Halima Sahraoui - TEL
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Contribution agrave lrsquoeacutetude des strateacutegies compensatoiresdans lrsquoagrammatisme Approche
neuropsycholinguistique de la performance de sixlocuteurs agrammatiques en production orale caracteacuterisation quantitative et fonctionnelle des
variabiliteacutesHalima Sahraoui
To cite this versionHalima Sahraoui Contribution agrave lrsquoeacutetude des strateacutegies compensatoires dans lrsquoagrammatisme Ap-proche neuropsycholinguistique de la performance de six locuteurs agrammatiques en production orale caracteacuterisation quantitative et fonctionnelle des variabiliteacutes Sciences de lrsquoHomme et Socieacuteteacute Univer-siteacute Toulouse le Mirail - Toulouse II 2009 Franccedilais tel-00488175v1
TTHHEgraveEgraveSSEE
En vue de lobtention du
DDOOCCTTOORRAATT DDEE LLrsquorsquoUUNNIIVVEERRSSIITTEacuteEacute DDEE TTOOUULLOOUUSSEE
Deacutelivreacute par lrsquo Universiteacute de Toulouse II-Le Mirail Discipline ou speacutecialiteacute Sciences du Langage
JURY
Lorraine BAQUEacute PU Universiteacute Autonome de Barcelone (Rapporteur) Jacques FRANCcedilOIS PU Universiteacute de Caen - Basse Normandie (Rapporteur) Barbara KOumlPKE MCF Universiteacute de Toulouse-Le Mirail Jean-Luc NESPOULOUS PU Universiteacute de Toulouse-Le Mirail
Ecole doctorale CLESCO Ndeg 326 Uniteacute de recherche URI OCTOGONE EA 4156 - LABORATOIRE JACQUES LORDAT
Directeur de Thegravese Jean-Luc NESPOULOUS
Volume 1 2
Preacutesenteacutee et soutenue par Halima SAHRAOUI
Le 05 Deacutecembre 2009
Contribution agrave lrsquoeacutetude des strateacutegies compensatoires dans lrsquoagrammatisme
Approche neuropsycholinguistique de la performance de six locuteurs agrammatiques en production orale caracteacuterisation quantitative et fonctionnelle des variabiliteacutes
Merci
aux membres du jury qui ont accepteacute drsquoeacutevaluer ce travail
agrave Jean-Luc Nespoulous qui mrsquoa guideacutee et qui mrsquoa tant encourageacutee en toutes circonstances agrave poursuivre et achever cette thegravese sur un sujet qui lui est cher
agrave toutes les personnes qui ont si geacuteneacutereusement donneacute leur parole SB MC PC BR PB TH LA agrave Catherine Anne Edith Guy Laurent Geacuterard Franck Guillaume Loiumlc Marie-Heacutelegravene Marie-Noeumllle Mado Fanny Valeacuterie Marie Christelle Nathalie Sarah Laurent M
aux orthophonistes qui se sont inteacuteresseacutes agrave ce travail et qui mrsquoont aideacutee agrave rencontrer des sujets Christel Canac-Richard Olivier Heacuteral Sylvie Hirtz Brigitte Bonici Heacutelegravene Le-Roux Mme Pointreau Franck Meacutedina Nathalie Gallifet
aux associations GATT (Groupe des Aphasiques Tchatcheurs du Toulousain en particulier agrave Anne et Yves Ramier-Debenais) GAA (Groupe des Aphasiques de lrsquoAgenais en particulier agrave Geneviegraveve et Michel Chartier) et agrave la FNAF (Feacutedeacuteration Nationale des Aphasiques de France en particulier agrave Jean-Dominique Journet son preacutesident)
agrave la Fondation de France qui mrsquoa octroyeacute la bourse Deacuteclic (en particulier agrave Mme Baudoin-Chial membre du jury 2005)
au soutien logistique du Laboratoire J Lordat et de lrsquoUniversiteacute de Toulouse II-Le Mirail
agrave tous les membres du Laboratoire Jacques Lordat que jrsquoai connus pendant mes premiegraveres anneacutees de thegravese Barbara Koumlpke Estelle Cabrillac Christel Canac-Richard Corinne Dominguez Julie Ranccedilon Karine Rigaldie Pascal Gaillard Michel Billiegraveres Nathalie Spanghero-Gaillard Nathalie Panissal Muriel Barbazan Christiane Soum Marion Fossard Elsa Chopinet-Mayeux (bravo lrsquoortho ) Karine Duvignau Seacutebastien Tarachi Marie-Ange Dat
un merci speacutecial agrave mon ange gardien Vanda Marijanovic qui srsquoest occupeacutee de mes corveacutees administratives avec tant de gentillesse et agrave Evelyne Vilon pour sa disponibiliteacute et merci aussi agrave M Bonnemaison du service de lrsquoimprimerie de lrsquoUTM pour son efficaciteacute et sa gentillesse
merci eacutegalement aux membres du deacutepartement de sciences du langage de lrsquoUniversiteacute drsquoOrleacuteans ougrave jrsquoai eu le plaisir drsquoatterrir pour enseigner pendant deux ans en particulier agrave Meacutelanie Petit (enfin jrsquoai fini ) J-L Rougeacute Olivier Baude Gabriel Bergounioux Lotfi Abouda Emmanuel Schang J-P Thibaudeau Ceacuteline Dugua Iris Eskhol Michegravele Plisson Catherine Brumelot Marjolaine Vallin Linda Hriba Antonia Cristinoi Franccedilois Neacutemo Layaal Kanaan Rita Abdel-Nour
salut aux amis de Nancy Toulouse Rennes Seacuteoul ou ailleurs Sarah Malya et Laurent (et petite Noa) lrsquoLN Marquette la Clo et Manu Clairette et Nico (et petite Jeanne) Muriel la toulourennaise Marie-ange et Benoicirct (et petit Raphaeumll) Nath et Seacuteb (et petite Leiumlla et petite) Christophe et Janna (et petit Kostia) Vanda et Thomas Catherine Charcosset pour ses beaux yeux Corinne et Jeacuterocircme (et petits Arthur et Nicolas) Soraya et Max (et petite Kiyane) Megha et Mauro (et petit Levon) Sylvia la Sarde Kyun-Sun Mado et Loiumlc (et petit Yaume) la peacutetillante Elsa les Alexs (et petite Ernestine) Nico et Aureacutelie Alex Duv Seb Fabre Pape et Diara Nasseacutera Philippe Papis Ceacuteline et Paul (et petite Zeacutelie) Laurent et Claire et bien sucircr Christophe dit Top Christelle et Yannick Elodie et Aliocha (et Sonia et Simon) Marion et Ceacutedric (et Achille et Prune) Fanny et Jeacuterocircme (et Pauline)
jrsquoen profite aussi pour dire toute lrsquoaffection que je porte envers Edith Guy Lucie et petites Edith et Adegravele avec une penseacutee pour Christian et envers ma famille drsquoici et drsquoAlgeacuterie Bekhta qui mrsquoa tant soutenue dans les moments difficiles et Fatima (merci pour le cafeacute ) Rochdie petite Anaeumllle-Jade et Mickaeumll mes parents et tous mes fregraveres et soeurs et leurs enfants Daoud Hassan Saliha Souleymane Yahia Myriama Kheira Mohamed Chaiumlma Mounia Houria
et pour dire tout lrsquoamour que je porte envers ma petite perle Agathe et son papa adoreacute
5
laquo petits mots beaucoup difficiles raquo
(2 BR_agr2)
laquo crsquoest eacutevident mais parler raquo
(3 MC_agr3)
laquo la parole dans la tecircte mais le deacuteroulement la parole est intacte raquo
(5 PB_agr1)
6
Sommaire
7
Sommaire
Volume 1 Introduction 9
Partie I Repegraveres Theacuteoriques 13
1 Contexte et objectif 15 10 Les aphasies 15 11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude 18 12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique 25 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses 26 20 Remarques liminaires 26 21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes 26 22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme 31 23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques
agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation 33 24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives 58 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique 78 30 Modegraveles de production introduction 78 31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation
des processus psycholinguistiques 90 32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle 92 33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les
versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo 97 34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle 100 35 Conclusion 113
Partie II Meacutethodologie 115 4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des
corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)117 40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale 117 41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale 124 42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain 134 43 Recueil des corpus passations 137 44 Caracteacuteristiques des participants 139 45 Construction des observables 144 46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription 147 47 Segmentation des corpus de discours continu 154 48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu 161 49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives 163 410 Corpus collecteacutes et mis en forme 171 411 Conclusion 175
Sommaire
8
5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative177 50 Introduction 177 51 Les variables CORPUS 181 52 Les variables MORPH186 53 Les variables SYNTAX208 54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)216 55 Conclusion219
Partie III Reacutesultats 221 6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX223 60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats 223 61 Reacutesultats variables CORPUS225 62 Reacutesultats variables MORPH245 63 Reacutesultats variables SYNTAX292 7 Synthegravese et discussion 313 70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees 313 71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances 318 72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires323 73 Discussion et perspectives 325
Conclusion geacuteneacuterale 335 Bibliographie 337 Index des scheacutemas tableaux et illustrations 353 Index des figures 355 Liste des abreacuteviations 357 Sommaire deacutetailleacute 361
Volume 2
ANNEXES A B C D E F G H I373
Introduction
9
Introduction
Lrsquoaphasie est la conseacutequence drsquoun deacuteficit affectant les capaciteacutes drsquoencodage etou de deacutecodage drsquoun message verbal Selon le tableau clinique les aspects perturbeacutes du langage varient Cette eacutetude porte plus speacutecifiquement sur lrsquoaphasie agrammatique en production orale Suite agrave une leacutesion heacutemispheacuterique gauche geacuteneacuteralement localiseacutee dans lrsquoAire de Broca encore que de maniegravere non systeacutematique le tableau clinique initial de lrsquoaphasique (souvent proche du mutisme) peut eacutevoluer vers un trouble de lexpression que les neurologues ont appeleacute laquo agrammatisme raquo
Lrsquoagrammatisme inteacuteresse tant les neurologues qui cherchent agrave deacutecrire lrsquoarchitecture anatomo-fonctionnelle sous-jacente agrave lrsquoactiviteacute langagiegravere les psycholinguistiques qui srsquointeacuteressent au fonctionnement cognitif sous-jacent agrave une tacircche verbale donneacutee et les linguistes pour qui lrsquoobjectif est de mieux comprendre les proprieacuteteacutes structurales drsquoune langue et ses instanciations dans certaines situations
Lrsquoeacutetude des pheacutenomegravenes agrammatiques peut ainsi amener agrave circonscrire le ou les territoires ceacutereacutebraux impliqueacutes pour la production du langage oral (par la mise en eacutevidence de dissociations et doubles-dissociations) construire des modegraveles de la performance psycholinguistique par lrsquoimpleacutementation des processus cognitifs impliqueacutes lors de la formulation drsquoun message (par des protocoles expeacuterimentaux manipulant les variables linguistiques) et appreacutehender les proprieacuteteacutes structurales et fonctionnelles drsquoun systegraveme linguistique en vue de modeacuteliser lrsquoorganisation drsquoune langue particuliegravere et du langage en geacuteneacuteral (agrave travers la description de ses manifestations en particulier les composantes morpho-lexicales et syntaxiques)
PROBLEacuteMATIQUE
Notre probleacutematique est focaliseacutee sur lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives
Le comportement verbal agrammatique est envisageacute comme eacutetant le reacutesultat drsquoun dysfonctionnement sous-jacent affectant en particulier lrsquoencodage des morphegravemes grammaticaux Cependant une large part des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme peuvent eacutegalement srsquoenvisager comme eacutetant le reacutesultat de strateacutegies deacuteployeacutees par le patient Ce faisant la preacutesente eacutetude a pour but ultime de mieux caracteacuteriser lrsquoagrammatisme sur le versant des adaptations agrave travers lrsquoexamen de ses manifestations de surfaces complexes et aux multiples facettes
Introduction
10
Nous partons du postulat suivant le patient deacuteficitaire agrammatique est aussi un locuteur strateacutegique
Agrave travers lrsquoagrammatisme lrsquoobjectif est drsquoillustrer un aspect de la dynamique adaptative du fonctionnement langagier sa flexibiliteacute en situation de difficulteacute Selon nous ce principe fondamental se trouve mis en relief dans le cas des conduites adaptatives eacutemergeant de lrsquoaphasie agrammatique Ce meacutecanisme drsquoadaptabiliteacute et de flexibiliteacute si fondamental au langage et agrave la cognition humaine serait fonctionnellement deacutetermineacute Autrement dit au cocircteacute drsquoautres facteurs drsquoordre individuel et structural-linguistique les facteurs externes constituent des facteurs de variabiliteacutes de lrsquooutput Ainsi lrsquoeacutetude des strateacutegies pose la question centrale des variabiliteacutes de niveau quantitatif et qualitatif et dans la perspective inter-tacircches que lrsquoon peut observer de fait ou mecircme sciemment mettre en eacutevidence pour soutenir lrsquohypothegravese des conduites adaptatives De plus la mise en place et lrsquoutilisation de strateacutegies en situation de verbalisation tiennent lieu de traces tangibles de la flexibiliteacute linguistique et psycho-cognitive sous-jacente aux comportements langagiers
Pour deacutemontrer lrsquoexistence des strateacutegies et de la flexibiliteacute psycho-cognitive et linguistique sous-jacente il srsquoagit donc de fournir une interpreacutetation fonctionnelle des variabiliteacutes inter-tacircches eacutemergeant de la manipulation des conditions externes
ORGANISATION DU TRAVAIL
La partie theacuteorique (Partie I) aborde lrsquoagrammatisme en posant des repegraveres indispensables agrave une meilleure compreacutehension des enjeux theacuteoriques poseacutes par ce trouble Apregraves avoir deacutelimiteacute notre objet drsquoeacutetude et preacuteciseacute notre question de recherche et ses motivations (partie I chapitre 1) on proposera une revue de litteacuterature cibleacutee partant des descriptions des perturbations et drsquointerpreacutetation du deacuteficit sous-jacent pour aboutir agrave la question centrale des variabiliteacutes et agrave la theacuteorie drsquoadaptation (partie I chapitre 2)
Ensuite un retour sur les modegraveles psycholinguistiques de la performance pris comme reacutefeacuterences dans certains travaux pour expliquer le trouble (partie I chapitre 3) nous conduira agrave envisager les limites des approches fondeacutees sur une caracteacuterisation essentiellement structurale-linguistique ce qui nous permettra de deacutegager lrsquointeacuterecirct de lrsquoapproche proceacutedurale du point de vue de lrsquointerpreacutetation des variabiliteacutes Pour finir cette partie theacuteorique on argumentera en faveur drsquoune approche de lrsquoagrammatisme conditionneacutee par un positionnement interdisciplinaire laquo neuro-psycho-linguistique raquo raisonneacute guideacute par les principes du fonctionnalisme cognitif
La deuxiegraveme grande partie (Partie II) nous engagera agrave reacutefleacutechir sur la mise en place drsquoun cadre meacutethodologique adeacutequat agrave la caracteacuterisation fonctionnelle du comportement verbal agrammatique en vue de deacutegager des lois de performances notables lieacutees aux caracteacuteristiques de la tacircche de production orale en jeu Plus preacuteciseacutement il srsquoagira de preacutesenter le protocole deacutetailleacute de collecte de donneacutees crsquoest-agrave-dire les caracteacuteristiques des quatre tacircches de production verbale des neuf locuteurs controcircles et des six locuteurs agrammatiques retenus
Introduction
11
pour cette eacutetude en faisant quelques deacutetours par un exposeacute des problegravemes lieacutes au terrain de recherche et agrave la constitution de corpus pathologique Aussi partant des difficulteacutes lieacutees agrave la qualiteacute-mecircme du discours aphasique ainsi collecteacute seront exposeacutes les principes de transcription de mise en forme et de preacute-traitement des corpus de donneacutees orales (partie II chapitre 4)
Ensuite (partie II chapitre 5) nous exposerons en deacutetail et agrave lrsquoaide drsquoexemples concrets tireacutes des corpus pathologiques ou du langage ordinaire le protocole drsquoanalyse quantitative appliqueacute aux corpus suivant une trentaine de variables linguistiques deacutefinies et regroupeacutees sous trois grandes cateacutegories de variables (CORPUS MORPH et SYNTAX) Ce faisant nous expliquerons les ameacutenagements reacutealiseacutes ainsi que les nouvelles mesures ajouteacutees par rapport au protocole drsquoanalyse quantitative original qui dans une large mesure a inspireacute la meacutethode adopteacutee
La troisiegraveme et derniegravere partie de ce travail (Partie III) est drsquoabord consacreacutee agrave un examen approfondi des reacutesultats quantitatifs moyenneacutes et ou individuels obtenus agrave partir des analyses systeacutematiques pratiqueacutees sur chacun des corpus Suivant chacune des cateacutegories de variables speacutecifieacutees (CORPUS MORPH et SYNTAX) les graphes de comparaison inter-groupes inter-tacircches et inter-sujets nous amegraveneront agrave deacutecrire des patrons de variabiliteacutes drsquoorganisation macro- et micro-discursive refleacutetant des strateacutegies de structuration linguistique particuliegraveres (Partie III chapitre 6)
Pour finir (Partie III chapitre 7) une synthegravese des reacutesultats et des interpreacutetations axeacutee sur la caracteacuterisation de lois de performances notables lieacutees au recours agrave des strateacutegies varieacutees constituera un nouveau point drsquoancrage agrave lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation
En guise de conclusion et drsquoouverture nous preacutesenterons alors une typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires employeacutees dans lrsquoaphasie agrammatique en production orale sans oublier de revenir sur les limites de la preacutesente eacutetude et drsquoen deacutegager quelques perspectives drsquoapprofondissements et pistes de reacuteflexions possibles
ORGANISATION DES ANNEXES
En annexe A le lecteur trouvera le formulaire drsquoentreacutee proposeacute aux locuteurs ayant accepteacute de participer agrave la collecte de donneacutees verbales Puis les caracteacuteristiques deacutetailleacutees des participants controcircles et agrammatiques sont disponibles en annexes B C et D
En annexe E ougrave figurent tous les stimuli utiliseacutes dans notre protocole expeacuterimental la proceacutedure de passation est exposeacutee en deacutetail pour chacune des quatre tacircches de production
En annexe F sont reacutesumeacutees les instructions de transcriptions et de mise en forme des corpus oraux Ensuite en annexe G un exemple de feuille de travail sur corpus avec les cotations reacutealiseacutees et sa feuille de reacutesultats associeacutee permet drsquoavoir une vision concregravete des types de transcriptions et des traitements appliqueacutes
Introduction
12
Drsquoautre part sont fournis en annexe H lrsquoensemble des corpus oraux collecteacutes aupregraves des six participants agrammatiques ainsi que les feuilles de reacutesultats et graphes de donneacutees individuelles associeacutes
En annexe I nous avons reproduit partiellement les corpus oraux collecteacutes aupregraves du groupe de locuteurs controcircles (corpus de reacutefeacuterence) Ces corpus transcrits concernent trois des neuf participants controcircles Pour finir nous avons fourni les feuilles de reacutesultats associeacutees agrave ces trois corpus controcircles et lrsquoensemble des graphes de donneacutees individuelles concernant les neuf sujets controcircles dont les corpus ont eacuteteacute analyseacutes
13
Partie I Repegraveres Theacuteoriques
14
PARTIE I 1 Contexte et objectif
15
1 Contexte et objectif
10 Les aphasies
En France le nombre de personnes atteintes drsquoun accident vasculaire ceacutereacutebral (AVC) ayant entraicircneacute des troubles neurologiques transitoires ou permanents est estimeacute agrave 500 000 Tous les ans 150 000 personnes seraient victimes drsquoun AVC pour lesquelles le taux de reacutecidive est eacutevalueacute agrave 25 La survenue drsquoun AVC est la troisiegraveme cause de mortaliteacute et la premiegravere cause de handicap (moteur et psychique) 75 des patients ceacutereacutebro-leacuteseacutes ont plus de 65 ans1
Une leacutesion affectant le systegraveme nerveux central (SNC) peut reacutesulter de diffeacuterents types drsquoAVC2 (AMARENCO 2001)
lrsquoAVC ischeacutemique (80 des cas drsquoAVC) un caillot de sang peut bloquer la circulation dans une artegravere et de ce fait une partie des tissus nrsquoest plus irrigueacutee ce qui entraicircne la survenue drsquoun infarctus ceacutereacutebral Lrsquoocclusion peut reacutesulter drsquoune thrombose en cas drsquoocclusion drsquoune artegravere ceacutereacutebrale ou drsquoune embolie drsquoorigine extra-cracircnienne (aortique ou carotidienne)
lrsquoAVC heacutemorragique (15 ) la rupture drsquoune artegravere est la cause drsquoune heacutemorragie ceacutereacutebrale qui endommage les cellules nerveuses environnantes
lrsquoheacutemorragie meacuteningeacutee (5 ) faisant suite dans la majoriteacute des cas agrave la rupture drsquoun aneacutevrisme arteacuteriel lrsquoheacutemorragie atteint les espaces situeacutes entre la paroi cracircnienne et le SNC
Parmi les diffeacuterents types de seacutequelles drsquoorigine neurologique occasionneacutees par une leacutesion ceacutereacutebrale (coma et trouble de la conscience ceacutephaleacutees heacutemipleacutegie et trouble de la coordination motrice heacutemipareacutesie et trouble sensitif trouble de lrsquoeacutequilibre trouble praxique trouble thymique trouble de lrsquoattention du raisonnement de la concentration de la vision de lrsquoaudition) lrsquoaphasie est un trouble du langage acquis qui selon le siegravege et lrsquoeacutetendue de la leacutesion est plus ou moins seacutevegravere
Les symptocircmes de perturbations langagiegraveres sont freacutequemment associeacutes agrave drsquoautres types de symptocircmes Mais la variabiliteacute inter-individus est telle qursquoil est difficile de deacutegager des correacutelations anatomo-fonctionnelles stables et immuables Cependant il est communeacutement admis qursquoune leacutesion cortico-sous-corticale situeacutee dans lrsquoheacutemisphegravere dominant pour le langage entraicircne dans la plupart des cas une aphasie
1 Estimations chiffreacutees de France AVC (association drsquoaide aux parents et aux familles de patients victimes drsquoAVC) 2 Les leacutesions ceacutereacutebrales qui font suite agrave un traumatisme cracircnien (choc violent agrave la tecircte) agrave une tumeur ceacutereacutebrale agrave une maladie deacutegeacuteneacuterative plus diffuse (telle que la maladie drsquoAlzheimer) ou agrave une infection sont agrave consideacuterer agrave part
PARTIE I 1 Contexte et objectif
16
En effet lorsque certaines aires ceacutereacutebrales impliqueacutees dans la gestion du langage articuleacute sont endommageacutees il y a laquo perte raquo partielle ou totale des capaciteacutes agrave formuler etou agrave interpreacuteter les mots et les phrases en modaliteacute orale etou en modaliteacute eacutecrite Autrement dit un ceacutereacutebro-leacuteseacute peut manifester des difficulteacutes drsquoutilisation du code linguistique qui avant la leacutesion ceacutereacutebrale avait atteint un niveau de deacuteveloppement normal3
La prise en consideacuteration du type et du siegravege drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale combineacutee agrave une approche clinique du dysfonctionnement langagier permet drsquoenvisager lrsquoorganisation fonctionnelle du cerveau En effet les classifications des aphasies reposent sur lrsquoobservation du site leacutesionnel impliqueacute la description du type de perturbations linguistiques (la symptomatologie) et sur la modaliteacute du langage qui est affecteacutee (le versant expressif reacuteceptif ou les deux) Lrsquoaphasie revecirct des formes multiples regroupeacutees en deux grandes familles les aphasies non fluentes et les aphasies fluentes
Il nrsquoest pas question ici de rendre compte de maniegravere approfondie de toutes les typologies en aphasiologie ayant eacutemergeacute de la recherche de dissociations et de doubles-dissociations4 et de correacutelations anatomo-fonctionnelles ainsi que de leur remise en question perpeacutetuelle agrave travers des observations de sites leacutesionnels contradictoires ou agrave travers les deacutebats entre localisationnistes et associationnistes depuis la phreacutenologie de GALL5
Par contre la classification issue de la collaboration entre le neurologue LURIA et le linguiste JAKOBSON preacutesentera pour nous un inteacuterecirct tout particulier (nous y reviendrons dans le chapitre 2 au point 2321 p 34)
Nous preacutesentons ci-apregraves (Tableau 117 p 17 drsquoapregraves GIL 1999) un rapide tour drsquohorizon des diffeacuterentes formes drsquoaphasies classiquement reacutepertorieacutees dans les approches cliniques (en neurologie et en theacuterapie du langage) et regroupeacutees sous deux groupes drsquoaphasies suivant leur caractegravere fluent ou non fluent
3 Les alteacuterations peuvent eacutegalement concerner de maniegravere plus speacutecifique les aspects pragmatiques de la communication verbale et non verbale Ce type de trouble de niveau pragmatique est geacuteneacuteralement causeacute par des leacutesions situeacutees dans lrsquoheacutemisphegravere droit 4 La mise en valeur de dissociations refleacutetant des meacutecanismes psycho-cognitifs laquo indeacutependants raquo est possible par lrsquoobservation de diffeacuterences significatives entre les performances drsquoun sujet entre une tacircche A et une tacircche B La mise en valeur de doubles-dissociations supposent qursquoune dissociation deacutemontreacutee pour un premier sujet complegravete la dissociation inverse deacutemontreacutee pour un deuxiegraveme sujet pour les mecircmes tacircches A et B (crsquoest-agrave-dire que les deux sujets doivent montrer un patron de performances inverseacute et compleacutementaire dans une tacircche A et une tacircche B ce qui permet de valider lrsquohypothegravese sur la dissociation envisageacutee au deacutepart (WILLMES 1993 1998) 5 Nous renvoyons le lecteur aux synthegraveses historiques et eacutepisteacutemologiques de lrsquoaphasiologie de MESSERLI (1989) et BERGOUNIOUX (2001)
PARTIE I 1 Contexte et objectif
17
Deacutenominations Sites leacutesionnels Tableaux cliniques du point de vue des symptocircmes patholinguistiques
I Les aphasies agrave langage reacuteduit ou aphasies non fluentes 1 Aphasie de Broca aphasie drsquoexpression ou aphasie motrice corticale (Deacutejerine) aphasie motrice effeacuterente ou aphasie motrice cineacutetique (Luria) aphasie de reacutealisation phoneacutematique (Haecan)
Le cap et le pied de la troisiegraveme circonvolution frontale gauche (ou pied de F3 ou aires ndeg44 et 45 de Brodmann ou aire de Broca reacutegion corticale) noyaux gris centraux (reacutegion sous-corticale)
Reacuteduction du langage Inhibition et faible deacutebit verbal Elocution lente et laborieuse Perturbations articulatoires et phoneacutetiques (laquo deacutesinteacutegration phoneacutetique raquo) Perturbations de la combinaison des mots Steacutereacuteotypies (une syllabe un mot isoleacute ou une expression involontaire de langage automatique comme une formule politesse) Apraxie bucco-faciale Dysprosodie La compreacutehension verbale est relativement preacuteserveacutee mais la compreacutehension des mots grammaticaux est perturbeacutee tout comme la lecture (alexies) Dans certains cas apregraves le mutisme dans le stade initial reacutegression de lrsquoaphasie avec apparition drsquoun agrammatisme en production verbale (perturbations de lrsquoutilisation des mots grammaticaux) Le patient est conscient de son trouble
2 Aphasie totale de Deacutejerine ou grande aphasie de Broca
Vastes leacutesions heacutemispheacuteriques Perturbations massives du langage en production et en compreacutehension agrave lrsquooral et agrave lrsquoeacutecrit
3 Anarthrie pure de Pierre Marie
Opercule frontal ou substance blanche du bras anteacuterieur de la capsule interne
Trouble articulatoire pure voire mutisme La compreacutehension est strictement preacuteserveacutee agrave lrsquooral et agrave lrsquoeacutecrit
4 Aphasie transcorticale motrice adynamie de la parole (Kleist Pick) aphasie dynamique (Luria)
Gyrus insulaire et structures limbiques Leacutesion frontale de lrsquoaire motrice suppleacutementaire (aphasie corticale) ou atteinte profonde de la substance blanche sous-corticale
Perturbations de lrsquoinitiation eacutelocutoire (manque drsquoincitation verbal) Echolalies Compreacutehension orale et eacutecrite preacuteserveacutee
II Les aphasies agrave langage fluide ou aphasies fluentes 1 Aphasie de Wernicke aphasie sensorielle ou aphasie de reacuteception
Leacutesion de lrsquoaire de Wernicke (aire associative auditive de la face externe posteacuterieure de la circonvolution temporale supeacuterieure (T1) ou aire ndeg22 de Brodmann en-dessous des aires auditives primaire (gyrus de Heschl 41) et secondaire (42) atteinte du gyrus angulaire (39 encodage et deacutecodage du langage eacutecrit) et du gyrus supra-marginal (40 reacutepeacutetition)
Fluiditeacute verbale preacuteserveacutee Deacutesinhibition verbale discours logorrheacuteique Perturbation massive de la compreacutehension orale et eacutecrite En lecture apparition de paralexies et en eacutecriture apparition de paragraphies En production du langage preacutesence de paraphasies phoneacutemiques lexico-seacutemantiques Paraphasies touchant aussi les mots grammaticaux ce qui donne lrsquoeffet drsquoune dyssyntaxie (seacutelection drsquoun morphegraveme grammatical inadeacutequat) Neacuteologies lexicales Deacutesorganisation et incoheacuterence de surface donnant une impression de jargon (jargonaphasie) Anosognosie (le patient nrsquoa pas conscience de son trouble)
2 Syndrome alexie-agraphie de Deacutejeacuterine ou aphasie de Wernicke de type III (Roch-Lecours et Lhermitte)
Gyrus angulaire cortex visuel associatif
La production est preacuteserveacutee Manque du mot en deacutenomination Lrsquoeacutecrit est tregraves deacuteficient jargonagraphie (en eacutecriture) et alexie (en lecture)
3 Aphasie amneacutesique de Pitres
Leacutesions de la circonvolution temporale infeacuterieure
Manque du mot compenseacute par lrsquoemploi drsquoune circonlocution trouble drsquoordre lexico-seacutemantique La compreacutehension est preacuteserveacutee
4 Aphasie de conduction ou aphasie centrale (Goldstein) ou aphasie motrice affeacuterente
Leacutesions touchant le faisceau arqueacute unissant lrsquoaire de Wernicke agrave lrsquoaire de Broca
La compreacutehension est preacuteserveacutee Production de paraphasies phoneacutemiques et morphologiques avec tentatives drsquoauto-corrections
5 Surditeacute verbale pure Leacutesions cortico-sous-corticales bi-temporales ou temporales gauches (deacuteconnexion entre lrsquoaire de Wernicke et le gyrus de Heschl)
La production du langage est normale alors que le deacutecodage auditif est impossible Trouble de la reacutepeacutetition
6 Lrsquoaphasie transcorticale sensorielle ou aphasie de Wernicke de type II (Roch-Lecours et Lhermitte) ou syndrome drsquoisolement des aires du langage
Gyrus angulaire (aires 37 et 39 les aires de Broca et de Wernicke ainsi que le faisceau arqueacute sont indemnes)
Alteacuteration massive de la compreacutehension orale et eacutecrite alors que la reacutepeacutetition est preacuteserveacutee Manque du mot Deacutenomination preacuteserveacutee dans certains cas Reacutepeacutetition preacuteserveacutee
7 Les aphasies croiseacutees Leacutesions corticales de lrsquoheacutemisphegravere mineur
Le tableau clinique emprunte aux autres tableaux cliniques des aphasies deacutecrites
Tableau 1 Les diffeacuterentes formes drsquoaphasies
PARTIE I 1 Contexte et objectif
18
Cette classification ne contredit pas les grandes lignes de la synthegravese proposeacutee par LECOURS et LEHRMITTE (1979 339-341) devenue une reacutefeacuterence dans le monde francophone de lrsquoaphasiologie Leur taxonomie des aphasies reposent sur laquo onze constellations seacutemiologiques [citeacutees ci-apregraves] en plus de lrsquoaphasie globale et des aphasies mixtes raquo regroupeacutees sous trois tableaux cliniques suivant le site leacutesionnel en cause (soit treize tableaux cliniques)
les aphasies pures (leacutesions concernant un cortex primaire ou une partie drsquoun cortex associatif) la surditeacute verbale pure la ceacuteciteacute verbale pure lrsquoanarthrie pure et lrsquoagraphie pure
les aphasies de Broca et de Wernicke (leacutesions concernant un cortex associatif speacutecifique etou des axones associatifs en direction ou en provenance immeacutediate de celui-ci) lrsquoaphasie de Wernicke (de type I) lrsquoaphasie de Wernicke de type III lrsquoaphasie de Broca lrsquoaphasie de conduction lrsquoaphasie amneacutesique (de Pitres)
les aphasies transcorticales (leacutesions concernant un cortex associatif non speacutecifique etou des axones associatifs en direction ou en provenance immeacutediate de celui-ci) lrsquoaphasie de Wernicke de type II lrsquoaspontaneacuteiteacute
En reacutesumeacute le terme aphasie deacutesigne lrsquoensemble des troubles du langage en compreacutehension et en production agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral faisant suite agrave une leacutesion ceacutereacutebrale dont le siegravege est geacuteneacuteralement dans lrsquoheacutemisphegravere gauche Lrsquoaphasique preacutesente des troubles varieacutes deacutependant du type de leacutesion reacuteveacuteleacutes dans certaines modaliteacutes en jeu et suivant certains niveaux drsquoorganisation linguistique
Drsquoapregraves les critegraveres preacuteciteacutes le tableau clinique drsquoun patient aphasique est associeacute agrave un certain type drsquoaphasie suivant les classifications admises par consensus Cependant gardons agrave lrsquoesprit que le plus souvent un tableau clinique singulier peut srsquoassocier agrave des symptomatologies classiquement attribueacutees agrave des aphasies distingueacutees au sein drsquoune mecircme classification
11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude
Dans le cadre de cette eacutetude nous nous inteacuteressons strictement agrave lrsquoaphasie agrammatique geacuteneacuteralement associeacutee au tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca Nous envisageons lrsquoagrammatisme agrave travers ses aspects neurologiques psycho-cognitifs et linguistiques
En effet les troubles du langage acquis constituent un terrain pseudo-expeacuterimental de choix pour qui souhaite questionner les fondements du langage dans ses dimensions neurologique psycho-cognitive et linguistique (structurale-formelle et fonctionnelle) Crsquoest drsquoapregraves ces dimensions que notre objet drsquoeacutetude et les questions fondamentales qursquoil pose sont abordeacutes
PARTIE I 1 Contexte et objectif
19
111 La dimension neurologique lrsquoaphasie de Broca et le rocircle de lrsquoaire de Broca
Lrsquoapproche clinique des pheacutenomegravenes de perturbations linguistiques srsquoinscrit dans une longue histoire dont une eacutetape marquante fut incarneacutee par les travaux de BROCA agrave la fin de 19egraveme siegravecle En 1861 il avance lrsquohypothegravese localisationniste selon laquelle la zone du langage serait circonscrite dans une aire situeacutee dans le laquo lobe frontal de lrsquoheacutemisphegravere gauche raquo suite aux correacutelations anatomo-fonctionnelles formuleacutees par lrsquoobservation du comportement verbal drsquoun patient laquo apheacutemique raquo ceacutereacutebro-leacuteseacute gauche6 Suivant la meacutethode jacksonienne7 lrsquoapproche clinique est fondeacutee sur lrsquoobservation de symptocircmes dans le comportement drsquoune part et lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents en jeu drsquoautre part pour aboutir agrave leur dissociation fonctionnelle
Dans les conceptions classiques lrsquoaire de Broca est le territoire cortical soupccedilonneacute responsable de la gestion du langage en production verbale Dans la nomenclature de BRODMANN (1909) lrsquoaire de Broca correspond aux aires ndeg44 (pars opercularis appeleacutee aussi reacutegion operculaire du gyrus frontal infeacuterieur ou pied de F3) et 45 (pars triangularis) Cette zone du cerveau fut reacuteputeacutee responsable de la faculteacute de langage articuleacute par BROCA (1861) Lrsquoaphasie de Broca de la famille des aphasies dites non fluentes est geacuteneacuteralement associeacutee agrave une leacutesion de cette aire Elle est habituellement deacutecrite suivant le tableau clinique deacutejagrave eacutevoqueacute (voir Tableau 1 p 17)
Cependant DEacuteMONET et PUEL (1994 341) nuancent lrsquoimplication de lrsquoaire de Broca dans le tableau clinique de lrsquoaphasie du mecircme nom Ils soulignent que laquo la description traditionnelle de lrsquoaphasie de Broca apparaicirct trop restrictive pour rendre compte des exceptions mentionneacutees par la litteacuterature raquo
En effet il semble qursquoil faille consideacuterer que drsquoautres reacutegions en plus de lrsquoaire de Broca soient impliqueacutees dans la production de langage articuleacute (des structures sous-corticales et des portions de lrsquoheacutemisphegravere droit) Il ne faut pas neacutegliger les situations cliniques reacuteveacutelant des inadeacutequations freacutequentes entre les symptocircmes co-occurrents (les perturbations linguistiques observeacutees) lrsquoeacutetiologie (la cause organique) et les tableaux cliniques conventionnels des aphasies
6 Le cas Leborgne dit Tan laquo tan raquo eacutetant la syllabe qursquoil utilisait pour lrsquoexpression de tous ses actes de langages (ce qui correspond au symptocircme de steacutereacuteotypie) Son cerveau est conserveacute au museacutee Dupuytren aux Cordeliers rue de lrsquoEcole de Meacutedecine agrave Paris On peut aussi y trouver le cas anatomo-clinique Lelong pour lequel fut publieacutee en 1861 aussi une laquo Nouvelle observation drsquoapheacutemie produite par une leacutesion de la moitieacute posteacuterieure des deuxiegraveme et troisiegraveme circonvolutions frontales gauches raquo dans les Bulletins de la Socieacuteteacute Anatomique de Paris 36 330-357 Drsquoautres cas seront reporteacutes par BROCA dans les anneacutees 1860 7 Hughlings Jackson neurologue eacutevolutionniste anglais de la fin du 19egraveme siegravecle (voir JACKSON 1958) Ses travaux sont notamment consacreacutes agrave lrsquoaphasie et agrave son interpreacutetation suivant le principe de dissociation des comportements automatiques et volontaires et suivant le principe de la hieacuterarchie des fonctions du systegraveme nerveux
PARTIE I 1 Contexte et objectif
20
Les classifications inspirant largement les batteries de tests standardiseacutes utiliseacutes en clinique (telles que le Boston Diagnosis Aphasia Examination MICELI et al 1983) ou le MT86 (NESPOULOUS et al 1986) ne sont pas efficaces agrave 100 Elles devraient ecirctre relativiseacutees notamment pour le tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca
En effet pour DEacuteMONET et PUEL (1994 346)
laquo Le geacuteneacuterique aphasie de Broca est trop impreacutecis et neacutecessiterait le recours agrave trois sous-types selon que lrsquoon observe la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune dyslexie profonde la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoun agrammatisme la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune deacutesinteacutegration phoneacutetique raquo
Ainsi toujours selon les mecircmes auteurs (1994 348)
laquo Celui[-ci] fait lrsquoobjet de la plus grande variabiliteacute en matiegravere de localisation leacutesionnelle [] Quelque soit le site leacutesionnel en cause le tableau clinique se caracteacuterise tout drsquoabord par une reacuteduction quantitative et qualitative de lrsquoexpression orale [] Agrave la suite drsquoune eacutevolution variable il peut srsquoinstaller un agrammatisme caracteacuteriseacute par une simplification de la syntaxe avec quasi-suppression des morphegravemes grammaticaux et emploi des verbes agrave lrsquoinfinitif conduisant agrave un style teacuteleacutegraphique raquo
En reacutesumeacute notre objet drsquoeacutetude est circonscrit agrave lrsquoaphasie de Broca avec agrammatisme qursquoon classifie habituellement dans la famille des aphasies non fluentes (voir Tableau 1 p 19) ayant eacuteteacute entraicircneacutee par une leacutesion cortico-sous-corticale focale de lrsquoheacutemisphegravere gauche impliquant lrsquoaire de Broca partiellement ou totalement Pour cette recherche les six cas drsquoaphasie agrammatique ont tous eacuteteacute seacutelectionneacutes drsquoapregraves ce critegravere neurologique restrictif Nous reviendrons dans le chapitre 2 (voir 21 p 26) sur les traits deacutefinitoires de lrsquoagrammatisme qui dans de rares cas apparaicirct dans le tableau clinique classique de lrsquoaphasie de Broca
112 La dimension cognitive lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques sous-jacents
Suite agrave la leacutesion ceacutereacutebrale le deacuteficit sous-jacent se manifeste par des difficulteacutes drsquoordre psycholinguistique lors de la performance verbale en perception compreacutehension et production du langage selon les modaliteacutes eacutecrite ou orale
Notre objet drsquoeacutetude concerne en particulier le versant expressif du comportement verbal soit la production orale agrammatique Notre inteacuterecirct se porte donc sur les difficulteacutes de formulation laquo grammaticale raquo lieacutee agrave la survenue drsquoune aphasie de Broca avec agrammatisme Ainsi les aspects psycholinguistiques du comportement verbal aphasique agrave lrsquooral (lrsquooutput) et des traitements de lrsquoinformation grammaticale reacutealiseacutes en amont (les processus sous-jacents drsquoencodage grammatical) integravegrent les capaciteacutes de traitements attentionnels et mneacutesiques
Nous reviendrons en deacutetail sur un modegravele psycholinguistique de la production verbale en lrsquooccurrence celui de LEVELT (1989 1993 1999) qui nous aidera agrave mieux comprendre le dysfonctionnement cognitif sous-jacent agrave certains pheacutenomegravenes observeacutes dans lrsquooutput
PARTIE I 1 Contexte et objectif
21
agrammatique (au point 3 p 78) Drsquoautre part le protocole expeacuterimental et la deacutemarche drsquoanalyse quantitative appliqueacutee srsquoappuient sur des principes meacutethodologiques geacuteneacuteraux issus du domaine de la psycholinguistique
113 La dimension linguistique la description des pheacutenomegravenes agrammatiques
La dimension linguistique renvoie selon une perspective formelle aux aspects structuraux de la langue en question (des aspects acoustiques aux aspects discursifs) Le deacuteficit peut se refleacuteter dans un aspect structural particulier qursquoil est possible drsquoenvisager agrave travers le comportement verbal du patient crsquoest-agrave-dire lors de la reacuteception drsquoun message ou dans la forme mecircme drsquoun message produit et agrave travers un niveau de repreacutesentation linguistique postuleacute en theacuteorie
Dans cette eacutetude nous souhaitons deacutecrire gracircce aux outils conceptuels et meacutethodologiques issus des sciences du langage la structuration du parler agrammatique du point de vue des difficulteacutes de formulation mais aussi du point de vue des proceacutedures drsquoadaptation ou strateacutegies compensatoires deacuteployeacutees par le locuteur De la construction des corpus agrave la description des pheacutenomegravenes on srsquoappuie sur des principes theacuteoriques et meacutethodologiques fortement ancreacutes dans le domaine de la linguistique de lrsquooral Drsquoautre part les niveaux de repreacutesentation linguistique drsquointeacuterecirct qui incombent agrave ce travail correspondent au niveau de repreacutesentation morpho-lexicale (structuration morpho-lexicale de lrsquooutput) et au niveau de repreacutesentation syntaxique (structuration syntagmatique de lrsquooutput)
114 La dimension fonctionnelle deacuteficit incapaciteacute handicap circonstancieacute et principe drsquoadaptation
La dimension fonctionnelle dans un sens large implique que tout message verbal oral ou eacutecrit srsquoenvisage en tant qursquoeacutenonceacute produit ou compris par un locuteur en situation de communication Ainsi le langage est envisageacute en tant qursquoinstrument de communication verbale eacutetablie entre un locuteur ou destinateur (Speaker) et lrsquoauditeur ou destinataire (Adressee)
Pour ce qui nous occupe la notion de handicap verbal circonstancieacute renvoie agrave lrsquoincapaciteacute du patient aphasique agrave formuler un message verbal selon le systegraveme des conventions eacutetablies par son groupe social Lorsque le langage laquo eacutechappe raquo agrave son locuteur du fait de lrsquoaphasie le message subit une perte drsquoefficaciteacute ou devient mecircme inopeacuterant vis agrave vis de lrsquoactiviteacute drsquoeacutechange verbal dans laquelle le locuteur est engageacute La transmission du message srsquoavegravere en conseacutequence deacutefectueuse en situation drsquointerlocution
Dans une perspective fonctionnelle les aspects environnementaux de tout acte locutoire mecircme deacutefectueux suite agrave la survenue drsquoun AVC sont ainsi pris en compte Lrsquoapproche
PARTIE I 1 Contexte et objectif
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philosophique et globale du handicap chez lrsquohomme eacutenonceacutee par PERRY et al (1997) et PERRY et al (1999) srsquoinscrit dans ce paradigme fonctionnel
Appliqueacutee en theacuteorie du langage par NESPOULOUS et VIRBEL (2004) et NESPOULOUS (2004) la distinction opeacutereacutee par PERRY et al (1997) entre les concepts drsquoimpairment (dysfonctionnement) de disability (incapaciteacute) et de handicap peut tregraves naturellement srsquoappliquer aux probleacutematiques poseacutees par les troubles du langage (voir Scheacutema 1 p 23)
De cette maniegravere les aphasies ne srsquoenvisagent pas seulement du point de vue de la maladie neurologique du deacuteficit cognitif drsquoencodage ou des perturbations structurales formelles occasionneacutees Elles sont aussi appreacutehendeacutees en inteacutegrant les entraves agrave la transmission efficace drsquoun contenu informationnel lors des relations sociales engendreacutees par les difficulteacutes de formulation verbale (dysfonctionnement et incapaciteacute) elles-mecircmes drsquoune part et drsquoautres part engendreacutees par les paramegravetres de la situation et les moyens disponibles dans le contexte pour mener agrave bien lrsquoactiviteacute langagiegravere
Ainsi la deacutemarche fonctionnelle a pour corollaire la prise en consideacuteration des eacuteleacutements de lrsquoenvironnement autrement dit les facteurs externes ou contextuels qui ont un effet deacutefavorable ou qui peuvent au contraire avoir un effet beacuteneacutefique sur la reacutealisation drsquoune activiteacute entraveacutee par une incapaciteacute aveacutereacutee
Cette approche dynamique revecirct pour nous lrsquointeacuterecirct de toute eacutetude du comportement en situation de handicap de son eacutevaluation agrave sa remeacutediation
Le scheacutema ci-apregraves (Scheacutema 1 p 23) expose les relations entre les notions de dysfonctionnement incapaciteacute et handicap qui sous-tendent notre approche de lrsquoaphasie agrammatique
Le dysfonctionnement (impairment) renvoie au type de deacuteficit sous-jacent reacutesultant de la leacutesion ceacutereacutebrale et impliquant les processus drsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale
Ensuite le dysfonctionnement entraicircne une incapaciteacute (dysability) agrave formuler un message du fait des difficulteacutes drsquoencodage occasionneacutees lors de la verbalisation
Lrsquoincapaciteacute est pour finir circonstancieacutee dans un environnement donneacute crsquoest-agrave-dire que crsquoest par rapport au contexte situationnel englobant que lrsquoincapaciteacute verbale doit ecirctre relativiseacutee La communication est alors plus ou moins entraveacutee selon les moyens disponibles dans lrsquoenvironnement Le handicap communicatif occasionneacute deacutepend alors de divers paramegravetres notamment contextuels
PARTIE I 1 Contexte et objectif
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Scheacutema 1 Approche globale et dynamique de lrsquoaphasie deacuteficit sous-jacent incapaciteacute verbale
handicap communicationnel et principe drsquoadaptation
De la mecircme maniegravere dans le domaine de lrsquoanalyse conversationnelle (AC) appliqueacutee agrave lrsquoaphasie PRINS et BASTIAANSE (2004) insistent sur le fait que les outils drsquoeacutevaluation et de theacuterapie utiliseacutes en vue drsquoappreacutecier une incapaciteacute verbale doivent ecirctre conccedilus en distinguant les notions de deacuteficit drsquoincapaciteacute et de handicap
laquo Lrsquoimportance des aspects fonctionnels de la communication chez le locuteur aphasique fut aussi appuyeacutee par lrsquoideacutee que la conception tripartite laquo Deacuteficit - Incapaciteacute - Handicap raquo jusqursquoagrave maintenant bien connue et utiliseacutee par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute (1980) peut rigoureusement srsquoappliquer agrave la theacuterapie du langage associeacutees aux aphasies raquo8
8 Notre traduction laquo The emphasis of the functional communication of aphasic speakers was also supported by the view that the by now well-known tripartion laquo Impairement ndash Disability ndash Handicap raquo of the World Health Organization (WHO 1980) could sensibly be applied to aphasia therapy raquo
HANDICAP contexte situationnel Handicap communicatif incapaciteacute verbale aveacutereacutee circonstancieacutee selon les paramegravetres de la situation de verbalisation de lrsquointeraction sociale (communication plus ou moins entraveacutee selon les moyens disponibles dans lrsquoenvironnement)
INCAPACITE (DYSABILITY) contexte neuro-pathologique individuel Incapaciteacute verbale aveacutereacutee intrinsegraveque incapaciteacute agrave formuler un message verbal selon les standards grammaticaux de lrsquooral ordinaire (perturbations du codage linguistique du message)
DYSFONCTIONNEMENT (IMPAIRMENT) contexte neuro-pathologique individuel Deacuteficit sous-jacent impliquant les processus de geacuteneacuteration verbale (deacuteficit affectant lrsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale)
Reacutecupeacuteration spontaneacutee et ou reacutecupeacuteration guideacutee
(2) Handicap communicationnel compenseacute ADAPTATION le patient srsquoadapte agrave la situation et utilise ses capaciteacutes langagiegraveres preacuteserveacutees Le deacuteficit et lrsquoincapaciteacute sont contourneacutes compenseacutes par drsquoautres moyens Les capaciteacutes preacuteserveacutees sont exploiteacutees malgreacute la preacutesence drsquoune incapaciteacute qui entrave de maniegravere plus ou moins seacutevegravere la formulation verbale
(1) Capaciteacute verbale restaureacutee REacuteCUPEacuteRATION le patient retrouve ses capaciteacutes de verbalisation et de communication
PARTIE I 1 Contexte et objectif
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En effet les aspects fonctionnels du comportement langagier entrent en ligne de compte et aident agrave mieux caracteacuteriser le handicap communicationnel La deacutemarche qui consiste agrave inteacutegrer les facteurs environnementaux pour envisager les reacutepercussions drsquoune deacuteficience affectant une structure anatomique donneacutee sur les activiteacutes reacutealiseacutees ou agrave reacutealiser concregravetement par une personne est utiliseacutee par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute (OMS) dans sa classification des handicaps
Le trouble du langage et le handicap communicationnel occasionneacutes par une aphasie sont ainsi appreacutehendeacutes suivant une grille de lecture standard partant de la classification des fonctions et structures organiques des activiteacutes et des facteurs environnementaux humains Il srsquoagit de la Classification Internationale du Fonctionnement du handicap et de la santeacute (CIF ou International classification of functioning disability and health ICF)9
En reacutesumeacute notre approche des strateacutegies srsquoinscrit dans une perspective fonctionnelle ougrave le dysfonctionnement et lrsquoincapaciteacute agrave formuler un message selon les conventions sont agrave resituer en contexte crsquoest-agrave-dire dans une situation de communication deacutefinie par des degreacutes variables de pressions ou contraintes externes10
Ainsi agrave partir du moment ougrave la situation du locuteur est prise en consideacuteration lrsquoincapaciteacute du locuteur est agrave relativiser En effet ce sont les paramegravetres drsquoune situation de communication donneacutee qui vont dans une certaine mesure deacuteterminer le degreacute de handicap communicationnel occasionneacute si le deacuteficit et lrsquoincapaciteacute ne varient pas per se le handicap lui peut srsquoaccentuer ou srsquoamoindrir suivant les paramegravetres ou les contraintes en jeu dans la situation de verbalisation De la sorte une approche coheacuterente des strateacutegies de formulation verbale agrammatique ne peut pas eacutevacuer la dimension fonctionnelle Cette dimension integravegre les aspects contextuels adaptatifs de tout acte locutoire en situation neuro-pathologique ougrave des difficulteacutes viennent entraver lrsquoactiviteacute langagiegravere (NESPOULOUS et VIRBEL 2004 NESPOULOUS 2004 2005)
9 Voir le site Internet httpwwwwhointclassificationsicfen 10 Mecircme si notre propos nrsquoest pas drsquoeacutetudier lrsquointeraction verbale en situation de communication laquo naturelle raquo notre protocole de collecte de corpus repose sur une approche fonctionnelle de la variabiliteacute inter-tacircches ougrave la manipulation de contraintes externes influencerait en quantiteacute et en qualiteacute certains aspects de la production orale aphasique (voir chapitre 4 p 117) Drsquoautres eacutetudes srsquointeacuteressent plus speacutecifiquement aux aspects pragmatiques de lrsquointeraction verbale entraveacutee par lrsquoaphasie Elles srsquoappuient pour ce faire sur les modegraveles et meacutethode de lrsquoanalyse conversationnelle (AC et en particulier dans le domaine de lrsquoagrammatisme voir BEEKE et al 2008)
PARTIE I 1 Contexte et objectif
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12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique
La preacutesente eacutetude srsquoassigne pour objectif drsquoeacutetudier le parler agrammatique du point de vue du deacuteficit sous-jacent mais aussi et surtout du point de vue des strateacutegies agrave travers lrsquoeacutetude des variabiliteacutes qui le caracteacuterisent Lrsquoenjeu de cette recherche consiste agrave construire une meacutethodologie qui permette drsquoappreacutehender et de deacutecrire les strateacutegies dans la production verbale agrammatique agrave travers les comportements langagiers que lrsquoon deacutecrira suivant lrsquoeffet de facteurs internes de facteurs linguistiques et de facteurs externes ou situationnels Les variabiliteacutes qui se rattachent aux manifestations langagiegraveres sont inter-individus inter-langues et inter-tacircches agrave savoir
(1) les facteurs internes ou cognitifs individuels la variabiliteacute inter-individus est influenceacutee par le type de leacutesion et le degreacute de deacuteficit lieacute au traitement de lrsquoinformation grammaticale par les caracteacuteristiques idiosyncrasiques des locuteurs et par le niveau de reacutecupeacuteration apregraves la leacutesion
(2) les facteurs linguistiques la variabiliteacute drsquoemploi de certaines structures typiques de la langue est influenceacutee par les proprieacuteteacutes structurales - combinatoires et seacutelectives - qursquoelle offre Les structures srsquoorganisent dans un systegraveme interne et influencent donc lrsquooccurrence des pheacutenomegravenes - omissions et substitutions - observables au niveau de la morphologie (lexicale et grammaticale) et de la syntaxe (la perspective adopteacutee ici est seulement intra-langue11)
(3) les facteurs externes ou situationnels la variabiliteacute inter-tacircches est deacutetermineacutee par les paramegravetres de la situation de verbalisation crsquoest-agrave-dire de notre point de vue expeacuterimental par le degreacute de contrainte associeacute agrave une tacircche donneacutee (influenceacute par la qualiteacute des stimuli et la consigne et donc par le degreacute de preacutecision requis dans la formulation demandeacutee)
Dans lrsquoideacutee de deacutegager les comportements adaptatifs de formulation drsquoun message verbal crsquoest le dernier type de variabiliteacute la variabiliteacute situationnelle ou inter-tacircches qui preacutesentera pour nous un inteacuterecirct tout particulier Agrave partir de donneacutees verbales orales recueillies aupregraves de six locuteurs agrammatiques nous souhaitons deacutecrire les variabiliteacutes inheacuterentes agrave la formulation verbale des points de vue quantitatif et qualitatif en langue franccedilaise et agrave travers quatre tacircches de production orale auxquelles sont associeacutes des degreacutes de contraintes variables Lrsquoinstabiliteacute des freacutequences et types drsquoemploi de certaines structures est de la sorte fonctionnellement caracteacuteriseacutee Au final il est question de deacutegager des laquo lois de performances raquo in situ
11 Drsquoautre part le parler agrammatique en langue franccedilaise peut srsquoeacutetudier suivant les similitudes qursquoil pourrait preacutesenter avec un parler ordinaire non aphasique dans drsquoautres langues Agrave notre connaissance ce type drsquoeacutetude nrsquoa pas encore eacuteteacute meneacute (il nrsquoen sera pas question dans ce travail) Par contre de nombreux travaux en aphasiologie existent dans une perspective purement comparative ougrave lrsquoon cherche agrave deacuteterminer les diffeacuterences quantitatives et qualitatives des pheacutenomegravenes linguistiques agrammatiques entre plusieurs langues diffeacuterentes parleacutees par des patients agrammatiques (voir au point 235 p 48)
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
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2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
20 Remarques liminaires
Nous proposons dans ce chapitre une revue de litteacuterature qui ne preacutetend pas couvrir toutes les probleacutematiques ayant eacutemergeacute de plus drsquoun siegravecle de recherches sur lrsquoagrammatisme ceci pour deux raisons
La premiegravere est drsquoordre quantitatif et la deuxiegraveme est drsquoordre qualitatif Drsquoabord il nous semble impossible de fournir en un temps limiteacute une synthegravese exhaustive des innombrables eacutetudes qui y furent consacreacutees
Agrave cette difficulteacute drsquoordre quantitatif et temporel srsquoajoute une difficulteacute drsquoordre qualitatif en raison de la multipliciteacute et de la varieacuteteacute des concepts et meacutethodes convoqueacutes pour un mecircme objet suivant que lrsquoon se place dans une perspective purement neurologique psycho-cognitive ou linguistique
En effet mecircme si toutes les eacutetudes consacreacutees agrave lrsquoagrammatisme cherche agrave comprendre le fonctionnement du langage celles-ci sont issues de domaines diffeacuterents du point de vue des objectifs heuristiques fixeacutes et des moyens meacutethodologiques mis en œuvre Notre speacutecialisation attenante aux sciences du langage conditionne tregraves certainement la maniegravere dont on aborde ici la question complexe de lrsquoagrammatisme
De plus si notre revue de litteacuterature ne se veut en aucun cas exhaustive nous proposons une revue critique toute subjective ougrave il srsquoagira seulement de fournir au lecteur des repegraveres theacuteoriques fondamentaux cibleacutes afin de mieux cerner certains des enjeux speacutecifiques agrave la preacutesente eacutetude
21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes
Abordons la question complexe de lrsquoagrammatisme agrave partir des deux eacutechantillons de corpus de discours continu ci-apregraves (Tableau 2 p 27) Il srsquoagit du deacutebut du reacutecit de Cendrillon
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
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CORPUS CONTROcircLE
7 EB_contr2b (Annexe H-662)
CORPUS AGRAMMATIQUE
4 SB_agr2b (Annexe I-525) il eacutetait une fois une jeune fille orpheline de megravere qui vivait chez son pegravere un riche euh noble en France et euh ce pegravere srsquoeacutetait remarieacute avec une eacutepouvantable femme qui de son cocircteacute avait deux filles qui nrsquoeacutetaient pas jolies qui eacutetaient revecircches et euh Cendrillon eacutetait euh fine et jolie agrave lrsquoinverse et en fait les les les [z] les ces trois femmes-lagrave euh nrsquoarrecirctaient pas de la brimer et elle faisait euh le meacutenage elle srsquooccupait du feu elle euh srsquooccupait euh de de servir ces ces trois femmes si bien que elle eacutetait surnommeacutee euh Cendrillon qui vient en-fait euh drsquoun tregraves vilain nom qui au deacutepart crsquoeacutetait Cucendron parce-qursquoelle eacutetait toujours en train de srsquooccuper des cendres du foyer euh de laver euh par terre euh et donc elles se moquaient les j- les jeunes filles qui eacutetaient censeacutees ecirctre ses belles-sœurs se moquaient tout le temps drsquoelle et lrsquoappelaient euh Cucendron et un jour il arriva dans le pays un eacuteveacutenement euh extraordinaire crsquoest que ces deux jeunes filles ont eacuteteacute inviteacutees par le fils du roi agrave un bal qursquoil donnait euh pour tous les nobles des environs ccedila les excitait beaucoup elles voulaient euh vraiment ecirctre parfaites les plus belles euh pour ce bal et eacutevidemment euh Cendrillon nrsquoeacutetait pas inviteacutee et elle a ducirc euh elle a ducirc quand-mecircme preacuteparer euh ces ces deux jeunes filles euh pour lrsquoeacuteveacutenement elle les a aideacutees euh agrave se faire belles euh agrave se faire euh elle les a coiffeacutees maquilleacutees euh pour qursquoelles soient tregraves jolies et une-fois euh ces jeunes filles preacutepareacutees euh elle srsquoest effondreacutee elle euh en pleurant parce-que elle ne pouvait pas euh elle ne pouvait pas faire la mecircme chose crsquoest alors qursquoelle qursquoest apparue sa hum sa marraine une feacutee tregraves gentille qui la connaissait depuis son enfance qui suivait euh euh donc sa sa jeunesse euh qui qui trouvait malheureux qursquoelle soit s- aussi maltraiteacutee et donc elle lui dit euh laquo ne trsquoen fais pas euh Cendrillon raquo puisque elle elle lrsquoappelait euh plutocirct Cendrillon que Cucendron laquo je vais hum je vais mrsquooccuper euh de de toi raquo laquo tu iras aussi agrave ce bal raquo laquo ne trsquoinquiegravete pas raquo elle lui dit laquo regarde raquo laquo je prends cette grosse citrouille raquo et euh laquo elle va bientocirct se transformer en en carrosse raquo et Cendrillon nrsquoen croit pas ses yeux tout drsquoun coup apparaicirct devant elle une eacutenor- un eacutenorme carrosse euh tregraves tregraves tregraves joli tregraves deacutecoreacute couvert drsquoor euh avec des draperies agrave lrsquointeacuterieur enfin quelque chose de de fabuleux qursquoelle nrsquoosait croire ()
alors(5) trois jeunes jeunes trois jeunes filles
(3) euh et la megravere
par contre euh la megravere (2) euh j- par par l- par lagrave
jamais jamais en fait
lagrave jamais en fait
hum trois jeunes filles hum (7)
en fait euh (4) deux jeunes filles euh hum (4)
et alors euh euh crsquoest tregraves dur ccedila euh
[ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh
pomponneacutees en fait euh (3) et (3)
par contre euh le nom (hellip)
donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon
en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh
euh border le lit euh
en fait euh tout euh
et euh (4) un euh un un non euh le le le euh (5) un bal
un bal
euh (3) prince en fait (3) preacutetendrant euh (6) euh (3)
preacutetendant euh trocircne en fait
et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f-
euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet-
(4)
un bal pour preacutetendre
trouver une jeune fille voilagrave
donc euh (6) le soir euh jeu- trois jeunes filles euh
pomponneacutees euh habilleacutees
et dir- directement euh euh dans euh dans le bal enfin
salle de bain salle de bal
et euh (3) [se-] euh [sɑnijo] euh Cendrillon travailler
toujours
euh [sə] euh souillon encore
et euh (3) euh [le] f- euh [le] f- (3) une bonne feacutee (3)
hum (3) transformer (25) [s-] euh Cendrillon en jolie
jeune fille euh (4)
mais bien sucircr (2) euh j- carrosse
en fait euh s- ci- citrouille transformer en jo- en
carrosse (3)
() Tableau 2 Exemples de corpus oraux Cendrillon raconteacutee par une locutrice controcircle et un
locuteur agrammatique
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
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Le reacutecit de gauche a eacuteteacute produit par une locutrice ne preacutesentant aucun trouble neurologique (EB_contr) Ce corpus est un exemple assez repreacutesentatif de ce que lrsquoon peut obtenir dans une tacircche classique de narration de conte connu agrave lrsquooral et en situation laquo normale raquo Pour la mecircme tacircche de narration le corpus de droite reflegravete la production orale drsquoun locuteur en situation neuro-pathologique Ce locuteur (SB_agr12) preacutesente une aphasie de Broca avec un agrammatisme tregraves caracteacuteristique Compareacute agrave lrsquooral standard le discours agrammatique reflegravete un dysfonctionnement agrave la suite drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale13 impliquant lrsquoaire de Broca Il suffit de lire le corpus controcircle puis le corpus agrammatique pour se rendre compte directement des perturbations causeacutees par un tel deacuteficit Scheacutematiquement ce dysfonctionnement se traduit en surface par une reacuteduction du langage en volume un deacutebit faible une eacutelocution laborieuse avec de nombreuses pauses longues et des interruptions qui gecircnent la prosodie une simplification du vocabulaire des laquo phrases raquo courtes et peu eacutelaboreacutees avec des perturbations qui donnent lrsquoimpression drsquoune laquo deacutesinteacutegration raquo de la morphologie grammaticale et de la syntaxe En effet lrsquoabsence de certaines marques morpho-syntaxiques obligatoires et la reacuteduction des eacutenonceacutes agrave quelques mots reflegravetent nettement une perte en complexiteacute
PICK (1898 1913) reporte la premiegravere description de ce qursquoil appelle agrammatisme qursquoil qualifie de laquo style teacuteleacutegraphique raquo Cette analogie a souvent eacuteteacute reprise par la suite jusqursquoagrave nos jours pour reacutefeacuterer au symptocircme principal observeacute dans le parler agrammatique (nous y reviendrons au point 241 p 58)
PILLON et NESPOULOUS (1994 390 drsquoapregraves DE BLESER 1987) fournissent une description de lrsquoagrammatisme issue de lrsquoeacutecole allemande repreacutesenteacutee par KLEIST (1914 1916)
laquo Lrsquoagrammatisme consiste en une simplification des seacutequences de mots Les constructions complexes avec propositions subordonneacutees nrsquoapparaissent guegravere Les patients srsquoexpriment seulement par des phrases simples et courtes si tant est qursquoils restent capables de construire des phrases Les mots qui ne sont pas vraiment neacutecessaires speacutecialement les pronoms et les particules ainsi que les marques de conjugaison ou de deacuteclinaison ne sont que rarement utiliseacutes sinon systeacutematiquement omis Dans les cas seacutevegraveres seuls les mots principaux les adjectifs sous leur forme nominative et les verbes sous leur forme infinitive ou participiale sont produits raquo
12 Voir en Annexe H-519-536 ougrave sont fournis tous les corpus oraux concernant SB_agr 13 Leacutesion tregraves focale dans le cas de SB_agr (voir les caracteacuteristiques deacutetailleacutees concernant ce locuteur en Annexe B-385)
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MOUNIN (1967 citeacute par PILLON et NESPOULOUS 1994 392) deacutecrit lrsquoagrammatisme suivant les traits linguistiques deacutefinitoires exposeacutes ci-apregraves En guise drsquoillustrations les exemples suivants sont tireacutes du corpus de SB_agr (Tableau 2 p 27) Nous proposons agrave chaque fois une description qui se rapporte agrave chacun des traits expliciteacutes par MOUNIN (1967)
les mots outils ou mots fonctionnels ou morphegravemes grammaticaux libres (les deacuteterminants pronoms conjonctions et preacutepositions) sont absents
donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon gt absence du deacuteterminant une
euh [sə] euh souillon encore gt absence du pronom anaphorique elle (elle redevient une souillon)
en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh gt juxtaposition de mots contenus isoleacutes sans mots fonctions coordonnants
preacutetendant euh trocircne gt absence de la preacuteposition au (preacutetendant au trocircne)
les mots pleins (agrave contenu) ou mots lexicaux sont preacutedominants (les noms adjectifs et verbes)
et euh (3) [se-] euh [sɑnijo ] euh Cendrillon travailler toujours gt lrsquoossature lexicale de la phrase transparaicirct
[ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh pomponneacutees gt les formulations sont laquo reacuteduites raquo agrave des mots lexicaux
les morphegravemes grammaticaux lieacutes (les flexions et deacuteclinaisons) sont omis les verbes sont agrave la forme infinitive
et euh (3) [se-] euh [sɑnijo ] euh Cendrillon travailler toujours gt le verbe est employeacute dans sa forme infinitive au lieu de sa forme finie obligatoire (transformer au lieu de transforme transforma ou a transformeacute)
le nominatif remplace les cas obliques
citrouille transformer en jo- en carrosse gt au lieu de elle transforme la citrouille en carrosse citrouille est ici anteacuteposeacute au verbe ce qui lui
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confegravere un cas nominatif au lieu du cas accusatif ou objet direct
le style est teacuteleacutegraphique du fait de lrsquoabsence de certains eacuteleacutements (mots fonctions verbes pronoms etc)
donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon
en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh
des formules automatiques sont produites dans leur inteacutegraliteacute
crsquoest tregraves dur ccedila
je sais pas
je pense oui
Selon PILLON et NESPOULOUS (1994) ces descriptions mecircme si elles ont pour but drsquoecirctre consensuelles sont agrave relativiser drsquoabord parce qursquoelles revecirctent un caractegravere laquo trop impressionniste raquo crsquoest-agrave-dire qursquoelles manquent de preacutecision ensuite parce qursquoelles sont laquo inexactes raquo
En effet tous les mots grammaticaux ne sont pas complegravetement absents Ainsi on peut voir qursquoil subsiste dans le corpus de SB_agr des deacuteterminants (un le une etc ) un pronom (tout) en plus des deux pronoms contenus dans la formule automatique laquo crsquoest dur ccedila raquo des preacutepositions (en dans par pour etc) et de tregraves nombreuses conjonctions (et alors mais donc etc) De plus le discours agrammatique nrsquoest pas seulement caracteacuteriseacute par des erreurs drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux libres ou lieacutes mais aussi par des erreurs de substitutions entre morphegravemes grammaticaux (le prince chercher le pantoufle14) ou mecircme entre mots lexicaux (salle de bain salle de bal)
Une description plus nuanceacutee devrait donc mieux refleacuteter la reacutealiteacute complexe des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme En effet selon MOUNIN (1967 17)
laquo Le fait que des formes grammaticales manquantes agrave tel endroit du corpus reacuteapparaissent ailleurs fut-ce de faccedilon peu freacutequente est peut-ecirctre aussi important pour une explication finale que leur manque freacutequent - ne serait-ce que parce que ce fait laisse soupccedilonner que la linguistique est loin drsquoecirctre ici seule en cause et ne doit pas se hacircter de fournir des theacuteories exclusives on ne peut passer aussi vite mecircme du point de vue de lrsquoanalyse linguistique sur cette variabiliteacute des performances Il faut certainement faire une analyse plus fine (statistique contextuelle syntagmatique et sans doute chronologique) pour chaque malade raquo
14 Cette erreur de substitution entre deacuteterminants a eacuteteacute releveacutee dans la suite du corpus de Cendrillon chez le mecircme locuteur SB_agr (voir 4 SB_agr2b en Annexes H-528) Par ailleurs nous avons releveacute des substitutions affectant drsquoautres cateacutegories telles que les preacutepositions ou les pronoms
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Ainsi agrave lrsquoinstar de MOUNIN nous pensons que les analyses de corpus agrammatiques gagnent agrave ecirctre plus systeacutematiques et agrave ne pas neacutegliger la preacutesence de pheacutenomegravenes contradictoires au premier abord De cette maniegravere les hypothegraveses explicatives sur lrsquoagrammatisme qui deacutecoulent de toute description linguistique des pheacutenomegravenes fondeacutee sur la meacutethode empirique risquent moins de laquo srsquoarrecircter devant lrsquoarbre qui cache la forecirct raquo
Dans ce sens PILLON et NESPOULOUS (1994 392) paraphrasent MOUNIN (1967 24) en ces termes
laquo Un trait essentiel non linguistique devrait [] ecirctre ajouteacute [agrave la description clinique de lrsquoagrammatisme] la variabiliteacute des performances de lrsquoagrammatique raquo
En plus des traits linguistiques de lrsquoagrammatisme citeacutes jusqursquoici drsquoautres symptocircmes furent mis en eacutevidence tels que par exemple sur le versant de lrsquoexpression la perturbation de la prosodie de lrsquoordre des mots ou de la cateacutegorie speacutecifique des verbes par rapport aux noms ou tels que sur le versant de la compreacutehension les difficulteacutes drsquoassignation des cas et des rocircles seacutemantiques ou des perturbations affectant le traitement des morphegravemes grammaticaux en lecture
Pour finir signalons la vaste eacutetude de TISSOT et al (1973) ayant porteacute sur dix-neuf cas drsquoagrammatisme TISSOT et al (1973 112-120) envisagent de faire une distinction entre le laquo pseudo-agrammatisme raquo (avec le symptocircme de dysprosodie deacutejagrave deacutecrit par GOODGLASS 1973) et lrsquolaquo agrammatisme vrai et ses deux versants raquo Selon eux il faut distinguer laquo lrsquoagrammatisme agrave preacutedominance morphologique raquo (ougrave lrsquoordre des mots est conserveacute et les proceacutedeacutes morphologiques plus atteints) et laquo lrsquoagrammatisme agrave preacutedominance syntaxique raquo (ougrave lrsquoordre des mots est plus atteint et les proceacutedeacutes morphologiques mieux conserveacutes tels que les articles ou certains morphegravemes libres) Ils reprennent ainsi agrave leur compte une proposition de GOODGLASS
laquo Chez certains aphasiques lrsquoaspect syntaxique et lrsquoaspect flexionnel peuvent ecirctre atteints indeacutependamment lrsquoun de lrsquoautre raquo
22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme
La mise en eacutevidence de la preacutesence exclusive ou de la co-occurrence de toute cette varieacuteteacute de symptocircmes preacuteciteacutes qui fut eacutetayeacutee par des eacutetudes de cas particuliers et des donneacutees contradictoires a eu pour effet de remettre au centre des deacutebats certaines des laquo questions brucirclantes raquo (PILLON et NESPOULOUS 1994) lieacutees agrave la caracteacuterisation et agrave lrsquointerpreacutetation de lrsquoagrammatisme telles que
(1) la question drsquoune description laquo unifieacutee et translinguistique raquo des traits linguistiques de lrsquoagrammatisme deacutepassant le cadre strict drsquoune seule langue quelles nuances sont apporteacutees par lrsquoapproche comparative si on admet que certains symptocircmes sont absents ou preacutesents dans certaines langues du fait des proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu
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(2) la question des dissociations de symptocircmes suivant la nature du deacuteficit linguistique qui serait plutocirct morphologique ou plutocirct syntaxique faut-il consideacuterer qursquoil existe un trouble agrammatique seacutelectif de la morphologie flexionnelle agrave distinguer drsquoun trouble agrammatique seacutelectif de la combinaison syntagmatique des uniteacutes de la phrase
(3) la question des dissociations de symptocircmes suivant les modaliteacutes affecteacutees crsquoest-agrave-dire selon que les symptocircmes soient expressifs ou reacuteceptifs lrsquoagrammatisme est-il le reacutesultat drsquoun deacuteficit seacutelectif qui nrsquoimpliquerait que le versant de la production ou drsquoun deacuteficit central qui impliquerait agrave la fois les processus de production et les processus de compreacutehension (ce qui suggegravere que la production et la compreacutehension du langage serait assureacutees par les mecircmes processus cognitifs sous-jacents et ce qui plaiderait en faveur de lrsquohypothegravese drsquoun deacuteficit structural)
(4) la question des doubles-dissociations de symptocircmes deacutebattue du fait de la similariteacute en qualiteacute entre certains symptocircmes agrammatiques observeacutes dans lrsquoaphasie de Broca (non fluente) avec certains des symptocircmes dits laquo paragrammatiques raquo car associeacutes habituellement au tableau clinique de lrsquoaphasie de Wernicke (fluente) et du fait des diffeacuterences en quantiteacute entre ces deux types de symptocircmes apparaissant en parallegravele mais agrave des degreacutes divers dans ces deux types drsquoaphasies Autrement-dit faut-il consideacuterer que lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme seraient le reacutesultat en reacutealiteacute drsquoun mecircme deacuteficit sous-jacent
(5) la question de son statut faut-il envisager lrsquoagrammatisme en tant que symptocircme autonome par rapport agrave drsquoautres symptocircmes ou faut-il concevoir que la co-occurrence de certains symptocircmes doit aboutir agrave la conception drsquoune nouvelle entiteacute syndromique parmi les tableaux cliniques classiques des aphasies
Les questions fondamentales ainsi poseacutees demeurent en toile de fond du bref tour drsquohorizon qui va suivre au sujet des diffeacuterentes descriptions et hypothegraveses explicatives15 ayant eacutemergeacute de lrsquoeacutetude de la complexiteacute drsquoun tel trouble (voir ci-apregraves au point 23 pp 33-76) Elles traduisent en quelque sorte le problegraveme crucial de lrsquointerpreacutetation des symptocircmes et de leurs variabiliteacutes selon les perspectives inter-sujets inter-langues et inter-tacircches dont ils sont tributaires
Avant drsquoapprofondir la question centrale de la variabiliteacute et lrsquohypothegravese des strateacutegies dans lrsquoagrammatisme (aux points 233 p 45 234 p 46 235 p 48 235 p 52 et 24 p 58) il convient de preacutesenter les travaux ayant viseacute speacutecifiquement agrave expliquer le deacuteficit sous-jacent au trouble agrammatique (232 p 34)
15 Ce tour drsquohorizon srsquoappuie notamment sur deux recueils phares consacreacutes agrave lrsquoagrammatisme et publieacutes reacutecemment agrave dix ans drsquointervalles KEAN (1985) et FROMKIN (1995)
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23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation
231 Introduction
Lrsquoobjectif principal des questionnements relatifs agrave lrsquoaphasie agrammatique consiste agrave en identifier les symptocircmes laquo stables raquo et agrave fournir une explication plausible sur le deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoorigine du trouble Crsquoest KUSSMAUumlL (1878 citeacute par TISSOT et al 1973) qui utilise pour la premiegravere fois le terme laquo agrammatisme raquo pour reacutefeacuterer aux perturbations de lrsquoarrangement des mots et le terme laquo akataphasie raquo pour reacutefeacuterer aux perturbations des flexions morphologiques Dans lrsquoeacutecole franccedilaise PITRES (1898 citeacute par TISSOT et al 1973) deacutefinit lrsquoagrammatisme comme eacutetant un laquo trouble de la meacutemoire de la construction des phrases raquo et fait lrsquoanalogie avec un laquo parler negravegre raquo
Drsquoautres auteurs tels que STEINTHAL (1871) BONHOEFFER (1902) Von MONAKOW (1897) GOLDSTEIN (1913) PICK (1898 1913 1923) DEacuteJERINE (1914) ISSERLIN (1922) SALOMON (1914) KLEIST (1916) ou ALAJOUANINE et al (1939) citeacutes par TISSOT et al (1973) ont fourni des contributions partant drsquoobservations cliniques plus ou moins systeacutematiques de cas drsquoaphasies non fluentes accompagneacutees drsquoagrammatisme Malgreacute le grand inteacuterecirct qursquoils suscitent et leur rocircle crucial dans lrsquoeacutevolution des questions fondamentales qursquoils ont poseacutees et revues tous les auteurs laquo classiques raquo preacuteciteacutes ne retiendront pas ici notre attention16
Parmi eux nous nous bornerons aux seules contributions de PICK et ISSERLIN (point 241 p 58) agrave propos des concepts de laquo style teacuteleacutegraphique raquo de capaciteacute et drsquoadaptation et de KLEIST (234 p 46) agrave propos de la caduciteacute de la distinction entre agrammatisme et paragrammatisme
Depuis les anneacutees 1970 la plupart des contributions se sont appuyeacutees sur les meacutethodes et modegraveles issus des deacuteveloppements reacutecents des sciences du langage et de la psychologie Lrsquoeacutetude de ce trouble fut le foyer drsquointenses deacutebats Dans un premier temps (point 232 p 34) nous nous inteacuteresserons agrave certaines de ces hypothegraveses explicatives fondeacutees sur une caracteacuterisation linguistique du trouble qui marquegraverent particuliegraverement la litteacuterature sur le sujet Les diverses descriptions du trouble et les interpreacutetations du deacuteficit en cause sont agrave lrsquoorigine drsquoune inteacuteressante controverse
16 Pour une revue historique documenteacutee et critique cibleacutee sur lrsquoagrammatisme lire le chapitre introductif de TISSOT et al (1973) pp 5-27
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Certaines drsquoentre elles seront exposeacutees et discuteacutees plus que drsquoautres17 et un examen des enjeux theacuteoriques qursquoelles ont pu poser nous permettra drsquoy voir un peu plus clair
Dans un deuxiegraveme temps (point 24 p 58) les travaux qui laissent une large place agrave lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation dans lrsquoaphasie agrammatique nrsquoeacutechapperont pas agrave un essai de synthegravese plus approfondie en particulier ceux de KOLK et al et de NESPOULOUS et al
232 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de deacuteficit(-s) des hypothegraveses controverseacutees
2321 Lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute
Agrave notre connaissance la premiegravere caracteacuterisation de lrsquoagrammatisme qui repose sur une theacuteorie du langage explicitement revendiqueacutee a eacuteteacute proposeacutee par JAKOBSON Inspireacute par la theacuteorie jacksonienne18 JAKOBSON explique que la laquo deacutesinteacutegration raquo du langage dans lrsquoaphasie obeacuteirait agrave un certain ordre de dissolution qui renvoie agrave laquo la hieacuterarchie des constituants linguistiques raquo (196919 100-101) ce qui permettrait ainsi de laquo [mettre en eacutevidence] la structure stratifieacutee du langage raquo
Ce principe de structuration du langage peut ecirctre appreacutehendeacute parallegravelement agrave travers le deacuteveloppement du langage chez lrsquoenfant Ainsi selon lui laquo le progregraves linguistique de lrsquoenfant et la reacutegression de lrsquoaphasique sont pour lrsquoessentiel des conseacutequences directes et particuliegraverement eacutevidente de ce principe raquo Il srsquoagit vraisemblablement de la premiegravere contribution importante agrave lrsquoeacutetude des aphasies issue du domaine de la linguistique
