Harvard business review pourquoi la chine ne peut pas innover

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Synthèse de l’article du Harvard Business Review (Décembre 2014-Janvier 2015) *** "Pourquoi la Chine ne peut pas innover, et ce qu’elle faut pour remédier" Par Regina M. Abrami, William C. Kirby et F. Warren McFarlan La Chine, terre d’invention de la poudre à canon, la boussole, la roue à aube, le papier-monnaie, les services bancaires à distance, la fonction publique et l’avancement au mérite, est actuellement un pays machinal où la R&D est réalisée avec zèle mais où les découvertes capitales sont rares. Les uns expliquent cette situation par manque de créativité chez les fondateurs des start-up chinoises (majoritairement des ingénieurs), d’autres par l’incapacité du gouvernement à protéger les droits de la propriété intellectuelle, d’autres encore mettent en cause le système éducatif chinois où les étudiants sont totalement obnubilés par les notes d’examens. D’après notre expérience, ces critiques ne donnent qu’une image partielle de la réalité. Car la Chine pourrait appliquer le type de politique économique et développer les types d’établissements de recherche qui ont permis de propulser les Etats-Unis à la tête de la course. Un examen de la façon dont l’innovation émerge en Chine - descendante, ascendante, par l’acquisition, par l’éducation met en lumière les complexités de la question, soulignant les promesses/problèmes pour le pays en quête de devenir le leader mondial de l’innovation. Innovation descendante Dans son "Plan national de développement des sciences et des technologies 1 à moyen et long terme" de 2006, le gouvernement chinois a affirmé son intention de transformer la chine en "société innovante" d’ici 2020 et en leader mondial d’ici à 2050. Depuis près de 40 ans, le gouvernement chinois utilise sa puissance financière et sa volonté politique pour stimuler l’innovation depuis le sommet. En effet, la période 1980-1990 a connu la création de la fondation nationale des sciences naturelle et du programme de laboratoires clés d’Etat, ainsi que la réorganisation de l’académie des sciences de type soviétique. Aussi, l’Etat, avec l’appui des administrations régionales, a financé la création de zones de développement high-tech (de type Shenzen) afin d’appuyer la commercialisation des innovations. Un cas du pouvoir politique du gouvernement, l’exigence d’au moins 70% des composants locaux dans le développement des parcs éoliens chinois lancés en 2002 par appels d’offre, en plus des aides à l’exportation. En 2009, six des dix premières entreprises de fabrication d’éoliennes étaient chinoises. Malgré les objections soulevées contre ces mesures, vis-à-vis de l’OMC, peu d’entreprises étrangères ont quitté le pays, se résignant à l’inverse à soutenir l’innovation sur le marché intérieur chinois. Le nombre des centres R&D étrangers passe d’au moins 30 en 1999, à 600 en 2004 et plus de 1200 en 2010 (Pfizer, Microsoft, General Motors, Merck, …). Le réseau ferroviaire à grande vitesse et l’envoi des hommes sur la lune font partie des programmes fortement soutenus par la Chine démontrant sa capacité de réaliser ses objectifs ambitieux en matière d’innovation. 11 Ce plan avait pour objectifs de réduire la dépendance aux technologiques importées à 30% ou moins, d’augmenter le financement national en R&D et de distancer les rivaux étrangers dans les "secteurs émergents stratégiques" notamment la biotechnologie, les technologies éco-énergétiques, la fabrication d’équipements, les technologies de l’information et les matériaux de pointe.

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Synthèse de l’article du Harvard Business Review (Décembre 2014-Janvier 2015)

***

"Pourquoi la Chine ne peut pas innover, et ce qu’elle faut pour remédier" Par Regina M. Abrami, William C. Kirby et F. Warren McFarlan

La Chine, terre d’invention de la poudre à canon, la boussole, la roue à aube, le papier-monnaie, les

services bancaires à distance, la fonction publique et l’avancement au mérite, est actuellement un

pays machinal où la R&D est réalisée avec zèle mais où les découvertes capitales sont rares.

Les uns expliquent cette situation par manque de créativité chez les fondateurs des start-up chinoises

(majoritairement des ingénieurs), d’autres par l’incapacité du gouvernement à protéger les droits de

la propriété intellectuelle, d’autres encore mettent en cause le système éducatif chinois où les

étudiants sont totalement obnubilés par les notes d’examens.

D’après notre expérience, ces critiques ne donnent qu’une image partielle de la réalité. Car la Chine

pourrait appliquer le type de politique économique et développer les types d’établissements de

recherche qui ont permis de propulser les Etats-Unis à la tête de la course.

Un examen de la façon dont l’innovation émerge en Chine - descendante, ascendante, par

l’acquisition, par l’éducation – met en lumière les complexités de la question, soulignant les

promesses/problèmes pour le pays en quête de devenir le leader mondial de l’innovation.

Innovation descendante

Dans son "Plan national de développement des sciences et des technologies1 à moyen et long terme"

de 2006, le gouvernement chinois a affirmé son intention de transformer la chine en "société

innovante" d’ici 2020 et en leader mondial d’ici à 2050.

Depuis près de 40 ans, le gouvernement chinois utilise sa puissance financière et sa volonté politique

pour stimuler l’innovation depuis le sommet.

