C. Grégoire et coll

Allergènes recombinants : 1485 www.allergome.org

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Charles Richet ( 1850-1935)

Paul Portier ( 1866-1962)

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ROBERT COOKE

MAURICE ARTHUS

1862-1945

ALEXANDRE BESREDKA

1870-1940

1850-1935

CHARLES RICHET

1862-1945

1880-1960

ARTHUR F COCA

1875- 1959

CLEMENS VON PIRQUET

1874-19291877–1913 1877–1962.

LEONARD NOON JOHN FREEMAN

Les créateurs de l’Anaphylaxie et de l’Allergie

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February 1, 1916; 1 (1)

1 Studies in Anaphylaxis: XIV. On the Relation Between Precipitin and Sensitizin

Richard Weil

J Immunol 1916 1:1-18

2 Studies in Anaphylaxis: XV. Equilibrium in Precipitation Reactions. Equilibrium in . Combination

Richard Weil

J Immunol 1916 1:19-34

3 Studies in Anaphylaxis: XVI. Equilibrium in Precipitation Reactions.—Dissociation

Richard Weil

J Immunol 1916 1:35-46

4 Studies in Anaphylaxis: XVII. On the Coexistence of Antigen and Antibody in the Body

Richard Weil

J Immunol 1916 1:47-49

L’ Anaphylaxie aux USA en 1916: 4 premières communications en Ière page du 1° J. Immunol

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M. F. Widal, et coll Les phénomènes d’ordre anaphylactique dans l’asthme. La crise hémoclasique initiale La presse médicale, Paris 11 Juillet 1914, n° 55, P. 525,526-527

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1° Thèse sur le rhume des foins en France

Paul Giroud (1898-1989)

1926SoutientsathèsededoctoratenmédecinesurLerhumedesfoins,étudecliniqueexpérimentaleetthérapeutique(sousladirectiondeL.PasteurVallery-Radotàl'Hôp.delaPitié,àParis)etentrecommeassistant, à l'Institut Pasteur.

Chef de laboratoire en 1930, ses recherches sur les épidémies de typhus historique l’amène à mettre au point un vaccin contre le typhus exanthématique. Chef du service des rickettsies à l'Institut Pasteur, il devient un expert international renommé. Membre de l’Académie de Médecine.

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PAUL BLAMOUTIER

PASTEUR VALLERY-RADOT

BERNARD HALPERN

1904-1978

1886-1970

1891 .1975

JACQUES CHARPIN

1921-2003

FERNAND WIDAL

1862-1929

RENE.WOLFROMM1910-1972

Les pionniers de l’allergologie clinique française

1910-1972972Aucune photo

Un seul disciple de l’école PVR

DENIS HERMAN1929-2008

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Bernard Halpern (1904-1978)

En 1937, il occupe le poste de directeur de Recherches pharmacologiques chez Rhône-Poulenc en Chimie organique où il met au point, , en 1942, les premiers antihistaminiques de synthèse actifs et non toxiques chez l’homme. En 1945, entre au CNRS comme maître de recherche dans le laboratoire de Pasteur-Vallery-Radot à l'hôpital Broussais où il découvre les propriétés antihistaminiques puissantes d’une phénothiazine ( Phénergan). C'est là qu'il poursuivit sa carrière hospitalière, à la tête d'un grand et moderne service d’allergologie crée pour lui et par lui. Il mène de front les travaux de recherche fondamentale (anaphylaxie, immunologie, biochimie) et clinique (asthme, rhume des foins, urticaire, eczéma, allergie médicamenteuse). Non seulement il a représenté la France comme scientifique et clinicien en Immuno-Allergie jusqu’en 1973 mais sa renommée était telle qu'on venait le consulter de tous les points du monde dans son Institut de l'hôpital Broussais. C'est à Broussais que se tint, en juin 1950 le premier Congrès européen d'Allergie et c'est en 1958 , qu'eut lieu à Paris, dans cette Faculté, le troisième Congrès International d'Allergie, présidé par Pasteur-Vallery-Radot et magistralement organisé par B. Halpern et qui connut un éclatant succès

En 1955, il est directeur du centre de recherches allergiques et immunologiques de l’ Institut national d’hygiène (INH) à l’hôpital Broussais qui deviendra l’Inserm en 1964 et Bernard Halpern en dirigera l’unité de recherche intitulée « Recherches en immunobiologie » jusqu’en 1976. Il eut comme élèves et collaborateurs, futurs éminents scientifiques Guido Biozzi, Baruj Benacerraf futur Prix Nobel et Panayotis Liacopoulos qui lui succèdera à la direction de l’unité intitulée “Immunobiologie” de 1977 à 1984. Il s’illustre par ses travaux sur l’anaphylaxie passive, l’immunité et la tolérance aux antigènes. Il fut Président de la Société Française d’Allergie en 1952 et 1953 et élu à la chaire de médecine expérimentale au Collège de France, occupée précédemment par François Magendie, Claude Bernard, Charles Nicolle.