JAKOBSON nrsquoa pas seulement proposeacute une modeacutelisation de cette successiviteacute drsquoapparitions de pheacutenomegravenes patholinguistiques chez lrsquoaphasique calqueacutee sur une conception linguistiquement deacutetermineacutee il a aussi produit en collaboration avec le neurologue sovieacutetique LURIA une classification des aphasies fondeacutees sur des critegraveres cliniques et linguistiques ces derniers eacutetant dominants Ainsi JAKOBSON (1973 30) explique que son point de vue sur les symptocircmes patholinguistiques est influenceacute en tout premier lieu par la linguistique
laquo Je me limiterai strictement aux observations linguistiques des seuls faits linguistiques [hellip] Eacutetant donneacute que lrsquoexpression verbale deacutefectueuse tout comme lrsquoexpression verbale elle-mecircme concerne agrave lrsquoeacutevidence le domaine de la linguistique on ne peut trouver la clef
17 Pour une revue de litteacuterature plus reacutecente tregraves syntheacutetique et plutocirct exhaustive des travaux publieacutes entre les anneacutees 1970 et 1995 voir KEAN (1995) 18 Theacuteorie selon laquelle une pathologie serait le reacutesultat drsquoune dissolution des laquo capaciteacutes supeacuterieures raquo apparues plus tard dans lrsquoontogeacutenegravese et dans la phylogenegravese qui interviendrait en premier lieu puis interviendrait ensuite la dissolution des capaciteacutes apparues dans les stades primaires de deacuteveloppement 19 La traduction franccedilaise de Langage Enfantin et Aphasie datant de 1969 (Editions de Minuit) reacuteunit cinq publications reacutealiseacutees entre 1941 et 1964
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de voucircte des laquo symptocircmes les plus frappants raquo [citant une formule de JACKSON 1958] de lrsquoaphasie sans le cadre et la vigilante assistance de la linguistique raquo20
La seacutemiologie des aphasies issue de la collaboration entre le linguiste JAKOBSON (1963 1973) et le neurologue LURIA repose sur la classique dichotomie saussurienne entre les axes paradigmatique (ou de la simultaneacuteiteacute) et syntagmatique (ou de la successiviteacute) drsquoun systegraveme linguistique donneacute Selon DE SAUSSURE (1916 170-175) les relations qui organisent le systegraveme de signes (la langue) srsquoarticulent sur deux axes actualisant ainsi des rapports syntagmatiques et des rapports associatifs (ou paradigmatiques) entre les signes La deacutemarche structurale envisage son objet linguistique que ce soit au niveau de la langue ou de la parole tel un organisme qui preacutesente des caracteacuteristiques propres de fonctionnement interne Les rapports paradigmatiques et syntagmatiques constituent ainsi la laquo charpente raquo de cet organisme ougrave les eacuteleacutements qui le structurent intrinsegravequement sont les signes
Ainsi les six types drsquoaphasies identifieacutees dans la classification de JAKOBSON et de LURIA sont caracteacuteriseacutees suivant qursquoelles relegravevent drsquoun laquo trouble de la similariteacute raquo (ou trouble de la seacutelection des eacuteleacutements linguistiques de la phrase suivant lrsquoaxe paradigmatique) ou drsquoun laquo trouble de la contiguiumlteacute raquo ougrave les relations de contiguumliteacute entre les eacuteleacutements linguistiques de la phrase seraient dissoutes (ou trouble de la combinaison suivant lrsquoaxe syntagmatique) Lrsquoaphasie de Broca appeleacutee aussi aphasie laquo effeacuterente raquo serait donc la conseacutequence drsquoun trouble de la contiguumliteacute21
Cette description de symptocircmes est pourvue drsquoun tregraves fort a priori theacuteorique (comme drsquoautres plus reacutecentes nous le verrons plus tard) Srsquoil est possible de caracteacuteriser certains cas drsquoaphasie en accord avec la taxonomie geacuteneacuterale des aphasies ainsi proposeacutee la majoriteacute des cas toutefois preacutesentent des co-occurrences de symptocircmes allant agrave lrsquoencontre du modegravele
En outre si lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute srsquoappuie sur une meacutethode descriptive tregraves rigoureuse des pheacutenomegravenes elle ne nous semble pas pour autant deacutelivrer de reacuteelles explications sur le trouble cognitif sous-jacent
2322 Lrsquohypothegravese de la saillance
GOODGLASS (1973 203) remarque que lrsquoagrammatique a tendance en geacuteneacuteral agrave reacuteduire les phrases agrave quelques mots et agrave les commencer par un mot accentueacute Le fait de commencer la seacutequence par un mot accentueacute permettrait donc drsquoinitier le flux verbal et en cela de commencer agrave formuler un eacutenonceacute Cependant lrsquoagrammatique serait incapable de poursuivre la formulation des phrases jusqursquoau bout crsquoest pourquoi elles sont reacuteduites agrave quelques mots Pour lui cette reacuteduction de la longueur des phrases traduit lrsquoimpossibiliteacute pour lrsquoaphasique de maintenir le flux de la parole sur des phrases plus longues
20 Notre propre traduction 21 Opposeacute au trouble de la similariteacute dans lrsquoaphasie de Wernicke
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En conseacutequence le discours agrammatique serait caracteacuteriseacute en particulier par des seacutequences de mots courtes chacune centreacutee autour drsquoun eacuteleacutement verbal saillant et avec tregraves rarement plus drsquoun morphegraveme inaccentueacute aux abords immeacutediats de celui-ci GOODGLASS pense donc que le deacuteficit sous-jacent correspond agrave une augmentation du niveau seuil de la saillance accentuo-prosodique des eacuteleacutements linguistiques requis pour formuler une phrase saillance neacutecessaire agrave lrsquoinitiation et au maintien du flux verbal lors de la formulation drsquoune phrase Selon lui certains patients agrammatiques placeraient strateacutegiquement un mot saillant en position sujet en tecircte de phrase drsquoautant que la reacutepeacutetition de phrase comme He canrsquot swim semble plus probleacutematique que This guy canrsquot swim ougrave this est plus saillant que he
Drsquoautre part lrsquoemploi freacutequent drsquoadjectifs numeacuteraux en lieu et place de deacuteterminants non accentueacutes sont un moyen pour lrsquoagrammatique drsquoacceacuteder au niveau de saillance suffisant pour initier la seacutequence de mots (tel que par exemple la seacutequence trois jeunes filles corpus de SB_agr Tableau 2 p 27)
De plus des tests de reacutepeacutetition de phrases en anglais avec manipulation de la place de lrsquoaccent ont pu montrer que la reacutepeacutetition des mots grammaticaux non accentueacutes eacutetait faciliteacutee lorsque le mot eacutetait en position meacutediane dans la phrase agrave reacutepeacuteter alors que les omissions eacutetaient quasi-systeacutematiques lorsque le mot eacutetait en position initiale de phrase
Aussi GOODGLASS (1973 211) nrsquoassocie pas lrsquoagrammatisme au symptocircme de perturbation de lrsquoordre des mots Pour lui si les mots fonctions sont perturbeacutes et ce de maniegravere variable suivant la structure accentuelle de la phrase cela srsquoexplique par un deacuteficit sous-jacent plus profond et structural qui impliquerait la saillance des eacuteleacutements linguistiques si lrsquoon conccediloit un modegravele de la phrase ougrave ses petits eacuteleacutements grammaticaux sont peu saillants par rapport agrave drsquoautres uniteacutes lexicales accentueacutees plus saillantes Tout comme lrsquohypothegravese de la contiguumliteacute (JAKOBSON voir au point preacuteceacutedent 2321 p 34) lrsquohypothegravese de la saillance plaide en faveur drsquoune explication fondeacutee sur un modegravele structural de la phrase
2323 Lrsquohypothegravese des frontiegraveres phonologiques
Lrsquohypothegravese phonologique proposeacutee par KEAN (1977 1978 1979 ) a fait couler beaucoup drsquoencre Cette hypothegravese est deacuteriveacutee drsquoun modegravele repreacutesentationnel de la phrase issu des travaux en syntaxe et en phonologie geacuteneacuterative (dans la ligneacutee de la theacuteorie standard drsquoinspiration chomskyenne)
Ce modegravele pose que la structure syntaxique de la phrase (Surface-Structure ou S-Structure) est notamment actualiseacutee par les frontiegraveres phonologiques accentuelles srsquoappliquant aux clitiques phonologiques ou aux mots phonologiques Combineacutees agrave lrsquoapplication de regravegles de reacuteajustement (Readjustment Rules) ces frontiegraveres assigneacutees suivant la S-Structure correspondent ainsi aux proprieacuteteacutes syntactico-accentuelles de la structure phonologique de la phrase
Partant de lagrave la suppression de certains morphegravemes grammaticaux qui sont pour lrsquoessentiel des clitiques phonologiques (phonological clitics ou P-clitics soit des mots fonctions tels que
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les articles ou les auxiliaires les affixes flexionnels telles que la flexion verbale -ed ou -s du pluriel et deacuterivationnels tels que -ness -ful ou un-) aboutiraient agrave la preacuteservation des seuls mots phonologiques ou P-words de la phrase
En reacutealiteacute cette hypothegravese repose sur une dichotomie postuleacutee entre la cateacutegorie des clitiques phonologiques (mots grammaticaux) et celle des mots phonologiques (mots contenus) laquo les mots phonologiques drsquoune phrase tendent agrave ecirctre preacuteserveacutes dans lrsquoagrammatisme toute chose eacutegale par ailleurs raquo
Lrsquohypothegravese de la reacutealisation des regravegles de reacuteajustement phonologique lieacutee agrave lrsquoassignation de frontiegraveres fut le foyer des maintes critiques LAPOINTE (1983) pour nrsquoen citer qursquoune (voir entre autres KOLK 1978 et PILLON 1987) critique son caractegravere radical et exclusif alors que des faits peuvent ne pas en confirmer la validiteacute notamment ce qui a trait agrave lrsquoinstabiliteacute des perturbations observeacutees en surface En effet tous les morphegravemes non marqueacutes par une frontiegravere phonologique ne sont pas forceacutement affecteacutes Il oppose de plus un seacuterieux contre-argument meacutetatheacuteorique sur la validiteacute mecircme du modegravele geacuteneacuteratif de reacutefeacuterence sur lequel srsquoappuie lrsquohypothegravese
Selon lrsquohypothegravese phonologique le modegravele de GARRETT22 pourrait ecirctre affineacute en y inteacutegrant lrsquoapplication des R-rules pour arriver au niveau de repreacutesentation phonologique Le niveau de repreacutesentation phonologique serait ainsi drsquoabord conditionneacute par le niveau de repreacutesentation positionnelle (crsquoest-agrave-dire drsquoagencement syntaxique) correspondant agrave une eacutetape anteacuterieure de lrsquoencodage de la phrase agrave produire
2324 Lrsquohypothegravese de lrsquoaccegraves morpho-lexical
Une autre hypothegravese explicative lrsquohypothegravese lexicale proposeacutee par BRADLEY et al (1980) repose sur la dichotomie traditionnellement opeacutereacutee entre les laquo mots de classe ouverte raquo (les substantifs les verbes les adjectifs les adverbes) et les laquo mots de classe fermeacutee raquo (tous les autres qui font partie drsquoun ensemble fini les conjonctions les deacuteterminants les pronoms les preacutepositions les marques verbales de temps aspect mode les marques nominales de genre nombre cas hellip)
Pour ces auteurs les alteacuterations agrammatiques du comportement langagier en production et en compreacutehension feraient suite agrave laquo un dysfonctionnement au niveau du systegraveme speacutecialiseacute pour la reacutecupeacuteration des mots de classe fermeacutee raquo (citeacutes par KOLK et BLOMERT 1985) Une des voies drsquoaccegraves au stock lexical ou lexique mental serait speacutecifique agrave la reacutecupeacuteration des morphegravemes grammaticaux et preacutesenterait donc un dysfonctionnement agrave lrsquoorigine du trouble
22 Nous preacutesentons le modegravele au point 301 p 79
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Drsquoautre part drsquoapregraves le modegravele de GARRETT la planification syntaxique de la phrase agrave produire est reacutealiseacutee par lrsquoeacutetablissement de laquo cadres syntaxiques raquo (au niveau positionnel) planification qui serait eacutetroitement conditionneacutee par la reacutecupeacuteration des eacuteleacutements de classe fermeacutee les flexions et mots grammaticaux (BRADLEY et al 1980 citeacutes par SCHWARTZ et al 1985 96-98) Ce serait donc lrsquoalteacuteration du dispositif drsquoaccegraves aux mots grammaticaux qui serait agrave lrsquoorigine des perturbations morphologiques et ou syntaxiques en cause dans lrsquoagrammatisme (BRADLEY et al 1980 citeacutes par PILLON et NESPOULOUS 1994 395) En conseacutequence le dysfonctionnement impliquerait les processus opeacuterationnels au niveau du mot et ne serait donc pas speacutecifique agrave la repreacutesentation syntaxique de la phrase tel que cela est avanceacute par les deacutefenseurs des hypothegraveses syntaxiques (exposeacutees au point 2326 p 40) ou de lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques (voir ci-apregraves point 2325)
De toutes les hypothegraveses explicatives fondeacutees sur une caracteacuterisation linguistique des pheacutenomegravenes celle-ci integravegre le plus la notion de processus de traitement attacheacute agrave la reacutecupeacuteration des morphegravemes grammaticaux pour leur insertion dans la matrice syntaxique (niveau de repreacutesentation positionnelle dans le modegravele de GARRETT) Cependant lorsqursquoon est confronteacute aux donneacutees agrammatiques tous les morphegravemes grammaticaux ne sont pas forceacutement absents (comme nous lrsquoavons vu au point 21 p 26) Cette hypothegravese fondeacutee sur la dichotomie entre cateacutegories de mots de classe ouverte et de classe fermeacutee preacutesente donc eacutegalement des limites
2325 Lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques mapping hypothesis
Un test de production de phrases et deux tests drsquoordonnancement de fragments de phrases drsquoapregraves des images impliquant le placement univoque de SN-Sujets Objets Directs ou Indirects (SP) suivant une preacutedication et une matrice syntaxique cibles furent eacutelaboreacutes par SAFFRAN et al (1980) Pour chaque test les SN agrave choisir et agrave inteacutegrer dans la phrase cible eacutetaient manipuleacutes du point de vue des traits seacutemantiques ltanimeacutegtltinanimeacutegt Il srsquoagissait de formuler des relations preacutedicatives drsquoactions (le garccedilon pousse la fillele wagon) ou des relations locatives (le chienle stylo est sous la table)
Les patients produisaient en geacuteneacuteral plus drsquoerreurs de placement des SN dans la structure cible lorsque les phrases eacutetaient reacuteversibles que ce soit pour les relations drsquoactions ou locatives (crsquoest-agrave-dire dans les structures cibles de type le garccedilon pousse la fille ou le stylo est sous la table) De plus les erreurs eacutetaient plus freacutequentes dans la condition ougrave une action impliquait de placer un SN ayant pour trait seacutemantique ltinanimeacutegt en position sujet
Pour les auteurs les reacutesultats montrent que les agrammatiques manifestent des difficulteacutes lors de lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques et une tendance agrave privileacutegier le placement des SN ayant pour trait ltanimeacutegt en position sujet de la phrase agrave produire du fait de leur laquo saillance cognitive raquo et non linguistique (crsquoest-agrave-dire en termes de structuration informationnelle de la phrase)
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Cela permet de formuler lrsquohypothegravese drsquoun laquo deacuteficit syntaxique profond qui affecte mecircme les eacutetapes initiales de la production du langage raquo soit lrsquoeacutetape drsquoencodage des relations fonctionnelles selon le modegravele de GARRETT (1975 1980) et non une eacutetape plus tardive de reacutealisation phonologique telle que le preacutevoyait lrsquohypothegravese de KEAN (voir au 2323 p 36) Ainsi selon la mapping hypothesis lrsquoagrammatisme serait donc le reacutesultat drsquoun deacuteficit structural impliquant le niveau de repreacutesentation fonctionnel de la phrase et affectant parallegravelement la compreacutehension et la production
Par ailleurs SAFFRAN et al (1980) reacutefutent lrsquohypothegravese formuleacutee par MARSHALL (1977) selon laquelle laquo lrsquoeacutelaboration de lrsquoarbre syntaxique srsquoarrecircterait agrave une eacutetape anteacuterieure agrave lrsquoexpansion des nœuds speacutecifiant la seacutelection des morphegravemes grammaticaux adeacutequats raquo en soutenant que la structure profonde23 dont la mise en place est posteacuterieure agrave lrsquoeacutetape drsquoencodage des relations fonctionnelles est indemne
Drsquoapregraves les travaux de SCHWARTZ et al (1980) concernant la compreacutehension de phrases les sujets agrammatiques se sont montreacutes capables drsquoidentifier les phrases grammaticales versus agrammaticales dans une tacircche de jugement de grammaticaliteacute en deacutepit de leur agrammatisme expressif et de leur compreacutehension asyntaxique
De plus toujours par des tacircches de jugement de grammaticaliteacute LINEBARGER et al (1983 citeacutees par PILLON 1987) ont deacutemontreacute que certaines aptitudes syntaxiques eacutetaient preacuteserveacutees telles que la conscience des exigences de sous-cateacutegorisations la sensibiliteacute aux mots fonctions et la manipulation de deacutependances syntaxiques discontinues ce qui les conduit agrave ne pas retenir lrsquohypothegravese drsquoun deacuteficit sous-jacent drsquoorigine syntaxique Drsquoautre part des tests de manipulation de lrsquoordre canonique des mots qui traduit lrsquoorganisation informationnelle de la phrase (crsquoest-agrave-dire lrsquoassignation des rocircles theacutematiques aux arguments) peuvent mettre en eacutevidence des difficulteacutes de mapping des rocircles theacutematiques sur les arguments de la phrase
Ainsi la mapping hypothesis (autrement dit lrsquohypothegravese de lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques ou du positionnement des rocircles seacutemantiques) avance que lrsquoagrammatisme observeacute en compreacutehension et en production ne serait pas lieacute agrave un deacuteficit de parsing de la repreacutesentation syntaxique per ser comme lrsquoaffirment ZURIF et al (1972) CARAMAZZA et ZURIF (1976) ou GRODZINSKY (voir ci-dessous) mais agrave des difficulteacutes drsquoexploitation de la repreacutesentation syntaxique qui impliquent lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques aux eacuteleacutements syntaxiques de la phrase En effet ces difficulteacutes se traduiraient par le caractegravere inopeacuterant des meacutecanismes (1) de mapping des proprieacuteteacutes seacutemantiques drsquoune structure preacutedicative impliquant des arguments (2) drsquoassignation des rocircles theacutematiques et drsquointerpreacutetation qui en deacutecoulent (agrave distinguer donc des processus de parsing qui eux sont preacuteserveacutes)
23 Il srsquoagit de la deep structure en grammaire geacuteneacuterative correspondant au niveau de repreacutesentation positionnelle selon le modegravele de GARRETT (voir au point 301 p 79)
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Cette hypothegravese a trouveacute un prolongement applicatif en reacuteeacuteducation la mapping therapy (BYNG et BLACK 1989 SCHWARTZ et al 1994) Elle oriente la reacuteeacuteducation vers un entraicircnement agrave la manipulation des rocircles seacutemantiques assigneacutes aux constituants drsquoune phrase afin de permettre au patient drsquoexercer ses capaciteacutes drsquoexploitation des proprieacuteteacutes seacutemantiques lieacutee agrave une structure preacutedicative donneacutee pour acceacuteder agrave sa structure syntaxique (voir aussi LINEBARGER 1998)
2326 Les hypothegraveses syntaxiques
(a) Deacuteficit lieacute au traitement de la repreacutesentation syntaxique
Drsquoapregraves CARAMAZZA et ZURIF (1976 citeacutes par PILLON 1996 89) lrsquoagrammatique ne preacutesente pas seulement un trouble de lrsquoexpression mais aussi une perturbation de la compreacutehension syntaxique En effet les donneacutees expeacuterimentales leur permettent de conclure que les agrammatiques produisent plus freacutequemment des erreurs drsquoappariement stimulus phrastique stimulus imageacute lorsqursquoil srsquoagit de comprendre une phrase reacuteversible
Plus preacuteciseacutement CARAMAZZA et ZURIF (1976 citeacutes par PILLON et NESPOULOUS 1994 394 et par PILLON 1996 89) ont proposeacute agrave des agrammatiques un test de compreacutehension de phrases contenant une subordonneacutee relative objet ougrave il eacutetait question drsquoapparier correctement une phrase telle que The boy the girl is chasing is tall (reacuteversible) ou The apple the dog is eating is red (irreacuteversible) avec le stimulus visuel adeacutequat proposeacute parmi plusieurs stimuli repreacutesentant des configurations diverses Ils en ont conclu que lrsquointerpreacutetation des phrases irreacuteversibles (le deuxiegraveme type de phrase) conditionneacutee par lrsquoassignation adeacutequate des rocircles theacutematiques malgreacute lrsquoenchacircssement syntaxique nrsquoeacutetait pas probleacutematique
Agrave lrsquoinverse concernant les phrases reacuteversibles (le premier type de phrase ougrave les rocircles theacutematiques pouvaient srsquoinverser du fait de lrsquoidentiteacute du trait seacutemantique lt+ - animeacutegt des items lexicaux manipuleacutes) et concernant les phrases improbables les reacuteponses eacutetaient donneacutees au hasard Cette eacutetude a deacutemontreacute que le traitement syntaxique de la repreacutesentation sous-jacente avec enchacircssement impliquant la succession lineacuteaire de deux SN en surface eacutetait inopeacuterant chez les patients testeacutes En effet alors que lrsquointerpreacutetation ne peut srsquoappuyer sur les indices lexico-seacutemantiques seulement le traitement syntaxique requis pour acceacuteder agrave la repreacutesentation syntaxique de la phrase leur posait problegraveme
Pour BERNDT et CARAMAZZA (1980) drsquoapregraves de telles donneacutees qui prouvent la compreacutehension asyntaxique il est leacutegitime de penser que lrsquoagrammatisme traduirait un deacuteficit structural de nature syntaxique affectant parallegravelement la production et la compreacutehension et en vertu duquel la repreacutesentation syntaxique de la phrase serait inopeacuterante pendant les traitements drsquoencodage et de deacutecodage
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Drsquoapregraves le modegravele de GARRETT le deacuteficit sous-jacent serait donc agrave mettre sur le compte du niveau de repreacutesentation positionnelle car crsquoest lrsquoanalyseur syntaxique (parser) qui serait agrave lrsquoorigine du trouble
(b) Deacuteficit lieacute aux traces des structures syntaxiques trace-deletion hypothesis (TDH) trace-based account (TBA)
Lrsquohypothegravese de la deacuteleacutetion des traces (trace-deletion hypothesis TDH) formuleacutee par GRODZINSKY (1984 1986 1995 GRODZINSKY et al 1985) srsquoinscrit tregraves explicitement dans le courant de la grammaire geacuteneacuterative dont le chef de fil est CHOMSKY (1957 [1969] 1965 [1971]) et dans une conception modulaire des aptitudes cognitives (FODOR 1986) Elle postule que laquo la proprieacuteteacute la plus fondamentale du langage est sa structure plutocirct que son usage dans une varieacuteteacute de situations raquo24 (GRODZINSKY 1984) La syntaxe est autonome et constitue un module de traitement indeacutependant (processing device) gouvernant lrsquoactiviteacute langagiegravere dans son ensemble
Cette hypothegravese qui est deacuteriveacutee de la theacuteorie du gouvernement et du liage et de celle des principes et des paramegravetres (CHOMSKY 1981 citeacute par GRODZINSKY 1995) avance que les traces sont supprimeacutees de la repreacutesentation et qursquoune strateacutegie cognitive ameacuteliore les performances du patient Ainsi la deacuteleacutetion des traces est la conseacutequence drsquoun deacuteficit structural syntaxique qui affecte parallegravelement les deux versants de lrsquoactiviteacute langagiegravere la production et la compreacutehension (GRODZINSKY 1984)
Plus tard la mecircme hypothegravese propose que le deacuteficit recouvre deux patrons de perturbations diffeacuterents selon qursquoon se place du point de vue de la compreacutehension ou de la production (GRODZINSKY 1986) Cette hypothegravese avance par ailleurs que agrave travers lrsquoaphasie agrammatique laquo le substrat neuronal de la capaciteacute syntaxique humaine raquo25 (GRODZINSKY 1995 28) peut ainsi srsquoenvisager Le deacuteficit est ainsi reacuteputeacute structural et de nature syntaxique mais il faut lrsquoattribuer agrave un certain type de computations syntaxiques en lrsquooccurrence celles qui sont lieacutees aux deacuteplacements syntaxiques et aux traces (movements et traces)
Drsquoapregraves les donneacutees empiriques disponibles en compreacutehension de phrases GRODZINSKY (1995 31-33 citant divers travaux) induit que certains aspects linguistiques sont preacuteserveacutes tels que
les aspects syntaxiques et lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques de la phrase simple et active des points de vue de la construction de la structure preacutedicative et argumentale (citant LAPOINTE 1985 SHAPIRO et al 1993) de la deacutetection de violations grammaticales
24 laquo Current cognitive theories [] maintain that the most central property of language is its structure [] rather than the fact that it can be practiced in a variety of ways raquo (GRODZINSKY 1984 136) 25 Selon nous laquo capaciteacute syntaxique raquo est employeacute ici comme synonyme de laquo compeacutetence syntaxique raquo en termes chomskyens
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(citant LINEBARGER et al 1983) de lrsquoassignation des rocircles theacutematiques (Theta- ou Θ-role assignment citant SCHWARTZ et al 1987) de lrsquoassignation des cas etc
les aspects lexicaux les capaciteacutes de deacutetection de violations de proprieacuteteacutes lexicales de sous-cateacutegorisation demeurent intactes (citant LINEBARGER et al 1983)
le liage (citant GRODZINSKY et al 1993)
Par contre drsquoapregraves GRODZINSKY (1995 32) il semble que le laquo domaine raquo ou laquo module raquo syntaxique actualisant le deacuteplacement drsquoun argument (movement) soit deacuteficitaire dans le cas de phrases passives (du type The boy was pushed by the girl) et de phrases avec une subordonneacutee dont lrsquoanteacuteceacutedent est Objet (du type The boy who the girl pushed was tall) ou avec cliveacutee (du type It is the boy who the girl pushed)
Ainsi les deacuteplacements syntaxiques (syntactic movements) semblent preacutesenter une difficulteacute speacutecifique en compreacutehension chez lrsquoagrammatique ce que GRODZINSKY (1995 33) explique de la sorte
laquo Toutes les traces de deacuteplacements sont effaceacutees de la repreacutesentation en structure de surface En conseacutequence la transmission des rocircles theacutematiques aux constituants deacuteplaceacutes normalement actualiseacutee par la chaicircne que les traces et ses anteacuteceacutedents constituent ne peut srsquoopeacuterer raquo26
Crsquoest donc les structures qui contiennent des traces qui sont perturbeacutees en particulier drsquoougrave la deacutenomination laquo trace-deletion hypothesis raquo27 Drsquoautre part la TDH est compleacuteteacutee par lrsquohypothegravese de la laquo strateacutegie par deacutefaut raquo (default strategy) selon laquelle les agrammatiques ont tendance agrave appliquer le rocircle drsquoAgent au SN placeacute en tecircte de phrase passive ce qui traduit le fait que lrsquoagrammatique est incapable de deacuteterminer lrsquoAgent drsquoune action donneacutee lorsqursquoun deacuteplacement doit srsquoopeacuterer
Motiveacutees par de nouvelles donneacutees agrammatiques et surtout par la remise agrave jour des perspectives analytiques du courant geacuteneacuterativiste des reacutevisions et restrictions de la TDH28 seront formuleacutees (voir GRODZINSKY 1995 36-49 GRODZINSKY 1998) pour laisser place agrave une hypothegravese plus souple et restrictive la TBA (trace-based account) et la R-Strategy (referential strategy)29 Drsquoautres travaux tels que ceux de HICKOCK et al (1993)
26 Notre propre traduction laquo [] it was assumed that in agrammatism all traces of movement are deleted from S-structure representation As a consequence Θ-role transmission to moved constituents normally mediated by the chain that the trace and its antecedent constitute [] cannot take place raquo (GRODZINSKY 1995 33) 27 Cette hypothegravese est deacutenommeacutee aussi laquo chain-disruption hypothesis raquo (LINEBARGER 1995) 28 Une revue approfondie de lrsquoeacutevolution de cette theacuteorie neacutecessiterait de disposer de tous les outils et concepts analytiques mis au point par les theacuteoriciens de la grammaire geacuteneacuterative et de ses prolongements jusqursquoau programme minimaliste Il nrsquoen sera aucunement question ici drsquoautant que lrsquoapproche propre agrave notre probleacutematique de lrsquoadaptation se distingue de lrsquoapproche geacuteneacuterativiste trop eacuteloigneacutee nous semble-t-il de la question de la variabiliteacute des faits linguistiques 29 Pour une critique plus pousseacutee et technique de cette hypothegravese et de ses prolongements voir LINEBARGER (1995 60-77) Drsquoapregraves elle les interpreacutetations invoquant la rupture de la chaine (chain-disruption accounts)
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HICKOK et AVRUTIN (1995) ou RUIGENDIJK et al (2006) pour nrsquoen citer que quelques-uns dans la mecircme veine alimentent les deacutebats entre linguistes geacuteneacuterativistes teacutemoignant un inteacuterecirct particulier pour la compreacutehension de phrases dans lrsquoagrammatisme
Agrave la diffeacuterence des autres hypothegraveses linguistiques exposeacutees jusqursquoagrave preacutesent lrsquohypothegravese syntaxique formuleacutee dans le cadre du modegravele geacuteneacuteratif ne pose pas de lien explicite avec quelque modegravele de la performance psycholinguistique Cette hypothegravese (ainsi que ses prolongements voir ci-apregraves) trouve son adeacutequation psychologique et mecircme neurobiologique dans le cadre theacuteorique de la grammaire universelle qui postule que lrsquoexistence drsquoun module syntaxique autonome est agrave la base de lrsquoeacutemergence de la compeacutetence syntaxique et de la faculteacute de langage En partie 31 (p 90) nous discuterons plus en deacutetail des problegravemes poseacutes par lrsquoadoption drsquoun tel cadre theacuteorique et analytique et donc des enjeux theacuteoriques poseacutes par lrsquoeacutetude de la performance pathologique
(c) Deacuteficit lieacute aux nœuds des arbres syntaxiques tree-pruning hypothesis (TPH)
Lrsquohypothegravese de la troncation de lrsquoarbre syntaxique (tree pruning hypothesis - TPH - FRIEDMANN et GRODZINSKY 1997 FRIEDMANN 2000 FRIEDMANN 2001 FRIEDMANN 2002) est comme celle de GRODZINSKY marqueacutee par les principes drsquoanalyse issus de la syntaxe geacuteneacuterative30 Il est postuleacute que au sein de la repreacutesentation en arbre de la phrase certains nœuds de la repreacutesentation de certaines cateacutegories fonctionnelles seraient endommageacutes en particulier le Temps (pour la flexion temporelle Tense node) lrsquoAccord (pour la flexion drsquoaccord Agreement node) et les Compleacutementeurs (pour la syntaxe des phrases interrogatives en particulier Complementizer node)
Lrsquoagrammatique nrsquoest alors plus capable drsquoappliquer les regravegles de projection de cateacutegories fonctionnelles au-dessus des nœuds endommageacutes dans lrsquoarbre syntaxique Eacutetant donneacute le rocircle crucial des tecirctes dans la projection de nœuds supeacuterieurs la TPH suggegravere que lorsqursquoun nœud est endommageacute lrsquoarbre est tronqueacute agrave partir de ce nœud et les nœuds supeacuterieurs sont aussi endommageacutes
De ce fait les degreacutes de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit agrammatique srsquoexpliquent par les sites des nœuds endommageacutes lorsqursquoun patient manifeste un deacuteficit tregraves seacutevegravere le nœud endommageacute est situeacute bas dans lrsquoarbre syntaxique (le nœud Temps) ce qui affecte tous les noeuds situeacutes au-dessus et donc une plus grande partie de lrsquoarbre syntaxique est inaccessible Lorsque le deacuteficit est moins seacutevegravere le nœud endommageacute est situeacute tregraves haut ce qui affecte moins de nœuds situeacutes au-dessus (le nœud Compleacutementeur) De la sorte si le nœud Temps est endommageacute alors les nœuds Compleacutementeurs le sont tout naturellement et si le nœud Compleacutementeur est endommageacute cela nrsquoaffectera pas le nœud Temps
pour expliquer lrsquoappauvrissement de la structure syntaxique ne suffisent pas agrave expliquer les perturbations ou les preacuteservations des structures dans la compreacutehension asyntaxique 30 En particulier par le modegravele de POLLOCK (1989)
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Aussi le modegravele preacutedit que la troncation de lrsquoarbre suivant un certain nœud affecte toutes les structures deacutependantes du nœud impliqueacute En effet lorsque le nœud Temps est affecteacute tous les nœuds qui en deacutependent la flexion temporelle les copules les pronoms sujets le sont aussi
Des hypothegraveses similaires formuleacutees par RIZZI (1994 citeacute par FRIEDMANN 1997 2002) et HAGIWARA (1995 citeacute par FRIEDMANN 2002) viennent appuyer ce modegravele
Drsquoautre part des donneacutees empiriques disponibles peuvent ecirctre interpreacuteteacutees suivant le modegravele Par exemple NESPOULOUS et al (1988 1990 citeacutes par FRIEDMANN 1997 418) montrent que M Clermont a des difficulteacutes agrave produire les verbes copules et auxiliaires et nrsquoemploie aucun temps verbal composeacute ni subordonneacutee attacheacutee agrave un verbe Cependant aucune erreur de flexion nrsquoest releveacutee traduisant le fait que le nœud Accord est intact Suivant le modegravele de FRIEDMANN lrsquoarbre syntaxique de M Clermont serait donc endommageacute au niveau du nœud Temps ce qui permet drsquoexpliquer que les repreacutesentations des verbes copules des verbes auxiliaires et des flexions temporelles soient perturbeacutees laissant indemne lrsquoapplication des regravegles drsquoAccord De plus lrsquoabsence de subordonneacutees traduit la perturbation du nœud Compleacutementeur situeacute dans lrsquoarbre syntaxique au-dessus du nœud Temps
La TPH peut se reacutesumer ainsi (FRIEDMANN 1997 420)
les cateacutegories fonctionnelles C T ou Agr sont sous-speacutecifieacutees dans lrsquoagrammatisme
un nœud sous-speacutecifieacute ne peut se projeter plus haut dans lrsquoarbre syntaxique
Le modegravele de FRIEDMANN a susciteacute quelques reacuteserves
En effet pour KOLK (2006 233) le problegraveme de cette hypothegravese est que la variabiliteacute intra-individus (inconsistency) nrsquoest pas reacuteellement expliqueacutee et mecircme selon nous plutocirct eacuteludeacutee
Drsquoautre part drsquoapregraves ARABATZI et EDWARDS (2002) des tests de manipulation de verbes en production de phrases et lrsquoanalyse des verbes produits en discours continu narratif ont pu mettre en eacutevidence des erreurs drsquoomissions et de substitutions impliquant les flexions verbales en anglais dans des contextes divers (dans les phrases deacuteclaratives mais aussi apregraves une neacutegation) Ni les patrons drsquoerreurs ni les variabiliteacutes inter-individus et inter-tacircches observeacutes dans divers cas dagrammatisme ne peuvent confirmer les preacutedictions de la TPH ARABATZI et EDWARDS (2002) rejettent donc la TPH pour plaider en faveur drsquoune perturbation des processus drsquoimpleacutementation de la grammaire (du point de vue des regravegles drsquoapplication de la morphologie flexionnelle verbale) en soulignant le fait que les cateacutegories fonctionnelles (Temps Accord) sont bien preacutesentes dans lrsquoagrammatisme et non dissoutes
Aussi ces auteurs formulent un contre-argument de nature logique si les troncations des arbres syntaxiques pouvaient reacuteellement ecirctre agrave lrsquoorigine des performances agrammatiques du point de vue des flexions verbales les verbes en anglais seraient alors systeacutematiquement mal fleacutechis Pourtant de nombreux travaux ont mis en valeur lrsquoinstabiliteacute des performances agrammatiques Et de ce point de vue la variabiliteacute des performances indiquerait plutocirct que
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certains meacutecanismes de flexions et certaines regravegles de structuration syntaxique seraient appliqueacutes de faccedilon optionnelle dans la production ce qui va plutocirct dans le sens de la theacuteorie de lrsquoadaptation en contradiction avec lrsquohypothegravese drsquoune incapaciteacute syntaxique structurale
Comme pour la TDH (voir supra) la TPH recherche naturellement une adeacutequation psychologique dans le cadre geacuteneacuterativiste et ne se reacutefegravere pas explicitement agrave quelque modegravele de la performance psycholinguistique
233 Lrsquoagrammatisme trouble central ou seacutelectif
SALOMON (1914) et ISSERLIN (1922) citeacutes par GOODGLASS (1973 187) opegraverent une dissociation entre expression et compreacutehension Pour MICELI et al (1983) le trouble de la compreacutehension peut srsquoaveacuterer chez certains patients agrammatiques mais lrsquoagrammatisme purement expressif existe aussi
NESPOULOUS et al (1988) et NESPOULOUS et al (1989) reportent un cas drsquoagrammatisme (M Clermont) sans trouble de la compreacutehension que ce soit dans des tacircches de compreacutehension orale ou eacutecrite ou dans des tacircches de jugement de grammaticaliteacute mesurant les capaciteacutes meacutetalinguistiques En effet les auteurs ont pu montreacute que bien que la production de discours continu et de phrases soit agrammatique les laquo connaissances abstraites - la compeacutetence linguistique raquo sont toujours opeacuterationnelles (les reacutesultats aux tests de jugement de grammaticaliteacute sont laquo parfaits raquo)
Aussi seraient impliqueacutees les capaciteacutes de traitement attentionnel des mots grammaticaux dans les processus de deacutecodage la reacutepeacutetition et la lecture de mots grammaticaux isoleacutes sont laquo totalement eacutepargneacutees raquo alors que leur lecture en contexte phrastique est laquo massivement deacuteficitaire raquo mais moins probleacutematique lorsque la lecture des mots grammaticaux en contexte phrastique est orienteacutee par un moyen de focaliser lrsquoattention
Drsquoautre part les auteurs en concluent que M Clermont ne preacutesente pas de deacuteficit particulier qui affecterait lrsquoencodage de la syntaxe de la phrase En effet dans une tacircche drsquoanagrammes phrastiques ougrave le temps consacreacute agrave la formation des phrases est tregraves long seulement deux erreurs de substitution de morphegravemes sont releveacutees Pour eux le trouble agrammatique ne serait associeacute qursquoagrave des symptocircmes expressifs ce qui va dans le sens de lrsquohypothegravese du trouble seacutelectif impliquant seulement lrsquoencodage et ce qui prouverait lrsquoindeacutependance des meacutecanismes de deacutecodage et drsquoencodage de la syntaxe
Drsquoautre part les deux eacutetudes de cas preacutesenteacutees pour le franccedilais dans le recueil du projet CLAS (dont M Clermont NESPOULOUS et al 1990 657) ont permis de conclure que lrsquoagrammatisme nrsquoeacutetait pas le reacutesultat drsquoun deacuteficit central mais qursquoil devait ecirctre imputeacute agrave un dysfonctionnement drsquoun processus psycholinguistique responsable de la production du langage Comme des perturbations eacutequivalentes furent deacutecrites en production de lrsquoeacutecrit et de lrsquooral il semble que le dysfonctionnement en cause impliquerait une eacutetape profonde drsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale si lrsquoon considegravere un modegravele de la production
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laquo normale raquo de phrases tel que celui de GARRETT (1976 1980) crsquoest-agrave-dire le niveau positionnel
Cependant drsquoautres hypothegraveses agrave lrsquoinstar de ZURIF et al (1972) CARAMAZZA et ZURIF (1976) BERNDT et CARAMAZZA (1980) SCHWARTZ et al (1980) LINEBARGER et al (1983) et GRODZINSKY (1984 1986 1995 GRODZINSKY et al 1985) associent lrsquoagrammatisme systeacutematiquement agrave des symptocircmes reacuteceptifs ce qui suggegravere qursquoon aurait plutocirct affaire agrave un trouble central et structural impliquant lrsquoencodage et le deacutecodage de maniegravere parallegravele Drsquoautant que lrsquoideacutee du caractegravere central du trouble est en termes logiques plus en adeacutequation avec les hypothegraveses explicatives dites laquo structurales raquo ou linguistiquement motiveacutees exposeacutees ci-dessus
Preacuteciseacutement sur cette question nous ne sommes pas en mesure de trancher de maniegravere deacutefinitive drsquoautant que la preacutesente eacutetude se focalise exclusivement sur la production orale En effet nous nrsquoavons pas pu eacutevaluer la compreacutehension du langage des participants agrave cette eacutetude31
234 Agrammatisme et paragrammatisme un mecircme deacuteficit
KLEIST (1914 1916 citeacute par TISSOT et al 1973) considegravere que lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme sont deux formes de troubles diffeacuterents du point de vue de la modaliteacute consideacutereacutee mais tregraves proches du point de vue de la qualiteacute des symptocircmes morpho-syntaxiques caracteacuteristiques la premiegravere forme srsquoobserverait dans la reacutegression drsquoune laquo aphasie motrice raquo et la seconde forme dans lrsquolaquo aphasie sensorielle raquo Il ajoute aussi que lrsquoagrammatisme moteur ne srsquoaccompagne pas forceacutement de symptocircmes reacuteceptifs mais que lrsquoagrammatisme sensoriel srsquoaccompagne toujours de symptocircmes expressifs Toujours drsquoapregraves les travaux de KLEIST (citeacute par PILLON et NESPOULOUS 1994 390 drsquoapregraves la traduction de DE BLESER 1987)
laquo Dans le paragrammatisme lrsquoaptitude agrave construire des seacutequences de mots nrsquoest pas alteacutereacutee mais les syntagmes et les phrases sont souvent incorrectement seacutelectionneacutes ce qui provoque des meacutelanges et des contaminations Tregraves souvent les constructions phrastiques demeurent inacheveacutees Lrsquoexpression linguistique nrsquoest pas simplifieacutee il y a plutocirct surproduction de seacutequences de mots avec apparition de phrases confuses et monstrueuses raquo
Ces pheacutenomegravenes paragrammatiques sont typiques de lrsquoaphasie de Wernicke Drsquoapregraves DEacuteMONET et PUEL (1994 348) cette aphasie se traduit par des deacutesordres touchant toutes les composantes du langage la fluiditeacute et lrsquoabondance de la production orale srsquoaccompagnent drsquoune sorte de deacutesinhibition difficilement controcirclable et de multiples deacuteviations phoneacutemiques et lexicales (sans trouble phoneacutetique ou articulatoire) qui peuvent
31 Les participants agrammatiques furent seacutelectionneacutes drsquoapregraves le critegravere dominant selon lequel ils devaient preacutesenter un laquo trouble de lrsquoexpression aveacutereacute avec agrammatisme et une compreacutehension preacuteserveacutee raquo
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donner lrsquoimpression drsquoune jargonaphasie Les perturbations phoneacutemiques se traduisent par des suppressions ajouts substitutions ou deacuteplacements de phonegravemes qui peuvent rendre opaque le mot cible Les paraphasies lexicales peuvent entraicircner des ambiguiumlteacutes et des incoheacuterences seacutemantiques inaccessibles agrave lrsquoauditeur Lorsque les pheacutenomegravenes paraphasiques impliquent les mots grammaticaux on parle alors de paragrammatisme ou de dyssyntaxie ougrave toutefois la formation de phrases complexes nrsquoest pas affecteacutee32 Ce syndrome aphasique tregraves visible sur le plan de la production affecte eacutegalement massivement la compreacutehension du langage
Pour reacutesumer la distinction classique entre les tableaux cliniques de lrsquoaphasie de Broca avec agrammatisme et lrsquoaphasie de Wernicke avec paragrammatisme repose sur les traits symptomatologiques respectifs suivants
au niveau qualitatif omissions versus substitutions
au niveau de la fluence verbale et au niveau quantitatif reacuteduction verbale heacutesitante en segments courts versus logorrheacutee verbale difficile agrave canaliser freacutequence eacuteleveacutee des omissions versus freacutequence eacuteleveacutee des substitutions
au niveau des modaliteacutes symptocircmes exclusivement expressifs versus symptocircmes expressifs et reacuteceptifs
Sans entrer dans les deacutetails il est assez admis aujourdrsquohui que cette dichotomie ne reacutesiste pas agrave lrsquoeacutepreuve de certaines donneacutees qui amegravenent agrave dresser un tableau beaucoup plus nuanceacute des deux types de trouble
Parmi tous les traits distinctifs citeacutes le seul qui reacutesiste encore du point de vue clinique est celui de la non fluence verbale opposeacutee agrave la fluence verbale Par contre les travaux de HEESCHEN (1985) ont montreacute que le trait quantitatif relatif aux diffeacuterences de freacutequences drsquoomissions et de substitutions ne reacutesistait pas Ainsi lrsquohypothegravese de ce dernier constitue une tentative seacuteduisante de remise en cause de la conception dichotomique classiquement admise (voir au point 244 p 73)
Drsquoautre part les descriptions tregraves fines de BUTTERWORTH et HOWARD (1987) citeacutes par PILLON et NESPOULOUS (1994 401) formulent une analogie en termes qualitatifs entre les pheacutenomegravenes paragrammatiques du sujet aphasique et les lapsus du sujet laquo normal raquo qui pourraient srsquoexpliquer par des dysfonctionnements transitoires relatifs aux meacutecanismes de controcircle de lrsquooutput Ces mecircmes auteurs ont eacutegalement observeacute que le discours paragrammatique nrsquoeacutetait pas seulement caracteacuteriseacute par une freacutequence eacuteleveacutee de pheacutenomegravenes para- (substitutions et ajouts) mais que des pheacutenomegravenes a- (omissions) pouvaient eacutegalement y ecirctre deacuteceleacutes
32 Pour une revue deacutetailleacutee de travaux sur les pheacutenomegravenes paragrammatiques ou dyssyntaxiques illustreacutee par de nombreux exemples pour le franccedilais voir notamment PILLON et NESPOULOUS (1994 399-400)
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235 Variabiliteacute inter-langues lrsquoapproche comparative et lrsquoapport des donneacutees translinguistiques
Les donneacutees inter-langues sur lrsquoagrammatisme sont tregraves varieacutees et permettent de relativiser des perceptions et interpreacutetations du trouble souvent trop centreacutees sur une seule langue Voyons cela agrave travers lrsquoexemple du japonais pour commencer puis agrave travers les reacutesultats du projet CLAS
2351 Un exemple lrsquoagrammatisme en Japonais
Parmi le peu drsquoeacutetudes concernant les langues non indo-europeacuteennes lrsquoagrammatisme en japonais apporte un eacuteclairage suppleacutementaire sur la complexiteacute de ses symptocircmes dans une perspective de comparaison inter-langues Le japonais est une langue agglutinante ougrave lrsquoemploi de morphegravemes flexionnels (auxiliaires affixes) est beaucoup plus optionnel qursquoen allemand ou en franccedilais En effet leur absence ne constitue pas forceacutement un manque qui compromet la bonne formation du message srsquoappuyant notamment sur un ordonnancement syntaxique beaucoup plus libre
Or en japonais (drsquoapregraves IMURA 1943 citeacute par PANSE et SHIMOYAMA 1973) lrsquoagrammatisme se caracteacuterise par lrsquoomission de morphegravemes auxiliaires la substitution de marqueurs de cas de conjonctions (des affixes et infixes) lrsquoomission de verbes auxiliaires et de formes verbales de politesse des confusions entre les voies active et passive lrsquoemploi deacuteficient de lrsquoinfinitif et des seacutequences de mots incorrectes
Drsquoapregraves une analyse comparative entre les perturbations observeacutees en japonais et en allemand (PANSE et SHIMOYAMA 1973) il ressort que les perturbations affectent les mecircmes cateacutegories fonctionnelles Les bases lexicales sur lesquelles srsquoagglutinent les morphegravemes auxiliaires en japonais demeurent intacts sauf lorsqursquoun infixe doit srsquoy inseacuterer
En conclusion agrave la question de savoir si lrsquoagrammatisme reacutesulte drsquoun deacuteficit moteur avec pour reacutesultante lrsquoomission des mots redondants non neacutecessaires agrave la compreacutehension drsquoun message ou srsquoil reacutesulte drsquoun deacuteficit drsquoencodage de la grammaire elle-mecircme qui srsquoactualise par la perturbation seacutelective de certains morphegravemes les auteurs privileacutegient la premiegravere hypothegravese
Lrsquoagrammatisme serait alors le reflet drsquoun dysfonctionnement drsquoordre proceacutedural plutocirct que structural touchant la disponibiliteacute ou lrsquoaccessibiliteacute mneacutesique agrave certains morphegravemes (disturbance of mnestic availability)
2352 Le projet CLAS (Cross-Language Aphasia Study)
Drsquoapregraves des analyses systeacutematiques de donneacutees diverses collecteacutees aupregraves drsquoagrammatiques dans quatorze langues diffeacuterentes (en hollandais anglais finnois franccedilais allemand
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heacutebreu33 hindi islandais italien japonais serbo-croate sueacutedois polonais et chinois34) lrsquoapproche comparative translinguistique de lrsquoagrammatisme coordonneacutee par MENN et OBLER (1990) a permis de deacutegager des variabiliteacutes inter-langues et inter-sujets qui viennent confirmer et nuancer les traits deacutefinitoires geacuteneacuteraux relatifs au trouble Drsquoapregraves les auteures certains traits sont plutocirct stables selon les langues tels que
la simplification de la syntaxe la complexification par subordination de proposition est absente les propositions employeacutees sont tregraves reacuteduites en nombre de mots toutefois les mots fonctions sont quand mecircme assez preacutesents dans toutes les langues
les eacuteleacutements de complexification morphologique du verbe (les auxiliaires et les flexions) sont freacutequemment omis qursquoil srsquoagisse de morphegravemes plutocirct libres comme en anglais ou lieacutes comme en finnois
les morphegravemes flexionnels sont freacutequemment substitueacutes et peu omis dans les langues comme lrsquoitalien lrsquoislandais ou lrsquoheacutebreu mecircme si les omissions de morphegravemes libres peuvent ecirctre systeacutematiques
les substitutions entre morphegravemes flexionnels sont toujours intra-cateacutegorielles crsquoest-agrave-dire qursquoelles sont toujours le fruit drsquoune confusion entre les eacuteleacutements drsquoun mecircme paradigme de flexions
les conjonctions en franccedilais les particules de clocircture de phrase en japonais et les remplisseurs (comme lrsquointerjection yrsquoknow) sont tregraves abondants et mecircme sur-employeacutes par rapport aux controcircles
les omissions de verbes noyaux agrave faible charge seacutemantique sont plus freacutequentes comme avoir et ecirctre compareacute aux verbes noyaux laquo pleins raquo
lrsquoomission de mots contenus est notable en particulier les verbes noyaux ou les noms ces derniers eacutetant drsquoautant plus omis lorsque le systegraveme de marquage casuel est complexe (comme en finnois ou en serbo-croate)
lrsquoordre canonique des constituants est preacutefeacutereacute dans chacune des langues mecircme lorsqursquoelle offre plus de flexibiliteacute drsquoagencement des constituants (comme en finnois ou polonais) et mecircme si la construction obtenue est agrammaticale (en allemand les structures agrave verbe en position finale sont eacuteviteacutees)
Si certains traits sont stables selon les langues drsquoautres traits sont sujets agrave des variations importantes (MENN et OBLER 1990 1370) En effet celles-ci affirment que les nombres drsquoomissions de morphegravemes lieacutes (flexions nominales) et lrsquoemploi de formes verbales agrave 33 Lrsquoagrammatisme en heacutebreu est eacutegalement eacutetudieacute par GORDZINSKY (1984) et FRIEDMANN et GRODZINSKY (1997) 34 Deux cas par langue furent eacutetudieacutes excepteacute pour le chinois lrsquohindi et le polonais avec un cas unique chacune Les donneacutees sont issues de quatre tacircches de productions usuelles le reacutecit autobiographique la narration drsquoun conte (Le Petit Chaperon Rouge) la description drsquoimage (Cookie Theft du BDAE) et la narration de quatre petites histoires drsquoapregraves des seacutequences drsquoimages (tireacutees du Wechsler-Bellevue)
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lrsquoinfinitif sont tregraves variables deacutependent des diffeacuterences grammaticales intrinsegraveques aux diffeacuterentes langues En effet dans les langues preacutesentant des paradigmes flexionnels pleins et riches (le finnois lrsquoheacutebreu) les substitutions sont plus caracteacuteristiques compareacute aux langues ougrave la morphologie est moins marqueacutee (lrsquoanglais) En langues romanes et germaniques les verbes sont souvent employeacutes sous une forme plus simple agrave lrsquoinfinitif ou au preacutesent simple
Ces observations conduisent MENN et OBLER (1990 1387) agrave relativiser la nature du deacuteficit sous-jacent et de ses manifestations agrave travers le filtre de la langue lorsque la formation drsquoune structure implique la seacutelection drsquoune seule forme adeacutequate parmi les eacuteleacutements drsquoun paradigme plus la langue offre des paradigmes complexes et plus le risque de confusion srsquoaccroicirct chez lrsquoagrammatique Ainsi les proprieacuteteacutes de la langue ont un effet non neacutegligeable sur la qualiteacute et la quantiteacute des omissions et des substitutions observeacutees en surface
2353 Inteacuterecirct de lrsquoapproche comparative
La variabiliteacute inter-langues des types de symptocircmes omissions versus substitutions dans lrsquoagrammatisme constitue un indicateur tangible permettant drsquoinfeacuterer certains meacutecanismes fondamentaux impliqueacutes dans la production langagiegravere (voir NESPOULOUS 1997 230-236)
En franccedilais ou en anglais lrsquoagrammatisme se caracteacuterise en premier lieu par lrsquoomission des morphegravemes grammaticaux obligatoires agrave la diffeacuterence de lrsquoheacutebreu langue pour laquelle sont observeacutees des substitutions en nombre tregraves important (voir GRODZINSKY 1984 BAHARAV 1990 citeacute par NESPOULOUS 1997)
En effet les qualiteacutes structurales de lrsquoheacutebreu impliquent que les agrammatiques produisent un discours ougrave les racines tri-consonantiques servant de bases seacutemantico-lexicales sont combineacutees agrave des affixes grammaticaux vocaliques et consonantiques souvent mal seacutelectionneacutes ou mal instancieacutes sur la base (ou racine) Si les agrammatiques choisissaient lrsquooption de supprimer ces affixes vocaliques pour ne garder que les racines servant de support de base agrave lrsquoexpression de lrsquoinformation grammaticale la reacutealisation effective des mots au sein drsquoune phrase serait compromise
Cela expliquerait pourquoi lrsquooption laquo substitution raquo plutocirct que laquo lrsquooption omission raquo semble preacutefeacuterentiellement choisie (par des voies conscientes ou inconscientes ) dans les langues ougrave une uniteacute lexicale nrsquoapparaicirct jamais sous une forme deacutenueacutee de toute marque grammaticale affixeacutee encore moins lorsqursquoil srsquoagit drsquoinfixes vocaliques ajouteacutes agrave une structure consonantique de base comme en langue seacutemitique En italien polonais ou mecircme en finnois les donneacutees vont dans le mecircme sens (voir MENN et OBLER 1990)
Ainsi drsquoapregraves NESPOULOUS (1997) du point de vue de la symptomatologie de lrsquoagrammatisme lrsquoapproche comparative translinguistique permet de mettre en eacutevidence une variabiliteacute inter-langues qui invite agrave consideacuterer que
drsquoune part laquo le problegraveme de gestion des morphegravemes grammaticaux aurait obligation de respecter les proprieacuteteacutes structurales de la langue parleacutee par le patient raquo
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et drsquoautre part laquo le dogme [] en matiegravere de diagnostic diffeacuterentiel entre agrammatisme et paragrammatisme [est agrave revoir] raquo
En effet on pourrait donc conclure que le deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes para- et a-grammatiques qursquoon associe dans les conceptions classiques respectivement agrave lrsquoaphasie fluente et agrave lrsquoaphasie non fluente aurait en reacutealiteacute une seule et mecircme nature
Les manifestations de ce deacuteficit laquo unique raquo serait ainsi variables en quantiteacute et en qualiteacute selon les proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu Cet argument suffit donc agrave rejeter la distinction trop radicale entre agrammatisme et paragrammatisme agrave lrsquoinstar de HEESCHEN (1985 voir aussi au point 244 p 73)
De plus NESPOULOUS (1997) preacutecise que le caractegravere toujours intra-cateacutegoriel des substitutions observeacutees (par exemple preacuteposition preacuteposition article article) prouveraient que la matrice syntaxique des phrases agrave produire est intacte car la cateacutegorie grammaticale relative au morphegraveme substitueacute a toutefois eacuteteacute activeacutee lors de la planification de la phrase De ce fait il rejette lrsquoideacutee drsquoun deacuteficit syntaxique sous-jacent en admettant que lrsquohypothegravese drsquoun dysfonctionnement lieacute agrave lrsquoaccegraves agrave ces cateacutegories de morphegravemes grammaticaux est plus plausible ce qui aurait des conseacutequences sur lrsquoensemble de la structure agrave encoder et donc sur les aspects syntaxiques en mecircme temps
Toute revue comparative approfondie des donneacutees disponibles issues de diffeacuterentes langues35 preacutesente ainsi un grand inteacuterecirct drsquoautant que la variabiliteacute quantitative et qualitative symptomatologique est tregraves eacutetroitement lieacutee aux proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu et questionne de ce fait la pertinence dichotomique entre agrammatisme et paragrammatisme
Drsquoautre part les donneacutees collecteacutees aupregraves drsquoaphasiques bilingues sont eacutegalement tregraves preacutecieuses pour qui souhaite appreacutehender les processus impliqueacutes dans la geacuteneacuteration du langage suivant lrsquoune ou lrsquoautre des deux ou trois langues parleacutees par un mecircme sujet (voir PARADIS 1988 2001) drsquoautant plus lorsque les meacutecanismes de formation morphologiques et syntaxiques diffegraverent selon les langues parleacutees par ce type singulier de patient
35 Il nrsquoen sera pas question ici Toutefois on peut signaler quelques travaux LAKA et ERRIONDO-KOROSTOLA (2001) en basque MANSSON et AHLSEN (2001) en sueacutedois NILIPOUR et RAGHIBDOUST (2001) en farsi (perse) RISPENS et al (2001) en anglais hollandais et norveacutegien agrave propos de la neacutegation ULATOWSKA et al (2001) en polonais STAVRAKAKI et KOUVAVA (2003) en grec FRIEDMANN (2002) en heacutebreu et en arabe HALLIWELL (2000) et LEE (2003) en coreacuteen KERTESZ et OSMAN-SAGI (2001) en hongrois LEHECKOVA (2001) en tchegraveque et REZNIK et al (1995)
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236 Variabiliteacute symptomatologique co-occurrences et dissociations de symptocircmes
2361 La question du statut syndromique de lrsquoagrammatisme
Drsquoapregraves CARAMAZZA et BERNDT (1985 31) la notion de syndrome srsquoeacutenonce agrave travers le principe de deacutelimitation suivant
laquo Un syndrome devrait pouvoir ecirctre appreacutehendeacute suivant sa propension agrave ecirctre lrsquouniteacute minimale drsquoanalyse pour rendre possible lrsquoidentification du ou des modules reacuteputeacutes deacuteficients chez un patient raquo
En drsquoautres termes une relation drsquoirreacuteductibiliteacute doit pouvoir ecirctre eacutetablie entre drsquoune part le deacuteficit ou les deacuteficits en jeu et drsquoautre part le symptocircme ou les symptocircmes co-occurrents et indissociables observeacutes dans divers cas Les auteurs insistent sur le fait que la co-occurrence de symptocircmes deacutetermine lrsquoidentification drsquoun module cognitif et de son fonctionnement interne et que la dissociation entre symptocircmes reflegravetent plutocirct lrsquoindeacutependance entre processus de traitements (ou processing components) Dans lrsquoidentification drsquoun syndrome toute la difficulteacute reacuteside donc dans les possibiliteacutes offertes pour en deacutegager les frontiegraveres symptomatologiques et eacutetiologiques
Toujours drsquoapregraves ces mecircmes auteurs lrsquoapplication de ce principe drsquoidentification de syndrome nrsquoest pas en adeacutequation avec les classifications classiques de lrsquoaphasiologie fondeacutees sur un laquo meacutelange de principes psychologiques preacute-theacuteoriques et neuro-anatomiques raquo qui montrent des faiblesses quant agrave la pertinence accordeacutee agrave certains symptocircmes auxquels est associeacute le statut de trouble syndromique Par exemple un trouble de la reacutepeacutetition peut reacutesulter de deacuteficits divers crsquoest-agrave-dire que ce symptocircme peut faire suite agrave des deacuteficits psycholinguistiques et des leacutesions tregraves diffeacuterentes drsquoun sujet agrave lrsquoautre
Autrement dit les relations entre symptocircme(-s) et deacuteficit(-s) sous-jacent(-s) doivent ecirctre appreacutehendeacutees en tenant compte de leur multipliciteacute et de leur complexiteacute CARAMAZZA et BERNDT ajoutent en ces termes
laquo Ces problegravemes concernant la deacutefinition de syndromes ont des implications eacutevidentes dans le cadre de lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme Originellement deacutecrit comme eacutetant un symptocircme unique parmi le syndrome plus large de lrsquoaphasie de Broca (KLEIST 1916 PICK 1913) lrsquoagrammatisme semble avoir eacutevolueacute vers une caracteacuterisation syndromique plus lacircche et floue ce qui est en son bon droit raquo
Selon ces auteurs lrsquoagrammatisme est un trait central du syndrome de lrsquoaphasie de Broca tel que redeacutefini par BERNDT et CARAMAZZA (1980) Agrave la question fondamentale ainsi poseacutee faut-il envisager lrsquoagrammatisme comme eacutetant un symptocircme ou un syndrome regroupant un ensemble complexe de symptocircmes - CARAMAZZA et BERNDT (1985 32) proposent une tentative de compromis entre lrsquoidentification de lrsquoagrammatisme suivant des symptocircmes
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stables refleacutetant le (les) deacuteficit(-s) sous-jacent(-s) plus ou moins seacutevegraveres et la variabiliteacute inter-sujets refleacutetant les conduites compensatoires dont il faut tenir compte
laquo Il est difficile drsquoaborder lrsquoagrammatisme en fournissant une deacutefinition claire sur ses pheacutenomegravenes La performance des sujets ceacutereacutebro-leacuteseacutes est le reacutesultat drsquoun ensemble de facteurs complexes et variables incluant le dysfonctionnement partiel de composantes de traitement (processing components) et lrsquoaction de meacutecanismes compensatoires qui ensuite srsquoactualisent chez les patients selon des degreacutes de seacuteveacuteriteacute divers La variation lieacutee agrave la contribution de chacun de ces facteurs chez des patients particuliers entraicircnent un haut niveau de variabiliteacute de performance raquo36
2362 Dissociations doubles-dissociations et co-occurences de symptocircmes
Pour eacutetablir des hypothegraveses valides sur le deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme CARAMAZZA et BERNDT (1985 52-53) speacuteculent sur le fait que drsquoapregraves les donneacutees disponibles agrave ce moment-lagrave la co-occurrence effective ou non effective de diffeacuterents symptocircmes identifieacutes dans lrsquoaphasie de Broca agrammatique sont des preuves de lrsquoexistence de systegravemes fonctionnels indeacutependants impliqueacutes dans la geacuteneacuteration de phrase Ainsi la mise en eacutevidence des dissociations et doubles-dissociations dont la validiteacute est tributaire de tacircches langagiegraveres bien cadreacutee et de critegraveres linguistiques rigoureusement fixeacutes peut le deacutemontrer La co-occurence de symptocircmes peut ecirctre le reacutesultat de deux meacutecanismes diffeacuterents
(1) de la proximiteacute de certaines aires neuro-fonctionnelles proches leacuteseacutees (refleacuteteacutee par exemple par lrsquoobservation chez un mecircme patient de symptocircmes reacuteceptifs et expressifs en mecircme temps)
(2) ou de lrsquoeffet drsquoun meacutecanisme leacuteseacute sur un meacutecanisme demeureacute intact avec lequel il est en eacutetroite interaction (refleacuteteacute par exemple par lrsquoobservation chez un mecircme patient du symptocircme drsquoomission et du symptocircme de perturbation de lrsquoordre des mots)
Par conseacutequent devant la variabiliteacute des performances qui est lrsquoeffet de la combinaison instable des traits classiquement observeacutes crsquoest-agrave-dire lrsquoomission de morphegravemes grammaticaux la perturbation de lrsquoordre des mots la compreacutehension asyntaxique et lrsquoincapaciteacute au jugement meacutetalinguistique quelle attitude adopter
La question ainsi souleveacutee par ces auteurs les a conduits agrave proposer une deacutefinition de lrsquoagrammatisme reposant sur une vision multi-composite du trouble en deacutegageant trois patrons geacuteneacuteraux de symptocircmes (voir ci-apregraves) auxquels srsquoassocie un deacuteficit sous-jacent ou la co-occurrence de plusieurs deacuteficits sous-jacents
36 Notre traduction
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
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Le patron 1 le symptocircme drsquoomission de mots grammaticaux
Les processus de reacutecupeacuteration lexicale lieacutes agrave lrsquoaccegraves aux mots de classe fermeacutee sont deacuteficitaires et ce seulement sur le versant de la production (hypothegravese lexicale de BRADLEY et al voir 2324 p 37) Mais cette explication ne peut srsquoappliquer sans restriction car les morphegravemes grammaticaux libres sont omis selon une certaine organisation (de faccedilon non aleacuteatoire) et les erreurs de substitutions de morphegravemes lieacutes peuvent survenir Les deux types de pheacutenomegravenes peuvent srsquoexpliquer par un deacuteficit lieacute agrave la mise en place de la seacutequence syntaxique neacutecessitant la seacutelection de certains codes agrave appliquer (laquo uniteacutes de controcircles raquo des marqueurs grammaticaux drsquoapregraves le modegravele de PARISI et GIORGI 1983)
Comme ces uniteacutes sont fondamentales pour la mise en place de la seacutequence syntaxique le deacuteficit nrsquoest pas purement de nature lexicale mais aussi de nature syntaxique ce qui compromet la reacutecupeacuteration des codes phonologiques correspondant aux uniteacutes perturbeacutees
Drsquoautre part certains patients auraient tendance agrave omettre les verbes principaux ce qui pourrait srsquoexpliquer soit par une dissociation agrave opeacuterer entre le traitement des verbes (dont le poids des uniteacutes de controcircles est relativement eacuteleveacute par rapport aux autres eacuteleacutements linguistiques de la phrase qursquoils ont en charge) soit par la seacuteveacuteriteacute du trouble
Corollairement agrave lrsquoomission des morphegravemes grammaticaux la reacuteduction de la longueur des phrases srsquoexpliquerait par la reacuteduction des capaciteacutes mneacutesiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage phonologique et articulatoire de phrases de longueur standard
Le patron 2 les symptocircmes drsquoomission de mots grammaticaux et de perturbation de lrsquoordre des mots
En rejetant certains aspects de la mapping hypothesis (citant SAFFRAN et al 1980 voir au point 2325 p 38) les auteurs affirment que la perturbation de lrsquoordre des mots pourrait srsquoexpliquer par un deacuteficit lieacute aux laquo uniteacutes de controcircles raquo (ou information grammaticale associeacutee agrave un item linguistique) responsables de lrsquoassignation des rocircles theacutematiques aux SN Pour CARAMAZZA et BERNDT (1985 59) lorsqursquoune perturbation de lrsquoordre des mots est observeacutee chez un patient elle est indissociable drsquoune perturbation des morphegravemes grammaticaux
Le patron 3 les symptocircmes drsquoomission de mots grammaticaux de perturbation de lrsquoordre des mots et de compreacutehension asyntaxique
Associeacute aux symptocircmes expressifs citeacutes ci-dessus le symptocircme reacuteceptif est freacutequent mais pas systeacutematique Dans ce cas seule lrsquohypothegravese du mapping des rocircles theacutematiques peut expliquer la dissociation entre processus de compreacutehension de phrase per se et processus impliqueacutes pour opeacuterer des jugements meacutetalinguistiques sur des phrases
Ainsi CARAMAZZA et BERNDT (1985) favorisent une vision multi-composite des symptocircmes et du deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme Cela nous paraicirct en adeacutequation avec la reacutealiteacute du terrain et de ce point de vue les patrons de symptocircmes qursquoils proposent integravegrent celui de substitution entre mots grammaticaux (patron 1)
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Si ces patrons de co-occurrences de symptocircmes semblent assez pertinents agrave leurs yeux il nrsquoen reste pas moins que la mise en eacutevidence tout comme la remise en question de dissociations meacuteritent drsquoecirctre investigueacutees et approfondies par de nouvelles donneacutees
Ce que de nombreux travaux agrave lrsquoinstar des cas eacutetudieacutes par NESPOULOUS et al (1988) NESPOULOUS et DORDAIN (1988) BRANCHEREAU et NESPOULOUS (1989) NESPOULOUS et al (1990) ou de ceux exposeacutes par MICELI et al (1983) MICELI et al (1989) ou BASTIAANSE (1995) pour nrsquoen citer que quelques uns se sont employeacutes agrave faire
237 Conclusion agrave propos des variabiliteacutes inter-sujets et inter-langues
Les patrons de symptocircmes proposeacutes par CARAMAZZA et BERNDT (1985 voir supra) auxquels se rapportent des deacuteficits sous-jacents dissocieacutes par la meacutethode clinique ressortent agrave travers la variabiliteacute des performances inter-sujets mais ceux-ci demeurent insuffisants vis-agrave-vis des variabiliteacutes inter-langues et inter-tacircches qui ne peuvent non plus ecirctre ignoreacutees
Ainsi en compleacutement de lrsquoapproche clinique visant agrave eacutetablir des dissociations la variabiliteacute symptomatologique inter-langues peut ecirctre finement deacutecrite par lrsquoapproche comparative translinguistique et de ce fait srsquoexpliquer par les proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu (voir au point 235 p 48)
Drsquoautre part la variabiliteacute symptomatologique inter-tacircches serait deacutetermineacutee principalement par les conduites adaptatives deacuteployeacutees par le patient Ces conduites peuvent ecirctre eacutetudieacutees agrave travers la manipulation des conditions expeacuterimentales ou srsquoobserver de fait (voir au point 238 ci-apregraves) Crsquoest ce que nous verrons plus en deacutetail dans la deuxiegraveme grande partie de cet eacutetat de lrsquoart sur lrsquoagrammatisme consacreacutee aux theacuteories drsquoadaptation (partie 24 p 58)
238 et agrave propos des variabiliteacutes inter- et intra-tacircches la perspective des strateacutegies
Pour illustrer le principe de variabiliteacute inter-tacircches revenons briegravevement sur le cas de M Clermont (NESPOULOUS et al 1988 NESPOULOUS et al 1989) en ce qui concerne la tacircche drsquoanagrammes phrastiques (voir au point 233 p 45) Lors de lrsquoexpeacuterimentation le temps neacutecessaire agrave la reacutealisation de la tacircche eacutetait particuliegraverement long drsquoautant plus que les phrases reconstruites eacutetaient quasiment toutes correctes Ces performances furent interpreacuteteacutees par les auteurs comme refleacutetant une absence de trouble de lrsquoencodage syntaxique
Or cette tacircche drsquoanagrammes phrastiques ne sollicitent pas seulement des processus de deacutecodage car il srsquoagit aussi drsquoencoder une matrice syntaxique Ainsi on peut se demander si le comportement de M Clermont dans ce type de tacircche off-line ougrave les eacuteleacutements linguistiques
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agrave ordonner sont fournis37 (crsquoest-agrave-dire deacutetacheacutee de lrsquoinstantaneacuteiteacute drsquoune formulation verbale de message plus authentique) serait en fait caracteacuteristique de strateacutegies de reacutesolution des difficulteacutes drsquoencodage de la matrice impossible agrave reacutealiser on-line (crsquoest-agrave-dire dans lrsquoinstantaneacuteiteacute de la formulation) De ce fait nous pensons que les performances de M Clermont pourraient aussi bien incarner des strateacutegies de formulation drsquoordre meacutetalinguistique fondeacutee sur une reacuteflexion sur le code Cela pourrait peut-ecirctre expliquer pourquoi le temps neacutecessaire agrave la reacutesolution des anagrammes est si long drsquoautant que la reacuteflexion meacutetalinguistique visant agrave ordonner des eacutetiquettes de mots demande obligatoirement en amont un traitement de deacutecodage Lorsque la compreacutehension du langage est preacuteserveacutee lrsquoagrammatique a tout loisir si toutefois on lui en laisse le temps drsquoexploiter ainsi les capaciteacutes de reacuteflexion sur le code Selon les termes de NESPOULOUS et al (1989) lrsquohypothegravese du laquo traitement conscient restreint et strateacutegique raquo qui a eacuteteacute tireacutee des reacutesultats agrave des tests avec focalisation sur certaines uniteacutes grammaticales isoleacutees ou en contexte peut de notre point de vue eacutegalement ecirctre eacutevoqueacutee dans le cas des tacircches drsquoanagrammes phrastiques
Drsquoailleurs selon LINEBARGER et al (1983) les bons reacutesultats obtenus par les agrammatiques dans les tacircches de jugement de grammaticaliteacute confirment que leur laquo sensibiliteacute grammaticale raquo est en geacuteneacuteral bien preacuteserveacutee
De surcroicirct lrsquoallegravegement du coucirct de traitement lieacute agrave la division drsquoune tacircche langagiegravere plutocirct globale (dans une perspective on-line comme en production de discours continu de phrases) en sous-tacircches off-line (production et lecture de mots grammaticaux isoleacutes anagrammes drsquoapregraves des uniteacutes lexicales fournies jugement de grammaticaliteacute) pourrait expliquer la reacuteussite agrave ces derniegraveres agrave condition que les processus de deacutecodage soient relativement opeacuterants
En effet dans de telles tacircches off-line les computations agrave reacutealiser neacutecessitent une moindre capaciteacute de traitement agrave la mesure de la laquo reacuteduction des capaciteacutes raquo reacutesultant de lrsquoaphasie (sur ce point voir NESPOULOUS et al 1988et FRIEDERICI et KILBORN 1989 citeacutes par BASTIAANSE 1995 16)
Un autre cas de variabiliteacute de performances fut observeacute chez un mecircme sujet et lors drsquoune mecircme tacircche de production (BASTIAANSE 1995) En production de discours spontaneacute continu et drsquoapregraves les analyses quantitatives38 des aspects morphologiques et syntaxiques il a eacuteteacute observeacute que la patiente HW est passeacutee drsquoun style non-teacuteleacutegraphique agrave un style teacuteleacutegraphique drsquoun moment agrave lrsquoautre En effet dans la mecircme tacircche de production les omissions de morphegravemes grammaticaux de flexions verbales et de verbes devenaient plus nombreuses le degreacute drsquoeacutelaboration de la morphologie verbale plus faible les phrases plus
37 Le coucirct drsquoencodage est donc en quelque sorte laquo alleacutegeacute raquo si lrsquoon se reacutefegravere agrave lrsquohypothegravese proceacutedurale (voir aux points 2432(b) p 63 et 2433(a) p 65) 38 BASTIAANSE preacutesente des donneacutees quantitatives obtenues en appliquant le protocole drsquoanalyse quantitative de la production aphasique conccedilu par SAFFRAN et al (1989) Nos propres analyses quantitatives srsquoinspirent eacutegalement de ce protocole (voir dans la partie II deacutedieacutee agrave la meacutethodologie aux points 4 et 5 pp 117-219)
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courtes et leur eacutelaboration syntaxique moins complexe Selon BASTIAANSE (1995) le switching entre ces deux styles ne peut srsquoexpliquer que par la theacuteorie drsquoadaptation
Le cas de HW rappelle celui reporteacute par ISSERLIN (1922 citeacute par KOLK 1985 195) qui employait un style non-teacuteleacutegraphique lorsqursquoil parlait agrave son meacutedecin mais avait recours au style teacuteleacutegraphique lorsqursquoil parlait agrave ses amis
Les hypothegraveses jusqursquoici exposeacutees et discuteacutees ont pour but premier de questionner lrsquoagrammatisme sur le plan du dysfonctionnement sous-jacent reacuteputeacute ecirctre agrave la source des pheacutenomegravenes de surface Toutefois toutes ne peuvent totalement satisfaire au principe drsquoadeacutequation psycholinguistique en raison principalement de lrsquoinstabiliteacute des performances
En effet la variabiliteacute des performances interrogent sur la nature du dysfonctionnement sous-jacent et sur lrsquoadeacutequation des descriptions linguistiques fondeacutees sur la recherche drsquoinvariants
En revanche la theacuteorie drsquoadaptation est en premier lieu soutenue agrave travers la mise en eacutevidence de variabiliteacutes (non aleacuteatoires) qui constituent comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute une caracteacuteristique fondamentale des productions agrammatiques La suite de notre exposeacute theacuteorique y est ainsi consacreacutee
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24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives
241 La theacuteorie drsquoadaptation la loi de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort et le style teacuteleacutegraphique
La contribution de PICK (1898 1913) fut tregraves consideacuterable tant pour lrsquoaphasiologie que pour la psychologie du langage Sa conception des troubles aphasiques reposait explicitement sur une dissociation entre troubles des systegravemes peacuteripheacuteriques (moteurs-articulatoires perceptifs ou processus dits de laquo bas niveau raquo) et troubles des systegravemes lieacutes aux niveaux drsquoorganisation du langage tels que la phonologie la seacutemantique et la morphologie (ou processus dits de laquo haut niveau raquo) Pour lui lrsquoagrammatisme serait le reacutesultat drsquoune alteacuteration du scheacutema grammatical mis en place en amont dans la geacuteneacuteration du discours (avant le positionnement des uniteacutes laquo mots raquo dans ce scheacutema grammatical) Selon lrsquoideacutee de PICK (1913 citeacute par SPREEN 1973 153-154) les processus de geacuteneacuteration du langage srsquoorganisent selon une laquo loi de lrsquoeacuteconomie raquo permettant la planification et la verbalisation du discours Il affirme ceci
laquo The amount of work necessary can easily be seen as dependant on adjustement (taking into consideration the efficiency of the organs or parts of the organs) raquo
Autrement dit cette loi drsquoeacuteconomie reposerait sur un principe drsquoajustement quantitatif (amount) des capaciteacutes de traitement (work) aux caracteacuteristiques qualitatives des conditions ou des moyens biologiques (organs) par lesquels srsquoopegravere la mise en discours Ainsi lrsquoalteacuteration des moyens qui preacutesident agrave la geacuteneacuteration du langage (organs) implique une reacuteorganisation du discours par reacuteduction qui dans le cas de lrsquoagrammatisme aboutirait agrave la suppression de tous les mots redondants (en lrsquooccurrence les mots qui ne sont pas des mots contenus donc les mots grammaticaux) drsquoougrave lrsquoanalogie qursquoil eacutevoque entre agrammatisme style teacuteleacutegraphique et steacutenographie Pour lui lrsquoomission preacutefeacuterentielle des mots les moins communicants (redondants) correspondrait agrave une conduite drsquoeacuteconomie de lrsquoeffort psychologique en guise drsquoadaptation au deacuteficit des formes linguistiques sans trouble conceptuel sous-jacent (ou trouble de la laquo penseacutee raquo ou de la laquo meacutemoire des mots raquo)
Cet ajustement serait rendu neacutecessaire par les conditions neuro-pathologiques difficiles
Selon le mecircme ordre drsquoideacutees PICK (1923 citeacute par SPREEN 1973 154) formule un parallegravele entre lrsquoagrammatisme et les pidgins qui seraient des laquo langues drsquourgence raquo (emergency languages ou ethnic agrammatism) En effet tout comme lrsquoeacutemergence de lrsquoagrammatisme serait le reacutesultat drsquoune situation neuro-pathologique drsquourgence lrsquoeacutemergence
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des pidgins serait selon le mecircme principe drsquoadaptation le reacutesultat drsquoune situation sociolinguistique drsquourgence39
En outre agrave travers lrsquoanalogie entre parler agrammatique et teacuteleacutegramme40 ISSERLIN (1922) propose eacutegalement que lrsquoagrammatisme est une reacuteaction attitudinale du patient par rapport agrave son trouble Selon lui lrsquoagrammatisme correspond agrave une conduite adaptative en situation de neacutecessiteacute qui revient agrave simplifier la formulation drsquoun message agrave la maniegravere du teacuteleacutegramme composeacute par un locuteur normal lorsqursquoil doit compresser la formulation drsquoun message ou du parler drsquoun apprenant drsquoune langue eacutetrangegravere qui ne maicirctrise pas la langue eacutetrangegravere
Ainsi la laquo loi de lrsquoeacuteconomie raquo de PICK et lrsquoanalogie drsquoISSERLIN entre parler agrammatique et laquo teacuteleacutegramme raquo (ou laquo style teacuteleacutegraphique raquo) sont agrave la base du courant drsquohypothegraveses qui a chercheacute agrave interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme dans le cadre drsquoune theacuteorie globale de lrsquoadaptation (voir ci-apregraves)
242 Prolongements reacutecents de la theacuteorie drsquoadaptation
KOLK et al (1985) se reacutefegraverent explicitement aux propositions drsquoISSERLIN (1922) qui avance que le parler agrammatique doit ecirctre vu comme un parler drsquoadaptation Selon ces auteurs la theacuteorie de lrsquoadaptation est un cadre interpreacutetatif plausible des pheacutenomegravenes agrammatiques crsquoest-agrave-dire que
les omissions ne reflegravetent pas le deacuteficit sous-jacent lui-mecircme mais sont la conseacutequence des adaptations mises en place par le patient en srsquoappuyant sur le systegraveme non-perturbeacute Au sens jacksonien les omissions seraient donc agrave envisager comme symptocircmes positifs et non symptocircmes neacutegatifs Le style teacuteleacutegraphique reacutesultant des omissions preacutefeacuterentielles de mots grammaticaux est donc un des registres de parlers possibles convoqueacutes par le patient lors de la verbalisation en vue de srsquoadapter agrave son deacuteficit