En effet, la période 1980-1990 a connu la création de la fondation nationale des sciences naturelle et

du programme de laboratoires clés d’Etat, ainsi que la réorganisation de l’académie des sciences de

type soviétique. Aussi, l’Etat, avec l’appui des administrations régionales, a financé la création de

zones de développement high-tech (de type Shenzen) afin d’appuyer la commercialisation des

innovations.

Un cas du pouvoir politique du gouvernement, l’exigence d’au moins 70% des composants locaux

dans le développement des parcs éoliens chinois lancés en 2002 par appels d’offre, en plus des aides

à l’exportation. En 2009, six des dix premières entreprises de fabrication d’éoliennes étaient

chinoises.

Malgré les objections soulevées contre ces mesures, vis-à-vis de l’OMC, peu d’entreprises étrangères

ont quitté le pays, se résignant à l’inverse à soutenir l’innovation sur le marché intérieur chinois. Le

nombre des centres R&D étrangers passe d’au moins 30 en 1999, à 600 en 2004 et plus de 1200

en 2010 (Pfizer, Microsoft, General Motors, Merck, …).

Le réseau ferroviaire à grande vitesse et l’envoi des hommes sur la lune font partie des programmes

fortement soutenus par la Chine démontrant sa capacité de réaliser ses objectifs ambitieux en matière

d’innovation.

11

Ce plan avait pour objectifs de réduire la dépendance aux technologiques importées à 30% ou moins, d’augmenter le financement

national en R&D et de distancer les rivaux étrangers dans les "secteurs émergents stratégiques" notamment la biotechnologie, les

technologies éco-énergétiques, la fabrication d’équipements, les technologies de l’information et les matériaux de pointe.

Innovation ascendante

Des courants puissants qui puisent leurs origines dans le système communiste et la culture ancestrale

chinoise s’opposent aux intentions du gouvernement en matière d’innovation.

Le parti communiste exige qu’un représentant soit présent dans toute société comptant plus de 50

employés. Chaque société de plus de 100 employés doit disposer d’une cellule du parti, dont le

responsable rend directement compte au parti au niveau de la municipalité ou de la province.

Aussi, un autre élément dissuasif, relatif aux réalités économiques des marchés surtout le marché

intérieur, est la réticence des entreprises chinoises à être les premiers à proposer des offres

innovantes lorsque les perspectives de gains et de croissance associées à des améliorations

marginales sont si vastes. On cite les cas du portail B2B Alibaba, Taobao, et Baidu qui se sont

accaparés de plus de 80% du marché intérieur avec une offre qui n’apporte pourtant aucune

innovation technologique et ne remet pas non plus en question l’orthodoxie politique.

A l’instar du Japon, la Chine veut rattraper les Etats-Unis sur le plan technologique, grâce aux

innovations incrémentielles. Après l’adaptation des technologies, la nouvelle tendance est l’obtention

de ces technologies par le biais d’acquisitions.

Innovation par l’acquisition

L’engouement des IDE chinois vers les ressources en matière première (Afrique/Amérique Latine) ne

doit pas cacher le virage vers les Etats-Unis et l’Europe afin d’acquérir des technologies et des

talents2, avec l’appui du gouvernement, au lieu de continuer de payer les droits de licence et des

redevances.

On cite les cas de Huawei a 16 centres R&D dans le monde, Haier (fabricant mondial

d’électroménager et électronique grand public) dispose d’un réseau de centres R&D situés aux

Etats-Unis, Japon, Corée, Italie, Pays-Bas et en Allemagne, ainsi que les constructeurs automobiles

(JAC, FAW, Chang’an) exploitant des centres R&D à Turin.

Et pour devenir une force majeure de l’innovation au XXe siècle, les chinois doivent former les

innovateurs du futur. C’est là le travail des universités chinoises.

Innovation par l’éducation de la prochaine génération

Les solides institutions publiques créées dans la première moitié du XXe siècle, accompagnées de

l’émergence des universités privées3, ont été soumises à un processus de soviétisation durant les

années 50 et détruits lors de la révolution culturelle.

Aujourd’hui plusieurs de ces institutions se sont modernisées, devenues polyvalentes et

véritablement internationales, cas de l’université Tsinghua créée en 1911. Dans dix ans, les budgets

de la recherche des universités d’élite chinoises avoisineront ceux de leurs homologues américains

et européens, et seront 1er

dans le domaine de l’ingénierie et des sciences (sachant qu’actuellement

aucune université chinoise n’est placée parmi les 50 premières).

Par ailleurs, les universités chinoises, comme les entreprises publiques, pâtissent des comités du

parti, et l’autorité du SG du parti de l’université est supérieure à celle du Président.

2 Huawei a recruté William Plumer, ancien diplomate américain, en tant que vice-président pour les affaires extérieures ; John Roese,

ancien directeur de la technologie de Nortel, afin de piloter les efforts R&D en Amérique du Nord ; Matt Bross, ancien directeur

technique de British Telecom, pour superviser l’intégralité du budget de 2,5 Milliards $ des opérations R&D. 3 Actuellement, les universités privées représentent plus du quart de tous les établissements d’enseignement supérieur (23,9 millions

d’étudiants en 2012 soit 4 millions de plus que le nombre d’étudiants inscrits aux Etats-Unis).

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