A une période où l'immunologie officielle française était encore dans les limbes, nous devons à B. Halpern d'avoir été représenté dans le monde international de l'allergo-immunologie. Nous lui devons encore d'avoir été le tuteur bienveillant de l'allergologie bien que, depuis dix ans, ses travaux l'aient entrainé vers d'autres domaines, vers celui du cancer en particulier,

Jacques Charpin ( 1921-2003)

C’est à l’Université Columbia de New York que J. Charpin s’initiera à la pneumologie américaine, jusqu’en 1963, date de la création de la Chaire de Clinique pneumo-phtisiologique de la Faculté de Médecine de Marseille dont il fut le premier titulaire. Parmi ses objectifs d’assurer le développement de la pneumologie, discipline alors en plein essor, il choisira .l’allergologie. Sa rencontre en 1950 avec le Gotha de l’Allergologie de l’époque, l’école de Pasteur Vallery-Radot, au 2èmeCongrès International de l’Asthme, au Mont Dore va accélérerson choixet dès qu’il rentre à Marseille, il ouvre une Consultation d’Allergologie.

A partir de 1953, son attention se concentre sur la physiopathologie de l’asthme et des syndromes obstructifs en général pour en étudier les caractéristiques cliniques, l’évolution, le pronostic. et en particulier sur les asthmes de type réaginique. Ses recherches cliniques s’étendent à l’identification et l’analyse des facteurs spécifiques responsables des allergies respiratoires, c’est à dire les allergènes environnementaux. Il publia en 1962 un livre sur la pollinose intégrant un chapitre sur la

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désensibilisation spécifique. La pollinose fut peut-être son premier domaine d’exploration pour détecter les grains des différents pollens ( poussière fécondante des fleurs, disait-il) dans l’atmosphère. Il fit établir le premier calendrier pollinique en Provence et ensuite dans toute la France. Enfin un « Atlas européen des pollens allergisants », sera publié en 1975

Que ce soit dans le domaine de l’asthme ou dans les allergies respiratoires en général, toutes ces investigations physiopathologiques, allergologiques, ou immunologiques, visent à une meilleure évaluation des médications nouvelles qui se succèdent :l’utilisation des corticoïdes, broncho-dilatateurs-adrénergiques, atropiniques de synthèse, cromoglycate disodique sont expérimentés avec une rigueur exemplaire. Il a donc édifié ce qu’on peut appeler la Pneumo-Allergologie

Parallèlement à la part qu’il prend à l’essor scientifique de l’Allergologie, il se préoccupe de l’organisation en France de cette discipline clinique non encore spécialisée, car l’allergologie n’a pas de statut. La première étape de sa reconnaissance officielle sera la prise en compte des bilans allergologiques par la Sécurité Sociale en 1959, puis viendra la création d’une qualification par l’Ordre National des Médecins en 1975 et l’officialisation d’une compétence en 1978.

Dans le même esprit de formation des allergologues, il participe dès 1963, sous la direction de Pasteur Vallery-Radot et de ses collaborateurs le premier manuel sur les Maladies Allergiques. Il fera paraitre un nouveau traité d’Allergologie, qui fait le point des connaissances nouvelles en Immunologie en et en Allergologie Clinique. en 1980. Président de la Société Française d'Allergie en 1962 et 1963, il acquiert très vite une notoriété internationale, figure parmi les membres fondateurs de l’Académie européenne d’Allergologie et d’Immunologie Clinique qu’il présidera en 1985, puis prendra la Présidence prestigieuse de l’Association Internationale de l’Allergie en 1990-1991.

Jacques Charpin a véritablement été, sinon le fondateur, tout au moins le moteur indiscutable du développement de l’Allergologie clinique en France. Sans doute est-ce là le principal de ses mérites, mais sa personnalité offre bien d’autres facettes dont des qualités humaines indiscutables.