le deacuteficit sous-jacent nrsquoest pas une perte de quelque eacuteleacutement basique des faculteacutes langagiegraveres (connaissances et aptitude au langage) mais est le reacutesultat drsquoun retard ou drsquoune mauvaise coordination des processus sous-tendant la production verbale Ce retard impliquant les processus de traitement psycholinguistique conjugueacute agrave la limitation des capaciteacutes de traitement (qui est un principe fondamental du comportement verbal laquo normal raquo) entrave la bonne mise en place de la repreacutesentation de la structure agrave formuler Un ralentissement geacuteneacuteral de la reacutecupeacuteration des informations phonologiques lexicales et seacutemantiques des morphegravemes agrave inteacutegrer dans la phrase peut expliquer pourquoi lrsquoeacutelocution est si exageacutereacutement lente et heacutesitante avec des pauses tregraves longues et des blocages ou des
39 Ce rapprochement entre aphasie agrammatique et langues en eacutemergence transparaicirct par ailleurs dans les travaux de GIVOacuteN (1995) nous y revenons dans la partie consacreacutee agrave la linguistique fonctionnelle et au fonctionnalisme cognitif (3452 p 109) Il fait drsquoailleurs lrsquoanalogie entre agrammatisme pidgin et acquisition du langage chez lrsquoenfant drsquoapregraves le caractegravere laquo preacute-grammatical raquo du codage qui leur serait commun 40 Cette analogie fut largement reprise dans le champ clinique pour deacutecrire les symptocircmes de lrsquoagrammatisme
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formulations avorteacutees la limitation des capaciteacutes de traitement en meacutemoire de travail ne laisse pas assez de temps agrave la reacutealisation des processus de reacutecupeacuteration ainsi ralentis du fait de la leacutesion ceacutereacutebrale Crsquoest agrave ce deacuteficit que le patient adapte deacutelibeacutereacutement sa verbalisation avec des structures syntaxiques plus courtes et plus simples ce qui permet drsquoamoindrir lrsquoeffet du deacuteficit temporel de traitement
lrsquoadaptation nrsquoest pas une conseacutequence obligatoire au deacuteficit mais est le reacutesultat drsquoune laquo deacutecision raquo (terme employeacute dans son acception technique) prise par le patient aphasique vis-agrave-vis de son deacuteficit et de ses possibiliteacutes drsquoadaptation
Si lrsquoadaptation est une option de comportement offerte au patient pour laquelle la deacutecision de srsquoadapter nrsquoest pas toujours prise la question de son caractegravere conscient ou inconscient se pose alors Pour y reacutepondre KOLK et al (1985 187) eacutevoquent les paroles drsquoun patient rapporteacutees par ISSERLIN (1922)
laquo Sprechen keine Zeit - Telegrammstil raquo (laquo Parler pas le temps - style teacuteleacutegraphique raquo)
Cela suggegravere que des patients ont pleinement conscience du style de leur verbalisation et que lorsqursquoils en ont les moyens auto-analytiques ils explicitent ainsi avec une haute preacutecision la strateacutegie qui leur permet de verbaliser Toutefois selon cet auteur une conscience totale du deacuteficit sous-jacent ou du style de parler convoqueacute nrsquoest pas forceacutement neacutecessaire en vue de deacutecider drsquoadopter lrsquo laquo option adaptation raquo
De plus crsquoest lrsquoattitude du locuteur vis-agrave-vis de la norme (en termes sociolinguistiques) qui deacutetermine son degreacute de toleacuterance aux eacutecarts teacuteleacutegraphiques par rapport aux conventions de parler standard eacutecarts qui lui permettent au demeurant de communiquer lrsquoessentiel drsquoun contenu informationnel en contexte
Pour KOLK (1985 189) le principe drsquoadaptation est un principe totalement indeacutependant du deacuteficit lui-mecircme partageacute par tous dans le comportement normal et drsquoautant plus exploiteacute en situation pathologique Lors de la formulation effective drsquoun message et suivant le modegravele de GARRETT (1975) KOLK affirme que lrsquooption drsquoadaptation actualiseacutee par lrsquoemploi du style teacuteleacutegraphique serait tributaire de processus tregraves anteacuterieurs agrave lrsquoeacutetape de formulation effective du message crsquoest-agrave-dire lors de lrsquoeacutetape preacuteverbale La structuration du message teacuteleacutegraphique lui-mecircme impliquant les processus drsquoencodage de niveaux fonctionnels positionnels phonologiques et moteurs-articulatoires intervient apregraves lrsquoeacutetape preacuteverbale
Ainsi la formulation du message est parallegravele aux difficulteacutes de traitement Lrsquoeacutetape preacuteverbale anteacuterieure agrave la formulation est donc le moment ougrave la deacutecision optionnelle drsquoemploi de style teacuteleacutegraphique est prise suivant les possibiliteacutes offertes au patient Les facteurs situationnels et le type de construction cible viseacutee deacuteterminent ce choix En comparant des structures tregraves peu eacutelaboreacutees produites par des sujets normaux avec des structures produites par des sujets agrammatiques KOLK et al (1985 191-193) eacutetablissent des correspondances tregraves nettes en termes qualitatifs et quantitatifs entre parler agrammatique et style teacuteleacutegraphique en affirmant que les sujets normaux emploient le style teacuteleacutegraphique dans la limite des standards grammaticaux autoriseacutes par les conventions
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Chez les agrammatiques la morpho-syntaxe de la construction viseacutee privileacutegie le contenu informationnel agrave veacutehiculer Lrsquoagencement des constituants et le recours aux flexions sont notamment deacutetermineacutes par
des facteurs pragmatiques de structuration syntaxique
le degreacute drsquoinformativiteacute de certains eacuteleacutements dont lrsquoomission est plus freacutequente compromet moins le contenu informationnel agrave transmettre (comme les articles deacutefinis qui laquo reacutesistent moins raquo que les deacuteterminants possessifs par exemple)
Selon KOLK (1985 194) le style teacuteleacutegraphique caracteacuteriseacute seulement par des omissions de morphegravemes nrsquoest pas agrammatical per se car il peut ecirctre produit par des sujets normaux aussi Les omissions ne srsquoexpliquent pas par le deacuteficit sous-jacent Par contre les erreurs de substitutions ou les erreurs de syntaxe ne sont pas le reacutesultat de cette adaptation teacuteleacutegraphique mais plutocirct le reflet du deacuteficit sous-jacent (le ralentissement du deacutecours temporel)
KOLK (1985 202) commente le cas de Mrs K dont lrsquoaphasie nrsquoest pas tregraves seacutevegravere Il observe de nombreuses omissions dans son discours spontaneacute Mais celles-ci ne reflegraveteraient pas directement le dysfonctionnement sous-jacent Selon lui le degreacute de deacuteficit est refleacuteteacute plutocirct par la fluence verbale en effet Mrs K avait un deacutebit tregraves rapide par rapport au groupe drsquoaphasiques non fluents eacutetudieacute et cela corrobore lrsquoideacutee que son deacuteficit (ralentissement de traitement drsquoencodage) eacutetait moins seacutevegravere compareacute aux autres patients
Drsquoautre part cette dame avait de tregraves bonnes performances aux tests de compreacutehension sauf pour les phrases tregraves complexes agrave traiter (avec subordonneacutees) pour lesquelles elle faisait des erreurs Mais lorsque les mecircmes phrases lui furent preacutesenteacutees une nouvelle fois avec tout le temps qursquoelle voulait pour reacutepondre apregraves la preacutesentation drsquoun stimulus elle ne faisait plus aucune erreur (cela nous renvoie au cas de M Clermont dans la tacircche drsquoanagramme voir NESPOULOUS et al 1988 NESPOULOUS et al 1989 aux points 233 p 45 et 238 p 55)
243 Lrsquohypothegravese des adaptations correctives et preacuteventives
Pour eacutelaborer une theacuteorie de la reacuteorganisation fonctionnelle faisant suite agrave lrsquoaphasie les propositions de KOLK41 srsquoarticulent autour de la notion centrale de variabiliteacute des performances agrammatiques agrave partir de laquelle se deacutegage la theacuteorie de lrsquoadaptation des capaciteacutes langagiegraveres agrave la nouvelle configuration neuropsychologique
41 Nous proposons ici une synthegravese des travaux de KOLK largement tributaire drsquoune reacutetrospective tregraves complegravete voir KOLK 2006
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En srsquoappuyant sur les donneacutees empiriques diverses cet auteur eacutenonce trois grands principes relatifs
(1) agrave la variabiliteacute des performances
(2) au deacuteficit cognitif sous-jacent
et (3) aux strateacutegies drsquoadaptations
Nous les exposons et commentons en deacutetail ci-apregraves
2431 Principe de variabiliteacute
Le principe de variabiliteacute des performances est intrinsegraveque aux symptocircmes linguistiques la pertinence de ce principe fut argumenteacutee agrave travers de nombreux travaux JAREMA et NESPOULOUS 1984 MICELI et al 1983 NESPOULOUS et DORDAIN 1988 NESPOULOUS et al 1990 NESPOULOUS 1997 HOFSTEDE et KOLK 1994 KOLK 1998 KOLK 2007 entres autres Pour tous ces auteurs la variabiliteacute constitue un trait deacutefinitoire essentiel agrave prendre en compte si lrsquoon souhaite aborder lrsquoagrammatisme suivant toutes les dimensions qui le caracteacuterisent
Dans une eacutetude impliquant 22 patients aphasiques de Broca hollandais HOFSTEDE (1992 citeacute par KOLK 2006 230) montre par exemple que les nombres de propositions subordonneacutees produites et de morphegravemes grammaticaux omis peuvent ecirctre tregraves variables drsquoun patient agrave lrsquoautre drsquoautant que le deacutebit verbal (speech rate) connaicirct lui aussi de fortes variations
Srsquoagissant des phrases complexes (syntactic symptom) la proportion moyenne est de 6 pour les aphasiques mais les proportions individuelles varient entre 0 agrave 21 drsquoun patient agrave lrsquoautre contre 22 en moyenne pour le groupe controcircle
Srsquoagissant du taux drsquoomission de morphegravemes grammaticaux (morphological symptom) on constate une variation inter-individus de 10 agrave 98 pour les aphasiques et 8 en moyenne pour le groupe controcircle
Srsquoagissant du deacutebit verbal (rate symptom) les variations oscillent entre 23 et 93 mots produits par minute pour les aphasiques contre une moyenne de 145 mots par minute pour le groupe controcircle Citeacutees par KOLK (2006 230) les donneacutees de ROCHON et al (2000) issues des analyses quantitatives de corpus de production de discours continu narratif en anglais montrent les mecircmes types de variations pour un groupe de 37 patients Les donneacutees empiriques reflegravetent drsquoune part la variabiliteacute inter-sujets due aux degreacutes de seacuteveacuteriteacute et de reacutecupeacuteration diffeacuterents selon les patients et drsquoautre part elles reflegravetent la variabiliteacute intra-sujet due agrave lrsquoinstabiliteacute de comportement verbal chez un mecircme patient et pour un mecircme aspect linguistique drsquoun moment agrave lrsquoautre
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Sur ce point KOLK (2006 231) paraphrase GOODGLASS (1993) en ces termes
laquo Lrsquoinstabiliteacute (inconsistency) est une caracteacuteristique fondamentale des performances aphasiques raquo
Drsquoautre part KOLK (2006) explique que la recherche de doubles-dissociations a pour but entre autre drsquoexpliquer la variabiliteacute des performances car elle permettrait drsquoassocier des causes diverses aux diffeacuterences qualitatives et quantitatives releveacutees entre diffeacuterents symptocircmes ce qui revient agrave identifier des deacuteficits sous-jacents indeacutependants et co-occurrents
En se reacutefeacuterant agrave divers travaux (notamment BADECKER et CARAMAZZA 1985 MICELI et al 1989 BERNDT 1987 ROCHON et al 2000) KOLK affirme qursquoil est leacutegitime de penser que les aspects syntaxiques et morphologiques peuvent ecirctre perturbeacutes de maniegravere seacutelective dans lrsquoagrammatisme
Cependant pour lui laquo cela nrsquoest pas si eacutevident raquo Lrsquoideacutee drsquoune dissociation entre trouble morphologique et syntaxique impliquant des deacuteficits sous-jacents de diffeacuterentes natures lui semble peu satisfaisante
Et plutocirct que de chercher agrave expliquer les variabiliteacutes par lrsquoeacutetablissement de ce type de doubles-dissociations ne vaudrait-il pas mieux finalement privileacutegier une hypothegravese unitaire pour expliquer la nature du deacuteficit sous-jacent et inteacutegrer dans les interpreacutetations concernant la variabiliteacute les facteurs drsquoordre cognitifs proceacuteduraux drsquoune part et drsquoordre contextuels drsquoautre part
2432 Le deacuteficit sous-jacent lrsquoapproche proceacutedurale
(a) Lrsquohypothegravese de la limitation de la meacutemoire agrave court-terme en compreacutehension
CAPLAN et HILDEBRANDT (1988 citeacutes par KOLK 2006 233) avancent que la quantiteacute drsquoinformation agrave traiter par la meacutemoire agrave court terme est trop importante relativement aux slots (emplacements de la matrice syntaxique correspondant agrave des uniteacutes computationnelles) disponibles et consacreacutes au traitement de lrsquoinformation syntaxique
Cette hypothegravese de limitation de lrsquoespace de traitement a eacuteteacute formuleacutee pour expliquer les troubles reacuteceptifs et pourrait srsquoappliquer au versant de la production Mais drsquoapregraves KOLK (2006 235) cette hypothegravese nrsquoexplique pas pourquoi les supports externes de facilitations syntaxiques (ou drsquoamorccedilage) ameacuteliorent les performances des agrammatiques (voir infra) alors que lrsquohypothegravese de limitation temporelle de traitement le peut
(b) Lrsquohypothegravese du laquo timing-deficit raquo la reacuteduction de la fenecirctre temporelle et la limitation du temps de traitement
Lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement (temporal window hypothesis voir KOLK 1995) comme deacuteficit sous-jacent de nature mneacutesique permet drsquoexpliquer cette variabiliteacute inter- et intra-individuelle Des donneacutees issues
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drsquoexpeacuterimentations mettant en jeu la production par amorccedilages syntaxiques (voir HAARMAN et KOLK 1991 HARTSUIKER et KOLK 1998) ainsi que des tests impliquant la formulation de phrases manipulant le pluriel conceptuel et les temps verbaux (voir HARTSUIKER et al 1999) vont dans ce sens
Selon KOLK (1995 292-193) la production agrammatique serait un effet secondaire lieacute agrave une proceacutedure drsquoadaptation agrave la nouvelle configuration de reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement Nous exposons en deacutetail cette hypothegravese dans la partie consacreacutee aux aspects psycholinguistiques de la production verbale (point 32 p 92) Selon celle-ci les erreurs qursquoon peut relever chez les agrammatiques sont qualitativement identiques agrave celles qursquoon peut observer dans le comportement verbal non pathologique
Par contre le fait que ces erreurs soient beaucoup plus nombreuses chez les agrammatiques par rapport aux sujets laquo normaux raquo pourrait srsquoexpliquer par la raison suivante la fenecirctre temporelle deacutedieacutee aux computations syntaxiques et agrave lrsquointeacutegration des informations et codes lexico-syntaxiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage drsquoune phrase agrave produire est alteacutereacutee de maniegravere agrave compromettre la formulation drsquoune seacutequence La fenecirctre temporelle de traitement nrsquoest alors plus apte agrave assurer avec synchronisation les computations eacutetant trop lourdes agrave supporter La surcharge cognitive engendreacutee par le trouble neuropsychologique est donc consideacutereacutee comme eacutetant agrave lrsquoorigine du dysfonctionnement sous-jacent affectant le comportement verbal agrammatique
Cette hypothegravese explicative trouve ces fondements dans une caracteacuterisation psycho-cognitive proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent et permet drsquoexpliquer les variabiliteacutes surtout quantitatives qursquoon observe dans la symptomatologie agrammatique suivant les patients dans une tacircche donneacutee et chez un mecircme patient dans plusieurs tacircches diffeacuterentes
Cependant lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle ne suffit pas agrave elle seule agrave expliquer sans restriction tous les pheacutenomegravenes caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme Ainsi drsquoapregraves KOLK (2006 237) pour expliquer la reacuteduction de la varieacuteteacute des formes grammaticales (syntactic symptom) le fait que tous les types de morphologie soient affecteacutes par des pheacutenomegravenes drsquoomissions (morphological symptom) et le symptocircme de fluence verbale (ou deacutebit verbal rate symptom) il ne faut pas neacutegliger la complexiteacute et la subtiliteacute des interactions entre le deacuteficit lui-mecircme dont les symptocircmes ne peuvent ecirctre isoleacutes des conditions externes (la tacircche langagiegravere en jeu) et les paramegravetres de la situation de conversation
Ainsi toute tentative drsquoexplication des symptocircmes agrammatiques est voueacutee agrave lrsquoeacutechec si elle ne srsquointeacuteresse qursquoau deacuteficit indeacutependamment drsquoautres facteurs deacuteterminants Crsquoest pourquoi il convient drsquoarticuler une approche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent (process approach voir aussi KOLK et KEITH 2006) avec une theacuteorie de lrsquoadaptation et des strateacutegies de formulation (voir ci-apregraves)
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2433 Les pheacutenomegravenes drsquoadaptation
(a) Les adaptations correctives effet sur la non fluence verbale
Les auto-corrections et reformulations visibles et invisibles (exprimeacutees et silencieuses) overt- et covert repairs
KOLK (2006 237) affirme que lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle formuleacutee en guise drsquoexplication proceacutedurale du deacuteficit nrsquoest pas seule responsable de la variabiliteacute des performances Il faut aussi tenir compte des meacutecanismes drsquoadaptation corrective qui influencent lrsquoaisance verbale (rate symptom)
En effet selon KOLK (1998 197) la tentative eacutechoueacutee drsquoune geacuteneacuteration de phrase peut se solder par un nouvel essai engageant la capaciteacute de traitement deacutejagrave mobiliseacutee la premiegravere fois qui eacutequivaut agrave un creacutedit-temps deacutejagrave utiliseacute (timing advantage)42 Ainsi la capaciteacute de traitement lors de la deuxiegraveme tentative augmente en srsquoajoutant agrave la premiegravere43
Les adaptations correctives dont les traces visibles dans le discours peuvent ecirctre des reacutepeacutetitions avec auto-corrections des reformulations des amorces de mots sont des reacuteparations explicites (overt repairs) reacutesultant du controcircle qursquoa le locuteur sur son propre propos Le systegraveme de controcircle des eacutenonceacutes produits permet au locuteur de revenir sur sa production qursquoil a perccedilue inadeacutequate (citant le modegravele de LEVELT 1989) Le feed-back passe par les voix externes (outer loop monitoring) Cette strateacutegie adaptative explique les pheacutenomegravenes drsquoautocorrections ou de reformulations expliciteacutees (visibles) observeacutes dans le discours agrammatiques (restart strategy) allant de pair avec la qualiteacute laborieuse de lrsquoeacutelocution
Dans le mecircme ordre drsquoideacutees les computations sous-jacentes reacuteiteacutereacutees de maniegravere implicite non formuleacutees expresseacutement en surface sont des proceacutedures de reformulations ou de reacuteparations non expliciteacutees Les covert restarts ou covert repairs renvoient agrave des notions deacuteveloppeacutees par LEVELT dans son modegravele et appliqueacutees agrave lrsquoagrammatisme par HARTSUIKER et KOLK (2001) En effet leur occurrence seraient comme pour les strateacutegies correctives visibles la source des pheacutenomegravenes de non-fluence verbale (KOLK et VAN GRUNSVEN 1985) La lenteur de lrsquoeacutelocution si caracteacuteristique du parler agrammatique en teacutemoigne Dans ce cas le systegraveme de reacutegulation ou drsquoautocontrocircle44 de la production est interne (la boucle de controcircle interne inner loop monitoring)
42 La traduction est faite par nos soins 43 Par ailleurs lrsquoamorccedilage syntaxique (HARTSUIKER et KOLK 1998) a pour effet drsquoameacuteliorer le traitement des uniteacutes grammaticales mecircme lorsqursquoil est fourni de maniegravere implicite le patient nrsquoen a pas conscience et le priming qui relegraveve de lrsquoautomatisme a pour effet de reacuteduire les laquo rateacutes raquo de la formulation de phrase 44 Le principe de reacutegulation de la performance par autocontrocircle conscientiseacute ou monitoring se retrouve en theacuteorie de lrsquoacquisition et de lrsquoapprentissage des langues eacutetrangegraveres (KRASHEN 1981)
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De ce fait certaines auto-corrections sont donc non expliciteacutees agrave la surface du discours elles peuvent srsquoappreacutehender agrave travers certains indices tels que les heacutesitations les pauses remplies ou longues ainsi que les bribes (voir aussi HARTSUIKER et KOLK 2001 agrave propos des monitoring errors)
Dans une autre eacutetude (OOMEN et al 2001 citeacutes par KOLK 2006) il est deacutemontreacute que partant de cette distinction entre covert repairs (refleacuteteacutees par des heacutesitations des pauses remplies ou des pauses longues des amorces) et overt repairs (refleacuteteacutees par les auto-corrections) les patients agrammatiques font plus de covert repairs que de overt repairs par rapport aux locuteurs controcircles qui preacutesentent le patron inverse Il a eacuteteacute aussi montreacute que la distinction entre les deux types de controcircle par feedback audio-phonatoire (interne et externe inner et outer loop monitoring) pouvait se veacuterifier par une tacircche dans laquelle on manipule le degreacute de feedback externe en ajoutant du bruit pendant la production En outre pour KOLK les traces de disfluence peuvent eacutegalement ecirctre le signe des difficulteacutes de formulation lieacutees au manque du mot
Pour KOLK (2006 240) lrsquoadaptation corrective compense partiellement les conseacutequences drsquoune surcharge computationnelle En outre une autre option strateacutegique est dite laquo preacuteventive raquo car elle consiste agrave simplifier les formats des seacutequences agrave produire afin drsquoeacuteviter la surcharge cognitive (voir ci-apregraves)
Pour finir selon NESPOULOUS (1997) les tentatives drsquoautocorrections freacutequentes lorsque survient une erreur de substitution reacuteussies ou en eacutechec indiqueraient que le patient agrave hautement conscience des aberrations produites crsquoest pourquoi il retente une formulation plus proche de la cible grammaticalement adeacutequate en accord avec la structure syntaxique sous-jacente correctement mise en place De la sorte il est possible drsquoopposer selon cet aspect lrsquoaphasie non fluente (Broca) agrave lrsquoaphasie fluente (Wernicke) ougrave le patient nrsquoest pas capable de remarquer et inhiber les erreurs qursquoil peut produire
(b) Les adaptations preacuteventives le laquo style elliptique raquo et la simplification morphologique
Le terme laquo style elliptique raquo (elliptical style HOFSTEDE 1992) est certainement mieux adapteacute que laquo style teacuteleacutegraphique raquo pour reacutefeacuterer agrave la reacuteduction quantitative et qualitative des constructions morpho-syntaxiques produites par lrsquoagrammatique ce que la cateacutegorie des laquo adaptations preacuteventives raquo englobe Mecircme si les deux qualificatifs laquo elliptique raquo et laquo teacuteleacutegraphique raquo renvoient agrave la mecircme entiteacute lrsquooutput agrammatique nous preacutefeacuterons la premiegravere car elle inspire plutocirct une figure du langage humain Drsquoailleurs lrsquoexpression laquo style elliptique raquo sera systeacutematiquement utiliseacutee dans les travaux ulteacuterieurs de KOLK
La laquo reacuteduction de la varieacuteteacute des formes grammaticales raquo employeacutees chez lrsquoagrammatique est un symptocircme syntaxique (syntactic symptom) qui se traduit par la simplification des structures produites (la seacutelection de cadres syntaxiques simples courts sans complexification par enchacircssements peu eacutelaboreacutes du point de vue des syntagmes constituants) permet drsquoalleacuteger le coucirct des opeacuterations de traitement (KOLK 2006 240)
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En outre la proceacutedure de simplification syntaxique est intrinsegravequement lieacutee aux pheacutenomegravenes freacutequents drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux (morphological symptoms)
(c) Similitude entre les ellipses normales et agrammatiques
Constructions laquo autoriseacutees raquo et laquo interdites raquo
Ces proceacutedures de simplification syntaxique et drsquoomission sont des cas drsquoellipses normales que lrsquoon rencontre souvent dans lrsquooral conversationnel ordinaire45 En effet le style elliptique est caracteacuteristique de lrsquooutput agrammatique mais aussi de lrsquooutput de lrsquoadulte laquo sain raquo (DE ROO et al 2002 DE ROO et al 2003) et dans le langage enfantin (HOFSTEDE 1992 KOLK 2001)
Drsquoapregraves DE ROO et al (2003 101) les similariteacutes structurales observeacutees entre les ellipses agrammatiques et non agrammatiques conduisent agrave penser que les agrammatiques suremploient le registre de parler elliptique Drsquoapregraves ces reacutesultats KOLK (2006 243) conclut que le discours agrammatique preacutesente toutes les caracteacuteristiques de laquo lrsquoellipse normale raquo
Lrsquoellipse normale est reacutegie par divers principes de structuration suivant lesquels des constructions particuliegraveres que lrsquoon retrouve dans le parler non pathologique (en conversation ordinaire par exemple) sont admises ou interdites
Ainsi dans le style elliptique de la conversation ordinaire
les constructions elliptiques autorisent les omissions de mots fonctions lrsquoemploi de verbe agrave la forme non finie (infinitif et participe) lrsquoomission de verbes noyaux la postposition du verbe dans les constructions non finies (postposition systeacutematique) la preacutefeacuterence pour lrsquoemploi des pronoms forts versus faibles) Ces types de constructions autoriseacutees sont caracteacuteristiques du parler elliptique normal et sont tregraves freacutequemment utiliseacutees par lrsquoagrammatique46
les constructions elliptiques interdisent les substitutions entre mots fonctions ou entre morphegravemes flexionnels (par exemple vous pensons ougrave la flexion sur le verbe est inadeacutequate eu eacutegard le pronom personnel ou le femme ougrave le deacuteterminant est mal
45 KOLK (2006 240) souligne encore lrsquointeacuterecirct de voir dans la production orale adulte ordinaire des cas freacutequents drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux tels que des articles ou des preacutepositions Pour lui ce type drsquoomissions ne doit pas ecirctre vu comme eacutetant des erreurs mais plutocirct des omissions planifieacutees (planned omissions) par le locuteur du fait mecircme que celles-ci ne soient jamais auto-corrigeacutees Drsquoautre part le principe de planification drsquoune omission est au cœur de lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement formuleacutee par HEESCHEN (1985 voir au point 244 p 73) 46 Tout comme le parler elliptique autorise en allemand lrsquoomission du Sujet qui correspond agrave un laquo Topic drop raquo (suppression formelle du Topic DE ROO et al 2003 citeacutes par KOLK 2006) Ce type de construction combineacutee agrave lrsquoomission de la finitude peut ecirctre releveacute chez certains patients agrammatiques Lrsquoemploi de ce type de construction permet drsquoalleacuteger la charge de traitement drsquoune phrase notamment une phrase ougrave le verbe est agrave la forme finie (voir KOLK 2006 240)
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seacutelectionneacute) et les omissions de morphegravemes flexionnels (par exemple Twee pen au lieu de Twee pennen ougrave la flexion en nombre est omise) Ce type de substitutions et drsquoomissions sont inexistantes dans le parler elliptique normal et rares dans lrsquoagrammatisme
Ces divers principes de constructions elliptiques eacutemanent drsquoobservations de donneacutees en allemand et en hollandais Ils sont tributaires des proprieacuteteacutes de la langue en jeu et il est fort probable que lrsquoon puisse deacutegager des principes diffeacuterents propres au franccedilais ou agrave des langues encore plus eacuteloigneacutees
Similitude entre les constructions elliptiques non finies employeacutees chez lrsquoagrammatique lrsquoenfant et lrsquoadulte normal
Lrsquoagrammatique ne convoquerait qursquoun sous-ensemble des principes de structuration elliptique disponibles dans le reacutepertoire du sujet adulte normal surtout des constructions non finies (non finite clauses47 voir KOLK 2001 et drsquoapregraves les donneacutees collecteacutees en production spontaneacutee de HOFSTEDE 1992)
Ainsi la comparaison entre structuration elliptique agrammatique versus enfantine illustre ce pheacutenomegravene lrsquoenfant entre deux et trois ans convoque un reacutepertoire de structures elliptiques non finies qui pourraient tout aussi bien ecirctre le reacutesultat de la limitation des ressources de traitement Les constructions non finies employeacutees chez lrsquoenfant est comparable drsquoun point de vue qualitatif agrave celles employeacutees chez lrsquoadulte normal et chez lrsquoagrammatique Les diffeacuterences sont drsquoordre quantitatif les freacutequences drsquoemploi de structures non finies diffegraverent entre les groupes et dans le groupe drsquoenfants drsquoun point de vue longitudinal (10 chez les normaux 83 chez les enfants agrave deux ans - 60 agrave deux ans et demi - 40 agrave 3 ans et 60 chez les agrammatiques) Drsquoapregraves ces donneacutees dix types de constructions non finies ressortent (voir le Tableau 3 page suivante)
47 Il srsquoagit de constructions ougrave le marquage grammatical (flexions verbales ou casuelles) est incomplet Pour deacutegager cette typologie des constructions non finies lrsquoauteur nrsquoexplique pas reacuteellement quels critegraveres autres que syntaxiques (prosodiques seacutemantiques ) lui permettent drsquoisoler objectivement ces structures syntaxiques de base Lrsquointuition linguistique y est probablement pour beaucoup Les constructions ainsi identifieacutees par KOLK sont tregraves utiles pour qui souhaite laquo segmenter raquo le discours continu agrammatique Nous nous en sommes en partie inspireacutee dans la mise au point de notre deacutemarche de mise en forme des corpus de discours continu oraux de langue franccedilaise (voir au point 471 p 154)
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(a) Constructions de type PREacuteDICAT ISOLEacute (Isolated Predicates)
1 SV (Vinf ou Vpart) Syntagme Verbal agrave la forme non finie (infinitif ou participe) (Nonfinite Verb NfV)
Bome stekken arbres scier laquo jrsquoeacutetais occupeacute agrave scier des arbres raquo
2 SN Syntagme Nominal (Noun Phrase)
Goed weer beau temps laquo il faisait beau raquo
3 SP Syntagme Preacutepositionnel (Prepositional Phrase)
Naar zee agrave la mer laquo nous sommes alleacutes agrave la mer raquo
4 ADJ Adjectif (Adjective)
Fanatiek fanatique laquo je suis fanatique raquo
5 ADV Adverbe (Adverb)
Niet zo erg pas si mal laquo ce nrsquoeacutetait pas si mal raquo
(b) Constructions composeacutees de type SUJET + PREacuteDICAT (Subject + Predicate)
1 SN+SV (Vinf ou Vpart) Syntagme Nominal + Verbe agrave la forme non finie (infinitif ou participe) (Noun Phrase + Nonfinite Verb)
Doktor ook weten docteur savoir aussi laquo le docteur le sait aussi raquo
2 SN+SN Syntagme Nominal + Syntagme Nominal (Noun Phrase + Noun Phrase)
Ik tabletje moi pilule laquo jrsquoai pris une pilule raquo
3 SN+SP Syntagme Nominal + Syntagme Preacutepositionnel (Noun Phrase + Prepositional Phrase)
Koffie drsquor in cafeacute ccedila dans laquo le cafeacute est alleacute dedans raquo
4 SN+ADJ Syntagme Nominal + Adjectif (Noun Phrase + Adjective)
Hersenen niet goed cerveau pas bon laquo mon cerveau nrsquoest pas bon raquo
5 SN+ADV Syntagme Nominal + Adverbe (Noun Phrase + Adverb)
Winter buiten hiver dehors laquo dehors crsquoeacutetait lrsquohiver raquo
Tableau 3 Constructions elliptiques non finies (non finite clauses) employeacutees par lrsquoagrammatique adapteacute de KOLK (2006 246-247 donneacutees du hollandais traduites en
franccedilais)48
48 Nous ne reproduisons ici que les exemples tireacutes des corpus agrammatiques Pour les exemples tireacutes des corpus de parlers non aphasique et enfantin voir KOLK (2006 247)
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Dans les constructions agrave PREacuteDICAT ISOLEacute (a) la preacutedication est reacutealiseacutee sur un Topic preacutesupposeacute accessible par les connaissances partageacutees et le contexte Dans les combinaisons SUJET + PREacuteDICAT (b) le Topic est exprimeacute (Sujet)
Drsquoautre part lrsquoemploi de formes elliptiques est variable selon le type de tacircche Dans des tacircches de production orale diverses avec manipulation des contraintes situationnelles les variations de performance non aleacuteatoires ont eacuteteacute observeacutees (voir ci-apregraves)
Style elliptique et variabiliteacute inter-tacircches
Toujours drsquoapregraves KOLK (2006 248) le recours au reacutepertoire de parler elliptique varie en fonction de contraintes computationnelles et communicationnelles Drsquoabord lorsque les contraintes communicationnelles sont fortes le locuteur a tendance agrave reacuteduire lrsquoemploi drsquoellipses En contrepartie il produit un nombre plus eacuteleveacute de laquo vraies erreurs raquo de substitutions49 car la surcharge computationnelle est alors favoriseacutee Ainsi en comparant les performances dans une tacircche de narration agrave partir drsquoimages (production de discours continu assez libre) et dans une tacircche de production de phrases isoleacutees tregraves cibleacutees agrave partir drsquoune scegravene preacutecise HOFSTEDE et KOLK (1994) ont noteacute drsquoune part une baisse du nombre drsquoomissions de preacutepositions de deacuteterminants et drsquoautre part une augmentation du nombre de substitutions seulement entre preacutepositions ce qui suggegravere que les deacuteterminants sont moins couteux agrave encoder
Une autre tacircche tregraves exigeante en termes de pression communicative fut proposeacutee aux mecircmes sujets agrammatiques le patient doit formuler une structure dont la correction lexicale et morpho-syntaxique conditionne la reacuteussite de la reacutealisation drsquoune action par autrui Drsquoapregraves une configuration spatiale repreacutesenteacutee par un dessin le sujet agrammatique doit speacutecifier agrave un tiers par exemple que un cercle rouge est au-dessus drsquoun carreacute bleu Le reacutecepteur du message exeacutecute lrsquoaction sans voir la configuration repreacutesenteacutee par le dessin et ne peut se fier qursquoagrave la construction formuleacutee par patient50 Les analyses des structures formuleacutees par les patients reacutevegravelent que le taux drsquoomission de preacutepositions baisse par rapport agrave la tacircche de narration drsquohistoire (de 49 agrave 1 ) alors que les substitutions entre preacutepositions augmentent fortement (de 4 agrave 28 ) Srsquoagissant des deacuteterminants et les flexions aucune variation significative ne fut observeacutee Les donneacutees issues de lrsquoeacutetude preacuteciteacutee ont eacuteteacute reacute-analyseacutees par
49 Pour nous cela revient agrave dire que lorsque le propos doit gagner en preacutecision drsquoencodage en eacutetant plus complet en sollicitant plus drsquoeffort de formulation le patient se risque agrave faire plus de confusions entre morphegravemes du fait de la surcharge cognitive occasionneacutee De ce point de vue les erreurs reflegravetent ainsi plus le deacuteficit sous-jacent qursquoune conduite adaptative sauf lorsqursquoon remarque qursquoun morphegraveme semble laquo preacutefeacutereacute raquo agrave drsquoautres au sein drsquoun paradigme donneacute Par exemple si une preacuteposition est plus facilement accessible qursquoune autre elle sera employeacutee plus freacutequemment voire mecircme par deacutefaut Nos reacutesultats vont drsquoailleurs dans ce sens (chapitres 6 et 7) 50 Ce type de tacircche tregraves contraignante des points de vue de la consigne et de la pression communicative se distingue des tacircches plus libres de type narration agrave partir drsquoimages ou production spontaneacutee Ce dernier type preacutesente le degreacute de liberteacute maximum
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DE ROO et al (2003) qui concluent que certains locuteurs deacutecomposent la configuration spatiale et produisent un nombre plus eacuteleveacute drsquoeacutenonceacutes pour eacuteviter de faire des erreurs de substitutions qui pourraient induire lrsquoexpeacuterimentateur en erreur Ainsi au lieu de dire les cercles rouges sont sur les cubes blancs la construction deacutecomposeacutee cubes blancs cercles rouges en haut permet drsquoeacuteviter une eacuteventuelle erreur de substitution (par exemple dans les cubes blancs au lieu de sur les cubes blancs Dans ce cas les preacutepositions sont utiliseacutees en emploi intransitif plutocirct qursquoavec un Nom pour reacutegime (lrsquoemploi intransitif correspondant agrave un emploi adverbial dans nos conceptions grammaticales en franccedilais) Par ailleurs la formulation lieacutee aux informations concernant les couleurs sont fournies par des constructions de type le carreacute bleu51 des constructions sans preacutedicat verbal carreacute () bleu ou des adjectifs isoleacutes bleu
Pour aller plus loin dans la compreacutehension de lrsquoellipse normale notamment afin de voir si son suremploi a les mecircmes effets chez le sujet normal et chez lrsquoagrammatique une nouvelle consigne fixe une limite de deux mots maximum aux groupes de locuteurs controcircles En conseacutequence de cette contrainte suppleacutementaire des constructions elliptiques tregraves varieacutees sont produites et leur nombre double (du fait de la proceacutedure de deacutecomposition) ce qui garantit la reacuteussite de lrsquoacte de parole dans 96 des cas (et 89 pour le groupe agrammatique dans la condition sans limite en nombre de mots)
Ainsi les manipulations de la pression communicative attacheacutee agrave une tacircche de production chez les sujets normaux et agrammatiques permettent de faire ressortir en moyenne de groupe que la convocation du style elliptique est variable selon la tacircche De plus la variabiliteacute inter-sujets est assez nette alors que chez certains participants ces tendances sont tregraves marqueacutees drsquoautres ne montrent pas de tels patrons de performances Ainsi HOFSTEDE et KOLK (1994) reportent notamment le cas drsquoun patient pour lequel 86 des verbes sont employeacutes agrave la forme non finie en conversation spontaneacutee alors qursquoen description drsquoimages tous les verbes sont employeacutes dans une forme finie Drsquoautre part pour ce mecircme patient on relegraveve des freacutequences drsquoomissions de mots fonctions allant de 68 en conversation agrave 2 en description drsquoimage
Ces baisses de freacutequences drsquoomissions sont conjugueacutees agrave une augmentation des freacutequences de substitutions entre mots fonctions (de 2 agrave 16 ) agrave une baisse du deacutebit verbal passant de 30 agrave 19 mots par minutes et agrave une augmentation du nombre de reacutepeacutetitions de mots lexicaux (en lrsquooccurrence il srsquoagirait drsquoautocorrections expliciteacutees)
Les symptocircmes de baisse du deacutebit et drsquoaugmentation des nombres de mots sont le signe que le patient passe drsquoune adaptation preacuteventive (avec des omissions et des simplifications laquo anticipeacutees raquo en production libre) agrave une adaptation corrective (avec des reacuteparations ou overt-repairs en production plus contrainte)
51 En hollandais lrsquoadjectif dans une construction de type SN+ADJ est attributif lrsquoadjectif eacutepithegravete eacutetant placeacute en geacuteneacuteral avant le nom et non apregraves comme dans la traduction franccedilaise proposeacutee ici
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Ce patient est notamment capable de reacuteprimer lrsquoemploi du style elliptique agrave la demande explicite de lrsquoexpeacuterimentateur En effet lorsque on a demandeacute au sujet de reacuteprimer le style elliptique la freacutequence drsquoomissions de mots fonctions est ainsi passeacutee de 68 agrave 18 en conversation libre la freacutequence de verbes agrave la forme non finie de 86 agrave 24 et le deacutebit de 30 agrave 15 mots par minutes
Selon KOLK (2006 251) le fait que lrsquoagrammatique passe agrave un registre beaucoup plus elliptique en conversation spontaneacutee srsquoexplique par les paramegravetres de la situation et plus preacuteciseacutement le degreacute drsquointeractiviteacute lieacutee aux conditions de verbalisation lorsqursquoun expeacuterimentateur participe activement agrave la description drsquoune image en relanccedilant lrsquoagrammatique par des questions en faisant des suggestions le patient revient agrave un style elliptique52
Cela va dans le sens drsquoune proposition formuleacutee par NESPOULOUS (1996) qui a suggeacutereacute que la reacutepartition des rocircles dans le dialogue est du fait de lrsquoaphasie reacuteorganiseacutee dans lrsquointeraction verbale Dans ce cas crsquoest lrsquointerlocuteur qui sert de laquo beacutequille raquo verbale au patient qui demeure actif dans son entreprise de verbalisation
2434 Synthegravese des propositions de KOLK
Deux modes adaptatifs sont deacutefinis par cet auteur
(1) lrsquoadaptation corrective de laquelle reacutesultent les pheacutenomegravenes drsquoinhibition et de reacutepression de ce qui est sur le point drsquoecirctre produit dans une proceacutedure drsquoautocorrection et de reformulation visible (expliciteacutee) ou invisible (silencieuse) Ce type drsquoadaptation (les overt- et covert-repairs) a un effet sur la fluence verbale et le deacutebit Le symptocircmes de deacutebit ou drsquoaisance verbale (rate symptoms) srsquoy rapportent (ralentissement du deacutebit amorces rateacutes heacutesitations pauses longues remplisseurs etc)
(2) et lrsquoadaptation preacuteventive de laquelle reacutesultent les pheacutenomegravenes de simplification qualitative des structures et de reacuteduction quantitative crsquoest-agrave-dire le style elliptique La reacuteduction de la varieacuteteacute des constructions syntaxiques (ou syntactic symptom) et la variation de freacutequence drsquoomissions des morphegravemes grammaticaux (ou morphological symptom) srsquoy rapportent
52 Le domaine de lrsquoAnalyse Conversationnelle (AC) en pragmatique discursive peut fournir des outils analytiques et conceptuels tregraves utiles dans cette perspective drsquoeacutetude de la conversation aphasique en vue de mener des analyses fines des situations de verbalisation laquo naturelles raquo Lrsquoancrage de toute formulation de message dans le contexte (les paramegravetres de la situation) et suivant le cotexte (les tours de parole) deacutetermine lrsquoemploie du registre elliptique les paramegravetres de la situation les rocircles des interlocuteurs les connaissances partageacutees constituent autant de moyens possibles pour lrsquoaphasique de compenser son trouble et ainsi progresser avec son interlocuteur dans lrsquoeacutechange discursif Dans cette perspective PRINS et BASTIAANSE (2004) proposent une revue approfondie des recherches et des outils drsquoeacutevaluation des capaciteacutes pragmatiques et conversationnelles de lrsquoaphasique dans le cadre drsquoune conception fonctionnelle du handicap
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Selon KOLK (1995 293) lrsquoemploi du style elliptique se met en place de maniegravere controcircleacutee et conscientiseacutee processus qui va graduellement srsquoautomatiser Une adaptation reacuteussie aura un double effet
les erreurs occasionneacutees du fait de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement tendent agrave ecirctre eacutelimineacutees et par la mecircme occasion la gecircne qursquoelles imposent agrave lrsquoagrammatique lorsqursquoelles surviennent
les structures agrave produire sont plus simples et donc mieux adapteacutees aux ressources cognitives disponibles
Le mode drsquoadaptation preacuteventive (lrsquoemploi du style elliptique) a pour fonction drsquoajuster la formulation aux possibiliteacutes cognitives restantes
En drsquoautres termes il srsquoagit drsquoaccommoder la formulation drsquoun message suivant la reacuteduction des capaciteacutes de traitement En outre nous ajoutons que pour reacutealiser cette accommodation les proprieacuteteacutes combinatoires et seacutelectives qursquooffre tout systegraveme linguistique sont exploiteacutees de maniegravere agrave pallier le handicap communicationnel occasionneacute par le trouble aphasique ce qui a partie lieacutee avec lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives (exposeacutee au point 245 p 74)
Selon KOLK (2006) le laquo langage srsquoadapte au cerveau raquo en difficulteacute par lrsquoaugmentation de la freacutequence de certains comportements plus commodes existants dans le reacutepertoire normal Pour le deacutemontrer il faut
(a) deacutecrire un sous-ensemble de reacutepertoires de comportements langagiers possibles ordinaires plus freacutequemment utiliseacutes par le patient apregraves la leacutesion ceacutereacutebrale Malgreacute le caractegravere incomplet des constructions deacutecrites chez les agrammatiques celles-ci respectent des proprieacuteteacutes grammaticales speacutecifiques caracteacuteristiques du langage non pathologique
(b) voir dans lrsquoaugmentation de lrsquousage de ce type de comportement une conduite adaptative en situation de difficulteacute neuropathologique
(c) proposer une explication plausible du meacutecanisme qui sous-tend lrsquoadaptation
(d) mettre en valeur les pheacutenomegravenes drsquoadaptation en deacutegageant des variabiliteacutes inter-tacircches
244 Lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction
Dans le courant des theacuteories drsquoadaptation lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement semble la plus laquo extreacutemiste raquo Formuleacutee par HEESCHEN (1985 233) elle remet radicalement en question la dichotomie classique opeacutereacutee entre le trouble paragrammatiquee associeacute agrave lrsquoaphasie fluente (de Wernicke) versus le trouble agrammatique associeacute agrave lrsquoaphasie non fluente (de Broca)
Pour HEESCHEN (1985 247) le patient agrammatique srsquoadapte suivant les moyens qui lui sont encore disponibles Il insiste sur le fait que plutocirct que drsquoessayer de comprendre agrave tous prix les manquements du discours agrammatique il faut plutocirct srsquoattacher agrave speacuteculer drsquoapregraves ce qui est effectivement preacutesent dans le discours agrammatique
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
74
Ainsi lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction grammaticale se reacutesume ainsi lrsquoagrammatisme est une reacuteaction du patient au deacuteficit (paraphrasant GOLDSTEIN 1948) ou une adaptation au deacuteficit (citant KOLK 1985) mais lrsquoomission preacutefeacuterentielle de certains eacuteleacutements lors de la verbalisation srsquoexpliquerait non pas par le fait que le patient soit incapable de les formuler mais plutocirct par le fait qursquoil eacutevite sciemment de les inteacutegrer dans son discours afin de ne pas risquer de faire une erreur ou parce qursquoil lui en coucircterait trop du point de vue cognitif Cependant comme HEESCHEN lrsquoavoue lui-mecircme si cette hypothegravese pouvait srsquoappliquer sans restriction on ne trouverait dans le discours agrammatique que les formes correctement formuleacutees
Corollairement agrave cette hypothegravese un autre aspect tregraves important est agrave souligner les strateacutegies drsquoeacutevitement sont inopeacuterantes si lrsquoaptitude du patient agrave percevoir sa propre verbalisation et agrave en juger la correction grammaticale est alteacutereacutee Ce type de strateacutegies se met en place agrave condition que la conscience (awareness) manifesteacutee par le sujet sont attitude vis-agrave-vis de ce qursquoil ne maicirctrise plus dans la langue et ses capaciteacutes agrave distinguer la grammaticaliteacute de lrsquoagrammaticaliteacute demeurent relativement preacuteserveacutees Drsquoailleurs lrsquoagrammatique est souvent capable dexpliciter sa difficulteacute linguistique et mecircme de deacutecrire son trouble en des termes tregraves preacutecis
Toujours suivant le degreacute de conscience que le locuteur manifeste vis-agrave-vis de son trouble le trouble agrammatique peut ecirctre notamment mis en parallegravele et opposeacute au trouble paragrammatique observeacute dans lrsquoaphasie fluente de Wernicke (sur cette question voir aussi au point 234 p 46) En effet lrsquoaphasie de Wernicke se caracteacuterise agrave lrsquoinverse de lrsquoagrammatisme associeacute au tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca par un deacutebit normal ou rapide une deacutesinhibition verbale ougrave se glissent des paraphasies lexicales et morpho-syntaxiques des teacutelescopages ou amalgames de constructions syntaxiques indeacutependantes des constructions complexes interrompues puis continueacutees agrave partir du deacutebut de la proposition subordonneacutee
Ces pheacutenomegravenes peuvent srsquoexpliquer par le fait que les conduites adaptatives peuvent ecirctre impossibles agrave mettre en place dans le cas ougrave le patient semble ne pas percevoir ou avoir conscience des erreurs qursquoil est sur le point de produire ou qursquoil a produites
Pour finir srsquoagissant des omissions HEESCHEN (1985) pense que ce qui est omis chez lrsquoagrammatique ne lrsquoest pas chez le paragrammatique
245 Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives
2451 Principes sous-jacents
Dans une eacutetude ciblant lrsquoanalyse des flexions verbales et drsquoinfinitifs employeacutes chez les agrammatiques en production de discours spontaneacute et en situation de tests divers JAREMA
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
75
et NESPOULOUS (1984) ont mis en valeur une variabiliteacute inter-sujets et intra-sujet drsquoougrave il ressort que
la production laquo drsquoinfinitifs agrammaticaux raquo (crsquoest-agrave-dire lrsquoemploi de verbes agrave la forme infinitive dans un contexte ougrave une forme fleacutechie est obligatoire) ne serait pas systeacutematique chez tous les agrammatiques
la production drsquoinfinitifs agrammaticaux constituerait laquo simplement une substitution drsquoune forme temporelle laquo neutre raquo non marqueacutee agrave une forme temporelle marqueacutee raquo
le recours freacutequent agrave la preacuteposition pour est pratique il permet lrsquoemploi de verbes pour lesquels il nrsquoest pas neacutecessaire de proceacuteder agrave des computations suppleacutementaires car la forme infinitive peu couteuse suffit apregraves cette preacuteposition53
des degreacutes variables de perturbations seraient refleacuteteacutes par des taux variables de verbes employeacutes agrave lrsquoinfinitif agrammatical par rapport au nombre total de verbes produits
En conclusion (JAREMA et NESPOULOUS 1984)
laquo [Il faut inteacutegrer dans] une interpreacutetation globale [du trouble] les strateacutegies compensatoires eacutechafaudeacutees par le patient soucieux de pallier ses troubles verbaux Certaines de ces strateacutegies ont deacutejagrave fait lrsquoobjet de maintes observations [] mais aucune theacuteorie systeacutematique des strateacutegies compensatoires nrsquoa encore eacuteteacute formuleacutee raquo
En cela reacuteside lrsquoobjectif que drsquoautres (KOLK ou nous-mecircme dans le preacutesent travail) agrave lrsquoinstar de ces auteurs se sont fixeacutes
Srsquoagissant des laquo strateacutegies palliatives raquo en particulier VILLIARD et NESPOULOUS (1989 29) en fournissent une deacutefinition qui nous semble englober divers pheacutenomegravenes compensatoires identifieacutes par ailleurs dans les travaux de KOLK
laquo [hellip] les pheacutenomegravenes dits laquo palliatifs raquo renvoient agrave des facteurs compensatoires de reacuteorganisation eacutevitement ou autre au travers drsquoun systegraveme perturbeacute Les pheacutenomegravenes palliatifs partagent assureacutement quelques traits de similitude avec les strateacutegies pragmatiques que tout le monde utilise puisqursquoil srsquoagit dans les deux cas drsquoadaptation tactique agrave des circonstances particuliegraveres conditions externes pour les strateacutegies pragmatiques limitations internes pour les facteurs compensatoires provoqueacutes par le contexte pathologique raquo
Ces principes vont dans le mecircme sens que les propositions de KOLK en reacuteponse au deacuteficit sous-jacent (crsquoest-agrave-dire agrave la limitation interne ou agrave lrsquoincapaciteacute) les agrammatiques ont recours agrave des comportements langagiers typiques des comportements drsquoadaptation manifesteacutes par nrsquoimporte quel locuteur non aphasique Ces comportements drsquoadaptation sont eux-mecircmes deacutetermineacutes par les paramegravetres de la situation ougrave le patient agrammatique doit accomplir son acte de langage En outre lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives integravegre le principe de
53 Une eacutetude partielle de nos corpus agrammatiques centreacutee sur lrsquoemploi des preacutepositions confirme cette hypothegravese (SAHRAOUI 2009)
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
76
variation des performances comme eacuteleacutement fondamental des adaptations contextuellement linguistiquement et cognitivement motiveacutees
Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives privileacutegie une description linguistique des symptocircmes adaptatifs ou laquo palliatifs raquo (NESPOULOUS 1996) dans lrsquoagrammatisme
Ce faisant se deacutegage toute une theacuteorie de la flexibiliteacute linguistique et de la reacuteorganisation fonctionnelle des capaciteacutes cognitives attacheacutees agrave la performance langagiegravere54
2452 Deacutefinition
NESPOULOUS (1998) deacutefinit lrsquoexpression laquo strateacutegies palliatives raquo comme ceci
laquo [Les strateacutegies palliatives sont] un ensemble de moyens qursquoutilisent les patients pour tenter de contourner tel ou tel deacuteficit Mecircme si de fait ces strateacutegies sont particuliegraverement freacutequentes dans le comportement des aphasiques - ce qui ne veut pas dire certes qursquoelles soient toujours couronneacutees de succegraves - elles ne sont pas inventeacutees par ces derniers Elles correspondent bien au contraire agrave des proceacutedures linguistiques bien identifieacutees dans les langues du monde et bien eacutetablies chez tout locuteur chaque fois que survient une difficulteacute dans le deacuteroulement drsquoun acte de parole Ainsi tout locuteur qui - pheacutenomegravene freacutequent - ne parvient pas agrave trouver un mot recourt agrave une peacuteriphrase agrave un (quasi)-synonyme voir agrave un geste autant de pheacutenomegravenes qui au surplus teacutemoignent drsquoailleurs souvent de lrsquointeacutegriteacute des repreacutesentations seacutemantiques sous-jacentes raquo
En reacutesumeacute le recours freacutequent agrave certains items lexicaux vient pallier le manque de marques grammaticales si caracteacuteristique dans lrsquoagrammatisme tels que
lrsquoemploi drsquoun lexegraveme geacuteneacuterique comme femme adosseacute agrave un autre lexegraveme en guise de marqueur du genre feacuteminin (crsquoest un bœuf euh femme pour le mot vache)
lrsquoemploi de quantificateurs (beaucoup un peu de tout ) et drsquoadjectifs numeacuteraux en guise de deacuteterminants et de marqueurs de nombre devant les noms
lrsquoemploi drsquoadverbes (avant maintenant apregraves demain ) en guise de marqueurs temporels palliant le manque de marques temporelles et aspectuelles porteacutees par les deacutesinences verbales (la suffixation en franccedilais) et les verbes auxiliaires avoir et ecirctre
lrsquoemploi de gestes deacuteictiques mimant les preacutepositions spatiales difficiles agrave employer
Cette derniegravere strateacutegie est non verbale (elle srsquoactualise dans le contexte physique de la situation) et les autres types de strateacutegies palliatives citeacutees en exemple sont codiques (elles srsquoactualisent au niveau du code linguistique)
Ainsi les strateacutegies palliatives codiques telles que deacutefinies par NESPOULOUS seraient fondeacutees notamment sur les moyens lexicaux demeureacutes opeacuterationnels et sur lesquels srsquoappuie
54 Sur le principe de flexibiliteacute voir NESPOULOUS et VIRBEL (2004) NESPOULOUS (2005) et NESPOULOUS (1994 1997 2004)
PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
77
le locuteur agrammatique dont les moyens grammaticaux sont rendus inopeacuterants suite agrave un deacuteficit
Les strateacutegies sont eacutelaboreacutees suivant un niveau drsquoorganisation linguistique donneacute Elles vont laquo pallier raquo le dysfonctionnement sous-jacent occasionneacute par des processus drsquoencodage devenus (partiellement) inopeacuterants En drsquoautres termes une incapaciteacute de formulation est donc compenseacutee ou pallieacutee agrave travers les niveaux drsquoorganisation linguistique demeureacutes opeacuterationnels suite au deacuteficit
NESPOULOUS (1998 81) ajoute ceci
laquo Le patient - gecircneacute dans la gestion laquo proceacutedurale raquo tregraves largement automatiseacutee chez le sujet normal agrave lrsquoeacutetat adulte des morphegravemes grammaticaux - nrsquoaurait drsquoautre recours que de mobiliser de maniegravere controcircleacutee et strateacutegique ses connaissances laquo deacuteclaratives raquo toujours intactes pour pallier une telle carence profitant pour ce faire tant de la connaissance de sa langue que des possibiliteacutes structurales qursquoelle offre dans drsquoautres registres que celui qui se trouve perturbeacute raquo
En outre lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives srsquoappuie sur une description plutocirct modulaire des pheacutenomegravenes linguistiques En effet cette approche meacutethodologique modulaire des pheacutenomegravenes langagiers reste selon nous compatible avec une vision theacuteorique holistique ougrave les sous-systegravemes linguistiques dissocieacutes pour des raisons pratiques descriptives srsquoarticulent selon des interfaces et dans un continuum les uniteacutes ou repreacutesentations (postuleacutees par le linguiste en theacuteorie) du systegraveme srsquoorganisent pour former un laquo tout inteacutegreacute raquo dans la structure de la langue (la compeacutetence linguistique statique et objectiveacutee) et dans son instanciation (la performance linguistique dynamique et incarneacutee par le locuteur in situ)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
78
3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique
30 Modegraveles de production introduction
Agrave ses deacutebuts MEHLER et NOIZET (1974 18) preacutesentent les objectifs de la psycholinguistique en ces termes
laquo La tacircche de la psycholinguistique ne peut pas se reacuteduire agrave repeacuterer les limitations agrave lrsquoactualisation de la compeacutetence qursquoimposent les contraintes de la meacutemoire ou de la perception elle consiste fondamentalement agrave construire un veacuteritable modegravele de la performance raquo
Crsquoest bien la mission que cherchent agrave accomplir entre autres FROMKIN (1973) GARRETT (1975 1976 1980) ou LEVELT (1989 1999) pour lrsquoapproche modulaire de la production orale et DELL (1986) et son approche connexionniste
La psycholinguistique revient agrave manipuler une situation par des moyens divers afin de rendre accessible les processus profonds de la performance langagiegravere (en perception compreacutehension et production) La meacutethode en psycholinguistique est fondeacutee sur lrsquoobservation de faits langagiers agrave travers la reacutealisation de tests expeacuterimentaux cibleacutes sur une variable linguistique deacutefinie au deacutepart ou en situation ordinaire et ce suivant certains aspects (tels que le temps de reacuteaction le type de reacuteponse vis-agrave-vis du stimulus preacutesenteacute le releveacute systeacutematique de lapsus en situation naturelle etc)
Lrsquoobjectif ultime est de fournir un modegravele de la performance langagiegravere axeacute sur les diffeacuterentes eacutetapes de traitement psycholinguistique qui sous-tendent le comportement langagier
Drsquoapregraves les donneacutees issues de lrsquoaphasiologie et en particulier de lrsquoagrammatisme ces modegraveles de reacutefeacuterence en production verbale orale sont utiliseacutes pour satisfaire les deux principaux objectifs heuristiques suivants
(1) drsquoune part ils sont utiliseacutes en guise de cadre interpreacutetatif des pheacutenomegravenes patholinguistiques observeacutes en surface
(2) drsquoautre part vis-agrave-vis des donneacutees comportementales aphasiques leur puissance interpreacutetative peut ecirctre eacuteprouveacutee et ce faisant ils peuvent ainsi ecirctre modifieacutes ou affineacutes agrave travers des pistes nouvelles
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
79
301 Le modegravele de GARRETT
Scheacutema 2 Modegravele de GARRETT les eacutetapes de lrsquoencodage drsquoun message impliqueacutees dans la
production orale (1984 174 repris par CAPLAN 1996 322)
Inferential processes
Positional level representation
Regular phonological processes
Phonetic level representation
Motor coding processes
Articulatory instructions
Message level representation
Logical and syntactic processes
Syntactic and phonological processes
-deacutetermination des structures fonctionnelles et syntaxiques -seacutelection lexicale seacutemantique -assignation du mateacuteriel lexico-seacutemantique aux rocircles fonctionnels
Functional level representation
-seacutelection des structures positionnelles (matrice emplacements ordre des mots) -extraction des formes lexicales -insertion des uniteacutes lexicales et grammaticales dans les positions syntagmatiques
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
80
Le modegravele de GARRETT preacutesente les eacutetapes de lrsquoeacutelaboration drsquoun message depuis la conceptualisation jusqursquoagrave la verbalisation effective Son architecture est le fruit de lrsquoeacutetude en termes logiques des occurrences drsquoerreurs releveacutees dans la parole spontaneacutee55
Lrsquoexpression du message passe par plusieurs eacutetapes de mise en place de niveaux de repreacutesentation linguistique (message - functional - positional - phonetic level representation) hieacuterarchiquement organiseacutes (voir Scheacutema 2 ci-dessus p 79)
La mise en place des niveaux de repreacutesentation (entre accolades dans le scheacutema) reacutesulte des traitements autonomes et co-occurrents anteacuterieurs de diffeacuterentes natures (inferential - logical and syntactic - phonological - motor coding processes en encadreacutes dans le scheacutema)
En effet lrsquoeacutetape initiale la mise en place du niveau de repreacutesentation du message est le reacutesultat des traitements ou processus infeacuterentiels lieacutes aux intentions communicatives du locuteur Cette eacutetape est plutocirct conceptuelle
Ensuite les traitements drsquoencodage grammatical interviennent Drsquoapregraves LEWERS (2002 109-110) laquo [ils] reccediloivent en entreacutee la repreacutesentation conceptuelle de la signification que le locuteur deacutesire exprimer verbalement Les traitements drsquoencodage grammatical sont seacutepareacutes en deux niveaux fonctionnel et positionnel raquo
Puis laquo au niveau fonctionnel des fonctions syntaxiques sont attribueacutees aux eacuteleacutements lexicaux traduisant la signification intentionnelle du locuteur raquo (LEWERS 2002 110) Cette eacutetape correspond agrave la mise en place du niveau de repreacutesentation fonctionnelle gracircce aux traitements ou processus logiques et syntaxiques appliqueacutes aux uniteacutes lexicales de base crsquoest-agrave-dire les opeacuterations drsquoassignation des rocircles seacutemantiques (Agent Patient Beacuteneacuteficiaire etc) drsquoeacutetablissement des cateacutegories syntaxiques (ou cas Sujet Objet etc) et de deacutetermination de la structure preacutedicative de la seacutequence agrave produire Lrsquouniteacute de traitement est la proposition
Ensuite le niveau de repreacutesentation positionnelle reacutesulte des traitements ou processus syntaxiques et phonologiques aboutissant agrave la mise en place de la matrice syntaxique (avec la prosodie) correspondant au positionnement des constituants et agrave lrsquoeacutetablissement de leurs relations syntaxiques qui conditionne lrsquoinsertion des morphegravemes grammaticaux sous une forme phonologique au sein de cette matrice Lrsquouniteacute de traitement est le syntagme LEWERS (2002 110) en explique le principe de la maniegravere suivante
laquo Au niveau positionnel une structure positionnelle (cadre syntaxique) est creacuteeacutee qui contient des places vides56 (crsquoest-agrave-dire des variables qui peuvent ecirctre remplies par des arguments particuliers) Ces places seront remplies par les mots et affixes flexionnels le temps la personne et le nombre pour les verbes le nombre et le genre pour les noms raquo
55 Pour une preacutesentation du modegravele de GARRETT et de ses prolongements (en particulier des niveaux fonctionnel et positionnel) illustreacutee par des exemples drsquoerreurs releveacutees voir LEWERS (2002) 56 Ce que nous appelons laquo emplacements syntaxiques raquo notre traduction de lrsquoanglais laquo syntactic slots raquo
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
81
Enfin les processus phonologiques et moteurs commandent la mise en place des niveaux phoneacutetiques et la transmission des instructions articulatoires de lrsquoexpression agrave produire
GARRETT suggegravere que les mots de classe ouverte (N V ADJ ) sont speacutecifieacutes dans une eacutetape profonde fonctionnelle et que viennent srsquointeacutegrer ensuite lors de lrsquoeacutetablissement de la matrice syntaxique les uniteacutes speacutecifiant les relations morpho-syntaxiques (crsquoest-agrave-dire les mots fonctions et flexions) Selon lui drsquoapregraves les faits il est leacutegitime de penser que les processus de reacutecupeacuteration des uniteacutes grammaticales speacutecifiant les relations morpho-syntaxiques de la seacutequence agrave produire soient posteacuterieurs aux processus de reacutecupeacuteration des uniteacutes lexicales speacutecifiant les relations seacutemantiques et preacutedicatives En drsquoautres termes les uniteacutes de classe fermeacutee sont intrinsegravequement lieacutees aux cadres syntaxiques speacutecifieacutes agrave lrsquoeacutetape de mise en place du niveau positionnel
302 Prolongements du modegravele de GARRETT
Drsquoapregraves LEWERS (2002 110)
laquo Les modegraveles ulteacuterieurs ont conserveacute [la] distinction [entre les niveaux fonctionnel et positionnel] et se sont attacheacutes agrave preacuteciser certains aspects du modegravele de GARRETT resteacutes peu speacutecifieacutes Ces aspects concernent la nature et lrsquoorganisation des processeurs qui prennent en charge la construction de chacune des repreacutesentations la nature des informations auxquelles ces processeurs ont accegraves et la coordination des traitements drsquoattribution des fonctions et de creacuteation du cadre positionnel avec les traitements lexicaux raquo
En effet ce modegravele modulaire descendant postule que les traitements reacutealiseacutes en amont constituent lrsquoinput (ou lrsquoentreacutee) des traitements reacutealiseacutes en aval Le principe de seacuterialiteacute stricte des processus de traitement repose sur le fait qursquoun processeur ulteacuterieur (en aval dans le modegravele de production) ne peut commencer ces traitements tant que les traitements du processeur preacuteceacutedent (en amont) ne sont pas termineacutes Ce principe nrsquoest pas en adeacutequation avec les contraintes temporelles externes de la communication verbale selon lesquelles les messages sont exprimeacutes dans un flux continu et fluide et ougrave les tours de parole srsquoenchaicircnent de maniegravere tout aussi continue
LEWERS (2002 110-111) argumente en ces termes
laquo Le problegraveme de la taille des uniteacutes de traitement se pose Lrsquohypothegravese drsquoune organisation seacuterielle avec des uniteacutes de traitement de la longueur drsquoune phrase ne permettent pas de rendre compte de la fluiditeacute de la parole En effet si depuis lrsquoeacutelaboration du message jusqursquoagrave lrsquoarticulation chaque processeur traitait une uniteacute de la longueur drsquoune phrase mais qursquoil devait attendre la sortie du processeur preacuteceacutedent le discours serait neacutecessairement tregraves irreacutegulier De longues peacuteriodes de silence lorsque le conceptualisateur est occupeacute agrave travailler seraient suivies de peacuteriodes de laquo deacutebordement raquo lorsqursquoune structure conceptuelle serait convertie en phrase complegravete raquo
De ce fait les principes de modulariteacute et de seacuterialiteacute exclusives ne sont donc pas tenables
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
82
En conseacutequence il est plus logique de penser que dans une certaine mesure les traitements srsquoopegraverent aussi de maniegravere parallegravele et non de maniegravere strictement seacuterielle Ce qui revient agrave dire que chacun des processeurs peuvent en mecircme temps commencer leur traitement sur des uniteacutes plus petites que la phrase entiegravere Le traitement de la phrase est alors dit laquo increacutemental raquo
Pour finir LEWERS (2002 111) affirme que laquo cette hypothegravese du traitement increacutemental proposeacutee par KEMPEN et HOEKAMP (1987) a eacuteteacute retenue dans la plupart des modegraveles de production du langage (LEVELT 1989 BOECK et LEVELT 1994 DELL 1986 LAPOINTE et DELL 1989 KEMPEN et HOEKAMP 1987) raquo
Ainsi en reacuteponse au manque drsquointeractiviteacute entre modules et entre processus drsquoencodage lieacutes agrave la mise en place des diffeacuterents niveaux de repreacutesentation linguistique le modegravele de GARRETT a trouveacute des prolongements inteacuteressants dans les travaux de LEVELT notamment du point de vue du principe drsquoincreacutementation
Le modegravele de LEVELT integravegre de maniegravere plus explicite les processus de traitements increacutementaux et les processus de controcircle de la production (la notion de monitoring) pour assouplir et eacutelargir le champ des interpreacutetations possibles des pheacutenomegravenes de lrsquooral qursquoils soient pathologiques ou non
303 Le modegravele de LEVELT
Le modegravele de LEVELT nous inteacuteresse en particulier car lrsquoapproche proceacutedurale de lrsquoagrammatisme incarneacutee agrave travers les travaux de KOLK notamment srsquoy reacutefegravere pour expliquer le deacuteficit sous-jacent57 et les adaptations linguistiques instancieacutees par le patient agrammatique
Selon ce modegravele la production du langage passe par deux grandes eacutetapes lrsquoune conceptuelle et lrsquoautre drsquoencodage ou de formulation Voyons cela de plus pregraves agrave partir du modegravele de LEVELT ci-apregraves (Scheacutema 3 p 83)
57 Drsquoautre part lrsquoapproche proceacutedurale de KOLK se reacutefegravere eacutegalement agrave certains aspects du modegravele de DELL (voir au point 321 p 92)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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Scheacutema 3 Le modegravele de LEVELT (repris de LEVELT 1999 87)
3031 Lrsquoeacutetape de preacuteparation conceptuelle et lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal
Drsquoabord la preacuteparation conceptuelle du message (encadreacute griseacute du haut du scheacutema) srsquoeacutelabore suivant lrsquointention du locuteur lrsquoeacutemetteur du message et sous lrsquoinfluence de lrsquointerlocuteur le reacutecepteur du message La laquo structure conceptuelle raquo du message agrave formuler fait intervenir
Rhetorical semantic syntactic system
Phonological phonetic system
Conceptual preparation
Phonological score
Preverbal message
Grammatical encoding
Morpho-phonological encoding
Phonetic encoding
Articulatory score
Self-perception
Discourse model etc
Model of Addressee (Theory of Mind)
Lemmas
Morpho-phonological codes
Gestural scores
Overt speech
Parsed speech
Syllabary
Mental lexicon
Knowledge of external and internal world
Articulation
Surface structure
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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la laquo compeacutetence sociale raquo58 du locuteur qui revient agrave eacutevaluer les connaissances de lrsquointerlocuteur Pour la preacuteparation conceptuelle sont articuleacutes un modegravele du destinataire (en Theacuteorie de lrsquoesprit) les connaissances du monde interne et externe (state of affairs) et un modegravele du discours (narratif descriptif injonctif hellip)
Drsquoautre part la structure conceptuelle srsquoeacutelabore suivant la perspective pragmatiquement deacutetermineacutee appliqueacutee par le locuteur sur les relations entre les reacutefeacuterents organiseacutes dans la structure conceptuelle par exemple Jean est le pegravere de Pierre exprime la mecircme relation que Pierre est le fils de Jean du point de vue de la relation entre les reacutefeacuterents Jean et Pierre mais crsquoest le reacutefeacuterent sur lequel le locuteur souhaite insister qui conditionne la structure informationnelle et en arguments appliqueacutee aux reacutefeacuterents
Dans une phrase comme Le pauvre Pierre croit que le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute59 les arguments remplissent les rocircles theacutematiques de la preacutedication Pierre est Expeacuterienceur de la croyance et le Patient de la seacutelection le comiteacute est Actant et Agent de la seacutelection
Aussi Pierre est modifieacute par lrsquoadjectif pauvre et une modaliteacute ici deacuteclarative srsquoapplique agrave lrsquoexpression
En reacutesumeacute la structure conceptuelle du message adopte donc un format propositionnel deacutependant de la seacutelection des reacutefeacuterents de la structure en arguments (lieacutee agrave la preacutedication adopteacutee) et des rocircles theacutematiques associeacutes agrave tel ou tel reacutefeacuterent (conditionnant le mapping ou lrsquoassignation des rocircles theacutematiques) des speacutecifications ou modifieurs ajouteacutes et de la modaliteacute (deacuteclarative impeacuterative interrogative)
Le message a donc une structure conceptuelle sous-jacente reposant sur les concepts lexicaux codeacutes par les mots de la langue
Agrave ce stade de preacuteparation conceptuelle en sortie le message nrsquoa pas encore de formulation linguistique il est laquo preacuteverbal raquo
3032 Lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical et lrsquointervention des lemmes
(a) Encodage grammatical et lexique mental
Le format propositionnel preacuteverbal du message constitue le format drsquoentreacutee (input) de lrsquoeacutetape suivante lrsquoeacutetape de formulation du message et plus preacuteciseacutement lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical (grammatical encoding)
58 La laquo compeacutetence sociale raquo (terme de LEVELT) peut renvoyer aux laquo compeacutetences discursives reacutefeacuterentielles et socioculturelles raquo du modegravele de la communication de HYMES (1972) 59 Cet exemple est celui de lrsquoauteur du modegravele Le format propositionnel du message citeacute en exemple (LEVELT 1999 93) est le suivant il existe deux reacutefeacuterents X (PIERRE) et Y (COMITE) qui sont les arguments ou rocircles theacutematiques drsquoune proposition deacuteclarative complexe ougrave le preacutedicat CROIRE a comme Expeacuterienceur (PIERRE) et comme argument theacutematiseacute la proposition selon laquelle Y (le comiteacute) seacutelectionne X (le pauvre Pierre Drsquoapregraves LEVELT dans les langues agrave marquage de temporaliteacute (tense-marking languages comme lrsquoanglais) les relations temporelles lieacutees agrave la concordance des temps doivent ecirctre speacutecifieacutees degraves le format conceptuel du message Drsquoautres langues telles que le chinois ou le javanais sont exemptes de ce type de marquage
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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Cette eacutetape drsquoencodage aboutit agrave la formation de la structure syntaxique de surface (format de sortie ou output) Le lexique mental est alors solliciteacute Drsquoapregraves la configuration du message preacuteverbal drsquoentreacutee et agrave partir du lexique mental disponible (repreacutesenteacute scheacutematiquement agrave droite sur le Scheacutema 3 sous la forme drsquoune bulle voir p 83) la structure syntaxique de surface (positionnement des uniteacutes) srsquoeacutelabore
Crsquoest agrave ce moment-lagrave que les lemmes une fois reacutecupeacutereacutes du lexique mental (activeacutes en fonction des concepts deacutejagrave activeacutes lors de lrsquoeacutetape preacuteverbal) entrent en jeu
(b) La notion de lemme
La structure de surface srsquoorganise suivant lrsquoordonnancement lineacuteaire des laquo mots syntaxiques raquo (ou lemmes) selon des positions lineacuteairement deacutetermineacutees agrave gauche et agrave droite Les lemmes sont groupeacutes pour la formulation de syntagmes plus ou moins grands inteacutegrant ou non un verbe Les lemmes correspondent aux informations syntaxiques associeacutees aux uniteacutes lexicales stockeacutees dans le lexique mental (informations syntaxiques de positionnement de cateacutegories syntaxiques de cas de rocircles theacutematiques de transitiviteacute drsquoaccord de personne de nombre de temps drsquoaspect etc )
Les lemmes jouent donc un rocircle fondamental pour lrsquoordonnancement des constituants drsquoune expression et pour les opeacuterations de marquages morpho-syntaxiques codeacutes ulteacuterieurement
LEVELT utilise un scheacutema arborescent pour renvoyer agrave la repreacutesentation syntaxique associeacutee agrave un lemme deacuteriveacute drsquoun concept lexical tel que ci-dessous
Scheacutema 4 Structure syntaxique associeacutee au lemme seacutelectionner (drsquoapregraves LEVELT 1999 98)
Le format de sortie de lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical est la structure syntaxique de surface (voir Scheacutema 4 ci-dessus)
Structure
seacutelectionner
sujet
actant
objet tecircte
patient SN SN V
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Comment un lemme est-il seacutelectionneacute parmi drsquoautres lemmes ou apregraves que drsquoautres concepts eurent eacuteteacute activeacutes lors de lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal
Lors de lrsquoeacutetape preacuteverbale le reacuteseau conceptuel de SELECTIONNER (drsquoapregraves lrsquoexemple preacuteceacutedent le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute) est activeacute ce qui implique que drsquoautres concepts relieacutes seacutemantiquement le sont aussi tels que CHOISIR ou ELIR auxquels correspondent des lemmes ou informations syntaxiques diffeacuterentes (la transitiviteacute le nombre drsquoarguments et le positionnement des rocircles theacutematiques les cateacutegories syntaxiques et les cas le temps lrsquoaspect le nombre et la personne) Crsquoest le degreacute drsquoactivation du lemme cible seacutelectionner par rapport agrave drsquoautres degreacutes drsquoactivation de lemmes en compeacutetition qui conditionne son activation effective parmi les diffeacuterentes possibiliteacutes de concepts proches
Ce degreacute drsquoactivation serait lieacute agrave la probabiliteacute de la pertinence du lemme activeacute vis-agrave-vis du concept preacute-activeacute parmi drsquoautres
(c) Lrsquoeacutetape de geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface et drsquounification
Ensuite la geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface est pour une large part deacutetermineacutee par le niveau lexical
Dans lrsquoexemple preacuteciteacute lrsquoopeacuteration majeure provoqueacutee par le concept lexical SELECTIONNER (agrave lrsquoeacutetape preacuteverbale) est lrsquoactivation du lemme correspondant (seacutelectionner) dans le lexique mental60
Simultaneacutement il y a mise agrave disposition des proprieacuteteacutes syntaxiques du lemme qui serviront la construction syntaxique ulteacuterieure Drsquoautres lemmes associeacutes aux autres concepts et uniteacutes lexicales preacute-activeacutees sont aussi activeacutes (comme par exemple le lemme comiteacute correspondant au concept COMITE et le lemme lrsquo correspondant au reacutefeacuterent PIERRE) Ils seront ensuite inteacutegreacutes pour lrsquoencodage de la seacutequence le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute
Tregraves scheacutematiquement lrsquoencodage grammatical de lrsquoexpression dans sa globaliteacute revient agrave connecter les fragments drsquoarbres syntaxiques associeacutes aux diffeacuterents lemmes preacute-activeacutes en respectant les contraintes combinatoires lieacutees agrave leurs proprieacuteteacutes syntaxiques et seacutemantiques (deacutejagrave disponibles dans lrsquoeacutetape preacuteverbale) il srsquoagit des processus drsquounification
60 LEVELT (1999 95-99) expose un fragment du modegravele WEAVER consacreacute agrave la production du lexique Nous nrsquoentrerons pas dans les deacutetails de ce modegravele ici
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Lrsquointeacutegration des informations syntaxiquesseacutemantiques associeacutees aux diffeacuterents lemmes activeacutes est repreacutesenteacutee par une arborescence comme par exemple
Scheacutema 5 Structure syntaxique de surface unification des lemmes (drsquoapregraves LEVELT 1999 98)
(d) Lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique
Puis la structure syntaxique de surface est le format drsquoentreacutee de lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique qui srsquoopegravere par la reacutecupeacuteration des codes morpho-phonologiques stockeacutes dans le lexique mental
Ainsi le lexique mental nrsquoest pas seulement une reacuteserve de traits seacutemantiques drsquouniteacutes lexicales et de proprieacuteteacutes syntaxiques associeacutees (lemmes) il rend aussi disponibles les codes morpho-phonologiques neacutecessaires agrave la formulation de lrsquoexpression agrave produire
Le lexique mental recegravele les formes phonologiques des mots drsquoune langue crsquoest-agrave-dire les racines ou bases lexicales ainsi que les affixes deacuterivationnels et flexionnels Ces codes interviennent une fois que la structure de surface est encodeacutee ce qui explique que dans des langues comme le franccedilais les pheacutenomegravenes drsquoaccord en genre et en nombre sont eacutetablis agrave distance
Degraves qursquoun lemme a eacuteteacute seacutelectionneacute et ainsi mis agrave disposition lrsquoactivation se propage vers ses codes morpho-phonologiques au sein du stock lexical ce qui correspond en quelques sortes aux processus drsquoaccegraves lexical Lrsquoencodage morpho-phonologique est deacutependant des contraintes meacutetriques lieacutees agrave lrsquouniteacute syllabique ce qui conditionne les patrons drsquoaccentuation et de prosodie Par ailleurs il est deacutependant drsquoeffets de freacutequence