Louis Pasteur Vallery- Radot (1886-1970)

L.Pasteur-Vallery-Radot, docteur en médecine en 1918, présenta sa première communication en 1920 (anaphylaxie à l'antipyrine) à l’Académie des Sciences et publiée dans La Médicale.. Après avoir été assistant de F.Widal, il fut chef de service à Bicêtre, à Bichat, et à Broussais. I1 préférait les petits services, où le patron peut tout contrôler, aux grands services où l'autorité est déléguée à de nombreux assistants.Le chef de service est alors un directeur de clinique et un chef d'Ecole. Très humain, d'une grande simplicité d'abord, de rapports, il exerçait scrupuleusement cette activité sans aucun souci de la hiérarchie, appréciant ses collaborateurs en fonction de leur activité, de leur bon sens, de leur jugement, de leur intelligence, de leur cœur plus que de leurs ambitions ou aptitudes aux concours. Succédant à Fernand Widal en1929, il poursuivit ses travaux de recherche qu’il avait entrepris dès 1920 essentiellement sur l'anaphylaxie clinique humaine (asthme, rhume des foins, urticaire…) et l’anaphylaxie expérimentale et sur les maladies rénales jusqu’en 1939. Durant la période de l’entre deux guerre il a le grand mérite avec P. Blamoutier de définir les critères cliniques et biologiques de l'asthme, la réversibilité, l'absence de séquelles des premières crises, la spécificité de l'allergène aussi valable pour les manifestations pulmonaires que pour les coryzas spasmodiques (polliniques ou apériodiques) et la trachéite. spasmodique. I1 étudie la pollinose, les conjonctivites, les manifestations cutanées (urticaire, œdème de Quincke) les hypersensibilités digestives. Pendant ces 20 premières années, plus de 300 publications feront mention des travaux sur l’expérimentation animale et des recherches cliniques polyvalentes sur toutes les manifestations relevant de l’anaphylaxie, tremplin de ce qu’on appellera plus tard les maladies allergiques. Il est le précurseur

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de la formation des futurs médecins allergologues qui seront nombreux à le rejoindre en 1947, de même que ses élèves qui deviendront professeurs, chefs de service et chercheurs. Dès lors, on parlera, en France et dans le monde de l’allergie, de l’école Pasteur Vallery-Radot. En 1947, il fonde avec P. Blamoutier, A. Tzanck, E. Sidi, B.-N. Halpern, P. Grabar, Madame A. Holtzer, et J. Sclafer et les cliniciens de toutes les équipes provinciales et parisiennes ( 38 membres) la Société Française d'Allergie. Les premiers secrétaires en seront P. Blamoutier 1947-1959) et Sclafer (1960 La première séance de la Société Française d'Allergie s'est tenue à la Clinique propédeutique de l'hôpital Broussais, ( Pr Pasteur Vallery-Radot) le 17 juin 1947. Pasteur Vallery-Radot, Président Fondateur, présidera la Société de 1947 à 1949. Enfin, sera rédigé sous sa direction et celle de R. Wolfromm avec la collaboration de J. Charpin, de B.-N. Halpern et de P. P. Blamoutier le premier traité sur les Maladies Allergiques (1963).

Il proposera à la direction de l’Institut Pasteur de créer en 1956 le service des allergènes qui sera confié au Professeur Louis Guibert qui produira en 1958 premiers extraits allergéniques en France. C’est dans ce service en 1972 que je rejoignais L. Guibert pour y développer une unité de recherche fondamentale qui sera créée en 1977 : l’unité d’Immuno-Allergie dont je serai nommé responsable.

Simultanément où successivement scientifique, médecin, enseignant, chef d'école, ambassadeur de la pensée française, académicien, ( Académie Française en 1944) et profondément humaniste, PVR comme on l’appelait familièrement à la Faculté, a laissé l’ image d’un homme généreux, juste, courageux et simple malgré les honneurs qu’il a reçus pour son œuvre et ses travaux. En 1970, ce fut le premier qui quitta le navire des pionniers de l’allergologie française.

Pierre Blamoutier (1891- 1975)

Après la disparition de son maitre, le Professeur Pasteur Vallery-Radot, il fut profondément affecté. Leur longue collaboration l'avait enrichi, ils avaient développé les mêmes formes de pensée et de raisonnement, les mêmes méthodes de travail, au cours d'une activité hospitalière commune de 35 ans (1924-1959). La disparition de son ami Louis Guibert fut cruellement ressentie, il aimait en lui cette finesse de pensée, cette perpétuelle recherche de la vérité. La mort de René Wolfromm allait porté une troisième déchirure à l'équipe, groupée autour de Pasteur Vallery-Radot et peu de temps après, Pierre Blamoutier s’éteignait épuisé par une longue maladie. C'était une page qui se tournait, celle de l'implantation de l'Allergie en France. Après avoir apporté avec le Professeur Pasteur Vallery-Radot les bases de l'allergie, avoir précisé les moyens diagnostiques, les études se firent analytiques : le coryza spasmodique périodique ou apériodique, l'asthme bronchique, l'urticaire et l'œdème de Quincke, constituent les travaux les plus importants de I' Ecole de Broussais. La pollinose et l'asthme bronchique professionnel des boulangers, notamment, furent l'objet de nombreuses études. L'esprit d'observation clinique ressort particulièrement dans la publication des faits cliniques rapportés dans la Revue Française d'Allergie de 1961à 1965 Pierre Blamoutier a joué un rôle essentiel dans la création et la croissance de la Société Française d'Allergie et avec l’accord de ses collègues, il a créé la Revue Française d'Allergie en 1961et supporté longtemps seul ce fardeau ; il a maintenu vivante la petite flamme de l'allergologie clinique, à peu près seul, depuis la fin de la guerre jusqu'aux années 1951-1952 où quelques-uns ont apporté à l'Allergologie de nouvelles énergies. Enfin depuis la même époque eurent lieu chaque année les Réunions Provinciales d'Allergie, où chaque école put présenter ses travaux, et réunir ainsi les allergologistes de France. Remarquable clinicien, il a été unanimement apprécié par ses collègues et ses patients pours sa personnalité si attachante, faite de franchise, de provenance, de recherche du souci d'autrui.