Apregraves lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique lrsquoencodage phoneacutetique et la programmation articulatoire peuvent alors se mettre en place Nous ne deacutetaillerons pas ces derniegraveres eacutetapes de la production verbale En effet nos analyses ulteacuterieures concernent exclusivement les niveaux de structuration syntaxique et morphologique Les deacuteformations phonologiques ne seront noteacutees en marge de nos corpus que par souci de clarteacute
Structure
seacutelectionner
sujet
actant
tecircte
patient
objet
tecircte
DET N
le comiteacute
SN V SN
PRO
lrsquo
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Les eacutetapes qui nous inteacuteressent en premier lieu sont les eacutetapes lieacutees aux repreacutesentations grammaticales et formelles morpho-phonologiques En effet il nous semble que les eacutetapes drsquoencodage grammatical et drsquoencodage formel morpho-phonologique pourraient ecirctre de bonnes candidates pour expliquer le deacuteficit sous-jacent (ce qui est mis en valeur sur le scheacutema du modegravele par un encadreacute rouge en trait pointilleacute voir Scheacutema 3 p 83)
Nous ne sommes pas en mesure de dire de maniegravere trancheacutee si le deacuteficit drsquoencodage sous-jacent est lieacute agrave un deacuteficit de traitement des lemmes ou drsquoune partie des lemmes associeacutes aux uniteacutes conceptuelles et lexicales activeacutees ou srsquoil est lieacute agrave un deacuteficit de reacutecupeacuteration des codes formels morpho-phonologiques associeacutes agrave ces lemmes Cette question nrsquoa agrave notre connaissance jamais eacuteteacute clairement poseacutee dans le domaine de lrsquoagrammatisme
(e) Modulariteacute et principe drsquoincreacutementation
Pour nous le modegravele de LEVELT est un modegravele plus modulaire que connexionniste et plus seacuteriel qursquointeractif (compareacute au modegravele de DELL)
Les aspects modulaires et seacuteriels du modegravele de GARRETT (1975 1980) se retrouvent dans le modegravele de LEVELT (1989 1999) En plus de ces caracteacuteristiques fondamentales le modegravele de LEVELT postule qursquoune information deacutejagrave traiteacutee demeure activeacutee alors que le processus suivant se preacutepare et srsquoopegravere il srsquoagit des processus de traitement increacutemental (incremental processing) Cela renvoie au fait que lrsquoinformation activeacutee doit ecirctre entretenue et demeurer ainsi disponible depuis lrsquoeacutetape drsquoeacutelaboration de lrsquointention communicative en passant par les eacutetapes drsquoencodage jusqursquoagrave lrsquooutput LEVELT (1999 88) explique en ces termes
laquo Le flux geacuteneacuteral de lrsquoinformation permet de commencer un traitement agrave appliquer sur un format de sortie encore inacheveacute lieacute agrave un processeur donneacute Un composant de traitement pourra ecirctre deacuteclencheacute par nrsquoimporte quel fragment caracteacuteristique du format drsquoentreacutee agrave traiter En conseacutequence les divers composants de traitements sont de fait simultaneacutement actifs et les traitements appliqueacutes se chevauchent comme peuvent se chevaucher des tuiles agenceacutees sur un toit Au moment ougrave nous produisons un eacutenonceacute le contenu de lrsquoeacutenonceacute suivant est deacutejagrave en cours drsquoorganisation raquo61
Pour assurer lrsquoincreacutementation de lrsquoencodage drsquoune phrase agrave produire le rocircle de la meacutemoire de travail est fondamental elle permet drsquoentretenir les informations activeacutees mais aussi drsquoassurer les traitements de ces informations de maniegravere parallegravele La fonction increacutementale de la meacutemoire de travail assure lrsquointeacutegration de toutes les composantes linguistiques dans le flux verbal lineacuteaire La coordination des processus de traitements associeacutes aux modules est
61 Notre propre traduction laquo The general flow of information can start working on the still incomplete output of the current processor A processing component will be triggered into action by any fragment of its characteristic input As a consequence the various processing components are normally simultaneously active overlapping their processing as the tiles of a roof When we are uttering phrases we are already organizing the content for the next phrase raquo
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hautement automatiseacutee et ce sur des uniteacutes drsquoorganisation linguistique de taille limiteacutee ce qui garantit la laquo rapiditeacute raquo de la mise en mots en situation de communication ordinaire
Le modegravele de LEVELT est diffeacuterent de celui de DELL car il est laquo strictement seacuteriel raquo les eacutetapes de traitement srsquoorganisent de maniegravere discregravete et elles nrsquoadmettent pas le principe drsquoactivation bidirectionnelle (ou reacutetroactive)62 En effet les activations de niveau de repreacutesentation conceptuelleseacutemantique syntaxique (interventions des lemmes et des proprieacuteteacutes syntaxiques associeacutees genre nombre cateacutegorie syntaxique etc) et phonologique (reacutecupeacuteration des lexegravemes et de leur structuration meacutetrique morphologique segmentale et syllabique) sont unidirectionnelles et nrsquoadmettent pas de reacuteotractions drsquoactivations possibles
Dans le modegravele de LEVELT la reacutetroactiviteacute entre modules nrsquoest pas postuleacutee car elle ne pourrait plus aller dans le sens des deux postulats suivants (deacutefendus par LEVELT)
le postulat de lrsquoencapsulation de composeacutes de traitement au sein des modules correspondant au traitement des informations linguistiques (seacutemantique syntaxique phonologique)
et le postulat drsquoune autonomie tregraves relative entre les diffeacuterents modules du fait du principe drsquoincreacutementation De ce fait les diffeacuterents modules entretiennent certainement des relations agrave travers des interfaces
(f) Reacutetroaction sur la production par self-monitoring
Le modegravele de LEVELT eacutevoque des niveaux de repreacutesentation successifs drsquoencodage et de traitement drsquoinformation Du fait de leur increacutementation une relative interaction existe entre chaque niveau mais celle-ci est laquo descendante raquo pour le cas de la production et dans le sens laquo ascendant raquo (ou reacutetroactif) seul un processeur permettant de percevoir et deacutecoder sa propre production (self-perception et parsed speech) assure un retour sur les eacutetapes de traitements anteacuterieurs
Ainsi la production est controcircleacutee gracircce au feedback audio-phonatoire (self-monitoring) et en cas de besoin inhibeacutee en cours de mise en œuvre
Mecircme si la geacuteneacuteration du message est deacutejagrave avanceacutee la production effective (overt speech) peut ne pas srsquoaccomplir Pour expliquer les adaptations correctives du patient agrammatique KOLK (1995 299) eacutevoque cet aspect du modegravele de LEVELT le haut degreacute de controcircle 62 Voir FERRAND (2002 36-39) pour une discussion approfondie sur les diffeacuterents degreacutes de seacuterialiteacute et drsquointeractiviteacute postuleacutes par diffeacuterents modegraveles de production du langage On trouvera aussi (FERRAND 2002 39-42) une preacutesentation du modegravele agrave reacuteseaux indeacutependants de CARAMAZZA et MIOZZO (1997) qui est similaire aux modegraveles de DELL et LEVELT sur diffeacuterents aspects (indeacutependance des computations lieacutees aux repreacutesentations syntaxiques versus phonologiques repreacutesentations seacutemantiques componentielles seacuterialiteacute et absence de reacutetroaction) mais qui en diffegravere du point de vue de la propagation drsquoactivation lrsquoactivation partant du reacuteseau lexical seacutemantique srsquoopegravere de maniegravere simultaneacutee et parallegravele vers les deux reacuteseaux suivants syntaxiques et phonologiques Drsquoapregraves les donneacutees issues de pheacutenomegravenes du laquo mot sur le bout de la langue raquo et de cas de doubles-dissociations dans lrsquoaphasie (perturbations des aspects lexico-seacutemantiques indeacutependamment des aspects syntaxiques) les informations lexico-seacutemantiques et phonologiques versus syntaxiques seraient activeacutees en mecircme temps et seacutepareacutement
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appliqueacute agrave sa propre production explique le recours aux autocorrections lors de la formulation drsquoun message (voir au point 2433(a) p 65) agrave propos des adaptations correctives expliciteacutees et silencieuses) Drsquoautre part il propose une interpreacutetation du deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme en se reacutefeacuterant clairement agrave ce modegravele
Avant de deacutevelopper plus en deacutetail lrsquohypothegravese du dysfonctionnement drsquoordre proceacutedural de lrsquoagrammatisme (point 32 p 92) nous souhaitons revenir sur les hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique et syntaxique (exposeacutees au point 232 pp 34-45) et sur leur adeacutequation psychologique vis-agrave-vis du modegravele de GARRETT (voir ci-apregraves)
31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques
311 Hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique syntaxique et modegravele de GARRETT
Le modegravele de GARRETT est habituellement eacutevoqueacute au sein des diffeacuterentes hypothegraveses explicatives de lrsquoagrammatisme ougrave la primauteacute est donneacutee agrave une interpreacutetation du dysfonctionnement deacuteriveacutee de la description structurale du trouble En effet agrave travers un tel trouble selon GOODGLASS et MENN (1985 19)
laquo Les traductions directes de notions linguistiques en des uniteacutes psycholinguistiques potentielles sont clairement poseacutees et cela encourage agrave la formulation drsquohypothegraveses linguistiquement motiveacutees et testables raquo63
Dans ce type dhypothegraveses explicatives il est question dimpleacutementer psycholinguistiquement les pheacutenomegravenes linguistiques caracteacuteriseacutes suivant les niveaux de repreacutesentations linguistiques ou composantes linguistiques modulaires postuleacutes tels que nous pouvons les concevoir par abstraction dans la theacuteorie linguistique et ses modegraveles Lrsquoactualisation postuleacutee de ces niveaux de repreacutesentations dans la performance effective permet alors de conclure agrave lrsquoexistence drsquoun deacuteficit de nature seacutemantique syntaxique lexicale ou phonologique
Ainsi la transposition des descriptions linguistiques de pheacutenomegravenes (fondeacutees sur des modegraveles linguistiques) sur un modegravele de la production verbale (GARRETT) cherche agrave identifier la cause du deacuteficit en termes psycholinguistiques De cette maniegravere de telles hypothegraveses trouvent naturellement leur adeacutequation aux faits psychologiques et donc au modegravele psycholinguistique de la performance non pathologique pris pour reacutefeacuterence
Dans le cas de lrsquoagrammatisme et pour lrsquoaphasie en geacuteneacuteral ce modularisme (psycho)linguistique constitue pour nous un postulat theacuteorique et meacutethodologique agrave utiliser 63 Notre traduction laquo Direct translations of linguistic notions into potential psycholinguistic units are straigthforward and this encourages the formulation of testable linguistically motivated hypotheses raquo
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avec prudence Lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents suivant diffeacuterents niveaux drsquoorganisation linguistique pourrait expliquer la controverse si intense agrave propos de la caracteacuterisation du deacuteficit sous-jacent Si leacutegitime puisse ecirctre cette deacutemarche heuristique elle nous pose problegraveme Les diffeacuterentes hypothegraveses explicatives drsquoinspiration linguistique et leur transposition suivant les niveaux de repreacutesentation linguistique postuleacutee par le modegravele de GARRETT nous conduisent agrave formuler quelque reacuteserve sur leur adeacutequation psycholinguistique pour les raisons suivantes
la transposition des descriptions linguistiquement motiveacutees (crsquoest-agrave-dire par un modegravele linguistique) concernant un certain niveau drsquoorganisation linguistique et postule une adeacutequation psycholinguistique qui nous semble plutocirct tautologique
des donneacutees issues de tests en compreacutehension sont impleacutementeacutees suivant un modegravele de production Drsquoailleurs dans ce type drsquointerpreacutetation il est postuleacute que les processus impliqueacutes dans la compreacutehension et dans la production sont les mecircmes mais cela nrsquoa jamais eacuteteacute reacuteellement prouveacute
lorsque des donneacutees existent en production la question de la variabiliteacute des performances est eacuteludeacutee drsquoautant que le caractegravere relativement laquo figeacute raquo du modegravele de GARRETT admet difficilement les variations de performance
une hypothegravese peut se voir facilement rejeteacutee si lrsquoon considegravere que les postulats de deacutepart du modegravele pris comme reacutefeacuterence peuvent ecirctre remis en question et jugeacutes insatisfaisants (tels que la notion de laquo compeacutetence raquo du modegravele geacuteneacuteratif voir ci-apregraves)
312 Entre compeacutetence et performance theacuteorie linguistique et psycholinguistique
Les deacuteveloppements de la theacuteorie linguistique ont pu certes amener agrave deacutecrire certains pheacutenomegravenes de surface caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme de maniegravere plus fine mais au prix de certaines interpreacutetations du deacuteficit sous-jacents parfois trop uniformisantes Outre qursquoil faille infeacuterer avec grande prudence une hypothegravese explicative agrave partir drsquoune caracteacuterisation linguistique de la performance langagiegravere laquo ideacutealiseacutee raquo mecircme au sein drsquoun modegravele psycholinguistique lrsquoapplication de la notion chomskyenne de laquo compeacutetence raquo est peut-ecirctre le plus agrave remettre en cause Ainsi la limite principale agrave ce type drsquoexplication de lrsquoagrammatisme est probablement cette conception essentialiste de laquo compeacutetence linguistique raquo et drsquoideacutealisation des comportements verbaux qui srsquoy rattache Une conseacutequence renvoie aux difficulteacutes drsquointerpreacutetation des pheacutenomegravenes instables ce qui deacutemontre de ce point de vue lrsquoinadeacutequation de ce type drsquoexplication vis-agrave-vis notamment de la variabiliteacute des comportements
En effet sur ce point VILLIARD et NESPOULOUS (1989 p 27) eacutenoncent
laquo La theacuteorie linguistique formelle fournit des outils indispensables pour la description structurale du langage pathologique Mais les choses se preacutesentent bien moins bien sitocirct
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qursquoon tente de caracteacuteriser voir drsquoexpliquer la genegravese des comportements aphasiques en termes linguistiques de deacuteficit structural dans quelque composante donneacutee de la grammaire que ce soit [hellip] on srsquoaperccediloit vite que les caracteacuterisations purement linguistiques sont insuffisantes voire inapproprieacutees [et ceci du fait drsquoune variabiliteacute] pour le moins deacuteconcertante raquo
Ainsi lrsquohypothegravese linguistique geacuteneacuterative de GRODZINSKY (la TDH par exemple) ne trouve drsquoadeacutequation psychologique qursquoeu eacutegard aux postulats drsquoadeacutequation neuropsychologique poseacutes par le courant formel dont elle est issue la relation entre la description linguistique et lrsquoimpleacutementation psychologique nous semble donc ecirctre circulaire et interne agrave un mecircme courant ici le formalisme linguistique et cognitif
Selon nous la puissance drsquoune hypothegravese explicative nous semble ecirctre mieux garantie par le fait qursquoelle trouve une adeacutequation psychologique en se reacutefeacuterant agrave des modeacutelisations externes et indeacutependantes de la theacuteorie linguistique Toutefois de ce point de vue il nous semble qursquoon ne peut pas non plus se deacutepartir de tout a priori linguistique devant un pheacutenomegravene psycholinguistique Il faut donc trouver un laquo eacutequilibre raisonneacute raquo entre la theacuteorie linguistique et lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents psycholinguistiques drsquoautant plus si lrsquoon srsquointeacuteresse agrave la performance effective drsquoun locuteur en situation Ce que nous tentons de faire en inscrivant notre approche des pheacutenomegravenes agrammatiques dans un cadre linguistique theacuteorique global drsquoinspiration fonctionnaliste (voir au point 34 pp 100-113)
Les explications laquo purement linguistiques raquo ont ainsi permis drsquoamener des eacuteclairages inteacuteressants et critiques sur lrsquoagrammatisme en parvenant agrave mieux comprendre les enjeux
des limites de la description et de lrsquointerpreacutetation de ses symptocircmes en termes presqursquoexclusivement linguistiques et structuraux
et corollairement de la question de la variabiliteacute qui ne fait pas bon meacutenage avec les descriptions essentialistes
Nous nous attarderons sur la question de lrsquoadeacutequation psycholinguistique des approches linguistiques agrave travers une discussion plus approfondie dans la suite de cette partie theacuteorique (voir aux points 342 p 102 343 p 104 et 344 p 105) Avant cela revenons sur lrsquoapproche proceacutedurale de lrsquoagrammatisme (process approach) qui quant agrave elle permet de relativiser les conceptions essentialistes pour donner une grande part de responsabiliteacute aux processus de traitement en jeu lors de la performance pathologique En voici les grandes lignes
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32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle
321 Lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle
Lrsquohypothegravese de la laquo fenecirctre temporelle raquo (temporal window) et de la limitation du temps de traitement de lrsquoinformation (capacity limitation crsquoest-agrave-dire le seuil critique drsquoactivation) (voir KOLK et VAN GRUNSVEN 1985 et KOLK 1995) suggegravere que lrsquoagrammatisme serait ducirc agrave une asynchronie temporelle impliquant le traitement de lrsquoinformation grammaticale en meacutemoire de travail (voir aussi FRIEDERICI et KILBORN 1989)
En production et en compreacutehension suivant le principe drsquoincreacutementation des processus drsquoactivation la simultaneacuteiteacute computationnelle (computational simultaneity) ou synchronie des informations forment un laquo goulet drsquoeacutetranglement raquo Les diffeacuterents eacuteleacutements neacutecessaires agrave la construction drsquoune repreacutesentation de phrase sont activeacutes de maniegravere synchronique et en synergie ce qui les rend disponibles aux processus drsquoencodage ulteacuterieurs Les eacuteleacutements activeacutes interagissent entre eux crsquoest-agrave-dire que lrsquoactivation de lrsquoeacuteleacutement B est conditionneacutee par lrsquoactivation de lrsquoeacuteleacutement A
Par exemple lrsquoactivation des caracteacuteristiques du sujet dans une structure SUJET + VERBE donneacutee agrave encoder doit ecirctre opeacutereacutee en accord avec celles du verbe ce qui conditionne la bonne formation ulteacuterieure de la construction cible pour laquelle la flexion verbale adeacutequate a due ecirctre activeacutee Pour ce faire lrsquoactivation doit atteindre un seuil critique ce qui demande un certain temps
Apregraves ce pic lrsquoactivation nrsquoest plus possible et les eacuteleacutements activeacutes sont deacutecomposeacutes ou dissouts64
Dans le cas de lrsquoagrammatisme selon KOLK (1995) le traitement de lrsquoinformation syntaxique serait geacutereacute de maniegravere inadeacutequate dans deux cas soit le seuil critique drsquoactivation est trop rapidement atteint et donc le temps neacutecessaire agrave lrsquoactivation est deacutepasseacute trop rapidement ce qui entraicircne une dissolution trop rapide (too fast decay) soit au contraire il nrsquoest pas assez rapidement atteint et la reacutecupeacuteration des informations est trop lente (delay) Dans les deux cas lrsquoactivation synchronique des eacuteleacutements de la repreacutesentation syntaxique est deacutereacutegleacutee Ainsi lorsque les paramegravetres deacuteterminant les seuils critiques drsquoactivation sont alteacutereacutes la subtile synergie reacutegulant les processus drsquoactivation des diffeacuterentes informations
64 Il srsquoagit drsquoun principe clef srsquoil nrsquoy avait pas de seuil critique drsquoactivation lrsquoinformation activeacutee ne serait jamais deacutecomposeacutee et cela aurait pour conseacutequence de ne pas laisser la place agrave lrsquoactivation drsquoautres eacuteleacutements activeacutes dans ce temps limiteacute KOLK (1995 293) inscrit son hypothegravese dans une theacuteorie geacuteneacuterale du traitement du langage la limitation des capaciteacutes de traitement lors de la production est une neacutecessiteacute sans laquelle les possibiliteacutes de computation et de complexification syntaxiques seraient infinies ce qui rendrait peut-ecirctre impossible la production de messages adapteacutes agrave nos capaciteacutes de traitement et agrave nos contraintes de communication
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grammaticales est brouilleacutee ce qui a pour conseacutequence la laquo deacutesinteacutegration preacutematureacutee des structures de la phrase raquo
322 En compreacutehension
Ces changements de paramegravetres temporels reacutegulant la fenecirctre temporelle de traitement des informations grammaticales ont eacuteteacute simuleacutes par une modeacutelisation informatique appeleacutee SYNCHRON (HAARMAN et KOLK 1991 citeacutes par KOLK 1995 282) pour la compreacutehension Les manipulations de ces paramegravetres temporels de traitement (le ralentissement de la vitesse de computation et la limitation du temps de reacutetention en meacutemoire) deacutedieacutes agrave la construction drsquoune repreacutesentation phrastique concordent avec les hypothegraveses suivantes en compreacutehension
une structure complexe pose plus de problegraveme qursquoune structure simple en compreacutehension et jugement de grammaticaliteacute
il y a des degreacutes de seacuteveacuteriteacute variables drsquoun patient agrave lrsquoautre
il y a une interaction entre la complexiteacute de la structure agrave traiter et le degreacute de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit
il ne faut pas confondre les processus qui relegravevent de la compreacutehension elle-mecircme et ceux qui relegravevent drsquoune reacuteflexion sur le code comme lorsqursquoon opegravere des jugements de grammaticaliteacute
323 En production
En production du fait de cette asynchronie drsquoactivation crsquoest la construction de la repreacutesentation sous-jacente de la structure (ou structure profonde repreacutesenteacutee par un arbre syntaxique et ses nœuds) qui ne peut ecirctre effectueacutee (KOLK 1995 286) Pour expliquer les erreurs morphologiques qursquoon observe KOLK (1995 288-289) se reacutefegravere agrave la fois aux modegraveles modulaires de LEVELT (1989) et de GARRETT (1975 1980) drsquoune part et drsquoautre part au modegravele drsquoactivation de DELL (1986)
Selon le modegravele de GARRETT et LEVELT (voir au point 30 pp 78-90) lrsquointeacutegration des informations lieacutees agrave la geacuteneacuteration des cadres syntaxiques dont les emplacements (slots) sont cateacutegoriseacutes (ADJ DET N V etc) srsquoopegravere gracircce aux processus drsquoinsertion des codes morpho-lexicaux reacutecupeacutereacutes dans le lexique mental LEVELT preacutecise qursquoil srsquoagit des informations porteacutees par les lemmes
Par contre selon le modegravele de GARRETT une distinction fondamentale est agrave poser entre les mots de classe ouverte (pour lesquels lrsquoinsertion des codes morpho-lexicaux srsquoopegravere indeacutependamment des cadres syntaxiques) et les mots de classe fermeacutee (pour lesquels lrsquoinsertion des codes morpho-lexicaux srsquoopegravere en eacutetroite liaison avec lrsquoeacutetablissement des
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cadres syntaxiques) Alors que les mots de classe ouverte sont geacuteneacutereacutes par les processus drsquoencodage deacutedieacutes speacutecifiquement au lexique les mots de classe fermeacutee seraient eux geacuteneacutereacutes par lrsquointermeacutediaire des processus syntaxiques eux-mecircmes lors de la mise en place des cadres syntaxiques (au niveau de repreacutesentation positionnelle) Ce faisant selon le modegravele de GARRETT la voie drsquoaccegraves aux mots grammaticaux est deacutependante des processus syntaxiques les mots grammaticaux font partie de ces cadres et y sont inteacutegreacutes degraves leur mise en place
Pour KOLK (1995 289) les deux types de mots (de classe fermeacutee versus ouverte) doivent ecirctre inseacutereacutes dans les syntactic slots et cette inteacutegration requiert une synchronie Par conseacutequent une asynchronie peut en perturber lrsquointeacutegration En effet le modegravele de DELL65 (spreading activation model 1986 citeacute par KOLK 1995 289-290) postule que la peacuteriode drsquoactivation des eacuteleacutements lexicaux (morphegravemes grammaticaux et lexicaux) srsquoarticule suivant trois phases (1) une premiegravere phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est faible et la compeacutetition entre
plusieurs items est eacuteleveacutee
(2) une deuxiegraveme phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est eacuteleveacute et la compeacutetition entre plusieurs items est faible
(3) une troisiegraveme phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est faible et la compeacutetition entre plusieurs items est eacuteleveacutee
Cette activation triphasique des items morpho-lexicaux est eacutetroitement lieacutee aux processus drsquoinsertion des items dans les slots (emplacements) du cadre syntaxique adeacutequats Lorsque le cadre syntaxique est simple ces processus mettent plus de temps agrave srsquoopeacuterer chez lrsquoagrammatique que chez le sujet normal mais les erreurs morphologiques sont moins freacutequentes Lorsque le cadre syntaxique est plus complexe ils sont encore plus longs agrave srsquoopeacuterer et drsquoautant plus chez le patient agrammatique pour qui les erreurs morphologiques srsquoaccentuent Le temps neacutecessaire agrave la computation est fonction de la complexiteacute des cadres syntaxiques agrave mettre en place Certaines expeacuterimentations ont selon KOLK (2006) pu deacutemontrer lrsquoexistence de la fenecirctre temporelle Dans lrsquoune drsquoelles des proceacutedures drsquoamorccedilage syntaxique (syntactic priming
65 Le modegravele connexionniste agrave activation interactive et en cascade de DELL ne fera pas lrsquoobjet drsquoune description deacutetailleacutee ici Ce modegravele postule lrsquoexistence de trois niveaux de repreacutesentations seacutemantique (pour lrsquoactivation des traits seacutemantiques des uniteacutes agrave encoder) lexical (pour lrsquoactivation des mots de leurs lemmes) et phonologique (pour lrsquoactivation des phonegravemes composant les syllabes du mot) Lors de la production les connexions sont descendantes (proactives) et ascendantes (reacutetroactives) ce qui implique que les niveaux interagissent entre eux les connexions drsquoactivation sont bidirectionnelles Drsquoautre part lrsquoactivation se propage pour activer plusieurs repreacutesentations en compeacutetition agrave un niveau de repreacutesentation donneacute (seacutemantique lexical phonologique) Selon les niveaux drsquoactivation associeacutes aux repreacutesentations activeacutees lrsquoactivation qui correspond agrave la cible linguistique agrave encoder est maintenue Pour une description du modegravele de DELL illustreacutee par des exemples drsquoerreurs preacutecis (notamment la survenue des erreurs laquo mixtes raquo qui pourraient srsquoexpliquer par ce haut degreacute drsquointeractiviteacute entre les niveaux voir FERRAND 2002 31-34) Selon FERRAND (2002 31) le modegravele de DELL (interactif) srsquooppose agrave celui de LEVELT (strictement seacuteriel) du point de vue de ce principe de reacutetroaction
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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voir HARTSUIKER et KOLK 1998) furent reacutealiseacutees Il srsquoagissait de fournir une structure de deacutepart agrave lrsquooral puis de faire dire une phrase correspondant agrave une image aux participants qui pensaient qursquoil srsquoagissait drsquoun simple test de meacutemoire drsquoimages Pour les patients agrammatiques lrsquoamorccedilage syntaxique concernant les structures au passif ont eu un effet facilitant sur leur freacutequence drsquoemploi alors qursquoen narration drsquohistoires sans amorccedilage syntaxique quasiment aucune structure passive nrsquoest produite spontaneacutement Cela corrobore lrsquoideacutee selon laquelle lrsquoamorccedilage syntaxique permet de reacuteajuster le degreacute drsquoactivation des informations syntaxiques en traitement en les maintenant en surface dans les cas ougrave la reacutecupeacuteration des informations est trop lente (delay)
Dans une autre eacutetude (HARTSUIKER et al 1999) il srsquoagissait de manipuler la formation de pluriels conceptuel et grammatical dans une tacircche drsquoaccord SUJET-VERBE Par exemple une seacuterie de phrases comme lrsquoeacutetiquette sur les bouteilles sont vertes implique un pluriel conceptuel pour eacutetiquette et un pluriel grammatical pour bouteilles Dans cet exemple lrsquoaccord SUJET-VERBE en nombre est inadeacutequat (sont au lieu de est) Le test a montreacute que les participants du groupe controcircle avaient fait plus drsquoerreurs drsquoaccord SUJET-VERBE dans les phrases impliquant un nombre conceptuel
Selon nous il pourrait srsquoagir drsquoerreurs laquo drsquoexperts raquo qui traduiraient le fait que les processus drsquoencodage de lrsquoaccord en nombre seraient si automatiques que la probabiliteacute de formuler un accord inadeacutequat augmente
Ce faisant pour les patients agrammatiques qui produisaient moins drsquoerreurs que les controcircles sur le nombre conceptuel mecircme si les erreurs eacutetaient dues agrave un mecircme meacutecanisme computationnel sous-jacent en jeu il ne srsquoagissait probablement pas drsquoerreurs drsquoexpert mais plutocirct de laquo vraies erreurs raquo lieacutees agrave un problegraveme drsquointeacutegration de lrsquoinformation syntaxique ou morphologique pour formuler lrsquoaccord en nombre
Drsquoautre part selon nous le fait que le nombre drsquoerreurs soit eacutetonnamment plus faible chez les agrammatiques compareacute aux controcircles pourrait peut-ecirctre aussi srsquoexpliquer par une activiteacute meacutetalinguistique plus grande de la part de lrsquoagrammatique qui srsquoapplique agrave eacuteviter les erreurs potentielles par un auto-controcircle (ou self-monitoring) sur sa production
En guise de reacutesumeacute on retiendra cette citation de KOLK (2006 234) agrave propos du dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural (processing deficit)
laquo Lrsquoactivation soit ralentie soit trop rapidement dissoute renvoie bien sucircr aux deux faces drsquoune mecircme piegravece de monnaie plus la dissolution srsquoopegravere rapidement et plus lrsquoeffet drsquoun retard mecircme teacutenu sera grand et vice-versa Une maniegravere de deacutecrire les effets combineacutes [de la dissolution trop rapide ou du retard de traitement] consiste agrave en traduire les meacutecanismes en termes de reacuteduction de la taille de la fenecirctre temporelle au sein de laquelle tout traitement de la phrase doit avoir lieu Du fait drsquoune telle reacuteduction la simultaneacuteiteacute computationnelle entre les eacuteleacutements drsquoune repreacutesentation syntaxique ne peut freacutequemment pas srsquoopeacuterer crsquoest pourquoi la phrase nrsquoest pas en mesure drsquoecirctre produite raquo66
66 Notre propre traduction laquo Delay and decay are of course two sides of the same coin the faster the decay the greater even a small effect of delay and vice versa One way to describe their combined effects is phrasing
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo
Pour tenter de mieux caracteacuteriser le deacuteficit sous-jacent en jeu dans lrsquoagrammatisme les modegraveles de la performance langagiegravere laquo normale raquo du point de vue de la production verbale ainsi que des tests psycholinguistiques cibleacutes sont indispensables Tout en admettant que lrsquoagrammatisme est un syndrome aphasique singulier il est crucial de parvenir agrave interpreacuteter les donneacutees en faisant la part des pheacutenomegravenes refleacutetant le deacuteficit sous-jacent et la part des pheacutenomegravenes refleacutetant les strateacutegies
La reacuteduction quantitative et qualitative de la production verbale affectant la syntaxe (phrases courtes et constructions juxtaposeacutees peu eacutelaboreacutees) et la morphologie lexicale et flexionnelle (omissions et substitutions de morphegravemes grammaticaux libres et lieacutes) sont les deux traits linguistiques qui ressortent dans lrsquoagrammatisme en production orale avec parfois des variations importantes suivant les sujets et suivant les tacircches Ainsi srsquoagissant de lrsquointerpreacutetation de ces traits de surface NESPOULOUS et al (1990 659) formulent cette question fondamentale
laquo Une telle simplification des structures est-elle strateacutegique ou est-elle la manifestation drsquoun deacuteficit primitif affectant le traitement des structures syntaxiques les plus complexes de la langue parleacutee par le patient raquo
Concernant le dysfonctionnement sous-jacent les deux questions suivantes eacutemergent En effet avons-nous affaire
(1) agrave un deacuteficit nrsquoimpliquant que les processus drsquoencodage de la syntaxe crsquoest-agrave-dire les processus engageacutes lors de planification de la seacutequence syntaxique au niveau de repreacutesentation positionnelle (au sens de GARRETT) ou lors des processus faisant intervenir les lemmes pour la mise en place de la structure de surface (drsquoapregraves le modegravele de LEVELT)
(2) ou agrave un deacuteficit nrsquoimpliquant que les processus drsquoaccegraves et drsquoencodage des uniteacutes morpho-lexicales essentielles agrave la formulation de la matrice syntaxique mise en place qui a eacuteteacute encodeacutee sans problegraveme dans une eacutetape anteacuterieure crsquoest-agrave-dire un dysfonctionnement impliquant la reacutecupeacuteration des codes morpho-phonologiques du lexique mental (drsquoapregraves le modegravele de LEVELT)
En guise de reacuteponse non deacutefinitive ces mecircmes auteurs (NESPOULOUS et al 1990) affirment que les omissions et substitutions srsquoexpliqueraient largement par un deacuteficit lieacute aux processus de reacutecupeacuteration et drsquoinsertion des uniteacutes grammaticales actualisant les relations morpho-syntaxiques (mots fonctions et flexions) qui affecterait en conseacutequence
them in terms of a reduction in the size of the temporal window within which all sentence processing has to take place With such a reduction computational simultaneity between elements of a syntactic representation often cannot be obtained and the sentence cannot be produced raquo
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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lrsquoeacutetablissement des cadres syntaxiques En effet la position (2) eu eacutegard les types drsquoomissions et de substitutions deacutecrites en qualiteacute et en quantiteacute dans la litteacuterature nous semble la plus logique Elle srsquoaccorde le mieux agrave lrsquohypothegravese des strateacutegies aboutissant agrave lrsquoomission de certains morphegravemes (grammaticaux) et agrave la seacutelection de structures syntaxiquement ou morphologiquement plus simples
Nous pourrions tout aussi bien deacutefendre une position plutocirct nuanceacutee ou mixte car finalement aucune eacutetude (agrave notre connaissance) nrsquoa pu montrer clairement quelle autonomie pouvait ecirctre envisageacutee entre les deux types de processus drsquoencodage syntaxique et morpho-grammatical En effet la nouvelle question eacutemergente suivante meacuterite drsquoecirctre poseacutee
(3) le deacuteficit sous-jacent affecterait-il en reacutealiteacute les processus drsquoencodage du message agrave produire intervenant agrave lrsquointerface des traitements syntaxiques (mise en place de la matrice) et morphologiques (formulation et encodage morpho-phonologique) De ce point de vue lrsquoautonomie postuleacutee entre modules de traitement pourrait ecirctre nuanceacutee par un principe de permeacuteabiliteacute et par un haut degreacute drsquointeractiviteacute entre modules de traitements en ce sens que les processus lieacutes agrave chaque type de traitement se conditionneraient mutuellement
Mecircme si cette eacutetude ne preacutetend pas trancher sur la question du dysfonctionnement psycholinguistique sous-jacent au trouble selon nous il nrsquoest pas exclu drsquoenvisager qursquoun deacuteficit touchant directement et en premier lieu les capaciteacutes mneacutesiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage drsquoune structure affecte soit lrsquoun soit lrsquoautre ou les deux types de processus drsquoencodage postuleacutes par le modegravele les processus drsquoencodage de la morphologie grammaticale (mots fonctions et flexions) et les processus lieacutes agrave lrsquointeacutegration de lrsquoinformation morpho-syntaxique supporteacutee par ces uniteacutes degraves lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical
En effet nous pourrions postuler qursquoils sont en eacutetroite interaction lors de la production drsquoun message et lors de lrsquointeacutegration des informations grammaticales de la phrase agrave produire Cette inteacutegration implique les processus de planification syntaxique et drsquoactualisation des informations linguistiques par la reacutecupeacuteration des lemmes convertis ensuite suivant les codes morpho-phonologiques adeacutequates Lrsquointeacutegration des informations linguistiques serait rendue possible gracircce aux capaciteacutes mneacutesiques attacheacutees agrave lrsquoincreacutementation des fragments du message agrave encoder (en particulier la meacutemoire de travail verbale)
Dans lrsquoagrammatisme lrsquointeacutegration des informations grammaticales serait de ce fait entraveacutee par une capaciteacute insuffisante agrave lrsquoencodage de tout ce qui a eacuteteacute preacutevu initialement degraves la formulation conceptuelle du message preacuteverbal En conseacutequence si la formulation du message est simplifieacutee gracircce aux processus de haut niveau plus ou moins conscients qualitativement et quantitativement les ressources neacutecessaires agrave lrsquointeacutegration des informations linguistiques de la seacutequence agrave produire plus courte et simple sont alors suffisantes Crsquoest lagrave qursquointerviennent les proceacutedures drsquoadaptation
En effet le locuteur laquo formate raquo lrsquoeacutenonceacute agrave produire en adaptant la cible linguistique aux nouvelles dispositions du processeur suivant les marges de manœuvre octroyeacutees par les proprieacuteteacutes drsquoun systegraveme linguistique donneacute en interaction avec la seacuteveacuteriteacute du deacuteficit De ce
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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point de vue le deacuteficit sous-jacent est relativiseacute dans le cadre drsquoune theacuteorie plus geacuteneacuterale de lrsquoadaptation agrave lrsquoinstar des travaux de KOLK et NESPOULOUS67
De surcroicirct lrsquoexamen des variabiliteacutes inter-tacircches constitue un moyen pour parvenir agrave faire eacutemerger du comportement laquo deacuteficitaire raquo le comportement laquo strateacutegique raquo lieacute agrave une adaptation agrave la fenecirctre temporelle
Par ailleurs NESPOULOUS (2009)68 ajoute en ces termes
laquo Quand il y a omission (de morphegravemes grammaticaux) on ne sait pas srsquoil srsquoagit drsquoun problegraveme syntaxique (impossibiliteacute agrave planifier une matrice syntaxique adeacutequate) ou drsquoun simple problegraveme de seacutelection drsquoun morphegraveme au sein drsquoun paradigme avec adoption drsquoun laquo morphegraveme zeacutero raquo69 Quand il srsquoagit drsquoune substitution toujours laquo within-category raquo (intra-cateacutegorielle) celle-ci nous prouve que la matrice syntaxique a eacuteteacute correctement activeacutee et seul subsiste un problegraveme de seacutelection au sein du paradigme raquo
Autrement dit si lrsquoon admet que le trouble sous-jacent nrsquoest pas laquo purement drsquoorigine syntaxique raquo le recours au morphegraveme zeacutero serait donc un moyen tactique ou strateacutegique de laquo remplir raquo lrsquoemplacement de la matrice syntaxique qui aurait eacuteteacute encodeacutee normalement alors que la seacutelection du morphegraveme attendu est probleacutematique
Une autre question meacuterite drsquoecirctre poseacutee est-ce que toutes les substitutions sont de laquo vraies raquo erreurs refleacutetant un deacuteficit de traitement (lieacute agrave la reacuteduction de la fenecirctre temporelle en meacutemoire de travail drsquoapregraves KOLK) et en admettant que toutes les omissions sont agrave mettre sur le compte drsquoune strateacutegie drsquoadaptation plus anticipeacutee et conscientiseacutee par le locuteur
Nous donnerons le dernier mot agrave NESPOULOUS qui va plus loin dans lrsquohypothegravese des strateacutegies en affirmant que certaines substitutions tactiques car les morphegravemes substituants semblent laquo preacutefeacutereacutes raquo se produiraient agrave laquo lrsquoinsu du locuteur raquo Dans un tel contexte elles peuvent fort bien ecirctre interpreacuteteacutees comme des strateacutegies compensatoires et ce drsquoautant plus que certains paradigmes morpheacutematiques sont eacutetendus tels que le paradigme des preacutepositions spatiales
67 Voir aux points 2434 p 72 et 245 p 74 68 Communication personnelle 69 Par exemple une absence drsquoarticle correspondrait agrave lrsquoemploi drsquoun laquo article zeacutero raquo et une absence de flexion verbale avec emploi du verbe agrave lrsquoinfinitif correspondrait agrave lrsquoemploi de la forme verbale la plus neutre pour laquelle lrsquoencodage exige moins de computations
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle
Tout au long de cette premiegravere partie consacreacutee aux repegraveres theacuteoriques nous nous sommes inteacuteresseacutee aux diffeacuterentes approches de lrsquoagrammatisme dont lrsquoobjectif est drsquoen deacutecrire les manifestations et de fournir une explication plausible quant agrave leur origine Le scheacutema ci-apregraves (Scheacutema 6 p 101) en reacutesume les enjeux essentiels
Les paragraphes qui suivent (342 343 et 344 pp 102-107) reviennent en deacutetail sur certains des points de clivages meacutetatheacuteoriques et meacutetodologiques relatifs aux deux grands types drsquoapproches de lrsquoagrammatisme lrsquoune laquo repreacutesentationnelle linguistique raquo et lrsquoautre laquo proceacutedurale raquo
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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341 Scheacutema de synthegravese theacuteorique
Approche repreacutesentationnelle linguistique
(linguistic representionalapproach)
- Deacutecrire et expliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent
(hypothegraveses de la contiguumliteacute de la saillance phonologique du mapping lexicale syntaxique)
- Expliquer le dysfonctionnement sous-jacent(reacuteduction de la fenecirctre temporelle laquo vraies raquo substitutions)
- Deacutecrire et expliquer les adaptations du point de vue linguistique
(adaptations preacuteventives style elliptique et simplification morphologique adaptations correctives adaptations palliatives)
Tests in-vitro ou donneacutees existantes reacute-analyseacutees en production et surtout en compreacutehension
Modegravele repreacutesentationnel linguistique
Modegravele psycholinguistique de GARRETT (et ou Grammaire Universelle)
Tests in vitro pour mettre en eacutevidence la reacuteduction de la fenecirctre temporelleTests in vivo surtout en production pour deacutecrire les adaptations
Modegravele psycholinguistique de LEVELT
Linguistique de lrsquooral fonctionnalisme theacuteorie drsquoadaptation
Deacuteterminisme indirect
Mise en eacutevidence des symptocircmes de variabiliteacutes en quantiteacute et en qualiteacute
Approche proceacutedurale
(process approach)
Deacuteterminisme direct
Mise en eacutevidence des symptocircmes invariants en qualiteacute
Objectifs
Moyens
Approche repreacutesentationnelle linguistique
(linguistic representionalapproach)
- Deacutecrire et expliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent
(hypothegraveses de la contiguumliteacute de la saillance phonologique du mapping lexicale syntaxique)
- Expliquer le dysfonctionnement sous-jacent(reacuteduction de la fenecirctre temporelle laquo vraies raquo substitutions)
- Deacutecrire et expliquer les adaptations du point de vue linguistique
(adaptations preacuteventives style elliptique et simplification morphologique adaptations correctives adaptations palliatives)
Tests in-vitro ou donneacutees existantes reacute-analyseacutees en production et surtout en compreacutehension
Modegravele repreacutesentationnel linguistique
Modegravele psycholinguistique de GARRETT (et ou Grammaire Universelle)
Tests in vitro pour mettre en eacutevidence la reacuteduction de la fenecirctre temporelleTests in vivo surtout en production pour deacutecrire les adaptations
Modegravele psycholinguistique de LEVELT
Linguistique de lrsquooral fonctionnalisme theacuteorie drsquoadaptation
Deacuteterminisme indirect
Mise en eacutevidence des symptocircmes de variabiliteacutes en quantiteacute et en qualiteacute
Approche proceacutedurale
(process approach)
Deacuteterminisme direct
Mise en eacutevidence des symptocircmes invariants en qualiteacute
Objectifs
Moyens
Scheacutema 6 Synthegravese les approches linguistique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
102
342 Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique
Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique a pour objectifs de deacutecrire et drsquoexpliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent Pour ce faire des modegraveles de la phrase sont convoqueacutes suivant diffeacuterents plans linguistiques (syntagmatique seacutemantique syntaxique lexical phonologique) De plus les meacutethodes expeacuterimentales sont plutocirct in vitro (crsquoest-agrave-dire avec des paradigmes expeacuterimentaux tregraves controcircleacutes en stimuli consigne voire en temps de reacuteponse) et srsquointeacuteressent drsquoabord au versant de la compreacutehension pour en transposer les interpreacutetations sur le versant de la production Les explications sur le type de dysfonctionnement en jeu et plus preacuteciseacutement le niveau linguistique affecteacute agrave lrsquoorigine du trouble srsquoappuient sur des interpreacutetations et des descriptions drsquoabord linguistiques pour ecirctre ensuite deacuteriveacutees et impleacutementeacutees sur le plan psycholinguistique par lrsquointermeacutediaire du modegravele modulaire de GARRETT
Comme nous lrsquoavons vu ces explications cherchent drsquoabord agrave identifier en qualiteacute des symptocircmes linguistiques invariants De ce fait la variabiliteacute des performances (inter- et intra-individus inter- et intra-tacircches inter-langues en compreacutehension et en production etc) est telle que lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique fondeacutee sur une conception structurale et essentialiste de la langue preacutesente des limites Comme le souligne PILLON (1987 363)
laquo Les travaux sur lrsquoagrammatisme suggegraverent [] qursquoun modegravele explicatif ne peut faire lrsquoimpasse sur les pheacutenomegravenes de variabiliteacute Bien connus en aphasiologie ces pheacutenomegravenes ne font pourtant que rarement lrsquoobjet drsquoune articulation theacuteorique (agrave notre connaissance seule la theacuteorie drsquoadaptation de Kolk et al constitue une tentative dans ce sens) tout au plus les envisage-t-on le plus souvent sous lrsquoangle des proprieacuteteacutes peacuteripheacuteriques accessoires voire encombrantes drsquoun trouble - alors qursquoils pourraient bien relever au contraire drsquoun meacutecanisme fondamental en neuropsychologie comme en psycholinguistique drsquoailleurs les comportements linguistiques des sujets normaux ne semblent pas davantage se precircter agrave une caracteacuterisation en terme de tout ou rien raquo
En effet les explications structurales et agrave viseacutee unifiante fondeacutees sur une vision essentialiste de la langue et de son utilisation nous semble peut reacutesister agrave lrsquoeacutepreuve de lrsquoinstabiliteacute des faits linguistiques observeacutes Pour reacutepondre agrave lrsquoargument de la variabiliteacute des performances les deacutefenseurs de telles hypothegraveses insistent sur le fait que le deacuteficit sous-jacent peut ecirctre deacutecrit en termes structuraux (des eacuteleacutements perturbeacutes versus preacuteserveacutes) et que les variations de performance srsquoexpliquent en fait par drsquoautres meacutecanismes de traitements psychologiques impliqueacutes dans la performance langagiegravere De cette maniegravere lrsquointerpreacutetation linguistiquement motiveacutee du deacuteficit sous-jacent ainsi deacuteriveacutee de la description structurale des pheacutenomegravenes peut se projeter sur un modegravele de la performance psycholinguistique tel que celui de GARRETT Cela permet au final drsquoen valider lrsquoadeacutequation psychologique Malgreacute cela nous ne sommes pas totalement convaincue que ce type drsquoexplication puisse veacuteritablement revendiquer cette adeacutequation psychologique
Nous reprenons agrave notre compte la reacuteserve formuleacutee par PILLON (1987 339) agrave propos des theacuteories unitaires favorisant lrsquohypothegravese drsquoun trouble central et impliquant des niveaux drsquoorganisations linguistiques postuleacutes (repreacutesentation phonologique lexicale syntaxique
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
103
seacutemantique de la phrase) En particulier PILLON souligne que du fait de la variabiliteacute de la co-occurrence des symptocircmes70 ces explications ne peuvent pas srsquoappliquer agrave tous les cas drsquoagrammatisme reporteacutes dans la litteacuterature
Nous ajouterons que lrsquoinadeacutequation de telles hypothegraveses face aux donneacutees empiriques pourrait provenir de ceci le point commun entre les diffeacuterentes hypothegraveses explicatives unitaires reacuteside en ce qursquoelles sont toutes fondeacutees sur un modegravele de la phrase En effet sa repreacutesentation en termes drsquoapplication de regravegles phonologiques en termes drsquoinsertion de morphegravemes suivant leur appartenance agrave telle ou telle cateacutegorie lexicale en termes de structure syntaxique de surface et profonde ou en termes de repreacutesentation seacutemantique-fonctionnelle constitue la base de lrsquooutillage conceptuel theacuteorique et meacutethodologique analytique Les donneacutees obtenues sont analyseacutees et interpreacuteteacutees suivant ce modegravele de la phrase postuleacute en amont par la theacuteorie Agrave partir de lagrave les analyses et interpreacutetations sont projeteacutees suivant un modegravele psychologique de la performance langagiegravere et de cette maniegravere elles trouvent leur parfaite adeacutequation linguistique et psychologique au risque drsquoeacuteluder parfois la question de la variabiliteacute des performances intrainter-sujets intrainter-tacircches et intrainter-langues
Les hypothegraveses explicatives issues des travaux des GRODZINSKY (la TDH voir au point 2326(b) p 41) srsquoinscrivent pour leur part explicitement dans le cadre de la grammaire geacuteneacuterative ougrave il convient drsquointerpreacuteter les processus psycholinguistiques en jeu suivant les principes de la grammaire universelle et suivant lrsquoideacutee qursquoun module syntaxique (le substrat biologique de la faculteacute de langage et de la compeacutetence) serait encapsuleacute dans lrsquoaire de Broca Drsquoailleurs KOLK (2007 100) exprime une certaine reacuteserve vis-agrave-vis de cette approche essentialiste car il faut laquo aller au-delagrave du niveau de repreacutesentation pour ecirctre en mesure drsquoexpliquer toute la variabiliteacute qursquoon peut observer chez les patients raquo Ce type drsquoapproche linguistique de lrsquoagrammatisme qui envisage lrsquoexistence drsquoune laquo compeacutetence raquo deacuteficitaire au sens chomskyen repose sur les postulats theacuteoriques et meacutethodologiques suivants
le locuteur est ideacuteal et sa laquo compeacutetence raquo lui permet de former des phrases grammaticales
la phrase postuleacutee par lrsquointuition linguistique est lrsquouniteacute conceptuelle drsquoanalyse linguistique de base
les notions de regravegles et de transformations permettent de modeacuteliser le fonctionnement intrinsegraveque drsquoun systegraveme linguistique
la primauteacute est donneacutee agrave lrsquointuition linguistique en vue de construire les corpus de phrases soumises agrave lrsquoanalyse structurale en arbre et en opeacuterant des transformations visant agrave induire les structures sous-jacentes de la langue et ses universaux
70 Variabiliteacute lieacutee aux modaliteacutes affecteacutees (compreacutehension etou expression) ainsi qursquoaux types et agrave la freacutequence des omissions etou substitutions de morphegravemes grammaticaux
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
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Crsquoest sur la base de ces postulats theacuteoriques que lrsquoagrammatisme est deacutecrit et interpreacuteteacute postulats qui mecircme lorsqursquoon srsquointeacuteresse agrave la performance non pathologique ne sont pas forceacutement adapteacutes
En effet sur ce point le propos de VILLIARD (1994 1979) qui deacutefend une interpreacutetation dynamique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme (plutocirct que structurale et repreacutesentationnelle) nous semble pertinent
laquo Alors que les principaux arguments deacuteveloppeacutes dans la theacuteorie de la compeacutetence concernent la logique formelle des systegravemes statiques sous-jacents aux activiteacutes cognitives linguistiques ceux qui sont invoqueacutes dans le cadre des eacutetudes de performance portent sur lrsquoefficaciteacute opeacuterationnelle des modegraveles theacuteoriques agrave rendre compte de maniegravere dynamique des donneacutees comportementales concregravetes raquo
PILLON (1987 336) pose le mecircme problegraveme en ces termes
laquo Le deacuteficit doit-il ecirctre interpreacuteteacute comme une alteacuteration de la seule performance ou bien plutocirct comme un deacuteficit plus geacuteneacuteral de la compeacutetence raquo
Partant de ces deux propos la question meacutetatheacuteorique fondamentale qui eacutemerge est la suivante doit-on envisager qursquoun modegravele abstrait de regravegles et de structures statiques censeacute fonder et traduire laquo la compeacutetence linguistique raquo puisse revecirctir quelque adeacutequation avec laquo un modegravele de la performance psycholinguistique raquo
Toutes les hypothegraveses explicatives fortement ancreacutees dans un modegravele linguistique de reacutefeacuterence et visant agrave expliquer la nature du dysfonctionnement sous-jacent allant de la phonologie agrave la syntaxe ont susciteacute une vive controverse Si controverseacutees puissent-elles paraicirctre elles ont le grand meacuterite de raviver le deacutebat autour de lrsquoagrammatisme et de lrsquoalimenter par de nouveaux questionnements et de nouvelles pistes de recherches
343 Lrsquoapproche proceacutedurale
Le deuxiegraveme type drsquoapproche de type proceacutedural (KOLK) vient relativiser le premier type drsquoapproche En effet drsquoapregraves lrsquoapproche proceacutedurale le deacuteficit srsquoexplique par un deacuteregraveglement des processus drsquoactivation de lrsquoinformation grammaticale lors de la formulation verbale reacutesultant de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle Crsquoest bien la performance qui est toucheacutee et non un niveau de repreacutesentation de la performance linguistique postuleacute et choisi drsquoapregraves une description statique des symptocircmes fondeacutee sur un modegravele de la phrase
Lrsquoapproche proceacutedurale a lrsquoavantage de faire la distinction entre les symptocircmes linguistiques refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent (les laquo vraies substitutions raquo) et les symptocircmes linguistiques refleacutetant les adaptations Cette approche srsquoinscrit dans une vision dynamique de la performance en ce sens qursquoelle permet drsquoen expliquer pour une grande part les variations
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
105
De plus le deacuteterminisme est indirect crsquoest-agrave-dire que les pheacutenomegravenes drsquoadaptation sont envisageacutes comme eacutetant la conseacutequence indirecte du dysfonctionnement sous-jacent En effet les deux approches srsquoopposent sur le type de deacuteterminisme envisageacute (voir NESPOULOUS 1990)
lrsquoapproche linguistique cherche agrave speacutecifier le deacuteterminisme direct responsable du trouble (voir au point preacuteceacutedent 342 p 102)
et lrsquoapproche proceacutedurale et la theacuteorie drsquoadaptation cherchent agrave montrer que lrsquoagrammatisme correspond agrave un ensemble de manifestations secondaires strateacutegiques qui seraient la conseacutequence drsquoun ou de plusieurs deacuteficit(s) sous-jacent(s) de nature proceacutedurale (et non structurale) Lrsquoapproche proceacutedurale permet drsquointeacutegrer les variations inter-tacircches comme eacuteleacutement central dans la deacutemarche interpreacutetative En effet une grande part des manifestations agrammatiques seraient en reacutealiteacute le reacutesultat drsquoadaptations et non le reflet direct du dysfonctionnement sous-jacent
Pour mettre en eacutevidence les strateacutegies drsquoadaptation les tacircches (surtout en production) sont plutocirct de type in vivo crsquoest-agrave-dire qursquoun grand degreacute de liberteacute est octroyeacute au sujet afin de le laisser recourir aux strateacutegies de formulation du message Drsquoautre part des tests de type in vitro sont adapteacutes agrave la mise en eacutevidence du dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural crsquoest-agrave-dire de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement
De plus le modegravele de LEVELT tout aussi modulaire mais plus increacutemental que le modegravele de GARRETT satisfait mieux agrave la recherche drsquoune adeacutequation psycholinguistique devant la variabiliteacute des performances linguistiques deacutecrites Crsquoest pourquoi la mise en eacutevidence des variabiliteacutes des symptocircmes linguistiques en quantiteacute et en qualiteacute notamment inter-tacircches prime sur la recherche drsquoinvariants
344 Notre position
Comme le souligne CAPLAN (1985 133) lrsquoagrammatisme ne peut srsquoexpliquer en termes de laquo perte de certains eacuteleacutements linguistiques crsquoest-agrave-dire en termes de perturbation de la compeacutetence raquo (au sens chomskyen) Selon lui les hypothegraveses limiteacutees agrave une description et une caracteacuterisation repreacutesentationnelle du trouble ne peuvent srsquoappliquer sans restriction aux faits suivants drsquoune part certains patients peuvent montrer de bonnes performances en compreacutehension et en jugement de grammaticaliteacute et drsquoautre part la variabiliteacute des performances est lrsquoeffet de contraintes situationnelles
Malgreacute cela il est toutefois opportun de chercher agrave identifier quelles sont les uniteacutes et structures linguistiques affecteacutees tout en tenant compte des aspects particuliers de la performance lieacutes aux meacutecanismes geacuteneacuteraux de traitement du langage tels que lrsquoimplication de la meacutemoire de travail par exemple
En reacutesumeacute une approche de la compeacutetence linguistique dans lrsquoagrammatisme fondeacutee sur une caracteacuterisation repreacutesentationnelle du trouble doit pouvoir aussi ecirctre relativiseacutee par les
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
106
donneacutees empiriques issues de la performance linguistique et srsquoexpliquer notamment par laquo une theacuteorie de la variabiliteacute raquo (CAPLAN 1985 134)
Ainsi les deux types drsquohypothegraveses les unes fondeacutees sur une description de la compeacutetence linguistique perturbeacutee et les autres srsquoattachant agrave deacutecrire les instabiliteacutes de la performance linguistique peuvent trouver un terrain drsquoentente et mecircme ecirctre compleacutementaires
Agrave lrsquoinstar de CAPLAN nous pensons que les deux types drsquoapproches de lrsquoagrammatisme linguistique et proceacutedurale srsquoopposent sur certains points de clivages mais gagnent tout de mecircme agrave ecirctre compleacutementaires
En effet un modegravele linguistique de base nous semble indispensable en vue de deacutecrire les symptocircmes linguistiques de surface et la nature preacutecise du niveau linguistique affecteacutee par le deacuteficit sous-jacent tel que le preacutevoit lrsquoapproche repreacutesentationnelle Mais le choix drsquoun tel modegravele theacuteorique doit se faire en tenant compte des variations de performances linguistiques Crsquoest pourquoi dans la perspective interdisciplinaire neuropsycholinguistique adopteacutee pour cette eacutetude notre deacutemarche de mise en eacutevidence des strateacutegies srsquoinscrit dans un cadre theacuteorique drsquoinspiration fonctionnaliste (voir au point suivant 345 p 107)
Ainsi la prise en compte des variations agrave deacutecrire en quantiteacute et en qualiteacute agrave travers des tacircches de production diffeacuterentes est fondamentale pour ce qui nous preacuteoccupe ici
Selon lrsquoapproche proceacutedurale notre objectif est de deacutecrire les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme en srsquoinscrivant dans une conception dynamique de lois de performances qui pourrait fournir un cadre descriptif des variations de symptocircmes drsquoadaptations en quantiteacute et en qualiteacute (voir au point 71 p 318)
Il faut selon nous aller au-delagrave drsquoune description du trouble limiteacutee agrave une caracteacuterisation de sa nature linguistique et aller au-delagrave drsquoun modegravele linguistique de la phrase pour aborder lrsquoagrammatisme du point de vue de ces manifestations adaptatives
Nous pensons que pour qursquoune hypothegravese explicative puisse satisfaire agrave lrsquoadeacutequation psychologique un modegravele linguistique devrait ecirctre choisi en fonction de certains principes directeurs qui reviennent agrave revoir la pertinence de la notion mecircme de laquo compeacutetence linguistique raquo71 comme paradigme theacuteorique dans le cadre de lrsquoeacutetude des pathologies du langage Nous insistons sur les principes directeurs suivants
il faut raisonner en termes de laquo variations linguistiques raquo et non en termes de laquo regravegles raquo
lrsquouniteacute drsquoanalyse est lrsquo laquo eacutenonceacute produit par un locuteur auditeur non ideacutealiseacute raquo et non la laquo phrase construite par un auditeur-locuteur ideacutealiseacute raquo
71 Ceci du fait probablement de lrsquoeacutemergence du paradigme theacuteorique geacuteneacuterativiste revendiquant sous forme de postulat de deacutepart une adeacutequation entre lrsquoanalyse structurale du langage pour deacutecrire la laquo compeacutetence raquo et lrsquoeacutevidence de lrsquoexistence de cette laquo compeacutetence raquo comme base des structures cognitives humaines deacutevolues au langage qui rend possible la geacuteneacuteration des phrases grammaticales nouvelles agrave partir drsquoun ensemble limiteacute de regravegles de transformations inteacuterioriseacutees (CHOMSKY 1965 1974)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
107
il convient drsquointeacutegrer les aspects psycho-cognitifs de la performance langagiegravere et la notion de laquo capaciteacutes linguistiques raquo en se deacutemarquant drsquoune vision statique de la laquo compeacutetence linguistique raquo
se meacutefier drsquoune vision isomorphique entre fonctionnement de la langue modeacuteliseacute par la theacuteorie linguistique et fonctionnement psycholinguistique modeacuteliseacute par la theacuteorie de la performance psycholinguistique
La dichotomie entre laquo compeacutetence linguistique raquo et laquo performance langagiegravere raquo nous semble assez reacuteductrice Il faut la compleacuteter par les notions de laquo capaciteacute raquo et de laquo processus de traitement raquo pour que les modegraveles linguistiques appliqueacutes agrave la performance verbale pathologique puissent revecirctir une adeacutequation psycholinguistique qui puisse mieux inteacutegrer lrsquointerpreacutetation des variabiliteacutes de performances72
Par contre en admettant que les processus impliqueacutes lors du deacutecodage de lrsquoinformation linguistique et lors du controcircle audio-phonatoire demeurent relativement opeacuterationnels on peut envisager que le patient agrammatique est en mesure de recourir agrave ses connaissances deacuteclaratives sur la langue pour comprendre ou mecircme produire une forme cible adeacutequate De ce point de vue il nous semble leacutegitime drsquoinvoquer le rocircle deacuteterminant de la compeacutetence linguistique dans les meacutecanismes de deacutetection de constructions agrammaticales
Rappelons pour finir que notre approche des strateacutegies dans lrsquoagrammatisme poursuit les orientations proposeacutees par KOLK et NESPOULOUS En effet pour KOLK (2006 237) les symptocircmes drsquoomissions ne reflegravetent pas le deacuteficit en tant que tel (la reacuteduction de la fenecirctre temporelle) mais reflegravetent lrsquoadaptation du patient agrave des capaciteacutes reacuteduites En drsquoautres termes formuleacutes par NESPOULOUS (1996) le deacuteficit sous-jacent est indirect et certaines manifestations de surface varieacutees (les symptocircmes drsquoadaptation ou palliatifs certaines substitutions) constituent des strateacutegies De plus selon NESPOULOUS une particulariteacute fondamentale de ces manifestations est leur caractegravere optionnel
345 Le fonctionnalisme
3451 Le paradigme fonctionnaliste
Quelle theacuteorie du langage inteacutegrerait les variations linguistiques comme indice valide des lois de performances et des strateacutegies caracteacuteristiques des conduites verbales agrammatiques
En accord avec la theacuteorie drsquoadaptation le paradigme fonctionnaliste73 nous semble adeacutequat DIK (1978 1997 [1989]) en reacutesume les postulats fondamentaux
72 Drsquoapregraves une communication personnelle de NESPOULOUS (2002) voir aussi SAHRAOUI (2003) 73 Voir notamment FRANCcedilOIS (2004)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
108
Les principaux postulats theacuteoriques de la Grammaire Fonctionnelle (GF74) sont les suivants
la langue est drsquoabord envisageacutee comme eacutetant un instrument drsquointeraction sociale entre ecirctres humains utiliseacutee dans le but drsquoeacutetablir une relation communicative entre les locuteurs drsquoune langue naturelle (Natural Language Users Speaker et Adressee)
la fonction laquo creacuteeacute la forme raquo en ce sens qursquoun organisme ici un systegraveme linguistique ajuste ses proprieacuteteacutes et leurs instanciations sous lrsquoeffet de certains facteurs (par exemple environnementaux psychologiques sociologiques)
la prioriteacute est donneacutee aux proprieacuteteacutes structurales et aux proprieacuteteacutes communicationnelles de la langue le fonctionnalisme est fondeacutee sur une approche de la langue en usage (usage-based approach) Du point de vue meacutethodologique cela implique drsquoeacutetudier des corpus de donneacutees verbales effectivement produites en situation attacheacutees agrave un contexte particulier
Le paradigme fonctionnel se distingue par de nombreux points de clivages meacutetatheacuteoriques du paradigme formel geacuteneacuteratif En effet pour les fonctionnalistes il srsquoagit de reacuteveacuteler la fonction instrumentale du langage dans lrsquointeraction sociale crsquoest-agrave-dire sa dimension fonctionnelle
Lrsquoeacutelaboration des outils conceptuels et analytiques de la GF procegravede des trois types drsquoadeacutequations revendiqueacutees suivantes
lrsquoadeacutequation pragmatique selon laquelle le langage utiliseacute en interaction nrsquoest pas deacutetacheacute de son substrat pragmatique crsquoest-agrave-dire qursquoil est deacutetermineacute par les paramegravetres drsquoune situation de communication
lrsquoadeacutequation psychologique selon laquelle le langage est deacutetermineacute par les capaciteacutes cognitives geacuteneacuterales deacutedieacutes agrave son encodage deacutecodage lors de la performance effective du locuteur (de ce point de vue un modegravele de la performance psycholinguistique tel que celui de LEVELT est utile)
lrsquoadeacutequation typologique selon laquelle le langage est deacutetermineacute par le principe drsquouniversaliteacute translinguistique ce qui permet drsquoappliquer les principes fonctionnels agrave la comparaison des langues et drsquoexpliquer ainsi les variations inter-langues
Lrsquoobjectif de la GF est de reconstruire une partie des capaciteacutes linguistiques du locuteur drsquoune langue naturelle (Natural Language User) qui nrsquoest pas ideacutealiseacute et qui est capable de produire et drsquointerpreacuteter correctement des expressions linguistiques dans un nombre eacuteleveacute de situations de communication cela en fonction du contexte extralinguistique (les paramegravetres de lrsquointeraction) du contexte cognitif (les connaissances sur la situation) et du contexte textuel (les expressions linguistiques utiliseacutees)
Le modegravele descriptif srsquoapplique agrave lrsquoeacutenonceacute et au-delagrave de ses frontiegraveres (au niveau discursif75 mono- ou dialogique le cas eacutecheacuteant) Il integravegre diffeacuterentes strates de repreacutesentation de 74 TFG (Theory of Functional Grammar)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
109
lrsquoeacutenonceacute auxquelles srsquoagregravegent des opeacuterateurs et satellites et ne comporte pas de transformations
Nous ne deacutecrirons pas en deacutetail le modegravele en strates ni les outils analytiques de la GF76 Ceux-ci ne seront pas convoqueacutes dans le cadre strict de cette eacutetude (crsquoest-agrave-dire en vue des analyses de corpus) Il nrsquoen demeure pas moins que nous sommes convaincue que les donneacutees verbales agrammatiques peuvent ecirctre analyseacutees sous lrsquoeacuteclairage de ce modegravele linguistique et que ses meacutethodes analytiques sont adapteacutees au type particulier de donneacutees verbales qursquoest le parler agrammatique
3452 Le fonctionnalisme cognitif Parmi les laquo orientations reacutecentes en grammaire fonctionnelle raquo (voir FRANCcedilOIS 1998b)77 celle de GIVOacuteN (1995 1998) avance que le langage srsquoinscrit dans le biologique laquo [lrsquo] approche [fonctionnaliste] est extrecircmement compatible avec la neuropsychologie cognitive qui srsquoinscrit depuis ses deacutebuts dans une approche plus fonctionnelle que structurale (1998 258) raquo
En effet il postule des correspondances entre lrsquoorganisation interne de la grammaire et le signal grammatical dans la performance effective des locuteurs Selon lui le langage humain assure deux fonctions principales laquo la repreacutesentation des connaissances raquo et la laquo communication des connaissances repreacutesenteacutees raquo 78 (GIVOacuteN 1998 257)
Pour assurer ses fonctions le codage de lrsquoinformation grammaticale srsquoaccomplit sur deux modes principaux postuleacutes dans lrsquoeacutevolution phylogeacuteneacutetique et ontogeacuteneacutetique (GIVOacuteN 1998 266)
drsquoune part le codage srsquoaccomplit sur le mode preacute-grammatical qui correspond agrave un stade initial de grammaticalisation
drsquoautre part le codage srsquoaccomplit sur le mode grammatical qui correspond agrave un stade final de grammaticalisation
Des proprieacuteteacutes structurelles fonctionnelles et cognitives caracteacuterisent chacun des deux modes de grammaticalisation
75 La GF connaicirct ses prolongements reacutecents dans le modegravele de la Theory of Functional Discourse Grammar (TFDG la Grammaire Fonctionnelle du Discours voir HENGEVELD et MACKENZIE 2006b) 76 Voir DIK(1989) et notamment FRANCcedilOIS et CORNISH (1995) 77 Dans ce recueil FRANCcedilOIS (1998 237) propose une grille de lecture du laquo qualificatif fonctionnel raquo agrave travers les dimensions seacutemiotique communicationnelle et cognitive Drsquoautre part les modegraveles explicatifs et descriptifs de la grammaire drsquoinspiration geacuteneacuterativiste formaliste fonctionnaliste et cognitive sont preacutesenteacutes en fonction de la prioriteacute donneacutee agrave telle ou telle dimension 78 Ceci nrsquoest pas sans rappeler les principes fondamentaux formuleacutes notamment par PIAGET agrave la base des theacuteories constructivistes et fonctionnalistes de la cognition selon lesquelles le langage est un laquo systegraveme symbolique raquo et un moyen de laquo communication de la penseacutee raquo (Le langage et la penseacutee chez lrsquoenfant 1923)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
110
Certaines des proprieacuteteacutes du mode de codage preacute-grammatical srsquoapparentent agrave celles de lrsquoagrammatisme (drsquoailleurs il est fait explicitement reacutefeacuterence agrave lrsquoagrammatisme pour illustrer le propos voir GIVOacuteN 1995 361-362 et p 404) telles que
au niveau structurel lrsquoabsence de morphologie grammaticale des structures syntaxiques simples ou coordonneacutees une organisation pragmatique de lrsquoordre des mots des pauses freacutequentes et longues
au niveau fonctionnel une vitesse de traitement ralentie un gros effort mental neacutecessaire des freacutequences drsquoerreurs eacuteleveacutees une grande deacutependance du codage par rapport au contexte
au niveau cognitif un mode de traitement de lrsquoinformation non automatiseacute un deacuteveloppement preacutecoce du mode preacute-grammatical dans lrsquoontogeacutenegravese et dans la phylogeacutenegravese
Ce mode de codage preacute-grammatical serait caracteacuteristique des pidgins du langage enfantin et de lrsquoaphasie agrammatique Rappelons que ce type drsquoanalogie a eacuteteacute eacutevoqueacute par ailleurs dans la litteacuterature en aphasiologie notamment par PICK (voir au point 241 p 58) en ce qui concerne les similitudes entre agrammatisme et laquo langues drsquourgence raquo (comme les pidgins) ou KOLK79 en ce qui concerne les similitudes entre les ellipses releveacutees dans lrsquoagrammatisme et dans le langage enfantin (voir au point 2433(c) p 67)
Ainsi selon GIVOacuteN (1998 266)
laquo Les enfants en peacuteriode drsquoapprentissage preacute-grammatical les locuteurs pidgins adultes et les aphasiques souffrant drsquoune perte du traitement grammatical comprennent et produisent tous un discours coheacuterent quoiqursquoavec une vitesse plus lente et avec un taux drsquoerreurs plus important que celui qui se manifeste dans des communications plus grammaticaliseacutees raquo
Cependant lrsquoaffirmation selon laquelle laquo dans la communication preacute-grammaticale (pidgin et aphasie de Broca) le code grammatical est absent raquo (1998 270) nous paraicirct discutable car quelque peu radicale En effet les mots grammaticaux ne sont pas complegravetement absents dans la performance agrammatique ce qui suggegravere qursquoil faudrait situer lrsquoagrammatisme sur un mode de codage de lrsquoinformation plutocirct intermeacutediaire entre les modes grammatical et preacute-grammatical tels qursquoil les a deacutefinis
Le paradigme fonctionnel et en particulier lrsquoapproche neuro-eacutevolutionnaire de GIVOacuteN preacutesente un inteacuterecirct tout particulier pour ce qui nous preacuteoccupe En effet la perspective qursquoil deacuteveloppe integravegre des donneacutees issues de la psycholinguistique expeacuterimentale et de la neuropsychologie
79 Pour aller au bout du raisonnement les ellipses grammaticales laquo normales raquo du langage adulte en conversation telles que deacutefinies par KOLK (voir au point 2433(c) p 67) constitueraient donc un mode preacute-grammatical de codage de lrsquoinformation
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
111
En somme lrsquoeacutetude des variations de la performance agrammatique du point de vue laquo des outils de codages du signal grammatical raquo (pour reprendre les termes de GIVOacuteN 1998 265 et dans notre cas la morphologie et la syntaxe) nous conduira agrave caracteacuteriser les strateacutegies drsquoadaptations deacuteployeacutees par le locuteur agrammatique
346 Une neuro-psycho-linguistique fonctionnelle et inteacutegrative pour lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme
Partant de lrsquoapproche multidisciplinaire et neurospycholinguistique deacutefendue par NESPOULOUS (voir NESPOULOUS 1994 318) il srsquoagit ici de preacutesenter la conception drsquoune neuropsycholinguistique laquo raisonneacutee raquo (crsquoest-agrave-dire fonctionnelle pour les raisons deacutejagrave eacutevoqueacutees) et laquo inteacutegreacutee raquo au service drsquoune description adeacutequate du comportement verbal agrammatique en particulier le versant des adaptations
Le terme neuropsycholinguistique srsquoest reacutepandu dans le champ de lrsquoeacutetude des pathologies du langage80 depuis une trentaine drsquoanneacutees Le projet de la neuropsycholinguistique est de modeacuteliser lrsquoorganisation et le fonctionnement du langage dans le cerveauesprit humain gracircce aux moyens theacuteoriques et meacutethodologiques mis agrave disposition par les disciplines aux larges interfaces que sont la neurolinguistique la psycholinguistique et la linguistique
La neurolinguistique cherche agrave construire lrsquoarchitecture fonctionnelle relative au substrat ceacutereacutebral et agrave la fonction langagiegravere dont il est la source biologique De ce fait lrsquoheacutemisphegravere gauche ou cerveau gauche laquo gestionnaire raquo de lrsquoactiviteacute de langage dans 95 des cas peut ecirctre envisageacute drsquoun point de vue pseudo-expeacuterimental dans le cas drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale focale
La psycholinguistique srsquoassigne comme mission de construire des modegraveles par une meacutethode et des outils expeacuterimentaux adapteacutes rendant compte des processus cognitifs impliqueacutes lors de tacircches langagiegraveres cibleacutees (en compreacutehensionproduction oraleeacutecrite) Dans sa dimension cognitive la psycholinguistique srsquointeacuteresse en particulier agrave lrsquoimplication des processus mneacutesiques attentionnels et perceptifs dans la production et la compreacutehension du langage
Un des buts de la linguistique ou des sciences du langage est de fournir une theacuteorie geacuteneacuterale du langage tout en construisant des outils conceptuels et analytiques permettant de rendre compte drsquoune description adeacutequate des faits de langue
Lrsquoarticulation entre ces trois vastes domaines la linguistique la psycholinguistique et la neurolinguistique preacutefigure la vision interdisciplinaire et surtout inteacutegrative preacuteconiseacutee ici pour une raison somme toute assez eacutevidente des concepts et outils issus de ces trois disciplines diffeacuterentes ont vocation agrave deacutecrire et expliquer les manifestations du langage
80 Voir NESPOULOUS (2004 2005) Drsquoautre part la neuropsycholinguistique peut aussi bien concerner les domaines de lrsquoacquisition du langage en langue maternelle et eacutetrangegravere du bilinguisme et de lrsquoattrition ou de lrsquoaphasie dans le cas du bilinguisme
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
112
VILLIARD et NESPOULOUS (1989 21) reacutesument le projet de la neuropsycholinguistique en ces termes
laquo La discipline carrefour qursquoest la neuropsycholinguistique propose notamment drsquoexploiter lrsquoobservation clinique des troubles pathologiques de la production et de la compreacutehension du langage tels qursquoils se manifestent chez les sujets aphasiques dans le but ultime de modeacuteliser le comportement langagier dans sa normaliteacute raquo
Cette posture theacuteorique et meacutethodologique offre lrsquoavantage de favoriser un ancrage fort dans les modegraveles et les outils drsquoanalyse eacuteprouveacutes agrave lrsquointeacuterieur de chaque domaine en sciences du langage mais aussi en psycholinguistique cognitive et en neurolinguistique
Scheacutema 7 Ellipses de NESPOULOUS Neuro-psycho-linguistique et paradigme theacuteorique fonctionnaliste
Ainsi la neurospycholinguistique permet drsquoarticuler des modegraveles explicatifs et descriptifs issus de la theacuteorie du langage avec des paradigmes theacuteoriques et meacutethodologiques issus de la psychologie et avec des modegraveles et des techniques drsquoinvestigation issus des neurosciences
NEURO-PSYCHOLINGUISTIQUE (objet drsquoeacutetude agrammatisme)
PSYCHO ndashLINGUISTIQUE (modegravele de la performance psycholinguistique agrave
lrsquooral des capaciteacutes langagiegraveres)
LINGUISTIQUE
(principes theacuteoriques de la grammaire fonctionnelle et du fonctionnalisme
cognitif)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
113
Selon NESPOULOUS la linguistique demeure une discipline qui a le pouvoir drsquoarticuler cette neacutecessaire interdisciplinariteacute (voir le Scheacutema 7 p 112)
Ces domaines constituent autant de piliers sur lesquels peut reposer une neuropsycholinguistique inteacutegrative81 telle que nous pouvons la concevoir dans une perspective fonctionnelle La permeacuteabiliteacute entre les diffeacuterents domaines disciplinaires que sont la linguistique la psycholinguistique et la neurolinguistique neacutecessite drsquoen deacutegager une articulation coheacuterente eu eacutegard notre objet drsquoeacutetude lrsquoagrammatisme et vis-agrave-vis des finaliteacutes afficheacutees par cette recherche qui consistent agrave mettre en eacutevidence lrsquoactualisation du potentiel adaptatif du locuteur agrave travers lrsquoeacutetude des strateacutegies Dans ces perspectives le paradigme theacuteorique fonctionnaliste nous semble fondamental
35 Conclusion
Pour conclure nous deacutefendons lrsquoideacutee que la caracteacuterisation de la nature linguistique du trouble agrammatique fondeacutee sur une description des pheacutenomegravenes et sur un modegravele linguistique de reacutefeacuterence doit pouvoir satisfaire agrave lrsquoadeacutequation psychologique et donc doit pourvoir se conjuguer agrave une caracteacuterisation laquo proceacutedurale raquo du dysfonctionnement sous-jacent eu eacutegard la variabiliteacute des performances
De ce point de vue le paradigme fonctionnaliste en particulier le fonctionnalisme cognitif peut reacutepondre de maniegravere satisfaisante agrave la recherche drsquoune adeacutequation psychologique dans le cadre de la theacuteorie drsquoadaptation
De plus il integravegre la notion de variations comme eacuteleacutement central de toute description et interpreacutetation des formes linguistiques En effet la caracteacuterisation des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme est fonctionnelle dans le sens ougrave elle srsquoappuie dans le cadre de cette eacutetude sur une analyse des variabiliteacutes inter-tacircches et sur une interpreacutetation de ces variabiliteacutes dans un cadre theacuteorique global ougrave le langage est drsquoabord envisageacute comme moyen de communiquer Ce qui est coheacuterent avec la notion de handicap verbal situeacute que nous avons deacutefinie au deacutebut de notre parcours agrave travers les travaux de PERRY et al (1997) ou NESPOULOUS et VIRBEL (2004) Cette notion est fondeacutee sur une approche des troubles neuropsychologiques relativiseacutee par les paramegravetres de lrsquoenvironnement (voir au point 114 p 21)
Ainsi il nous faut relativiser la symptomatologie agrammatique en tenant compte des variabiliteacutes inter-sujets inter-langues et inter-tacircches De plus les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme sont agrave caracteacuteriser sur le plan de la phrase et sur le plan du discours en quantiteacute et en qualiteacute
Les variabiliteacutes preacuteciteacutees sont de trois types
81 Sur ce point voir aussi SAHRAOUI (agrave paraicirctre)
PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique
114
elles sont situationnelles ou inter-tacircches (deacutependantes de degreacutes de contraintes de lrsquoactiviteacute langagiegravere en question)
elles sont cognitives individuelles ou inter-individus (deacutependantes de la seacuteveacuteriteacute du trouble de lrsquoeacutetat du locuteur)
elles sont linguistiques structurales ou inter-langues (deacutependantes des proprieacuteteacutes de la langue en question)
Nous nous inteacuteresserons de plus pregraves au premier type de variabiliteacute crsquoest-agrave-dire agrave la variabiliteacute inter-tacircches influenceacutee par des facteurs externes Dans notre protocole expeacuterimental les facteurs externes sont manipuleacutes agrave travers quatre tacircches de production orale
Ainsi la deuxiegraveme grande partie de ce meacutemoire srsquoattache agrave deacutecrire les principes fondamentaux du protocole expeacuterimental de collecte de donneacutees verbales (chapitre 4) ainsi que les diffeacuterentes eacutetapes de construction des corpus de leur transcription agrave leur preacute-traitement en vue de constituer un corpus de donneacutees exploitables (chapitre 5)
115
Partie II Meacutethodologie
116
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
117
4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)
40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale
401 Hypothegravese theacuteorique et opeacuteratoire
Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives ou compensatoires peut ecirctre eacutetayeacutee en mettant en eacutevidence certains comportements ou certaines variations de comportement selon le type de situation ougrave le locuteur est impliqueacute
Si la situation varie en termes de pressions externes exerceacutees sur la verbalisation les symptocircmes linguistiques refleacutetant des proceacutedures compensatoires ou des conduites strateacutegiques peuvent ecirctre mis en avant Les pressions exerceacutees peuvent ecirctre manipuleacutees en situations expeacuterimentales plus ou moins contraintes Pour ce faire nous proposons de mettre en place quatre situations expeacuterimentales ou pseudo-expeacuterimentales
Lrsquoobjectif de lrsquoeacutetude consiste agrave deacutecrire les effets drsquoune manipulation expeacuterimentale opeacutereacutee sur quatre tacircches calibreacutees (voir le Scheacutema 8 ci-apregraves p 118) Les variables deacutependantes concernent essentiellement la composante morpho-syntaxique du discours produit agrave lrsquooral
Lrsquoeacutetude de ces variables linguistiques en fonction des locuteurs et des tacircches a pour finaliteacute drsquoenvisager trois dimensions de la performance agrammatique qui nous semblent inextricablement lieacutees
(1) la dimension laquo deacuteficit incapaciteacute raquo refleacuteteacutee par des symptocircmes de perturbation crsquoest-agrave-dire pheacutenomegravenes patholinguistiques de non fluence verbale drsquoomissions ou de substitutions de morphegravemes de constructions inadeacutequates
(2) la dimension laquo capaciteacute preacuteserveacutee raquo refleacuteteacutee par des symptocircmes de formulation linguistique adeacutequate
(3) la dimension laquo adaptative raquo qui reacutesultent de lrsquointeraction des deux autres dimensions avec les contraintes de la situation refleacuteteacutee par la formulation de constructions originales ou alternatives
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
118
Pheacutenomegravenes drsquoadaptationSymptocircmes linguistiques compensatoireset principe des laquo lois de performances raquo
gt adaptations preacuteventives (style elliptique) et correctives selon KOLK
gt strateacutegies palliatives selon NESPOULOUS
Situations expeacuterimentales agrave degreacutes de contraintes variables deacutetermineacutes par
gt la preacutecision grammaticale induite (cible linguistique) par la preacutesence et la qualiteacute drsquoun stimulus
gt les contraintes externes consigne et limitation temporelle
4 tacircches de production
Systegraveme cognitif preacuteserveacute
Symptocircmes refleacutetant les capaciteacutes preacuteserveacutees
HANDICAP VERBAL SITUEacute
Systegraveme cognitif perturbeacute
Symptocircmes refleacutetant le deacuteficit lrsquoincapaciteacute
Pheacutenomegravenes drsquoadaptationSymptocircmes linguistiques compensatoireset principe des laquo lois de performances raquo
gt adaptations preacuteventives (style elliptique) et correctives selon KOLK
gt strateacutegies palliatives selon NESPOULOUS
Situations expeacuterimentales agrave degreacutes de contraintes variables deacutetermineacutes par
gt la preacutecision grammaticale induite (cible linguistique) par la preacutesence et la qualiteacute drsquoun stimulus
gt les contraintes externes consigne et limitation temporelle
4 tacircches de production
Systegraveme cognitif preacuteserveacute
Symptocircmes refleacutetant les capaciteacutes preacuteserveacutees
HANDICAP VERBAL SITUEacute
Systegraveme cognitif perturbeacute
Symptocircmes refleacutetant le deacuteficit lrsquoincapaciteacute
Scheacutema 8 Principes meacutethodologiques de mise en eacutevidence des pheacutenomegravenes drsquoadaptation
caracteacuterisation des variations inter-tacircches issues de lrsquointeraction entre incapaciteacutes drsquoencodage capaciteacutes drsquoencodage preacuteserveacutees et contraintes de la situation expeacuterimentale
Pour cette eacutetude une attention particuliegravere est porteacutee sur les capaciteacutes de structuration ou de complexification morphologique et syntaxique du discours agrave travers une description fine quantitative et qualitative des corpus collecteacutes Les variables deacutependantes srsquoarticulent autour des cateacutegories de variables CORPUS MORPH et SYNTAX qui reflegraveteront les diffeacuterents symptocircmes linguistiques observables en surface Relativement agrave ces trois grandes cateacutegories de variables les mesures appliqueacutees aux corpus sont preacutesenteacutees en deacutetail dans le chapitre 5
Au final lrsquoeacutetude des tendances inter-groupes inter-tacircches et inter-sujets selon les variables ainsi deacutefinies nous conduira agrave deacutegager les tendances notables crsquoest-agrave-dire les variations de comportement verbal des patientslocuteurs agrammatiques et controcircles (chapitre 6)
Mais avant drsquoen arriver lagrave il est neacutecessaire de preacutesenter les eacutetapes successives ayant abouti agrave la construction du corpus oral eacutetudieacute depuis la mise en place du protocole expeacuterimental tel qursquoil a eacuteteacute penseacute dans ses principes meacutethodologiques jusqursquoagrave la transcription et agrave la formalisation des observables Pour finir nous exposerons en deacutetail les preacute-traitements
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
119
appliqueacutes aux corpus oraux (notamment les principes drsquoidentification des particules de discours de segmentation des corpus de discours continu et drsquoextraction des observables laquo mots extraits raquo)
402 Position meacutethodologique
Dans le cas de lrsquoagrammatisme des tacircches de jugement de grammaticaliteacute ou de compleacutetion de phrase par un item grammatical par exemple permettent drsquoeacutevaluer les capaciteacutes de compreacutehension ou de production en ciblant preacuteciseacutement des variables drsquointeacuterecirct (deacutependantes) et en controcirclant certains paramegravetres (variables indeacutependantes)
Ce type de tacircche privileacutegie la mesure du temps de reacuteaction (le laps de temps se deacuteroulant entre la preacutesentation drsquoun stimulus et le moment de la reacuteponse qui peut aller de quelques millisecondes agrave plusieurs dizaines de secondes) ou la qualiteacute de la reacuteponse agrave la premiegravere tentative (correcte ou incorrecte)
La tendance dominante dans le domaine de la psycholinguistique cognitive actuelle revient agrave privileacutegier ce type de meacutethode expeacuterimentale ougrave un maximum de variables deacutependantes et indeacutependantes puissent ecirctre controcircleacutees
Dans le cas de tacircches in vitro (crsquoest-agrave-dire laquo tregraves controcircleacutees raquo) telles que celles que nous avons citeacutees ci-dessus les strateacutegies palliatives seraient pour le patient-locuteur agrammatique difficiles agrave mettre en place ou si elles lrsquoeacutetaient pourraient ecirctre coteacutees comme eacutetant des laquo erreurs raquo du fait de lrsquoeacutecart par rapport agrave la reacuteponse attendue
Pour nous lrsquointeacuterecirct de ces meacutethodes nrsquoest pas agrave remettre en question Dans notre cas agrave la diffeacuterence de ce type de protocole expeacuterimental laquo tregraves controcircleacute raquo nous privileacutegions une meacutethode expeacuterimentale laquo assouplie raquo ougrave une marge de manœuvre assez large est laisseacutee au locuteur eacutetant donneacute que notre but consiste agrave identifier les strateacutegies du patient-locuteur dans la communication
Cela implique donc de lui laisser une marge de liberteacute assez suffisante mais en mecircme temps de pouvoir controcircler le type de discours cible Ainsi notre protocole srsquoarticule autour de 4 tacircches diffeacuterentes de production orale82 Celles-ci ont eacuteteacute choisies et mises en perspective les unes par rapport aux autres suivant une gradation de contraintes externes appliqueacutees agrave chacune drsquoelle
tacircche 1 production de discours autobiographique spontaneacute (reacutecit de la maladie ou reacutecit drsquoun voyage)
tacircche 2 production de discours narratif continu (reacutecit de deux contes (a) Le Petit Chaperon Rouge et (b) Cendrillon)
tacircche 3 production de discours narratifdescriptif continu agrave partir drsquoune seacutequence de 4 images repreacutesentant une histoire avec un calembour
tacircche 4 production drsquoune seule phrase agrave partir drsquoune seule image repreacutesentant une action ou une scegravene avec des personnages dans une situation concregravete de la vie quotidienne
82 Les quatre types de tacircches sont codeacutees systeacutematiquement ainsi tacircche 1 tacircche 2 (a et b) tacircche 3 et tacircche 4
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Dans le point suivant nous deacutetaillons les principes meacutethodologiques qui sous-tendent les caracteacuteristiques des 4 tacircches preacuteciteacutees
403 Degreacutes de liberteacutecontraintes associeacutes aux tacircches
WILLEMS et RAUSH (1969 citeacutes par MYERS et HANSEN 2003 72) fournissent les repegraveres meacutethodologiques permettant de caracteacuteriser une tacircche suivant les degreacutes de contraintes externes (temps consigne) et internes (qualiteacute du stimulus) attacheacutes agrave un test Voyons cela en deacutetail
4031 Contraintes externes sujeacutetion des uniteacutes (temps et consigne)
Le degreacute de sujeacutetion des uniteacutes correspond aux conditions externes mises en place par lrsquoexpeacuterimentateur pour mener lrsquoactiviteacute crsquoest-agrave-dire aux contraintes externes agrave la tacircche (lrsquoaxe vertical de gauche dans le Tableau 4 p 122)
Les performances du locuteur sont influenceacutees par
le temps crsquoest-agrave-dire les limites temporelles imposeacutees (temps alloueacute pour avoir une reacuteponse apregraves la preacutesentation drsquoun stimulus) Dans notre protocole aucune limite temporelle nrsquoest imposeacutee
la consigne crsquoest-agrave-dire la proceacutedure agrave respecter en manipulant les stimuli ou en donnant la reacuteponse On aura par exemple une consigne du type Parlez-moi de ce qui vous est arriveacute pour la tacircche 1 ou Vous devez me dire preacuteciseacutement ce qui se passe sur cette image pour la tacircche 4
4032 Contraintes internes manipulation des anteacuteceacutedents (stimuli)
Le degreacute de manipulation des anteacuteceacutedents correspond aux conditions internes mises en place par lrsquoexpeacuterimentateur pour mener lrsquoactiviteacute crsquoest-agrave-dire les contraintes internes agrave la tacircche (cf lrsquoaxe horizontal de gauche dans le Tableau 4 p 122)
La tacircche de production est deacutetermineacutee notamment en fonction du type et de la maniegravere dont les stimuli sont utiliseacutes
En effet la preacutesence ou lrsquoabsence de stimulus ainsi que sa qualiteacute conditionnent la qualiteacute des donneacutees obtenues au final des genres discursifs plus ou moins controcircleacutes gracircce aux stimuli sont influenceacutes par les supports imageacutes
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Pour la tacircche 1 aucun anteacuteceacutedent ou stimuli construit au preacutealable auditif ou visuel nrsquoest utiliseacute car lrsquoactiviteacute langagiegravere repose sur une interaction tregraves spontaneacutee avec le participant
Suivant les possibiliteacutes du participant surtout pour les locuteurs aphasiques lrsquointeraction est plus ou moins guideacutee relanceacutee par des questions ponctueacutee par des phatiques des eacuteleacutements de neacutegociation du sens des propos aidant agrave confirmer ou mieux comprendre lrsquoinformation donneacutee
Pour les tacircches 2 3 et 4 les stimuli preacutesenteacutes sont des images Ils ont eacuteteacute construits en vue drsquoorienter la production sur un certain type de discours
Selon les tacircches les productions sont donc ancreacutees dans une situation plus ou moins naturelle ou construite artificielle
Dans le cas ougrave un stimulus est utiliseacute il lrsquoest de diffeacuterentes maniegraveres selon les tacircches concerneacutees
pour la tacircche 2 les images sont montreacutees au sujet puis enleveacutees ou laisseacutees si la narration est trop difficile
pour la tacircche 3 quatre images sont remises en ordre logique puis laisseacutees comme support pendant la production aussi longtemps que neacutecessaire
pour la tacircche 4 les images sont laisseacutees agrave la vue du sujet tant qursquoil en a besoin
404 Synthegravese les caracteacuteristiques des tacircches de production suivant les contraintes externes et internes
Le tableau ci-apregraves (Tableau 4 p 122) preacutesente les caracteacuteristiques des diffeacuterentes tacircches de production orale de maniegravere agrave donner une vue relative de leurs degreacutes de liberteacute suivant les contraintes internes et externes de chaque condition expeacuterimentale
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+ eacuteleveacute
Tacircche 4 (4-ELA) + +
Structures syntaxiques cibles Stimuli 60 images
drsquoactionsscegravenes varieacutees
= moyen
Tacircche 2 (a) (b) = =
Narration de contes connusStimuli planches drsquoimages
regardeacutees puis retireacutees
Tacircche 3 (3-MJ) = +
Narration drsquohistoires ineacutedites Stimuli 4 images styliseacutees (12
seacutequences)
- faible
Tacircche 1 - -
Reacutecit de la maladie Pas de stimulus
laquo D
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laquo Degreacute de manipulation des anteacuteceacutedents raquo contraintes internes agrave la tacircche
QUALITEacute et UTILISATION DU STIMULUS
Tableau 4 Principes caracteacuterisant les degreacutes de contraintes associeacutes agrave chaque tacircche de production
La collecte de donneacutees patholinguistiques et controcircles srsquoappuie sur ces principes basiques de manipulation des conditions expeacuterimentales en vue de mener une observation de comportement
Pour la tacircche 1 la production de discours attendue est tregraves libre relativement aux autres tacircches car les degreacutes de sujeacutetion des uniteacutes et de manipulation des anteacuteceacutedents sont tregraves faibles (signes laquo - - raquo)
Pour la tacircche 2 les degreacutes sont moyens (signes laquo = = raquo) car il srsquoagit de discours narratif plus cibleacute sur un contenu particulier mais assez libre car il ne deacutepend pas de la preacutesence de stimuli visuels (ils sont retireacutes)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
123
Ensuite pour la tacircche 3 le fait de srsquoappuyer encore plus sur un stimulus imageacute rend la tacircche plus contraignante en particulier agrave cause drsquoun degreacute de contrainte suppleacutementaire impliquant la preacutesence des stimuli (signes laquo = + raquo les stimuli sont laisseacutes)
Enfin pour la tacircche 4 les degreacutes de contraintes externes et internes agrave la tacircches sont les plus forts relativement aux autres tacircches car chaque structure attendue est preacuteciseacutement controcircleacutee par un stimulus bien deacutetermineacute (signes laquo + + raquo)
Toutes ces situations de production visent agrave ecirctre expeacuterimentalement et eacutecologiquement valides
Agrave travers ces 4 tacircches mises en perspectives les unes par rapport aux autres nous espeacuterons ainsi avoir trouveacute un laquo juste milieu raquo entre une meacutethode plutocirct expeacuterimentale du domaine de la psycholinguistique et une meacutethode plutocirct eacutecologique qui serait caracteacuteristique de la linguistique de lrsquooral
Sur ces aspects meacutethodologiques lieacutes agrave la collecte de donneacutees verbales NESPOULOUS (1989 253) explique
laquo [Il est possible de se placer] agrave mi-chemin [hellip] entre lrsquoobservation laquo in vitro raquo expeacuterimentale - qui gagne en rigueur ce qursquoelle perd en naturel ndash et lrsquoobservation laquo in vivo raquo ou laquo eacutecologique raquo - qui perd en rigueur ce qursquoelle gagne en naturel raquo
La laquo rigueur raquo agrave laquelle NESPOULOUS fait reacutefeacuterence est celle du controcircle des paramegravetres de la situation expeacuterimentale (crsquoest-agrave-dire des conditions de la passation ou variables indeacutependantes)
En effet tout au long de notre reacuteflexion sur les aspects meacutethodologiques de cette eacutetude nous eacutetions consciente qursquoune tacircche de production de discours spontaneacute implique un tregraves grand nombre de facteurs non controcircleacutes par lrsquoexpeacuterimentateur
Agrave lrsquoopposeacute des tacircches tregraves contraignantes comme la production de phrases isoleacutees impliquent de controcircler lrsquoeacutenonceacute cible attendu
Agrave lrsquoinstar de NESPOULOUS on peut donc opposer la laquo rigueur expeacuterimentale raquo drsquoune tacircche ougrave les paramegravetres ou variables indeacutependantes sont tregraves controcircleacutees au caractegravere laquo naturel eacutecologique raquo drsquoune autre tacircche de production libre
Nous souhaitons toutefois preacuteciser deux choses qursquoil faut garder agrave lrsquoesprit
le laquo manque de rigueur raquo de lrsquoobservation in vivo nrsquoimplique pas du tout un laquo manque de rigueur raquo des analyses qui en deacutecoulent Les analyses de corpus fines et cibleacutees sur des variables linguistiques les mieux deacutefinies possibles mecircme lorsqursquoil srsquoagit drsquoanalyser du discours tregraves spontaneacute en sont la preuve (voir les chapitres 5 et 6)
une situation mecircme tregraves eacutecologique demeure toujours en quelque sorte une situation expeacuterimentale du fait mecircme qursquoun comportement est observeacute dans cette situation83
83 Communication personnelle de DUVIGNAU (2006)
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41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale
Pour toutes les tacircches les questions trop preacutecises sont eacuteviteacutees par lrsquoexpeacuterimentatrice afin de favoriser le plus possible la production de discours continu de type monologique malgreacute la situation dialogique
Ainsi le but est drsquoamener le participant agrave eacutelaborer son discours le plus possible en eacutevitant ainsi la production de reacuteponses trop succinctes Cette maniegravere de mener les entretiens est plus caracteacuteristique des entretiens reacutealiseacutes avec des participants agrammatiques que controcircles Mais dans tous les cas nous nous sommes appliqueacutee agrave relancer la production par des questions geacuteneacuterales telles que
Racontez-moi
Qursquoest-ce qui se passe Qursquoest-ce qui srsquoest passeacute ensuite
Comment ccedila se passe Comment ccedila srsquoest passeacute racontez-moi en deacutetail
Expliquez-moi je nrsquoai pas compris
Dans certains cas si les explications ou reformulations ne suffisent pas pour lever une ambiguumliteacute difficile agrave reacutesoudre ou une incompreacutehension le recours agrave lrsquoeacutecrit peut ecirctre une bonne solution
Pour toutes les tacircches nous preacutesentons en Annexe E-399-414 les stimuli utiliseacutes et le cas eacutecheacuteant les structures cibles attendues (en production de phrases isoleacutees tacircche 4 Annexe E-404) ainsi que les consignes et proceacutedures associeacutees telles que nous les avons consigneacutees dans le formulaire drsquoexamen
411 Tacircche 1 Production orale de discours continu spontaneacute autobiographique (reacutecit de la maladie de voyage)
4111 Objectif
Avant toute chose un questionnaire drsquoentreacutee est proposeacute au participant (voir en Annexe A-381) Lrsquoobjectif de ce questionnaire est de collecter des informations geacuteneacuterales sur le participant La soumission du questionnaire (agrave lrsquooral) est enregistreacutee Ce premier entretien est une bonne solution pour mieux connaicirctre le participant et lrsquohabituer agrave lrsquoideacutee que sa parole est enregistreacutee Ensuite lors drsquoun nouvel entretien le protocole de collecte de donneacutees verbales peut commencer La premiegravere tacircche consiste agrave demander au participant de faire le reacutecit de lrsquohistoire de sa maladie
Les donneacutees verbales collecteacutees pour cette premiegravere tacircche sont les plus spontaneacutees Lrsquoentretien est semi-guideacute et tregraves ouvert Les questions poseacutees aux locuteurs agrammatiques et controcircles portent sur des aspects tregraves personnels de leur vie
Lrsquoobjectif est drsquoobtenir un corpus de discours continu autobiographique
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4112 Proceacutedure
Les entretiens avec les patients agrammatiques durent assez longtemps en geacuteneacuteral jusqursquoagrave une ou deux heures
En geacuteneacuteral les participants agrammatiques acceptent volontiers de raconter lrsquohistoire de leur aphasie Le thegraveme de la discussion est tregraves bien circonscrit dans un premier temps et motive lrsquoemploi du monologue mais il srsquoouvre facilement sur drsquoautres aspects de la vie personnelle du locuteur comme les vacances la vie professionnelle la famille
Avec les participants aphasiques lrsquoentretien autour de la maladie se transforme souvent en discussion agrave bacirctons rompus Cela permet de revenir sur des aspects autobiographiques et ainsi de mieux connaicirctre la personne et son veacutecu
Au final gracircce agrave ces connaissances sur la personnaliteacute et drsquoautres aspects de la vie du patient il est beaucoup plus facile drsquoinduire le contenu de certains propos
412 Tacircche 2 Production orale de discours continu narratif (Le Petit Chaperon Rouge et Cendrillon)
4121 Objectif
Le participant raconte les histoires du Petit Chaperon Rouge et de Cendrillon telles qursquoil les connaicirct
Ce type de tacircche est classiquement utiliseacute dans la litteacuterature en aphasiologie En effet elle preacutesente le grand avantage de motiver un discours plutocirct spontaneacute tout en ayant une ideacutee preacutecise de ce que veut dire le participant On srsquoappuie ainsi sur la meacutemoire collective des contes de lrsquoenfance tregraves communeacutement partageacutee
Lrsquoobjectif est de collecter un corpus de discours continu narratif peu influenceacute par les stimuli imageacutes qui ont eacuteteacute montreacutes avant la narration puis retireacutes
Pour cette tacircche de production (tacircche 2) le type de discours collecteacute est plus contraint que celui qui est obtenu dans la tacircche 1 du fait de la consigne et de lrsquoutilisation mecircme partielle des images
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4122 Mateacuteriel et proceacutedure
(a) Mateacuteriel
Les planches drsquoimages que nous avons utiliseacutees pour cette tacircche figurent en Annexe E-400-401 Le petit format des vignettes et le style de dessin nrsquoest pas propice agrave une description tregraves deacutetailleacute Certains deacutetails sont mecircmes difficilement visibles
(hellip)
Illustration 1 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(a) production de discours continu (conte du Petit Chaperon Rouge Imageries drsquoEpinal)
(hellip)
Illustration 2 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(b) production de discours continu (conte de Cendrillon Imageries drsquoEpinal)
(b) Proceacutedure
Les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice se limitent agrave la consigne et agrave quelques questions geacuteneacuterales pour relancer le discours Lorsque des propos de lrsquoexpeacuterimentatrice tiennent lieu de
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facilitations pour laquo deacutebloquer raquo ou faire avancer le reacutecit et sont repris par le participant nous prenons bien soin de les distinguer de ce qui a eacuteteacute formuleacute sans assistance directe
Ainsi les analyses de la performance agrammatique a posteriori sont autant que faire se peut le moins biaiseacutees possible par les propos de lrsquoexpeacuterimentatrice
Les planches drsquoimages sont laisseacutees au participant le temps neacutecessaire afin qursquoil puisse se remeacutemorer la structure narrative du conte Puis il se lance une fois qursquoil se sent precirct agrave raconter et les images sont retireacutees Si agrave un moment donneacute du reacutecit il ne se souvient plus de se qui se passe ou mecircme agrave sa demande explicite il peut revoir les images
Cette proceacutedure de passation nrsquoa pas eacuteteacute rigoureusement suivie pour lrsquoun des participants agrammatiques qui eacuteprouvait un reacuteel besoin des images en guise de support de son reacutecit Nous avons fait une exception pour BR_agr84 qui avait en effet besoin drsquoavoir les planches drsquoimages constamment sous les yeux pour mener le reacutecit agrave son terme
413 Tacircche 3 Production orale de discours continu narratifdescriptif agrave partir drsquoune seacutequence drsquoimages (Maicirctre Jacot)
4131 Objectif
Comme pour les 2 premiegraveres tacircches de production lrsquoobjectif est de collecter du discours continu Cependant pour cette tacircche lrsquoideacutee est de contraindre un peu plus la production par rapport aux tacircches 1 et 2 par la preacutesence constante de stimuli imageacutes En conseacutequence leur preacutesence a plus drsquoinfluence sur la preacutecision grammaticale du discours agrave produire des points de vue morpho-lexical et syntaxique
En effet les eacutevegravenements repreacutesenteacutes sur les images (voir p 128) respectent une suite logique et les personnages et les objets autour desquels srsquoarticulent les histoires sont tregraves speacutecifiques
Par rapport aux deux premiegraveres tacircches la tacircche de production de discours continu agrave partir drsquoimages (tacircche 3) ne laisse pas autant de marge de manœuvre au participant
Lrsquoobjectif est drsquoobtenir un discours continu narratif drsquoapregraves un set de quatre images styliseacutees tout en augmentant par rapport aux deux autres premiegraveres tacircches la preacutecision grammaticale viseacutee en lien avec les deacutetails de lrsquohistoire agrave raconter
84 Alors que sa profession eacutetait instituteur et qursquoil connaissait donc parfaitement les contes
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4132 Mateacuteriel et proceacutedure
(a) Mateacuteriel
Chaque histoire met en scegravene des personnages varieacutes dont un personnage et son chien qui sont les heacuteros des histoires85 Le dessin (PRESS 1998) est suffisamment styliseacute pour eacuteviter toute ambiguiumlteacute
Le participant reconstitue le cours des eacutevegravenements et la subtiliteacute humoristique de leur enchaicircnement en remettant les images suivant un ordre logique Chaque histoire se termine par un calembour
De plus les images ont eacuteteacute suffisamment preacutealablement testeacutees aupregraves de locuteurs divers et mecircme de personnes aphasiques pour veacuterifier leur adeacutequation au type de discours rechercheacute (discours continu narratif descriptif) Par ailleurs nous avons choisi cette batterie drsquohistoires et drsquoimages car elles ne sont pas infantilisantes
La progression de lrsquohistoire respecte ce scheacutema narratif geacuteneacuteral
(1) premiegravere image situation initiale
(2) deuxiegraveme image action 1 (complication 1)
(3) troisiegraveme image prolongement de lrsquoaction 1 ou action 2 (complication 2)
(4) quatriegraveme image calembour et situation finale
En voici un exemple
3-MJ09 - la banane et le singe86
1 2 3 4
Illustration 3 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 3 production de discours continu
85 Les sept planches des histoires de Maicirctre Jacot qui ont eacuteteacute retenues pour la collecte de donneacutees dans le cadre de cette eacutetude figurent en Annexe E-402 86 La taille reacuteelle des images est de 9 X 9 cm
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(b) Proceacutedure
Agrave tous les participants les douze histoires sont donneacutees dans le mecircme ordre (voir le Tableau 5 ci-dessous)
Pour chaque histoire les quatre images sont donneacutees au participant en deacutesordre Il prend soin de mettre en ordre les images en les agenccedilant suivant la logique coheacuterente de lrsquoenchaicircnement des eacuteveacutenements
Une fois que la seacutequence drsquoimages a eacuteteacute mise en ordre lrsquoexpeacuterimentatrice veacuterifie lrsquoexactitude de lrsquoagencement Si une erreur est constateacutee on demande au participant de corriger cette erreur en replaccedilant correctement les images dans un autre ordre Une fois que lrsquoerreur ou lrsquoambiguumliteacute de lrsquohistoire est reacutesolue le participant raconte lrsquohistoire quand il est precirct
Cette proceacutedure preacutesente cet avantage lrsquoexpeacuterimentatrice est sucircre que le participant a bien compris lrsquohistoire avant de la raconter En cas drsquoerreur le fait de dire au participant que lrsquoordre nrsquoest pas juste et de lui demander de corriger son erreur lrsquoamegravene agrave mieux comprendre lrsquohistoire et la subtiliteacute du calembour
Comme pour les autres tacircches aucune contrainte temporelle nrsquoest imposeacutee au participant Les images sont laisseacutees le temps neacutecessaire agrave la narration
Les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice sont les plus limiteacutees possibles Cependant ce nrsquoest qursquoau cas ougrave la deacutetresse verbale met la production en eacutechec que lrsquoexpeacuterimentatrice apporte un eacuteleacutement facilitateur Aussi rien nrsquoempecircche de revenir avec les locuteurs agrammatiques en particulier sur les structures qui eacutetaient difficiles agrave formuler apregraves la narration
(c) Seacutelection de 7 des 12 histoires
Parmi les douze histoires que nous avons proposeacutees aux participants sept ont eacuteteacute retenues pour les transcriptions et analyses quantitatives ulteacuterieures (voir le Tableau 5 ci-dessous et en Annexe E-402)
Codes 12 Histoires raconteacutees et enregistreacutees 7 Histoires retenues en vue des analyses 3-MJ01 le pommier du voisin 01retenue 3-MJ02 le timbre et le chien 3-MJ03 le verglas et la banane 03retenue 3-MJ04 la pantoufle et le chien 3-MJ05 la deacutemonstration de boomerang 05retenue 3-MJ06 le chien et le fauteuil 06retenue 3-MJ07 le chien le chat et le journal 07retenue 3-MJ08 scier deux arbres 08retenue 3-MJ09 la banane et le singe 09retenue 3-MJ10 le chacircteau de cartes 3-MJ11 le ballon et le cactus 3-MJ12 photographier un bouc
Tableau 5 Seacutequences drsquohistoires de Maicirctre Jacot retenues (7 sur 12) pour les analyses quantitatives tacircche 3 de production de discours continu
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En effet dans le strict cadre de ce travail de thegravese nous avons deacutecideacute de ne pas analyser la totaliteacute des donneacutees collecteacutees pour cette tacircche en ne retenant que sept des douze histoires raconteacutees Ceci pour les raisons suivantes
des difficulteacutes drsquoordre pratique le temps consacreacute agrave la transcription et la mise en forme des donneacutees est extrecircmement long (environ 1 heure de travail de transcription est neacutecessaire pour 5 mn drsquoenregistrement)
certaines histoires nrsquoont pas eacuteteacute retenues car elles ont poseacute des problegravemes divers chez certains locuteurs aphasiques ou controcircles (incompreacutehension de la suite logique des eacuteveacutenements et erreurs sur la narration des eacuteveacutenements)
sur les douze histoires raconteacutees la quantiteacute de donneacutees verbales collecteacutees pour les sept histoires seacutelectionneacutees nous semble largement suffire
414 Tacircche 4 Production orale de phrases agrave partir drsquoimages
4141 Objectif
Parmi les tacircches de production proposeacutees la tacircche 4 est la seule dont le discours cible nrsquoest pas continu Il srsquoagit de faire produire des phrases isoleacutees dont la structure est attendue du fait de la preacutesentation drsquoun stimulus imageacute tout en laissant un certain degreacute de liberteacute au locuteur dans sa formulation Les structures cibles sont tregraves controcircleacutees des points de vue morpho-lexical et syntaxique mais les locuteurs ont quand mecircme le libre choix de leur production dans une certaine mesure La tacircche de production de phrases isoleacutees est toutefois la tacircche de production ougrave les stimuli contraignent le plus fortement la preacutecision grammaticale viseacutee lors de la formulation
Les corpus obtenus aupregraves du groupe controcircle nous servent de reacutefeacuterence linguistique globale par rapport agrave laquelle les corpus agrammatiques peuvent ecirctre compareacutes
4142 Mateacuteriel et proceacutedure
(a) Mateacuteriel
Nous utilisons une batterie drsquoimages intituleacutee Everyday Life Activities (deacutesormais ELA STARK 1992) qui a eacuteteacute conccedilue pour la reacuteeacuteducation du langage ou pour lrsquoeacutelaboration de tests psycholinguistiques (de compreacutehension syntaxique ou lexicale de deacutenomination de production de phrases ou de discours continu spontaneacute etchellip)
Chaque image preacutesente un personnage en situation et accomplissant une action Ces situations agrave caractegravere simple et familier impliquent des scegravenes de la vie quotidienne
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Les images retenues pour le test figurent en Annexe F-404-41487 En voici un exemple
Lrsquoenfant se mouche
Illustration 4 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 4 production de phrases isoleacutees
(b) Calibrage du test aupregraves de dix locuteurs tout-venant
Lors drsquoune phase de preacute-tests nous avons collecteacute les productions de dix locuteurs tout-venant drsquoapregraves 116 images
Une fois les phrases transcrites nous avons identifieacute les phrases pour lesquelles la structuration eacutetait identique ou tregraves proche du point de vue formel au niveau du lexique et de la syntaxe Pour chaque image preacute-testeacutee au moins 8 structures produites sur les 10 produites par les locuteurs tout-venant devaient respecter au moins 3 des 4 critegraveres fixeacutes ci-apregraves par ordre drsquoimportance
critegravere 1 identiteacute des situations ou des actions associeacutees agrave lrsquoimage
critegravere 2 identiteacute des procegraves exprimeacutes par le verbe identiteacute des verbes utiliseacutes verbes synonymes ou tregraves proches seacutemantiquement
critegravere 3 preacutesence du nombre minimal drsquoarguments obligatoires de la matrice syntaxique (Sujet Objet)
critegravere 4 place adeacutequate des rocircles theacutematiques dans la matrice syntaxique (Agent Patient)
Les images pour lesquelles au moins 8 structures produites ne respectent pas au moins 3 critegraveres sur 4 ont eacuteteacute exclues du test final Au final 60 structures cibles associeacutees agrave des images ont ainsi eacuteteacute retenues en vue de la passation du protocole
87 Leur taille reacuteelle est de 15 X 10 cm
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132
(c) Structures cibles plausibles
Les constructions cibles retenues pour la tacircche 4 impliquent des structurations syntaxiques varieacutees Selon les cas les phrases impliquent des tournures agrave verbe copule agrave verbe intransitif ou transitif agrave 1 2 ou 3 arguments obligatoires et sont reacuteversibles ou irreacuteversibles selon les cas
Nous rappelons encore ici que les locuteurs choisissent librement les structures agrave formuler en respectant au mieux la consigne qui consiste agrave expliciter avec preacutecision ce qui se passe sur lrsquoimage
Pour une mecircme image plusieurs structures demeurent plausibles Cet aspect est illustreacute par les exemples ci-dessous (Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)Tableau 6) Agrave chaque stimulus imageacute correspondent plusieurs formulations plausibles varieacutees
Ndeg du stimulus Phrases plausibles 0050 le pegravere est malade
le pegravere a de la fiegravevre 0387 le pegravere boit du vin
lrsquohomme goucircte un verre de vin blanc 0494 le pegravere sort le linge du lave-linge
le pegravere enlegraveve le linge de la machine agrave laver le pegravere met le linge dans la machine agrave laver lrsquohomme vide la machine agrave laver lrsquohomme remplit le lave-linge le pegravere fait une lessive
0902 la dentiste soigne les dents de lrsquoenfant le fils est chez le dentiste
Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)
Les diffeacuterences entre les structures produites par les locuteurs tout-venant peuvent ainsi concerner
(a) le lexique
(b) le type de verbe employeacute selon qursquoil soit transitif intransitif agrave 1 2 ou 3 arguments
(c) la structure syntaxique le nombre drsquoarguments employeacutes leur caractegravere facultatif ou obligatoire
Nous ne pouvons donc pas fournir de structures ou phrases cibles qui correspondent de maniegravere immuable agrave chaque stimulus mecircme si les variations entre formulations de locuteurs tout-venant diffeacuterents sont somme toute tregraves minimes Par conseacutequent nous preacutefeacuterons fournir une base de structures cibles plausibles non exhaustive (pour les deacutetails concernant les stimuli les structures plausibles les structures preacutedicatives et les structures syntaxiques attendues voir en Annexes F-404-417)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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De plus comme pour les autres tacircches de production les donneacutees verbales controcircles constituent un reacutefeacuterentiel linguistique avec lequel il est possible de comparer les performances agrammatiques
Un eacutechantillon de ce corpus de reacutefeacuterence construit drsquoapregraves les productions de 3 des 9 participants controcircles est fourni en Annexe I-646-648 I-658-660 et I-671-673
(d) Proceacutedure
Les images sont preacutesenteacutees dans un ordre aleacuteatoire qui est identique agrave toutes les passations
Drsquoabord on preacutesente les personnages qui sont les membres drsquoune famille que lrsquoon peut deacutenommer ainsi lrsquoenfant le garccedilon le fils le fregravere la fille la jeune fille la sœur la dame la femme la megravere la maman lrsquohomme le pegravere le papa La deacutenomination lexicale est libre
Avant de commencer le test en lui-mecircme il convient de bien faire comprendre la consigne par un entraicircnement sur une dizaine drsquoimages La consigne agrave respecter consiste agrave expliciter preacuteciseacutement ce qui se passe sur lrsquoimage qui fait quoi sur lrsquoimage et eacuteventuellement qui fait quoi agrave qui Si la phrase produite ne nous semble pas assez preacutecise on demande au participant de reformuler en eacutetant plus preacutecis
Une fois que la consigne est bien comprise et apregraves un entraicircnement les images du test sont preacutesenteacutees au participant
Comme pour la tacircche 3 les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice doivent ecirctre limiteacutees au possible (Comment diriez-vous autrement Pouvez-vous proposer autre chose )
Aucune contrainte temporelle nrsquoest imposeacutee Le participant agrammatique peut reformuler sa production autant de fois qursquoil le juge neacutecessaire
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain
421 Recherche de patients agrammatiques
4211 Difficulteacutes lieacutees au terrain et au mode de prise en charge
Lrsquoaccegraves aux donneacutees sur le terrain a poseacute des problegravemes drsquoordre pratique surtout en raison de la rareteacute de ce type de trouble En effet lrsquoaccegraves aux donneacutees neacutecessite forceacutement la mise en place drsquoun reacuteseau de personnes et drsquoacteurs du champ de lrsquoaphasiologie ce qui peut demander beaucoup de temps
Plusieurs facteurs nous ont sembleacute deacuteterminants pour reacutesoudre ou du moins pallier les difficulteacutes drsquoaccegraves au terrain
le fait drsquooccuper une place privileacutegieacutee sur le terrain (crsquoest-agrave-dire avoir une laquo entreacutee raquo) en tant qursquoorthophoniste ou en relation eacutetroite avec des orthophonistes inteacuteresseacutes par la recherche (crsquoest la position ideacuteale)
le fait de favoriser les relations constantes et peacuterennes entre chercheurs et praticiens pour former un reacuteseau inteacutegreacute
le fait de deacutecloisonner les disciplines et drsquoaccorder des moyens favorisant les rapprochements entre la recherche clinique (neuropsychologie) le contexte theacuterapeutique de prise en charge des patients (la reacuteeacuteducation fonctionnelle lrsquoorthophonie) et la recherche en sciences humaines (sciences du langage et psycholinguistique)
Ces facteurs deacuteterminants ne sont pas toujours opeacuterationnels Cela deacutepend de nombreuses circonstances non controcirclables De ce fait la recherche de donneacutees peut srsquoaveacuterer peu aiseacutee
Par ailleurs drsquoautres difficulteacutes notables lieacutees agrave lrsquoaccegraves aux donneacutees incombent au degreacute et au temps de prise en charge theacuterapeutique des patients En effet ceux-ci quittent lrsquohocircpital degraves qursquoils en sont jugeacutes aptes sur le plan moteur (parfois tregraves vite) Ensuite la prise en charge theacuterapeutique se fait agrave domicile ou au cabinet drsquoun orthophoniste pour ce qui concerne la theacuterapie du langage Aussi agrave moins de faire preuve drsquoune reacuteelle motivation pour ecirctre suivie pendant plusieurs anneacutees en reacuteeacuteducation la personne aphasique ne voit pas forceacutement de theacuterapeute si une stagnation est constateacutee apregraves un certain laps de temps88
88 Drsquoapregraves notre propre constat durant trois anneacutees de terrain en France Mais nous avons pu rencontrer des personnes tregraves motiveacutees qui mecircme apregraves quatre ou cinq ans continuaient agrave voir deux ou trois orthophonistes par semaine
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4212 Difficulteacutes lieacutees agrave la rareteacute du trouble
Aussi le caractegravere tregraves eacutevolutif de ce type drsquoaphasie avec une stabilisation habituelle allant de un agrave cinq ans apregraves deacutemutisation89 nrsquoa pas faciliteacute la recherche de patients agrammatiques En effet les aphasies avec leacutesions focales dans lrsquoheacutemisphegravere gauche entraicircnant un agrammatisme caracteacuteristique sont reacuteputeacutees tregraves rares90
Dans notre deacutemarche de recherche de sujets agrammatiques les difficulteacutes que nous avons rencontreacutees eacutetaient lieacutees principalement agrave la rareteacute de cette pathologie
Aussi la deacutefinition de ce syndrome semble quelque peu flottante dans les institutions de soins ou de formation agrave la reacuteeacuteducation du langage et la communauteacute theacuterapeutique On a geacuteneacuteralement recours aux classifications classiquement eacutetablies pour distinguer les grandes formes drsquoaphasies91
Mecircme si certains symptocircmes sont assez communeacutement admis dans la pratique clinique comme eacutetant caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme et permettant alors de faire le diagnostic drsquoagrammatisme il est parfois possible de trouver des variantes de classifications qui sont du ressort de lrsquoexpeacuterience du praticien
En geacuteneacuteral les praticiens parlent de laquo patients tregraves reacuteduits raquo (laquo non fluents raquo opposeacutes aux laquo fluents raquo) ce qui permet de diagnostiquer et distinguer drsquoembleacutee le type drsquoaphasie associeacutee (type Broca ou Wernicke) ou du moins les symptocircmes dominants associeacutes aux aphasies classiquement deacutefinies en clinique
Par ailleurs notre expeacuterience du terrain clinique nous a ameneacutee agrave constater que parfois au final les patients aphasiques nrsquoeacutetaient pas forceacutement laquo cateacutegoriseacutes raquo selon les critegraveres cliniques habituels de classifications car ils pouvaient montrer des profils tregraves particuliers Il est en effet possible de rencontrer des patients pour qui la co-occurrence de symptocircmes lrsquoexclut de toute classification classique preacuteconccedilue
Ainsi du fait de la rareteacute de ce type de trouble de son caractegravere eacutevolutif lrsquoaccegraves sur le terrain agrave ce type de patients et donc lrsquoaccegraves aux donneacutees agrammatiques est demeureacute tregraves difficile92
Drsquoautres part certains aphasiques se reacuteunissent en associations et cherchent agrave creacuteer et maintenir des liens avec les institutions de soins cela peut constituer une option seacuterieuse pour rencontrer des cas diffeacuterents et occuper une position privileacutegieacutee pour se faire une ideacutee de la reacutealiteacute de lrsquoaphasie et ses conseacutequences sur la communication et sur la vie socio-
89 Sachant que les peacuteriodes et niveaux de reacutecupeacuteration sont tregraves variables et sachant que parfois lrsquoaphasie qui eacutevolue vers un agrammatisme passe par une peacuteriode initiale de quelques semaines agrave plusieurs mois de mutisme 90 Certains theacuterapeutes nous ont confieacute nrsquoavoir vu qursquoun cas en 10 ans 91 Dans la communauteacute francophones des praticiens et srsquoagissant des classifications il nous semble que lrsquoon se reacutefegravere en geacuteneacuteral agrave LECOURS et LEHRMITTE (1979) 92 Bien entendu crsquoest gracircce agrave lrsquoeacutenergie et agrave la disponibiliteacute de nombreuses personnes drsquohorizons tregraves divers orthophonistes chercheurs en sciences du langage neurologues et associations de malades que nous avons pu entrer en relation avec les personnes agrammatiques volontaires
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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professionnelle Il a eacuteteacute tregraves instructif de ce point de vue de participer aux activiteacutes drsquoassociations telles que le GATT (Groupe des Aphasiques Tchatcheurs du Toulousain) le GAA (Groupe des Aphasiques de lrsquoAgenais) ou la FNAF (Feacutedeacuteration Nationale des Aphasiques de France) Un questionnaire drsquoenquecircte assez complet portant speacutecifiquement sur la communication dans lrsquoaphasie et les difficulteacutes de la vie quotidienne a eacuteteacute diffuseacute agrave travers ces associations et une soixantaine de personnes aphasiques ont eu lrsquoamabiliteacute drsquoy reacutepondre Cela nous a permis drsquoenvisager sur des critegraveres autres que neurologiques ou verbo-centreacutes le veacutecu drsquoune personne aphasique La freacutequentation des groupes associatifs et les informations collecteacutees agrave partir de questionnaires ont permis de mieux cerner les difficulteacutes sociales et psychologiques causeacutees par lrsquoaphasie et lrsquoheacutemipleacutegie mecircme laquo leacutegegravere raquo Ce qui fut fort beacuteneacutefique lors des entretiens meneacutes a posteriori avec les personnes aphasiques que nous avons rencontreacutees
422 Critegraveres drsquoinclusion des participants agrammatiques
Les critegraveres drsquoinclusion des participants agrave lrsquoeacutetude sont eacutenumeacutereacutees ci-apregraves
des personnes aphasiques de Broca preacutesentant une aphasie expressive et des difficulteacutes speacutecifiques touchant les aspects grammaticaux lors de la formulation de messages verbaux
des personnes ayant conserveacute au demeurant une bonne compreacutehension du langage Cela eacutetait facile agrave tester dans lrsquointeraction spontaneacutee avec la personne aphasique (eacutechanges agrave bacirctons rompus conversation sur un thegraveme) Par contre pour des aspects plus subtiles de la compreacutehension telles que la compreacutehension de phrases reacuteversibles ou de phrases passives cela nrsquoaurait pu ecirctre testeacute que par un protocole standardiseacute Cependant nous ne nous sentions pas habiliteacutee agrave faire passer les bilans des capaciteacutes langagiegraveres car nous nrsquoavons pas eacuteteacute formeacutee agrave cette pratique qui nous semble exiger des qualifications professionnelles speacutecifiques (par contre les bilans les plus reacutecents au moment de la passation des tests en geacuteneacuteral datant de moins de six mois nous ont eacuteteacute fournis par les patients)
des personnes montrant de la motivation pour parler et laisser leur parole au microphone la relation entre drsquoune part lrsquoexpeacuterimentatrice et drsquoautre part le participant agrave lrsquoexpeacuterience va deacutependre de son engagement volontaire agrave passer le protocole drsquoeacutetude Le fait de se sentir enregistreacute au microphone pouvait pour certains patients constituer un veacuteritable stress Les personnes qui le souhaitaient mecircme apregraves avoir signeacute le formulaire de consentement eacuteclaireacute pour la participation au protocole pouvaient se retirer agrave tout moment mecircme sans justification93
des personnes motiveacutees malgreacute les difficulteacutes agrave srsquoexprimer malgreacute la reacuteduction et la simplification du discours montrant une forte intention de communiquer avec nous ainsi qursquoune prise de risque geacutereacutee dans lrsquointeraction ougrave les erreurs produites ne constituent pas
93 Nous en avons mecircme pris lrsquoinitiative pour un patient qui nrsquoeacutetait pas agrave lrsquoaise pendant les entretiens La passation du protocole fut alors suspendue
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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forceacutement un obstacle insurmontable agrave la communication malgreacute les eacutechecs successifs comme lorsqursquoun mot ne vient plus ou qursquoune reformulation deacuterape
43 Recueil des corpus passations
431 Lieux de passation
Les lieux de passation du protocole eacutetaient choisis selon le libre choix du participant ou selon lrsquoavis de lrsquoorthophoniste le but eacutetant qursquoil ou elle se sente dans une ambiance familiegravere et agrave lrsquoaise pour parler agrave lrsquoexpeacuterimentatrice et que srsquoeacutetablisse une relation de confiance Ce deacutetail est drsquoautant plus important qursquoune personne aphasique en contexte inconnu ou mal agrave lrsquoaise dans un lieu peut ressentir une gecircne suppleacutementaire dans lrsquoactiviteacute de parole Cela pose bien sucircr un problegraveme eacutethique qursquoil ne faut pas neacutegliger pour le respect du patient de sa condition et son affect En geacuteneacuteral les participants agrave cette eacutetude ne voyaient aucun inconveacutenient agrave reacutealiser les entretiens agrave leur domicile Dans un cas lrsquoorthophoniste a jugeacute mieux de reacutealiser les entretiens pendant les seacuteances drsquoorthophonie avec sa patiente et dans un autre cela se passait dans le cabinet de lrsquoorthophoniste mais en son absence
432 Formulaire de consentement eacuteclaireacute
Lors de la prise de contact avec les patients et mecircme avec les participants controcircles nous nous efforcions de bien faire comprendre les inteacuterecircts de telles recherches Un formulaire de consentement eacuteclaireacute a eacuteteacute signeacute par les patients et nous-mecircme speacutecifiant les buts de la recherche les modaliteacutes de passation le droit de retrait du patient lrsquoautorisation drsquoexploiter les donneacutees sonores personnelles et de les communiquer dans le cadre strict drsquoune recherche lrsquoanonymat des donneacutees verbales transcrites et rendues publiques etchellip94 Aussi les orthophonistes qui prenaient en charge la reacuteeacuteducation des participants eacutetaient informeacutes agrave leur demande de la deacutemarche de cette eacutetude (soit par nous soit par lrsquointermeacutediaire du participant)
433 Patient et locuteur
Lors de seacuteances de reacuteeacuteducation du langage nous avons eu lrsquooccasion drsquoobserver le travail accompli par des patients guideacutes par leur orthophoniste95 Nos entretiens avec les patients agrammatiques eacutetaient le plus possible dissocieacutes de ce type de relation de soin qui lie le theacuterapeute agrave son patient Nous prenions soin de reacutealiser nous-mecircme toutes les passations en informant le participant que nous nrsquoavions pas pour but de faire une seacuteance drsquoorthophonie mais que nous souhaitions enregistrer la parole agrave travers des tacircches diverses Si nous laissions
94 Sur les aspects juridiques et eacutethiques de lrsquoexploitation de donneacutees orales voir BAUDE (2006) 95 Notamment lors drsquoun stage drsquoobservation dans le Service de Meacutedecine Physique et de Reacuteadaptation au CHU de Bordeaux (J-M Mazaux)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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srsquoinstaller une relation laquo theacuterapeutique raquo lors des entretiens avec les participants le risque eacutetait drsquoobtenir des corpus de parole inadapteacutes En effet lrsquointeraction orienteacutee par une relation theacuterapeutique preacutesente des caracteacuteristiques propres avec des rocircles sociaux deacutefinis par les finaliteacutes de lrsquoeacutechange verbal Dans ce type drsquointeraction speacutecifique lrsquoorthophoniste guide lrsquointeraction et le patient exeacutecute des consignes preacutecises en vue de suivre une theacuterapie langagiegravere Ainsi de notre point de vue le terme laquo locuteur raquo pour deacutesigner le participant semble mieux srsquoadapter agrave nos viseacutees heuristiques geacuteneacuterales (et non theacuterapeutiques) En effet le terme laquo patient raquo implique une dimension theacuterapeutique que nous preacutefeacuterons eacutevacuer
Crsquoest pourquoi nous utiliserons plus volontiers le terme laquo locuteur raquo (plutocirct que laquo patient raquo) qui correspond mieux selon nous agrave nos rocircles lors des entretiens
434 Deacutetresse verbale et facilitations
Lors des entretiens nous limitions nos interventions au possible afin de ne pas influencer les productions du locuteur et ainsi ne pas biaiser les donneacutees obtenues
Par souci meacutethodologique il valait mieux laisser toute latitude au patient pour formuler son propos Cependant il nous arrivait quand mecircme drsquointervenir en cas de grande deacutetresse verbale en revenant sur ce qui eacutetait dit ou en fournissant des facilitations par amorces (phoneacutemiques lexicales ou syntaxiques agrave lrsquooral ou agrave lrsquoeacutecrit) ou en donnant la forme adeacutequate rechercheacutee par lrsquointerlocuteur
Nos interventions parfois nombreuses selon la tacircche ou le locuteur visaient agrave relancer le discours ou mecircme laquo soulager raquo lrsquointerlocuteur Elles sont toujours soigneusement noteacutees dans les corpus retranscrits Ceci pour veiller agrave les exclure des analyses ulteacuterieures et pour ne pas retenir les eacutenonceacutes que nous aurions pu trop influencer
435 Dureacutee des passations
La dureacutee totale de passation de ce protocole est tregraves longue pour une personne aphasique Elle se situe entre trois agrave cinq heures au total contre vingt minutes agrave moins drsquoune heure pour un locuteur controcircle
Naturellement pour les participants aphasiques la passation eacutetait scindeacutee en autant de seacuteances de travail que neacutecessaires Selon les cas la dureacutee consacreacutee aux tacircches de production elles-mecircmes allait en geacuteneacuteral de vingt minutes agrave une heure trente afin drsquoeacuteviter la fatigue
Cela nrsquoempecircchait pas ensuite de srsquoentretenir plus longuement avec les participants lorsqursquoils le souhaitaient de maniegravere tregraves informelle et deacutetacheacutee de la passation du protocole en lui-mecircme
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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44 Caracteacuteristiques des participants
441 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes
Les informations geacuteneacuterales relatives aux participants agrave lrsquoeacutetude (6 sujets agrammatiques et 9 sujets controcircles) sont consigneacutees dans le tableau ci-dessous (Tableau 7)
6 Locuteurs agrammatiques 9 Locuteurs controcircles Sexe Hommes Femmes H et F Hommes Femmes H et F Effectif 5 1 6 6 3 9 Acircge moyen 50 74 54 48 51 49 Nombre moyen drsquoanneacutees diplocircmantes
8 0 63 8 7 76
(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)
Tableau 7 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 6 participants agrammatiques et 9 participants controcircles
Au deacutepart une vingtaine de sujets controcircles ont eacuteteacute recruteacutes sur le mode tout-venant Parmi tous les entretiens reacutealiseacutes avec ces derniers nous avons retenu en vue de la transcription et des analyses les corpus oraux de certains participants controcircles De la sorte le groupe controcircle a eacuteteacute apparieacute au groupe agrammatique a posteriori en donnant la prioriteacute au critegravere de niveau socioculturel
Les caracteacuteristiques de chacun des participants agrammatiques et controcircles sont reacutesumeacutees en Annexe B-385-387 et C-391-392
On trouvera aussi des tableaux de synthegravese en Annexe D-395-396
442 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques
Le groupe de six participants agrammatiques se compose de 5 hommes et 1 femme dont on trouve les caracteacuteristiques dans le tableau ci-apregraves (Tableau 8 p 140 concernant le sexe lrsquoacircge le nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes le nombre drsquoanneacutees post-leacutesionnelles agrave la date des enregistrements et lrsquoactiviteacute professionnelle)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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Locuteurs agrammatiques (codes participants)
HF Acircge Nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes
diplocircmantes
Nombre drsquoanneacutees-mois post-
AVC (au moment
des tests)
Date de lrsquoAVC
Date des enregistre-
ments
Activiteacute professionnelle au moment de lrsquoAVC
1 PC_agr H 51 2 13 160306 Juil 2007 directeur
commercial chef drsquoentreprise
2 BR_agr H 52 6 67 061100 Mai 2007 instituteur
directeur drsquoeacutecole
3 MC_agr H 44 14 4 170602 Juin 2006 meacutedecin chef de
clinique
4 SB_agr H 56 7 46 070102 Avr 2006 Juin 2006
enseignant 2nd degreacute formateur
agreacutegeacute (phy)
5 PB_agr H 47 9 91 220598 Juil 2007 Oct 2007
avocat
6 TH_agr F 74 0 29 011104 Juil 2007 retraiteacutee sans
activiteacute la plupart du temps
Moyennes 54 63 47
(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)
Tableau 8 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques
Tous les sujets testeacutes ont souffert drsquoun AVC ischeacutemique plus ou moins eacutetendu ayant entraicircneacute une heacutemipleacutegie droite (sauf pour un cas SB_agr) et une aphasie de Broca (voir en Annexe B-385)
Drsquoapregraves les informations que nous avons pu compiler aupregraves des participants et de leur orthophoniste lrsquoeacutetat du langage en production orale est deacutecrit pour chacun des patients en Annexe B-386
Si tous les patients ont eacuteteacute diagnostiqueacutes aphasiques de Broca avec un agrammatisme manifeste en production orale les profils sont tregraves heacuteteacuterogegravenes Cela nrsquoest pas eacutetonnant vu les diffeacuterences de type de leacutesions mecircme si celles-ci impliquent toujours lrsquoaire de Broca Les diffeacuterences symptomatologiques inter-sujets proviennent de lrsquointeraction des diffeacuterences individuelles lieacutees agrave lrsquoeacutetiologie et agrave la graviteacute des leacutesions mais aussi au type de prise en charge theacuterapeutique entreprise depuis pour un cas en particulier (5 PB_agr) pregraves drsquoune dizaine drsquoanneacutees
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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Drsquoautre part les diffeacuterences inter-individus sont lieacutees agrave drsquoautres facteurs tels que la reacutecupeacuteration spontaneacutee ou la motivation et lrsquoattitude vis-agrave-vis de la survenue de lrsquoaphasie
En effet la reacuteduction du langage est tregraves manifeste chez tous les participants sauf chez 6 TH_agr qui montre une eacutelocution plus fluente compareacute aux autres participants agrammatiques alors qursquoelle est bien plus acircgeacutee Son trouble srsquoaccompagne drsquoun manque du mot et de paragrammatisme Par ailleurs singuliegraverement le trouble agrammatique de 2 BR_agr srsquoaccompagne drsquoun trouble drsquoordre phonologique assez marqueacute De plus 2 BR_agr en reacuteeacuteducation depuis presque sept ans au moment des tests semble preacutesenter un trouble assez massif compareacute agrave 1 PC_agr dont lrsquoaphasie est reacutecente drsquoun peu plus drsquoan Chez 3 MC_agr on relegravevera une forme de paragrammatisme assez conseacutequente avec un manque du mot assez freacutequent et chez 4 SB_agr un leacuteger trouble phonologique et des pheacutenomegravenes de manques du mot qursquoon a remarqueacutes aussi chez 5 PB_agr
443 Complexiteacute des facteurs de variabiliteacute individuelle
Les profils symptomatologiques de chacun des participants aphasiques ne convergent pas vers une unique forme prototypique drsquoagrammatisme En surface les manifestations sont varieacutees et en quantiteacute et en qualiteacute De nombreux facteurs sont responsables de cette variabiliteacute individuelle En effet les interactions entre les facteurs deacuteterminants lieacutes agrave lrsquoeacutetat du patient agrave la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle et agrave lrsquoeacutevolution de son trouble (sur plusieurs anneacutees voire dizaines drsquoanneacutees) sont tregraves complexes
SEacuteRON (1979 17-55) propose une revue des diverses variables individuelles et environnementales influenccedilant lrsquoaphasie des points de vue synchronique et longitudinal ce qui pose le problegraveme du type de reacuteeacuteducation fonctionnelle et drsquoeacutevaluation diagnostique agrave envisager Selon lui laquo [lrsquo] eacutevolution post-leacutesionnelle deacutepend de facteurs multiples dont lrsquoincidence est encore assez largement incomprise raquo (SEacuteRON 17) Il eacutevoque comme variables neurologiques preacute- per- et post-leacutesionnelles tregraves intriqueacutees lrsquoacircge lrsquoenvironnement et le niveau des apprentissages du patient le mode drsquoinstallation de la leacutesion (traumatismes AVC tumeurs etchellip) et sa nature sa localisation et son eacutetendue
Toujours drsquoapregraves SEacuteRON (1979 35)
laquo Il est sans doute faux drsquoaffirmer sans plus qursquoune leacutesion eacutetendue a un effet plus dramatique qursquoune leacutesion circonscrite [hellip] En effet encore faut-il savoir ougrave se trouve la leacutesion quelle est son eacutetiologie et son mode drsquoinstallation raquo
Drsquoautre part nous nous rangerons du cocircteacute de cet auteur qui affirme laquo qursquoil vaut mieux privileacutegier une approche du trouble plutocirct seacutemiologique que purement neurologique raquo car celle-ci peut passer par lrsquoexamen des comportements du sujet aphasique en peacuteriode per- et post-leacutesionnelle (SEacuteRON 1979 36) En effet une approche des troubles qui fonde toute interpreacutetation en donnant la primauteacute au site et agrave lrsquoeacutetendue drsquoune leacutesion preacutesente des limites du fait mecircme de la grande variabiliteacute des effets lieacutes agrave un type de leacutesion donneacute sur le comportement langagier
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Drsquoautre part SEacuteRON (1979 37) preacutecise que lrsquoappreacuteciation de la seacuteveacuteriteacute et de la qualiteacute drsquoun trouble ne srsquoopegravere pas en laquo [mesurant] la graviteacute de lrsquoaphasie en tant que telle mais les conseacutequences du trouble aphasique (et eacuteventuellement de troubles associeacutes) sur les conduites de communication raquo
Pour finir les diffeacuterentes variables intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle peuvent ecirctre syntheacutetiseacutees de la maniegravere suivante
Variables geacuteneacuterales Variables speacutecifiques
neurologiques comportementales
1 acircge du sujet 1 type de leacutesion 1 graviteacute des troubles
2 eacutetat de santeacute geacuteneacuteral 2 mode drsquoinstallation de la leacutesion 2 nature des troubles
3 dominance ceacutereacutebrale [manuelle] 3 eacutetendue et localisation
4 sexe
5 environnement preacute- per- et post-leacutesionnel
Tableau 9 Variables individuelles intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle (drsquoapregraves SEacuteRON 1979 41)
Ainsi eu eacutegard les multiples facteurs deacuteterminants preacuteciteacutes96 les profils comportementaux auxquels nous avons affaire sont varieacutes du point de vue des symptocircmes (en quantiteacute et en qualiteacute) de la co-occurrence de symptocircmes de laquo natures raquo diffeacuterentes de la seacuteveacuteriteacute du trouble et du niveau de reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle
Cependant si le cas drsquoagrammatisme laquo ideacuteal raquo ou laquo pur raquo ne figure pas parmi les six aphasiques retenus dans le cadre de cette eacutetude on peut toutefois consideacuterer que 1 PC_agr (aphasique depuis un peu plus drsquoun an) 4 SB_agr (aphasique depuis quatre ans et demi) et 5 PB_agr (aphasique depuis plus de neuf ans) nous paraissent revecirctir les profils drsquoaphasie de Broca avec agrammatisme tregraves typiques
Les autres 2 BR_agr 4 MC_agr et 6 TH_agr nous semblent revecirctir des profils plus atypiques eu eacutegard selon les cas agrave la preacutesence drsquoun trouble phonologique (suppressions ou paraphasies phoneacutemiques) agrave la freacutequence plus eacuteleveacutee et notable de paraphasies lexicales (crsquoest-agrave-dire des substitutions entre mots lexicaux) agrave la preacutesence de pheacutenomegravenes paragrammatiques ou dyssyntaxiques (crsquoest-agrave-dire des substitutions entre mots
96 Drsquoautres facteurs de reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle pour certains tregraves subjectifs nous semblent eacutegalement importants tels que lrsquoattitude du patient vis-agrave-vis de sa maladie la conscience qursquoil a de son trouble sa personnaliteacute sa motivation les aspects thymiques les aspects socio-culturels le contexte familial
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grammaticaux) agrave la preacutesence de pheacutenomegravenes de manques du mot et au caractegravere relativement fluent et plus complexe de la morpho-syntaxe (en particulier 6 TH_agr)
444 Caracteacuteristiques des participants controcircles
Les sujets controcircles ne preacutesentent bien sucircr aucun problegraveme drsquoorigine neurologique Le groupe controcircle est apparieacute de maniegravere globale au groupe de locuteurs agrammatiques
Le groupe de participants controcircles est un groupe reacutefeacuterence Comme pour la collecte de donneacutees agrammatiques la phase drsquoentretiens avec les locuteurs controcircles srsquoest deacuterouleacutee sur plusieurs anneacutees et parallegravelement Nous avons prospecteacute dans notre entourage immeacutediat pour recruter des participants
Les analyses quantitatives des corpus controcircles fournissent un reacutefeacuterentiel quantitatif moyen global refleacutetant le comportement verbal laquo non aphasique raquo
Le tableau ci-dessous (Tableau 10) reacutesume les caracteacuteristiques des locuteurs controcircles retenus97
Locuteurs controcircles (codes participants)
HF Acircge Nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes
diplocircmantes
Activiteacute professionnelle
1 FX_contr H 44 3 restaurateur 2 GG_contr H 57 3 technicien 3 GBis_contr H 36 5 geacuteomegravetre agriculteur 4 GB_contr H 59 11 enseignant chercheur (chimie) 5 LL_contr H 32 11 enseignant chercheur (physique) 6 LMan_contr H 61 14 meacutedecin 7 EB_contr F 57 5 technico-commerciale 8 MF_contr F 48 11 chercheuse (biologie) 9 MM_contr F 48 5 technicienne Moyennes 49 76
(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)
Tableau 10 Caracteacuteristiques des participants controcircles
Nous nrsquoavons pas proceacutedeacute agrave un appariement au cas par cas entre les participants agrammatiques et controcircles lors de la phase drsquoentretiens En effet les caracteacuteristiques des participants controcircles pris isoleacutement et relativement aux participants agrammatiques ne sont pas tout agrave fait similaires
Certes il y a des dispariteacutes relatives notables en acircge et en nombre drsquoanneacutees diplocircmantes mais nous pensons qursquoelles sont toutefois acceptables
97 Pour consulter les caracteacuteristiques deacutetailleacutees des locuteurs controcircles voir en Annexe C-391
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144
Nous nous sommes appliqueacutee agrave seacutelectionner des locuteurs controcircles dont les professions sont globalement comparables aux professions des participants agrammatiques excepteacute en ce qui concerne 6 TH_agr qui est beaucoup plus acircgeacutee et moins qualifieacutee que les hommes et pour laquelle nous nrsquoavons pas trouveacute de locutrice controcircle avec les mecircmes caracteacuteristiques au moment de la phase drsquoentretiens
Par ailleurs nous pensons que vu les types de tacircches reacutealiseacutees lrsquoappariement selon les critegraveres drsquoacircge et de niveau socioculturel exacts au cas par cas nrsquoeacutetait pas vraiment neacutecessaire
Drsquoautre part si lrsquoon compare entre eux les corpus controcircles en consideacuterant chaque tacircche on observe que les participants controcircles ont bien sucircr chacun un style de parler particulier lieacute agrave lrsquoidiosyncrasie (origine socioculturelle geacuteographique personnaliteacute) mais que les contenus sont tout de mecircme assez analogues
En conclusion les corpus oraux que nous avons obtenus avec le groupe reacutefeacuterence apparieacute globalement au groupe drsquoagrammatiques nous paraissent satisfaisants pour ce qui a trait aux comparaisons ulteacuterieures reacutealiseacutees entre reacutesultats quantitatifs issus des analyses de corpus agrammatiques et controcircles
45 Construction des observables
451 Corpus nature des donneacutees collecteacutees et implications meacutethodologiques
Drsquoapregraves le Nouveau Dictionnaire Encyclopeacutedique des Sciences du Langage (DUCROT et SCHAEFFER 1995 60) lrsquoeacutetude drsquoune langue passe par la collecte drsquoun laquo ensemble aussi varieacute que possible drsquoeacutenonceacutes effectivement eacutemis par les utilisateurs de cette langue agrave une eacutepoque donneacutee raquo
Drsquoapregraves le Treacutesor de la Langue Franccedilaise informatiseacute (TLFi)98 un corpus reacutefegravere en sciences humaines agrave un laquo recueil reacuteunissant ou se proposant de reacuteunir en vue de leur eacutetude scientifique la totaliteacute des documents disponibles drsquoun genre donneacute par exemple eacutepigraphiques litteacuteraires etc raquo
Toujours drsquoapregraves le TLFi il srsquoagit pour la linguistique drsquoun laquo ensemble de textes eacutetabli selon un principe de documentation exhaustive un critegravere theacutematique ou exemplaire en vue de leur eacutetude linguistique raquo
Cette deacutefinition insiste sur le caractegravere exhaustif que devrait preacutesenter un corpus Cependant drsquoautres deacutefinitions insistent plus sur le caractegravere repreacutesentatif drsquoun corpus En effet RIEGEL et al (1994 18) proposent une deacutefinition qui insiste plutocirct sur le caractegravere repreacutesentatif drsquoune compilation de donneacutees linguistiques
laquo Un corpus est un ensemble de textes ou drsquoeacutenonceacutes jugeacutes repreacutesentatifs de la langue ou plus modestement drsquoun domaine ou drsquoun axe de recherche bien deacutetermineacutes Une telle
98 Article corpus
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145
collection ne comprenant que des donneacutees attesteacutees (des eacutenonceacutes effectivement produits) constitue un corpus raquo
Cependant comme le soulignent ensuite RIEGEL et al il faut tenir compte laquo des contraintes meacutethodologiques et eacutepisteacutemologiques raquo qui impliquent qursquoun corpus nrsquoest jamais qursquoun laquo fragment raquo de la langue ou du parler dont il est issu
En effet srsquoagissant de la meacutethodologie de collecte de donneacutees employeacutees dans notre perspective drsquoapproche de lrsquooral pathologique nos corpus constituent donc un fragment de la performance de quelques locuteurs
Parmi les deacutefinitions du terme laquo corpus raquo que nous avons releveacutees la plus consensuelle est celle de SINCLAIR (citeacute par HABERT et al 1997) pour qui un corpus est laquo une collection de donneacutees langagiegraveres qui sont seacutelectionneacutees et organiseacutees selon des critegraveres linguistiques explicites pour servir drsquoeacutechantillon de langage raquo
Crsquoest cette derniegravere deacutefinition qui se rapproche le plus de nos preacuteoccupations meacutethodologiques car du fait de la nature particuliegravere des donneacutees collecteacutees (voir infra) les analyses reacutealiseacutees impliquent un preacute-traitement en vue de seacutelectionner une partie des donneacutees disponibles
Les donneacutees verbales que nous avons recueillies dans le cadre de cette recherche preacutesentent les principales caracteacuteristiques suivantes qui sont autant de difficulteacutes pour leur mise en forme et leur traitement a posteriori
les donneacutees sont orales
les donneacutees preacutesentent toutes un haut degreacute de liberteacute octroyeacute au locuteur mais ces degreacutes sont variables drsquoune tacircche agrave lrsquoautre du fait de la preacutesence drsquoun stimulus visuel et de la qualiteacute de la consigne
les corpus sont des corpus de discours continu qursquoil conviendra de segmenter en uniteacutes eacutenonceacutes en vue drsquoeffectuer les analyses structurales des formulations phrastiques
les donneacutees sont pathologiques (pour ce qui concerne les locuteurs agrammatiques)
Les corpus collecteacutes sont donc de nature assez complexe ce qui implique de faire en sorte de constituer un corpus de donneacutees de lrsquooraliteacute adapteacute aux traitements quantitatifs et qualitatifs pressentis pour la suite (voir au point 5 p 177)
Dans cette perspective une meacutethode de mise en grille du discours oral a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par le GARS (Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe et Seacutemantique voir BLANCHE-BENVENISTE 1997) et adapteacutee agrave lrsquoeacutetude du discours aphasique par ROUBAUD et LOUFRANI (1999) Pour ces derniers
laquo Une analyse syntaxique des discours pathologiques drsquoorigine aphasique ne peut se reacuteduire agrave lrsquoeacutetude de fragments mais exige des ensembles plus vastes Derriegravere lrsquoeacutemiettement apparent de ces productions se cachent des organisations comparables agrave celles de locuteurs ordinaires mais plus complexes agrave analyser Pour rendre compte des
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strateacutegies deacuteployeacutees pour compenser le deacuteficit langagier les outils drsquoanalyse deacuteveloppeacutes par le GARS comme la mise en grille sont commodes raquo
Cette meacutethode (la laquo mise en grille raquo du GARS) que nous avons testeacutee sur divers corpus aphasiques nous a sembleacute en effet preacutesenter lrsquoavantage de rendre plus lisibles les caracteacuteristiques structurales des eacutenonceacutes produits En effet cette meacutethode consiste agrave placer les eacuteleacutements paradigmatiques et syntagmatiques des constructions sur un axe vertical et horizontal Par ailleurs la mise en grille du discours aphasique permet drsquoenvisager les disfluences caracteacuteristiques du discours aphasique (les amorces ou reacutepeacutetitions par exemple) Cette meacutethode nous a sembleacute plutocirct adapteacutee pour des analyses qualitatives de fragments de discours oral mais peu adapteacutee agrave lrsquoanalyse de longs corpus tels que ceux que nous avons obtenus
Tout cela nous a donc ameneacutee agrave fixer une meacutethode de formalisation des observables tregraves largement et librement inspireacutee de celle de SAFFRAN et al (1989) Il srsquoagit du protocole drsquoanalyse quantitative de la production orale dit Quantitative Production Analysis Protocol (deacutesormais QPA voir aussi ROCHON et al 2000 et BERNDT et al 2000)
La construction de nos observables neacutecessite de passer par une eacutetape de mise en forme les donneacutees collecteacutees crsquoest agrave-dire une eacutetape de preacute-traitement des donneacutees verbales brutes transcrites ceci afin drsquoen faciliter la lisibiliteacute avant tout traitement quantitatif En effet notre objectif est drsquoobtenir une base de donneacutees constitueacutee de corpus de production orale pathologique et non pathologique qui soit exploitable archivable et reacuteutilisable
Apregraves avoir exposeacute les principes guides de la meacutethode QPA (ci-apregraves) nous deacutetaillons les principes du preacute-traitement appliqueacutes aux corpus oraux collecteacutes crsquoest-agrave-dire la proceacutedure de mise en forme des corpus (les conventions de transcription adopteacutees la segmentation du discours continu et lrsquoextraction des observables en vue des analyses quantitatives)
452 Meacutethode QPA (Quantitative Production Analysis)
La construction des donneacutees orales pathologiques et controcircles sont guideacutees par la deacutemarche drsquoanalyse quantitative de corpus aphasique conccedilue par SAFFRAN et al (1989) et drsquoapregraves les instructions de BERNDT et al (2000) Agrave notre connaissance aucune eacutetude de corpus aphasiques francophones nrsquoa encore eacuteteacute reacutealiseacutee drsquoapregraves cette meacutethode Le protocole drsquoanalyse quantitative de la production aphasique (QPA) a eacuteteacute conccedilu pour lrsquoanglais et par ailleurs utiliseacute pour le hollandais (BASTIAANSE 1995 PRINS et BASTIAANSE 2004)
Dans la litteacuterature nous nrsquoavons pas releveacute beaucoup de travaux en aphasiologie qui utilisent cette meacutethode drsquoanalyse En effet crsquoest probabalement parce qursquoau deacutebut lrsquoadaptation de cette proceacutedure agrave une autre langue que lrsquoanglais ainsi que son application agrave des corpus constituent un travail assez ardu que lrsquoon soit linguiste de formation ou orthophoniste
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Le protocole drsquoanalyse quantitative QPA que nous avons adapteacute agrave notre probleacutematique est preacutesenteacute en deacutetail dans les paragraphes qui suivent (point 47 48 et 49) pour ce qui concerne la construction et la mise en forme des corpus oraux et au point 5 (le chapitre suivant p 177) pour ce qui concerne la deacutemarche drsquoanalyse quantitative en elle-mecircme
Nous insistons sur certains aspects nous ayant poseacute problegravemes tels que lrsquoadaptation des modaliteacutes drsquoanalyse agrave lrsquoorigine fondeacutees sur la langue anglaise aux particulariteacutes morpho-syntaxiques de la langue franccedilaise Ainsi avant lrsquoeacutetape drsquoanalyse quantitative elle-mecircme il a eacuteteacute question de passer par une phase de reacuteadaptation du protocole aux caracteacuteristiques structurales de la langue parleacutee en franccedilais
Cet outil drsquoanalyse constitue une solution tregraves inteacuteressante pour qui souhaite fournir un eacutetat de la structuration morpho-syntaxique du discours continu dans une tacircche de production donneacutee
Ci-apregraves nous exposons la deacutemarche adopteacutee pour la constitution des corpus la transcription des donneacutees linguistiques orales (point 46 ci-apregraves) et leur mise en forme (en particulier la segmentation du discours continu (point 47 pp 154-160) et lrsquoextraction des observables (point 49 p 163) )
46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription
461 Corpus de discours oraux continus et pathologiques implications pour la transcription
Les propos des locuteurs aphasiques et non aphasiques sont enregistreacutes sur un appareil drsquoenregistrement numeacuterique afin de garantir une qualiteacute optimale du son et une manipulation aiseacutee des corpus ainsi numeacuteriseacutes Le corpus a eacuteteacute transcrit gracircce agrave un logiciel drsquoeacutecoute performant et restituant le signal de parole le mieux possible En effet la transcription fidegravele neacutecessite des eacutecoutes successives plus faciles agrave geacuterer avec un logiciel de traitement du signal sonore fonctionnel auquel il est possible drsquoajouter des informations suppleacutementaires sur le corpus ou meacutetadonneacutees (comme par exemple des temps de pauses tregraves longs des caracteacuteristiques particuliegraveres agrave une section drsquoenregistrement des annotations diverses agrave propos des contenus)
Rappelons que la transcription laquo brute raquo des corpus de parole recueillis qursquoil srsquoagisse de donneacutees patholinguistiques ou non pose des problegravemes drsquoordre meacutethodologique dans la mesure ougrave nous sommes confronteacutee agrave une trois grandes difficulteacutes qui incombent directement agrave la nature de lrsquoobjet eacutetudieacute
les corpus sont tous oraux
pour une large part ils concernent la production de discours continu et spontaneacute
les donneacutees linguistiques sont aussi pathologiques