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René Wolfromm (1910-1972)

Aucun document ( même dans les archives hospitalo-universitaires), ni d’éloges n’ont été trouvés dans les revues médicales excepté des communications ou des articles dans la Revue Française d’Allergie et quelques manuels dont le traité sur les Maladies Allergiques en1963 (déjà cité) Professeur titulaire de la chaire de sémiologie médicale et d'allergologie à la Faculté de médecine de Paris, il dirigeait à l’Hôpital Rothschild le service d’Allergologie selon la tradition de l’école Pasteur Vallery-Radot avec des assistants. Il organisait régulièrement des réunions d’enseignement et de formation continue pour les médecins praticiens de la région Parisienne, mais bon nombre de médecins de province assistaient à ces réunions. Il était présent avec son ami Louis Guibert de l’Institut Pasteur dans les congrès nationaux et internationaux avec son équipe « de Rothschild » et présentaient des travaux en recherche clinique sur les allergènes. En 1972, Guibert me fit assister à ma première consultation d’Allergologie avec les médecins allergologues et je garde le souvenir d’un personnage exceptionnel. Il disparut peu de temps après et son élève, déjà professeur agrégé, devait assurer la continuité, mais il en fut autrement. C’était le professeur Denis Herman qui, par la suite obtint un service de Médecine Interne et d’Allergologie d’abord à l’hôpital Lariboisière, puis à l’hôpital Bichat. Le style continuait « de Rothschild » et j’assistais de temps en temps à ses réunions pour apporter aux médecins praticiens les résultats des travaux de recherche de mon unité. Il était un médecin exceptionnel pétri de connaissance et d’humanité. Bref, c’était mon meilleur ami qui nous a quitté en 2008.

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Monsieur PAUL PORTIER se rendant à la salle de conférence . au bras du professeur Bernard Halpern lors du III° Congrès International d’Allergologie . en Octobre 1958, à Paris

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MichaelHeidelberger.1888 - 1991 (103 ans)

Columbia University, New York University Medical Center

Constitution chimique et spécificité immunologique des antigènes polyosidiques

Théorie quantitative des anticorps précipitants: les anticorps sont des protéines (1937)

Mentor de Bernard David aux USA à New-York en 1972-1973

A la demande de Pasteur Vallery-Radot, Louis Guibert . crée le Service des Allergènes à l’Institut Pasteur en 1957

Ses travaux de recherche sur la préparation, la purification, le fractionnement et le contrôle d'activité des extraits allergéniques ces substances feront de lui un des meilleurs spécialistes mondiaux de ces problèmes. Pour tous, en France ,c'était Monsieur « Allergène »

C’est dans ce service que sera créée l’unité d’Immuno-Allergie confiée à Bernard David pour y effectuer des recherches fondamentale sur les molécules allergéniques ( l’acarien D. Farinae, le pollen de dactyle, les protéines du cheval), la sensibilisation passive in vitro du basophile humain, et les fonctions immunologiquement compétentes du mastocyte ( cellule présentatrice d’antigène).Cette unité sera opérationnelle dès 1977 et se développera jusqu’en 2000.

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Sociétés Savantes

Allergie

USA France

1923-1924:DeuxSociétéssavantes(asthmeetrhumedesfoins)

1929 Première édition du Journal of Allergy.

1943 American Academy of Allergy

1947 Société Française d’Allergie

1955 National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIH)

1961 Revue Française d'Allergie

1970 Speciality

1971 1971 J. of Allergy devient le J.A.C.I

Immunologie

1888 (Journal de microbiologie) -1972 . Annales de l’Institut Pasteur

1913 American Association of Immunologists

1916 J. of Immunology

1937 Association Française de Microbiologie

1965 Société Française d'Immunologie

(Institut Pasteur: Pierre Grabar)

1973 Annales de Microbiologie (IP)

Annales d’Immunologie (IP)