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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Pour favoriser la lisibiliteacute et lrsquoeacutetude des corpus la transcription fidegravele ainsi que le choix drsquoun codage adapteacute tiennent compte des limites lieacutees aux caracteacuteristiques preacuteciteacutees
La transcription a eacuteteacute conduite selon certaines des conventions deacutefinies pour lrsquooral par le GARS (Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe et Seacutemantique)99 dont les inteacuterecircts de recherche portent pour une grande part sur la description du franccedilais parleacute les problegravemes lieacutes agrave sa transcription et lrsquoeacutetude de sa syntaxe
Srsquoagissant de lrsquooral pathologique selon BLANCHE-BENVENISTE (1997 29)
laquo La seule solution seacuterieuse est de transcrire phoneacutetiquement Certains troubles du langage affectant fortement la forme des mots posent des problegravemes similaires Lagrave ougrave la transcription phoneacutetique donne une version difficile agrave interpreacuteter immeacutediatement (hellip) on peut lorsqursquoon connaicirct les habitudes du locuteur aphasique reconstruire une version orthographique avec des mots doteacutes de sens Mais ce nrsquoest plus une transcription (hellip) raquo
Par conseacutequent en fonction des caracteacuteristiques typiques de lrsquooral et en particulier de lrsquooral aphasique il a eacuteteacute neacutecessaire de deacutefinir avec le plus de coheacuterence possible des modaliteacutes de codage agrave lrsquoeacutecrit adeacutequates pour une mise en forme lisible et analysable des corpus tout en conservant une quantiteacute drsquoinformations linguistiques et extra-linguistiques suffisante et pertinente en vue des analyses Ainsi la transcription en Alphabet Phoneacutetique International (API) semble ecirctre le moyen le plus adapteacute pour ne perdre aucune information de lrsquooral mais il srsquoagit drsquoun codage fastidieux et donc trop couteux que ce soit pour la transcription ou alors pour la relecture des corpus
Comme nos analyses ne portent pas speacutecifiquement sur la prosodie le rythme ou les aspects phoneacutemiques et comme la quantiteacute de donneacutees agrave transcrire est tregraves abondante lrsquooral est codeacute en utilisant les modaliteacutes de lrsquoorthographe standard et en ajoutant quand cela est neacutecessaire des preacutecisions en API (les deacuteformations phoneacutemiques les ambiguiumlteacutes etchellip)100 et drsquoautres preacutecisions sur la morpho-syntaxe dans une colonne laquo Commentaires raquo suppleacutementaire accompagnant les transcriptions (par exemple une ambiguiumlteacute formelle difficile agrave reacutesoudre voir en Annexe G-423 ougrave figure un exemple de corpus)
462 Transcription conventions adopteacutees
Ce qui est dit par le locuteur est mis en forme lors de la transcription puis traiteacute agrave partir des feuilles de travail ainsi constitueacutees Les conventions de transcriptions et les codages originaux adopteacutes pour la transcription et la mise en forme des corpus sont preacutesenteacutes ci-apregraves et sont illustreacutes agrave chaque fois par des exemples concrets tireacutes des corpus oraux101 Les
99 Sur les difficulteacutes de transcription de lrsquooral et les conventions de transcriptions proposeacutees par le GARS voir Blanche-Benveniste (1997 24-34) 100 Pour cet aspect de la transcription en symboles phoneacutetiques voir ROUBAUD (2004) 101 Voir en Annexe H-428 agrave H-588 (corpus agrammatiques) et I-635 agrave I-671 (corpus controcircles)
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exemples sont majoritairement extraits des corpus aphasiques Sous chaque exemple un renvoi102 correspondant agrave la page des annexes drsquoougrave il a eacuteteacute extrait est speacutecifieacute Le lecteur peut srsquoy reacutefeacuterer afin de resituer leacutenonceacute ou les eacutenonceacutes citeacutes en exemples dans leur contexte discursif
4621 Codage orthographique et phoneacutetique
Les propos du participant sont codeacutes en orthographe standard du franccedilais
La transcription en API (Alphabet Phoneacutetique International) nrsquoest pas exclue lorsque des mots avec une articulation particuliegravere (deacuteformations phoneacutemiques) des paraphasies phoneacutemiques et des neacuteologismes sont produits
Les propos de lrsquoexpeacuterimentatrice apparaissent sur une ligne autonome sans codage particulier (seulement orthographique)
Les pronoms personnels dans il faut ou il y a sont noteacutes il mecircme srsquoils sont reacutealiseacutes [i]
Voici deux exemples de codage orthographique et phoneacutetique
4 PC_agr2a elle porter (4) hum la maman euh oui la maman
PREPom(agrave) Flexom(Vpres)
5 PC_agr2a alors [ɛk] euh [εlRakot] non elle rencontre oui elle rencontre euh euh le loup un loup (2) bon
E Ph Gram Prononciation tregraves floue de laquo un raquo dans le SN(un+loup)
6 PC_agr2a et hum (6) le loup euh non euh non non euh le loup (3) ah-non
Persev(le loup) 0 Mots ext
exp le le petit chaperon rouge Facillex
7 PC_agr2a oui chaperon rouge et tatatatatatatata Onom(tatatatatatatata) avec intonation Repet(chaperon rouge) 0 Mot ext
exp tatatata crsquoest elle v-hellip laquo -2sec Facilsynt(elle) exploiteacutee
Annexe H-442
49 SB_agr2b donc le prince euh et [sɑdijəRo] sont euh (4)
[epuʒe] eacutepouseacutes hum
Deformphon(Cendrillongt[sɑdijəRo])Autocor+ laquo eacutepouseacutes raquo 1 V-aux 1 CONJsynt
Annexe H-529
4622 Amorces faux deacuteparts reprises
Les amorces de mots (deacutebut drsquoun mot non acheveacute) apparaissent avec un tiret au niveau du lieu de troncation
2 SB_agr3-MJ03 euh il- l- l- euh li- iv- il- euh [ilvjɛR] non Deformphon(lrsquohivergt[ilvjɛR])
Annexe H-531
10 PB_agr1 crsquoest le les s- les tab- les tableaux
Annexe H-544
102 Pour la version numeacuterique de ce document il srsquoagit aussi drsquoun lien hypertexte agrave suivre permettant drsquoacceacuteder directement agrave la page correspondante en Annexe
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Les eacutenonceacutes qui sont abandonneacutes en cours de formulation (faux deacuteparts et eacutechecs Ab) ou repris agrave partir de la mecircme amorce sont transcrits entiegraverement
95 SB_agr1 parce-que euh je (2) je c- je crois que Ab SUB SUB nrsquoest pas meneacutee agrave terme
96 SB_agr1 par-exemple euh physique tregraves dure
Annexe H-523
19 PC_agr2b Cendrillon (3) hum euh hum (34) alors bon euh (4)
Ab
20 PC_agr2b Cendrillon attends non non ccedila pas ccedila crsquoest pas ccedila
Ab Interj(attends) adresse agrave lrsquointerlocuteur Metaling (essaie de se souvenir de la suite)
Annexe H-445
4623 Ajouts neacuteologies lexicales liaisons
Les pheacutenomegravenes drsquoajouts de deacuteplacements drsquoanticipations formelles sont aussi transcrits tout comme les pheacutenomegravenes de neacuteologies lexicales (selon les cas en API ou en code orthographique de lrsquoeacutecrit standard)
Lorsqursquoune liaison nrsquoest pas reacutealiseacutee ou lorsqursquoune liaison notable est reacutealiseacutee cela est signaleacute dans la colonne laquo Commentaires raquo (la colonne agrave droite du corpus transcrit)
21 BR_agr1 deux deux ans deux ans Liaison non reacutealiseacutee(deuxans)
Annexe H-463
33 BR_agr4 un euh euh une euh maman [epaR] deux deux euh enfants
E Ph Gram Deformphon(seacuteparegt[epaR]) Liaison reacutealiseacutee(deux euh [z]+enfants)
Annexe H-486
16 MC_agr2a euh les oreillons
Deformphon(leorejo ) ou
LEXsubst(oreillesgtoreillons) Liaison non reacutealiseacutee(lesoreillons)
Annexe H-498
3 SB_agr1 et hum (2) er- [ɛRdi] discale deux hernies discales
Deformphon(herniesgt[ɛRdi]) avec Autocor+ Liaison reacutealiseacutee (deux [z]+hernies)
Annexe H-519
56 SB_agr1 enfin tout seul et euh [z] amis
Liaison reacutealiseacutee(0 DET + [z] + amis] DETom(les) laquo en plus des orthophonistes jrsquoai travailleacute en autonomie le langage avec les amis raquo
Annexe H-521
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4624 Ambiguumliteacutes
Du fait des particulariteacutes morphologiques du parler agrammatique les ambiguumliteacutes de correspondances grapho-phonologiques peuvent surgir Dans certains cas on ne parvient pas agrave deacuteterminer la forme produite entre deux ou plusieurs termes possibles comme pour les verbes entrer manger ou allonger dans les exemples ci-apregraves (eacutenonceacutes 10 et 11) On pourrait tout aussi bien transcrire entreacute mangeacute ou allongeacutee en consideacuterant quil sagit de verbes au participe passeacute sans auxiliaire (est entreacute a mangeacute sest allongeacutee)
10 SB_agr2a et donc euh euh l- le loup entrer dans la lrsquoa-ppartement enfin dans la maison et manger la grand-megravere
11 SB_agr2a (2) le euh le chaperon rouge (10) euh le chaperon rouge entrer dans la euh (3) m- maison le grand-megravere et euh allonger
PREPom(de) DETsubst(lagtle) PROreflom(srsquo) + allonger
Annexe H-526
Mais par ailleurs le mecircme locuteur emploie des formes verbales non ambiguumles telles que aller au lieu de va dans les eacutenonceacutes ci-dessous (eacutenonceacutes 2 et 7)103 Ce faisant on aura tendance agrave privileacutegier une transcription des verbes agrave la forme infinitive Cest pourquoi on a transcrit le verbe de leacutenonceacute 11 (ci-dessus) sous la forme allonger et non allongeacutee et le verbe de leacutenonceacute 3 (ci-dessous) sous la forme traverser et non traverseacute
2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge
3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere
PROajout(la) DETsubst(lagtle)
Annexe H-525
7 SB_agr2a
et hum euh (7) a- euh a- a- euh aller euh aller [ld]
dans la maison le [ʃp] le grand-megravere grand-megravere XX
[ld] entre les deux sons - lede [tregraves peu audible]
[ʃp] initiation pour laquo chaperon raquo SN-Som(loup)
Annexe H-525
4625 Ponctuation
La ponctuation nrsquoest pas utiliseacutee mais les signes laquo raquo ou laquo raquo sont parfois noteacutes pour coder une prosodie tregraves marqueacutee
47 SB_agr2b et miracle [le] euh [le] (3) le le prince euh non Cendrillon (35) euh pied
Interj(miracle) Mot ext
Annexe H-529
103 De plus agrave la question laquo quand vous dites laquo le loup entrer lrsquoappartement et manger la grand-megravere raquo entrer manger comment est-ce que vous les eacutecrivez est-ce que avec un -eacute ou -er est-ce que crsquoest plutocirct par exemple le loup laquo entreacute raquo comme ccedila et pas le verbe agrave lrsquoinfinitif dans votre esprit raquo (voir en Annexe H-525) Le locuteur (ici SB_agr) nous reacutepond laquo en fait infinitif bien sucircr euh ccedila mais euh normalement co- conjugueacute pas terrible mais je preacutefegravere conjuguerhellipmais pas terriblehellip raquo Ainsi le locuteur confirme qursquoil emploie les verbes agrave lrsquoinfinitif mecircme si ce nrsquoest pas correct laquo pas terrible raquo En effet il preacutefegravererait conjuguer mais ne le fait pas Il srsquoagit drsquoune proceacutedure de simplification morphologique du verbe qui revient agrave laquo preacutefeacuterer raquo la forme infinitive ou basique agrave la forme conjugueacutee Drsquoautre part cette reacuteflexion meacutetalinguistique peut srsquoeacutelaborer car ce locuteur agrammatique a conscience des eacutecarts agrave la norme grammaticale produits Il peut les eacutevoquer et les analyser
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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4626 Notation drsquoun eacutenonceacute segmenteacute
Suivant les critegraveres de segmentation du discours continu en uniteacutes laquo eacutenonceacutes-segmenteacutes raquo (voir aux points 47 et 48 pp 154-163) chaque eacutenonceacute segmenteacute occupe une ligne autonome dans les feuilles de travail ougrave les cadres du tableur sont preacutedeacutefinis (voir les exemples deacutejagrave citeacutes)
4627 Dureacutees des pauses interruptions
La dureacutee des pauses de plus de 3 secondes est noteacutee entre parenthegraveses au sein du discours transcrit
1 PC_agr2b Cendrillon (15) hum la soupe soupe la soupe Vom
2 PC_agr2b et feu le euh le hum souffler souffler SN-ODir(feu) anteacuteposeacute SN-Som(Cendrillonelle) DETom(le)
3 PC_agr2b et (4) le sœur euh euh euh le merde le s- le le sœur ben pfff le sœur
DETsubst(lagtle)
Annexe H-444
Drsquoautre part les dureacutees correspondant aux interruptions ou aux intermegravedes qui ne concernent pas le reacutecit mecircme sont signaleacutees en marge des corpus transcrits (dans la colonne de droite)
Le cas eacutecheacuteant elles sont noteacutees sur la feuille de travail et bien sucircr ne sont pas prises en compte pour le calcul de la dureacutee effective de parole Dans lrsquoextrait ci-apregraves les dureacutees correspondant aux segments produits par lrsquoexpeacuterimentatrice (noteacutee laquo exp raquo) sont noteacutees et exclues de la dureacutee totale effective de discours produit par lrsquoagrammatique
En effet afin de ne pas biaiser le calcul du deacutebit verbal il est neacutecessaire de ne consideacuterer que les dureacutees de parole correspondant aux segments de discours pris en compte pour les analyses quantitatives
Ainsi dans lrsquoexemple ci-dessous la dureacutee de lrsquointermegravede (1 minute et 41 secondes) correspond agrave des eacutenonceacutes produits par lrsquoexpeacuterimentatrice et agrave des commentaires du locuteur (BR_agr) qui ne concernent pas directement le reacutecit Il srsquoagit drsquoeacutenonceacutes non coloreacutes (en marge) et non numeacuteroteacutes dans les feuilles de travail Par contre les eacutenonceacutes coloreacutes et numeacuteroteacutes (3 et 4 toujours dans le mecircme extrait ci-dessous) sont pris en compte pour les analyses quantitatives ulteacuterieures et la dureacutee de parole qui y correspond est comptabiliseacutee
3 BR_agr2a la forecirct pour aller rendre visite en une dame euh euh grand-pegravere non non (5)
PREPsubst(agravegten) Liaison non reacutealiseacutee(enune) PREPcor(pour)
exp grand-pegravere ou grand-m- Facilphon(m-) laquo megravere raquo
BR_agr2a megravere
BR_agr2a petits mots beaucoup difficiles
-1mn41sec (partie non transcrite en totaliteacute) discussion intermegravede laquo ce qui est difficile ce sont les petits mots raquo
exp donc la petite fille le petit chaperon rouge rend visite agrave sa grand-megravere
4 BR_agr2a un sac porte euh euh euh euh (20) laquo il porte un sac raquo SN-ODir anteacuteposeacute
Annexe H-469
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
153
4628 Paroles inaudibles
Les paroles inaudibles ou incompreacutehensibles sont noteacutees par le signe laquo XXX raquo chaque segment laquo X raquo repreacutesente une syllabe inaudible
32 0914 44 BR_agr4 une un u- un calme un monsieur XX euh euh filme dame
DETom(la)
Annexe H-486
4629 Chevauchements
Les eacutenonceacutes qui se chevauchent entre lrsquoexpeacuterimentatrice et le locuteur sont souligneacutes
exp oui IRM vous avez fait des scanners et -3sec
36 SB_agr1 XXX voilagrave crsquoest ccedila euh mais euh trop tard
Annexe H-520
46210 Remplisseurs heacutesitations
Les remplisseurs de type euh ou hum sont transcrits Ils correspondent agrave des recherches lexicales par exemple
Les mots correspondant aux traces de non-fluence verbale et de disfluence telles que les heacutesitations les mots reacutepeacuteteacutes les pauses remplies plus ou moins longues qui sont si caracteacuteristiques de lrsquooral ne sont pas retenus pour les analyses quantitatives Ces traces sont toutefois retranscrites et permettent de mieux appreacutehender la complexiteacute des pheacutenomegravenes ainsi contextualiseacutes dans la transcription lineacuteaire du flux verbal
6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge
pause longue (10) Rechlex claquement de langue en signe drsquoeacutenervement
Annexe H-525
46211 Uniteacutes morpheacutemiques solidaires
Lrsquoarticle partitif de-la ou de-lrsquo (de-la fiegravevre de-lrsquoargent) les locutions verbales (ecirctre-en-train ecirctre-sur-le-point etchellip) conjonctives (parce-que ou-bien apregraves-que etchellip) adverbiales (par-contre en-fait pas-du-tout jamais-plus par-exemple bien-sucircr de-toute-faccedilon agrave-peu-pregraves de-moins-en-moins plus-que un-peu etchellip) et preacutepositionnelles (en-dehors-de en-face-de etchellip) sont noteacutees avec des tirets Les tirets repreacutesentent une uniteacute laquo mot raquo (un morphegraveme complexe) ougrave les sous-uniteacutes (ou morphegravemes) qui le constituent sont solidaires Les noms composeacutes (par exemple lave-linge) constituent eacutegalement une uniteacute solidaire et sont noteacutes avec des tirets
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
154
Dans les exemples suivants la preacuteposition en-dehors-de (eacutenonceacute 61) ou le verbe semi-auxiliaire est-en-train (eacutenonceacute 10) sont donc des uniteacutes morpheacutemiques solidaires
61 SB_agr1 a- en- en-dehors-de [z] orthophonistes
Liaison reacutealiseacutee([z] orthophonistes) avec DETom(les) amalgame incomplet 1 PREPcor(en-dehors-de)
Annexe H-521
10 GG_contr3-MJ03 donc il est-en-train de mettre du sel pour-que ben on puisse marcher sans se casser la figure quoi
CONJsynt(pour-que)
Annexe I-641
Pour identifier une suite de morphegravemes comme formant une uniteacute solidaire nous nous sommes fondeacutee sur des critegraveres conventionnels fixeacutes par nous-mecircme En effet cela agrave des conseacutequences sur les analyses quantitatives pratiqueacutees a posteriori par exemple au lieu de coter deux preacutepositions en et de dans le segment en dehors de (voir ci-dessus eacutenonceacute 61) le fait de consideacuterer en dehors de comme formant une uniteacute morpheacutemique solidaire revient agrave ne comptabiliser lrsquooccurrence que drsquoune seule preacuteposition et non deux
Une fois fixeacutes ces critegraveres drsquoamalgames entre uniteacutes morpheacutemiques srsquoappliquent systeacutematiquement aux corpus agrammatiques et controcircles
47 Segmentation des corpus de discours continu
471 La segmentation du discours continu position du problegraveme
Srsquoagissant de la production de discours continu on ne trouve guegravere de travaux drsquoanalyse de corpus qui preacutetendent deacutecrire la structuration du discours en prenant en consideacuteration les sous-uniteacutes qui le composent crsquoest-agrave-dire ses uniteacutes propositionnelles Comme le soulignent TISSOT et al (1973 38)
laquo Le corpus de langage spontaneacute nrsquoa pas permis le deacutepouillement exhaustif que lrsquoon projetait La principale difficulteacute qui srsquoest reacuteveacuteleacutee insurmontable reacuteside dans lrsquoimpossibiliteacute de deacutelimiter les eacutenonceacutes Pour nrsquoecirctre pas un chaos de mots comme le disait Jakobson le langage de lrsquoagrammatique nrsquooffre pas suffisamment de point de repegraveres pour permettre de segmenter lrsquoeacutenonceacute au-delagrave du syntagme raquo
Et drsquoailleurs MOUNIN soulevait deacutejagrave ce problegraveme lieacute agrave la segmentation du discours continu en uniteacutes distinctes (MOUNIN 1967 20)
laquo Mais on peut penser que le cœur du problegraveme agrave propos du laquo style teacuteleacutegraphique raquo est ailleurs et que crsquoest centralement celui que pose la question suivante laquo comment deacutelimiter les uniteacutes drsquoeacutenonceacute crsquoest-agrave-dire les phrases de lrsquoagrammatique raquo Tant qursquoil srsquoagit drsquoinventorier les classes grammaticales (noms adjectifs verbes etc) ou morphologiques [] qui sont conserveacutees chez lrsquoagrammatique il ne se pose pas de problegraveme agrave cet eacutegard on peut faire un inventaire sans se preacuteoccuper des limites de lrsquoeacutenonceacute Mais srsquoil srsquoagit drsquoanalyser les manques surtout syntaxiques [] on se reacutefegravere
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
155
toujours implicitement agrave une comparaison avec lrsquoeacutenonceacute normal vraisemblablement le plus proche reconstruit hypotheacutetiquement raquo
Pour remeacutedier agrave ces difficulteacutes de segmentation du discours la proceacutedure QPA eacutelaboreacutee par SAFFRAN et al (1989 446-447) propose de segmenter le discours continu en laquo uniteacutes propositionnelles raquo ou laquo eacutenonceacutes raquo104 (utterances)
laquo Lrsquoeacutechantillon de discours narratif est diviseacute en eacutenonceacutes [hellip] La segmentation de lrsquoeacutechantillon narratif en eacutenonceacutes fut baseacutee sur une hieacuterarchie drsquoindices structuraux en donnant plus de poids aux marqueurs de frontiegraveres drsquoordre syntaxique et prosodique et en donnant moins de poids aux pauses et agrave la dimension seacutemantique de bonne formation raquo105
La segmentation en uniteacutes laquo eacutenonceacutes raquo composant le discours continu reposent sur des critegraveres plus formels de type syntactico-prosodiques que seacutemantiques En effet cette proceacutedure de mise en forme du corpus nous semble fondeacutee sur des options objectives et adapteacutees au but de lrsquoanalyse quantitative et qualitative il est question de mettre en valeur les aspects formels de la structuration morpho-syntaxique du discours notamment au niveau des sous-uniteacutes propositionnelles qui le composent
Lrsquoanalyse des aspects structuraux du lexique et de la syntaxe est fortement deacutependante des critegraveres utiliseacutes pour la segmentation en uniteacutes de base que sont les laquo eacutenonceacutes ou eacutenonceacutes-phrases segmenteacutes raquo obtenus crsquoest pourquoi il est important drsquoappliquer les critegraveres de segmentation le plus strictement et rigoureusement possible
Dans le protocole original QPA106 lrsquoexpression employeacutee en anglais pour cette proceacutedure de mise en forme du corpus est Segmentation of Narrative Words into Utterances Selon nous laquo eacutenonceacutes-phrases raquo est la traduction la plus proche du terme utterances systeacutematiquement employeacute par les auteures
Nous utiliserons le terme laquo eacutenonceacutes raquo ou laquo eacutenonceacutes-phrases raquo pour deacutesigner les uniteacutes propositionnelles constitutives du discours continu obtenues apregraves segmentation Le terme laquo eacutenonceacutes-phrases raquo sera notamment consacreacute speacutecifiquement aux eacutenonceacutes de forme canonique
104 Dans notre terminologie pour les analyses de corpus nous utilisons le terme laquo eacutenonceacute segmenteacute raquo (et par ailleurs laquo eacutenonceacutes-phrases raquo laquo eacutenonceacutes-phrases grammaticaux raquo laquo eacutenonceacutes de forme non canonique ou canonique raquo) 105 Notre propre traduction 106 Rappelons que notre meacutethodologie et tregraves inspireacutee du protocole drsquoanalyse quantitative du discours aphasique de SAFFRAN et al (1989) et ROCHON et al (2000) Nous nous efforccedilons de respecter les principes geacuteneacuteraux de la proceacutedure de mise en forme des corpus tout en lrsquoadaptant agrave nos besoins et au franccedilais
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
156
472 Notion drsquo laquo eacutenonceacute raquo ou laquo eacutenonceacute-phrase raquo dans le cas de donneacutees patholinguistiques
4721 Diversiteacute des types de structuration syntaxique dans le discours pathologique
Les eacutenonceacutes segmenteacutes adoptent des formes syntaxiques tregraves diverses au sein des corpus agrammatiques Nous preacutesentons ici les diffeacuterentes cateacutegories drsquoeacutenonceacutes que nous avons rencontreacutees et identifieacutees suivant leur structuration syntaxique Nous anticipons sur la partie consacreacutee agrave la cotation des eacutenonceacutes en fonction de leur structuration syntaxique (voir les variables SYNTAX au point 53 p 208) En effet les cotations concernant les variables quantitatives SYNTAX srsquoappuient rigoureusement sur les principes exposeacutes ci-apregraves
Les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes sont deacutecrits plus en deacutetail ci-dessous avec drsquoabord les constructions de forme syntaxique canonique puis les autres types de constructions de forme non canonique ou elliptique
En croisant diffeacuterents critegraveres drsquoidentification des eacutenonceacutes selon leur structuration en particulier ceux de SAFFRAN et al (1989) dans le protocole QPA original et ceux formuleacutes par KOLK (voir 2433(c) p 67 le Tableau 3 p 69) nous sommes parvenue agrave eacutetablir ces diffeacuterentes cateacutegories drsquoeacutenonceacutes
la cateacutegorie des eacutenonceacutes-phrases (E Ph) parmi les E Seg les eacutenonceacutes de forme syntaxique canonique Ph=gtSN+SV qursquoon peut appeler laquo eacutenonceacutes-phrases raquo
la cateacutegorie des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) parmi les E Ph les eacutenonceacutes de forme canonique et dont la formulation est grammaticale
la cateacutegorie des eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can) tout autre type drsquoeacutenonceacute ne respectant pas le critegravere minimal drsquoagencement syntaxique SN+SV
Nous preacutesentons ci-apregraves les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes produits et coteacutes en conseacutequence en vue des analyses SYNTAX agrave lrsquoaide drsquoexemples tireacutes des corpus oraux
(a) Eacutenonceacutes de forme canonique Eacutenonceacutes-phrases (E Ph) avec une construction SUJET + PREacuteDICAT VERBAL (Sentence Utterances)
Drsquoapregraves les instructions de cotation de SAFFRAN et al (1989) et BERNDT et al (2000) il srsquoagit des sentence utterances crsquoest-agrave-dire des constructions de type S=gtSN + SV
Le terme sentence prend ici le sens strict drsquo laquo eacutenonceacute ou construction de forme canonique raquo107 Il a une valeur purement descriptive dans cette eacutetude crsquoest-agrave-dire qursquoil nrsquoimplique pas de cadre theacuteorique particulier
107 Il srsquoagit de notre propre traduction Nous distinguerons ainsi laquo eacutenonceacute-phrase raquo ou laquo eacutenonceacute de forme canonique raquo (sentence) drsquoune part et laquo eacutenonceacute de forme non canonique raquo (nonsentential) drsquoautre part
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
157
Lorsqursquoun eacutenonceacute est de forme canonique il comprend au minimum un SN-S (Syntagme Nominal-Sujet) et un SV (Syntagme Verbal) De plus le SN-S doit preacuteceacuteder le SV
Mecircme si nous avons bien conscience que les termes laquo eacutenonceacute raquo (utterance) et laquo phrase raquo (sentence) srsquoopposent dans les concepts classiques utiliseacutes en theacuteorie linguistique il ne nous paraicirct pas contradictoire de les associer pour distinguer les eacutenonceacutes de forme canonique crsquoest-agrave-dire les eacutenonceacutes-phrases (sentence utterance dans la terminologie de BERNDT et al 2000) des eacutenonceacutes de forme non-canonique (TC utterance et other utterance eacutegalement dans la terminologie de BERNDT et al 2000 et nonsententials ou elliptical dans la terminologie de KOLK 2006 voir le Tableau 3 p 69)108
En voici des exemples
102 BR_agr1 euh maintenant oui crises arrecircter
DETom(les) + crises -5sec le participant eacutecrit laquo 1an 8mois raquo
Annexe H-468
6 BR_agr2a petit fille euh (25) partir laquo +40sec FLEXom(petitegtpetit)
Annexe H-470
14 SB_agr2a le loup (2) approcher la (2) grand-megravere euh non la euh euh ch- ch- chaperon rouge
reprise de lrsquoeacutenonceacute preacuteceacutedentAutocor+ PROreflom(srsquo) PREPom(de) DETsubst(legtla)
Annexe H-526
Notons que pour qursquoun eacutenonceacute soit consideacutereacute comme eacutenonceacute de forme canonique il ne doit pas forceacutement ecirctre grammatical Lorsqursquoun eacutenonceacute est structureacute au minimum drsquoun SN-S combineacute agrave un SV et qursquoil est de surcroicirct grammatical il est coteacute dans la deuxiegraveme cateacutegorie drsquoeacutenonceacutes (voir le point (b) ci-apregraves concernant les eacutenonceacutes-phrases grammaticaux)
Selon la typologie de KOLK (voir Tableau 3 p 69) lorsque les verbes sont agrave la forme non finie les constructions sont de forme non canonique (nonsententials) Agrave la diffeacuterence de KOLK nous ne retenons pas ce critegravere de cotation nous consideacuterons que les constructions de forme canonique agrave verbes non finis sont agrave coter comme eacutetant de forme canonique
108 Les notions de laquo phrases raquo (sentence) et eacutenonceacute (utterance) utiliseacutees par les auteurs du protocole QPA (1989 2000) et la notion drsquoeacutenonceacute de forme non canonique (nonsentential) utiliseacutee par KOLK (2006) ont une valeur descriptive En effet ces termes employeacutes pour distinguer les diffeacuterents types de constructions rencontreacutes au fil du discours agrammatique nous ont poseacute au deacutepart un problegraveme de terminologie Nous lrsquoavons reacutesolu en limitant lrsquointeacuterecirct drsquoun modegravele de la phrase canonique communeacutement admis en linguistique agrave sa dimension descriptive Dans le mecircme sens NESPOULOUS (communication personnelle 2008) preacutecise laquo sentential correspond en franccedilais agrave phrastique cest-agrave-dire agrave tout eacutenonceacute canonique respectant les regravegles de bonne formation syntaxique minimale Nonsentential regroupe tout le reste les eacutenonceacutes non-phrases ne reposant pas sur une structure minimale raquo
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
158
(b) Eacutenonceacutes de forme canonique grammaticale Enonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) (Well-formed Sentences)
Parmi les eacutenonceacutes de forme canonique il srsquoagit des eacutenonceacutes ougrave la structuration morphologique et syntaxique respecte les regravegles de bonne formation de la langue (drsquoapregraves SAFFRAN et al 1989 et BERNDT et al 2000)
Les critegraveres seacutemantiques nrsquoentrent pas en compte En effet si une construction est seacutemantiquement incoheacuterente mais grammaticalement acceptable elle est comptabiliseacutee comme phrase grammaticale
2 BR_agr3-MJ01 une personne mange le euh euh (2) fruit (2) E Ph Gram
Annexe H-474
1 BR_agr4 un garccedilon pleure E Ph Gram
Annexe H-481
1 MC_agr3-MJ10 voilagrave Paul joue agrave la non Paul joue aux cartes (2)
Autocor+(agrave lagtaux) aux=agrave+les PREPcor(agrave)
Annexe H-503
1 SB_agr4 le garccedilon pleure je pense oui pleure E Ph Gram
Annexe H-536
(c) Eacutenonceacutes de forme non canonique ou eacutenonceacutes E Non-Can (Nonsententials ou TC Utterances)
Un eacutenonceacute preacutesente surtout pour lrsquooral pathologique le caractegravere non-canonique Les laquo constructions elliptiques raquo reacutepertorieacutees par KOLK (2006 247 voir Tableau 3 p 69) pour lrsquoagrammatisme en hollandais et en allemand sont dites laquo non-canoniques raquo ou laquo non-phrastiques raquo (nonsententials) Ce type de constructions correspond agrave tous les eacutenonceacutes segmenteacutes qui nrsquoentrent pas dans la cateacutegorie (a) (voir p 156) crsquoest-agrave-dire aux structures syntaxiques dont lrsquoune des uniteacutes minimales constitutives drsquoune phrase canonique est absente ou apparaicirct dans un ordre non conforme aux regravegles de syntaxe canonique
Selon la typologie de KOLK les constructions de type SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV impliquant la combinaison drsquoun SUJET et drsquoun PREacuteDICAT AUTRE QUrsquoUN VERBE (voir le Tableau 3 p 69) sont des constructions de forme non canonique car le SN se combine agrave autre chose qursquoun SV pour former la construction Dans la terminologie de SAFFRAN et al 1989 et BERNDT et al (2000) cette cateacutegorie drsquoeacutenonceacutes correspond aux structures de type TOPIC (geacuteneacuteralement un SN) + COMMENT (SN SV SP ADJ ADV etchellip)
Drsquoautre part un eacuteleacutement syntaxique ou un morphegraveme peut apparaicirctre seul (SN SV SP ADJ ADV etchellip) ou avec un autre eacuteleacutement (SV+ADV SP+SN etc)
La seacuterie drsquoexemples suivants ne constitue qursquoun eacutechantillon non repreacutesentatif de la grande varieacuteteacute de structures de forme non canonique (E Non-Can) qursquoon rencontre tregraves freacutequemment
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
159
dans les corpus agrammatiques et tregraves rarement dans les corpus controcircles109 Il peut srsquoagir entre autres drsquoun SN isoleacute (eacutenonceacute 1) drsquoun SN+ADV (eacutenonceacute 4) drsquoun adverbe isoleacute (eacutenonceacute 6) drsquoune structure de type SN+SN (eacutenonceacute 7 - PC_agr2b) drsquoune structure de type SN+ADJ (eacutenonceacute 7 - SB_agr2b) drsquoun SV isoleacute (eacutenonceacute 30 ici un verbe agrave lrsquoinfinitif) drsquoune structure de type SP+SN (eacutenonceacute 5) drsquoune structure avec ellipse du SN-Sujet (eacutenonceacute 11 - SB_agr3) drsquoune structure avec anteacuteposition du SN-Objet (eacutenonceacute 94) drsquoune structure avec postposition du SN-Sujet (eacutenonceacute 20 11 - BR_agr3) drsquoune structure avec ellipse du verbe (eacutenonceacute 11 - BR_agr3)
1 BR_agr3-MJ01 euh deux personnes (2)
Annexe H-474
4 BR_agr3-MJ01 arbre plus loin DETom(lrsquo)
Annexe H-474
6 BR_agr3-MJ08 bien bien (5) Repet laquo bien bien raquo tregraves accentueacute accentueacute agrave la maniegravere du procegraves iteacuteratif des allers et venus drsquoune scie
Annexe H-479
7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala
2 Onom(tac-tac-taclalala)
Annexe H-444
7 SB_agr2b [ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh pomponneacutees en-fait euh (3) et (3)
Annexe H-525
30 SB_agr2b danser danser Repet aspect duratifiteacuteratif SN-Som(ils) Vinf isoleacute 0 V-FLEX
Annexe H-528
5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple
DETDeformphon(dugtde) laquo du beurre raquo Repet laquo de raquo prononciation floue entre laquo de raquo et laquo du raquo
Annexe H-525
11 SB_agr3-MJ03 ma- euh tombe (25) tombe sur le dos SN-Som(il) Ellipse du SN-S
Annexe H-532
94 PC_agr1 et tableau tableau euh tableau expliquer SN-ODir anteacuteposeacute au verbe laquo jrsquoexpliquais un tableau raquo
Annexe H-435
20 PC_agr2a et lagrave hum hum (6) couche euh hum (8) le m- euh non lrsquohomme non euh
PROreflom(se) + couche SN-S(lrsquohomme) postposeacute
Annexe H-443
11 BR_agr3-MJ06 pas-du-tout pas-du-tout content m- monsieur DETom(le) + monsieur SVom(est) Ellipse du verbe
Annexe H-478
109 Les corpus controcircles ont eacuteteacute obtenus agrave partir de tacircches de production de reacutecit narratif et de production de phrases isoleacutees Il ne srsquoagit pas de conversation ougrave on trouverait probablement beaucoup plus de structures de forme non canoniques ou elliptiques comme le suggegraverent les travaux de KOLK sur lrsquoellipse normale (voir au point 2433(c) p 67)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
160
(d) Abandons ou eacutechecs
Drsquoautre part les abandons ou eacutechecs de formulation sont toujours consideacutereacutes comme eacutetant non grammaticaux Par conseacutequent ils ne sont jamais coteacutes dans la cateacutegorie des eacutenonceacutes phrases grammaticaux (E Ph Gram) tels que lrsquoeacutenonceacute 14 ci-apregraves
14 SB_agr2b et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f- euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet- (4)
Ab
Annexe H-527
De plus lrsquoeacutenonceacute preacuteciteacute nrsquoest pas coteacute en tant qursquoE Ph (eacutenonceacute de forme canonique) car il ne respecte pas la structuration minimale SN-S + SV
Par contre un eacutenonceacute mecircme abandonneacute qui respecte la structuration minimale SN-S+SV est coteacute en tant qursquoeacutenonceacute de forme canonique Par exemple lrsquoeacutenonceacute suivant (eacutenonceacute 9) est abandonneacute mais comme il respecte la structuration SN-S (la grand-megravere) + SV (entend le ) il est coteacute E Ph
9 SB_agr2a (6) la grand-megravere (5) en- entend le (2) le entend (2) ccedila srsquoappelle (6)
Ab geste claque doigts contre la table en signe drsquoagacement manque du mot
Annexe H-525
4722 Synthegravese critegraveres syntaxiques de segmentation et de cotation des eacutenonceacutes
Degraves lrsquoeacutetape de transcription et de mise en forme des corpus nous prenons en consideacuteration les critegraveres de structuration syntaxique exposeacutes ci-dessus
Nous avons croiseacute les caracteacuteristiques des constructions identifieacutees par KOLK avec les instructions du protocole QPA Cela nous aide drsquoautant mieux agrave segmenter le discours en eacutenonceacutes lors de la transcription et agrave identifier des cateacutegories de constructions assez bien distinctes pour les analyses quantitatives ulteacuterieures
Le tableau ci-dessous reacutesume les critegraveres de segmentation du discours en uniteacutes laquo eacutenonceacutes raquo Ces critegraveres serviront agrave la cotation lorsqursquoil srsquoagira drsquoappliquer le protocole drsquoanalyse quantitative (voir les variables SYNTAX point 53 p 208)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
161
Type drsquoeacutenonceacute Structure Critegraveres de cotation
Eacutenonceacute de forme canonique (E Ph)
SN-S+SV
Les constructions de forme canonique sont composeacutees au minimum drsquoun sujet et drsquoun preacutedicat verbal dont le verbe peut ecirctre agrave lrsquoinfinitif au participe passeacute ou fleacutechi Le SN-S peut contenir un PROdem On comptabilise aussi dans cette cateacutegorie les eacutenonceacutes de type laquo crsquoest+X raquo ou laquo il y a + X raquo et les structures ougrave le SN-S est repris par un pronom (le singe il mange la banane) Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Ph
Eacutenonceacute de forme canonique grammatical (E Ph Gram)
SN-S+SV grammatical
Les constructions de forme canonique selon les critegraveres preacuteciteacutes doivent ecirctre grammaticales Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Ph Gram
Eacutenonceacute de forme non canonique (E Non-Can)
Autres types SN-S+SN-O anteacuteposeacute+SV SN-O anteacuteposeacute+V SN-S postposeacute SNSN (eacutenumeacuteration) N+ADV+ADV SV (avec verbe fini ou non fini) SN SP SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV SV isoleacutes SN isoleacutes ADJ isoleacutes ADV isoleacutes SUB isoleacutes etchellip
Les constructions de forme non canonique adoptent diverses formes Le SV isoleacute peut ecirctre composeacute drsquoun V(inf) V(partpasseacute) ou V-Flex Le preacutedicat (srsquoil nrsquoest pas verbal crsquoest-agrave-dire un SN ADV ADJ etchellip) peut ecirctre combineacute agrave un SN-Sujet ou ecirctre isoleacute (attention parfois on trouve un SV avec SN-O anteacuteposeacute agrave ne pas confondre avec une construction SN-S+SV) Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Non-Can
Abandon (Ab)
Formulations abandonneacutees eacutechecs
La construction est interrompue abandonneacutee ou eacutechoueacutee Ce type de fragment est coteacute 1 dans la cateacutegorie des E Ph ou des E Non-Can selon les critegraveres preacuteciteacutes
Tableau 11 Segmentation et cotation des eacutenonceacutes en fonction de critegraveres structurels formels
48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu
Afin de segmenter le discours continu en uniteacutes E Seg autonomes (eacutenonceacutes segmenteacutes) nous nous appuyons agrave la fois sur les critegraveres syntaxiques deacutefinis ci-dessus et sur les critegraveres prosodiques proposeacutes par le protocole original QPA Ainsi on tient compte du caractegravere canonique ou non canonique des eacutenonceacutes produits tout en appliquant les critegraveres de segmentation conventionnels fondeacutes sur des indices intonatifs fixeacutes par les concepteurs du protocole original
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
162
Ces critegraveres prosodiques sont les suivants
lrsquointonation montante ou descendante ainsi que les pauses marquant des frontiegraveres entre uniteacutes laquo eacutenonceacutes segmenteacutes raquo indiquent le deacutebut et la fin drsquoune uniteacute eacutenonceacute
un eacutenonceacute de forme canonique et ou grammatical est segmenteacute en tant qursquouniteacute eacutenonceacute
6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge
pause longue (10) Rechlex claquement de langue en signe drsquoeacutenervement
Annexe H-525
on considegravere qursquoun eacutenonceacute est abandonneacute ou eacutechoueacute lorsqursquoil y a de forts indices prosodiques qui le suggegraverent
33 SB_agr2b mais euh (3) le b- le ba- euh prince euh (5) Cendrillon hum s- Cendrillon repart (25) s- sans euh sans s- sans sans sans (20)
pause longue (20) Rechlex(pantoufle) Ab geste claque doigts sur la table en signe drsquoagacement
Annexe H-528
40 SB_agr2b et (25) cher- cher- euh le prince euh (5) qui (3) qui pant- euh le verron enfin euh pantoufle qui euh qui qui qui qui qui euh (10) rec- recommencer
Ab SUB tentative de SUB abandonneacutee reprise de lrsquoeacutenonceacute ensuite
41 SB_agr2b euh l- le prince cher- chercher le pantoufle (25) dans le euh tout autour-de tout autour-de vi- ville par-exemple
Reform laquo le prince cherche agrave qui est cette pantoufle raquo DETsubst(lagtle) + pantoufle DETom(la) + ville
Annexe H-528
les particules de discours (en caractegraveres italiques dans les corpus) qui srsquoagglutinent en marge des constructions peuvent aider agrave repeacuterer les frontiegraveres entre laquo uniteacutes phrastiques raquo autonomes assez clairement Nous les prenons en consideacuteration le plus possible mecircme si au final lrsquoeacutenonceacute segmenteacute obtenu est tregraves reacuteduit (un syntagme isoleacute par exemple en caractegraveres gras) surtout pour le cas des corpus agrammatiques
54 SB_agr1 en-plus euh hum en-fait euh (3) a- en en-fait a- apregraves euh (3) orthophonistes
1 DETom(les)
55 SB_agr1 et m- euh tout seul ADVmod(tout)
Annexe H-521
drsquoautre part une pause mecircme jugeacutee assez longue (plus de 3 secondes) nrsquoest pas forceacutement envisageacutee comme une interruption de la structuration de lrsquoeacutenonceacute (agrave moins que lrsquoeacutenonceacute soit abandonneacute) Lrsquoeacutenonceacute est noteacute sur une seule ligne si lrsquoon considegravere qursquoil y a continuation de la structure produite comme dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous ougrave la structure est comme suspendue pendant 6 secondes
59 SB_agr1 donc euh jrsquoai euh (6) hum amis DETom(les) ou (mes) ou (des)
Annexe H-521
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
163
Selon le protocole original les critegraveres seacutemantiques qui pourraient aider agrave prendre une deacutecision sur la frontiegravere agrave fixer entre eacutenonceacutes sont agrave utiliser avec parcimonie Dans le doute par convention la segmentation est opeacutereacutee plutocirct en eacutenonceacutes courts qursquoen eacutenonceacutes longs
Compareacute au discours pathologique la transcription et la segmentation des productions controcircles nous ont paru des plus faciles agrave reacutealiser Ces derniegraveres ne preacutesentaient que de tregraves rares ambiguumliteacutes tregraves facilement reacutesolues Drsquoautre part les indices prosodiques qui caracteacuterisent le discours ordinaire non aphasique ne sont pas applicables lorsqursquoil srsquoagit de segmenter le discours continu pathologique En effet en cas de trouble aphasique la prosodie peut srsquoaveacuterer tregraves peu transparente du fait des perturbations Crsquoest pourquoi les indices laquo classiques raquo ne sont pas applicables en tant que tels et qursquoil faut se deacutepartir de nos habitudes drsquoeacutecoute de la parole ordinaire pour mieux percevoir la complexiteacute du parler agrammatique Crsquoest pourquoi la segmentation du discours agrammatique peut srsquoaveacuterer tregraves difficile agrave reacutealiser Avec un deacutebit tregraves lent et haletant chez lrsquoagrammatique certaines intonations sont souvent ambiguumles crsquoest-agrave-dire qursquoelles nrsquoindiquent pas clairement une fin drsquouniteacute phrastique
Les interruptions dues aux constructions de phrases avorteacutees (pouvant se traduire par des pauses tregraves longues pouvant aller jusqursquoagrave 10 ou plusieurs dizaines de secondes) les multiples tentatives de reformulations les eacutechecs de reformulations ou les recherches lexicales parfois infructueuses perturbent la meacutelodie et le rythme de la langue Drsquoautre part les interruptions et les pauses peuvent eacutegalement ecirctre des indices de strateacutegies lieacutees par exemple agrave des proceacutedures drsquoautocorrections silencieuses ou mecircme de planification de la seacutequence agrave produire En effet elles dissimulent probablement ce que KOLK appelle covert-repairs crsquoest-agrave-dire des reacuteparations silencieuses (voir au point 2433(a) p 65)110
49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives
491 Principes 3 niveaux de transcription 3 niveaux de lecture et 3 niveaux de traitement des corpus oraux
Dans le protocole original QPA toutes les cotations drsquooccurrences de mots et de structures syntaxiques sont opeacutereacutees agrave partir de ce que les concepteurs du protocole appellent laquo mots
110 Tel que les corpus agrammatiques ont eacuteteacute enregistreacutes et codeacutes une description plus fine de la prosodie pourrait probablement ecirctre reacutealiseacutee en compleacutement Outre les informations que ce type drsquoeacutetude pourrait apporter agrave une meilleure description du parler agrammatique certaines intonations et une accentuation particuliegravere pourraient aussi renseigner sur la structuration strateacutegique pragmatique du discours de sa hieacuterarchie et ce en vue drsquoune ameacutelioration de lrsquointelligibiliteacute (comme par exemple la mise en focus drsquoun eacuteleacutement par une forte accentuation ou justement le marquage de frontiegraveres prosodiques entre uniteacutes propositionnelles)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
164
narratifs raquo (Narrative Words)111 Pour deacutesigner cette cateacutegorie drsquoobservables extraits des donneacutees transcrites nous utiliserons systeacutematiquement lrsquoexpression laquo mots extraits raquo112 (Mots ext) car elle nous semble plus geacuteneacuteralisable aux diffeacuterents types de corpus auxquels nous avons affaire les corpus de discours continu segmenteacute (tacircches 1 2 et 3) et les corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4) Ainsi entre les termes laquo mots narratifs raquo et laquo mots extraits raquo nous utiliserons ce dernier car il ne reacuteduit pas la nature des diffeacuterents corpus que nous avons construits au seul caractegravere laquo narratif raquo
Les mots extraits reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes Dans la typographie des corpus oraux ces mots apparaissent en caractegraveres gras Ils peuvent donc ecirctre visuellement diffeacuterencieacutes des autres mots qui apparaissent laquo en marge raquo de la structuration interne crsquoest-agrave-dire des particules discursives (qui apparaissent en caractegraveres italiques) des scories de lrsquooral des traces de disfluences de certaines interjections et drsquoonomatopeacutees (qui apparaissent en caractegraveres normaux)
Ainsi dans les eacutenonceacutes suivants (1 et 16) les mots extraits sont donc laquo jrsquoai tregraves longtemps mal au dos raquo et laquo le loup il va faire raquo
1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos
laquo au raquo=agrave+le
Annexe H-519
16 PB_agr2a et euh le loup il va faire euh teu-toc-toc Onom(teu-toc-toc)
Annexe H-551
En reacutesumeacute la mise en forme des corpus laisse transparaicirctre 3 niveaux de transcriptions qui correspondent donc agrave 3 niveaux de lecture pour les mecircmes donneacutees verbales et par conseacutequent agrave trois plans diffeacuterents de traitement de donneacutees
(1) les mots extraits (en caractegraveres gras) ils reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes produits crsquoest-agrave-dire le niveau phrastique drsquointeacutegration syntaxique des uniteacutes linguistiques
(2) les particules de discours (en caractegraveres italiques) elles reflegravetent la structuration du discours en assurant lrsquoinitiation la clocircture et la connection entre uniteacutes discursives segmenteacutees ou en leur assignant une attitude subjective
(3) les scories et particulariteacutes de lrsquooral (en caractegraveres normaux) elles correspondent aux proprieacuteteacutes speacutecifiques de lrsquooraliteacute (reacutepeacutetitions amorces onomatopeacutees interjections segments de modalisation etchellip)
111 laquo Narrative words raquo dans le protocole original car il srsquoagit drsquoeacutetudier seulement des reacutecits narratifs (des contes) et non du discours plus spontaneacute comme lrsquohistoire de la maladie ou plus controcircleacute comme les histoires agrave partir de seacutequences drsquoimages 112 Tous les termes utiliseacutes dans le protocole original en anglais sont traduits et adapteacutes au franccedilais par nos soins
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
165
Voici pour lrsquoeacutenonceacute 1 preacuteciteacute les trois niveaux ainsi deacutefinis
1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos Annexe H-519
Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux
Cette distinction entre trois plans de traitement de donneacutees est drsquoabord meacutethodologique En effet lrsquoorganisation du discours doit selon nous srsquoenvisager dans un continuum Mais il nous a fallu quand mecircme appliquer une meacutethode drsquoextraction des observables qui puisse rendre possible les analyses structurales Cette meacutethode de preacute-traitement des donneacutees orales est influenceacutee par notre intuition linguistique et les trois plans que nous avons deacutefinis ne sont pas exclusifs les uns par rapport aux autres Ils sont inteacutegreacutes au sein du discours Crsquoest pourquoi mecircme si nous nous sommes efforceacutee de dissocier ces trois plans le mieux possible lors des preacute-traitements il nous a eacuteteacute parfois difficile de deacutecider si un morphegraveme devait ecirctre consideacutereacute sur le plan du micro-discours ou sur le plan du macro-discours (dans le discours agrammatique et ordinaire)
492 Seacutelection des laquo mots extraits raquo objectif et proceacutedure
4921 Objectif
La seacutelection des mots extraits est reacutealiseacutee avec le souci premier de refleacuteter au mieux la structuration morpho-syntaxique des eacutenonceacutes La proceacutedure drsquoextraction de ces mots permet de fournir un eacutetat de la structuration interne des eacutenonceacutes tout en mettant en arriegravere plan les
3 ndash euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos
2 ndash donc en-fait jrsquoai tregraves longtemps mal au dos
1 ndash jrsquoai tregraves longtemps mal au dos
3 ndash Disfluences heacutesitations pauses modalisations interjections etchellip (plan de lrsquoeacutenonciation et de lrsquooraliteacute)
2 ndash Particules de discours (plan macro-discursif)
1 ndash Mots extraits (plan micro-discursif de lrsquoorganisation interne phrastique)
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
166
pheacutenomegravenes drsquoheacutesitations les difficulteacutes sur un mot ou sur une structure morpho-syntaxique les commentaires meacutetalinguistiques les scories de lrsquooral les particules discursives etc
Ainsi mis au premier plan les mots extraits qui reflegravetent drsquoembleacutee lrsquoorganisation morpho-syntaxique des eacutenonceacutes segmenteacutes ne sont pas noyeacutes parmi les laquo bruits raquo de lrsquooral (heacutesitations amorces commentaires etchellip) Drsquoautant que ces pheacutenomegravenes de disfluence sont beaucoup plus caracteacuteristiques des corpus patholinguistiques compareacute aux corpus controcircles En effet la proportion de mots extraits par rapport au nombre total de mots produits est au final beaucoup plus eacuteleveacutee dans les corpus controcircles que dans les corpus agrammatiques (voir au point 6111 p 227)
Par ailleurs la lisibiliteacute des eacutenonceacutes produits est ameacutelioreacutee gracircce agrave la mise en gras des mots extraits drsquoune part et la mise en caractegraveres italiques des particules de discours drsquoautre part Les particules de discours laquo gravitent raquo autour des mots extraits et participent agrave lrsquoorganisation macro-discursive Agrave ces derniegraveres comme nous le verrons plus en deacutetail dans la suite (au point 4925 p 169 ci-apregraves) il sera appliqueacute un traitement particulier
La seacutelection des observables laquo mots extraits raquo agrave prendre en compte en vue de la plupart des analyses structurales ulteacuterieures est reacutealiseacutee par inclusion et exclusion de certains segments de discours ce que nous explicitons ci-apregraves
4922 Exclusion des remplisseurs heacutesitations reacutepeacutetitions amorces interjections onomatopeacutees perseacuteveacuterations
Les remplisseurs (par exemple euh hum ben etc voir dans lrsquoexemple ci-dessous) qui peuvent apparaicirctre agrave nrsquoimporte quel endroit dans lrsquoeacutenonceacute produit sont exclus de la cateacutegorie des mots extraits Drsquoailleurs ces pheacutenomegravenes de disfluence ne sont pas pris en compte dans les cotations ulteacuterieures de mots produits au total Toutefois ils sont tous noteacutes le plus rigoureusement possible dans les transcriptions Les faux deacuteparts et amorces de mots ou de syntagmes noteacutes avec un tiret sont exclus de la mecircme maniegravere Dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous
(eacutenonceacute 3) le remplisseur hum lrsquoamorce er- et les termes [ɛRdi] discales ne sont pas inclus
dans la cateacutegorie des mots extraits
3 SB_agr1 et hum (2) er- [ɛRdi] discales deux hernies discales
Deformphon(herniesgt[ɛRdi]) avec Autocor+ Liaison reacutealiseacutee (deux [z]+hernies)
Annexe H-519
En cas de reacutepeacutetition crsquoest la meilleure tentative qui est retenue dans la cateacutegorie des mots extrait Dans lrsquoexemple preacuteciteacute crsquoest donc la deuxiegraveme tentative de formulation de deux hernies discales que lrsquoon considegravere comme mots extraits Par contre les reacutepeacutetitions agrave valeur stylistique dans une figure drsquoinsistance par exemple sont comptabiliseacutees comme mots extraits jusqursquoagrave trois uniteacutes
61 PC_agr1 oui bien-sucircr eacutelectronique eacutelectronique Repet figure de style laquo diplocircme et carriegravere prof essentiellement centreacutee sur ce domaine raquo
Annexe H-433
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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133 PC_agr1 et hum (3) preacutecis hein preacutecis preacutecis preacutecis hein Repet figure de style
Annexe H-440
7 MC_agr1 et trois fois pouf par terre pouf par terre pouf par terre
laquo trois fois pouf raquo accentueacute intonation montante Repet agrave valeur stylistique aspect iteacuteratif Onom(pouf)
Annexe H-491
Drsquoautre part les interjections constituent une classe tregraves heacuteteacuterogegravene appartenant agrave diffeacuterentes classes grammaticales (RIEGEL 1994 462-464) Elles peuvent ecirctre des onomatopeacutees (ah hein aiumle chut psst ouf pouf dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessus etchellip) ou des mots issus du lexique conventionnel Noms (pardon bonjour attention dommage ciel bonjour adieu mon Dieu miracle silence etchellip) Verbes (voyons allons tiens tenez dites dis donc etchellip) Adjectifs (parfait dur facile etchellip) ou Adverbes (alors bien bon comment etchellip) Elles srsquoaccompagnent souvent drsquoune accentuation forte et drsquoune prosodie particuliegravere (exclamation ou interrogation)
Lorsqursquoune interjection est un mot du lexique conventionnel et qursquoelle fait partie des segments de reacutecit (cela est assez rare dans les corpus) elle est prise en compte dans la cateacutegorie des mots extraits Dans lrsquoexemple suivant il srsquoagit de laquo tiens raquo
17 SB_agr2a euh le chaperon rouge laquo ti- euh laquo tiens les (2) les oreilles grandes oreilles raquo
Interj(tiens) Mots ext
Annexe H-526
Par contre les onomatopeacutees ne sont jamais consideacutereacutees comme mots extraits telles que laquo tac tac tac lalala raquo dans lrsquoeacutenonceacute suivant
7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala
2 Onom(tac-tac-taclalala)
Annexe H-444
4923 Exclusion des neacuteologismes eacutecholalies perseacuteveacuterations commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs
Les neacuteologismes ininterpreacutetables pour le transcripteur sont exclus des mots extraits Les neacuteologismes ou mots deacuteformeacutes qui sont interpreacutetables peuvent par contre ecirctre retenus comme mots extraits comme gueutiner dans lrsquoexemple suivant
22 SB_agr1 je p- euh (3) [geoslashtine] gueutiner euh m- manger par-exemple non
Deformphonneacuteologie(deacuteglutirgtgueutiner) (le verbe en -ir est deacuteformeacute en verbe en -er) laquo je ne pouvais pas deacuteglutir raquo ADVmod(non) ADVdisc(par-exemple)
Annexe H-520
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
168
Les pheacutenomegravenes drsquoeacutecholalies crsquoest-agrave-dire lorsque le sujet ne peut reacuteprimer une redite drsquoun mot ou drsquoun segment de mots prononceacute par lrsquoexpeacuterimentatrice sont exclus Crsquoest pourquoi dans lrsquoeacutenonceacute 71 ci-dessous le segment non tek- teacuteleacute nrsquoest pas consideacutereacute en tant que segment de mots extraits
exp au service technique TEK crsquoest ccedila technique non teacuteleacute
-6sec
71 PC_agr1 non tek- teacuteleacute mais lagrave quit- euh quitter quitter et hum Echol
Annexe H-434
Les pheacutenomegravenes de perseacuteveacuterations crsquoest-agrave-dire lorsqursquoun mot ou un segment de mots est reacutepeacuteteacute de maniegravere involontaire et irreacutepressible sont eacutegalement exclus comme la promotion dans lrsquoexemple suivant
exp vous avez eu une promotion laquo -5sec
PC_agr1 oui oui promotion oui oui
81 PC_agr1 alors hum promotion direct- non non directeur non non
Persev(promotion)
Annexe H-434
4924 Exclusion des commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs
Les segments de commentaires ou eacutenonceacutes modalisateurs crsquoest-agrave-dire de tout ce qui nrsquoest pas laquo reacutefeacuterentiel raquo au sens de NESPOULOUS (1980)113 ne sont pas retenus qursquoils correspondent agrave un eacutenonceacute segmenteacute autonome agrave une incise agrave lrsquointeacuterieur drsquoun eacutenonceacute ou agrave un segment de mots De la sorte ce qui relegraveve du niveau intradieacutegeacutetique dans le reacutecit114 est retenu en tant que laquo mots extraits raquo pour les mesures structurales
Dans les corpus les segments de type crsquoest ccedila oui crsquoest sucircr non crsquoest pas ccedila ouinon non pas ccedila en franccedilais ccedila je sais pas enfin crsquoest bon etchellip ont le statut de modalisateurs crsquoest-agrave-dire qursquoils confegraverent une attitude subjective sous forme de commentaires explicites sur le discours qui a eacuteteacute produit
En voici des exemples (le segment exclu est en caractegraveres barreacutes)
12 SB_agr3-MJ07 endommager le journal
SB_agr3-MJ07 oui crsquoest ccedila en-fait pas terrible quand-mecircme -2sec
Annexe H-534
10 SB_agr3-MJ08 et donc crsquoest crsquoest crsquoest mieux laquo les personnages eacuteconomisent leur force partagent lrsquoeffort crsquoest mieux raquo
SB_agr3-MJ08 mais enfin je sais pas-du-tout en-fait mais enfin bon crsquoest bon ou non
le locuteur critique la situation de lrsquoimage ce nrsquoest pas rentable drsquoun point de vue meacutecanique
Annexe H-534
113 Sur la dissociation entre discours reacutefeacuterentiel et modalisateur voir NESPOULOUS (1980) 114 Le locuteur est le narrateur Il retrace le cours des eacutevegravenements lrsquoeacutevolution des personnages dans un univers distancieacute du laquo ici et maintenant raquo (la deixis srsquoarticule dans les formes discursives plutocirct autour du laquo ailleurs agrave un autre moment raquo On se trouve au niveau dieacutegeacutetique ou intradieacutegeacutetique Lrsquoextradieacutegegravese correspond agrave lrsquoinverse aux moments ougrave le narrateur commente et juge son propos
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
169
Ce faisant les mots employeacutes en guise de commentaires ou incises drsquoordre meacutetalinguistique sont pris en compte parmi le total de mots produits si lrsquoeacutenonceacute segmenteacute fait partie du corpus de donneacutees agrave analyser lorsque lrsquoeacutenonceacute est numeacuteroteacute et mis en eacutevidence par une couleur dans les feuilles de travail
4925 Traitement particulier des particules de discours conjonctions et adverbes agrave valeur discursive
(a) Les connecteurs de discours dans lrsquoagrammatisme
En conclusion drsquoune eacutetude reacutealiseacutee pour 14 langues (CLAS Project voir au point 2352 p 48) agrave propos des conjonctions que lrsquoont peut relever dans les corpus de discours continu chez lrsquoagrammatique MENN et OBLER (1990 1377) font remarquer ceci
laquo Certains morphegravemes grammaticaux libres notamment les conjonctions laquo additives raquo en position initiale (et et alors et puis) et les particules de fin de phrases en japonais eacutetaient utiliseacutes tregraves freacutequemment ndash et mecircme avec excegraves pour les conjonctions Ces morphegravemes grammaticaux utiliseacutes de maniegravere preacutefeacuterentielle et geacutereacutes au niveau du discours nrsquoont pas agrave ecirctre inteacutegreacutes pour la structuration de la proposition raquo115
Selon ces auteures les donneacutees montrent une tendance geacuteneacuterale au suremploi de certains laquo morphegravemes non lexicaux optionnels raquo116 tels que
(a) les remplisseurs et interjections (bien ben tu sais quoi etchellip)
(b) les conjonctions en position initiale de la proposition (et et alors)
(c) en japonais les particules de fin de phrase et en fin de discours
Pour elles les particules qursquoon trouve en japonais se retrouvent en marge de la proposition (au deacutebut ou agrave la fin) tout comme celles qursquoon trouve en anglais ou en franccedilais Ce type de particules discursives ne neacutecessite pas de computation syntaxique pour leur inteacutegration dans la matrice syntaxique de la proposition
Elles opegraverent donc une distinction entre (1) les particules conjonctives optionnelles ou additives de type laquo remplisseurs raquo (fillers) et laquo de deacutebut ou fin drsquoeacutenonceacutes raquo (sentence-initial or final) drsquoune part et drsquoautre part (2) les conjonctions qui neacutecessitent un traitement syntaxique particulier pour ecirctre placeacutees de maniegravere adeacutequate agrave lrsquointeacuterieur de la chaicircne syntagmatique Nos propres observations117 agrave partir des corpus agrammatiques que nous 115 Notre propre traduction laquo Certain free grammatical morphemes notably clause-initial ldquoadditiverdquo conjonctions (ldquoandrdquo ldquoand thenrdquo ldquoand sordquo) and Japanese sentence final-particles were used quite heavily ndash the conjonctions even excessivily These favored grammatical morphemes are ones which are discourse-controlled and do not have to be integrated into the clause structure raquo 116 Ces particules ne sont ni des mots grammaticaux en tant que tels ni des mots lexicaux drsquoougrave le terme laquo morphegravemes non lexicaux raquo 117 Ce type de morphegravemes agrave valeurs multiples nous a poseacute problegraveme lorsqursquoil fallait deacutefinir des critegraveres objectifs drsquoidentification et de distinction Pour NESPOULOUS (communication personnelle 2006) laquo il
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
170
avons collecteacutes corroborent cette ideacutee Il semble en effet que ce que MENN et OBLER (1990) appellent laquo morphegravemes non lexicaux optionnels raquo soient en fait des particules de discours qui gravitent en marge de la structuration interne ou laquo phrastique raquo de lrsquoeacutenonceacute produit
Il faut tout de mecircme preacuteciser que drsquoapregraves les distinctions entre cateacutegories morpho-lexicales classiquement eacutetablies par nos grammaires traditionnelles pour le franccedilais les particules que lrsquoon peut trouver en marge de la structuration syntaxique des propositions ne sont pas seulement des conjonctions (telles que et donc mais etchellip) car nombreux sont les cas ougrave des adverbes (tels que puis alors apregraves voilagrave etc) viennent initier clore ou connecter des eacutenonceacutes entre eux Par ailleurs il peut srsquoagir aussi freacutequemment de locutions conjonctives ou adverbiales figeacutees (telles que crsquo-est-agrave-dire en-mecircme-temps en-fait par-exemple etchellip)
En reacutesumeacute les laquo particules agrave valeur discursive raquo qui sont utiliseacutees avec beaucoup de liberteacute agrave lrsquooral seront traiteacutees agrave part dans les analyses quantitatives
En franccedilais elles apparaissent le plus souvent en position initiale de lrsquoeacutenonceacute (starters) mais peuvent apparaicirctre aussi en position intermeacutediaire ou finale Ces particules correspondent au laquo deuxiegraveme niveau de transcription raquo (crsquoest-agrave-dire du niveau macro-discursif voir le Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux p 165)
Au sein des corpus oraux les particules de discours sont noteacutees en caractegraveres italiques En effet elles seront releveacutees dans les cateacutegories speacutecifiques CONJdisc et ADVdisc
Dans les exemples ci-apregraves il srsquoagit des particules alors et et donc
7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala
2 Onom(tac-tac-taclalala)
Annexe H-444
10 SB_agr3-MJ08 et donc crsquoest crsquoest crsquoest mieux laquo les personnages eacuteconomisent leur force partagent lrsquoeffort crsquoest mieux raquo
Annexe H-534
(b) Critegraveres drsquoinclusion des conjonctions agrave valeur syntaxique
Les laquo conjonctions agrave valeur syntaxique raquo sont contraintes par la structure de lrsquoeacutenonceacute si celui-ci preacutesente une coordination ou une subordination syntaxique formelle crsquoest-agrave-dire qursquoune conjonction est preacutesente pour coordonner deux propositions ou en guise de subordonnant comme et ou parce que dans les eacutenonceacutes suivants
4 SB_agr1 en-fait euh euh euh hum (4) lombaires (2) et tecirctes geste montre dos
Annexe H-519
102 SB_agr1 lyceacutee jrsquoheacute- jrsquoheacutesite parce-que de-toute-faccedilon en en collegravege toujours euh speacutecialiste euh agrave collegravege
DETom(le) amalgame incomplet laquo au raquo CONJsynt(parce-que)
Annexe H-523
convient de bien diffeacuterencier les laquo constituants formels ou structuraux raquo et les laquo fonctions raquo de ces derniers Un mecircme item (ex donc ou et) peut assumer diverses fonctions et laphasie peut affecter lune et non lautre raquo
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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Comme elles sont prises en compte parmi les mots extraits les conjonctions agrave valeur syntaxique apparaissent en caractegraveres gras Il faut bien les distinguer des particules et connecteurs discursifs qui eux apparaissent en caractegraveres italiques (voir au point (a) preacuteceacutedent)
410 Corpus collecteacutes et mis en forme
4101 Application du protocole original QPA agrave drsquoautres types de tacircches de production
Selon le protocole original les mesures sont appliqueacutees exclusivement agrave des corpus de discours narratif (un conte voire deux contes) En outre pour BERNDT (2005)
laquo Lrsquoanalyse quantitative de la production peut ecirctre appliqueacutee agrave nrsquoimporte quel eacutechantillon (assez long) tant qursquoon a une ideacutee de ce que le patient essaie de veacutehiculer comme information raquo118
Ainsi nous avons appliqueacute le mecircme protocole de formalisation et drsquoanalyse de donneacutees linguistiques agrave drsquoautres types de tacircches de production telles que la production de discours spontaneacute autobiographique (tacircche 1) la narration drsquohistoires inconnues du locuteur drsquoapregraves un set drsquoimages (tacircche 3) ou la production de phrases isoleacutees agrave partir drsquoimages (tacircche 4) en plus de la tacircche classique de narration drsquoun conte connu (tacircche 2)
Les corpus de discours obtenus ont eacuteteacute formaliseacutes selon des principes de segmentation et drsquoextraction drsquoobservables adapteacutes au franccedilais tout en respectant les principes guides du protocole original
118 Notre propre traduction communication personnelle de BERNDT (2005) Qursquoelle soit remercieacutee ici de nous avoir fourni les outils neacutecessaires afin de pouvoir adapter et utiliser le protocole
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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1 Protocole QPA original (SAFFRAN et al 1989 BERNDT et al 2000 ROCHON et al 2000) 1 tacircche Discours continu narration de 1 ou 2 contes
2 Protocole QPA adapteacute 4 tacircches Tacircche 1 - discours continu spontaneacute reacutecit de la maladie voyage entretien semi-guideacute Discours narratif autobiographique Tacircche 2 - discours continu narration de 2 contes (PCR et Cendrillon) Discours narratif (il est demandeacute drsquoembleacutee au sujet de raconter 2 contes pour la tacircche de production de discours narratif) Tacircche 3 - discours continu narration de 7 histoires ineacutedites agrave partir drsquoimages Discours narratif descriptif (set de 4 images par histoires) 12 histoires raconteacutees dont 7 histoires retenues Tacircche 4 - phrases isoleacutees production de structures agrave partir drsquoimages 60 structures cibles
Tableau 12 Tacircches et types de donneacutees collecteacutees (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute au franccedilais et agrave drsquoautres tacircches de production)
4102 Adaptations du protocole original QPA nature et quantiteacute de donneacutees analyseacutees
Selon le protocole original QPA le nombre de mots narratifs doit ecirctre au minimum de 150 mots par corpus agrave analyser Cette quantiteacute nous semble assez faible crsquoest pourquoi nous avons deacutecideacute de construire des corpus plus abondants
Ainsi concernant la tacircche de production de discours spontaneacute (tacircche 1) et pour tous les participants il srsquoagit drsquoobtenir au minimum entre 300 et 800 mots produits parmi lesquels 250 agrave 500 mots extraits Que ce soit pour les locuteurs aphasiques ou controcircles nous nous en sommes tenue strictement agrave ces intervalles de nombre de mots produits au total et de mots extraits
Concernant les autres tacircches (2 3 et 4) nous nrsquoavons pas fixeacute drsquointervalle Tout ce qui concerne la narration drsquohistoires et la production de phrases agrave partir drsquoimages est transcrit mis en forme et analyseacutes
Comme pour le protocole original les informations sur les caracteacuteristiques des corpus construits (nombre de mots produits extraits dureacutee de parole effective) apparaissent
PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux
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clairement sur les feuilles de reacutesultats Ainsi le lecteur peut se faire une ideacutee assez preacutecise de la quantiteacute de mots soumis agrave lrsquoanalyse pour chaque participant agrammatiques et controcircles et pour chaque tacircche
Le tableau ci-dessous (Tableau 13) preacutesente les adaptations reacutealiseacutees par nos soins et jugeacutees adeacutequates suivant le type de tacircche et la quantiteacute de donneacutees agrave analyser
CORPUS APHASIQUES et CONTROcircLES 2 Protocole drsquoAnalyse Quantitative adapteacute - 4 tacircches - adapteacute par nos soins au franccedilais - ajouts de certaines mesures quantitatives comme la mesure de lrsquoemploi des particules de discours de conjonctions syntaxiques drsquoadverbes modifieurs et de preacutepositions - modifications de certaines mesures pour ameacuteliorer la comparabiliteacute des reacutesultats entre corpus
1 Protocole drsquoAnalyse Quantitative original - 1 tacircche de narration de conte (1 ou 2) =gt au moins 150 mots extraits (+- 10 mots) Si le nombre de mots narratifs ou mots extraits est au final infeacuterieur agrave 150 mots alors il est demandeacute au locuteur de raconter un deuxiegraveme voire un troisiegraveme conte
Tacircche 1 - discours continu spontaneacute reacutecit de la maladie voyage entretien semi-guideacute =gt entre [300 et 800] mots produits sont transcrits dont [250 agrave 500] mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 2 - discours continu narration de 2 contes (PCR et Cendrillon) =gt tous les mots produits sont transcrits et tous les mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 3 - discours continu narration de 7 histoires ineacutedites agrave partir drsquoimages =gt tous les mots produits sont transcrits et tous les mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 4 - phrases isoleacutees production de structures agrave partir drsquoimages 60 structures cibles =gt toutes les phrases produites sont transcrites seuls les mots extraits sont pris en compte dans les analyses
Tableau 13 Nature et quantiteacute de donneacutees verbales (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute)
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En reacutesumeacute compareacute au protocole original qui preacutevoit au minimum drsquoobtenir 150 mots extraits pour les analyses nous avons choisi de collecter une quantiteacute plus abondante de donneacutees
4103 Particulariteacutes de la mise en forme concernant les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)
La transcription et la mise en forme des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) srsquoavegraverent plus aiseacutees que pour les corpus de production de discours continu (tacircches 1 2 et 3) En effet la question de la segmentation du discours continu ne se pose plus Comme nous avons affaire agrave des corpus de phrases isoleacutees lrsquoattention est centreacutee sur les phrases cibles agrave produire Pour chaque phrase cible proposeacutee aux participants agrammatiques il y a bien sucircr de nombreuses reformulations et autocorrections Il ne srsquoagit pas de prendre en compte toutes les tentatives de formulations lieacutees agrave une structure cible proposeacutee (pouvant parfois ecirctre tregraves nombreuses) mais bien seulement la meilleure formulation obtenue parmi les multiples tentatives
Les conventions de transcription adopteacutees sont les mecircmes que celles appliqueacutees au discours continu Tout est transcrit (pauses heacutesitations disfluences reacutepeacutetitions deacuteformations phoneacutemiques reformulations etchellip)
En reacutesumeacute tout ce qui est transcrit nrsquoest pas pris en compte pour les analyses structurales La seacutelection des observables pertinents les mots extraits en caractegraveres gras respectent les principes suivants
parmi les reformulations et les autocorrections la meilleure tentative de formulation de phrase est retenue Quoiqursquoil en soit les multiples tentatives et reformulations qui concernent une mecircme phrase cible agrave produire pourront ecirctre les indices de certaines proceacutedures de formulation strateacutegiques
les facilitations fournies par lrsquoexpeacuterimentatrice sont rigoureusement noteacutees Quand une facilitation est fournie crsquoest que nous avions jugeacute que le locuteur ne parvenait pas agrave formuler de construction ou alors avait grand peine agrave le faire Lorsque le locuteur exploite la facilitation fournie lrsquoeacutenonceacute alors produit nrsquoest donc pas pris en compte srsquoil a trop influenceacute la formulation
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411 Conclusion
Le protocole expeacuterimental comporte trois variables indeacutependantes croiseacutees avec emboicirctement
S15 =gt 1 facteur laquo sujets raquo 15 locuteurs
A2 =gt 1 facteur laquo eacutetats neurologiques raquo 2 groupes avec les eacutetiquettes laquo agrammatique raquo
vs laquo controcircle raquo assigneacutees agrave chaque locuteur
T4 =gt 1 facteur laquo tacircches ou situations raquo 4 tacircches de production orale ou 4 conditions
expeacuterimentales (4 tacircches de production agrave degreacutes de contraintes variables)
S 15 (A 2) T 4
Au final notre corpus a eacuteteacute construit drsquoapregraves 60 conditions expeacuterimentales repreacutesenteacutees par le tableau suivant (Tableau 14)
Codes locuteurs Codes tacircches Nombre de Corpus 1 PC_agr 1 2(ab) 3 4 2 BR_agr 1 2(ab) 3 4 3 MC_agr 1 2(ab) 3 4 4 SB_agr 1 2(ab) 3 4 5 PB_agr 1 2(ab) 3 4
Groupe agrammatique N=6
6 TH_agr 1 2(ab) 3 4
24
1 FX_contr 1 2(ab) 3 4 2 GG_contr 1 2(ab) 3 4 3 GBis_contr 1 2(ab) 3 4 4 GB_contr 1 2(ab) 3 4 5 LL_contr 1 2(ab) 3 4 6 LMan_contr 1 2(ab) 3 4 7 EB_contr 1 2(ab) 3 4 8 MF_contr 1 2(ab) 3 4
Groupe controcircle N=9
9 MM_contr 1 2(ab) 3 4
36
Total 15 locuteurs 4 tacircches 60 corpus
Tableau 14 Protocole de recueil de donneacutees (reacutesumeacute) locuteurs tacircches corpus
Les corpus de discours continu (tacircches 1 2 et 3) sont segmenteacutes et mis en forme suivant les critegraveres preacutesenteacutes tout au long de ce chapitre 4
Lrsquoenjeu drsquoune telle formalisation revient agrave construire un corpus de donneacutees observables refleacutetant fidegravelement en fonction de nos objectifs la performance effective du locuteur aphasique Lrsquointeacuterecirct eacutetant porteacute sur la structuration morpho-syntaxique le laquo nettoyage des
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donneacutees brutes raquo leur segmentation et leur mise en forme constituent une eacutetape de preacute-traitement essentielle en vue des traitements quantitatifs appliqueacutes par la suite
Voici un extrait drsquoune feuille de travail crsquoest-agrave-dire drsquoun corpus de donneacutees orales transcrites et mises en forme
exp crsquoest bon racontez-moi le PCR
SB_agr2a normalement je connais (rires) normalement mais euh en fait euh euh rappeler comme ccedila comme ccedila comme ccedila ou euh r- raconter
exp raconter lagrave crsquoest vraiment juste pour se remettre lrsquohistoire en tecircte (images)
1 SB_agr2a donc hum (3) la maman euh (6) vient vient non en-fait euh vient non
2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge
3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere
4 SB_agr2a euh (5) dans le panier alors je sais pas-du-tout du beurre non
SB_agr2a je sais pas crsquoest ccedila
SB_agr2a je je sais pas du tout
SB_agr2a bon pas grave de beu-
5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple
6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge
7 SB_agr2a et hum euh (7) a- euh a- a- euh aller euh aller [ld] dans la maison le [ʃp] le grand-megravere grand-megravere XX
8 SB_agr2a hum (3) le loup euh euh (13) n- s- frapper non oui frapper alors euh grand-megravere
9 SB_agr2a (6) la grand-megravere (5) en- entend le (2) le entend (2) ccedila srsquoappelle (6)
exp la chevi-
SB_agr2a che- che - vi- chevillette cherra
exp tire la chevillette non tire la bobinette et la chevillette cherra
10 SB_agr2a et donc euh euh l- le loup entrer dans la lrsquoa-ppartement enfin dans la maison et manger la grand-megravere
Annexe H-525
Tous les corpus transcrits et mis en forme sont fournis en Annexe H-428 agrave H-588 (corpus agrammatiques) et en Annexe I-635 agrave I-673 (corpus controcircles)
En outre les variables deacutependantes eacutetudieacutees toutes linguistiques sont deacutecrites en deacutetail ci-apregraves dans la partie 5 consacreacutee agrave la deacutemarche drsquoanalyse quantitative
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables CORPUS MORPH et SYNTAX
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5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative
50 Introduction
501 Principes geacuteneacuteraux et objectifs
Comme nous lrsquoavions deacutejagrave signaleacute au point 4 le protocole drsquoanalyse quantitative que nous appliquons a eacuteteacute penseacute par SAFFRAN et al (1989)
Cette deacutemarche drsquoanalyse quantitative de la production orale vise agrave deacutecrire le discours aphasique en srsquoappuyant sur des critegraveres objectifs afin drsquoen deacutegager des variations quantitatives inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches En effet selon les contraintes imposeacutees par une situation de production verbale donneacutee (plus ou moins controcircleacutee plus ou moins limiteacutee temporellement plus ou moins spontaneacutee) on peut deacutegager des laquo styles raquo de comportements verbaux (plus ou moins fluents par exemple)
Bien eacutevidemment lrsquointerpreacutetation des diffeacuterentes mesures geacuteneacutereacutees drsquoapregraves des donneacutees aphasiques nrsquoest possible qursquoen les comparant avec des donneacutees issues de lrsquoeacutetude de la production verbale laquo non pathologique raquo pour une mecircme tacircche de production
Les objectifs de la proceacutedure drsquoanalyse quantitative se reacutesument ainsi
fournir des mesures objectives afin de comparer des variations drsquoemploi (variabiliteacutes inter-tacircchesintra-individu et intra-tacirccheinter-individus)
fournir des mesures objectives agrave partir drsquoune quantiteacute suffisante de donneacutees (corpus de plusieurs milliers de mots)
deacutecrire les aspects structuraux (morpho-lexicaux syntaxiques) du parler agrammatique ou non pathologique
eacutevaluer les capaciteacutes et incapaciteacutes drsquoencodage du lexique de la morphologie de la syntaxe chez les agrammatiques par rapport agrave un reacutefeacuterentiel constitueacute de locuteurs controcircles (parler non-pathologique)
La proceacutedure de comptage des mots est reacutealiseacutee suivant leur eacutetiquette morpho-grammaticale standard En plus des indications fournies dans le protocole original les ressources lexicographiques et grammaticales varieacutees119 nous ont aideacute agrave fixer ces critegraveres drsquoidentification des uniteacutes morphosyntaxiques que nous preacutesentons tout au long des pages qui suivent
119 Il srsquoagit du Treacutesor de la Langue Franccedilaise Informatiseacute (TLFi ATILF 2004) du dictionnaire Le Petit Robert de la Langue Franccedilaise (ROBERT et al 2006) et les ouvrages de grammaire de RIEGEL et al (1994) et DENIS et SANCIER-CHATEAU (1994)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS MORPH et SYNTAX
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Certaines mesures que nous trouvions utiles agrave effectuer ont eacuteteacute ajouteacutees par rapport agrave la proceacutedure originale (notamment celles qui concernent les conjonctions les preacutepositions et les adverbes) Drsquoautre part sans en modifier les principes il nous a fallu revoir certaines mesures conccedilues pour lrsquoanglais afin de les adapter au franccedilais
Dans un premier temps (51 52 et 53 p 181-216) nous preacutesentons les instructions de notre protocole en deacutetail axeacutees sur les analyses de corpus de discours continu (tacircches 1 2 et 3)
Dans un deuxiegraveme temps (54 p 216) nous preacutesentons les ameacutenagements particuliers apporteacutes en vue des traitements appliqueacutes aux analyses de corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4)
502 Les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX
Les analyses quantitatives sont fondeacutees sur les trois grandes cateacutegories de variables linguistiques
les variables de corpus pour les analyses de mots produits mots extraits eacutenonceacutes segmenteacutes et deacutebit verbal
les variables morphologiques pour les analyses de morphegravemes lexicaux grammaticaux libres et de morphologie flexionnelle verbale
et les variables syntaxiques pour les analyses de structuration syntaxique des eacutenonceacutes
La subdivision entre ces trois types de variables linguistiques nrsquoest pas formuleacutee en tant que telle dans le protocole original QPA Par contre elle se rapproche deacutelibeacutereacutement de celle eacutetablie par KOLK (2006 voir au point 2433 p 65) qui se rapporte aux trois types de symptocircmes linguistiques lui permettant de deacutecrire le discours agrammatique le symptocircme de fluence verbale (rate symptom) le symptocircme morphologique (morphological symptom) et le symptocircme syntaxique (syntactic symptom)
Notons que pour la suite cette subdivision en variables CORPUS MORPH et SYNTAX permet drsquoobtenir une meilleure lisibiliteacute des nombreux reacutesultats quantitatifs obtenus
Lrsquoessentiel de ce qui va suivre consiste agrave deacutecrire drsquoune part les types de mesures reacutealiseacutees sur les corpus de donneacutees verbales crsquoest-agrave-dire la maniegravere dont nous avons proceacutedeacute pour le comptage des occurrences (en valeurs brutes) et drsquoautre part le calcul des variables qui leur sont associeacutees (variables associeacutees)
Pour la lecture de ce chapitre nous recommandons au lecteur de se reacutefeacuterer parallegravelement et pas agrave pas agrave la feuille de reacutesultats fournie en exemple ci-apregraves (voir p 180) ou mecircme agrave une des feuilles de reacutesultats fournies en Annexes (H-588-613 pour les donneacutees agrammatiques et I-673-686 pour les donneacutees controcircles)
Elle concerne le corpus du locuteur 1 PC_agr dans la tacircche de production 1 (en reacutecit autobiographique)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables CORPUS MORPH et SYNTAX
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Les feuilles de reacutesultat sont organiseacutees de la maniegravere suivante
les mesures en valeurs brutes sont reporteacutees dans la colonne de gauche et les mesures en valeur relatives (calculs drsquoindices et de proportions) dans la colonne de droite Par exemple la variable Mots produits (A voir dans la colonne de gauche) appartient agrave la cateacutegorie de variables CORPUS il srsquoagit du nombre de mots produits
il apparaicirct que le corpus oral de 1 PC_agr1 comprend au total 760 mots produits (valeur brute A) dont 299 mots extraits (valeur brute A1) pour 146 eacutenonceacutes segmenteacutes analyseacutes (valeur brute A2) et pour une dureacutee effective de parole de 20 mn et 12 secondes
drsquoapregraves les valeurs brutes ainsi speacutecifieacutees le calcul des variables CORPUS associeacutees (lignes coloreacutees dans la colonne de droite) est obtenu automatiquement Par exemple la proportion de mots extraits (A1) parmi le total des mots produits (A) est obtenu par le ratio A1 A ce qui correspond agrave 039 ou 39 (cela signifie que le poids des mots extraits dans ce corpus est de 39 )
De la mecircme maniegravere toutes les autres valeurs brutes et variables associeacutees relevant drsquoune des cateacutegories CORPUS MORPH et SYNTAX peuvent se lire directement sur les feuilles de reacutesultats individuelles
Preacutecisons que une fois qursquoun releveacute drsquooccurrences et une cotation sont reacutealiseacutes en valeur brute au moyen de la feuille de travail sur corpus ceux-ci sont reporteacutes automatiquement sur la feuille de reacutesultat
Nous fournissons en Annexe G-423 un modegravele de feuille de travail sur corpus complegravete (corpus oral transcrit) sur laquelle figurent les cotations effectueacutees gracircce au tableur Drsquoautre part sa feuille de reacutesultats associeacutee figure en Annexe G-424
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS MORPH et SYNTAX
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Part 1 PC_agrTacircche 1
Date 06072007Valeurs brutes Indices et proportions (variables associeacutees)
1 CORPUS Caracteacuteristiques du corpus
Dureacutee min 20 Prop Mots extprod 039sec 12 proportion de mots extraits Mots extMots prod A1A
Mots prod 760 (A) DEBIT Mots prod 3762 Mots ext 299 (A1) deacutebit verbal en mots produitsmn (A(min+sec)60)
DEBIT Mots ext 1480deacutebit verbal en mots extraitsmn (A1(min+sec)60))
E Seg 146 (A2) Long Moy E Seg(Mots prod) 500longueur moy des E Seg en mots produits Moy(Mots prodE Seg)Long Moy E Seg(Mots ext) 228longueur moy des E Seg en mots extraits Moy(Mots extE Seg)
2(a) MORPH-LEX (Structuration morpho-lexicale Lexical Content )
MCO 237 (B) Prop MCO 079 MCF 62 (B1) proportion de mots de classe ouverte MCOMots ext BA1 N 100 (C) Prop MCF 021
proportion de mots de classe fermeacutee (Mots ext-MCO)Mots ext (A1-B)A1 CONJ 35 (D) Prop CONJMots prod 005 CONJdisc 33 (D1) proportion de conjonctionsmots produits CONJMots prod DA CONJsynt 2 (D2) Prop CONJdisc 094
proportion de conjonctions discursives CONJdiscCONJ D1DProp CONJsynt 006proportion de conjonctions syntaxiques CONJsyntCONJ D2D
DET CO 61 (E) Indice DET 041 DET 25 (E1) indice demploi de deacuteterminants DETDET CO E1E
PRO 33 (F) Prop PRO 025proportion de pronoms PRO(PRO+N) F(C+F)
V 63 (G) Prop V(V+N) 039 VInfl 61 (G1) proportion de verbesverbes+noms V(V+N) G(C+G) V-FLEX 9 (G2) Prop VMCO 027
proportion de verbesmots de classe ouverte VMCO GBIndice V-FLEX 015indice demploi de verbes fleacutechis V-FLEXVInfl G2G1
PREP 1 (H) Prop PREPMots ext 000proportion de preacutepositionsmots extraits PREPMots ext HA1
ADV 136 (I) Prop ADVMots prod 018 ADVdisc 104 (I1) proportion dadverbesmots produits ADVMots prod IA ADVmod 32 (I2) Prop ADVdisc 076
proportion dadverbes discursifsadverbes ADVdiscADV I1IProp ADVmod 024proportion dadverbes modifieursadverbes ADVmodADV I2I
2(b) MORPH-V (Complexiteacute flexionnelle verbale Aux Complexity Index )
V-Matrices (Matrices verbales) 61 (J) Indice Compl MORPH-V-Matrices 064V-Points Morph 100 (J1) indice de complexiteacute morphologique des matrices verbales (J1J)-1
(V-Points MorphV-Matrices)-1
3 SYNTAX (Structuration syntaxique Structural Analysis )
E Ph 21 (K) Prop Mots ext(E Ph) 023 Mots ext(E Ph) 70 (L) proportion de mots composant les E Ph Mots ext(E Ph) LA1
Prop Mots ext(E Non-Can) 077 Mots ext(E Non-Can) 229 (M) proportion de mots composant les E Non-Can Mots ext(E Non-Can) MA1
Long Moy E Ph(Mots ext) 333longueur moy des eacutenonceacutes-phrases en mots extraits Moy(Mots extE Ph)
E Ph Gram 14 (N) Prop E Ph Gram 010proportion deacutenonceacutes-phrases grammaticaux E Ph GramE Seg NA2
SN-S 20 (O) Long Moy SN-S 115 Mots MCO+PRO(SN-S) 23 (P) longueur moyenne des SN-S en MCO+PRO Moy(MCO+PROSN) PO
Indice Elab SN-S 015 (a)indice deacutelaboration des SN-S Moy(MCO+PROSN)-1 (PO)-1
SV 20 (Q) Long Moy SV 190 Mots MCO+PRO(SV) 38 (R) longueur moyenne des SV en MCO+PRO Moy(MCO+PROSV) RQ
Indice Elab SV 090 (b)indice deacutelaboration des SV Moy(MCO+PROSV)-1 (RQ)-1Indice Elab E Ph 105indice deacutelaboration des E Ph (a+b)
SUB 0 (S) Prop SUB 000proportion de propositions subordonneacutees SUBE Seg SA2Variables suppleacutementaires ou modifieacutees par rapport au protocole original
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables CORPUS
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51 Les variables CORPUS
511 Valeurs brutes CORPUS
Les valeurs brutes CORPUS renseignent sur les caracteacuteristiques geacuteneacuterales des corpus il srsquoagit de la dureacutee du nombre de mots produits ( Mots prod) du nombre de mots extraits ( Mots ext) et du nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) En effet ces variables sont utiles pour eacutevaluer la quantiteacute effective de donneacutees collecteacutees et analyseacutees ceci afin de donner une ideacutee assez preacutecise des caracteacuteristiques de chaque corpus eacutetudieacute
5111 Dureacutee de lrsquoeacutechantillon (Duration of Narrative)120
La dureacutee effective de parole du locuteur est reporteacutee en minutes et secondes Il srsquoagira ensuite de calculer le deacutebit verbal
Les dureacutees correspondant aux interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice aux interruptions longues et aux intermegravedes sont exclues
Drsquoautre part il convient de ne retenir que les dureacutees de parole qui correspondent rigoureusement aux eacutenonceacutes pour lesquels on aura comptabiliseacute le nombre de mots afin de ne pas fausser la mesure du deacutebit verbal calculeacute ulteacuterieurement
5112 Nombre de MOTS PRODUITS Mots prod (A) (Complete Words Uttered)
(a) Comptage des mots produits
Les mots produits ( Mots prod) correspondent agrave tous les mots produits par le locuteur y compris les mots deacuteformeacutes mais interpreacutetables Dans les corpus le releveacute des mots produits est reacutealiseacute exclusivement sur les eacutenonceacutes segmenteacutes retenus en vue des analyses structurales crsquoest-agrave-dire ceux qui sont numeacuteroteacutes et coloreacutes dans les feuilles de travail comme dans lrsquoextrait suivant qui compte au total 8 mots produits pour 3 eacutenonceacutes segmenteacutes pris en compte
1 PC_agr3-MJ01 alors (12) Ab
PC_agr (rires) lagrave crsquoest facile mais lagrave oui bien-sucircr -15sec
exp prenez votre temps
2 PC_agr3-MJ01 alors (13) Ab
exp lagrave lrsquohomme qursquoest-ce qursquoil fait -3sec
3 PC_agr3-MJ01 lrsquohomme croque mais euh le oui (3) SN-ODirom
PC_agr3-MJ01 crsquoest dur lagrave lagrave lagrave lagrave bien-sucircr bien-sucircr crsquoest sucircr crsquoest sucircr -16sec
exp dites-le comme vous voulez vous pouvez dire laquo deux raquo
Annexe H-447
120 Dans les titres agrave cocircteacute de notre propre deacutenomination en franccedilais nous ajoutons entre parenthegraveses la deacutenomination correspondante issue du protocole original
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS
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En effet les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice et les eacutenonceacutes modalisateurs ne sont pas pris en compte (ils ne sont pas coloreacutes ni numeacuteroteacutes)
Drsquoautre part parmi les 8 mots produits comptabiliseacutes dans les 3 eacutenonceacutes agrave consideacuterer pour les analyses structurales 3 sont des particules discursives (alors alors mais en caractegraveres italiques) 3 sont des mots extraits (lrsquohomme croque en caractegraveres gras) et le reste sont des remplisseurs ou des scories de lrsquooral (soit 2 mots le et oui) Rappelons ici que les dureacutees des pauses de plus de trois secondes sont noteacutees entre parenthegraveses
Dans certains cas plusieurs morphegravemes se combinent et servent agrave composer une uniteacute lexico-grammaticale solidaire Dans la mise en forme des corpus les tirets entre les sous-uniteacutes indiquent ainsi leur caractegravere solidaire Tout le reste des mots sans exception est comptabiliseacute uniteacute par uniteacute autonome Ci-apregraves nous preacutesentons les cas ougrave les morphegravemes doivent ecirctre comptabiliseacutes solidairement et les cas ougrave des amalgames doivent au contraire ecirctre deacutecomposeacutes en uniteacutes morphegravemiques autonomes agrave comptabiliser seacutepareacutement
(b) Cotation des morphegravemes lexicaux complexes ou composeacutes
Certains morphegravemes sont dits complexes crsquoest-agrave-dire qursquoils sont formeacutes agrave partir de plusieurs uniteacutes morpheacutemiques autonomes Nous eacutetablissons par convention les regravegles suivantes afin drsquoharmoniser la comptabilisation de ces uniteacutes agrave travers les corpus
il convient de comptabiliser les mots composeacutes tels que portemanteau grand-megravere lave-vaisselle avant-premiegravere apregraves-midi en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune seule uniteacute morpheacutemique solidaire composeacutee de deux bases lexicales Ce type de composition lexicale constitue une entreacutee autonome du dictionnaire et compte pour 1 uniteacute solidaire Mot prod (mot produit)
pour les autres types de compositions telles que pomme de terre les mots produits sont compteacutes seacutepareacutement
Voici des exemples de cotation
Four agrave pain gt 3 Mots prod
Tire-bouchon agrave eacutelastique gt 3 Mots prod
Chapeau melon gt 2 Mots prod
(c) Cotation des verbes semi-auxiliaires
Les verbes semi-auxiliaires comme ecirctre-en-train et ecirctre-sur-le-point sont compteacutes comme une seule uniteacute solidaire
Ils sont-en-train de scier gt 1 Vsemi-aux(sont-en-train)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables CORPUS
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(d) Cotation des locutions adverbiales conjonctives et preacutepositionnelles
Les locutions adverbiales comme en-effet en-fait en-reacutealiteacute drsquo-accord bien-sucircr drsquo-ores-et-deacutejagrave sont comptabiliseacutees comme eacutetant une seule uniteacute morpheacutemique solidaire tout comme les locutions conjonctives telles que ou-bien afin-que apregraves-que tandis-que crsquoest-alors-que jusqursquo-agrave-ce-que etchellip Il en va de mecircme pour les locutions preacutepositionnelles afin-de en -dehors-de en-face-de en-dessous-de aupregraves-de autour-de etchellip
(e) Cotation des particules adverbiales de neacutegation
Agrave lrsquooral la particule ne est souvent absente
Il veut pas gt 1 ADVmod(pas)121
Mais lorsqursquoelle est preacutesente elle est comptabiliseacutee solidairement du deuxiegraveme eacuteleacutement adverbial auquel elle se combine les particules adverbiales de neacutegation sont alors comptabiliseacutees comme eacutetant une uniteacute morpheacutemique solidaire
Il ne veut pasplusjamais gt 1 ADVmod(ne-pasplusjamais)
Lorsque la particule neacutegative est composeacutee de plus de deux uniteacutes celles-ci sont compteacutees en plus
Il ne vient jamais plus gt 2 ADVmod (ne-jamais plus)
Dans le cas suivant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune uniteacute morpheacutemique solidaire
Moi pas-du-tout gt 1 ADVmod(pas-du-tout)
(f) Cotation des amalgames
Lorsqursquoune preacuteposition est combineacutee avec un article pour obtenir un morphegraveme amalgameacute il convient de deacutecomposer lrsquoamalgame pour obtenir le nombre reacuteel de morphegravemes grammaticaux en preacutesence
Il joue du piano gt 2 Mots 1 PREP(de) + 1 DET(le)
La maison de la grand-megravere gt 2 Mots 1 PREP(de) + 1 DET(la)
Elle va au bal gt2 Mots 1 PREP(agrave) + 1 DET(le)
Lorsqursquoon agrave affaire agrave un article partitif uniquement on le comptabilise en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune seule uniteacute solidaire
Il mrsquoa fait de-la meacutesotheacuterapie gt 1 Mot 1 DETpartitif(de-la)
Dans le panier du beurre gt 1 Mot 1 DETpartitif(du)
121 Elles sont coteacutees par ailleurs dans la cateacutegorie des adverbes modifieurs (ADVmod voir au point 52111(c) p 199)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS
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5113 Nombre de MOTS EXTRAITS Mots ext (A1) (Narrative Words)
Les critegraveres drsquoidentification des mots extraits ( Mots ext) sont exposeacutes dans le chapitre 4 (voir au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)
Par exemple dans lrsquoeacutenonceacute suivant on relegraveve 5 mots extraits (pour un total de 10 mots produits)
4 SB_agr2a euh (5) dans le panier alors je sais pas-du-tout du beurre non
Metaling laquo alors je sais pas du tout raquo DeformphonDET(du beurregtarticuleacute de maniegravere approximative entre [ly] et [dy])
Annexe H-525
Rappelons simplement que les mots extraits correspondent agrave tous les mots essentiels agrave la structuration interne drsquoun eacutenonceacute Les commentaires et modalisations onomatopeacutees et certaines interjections sont exclus et les particules discursives sont traiteacutees agrave part Ainsi dans lrsquoeacutenonceacute preacuteciteacute lrsquoincise alors je sais pas-du-tout nrsquoest pas coteacutee comme mots extraits
Dans les feuilles de travail sur corpus les mots extraits et donc la structuration interne des eacutenonceacutes segmenteacutes sont clairement mis en valeur par des caractegraveres gras (il srsquoagit du niveau 1 de transcription voir au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)
5114 Nombre drsquoEacuteNONCEacuteS SEGMENTEacuteS E Seg (A2) (Utterances)
Le discours est segmenteacute en laquo uniteacutes eacutenonceacutes raquo ce que nous appelons laquo eacutenonceacutes segmenteacutes raquo ( E Seg) Ils occupent chacun une ligne Les critegraveres syntaxiques et prosodiques de segmentation du discours ont deacutejagrave eacuteteacute exposeacutes en deacutetail au point 47 et 48 (pp 154-163) crsquoest pourquoi nous nrsquoy reviendrons pas Toutefois signalons une fois de plus que au sein des corpus oraux transcrits les eacutenonceacutes segmenteacutes retenus en vue des analyses structurales sont numeacuteroteacutes dans les cases coloreacutees de la colonne de gauche
Une fois que le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes est releveacute dans la feuille de cotation il se reporte automatiquement sur la feuille de reacutesultat
512 Variables CORPUS associeacutees
Les cotations en valeurs brutes ainsi effectueacutees dans les feuilles de travail sur corpus permettent de calculer les variables de CORPUS associeacutees que nous preacutesentons ci-apregraves
5121 Prop Mots extprod122
La variable Prop Mots extprod (proportion de mots extraits) reflegravete la part relative des mots extraits par rapport aux mots produits Cet indicateur renseigne sur la quantiteacute de donneacutees extraites des eacutechantillons collecteacutes qui peut ecirctre tregraves variable selon le locuteur et le type de tacircche
122 Lorsqursquoune variable est signaleacutee par un asteacuterisque cela signifie qursquoelle a eacuteteacute ajouteacutee par rapport au protocole original ou alors qursquoelle existait dans le protocole original et que son calcul a eacuteteacute modifieacutee
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables CORPUS
185
5122 Deacutebit Mots prod ( Words per minute)
La variable Deacutebit Mots prod (deacutebit en mots produits par minute) indique le deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute Ce calcul inclut tous les mots produits (les particules de discours les interjections les reacutepeacutetitions etc)
5123 Deacutebit Mots ext
La variable Deacutebit Mots ext (deacutebit en mots extraits par minute) indique elle le deacutebit verbal en nombre de mots extraits Son calcul est baseacute uniquement sur les mots extraits des corpus oraux crsquoest-agrave-dire sur les mots participant agrave lrsquointeacutegration phrastique Ce calcul se fait donc par exclusion des particules de discours des interjections des reacutepeacutetitions etc
Preacutecisons que la variable Deacutebit Mots ext est toujours infeacuterieure agrave la variable preacuteceacutedente Deacutebit Mots prod en raison de la base de calcul qui est plus petite car la quantiteacute de mots extraits est toujours infeacuterieure agrave la quantiteacute de mots produits au total
5124 Long Moy E Seg(Mots prod)
La variable Long Moy E Seg(Mots prod) (longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en mots produits) renseigne sur la longueur drsquoun eacutenonceacute segmenteacute Pour la calculer le nombre total de mots produits a eacuteteacute diviseacute par le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes
5125 Long Moy E Seg(Mots ext) (Median Utterance Length)
La variable Long Moy E Seg(Mots ext) (longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en mots extraits) reflegravete la longueur drsquoun eacutenonceacute en mots extraits Seuls les eacutenonceacutes segmenteacutes comprenant des mots extraits ont eacuteteacute pris en compte pour son calcul Certains eacutenonceacutes sans mots extraits tels que les eacutenonceacutes 1 et 2 citeacutes en exemples p 181 (voir au point 5112) nrsquoentrent pas dans la base de calcul de cette variable En effet ces eacutenonceacutes ne sont composeacutes que de la particule discursive alors et aucun eacutenonceacute nrsquoest produit
Au total on obtient 9 variables de CORPUS (dont 4 en valeurs brutes et 5 en valeurs relatives)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
186
52 Les variables MORPH
521 Valeurs brutes MORPH-LEX
5211 Nombre de MOTS DE CLASSE OUVERTE MCO (B) (Open Class Words)
(a) Cotation des mots de classe ouverte
Parmi les mots extraits ( Mots ext) les mots appartenant agrave la cateacutegorie de mots de classe ouverte ( MCO) sont releveacutes
Il srsquoagit des morphegravemes lexicaux ou agrave radical lexical les Noms communs et Noms propres les Verbes noyaux et copules les Adjectifs (dont les numeacuteraux) les Adverbes en ndashment (par exemple tristement) et les autres types drsquoadverbes (tregraves beaucoup trop etchellip) qui nrsquoont pas la fonction de particules de discours123 (ceux-ci sont traiteacutes agrave part)
En cas de doute sur la cateacutegorie drsquoun morphegraveme on consulte une base de donneacutees lexicales pour deacutecider de son appartenance agrave la cateacutegorie des mots de classe ouverte (versus mots de classe fermeacutee) en fonction du contexte drsquoemploi
(b) Cotation des peacuteriphrases verbales semi-auxiliaires aspectuels modaux et causatifs
Les verbes aller ou ecirctre employeacutes comme semi-auxiliaires drsquoaspect pour les formes au futur proche ou les verbes tels que venir pour les formes au passeacute proche ou tels que continuer utiliseacute pour former des peacuteriphrases verbales aspectuelles sont agrave inclure parmi les MCO
Il va manger gt 2 MCO
Il est-en-train de se reposer gt 2 MCO
Il est-sur-le-point de partir gt 2 MCO
Le loup vient de partir gt 3 MCO
Dans notre protocole adapteacute les auxiliaires modaux (tels que devoir vouloir pouvoir) sont inteacutegreacutes agrave la cateacutegorie de MCO car ils ont selon nous un sens plutocirct lexical124 Ainsi lorsqursquoils se combinent agrave des bases verbales agrave la forme infinitive ils sont coteacutes dans la cateacutegorie des MCO
Il peut manger gt 2 MCO
123 Les particules de discours adverbiales sont traiteacutees agrave part Rappelons que les particules de discours apparaissent en caractegraveres italiques au sein des corpus transcrits 124 Dans le protocole original QPA les semi-auxiliaires modaux en anglais (modal auxiliaries tels que must can etchellip) sont coteacutes dans la cateacutegorie des morphegravemes grammaticaux
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
187
Dans les constructions causatives ou factitives (telles que faire manger faire cuire laisser tomber) les verbes causatifs sont comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des MCO
Elle fait entrer lrsquoenfant gt 3 MCO
5212 Nombre de MOTS DE CLASSE FERMEacuteE MCF (B1) (Closed Class Words)
(a) Calcul du nombre de mots de classe fermeacutee
Toujours parmi les mots extraits le nombre de mots de classe fermeacutee (crsquoest-agrave-dire les morphegravemes grammaticaux libres ou mots fonctions MCF) est obtenu par le calcul automatique suivant nombre de MCO ocircteacutes du nombre total de mots extraits comptabiliseacutes
Les morphegravemes concerneacutes par cette mesure sont donc les mots qui ne sont pas des mots de classe ouverte soit les deacuteterminants les pronoms les conjonctions agrave valeur syntaxique (en coordination et en subordination) les preacutepositions ainsi que les verbes ecirctre et avoir lorsqursquoils sont employeacutes comme auxiliaires
(b) Cotation des formes verbales composeacutees auxiliaires ecirctre et avoir
Tout comme dans le protocole original les auxiliaires ecirctre et avoir qui servent agrave la formation des temps composeacutes et le verbe ecirctre qui sert agrave la formation des tournures passives sont coteacutes dans la cateacutegorie des MCF
La princesse a essayeacute la chaussure gt 3 MCF
La princesse srsquoest sauveacutee gt 3 MCF
5213 Nombre de NOMS N (C) (Nouns)
Parmi les mots extraits le nombre de mots qui sont des noms ( N) est comptabiliseacute qursquoil srsquoagisse de noms communs ou de noms propres
5214 Nombre de CONJONCTIONS CONJ (D)
Dans cette cateacutegorie sont releveacutees le nombre total de conjonctions produites ( CONJ) qursquoelle soient des particules de discours ou des conjonctions syntaxiques
Elles seront ensuite coteacutees suivant qursquoelles assurent la fonction de particule discursive ( CONJdisc) ou de conjonction syntaxique (en coordination ou en subordination CONJsynt)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
188
(a) Cotation des conjonctions agrave valeur discursive CONJdisc (D1)
Parmi les mots produits lrsquoidentification des conjonctions agrave valeur discursive ( CONJdisc) deacutepend des critegraveres deacutejagrave exposeacutes au chapitre 4 (voir au point 4925 p 169) Au sein des corpus oraux transcrits et mis en forme elles sont en caractegraveres italiques
Rappelons ici que les conjonctions agrave valeur discursive sont geacuteneacuteralement en marge de la structuration interne des eacutenonceacutes segmenteacutes Elles sont utiliseacutees en guise de particules de discours
Elles ne sont pas inteacutegreacutees dans la comptabilisation des mots extraits afin de ne pas biaiser certaines variables refleacutetant la structuration interne ou phrastique des eacutenonceacutes produits qui sont calculeacutees agrave partir des mots extraits
Nous preacutefeacuterons donc les traiter agrave part en constituant une cateacutegorie seacutepareacutee En effet si par exemple on inteacutegrait les conjonctions agrave valeur discursive parmi les mots extraits pour les corpus agrammatiques en particulier ougrave certains eacutenonceacutes comprennent 3 ou 4 conjonctions discursives (des remplisseurs starters ou connecteurs logiques) sur 5 mots produits les mesures visant agrave refleacuteter la structuration syntaxique des eacutenonceacutes segmenteacutes seraient biaiseacutees
Dans lrsquoextrait de corpus suivant les conjonctions particules de discours sont au nombre de 3 (1 donc 2 et)
8 SB_agr2b donc euh Cendrillon euh euh en-fait euh souillon
9 SB_agr2b en-fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh
10 SB_agr2b euh border le lit euh
11 SB_agr2b en-fait euh tout euh PROind(tout)
12 SB_agr2b et euh (4) un euh un un non euh le le le euh (5) un bal un bal
Ab Rechlex claquement de langue agacement
13 SB_agr2b euh (3) prince en-fait (3) preacutetendrant euh (6) euh (3) preacutetendant euh trocircne en-fait
Autocor + preacutetendrantpreacutetendre diffeacuterence peu audible plutocirct preacutetandrant N(preacutetendant) Vpart substantiveacute 1 DETom(le) + prince 1 PREPom(agrave) + trocircne Ellipse du V 3 SN juxtaposeacutes
14 SB_agr2b et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f- euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet- (4)
Ab
Annexe H-527
Nous comptabilisons donc par convention dans la cateacutegorie des conjonctions discursives
Drsquoautre part dans le mecircme extrait les particules de discours qui sont des adverbiaux sont au nombre de 5 (en-fait) Ceux-ci sont comptabiliseacutes agrave part (voir les deacutetails au point 52111(b) p 197)
Dans certains eacutenonceacutes une conjonction agrave valeur syntaxique peut se combiner agrave un adverbe Dans ce cas par convention nous consideacuterons que la combinaison est solidaire
Il mrsquoa emmeneacute chez le meacutedecin pour me faire arrecircter et-puis soigner gt 1 CONJsynt
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
189
(b) Cotation des conjonctions agrave valeur syntaxique CONJsynt (D2)
Parmi les mots extraits les conjonctions agrave valeur syntaxique ( CONJsynt) sont des MCF Elles sont impliqueacutees dans des structures syntaxiques de coordination ou de subordination en mettant en relation au moins deux propositions (pour les deacutetails de preacute-traitement voir au point 4925(b) p 170) Les conjonctions de coordination (et ou mais ni etc) et les conjonctions introduisant une proposition subordonneacutee sont comptabiliseacutees dans cette cateacutegorie (que parce-que alors-que si quand pour-que etchellip)
Dans lrsquoextrait suivant lrsquoeacutenonceacute 69 comporte 2 CONJsynt (parce-que et)
69 SB_agr1 kineacute parce-que le doigt et [Rikys] Deformphon(rictusgt[Rikys]) 2 CONJsynt(parce queet) 2 DETom(lale) + kineacuterictus
70 SB_agr1 et euh orthophoniste euh 1 CONJdisc(et)
Annexe H-522
Drsquoautre part notons que dans le mecircme extrait une conjonction ayant la valeur de particule de discours (CONJdisc(et)) se trouve en tecircte de lrsquoeacutenonceacute 70
5215 Nombre de DEacuteTERMINANTS DET CO (E) et DET (E1) (Determiners)
(a) Nombre de CONTEXTES OBLIGATOIRES (NOMS) qui neacutecessitent un DEacuteTERMINANT OBLIGATOIRE DET CO (E) (Nouns Requiring a Determiner)
Dans un eacutenonceacute donneacute parmi les mots extraits il srsquoagit de compter les noms pour lesquels la preacutesence drsquoun deacuteterminant est obligatoire Certains noms ne neacutecessitent pas de deacuteterminant tels que les noms propres certains pluriels geacuteneacuteriques (hommes et femmes chiens et chats) et les pluriels avec un adjectif numeacuteral (trois filles) Les adjectifs numeacuteraux ne sont pas comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des deacuteterminants mais dans celle des MCO (en tant qursquoAdjectifs)
(b) Cotation des DEacuteTERMINANTS CO avec un deacuteterminant DET (E1) (NRDs with a Determiner)
Preacutesence absence de deacuteterminant en contexte obligatoire
On relegraveve simplement les contextes obligatoires ( DET CO) ougrave un deacuteterminant est bien preacutesent ( DET) qursquoil soit reacutealiseacute de maniegravere adeacutequate ou non
Dans lrsquoeacutenonceacute 29 ci-dessous les deacuteterminants sont absents de leur contexte formel obligatoire On a en effet jeune homme et prince au lieu de le jeune homme et le prince
29 SB_agr2b et jeun- jeune homme (2) prince en-fait euh (2) danser
[saelig] Cendrillon
DETom(le) PREPom(avec) intonation descendante
Annexe H-528
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
190
De la sorte on obtient la cotation suivante (0 deacuteterminants sur 2 contextes obligatoires)
Et jeune homme prince en-fait danser Cendrillon gt 2 DET CO 0 DET
Dans lrsquoeacutenonceacute 43 ci-dessous seul un deacuteterminant est absent (deux jeunes filles) sur deux contextes obligatoires les deux jeunes filles et les pantoufles
43 SB_agr2b deux jeunes filles euh (4) chercher (3) hum agrave enfiler euh les (3) pantoufles
DETom(les)
Annexe H-529
Ainsi on obtient la cotation suivante (1 deacuteterminant sur 2 contextes obligatoires)
Deux jeunes filles chercher agrave enfiler les pantoufles gt 2 DET CO 1 DET
Les deacuteterminants complexes
Certains deacuteterminants dits laquo complexes raquo se forment sur la base drsquoun autre eacuteleacutement crsquoest-agrave-dire
avec un adverbe de quantiteacute tels que beaucoup de un peu de trop de pas assez de moins de (hellip) que plus de etchellip et les adverbes en ndashment tels que eacutenormeacutement de tellement de etc
avec un adjectif tel que plein pleine de et les adjectifs numeacuteraux un deux trois etchellip
avec un autre SN tel que un tas de une foule de etchellip
Pour ces deacuteterminants complexes impliquant diffeacuterents morphegravemes on ne compte qursquoune seule occurrence de deacuteterminant
Par contre on prend soin de compter par ailleurs les occurrences drsquoadverbes drsquoadjectifs ou de noms dans leur cateacutegorie respective comme par exemple
Les quelques heures passeacutees agrave lire gt 1 DET CO 1 DET 1 ADJind (MCO)
Dans lrsquoexemple suivant on comptabilise un seul deacuteterminant mecircme srsquoil est composeacute de deux uniteacutes Lrsquoarticle partitif indeacutefini est modifieacute par un adverbe Ainsi on relegraveve aussi par ailleurs lrsquoadverbe adjoint dans la cateacutegorie des adverbes (ici ADVmod)
Il a beaucoup de courage gt 1 DET CO 1 DET 1 ADVmod (MCO)
Les deacuteterminants non conformes
Si le deacuteterminant est reacutealiseacute de maniegravere incomplegravete la forme est tout de mecircme coteacutee 1 dans la cateacutegorie des deacuteterminants Dans lrsquoeacutenonceacute suivant le locuteur produit un verglas au lieu de du verglas
4 SB_agr3-MJ03 et euh (3) ver- verglas en-fait euh dans euh la rue u- u- un verglas non
DETsubst(dugtun) + verglas (premiegravere tentative DETom(du) + verglas Autocor-
Annexe H-531
On cote la preacutesence du deacuteterminant un mecircme srsquoil y a substitution entre un et du Dans la rue un verglas gt 2 DET CO 2 DET
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
191
5216 Nombre de PRONOMS PRO (F) (Pronouns)
Pour cette cateacutegorie parmi les mots extraits il srsquoagit de relever tous les pronoms personnels forts et faibles ( PRO) sous forme conjointe (clitiques sujets et objets je tu il il impersonnel on indeacutefini nous me te se le la les en y etchellip) ou sous forme disjointe (sujets et objets moi lui elle nous eux-mecircmes etchellip)
Parmi eux on relegraveve les pronoms reacutefleacutechis et reacuteciproques (me te se etchellip) les pronoms deacutemonstratifs (crsquo ccedila celui-ci etchellip) les pronoms possessifs (le-mien etchellip) les pronoms interrogatifs (formes simples que quoi qui formes renforceacutees qursquo-est-ce-que qui-est-ce-qui et formes composeacutees variables lequel laquelle etchellip) ainsi que les pronoms indeacutefinis ou de reprise nominale (un aucun nul quelqu-rsquoun rien personne tout tous y en lela-mecircme lrsquo-autre etchellip) Il srsquoagit donc de relever tous les pronoms de reprise de syntagme nominal verbal ou preacutepositionnel125
Elle le voit gt 2 PRO
Le prince parle agrave elle gt 1 PRO
Lui le prince danse avec elle gt 2 PRO
La parole crsquoest moi gt 2 PRO
Le stylo agrave moi gt 1 PRO
Elle ne fait rien de bien gt 2 PRO
Rien nrsquoest fait gt 1 PRO
Le prince chaussure le-mecircme le-mecircme le-mecircme gt 3 PRO (figure de style)
Opeacuteration rien gt 1 PRO
Les pronoms deacutemonstratifs impliqueacutes dans une construction agrave deacutetachement ou extraction (cliveacutee) doivent eacutegalement ecirctre comptabiliseacutes de la maniegravere suivante
La meacutemoire crsquoest bon gt 1 PRO
Ce sont mes amis qui sont lagrave gt 1 PRO (dislocation)
Comme dans le protocole original les pronoms introduisant une proposition subordonneacutee relative ne sont pas pris en comptes dans les analyses
Le loup qui avance gt 0 PRO (PROrel)
5217 Nombre de VERBES V (G) (Verbs)
(a) Comptage du nombre de verbes
Nous comptabilisons parmi les mots extraits tous les radicaux lexicaux qui sont des verbes ( V) Les semi-auxiliaires qui servent agrave la formation de peacuteriphrases verbales (ecirctre-en-train
125 Les pronoms relatifs introduisant une proposition subordonneacutee relative ne sont pas comptabiliseacutes
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
192
(de) aller venir (de) commencer (agrave) etchellip) ainsi que les semi-auxiliaires modaux (devoir pouvoir vouloir etchellip) sont pris en compte dans la cateacutegorie des Verbes (ils sont aussi MCO) Les verbes ecirctre et avoir sont comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des verbes lorsqursquoils sont employeacutes comme verbes noyaux et non auxiliaires (dans ce cas ils sont compteacutes comme MCF)
Voici des exemples de cotation de verbes (MCO)
Elle est partie gt 1 V(partir)
On a fait la fecircte gt 1 V(faire)
Lrsquohomme est tombeacute gt 1 V(tomber)
Lrsquohomme est inteacuteresseacute par le magasin gt 1 V(est) + 1 ADJ(inteacuteresseacute)
Il vient de finir gt 2 V(venir (de) finir)
Elle veut partir gt 2 V(vouloir partir)
Il est-en-train de manger gt 2 V(ecirctre-en-train (de) manger)
Elle a commenceacute agrave parler avec moi gt 2 V(commencer (agrave) parler)
Lorsqursquoune forme infinitive est contrainte par un autre verbe dans une peacuteriphrase verbale les verbes sont comptabiliseacutes seacutepareacutement
Elle aime danser gt 2 V ( 1 Vmod(aimer) + 1 Vinf(danser) )
Je viens travailler gt 2 V ( 1 V(venir) + 1 Vinf(travailler) )
Le verbe ecirctre lorsqursquoil fonctionne comme un copule est comptabiliseacute aussi seacutepareacutement notamment dans les constructions introduites par le preacutesentatif laquo crsquoest raquo (dans ce cas la forme participiale est un ADJ)
Crsquoest termineacute gt 1 V(ecirctre)
Crsquoest casseacute gt 1 V(ecirctre)
Lorsque des propositions sont syntaxiquement deacutependantes il convient de compter alors autant de verbes preacutesents dans les propositions
Cendrillon voit ses sœurs qui partent au bal gt 2 V(voir partir)
(b) Cotation des ambiguumliteacutes nom vs verbes
Les formes verbales en emploi substantiveacute par conversion sont exclues de la cateacutegorie des verbes et coteacutees dans celle des noms
Ecrire est son activiteacute favorite gt 1 N
Lrsquoeacutecrit est important gt 1 N
Les combattants gt 1 N
Les vaincus gt 1 N
Les morts gt 1 N
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
193
(c) Cotation des ambiguumliteacutes adjectif vs participe
Dans les cas suivants les formes verbales au participe sont coteacutees comme adjectifs apregraves le verbe copule
Je suis fini gt 1 ADJ
Je suis tregraves fatigueacute gt 1 ADJ
Je suis tregraves facirccheacute gt 1 ADJ
Elle est charmeacutee charmante gt 1 ADJ
Elle est prise gt 1 ADJ
Elle est assise gt 1 ADJ)
Il est inteacuteresseacute gt 1 ADJ
En cas drsquoabsence du verbe copule la cotation est la suivante
Le dos coinceacute gt 0 V 1 ADJ (coinceacute)
5218 Nombre de VERBES avec flexion obligatoire VInfl (G1) (Inflectable Verbs)
Le terme laquo inflectable verb raquo du protocole original est difficile agrave traduire en franccedilais si lrsquoon souhaite en restituer tout le sens On pourrait traduire par laquo verbes flexibles raquo ou laquo verbes agrave flexion requise obligatoire raquo
(a) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo ( IVs) du protocole original QPA
La mesure Number of Inflectable Verbs ( IVs) issue du protocole original revient agrave relever laquo tous les verbes qui pourraient ecirctre grammaticalement fleacutechis par lrsquoajout drsquoun suffixe ou une alteacuteration de la base en incluant ceux qui apparaissent dans les constructions non canoniques raquo crsquoest-agrave-dire
bull les occurrences de verbes reacuteguliers et irreacuteguliers fleacutechis ou non par ajout drsquoun affixe flexionnel par exemple
She dances gt 1 IV(dance+s)
She is going gt 1 IV(is go+ing)
She is bringing gt 1 IV(is bring+ing)
Par contre les formes irreacuteguliegraveres telles que went ou brought ne sont pas coteacutees comme IV car elles ne comportent pas drsquoaffixes flexionnels Dans le protocole original QPA ce type de flexion reacutealiseacutee par allomorphie de la base et non par ajout drsquoun affixe agrave la base verbale nrsquoest alors pas coteacute dans la cateacutegorie IV
She went gt 0 IV
She brought gt 0 IV
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
194
Ensuite apregraves avoir coteacute parmi tous les Inflectable Verbs (IVs) les Inflectable Verbs Inflected (IVIs) crsquoest-agrave-dire les verbes effectivement fleacutechis on obtient lrsquoindice de flexion verbale ou Inflection Index126 crsquoest-agrave-dire la proportion de verbes effectivement fleacutechis par affixation (voir SAFFRAN et al 1989 459) Dans le protocole original QPA cette variable ne concerne donc que les verbes dont la flexion en anglais est reacuteguliegravere crsquoest-agrave-dire les verbes dont la base est suffixable
Pour nos propres mesures et calculs de variables affeacuterentes aux IVs et IVIs agrave la diffeacuterence du protocole original nous incluons les verbes agrave flexion irreacuteguliegravere
(b) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo (IVs) adapteacutee au franccedilais VInfl (G2)
Nous utiliserons deacutesormais lrsquoabreacuteviation laquo VInfl raquo correspondant agrave la mesure IVs du protocole original
Les VInfl sont les verbes dont le contexte drsquoemploi permet ou contraint une flexion Les VInfl sont donc tous les contextes obligatoires de flexions verbales qursquoelles soient preacutesentes ou non conformes ou non conformes
Dans les exemples suivants le verbe est coteacute comme VInfl car il y a agrave chaque fois un contexte obligatoire de flexion
Il joue gt 1VInfl 1 V-FLEX
Je suis hocircpital gt 1 VInfl 1 V-FLEX
Il jouer gt 1 VInfl 0 V-FLEX
Jouer la balle gt 1 VInfl 0 V-FLEX
Les deux derniers verbes sont par ailleurs coteacutes 0 V-FLEX car ils ne sont pas fleacutechis
Mais certains contextes qui nrsquoimpliquent pas de flexions obligatoires ne sont pas consideacutereacutes comme des VInfl Ainsi dans les exemples ci-dessous danser et partir ne requiegraverent pas de flexion du fait de leur contexte formel drsquoemploi En effet ils font partie drsquoune peacuteriphrase verbale et ne requiert pas de flexion particuliegravere Par contre les formes veut va et vient sont coteacutees comme VInfl
Il veut danser gt 1 VInfl (vouloir)
Il va partir gt 1 VInfl (aller)
Il vient de partir gt 1 VInfl (venir)
126 La variable Inflexion Index correspond agrave la variable Prop V-FLEX dans notre protocole drsquoanalyse adapteacute crsquoest-agrave-dire la part relative de verbes fleacutechis parmi les contextes obligatoires de flexions verbales (voir au point 5219 p 195 pour les cotations en valeurs brutes V-FLEX VInfl et au point 52210 p 202 pour la variable associeacutee Prop V-FLEX)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
195
5219 Nombre de VERBES FLECHIS V-FLEX (G2) (Inflectable Verbs Inflected)
(a) La mesure IVIs (les verbes effectivement fleacutechis) adapteacutee au franccedilais V-FLEX
Les verbes V-Infl sont coteacutes V-FLEX lorsque la flexion obligatoire est bien preacutesente mecircme si celle-ci nrsquoest pas complegravete ou incorrecte Les V-FLEX sont donc des VInfl dont la flexion obligatoire est reacutealiseacutee mecircme de maniegravere non conforme
(b) Cotation des VInfl avec absence de flexion obligatoire au passeacute
Les VInfl ougrave la flexion obligatoire au passeacute fait deacutefaut ne sont pas complegravetement fleacutechis Ainsi si le temps du reacutecit autobiographique (comme pour la tacircche de production 1 par exemple) exige lrsquoemploi des flexions du passeacute (imparfait ou passeacute composeacute) et qursquoagrave la place on trouve systeacutematiquement un preacutesent on considegravere que les flexions sont incomplegravetes et le VInfl est donc coteacute 0 V-FLEX (crsquoest-agrave-dire coteacute nul)
Et crsquoest huit ans gt 1 VInfl 0 V-Flex (crsquoeacutetait il y a huit ans)
Je suis muet gt 1 VInfl 0 V-Flex (jrsquoeacutetais muet)
Drsquoautre part certaines deacuteformations phoneacutemiques jugeacutees trop lourdes sont coteacutees nulles comme par exemple
Lrsquohomme [pRɑd] gt 1 VInfl 0 V-FLEX
(c) Cotation des ambiguumliteacutes infinitif vs participe passeacute agrave lrsquooral
Je manger gt 1 VInfl 0 V-FLEX
Si aucun auxiliaire nrsquoapparaicirct on considegravere qursquoil srsquoagit par convention drsquoune forme infinitive qui devrait ecirctre fleacutechie (je manger au lieu de je mange) et non drsquoun verbe agrave la forme participe (mangeacute)
Par contre lorsque lrsquoauxiliaire est expliciteacute on peut identifier sans ambiguumliteacute le verbe manger fleacutechi Il est alors au participe passeacute avec un auxiliaire
Jrsquoai mangeacute gt 1 VInfl 1 V-FLEX
52110 Nombre de PREacutePOSITIONS PREP (H1)
La liste suivante comprend les preacutepositions et locutions preacutepositionnelles les plus freacutequentes de agrave afin-de apregraves aupregraves-de autour-de avant avec chez contre dans depuis derriegravere degraves devant durant en entre environ hors-de malgreacute par parmi pendant pour sans sauf selon sous suivant sur vers etchellip
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
196
(a) Cotation des amalgames preacuteposition + article
Dans le cas ougrave un morphegraveme grammatical preacutesente un amalgame impliquant une preacuteposition et un article deacutefini il convient de deacutecomposer la forme pour compter le nombre drsquouniteacutes amalgameacutees Dans lrsquoeacutenonceacute suivant lrsquoamalgame au est deacutecomposeacute de maniegravere agrave comptabiliser 2 MCF et non un seul en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune preacuteposition et drsquoun deacuteterminant amalgameacutes
27 SB_agr2b donc euh Cendrillon (5) [alge] au bal en carrosse Deformphon(allergt[alge]) au=agrave+le
Annexe H-528
On obtient la cotation suivante
Cendrillon aller au bal en carrosse gt 1 PREP(agrave) + 1 DET(le) - (2 MCF)
Drsquoautre part on cote 0 lrsquoabsence de deacuteterminant et 1 la preacutesence de la preacuteposition en cas drsquoellipse de deacuteterminant en contexte obligatoire comme dans lrsquoexemple suivant
16 SB_agr3-MJ01 les deux voisins euh (9) le voisin proprieacutetaire de de pommier est deacutepiteacute par-exemple
PREP(de) DETom(le) amalgame non reacutealiseacute
Annexe H-531
Ce qui nous amegravene agrave effectuer la cotation suivante
Le voisin proprieacutetaire de pommier est deacutepiteacute gt 1 PREP(de) + 0 DET(le) - (1 MCF)
Par ailleurs il est possible de trouver un autre type drsquoamalgame non reacutealiseacute correspondant agrave la cotation ci-dessous
3 SB_agr3-MJ09 bon alors lrsquohomme (2) donne une banane agrave le si- agrave le chien non euh le singe
Autocor+ PREPcor(agrave) amalgame DET(agrave) + PREP(le) non reacutealiseacute
Annexe H-535
Lrsquohomme donne une banane agrave le singe gt 1 PREP(de) + 1 DET(le) - (2 MCF)
Pour finir les amalgames non reacutealiseacutes impliquant une preacuteposition et un deacuteterminant ne doivent pas ecirctre confondus avec les emplois drsquoarticles partitifs Dans la production agrammatique suivante le morphegraveme de est un article partitif deacuteformeacute (de au lieu de du) et non une preacuteposition
5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple
DETDeformphon(dugtde) laquo du beurre raquo Repet laquo de raquo prononciation floue entre laquo de raquo et laquo du raquo
Annexe H-525
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
197
52111 Nombre drsquoADVERBES ADV (I)
(a) Comptage des adverbes
Parmi les mots extraits tous les adverbes sont pour nous des morphegravemes de classe ouverte ( ADV de la classe des MCO) Ils peuvent deacutependre drsquoun autre constituant dont ils sont modifieurs (des SV des SN des adjectifs des pronoms) ou modifier une proposition entiegravere
Cette cateacutegorie est tregraves varieacutee (voir RIEGEL et al p 375) Elle comprend les radicaux lexicaux (adjectifs) suffixeacutes en ndashment ainsi que les adverbes qui ne sont pas obtenus par deacuterivation (oui non jamais toujours nehellippasjamaisplus tregraves demain bien mal deacutejagrave assez moins plus environ presque tregraves beaucoup souvent parfois etchellip) et les adverbes utiliseacutes dans les tournures interrogatives ou exclamatives
Les deux cotations exposeacutees ci-apregraves srsquoappuient sur la distinction entre les adverbes particules discursives ( ADVdisc) et les adverbes modifieurs ( ADVmod)
(b) Cotation des adverbes agrave valeur discursive ADVdisc (I1)
Les adverbes de discours ( ADVdisc) apparaissent dans les corpus en caractegraveres italiques (comme les conjonctions agrave valeur discursive)
Principes geacuteneacuteraux
Les emplois de particules de discours adverbiales marquent des relations temporelles (avant puis apregraves en-mecircme-temps ensuite alors etchellip) des relations de successiviteacute ou de paralleacutelisme (et aussi en-plus parallegravelement ensuite etc) et des relations drsquoopposition logique (par-contre mais pourtant etchellip) Ils peuvent aussi marquer lrsquoouverture et la clocircture drsquoune proposition (alors en-fait premiegraverement enfin finalement voilagrave etchellip) un proceacutedeacute de reformulation (crsquo-est-agrave-dire autrement-dit etchellip) ou une attitude subjective (drsquoappreacuteciation ou de modalisation avec des adverbes tels que bien-sucircr eacutevidemment certainement vraiment etchellip)
Un ADVdisc apparaicirct en geacuteneacuteral en deacutebut et en fin drsquoeacutenonceacute Toutefois sa place nrsquoest pas fixe et il peut se trouver en position intermeacutediaire comme en teacutemoignent les emplois des adverbiaux par-exemple de-toute-faccedilon et bien-sucircr dans les quatre eacutenonceacutes ci-dessous
101 SB_agr1 non mais par-exemple euh euh (2) collegravege ccedila va
102 SB_agr1 lyceacutee jrsquoheacute- jrsquoheacutesite parce-que de-toute-faccedilon en en collegravege toujours euh speacutecialiste euh agrave collegravege
laquo agrave collegravege raquo DETom(le) amalgame incomplet laquo au raquo CONJsynt(parce-que) mais il ne srsquoagit pas drsquoune SUB car absence de V noyau dans la SUB
103 SB_agr1 donc euh euh bien-sucircr euh entraicircnement non
Annexe H-523
112 SB_agr1 donc euh oublier euh de-toute-faccedilon
Annexe H-524
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
198
Drsquoautre part plus-tard fut consideacutereacute en tant qursquouniteacute morpheacutemique solidaire Cet adverbial est tregraves freacutequent dans les corpus de BR_agr En voici un extrait avec 5 occurrences releveacutees au sein des 11 premiers eacutenonceacutes
1 BR_agr1 une chose beaucoup de euh beaucoup de euh
2 BR_agr1 ballon [l] haut [l] haut DETom(le) + ballon Peacuteriphrase pour laquo volley-ball raquo Ajout drsquoune consonne intervoc [l]
3 BR_agr1 plus-tard moi maison 1 ADVdisc PREPom(agrave) DETom(la)
4 BR_agr1 oui euh plus-tard euh euh (3) pas bien 2 ADVdisc ADVmod
exp tu eacutetais au match crsquoeacutetait quoi comme sport -3sec
5 BR_agr1 euh moi euh match euh (2) de volley DETom(un) + match PREPcor(de)
6 BR_agr1 euh (6) revenir moi revenir
7 BR_agr1 plus-tard coucher
8 BR_agr1 plus-tard euh (3) [tRo] [falm] pas bien Deformphon(trop faiblegt[tRo] [falm])
9 BR_agr1 euh moi coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma
10 BR_agr1 deux trois jours coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma
11 BR_agr1 plus-tard [kegym] DETom(un) Deformphon(leacutegumegt[kegym])
Annexe H-462
Cotation des adverbes oui non peut-ecirctre en tant que particules de discours
Lorsque les adverbes oui non ou peut-ecirctre sont employeacutes en reacuteponse agrave une question de lrsquoexpeacuterimentatrice ou en guise de modalisateur drsquoun propos ils sont coteacutes dans la sous- cateacutegorie des ADVdisc Ainsi dans les extraits suivants peut-ecirctre oui non et parfait apparaissent en caractegraveres italiques
28 BR_agr1 jambe raide bois pareil
DETom(ma) Vcopom(est) DETom(du) laquo ma jambe est raide comme du bois raquo
29 BR_agr1 peut-ecirctre plus-tard une euh une euh une euh (6) Ab
30 BR_agr1 peut-ecirctre pl- euh un mois deux mois pour euh (3) euh aller (2) pour euh (35) gra- euh hum
Annexe H-462
exp la jambe raide
63 BR_agr1 oui pas-du-tout marcher
Annexe H-466
Lorsque plusieurs ADVdisc de ce type sont reacutepeacuteteacutes on nrsquoen retient qursquoun en vue des analyses structurales (en caractegraveres italiques)
79 BR_agr1 non non non non beaucoup difficile pecircche euh (2) DETom(la) + pecircche
Annexe H-467
Dans les corpus de BR_agr en particulier parfait a eacuteteacute coteacute comme ADVdisc du fait de son emploi adverbial Il sert agrave acquiescer (synonyme de absolument)
72 BR_agr1 parfait pas de problegraveme ADVdisc(parfait) laquo si quelqursquoun mrsquoaccompagne pas de problegraveme raquo
Annexe H-466
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
199
Pour finir lorsque les adverbes oui et non expriment un jugement meacutetalinguistique du locuteur sur sa propre production ils ne sont coteacutes dans aucune cateacutegorie Ainsi ils apparaissent en caractegraveres normaux car ils ne sont pas comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des mots extraits Par exemple dans lrsquoeacutenonceacute 5 ci-dessous lrsquoadverbe oui ne fait pas partie de la structuration phrastique ou discursive mais indique que la formulation est satisfaisante Elle est ensuite poursuivie Par contre les emplois de non (eacutenonceacutes 5 et 6) indiquent que la production nrsquoest pas satisfaisante Elle est interrompue pour ecirctre soit reformuleacutee soit abandonneacutee (par exemple du fait drsquoune perseacuteveacuteration telle que le loup ci-dessous)
5 PC_agr2a alors [ɛk] euh [εlRakot] non elle rencontre oui elle rencontre euh euh le loup un loup (2) bon
E Ph Gram Prononciation tregraves floue de laquo un raquo dans le SN(un+loup)
6 PC_agr2a et hum (6) le loup euh non euh non non euh le loup (3) ah-non
Persev(le loup) 0 Mots ext
Annexe H-442
(c) Cotation des adverbes modifieurs ADVmod (I2)
Les adverbes modifieurs ( ADVmod) apparaissent en caractegraveres gras dans les corpus mis en forme car ils sont tous des mots extraits
Principes geacuteneacuteraux
Dans cette cateacutegorie sont releveacutes tous les adverbes qui participent agrave la structuration interne de lrsquoeacutenonceacute crsquoest-agrave-dire les adverbes adosseacutes agrave un autre eacuteleacutement dans une mecircme proposition Lorsqursquoun adverbe est difficilement deacuteplaccedilable dans lrsquoeacutenonceacute ougrave il apparaicirct on considegravere alors qursquoil a la fonction de modifieur (soit de proposition soit de syntagme) comme dans les exemple suivants
Il travaille seacuterieusement gt 1 ADVmod
Le loup avance rapidement gt 1 ADVmod
Il chante faux gt 1 ADVmod
Il parle bas gt 1 ADVmod
Elle habite ici gt 1 ADVmod
Il reste longtemps gt 1 ADVmod
Elle est moins grande gt 1 ADVmod
Elle est tregraves belle gt 1 ADVmod
Elle est extrecircmement belle gt 1 ADVmod
Elle est un-petit-peu fatigueacutee gt 1 ADVmod
Il parle beaucoup gt 1 ADVmod
Tout seul gt 1 ADVmod
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
200
Beaucoup de sport moi gt 1 ADVmod
Crsquoest tregraves tregraves beau gt 2 ADVmod
Un adverbe modifieur peut ecirctre eacutegalement adjoint agrave une proposition
Le soir souvent il sort gt 1 ADVmod
Progressivement il faut les abattregt gt 1 ADVmod
Notons que dans le discours agrammatique les adverbes modifieurs peuvent ecirctre difficiles agrave identifier lorsque les eacuteleacutements auxquels ils devraient ecirctre adosseacutes sont manquants
De la mecircme maniegravere on comptabilise les particules de neacutegation totale ou partielle adosseacutees agrave un constituant (pas nehellippas nehellipjamais plus-jamais pas-du-tout plus-du-tout etchellip)
Elle ne veut pas gt 1 ADVmod
Je sais pas gt 1 ADVmod
Pas sucircr gt 1 ADVmod
Parle pas-du-tout gt 1 ADVmod
Cotations des adverbes oui et non en tant que modifieurs
Lorsque les adverbes oui et non sont clairement adosseacutes agrave une autre uniteacute lexicale dans le fil du reacutecit on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoadverbes modifieurs Ils apparaissent en caractegraveres gras car ils sont consideacutereacutes comme mots extraits
Ainsi dans les exemples suivants lrsquoadverbe non est adosseacute agrave la proposition
22 SB_agr1 je p- euh (3) [geoslashtine] gueutiner euh m- manger par-exemple non
Deformphonneacuteologie(deacuteglutirgtgueutiner) (le verbe en -ir est deacuteformeacute en verbe en -er) laquo je ne pouvais pas deacuteglutir raquo ADVmod(non) ADVdisc(par-exemple)
Annexe H-520
522 Variables MORPH-LEX associeacutees
Aux cotations en valeurs brutes ainsi reacutealiseacutees sont associeacutees les variables MORPH-LEX que nous deacutetaillons ci-apregraves
5221 Prop MCO
La variable Prop MCO (proportion de mots de classe ouverte) reflegravete la part de morphegravemes lexicaux produits relativement aux mots extraits
5222 Prop MCF (Proportion Closed Class Words)
La variable Prop MCF (proportion de mots de classe fermeacutee ou mots fonctions) correspond au poids relatif des MCF parmi les mots extraits
De ce fait la somme des variables Prop MCO et Prop MCF est eacutegale agrave 1 (soit 100 de mots extraits)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
201
5223 Prop CONJMots prod
La variable Prop CONJMots prod (proportion de conjonctions parmi les mots produits) renseigne sur la part relative de conjonctions produites parmi lrsquoensemble des corpus de mots produits au total
5224 Prop CONJdisc
La variable Prop CONJdisc (proportion de conjonctions agrave valeur discursive) renseigne sur le poids relatif des conjonctions ayant la fonction de particules de discours relativement au nombre de conjonctions releveacutees au total
5225 Prop CONJsynt
La variable Prop CONJsynt (proportion de conjonctions agrave valeur syntaxique) correspond au poids relatif des conjonctions ayant la fonction de coordonnant ou de subordonnant syntaxique relativement au nombre de conjonctions releveacutees au total
Par conseacutequent la somme des variables Prop CONJdisc et Prop CONJsynt est eacutegale agrave 1 (soit 100 des conjonctions analyseacutees comme particules de discours ou comme relateurs syntaxiques intra-phrastiques)
5226 Indice DET (DET Index)
La variable Indice DET (indice de deacutetermination) correspond au taux de deacuteterminants effectivement produits en contextes obligatoires Cet indice est proche ou eacutegal agrave 1 chez les locuteurs controcircles car quasiment tous les deacuteterminants requis sont produits Par contre il est infeacuterieur agrave 1 chez les agrammatiques qui ne produisent qursquoune partie des deacuteterminants exigeacutes par le contexte syntagmatique
En conseacutequence la diffeacuterence entre lrsquoIndice DET controcircle (1 ou 100 ) et un Indice DET infeacuterieur agrave 1 correspond au taux drsquoomissions de deacuteterminants obligatoires
5227 Prop PRO (Proportion Pronouns)
La variable Prop PRO (proportion du nombre de pronoms) est obtenue en calculant la proportion de pronoms releveacutes relativement agrave lrsquoensemble des pronoms (MCF) et noms (MCO) Cette mesure consiste agrave eacutevaluer le degreacute de pronominalisation de la reacutefeacuterence (ou en quelque sorte le degreacute de grammaticalisation de la reacutefeacuterence)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
202
5228 Prop V(V+N) (Proportion Verbs)
La variable Prop V(V+N) (proportion de verbes) indique le poids des verbes parmi lrsquoensemble des verbes et noms preacutesents dans les corpus Elle permet drsquoappreacutecier les capaciteacutes de reacutecupeacuteration des mots lexicaux qui sont des verbes compareacute aux noms
5229 Prop VMCO
Agrave titre indicatif la variable Prop VMCO (proportion de verbes parmi lrsquoensemble des mots de classe ouverte) vient compleacuteter la variable Prop V(V+N) (voir ci-dessus) Elle apparaicirct sur les feuilles de reacutesultats mais ne fera pas lrsquoobjet de commentaires particuliers dans la preacutesentation des reacutesultats
52210 Indice V-FLEX (Inflection Index)
La variable Indice V-FLEX (indice de flexion verbale) reflegravete la part de verbes effectivement fleacutechis en contextes obligatoires Chez les locuteurs controcircles cette variable est proche de 1 (ou 100 ) car en geacuteneacuteral tous les verbes sont complegravetement fleacutechis En revanche elle est infeacuterieure agrave 1 (ou 100 ) chez les agrammatiques pour qui les verbes ne sont pas tous complegravetement fleacutechis
De ce fait la diffeacuterence entre la valeur de lrsquoIndice V-FLEX controcircle (1 ou 100 ) et un Indice infeacuterieur correspond au taux drsquoomissions de flexions verbales obligatoires
52211 Prop PREPMots ext
La variable Prop PREPMots ext (proportion de mots extraits) indique le poids des preacutepositions employeacutees relativement agrave lrsquoensemble drsquoun corpus du mots extraits
52212 Prop ADV
La variable Prop ADV (proportion drsquoadverbes) permet de mesurer le poids des adverbes preacutesents (ADVdisc et ADVmod) parmi lrsquoensemble drsquoun corpus de mots produits
52213 Prop ADVdisc
Comme pour la variable Prop CONJdisc la variable Prop ADVdisc (proportion drsquoadverbes particules de discours) correspond agrave la proportion drsquoadverbes ayant la fonction de particule de discours relativement agrave lrsquoensemble des adverbes releveacutes
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
203
52214 Prop ADVmod
La variable Prop ADVmod (proportion drsquoadverbes modifieurs) correspond agrave la proportion drsquoadverbes ayant le rocircle de modifieurs relativement agrave lrsquoensemble des adverbes releveacutes
Par conseacutequent la somme des variables Prop ADVdisc et Prop ADVmod est eacutegale agrave 1 (soit 100 des adverbes analyseacutes soit comme ADVdisc soit comme ADVmod)
Les variables MORPH-LEX obtenues sont au nombre de 14 au total Par ailleurs une autre variable de morphologie srsquoapplique essentiellement agrave mesurer la complexiteacute morphologique des verbes matrices ce qui porte le nombre de variables de morphologie agrave 15 Nous lrsquoexposons ci-apregraves
523 Variable MORPH-V Indice Compl MORPH-V-Matrices
Nous avons revu la mesure Aux Complexity Index (ou Auxiliary Complexity Index) issue du protocole original QPA Les critegraveres de cotations ont eacuteteacute conccedilus suivant les caracteacuteristiques propres agrave la morphologie verbale de lrsquoanglais Crsquoest pourquoi il nous a paru indispensable de les adapter aux caracteacuteristiques du franccedilais
Nous ne deacutetaillerons pas ici les principes de cotation conccedilus pour la morphologie verbale anglaise Nous exposons ci-apregraves lrsquoaboutissement des adaptations reacutealiseacutees
Dans un premier temps il srsquoagit de relever le nombre de verbes matrices des phrases ( V-Matrices) crsquoest-agrave-dire les verbes noyaux porteurs des flexions verbales
Dans un deuxiegraveme temps il srsquoagit drsquoassigner des points ( V-Points MORPH) agrave chacun des V-Matrices releveacutes selon leur degreacute de complexification morphologique
Au final on obtient par ratio ( V-Points MORPH V-Matrices) une valeur syntheacutetique exprimant le degreacute de complexification morphologique des verbes matrices crsquoest-agrave-dire lrsquoIndice Compl MORPH-V-Matrices
5231 Comptage des verbes matrices V-Matrices (J) (Matrix Verbs)
Dans cette cateacutegorie on comptabilise le nombre de matrices verbales ou verbes noyaux portant les marques de temps ou drsquoaspect au sein drsquoune proposition principale ou drsquoune proposition subordonneacutee
Lrsquoobjectif est de mesurer ensuite la complexification morphologique du verbe matrice par flexion de la base ou ajout drsquoauxiliaires pour former les temps composeacutes ou par ajout de semi-auxiliaires et auxiliaires modaux pour former des peacuteriphrases verbales autour du verbe matrice Les V-Matrices sont comptabiliseacutes suivant les critegraveres expliciteacutes ci-apregraves
Dans le cas drsquoune coordination il convient de comptabiliser deux verbes matrices
Cendrillon a regardeacute puis essayeacute la chaussure gt 2 V-Matrices (regarder essayer) Ils sautaient et criaient gt 2 V-Matrices (sauter crier)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
204
Un verbe qui apparaicirct dans une proposition subordonneacutee (compleacutetive relative) est coteacute comme verbe matrice autonome127
Ils savaient qursquoils devaient partir gt 2 V-Matrices (savoir partir)
Elle espeacuterait qursquoelle irait au bal gt 2 V-Matrices (espeacuterer aller)
La feacutee parle agrave Cendrillon qui pleure gt 2 V-Matrices (parler pleurer)
Le chien mange un bol qui est donneacute par le garccedilon gt 2 V-Matrices (manger donner)
Lorsqursquoun verbe est dans une proposition deacutependante infinitive introduite le cas eacutecheacuteant par une preacuteposition on ne le considegravere pas comme verbe matrice
Il dit de venir gt 1 V-Matrice (dire et non venir)
La megravere prend une casserole pour chauffer de lrsquoeau gt 1 V-Matrice (prendre et non chauffer)
Les verbes auxiliaires ecirctre et avoir ainsi que les semi-auxiliaires de type aller ou tout autre semi-auxiliaire modal ou causatif ne sont pas agrave comptabiliser comme verbes matrices autonomes
Le prince va trouver la fille gt 1 V-Matrice (trouver)
Ils devaient partir gt 1 V-Matrice (partir)
Cendrillon peut aller au bal gt 1 V-Matrice (aller)
La souplesse a commenceacute agrave revenir gt 1 V-Matrice (revenir)
On va continuer agrave rouler gt 1 V-Matrice (rouler)
Les auxiliaires de temps composeacutes et les semi-auxiliaires servant agrave la formation de peacuteriphrases verbales autour des verbes noyaux ne doivent pas ecirctre confondus avec les verbes matrices
Pour finir le verbe ecirctre utiliseacute comme copule et le verbe avoir dans son sens plein sont consideacutereacutes en tant que verbes matrices (agrave ne pas confondre avec les auxiliaires de temps composeacutes)
5232 Complexification morphologique des verbes matrices - principes de cotation de fixeacutes pour le franccedilais V-Points Morph (J1) (Aux Score)
(a) Principes geacuteneacuteraux
Lrsquoadaptation de cette mesure au franccedilais nous paraicirct indispensable si lrsquoon souhaite renseigner de maniegravere fiable sur la complexification morphologique verbale en franccedilais
Les points agrave assigner agrave la complexification des verbes matrices tiennent compte de la base verbale de la temporaliteacute et de lrsquoemploi drsquoun verbe auxiliaire Le nombre de points agrave assigner
127 Agrave la diffeacuterence du protocole original QPA ougrave les verbes de propositions relatives ne sont pas pris en compte Nous preacutefeacuterons les prendre en compte pour restituer au mieux le degreacute drsquoeacutelaboration des verbes preacutesents
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
205
agrave chaque verbe matrice releveacute au sein des corpus est preacuteciseacute ci-apregraves entre parenthegraveses Les points srsquoadditionnent pour un mecircme verbe matrice
Ainsi le nombre de points assigneacute agrave un verbe matrice donneacute est conditionneacute par
la preacutesence drsquoune base verbale si elle est agrave lrsquoinfinitif (+1) au participe (+1) (si la forme au participe est reacuteguliegravere (+1) et si la forme au participe est irreacuteguliegravere (+2) )
la temporaliteacute128 et le mode porteacutes par le verbe matrice et par lrsquoauxiliaire le cas eacutecheacuteant impeacuteratif (+1) preacutesent (+1) passeacute (+2) imparfait (+2) subjonctif (+2) conditionnel (+2) futur (+2)
lrsquoemploi drsquoun auxiliaire ecirctre ou avoir (+1) ou drsquoun semi-auxiliaire (+1) dans une peacuteriphrase verbale (telle que ecirctre-en-train (de) venir (de) aller se mettre (agrave) manquer (de) continuer (agrave) commencer (agrave) faillir sembler devoir pouvoir etchellip + Vinf) On assigne des points aux auxiliaires et aux semi-auxiliaires suivant les critegraveres de complexification preacuteciteacutes (base et temporaliteacute)
En reacutesumeacute chaque point assigneacute agrave un verbe matrice est deacutetermineacute par un des modes de complexification morphologique deacutecrits ci-dessus
Nous deacutetaillons la proceacutedure agrave lrsquoaide drsquoexemples varieacutes issus de nos corpus oraux ou construits
(b) Cotation des V-Matrices agrave la forme non finie (ou laquo basique raquo) infinitive (+1) participe reacuteguliegravere (+1) ou participe irreacuteguliegravere (+2)
Travailler eacutelectronique gt +1 (Vinf)
Le fille manger gt +1 (Vinf)
Moi revenu gt +2 (Vpartirr)
Lorsqursquoun verbe est agrave la forme participe 1 point est assigneacute dans le cas ougrave la formation du participe est reacuteguliegravere crsquoest-agrave-dire pour les verbes dont la forme infinitive est en -E (-er) et qui se reacutealisent aussi en -E final (-eacute) au participe Drsquoautre part pour les verbes en -R (-r -re) agrave la forme infinitive et dont le participe est irreacutegulier (partirgtparti venirgtvenu voirgtvu devoirgtducirc prendregtpris fairegtfait etchellip) 2 points sont assigneacutes lorsqursquoils sont fleacutechis au participe passeacute
128 TOURATIER (1996 61-69) propose une laquo structure morphologique du verbe franccedilais raquo eacutelaboreacutee suivant des paradigmes drsquouniteacutes morphologiques dont relegravevent les formes verbales Un graphe complexe eacutetabli sur plusieurs plans (Touratier 1996 64) repreacutesente la combinatoire des diffeacuterentes cateacutegories en jeu dans la conjugaison du verbe franccedilais (Preacutesent Futur Subjonctif Imparfait Infinitif Participe Impeacuteratif Passeacute ndash Simple Composeacute 1 Composeacute 2) en fonction des uniteacutes morphologiques qui ont eacuteteacute mises en eacutevidence par commutation et qui leur ont eacuteteacute associeacutees Un graphe eacutepureacute qui preacutesente laquo la structure du verbe de la langue parleacutee raquo permet de bien identifier et distinguer les cateacutegories temporelles entre elles La mesure de la complexification morphologique des verbes matrices se reacutefegravere notamment agrave ce modegravele global des cateacutegories de conjugaison pour le verbe franccedilais Pour eacutevaluer quantitativement la complexification morphologique du verbe matrice nous tenons compte en plus de ces cateacutegories des eacuteventuelles peacuteriphrases verbales
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH
206
Lorsque le participe est marqueacute au feacuteminin (prendregtprise fairegtfaite) un point en plus est assigneacute
La tarte faite(3) gt +3 (Vpartirrfeacutem)
(c) Cotation des V-Matrices agrave la forme finie
Lorsque la forme est fleacutechie au preacutesent ou agrave lrsquoimpeacuteratif on assigne 2 points
Entre gt +2
Crsquoest grande gt +2
Le chien aboie gt +2
Le loup avance gt +2
Prend le lit gt +2
La maman vient gt +2
La fille part gt +2
En cas drsquoerreurs de flexion la cotation est quand mecircme effectueacutee
La fille partent (au lieu de part) gt +2
Lorsque la forme finie est au passeacute imparfait subjonctif ou futur on assigne 3 points
Le loup vint gt +3
Elle eacutetait belle gt +3
Le loup venait gt +3
Le loup viendra gt +3
(d) Cotation des V-Matrices avec un auxiliaire
Si lrsquoauxiliaire est agrave la forme non finie (une forme basique de lrsquoinfinitif ecirctre avoir aller ecirctre-en-train (de)) on assigne 1 point
Les formes est a et va au preacutesent comptent pour 2 points et 3 points pour les autres temps (passeacute imparfait futur)
Elle avoir(1) mangeacute(1) gt +2
Jrsquo ai(2) mangeacute(1) gt +3
La fille est(2) partie(2) gt +4
Lrsquoenfant a(2) parti(2) gt +4
Je suis(2) parti(2) gt +4
Le loup allait(3) venir(1) gt +4
Il a(2) pas revu(2) lrsquohomme gt +4
Il a(2) fait(2) gt +4
La fille eacutetait(3) partie(2) gt +5
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables MORPH
207
(e) Cotation des peacuteriphrases verbales (avec semi-auxiliaires ou modaux) impliquant un V-Matrice
Si le verbe matrice est impliqueacute dans une peacuteriphrase verbale avec un semi-auxiliaire aspectuel (ecirctre-en-train (de) aller venir (de)) modal (vouloir devoir pouvoir) ou causatif (faire laisser) il faut en tenir compte
Le loup va(2) venir(1) gt +3
Le loup est en train de(2) venir(1) gt +3
Le loup va(2) pouvoir(1) partir(1) gt +4
Le loup peut(2) partir(1) gt +3
Le loup pouvait(3) partir(1) gt +4
Le loup a(2) pu(2) partir(1) gt +5
La maman fait(2) cuire(1) la galette gt +3
Le loup faisait(2) courir(1) la grand-megravere gt +4
La fille srsquoest(2) faite(3) deacutevorer(1) gt +5
Elle srsquoeacutetait(3) laisseacute(1) tomber(1) gt +4
La souplesse a(2) commenceacute(1) agrave revenir(1) gt +4
On va(2) continuer(1) agrave rouler(1) gt +4
Il vient(2) drsquoacheter(1) le journal gt +3
Elle aimerait(4) aller(1) au bal gt +4
(f) Cotation des V-Matrices coordonneacutes
Lorsque deux verbes matrices ou plus sont coordonneacutes par une conjonction agrave valeur syntaxique (et non discursive) et si un seul auxiliaire est preacutesent on compte la valeur de lrsquoauxiliaire autant de fois qursquoil y a de verbes matrices
Ils avaient(3+3) mangeacute(1) puis lu(2) gt +9
5233 Indice Compl MORPH-V-Matrices (Aux Complexity Index)
Une fois que tous les V-Matrices ont eacuteteacute comptabiliseacutes et coteacutes suivant leur degreacute de complexification morphologique il suffit de diviser le total de verbes matrices par le nombre total de points assigneacutes dans un corpus donneacute Ensuite 1 point est ocircteacute agrave ce reacutesultat Au final la mesure Indice Compl MORPH-V-Matrices obtenue est un indicateur syntheacutetique du degreacute de complexification morphologique des verbes Il permet drsquoappreacutecier dans quelle mesure les meacutecanismes de flexions morphologiques du verbe sont effectivement reacutealiseacutes par le locuteur
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX
208
53 Les variables SYNTAX
531 Valeurs brutes SYNTAX
5311 Principes geacuteneacuteraux de cotation des eacutenonceacutes
Le discours continu est segmenteacute en eacutenonceacutes distincts autonomes que nous appelons eacutenonceacutes segmenteacutes (E Seg)129 La deacutemarche de segmentation du discours continu a eacuteteacute exposeacutee en deacutetail aux points 47 et 48 (pp 154-163) consacreacutes au preacute-traitement des corpus lorsqursquoil srsquoagissait de fixer les critegraveres syntactico-prosodiques de segmentation
En reacutesumeacute chacun des E Seg est coteacute suivant qursquoil est
un E Ph (un eacutenonceacute-phrase crsquoest-agrave-dire une construction de forme canonique minimale de type SN-S+SV)
un E Ph Gram (un eacutenonceacute-phrase grammatical crsquoest-agrave-dire un eacutenonceacute de forme canonique et grammatical)
un E Non-Can (un eacutenonceacute de forme non canonique crsquoest-agrave-dire tous les autres types de constructions)
Agrave lrsquoaide drsquoexemples tireacutes des corpus oraux agrammatiques controcircles ou construits par nous-mecircme nous exposons ci-apregraves les deacutetails techniques concernant la cotation des E Seg On peut se reacutefeacuterer eacutegalement aux exemples tireacutes des corpus et reproduits tels quels dans la partie consacreacutee au preacute-traitement des corpus (4721 pp 156-160)
5312 Principes deacutetailleacutes de cotation des eacutenonceacutes
(a) Cotation des eacutenonceacutes de forme canonique E Ph (K) (Sentences)
Les constructions de forme canonique ou eacutenonceacutes-phrases correspondent aux constructions dont la structure syntaxique minimale implique au moins un SN-Sujet combineacute agrave un preacutedicat verbal composeacute au moins drsquoun verbe noyau (qursquoil soit agrave la forme finie ou non finie) et ce en respectant les regravegles de combinaisons canoniques de la syntaxe standard du franccedilais oral crsquoest-agrave-dire lrsquoordre canonique des constituants drsquoune phrase
Si la structuration ne respecte pas ce critegravere minimal de canoniciteacute elle nrsquoest pas coteacutee comme E Ph mais comme E Non-Can
129 Rappelons que la valeur brute E Seg (nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes) est une variable CORPUS (voir au point 5114 p 184)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables SYNTAX
209
Pour ecirctre coteacute E Ph lrsquoeacutenonceacute ne doit pas ecirctre forceacutement coheacuterent seacutemantiquement ni grammaticalement bien formeacute Par exemple un deacuteterminant obligatoire peut faire deacutefaut alors que la structure syntaxique minimale (SN-S+SV) qui en conditionne le caractegravere canonique demeure preacuteserveacutee De plus par convention les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif sont des eacutenonceacutes de forme canonique car le SN-sujet est implicite
Ainsi les eacutenonceacutes suivants sont coteacutes 1 point en tant que E Ph
Viens gt (SN-S) + SV
La fille fait la vaisselle gt SN-S + SV
Loup entrer maison gt SN-S + SV
Cendrillon fait gt SN-S + SV
Petit Chaperon Rouge a peur gt SN-S + SV
Loup partir gt SN-S + SV
Moi revenu gt SN-S + SV
Crsquo est fini gt SN-S + SV
Ccedila va gt SN-S + SV
Les constructions agrave deacutetachement du SN-S en tecircte de structure avec reprise anaphorique par un pronom deacutemonstratif sujet sont aussi de forme canonique
La parole crsquo est moi gt SN-SPRO + SV
Dessin ccedila va gt SN-SPRO + SV
(b) Cotation des eacutenonceacutes de forme non canonique E Non-Can (TC Utterances)
Les eacutenonceacutes de forme non canonique correspondent aux autres constructions qui ne sont pas de type SN-S+SV Elles sont tregraves varieacutees surtout dans les corpus de discours agrammatiques La liste drsquoexemples citeacutes ci-apregraves est repreacutesentative des divers types de constructions de forme non canonique rencontreacutees mais non exhaustive
Les combinaisons SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV
Cendrillon souillon gt SN + SN
Loup maison gt SN + SN
Cendrillon tregraves jolie gt SN + ADJ
Moi content gt SN + ADJ
Ccedila bien gt SN + ADV
Le loup dans la maison gt SN + SP
Loup devant gt SN + ADV
Les preacutedicats isoleacutees SV ou V SN ou N SP ADJ ADV
Donner banane gt SV
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX
210
Recommencer le plongeacutee gt SV
Enlever bouche gt SV
Fait toilette gt SV
Partir gt V
Trois filles gt SN
Cendrillon deux filles gt SNSN (juxtaposition)
Lrsquohomme content gt SN + ADJ
Et singe gt N
Et dans la maison gt SP
Pas content gt ADV + ADJ
Belle gt ADJ
Alors lentement gt ADV
Bien gt ADV
Les constructions avec SN-O anteacuteposeacute au SV
Les constructions avec anteacuteposition du SN-Objet direct ou indirect par rapport au verbe sont coteacutees comme E Non-Can
Lrsquohomme lrsquoarbre tirer gt SN-O anteacuteposeacute (lrsquohomme tire lrsquoarbre)
En fonction de la phrase cible qursquoon peut induire drsquoapregraves les indices pragmatiques (le contexte discursif ou lrsquoaction repreacutesenteacutee sur une image) nous avons pris soin drsquoidentifier les constituants dans les constructions ougrave une ambiguumliteacute formelle pouvait surgir crsquoest-agrave-dire les constructions laquo SN-S+SV apparentes raquo qui sont en fait des constructions ougrave le SN-O est anteacuteposeacute avec eacuteventuellement une ellipse du SN-S comme dans les eacutenonceacutes suivants130
Meacutemoire ccedila travailler gt SN-O anteacuteposeacute (je travaille la meacutemoire)
Franccedilais lire gt SN-O anteacuteposeacute (je lis le franccedilais)
Le journal lit gt SN-O anteacuteposeacute (lrsquohomme lit le journal)
Les constructions avec SN-S postposeacute au SV
De la mecircme maniegravere les constructions dans lesquelles un SN-Sujet est postposeacute au SV ne peuvent entrer dans la cateacutegorie des E Ph La construction suivante par exemple est un E Non-Can car le SN qui est bien identifieacute comme SN-S et qui est bien preacutesent dans la construction est postposeacute au SV
Pas-du-tout content vendeur gt [ADV+ADJ] + SN-S postposeacute (le vendeur nrsquoest pas du tout content) 130 Il pourrait aussi srsquoagir de construction avec deacutetachement telle que la meacutemoire je la travaille ougrave le pronom employeacute ccedila serait une forme neutre du PRO(la) mais nous ne pouvons lrsquoaffirmer avec certitude En tous les cas agrave chaque fois le SN-S est absent lrsquoabsence de SN-S implique de coter ce type de structures en tant qursquoE Non-Can Drsquoautre part cela revient agrave topicaliser lrsquoObjet placeacute en tecircte et auquel srsquoapplique ensuite la preacutedication verbale
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables SYNTAX
211
5313 Nombre de mots extraits composant les E Ph et les E Non-Can Mots ext(E Ph) (L) (Words in Sentences) et Mots ext(E Non-Can) (M) (Words in TC Utterances)
Les nombres de mots extraits ont eacuteteacute releveacutes pour chacun des eacutenonceacutes segmenteacutes sur les feuilles de travail sur corpus
Drsquoapregraves les cotations ainsi effectueacutees sur les feuilles de travail le tableur calcule automatiquement les nombres de mots extraits composant drsquoune part les E Ph (variable (M) sur la feuille de reacutesultats Mots ext(E Ph) ) et drsquoautre part les E Non-Can (variable (L) sur la feuille de reacutesultats Mots ext(E Non-Can) )
5314 Nombre drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et grammaticaux E Ph Gram (N) (Well-formed Sentences)
Une construction est grammaticale ou bien formeacutee ( E Ph Gram) si elle respecte les principes de bonne formation drsquoune phrase des points de vue syntaxique et morphologique
Cendrillon va au bal gt E Ph Gram
Ccedila va gt E Ph Gram
La galette crsquoest bien gt E Ph Gram
Les constructions suivantes sont par exemple reacuteputeacutees agrammaticales et donc coteacutees nulles de ce point de vue
Elle a (hellip) gt absence de compleacutement drsquoobjet obligatoire (abandon)
Elle met () gt absence de compleacutement drsquoobjet obligatoire
Grand fille va au bal gt absence de deacuteterminant et de flexion en genre obligatoires
Mathieu prendre le train gt absence de flexion verbale
5315 Nombre de syntagmes nominaux sujet SN-S (O) (Subject Noun Phrases)
Parmi les E Ph seulement on comptabilise le nombre de syntagmes nominaux sujets (SN-S)
Si lrsquoon rencontre une construction agrave lrsquoimpeacuteratif on ajoute par convention 1 point correspondant au SN-S implicite afin de ne pas fausser les reacutesultats a posteriori car les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif sont consideacutereacutees comme des constructions de forme canonique (SN-S + SV) ougrave le SN-S est implicite
Ainsi les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif doivent ecirctre coteacutees 1
Entrez gt 1 SN-S
Dans le cas de reprise anaphorique que lrsquoon rencontre souvent agrave lrsquooral on considegravere que le SN theacutematiseacute et le pronom de reprise est solidaire du SN-S comme par exemple
Cendrillon elle avait des sœurs gt 1 SN-S
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX
212
Lorsque deux SN-S ou plus sont coordonneacutes par une conjonction agrave valeur syntaxique on les comptabilise seacutepareacutement
Le prince et la princesse dansent gt 2 SN-S
Le prince et Cendrillon sont eacutepouseacutes gt 2 SN-S
Lorsqursquoun SN-S est utiliseacute dans une structure ougrave deux SV sont coordonneacutes on comptabilise un seul SN-S
Le loup entrer dans la maison et manger la grand-megravere gt 1 SN-S
5316 Nombre de mots (MCO+PRO) composant les SN-S Mots MCO+PRO(SN-S) (P) (Words in SNPs)
Pour cette mesure on comptabilise le nombre de mots de classe ouverte (MCO) et de pronoms sujets (PRO) impliqueacutes dans la formation du SN-S releveacute dans les E Ph (les eacutenonceacutes de forme canonique)
Le prince et la princesse dansent gt 2 MCO
Le grand meacutechant loup a deacutevoreacute la grand-megravere gt 3 MCO
Elle et lui discutent gt 2 PRO
Lui est arriveacute avant gt 1 PRO
Le magasin du coin de la rue est ouvert gt 3 MCO
Dans le cas drsquoune reprise anaphorique ou dans les constructions agrave deacutetachement il convient de comptabiliser autant de MCO et de PRO constitutifs du SN-S
Cendrillon elle avait des sœurs gt 1 MCO + 1 PRO
La galette crsquoest bien gt 1 MCO + 1 PRO
Lorsqursquoun SN-S integravegre une proposition deacutependante les mots sont comptabiliseacutes ainsi
Le loup qui est alleacute vite est arriveacute avant gt 3 MCO
Cendrillon qui avait une nouvelle robe allait au bal gt 4 MCO
5317 Nombre de syntagmes verbaux SV (Q) (Verb Phrases)
Parmi les E Ph seulement on comptabilise le nombre total de SV
Si deux SV ou plus sont coordonneacutes on les comptabilise seacutepareacutement
Elle entre et approche gt 2 SV (coordination)
Il est rentreacute chez sa grand-megravere et a discuteacute avec elle gt 2 SV (coordination)
Le singe mange la banane jette la peau gt 2 SV (juxtaposition)
Le chien aboie aboie gt 2 SV (reacutepeacutetition figure)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables SYNTAX
213
5318 Nombre de mots MCO+PRO composant les SV Mots MCO+PRO(SV) (R) (Words in VPs)
Comme pour les SN-S on comptabilise le nombre de mots de classe ouverte et de pronoms impliqueacutes dans la structuration du SV releveacute dans les E Ph (les eacutenonceacutes de forme canonique) On obtient le nombre de mots (MCO+PRO) composant les SV ( Mots MCO+PRO(SV) )
Le verbe noyau est pris en compte mais pas le verbe auxiliaire
Lrsquohomme a attacheacute lrsquoarbre avec la corde gt 3 MCO
Lrsquohomme lrsquo a attacheacute avec la corde gt 2 MCO + 1 PRO
Par contre on cote les verbes auxiliaires (temporels aspectuels modaux et actanciels) qui servent agrave former des peacuteriphrases verbales comme autant de MCO
Lrsquohomme va attacher lrsquoarbre avec la corde gt 4 MCO
Lrsquohomme va lrsquo attacher avec la corde gt 3 MCO + 1PRO
Lrsquohomme doit attacher lrsquoarbre avec la corde gt 4 MCO
Drsquoautre part il convient de comptabiliser les adverbes seulement lorsqursquoils sont modifieurs et deacutependants du SV (en geacuteneacuteral les adverbes modifieurs de verbes sont difficiles agrave deacuteplacer)
Elle courait tregraves vite gt 3 MCO
Les pronoms clitiques (clitiques de formes conjointes objets atones dont les reacutefleacutechis et reacuteciproques) et personnels (disjoints objets toniques) doivent ecirctre pris en compte tels que dans les exemples suivants
La princesse se regarde gt 1 MCO + 1 PRO
Ils se parlent gt 1 MCO + 1 PRO
La princesse le salue gt 1 MCO + 1 PRO
Le voisin lui parle gt 1 MCO + 1 PRO
Le Petit Chaperon Rouge a peur de lui gt 2 MCO + 1 PRO
Le Petit Chaperon Rouge en a peur gt 2 MCO + 1 PRO
Il dit agrave moi gt 1 MCO + 1 PRO
Il srsquo en va gt 1 MCO + 2 PRO
5319 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee SUB (S) (Embeddings)
Il srsquoagit de relever les eacutenonceacutes segmenteacutes qui contiennent au moins une proposition subordonneacutee ( SUB) Ces eacutenonceacutes sont coteacutes 1 dans une colonne du tableur preacutevue agrave cet effet
Une construction syntaxique est complexe agrave partir du moment ougrave une relation drsquoenchacircssement implique au moins deux propositions une principale et une deacutependante Par ailleurs il faut que la proposition deacutependante soit structureacutee autour drsquoun verbe effectivement preacutesent
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX
214
532 Variables SYNTAX associeacutees
Une fois que les cotations en valeurs brutes des aspects syntaxiques ont eacuteteacute effectueacutees les calculs de variables SYNTAX associeacutees sont reacutealiseacutes automatiquement Nous les exposons ci-apregraves
5321 Prop Mots ext(E Ph) (Proportion Words in Sentences)
La variable Prop Mots ext(E Ph) (proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases ou eacutenonceacutes de forme canonique) indique la quantiteacute de mots extraits consacreacutee agrave la formulation drsquoeacutenonceacutes de forme canonique
Ainsi chez un locuteur controcircle cette variable est proche de 1 (ou 100 ) car les corpus oraux controcircles sont essentiellement composeacutes drsquoeacutenonceacutes de forme canonique
Drsquoautre part chez les agrammatiques cette proportion sera en geacuteneacuterale infeacuterieure agrave 1 (ou 100) car les corpus agrammatiques comptent moins drsquoeacutenonceacutes de forme canonique
5322 Prop Mots ext(E Non-Can)
La variable Prop Mots ext(E Non-Can) (proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes de forme non canonique) est le corollaire de la variable preacuteceacutedente Elle indique la quantiteacute de mots composant les eacutenonceacutes de forme non canonique
Par conseacutequent la somme des variables Prop Mots ext (E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) est eacutegale agrave 1 (ou 100 )
Drsquoautre part cette variable sera faible chez les locuteurs controcircles (proche de 0) et relativement plus eacuteleveacutee chez les locuteurs agrammatiques dont les corpus sont plus prolifiques en structurations syntaxiques non canoniques
5323 Long Moy E Ph(Mots ext) (Mean Sentence Length)
La variable Long Moy E Ph(Mots ext) (longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en mots extraits) permet drsquoappreacutecier la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute lorsqursquoil est de forme canonique
Cette variable ressemble fortement agrave la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 5125 p 185) mais nrsquoest pas tout agrave fait identique
En effet la variable CORPUS se calcule sur la base de tous les eacutenonceacutes segmenteacutes produits et pas seulement sur la base des eacutenonceacutes-phrases comme crsquoest le cas de la variable SYNTAX
5324 Prop E Ph Gram (Proportion Well-formed Sentences)
La variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux) renseigne sur le poids relatif des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables SYNTAX
215
Dans le protocole original QPA il se calcule de maniegravere restrictive par rapport au nombre drsquoeacutenonceacutes-phrases releveacutes Cependant pour une meilleure appreacuteciation des performances drsquoun locuteur nous pensons qursquoil convient de modifier le calcul de cette variable en calculant deacutesormais la part relative des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) par rapport agrave lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes produits (donc par rapport agrave la valeur E Seg et non par rapport au nombre drsquoE Ph seulement)131
En bref parmi lrsquoensemble des E Seg produits cette variable reflegravete les capaciteacutes de structuration syntaxique des locuteurs On peut donc srsquoattendre agrave ce qursquoelle soit en geacuteneacuterale plus faible chez les agrammatiques que chez les controcircles
5325 Indice Elab E Ph (Sentence Elaboration Index)
La variable Indice Elab E Ph (indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases) se calcule en additionnant simplement les variables Indice Elab SN-S (indice drsquoeacutelaboration des SN-Sujets voir ci-apregraves au point (a) ) et Indice Elab SV (indice drsquoeacutelaboration des SV voir ci-apregraves au point (b) ) Ces deux variables apparaissent dans les feuilles de reacutesultats (voir ci-apregraves les deacutetails de leur calcul aux points (a) et (b) )
Au final cette variable permet drsquoappreacutecier le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes de forme canonique (les E Ph seulement) Celle-ci ne reflegravete donc pas les capaciteacutes de structuration syntaxique attacheacutees agrave la formulation des eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can)
On obtient ainsi une variable exprimant le degreacute drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes de forme canonique uniquement (E Ph) Pour cette variable SYNTAX en particulier nous expliquerons plus en deacutetail les significations de cet indice dans le chapitre 6 consacreacute aux reacutesultats (voir au point 635(a) p 307)
(a) Indice Elab SN-Sujet (SNP Elaboration Index)
La variable Indice Elab SN-Sujet reprend la valeur de la variable Long Moy SN-Sujet132 agrave laquelle on a soustrait 1 point
(b) Indice Elab SV (VP Elaboration Index)
La variable Indice Elab SV (indice drsquoeacutelaboration du SV) reprend la valeur de la variable Long Moy SV133 diminueacutee de 1 point eacutegalement
131 Voici un exemple de calcul comparatif pour un corpus agrammatique donneacute on obtient 4 E Ph pour 100 eacutenonceacutes segmenteacutes produits (E Seg) Parmi ces E Ph 2 sont des E Ph Gram Drsquoapregraves le protocole original cela revient agrave dire que 50 des eacutenonceacutes-phrases produits sont des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux Dans le protocole original le ratio est calculeacute sur la base des E Ph et non sur la base de la totaliteacute des E Seg produits Par contre si on calcule le ratio par rapport au nombre total drsquoE Seg produits le reacutesultat est de 2 (soit 4 E Ph sur 100 E Seg) Ainsi en prenant comme base de calcul le nombre total drsquoE Seg produits (le deuxiegraveme calcul) cela permet drsquoobtenir une mesure qui nous semble plus repreacutesentative des performances reacuteelles drsquoun locuteur selon notre exemple 2 des eacutenonceacutes produits sont grammaticaux et non 50 132 La mesure Long Moy SN-Sujet (longueur moyenne drsquoun SN-Sujet en nombre de MCO+PRO) correspond au nombre moyen de mots de classe fermeacutee (MCO) et de pronoms (PRO) composant les SN-S releveacutes
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX
216
5326 Prop SUB (Embedding Index)
La variable Prop SUB134 (proportion drsquoeacutenonceacutes comportant au moins une subordination) reflegravete le poids des eacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une hieacuterarchie syntaxique
On obtient ainsi 6 variables SYNTAX
Nous en avons termineacute de la preacutesentation des variables CORPUS MORPH et SYNTAX
Les mesures deacutecrites jusqursquoagrave preacutesent sont agrave utiliser telles quelles pour les analyses corpus de discours continu (tacircche 1 2 et 3) Par contre le protocole drsquoanalyse est quelque peu ameacutenageacute en ce qui concerne les analyses de corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4)
Le paragraphe suivant (54) explique ces ameacutenagements
54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)
541 Variables quantitatives non utiliseacutees pour la tacircche 4
Parmi toutes les variables exposeacutees tout au long de ce chapitre seules celles qui correspondent agrave des cotations de mots extraits sont retenues
Ainsi alors que toutes les variables SYNTAX sont pertinentes certaines des variables CORPUS et MORPH-LEX ne le sont pas eu eacutegard le type de donneacutees linguistiques obtenues (production de phrases isoleacutees)
Au final nous ne calculerons pas les variables suivantes Prop Mots extprod (CORPUS)
DEBIT Mots prod (CORPUS)
DEBIT Mots ext (CORPUS)
Long Moy E Seg(Mots Prod) (CORPUS)
Prop CONJMots Prod (MORPH-LEX)
Prop CONJdisc (MORPH-LEX)
Prop CONJsynt (MORPH-LEX)
133 La mesure Long Moy SV (longueur moyenne drsquoun SV en nombre de MCO+PRO) correspond au nombre moyens de mots de classe fermeacutee (MCO) et de pronoms (PRO) composant les SV releveacutes 134 Preacutecisons que le protocole original preacutevoit le calcul de la variable Embedding Index sur la base des Sentences essentiellement crsquoest-agrave-dire sur la base de ce que nous appelons eacutenonceacutes-phrases ou E Ph Cependant afin de refleacuteter au mieux les capaciteacutes de formulation de subordonneacutees nous prenons ici comme base de calcul lrsquoensemble des E Seg (crsquoest-agrave-dire tous les eacutenonceacutes segmenteacutes produits) et pas seulement les eacutenonceacutes de forme canonique
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables SYNTAX
217
Prop ADVMots prod (MORPH-LEX)
Prop ADVdisc (MORPH-LEX)
Prop ADVmod (MORPH-LEX)
Bien sucircr cet ameacutenagement du protocole en vue des analyses structurales des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) transparaicirctra dans la preacutesentation des reacutesultats au point 6 (pp 223-311) Ainsi pour certains graphes correspondant aux variables preacuteciteacutees qui nrsquoauront pas eacuteteacute calculeacutees pour la tacircche 4 en particulier les donneacutees nrsquoapparaicirctront pas
Nous deacutetaillons ci-dessous les principes de cotations particuliers aux corpus de phrases isoleacutees
542 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes (Prop E Seg)
Dans certains cas des phrases produites par les locuteurs agrammatiques nrsquoont pas eacuteteacute retenues en vue des analyses structurales
dans les cas ougrave le locuteur nrsquoa pas formuleacute de reacuteponse (eacutechec) ougrave que sa reacuteponse nrsquoest pas analysable (bribes aucune tentative)
dans les cas ougrave nous jugeons que la formulation a eacuteteacute trop influenceacutee par les facilitations lexicales ou syntaxiques fournies par lrsquoexpeacuterimentatrice
La variable Prop E Seg (proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ici il srsquoagit de phrases isoleacutees) est obtenue en calculant la proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes effectivement produits et retenus pour les analyses par rapport aux 60 constructions cibles proposeacutees Elle indique simplement le nombre drsquoeacutenonceacutes produits qui ont eacuteteacute retenus et soumis aux analyses quantitatives
543 Cotation des phrases produites selon les critegraveres de grammaticaliteacute agrammaticaliteacute
La structure agrave produire est tregraves induite par le stimulus imageacute et la consigne La cotation du trait grammatical agrammatical est ainsi tregraves aiseacutee pour obtenir la variable Prop E Ph Gram Elle est reacutealiseacutee en se reacutefeacuterant agrave la structure cible agrave produire suivant le stimulus visuel Pour deacutecider si une structure est grammaticale ou non on srsquoappuie
drsquoune part sur des critegraveres formels morpho-lexicaux et morpho-flexionnels stricts lorsqursquoon relegraveve des omissions ou des substitutions de morphegravemes lexicaux ou grammaticaux libres lieacutes obligatoires la phrase est coteacutee laquo agrammaticale raquo
et drsquoautre part selon des critegraveres formels syntaxiques lorsqursquoon relegraveve des absences ou des deacuteplacements drsquoarguments obligatoires
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX
218
5431 Critegraveres morpho-lexicaux
Les exemples suivants illustrent diffeacuterents cas ougrave la structure effectivement produite est agrammaticale
Consideacuterons la structure cible suivante
La fille donne de lrsquoargent agrave la megravere
Les productions effectives correspondantes ci-dessous sont agrammaticales
(1) Le garccedilon donne des sous agrave la megravere gt LEXsubst(fillegtgarccedilon)
(2) La fille donner des sous agrave la megravere gt Vinf(donner) (0 V-FLEX)
(3) La fille donne des sous la megravere gt PREPom(agrave)
(4) Le fille donne des sous agrave megravere gt DETsubst(lagtle) DETom(la)
(5) La fille des sous agrave sa megravere gt Vom(donne)
(6) La fille prend la megravere gt LEXsubst(donnegtprend)
(7) La fille donne des sous dans la megravere gt PREPsubst(agravegtdans)
Par ailleurs dans quelques cas on a pu relever des ajouts de morphegravemes ou des deacuteformations phoneacutemiques lourdes impliquant que la phrase produite soit coteacutee agrammaticale
Ainsi par exemple pour la phrase attendue suivante
La megravere embrasse le pegravere
les productions ci-dessous sont coteacutees agrammaticales
La fille srsquoembrasse sur le pegravere gt PROrecajout(srsquo) PREPajout(sur)
Le garccedilon et la fille se [kaman] gt Deformphon(chamaillentgt[kaman])
5432 Critegraveres syntaxiques
Les configurations syntaxiques qui ne respectent pas le nombre minimal drsquoarguments obligatoires sont agrammaticales
Consideacuterons encore la mecircme structure cible
La fille donne de lrsquoargent agrave la megravere
Les productions suivantes sont coteacutees nulles du point de vue de la grammaticaliteacute du fait de lrsquoabsence drsquoun des arguments requis dans la structure cible
(1) La fille donne des sous (hellip) gt absence drsquoun argument SP-OIndom(agrave la megravere)
(2) La fille donne () la megravere gt absence drsquoun argument SN-ODirom(de lrsquoargent)
(3) La fille donne (hellip) (hellip) gt absence des 2 arguments SN-ODirom(de lrsquoargent)
SP-OIndom(agrave la megravere)
(4) (hellip) donne des sous agrave la megravere gt absence du SN-S SN-Som(la fille)
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative
Variables SYNTAX
219
Ainsi mecircme si la phrase produite est grammaticale du point de vue morphologique les arguments obligatoires non formuleacutes impliquent que la structure produite srsquoavegravere agrammaticale
5433 Emploi drsquoun verbe geacuteneacuterique agrave la place du verbe adeacutequat
Il se peut que le locuteur ne parvienne pas agrave produire le verbe speacutecifique attendu comme dans lrsquoexemple suivant ougrave le verbe fait est employeacute agrave la place de donne ou tend
Un garccedilon fait un journal au pegravere gt 0 E Ph
Dans ce cas on considegravere eacutegalement que la structure produite est agrammaticale
55 Conclusion
Dans ce chapitre nous avons exposeacute en deacutetail les instructions de comptage de cotations et de calculs deacutedieacutees agrave chacune des variables deacutependantes linguistiques deacutefinies
Nous nous sommes largement et librement inspireacutee des principes meacutethodologiques guides issus du protocole original QPA (SAFFRAN et al 1989)
Le laquo nouveau raquo protocole drsquoanalyse quantitative que nous appliquons preacutesente de nombreuses variantes et adaptations par rapport au protocole original
En effet lrsquoapplication de ce protocole drsquoanalyse quantitative adapteacute au franccedilais et augmenteacute de mesures suppleacutementaires permet de mesurer les performances verbales des locuteurs controcircles et agrammatiques dans diffeacuterentes tacircches de productions orales du point de vue de la structuration intra-phrastique et discursive
Pour ce faire nous avons speacutecifieacute les trois cateacutegories de variables linguistiques suivantes
(1) les variables CORPUS135 comprenant 9 variables refleacutetant les caracteacuteristiques geacuteneacuterales des corpus eacutetudieacutes
(2) les variables MORPH comprenant drsquoune part 14 variables mesurant les aspects morpho-lexicaux (MORPH-LEX)136 et drsquoautre part une variable mesurant la morphologie flexionnelle verbale (Indice Compl MORPH-V-Matrices)137
135 Les variables CORPUS dureacutee de parole effective nombre de mots produits nombre de mots extraits nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes proportion de mots extraits parmi tous les mots produits deacutebit en nombre de mots produits par minutes deacutebit en nombre de mots extraits par minutes longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en nombre de mots produits longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en nombre de mots extraits
PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX
220
(3) les variables SYNTAX138 comprenant 6 variables concernant les aspects syntaxiques
Les reacutesultats deacutetailleacutes issus de nos analyses quantitatives sont preacutesenteacutes dans la troisiegraveme et derniegravere partie (chapitre 6 ci-apregraves) Leur exposeacute est subdiviseacute en trois grands paragraphes correspondant agrave chacune des cateacutegories de variables preacuteciteacutees CORPUS MORPH et SYNTAX
136 Les variables MORPH-LEX proportion de mots de classe ouverte classe fermeacutee proportion de conjonctions de conjonctions discursives syntaxiques indice de deacutetermination proportion de pronoms proportion de verbes par rapport aux noms par rapport aux MCO de verbes effectivement fleacutechis proportion de preacutepositions proportion drsquoadverbes drsquoadverbes discursifs modifieurs 137 La variable MORPH-V indice de complexification morphologique du verbe matrice 138 Les variables SYNTAX proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes de forme canonique non canonique longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute de forme canonique en nombre de mots extraits proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases proportion de subordonneacutees
221
Partie III Reacutesultats
222
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS MORPH SYNTAX
223
6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX
60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats
Nous preacutesentons dans ce chapitre les reacutesultats des analyses quantitatives appliqueacutees agrave nos corpus Ils sont preacutesenteacutes meacutethodiquement par cateacutegories de variables linguistiques deacutependantes (deacutecrites dans le chapitre 5)
Partant des mesures cibleacutees sur les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX il srsquoagit ici de fournir une vue drsquoensemble des comportements verbaux des participants controcircles et agrammatiques afin drsquoen deacutegager les patrons de performances geacuteneacuteraux (moyennes de groupes pour illustrer la variabiliteacute inter-groupes) et originaux (mesures individuelles reacutealiseacutees pour illustrer la variabiliteacute inter-sujets)
La mise en perspective des reacutesultats de chaque groupe et de chaque sujet selon les quatre conditions de notre protocole expeacuterimental (deacutecrites dans le chapitre 4) nous conduira naturellement agrave deacutegager les variabiliteacutes inter-tacircches notables Celles-ci selon nous constituent un indice du caractegravere adaptatif du comportement verbal des locuteurs en fonction des conditions expeacuterimentales mises en place
Pour la description des variables quantitatives nous nrsquoutiliserons que deux outils de base de la statistique descriptive qui nous semblent suffire dans le cadre de notre eacutetude de cas multiples les moyennes de groupes comme valeur de tendance centrale et les eacutecarts-types associeacutes comme indice de dispersion Une moyenne de groupe permet de reacutesumer les valeurs releveacutees au sein de chacun des deux groupes sujets afin drsquoobtenir un aperccedilu des tendances geacuteneacuterales notables Les moyennes arithmeacutetiques sont donc agrave lire comme des indicateurs syntheacutetiques qui ne reacutevegravelent pas la variabiliteacute inter-sujets agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe Crsquoest pourquoi en vue de reacuteveacuteler la variabiliteacute inter-sujets qui ne manquera pas drsquoecirctre assez marqueacutee entre les six cas drsquoagrammatisme eacutetudieacutes les eacutecarts-types seront agrave chaque fois fournis sous la forme de barres drsquoerreurs inteacutegreacutees dans les graphes de moyennes de groupes De plus afin de deacutecrire cette variabiliteacute inter-sujets lorsque cela nous semble neacutecessaire nous fournissons en suppleacutement des reacutesultats moyenneacutes par groupe les reacutesultats concernant chacun des locuteurs
Ainsi les descriptions quantitatives relatives agrave chaque cateacutegorie de variables linguistiques nous conduiront agrave deacutegager des tendances refleacutetant les variabiliteacutes de comportement selon les perspectives
INTER-GROUPES groupe de locuteurs controcircles versus groupe de locuteurs agrammatiques Systeacutematiquement les reacutesultats moyenneacutes relatifs au groupe controcircle tiennent lieu de reacutefeacuterentiel linguistique du comportement verbal non pathologique (dit laquo sain raquo ou laquo normal raquo)
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS MORPH SYNTAX
224
INTER-TAcircCHES tacircche 1 versus tacircche 2 versus tacircche 3 versus tacircche 4
INTER-SUJETS entre locuteurs agrammatiques (1 PC_agr versus 2 BR_agr versus 3 MC_agr versus 4 SB_agr versus 5 PB_agr versus 6 TH_agr) Drsquoautre part les graphes de donneacutees individuelles relatives aux neuf locuteurs controcircles sont consultables en Annexe I-686 agrave I-701 Ils ne seront pas systeacutematiquement commenteacutes
Pour chacune des variables linguistiques deacutefinies la preacutesentation des reacutesultats obeacuteit agrave ce plan simple
drsquoabord si cela nous semble neacutecessaire nous donnons un bref rappel sur les caracteacuteristiques des variables linguistiques en question leur mesure et leur calcul
puis nous fournissons le ou les graphes repreacutesentant les moyennes de groupes controcircle versus agrammatique selon les tacircches en vue de deacutecrire les variabiliteacutes inter-groupes et inter-tacircches notables (sinon le cas eacutecheacuteant la stabiliteacute inter-tacircches)
en suppleacutement lorsque cela nous semble neacutecessaire en vue drsquoillustrer une variabiliteacute inter-sujets singuliegravere des graphes repreacutesentant les tendances individuelles sont ajouteacutes Si pour une variable un graphe de reacutesultats individuels nrsquoest pas commenteacute le lecteur peut toutefois se reacutefeacuterer aux Annexe H-613 agrave H-628 ougrave figurent tous les graphes de reacutesultats individuels des sujets agrammatiques
Tous les corpus (ou feuilles de travail) eacutetant joints en Annexes H et I139 et de ce fait consultables agrave loisir nous avons pris le parti de limiter la citation drsquoexemples afin de faciliter la lecture des reacutesultats quantitatifs et des interpreacutetations ou questions qursquoils suscitent
De la sorte le point de vue analytique qui domine le preacutesent chapitre srsquoinscrit dans une description plutocirct quantitative que qualitative des corpus oraux sans toutefois neacutegliger ce dernier aspect Les exemples concrets sont citeacutes en vue drsquoillustrer un pheacutenomegravene notable observeacute freacutequemment ou dans un ou deux cas singuliers De cette faccedilon les pheacutenomegravenes deacutecrits sur le plan quantitatif sont lorsque cela nous semble preacutesenter un inteacuterecirct particulier illustreacutes et nuanceacutes sur le plan qualitatif
En guise de synthegraveses ponctuelles des reacutesultats le lecteur trouvera des reacutesumeacutes des analyses sous forme drsquoencadreacutes
Drsquoautre part toutes les feuilles de reacutesultats sont eacutegalement jointes en Annexes140 Il y figure toutes les mesures appliqueacutees aux corpus (les valeurs brutes et les variables associeacutees CORPUS MORPH et SYNTAX)
Pour finir les mesures individuelles sont restitueacutees sous la forme de tableaux syntheacutetiques et sous la forme de graphes de reacutesultats individuels141
139 Groupe agrammatique Annexe H-427 agrave H-588 et groupe controcircle Annexe I-634 agrave I-673 140 Groupe agrammatique Annexe H-588 agrave H-613 et groupe controcircle Annexe I-673 agrave I-686 141 Groupe agrammatique Annexe H-613 agrave H-634 et groupe controcircle Annexe I-686 agrave I-701
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
225
61 Reacutesultats variables CORPUS
Les variables CORPUS permettent de fournir une vue drsquoensemble de la quantiteacute de donneacutees collecteacutees et soumises aux analyses
Parmi ces variables les dureacutees effectives de parole le deacutebit en nombre de mots produits par minute (Deacutebit Mots prod) les nombres de mots produits ( Mots prod) de mots extraits (Mots ext) et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) ainsi que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) ) ont eacuteteacute obtenus en suivant les instructions du protocole original QPA
Les autres variables CORPUS telles que le deacutebit en nombre de mots extraits par minute (Deacutebit Mots ext142) la proportion de mots extraits (Prop Mots ext) et la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en mots produits (Long Moy E Seg(Mots prod) ) ont eacuteteacute ajouteacutees par rapport au protocole original (pour les deacutetails concernant la mise en forme des corpus voir au point 45 pp 144-175 et concernant les cotations et les calculs de variables CORPUS voir au point 51 pp 181-185)
611 Quantiteacute drsquoobservables soumis aux analyses caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus
Le tableau ci-dessous (Tableau 15 ci-apregraves p 226) preacutesente selon les groupes (controcircle et agrammatique) la quantiteacute de donneacutees collecteacutees soumises aux analyses quantitatives
Les caracteacuteristiques principales des corpus construits apparaissent en valeurs brutes et ne concernent que les 3 tacircches de productions de discours continu (tacircche 1 2 et 3) lorsque les mesures pour la tacircches de productions de phrases isoleacutees (tacircche 4) nrsquoavaient pas lieu drsquoecirctre reacutealiseacutees
142 Lrsquoasteacuterisque signale que la variable a eacuteteacute conccedilue dans le cadre de cette eacutetude en suppleacutement des variables eacutelaboreacutees par les auteurs du protocole original QPA
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
226
Dureacutee de parole effective (mesureacutee pour les tacircches 1 2 3)
Mots prod (mesureacute pour lestacircches 1 2 3 4)
Mots ext (mesureacute pour les tacircches 1 2 3 4)
E Seg (mesureacute pour les tacircches 1 2 3 4)
Groupe controcircle (9 locuteurs)
2 h 6prime 44Prime 23316 19597 2292
Groupe agrammatique(6 locuteurs)
3 h 51prime 01Prime 12221 8016 1794
TOTAUX 5 h 57prime 45Prime 35 537 27 613 4 086 INTERVALLES Groupe controcircle
[ 1prime 56Prime 10prime 31Prime ] [ 339 1574 ] [ 265 1354 ] [ 26 134 ]
INTERVALLES Groupe agrammatique
[ 4prime 33Prime 22prime 22Prime ] [ 178 1379 ] [ 104 833 ] [ 29 146 ]
[le nombre de Mots prod au total nrsquoa pas eacuteteacute releveacute pour la tacircche 4 (production de phrases isoleacutees) crsquoest pourquoi nous additionnons [Mots prod(t123)+Mots ext(t4)] pour obtenir une valeur approximative inteacutegrant le nombre de Mots ext releveacutes pour la tacircche 4]
Tableau 15 Valeurs brutes CORPUS quantiteacute de donneacutees soumises aux analyses (dureacutees des corpus nombre de mots produits de mots extraits et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes totaux et
intervalles)
Rappelons que les dureacutees mesureacutees excluent les dureacutees correspondant aux productions orales qui ont eacuteteacute transcrites mais qui nrsquoont pas eacuteteacute retenues en vue des mesures Par ailleurs pour la tacircche 4 (production de phrases isoleacutees) les dureacutees de production nrsquoont pas eacuteteacute releveacutees car il nrsquoeacutetait pas question de mesurer le temps de reacuteaction apregraves la preacutesentation de lrsquoimage ou la dureacutee attacheacutee agrave la formulation drsquoune phrase (qui pouvait ecirctre tregraves longue pour certains aphasiques) Crsquoest pourquoi les dureacutees mesureacutees ne concernent que les tacircches de production de discours continu soit les tacircches 1 2 et 3
Dans lrsquoensemble la dureacutee totale de corpus agrammatique est de pregraves de 4 heures contre 2 heures pour le groupe controcircle En effet pour une tacircche de production donneacutee le ralentissement de lrsquoeacutelocution typique de lrsquoaphasie de Broca transparaicirct deacutejagrave dans ces releveacutes
Au total crsquoest pregraves de 6 heures de parole effective qui a eacuteteacute transcrite et analyseacutee rigoureusement et ce pour 3 tacircches de productions de discours continu et pour 15 locuteurs (6 agrammatiques et 9 controcircles)143
Les analyses ont porteacute sur un ensemble de plus de 35 000 mots ( Mots prod) parmi lesquels environ 27 600 mots extraits ( Mots ext) furent seacutelectionneacutes pour lrsquoessentiel des analyses structurales reacutealiseacutees a posteriori ce qui correspond agrave un total de presque 4100
143 Donc sans compter la dureacutee de parole des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) qui nrsquoa pas eacuteteacute mesureacutee En comptant cette dureacutee en plus nous estimons avoir transcrit de 9 agrave 10 heures de parole toutes tacircches et tous sujets confondus
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
227
eacutenonceacutes segmenteacutes (E Seg)144 Cela nous semble constituer un eacutechantillon de donneacutees patho-linguistiques plutocirct abondant et repreacutesentatif qursquoil soit pathologique ou non
Selon les locuteurs agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe les dureacutees de parole effective sont plus ou moins grandes Par exemple pour le groupe controcircle toutes tacircches confondues on a releveacute des dureacutees allant de 1 mn-56 sec agrave 10 mn-31 sec contre 4 mn-33 sec agrave 22 mn-22 sec pour le groupe agrammatique Les dureacutees de parole effective peuvent grandement varier drsquoun locuteur agrave lrsquoautre et drsquoune tacircche agrave lrsquoautre
6111 Nombre de mots produits et de mots extraits Mots prod et Mots ext
Le nombre de mots produits ( Mots prod Figure 1 ci-dessous) correspond au nombre total de mots composant les corpus oraux (voir au point 5112 p 181)
Mots prod moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
493
796887
626
472
622
0
500
1000
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Figure 1 Nombre de mots produits ( Mots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de
groupes
144 Par rapport au protocole expeacuterimental preacutevu quelques donneacutees verbales sont quand mecircme manquantes pour diverses raisons Malgreacute toute la rigueur appliqueacutee aux passations cela est malheureusement arriveacute pour 3 passations parmi les 60 passations reacutealiseacutees quand une tacircche a eacuteteacute abandonneacutee en accord avec la volonteacute du locuteur et que nous nrsquoavions pas pu reacuteiteacuterer la passation (comme la passation de 1 PC_agr4 pour laquelle 27 stimuli nrsquoont pas eacuteteacute preacutesenteacutes) ou quand nous-mecircme avions oublieacute de soumettre des stimuli (la passation de 5 PB_agr4 pour laquelle 15 stimuli nrsquoont pas eacuteteacute preacutesenteacutes) ou alors oublieacute drsquoappuyer sur le bouton laquo enregistrement raquo de lrsquoappareil enregistreur (par exemple la passation de 6 LMan_contr3 concernant la petite histoire MJ03) Ce manque ne repreacutesente qursquoune part bien minime par rapport agrave la quantiteacute de donneacutees recueillies (approximativement 300 mots soit moins de 1 de la totaliteacute des donneacutees verbales analyseacutees) De ce fait il constitue pour nous un biais plutocirct neacutegligeable
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
228
En ce qui concerne la passation de la tacircche 1 nous avons fait le choix de calibrer la quantiteacute de donneacutees recueillies aupregraves des locuteurs agrammatiques de maniegravere agrave ce qursquoon obtienne au minimum 300 mots produits dont au moins 250 mots extraits deacutedieacutes aux analyses structurales et au maximum 800 mots produits (sur la question de la quantiteacute de donneacutees recueillies voir aussi au point 4102 p 172) Pour toutes les autres tacircches tout ce qui a eacuteteacute produit a eacuteteacute pris en compte sans seuil minimum ou maximum
Srsquoagissant des tacircches 2 et 3 le nombre de mots produits est toujours en moyenne plus faible pour le groupe agrammatique que pour le groupe controcircle
En revanche en production de discours autobiographique les corpus agrammatiques sont en moyenne un peu plus abondants avec 626 Mots prod contre 493 Mots prod en moyenne (voir Figure 1 p 227) en effet les corpus agrammatiques sont en moyenne plus abondants car nous avons motiveacute leur production au maximum (en prolongeant la dureacutee des entretiens par exemple) en vue drsquoobtenir une quantiteacute de mots extraits suffisante145
Voilagrave pour le nombre de mots produits au total
145 Sans cela nous risquions de nous retrouver avec par exemple des corpus de 300 mots produits dont 50 mots extraits ce qui nrsquoaurait pas eacuteteacute suffisant
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
229
Drsquoautre part le nombre de mots extraits ( Mots ext Figure 2 ci-dessous) correspond aux mots participant agrave la structuration interne des eacutenonceacutes et retenus en vue de la plupart des analyses structurales ulteacuterieures (crsquoest-agrave-dire le niveau 1 de transcription voir au point 49 pp 163-171 et au point 5113 p 184)
Mots ext moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr
396
622
745
414378
269
371318
0
500
1000
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4
MOY_contr
MOY_agr
Figure 2 Nombre de mots extraits ( Mots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de
groupes
Pour toutes les tacircches sans exception en moyenne de groupe le nombre de mots extraits est plus faible chez les agrammatiques que chez les controcircles
Mais pour la tacircche 1 (Figure 2 ci-dessus) il est agrave peu de chose pregraves eacutequivalent entre les deux groupes (avec 396 et 378 Mots ext) Ainsi pour la tacircche 1 en particulier agrave quantiteacute de mots extraits comparables la quantiteacute de mots produits au total est supeacuterieure pour le groupe agrammatique (voir Figure 1 p 227 et Figure 2 ci-dessus)
En effet les agrammatiques alors qursquoils ont produit plus de mots au total une grande partie de ceux-ci eacutetait constitueacutee de reacutepeacutetitions de langage automatique ou modalisateur de bribes ou drsquoeacutechecs de formulation suivis ou non drsquoautocorrections de perseacuteveacuterations drsquoeacutecholalies bref de traces de disfluence ainsi que de particules discursives
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
230
Or comme les mots produits correspondant agrave ces pheacutenomegravenes et aux particules discursives nrsquoont pas eacuteteacute inteacutegreacutes dans la cateacutegorie des mots extraits et comme les traces de disfluence sont beaucoup plus caracteacuteristiques de lrsquooral pathologique il nrsquoest eacutetonnant de voir que lrsquoeacutecart entre la quantiteacute de mots produits et la quantiteacute de mots extraits est toujours plus grand chez les sujets agrammatiques que chez les sujets controcircles
Pour finir la variable CORPUS Prop Mots extMots prod (voir au point 6121 p 232) exprimeacutee en valeur relative vient confirmer ces premiers reacutesultats exprimeacutes en valeurs brutes
6112 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes E Seg
La variable E Seg (voir Figure 3 ci-dessous) correspond au nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes composant les corpus oraux Ceux-ci ont eacuteteacute segmenteacutes suivant les instructions de preacute-traitement et de mise en forme des corpus oraux exposeacutees dans la partie meacutethodologie de ce travail (sur la segmentation du discours continu voir aux points 47 et 48 pp 154-163 et au point 5114 p 184)
E Seg moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr
45
7278
60
109
59
79
52
0
50
100
150
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4
MOY_contr
MOY_agr
Figure 3 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de
groupes
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
231
En moyenne pour les tacircches 2 3 et 4146 le nombre drsquouniteacutes E Seg composant les corpus oraux est relativement eacutequivalent entre les deux groupes Ainsi on peut en conclure que le nombre drsquoeacutenonceacutes produits se maintient relativement bien malgreacute le trouble agrammatique
En revanche on note une nette diffeacuterence inter-groupes pour la tacircche 1 (discours autobiographique) les corpus de discours agrammatique sont constitueacutes de 109 eacutenonceacutes segmenteacutes en moyenne contre 45 pour les corpus controcircles On pourrait penser que cette grande diffeacuterence nrsquoest qursquoun artefact en raison de la qualiteacute des entretiens meneacutes avec les agrammatiques (rappelons qursquoil srsquoagissait drsquoobtenir des corpus agrammatiques drsquoau moins 300 mots jusqursquoagrave 800 mots produits et que nous avons encourageacute la production du locuteur dans cet objectif)
Cependant il nous semble leacutegitime de penser que le grand nombre drsquoeacutenonceacutes releveacutes dans les corpus pathologiques de discours spontaneacute autobiographique (tacircche 1) reflegravete en reacutealiteacute une conduite discursive singuliegravere qui revient agrave dilater le discours en situation de production libre
En effet nous pensons que cette eacutebauche drsquointerpreacutetation est tregraves plausible et valable dans la mesure ougrave le nombre moyen de mots extraits est tout agrave fait comparable entre les corpus pathologiques et les corpus agrammatiques en production de discours autobiographique (de lrsquoordre de 400 mots voir Figure 2 p 229)
De surcroicirct la conduite drsquoexpansion discursive eacutevoqueacutee ici (tacircche 1) ainsi que le maintien drsquoun nombre drsquouniteacutes E Seg relativement eacuteleveacute (tacircches 2 3) seront mis en relation avec le nombre moyen de mots consacreacutes agrave la formation drsquoun eacutenonceacute (Long Moy E Seg(Mots ext) voir au point 6123 p 238 et Figure 10 p 243)
612 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus
Pour les trois mesures brutes CORPUS refleacutetant les caracteacuteristiques quantitatives geacuteneacuterales des corpus eacutetudieacutees jusqursquoici les eacutecarts-types reacutevegravelent des diffeacuterences inter-sujets tregraves nettes agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe Que ce soit au niveau du nombre de mots produits ( Mots prod) du nombre de mots extraits ( Mots ext) ou du nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) les locuteurs aphasiques et controcircles sont selon les cas plus ou moins prolifiques (pour ces trois variables brutes voir les graphes de donneacutees individuelles en Annexe H-615 et en Annexe I-688)
Ces trois valeurs CORPUS sont exprimeacutees en valeurs brutes Toutes les variables qui sont obtenues a posteriori sur la base de ces quantiteacutes variables drsquoobservables sont toutes
146 Preacutecisons que pour la tacircche 4 (en production de phrases isoleacutees) le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes correspond en fait au nombre de structures produites agrave partir de 60 phrases cibles induites par 60 stimuli visuels (voir au point 414 pp 130-133 et en Annexe E-404-414) Pour chaque stimulus correspondait au moins une phrase plausible Pour cette tacircche le nombre drsquoeacutenonceacutes produits par un locuteur peut ecirctre supeacuterieur agrave 60 lorsque pour une phrase cible il a produit plus drsquoune proposition indeacutependante (en geacuteneacuteral pas plus de 2) Cela srsquoest aveacutereacute ecirctre le cas pour certains locuteurs controcircles Par contre lorsque le nombre de structures cibles produites est infeacuterieur agrave 60 comme pour 5 des locuteurs agrammatiques cela signifie que pour certains des stimuli imageacutes aucun eacutenonceacute ne fut produit ou alors que ce qui a eacuteteacute produit nrsquoa pas pu ecirctre retenu pour les analyses structurales
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
232
exprimeacutees en valeurs relatives Ainsi bien que les corpus individuels diffegraverent du point de vue du nombre de mots et du nombre drsquoeacutenonceacutes pris en compte pour les analyses les calculs drsquoindices et de proportions ont pour inteacuterecirct de relativiser les donneacutees brutes en les objectivant ce qui rend possible les comparaisons ulteacuterieures entre variables exprimeacutees en valeurs relatives
En reacutesumeacute toutes les variables deacutecrites agrave partir drsquoici (CORPUS MORPH et SYNTAX) sont exprimeacutees en valeurs relatives et donc objectiveacutees de maniegravere agrave pourvoir effectuer les comparaisons inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches
6121 Proportion de mots extraits Prop Mots extprod
La variable Prop Mots extprod renseigne sur le poids des mots extraits147 parmi la totaliteacute des mots produits (voir Figure 4 ci-dessous) Les mots extraits reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes crsquoest-agrave-dire le plan de lrsquointeacutegration syntaxique interne aux uniteacutes phrastiques
(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
Prop Mots extprod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
80 7985
62 59 60
0
50
100
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Figure 4 Proportion de mots extraits parmi les mots produits pour les tacircches 1 2 et 3
moyennes de groupes
147 En caractegraveres gras au sein des corpus transcrits
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
233
Il apparaicirct ici que la proportion de mots extraits seacutelectionneacutes parmi les mots produits est toujours plus faible pour les corpus agrammatiques compareacute aux corpus controcircles (avec des diffeacuterences de lrsquoordre de 20 agrave 25 voir Figure 4 ci-dessus p 232)
Cela traduit le fait que les traces de disfluence les rateacutes les reacutepeacutetitions les reformulations sont plus caracteacuteristiques des corpus agrammatiques que des corpus controcircles
Cette proportion est toutefois relativement stable suivant les tacircches et suivant les groupes la part de mots extraits varie de 59 agrave 62 pour le groupe agrammatique contre environ 80 agrave 85 pour le groupe controcircle
Cette stabiliteacute inter-tacircches nous semble prouver la coheacuterence et la validiteacute de la deacutemarche de seacutelection des mots extraits deacutecrite au chapitre 4 (point 49 p 163) drsquoautant plus que la quantiteacute de donneacutees soumise au protocole de preacute-traitement et drsquoanalyse nous semble assez importante
(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
Le graphe ci-apregraves (Figure 5) preacutesente la variable Prop MotsMots prod dans la perspective inter-sujets agrammatiques
Prop Mots extprod - tacircches 1 2 et 36 agr
39
70 69
59 60
72
37
7572
55 5760
43
78
5452
60
72
0
50
100
1 PC
_agr
2 BR
_agr
3 MC
_agr
4 SB
_agr
5 PB
_agr
6 TH_agr
Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3
Figure 5 Proportion de mots extraits parmi les mots produits (Prop Mots extMots prod) pour
les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques
Globalement alors que la variabiliteacute inter-sujets est assez marqueacutee au sein du groupe agrammatique on retrouve une certaine stabiliteacute inter-tacircches dans chacun des cas agrammatiques
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
234
En effet les corpus de 1 PC_agr par exemple contiennent une proportion beaucoup plus faible de mots extraits par rapport aux autres avec moins de 50 des mots produits au total Cela traduit le fait que dans les corpus de 1 PC_agr on a releveacute plus de particules discursives de traces de disfluences (comme les reacutepeacutetitions) drsquointerjections et drsquoonomatopeacutees et en conseacutequence beaucoup moins de mots extraits (en caractegraveres gras) relativement agrave lrsquoensemble
13 PC_agr1 et (2) trois jours trois jours (2) trois jours (2) eh-ben [ouit] (2)
laquo trois jours inconscient raquo
14 PC_agr1 lagrave rega- lagrave woh [ouit] crsquoest mieux hein crsquoest mieux laquo aujourdrsquohui ccedila va mieux raquo ADVmod(mieux)
15 PC_agr1 crsquoest mieux crsquoest mieux
16 PC_agr1 mais euh lagrave parle pas-du-tout hum laquo agrave ce moment-lagrave je ne parlais pas du tout raquo PROpersom(je)
17 PC_agr1 voilagrave
Annexe H-447
Drsquoautre part le cas de 3 MC_agr est aussi singulier dans la mesure ougrave la Prop Mots extMots prod chute notablement agrave 54 en narration drsquohistoires drsquoapregraves images (tacircche 3) Cette tendance reflegravete lrsquoaugmentation des pheacutenomegravenes de reacutepeacutetions ou de reformulations lieacutee agrave la tacircche En effet compareacute aux tacircches de production sans support imageacute la preacutesence des images et la preacutecision morpho-lexicale qursquoelles induisent semblent rendre plus difficile la formulation Le sujet est souvent laquo peu sucircr raquo de sa formulation et se reacutepegravete freacutequemment dans des proceacutedures de recherches lexicales infructueuses comme dans lrsquoextrait suivant
1 MC_agr3-MJ03 Paul fait (25) fait le sel euh sur un pot un pot non un seau seau euh
LEXVsubst(reacutepandgtfait) agrave valeur geacuteneacuterique Rechlex(potgtseau)
2 MC_agr3-MJ03 Paul fait fait un seau un sel non moi euh je Paul fait un seau non un sel sur euh un pot non
Reform-
exp prenez votre temps
3 MC_agr3-MJ03 mais moi euh
3 MC_agr3-MJ03 Paul verse un seau (2) sur un sel (2) PREPajout(sur)
Annexe H-503
Du point de vue de la variable Prop Mots extMots prod cela a pour effet drsquoaugmenter la proportion de nombre de mots laquo non extraits raquo (crsquoest-agrave-dire les mots correspondant agrave des traces de disfluence) et donc en corollaire drsquoaffaiblir la proportion de mots extraits Il srsquoagit de la seule variation inter-tacircches notable que nous observons Les variations inter-tacircches des autres locuteurs nous semblent assez neacutegligeables
En reacutesumeacute malgreacute les diffeacuterences individuelles sur le plan des freacutequences de disfluences visibles en surface pour un cas en particulier (PC_agr qui est aphasique depuis un peu plus drsquoun an) il nous semble important de souligner le fait que la stabiliteacute inter-tacircches geacuteneacuterale signifie que le poids des mots extraits (parmi les mots produits au total) demeure sensiblement le mecircme drsquoune tacircche de production agrave lrsquoautre dans chacun des cas (excepteacute pour MC_agr3)
Cela nous semble valider la coheacuterence drsquoune tacircche agrave lrsquoautre de la proceacutedure drsquoextraction des observables que nous avons appliqueacutee en vue des analyses structurales ulteacuterieures baseacutees sur les mots extraits
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
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6122 Deacutebit verbal selon les variables laquo mots produits raquo et laquo mots extraits raquo Deacutebit Mots prod et Deacutebit Mots ext
Les deacutebits en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) ainsi qursquoen nombre de mots extraits (Deacutebit Mots ext) ont eacuteteacute calculeacutes pour les trois tacircches de production de discours continu (tacircches 1 2 et 3 voir Figure 6 ci-dessous)148
(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
Deacutebit Mots prod moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
161154
161
5345 40
0
50
100
150
200
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Deacutebit Mots ext moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
130122
137
3327 24
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Figure 6 Deacutebit verbal moyen en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) et en nombre de
mots extraits (Deacutebit Mots ext) par minute pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes
Dans toutes les tacircches on constate bien eacutevidemment un deacutebit verbal moyen beaucoup plus faible chez le groupe agrammatique que chez le groupe controcircle (voir Figure 6 ci-dessus)
De surcroicirct nous observons un ralentissement progressif du deacutebit agrave mesure que les tacircches de production sont contraintes
En effet les agrammatiques produisent en moyenne 53 mots par minute en production de discours spontaneacute (tacircche 1) contre 161 pour les sujets controcircles 45 mots par minute en reacutecit
148 En production de phrases isoleacutees (tacircche 4) cette variable nrsquoa pas eacuteteacute calculeacutee crsquoest pourquoi elle nrsquoapparaicirct pas dans les graphes En effet nous nrsquoavons pas jugeacute pertinent de mesurer la dureacutee de parole effective correspondant agrave des productions de phrases isoleacutees drsquoautant que cette mesure nous a sembleacute en pratique impossible agrave effectuer
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
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de contes (tacircche 2) contre 154 chez les sujets controcircles et pas plus de 40 mots par minute en reacutecit drsquohistoires ineacutedites (tacircche 3) contre 161 chez le groupe controcircle (voir Figure 6 ci-dessus agrave gauche)
De la mecircme maniegravere lorsque le deacutebit est calculeacute sur la base du nombre de mots extraits (voir Figure 6 p 235 agrave droite) on observe la mecircme baisse graduelle selon la tacircche chez les agrammatiques en particulier En effet le Deacutebit Mots ext deacutecline progressivement de 33 agrave 27 puis 24 mots extraits par minute
Agrave lrsquoeacutevidence ces donneacutees confirment bien relativement aux sujets controcircles lrsquoexistence drsquoune baisse geacuteneacuterale de la fluence verbale si caracteacuteristique de lrsquoaphasie de Broca en toute situation Cette variabiliteacute inter-groupes nrsquoest pas eacutetonnante elle traduit le caractegravere non fluent de lrsquoexpression
Or crsquoest la variabiliteacute inter-tacircches qui nous interpelle ici En effet lrsquoaisance varie selon le type de tacircche de production en jeu Ainsi la baisse graduelle du deacutebit verbal moyen de la tacircche 1 agrave 3 est tregraves manifeste pour le groupe agrammatique
Cette variabiliteacute inter-tacircches laisse penser que plus la tacircche est contraignante en termes de stimuli et de consignes et par conseacutequent de preacutecision grammaticale viseacutee par lrsquoagrammatique et plus le deacutebit verbal ralentit
Et inversement lrsquoaisance verbale augmente agrave mesure que la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute et donc agrave mesure que la cible linguistique se deacutetache drsquoune cible imposeacutee par un stimulus donneacute
Pour les locuteurs controcircles dont le deacutebit moyen est drsquoenviron 150 mots par minutes une diffeacuterence de deacutebit verbal qui est de lrsquoordre drsquoune dizaine de mots par minutes peut paraicirctre assez neacutegligeable Mais pour les aphasiques de Broca dont le deacutebit verbal se situe dans un intervalle de 40 agrave 53 mots par minutes cette diffeacuterence est agrave relativiser en ce sens qursquoelle est tregraves significative drsquoune ameacutelioration de lrsquoaisance agrave la mise en mots149
149 En admettant qursquoune telle diffeacuterence puisse ecirctre remarqueacutee par un aphasique de Broca drsquoun point de vue longitudinal par exemple entre les deacutebuts de son aphasie et quelques mois ou quelques anneacutees plus tard elle ne manquerait pas drsquoecirctre ressentie comme un progregraves tregraves significatif
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
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(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
La variabiliteacute inter-tacircches concernant le Deacutebit Mots prod deacutecrite ci-dessus est confirmeacutee par les donneacutees individuelles (voir Figure 7 ci-dessous) En effet dans tous les cas drsquoagrammatisme le ralentissement du deacutebit verbal lieacute au degreacute de contrainte associeacute agrave la tacircche est observeacute (surtout en comparant les tacircches les plus opposeacutees crsquoest-agrave-dire les tacircches 1 et 3)
Deacutebit Mots prod - tacircches 1 2 et 36 agr
3832
55
47
6975
32
23
41
34
69 71
23 23
3934
6257
0
10
20
30
40
50
60
70
80
1 PC
_agr
2 BR
_agr
3 MC
_agr
4 SB
_agr
5 PB
_agr
6 TH_agr
Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3
Figure 7 Deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute pour les tacircches 1 2 et 3
donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques
Si lrsquoon base le calcul du deacutebit verbal sur le nombre de mots extraits la mecircme tendance au niveau individuel apparaicirct (voir les donneacutees individuelles agrammatiques concernant la variable Deacutebit Mots ext en Annexe H-616) Quoique plus teacutenue nous trouvons mecircme que la variation inter-tacircches est tout de mecircme assez nette et reacuteguliegravere
Pour conclure on peut donc deacutejagrave observer que plus la tacircche de production est contraignante et plus le deacutebit verbal ralentit ce qui veut dire que la fluence verbale est influenceacutee par des facteurs externes
Ainsi lrsquoagrammatique est drsquoautant moins fluent que les conditions expeacuterimentales du fait de la preacutesence drsquoun support imageacute sur lequel doit reposer le reacutecit par exemple induisent plus de preacutecision linguistique lors de la verbalisation
Et agrave lrsquoinverse lrsquoeacutelocution est plus fluide et rapide lorsque le degreacute de liberteacute associeacute agrave la situation de production est maximum comme en production de discours autobiographique spontaneacute
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
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6123 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots ext)
La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute150 a eacuteteacute calculeacutee sur la base de lrsquoensemble des mots produits au total drsquoune part (Long Moy E Seg(Mots prod) ) et sur la base des mots extraits drsquoautre part (Long Moy E Seg(Mots ext) )
(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
Globalement dans les tacircches 1 2 et 3 (en production de discours continu) les eacutenonceacutes agrammatiques sont plus courts avec une moyenne de 6 agrave 8151 mots par eacutenonceacute contre une moyenne de 11 mots par eacutenonceacute controcircle (Figure 8 ci-dessus agrave gauche)152
Par ailleurs la mecircme variable calculeacutee sur la base des mots extraits (et ce pour la tacircche de production de phrases isoleacutees incluse) indique la mecircme variabiliteacute inter-groupes (Figure 8 ci-dessous agrave droite)
Long Moy E Seg(Mots prod) moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
11 11 11
6
8 8
0
5
10
15
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Long Moy E Seg(Mots ext) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4 moyennes groupes contr vs agr
9 910
7
45 5
6
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4
MOY_contr
MOY_agr
Figure 8 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots produits (Long Moy
E Seg(Mots prod) agrave gauche) et en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes
150 La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute permet drsquoores et deacutejagrave drsquoaborder la dimension syntaxique Cette variable pourrait ainsi relever de la cateacutegorie SYNTAX Cependant nous avons quand mecircme conserveacute cette variable dans la cateacutegorie CORPUS car elle se calcule sur la base de lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes composant les corpus (crsquoest-agrave-dire tous les eacutenonceacutes produits qursquoils soient de forme canonique ou non) 151 Les valeurs moyenneacutees ont eacuteteacute arrondies aux nombres entiers les plus proches 152 Rappelons que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en mots produits nrsquoa pas eacuteteacute calculeacutee pour la tacircche 4 car nous nrsquoavons pas comptabiliseacute le nombre de mots produits pour cette tacircche mais seulement les mots extraits participant agrave lrsquointeacutegration syntaxique des phrases isoleacutees
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
239
Inteacuteressons-nous en particulier au graphe de droite crsquoest-agrave-dire agrave la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute calculeacutee en mots extraits153 Nous observons que en production de phrases isoleacutees (tacircche la plus contraignante avec des structures cibles preacutecises attendues) il apparaicirct que le groupe controcircle produit 7 mots (extraits) en moyenne par phrase isoleacutee Par contre en discours continu (tacircches 1 2 et 3) les eacutenonceacutes sont plus courts (9 agrave 10 mots extraits)
La baisse drastique du nombre de mots qursquoon observe pour la tacircche 4 compareacute aux autres tacircches est en quelque sorte un arteacutefact cette variabiliteacute inter-tacircches srsquoexplique simplement par la qualiteacute des structures cibles induites par les stimuli (crsquoest-agrave-dire des structures cibles agrave 1 2 ou 3 arguments qui neacutecessitent donc en moyenne 7 mots pour ecirctre construites) Ces donneacutees controcircles constituent un reacutefeacuterentiel linguistique refleacutetant la laquo normaliteacute raquo (comme toutes les autres donneacutees controcircles) Les corpus controcircles correspondant agrave la tacircche 4 refleacutetant la laquo normaliteacute raquo sont consultables en Annexe I-646-648 I-658-660 et I-671-673
Agrave titre illustratif voici deux exemples de phrases produites par un sujet controcircle
8 GG_contr4 le pegravere se deacutebouche une bouteille de vin blanc Annexe I-646
26 GG_contr4 la maman embrasse le pegravere Annexe I-646
Voici les phrases correspondant aux structures cibles preacuteciteacutees produites par un sujet agrammatique
8 BR_agr4 un pe- euh lrsquohomme [RuvR] Deformphon(ouvregt[RuvR]gt[luvR])
BR_agr4 un homme [luvR] de bouteille DETsubst(lagtde) par anticipation conflit entre laquo la raquo et laquo de raquo E Ph
Annexe H-482
26 BR_agr4 une femme bisou un homme SNNN E Non-Can Juxtaposition SN
Annexe H-485
153 Comme la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute mesureacutee en mots extraits nrsquointegravegre ni les scories de lrsquooral ni les particules discursives (qui sont comptabiliseacutees pour le calcul en mots produits au total) cette variable renseigne plus preacuteciseacutement sur les reacuteelles capaciteacutes de structuration phrastique Drsquoautre part le nombre de mots extraits a eacuteteacute comptabiliseacute pour les 4 tacircches de production alors que le nombre de mots produits ne lrsquoa eacuteteacute que pour les tacircches 1 2 et 3
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
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Partant de lagrave les reacutesultats attacheacutes agrave la variable Long Moy E Seg(Mots ext) deacutecrits ci-dessus nous conduisent agrave poser trois observations
pour les tacircches 1 2 et 3 crsquoest-agrave-dire en production de discours continu les eacutenonceacutes produits par les sujets agrammatiques sont en geacuteneacuteral deux fois plus courts que les eacutenonceacutes produits par les sujets controcircles (en moyenne 4 agrave 5 mots contre 9 agrave 10 mots par eacutenonceacute) Cette variabiliteacute inter-groupes signifient que les agrammatiques reacuteduisent quantitativement le format de lrsquoeacutenonceacute agrave produire ce qui revient agrave dire qursquoils convoquent un style elliptique
systeacutematiquement quelle que soit la tacircche de production
en production de discours spontaneacute les eacutenonceacutes agrammatiques comptent en moyenne 4 mots par eacutenonceacute (tacircche 1) pour srsquoallonger en situation de production de discours narratif (tacircches 2 et 3) avec une moyenne de 5 mots par eacutenonceacute
de surcroicirct pour la tacircche 4 les phrases que produisent les agrammatiques sont les plus longues de lrsquoordre de 6 mots en moyenne de la sorte le laquo seuil plafond raquo de 7 mots en moyenne fourni par le reacutefeacuterentiel linguistique laquo controcircle raquo est presque atteint Autrement dit les diffeacuterences inter-groupes srsquoestompent agrave mesure que la preacutecision grammaticale induite par la tacircche augmente
En reacutesumeacute la variabiliteacute inter-tacircches speacutecifique au groupe agrammatique est donc aveacutereacutee plus la tacircche est contraignante en termes de preacutecision grammaticale induite par les conditions expeacuterimentales et plus le nombre moyen de mots participant agrave la structuration syntaxique de la phrase augmentehellip Ce reacutesultat est pour le moins deacuteconcertant le style elliptique serait donc moins convoqueacute dans des conditions expeacuterimentales tregraves contraintes
En fonction du type de discours cible en jeu le style elliptique est plus ou moins convoqueacute par le locuteur aphasique selon les facteurs situationnels et selon la preacutecision grammaticale viseacutee par le sujet Au regard de ces observations il semble que les agrammatiques parviendraient agrave rallonger ou agrave raccourcir les eacutenonceacutes laquo agrave la demande raquo (en accord avec une observation de KOLK voir p 72)
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
241
(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
Lrsquoemploi variable du style elliptique en fonction de la situation semble correspondre agrave une proceacutedure drsquoadaptation qui transparaicirct assez nettement dans chaque cas pris individuellement (voir Figure 9 ci-dessous)
Long Moy E Seg(Mots ext) - tacircches 1 2 3 et 46 agr
2 3
4
3
5
6
33
5
4
67
33
5 5
7 7
3
5
6 6 6
8
0
10
20
1 PC
_agr
2 BR
_agr
3 MC
_agr
4 SB
_agr
5 PB
_agr
6 TH_agr
Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4
Figure 9 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots extraits pour les tacircches
1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques
En effet ces donneacutees individuelles reflegravetent la variabiliteacute inter-sujets notable deacutecrite drsquoapregraves les graphes de donneacutees moyenneacutees par groupe (voir au point (a) p 238) traduisant diffeacuterents degreacutes de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit qui nous semblent eux-mecircmes associeacutes agrave diffeacuterents degreacutes de recours au style elliptique
En effet les performances de chacun des cas preacutesenteacutes actualisent ces degreacutes du premier locuteur (1 PC_agr agrave gauche du graphe) au dernier locuteur (6 TH_agr agrave droite du graphe) les eacutenonceacutes srsquoallongent graduellement154
154 Ce patron de variabiliteacute inter-sujets traduisant les diffeacuterences individuelles quant agrave la graviteacute du trouble aphasique se constate pour drsquoautres variables linguistiques Dans tous les graphes de donneacutees individuelles lrsquoordre de preacutesentation des cas traduit ce caractegravere graduel de scores obtenus des laquo plus faibles raquo aux laquo meilleurs raquo de 1 PC_agr lrsquoaphasique qui preacutesentait selon nous le niveau le plus important de perturbation et le plus faible de reacutecupeacuteration agrave 6 TH_agr pour qui le niveau de perturbation eacutetait le moins important et avec le niveau de reacutecupeacuteration le plus avanceacute Srsquoagissant du groupe controcircle il nrsquoy a pas lieu drsquoorganiser la preacutesentation des diffeacuterents locuteurs selon de tels critegraveres mais lrsquoordre de preacutesentation demeure le mecircme drsquoun graphe agrave lrsquoautre
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
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En reacutesumeacute trois sous-groupes de locuteurs aphasiques eacutemergent les deux premiers locuteurs 1 PC_agr et 2 BR_agr preacutesentent un style beaucoup plus elliptique que le deuxiegraveme sous-groupe de locuteurs 3 MC_agr et 4 SB_agr eux-mecircmes preacutesentant des scores infeacuterieurs au troisiegraveme sous-groupe de locuteurs 5 PB_agr et 6 TH_agr
Pour nous cela signifie qursquoil y a une correacutelation positive entre la graviteacute des conseacutequences du dysfonctionnement sous-jacent qui entrave la formulation phrastique qui est agrave compenser par le recours agrave des proceacutedures de reacuteduction quantitative (syntaxe elliptique) De surcroicirct un effet de la tacircche est notable surtout si lrsquoon compare les tacircches 1 (la plus spontaneacutee) et 4 (la plus contrainte) entre elles
De ce fait les donneacutees individuelles srsquointerpregravetent selon deux perspectives
selon la perspective dysfonctionnement les diffeacuterences individuelles reflegravetent des degreacutes divers de deacuteficit sous-jacent
selon la perspective strateacutegies les diffeacuterences individuelles reflegravetent le recours agrave des degreacutes divers agrave une strateacutegie de reacuteduction quantitative lieacute aux paramegravetres de la situation
Ce faisant on peut affirmer que les symptocircmes de dysfonctionnement et drsquoadaptation sont les deux versants indissociables du comportement langagier agrammatique
613 Le style elliptique intra-phrastique et lrsquoexpansion macro-discursive
Les analyse quantitatives meneacutees jusqursquoici nous invitent agrave entrevoir un lien entre les pheacutenomegravenes suivants
(1) le deacutebit verbal varie en fonction de la preacutecision grammaticale viseacutee plus la production est contrainte et plus le deacutebit se ralentit et inversement plus la production est spontaneacutee et plus lrsquoaisance srsquoameacuteliore
(2) les agrammatiques reacuteduisent le message agrave produire du point de vue de la structuration interne phrastique et ce dans tous les types de productions
(3) par ailleurs la quantiteacute drsquoeacutenonceacutes produits ( E Seg) semble srsquoaccroicirctre notablement en production tregraves libre (tacircche 1 agrave quantiteacute drsquoobservables agrave peu de chose pregraves comparable entre les groupes controcircles et agrammatiques) et bien se maintenir notamment en ce qui concerne les tacircches 2 et 3
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables CORPUS
243
Sur un mecircme graphe (voir Figure 10 ci-dessous) sont repreacutesenteacutes le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) ainsi que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute (Long Moy E Seg(Mots ext) ) Ce graphe fusionne les reacutesultats quantitatifs obtenus et deacutejagrave commenteacutes pour chacune des variables CORPUS E Seg (les barres coloreacutees en vert) et Long Moy E Seg(Mots ext) (les points relieacutes par une courbe)
Les donneacutees controcircles sont repreacutesenteacutees par le graphe de gauche et les donneacutees agrammatiques par le graphe de droite
E Seg et Long Moy E Seg(Mots ext) moyenstacircches 1 2 3 et 4
moyennes groupe contr
45 72 78 60
7
109 9
0
50
100
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4
E Seg et Long Moy E Seg(Mots ext) moyenstacircches 1 2 3 et 4
moyennes groupe agr
109 59 79 52
6
55
4
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4
0
5
10
15
Figure 10 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg barres) et longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) points) pour les tacircches 1 2 3 et 4
moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite)
Ainsi si lrsquoon compare les corpus controcircles et agrammatiques du point de vue des variations inter-groupes attacheacutees aux deux variables E Seg (voir au point 6112 p 230) et Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238) il nous semble que lrsquoemploi drsquoun style elliptique intra-phrastique va de pair avec lrsquoexpansion macro-discursive ou du moins le maintien drsquoun nombre drsquouniteacutes discursives relativement eacuteleveacute
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS
244
Autrement dit la reacuteduction quantitative micro-discursive (ou intra-phrastique) est contrebalanceacutee par une tendance agrave lrsquoexpansion macro-discursive
Nous avons observeacute par ailleurs que les eacutenonceacutes srsquoallongent (en nombre de mots extraits) agrave mesure que la preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccentue (notamment en production de phrases isoleacutees dans la tacircche 4 la plus contraignante)
Cela suggegravere que la reacuteduction quantitative phrastique est nuanceacutee par lrsquoeffet de la tacircche en production libre elle est tregraves forte mais en production plus contrainte le style elliptique est moins caracteacuteristique
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables MORPH
245
62 Reacutesultats variables MORPH
621 Introduction
Nous traitons dans cette sous-partie de la structuration morpho-lexicale du discours Celle-ci a eacuteteacute caracteacuteriseacutee quantitativement gracircce aux variables cibleacutees sur des aspects lexicaux et morphologiques deacutecrites dans le protocole de preacute-traitement des donneacutees et drsquoanalyse quantitative que nous avons largement deacutetailleacutes dans les chapitres preacuteceacutedents155
Les variables quantitatives MORPH nous permettront drsquoeacutetudier les proceacutedures de structuration morpho-lexicale et flexionnelle verbale dans les perspectives inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches
Preacutecisons que les mesures relatives agrave lrsquoemploi de conjonctions et drsquoadverbes concernent exclusivement les trois tacircches de production de discours continu (reacutecit autobiographique reacutecit de contes et reacutecit drsquohistoires ineacutedites) Pour toutes les autres variables MORPH les reacutesultats quantitatifs concernent les quatre tacircches de production
Dans le protocole original QPA ni les conjonctions ni les adverbes ne font lrsquoobjet drsquoun traitement quantitatif particulier Pour cette eacutetude les mesures et calculs relatifs agrave ces derniers ont eacuteteacute eacutelaboreacutes par nos soins (soit les variables CONJMots prod156 CONJdisc CONJsynt ADVMots prod ADVdisc ADVmod et les calculs reacutealiseacutes speacutecifiquement sur les PARTICULES discursives) Drsquoautres variables MORPH telles que la proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO) et la proportion de preacutepositions par rapport au nombre total de mots extraits (Prop PREPMots ext) ont eacutegalement eacuteteacute ajouteacutees par rapport au protocole original
Pour le reste des variables MORPH (Prop MCF Indice DET Prop PRO Prop V(V+N) Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices) les cotations et calculs reacutealiseacutes srsquoinspirent directement des principes guides issus du protocole original QPA
622 Emploi des conjonctions CONJ CONJdisc et CONJsynt
Nous avons releveacute parmi tous les mots produits le nombre de conjonctions ( CONJ) qursquoelles soient CONJdisc (discursives) ou CONJsynt (syntaxiques) La variable Prop CONJMots prod commenteacutee ci-apregraves concernent ainsi lrsquoensemble des conjonctions produites sans distinction (6221 pp 246-248) Dans la partie suivante nous commenterons les variables Prop CONJdisc et Prop CONJsynt en tenant compte de cette distinction (6222 pp 249-250)
155 Voir les points 45 agrave 411 pp 144-175 concernant la transcription et le preacute-traitement des coprus et au point 52 pp 186-207 concernant la description des variables MORPH 156 Lorsque la variable quantitative citeacutee est agreacutementeacutee drsquoun asteacuterisque cela signifie qursquoelle a eacuteteacute soit modifieacutee par rapport au protocole original soit conccedilue et ajouteacutee par nos soins
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH
246
6221 Proportion de conjonctions Prop CONJMots prod
La variable Prop CONJMots prod (proportion de conjonctions) a eacuteteacute calculeacutee sur la base du nombre de mots produits au total (Figure 11 ci-dessous) Pour lrsquoobtenir nous avons comptabiliseacute toutes les conjonctions employeacutees qursquoelles soient discursives (telles que et dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous) ou syntaxique (telles que parce-que dans le mecircme eacutenonceacute)
18 PB_agr3-MJ01 et lrsquo-autre eh-ben il est bien parce-que les pommes il y en a toute euh la reacutecolte est dans la cocircteacute euh ext- euh (3)
Rechlex DETsubst(legtla) + cocircteacute ADJind(toute) PRO(lrsquo-autre)
Annexe H-557
(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
Prop CONJMots prod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
8
76
5
75 76
0
10
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Figure 11 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop
CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes
Par rapport au nombre total de mots produits les proportions drsquoemploi de conjonctions discursives et syntaxiques (Prop CONJMots prod) sont assez comparables entre les deux groupes Toutes tacircches confondues en moyenne ces proportions vont de 7 agrave 8 pour le groupe controcircle et de 5 agrave 76 pour le groupe agrammatique
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables MORPH
247
(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
Au sein du groupe controcircle les mesures individuelles (voir le graphe en Annexe I-693) montrent une certaine variabiliteacute inter-sujets mais qui demeure beaucoup moins marqueacutee que celle constateacutee au sein du groupe agrammatique (voir la Figure 12 ci-dessous)
Prop CONJMots prod - tacircches 1 2 et 36 agr
5
11
17
7 77
109
6
45 5
8
6 6
050 0
0
5
10
15
20
1 PC
_agr
2 BR
_agr
3 MC
_agr
4 SB
_agr
5 PB
_agr
6 TH_agr
Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3
Figure 12 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets
agrammatiques
Ainsi du point de vue individuel les proportions oscillent de 5 agrave 12 pour le groupe controcircle alors que pour le groupe agrammatique celles-ci varient de 0 agrave 17
En effet au sein du corpus 2 BR_agr1 (tacircche 1) seulement 2 conjonctions ont eacuteteacute releveacutees sur un total de plus de 404 mots produits (les conjonctions mais et et ce qui repreacutesente 05 des mots produits) Par ailleurs (tacircche 2 et 3) BR_agr nrsquoemploie aucune conjonction ni discursive ni syntaxique En teacutemoigne cet extrait de son reacutecit de Cendrillon
19 BR_agr2b oh [pœR] partir
laquo de peur alors elle part raquo ou laquo vu lrsquoheure elle part raquo [pœR] pour laquo peur raquo ou laquo lrsquoheure raquo (plutocirct laquo lrsquoheure avec une attaque en [p] par anticipation sur laquo partir raquo) DETom(lrsquo)+heure
20 BR_agr2b une euh (2) godasse partir laquo elle perd une godasse raquo 1 DET(un) ou 1 ADJnum(un) Par convention on cote 1 DET
21 BR_agr2b euh [ɑsijo] euh [d]heure euh (5) [pRele] presseacutee
DETom(lrsquo)
Deformphon(Cendrillongt [ɑsijo]) Deformphon(preacutesseacuteegt[pRele]) puis Autocor+++ laquo heure raquo prononceacute avec [d] en attaque
Annexe H-472
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH
248
En revanche au sein du corpus 4 SB_agr1 (tacircche 1) 90 conjonctions ont eacuteteacute releveacutees sur un total de 541 mots produits ce qui repreacutesente pregraves de 17 des mots produits Ce taux est bien supeacuterieur aux taux des locuteurs controcircles crsquoest-agrave-dire que SB_agr emploie beaucoup plus de conjonctions que les locuteurs controcircles relativement agrave lrsquoensemble du corpus (voir lrsquoextrait du conte de Cendrillon reproduit ci-ci-dessous) Dans tous les corpus de SB_agr et dans drsquoautres corpus drsquoailleurs (agrammatiques et controcircles) les conjontions et ou mais par exemple sont employeacutees systeacutematiquement
41 SB_agr2b euh l- le prince cher- chercher le pantoufle (25) dans le euh tout autour-de tout autour-de vi- ville par-exemple
Reform laquo le prince cherche agrave qui est cette pantoufle raquo DETsubst(lagtle) + pantoufle DETom(la) + ville
42 SB_agr2b et hum (4) [ə] la agrave la mais- non dans le maison deux jeunes f- trois jeunes filles enfin tr- trois
DETsubst(legtla) + maison laquo il y a 3 filles 2 filles essayent les pantoufles raquo DETom(les) + trois jeunes filles
43 SB_agr2b deux jeunes filles euh (4) chercher (3) hum agrave enfiler euh les (3) pantoufles
DETom(les)
44 SB_agr2b mais s- ccedila v- ne va pas ADVmod(ne-pas)
45 SB_agr2b et par c- par-contre le prince hum (8) v- voit non venir non (3) alors rec-
Ab laquo je recommence raquo
Annexe H-528
Drsquoapregraves cet extrait on peut deacutejagrave remarquer que les conjonctions employeacutees sont preacutefeacuterentiellement des particules de discours
Pour finir les corpus des quatre autres locuteurs agrammatiques reacutevegravelent des proportions de conjonctions tout agrave fait comparables agrave celles obtenues aupregraves des locuteurs du groupe controcircle
En reacutesumeacute si un agrammatique en particulier (BR_agr) semble manifester des difficulteacutes tregraves marqueacutees au niveau de lrsquoemploi des conjonctions celles-ci peuvent demeurer au contraire tregraves preacuteserveacutees chez drsquoautres agrammatiques avec des proportions eacutequivalentes voire supeacuterieures agrave celles des sujets controcircles En geacuteneacuteral elles sont toutes assez preacutesentes dans le discours agrammatique
Mais il semble que agrave premiegravere vue les agrammatiques laquo preacutefegraverent raquo lrsquoemploi des conjonctions discursives (ou particules de discours) aux conjonctions syntaxiques Cette hypothegravese est agrave confirmer agrave travers une eacutetude plus approfondie de leurs freacutequences drsquoemploi respectives (voir ci-apregraves au point 6222)
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables MORPH
249
6222 Proportions moyennes de conjonctions selon le type drsquoemploi Prop CONJdisc et Prop CONJsynt
Par ailleurs si lrsquoon srsquointeacuteresse drsquoune part aux freacutequences drsquoemploi de conjonctions particules de discours (Prop CONJdisc Figure 13 ci-dessous agrave gauche) et drsquoautre part aux freacutequences drsquoemploi des conjonctions syntaxiques (Prop CONJsynt Figure 13 ci-dessous agrave droite)157 les moyennes de groupes nous reacutevegravelent que parmi les conjonctions produites les conjonctions particules de discours sont tregraves bien preacuteserveacutees et mecircme geacuteneacuteralement plus freacutequemment employeacutees en production de discours continu (avec par exemple des proportions de 61 et 87 pour la tacircche 1 voir Figure 13 ci-dessous agrave gauche)
Prop CONJdiscCONJ moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
61
7066
87
6861
0
50
100
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Prop CONJsyntCONJ moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
39
3034
13 1522
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Figure 13 Proportion de conjonctions agrave valeur discursive (Prop CONJdisc agrave gauche) et de
conjonctions agrave valeur syntaxique (Prop CONJsynt agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes
Par contre srsquoagissant des conjonctions agrave valeur syntaxique (assurant les rocircles de coordonnant ou de subordonnant) il apparaicirct qursquoelles sont moins preacutesentes chez les agrammatiques avec des proportions de 13 16 et 22 (voir Figure 13 ci-dessus agrave droite) relativement au groupe controcircle pour lequel les proportions vont de 30 agrave 39 (voir Figure 13 ci-dessus agrave droite)
Les donneacutees individuelles agrammatiques malgreacute la forte variabiliteacute inter-individus confirment les tendances deacutecrites en moyennes de groupes (voir les graphes de donneacutees individuelles agrammatiques Prop CONJdisc et Prop CONJsynt en Annexe H-620)
Toutefois les conjonctions syntaxiques sont quand mecircme preacutesentes et mecircme dans certains corpus assez freacutequentes En effet parmi les conjonctions syntaxiques utiliseacutees celles qui ont le rocircle de coordonnant sont tregraves freacutequentes notamment chez SB_agr (et ou ni) On 157 Rappelons que ces proportions sont calculeacutees sur la base du nombre total de conjonctions releveacutees dans les corpus et non sur la base des mots produits Leur somme est donc eacutegale agrave 100
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH
250
remarque eacutegalement que lorsqursquoune conjonction de subordination est employeacutee la proposition deacutependante semble structureacutee de faccedilon eacuteleacutementaire lorsqursquoil parvient agrave la formuler
51 SB_agr1 voilagrave par-contre euh bien-sucircr euh euh hum euh (8) euh boulot euh de euh orthophonistes euh tregraves important parce-que (5)
DETom(les) + orthophonistes amalgame(de+les) non reacutealiseacute Ab SUB
Annexe H-521
69 SB_agr1 kineacute parce-que le doigt et [Rikys] Deformphon(rictusgt[Rikys]) 2 CONJsynt(parce queet) 2 DETom(lale) + kineacuterictus
Annexe H-522
Drsquoautre part on a remarqueacute que les corpus de 3 MC_agr 4 SB_agr et 6 TH_agr contiennent de freacutequentes conjonctions syntaxiques notamment quand parce que pour que utiliseacutes en guise de subordonnants syntaxiques Cela traduit le fait que selon nous les capaciteacutes de structuration syntaxique sont moins affecteacutees par le dysfonctionnement sous-jacent (compareacute aux autres agrammatiques 1 PC_agr 2 BR_agr et 5 PB_agr)
Ainsi la variabiliteacute inter-individus est encore illustreacutee ici agrave travers les dispariteacutes de freacutequences et de types drsquoemplois de conjonctions syntaxiques
En reacutesumeacute si la cateacutegorie des conjonctions est en geacuteneacuterale preacuteserveacutee chez les agrammatiques agrave lrsquoexception du cas BR_agr chez qui on nrsquoa releveacute que 2 occurrences crsquoest plutocirct les conjonctions particules de discours qui semblent ecirctre mieux preacuteserveacutees au deacutetriment des conjonctions syntaxiques
Cela nous amegravene aux deux conclusions suivantes
(1) Pour une mecircme cateacutegorie de morphegravemes en lrsquooccurrence les conjonctions la fonction de connecteur entre uniteacutes de discours semble mieux preacuteserveacutee que celle de coordonnant ou subordonnant syntaxique Ainsi si le dysfonctionnement sous-jacent entrave la formulation phrastique eacutetape situeacutee en amont de la reacutecupeacuteration des uniteacutes lexicales du lexique mental pour leur inteacutegration il nrsquoest pas eacutetonnant que ce type de morphegraveme dans cette fonction syntaxique particuliegravere soit sous-utiliseacute En outre cette sous-utilisation peut aussi bien srsquoexpliquer du point de vue de lrsquohypothegravese drsquoadaptation par une strateacutegie elliptique attacheacutee agrave certains morphegravemes grammaticaux qui revient au final agrave eacuteviter une structure syntaxique trop couteuse agrave encoder (au niveau phrastique ou micro-discursif)
(2) Lrsquoagrammatique semble srsquoappuyer preacutefeacuterentiellement sur les conjonctions agrave valeur discursive qui permettent au niveau macro-discursif de compenser le manque drsquoeacutelaboration syntaxique interne aux eacutenonceacutes Cela nous semble coheacuterent avec le fait que le nombre drsquouniteacutes discursives ( E Seg) se maintient voire srsquoaccroicirct pour contrebalancer la reacuteduction quantitative intra-phrastique (voir au point 613 p 242)
PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives
Variables MORPH
251
623 Emploi des adverbes ADV ADVdisc et ADVmod
Comme pour les conjonctions nous avons releveacute le nombre drsquooccurrences drsquoadverbes parmi tous les mots produits ( ADV) qursquoils soient employeacutes en guise de particules de discours ( ADVdisc) ou en guise drsquoadverbes modifieurs ( ADVmod modifieurs)
La variable Prop ADVMots prod commenteacutee ici concerne ainsi lrsquoensemble des adverbes produits sans distinction
Ensuite dans une partie seacutepareacutee nous commenterons les variables Prop ADVdisc et Prop ADVmod en tenant compte de cette distinction
6231 Proportion drsquoadverbes Prop ADVMots prod
(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
Pour les tacircches 1 2 et 3 on a releveacute 17 7 et 5 drsquoadverbes agrave valeur discursive et modifieurs parmi tous les mots produits par les sujets agrammatiques contre respectivement 11 8 et 76 pour les sujets controcircles (Prop ADVMots prod Figure 14 ci-dessous)
Prop ADVMots prod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr
11
8
17
7
5
76
0
10
20
30
Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3
MOY_contr
MOY_agr
Figure 14 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots
prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes