Halima Sahraoui - TEL

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HAL Id: tel-00488175 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00488175v1 Submitted on 3 Jun 2010 (v1), last revised 17 Jun 2011 (v2) HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Contribution à l’étude des stratégies compensatoires dans l’agrammatisme. Approche neuropsycholinguistique de la performance de six locuteurs agrammatiques en production orale : caractérisation quantitative et fonctionnelle des variabilités Halima Sahraoui To cite this version: Halima Sahraoui. Contribution à l’étude des stratégies compensatoires dans l’agrammatisme. Ap- proche neuropsycholinguistique de la performance de six locuteurs agrammatiques en production orale : caractérisation quantitative et fonctionnelle des variabilités. Sciences de l’Homme et Société. Univer- sité Toulouse le Mirail - Toulouse II, 2009. Français. tel-00488175v1

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Contribution agrave lrsquoeacutetude des strateacutegies compensatoiresdans lrsquoagrammatisme Approche

neuropsycholinguistique de la performance de sixlocuteurs agrammatiques en production orale caracteacuterisation quantitative et fonctionnelle des

variabiliteacutesHalima Sahraoui

To cite this versionHalima Sahraoui Contribution agrave lrsquoeacutetude des strateacutegies compensatoires dans lrsquoagrammatisme Ap-proche neuropsycholinguistique de la performance de six locuteurs agrammatiques en production orale caracteacuterisation quantitative et fonctionnelle des variabiliteacutes Sciences de lrsquoHomme et Socieacuteteacute Univer-siteacute Toulouse le Mirail - Toulouse II 2009 Franccedilais tel-00488175v1

TTHHEgraveEgraveSSEE

En vue de lobtention du

DDOOCCTTOORRAATT DDEE LLrsquorsquoUUNNIIVVEERRSSIITTEacuteEacute DDEE TTOOUULLOOUUSSEE

Deacutelivreacute par lrsquo Universiteacute de Toulouse II-Le Mirail Discipline ou speacutecialiteacute Sciences du Langage

JURY

Lorraine BAQUEacute PU Universiteacute Autonome de Barcelone (Rapporteur) Jacques FRANCcedilOIS PU Universiteacute de Caen - Basse Normandie (Rapporteur) Barbara KOumlPKE MCF Universiteacute de Toulouse-Le Mirail Jean-Luc NESPOULOUS PU Universiteacute de Toulouse-Le Mirail

Ecole doctorale CLESCO Ndeg 326 Uniteacute de recherche URI OCTOGONE EA 4156 - LABORATOIRE JACQUES LORDAT

Directeur de Thegravese Jean-Luc NESPOULOUS

Volume 1 2

Preacutesenteacutee et soutenue par Halima SAHRAOUI

Le 05 Deacutecembre 2009

Contribution agrave lrsquoeacutetude des strateacutegies compensatoires dans lrsquoagrammatisme

Approche neuropsycholinguistique de la performance de six locuteurs agrammatiques en production orale caracteacuterisation quantitative et fonctionnelle des variabiliteacutes

Merci

aux membres du jury qui ont accepteacute drsquoeacutevaluer ce travail

agrave Jean-Luc Nespoulous qui mrsquoa guideacutee et qui mrsquoa tant encourageacutee en toutes circonstances agrave poursuivre et achever cette thegravese sur un sujet qui lui est cher

agrave toutes les personnes qui ont si geacuteneacutereusement donneacute leur parole SB MC PC BR PB TH LA agrave Catherine Anne Edith Guy Laurent Geacuterard Franck Guillaume Loiumlc Marie-Heacutelegravene Marie-Noeumllle Mado Fanny Valeacuterie Marie Christelle Nathalie Sarah Laurent M

aux orthophonistes qui se sont inteacuteresseacutes agrave ce travail et qui mrsquoont aideacutee agrave rencontrer des sujets Christel Canac-Richard Olivier Heacuteral Sylvie Hirtz Brigitte Bonici Heacutelegravene Le-Roux Mme Pointreau Franck Meacutedina Nathalie Gallifet

aux associations GATT (Groupe des Aphasiques Tchatcheurs du Toulousain en particulier agrave Anne et Yves Ramier-Debenais) GAA (Groupe des Aphasiques de lrsquoAgenais en particulier agrave Geneviegraveve et Michel Chartier) et agrave la FNAF (Feacutedeacuteration Nationale des Aphasiques de France en particulier agrave Jean-Dominique Journet son preacutesident)

agrave la Fondation de France qui mrsquoa octroyeacute la bourse Deacuteclic (en particulier agrave Mme Baudoin-Chial membre du jury 2005)

au soutien logistique du Laboratoire J Lordat et de lrsquoUniversiteacute de Toulouse II-Le Mirail

agrave tous les membres du Laboratoire Jacques Lordat que jrsquoai connus pendant mes premiegraveres anneacutees de thegravese Barbara Koumlpke Estelle Cabrillac Christel Canac-Richard Corinne Dominguez Julie Ranccedilon Karine Rigaldie Pascal Gaillard Michel Billiegraveres Nathalie Spanghero-Gaillard Nathalie Panissal Muriel Barbazan Christiane Soum Marion Fossard Elsa Chopinet-Mayeux (bravo lrsquoortho ) Karine Duvignau Seacutebastien Tarachi Marie-Ange Dat

un merci speacutecial agrave mon ange gardien Vanda Marijanovic qui srsquoest occupeacutee de mes corveacutees administratives avec tant de gentillesse et agrave Evelyne Vilon pour sa disponibiliteacute et merci aussi agrave M Bonnemaison du service de lrsquoimprimerie de lrsquoUTM pour son efficaciteacute et sa gentillesse

merci eacutegalement aux membres du deacutepartement de sciences du langage de lrsquoUniversiteacute drsquoOrleacuteans ougrave jrsquoai eu le plaisir drsquoatterrir pour enseigner pendant deux ans en particulier agrave Meacutelanie Petit (enfin jrsquoai fini ) J-L Rougeacute Olivier Baude Gabriel Bergounioux Lotfi Abouda Emmanuel Schang J-P Thibaudeau Ceacuteline Dugua Iris Eskhol Michegravele Plisson Catherine Brumelot Marjolaine Vallin Linda Hriba Antonia Cristinoi Franccedilois Neacutemo Layaal Kanaan Rita Abdel-Nour

salut aux amis de Nancy Toulouse Rennes Seacuteoul ou ailleurs Sarah Malya et Laurent (et petite Noa) lrsquoLN Marquette la Clo et Manu Clairette et Nico (et petite Jeanne) Muriel la toulourennaise Marie-ange et Benoicirct (et petit Raphaeumll) Nath et Seacuteb (et petite Leiumlla et petite) Christophe et Janna (et petit Kostia) Vanda et Thomas Catherine Charcosset pour ses beaux yeux Corinne et Jeacuterocircme (et petits Arthur et Nicolas) Soraya et Max (et petite Kiyane) Megha et Mauro (et petit Levon) Sylvia la Sarde Kyun-Sun Mado et Loiumlc (et petit Yaume) la peacutetillante Elsa les Alexs (et petite Ernestine) Nico et Aureacutelie Alex Duv Seb Fabre Pape et Diara Nasseacutera Philippe Papis Ceacuteline et Paul (et petite Zeacutelie) Laurent et Claire et bien sucircr Christophe dit Top Christelle et Yannick Elodie et Aliocha (et Sonia et Simon) Marion et Ceacutedric (et Achille et Prune) Fanny et Jeacuterocircme (et Pauline)

jrsquoen profite aussi pour dire toute lrsquoaffection que je porte envers Edith Guy Lucie et petites Edith et Adegravele avec une penseacutee pour Christian et envers ma famille drsquoici et drsquoAlgeacuterie Bekhta qui mrsquoa tant soutenue dans les moments difficiles et Fatima (merci pour le cafeacute ) Rochdie petite Anaeumllle-Jade et Mickaeumll mes parents et tous mes fregraveres et soeurs et leurs enfants Daoud Hassan Saliha Souleymane Yahia Myriama Kheira Mohamed Chaiumlma Mounia Houria

et pour dire tout lrsquoamour que je porte envers ma petite perle Agathe et son papa adoreacute

5

laquo petits mots beaucoup difficiles raquo

(2 BR_agr2)

laquo crsquoest eacutevident mais parler raquo

(3 MC_agr3)

laquo la parole dans la tecircte mais le deacuteroulement la parole est intacte raquo

(5 PB_agr1)

6

Sommaire

7

Sommaire

Volume 1 Introduction 9

Partie I Repegraveres Theacuteoriques 13

1 Contexte et objectif 15 10 Les aphasies 15 11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude 18 12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique 25 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses 26 20 Remarques liminaires 26 21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes 26 22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme 31 23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques

agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation 33 24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives 58 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique 78 30 Modegraveles de production introduction 78 31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation

des processus psycholinguistiques 90 32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle 92 33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les

versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo 97 34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle 100 35 Conclusion 113

Partie II Meacutethodologie 115 4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des

corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)117 40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale 117 41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale 124 42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain 134 43 Recueil des corpus passations 137 44 Caracteacuteristiques des participants 139 45 Construction des observables 144 46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription 147 47 Segmentation des corpus de discours continu 154 48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu 161 49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives 163 410 Corpus collecteacutes et mis en forme 171 411 Conclusion 175

Sommaire

8

5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative177 50 Introduction 177 51 Les variables CORPUS 181 52 Les variables MORPH186 53 Les variables SYNTAX208 54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)216 55 Conclusion219

Partie III Reacutesultats 221 6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX223 60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats 223 61 Reacutesultats variables CORPUS225 62 Reacutesultats variables MORPH245 63 Reacutesultats variables SYNTAX292 7 Synthegravese et discussion 313 70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees 313 71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances 318 72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires323 73 Discussion et perspectives 325

Conclusion geacuteneacuterale 335 Bibliographie 337 Index des scheacutemas tableaux et illustrations 353 Index des figures 355 Liste des abreacuteviations 357 Sommaire deacutetailleacute 361

Volume 2

ANNEXES A B C D E F G H I373

Introduction

9

Introduction

Lrsquoaphasie est la conseacutequence drsquoun deacuteficit affectant les capaciteacutes drsquoencodage etou de deacutecodage drsquoun message verbal Selon le tableau clinique les aspects perturbeacutes du langage varient Cette eacutetude porte plus speacutecifiquement sur lrsquoaphasie agrammatique en production orale Suite agrave une leacutesion heacutemispheacuterique gauche geacuteneacuteralement localiseacutee dans lrsquoAire de Broca encore que de maniegravere non systeacutematique le tableau clinique initial de lrsquoaphasique (souvent proche du mutisme) peut eacutevoluer vers un trouble de lexpression que les neurologues ont appeleacute laquo agrammatisme raquo

Lrsquoagrammatisme inteacuteresse tant les neurologues qui cherchent agrave deacutecrire lrsquoarchitecture anatomo-fonctionnelle sous-jacente agrave lrsquoactiviteacute langagiegravere les psycholinguistiques qui srsquointeacuteressent au fonctionnement cognitif sous-jacent agrave une tacircche verbale donneacutee et les linguistes pour qui lrsquoobjectif est de mieux comprendre les proprieacuteteacutes structurales drsquoune langue et ses instanciations dans certaines situations

Lrsquoeacutetude des pheacutenomegravenes agrammatiques peut ainsi amener agrave circonscrire le ou les territoires ceacutereacutebraux impliqueacutes pour la production du langage oral (par la mise en eacutevidence de dissociations et doubles-dissociations) construire des modegraveles de la performance psycholinguistique par lrsquoimpleacutementation des processus cognitifs impliqueacutes lors de la formulation drsquoun message (par des protocoles expeacuterimentaux manipulant les variables linguistiques) et appreacutehender les proprieacuteteacutes structurales et fonctionnelles drsquoun systegraveme linguistique en vue de modeacuteliser lrsquoorganisation drsquoune langue particuliegravere et du langage en geacuteneacuteral (agrave travers la description de ses manifestations en particulier les composantes morpho-lexicales et syntaxiques)

PROBLEacuteMATIQUE

Notre probleacutematique est focaliseacutee sur lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives

Le comportement verbal agrammatique est envisageacute comme eacutetant le reacutesultat drsquoun dysfonctionnement sous-jacent affectant en particulier lrsquoencodage des morphegravemes grammaticaux Cependant une large part des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme peuvent eacutegalement srsquoenvisager comme eacutetant le reacutesultat de strateacutegies deacuteployeacutees par le patient Ce faisant la preacutesente eacutetude a pour but ultime de mieux caracteacuteriser lrsquoagrammatisme sur le versant des adaptations agrave travers lrsquoexamen de ses manifestations de surfaces complexes et aux multiples facettes

Introduction

10

Nous partons du postulat suivant le patient deacuteficitaire agrammatique est aussi un locuteur strateacutegique

Agrave travers lrsquoagrammatisme lrsquoobjectif est drsquoillustrer un aspect de la dynamique adaptative du fonctionnement langagier sa flexibiliteacute en situation de difficulteacute Selon nous ce principe fondamental se trouve mis en relief dans le cas des conduites adaptatives eacutemergeant de lrsquoaphasie agrammatique Ce meacutecanisme drsquoadaptabiliteacute et de flexibiliteacute si fondamental au langage et agrave la cognition humaine serait fonctionnellement deacutetermineacute Autrement dit au cocircteacute drsquoautres facteurs drsquoordre individuel et structural-linguistique les facteurs externes constituent des facteurs de variabiliteacutes de lrsquooutput Ainsi lrsquoeacutetude des strateacutegies pose la question centrale des variabiliteacutes de niveau quantitatif et qualitatif et dans la perspective inter-tacircches que lrsquoon peut observer de fait ou mecircme sciemment mettre en eacutevidence pour soutenir lrsquohypothegravese des conduites adaptatives De plus la mise en place et lrsquoutilisation de strateacutegies en situation de verbalisation tiennent lieu de traces tangibles de la flexibiliteacute linguistique et psycho-cognitive sous-jacente aux comportements langagiers

Pour deacutemontrer lrsquoexistence des strateacutegies et de la flexibiliteacute psycho-cognitive et linguistique sous-jacente il srsquoagit donc de fournir une interpreacutetation fonctionnelle des variabiliteacutes inter-tacircches eacutemergeant de la manipulation des conditions externes

ORGANISATION DU TRAVAIL

La partie theacuteorique (Partie I) aborde lrsquoagrammatisme en posant des repegraveres indispensables agrave une meilleure compreacutehension des enjeux theacuteoriques poseacutes par ce trouble Apregraves avoir deacutelimiteacute notre objet drsquoeacutetude et preacuteciseacute notre question de recherche et ses motivations (partie I chapitre 1) on proposera une revue de litteacuterature cibleacutee partant des descriptions des perturbations et drsquointerpreacutetation du deacuteficit sous-jacent pour aboutir agrave la question centrale des variabiliteacutes et agrave la theacuteorie drsquoadaptation (partie I chapitre 2)

Ensuite un retour sur les modegraveles psycholinguistiques de la performance pris comme reacutefeacuterences dans certains travaux pour expliquer le trouble (partie I chapitre 3) nous conduira agrave envisager les limites des approches fondeacutees sur une caracteacuterisation essentiellement structurale-linguistique ce qui nous permettra de deacutegager lrsquointeacuterecirct de lrsquoapproche proceacutedurale du point de vue de lrsquointerpreacutetation des variabiliteacutes Pour finir cette partie theacuteorique on argumentera en faveur drsquoune approche de lrsquoagrammatisme conditionneacutee par un positionnement interdisciplinaire laquo neuro-psycho-linguistique raquo raisonneacute guideacute par les principes du fonctionnalisme cognitif

La deuxiegraveme grande partie (Partie II) nous engagera agrave reacutefleacutechir sur la mise en place drsquoun cadre meacutethodologique adeacutequat agrave la caracteacuterisation fonctionnelle du comportement verbal agrammatique en vue de deacutegager des lois de performances notables lieacutees aux caracteacuteristiques de la tacircche de production orale en jeu Plus preacuteciseacutement il srsquoagira de preacutesenter le protocole deacutetailleacute de collecte de donneacutees crsquoest-agrave-dire les caracteacuteristiques des quatre tacircches de production verbale des neuf locuteurs controcircles et des six locuteurs agrammatiques retenus

Introduction

11

pour cette eacutetude en faisant quelques deacutetours par un exposeacute des problegravemes lieacutes au terrain de recherche et agrave la constitution de corpus pathologique Aussi partant des difficulteacutes lieacutees agrave la qualiteacute-mecircme du discours aphasique ainsi collecteacute seront exposeacutes les principes de transcription de mise en forme et de preacute-traitement des corpus de donneacutees orales (partie II chapitre 4)

Ensuite (partie II chapitre 5) nous exposerons en deacutetail et agrave lrsquoaide drsquoexemples concrets tireacutes des corpus pathologiques ou du langage ordinaire le protocole drsquoanalyse quantitative appliqueacute aux corpus suivant une trentaine de variables linguistiques deacutefinies et regroupeacutees sous trois grandes cateacutegories de variables (CORPUS MORPH et SYNTAX) Ce faisant nous expliquerons les ameacutenagements reacutealiseacutes ainsi que les nouvelles mesures ajouteacutees par rapport au protocole drsquoanalyse quantitative original qui dans une large mesure a inspireacute la meacutethode adopteacutee

La troisiegraveme et derniegravere partie de ce travail (Partie III) est drsquoabord consacreacutee agrave un examen approfondi des reacutesultats quantitatifs moyenneacutes et ou individuels obtenus agrave partir des analyses systeacutematiques pratiqueacutees sur chacun des corpus Suivant chacune des cateacutegories de variables speacutecifieacutees (CORPUS MORPH et SYNTAX) les graphes de comparaison inter-groupes inter-tacircches et inter-sujets nous amegraveneront agrave deacutecrire des patrons de variabiliteacutes drsquoorganisation macro- et micro-discursive refleacutetant des strateacutegies de structuration linguistique particuliegraveres (Partie III chapitre 6)

Pour finir (Partie III chapitre 7) une synthegravese des reacutesultats et des interpreacutetations axeacutee sur la caracteacuterisation de lois de performances notables lieacutees au recours agrave des strateacutegies varieacutees constituera un nouveau point drsquoancrage agrave lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation

En guise de conclusion et drsquoouverture nous preacutesenterons alors une typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires employeacutees dans lrsquoaphasie agrammatique en production orale sans oublier de revenir sur les limites de la preacutesente eacutetude et drsquoen deacutegager quelques perspectives drsquoapprofondissements et pistes de reacuteflexions possibles

ORGANISATION DES ANNEXES

En annexe A le lecteur trouvera le formulaire drsquoentreacutee proposeacute aux locuteurs ayant accepteacute de participer agrave la collecte de donneacutees verbales Puis les caracteacuteristiques deacutetailleacutees des participants controcircles et agrammatiques sont disponibles en annexes B C et D

En annexe E ougrave figurent tous les stimuli utiliseacutes dans notre protocole expeacuterimental la proceacutedure de passation est exposeacutee en deacutetail pour chacune des quatre tacircches de production

En annexe F sont reacutesumeacutees les instructions de transcriptions et de mise en forme des corpus oraux Ensuite en annexe G un exemple de feuille de travail sur corpus avec les cotations reacutealiseacutees et sa feuille de reacutesultats associeacutee permet drsquoavoir une vision concregravete des types de transcriptions et des traitements appliqueacutes

Introduction

12

Drsquoautre part sont fournis en annexe H lrsquoensemble des corpus oraux collecteacutes aupregraves des six participants agrammatiques ainsi que les feuilles de reacutesultats et graphes de donneacutees individuelles associeacutes

En annexe I nous avons reproduit partiellement les corpus oraux collecteacutes aupregraves du groupe de locuteurs controcircles (corpus de reacutefeacuterence) Ces corpus transcrits concernent trois des neuf participants controcircles Pour finir nous avons fourni les feuilles de reacutesultats associeacutees agrave ces trois corpus controcircles et lrsquoensemble des graphes de donneacutees individuelles concernant les neuf sujets controcircles dont les corpus ont eacuteteacute analyseacutes

13

Partie I Repegraveres Theacuteoriques

14

PARTIE I 1 Contexte et objectif

15

1 Contexte et objectif

10 Les aphasies

En France le nombre de personnes atteintes drsquoun accident vasculaire ceacutereacutebral (AVC) ayant entraicircneacute des troubles neurologiques transitoires ou permanents est estimeacute agrave 500 000 Tous les ans 150 000 personnes seraient victimes drsquoun AVC pour lesquelles le taux de reacutecidive est eacutevalueacute agrave 25 La survenue drsquoun AVC est la troisiegraveme cause de mortaliteacute et la premiegravere cause de handicap (moteur et psychique) 75 des patients ceacutereacutebro-leacuteseacutes ont plus de 65 ans1

Une leacutesion affectant le systegraveme nerveux central (SNC) peut reacutesulter de diffeacuterents types drsquoAVC2 (AMARENCO 2001)

lrsquoAVC ischeacutemique (80 des cas drsquoAVC) un caillot de sang peut bloquer la circulation dans une artegravere et de ce fait une partie des tissus nrsquoest plus irrigueacutee ce qui entraicircne la survenue drsquoun infarctus ceacutereacutebral Lrsquoocclusion peut reacutesulter drsquoune thrombose en cas drsquoocclusion drsquoune artegravere ceacutereacutebrale ou drsquoune embolie drsquoorigine extra-cracircnienne (aortique ou carotidienne)

lrsquoAVC heacutemorragique (15 ) la rupture drsquoune artegravere est la cause drsquoune heacutemorragie ceacutereacutebrale qui endommage les cellules nerveuses environnantes

lrsquoheacutemorragie meacuteningeacutee (5 ) faisant suite dans la majoriteacute des cas agrave la rupture drsquoun aneacutevrisme arteacuteriel lrsquoheacutemorragie atteint les espaces situeacutes entre la paroi cracircnienne et le SNC

Parmi les diffeacuterents types de seacutequelles drsquoorigine neurologique occasionneacutees par une leacutesion ceacutereacutebrale (coma et trouble de la conscience ceacutephaleacutees heacutemipleacutegie et trouble de la coordination motrice heacutemipareacutesie et trouble sensitif trouble de lrsquoeacutequilibre trouble praxique trouble thymique trouble de lrsquoattention du raisonnement de la concentration de la vision de lrsquoaudition) lrsquoaphasie est un trouble du langage acquis qui selon le siegravege et lrsquoeacutetendue de la leacutesion est plus ou moins seacutevegravere

Les symptocircmes de perturbations langagiegraveres sont freacutequemment associeacutes agrave drsquoautres types de symptocircmes Mais la variabiliteacute inter-individus est telle qursquoil est difficile de deacutegager des correacutelations anatomo-fonctionnelles stables et immuables Cependant il est communeacutement admis qursquoune leacutesion cortico-sous-corticale situeacutee dans lrsquoheacutemisphegravere dominant pour le langage entraicircne dans la plupart des cas une aphasie

1 Estimations chiffreacutees de France AVC (association drsquoaide aux parents et aux familles de patients victimes drsquoAVC) 2 Les leacutesions ceacutereacutebrales qui font suite agrave un traumatisme cracircnien (choc violent agrave la tecircte) agrave une tumeur ceacutereacutebrale agrave une maladie deacutegeacuteneacuterative plus diffuse (telle que la maladie drsquoAlzheimer) ou agrave une infection sont agrave consideacuterer agrave part

PARTIE I 1 Contexte et objectif

16

En effet lorsque certaines aires ceacutereacutebrales impliqueacutees dans la gestion du langage articuleacute sont endommageacutees il y a laquo perte raquo partielle ou totale des capaciteacutes agrave formuler etou agrave interpreacuteter les mots et les phrases en modaliteacute orale etou en modaliteacute eacutecrite Autrement dit un ceacutereacutebro-leacuteseacute peut manifester des difficulteacutes drsquoutilisation du code linguistique qui avant la leacutesion ceacutereacutebrale avait atteint un niveau de deacuteveloppement normal3

La prise en consideacuteration du type et du siegravege drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale combineacutee agrave une approche clinique du dysfonctionnement langagier permet drsquoenvisager lrsquoorganisation fonctionnelle du cerveau En effet les classifications des aphasies reposent sur lrsquoobservation du site leacutesionnel impliqueacute la description du type de perturbations linguistiques (la symptomatologie) et sur la modaliteacute du langage qui est affecteacutee (le versant expressif reacuteceptif ou les deux) Lrsquoaphasie revecirct des formes multiples regroupeacutees en deux grandes familles les aphasies non fluentes et les aphasies fluentes

Il nrsquoest pas question ici de rendre compte de maniegravere approfondie de toutes les typologies en aphasiologie ayant eacutemergeacute de la recherche de dissociations et de doubles-dissociations4 et de correacutelations anatomo-fonctionnelles ainsi que de leur remise en question perpeacutetuelle agrave travers des observations de sites leacutesionnels contradictoires ou agrave travers les deacutebats entre localisationnistes et associationnistes depuis la phreacutenologie de GALL5

Par contre la classification issue de la collaboration entre le neurologue LURIA et le linguiste JAKOBSON preacutesentera pour nous un inteacuterecirct tout particulier (nous y reviendrons dans le chapitre 2 au point 2321 p 34)

Nous preacutesentons ci-apregraves (Tableau 117 p 17 drsquoapregraves GIL 1999) un rapide tour drsquohorizon des diffeacuterentes formes drsquoaphasies classiquement reacutepertorieacutees dans les approches cliniques (en neurologie et en theacuterapie du langage) et regroupeacutees sous deux groupes drsquoaphasies suivant leur caractegravere fluent ou non fluent

3 Les alteacuterations peuvent eacutegalement concerner de maniegravere plus speacutecifique les aspects pragmatiques de la communication verbale et non verbale Ce type de trouble de niveau pragmatique est geacuteneacuteralement causeacute par des leacutesions situeacutees dans lrsquoheacutemisphegravere droit 4 La mise en valeur de dissociations refleacutetant des meacutecanismes psycho-cognitifs laquo indeacutependants raquo est possible par lrsquoobservation de diffeacuterences significatives entre les performances drsquoun sujet entre une tacircche A et une tacircche B La mise en valeur de doubles-dissociations supposent qursquoune dissociation deacutemontreacutee pour un premier sujet complegravete la dissociation inverse deacutemontreacutee pour un deuxiegraveme sujet pour les mecircmes tacircches A et B (crsquoest-agrave-dire que les deux sujets doivent montrer un patron de performances inverseacute et compleacutementaire dans une tacircche A et une tacircche B ce qui permet de valider lrsquohypothegravese sur la dissociation envisageacutee au deacutepart (WILLMES 1993 1998) 5 Nous renvoyons le lecteur aux synthegraveses historiques et eacutepisteacutemologiques de lrsquoaphasiologie de MESSERLI (1989) et BERGOUNIOUX (2001)

PARTIE I 1 Contexte et objectif

17

Deacutenominations Sites leacutesionnels Tableaux cliniques du point de vue des symptocircmes patholinguistiques

I Les aphasies agrave langage reacuteduit ou aphasies non fluentes 1 Aphasie de Broca aphasie drsquoexpression ou aphasie motrice corticale (Deacutejerine) aphasie motrice effeacuterente ou aphasie motrice cineacutetique (Luria) aphasie de reacutealisation phoneacutematique (Haecan)

Le cap et le pied de la troisiegraveme circonvolution frontale gauche (ou pied de F3 ou aires ndeg44 et 45 de Brodmann ou aire de Broca reacutegion corticale) noyaux gris centraux (reacutegion sous-corticale)

Reacuteduction du langage Inhibition et faible deacutebit verbal Elocution lente et laborieuse Perturbations articulatoires et phoneacutetiques (laquo deacutesinteacutegration phoneacutetique raquo) Perturbations de la combinaison des mots Steacutereacuteotypies (une syllabe un mot isoleacute ou une expression involontaire de langage automatique comme une formule politesse) Apraxie bucco-faciale Dysprosodie La compreacutehension verbale est relativement preacuteserveacutee mais la compreacutehension des mots grammaticaux est perturbeacutee tout comme la lecture (alexies) Dans certains cas apregraves le mutisme dans le stade initial reacutegression de lrsquoaphasie avec apparition drsquoun agrammatisme en production verbale (perturbations de lrsquoutilisation des mots grammaticaux) Le patient est conscient de son trouble

2 Aphasie totale de Deacutejerine ou grande aphasie de Broca

Vastes leacutesions heacutemispheacuteriques Perturbations massives du langage en production et en compreacutehension agrave lrsquooral et agrave lrsquoeacutecrit

3 Anarthrie pure de Pierre Marie

Opercule frontal ou substance blanche du bras anteacuterieur de la capsule interne

Trouble articulatoire pure voire mutisme La compreacutehension est strictement preacuteserveacutee agrave lrsquooral et agrave lrsquoeacutecrit

4 Aphasie transcorticale motrice adynamie de la parole (Kleist Pick) aphasie dynamique (Luria)

Gyrus insulaire et structures limbiques Leacutesion frontale de lrsquoaire motrice suppleacutementaire (aphasie corticale) ou atteinte profonde de la substance blanche sous-corticale

Perturbations de lrsquoinitiation eacutelocutoire (manque drsquoincitation verbal) Echolalies Compreacutehension orale et eacutecrite preacuteserveacutee

II Les aphasies agrave langage fluide ou aphasies fluentes 1 Aphasie de Wernicke aphasie sensorielle ou aphasie de reacuteception

Leacutesion de lrsquoaire de Wernicke (aire associative auditive de la face externe posteacuterieure de la circonvolution temporale supeacuterieure (T1) ou aire ndeg22 de Brodmann en-dessous des aires auditives primaire (gyrus de Heschl 41) et secondaire (42) atteinte du gyrus angulaire (39 encodage et deacutecodage du langage eacutecrit) et du gyrus supra-marginal (40 reacutepeacutetition)

Fluiditeacute verbale preacuteserveacutee Deacutesinhibition verbale discours logorrheacuteique Perturbation massive de la compreacutehension orale et eacutecrite En lecture apparition de paralexies et en eacutecriture apparition de paragraphies En production du langage preacutesence de paraphasies phoneacutemiques lexico-seacutemantiques Paraphasies touchant aussi les mots grammaticaux ce qui donne lrsquoeffet drsquoune dyssyntaxie (seacutelection drsquoun morphegraveme grammatical inadeacutequat) Neacuteologies lexicales Deacutesorganisation et incoheacuterence de surface donnant une impression de jargon (jargonaphasie) Anosognosie (le patient nrsquoa pas conscience de son trouble)

2 Syndrome alexie-agraphie de Deacutejeacuterine ou aphasie de Wernicke de type III (Roch-Lecours et Lhermitte)

Gyrus angulaire cortex visuel associatif

La production est preacuteserveacutee Manque du mot en deacutenomination Lrsquoeacutecrit est tregraves deacuteficient jargonagraphie (en eacutecriture) et alexie (en lecture)

3 Aphasie amneacutesique de Pitres

Leacutesions de la circonvolution temporale infeacuterieure

Manque du mot compenseacute par lrsquoemploi drsquoune circonlocution trouble drsquoordre lexico-seacutemantique La compreacutehension est preacuteserveacutee

4 Aphasie de conduction ou aphasie centrale (Goldstein) ou aphasie motrice affeacuterente

Leacutesions touchant le faisceau arqueacute unissant lrsquoaire de Wernicke agrave lrsquoaire de Broca

La compreacutehension est preacuteserveacutee Production de paraphasies phoneacutemiques et morphologiques avec tentatives drsquoauto-corrections

5 Surditeacute verbale pure Leacutesions cortico-sous-corticales bi-temporales ou temporales gauches (deacuteconnexion entre lrsquoaire de Wernicke et le gyrus de Heschl)

La production du langage est normale alors que le deacutecodage auditif est impossible Trouble de la reacutepeacutetition

6 Lrsquoaphasie transcorticale sensorielle ou aphasie de Wernicke de type II (Roch-Lecours et Lhermitte) ou syndrome drsquoisolement des aires du langage

Gyrus angulaire (aires 37 et 39 les aires de Broca et de Wernicke ainsi que le faisceau arqueacute sont indemnes)

Alteacuteration massive de la compreacutehension orale et eacutecrite alors que la reacutepeacutetition est preacuteserveacutee Manque du mot Deacutenomination preacuteserveacutee dans certains cas Reacutepeacutetition preacuteserveacutee

7 Les aphasies croiseacutees Leacutesions corticales de lrsquoheacutemisphegravere mineur

Le tableau clinique emprunte aux autres tableaux cliniques des aphasies deacutecrites

Tableau 1 Les diffeacuterentes formes drsquoaphasies

PARTIE I 1 Contexte et objectif

18

Cette classification ne contredit pas les grandes lignes de la synthegravese proposeacutee par LECOURS et LEHRMITTE (1979 339-341) devenue une reacutefeacuterence dans le monde francophone de lrsquoaphasiologie Leur taxonomie des aphasies reposent sur laquo onze constellations seacutemiologiques [citeacutees ci-apregraves] en plus de lrsquoaphasie globale et des aphasies mixtes raquo regroupeacutees sous trois tableaux cliniques suivant le site leacutesionnel en cause (soit treize tableaux cliniques)

les aphasies pures (leacutesions concernant un cortex primaire ou une partie drsquoun cortex associatif) la surditeacute verbale pure la ceacuteciteacute verbale pure lrsquoanarthrie pure et lrsquoagraphie pure

les aphasies de Broca et de Wernicke (leacutesions concernant un cortex associatif speacutecifique etou des axones associatifs en direction ou en provenance immeacutediate de celui-ci) lrsquoaphasie de Wernicke (de type I) lrsquoaphasie de Wernicke de type III lrsquoaphasie de Broca lrsquoaphasie de conduction lrsquoaphasie amneacutesique (de Pitres)

les aphasies transcorticales (leacutesions concernant un cortex associatif non speacutecifique etou des axones associatifs en direction ou en provenance immeacutediate de celui-ci) lrsquoaphasie de Wernicke de type II lrsquoaspontaneacuteiteacute

En reacutesumeacute le terme aphasie deacutesigne lrsquoensemble des troubles du langage en compreacutehension et en production agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral faisant suite agrave une leacutesion ceacutereacutebrale dont le siegravege est geacuteneacuteralement dans lrsquoheacutemisphegravere gauche Lrsquoaphasique preacutesente des troubles varieacutes deacutependant du type de leacutesion reacuteveacuteleacutes dans certaines modaliteacutes en jeu et suivant certains niveaux drsquoorganisation linguistique

Drsquoapregraves les critegraveres preacuteciteacutes le tableau clinique drsquoun patient aphasique est associeacute agrave un certain type drsquoaphasie suivant les classifications admises par consensus Cependant gardons agrave lrsquoesprit que le plus souvent un tableau clinique singulier peut srsquoassocier agrave des symptomatologies classiquement attribueacutees agrave des aphasies distingueacutees au sein drsquoune mecircme classification

11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous inteacuteressons strictement agrave lrsquoaphasie agrammatique geacuteneacuteralement associeacutee au tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca Nous envisageons lrsquoagrammatisme agrave travers ses aspects neurologiques psycho-cognitifs et linguistiques

En effet les troubles du langage acquis constituent un terrain pseudo-expeacuterimental de choix pour qui souhaite questionner les fondements du langage dans ses dimensions neurologique psycho-cognitive et linguistique (structurale-formelle et fonctionnelle) Crsquoest drsquoapregraves ces dimensions que notre objet drsquoeacutetude et les questions fondamentales qursquoil pose sont abordeacutes

PARTIE I 1 Contexte et objectif

19

111 La dimension neurologique lrsquoaphasie de Broca et le rocircle de lrsquoaire de Broca

Lrsquoapproche clinique des pheacutenomegravenes de perturbations linguistiques srsquoinscrit dans une longue histoire dont une eacutetape marquante fut incarneacutee par les travaux de BROCA agrave la fin de 19egraveme siegravecle En 1861 il avance lrsquohypothegravese localisationniste selon laquelle la zone du langage serait circonscrite dans une aire situeacutee dans le laquo lobe frontal de lrsquoheacutemisphegravere gauche raquo suite aux correacutelations anatomo-fonctionnelles formuleacutees par lrsquoobservation du comportement verbal drsquoun patient laquo apheacutemique raquo ceacutereacutebro-leacuteseacute gauche6 Suivant la meacutethode jacksonienne7 lrsquoapproche clinique est fondeacutee sur lrsquoobservation de symptocircmes dans le comportement drsquoune part et lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents en jeu drsquoautre part pour aboutir agrave leur dissociation fonctionnelle

Dans les conceptions classiques lrsquoaire de Broca est le territoire cortical soupccedilonneacute responsable de la gestion du langage en production verbale Dans la nomenclature de BRODMANN (1909) lrsquoaire de Broca correspond aux aires ndeg44 (pars opercularis appeleacutee aussi reacutegion operculaire du gyrus frontal infeacuterieur ou pied de F3) et 45 (pars triangularis) Cette zone du cerveau fut reacuteputeacutee responsable de la faculteacute de langage articuleacute par BROCA (1861) Lrsquoaphasie de Broca de la famille des aphasies dites non fluentes est geacuteneacuteralement associeacutee agrave une leacutesion de cette aire Elle est habituellement deacutecrite suivant le tableau clinique deacutejagrave eacutevoqueacute (voir Tableau 1 p 17)

Cependant DEacuteMONET et PUEL (1994 341) nuancent lrsquoimplication de lrsquoaire de Broca dans le tableau clinique de lrsquoaphasie du mecircme nom Ils soulignent que laquo la description traditionnelle de lrsquoaphasie de Broca apparaicirct trop restrictive pour rendre compte des exceptions mentionneacutees par la litteacuterature raquo

En effet il semble qursquoil faille consideacuterer que drsquoautres reacutegions en plus de lrsquoaire de Broca soient impliqueacutees dans la production de langage articuleacute (des structures sous-corticales et des portions de lrsquoheacutemisphegravere droit) Il ne faut pas neacutegliger les situations cliniques reacuteveacutelant des inadeacutequations freacutequentes entre les symptocircmes co-occurrents (les perturbations linguistiques observeacutees) lrsquoeacutetiologie (la cause organique) et les tableaux cliniques conventionnels des aphasies

6 Le cas Leborgne dit Tan laquo tan raquo eacutetant la syllabe qursquoil utilisait pour lrsquoexpression de tous ses actes de langages (ce qui correspond au symptocircme de steacutereacuteotypie) Son cerveau est conserveacute au museacutee Dupuytren aux Cordeliers rue de lrsquoEcole de Meacutedecine agrave Paris On peut aussi y trouver le cas anatomo-clinique Lelong pour lequel fut publieacutee en 1861 aussi une laquo Nouvelle observation drsquoapheacutemie produite par une leacutesion de la moitieacute posteacuterieure des deuxiegraveme et troisiegraveme circonvolutions frontales gauches raquo dans les Bulletins de la Socieacuteteacute Anatomique de Paris 36 330-357 Drsquoautres cas seront reporteacutes par BROCA dans les anneacutees 1860 7 Hughlings Jackson neurologue eacutevolutionniste anglais de la fin du 19egraveme siegravecle (voir JACKSON 1958) Ses travaux sont notamment consacreacutes agrave lrsquoaphasie et agrave son interpreacutetation suivant le principe de dissociation des comportements automatiques et volontaires et suivant le principe de la hieacuterarchie des fonctions du systegraveme nerveux

PARTIE I 1 Contexte et objectif

20

Les classifications inspirant largement les batteries de tests standardiseacutes utiliseacutes en clinique (telles que le Boston Diagnosis Aphasia Examination MICELI et al 1983) ou le MT86 (NESPOULOUS et al 1986) ne sont pas efficaces agrave 100 Elles devraient ecirctre relativiseacutees notamment pour le tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca

En effet pour DEacuteMONET et PUEL (1994 346)

laquo Le geacuteneacuterique aphasie de Broca est trop impreacutecis et neacutecessiterait le recours agrave trois sous-types selon que lrsquoon observe la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune dyslexie profonde la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoun agrammatisme la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune deacutesinteacutegration phoneacutetique raquo

Ainsi toujours selon les mecircmes auteurs (1994 348)

laquo Celui[-ci] fait lrsquoobjet de la plus grande variabiliteacute en matiegravere de localisation leacutesionnelle [] Quelque soit le site leacutesionnel en cause le tableau clinique se caracteacuterise tout drsquoabord par une reacuteduction quantitative et qualitative de lrsquoexpression orale [] Agrave la suite drsquoune eacutevolution variable il peut srsquoinstaller un agrammatisme caracteacuteriseacute par une simplification de la syntaxe avec quasi-suppression des morphegravemes grammaticaux et emploi des verbes agrave lrsquoinfinitif conduisant agrave un style teacuteleacutegraphique raquo

En reacutesumeacute notre objet drsquoeacutetude est circonscrit agrave lrsquoaphasie de Broca avec agrammatisme qursquoon classifie habituellement dans la famille des aphasies non fluentes (voir Tableau 1 p 19) ayant eacuteteacute entraicircneacutee par une leacutesion cortico-sous-corticale focale de lrsquoheacutemisphegravere gauche impliquant lrsquoaire de Broca partiellement ou totalement Pour cette recherche les six cas drsquoaphasie agrammatique ont tous eacuteteacute seacutelectionneacutes drsquoapregraves ce critegravere neurologique restrictif Nous reviendrons dans le chapitre 2 (voir 21 p 26) sur les traits deacutefinitoires de lrsquoagrammatisme qui dans de rares cas apparaicirct dans le tableau clinique classique de lrsquoaphasie de Broca

112 La dimension cognitive lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques sous-jacents

Suite agrave la leacutesion ceacutereacutebrale le deacuteficit sous-jacent se manifeste par des difficulteacutes drsquoordre psycholinguistique lors de la performance verbale en perception compreacutehension et production du langage selon les modaliteacutes eacutecrite ou orale

Notre objet drsquoeacutetude concerne en particulier le versant expressif du comportement verbal soit la production orale agrammatique Notre inteacuterecirct se porte donc sur les difficulteacutes de formulation laquo grammaticale raquo lieacutee agrave la survenue drsquoune aphasie de Broca avec agrammatisme Ainsi les aspects psycholinguistiques du comportement verbal aphasique agrave lrsquooral (lrsquooutput) et des traitements de lrsquoinformation grammaticale reacutealiseacutes en amont (les processus sous-jacents drsquoencodage grammatical) integravegrent les capaciteacutes de traitements attentionnels et mneacutesiques

Nous reviendrons en deacutetail sur un modegravele psycholinguistique de la production verbale en lrsquooccurrence celui de LEVELT (1989 1993 1999) qui nous aidera agrave mieux comprendre le dysfonctionnement cognitif sous-jacent agrave certains pheacutenomegravenes observeacutes dans lrsquooutput

PARTIE I 1 Contexte et objectif

21

agrammatique (au point 3 p 78) Drsquoautre part le protocole expeacuterimental et la deacutemarche drsquoanalyse quantitative appliqueacutee srsquoappuient sur des principes meacutethodologiques geacuteneacuteraux issus du domaine de la psycholinguistique

113 La dimension linguistique la description des pheacutenomegravenes agrammatiques

La dimension linguistique renvoie selon une perspective formelle aux aspects structuraux de la langue en question (des aspects acoustiques aux aspects discursifs) Le deacuteficit peut se refleacuteter dans un aspect structural particulier qursquoil est possible drsquoenvisager agrave travers le comportement verbal du patient crsquoest-agrave-dire lors de la reacuteception drsquoun message ou dans la forme mecircme drsquoun message produit et agrave travers un niveau de repreacutesentation linguistique postuleacute en theacuteorie

Dans cette eacutetude nous souhaitons deacutecrire gracircce aux outils conceptuels et meacutethodologiques issus des sciences du langage la structuration du parler agrammatique du point de vue des difficulteacutes de formulation mais aussi du point de vue des proceacutedures drsquoadaptation ou strateacutegies compensatoires deacuteployeacutees par le locuteur De la construction des corpus agrave la description des pheacutenomegravenes on srsquoappuie sur des principes theacuteoriques et meacutethodologiques fortement ancreacutes dans le domaine de la linguistique de lrsquooral Drsquoautre part les niveaux de repreacutesentation linguistique drsquointeacuterecirct qui incombent agrave ce travail correspondent au niveau de repreacutesentation morpho-lexicale (structuration morpho-lexicale de lrsquooutput) et au niveau de repreacutesentation syntaxique (structuration syntagmatique de lrsquooutput)

114 La dimension fonctionnelle deacuteficit incapaciteacute handicap circonstancieacute et principe drsquoadaptation

La dimension fonctionnelle dans un sens large implique que tout message verbal oral ou eacutecrit srsquoenvisage en tant qursquoeacutenonceacute produit ou compris par un locuteur en situation de communication Ainsi le langage est envisageacute en tant qursquoinstrument de communication verbale eacutetablie entre un locuteur ou destinateur (Speaker) et lrsquoauditeur ou destinataire (Adressee)

Pour ce qui nous occupe la notion de handicap verbal circonstancieacute renvoie agrave lrsquoincapaciteacute du patient aphasique agrave formuler un message verbal selon le systegraveme des conventions eacutetablies par son groupe social Lorsque le langage laquo eacutechappe raquo agrave son locuteur du fait de lrsquoaphasie le message subit une perte drsquoefficaciteacute ou devient mecircme inopeacuterant vis agrave vis de lrsquoactiviteacute drsquoeacutechange verbal dans laquelle le locuteur est engageacute La transmission du message srsquoavegravere en conseacutequence deacutefectueuse en situation drsquointerlocution

Dans une perspective fonctionnelle les aspects environnementaux de tout acte locutoire mecircme deacutefectueux suite agrave la survenue drsquoun AVC sont ainsi pris en compte Lrsquoapproche

PARTIE I 1 Contexte et objectif

22

philosophique et globale du handicap chez lrsquohomme eacutenonceacutee par PERRY et al (1997) et PERRY et al (1999) srsquoinscrit dans ce paradigme fonctionnel

Appliqueacutee en theacuteorie du langage par NESPOULOUS et VIRBEL (2004) et NESPOULOUS (2004) la distinction opeacutereacutee par PERRY et al (1997) entre les concepts drsquoimpairment (dysfonctionnement) de disability (incapaciteacute) et de handicap peut tregraves naturellement srsquoappliquer aux probleacutematiques poseacutees par les troubles du langage (voir Scheacutema 1 p 23)

De cette maniegravere les aphasies ne srsquoenvisagent pas seulement du point de vue de la maladie neurologique du deacuteficit cognitif drsquoencodage ou des perturbations structurales formelles occasionneacutees Elles sont aussi appreacutehendeacutees en inteacutegrant les entraves agrave la transmission efficace drsquoun contenu informationnel lors des relations sociales engendreacutees par les difficulteacutes de formulation verbale (dysfonctionnement et incapaciteacute) elles-mecircmes drsquoune part et drsquoautres part engendreacutees par les paramegravetres de la situation et les moyens disponibles dans le contexte pour mener agrave bien lrsquoactiviteacute langagiegravere

Ainsi la deacutemarche fonctionnelle a pour corollaire la prise en consideacuteration des eacuteleacutements de lrsquoenvironnement autrement dit les facteurs externes ou contextuels qui ont un effet deacutefavorable ou qui peuvent au contraire avoir un effet beacuteneacutefique sur la reacutealisation drsquoune activiteacute entraveacutee par une incapaciteacute aveacutereacutee

Cette approche dynamique revecirct pour nous lrsquointeacuterecirct de toute eacutetude du comportement en situation de handicap de son eacutevaluation agrave sa remeacutediation

Le scheacutema ci-apregraves (Scheacutema 1 p 23) expose les relations entre les notions de dysfonctionnement incapaciteacute et handicap qui sous-tendent notre approche de lrsquoaphasie agrammatique

Le dysfonctionnement (impairment) renvoie au type de deacuteficit sous-jacent reacutesultant de la leacutesion ceacutereacutebrale et impliquant les processus drsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale

Ensuite le dysfonctionnement entraicircne une incapaciteacute (dysability) agrave formuler un message du fait des difficulteacutes drsquoencodage occasionneacutees lors de la verbalisation

Lrsquoincapaciteacute est pour finir circonstancieacutee dans un environnement donneacute crsquoest-agrave-dire que crsquoest par rapport au contexte situationnel englobant que lrsquoincapaciteacute verbale doit ecirctre relativiseacutee La communication est alors plus ou moins entraveacutee selon les moyens disponibles dans lrsquoenvironnement Le handicap communicatif occasionneacute deacutepend alors de divers paramegravetres notamment contextuels

PARTIE I 1 Contexte et objectif

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Scheacutema 1 Approche globale et dynamique de lrsquoaphasie deacuteficit sous-jacent incapaciteacute verbale

handicap communicationnel et principe drsquoadaptation

De la mecircme maniegravere dans le domaine de lrsquoanalyse conversationnelle (AC) appliqueacutee agrave lrsquoaphasie PRINS et BASTIAANSE (2004) insistent sur le fait que les outils drsquoeacutevaluation et de theacuterapie utiliseacutes en vue drsquoappreacutecier une incapaciteacute verbale doivent ecirctre conccedilus en distinguant les notions de deacuteficit drsquoincapaciteacute et de handicap

laquo Lrsquoimportance des aspects fonctionnels de la communication chez le locuteur aphasique fut aussi appuyeacutee par lrsquoideacutee que la conception tripartite laquo Deacuteficit - Incapaciteacute - Handicap raquo jusqursquoagrave maintenant bien connue et utiliseacutee par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute (1980) peut rigoureusement srsquoappliquer agrave la theacuterapie du langage associeacutees aux aphasies raquo8

8 Notre traduction laquo The emphasis of the functional communication of aphasic speakers was also supported by the view that the by now well-known tripartion laquo Impairement ndash Disability ndash Handicap raquo of the World Health Organization (WHO 1980) could sensibly be applied to aphasia therapy raquo

HANDICAP contexte situationnel Handicap communicatif incapaciteacute verbale aveacutereacutee circonstancieacutee selon les paramegravetres de la situation de verbalisation de lrsquointeraction sociale (communication plus ou moins entraveacutee selon les moyens disponibles dans lrsquoenvironnement)

INCAPACITE (DYSABILITY) contexte neuro-pathologique individuel Incapaciteacute verbale aveacutereacutee intrinsegraveque incapaciteacute agrave formuler un message verbal selon les standards grammaticaux de lrsquooral ordinaire (perturbations du codage linguistique du message)

DYSFONCTIONNEMENT (IMPAIRMENT) contexte neuro-pathologique individuel Deacuteficit sous-jacent impliquant les processus de geacuteneacuteration verbale (deacuteficit affectant lrsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale)

Reacutecupeacuteration spontaneacutee et ou reacutecupeacuteration guideacutee

(2) Handicap communicationnel compenseacute ADAPTATION le patient srsquoadapte agrave la situation et utilise ses capaciteacutes langagiegraveres preacuteserveacutees Le deacuteficit et lrsquoincapaciteacute sont contourneacutes compenseacutes par drsquoautres moyens Les capaciteacutes preacuteserveacutees sont exploiteacutees malgreacute la preacutesence drsquoune incapaciteacute qui entrave de maniegravere plus ou moins seacutevegravere la formulation verbale

(1) Capaciteacute verbale restaureacutee REacuteCUPEacuteRATION le patient retrouve ses capaciteacutes de verbalisation et de communication

PARTIE I 1 Contexte et objectif

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En effet les aspects fonctionnels du comportement langagier entrent en ligne de compte et aident agrave mieux caracteacuteriser le handicap communicationnel La deacutemarche qui consiste agrave inteacutegrer les facteurs environnementaux pour envisager les reacutepercussions drsquoune deacuteficience affectant une structure anatomique donneacutee sur les activiteacutes reacutealiseacutees ou agrave reacutealiser concregravetement par une personne est utiliseacutee par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute (OMS) dans sa classification des handicaps

Le trouble du langage et le handicap communicationnel occasionneacutes par une aphasie sont ainsi appreacutehendeacutes suivant une grille de lecture standard partant de la classification des fonctions et structures organiques des activiteacutes et des facteurs environnementaux humains Il srsquoagit de la Classification Internationale du Fonctionnement du handicap et de la santeacute (CIF ou International classification of functioning disability and health ICF)9

En reacutesumeacute notre approche des strateacutegies srsquoinscrit dans une perspective fonctionnelle ougrave le dysfonctionnement et lrsquoincapaciteacute agrave formuler un message selon les conventions sont agrave resituer en contexte crsquoest-agrave-dire dans une situation de communication deacutefinie par des degreacutes variables de pressions ou contraintes externes10

Ainsi agrave partir du moment ougrave la situation du locuteur est prise en consideacuteration lrsquoincapaciteacute du locuteur est agrave relativiser En effet ce sont les paramegravetres drsquoune situation de communication donneacutee qui vont dans une certaine mesure deacuteterminer le degreacute de handicap communicationnel occasionneacute si le deacuteficit et lrsquoincapaciteacute ne varient pas per se le handicap lui peut srsquoaccentuer ou srsquoamoindrir suivant les paramegravetres ou les contraintes en jeu dans la situation de verbalisation De la sorte une approche coheacuterente des strateacutegies de formulation verbale agrammatique ne peut pas eacutevacuer la dimension fonctionnelle Cette dimension integravegre les aspects contextuels adaptatifs de tout acte locutoire en situation neuro-pathologique ougrave des difficulteacutes viennent entraver lrsquoactiviteacute langagiegravere (NESPOULOUS et VIRBEL 2004 NESPOULOUS 2004 2005)

9 Voir le site Internet httpwwwwhointclassificationsicfen 10 Mecircme si notre propos nrsquoest pas drsquoeacutetudier lrsquointeraction verbale en situation de communication laquo naturelle raquo notre protocole de collecte de corpus repose sur une approche fonctionnelle de la variabiliteacute inter-tacircches ougrave la manipulation de contraintes externes influencerait en quantiteacute et en qualiteacute certains aspects de la production orale aphasique (voir chapitre 4 p 117) Drsquoautres eacutetudes srsquointeacuteressent plus speacutecifiquement aux aspects pragmatiques de lrsquointeraction verbale entraveacutee par lrsquoaphasie Elles srsquoappuient pour ce faire sur les modegraveles et meacutethode de lrsquoanalyse conversationnelle (AC et en particulier dans le domaine de lrsquoagrammatisme voir BEEKE et al 2008)

PARTIE I 1 Contexte et objectif

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12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique

La preacutesente eacutetude srsquoassigne pour objectif drsquoeacutetudier le parler agrammatique du point de vue du deacuteficit sous-jacent mais aussi et surtout du point de vue des strateacutegies agrave travers lrsquoeacutetude des variabiliteacutes qui le caracteacuterisent Lrsquoenjeu de cette recherche consiste agrave construire une meacutethodologie qui permette drsquoappreacutehender et de deacutecrire les strateacutegies dans la production verbale agrammatique agrave travers les comportements langagiers que lrsquoon deacutecrira suivant lrsquoeffet de facteurs internes de facteurs linguistiques et de facteurs externes ou situationnels Les variabiliteacutes qui se rattachent aux manifestations langagiegraveres sont inter-individus inter-langues et inter-tacircches agrave savoir

(1) les facteurs internes ou cognitifs individuels la variabiliteacute inter-individus est influenceacutee par le type de leacutesion et le degreacute de deacuteficit lieacute au traitement de lrsquoinformation grammaticale par les caracteacuteristiques idiosyncrasiques des locuteurs et par le niveau de reacutecupeacuteration apregraves la leacutesion

(2) les facteurs linguistiques la variabiliteacute drsquoemploi de certaines structures typiques de la langue est influenceacutee par les proprieacuteteacutes structurales - combinatoires et seacutelectives - qursquoelle offre Les structures srsquoorganisent dans un systegraveme interne et influencent donc lrsquooccurrence des pheacutenomegravenes - omissions et substitutions - observables au niveau de la morphologie (lexicale et grammaticale) et de la syntaxe (la perspective adopteacutee ici est seulement intra-langue11)

(3) les facteurs externes ou situationnels la variabiliteacute inter-tacircches est deacutetermineacutee par les paramegravetres de la situation de verbalisation crsquoest-agrave-dire de notre point de vue expeacuterimental par le degreacute de contrainte associeacute agrave une tacircche donneacutee (influenceacute par la qualiteacute des stimuli et la consigne et donc par le degreacute de preacutecision requis dans la formulation demandeacutee)

Dans lrsquoideacutee de deacutegager les comportements adaptatifs de formulation drsquoun message verbal crsquoest le dernier type de variabiliteacute la variabiliteacute situationnelle ou inter-tacircches qui preacutesentera pour nous un inteacuterecirct tout particulier Agrave partir de donneacutees verbales orales recueillies aupregraves de six locuteurs agrammatiques nous souhaitons deacutecrire les variabiliteacutes inheacuterentes agrave la formulation verbale des points de vue quantitatif et qualitatif en langue franccedilaise et agrave travers quatre tacircches de production orale auxquelles sont associeacutes des degreacutes de contraintes variables Lrsquoinstabiliteacute des freacutequences et types drsquoemploi de certaines structures est de la sorte fonctionnellement caracteacuteriseacutee Au final il est question de deacutegager des laquo lois de performances raquo in situ

11 Drsquoautre part le parler agrammatique en langue franccedilaise peut srsquoeacutetudier suivant les similitudes qursquoil pourrait preacutesenter avec un parler ordinaire non aphasique dans drsquoautres langues Agrave notre connaissance ce type drsquoeacutetude nrsquoa pas encore eacuteteacute meneacute (il nrsquoen sera pas question dans ce travail) Par contre de nombreux travaux en aphasiologie existent dans une perspective purement comparative ougrave lrsquoon cherche agrave deacuteterminer les diffeacuterences quantitatives et qualitatives des pheacutenomegravenes linguistiques agrammatiques entre plusieurs langues diffeacuterentes parleacutees par des patients agrammatiques (voir au point 235 p 48)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

20 Remarques liminaires

Nous proposons dans ce chapitre une revue de litteacuterature qui ne preacutetend pas couvrir toutes les probleacutematiques ayant eacutemergeacute de plus drsquoun siegravecle de recherches sur lrsquoagrammatisme ceci pour deux raisons

La premiegravere est drsquoordre quantitatif et la deuxiegraveme est drsquoordre qualitatif Drsquoabord il nous semble impossible de fournir en un temps limiteacute une synthegravese exhaustive des innombrables eacutetudes qui y furent consacreacutees

Agrave cette difficulteacute drsquoordre quantitatif et temporel srsquoajoute une difficulteacute drsquoordre qualitatif en raison de la multipliciteacute et de la varieacuteteacute des concepts et meacutethodes convoqueacutes pour un mecircme objet suivant que lrsquoon se place dans une perspective purement neurologique psycho-cognitive ou linguistique

En effet mecircme si toutes les eacutetudes consacreacutees agrave lrsquoagrammatisme cherche agrave comprendre le fonctionnement du langage celles-ci sont issues de domaines diffeacuterents du point de vue des objectifs heuristiques fixeacutes et des moyens meacutethodologiques mis en œuvre Notre speacutecialisation attenante aux sciences du langage conditionne tregraves certainement la maniegravere dont on aborde ici la question complexe de lrsquoagrammatisme

De plus si notre revue de litteacuterature ne se veut en aucun cas exhaustive nous proposons une revue critique toute subjective ougrave il srsquoagira seulement de fournir au lecteur des repegraveres theacuteoriques fondamentaux cibleacutes afin de mieux cerner certains des enjeux speacutecifiques agrave la preacutesente eacutetude

21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes

Abordons la question complexe de lrsquoagrammatisme agrave partir des deux eacutechantillons de corpus de discours continu ci-apregraves (Tableau 2 p 27) Il srsquoagit du deacutebut du reacutecit de Cendrillon

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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CORPUS CONTROcircLE

7 EB_contr2b (Annexe H-662)

CORPUS AGRAMMATIQUE

4 SB_agr2b (Annexe I-525) il eacutetait une fois une jeune fille orpheline de megravere qui vivait chez son pegravere un riche euh noble en France et euh ce pegravere srsquoeacutetait remarieacute avec une eacutepouvantable femme qui de son cocircteacute avait deux filles qui nrsquoeacutetaient pas jolies qui eacutetaient revecircches et euh Cendrillon eacutetait euh fine et jolie agrave lrsquoinverse et en fait les les les [z] les ces trois femmes-lagrave euh nrsquoarrecirctaient pas de la brimer et elle faisait euh le meacutenage elle srsquooccupait du feu elle euh srsquooccupait euh de de servir ces ces trois femmes si bien que elle eacutetait surnommeacutee euh Cendrillon qui vient en-fait euh drsquoun tregraves vilain nom qui au deacutepart crsquoeacutetait Cucendron parce-qursquoelle eacutetait toujours en train de srsquooccuper des cendres du foyer euh de laver euh par terre euh et donc elles se moquaient les j- les jeunes filles qui eacutetaient censeacutees ecirctre ses belles-sœurs se moquaient tout le temps drsquoelle et lrsquoappelaient euh Cucendron et un jour il arriva dans le pays un eacuteveacutenement euh extraordinaire crsquoest que ces deux jeunes filles ont eacuteteacute inviteacutees par le fils du roi agrave un bal qursquoil donnait euh pour tous les nobles des environs ccedila les excitait beaucoup elles voulaient euh vraiment ecirctre parfaites les plus belles euh pour ce bal et eacutevidemment euh Cendrillon nrsquoeacutetait pas inviteacutee et elle a ducirc euh elle a ducirc quand-mecircme preacuteparer euh ces ces deux jeunes filles euh pour lrsquoeacuteveacutenement elle les a aideacutees euh agrave se faire belles euh agrave se faire euh elle les a coiffeacutees maquilleacutees euh pour qursquoelles soient tregraves jolies et une-fois euh ces jeunes filles preacutepareacutees euh elle srsquoest effondreacutee elle euh en pleurant parce-que elle ne pouvait pas euh elle ne pouvait pas faire la mecircme chose crsquoest alors qursquoelle qursquoest apparue sa hum sa marraine une feacutee tregraves gentille qui la connaissait depuis son enfance qui suivait euh euh donc sa sa jeunesse euh qui qui trouvait malheureux qursquoelle soit s- aussi maltraiteacutee et donc elle lui dit euh laquo ne trsquoen fais pas euh Cendrillon raquo puisque elle elle lrsquoappelait euh plutocirct Cendrillon que Cucendron laquo je vais hum je vais mrsquooccuper euh de de toi raquo laquo tu iras aussi agrave ce bal raquo laquo ne trsquoinquiegravete pas raquo elle lui dit laquo regarde raquo laquo je prends cette grosse citrouille raquo et euh laquo elle va bientocirct se transformer en en carrosse raquo et Cendrillon nrsquoen croit pas ses yeux tout drsquoun coup apparaicirct devant elle une eacutenor- un eacutenorme carrosse euh tregraves tregraves tregraves joli tregraves deacutecoreacute couvert drsquoor euh avec des draperies agrave lrsquointeacuterieur enfin quelque chose de de fabuleux qursquoelle nrsquoosait croire ()

alors(5) trois jeunes jeunes trois jeunes filles

(3) euh et la megravere

par contre euh la megravere (2) euh j- par par l- par lagrave

jamais jamais en fait

lagrave jamais en fait

hum trois jeunes filles hum (7)

en fait euh (4) deux jeunes filles euh hum (4)

et alors euh euh crsquoest tregraves dur ccedila euh

[ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh

pomponneacutees en fait euh (3) et (3)

par contre euh le nom (hellip)

donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon

en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh

euh border le lit euh

en fait euh tout euh

et euh (4) un euh un un non euh le le le euh (5) un bal

un bal

euh (3) prince en fait (3) preacutetendrant euh (6) euh (3)

preacutetendant euh trocircne en fait

et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f-

euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet-

(4)

un bal pour preacutetendre

trouver une jeune fille voilagrave

donc euh (6) le soir euh jeu- trois jeunes filles euh

pomponneacutees euh habilleacutees

et dir- directement euh euh dans euh dans le bal enfin

salle de bain salle de bal

et euh (3) [se-] euh [sɑnijo] euh Cendrillon travailler

toujours

euh [sə] euh souillon encore

et euh (3) euh [le] f- euh [le] f- (3) une bonne feacutee (3)

hum (3) transformer (25) [s-] euh Cendrillon en jolie

jeune fille euh (4)

mais bien sucircr (2) euh j- carrosse

en fait euh s- ci- citrouille transformer en jo- en

carrosse (3)

() Tableau 2 Exemples de corpus oraux Cendrillon raconteacutee par une locutrice controcircle et un

locuteur agrammatique

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

28

Le reacutecit de gauche a eacuteteacute produit par une locutrice ne preacutesentant aucun trouble neurologique (EB_contr) Ce corpus est un exemple assez repreacutesentatif de ce que lrsquoon peut obtenir dans une tacircche classique de narration de conte connu agrave lrsquooral et en situation laquo normale raquo Pour la mecircme tacircche de narration le corpus de droite reflegravete la production orale drsquoun locuteur en situation neuro-pathologique Ce locuteur (SB_agr12) preacutesente une aphasie de Broca avec un agrammatisme tregraves caracteacuteristique Compareacute agrave lrsquooral standard le discours agrammatique reflegravete un dysfonctionnement agrave la suite drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale13 impliquant lrsquoaire de Broca Il suffit de lire le corpus controcircle puis le corpus agrammatique pour se rendre compte directement des perturbations causeacutees par un tel deacuteficit Scheacutematiquement ce dysfonctionnement se traduit en surface par une reacuteduction du langage en volume un deacutebit faible une eacutelocution laborieuse avec de nombreuses pauses longues et des interruptions qui gecircnent la prosodie une simplification du vocabulaire des laquo phrases raquo courtes et peu eacutelaboreacutees avec des perturbations qui donnent lrsquoimpression drsquoune laquo deacutesinteacutegration raquo de la morphologie grammaticale et de la syntaxe En effet lrsquoabsence de certaines marques morpho-syntaxiques obligatoires et la reacuteduction des eacutenonceacutes agrave quelques mots reflegravetent nettement une perte en complexiteacute

PICK (1898 1913) reporte la premiegravere description de ce qursquoil appelle agrammatisme qursquoil qualifie de laquo style teacuteleacutegraphique raquo Cette analogie a souvent eacuteteacute reprise par la suite jusqursquoagrave nos jours pour reacutefeacuterer au symptocircme principal observeacute dans le parler agrammatique (nous y reviendrons au point 241 p 58)

PILLON et NESPOULOUS (1994 390 drsquoapregraves DE BLESER 1987) fournissent une description de lrsquoagrammatisme issue de lrsquoeacutecole allemande repreacutesenteacutee par KLEIST (1914 1916)

laquo Lrsquoagrammatisme consiste en une simplification des seacutequences de mots Les constructions complexes avec propositions subordonneacutees nrsquoapparaissent guegravere Les patients srsquoexpriment seulement par des phrases simples et courtes si tant est qursquoils restent capables de construire des phrases Les mots qui ne sont pas vraiment neacutecessaires speacutecialement les pronoms et les particules ainsi que les marques de conjugaison ou de deacuteclinaison ne sont que rarement utiliseacutes sinon systeacutematiquement omis Dans les cas seacutevegraveres seuls les mots principaux les adjectifs sous leur forme nominative et les verbes sous leur forme infinitive ou participiale sont produits raquo

12 Voir en Annexe H-519-536 ougrave sont fournis tous les corpus oraux concernant SB_agr 13 Leacutesion tregraves focale dans le cas de SB_agr (voir les caracteacuteristiques deacutetailleacutees concernant ce locuteur en Annexe B-385)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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MOUNIN (1967 citeacute par PILLON et NESPOULOUS 1994 392) deacutecrit lrsquoagrammatisme suivant les traits linguistiques deacutefinitoires exposeacutes ci-apregraves En guise drsquoillustrations les exemples suivants sont tireacutes du corpus de SB_agr (Tableau 2 p 27) Nous proposons agrave chaque fois une description qui se rapporte agrave chacun des traits expliciteacutes par MOUNIN (1967)

les mots outils ou mots fonctionnels ou morphegravemes grammaticaux libres (les deacuteterminants pronoms conjonctions et preacutepositions) sont absents

donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon gt absence du deacuteterminant une

euh [sə] euh souillon encore gt absence du pronom anaphorique elle (elle redevient une souillon)

en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh gt juxtaposition de mots contenus isoleacutes sans mots fonctions coordonnants

preacutetendant euh trocircne gt absence de la preacuteposition au (preacutetendant au trocircne)

les mots pleins (agrave contenu) ou mots lexicaux sont preacutedominants (les noms adjectifs et verbes)

et euh (3) [se-] euh [sɑnijo ] euh Cendrillon travailler toujours gt lrsquoossature lexicale de la phrase transparaicirct

[ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh pomponneacutees gt les formulations sont laquo reacuteduites raquo agrave des mots lexicaux

les morphegravemes grammaticaux lieacutes (les flexions et deacuteclinaisons) sont omis les verbes sont agrave la forme infinitive

et euh (3) [se-] euh [sɑnijo ] euh Cendrillon travailler toujours gt le verbe est employeacute dans sa forme infinitive au lieu de sa forme finie obligatoire (transformer au lieu de transforme transforma ou a transformeacute)

le nominatif remplace les cas obliques

citrouille transformer en jo- en carrosse gt au lieu de elle transforme la citrouille en carrosse citrouille est ici anteacuteposeacute au verbe ce qui lui

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

30

confegravere un cas nominatif au lieu du cas accusatif ou objet direct

le style est teacuteleacutegraphique du fait de lrsquoabsence de certains eacuteleacutements (mots fonctions verbes pronoms etc)

donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon

en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh

des formules automatiques sont produites dans leur inteacutegraliteacute

crsquoest tregraves dur ccedila

je sais pas

je pense oui

Selon PILLON et NESPOULOUS (1994) ces descriptions mecircme si elles ont pour but drsquoecirctre consensuelles sont agrave relativiser drsquoabord parce qursquoelles revecirctent un caractegravere laquo trop impressionniste raquo crsquoest-agrave-dire qursquoelles manquent de preacutecision ensuite parce qursquoelles sont laquo inexactes raquo

En effet tous les mots grammaticaux ne sont pas complegravetement absents Ainsi on peut voir qursquoil subsiste dans le corpus de SB_agr des deacuteterminants (un le une etc ) un pronom (tout) en plus des deux pronoms contenus dans la formule automatique laquo crsquoest dur ccedila raquo des preacutepositions (en dans par pour etc) et de tregraves nombreuses conjonctions (et alors mais donc etc) De plus le discours agrammatique nrsquoest pas seulement caracteacuteriseacute par des erreurs drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux libres ou lieacutes mais aussi par des erreurs de substitutions entre morphegravemes grammaticaux (le prince chercher le pantoufle14) ou mecircme entre mots lexicaux (salle de bain salle de bal)

Une description plus nuanceacutee devrait donc mieux refleacuteter la reacutealiteacute complexe des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme En effet selon MOUNIN (1967 17)

laquo Le fait que des formes grammaticales manquantes agrave tel endroit du corpus reacuteapparaissent ailleurs fut-ce de faccedilon peu freacutequente est peut-ecirctre aussi important pour une explication finale que leur manque freacutequent - ne serait-ce que parce que ce fait laisse soupccedilonner que la linguistique est loin drsquoecirctre ici seule en cause et ne doit pas se hacircter de fournir des theacuteories exclusives on ne peut passer aussi vite mecircme du point de vue de lrsquoanalyse linguistique sur cette variabiliteacute des performances Il faut certainement faire une analyse plus fine (statistique contextuelle syntagmatique et sans doute chronologique) pour chaque malade raquo

14 Cette erreur de substitution entre deacuteterminants a eacuteteacute releveacutee dans la suite du corpus de Cendrillon chez le mecircme locuteur SB_agr (voir 4 SB_agr2b en Annexes H-528) Par ailleurs nous avons releveacute des substitutions affectant drsquoautres cateacutegories telles que les preacutepositions ou les pronoms

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Ainsi agrave lrsquoinstar de MOUNIN nous pensons que les analyses de corpus agrammatiques gagnent agrave ecirctre plus systeacutematiques et agrave ne pas neacutegliger la preacutesence de pheacutenomegravenes contradictoires au premier abord De cette maniegravere les hypothegraveses explicatives sur lrsquoagrammatisme qui deacutecoulent de toute description linguistique des pheacutenomegravenes fondeacutee sur la meacutethode empirique risquent moins de laquo srsquoarrecircter devant lrsquoarbre qui cache la forecirct raquo

Dans ce sens PILLON et NESPOULOUS (1994 392) paraphrasent MOUNIN (1967 24) en ces termes

laquo Un trait essentiel non linguistique devrait [] ecirctre ajouteacute [agrave la description clinique de lrsquoagrammatisme] la variabiliteacute des performances de lrsquoagrammatique raquo

En plus des traits linguistiques de lrsquoagrammatisme citeacutes jusqursquoici drsquoautres symptocircmes furent mis en eacutevidence tels que par exemple sur le versant de lrsquoexpression la perturbation de la prosodie de lrsquoordre des mots ou de la cateacutegorie speacutecifique des verbes par rapport aux noms ou tels que sur le versant de la compreacutehension les difficulteacutes drsquoassignation des cas et des rocircles seacutemantiques ou des perturbations affectant le traitement des morphegravemes grammaticaux en lecture

Pour finir signalons la vaste eacutetude de TISSOT et al (1973) ayant porteacute sur dix-neuf cas drsquoagrammatisme TISSOT et al (1973 112-120) envisagent de faire une distinction entre le laquo pseudo-agrammatisme raquo (avec le symptocircme de dysprosodie deacutejagrave deacutecrit par GOODGLASS 1973) et lrsquolaquo agrammatisme vrai et ses deux versants raquo Selon eux il faut distinguer laquo lrsquoagrammatisme agrave preacutedominance morphologique raquo (ougrave lrsquoordre des mots est conserveacute et les proceacutedeacutes morphologiques plus atteints) et laquo lrsquoagrammatisme agrave preacutedominance syntaxique raquo (ougrave lrsquoordre des mots est plus atteint et les proceacutedeacutes morphologiques mieux conserveacutes tels que les articles ou certains morphegravemes libres) Ils reprennent ainsi agrave leur compte une proposition de GOODGLASS

laquo Chez certains aphasiques lrsquoaspect syntaxique et lrsquoaspect flexionnel peuvent ecirctre atteints indeacutependamment lrsquoun de lrsquoautre raquo

22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme

La mise en eacutevidence de la preacutesence exclusive ou de la co-occurrence de toute cette varieacuteteacute de symptocircmes preacuteciteacutes qui fut eacutetayeacutee par des eacutetudes de cas particuliers et des donneacutees contradictoires a eu pour effet de remettre au centre des deacutebats certaines des laquo questions brucirclantes raquo (PILLON et NESPOULOUS 1994) lieacutees agrave la caracteacuterisation et agrave lrsquointerpreacutetation de lrsquoagrammatisme telles que

(1) la question drsquoune description laquo unifieacutee et translinguistique raquo des traits linguistiques de lrsquoagrammatisme deacutepassant le cadre strict drsquoune seule langue quelles nuances sont apporteacutees par lrsquoapproche comparative si on admet que certains symptocircmes sont absents ou preacutesents dans certaines langues du fait des proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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(2) la question des dissociations de symptocircmes suivant la nature du deacuteficit linguistique qui serait plutocirct morphologique ou plutocirct syntaxique faut-il consideacuterer qursquoil existe un trouble agrammatique seacutelectif de la morphologie flexionnelle agrave distinguer drsquoun trouble agrammatique seacutelectif de la combinaison syntagmatique des uniteacutes de la phrase

(3) la question des dissociations de symptocircmes suivant les modaliteacutes affecteacutees crsquoest-agrave-dire selon que les symptocircmes soient expressifs ou reacuteceptifs lrsquoagrammatisme est-il le reacutesultat drsquoun deacuteficit seacutelectif qui nrsquoimpliquerait que le versant de la production ou drsquoun deacuteficit central qui impliquerait agrave la fois les processus de production et les processus de compreacutehension (ce qui suggegravere que la production et la compreacutehension du langage serait assureacutees par les mecircmes processus cognitifs sous-jacents et ce qui plaiderait en faveur de lrsquohypothegravese drsquoun deacuteficit structural)

(4) la question des doubles-dissociations de symptocircmes deacutebattue du fait de la similariteacute en qualiteacute entre certains symptocircmes agrammatiques observeacutes dans lrsquoaphasie de Broca (non fluente) avec certains des symptocircmes dits laquo paragrammatiques raquo car associeacutes habituellement au tableau clinique de lrsquoaphasie de Wernicke (fluente) et du fait des diffeacuterences en quantiteacute entre ces deux types de symptocircmes apparaissant en parallegravele mais agrave des degreacutes divers dans ces deux types drsquoaphasies Autrement-dit faut-il consideacuterer que lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme seraient le reacutesultat en reacutealiteacute drsquoun mecircme deacuteficit sous-jacent

(5) la question de son statut faut-il envisager lrsquoagrammatisme en tant que symptocircme autonome par rapport agrave drsquoautres symptocircmes ou faut-il concevoir que la co-occurrence de certains symptocircmes doit aboutir agrave la conception drsquoune nouvelle entiteacute syndromique parmi les tableaux cliniques classiques des aphasies

Les questions fondamentales ainsi poseacutees demeurent en toile de fond du bref tour drsquohorizon qui va suivre au sujet des diffeacuterentes descriptions et hypothegraveses explicatives15 ayant eacutemergeacute de lrsquoeacutetude de la complexiteacute drsquoun tel trouble (voir ci-apregraves au point 23 pp 33-76) Elles traduisent en quelque sorte le problegraveme crucial de lrsquointerpreacutetation des symptocircmes et de leurs variabiliteacutes selon les perspectives inter-sujets inter-langues et inter-tacircches dont ils sont tributaires

Avant drsquoapprofondir la question centrale de la variabiliteacute et lrsquohypothegravese des strateacutegies dans lrsquoagrammatisme (aux points 233 p 45 234 p 46 235 p 48 235 p 52 et 24 p 58) il convient de preacutesenter les travaux ayant viseacute speacutecifiquement agrave expliquer le deacuteficit sous-jacent au trouble agrammatique (232 p 34)

15 Ce tour drsquohorizon srsquoappuie notamment sur deux recueils phares consacreacutes agrave lrsquoagrammatisme et publieacutes reacutecemment agrave dix ans drsquointervalles KEAN (1985) et FROMKIN (1995)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation

231 Introduction

Lrsquoobjectif principal des questionnements relatifs agrave lrsquoaphasie agrammatique consiste agrave en identifier les symptocircmes laquo stables raquo et agrave fournir une explication plausible sur le deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoorigine du trouble Crsquoest KUSSMAUumlL (1878 citeacute par TISSOT et al 1973) qui utilise pour la premiegravere fois le terme laquo agrammatisme raquo pour reacutefeacuterer aux perturbations de lrsquoarrangement des mots et le terme laquo akataphasie raquo pour reacutefeacuterer aux perturbations des flexions morphologiques Dans lrsquoeacutecole franccedilaise PITRES (1898 citeacute par TISSOT et al 1973) deacutefinit lrsquoagrammatisme comme eacutetant un laquo trouble de la meacutemoire de la construction des phrases raquo et fait lrsquoanalogie avec un laquo parler negravegre raquo

Drsquoautres auteurs tels que STEINTHAL (1871) BONHOEFFER (1902) Von MONAKOW (1897) GOLDSTEIN (1913) PICK (1898 1913 1923) DEacuteJERINE (1914) ISSERLIN (1922) SALOMON (1914) KLEIST (1916) ou ALAJOUANINE et al (1939) citeacutes par TISSOT et al (1973) ont fourni des contributions partant drsquoobservations cliniques plus ou moins systeacutematiques de cas drsquoaphasies non fluentes accompagneacutees drsquoagrammatisme Malgreacute le grand inteacuterecirct qursquoils suscitent et leur rocircle crucial dans lrsquoeacutevolution des questions fondamentales qursquoils ont poseacutees et revues tous les auteurs laquo classiques raquo preacuteciteacutes ne retiendront pas ici notre attention16

Parmi eux nous nous bornerons aux seules contributions de PICK et ISSERLIN (point 241 p 58) agrave propos des concepts de laquo style teacuteleacutegraphique raquo de capaciteacute et drsquoadaptation et de KLEIST (234 p 46) agrave propos de la caduciteacute de la distinction entre agrammatisme et paragrammatisme

Depuis les anneacutees 1970 la plupart des contributions se sont appuyeacutees sur les meacutethodes et modegraveles issus des deacuteveloppements reacutecents des sciences du langage et de la psychologie Lrsquoeacutetude de ce trouble fut le foyer drsquointenses deacutebats Dans un premier temps (point 232 p 34) nous nous inteacuteresserons agrave certaines de ces hypothegraveses explicatives fondeacutees sur une caracteacuterisation linguistique du trouble qui marquegraverent particuliegraverement la litteacuterature sur le sujet Les diverses descriptions du trouble et les interpreacutetations du deacuteficit en cause sont agrave lrsquoorigine drsquoune inteacuteressante controverse

16 Pour une revue historique documenteacutee et critique cibleacutee sur lrsquoagrammatisme lire le chapitre introductif de TISSOT et al (1973) pp 5-27

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Certaines drsquoentre elles seront exposeacutees et discuteacutees plus que drsquoautres17 et un examen des enjeux theacuteoriques qursquoelles ont pu poser nous permettra drsquoy voir un peu plus clair

Dans un deuxiegraveme temps (point 24 p 58) les travaux qui laissent une large place agrave lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation dans lrsquoaphasie agrammatique nrsquoeacutechapperont pas agrave un essai de synthegravese plus approfondie en particulier ceux de KOLK et al et de NESPOULOUS et al

232 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de deacuteficit(-s) des hypothegraveses controverseacutees

2321 Lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute

Agrave notre connaissance la premiegravere caracteacuterisation de lrsquoagrammatisme qui repose sur une theacuteorie du langage explicitement revendiqueacutee a eacuteteacute proposeacutee par JAKOBSON Inspireacute par la theacuteorie jacksonienne18 JAKOBSON explique que la laquo deacutesinteacutegration raquo du langage dans lrsquoaphasie obeacuteirait agrave un certain ordre de dissolution qui renvoie agrave laquo la hieacuterarchie des constituants linguistiques raquo (196919 100-101) ce qui permettrait ainsi de laquo [mettre en eacutevidence] la structure stratifieacutee du langage raquo

Ce principe de structuration du langage peut ecirctre appreacutehendeacute parallegravelement agrave travers le deacuteveloppement du langage chez lrsquoenfant Ainsi selon lui laquo le progregraves linguistique de lrsquoenfant et la reacutegression de lrsquoaphasique sont pour lrsquoessentiel des conseacutequences directes et particuliegraverement eacutevidente de ce principe raquo Il srsquoagit vraisemblablement de la premiegravere contribution importante agrave lrsquoeacutetude des aphasies issue du domaine de la linguistique

JAKOBSON nrsquoa pas seulement proposeacute une modeacutelisation de cette successiviteacute drsquoapparitions de pheacutenomegravenes patholinguistiques chez lrsquoaphasique calqueacutee sur une conception linguistiquement deacutetermineacutee il a aussi produit en collaboration avec le neurologue sovieacutetique LURIA une classification des aphasies fondeacutees sur des critegraveres cliniques et linguistiques ces derniers eacutetant dominants Ainsi JAKOBSON (1973 30) explique que son point de vue sur les symptocircmes patholinguistiques est influenceacute en tout premier lieu par la linguistique

laquo Je me limiterai strictement aux observations linguistiques des seuls faits linguistiques [hellip] Eacutetant donneacute que lrsquoexpression verbale deacutefectueuse tout comme lrsquoexpression verbale elle-mecircme concerne agrave lrsquoeacutevidence le domaine de la linguistique on ne peut trouver la clef

17 Pour une revue de litteacuterature plus reacutecente tregraves syntheacutetique et plutocirct exhaustive des travaux publieacutes entre les anneacutees 1970 et 1995 voir KEAN (1995) 18 Theacuteorie selon laquelle une pathologie serait le reacutesultat drsquoune dissolution des laquo capaciteacutes supeacuterieures raquo apparues plus tard dans lrsquoontogeacutenegravese et dans la phylogenegravese qui interviendrait en premier lieu puis interviendrait ensuite la dissolution des capaciteacutes apparues dans les stades primaires de deacuteveloppement 19 La traduction franccedilaise de Langage Enfantin et Aphasie datant de 1969 (Editions de Minuit) reacuteunit cinq publications reacutealiseacutees entre 1941 et 1964

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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de voucircte des laquo symptocircmes les plus frappants raquo [citant une formule de JACKSON 1958] de lrsquoaphasie sans le cadre et la vigilante assistance de la linguistique raquo20

La seacutemiologie des aphasies issue de la collaboration entre le linguiste JAKOBSON (1963 1973) et le neurologue LURIA repose sur la classique dichotomie saussurienne entre les axes paradigmatique (ou de la simultaneacuteiteacute) et syntagmatique (ou de la successiviteacute) drsquoun systegraveme linguistique donneacute Selon DE SAUSSURE (1916 170-175) les relations qui organisent le systegraveme de signes (la langue) srsquoarticulent sur deux axes actualisant ainsi des rapports syntagmatiques et des rapports associatifs (ou paradigmatiques) entre les signes La deacutemarche structurale envisage son objet linguistique que ce soit au niveau de la langue ou de la parole tel un organisme qui preacutesente des caracteacuteristiques propres de fonctionnement interne Les rapports paradigmatiques et syntagmatiques constituent ainsi la laquo charpente raquo de cet organisme ougrave les eacuteleacutements qui le structurent intrinsegravequement sont les signes

Ainsi les six types drsquoaphasies identifieacutees dans la classification de JAKOBSON et de LURIA sont caracteacuteriseacutees suivant qursquoelles relegravevent drsquoun laquo trouble de la similariteacute raquo (ou trouble de la seacutelection des eacuteleacutements linguistiques de la phrase suivant lrsquoaxe paradigmatique) ou drsquoun laquo trouble de la contiguiumlteacute raquo ougrave les relations de contiguumliteacute entre les eacuteleacutements linguistiques de la phrase seraient dissoutes (ou trouble de la combinaison suivant lrsquoaxe syntagmatique) Lrsquoaphasie de Broca appeleacutee aussi aphasie laquo effeacuterente raquo serait donc la conseacutequence drsquoun trouble de la contiguumliteacute21

Cette description de symptocircmes est pourvue drsquoun tregraves fort a priori theacuteorique (comme drsquoautres plus reacutecentes nous le verrons plus tard) Srsquoil est possible de caracteacuteriser certains cas drsquoaphasie en accord avec la taxonomie geacuteneacuterale des aphasies ainsi proposeacutee la majoriteacute des cas toutefois preacutesentent des co-occurrences de symptocircmes allant agrave lrsquoencontre du modegravele

En outre si lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute srsquoappuie sur une meacutethode descriptive tregraves rigoureuse des pheacutenomegravenes elle ne nous semble pas pour autant deacutelivrer de reacuteelles explications sur le trouble cognitif sous-jacent

2322 Lrsquohypothegravese de la saillance

GOODGLASS (1973 203) remarque que lrsquoagrammatique a tendance en geacuteneacuteral agrave reacuteduire les phrases agrave quelques mots et agrave les commencer par un mot accentueacute Le fait de commencer la seacutequence par un mot accentueacute permettrait donc drsquoinitier le flux verbal et en cela de commencer agrave formuler un eacutenonceacute Cependant lrsquoagrammatique serait incapable de poursuivre la formulation des phrases jusqursquoau bout crsquoest pourquoi elles sont reacuteduites agrave quelques mots Pour lui cette reacuteduction de la longueur des phrases traduit lrsquoimpossibiliteacute pour lrsquoaphasique de maintenir le flux de la parole sur des phrases plus longues

20 Notre propre traduction 21 Opposeacute au trouble de la similariteacute dans lrsquoaphasie de Wernicke

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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En conseacutequence le discours agrammatique serait caracteacuteriseacute en particulier par des seacutequences de mots courtes chacune centreacutee autour drsquoun eacuteleacutement verbal saillant et avec tregraves rarement plus drsquoun morphegraveme inaccentueacute aux abords immeacutediats de celui-ci GOODGLASS pense donc que le deacuteficit sous-jacent correspond agrave une augmentation du niveau seuil de la saillance accentuo-prosodique des eacuteleacutements linguistiques requis pour formuler une phrase saillance neacutecessaire agrave lrsquoinitiation et au maintien du flux verbal lors de la formulation drsquoune phrase Selon lui certains patients agrammatiques placeraient strateacutegiquement un mot saillant en position sujet en tecircte de phrase drsquoautant que la reacutepeacutetition de phrase comme He canrsquot swim semble plus probleacutematique que This guy canrsquot swim ougrave this est plus saillant que he

Drsquoautre part lrsquoemploi freacutequent drsquoadjectifs numeacuteraux en lieu et place de deacuteterminants non accentueacutes sont un moyen pour lrsquoagrammatique drsquoacceacuteder au niveau de saillance suffisant pour initier la seacutequence de mots (tel que par exemple la seacutequence trois jeunes filles corpus de SB_agr Tableau 2 p 27)

De plus des tests de reacutepeacutetition de phrases en anglais avec manipulation de la place de lrsquoaccent ont pu montrer que la reacutepeacutetition des mots grammaticaux non accentueacutes eacutetait faciliteacutee lorsque le mot eacutetait en position meacutediane dans la phrase agrave reacutepeacuteter alors que les omissions eacutetaient quasi-systeacutematiques lorsque le mot eacutetait en position initiale de phrase

Aussi GOODGLASS (1973 211) nrsquoassocie pas lrsquoagrammatisme au symptocircme de perturbation de lrsquoordre des mots Pour lui si les mots fonctions sont perturbeacutes et ce de maniegravere variable suivant la structure accentuelle de la phrase cela srsquoexplique par un deacuteficit sous-jacent plus profond et structural qui impliquerait la saillance des eacuteleacutements linguistiques si lrsquoon conccediloit un modegravele de la phrase ougrave ses petits eacuteleacutements grammaticaux sont peu saillants par rapport agrave drsquoautres uniteacutes lexicales accentueacutees plus saillantes Tout comme lrsquohypothegravese de la contiguumliteacute (JAKOBSON voir au point preacuteceacutedent 2321 p 34) lrsquohypothegravese de la saillance plaide en faveur drsquoune explication fondeacutee sur un modegravele structural de la phrase

2323 Lrsquohypothegravese des frontiegraveres phonologiques

Lrsquohypothegravese phonologique proposeacutee par KEAN (1977 1978 1979 ) a fait couler beaucoup drsquoencre Cette hypothegravese est deacuteriveacutee drsquoun modegravele repreacutesentationnel de la phrase issu des travaux en syntaxe et en phonologie geacuteneacuterative (dans la ligneacutee de la theacuteorie standard drsquoinspiration chomskyenne)

Ce modegravele pose que la structure syntaxique de la phrase (Surface-Structure ou S-Structure) est notamment actualiseacutee par les frontiegraveres phonologiques accentuelles srsquoappliquant aux clitiques phonologiques ou aux mots phonologiques Combineacutees agrave lrsquoapplication de regravegles de reacuteajustement (Readjustment Rules) ces frontiegraveres assigneacutees suivant la S-Structure correspondent ainsi aux proprieacuteteacutes syntactico-accentuelles de la structure phonologique de la phrase

Partant de lagrave la suppression de certains morphegravemes grammaticaux qui sont pour lrsquoessentiel des clitiques phonologiques (phonological clitics ou P-clitics soit des mots fonctions tels que

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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les articles ou les auxiliaires les affixes flexionnels telles que la flexion verbale -ed ou -s du pluriel et deacuterivationnels tels que -ness -ful ou un-) aboutiraient agrave la preacuteservation des seuls mots phonologiques ou P-words de la phrase

En reacutealiteacute cette hypothegravese repose sur une dichotomie postuleacutee entre la cateacutegorie des clitiques phonologiques (mots grammaticaux) et celle des mots phonologiques (mots contenus) laquo les mots phonologiques drsquoune phrase tendent agrave ecirctre preacuteserveacutes dans lrsquoagrammatisme toute chose eacutegale par ailleurs raquo

Lrsquohypothegravese de la reacutealisation des regravegles de reacuteajustement phonologique lieacutee agrave lrsquoassignation de frontiegraveres fut le foyer des maintes critiques LAPOINTE (1983) pour nrsquoen citer qursquoune (voir entre autres KOLK 1978 et PILLON 1987) critique son caractegravere radical et exclusif alors que des faits peuvent ne pas en confirmer la validiteacute notamment ce qui a trait agrave lrsquoinstabiliteacute des perturbations observeacutees en surface En effet tous les morphegravemes non marqueacutes par une frontiegravere phonologique ne sont pas forceacutement affecteacutes Il oppose de plus un seacuterieux contre-argument meacutetatheacuteorique sur la validiteacute mecircme du modegravele geacuteneacuteratif de reacutefeacuterence sur lequel srsquoappuie lrsquohypothegravese

Selon lrsquohypothegravese phonologique le modegravele de GARRETT22 pourrait ecirctre affineacute en y inteacutegrant lrsquoapplication des R-rules pour arriver au niveau de repreacutesentation phonologique Le niveau de repreacutesentation phonologique serait ainsi drsquoabord conditionneacute par le niveau de repreacutesentation positionnelle (crsquoest-agrave-dire drsquoagencement syntaxique) correspondant agrave une eacutetape anteacuterieure de lrsquoencodage de la phrase agrave produire

2324 Lrsquohypothegravese de lrsquoaccegraves morpho-lexical

Une autre hypothegravese explicative lrsquohypothegravese lexicale proposeacutee par BRADLEY et al (1980) repose sur la dichotomie traditionnellement opeacutereacutee entre les laquo mots de classe ouverte raquo (les substantifs les verbes les adjectifs les adverbes) et les laquo mots de classe fermeacutee raquo (tous les autres qui font partie drsquoun ensemble fini les conjonctions les deacuteterminants les pronoms les preacutepositions les marques verbales de temps aspect mode les marques nominales de genre nombre cas hellip)

Pour ces auteurs les alteacuterations agrammatiques du comportement langagier en production et en compreacutehension feraient suite agrave laquo un dysfonctionnement au niveau du systegraveme speacutecialiseacute pour la reacutecupeacuteration des mots de classe fermeacutee raquo (citeacutes par KOLK et BLOMERT 1985) Une des voies drsquoaccegraves au stock lexical ou lexique mental serait speacutecifique agrave la reacutecupeacuteration des morphegravemes grammaticaux et preacutesenterait donc un dysfonctionnement agrave lrsquoorigine du trouble

22 Nous preacutesentons le modegravele au point 301 p 79

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Drsquoautre part drsquoapregraves le modegravele de GARRETT la planification syntaxique de la phrase agrave produire est reacutealiseacutee par lrsquoeacutetablissement de laquo cadres syntaxiques raquo (au niveau positionnel) planification qui serait eacutetroitement conditionneacutee par la reacutecupeacuteration des eacuteleacutements de classe fermeacutee les flexions et mots grammaticaux (BRADLEY et al 1980 citeacutes par SCHWARTZ et al 1985 96-98) Ce serait donc lrsquoalteacuteration du dispositif drsquoaccegraves aux mots grammaticaux qui serait agrave lrsquoorigine des perturbations morphologiques et ou syntaxiques en cause dans lrsquoagrammatisme (BRADLEY et al 1980 citeacutes par PILLON et NESPOULOUS 1994 395) En conseacutequence le dysfonctionnement impliquerait les processus opeacuterationnels au niveau du mot et ne serait donc pas speacutecifique agrave la repreacutesentation syntaxique de la phrase tel que cela est avanceacute par les deacutefenseurs des hypothegraveses syntaxiques (exposeacutees au point 2326 p 40) ou de lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques (voir ci-apregraves point 2325)

De toutes les hypothegraveses explicatives fondeacutees sur une caracteacuterisation linguistique des pheacutenomegravenes celle-ci integravegre le plus la notion de processus de traitement attacheacute agrave la reacutecupeacuteration des morphegravemes grammaticaux pour leur insertion dans la matrice syntaxique (niveau de repreacutesentation positionnelle dans le modegravele de GARRETT) Cependant lorsqursquoon est confronteacute aux donneacutees agrammatiques tous les morphegravemes grammaticaux ne sont pas forceacutement absents (comme nous lrsquoavons vu au point 21 p 26) Cette hypothegravese fondeacutee sur la dichotomie entre cateacutegories de mots de classe ouverte et de classe fermeacutee preacutesente donc eacutegalement des limites

2325 Lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques mapping hypothesis

Un test de production de phrases et deux tests drsquoordonnancement de fragments de phrases drsquoapregraves des images impliquant le placement univoque de SN-Sujets Objets Directs ou Indirects (SP) suivant une preacutedication et une matrice syntaxique cibles furent eacutelaboreacutes par SAFFRAN et al (1980) Pour chaque test les SN agrave choisir et agrave inteacutegrer dans la phrase cible eacutetaient manipuleacutes du point de vue des traits seacutemantiques ltanimeacutegtltinanimeacutegt Il srsquoagissait de formuler des relations preacutedicatives drsquoactions (le garccedilon pousse la fillele wagon) ou des relations locatives (le chienle stylo est sous la table)

Les patients produisaient en geacuteneacuteral plus drsquoerreurs de placement des SN dans la structure cible lorsque les phrases eacutetaient reacuteversibles que ce soit pour les relations drsquoactions ou locatives (crsquoest-agrave-dire dans les structures cibles de type le garccedilon pousse la fille ou le stylo est sous la table) De plus les erreurs eacutetaient plus freacutequentes dans la condition ougrave une action impliquait de placer un SN ayant pour trait seacutemantique ltinanimeacutegt en position sujet

Pour les auteurs les reacutesultats montrent que les agrammatiques manifestent des difficulteacutes lors de lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques et une tendance agrave privileacutegier le placement des SN ayant pour trait ltanimeacutegt en position sujet de la phrase agrave produire du fait de leur laquo saillance cognitive raquo et non linguistique (crsquoest-agrave-dire en termes de structuration informationnelle de la phrase)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Cela permet de formuler lrsquohypothegravese drsquoun laquo deacuteficit syntaxique profond qui affecte mecircme les eacutetapes initiales de la production du langage raquo soit lrsquoeacutetape drsquoencodage des relations fonctionnelles selon le modegravele de GARRETT (1975 1980) et non une eacutetape plus tardive de reacutealisation phonologique telle que le preacutevoyait lrsquohypothegravese de KEAN (voir au 2323 p 36) Ainsi selon la mapping hypothesis lrsquoagrammatisme serait donc le reacutesultat drsquoun deacuteficit structural impliquant le niveau de repreacutesentation fonctionnel de la phrase et affectant parallegravelement la compreacutehension et la production

Par ailleurs SAFFRAN et al (1980) reacutefutent lrsquohypothegravese formuleacutee par MARSHALL (1977) selon laquelle laquo lrsquoeacutelaboration de lrsquoarbre syntaxique srsquoarrecircterait agrave une eacutetape anteacuterieure agrave lrsquoexpansion des nœuds speacutecifiant la seacutelection des morphegravemes grammaticaux adeacutequats raquo en soutenant que la structure profonde23 dont la mise en place est posteacuterieure agrave lrsquoeacutetape drsquoencodage des relations fonctionnelles est indemne

Drsquoapregraves les travaux de SCHWARTZ et al (1980) concernant la compreacutehension de phrases les sujets agrammatiques se sont montreacutes capables drsquoidentifier les phrases grammaticales versus agrammaticales dans une tacircche de jugement de grammaticaliteacute en deacutepit de leur agrammatisme expressif et de leur compreacutehension asyntaxique

De plus toujours par des tacircches de jugement de grammaticaliteacute LINEBARGER et al (1983 citeacutees par PILLON 1987) ont deacutemontreacute que certaines aptitudes syntaxiques eacutetaient preacuteserveacutees telles que la conscience des exigences de sous-cateacutegorisations la sensibiliteacute aux mots fonctions et la manipulation de deacutependances syntaxiques discontinues ce qui les conduit agrave ne pas retenir lrsquohypothegravese drsquoun deacuteficit sous-jacent drsquoorigine syntaxique Drsquoautre part des tests de manipulation de lrsquoordre canonique des mots qui traduit lrsquoorganisation informationnelle de la phrase (crsquoest-agrave-dire lrsquoassignation des rocircles theacutematiques aux arguments) peuvent mettre en eacutevidence des difficulteacutes de mapping des rocircles theacutematiques sur les arguments de la phrase

Ainsi la mapping hypothesis (autrement dit lrsquohypothegravese de lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques ou du positionnement des rocircles seacutemantiques) avance que lrsquoagrammatisme observeacute en compreacutehension et en production ne serait pas lieacute agrave un deacuteficit de parsing de la repreacutesentation syntaxique per ser comme lrsquoaffirment ZURIF et al (1972) CARAMAZZA et ZURIF (1976) ou GRODZINSKY (voir ci-dessous) mais agrave des difficulteacutes drsquoexploitation de la repreacutesentation syntaxique qui impliquent lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques aux eacuteleacutements syntaxiques de la phrase En effet ces difficulteacutes se traduiraient par le caractegravere inopeacuterant des meacutecanismes (1) de mapping des proprieacuteteacutes seacutemantiques drsquoune structure preacutedicative impliquant des arguments (2) drsquoassignation des rocircles theacutematiques et drsquointerpreacutetation qui en deacutecoulent (agrave distinguer donc des processus de parsing qui eux sont preacuteserveacutes)

23 Il srsquoagit de la deep structure en grammaire geacuteneacuterative correspondant au niveau de repreacutesentation positionnelle selon le modegravele de GARRETT (voir au point 301 p 79)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Cette hypothegravese a trouveacute un prolongement applicatif en reacuteeacuteducation la mapping therapy (BYNG et BLACK 1989 SCHWARTZ et al 1994) Elle oriente la reacuteeacuteducation vers un entraicircnement agrave la manipulation des rocircles seacutemantiques assigneacutes aux constituants drsquoune phrase afin de permettre au patient drsquoexercer ses capaciteacutes drsquoexploitation des proprieacuteteacutes seacutemantiques lieacutee agrave une structure preacutedicative donneacutee pour acceacuteder agrave sa structure syntaxique (voir aussi LINEBARGER 1998)

2326 Les hypothegraveses syntaxiques

(a) Deacuteficit lieacute au traitement de la repreacutesentation syntaxique

Drsquoapregraves CARAMAZZA et ZURIF (1976 citeacutes par PILLON 1996 89) lrsquoagrammatique ne preacutesente pas seulement un trouble de lrsquoexpression mais aussi une perturbation de la compreacutehension syntaxique En effet les donneacutees expeacuterimentales leur permettent de conclure que les agrammatiques produisent plus freacutequemment des erreurs drsquoappariement stimulus phrastique stimulus imageacute lorsqursquoil srsquoagit de comprendre une phrase reacuteversible

Plus preacuteciseacutement CARAMAZZA et ZURIF (1976 citeacutes par PILLON et NESPOULOUS 1994 394 et par PILLON 1996 89) ont proposeacute agrave des agrammatiques un test de compreacutehension de phrases contenant une subordonneacutee relative objet ougrave il eacutetait question drsquoapparier correctement une phrase telle que The boy the girl is chasing is tall (reacuteversible) ou The apple the dog is eating is red (irreacuteversible) avec le stimulus visuel adeacutequat proposeacute parmi plusieurs stimuli repreacutesentant des configurations diverses Ils en ont conclu que lrsquointerpreacutetation des phrases irreacuteversibles (le deuxiegraveme type de phrase) conditionneacutee par lrsquoassignation adeacutequate des rocircles theacutematiques malgreacute lrsquoenchacircssement syntaxique nrsquoeacutetait pas probleacutematique

Agrave lrsquoinverse concernant les phrases reacuteversibles (le premier type de phrase ougrave les rocircles theacutematiques pouvaient srsquoinverser du fait de lrsquoidentiteacute du trait seacutemantique lt+ - animeacutegt des items lexicaux manipuleacutes) et concernant les phrases improbables les reacuteponses eacutetaient donneacutees au hasard Cette eacutetude a deacutemontreacute que le traitement syntaxique de la repreacutesentation sous-jacente avec enchacircssement impliquant la succession lineacuteaire de deux SN en surface eacutetait inopeacuterant chez les patients testeacutes En effet alors que lrsquointerpreacutetation ne peut srsquoappuyer sur les indices lexico-seacutemantiques seulement le traitement syntaxique requis pour acceacuteder agrave la repreacutesentation syntaxique de la phrase leur posait problegraveme

Pour BERNDT et CARAMAZZA (1980) drsquoapregraves de telles donneacutees qui prouvent la compreacutehension asyntaxique il est leacutegitime de penser que lrsquoagrammatisme traduirait un deacuteficit structural de nature syntaxique affectant parallegravelement la production et la compreacutehension et en vertu duquel la repreacutesentation syntaxique de la phrase serait inopeacuterante pendant les traitements drsquoencodage et de deacutecodage

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Drsquoapregraves le modegravele de GARRETT le deacuteficit sous-jacent serait donc agrave mettre sur le compte du niveau de repreacutesentation positionnelle car crsquoest lrsquoanalyseur syntaxique (parser) qui serait agrave lrsquoorigine du trouble

(b) Deacuteficit lieacute aux traces des structures syntaxiques trace-deletion hypothesis (TDH) trace-based account (TBA)

Lrsquohypothegravese de la deacuteleacutetion des traces (trace-deletion hypothesis TDH) formuleacutee par GRODZINSKY (1984 1986 1995 GRODZINSKY et al 1985) srsquoinscrit tregraves explicitement dans le courant de la grammaire geacuteneacuterative dont le chef de fil est CHOMSKY (1957 [1969] 1965 [1971]) et dans une conception modulaire des aptitudes cognitives (FODOR 1986) Elle postule que laquo la proprieacuteteacute la plus fondamentale du langage est sa structure plutocirct que son usage dans une varieacuteteacute de situations raquo24 (GRODZINSKY 1984) La syntaxe est autonome et constitue un module de traitement indeacutependant (processing device) gouvernant lrsquoactiviteacute langagiegravere dans son ensemble

Cette hypothegravese qui est deacuteriveacutee de la theacuteorie du gouvernement et du liage et de celle des principes et des paramegravetres (CHOMSKY 1981 citeacute par GRODZINSKY 1995) avance que les traces sont supprimeacutees de la repreacutesentation et qursquoune strateacutegie cognitive ameacuteliore les performances du patient Ainsi la deacuteleacutetion des traces est la conseacutequence drsquoun deacuteficit structural syntaxique qui affecte parallegravelement les deux versants de lrsquoactiviteacute langagiegravere la production et la compreacutehension (GRODZINSKY 1984)

Plus tard la mecircme hypothegravese propose que le deacuteficit recouvre deux patrons de perturbations diffeacuterents selon qursquoon se place du point de vue de la compreacutehension ou de la production (GRODZINSKY 1986) Cette hypothegravese avance par ailleurs que agrave travers lrsquoaphasie agrammatique laquo le substrat neuronal de la capaciteacute syntaxique humaine raquo25 (GRODZINSKY 1995 28) peut ainsi srsquoenvisager Le deacuteficit est ainsi reacuteputeacute structural et de nature syntaxique mais il faut lrsquoattribuer agrave un certain type de computations syntaxiques en lrsquooccurrence celles qui sont lieacutees aux deacuteplacements syntaxiques et aux traces (movements et traces)

Drsquoapregraves les donneacutees empiriques disponibles en compreacutehension de phrases GRODZINSKY (1995 31-33 citant divers travaux) induit que certains aspects linguistiques sont preacuteserveacutes tels que

les aspects syntaxiques et lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques de la phrase simple et active des points de vue de la construction de la structure preacutedicative et argumentale (citant LAPOINTE 1985 SHAPIRO et al 1993) de la deacutetection de violations grammaticales

24 laquo Current cognitive theories [] maintain that the most central property of language is its structure [] rather than the fact that it can be practiced in a variety of ways raquo (GRODZINSKY 1984 136) 25 Selon nous laquo capaciteacute syntaxique raquo est employeacute ici comme synonyme de laquo compeacutetence syntaxique raquo en termes chomskyens

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(citant LINEBARGER et al 1983) de lrsquoassignation des rocircles theacutematiques (Theta- ou Θ-role assignment citant SCHWARTZ et al 1987) de lrsquoassignation des cas etc

les aspects lexicaux les capaciteacutes de deacutetection de violations de proprieacuteteacutes lexicales de sous-cateacutegorisation demeurent intactes (citant LINEBARGER et al 1983)

le liage (citant GRODZINSKY et al 1993)

Par contre drsquoapregraves GRODZINSKY (1995 32) il semble que le laquo domaine raquo ou laquo module raquo syntaxique actualisant le deacuteplacement drsquoun argument (movement) soit deacuteficitaire dans le cas de phrases passives (du type The boy was pushed by the girl) et de phrases avec une subordonneacutee dont lrsquoanteacuteceacutedent est Objet (du type The boy who the girl pushed was tall) ou avec cliveacutee (du type It is the boy who the girl pushed)

Ainsi les deacuteplacements syntaxiques (syntactic movements) semblent preacutesenter une difficulteacute speacutecifique en compreacutehension chez lrsquoagrammatique ce que GRODZINSKY (1995 33) explique de la sorte

laquo Toutes les traces de deacuteplacements sont effaceacutees de la repreacutesentation en structure de surface En conseacutequence la transmission des rocircles theacutematiques aux constituants deacuteplaceacutes normalement actualiseacutee par la chaicircne que les traces et ses anteacuteceacutedents constituent ne peut srsquoopeacuterer raquo26

Crsquoest donc les structures qui contiennent des traces qui sont perturbeacutees en particulier drsquoougrave la deacutenomination laquo trace-deletion hypothesis raquo27 Drsquoautre part la TDH est compleacuteteacutee par lrsquohypothegravese de la laquo strateacutegie par deacutefaut raquo (default strategy) selon laquelle les agrammatiques ont tendance agrave appliquer le rocircle drsquoAgent au SN placeacute en tecircte de phrase passive ce qui traduit le fait que lrsquoagrammatique est incapable de deacuteterminer lrsquoAgent drsquoune action donneacutee lorsqursquoun deacuteplacement doit srsquoopeacuterer

Motiveacutees par de nouvelles donneacutees agrammatiques et surtout par la remise agrave jour des perspectives analytiques du courant geacuteneacuterativiste des reacutevisions et restrictions de la TDH28 seront formuleacutees (voir GRODZINSKY 1995 36-49 GRODZINSKY 1998) pour laisser place agrave une hypothegravese plus souple et restrictive la TBA (trace-based account) et la R-Strategy (referential strategy)29 Drsquoautres travaux tels que ceux de HICKOCK et al (1993)

26 Notre propre traduction laquo [] it was assumed that in agrammatism all traces of movement are deleted from S-structure representation As a consequence Θ-role transmission to moved constituents normally mediated by the chain that the trace and its antecedent constitute [] cannot take place raquo (GRODZINSKY 1995 33) 27 Cette hypothegravese est deacutenommeacutee aussi laquo chain-disruption hypothesis raquo (LINEBARGER 1995) 28 Une revue approfondie de lrsquoeacutevolution de cette theacuteorie neacutecessiterait de disposer de tous les outils et concepts analytiques mis au point par les theacuteoriciens de la grammaire geacuteneacuterative et de ses prolongements jusqursquoau programme minimaliste Il nrsquoen sera aucunement question ici drsquoautant que lrsquoapproche propre agrave notre probleacutematique de lrsquoadaptation se distingue de lrsquoapproche geacuteneacuterativiste trop eacuteloigneacutee nous semble-t-il de la question de la variabiliteacute des faits linguistiques 29 Pour une critique plus pousseacutee et technique de cette hypothegravese et de ses prolongements voir LINEBARGER (1995 60-77) Drsquoapregraves elle les interpreacutetations invoquant la rupture de la chaine (chain-disruption accounts)

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HICKOK et AVRUTIN (1995) ou RUIGENDIJK et al (2006) pour nrsquoen citer que quelques-uns dans la mecircme veine alimentent les deacutebats entre linguistes geacuteneacuterativistes teacutemoignant un inteacuterecirct particulier pour la compreacutehension de phrases dans lrsquoagrammatisme

Agrave la diffeacuterence des autres hypothegraveses linguistiques exposeacutees jusqursquoagrave preacutesent lrsquohypothegravese syntaxique formuleacutee dans le cadre du modegravele geacuteneacuteratif ne pose pas de lien explicite avec quelque modegravele de la performance psycholinguistique Cette hypothegravese (ainsi que ses prolongements voir ci-apregraves) trouve son adeacutequation psychologique et mecircme neurobiologique dans le cadre theacuteorique de la grammaire universelle qui postule que lrsquoexistence drsquoun module syntaxique autonome est agrave la base de lrsquoeacutemergence de la compeacutetence syntaxique et de la faculteacute de langage En partie 31 (p 90) nous discuterons plus en deacutetail des problegravemes poseacutes par lrsquoadoption drsquoun tel cadre theacuteorique et analytique et donc des enjeux theacuteoriques poseacutes par lrsquoeacutetude de la performance pathologique

(c) Deacuteficit lieacute aux nœuds des arbres syntaxiques tree-pruning hypothesis (TPH)

Lrsquohypothegravese de la troncation de lrsquoarbre syntaxique (tree pruning hypothesis - TPH - FRIEDMANN et GRODZINSKY 1997 FRIEDMANN 2000 FRIEDMANN 2001 FRIEDMANN 2002) est comme celle de GRODZINSKY marqueacutee par les principes drsquoanalyse issus de la syntaxe geacuteneacuterative30 Il est postuleacute que au sein de la repreacutesentation en arbre de la phrase certains nœuds de la repreacutesentation de certaines cateacutegories fonctionnelles seraient endommageacutes en particulier le Temps (pour la flexion temporelle Tense node) lrsquoAccord (pour la flexion drsquoaccord Agreement node) et les Compleacutementeurs (pour la syntaxe des phrases interrogatives en particulier Complementizer node)

Lrsquoagrammatique nrsquoest alors plus capable drsquoappliquer les regravegles de projection de cateacutegories fonctionnelles au-dessus des nœuds endommageacutes dans lrsquoarbre syntaxique Eacutetant donneacute le rocircle crucial des tecirctes dans la projection de nœuds supeacuterieurs la TPH suggegravere que lorsqursquoun nœud est endommageacute lrsquoarbre est tronqueacute agrave partir de ce nœud et les nœuds supeacuterieurs sont aussi endommageacutes

De ce fait les degreacutes de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit agrammatique srsquoexpliquent par les sites des nœuds endommageacutes lorsqursquoun patient manifeste un deacuteficit tregraves seacutevegravere le nœud endommageacute est situeacute bas dans lrsquoarbre syntaxique (le nœud Temps) ce qui affecte tous les noeuds situeacutes au-dessus et donc une plus grande partie de lrsquoarbre syntaxique est inaccessible Lorsque le deacuteficit est moins seacutevegravere le nœud endommageacute est situeacute tregraves haut ce qui affecte moins de nœuds situeacutes au-dessus (le nœud Compleacutementeur) De la sorte si le nœud Temps est endommageacute alors les nœuds Compleacutementeurs le sont tout naturellement et si le nœud Compleacutementeur est endommageacute cela nrsquoaffectera pas le nœud Temps

pour expliquer lrsquoappauvrissement de la structure syntaxique ne suffisent pas agrave expliquer les perturbations ou les preacuteservations des structures dans la compreacutehension asyntaxique 30 En particulier par le modegravele de POLLOCK (1989)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Aussi le modegravele preacutedit que la troncation de lrsquoarbre suivant un certain nœud affecte toutes les structures deacutependantes du nœud impliqueacute En effet lorsque le nœud Temps est affecteacute tous les nœuds qui en deacutependent la flexion temporelle les copules les pronoms sujets le sont aussi

Des hypothegraveses similaires formuleacutees par RIZZI (1994 citeacute par FRIEDMANN 1997 2002) et HAGIWARA (1995 citeacute par FRIEDMANN 2002) viennent appuyer ce modegravele

Drsquoautre part des donneacutees empiriques disponibles peuvent ecirctre interpreacuteteacutees suivant le modegravele Par exemple NESPOULOUS et al (1988 1990 citeacutes par FRIEDMANN 1997 418) montrent que M Clermont a des difficulteacutes agrave produire les verbes copules et auxiliaires et nrsquoemploie aucun temps verbal composeacute ni subordonneacutee attacheacutee agrave un verbe Cependant aucune erreur de flexion nrsquoest releveacutee traduisant le fait que le nœud Accord est intact Suivant le modegravele de FRIEDMANN lrsquoarbre syntaxique de M Clermont serait donc endommageacute au niveau du nœud Temps ce qui permet drsquoexpliquer que les repreacutesentations des verbes copules des verbes auxiliaires et des flexions temporelles soient perturbeacutees laissant indemne lrsquoapplication des regravegles drsquoAccord De plus lrsquoabsence de subordonneacutees traduit la perturbation du nœud Compleacutementeur situeacute dans lrsquoarbre syntaxique au-dessus du nœud Temps

La TPH peut se reacutesumer ainsi (FRIEDMANN 1997 420)

les cateacutegories fonctionnelles C T ou Agr sont sous-speacutecifieacutees dans lrsquoagrammatisme

un nœud sous-speacutecifieacute ne peut se projeter plus haut dans lrsquoarbre syntaxique

Le modegravele de FRIEDMANN a susciteacute quelques reacuteserves

En effet pour KOLK (2006 233) le problegraveme de cette hypothegravese est que la variabiliteacute intra-individus (inconsistency) nrsquoest pas reacuteellement expliqueacutee et mecircme selon nous plutocirct eacuteludeacutee

Drsquoautre part drsquoapregraves ARABATZI et EDWARDS (2002) des tests de manipulation de verbes en production de phrases et lrsquoanalyse des verbes produits en discours continu narratif ont pu mettre en eacutevidence des erreurs drsquoomissions et de substitutions impliquant les flexions verbales en anglais dans des contextes divers (dans les phrases deacuteclaratives mais aussi apregraves une neacutegation) Ni les patrons drsquoerreurs ni les variabiliteacutes inter-individus et inter-tacircches observeacutes dans divers cas dagrammatisme ne peuvent confirmer les preacutedictions de la TPH ARABATZI et EDWARDS (2002) rejettent donc la TPH pour plaider en faveur drsquoune perturbation des processus drsquoimpleacutementation de la grammaire (du point de vue des regravegles drsquoapplication de la morphologie flexionnelle verbale) en soulignant le fait que les cateacutegories fonctionnelles (Temps Accord) sont bien preacutesentes dans lrsquoagrammatisme et non dissoutes

Aussi ces auteurs formulent un contre-argument de nature logique si les troncations des arbres syntaxiques pouvaient reacuteellement ecirctre agrave lrsquoorigine des performances agrammatiques du point de vue des flexions verbales les verbes en anglais seraient alors systeacutematiquement mal fleacutechis Pourtant de nombreux travaux ont mis en valeur lrsquoinstabiliteacute des performances agrammatiques Et de ce point de vue la variabiliteacute des performances indiquerait plutocirct que

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certains meacutecanismes de flexions et certaines regravegles de structuration syntaxique seraient appliqueacutes de faccedilon optionnelle dans la production ce qui va plutocirct dans le sens de la theacuteorie de lrsquoadaptation en contradiction avec lrsquohypothegravese drsquoune incapaciteacute syntaxique structurale

Comme pour la TDH (voir supra) la TPH recherche naturellement une adeacutequation psychologique dans le cadre geacuteneacuterativiste et ne se reacutefegravere pas explicitement agrave quelque modegravele de la performance psycholinguistique

233 Lrsquoagrammatisme trouble central ou seacutelectif

SALOMON (1914) et ISSERLIN (1922) citeacutes par GOODGLASS (1973 187) opegraverent une dissociation entre expression et compreacutehension Pour MICELI et al (1983) le trouble de la compreacutehension peut srsquoaveacuterer chez certains patients agrammatiques mais lrsquoagrammatisme purement expressif existe aussi

NESPOULOUS et al (1988) et NESPOULOUS et al (1989) reportent un cas drsquoagrammatisme (M Clermont) sans trouble de la compreacutehension que ce soit dans des tacircches de compreacutehension orale ou eacutecrite ou dans des tacircches de jugement de grammaticaliteacute mesurant les capaciteacutes meacutetalinguistiques En effet les auteurs ont pu montreacute que bien que la production de discours continu et de phrases soit agrammatique les laquo connaissances abstraites - la compeacutetence linguistique raquo sont toujours opeacuterationnelles (les reacutesultats aux tests de jugement de grammaticaliteacute sont laquo parfaits raquo)

Aussi seraient impliqueacutees les capaciteacutes de traitement attentionnel des mots grammaticaux dans les processus de deacutecodage la reacutepeacutetition et la lecture de mots grammaticaux isoleacutes sont laquo totalement eacutepargneacutees raquo alors que leur lecture en contexte phrastique est laquo massivement deacuteficitaire raquo mais moins probleacutematique lorsque la lecture des mots grammaticaux en contexte phrastique est orienteacutee par un moyen de focaliser lrsquoattention

Drsquoautre part les auteurs en concluent que M Clermont ne preacutesente pas de deacuteficit particulier qui affecterait lrsquoencodage de la syntaxe de la phrase En effet dans une tacircche drsquoanagrammes phrastiques ougrave le temps consacreacute agrave la formation des phrases est tregraves long seulement deux erreurs de substitution de morphegravemes sont releveacutees Pour eux le trouble agrammatique ne serait associeacute qursquoagrave des symptocircmes expressifs ce qui va dans le sens de lrsquohypothegravese du trouble seacutelectif impliquant seulement lrsquoencodage et ce qui prouverait lrsquoindeacutependance des meacutecanismes de deacutecodage et drsquoencodage de la syntaxe

Drsquoautre part les deux eacutetudes de cas preacutesenteacutees pour le franccedilais dans le recueil du projet CLAS (dont M Clermont NESPOULOUS et al 1990 657) ont permis de conclure que lrsquoagrammatisme nrsquoeacutetait pas le reacutesultat drsquoun deacuteficit central mais qursquoil devait ecirctre imputeacute agrave un dysfonctionnement drsquoun processus psycholinguistique responsable de la production du langage Comme des perturbations eacutequivalentes furent deacutecrites en production de lrsquoeacutecrit et de lrsquooral il semble que le dysfonctionnement en cause impliquerait une eacutetape profonde drsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale si lrsquoon considegravere un modegravele de la production

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laquo normale raquo de phrases tel que celui de GARRETT (1976 1980) crsquoest-agrave-dire le niveau positionnel

Cependant drsquoautres hypothegraveses agrave lrsquoinstar de ZURIF et al (1972) CARAMAZZA et ZURIF (1976) BERNDT et CARAMAZZA (1980) SCHWARTZ et al (1980) LINEBARGER et al (1983) et GRODZINSKY (1984 1986 1995 GRODZINSKY et al 1985) associent lrsquoagrammatisme systeacutematiquement agrave des symptocircmes reacuteceptifs ce qui suggegravere qursquoon aurait plutocirct affaire agrave un trouble central et structural impliquant lrsquoencodage et le deacutecodage de maniegravere parallegravele Drsquoautant que lrsquoideacutee du caractegravere central du trouble est en termes logiques plus en adeacutequation avec les hypothegraveses explicatives dites laquo structurales raquo ou linguistiquement motiveacutees exposeacutees ci-dessus

Preacuteciseacutement sur cette question nous ne sommes pas en mesure de trancher de maniegravere deacutefinitive drsquoautant que la preacutesente eacutetude se focalise exclusivement sur la production orale En effet nous nrsquoavons pas pu eacutevaluer la compreacutehension du langage des participants agrave cette eacutetude31

234 Agrammatisme et paragrammatisme un mecircme deacuteficit

KLEIST (1914 1916 citeacute par TISSOT et al 1973) considegravere que lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme sont deux formes de troubles diffeacuterents du point de vue de la modaliteacute consideacutereacutee mais tregraves proches du point de vue de la qualiteacute des symptocircmes morpho-syntaxiques caracteacuteristiques la premiegravere forme srsquoobserverait dans la reacutegression drsquoune laquo aphasie motrice raquo et la seconde forme dans lrsquolaquo aphasie sensorielle raquo Il ajoute aussi que lrsquoagrammatisme moteur ne srsquoaccompagne pas forceacutement de symptocircmes reacuteceptifs mais que lrsquoagrammatisme sensoriel srsquoaccompagne toujours de symptocircmes expressifs Toujours drsquoapregraves les travaux de KLEIST (citeacute par PILLON et NESPOULOUS 1994 390 drsquoapregraves la traduction de DE BLESER 1987)

laquo Dans le paragrammatisme lrsquoaptitude agrave construire des seacutequences de mots nrsquoest pas alteacutereacutee mais les syntagmes et les phrases sont souvent incorrectement seacutelectionneacutes ce qui provoque des meacutelanges et des contaminations Tregraves souvent les constructions phrastiques demeurent inacheveacutees Lrsquoexpression linguistique nrsquoest pas simplifieacutee il y a plutocirct surproduction de seacutequences de mots avec apparition de phrases confuses et monstrueuses raquo

Ces pheacutenomegravenes paragrammatiques sont typiques de lrsquoaphasie de Wernicke Drsquoapregraves DEacuteMONET et PUEL (1994 348) cette aphasie se traduit par des deacutesordres touchant toutes les composantes du langage la fluiditeacute et lrsquoabondance de la production orale srsquoaccompagnent drsquoune sorte de deacutesinhibition difficilement controcirclable et de multiples deacuteviations phoneacutemiques et lexicales (sans trouble phoneacutetique ou articulatoire) qui peuvent

31 Les participants agrammatiques furent seacutelectionneacutes drsquoapregraves le critegravere dominant selon lequel ils devaient preacutesenter un laquo trouble de lrsquoexpression aveacutereacute avec agrammatisme et une compreacutehension preacuteserveacutee raquo

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donner lrsquoimpression drsquoune jargonaphasie Les perturbations phoneacutemiques se traduisent par des suppressions ajouts substitutions ou deacuteplacements de phonegravemes qui peuvent rendre opaque le mot cible Les paraphasies lexicales peuvent entraicircner des ambiguiumlteacutes et des incoheacuterences seacutemantiques inaccessibles agrave lrsquoauditeur Lorsque les pheacutenomegravenes paraphasiques impliquent les mots grammaticaux on parle alors de paragrammatisme ou de dyssyntaxie ougrave toutefois la formation de phrases complexes nrsquoest pas affecteacutee32 Ce syndrome aphasique tregraves visible sur le plan de la production affecte eacutegalement massivement la compreacutehension du langage

Pour reacutesumer la distinction classique entre les tableaux cliniques de lrsquoaphasie de Broca avec agrammatisme et lrsquoaphasie de Wernicke avec paragrammatisme repose sur les traits symptomatologiques respectifs suivants

au niveau qualitatif omissions versus substitutions

au niveau de la fluence verbale et au niveau quantitatif reacuteduction verbale heacutesitante en segments courts versus logorrheacutee verbale difficile agrave canaliser freacutequence eacuteleveacutee des omissions versus freacutequence eacuteleveacutee des substitutions

au niveau des modaliteacutes symptocircmes exclusivement expressifs versus symptocircmes expressifs et reacuteceptifs

Sans entrer dans les deacutetails il est assez admis aujourdrsquohui que cette dichotomie ne reacutesiste pas agrave lrsquoeacutepreuve de certaines donneacutees qui amegravenent agrave dresser un tableau beaucoup plus nuanceacute des deux types de trouble

Parmi tous les traits distinctifs citeacutes le seul qui reacutesiste encore du point de vue clinique est celui de la non fluence verbale opposeacutee agrave la fluence verbale Par contre les travaux de HEESCHEN (1985) ont montreacute que le trait quantitatif relatif aux diffeacuterences de freacutequences drsquoomissions et de substitutions ne reacutesistait pas Ainsi lrsquohypothegravese de ce dernier constitue une tentative seacuteduisante de remise en cause de la conception dichotomique classiquement admise (voir au point 244 p 73)

Drsquoautre part les descriptions tregraves fines de BUTTERWORTH et HOWARD (1987) citeacutes par PILLON et NESPOULOUS (1994 401) formulent une analogie en termes qualitatifs entre les pheacutenomegravenes paragrammatiques du sujet aphasique et les lapsus du sujet laquo normal raquo qui pourraient srsquoexpliquer par des dysfonctionnements transitoires relatifs aux meacutecanismes de controcircle de lrsquooutput Ces mecircmes auteurs ont eacutegalement observeacute que le discours paragrammatique nrsquoeacutetait pas seulement caracteacuteriseacute par une freacutequence eacuteleveacutee de pheacutenomegravenes para- (substitutions et ajouts) mais que des pheacutenomegravenes a- (omissions) pouvaient eacutegalement y ecirctre deacuteceleacutes

32 Pour une revue deacutetailleacutee de travaux sur les pheacutenomegravenes paragrammatiques ou dyssyntaxiques illustreacutee par de nombreux exemples pour le franccedilais voir notamment PILLON et NESPOULOUS (1994 399-400)

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235 Variabiliteacute inter-langues lrsquoapproche comparative et lrsquoapport des donneacutees translinguistiques

Les donneacutees inter-langues sur lrsquoagrammatisme sont tregraves varieacutees et permettent de relativiser des perceptions et interpreacutetations du trouble souvent trop centreacutees sur une seule langue Voyons cela agrave travers lrsquoexemple du japonais pour commencer puis agrave travers les reacutesultats du projet CLAS

2351 Un exemple lrsquoagrammatisme en Japonais

Parmi le peu drsquoeacutetudes concernant les langues non indo-europeacuteennes lrsquoagrammatisme en japonais apporte un eacuteclairage suppleacutementaire sur la complexiteacute de ses symptocircmes dans une perspective de comparaison inter-langues Le japonais est une langue agglutinante ougrave lrsquoemploi de morphegravemes flexionnels (auxiliaires affixes) est beaucoup plus optionnel qursquoen allemand ou en franccedilais En effet leur absence ne constitue pas forceacutement un manque qui compromet la bonne formation du message srsquoappuyant notamment sur un ordonnancement syntaxique beaucoup plus libre

Or en japonais (drsquoapregraves IMURA 1943 citeacute par PANSE et SHIMOYAMA 1973) lrsquoagrammatisme se caracteacuterise par lrsquoomission de morphegravemes auxiliaires la substitution de marqueurs de cas de conjonctions (des affixes et infixes) lrsquoomission de verbes auxiliaires et de formes verbales de politesse des confusions entre les voies active et passive lrsquoemploi deacuteficient de lrsquoinfinitif et des seacutequences de mots incorrectes

Drsquoapregraves une analyse comparative entre les perturbations observeacutees en japonais et en allemand (PANSE et SHIMOYAMA 1973) il ressort que les perturbations affectent les mecircmes cateacutegories fonctionnelles Les bases lexicales sur lesquelles srsquoagglutinent les morphegravemes auxiliaires en japonais demeurent intacts sauf lorsqursquoun infixe doit srsquoy inseacuterer

En conclusion agrave la question de savoir si lrsquoagrammatisme reacutesulte drsquoun deacuteficit moteur avec pour reacutesultante lrsquoomission des mots redondants non neacutecessaires agrave la compreacutehension drsquoun message ou srsquoil reacutesulte drsquoun deacuteficit drsquoencodage de la grammaire elle-mecircme qui srsquoactualise par la perturbation seacutelective de certains morphegravemes les auteurs privileacutegient la premiegravere hypothegravese

Lrsquoagrammatisme serait alors le reflet drsquoun dysfonctionnement drsquoordre proceacutedural plutocirct que structural touchant la disponibiliteacute ou lrsquoaccessibiliteacute mneacutesique agrave certains morphegravemes (disturbance of mnestic availability)

2352 Le projet CLAS (Cross-Language Aphasia Study)

Drsquoapregraves des analyses systeacutematiques de donneacutees diverses collecteacutees aupregraves drsquoagrammatiques dans quatorze langues diffeacuterentes (en hollandais anglais finnois franccedilais allemand

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heacutebreu33 hindi islandais italien japonais serbo-croate sueacutedois polonais et chinois34) lrsquoapproche comparative translinguistique de lrsquoagrammatisme coordonneacutee par MENN et OBLER (1990) a permis de deacutegager des variabiliteacutes inter-langues et inter-sujets qui viennent confirmer et nuancer les traits deacutefinitoires geacuteneacuteraux relatifs au trouble Drsquoapregraves les auteures certains traits sont plutocirct stables selon les langues tels que

la simplification de la syntaxe la complexification par subordination de proposition est absente les propositions employeacutees sont tregraves reacuteduites en nombre de mots toutefois les mots fonctions sont quand mecircme assez preacutesents dans toutes les langues

les eacuteleacutements de complexification morphologique du verbe (les auxiliaires et les flexions) sont freacutequemment omis qursquoil srsquoagisse de morphegravemes plutocirct libres comme en anglais ou lieacutes comme en finnois

les morphegravemes flexionnels sont freacutequemment substitueacutes et peu omis dans les langues comme lrsquoitalien lrsquoislandais ou lrsquoheacutebreu mecircme si les omissions de morphegravemes libres peuvent ecirctre systeacutematiques

les substitutions entre morphegravemes flexionnels sont toujours intra-cateacutegorielles crsquoest-agrave-dire qursquoelles sont toujours le fruit drsquoune confusion entre les eacuteleacutements drsquoun mecircme paradigme de flexions

les conjonctions en franccedilais les particules de clocircture de phrase en japonais et les remplisseurs (comme lrsquointerjection yrsquoknow) sont tregraves abondants et mecircme sur-employeacutes par rapport aux controcircles

les omissions de verbes noyaux agrave faible charge seacutemantique sont plus freacutequentes comme avoir et ecirctre compareacute aux verbes noyaux laquo pleins raquo

lrsquoomission de mots contenus est notable en particulier les verbes noyaux ou les noms ces derniers eacutetant drsquoautant plus omis lorsque le systegraveme de marquage casuel est complexe (comme en finnois ou en serbo-croate)

lrsquoordre canonique des constituants est preacutefeacutereacute dans chacune des langues mecircme lorsqursquoelle offre plus de flexibiliteacute drsquoagencement des constituants (comme en finnois ou polonais) et mecircme si la construction obtenue est agrammaticale (en allemand les structures agrave verbe en position finale sont eacuteviteacutees)

Si certains traits sont stables selon les langues drsquoautres traits sont sujets agrave des variations importantes (MENN et OBLER 1990 1370) En effet celles-ci affirment que les nombres drsquoomissions de morphegravemes lieacutes (flexions nominales) et lrsquoemploi de formes verbales agrave 33 Lrsquoagrammatisme en heacutebreu est eacutegalement eacutetudieacute par GORDZINSKY (1984) et FRIEDMANN et GRODZINSKY (1997) 34 Deux cas par langue furent eacutetudieacutes excepteacute pour le chinois lrsquohindi et le polonais avec un cas unique chacune Les donneacutees sont issues de quatre tacircches de productions usuelles le reacutecit autobiographique la narration drsquoun conte (Le Petit Chaperon Rouge) la description drsquoimage (Cookie Theft du BDAE) et la narration de quatre petites histoires drsquoapregraves des seacutequences drsquoimages (tireacutees du Wechsler-Bellevue)

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lrsquoinfinitif sont tregraves variables deacutependent des diffeacuterences grammaticales intrinsegraveques aux diffeacuterentes langues En effet dans les langues preacutesentant des paradigmes flexionnels pleins et riches (le finnois lrsquoheacutebreu) les substitutions sont plus caracteacuteristiques compareacute aux langues ougrave la morphologie est moins marqueacutee (lrsquoanglais) En langues romanes et germaniques les verbes sont souvent employeacutes sous une forme plus simple agrave lrsquoinfinitif ou au preacutesent simple

Ces observations conduisent MENN et OBLER (1990 1387) agrave relativiser la nature du deacuteficit sous-jacent et de ses manifestations agrave travers le filtre de la langue lorsque la formation drsquoune structure implique la seacutelection drsquoune seule forme adeacutequate parmi les eacuteleacutements drsquoun paradigme plus la langue offre des paradigmes complexes et plus le risque de confusion srsquoaccroicirct chez lrsquoagrammatique Ainsi les proprieacuteteacutes de la langue ont un effet non neacutegligeable sur la qualiteacute et la quantiteacute des omissions et des substitutions observeacutees en surface

2353 Inteacuterecirct de lrsquoapproche comparative

La variabiliteacute inter-langues des types de symptocircmes omissions versus substitutions dans lrsquoagrammatisme constitue un indicateur tangible permettant drsquoinfeacuterer certains meacutecanismes fondamentaux impliqueacutes dans la production langagiegravere (voir NESPOULOUS 1997 230-236)

En franccedilais ou en anglais lrsquoagrammatisme se caracteacuterise en premier lieu par lrsquoomission des morphegravemes grammaticaux obligatoires agrave la diffeacuterence de lrsquoheacutebreu langue pour laquelle sont observeacutees des substitutions en nombre tregraves important (voir GRODZINSKY 1984 BAHARAV 1990 citeacute par NESPOULOUS 1997)

En effet les qualiteacutes structurales de lrsquoheacutebreu impliquent que les agrammatiques produisent un discours ougrave les racines tri-consonantiques servant de bases seacutemantico-lexicales sont combineacutees agrave des affixes grammaticaux vocaliques et consonantiques souvent mal seacutelectionneacutes ou mal instancieacutes sur la base (ou racine) Si les agrammatiques choisissaient lrsquooption de supprimer ces affixes vocaliques pour ne garder que les racines servant de support de base agrave lrsquoexpression de lrsquoinformation grammaticale la reacutealisation effective des mots au sein drsquoune phrase serait compromise

Cela expliquerait pourquoi lrsquooption laquo substitution raquo plutocirct que laquo lrsquooption omission raquo semble preacutefeacuterentiellement choisie (par des voies conscientes ou inconscientes ) dans les langues ougrave une uniteacute lexicale nrsquoapparaicirct jamais sous une forme deacutenueacutee de toute marque grammaticale affixeacutee encore moins lorsqursquoil srsquoagit drsquoinfixes vocaliques ajouteacutes agrave une structure consonantique de base comme en langue seacutemitique En italien polonais ou mecircme en finnois les donneacutees vont dans le mecircme sens (voir MENN et OBLER 1990)

Ainsi drsquoapregraves NESPOULOUS (1997) du point de vue de la symptomatologie de lrsquoagrammatisme lrsquoapproche comparative translinguistique permet de mettre en eacutevidence une variabiliteacute inter-langues qui invite agrave consideacuterer que

drsquoune part laquo le problegraveme de gestion des morphegravemes grammaticaux aurait obligation de respecter les proprieacuteteacutes structurales de la langue parleacutee par le patient raquo

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et drsquoautre part laquo le dogme [] en matiegravere de diagnostic diffeacuterentiel entre agrammatisme et paragrammatisme [est agrave revoir] raquo

En effet on pourrait donc conclure que le deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes para- et a-grammatiques qursquoon associe dans les conceptions classiques respectivement agrave lrsquoaphasie fluente et agrave lrsquoaphasie non fluente aurait en reacutealiteacute une seule et mecircme nature

Les manifestations de ce deacuteficit laquo unique raquo serait ainsi variables en quantiteacute et en qualiteacute selon les proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu Cet argument suffit donc agrave rejeter la distinction trop radicale entre agrammatisme et paragrammatisme agrave lrsquoinstar de HEESCHEN (1985 voir aussi au point 244 p 73)

De plus NESPOULOUS (1997) preacutecise que le caractegravere toujours intra-cateacutegoriel des substitutions observeacutees (par exemple preacuteposition preacuteposition article article) prouveraient que la matrice syntaxique des phrases agrave produire est intacte car la cateacutegorie grammaticale relative au morphegraveme substitueacute a toutefois eacuteteacute activeacutee lors de la planification de la phrase De ce fait il rejette lrsquoideacutee drsquoun deacuteficit syntaxique sous-jacent en admettant que lrsquohypothegravese drsquoun dysfonctionnement lieacute agrave lrsquoaccegraves agrave ces cateacutegories de morphegravemes grammaticaux est plus plausible ce qui aurait des conseacutequences sur lrsquoensemble de la structure agrave encoder et donc sur les aspects syntaxiques en mecircme temps

Toute revue comparative approfondie des donneacutees disponibles issues de diffeacuterentes langues35 preacutesente ainsi un grand inteacuterecirct drsquoautant que la variabiliteacute quantitative et qualitative symptomatologique est tregraves eacutetroitement lieacutee aux proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu et questionne de ce fait la pertinence dichotomique entre agrammatisme et paragrammatisme

Drsquoautre part les donneacutees collecteacutees aupregraves drsquoaphasiques bilingues sont eacutegalement tregraves preacutecieuses pour qui souhaite appreacutehender les processus impliqueacutes dans la geacuteneacuteration du langage suivant lrsquoune ou lrsquoautre des deux ou trois langues parleacutees par un mecircme sujet (voir PARADIS 1988 2001) drsquoautant plus lorsque les meacutecanismes de formation morphologiques et syntaxiques diffegraverent selon les langues parleacutees par ce type singulier de patient

35 Il nrsquoen sera pas question ici Toutefois on peut signaler quelques travaux LAKA et ERRIONDO-KOROSTOLA (2001) en basque MANSSON et AHLSEN (2001) en sueacutedois NILIPOUR et RAGHIBDOUST (2001) en farsi (perse) RISPENS et al (2001) en anglais hollandais et norveacutegien agrave propos de la neacutegation ULATOWSKA et al (2001) en polonais STAVRAKAKI et KOUVAVA (2003) en grec FRIEDMANN (2002) en heacutebreu et en arabe HALLIWELL (2000) et LEE (2003) en coreacuteen KERTESZ et OSMAN-SAGI (2001) en hongrois LEHECKOVA (2001) en tchegraveque et REZNIK et al (1995)

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236 Variabiliteacute symptomatologique co-occurrences et dissociations de symptocircmes

2361 La question du statut syndromique de lrsquoagrammatisme

Drsquoapregraves CARAMAZZA et BERNDT (1985 31) la notion de syndrome srsquoeacutenonce agrave travers le principe de deacutelimitation suivant

laquo Un syndrome devrait pouvoir ecirctre appreacutehendeacute suivant sa propension agrave ecirctre lrsquouniteacute minimale drsquoanalyse pour rendre possible lrsquoidentification du ou des modules reacuteputeacutes deacuteficients chez un patient raquo

En drsquoautres termes une relation drsquoirreacuteductibiliteacute doit pouvoir ecirctre eacutetablie entre drsquoune part le deacuteficit ou les deacuteficits en jeu et drsquoautre part le symptocircme ou les symptocircmes co-occurrents et indissociables observeacutes dans divers cas Les auteurs insistent sur le fait que la co-occurrence de symptocircmes deacutetermine lrsquoidentification drsquoun module cognitif et de son fonctionnement interne et que la dissociation entre symptocircmes reflegravetent plutocirct lrsquoindeacutependance entre processus de traitements (ou processing components) Dans lrsquoidentification drsquoun syndrome toute la difficulteacute reacuteside donc dans les possibiliteacutes offertes pour en deacutegager les frontiegraveres symptomatologiques et eacutetiologiques

Toujours drsquoapregraves ces mecircmes auteurs lrsquoapplication de ce principe drsquoidentification de syndrome nrsquoest pas en adeacutequation avec les classifications classiques de lrsquoaphasiologie fondeacutees sur un laquo meacutelange de principes psychologiques preacute-theacuteoriques et neuro-anatomiques raquo qui montrent des faiblesses quant agrave la pertinence accordeacutee agrave certains symptocircmes auxquels est associeacute le statut de trouble syndromique Par exemple un trouble de la reacutepeacutetition peut reacutesulter de deacuteficits divers crsquoest-agrave-dire que ce symptocircme peut faire suite agrave des deacuteficits psycholinguistiques et des leacutesions tregraves diffeacuterentes drsquoun sujet agrave lrsquoautre

Autrement dit les relations entre symptocircme(-s) et deacuteficit(-s) sous-jacent(-s) doivent ecirctre appreacutehendeacutees en tenant compte de leur multipliciteacute et de leur complexiteacute CARAMAZZA et BERNDT ajoutent en ces termes

laquo Ces problegravemes concernant la deacutefinition de syndromes ont des implications eacutevidentes dans le cadre de lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme Originellement deacutecrit comme eacutetant un symptocircme unique parmi le syndrome plus large de lrsquoaphasie de Broca (KLEIST 1916 PICK 1913) lrsquoagrammatisme semble avoir eacutevolueacute vers une caracteacuterisation syndromique plus lacircche et floue ce qui est en son bon droit raquo

Selon ces auteurs lrsquoagrammatisme est un trait central du syndrome de lrsquoaphasie de Broca tel que redeacutefini par BERNDT et CARAMAZZA (1980) Agrave la question fondamentale ainsi poseacutee faut-il envisager lrsquoagrammatisme comme eacutetant un symptocircme ou un syndrome regroupant un ensemble complexe de symptocircmes - CARAMAZZA et BERNDT (1985 32) proposent une tentative de compromis entre lrsquoidentification de lrsquoagrammatisme suivant des symptocircmes

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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stables refleacutetant le (les) deacuteficit(-s) sous-jacent(-s) plus ou moins seacutevegraveres et la variabiliteacute inter-sujets refleacutetant les conduites compensatoires dont il faut tenir compte

laquo Il est difficile drsquoaborder lrsquoagrammatisme en fournissant une deacutefinition claire sur ses pheacutenomegravenes La performance des sujets ceacutereacutebro-leacuteseacutes est le reacutesultat drsquoun ensemble de facteurs complexes et variables incluant le dysfonctionnement partiel de composantes de traitement (processing components) et lrsquoaction de meacutecanismes compensatoires qui ensuite srsquoactualisent chez les patients selon des degreacutes de seacuteveacuteriteacute divers La variation lieacutee agrave la contribution de chacun de ces facteurs chez des patients particuliers entraicircnent un haut niveau de variabiliteacute de performance raquo36

2362 Dissociations doubles-dissociations et co-occurences de symptocircmes

Pour eacutetablir des hypothegraveses valides sur le deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme CARAMAZZA et BERNDT (1985 52-53) speacuteculent sur le fait que drsquoapregraves les donneacutees disponibles agrave ce moment-lagrave la co-occurrence effective ou non effective de diffeacuterents symptocircmes identifieacutes dans lrsquoaphasie de Broca agrammatique sont des preuves de lrsquoexistence de systegravemes fonctionnels indeacutependants impliqueacutes dans la geacuteneacuteration de phrase Ainsi la mise en eacutevidence des dissociations et doubles-dissociations dont la validiteacute est tributaire de tacircches langagiegraveres bien cadreacutee et de critegraveres linguistiques rigoureusement fixeacutes peut le deacutemontrer La co-occurence de symptocircmes peut ecirctre le reacutesultat de deux meacutecanismes diffeacuterents

(1) de la proximiteacute de certaines aires neuro-fonctionnelles proches leacuteseacutees (refleacuteteacutee par exemple par lrsquoobservation chez un mecircme patient de symptocircmes reacuteceptifs et expressifs en mecircme temps)

(2) ou de lrsquoeffet drsquoun meacutecanisme leacuteseacute sur un meacutecanisme demeureacute intact avec lequel il est en eacutetroite interaction (refleacuteteacute par exemple par lrsquoobservation chez un mecircme patient du symptocircme drsquoomission et du symptocircme de perturbation de lrsquoordre des mots)

Par conseacutequent devant la variabiliteacute des performances qui est lrsquoeffet de la combinaison instable des traits classiquement observeacutes crsquoest-agrave-dire lrsquoomission de morphegravemes grammaticaux la perturbation de lrsquoordre des mots la compreacutehension asyntaxique et lrsquoincapaciteacute au jugement meacutetalinguistique quelle attitude adopter

La question ainsi souleveacutee par ces auteurs les a conduits agrave proposer une deacutefinition de lrsquoagrammatisme reposant sur une vision multi-composite du trouble en deacutegageant trois patrons geacuteneacuteraux de symptocircmes (voir ci-apregraves) auxquels srsquoassocie un deacuteficit sous-jacent ou la co-occurrence de plusieurs deacuteficits sous-jacents

36 Notre traduction

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Le patron 1 le symptocircme drsquoomission de mots grammaticaux

Les processus de reacutecupeacuteration lexicale lieacutes agrave lrsquoaccegraves aux mots de classe fermeacutee sont deacuteficitaires et ce seulement sur le versant de la production (hypothegravese lexicale de BRADLEY et al voir 2324 p 37) Mais cette explication ne peut srsquoappliquer sans restriction car les morphegravemes grammaticaux libres sont omis selon une certaine organisation (de faccedilon non aleacuteatoire) et les erreurs de substitutions de morphegravemes lieacutes peuvent survenir Les deux types de pheacutenomegravenes peuvent srsquoexpliquer par un deacuteficit lieacute agrave la mise en place de la seacutequence syntaxique neacutecessitant la seacutelection de certains codes agrave appliquer (laquo uniteacutes de controcircles raquo des marqueurs grammaticaux drsquoapregraves le modegravele de PARISI et GIORGI 1983)

Comme ces uniteacutes sont fondamentales pour la mise en place de la seacutequence syntaxique le deacuteficit nrsquoest pas purement de nature lexicale mais aussi de nature syntaxique ce qui compromet la reacutecupeacuteration des codes phonologiques correspondant aux uniteacutes perturbeacutees

Drsquoautre part certains patients auraient tendance agrave omettre les verbes principaux ce qui pourrait srsquoexpliquer soit par une dissociation agrave opeacuterer entre le traitement des verbes (dont le poids des uniteacutes de controcircles est relativement eacuteleveacute par rapport aux autres eacuteleacutements linguistiques de la phrase qursquoils ont en charge) soit par la seacuteveacuteriteacute du trouble

Corollairement agrave lrsquoomission des morphegravemes grammaticaux la reacuteduction de la longueur des phrases srsquoexpliquerait par la reacuteduction des capaciteacutes mneacutesiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage phonologique et articulatoire de phrases de longueur standard

Le patron 2 les symptocircmes drsquoomission de mots grammaticaux et de perturbation de lrsquoordre des mots

En rejetant certains aspects de la mapping hypothesis (citant SAFFRAN et al 1980 voir au point 2325 p 38) les auteurs affirment que la perturbation de lrsquoordre des mots pourrait srsquoexpliquer par un deacuteficit lieacute aux laquo uniteacutes de controcircles raquo (ou information grammaticale associeacutee agrave un item linguistique) responsables de lrsquoassignation des rocircles theacutematiques aux SN Pour CARAMAZZA et BERNDT (1985 59) lorsqursquoune perturbation de lrsquoordre des mots est observeacutee chez un patient elle est indissociable drsquoune perturbation des morphegravemes grammaticaux

Le patron 3 les symptocircmes drsquoomission de mots grammaticaux de perturbation de lrsquoordre des mots et de compreacutehension asyntaxique

Associeacute aux symptocircmes expressifs citeacutes ci-dessus le symptocircme reacuteceptif est freacutequent mais pas systeacutematique Dans ce cas seule lrsquohypothegravese du mapping des rocircles theacutematiques peut expliquer la dissociation entre processus de compreacutehension de phrase per se et processus impliqueacutes pour opeacuterer des jugements meacutetalinguistiques sur des phrases

Ainsi CARAMAZZA et BERNDT (1985) favorisent une vision multi-composite des symptocircmes et du deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme Cela nous paraicirct en adeacutequation avec la reacutealiteacute du terrain et de ce point de vue les patrons de symptocircmes qursquoils proposent integravegrent celui de substitution entre mots grammaticaux (patron 1)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Si ces patrons de co-occurrences de symptocircmes semblent assez pertinents agrave leurs yeux il nrsquoen reste pas moins que la mise en eacutevidence tout comme la remise en question de dissociations meacuteritent drsquoecirctre investigueacutees et approfondies par de nouvelles donneacutees

Ce que de nombreux travaux agrave lrsquoinstar des cas eacutetudieacutes par NESPOULOUS et al (1988) NESPOULOUS et DORDAIN (1988) BRANCHEREAU et NESPOULOUS (1989) NESPOULOUS et al (1990) ou de ceux exposeacutes par MICELI et al (1983) MICELI et al (1989) ou BASTIAANSE (1995) pour nrsquoen citer que quelques uns se sont employeacutes agrave faire

237 Conclusion agrave propos des variabiliteacutes inter-sujets et inter-langues

Les patrons de symptocircmes proposeacutes par CARAMAZZA et BERNDT (1985 voir supra) auxquels se rapportent des deacuteficits sous-jacents dissocieacutes par la meacutethode clinique ressortent agrave travers la variabiliteacute des performances inter-sujets mais ceux-ci demeurent insuffisants vis-agrave-vis des variabiliteacutes inter-langues et inter-tacircches qui ne peuvent non plus ecirctre ignoreacutees

Ainsi en compleacutement de lrsquoapproche clinique visant agrave eacutetablir des dissociations la variabiliteacute symptomatologique inter-langues peut ecirctre finement deacutecrite par lrsquoapproche comparative translinguistique et de ce fait srsquoexpliquer par les proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu (voir au point 235 p 48)

Drsquoautre part la variabiliteacute symptomatologique inter-tacircches serait deacutetermineacutee principalement par les conduites adaptatives deacuteployeacutees par le patient Ces conduites peuvent ecirctre eacutetudieacutees agrave travers la manipulation des conditions expeacuterimentales ou srsquoobserver de fait (voir au point 238 ci-apregraves) Crsquoest ce que nous verrons plus en deacutetail dans la deuxiegraveme grande partie de cet eacutetat de lrsquoart sur lrsquoagrammatisme consacreacutee aux theacuteories drsquoadaptation (partie 24 p 58)

238 et agrave propos des variabiliteacutes inter- et intra-tacircches la perspective des strateacutegies

Pour illustrer le principe de variabiliteacute inter-tacircches revenons briegravevement sur le cas de M Clermont (NESPOULOUS et al 1988 NESPOULOUS et al 1989) en ce qui concerne la tacircche drsquoanagrammes phrastiques (voir au point 233 p 45) Lors de lrsquoexpeacuterimentation le temps neacutecessaire agrave la reacutealisation de la tacircche eacutetait particuliegraverement long drsquoautant plus que les phrases reconstruites eacutetaient quasiment toutes correctes Ces performances furent interpreacuteteacutees par les auteurs comme refleacutetant une absence de trouble de lrsquoencodage syntaxique

Or cette tacircche drsquoanagrammes phrastiques ne sollicitent pas seulement des processus de deacutecodage car il srsquoagit aussi drsquoencoder une matrice syntaxique Ainsi on peut se demander si le comportement de M Clermont dans ce type de tacircche off-line ougrave les eacuteleacutements linguistiques

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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agrave ordonner sont fournis37 (crsquoest-agrave-dire deacutetacheacutee de lrsquoinstantaneacuteiteacute drsquoune formulation verbale de message plus authentique) serait en fait caracteacuteristique de strateacutegies de reacutesolution des difficulteacutes drsquoencodage de la matrice impossible agrave reacutealiser on-line (crsquoest-agrave-dire dans lrsquoinstantaneacuteiteacute de la formulation) De ce fait nous pensons que les performances de M Clermont pourraient aussi bien incarner des strateacutegies de formulation drsquoordre meacutetalinguistique fondeacutee sur une reacuteflexion sur le code Cela pourrait peut-ecirctre expliquer pourquoi le temps neacutecessaire agrave la reacutesolution des anagrammes est si long drsquoautant que la reacuteflexion meacutetalinguistique visant agrave ordonner des eacutetiquettes de mots demande obligatoirement en amont un traitement de deacutecodage Lorsque la compreacutehension du langage est preacuteserveacutee lrsquoagrammatique a tout loisir si toutefois on lui en laisse le temps drsquoexploiter ainsi les capaciteacutes de reacuteflexion sur le code Selon les termes de NESPOULOUS et al (1989) lrsquohypothegravese du laquo traitement conscient restreint et strateacutegique raquo qui a eacuteteacute tireacutee des reacutesultats agrave des tests avec focalisation sur certaines uniteacutes grammaticales isoleacutees ou en contexte peut de notre point de vue eacutegalement ecirctre eacutevoqueacutee dans le cas des tacircches drsquoanagrammes phrastiques

Drsquoailleurs selon LINEBARGER et al (1983) les bons reacutesultats obtenus par les agrammatiques dans les tacircches de jugement de grammaticaliteacute confirment que leur laquo sensibiliteacute grammaticale raquo est en geacuteneacuteral bien preacuteserveacutee

De surcroicirct lrsquoallegravegement du coucirct de traitement lieacute agrave la division drsquoune tacircche langagiegravere plutocirct globale (dans une perspective on-line comme en production de discours continu de phrases) en sous-tacircches off-line (production et lecture de mots grammaticaux isoleacutes anagrammes drsquoapregraves des uniteacutes lexicales fournies jugement de grammaticaliteacute) pourrait expliquer la reacuteussite agrave ces derniegraveres agrave condition que les processus de deacutecodage soient relativement opeacuterants

En effet dans de telles tacircches off-line les computations agrave reacutealiser neacutecessitent une moindre capaciteacute de traitement agrave la mesure de la laquo reacuteduction des capaciteacutes raquo reacutesultant de lrsquoaphasie (sur ce point voir NESPOULOUS et al 1988et FRIEDERICI et KILBORN 1989 citeacutes par BASTIAANSE 1995 16)

Un autre cas de variabiliteacute de performances fut observeacute chez un mecircme sujet et lors drsquoune mecircme tacircche de production (BASTIAANSE 1995) En production de discours spontaneacute continu et drsquoapregraves les analyses quantitatives38 des aspects morphologiques et syntaxiques il a eacuteteacute observeacute que la patiente HW est passeacutee drsquoun style non-teacuteleacutegraphique agrave un style teacuteleacutegraphique drsquoun moment agrave lrsquoautre En effet dans la mecircme tacircche de production les omissions de morphegravemes grammaticaux de flexions verbales et de verbes devenaient plus nombreuses le degreacute drsquoeacutelaboration de la morphologie verbale plus faible les phrases plus

37 Le coucirct drsquoencodage est donc en quelque sorte laquo alleacutegeacute raquo si lrsquoon se reacutefegravere agrave lrsquohypothegravese proceacutedurale (voir aux points 2432(b) p 63 et 2433(a) p 65) 38 BASTIAANSE preacutesente des donneacutees quantitatives obtenues en appliquant le protocole drsquoanalyse quantitative de la production aphasique conccedilu par SAFFRAN et al (1989) Nos propres analyses quantitatives srsquoinspirent eacutegalement de ce protocole (voir dans la partie II deacutedieacutee agrave la meacutethodologie aux points 4 et 5 pp 117-219)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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courtes et leur eacutelaboration syntaxique moins complexe Selon BASTIAANSE (1995) le switching entre ces deux styles ne peut srsquoexpliquer que par la theacuteorie drsquoadaptation

Le cas de HW rappelle celui reporteacute par ISSERLIN (1922 citeacute par KOLK 1985 195) qui employait un style non-teacuteleacutegraphique lorsqursquoil parlait agrave son meacutedecin mais avait recours au style teacuteleacutegraphique lorsqursquoil parlait agrave ses amis

Les hypothegraveses jusqursquoici exposeacutees et discuteacutees ont pour but premier de questionner lrsquoagrammatisme sur le plan du dysfonctionnement sous-jacent reacuteputeacute ecirctre agrave la source des pheacutenomegravenes de surface Toutefois toutes ne peuvent totalement satisfaire au principe drsquoadeacutequation psycholinguistique en raison principalement de lrsquoinstabiliteacute des performances

En effet la variabiliteacute des performances interrogent sur la nature du dysfonctionnement sous-jacent et sur lrsquoadeacutequation des descriptions linguistiques fondeacutees sur la recherche drsquoinvariants

En revanche la theacuteorie drsquoadaptation est en premier lieu soutenue agrave travers la mise en eacutevidence de variabiliteacutes (non aleacuteatoires) qui constituent comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute une caracteacuteristique fondamentale des productions agrammatiques La suite de notre exposeacute theacuteorique y est ainsi consacreacutee

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives

241 La theacuteorie drsquoadaptation la loi de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort et le style teacuteleacutegraphique

La contribution de PICK (1898 1913) fut tregraves consideacuterable tant pour lrsquoaphasiologie que pour la psychologie du langage Sa conception des troubles aphasiques reposait explicitement sur une dissociation entre troubles des systegravemes peacuteripheacuteriques (moteurs-articulatoires perceptifs ou processus dits de laquo bas niveau raquo) et troubles des systegravemes lieacutes aux niveaux drsquoorganisation du langage tels que la phonologie la seacutemantique et la morphologie (ou processus dits de laquo haut niveau raquo) Pour lui lrsquoagrammatisme serait le reacutesultat drsquoune alteacuteration du scheacutema grammatical mis en place en amont dans la geacuteneacuteration du discours (avant le positionnement des uniteacutes laquo mots raquo dans ce scheacutema grammatical) Selon lrsquoideacutee de PICK (1913 citeacute par SPREEN 1973 153-154) les processus de geacuteneacuteration du langage srsquoorganisent selon une laquo loi de lrsquoeacuteconomie raquo permettant la planification et la verbalisation du discours Il affirme ceci

laquo The amount of work necessary can easily be seen as dependant on adjustement (taking into consideration the efficiency of the organs or parts of the organs) raquo

Autrement dit cette loi drsquoeacuteconomie reposerait sur un principe drsquoajustement quantitatif (amount) des capaciteacutes de traitement (work) aux caracteacuteristiques qualitatives des conditions ou des moyens biologiques (organs) par lesquels srsquoopegravere la mise en discours Ainsi lrsquoalteacuteration des moyens qui preacutesident agrave la geacuteneacuteration du langage (organs) implique une reacuteorganisation du discours par reacuteduction qui dans le cas de lrsquoagrammatisme aboutirait agrave la suppression de tous les mots redondants (en lrsquooccurrence les mots qui ne sont pas des mots contenus donc les mots grammaticaux) drsquoougrave lrsquoanalogie qursquoil eacutevoque entre agrammatisme style teacuteleacutegraphique et steacutenographie Pour lui lrsquoomission preacutefeacuterentielle des mots les moins communicants (redondants) correspondrait agrave une conduite drsquoeacuteconomie de lrsquoeffort psychologique en guise drsquoadaptation au deacuteficit des formes linguistiques sans trouble conceptuel sous-jacent (ou trouble de la laquo penseacutee raquo ou de la laquo meacutemoire des mots raquo)

Cet ajustement serait rendu neacutecessaire par les conditions neuro-pathologiques difficiles

Selon le mecircme ordre drsquoideacutees PICK (1923 citeacute par SPREEN 1973 154) formule un parallegravele entre lrsquoagrammatisme et les pidgins qui seraient des laquo langues drsquourgence raquo (emergency languages ou ethnic agrammatism) En effet tout comme lrsquoeacutemergence de lrsquoagrammatisme serait le reacutesultat drsquoune situation neuro-pathologique drsquourgence lrsquoeacutemergence

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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des pidgins serait selon le mecircme principe drsquoadaptation le reacutesultat drsquoune situation sociolinguistique drsquourgence39

En outre agrave travers lrsquoanalogie entre parler agrammatique et teacuteleacutegramme40 ISSERLIN (1922) propose eacutegalement que lrsquoagrammatisme est une reacuteaction attitudinale du patient par rapport agrave son trouble Selon lui lrsquoagrammatisme correspond agrave une conduite adaptative en situation de neacutecessiteacute qui revient agrave simplifier la formulation drsquoun message agrave la maniegravere du teacuteleacutegramme composeacute par un locuteur normal lorsqursquoil doit compresser la formulation drsquoun message ou du parler drsquoun apprenant drsquoune langue eacutetrangegravere qui ne maicirctrise pas la langue eacutetrangegravere

Ainsi la laquo loi de lrsquoeacuteconomie raquo de PICK et lrsquoanalogie drsquoISSERLIN entre parler agrammatique et laquo teacuteleacutegramme raquo (ou laquo style teacuteleacutegraphique raquo) sont agrave la base du courant drsquohypothegraveses qui a chercheacute agrave interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme dans le cadre drsquoune theacuteorie globale de lrsquoadaptation (voir ci-apregraves)

242 Prolongements reacutecents de la theacuteorie drsquoadaptation

KOLK et al (1985) se reacutefegraverent explicitement aux propositions drsquoISSERLIN (1922) qui avance que le parler agrammatique doit ecirctre vu comme un parler drsquoadaptation Selon ces auteurs la theacuteorie de lrsquoadaptation est un cadre interpreacutetatif plausible des pheacutenomegravenes agrammatiques crsquoest-agrave-dire que

les omissions ne reflegravetent pas le deacuteficit sous-jacent lui-mecircme mais sont la conseacutequence des adaptations mises en place par le patient en srsquoappuyant sur le systegraveme non-perturbeacute Au sens jacksonien les omissions seraient donc agrave envisager comme symptocircmes positifs et non symptocircmes neacutegatifs Le style teacuteleacutegraphique reacutesultant des omissions preacutefeacuterentielles de mots grammaticaux est donc un des registres de parlers possibles convoqueacutes par le patient lors de la verbalisation en vue de srsquoadapter agrave son deacuteficit

le deacuteficit sous-jacent nrsquoest pas une perte de quelque eacuteleacutement basique des faculteacutes langagiegraveres (connaissances et aptitude au langage) mais est le reacutesultat drsquoun retard ou drsquoune mauvaise coordination des processus sous-tendant la production verbale Ce retard impliquant les processus de traitement psycholinguistique conjugueacute agrave la limitation des capaciteacutes de traitement (qui est un principe fondamental du comportement verbal laquo normal raquo) entrave la bonne mise en place de la repreacutesentation de la structure agrave formuler Un ralentissement geacuteneacuteral de la reacutecupeacuteration des informations phonologiques lexicales et seacutemantiques des morphegravemes agrave inteacutegrer dans la phrase peut expliquer pourquoi lrsquoeacutelocution est si exageacutereacutement lente et heacutesitante avec des pauses tregraves longues et des blocages ou des

39 Ce rapprochement entre aphasie agrammatique et langues en eacutemergence transparaicirct par ailleurs dans les travaux de GIVOacuteN (1995) nous y revenons dans la partie consacreacutee agrave la linguistique fonctionnelle et au fonctionnalisme cognitif (3452 p 109) Il fait drsquoailleurs lrsquoanalogie entre agrammatisme pidgin et acquisition du langage chez lrsquoenfant drsquoapregraves le caractegravere laquo preacute-grammatical raquo du codage qui leur serait commun 40 Cette analogie fut largement reprise dans le champ clinique pour deacutecrire les symptocircmes de lrsquoagrammatisme

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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formulations avorteacutees la limitation des capaciteacutes de traitement en meacutemoire de travail ne laisse pas assez de temps agrave la reacutealisation des processus de reacutecupeacuteration ainsi ralentis du fait de la leacutesion ceacutereacutebrale Crsquoest agrave ce deacuteficit que le patient adapte deacutelibeacutereacutement sa verbalisation avec des structures syntaxiques plus courtes et plus simples ce qui permet drsquoamoindrir lrsquoeffet du deacuteficit temporel de traitement

lrsquoadaptation nrsquoest pas une conseacutequence obligatoire au deacuteficit mais est le reacutesultat drsquoune laquo deacutecision raquo (terme employeacute dans son acception technique) prise par le patient aphasique vis-agrave-vis de son deacuteficit et de ses possibiliteacutes drsquoadaptation

Si lrsquoadaptation est une option de comportement offerte au patient pour laquelle la deacutecision de srsquoadapter nrsquoest pas toujours prise la question de son caractegravere conscient ou inconscient se pose alors Pour y reacutepondre KOLK et al (1985 187) eacutevoquent les paroles drsquoun patient rapporteacutees par ISSERLIN (1922)

laquo Sprechen keine Zeit - Telegrammstil raquo (laquo Parler pas le temps - style teacuteleacutegraphique raquo)

Cela suggegravere que des patients ont pleinement conscience du style de leur verbalisation et que lorsqursquoils en ont les moyens auto-analytiques ils explicitent ainsi avec une haute preacutecision la strateacutegie qui leur permet de verbaliser Toutefois selon cet auteur une conscience totale du deacuteficit sous-jacent ou du style de parler convoqueacute nrsquoest pas forceacutement neacutecessaire en vue de deacutecider drsquoadopter lrsquo laquo option adaptation raquo

De plus crsquoest lrsquoattitude du locuteur vis-agrave-vis de la norme (en termes sociolinguistiques) qui deacutetermine son degreacute de toleacuterance aux eacutecarts teacuteleacutegraphiques par rapport aux conventions de parler standard eacutecarts qui lui permettent au demeurant de communiquer lrsquoessentiel drsquoun contenu informationnel en contexte

Pour KOLK (1985 189) le principe drsquoadaptation est un principe totalement indeacutependant du deacuteficit lui-mecircme partageacute par tous dans le comportement normal et drsquoautant plus exploiteacute en situation pathologique Lors de la formulation effective drsquoun message et suivant le modegravele de GARRETT (1975) KOLK affirme que lrsquooption drsquoadaptation actualiseacutee par lrsquoemploi du style teacuteleacutegraphique serait tributaire de processus tregraves anteacuterieurs agrave lrsquoeacutetape de formulation effective du message crsquoest-agrave-dire lors de lrsquoeacutetape preacuteverbale La structuration du message teacuteleacutegraphique lui-mecircme impliquant les processus drsquoencodage de niveaux fonctionnels positionnels phonologiques et moteurs-articulatoires intervient apregraves lrsquoeacutetape preacuteverbale

Ainsi la formulation du message est parallegravele aux difficulteacutes de traitement Lrsquoeacutetape preacuteverbale anteacuterieure agrave la formulation est donc le moment ougrave la deacutecision optionnelle drsquoemploi de style teacuteleacutegraphique est prise suivant les possibiliteacutes offertes au patient Les facteurs situationnels et le type de construction cible viseacutee deacuteterminent ce choix En comparant des structures tregraves peu eacutelaboreacutees produites par des sujets normaux avec des structures produites par des sujets agrammatiques KOLK et al (1985 191-193) eacutetablissent des correspondances tregraves nettes en termes qualitatifs et quantitatifs entre parler agrammatique et style teacuteleacutegraphique en affirmant que les sujets normaux emploient le style teacuteleacutegraphique dans la limite des standards grammaticaux autoriseacutes par les conventions

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Chez les agrammatiques la morpho-syntaxe de la construction viseacutee privileacutegie le contenu informationnel agrave veacutehiculer Lrsquoagencement des constituants et le recours aux flexions sont notamment deacutetermineacutes par

des facteurs pragmatiques de structuration syntaxique

le degreacute drsquoinformativiteacute de certains eacuteleacutements dont lrsquoomission est plus freacutequente compromet moins le contenu informationnel agrave transmettre (comme les articles deacutefinis qui laquo reacutesistent moins raquo que les deacuteterminants possessifs par exemple)

Selon KOLK (1985 194) le style teacuteleacutegraphique caracteacuteriseacute seulement par des omissions de morphegravemes nrsquoest pas agrammatical per se car il peut ecirctre produit par des sujets normaux aussi Les omissions ne srsquoexpliquent pas par le deacuteficit sous-jacent Par contre les erreurs de substitutions ou les erreurs de syntaxe ne sont pas le reacutesultat de cette adaptation teacuteleacutegraphique mais plutocirct le reflet du deacuteficit sous-jacent (le ralentissement du deacutecours temporel)

KOLK (1985 202) commente le cas de Mrs K dont lrsquoaphasie nrsquoest pas tregraves seacutevegravere Il observe de nombreuses omissions dans son discours spontaneacute Mais celles-ci ne reflegraveteraient pas directement le dysfonctionnement sous-jacent Selon lui le degreacute de deacuteficit est refleacuteteacute plutocirct par la fluence verbale en effet Mrs K avait un deacutebit tregraves rapide par rapport au groupe drsquoaphasiques non fluents eacutetudieacute et cela corrobore lrsquoideacutee que son deacuteficit (ralentissement de traitement drsquoencodage) eacutetait moins seacutevegravere compareacute aux autres patients

Drsquoautre part cette dame avait de tregraves bonnes performances aux tests de compreacutehension sauf pour les phrases tregraves complexes agrave traiter (avec subordonneacutees) pour lesquelles elle faisait des erreurs Mais lorsque les mecircmes phrases lui furent preacutesenteacutees une nouvelle fois avec tout le temps qursquoelle voulait pour reacutepondre apregraves la preacutesentation drsquoun stimulus elle ne faisait plus aucune erreur (cela nous renvoie au cas de M Clermont dans la tacircche drsquoanagramme voir NESPOULOUS et al 1988 NESPOULOUS et al 1989 aux points 233 p 45 et 238 p 55)

243 Lrsquohypothegravese des adaptations correctives et preacuteventives

Pour eacutelaborer une theacuteorie de la reacuteorganisation fonctionnelle faisant suite agrave lrsquoaphasie les propositions de KOLK41 srsquoarticulent autour de la notion centrale de variabiliteacute des performances agrammatiques agrave partir de laquelle se deacutegage la theacuteorie de lrsquoadaptation des capaciteacutes langagiegraveres agrave la nouvelle configuration neuropsychologique

41 Nous proposons ici une synthegravese des travaux de KOLK largement tributaire drsquoune reacutetrospective tregraves complegravete voir KOLK 2006

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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En srsquoappuyant sur les donneacutees empiriques diverses cet auteur eacutenonce trois grands principes relatifs

(1) agrave la variabiliteacute des performances

(2) au deacuteficit cognitif sous-jacent

et (3) aux strateacutegies drsquoadaptations

Nous les exposons et commentons en deacutetail ci-apregraves

2431 Principe de variabiliteacute

Le principe de variabiliteacute des performances est intrinsegraveque aux symptocircmes linguistiques la pertinence de ce principe fut argumenteacutee agrave travers de nombreux travaux JAREMA et NESPOULOUS 1984 MICELI et al 1983 NESPOULOUS et DORDAIN 1988 NESPOULOUS et al 1990 NESPOULOUS 1997 HOFSTEDE et KOLK 1994 KOLK 1998 KOLK 2007 entres autres Pour tous ces auteurs la variabiliteacute constitue un trait deacutefinitoire essentiel agrave prendre en compte si lrsquoon souhaite aborder lrsquoagrammatisme suivant toutes les dimensions qui le caracteacuterisent

Dans une eacutetude impliquant 22 patients aphasiques de Broca hollandais HOFSTEDE (1992 citeacute par KOLK 2006 230) montre par exemple que les nombres de propositions subordonneacutees produites et de morphegravemes grammaticaux omis peuvent ecirctre tregraves variables drsquoun patient agrave lrsquoautre drsquoautant que le deacutebit verbal (speech rate) connaicirct lui aussi de fortes variations

Srsquoagissant des phrases complexes (syntactic symptom) la proportion moyenne est de 6 pour les aphasiques mais les proportions individuelles varient entre 0 agrave 21 drsquoun patient agrave lrsquoautre contre 22 en moyenne pour le groupe controcircle

Srsquoagissant du taux drsquoomission de morphegravemes grammaticaux (morphological symptom) on constate une variation inter-individus de 10 agrave 98 pour les aphasiques et 8 en moyenne pour le groupe controcircle

Srsquoagissant du deacutebit verbal (rate symptom) les variations oscillent entre 23 et 93 mots produits par minute pour les aphasiques contre une moyenne de 145 mots par minute pour le groupe controcircle Citeacutees par KOLK (2006 230) les donneacutees de ROCHON et al (2000) issues des analyses quantitatives de corpus de production de discours continu narratif en anglais montrent les mecircmes types de variations pour un groupe de 37 patients Les donneacutees empiriques reflegravetent drsquoune part la variabiliteacute inter-sujets due aux degreacutes de seacuteveacuteriteacute et de reacutecupeacuteration diffeacuterents selon les patients et drsquoautre part elles reflegravetent la variabiliteacute intra-sujet due agrave lrsquoinstabiliteacute de comportement verbal chez un mecircme patient et pour un mecircme aspect linguistique drsquoun moment agrave lrsquoautre

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Sur ce point KOLK (2006 231) paraphrase GOODGLASS (1993) en ces termes

laquo Lrsquoinstabiliteacute (inconsistency) est une caracteacuteristique fondamentale des performances aphasiques raquo

Drsquoautre part KOLK (2006) explique que la recherche de doubles-dissociations a pour but entre autre drsquoexpliquer la variabiliteacute des performances car elle permettrait drsquoassocier des causes diverses aux diffeacuterences qualitatives et quantitatives releveacutees entre diffeacuterents symptocircmes ce qui revient agrave identifier des deacuteficits sous-jacents indeacutependants et co-occurrents

En se reacutefeacuterant agrave divers travaux (notamment BADECKER et CARAMAZZA 1985 MICELI et al 1989 BERNDT 1987 ROCHON et al 2000) KOLK affirme qursquoil est leacutegitime de penser que les aspects syntaxiques et morphologiques peuvent ecirctre perturbeacutes de maniegravere seacutelective dans lrsquoagrammatisme

Cependant pour lui laquo cela nrsquoest pas si eacutevident raquo Lrsquoideacutee drsquoune dissociation entre trouble morphologique et syntaxique impliquant des deacuteficits sous-jacents de diffeacuterentes natures lui semble peu satisfaisante

Et plutocirct que de chercher agrave expliquer les variabiliteacutes par lrsquoeacutetablissement de ce type de doubles-dissociations ne vaudrait-il pas mieux finalement privileacutegier une hypothegravese unitaire pour expliquer la nature du deacuteficit sous-jacent et inteacutegrer dans les interpreacutetations concernant la variabiliteacute les facteurs drsquoordre cognitifs proceacuteduraux drsquoune part et drsquoordre contextuels drsquoautre part

2432 Le deacuteficit sous-jacent lrsquoapproche proceacutedurale

(a) Lrsquohypothegravese de la limitation de la meacutemoire agrave court-terme en compreacutehension

CAPLAN et HILDEBRANDT (1988 citeacutes par KOLK 2006 233) avancent que la quantiteacute drsquoinformation agrave traiter par la meacutemoire agrave court terme est trop importante relativement aux slots (emplacements de la matrice syntaxique correspondant agrave des uniteacutes computationnelles) disponibles et consacreacutes au traitement de lrsquoinformation syntaxique

Cette hypothegravese de limitation de lrsquoespace de traitement a eacuteteacute formuleacutee pour expliquer les troubles reacuteceptifs et pourrait srsquoappliquer au versant de la production Mais drsquoapregraves KOLK (2006 235) cette hypothegravese nrsquoexplique pas pourquoi les supports externes de facilitations syntaxiques (ou drsquoamorccedilage) ameacuteliorent les performances des agrammatiques (voir infra) alors que lrsquohypothegravese de limitation temporelle de traitement le peut

(b) Lrsquohypothegravese du laquo timing-deficit raquo la reacuteduction de la fenecirctre temporelle et la limitation du temps de traitement

Lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement (temporal window hypothesis voir KOLK 1995) comme deacuteficit sous-jacent de nature mneacutesique permet drsquoexpliquer cette variabiliteacute inter- et intra-individuelle Des donneacutees issues

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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drsquoexpeacuterimentations mettant en jeu la production par amorccedilages syntaxiques (voir HAARMAN et KOLK 1991 HARTSUIKER et KOLK 1998) ainsi que des tests impliquant la formulation de phrases manipulant le pluriel conceptuel et les temps verbaux (voir HARTSUIKER et al 1999) vont dans ce sens

Selon KOLK (1995 292-193) la production agrammatique serait un effet secondaire lieacute agrave une proceacutedure drsquoadaptation agrave la nouvelle configuration de reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement Nous exposons en deacutetail cette hypothegravese dans la partie consacreacutee aux aspects psycholinguistiques de la production verbale (point 32 p 92) Selon celle-ci les erreurs qursquoon peut relever chez les agrammatiques sont qualitativement identiques agrave celles qursquoon peut observer dans le comportement verbal non pathologique

Par contre le fait que ces erreurs soient beaucoup plus nombreuses chez les agrammatiques par rapport aux sujets laquo normaux raquo pourrait srsquoexpliquer par la raison suivante la fenecirctre temporelle deacutedieacutee aux computations syntaxiques et agrave lrsquointeacutegration des informations et codes lexico-syntaxiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage drsquoune phrase agrave produire est alteacutereacutee de maniegravere agrave compromettre la formulation drsquoune seacutequence La fenecirctre temporelle de traitement nrsquoest alors plus apte agrave assurer avec synchronisation les computations eacutetant trop lourdes agrave supporter La surcharge cognitive engendreacutee par le trouble neuropsychologique est donc consideacutereacutee comme eacutetant agrave lrsquoorigine du dysfonctionnement sous-jacent affectant le comportement verbal agrammatique

Cette hypothegravese explicative trouve ces fondements dans une caracteacuterisation psycho-cognitive proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent et permet drsquoexpliquer les variabiliteacutes surtout quantitatives qursquoon observe dans la symptomatologie agrammatique suivant les patients dans une tacircche donneacutee et chez un mecircme patient dans plusieurs tacircches diffeacuterentes

Cependant lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle ne suffit pas agrave elle seule agrave expliquer sans restriction tous les pheacutenomegravenes caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme Ainsi drsquoapregraves KOLK (2006 237) pour expliquer la reacuteduction de la varieacuteteacute des formes grammaticales (syntactic symptom) le fait que tous les types de morphologie soient affecteacutes par des pheacutenomegravenes drsquoomissions (morphological symptom) et le symptocircme de fluence verbale (ou deacutebit verbal rate symptom) il ne faut pas neacutegliger la complexiteacute et la subtiliteacute des interactions entre le deacuteficit lui-mecircme dont les symptocircmes ne peuvent ecirctre isoleacutes des conditions externes (la tacircche langagiegravere en jeu) et les paramegravetres de la situation de conversation

Ainsi toute tentative drsquoexplication des symptocircmes agrammatiques est voueacutee agrave lrsquoeacutechec si elle ne srsquointeacuteresse qursquoau deacuteficit indeacutependamment drsquoautres facteurs deacuteterminants Crsquoest pourquoi il convient drsquoarticuler une approche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent (process approach voir aussi KOLK et KEITH 2006) avec une theacuteorie de lrsquoadaptation et des strateacutegies de formulation (voir ci-apregraves)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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2433 Les pheacutenomegravenes drsquoadaptation

(a) Les adaptations correctives effet sur la non fluence verbale

Les auto-corrections et reformulations visibles et invisibles (exprimeacutees et silencieuses) overt- et covert repairs

KOLK (2006 237) affirme que lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle formuleacutee en guise drsquoexplication proceacutedurale du deacuteficit nrsquoest pas seule responsable de la variabiliteacute des performances Il faut aussi tenir compte des meacutecanismes drsquoadaptation corrective qui influencent lrsquoaisance verbale (rate symptom)

En effet selon KOLK (1998 197) la tentative eacutechoueacutee drsquoune geacuteneacuteration de phrase peut se solder par un nouvel essai engageant la capaciteacute de traitement deacutejagrave mobiliseacutee la premiegravere fois qui eacutequivaut agrave un creacutedit-temps deacutejagrave utiliseacute (timing advantage)42 Ainsi la capaciteacute de traitement lors de la deuxiegraveme tentative augmente en srsquoajoutant agrave la premiegravere43

Les adaptations correctives dont les traces visibles dans le discours peuvent ecirctre des reacutepeacutetitions avec auto-corrections des reformulations des amorces de mots sont des reacuteparations explicites (overt repairs) reacutesultant du controcircle qursquoa le locuteur sur son propre propos Le systegraveme de controcircle des eacutenonceacutes produits permet au locuteur de revenir sur sa production qursquoil a perccedilue inadeacutequate (citant le modegravele de LEVELT 1989) Le feed-back passe par les voix externes (outer loop monitoring) Cette strateacutegie adaptative explique les pheacutenomegravenes drsquoautocorrections ou de reformulations expliciteacutees (visibles) observeacutes dans le discours agrammatiques (restart strategy) allant de pair avec la qualiteacute laborieuse de lrsquoeacutelocution

Dans le mecircme ordre drsquoideacutees les computations sous-jacentes reacuteiteacutereacutees de maniegravere implicite non formuleacutees expresseacutement en surface sont des proceacutedures de reformulations ou de reacuteparations non expliciteacutees Les covert restarts ou covert repairs renvoient agrave des notions deacuteveloppeacutees par LEVELT dans son modegravele et appliqueacutees agrave lrsquoagrammatisme par HARTSUIKER et KOLK (2001) En effet leur occurrence seraient comme pour les strateacutegies correctives visibles la source des pheacutenomegravenes de non-fluence verbale (KOLK et VAN GRUNSVEN 1985) La lenteur de lrsquoeacutelocution si caracteacuteristique du parler agrammatique en teacutemoigne Dans ce cas le systegraveme de reacutegulation ou drsquoautocontrocircle44 de la production est interne (la boucle de controcircle interne inner loop monitoring)

42 La traduction est faite par nos soins 43 Par ailleurs lrsquoamorccedilage syntaxique (HARTSUIKER et KOLK 1998) a pour effet drsquoameacuteliorer le traitement des uniteacutes grammaticales mecircme lorsqursquoil est fourni de maniegravere implicite le patient nrsquoen a pas conscience et le priming qui relegraveve de lrsquoautomatisme a pour effet de reacuteduire les laquo rateacutes raquo de la formulation de phrase 44 Le principe de reacutegulation de la performance par autocontrocircle conscientiseacute ou monitoring se retrouve en theacuteorie de lrsquoacquisition et de lrsquoapprentissage des langues eacutetrangegraveres (KRASHEN 1981)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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De ce fait certaines auto-corrections sont donc non expliciteacutees agrave la surface du discours elles peuvent srsquoappreacutehender agrave travers certains indices tels que les heacutesitations les pauses remplies ou longues ainsi que les bribes (voir aussi HARTSUIKER et KOLK 2001 agrave propos des monitoring errors)

Dans une autre eacutetude (OOMEN et al 2001 citeacutes par KOLK 2006) il est deacutemontreacute que partant de cette distinction entre covert repairs (refleacuteteacutees par des heacutesitations des pauses remplies ou des pauses longues des amorces) et overt repairs (refleacuteteacutees par les auto-corrections) les patients agrammatiques font plus de covert repairs que de overt repairs par rapport aux locuteurs controcircles qui preacutesentent le patron inverse Il a eacuteteacute aussi montreacute que la distinction entre les deux types de controcircle par feedback audio-phonatoire (interne et externe inner et outer loop monitoring) pouvait se veacuterifier par une tacircche dans laquelle on manipule le degreacute de feedback externe en ajoutant du bruit pendant la production En outre pour KOLK les traces de disfluence peuvent eacutegalement ecirctre le signe des difficulteacutes de formulation lieacutees au manque du mot

Pour KOLK (2006 240) lrsquoadaptation corrective compense partiellement les conseacutequences drsquoune surcharge computationnelle En outre une autre option strateacutegique est dite laquo preacuteventive raquo car elle consiste agrave simplifier les formats des seacutequences agrave produire afin drsquoeacuteviter la surcharge cognitive (voir ci-apregraves)

Pour finir selon NESPOULOUS (1997) les tentatives drsquoautocorrections freacutequentes lorsque survient une erreur de substitution reacuteussies ou en eacutechec indiqueraient que le patient agrave hautement conscience des aberrations produites crsquoest pourquoi il retente une formulation plus proche de la cible grammaticalement adeacutequate en accord avec la structure syntaxique sous-jacente correctement mise en place De la sorte il est possible drsquoopposer selon cet aspect lrsquoaphasie non fluente (Broca) agrave lrsquoaphasie fluente (Wernicke) ougrave le patient nrsquoest pas capable de remarquer et inhiber les erreurs qursquoil peut produire

(b) Les adaptations preacuteventives le laquo style elliptique raquo et la simplification morphologique

Le terme laquo style elliptique raquo (elliptical style HOFSTEDE 1992) est certainement mieux adapteacute que laquo style teacuteleacutegraphique raquo pour reacutefeacuterer agrave la reacuteduction quantitative et qualitative des constructions morpho-syntaxiques produites par lrsquoagrammatique ce que la cateacutegorie des laquo adaptations preacuteventives raquo englobe Mecircme si les deux qualificatifs laquo elliptique raquo et laquo teacuteleacutegraphique raquo renvoient agrave la mecircme entiteacute lrsquooutput agrammatique nous preacutefeacuterons la premiegravere car elle inspire plutocirct une figure du langage humain Drsquoailleurs lrsquoexpression laquo style elliptique raquo sera systeacutematiquement utiliseacutee dans les travaux ulteacuterieurs de KOLK

La laquo reacuteduction de la varieacuteteacute des formes grammaticales raquo employeacutees chez lrsquoagrammatique est un symptocircme syntaxique (syntactic symptom) qui se traduit par la simplification des structures produites (la seacutelection de cadres syntaxiques simples courts sans complexification par enchacircssements peu eacutelaboreacutes du point de vue des syntagmes constituants) permet drsquoalleacuteger le coucirct des opeacuterations de traitement (KOLK 2006 240)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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En outre la proceacutedure de simplification syntaxique est intrinsegravequement lieacutee aux pheacutenomegravenes freacutequents drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux (morphological symptoms)

(c) Similitude entre les ellipses normales et agrammatiques

Constructions laquo autoriseacutees raquo et laquo interdites raquo

Ces proceacutedures de simplification syntaxique et drsquoomission sont des cas drsquoellipses normales que lrsquoon rencontre souvent dans lrsquooral conversationnel ordinaire45 En effet le style elliptique est caracteacuteristique de lrsquooutput agrammatique mais aussi de lrsquooutput de lrsquoadulte laquo sain raquo (DE ROO et al 2002 DE ROO et al 2003) et dans le langage enfantin (HOFSTEDE 1992 KOLK 2001)

Drsquoapregraves DE ROO et al (2003 101) les similariteacutes structurales observeacutees entre les ellipses agrammatiques et non agrammatiques conduisent agrave penser que les agrammatiques suremploient le registre de parler elliptique Drsquoapregraves ces reacutesultats KOLK (2006 243) conclut que le discours agrammatique preacutesente toutes les caracteacuteristiques de laquo lrsquoellipse normale raquo

Lrsquoellipse normale est reacutegie par divers principes de structuration suivant lesquels des constructions particuliegraveres que lrsquoon retrouve dans le parler non pathologique (en conversation ordinaire par exemple) sont admises ou interdites

Ainsi dans le style elliptique de la conversation ordinaire

les constructions elliptiques autorisent les omissions de mots fonctions lrsquoemploi de verbe agrave la forme non finie (infinitif et participe) lrsquoomission de verbes noyaux la postposition du verbe dans les constructions non finies (postposition systeacutematique) la preacutefeacuterence pour lrsquoemploi des pronoms forts versus faibles) Ces types de constructions autoriseacutees sont caracteacuteristiques du parler elliptique normal et sont tregraves freacutequemment utiliseacutees par lrsquoagrammatique46

les constructions elliptiques interdisent les substitutions entre mots fonctions ou entre morphegravemes flexionnels (par exemple vous pensons ougrave la flexion sur le verbe est inadeacutequate eu eacutegard le pronom personnel ou le femme ougrave le deacuteterminant est mal

45 KOLK (2006 240) souligne encore lrsquointeacuterecirct de voir dans la production orale adulte ordinaire des cas freacutequents drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux tels que des articles ou des preacutepositions Pour lui ce type drsquoomissions ne doit pas ecirctre vu comme eacutetant des erreurs mais plutocirct des omissions planifieacutees (planned omissions) par le locuteur du fait mecircme que celles-ci ne soient jamais auto-corrigeacutees Drsquoautre part le principe de planification drsquoune omission est au cœur de lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement formuleacutee par HEESCHEN (1985 voir au point 244 p 73) 46 Tout comme le parler elliptique autorise en allemand lrsquoomission du Sujet qui correspond agrave un laquo Topic drop raquo (suppression formelle du Topic DE ROO et al 2003 citeacutes par KOLK 2006) Ce type de construction combineacutee agrave lrsquoomission de la finitude peut ecirctre releveacute chez certains patients agrammatiques Lrsquoemploi de ce type de construction permet drsquoalleacuteger la charge de traitement drsquoune phrase notamment une phrase ougrave le verbe est agrave la forme finie (voir KOLK 2006 240)

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seacutelectionneacute) et les omissions de morphegravemes flexionnels (par exemple Twee pen au lieu de Twee pennen ougrave la flexion en nombre est omise) Ce type de substitutions et drsquoomissions sont inexistantes dans le parler elliptique normal et rares dans lrsquoagrammatisme

Ces divers principes de constructions elliptiques eacutemanent drsquoobservations de donneacutees en allemand et en hollandais Ils sont tributaires des proprieacuteteacutes de la langue en jeu et il est fort probable que lrsquoon puisse deacutegager des principes diffeacuterents propres au franccedilais ou agrave des langues encore plus eacuteloigneacutees

Similitude entre les constructions elliptiques non finies employeacutees chez lrsquoagrammatique lrsquoenfant et lrsquoadulte normal

Lrsquoagrammatique ne convoquerait qursquoun sous-ensemble des principes de structuration elliptique disponibles dans le reacutepertoire du sujet adulte normal surtout des constructions non finies (non finite clauses47 voir KOLK 2001 et drsquoapregraves les donneacutees collecteacutees en production spontaneacutee de HOFSTEDE 1992)

Ainsi la comparaison entre structuration elliptique agrammatique versus enfantine illustre ce pheacutenomegravene lrsquoenfant entre deux et trois ans convoque un reacutepertoire de structures elliptiques non finies qui pourraient tout aussi bien ecirctre le reacutesultat de la limitation des ressources de traitement Les constructions non finies employeacutees chez lrsquoenfant est comparable drsquoun point de vue qualitatif agrave celles employeacutees chez lrsquoadulte normal et chez lrsquoagrammatique Les diffeacuterences sont drsquoordre quantitatif les freacutequences drsquoemploi de structures non finies diffegraverent entre les groupes et dans le groupe drsquoenfants drsquoun point de vue longitudinal (10 chez les normaux 83 chez les enfants agrave deux ans - 60 agrave deux ans et demi - 40 agrave 3 ans et 60 chez les agrammatiques) Drsquoapregraves ces donneacutees dix types de constructions non finies ressortent (voir le Tableau 3 page suivante)

47 Il srsquoagit de constructions ougrave le marquage grammatical (flexions verbales ou casuelles) est incomplet Pour deacutegager cette typologie des constructions non finies lrsquoauteur nrsquoexplique pas reacuteellement quels critegraveres autres que syntaxiques (prosodiques seacutemantiques ) lui permettent drsquoisoler objectivement ces structures syntaxiques de base Lrsquointuition linguistique y est probablement pour beaucoup Les constructions ainsi identifieacutees par KOLK sont tregraves utiles pour qui souhaite laquo segmenter raquo le discours continu agrammatique Nous nous en sommes en partie inspireacutee dans la mise au point de notre deacutemarche de mise en forme des corpus de discours continu oraux de langue franccedilaise (voir au point 471 p 154)

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(a) Constructions de type PREacuteDICAT ISOLEacute (Isolated Predicates)

1 SV (Vinf ou Vpart) Syntagme Verbal agrave la forme non finie (infinitif ou participe) (Nonfinite Verb NfV)

Bome stekken arbres scier laquo jrsquoeacutetais occupeacute agrave scier des arbres raquo

2 SN Syntagme Nominal (Noun Phrase)

Goed weer beau temps laquo il faisait beau raquo

3 SP Syntagme Preacutepositionnel (Prepositional Phrase)

Naar zee agrave la mer laquo nous sommes alleacutes agrave la mer raquo

4 ADJ Adjectif (Adjective)

Fanatiek fanatique laquo je suis fanatique raquo

5 ADV Adverbe (Adverb)

Niet zo erg pas si mal laquo ce nrsquoeacutetait pas si mal raquo

(b) Constructions composeacutees de type SUJET + PREacuteDICAT (Subject + Predicate)

1 SN+SV (Vinf ou Vpart) Syntagme Nominal + Verbe agrave la forme non finie (infinitif ou participe) (Noun Phrase + Nonfinite Verb)

Doktor ook weten docteur savoir aussi laquo le docteur le sait aussi raquo

2 SN+SN Syntagme Nominal + Syntagme Nominal (Noun Phrase + Noun Phrase)

Ik tabletje moi pilule laquo jrsquoai pris une pilule raquo

3 SN+SP Syntagme Nominal + Syntagme Preacutepositionnel (Noun Phrase + Prepositional Phrase)

Koffie drsquor in cafeacute ccedila dans laquo le cafeacute est alleacute dedans raquo

4 SN+ADJ Syntagme Nominal + Adjectif (Noun Phrase + Adjective)

Hersenen niet goed cerveau pas bon laquo mon cerveau nrsquoest pas bon raquo

5 SN+ADV Syntagme Nominal + Adverbe (Noun Phrase + Adverb)

Winter buiten hiver dehors laquo dehors crsquoeacutetait lrsquohiver raquo

Tableau 3 Constructions elliptiques non finies (non finite clauses) employeacutees par lrsquoagrammatique adapteacute de KOLK (2006 246-247 donneacutees du hollandais traduites en

franccedilais)48

48 Nous ne reproduisons ici que les exemples tireacutes des corpus agrammatiques Pour les exemples tireacutes des corpus de parlers non aphasique et enfantin voir KOLK (2006 247)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Dans les constructions agrave PREacuteDICAT ISOLEacute (a) la preacutedication est reacutealiseacutee sur un Topic preacutesupposeacute accessible par les connaissances partageacutees et le contexte Dans les combinaisons SUJET + PREacuteDICAT (b) le Topic est exprimeacute (Sujet)

Drsquoautre part lrsquoemploi de formes elliptiques est variable selon le type de tacircche Dans des tacircches de production orale diverses avec manipulation des contraintes situationnelles les variations de performance non aleacuteatoires ont eacuteteacute observeacutees (voir ci-apregraves)

Style elliptique et variabiliteacute inter-tacircches

Toujours drsquoapregraves KOLK (2006 248) le recours au reacutepertoire de parler elliptique varie en fonction de contraintes computationnelles et communicationnelles Drsquoabord lorsque les contraintes communicationnelles sont fortes le locuteur a tendance agrave reacuteduire lrsquoemploi drsquoellipses En contrepartie il produit un nombre plus eacuteleveacute de laquo vraies erreurs raquo de substitutions49 car la surcharge computationnelle est alors favoriseacutee Ainsi en comparant les performances dans une tacircche de narration agrave partir drsquoimages (production de discours continu assez libre) et dans une tacircche de production de phrases isoleacutees tregraves cibleacutees agrave partir drsquoune scegravene preacutecise HOFSTEDE et KOLK (1994) ont noteacute drsquoune part une baisse du nombre drsquoomissions de preacutepositions de deacuteterminants et drsquoautre part une augmentation du nombre de substitutions seulement entre preacutepositions ce qui suggegravere que les deacuteterminants sont moins couteux agrave encoder

Une autre tacircche tregraves exigeante en termes de pression communicative fut proposeacutee aux mecircmes sujets agrammatiques le patient doit formuler une structure dont la correction lexicale et morpho-syntaxique conditionne la reacuteussite de la reacutealisation drsquoune action par autrui Drsquoapregraves une configuration spatiale repreacutesenteacutee par un dessin le sujet agrammatique doit speacutecifier agrave un tiers par exemple que un cercle rouge est au-dessus drsquoun carreacute bleu Le reacutecepteur du message exeacutecute lrsquoaction sans voir la configuration repreacutesenteacutee par le dessin et ne peut se fier qursquoagrave la construction formuleacutee par patient50 Les analyses des structures formuleacutees par les patients reacutevegravelent que le taux drsquoomission de preacutepositions baisse par rapport agrave la tacircche de narration drsquohistoire (de 49 agrave 1 ) alors que les substitutions entre preacutepositions augmentent fortement (de 4 agrave 28 ) Srsquoagissant des deacuteterminants et les flexions aucune variation significative ne fut observeacutee Les donneacutees issues de lrsquoeacutetude preacuteciteacutee ont eacuteteacute reacute-analyseacutees par

49 Pour nous cela revient agrave dire que lorsque le propos doit gagner en preacutecision drsquoencodage en eacutetant plus complet en sollicitant plus drsquoeffort de formulation le patient se risque agrave faire plus de confusions entre morphegravemes du fait de la surcharge cognitive occasionneacutee De ce point de vue les erreurs reflegravetent ainsi plus le deacuteficit sous-jacent qursquoune conduite adaptative sauf lorsqursquoon remarque qursquoun morphegraveme semble laquo preacutefeacutereacute raquo agrave drsquoautres au sein drsquoun paradigme donneacute Par exemple si une preacuteposition est plus facilement accessible qursquoune autre elle sera employeacutee plus freacutequemment voire mecircme par deacutefaut Nos reacutesultats vont drsquoailleurs dans ce sens (chapitres 6 et 7) 50 Ce type de tacircche tregraves contraignante des points de vue de la consigne et de la pression communicative se distingue des tacircches plus libres de type narration agrave partir drsquoimages ou production spontaneacutee Ce dernier type preacutesente le degreacute de liberteacute maximum

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DE ROO et al (2003) qui concluent que certains locuteurs deacutecomposent la configuration spatiale et produisent un nombre plus eacuteleveacute drsquoeacutenonceacutes pour eacuteviter de faire des erreurs de substitutions qui pourraient induire lrsquoexpeacuterimentateur en erreur Ainsi au lieu de dire les cercles rouges sont sur les cubes blancs la construction deacutecomposeacutee cubes blancs cercles rouges en haut permet drsquoeacuteviter une eacuteventuelle erreur de substitution (par exemple dans les cubes blancs au lieu de sur les cubes blancs Dans ce cas les preacutepositions sont utiliseacutees en emploi intransitif plutocirct qursquoavec un Nom pour reacutegime (lrsquoemploi intransitif correspondant agrave un emploi adverbial dans nos conceptions grammaticales en franccedilais) Par ailleurs la formulation lieacutee aux informations concernant les couleurs sont fournies par des constructions de type le carreacute bleu51 des constructions sans preacutedicat verbal carreacute () bleu ou des adjectifs isoleacutes bleu

Pour aller plus loin dans la compreacutehension de lrsquoellipse normale notamment afin de voir si son suremploi a les mecircmes effets chez le sujet normal et chez lrsquoagrammatique une nouvelle consigne fixe une limite de deux mots maximum aux groupes de locuteurs controcircles En conseacutequence de cette contrainte suppleacutementaire des constructions elliptiques tregraves varieacutees sont produites et leur nombre double (du fait de la proceacutedure de deacutecomposition) ce qui garantit la reacuteussite de lrsquoacte de parole dans 96 des cas (et 89 pour le groupe agrammatique dans la condition sans limite en nombre de mots)

Ainsi les manipulations de la pression communicative attacheacutee agrave une tacircche de production chez les sujets normaux et agrammatiques permettent de faire ressortir en moyenne de groupe que la convocation du style elliptique est variable selon la tacircche De plus la variabiliteacute inter-sujets est assez nette alors que chez certains participants ces tendances sont tregraves marqueacutees drsquoautres ne montrent pas de tels patrons de performances Ainsi HOFSTEDE et KOLK (1994) reportent notamment le cas drsquoun patient pour lequel 86 des verbes sont employeacutes agrave la forme non finie en conversation spontaneacutee alors qursquoen description drsquoimages tous les verbes sont employeacutes dans une forme finie Drsquoautre part pour ce mecircme patient on relegraveve des freacutequences drsquoomissions de mots fonctions allant de 68 en conversation agrave 2 en description drsquoimage

Ces baisses de freacutequences drsquoomissions sont conjugueacutees agrave une augmentation des freacutequences de substitutions entre mots fonctions (de 2 agrave 16 ) agrave une baisse du deacutebit verbal passant de 30 agrave 19 mots par minutes et agrave une augmentation du nombre de reacutepeacutetitions de mots lexicaux (en lrsquooccurrence il srsquoagirait drsquoautocorrections expliciteacutees)

Les symptocircmes de baisse du deacutebit et drsquoaugmentation des nombres de mots sont le signe que le patient passe drsquoune adaptation preacuteventive (avec des omissions et des simplifications laquo anticipeacutees raquo en production libre) agrave une adaptation corrective (avec des reacuteparations ou overt-repairs en production plus contrainte)

51 En hollandais lrsquoadjectif dans une construction de type SN+ADJ est attributif lrsquoadjectif eacutepithegravete eacutetant placeacute en geacuteneacuteral avant le nom et non apregraves comme dans la traduction franccedilaise proposeacutee ici

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Ce patient est notamment capable de reacuteprimer lrsquoemploi du style elliptique agrave la demande explicite de lrsquoexpeacuterimentateur En effet lorsque on a demandeacute au sujet de reacuteprimer le style elliptique la freacutequence drsquoomissions de mots fonctions est ainsi passeacutee de 68 agrave 18 en conversation libre la freacutequence de verbes agrave la forme non finie de 86 agrave 24 et le deacutebit de 30 agrave 15 mots par minutes

Selon KOLK (2006 251) le fait que lrsquoagrammatique passe agrave un registre beaucoup plus elliptique en conversation spontaneacutee srsquoexplique par les paramegravetres de la situation et plus preacuteciseacutement le degreacute drsquointeractiviteacute lieacutee aux conditions de verbalisation lorsqursquoun expeacuterimentateur participe activement agrave la description drsquoune image en relanccedilant lrsquoagrammatique par des questions en faisant des suggestions le patient revient agrave un style elliptique52

Cela va dans le sens drsquoune proposition formuleacutee par NESPOULOUS (1996) qui a suggeacutereacute que la reacutepartition des rocircles dans le dialogue est du fait de lrsquoaphasie reacuteorganiseacutee dans lrsquointeraction verbale Dans ce cas crsquoest lrsquointerlocuteur qui sert de laquo beacutequille raquo verbale au patient qui demeure actif dans son entreprise de verbalisation

2434 Synthegravese des propositions de KOLK

Deux modes adaptatifs sont deacutefinis par cet auteur

(1) lrsquoadaptation corrective de laquelle reacutesultent les pheacutenomegravenes drsquoinhibition et de reacutepression de ce qui est sur le point drsquoecirctre produit dans une proceacutedure drsquoautocorrection et de reformulation visible (expliciteacutee) ou invisible (silencieuse) Ce type drsquoadaptation (les overt- et covert-repairs) a un effet sur la fluence verbale et le deacutebit Le symptocircmes de deacutebit ou drsquoaisance verbale (rate symptoms) srsquoy rapportent (ralentissement du deacutebit amorces rateacutes heacutesitations pauses longues remplisseurs etc)

(2) et lrsquoadaptation preacuteventive de laquelle reacutesultent les pheacutenomegravenes de simplification qualitative des structures et de reacuteduction quantitative crsquoest-agrave-dire le style elliptique La reacuteduction de la varieacuteteacute des constructions syntaxiques (ou syntactic symptom) et la variation de freacutequence drsquoomissions des morphegravemes grammaticaux (ou morphological symptom) srsquoy rapportent

52 Le domaine de lrsquoAnalyse Conversationnelle (AC) en pragmatique discursive peut fournir des outils analytiques et conceptuels tregraves utiles dans cette perspective drsquoeacutetude de la conversation aphasique en vue de mener des analyses fines des situations de verbalisation laquo naturelles raquo Lrsquoancrage de toute formulation de message dans le contexte (les paramegravetres de la situation) et suivant le cotexte (les tours de parole) deacutetermine lrsquoemploie du registre elliptique les paramegravetres de la situation les rocircles des interlocuteurs les connaissances partageacutees constituent autant de moyens possibles pour lrsquoaphasique de compenser son trouble et ainsi progresser avec son interlocuteur dans lrsquoeacutechange discursif Dans cette perspective PRINS et BASTIAANSE (2004) proposent une revue approfondie des recherches et des outils drsquoeacutevaluation des capaciteacutes pragmatiques et conversationnelles de lrsquoaphasique dans le cadre drsquoune conception fonctionnelle du handicap

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Selon KOLK (1995 293) lrsquoemploi du style elliptique se met en place de maniegravere controcircleacutee et conscientiseacutee processus qui va graduellement srsquoautomatiser Une adaptation reacuteussie aura un double effet

les erreurs occasionneacutees du fait de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement tendent agrave ecirctre eacutelimineacutees et par la mecircme occasion la gecircne qursquoelles imposent agrave lrsquoagrammatique lorsqursquoelles surviennent

les structures agrave produire sont plus simples et donc mieux adapteacutees aux ressources cognitives disponibles

Le mode drsquoadaptation preacuteventive (lrsquoemploi du style elliptique) a pour fonction drsquoajuster la formulation aux possibiliteacutes cognitives restantes

En drsquoautres termes il srsquoagit drsquoaccommoder la formulation drsquoun message suivant la reacuteduction des capaciteacutes de traitement En outre nous ajoutons que pour reacutealiser cette accommodation les proprieacuteteacutes combinatoires et seacutelectives qursquooffre tout systegraveme linguistique sont exploiteacutees de maniegravere agrave pallier le handicap communicationnel occasionneacute par le trouble aphasique ce qui a partie lieacutee avec lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives (exposeacutee au point 245 p 74)

Selon KOLK (2006) le laquo langage srsquoadapte au cerveau raquo en difficulteacute par lrsquoaugmentation de la freacutequence de certains comportements plus commodes existants dans le reacutepertoire normal Pour le deacutemontrer il faut

(a) deacutecrire un sous-ensemble de reacutepertoires de comportements langagiers possibles ordinaires plus freacutequemment utiliseacutes par le patient apregraves la leacutesion ceacutereacutebrale Malgreacute le caractegravere incomplet des constructions deacutecrites chez les agrammatiques celles-ci respectent des proprieacuteteacutes grammaticales speacutecifiques caracteacuteristiques du langage non pathologique

(b) voir dans lrsquoaugmentation de lrsquousage de ce type de comportement une conduite adaptative en situation de difficulteacute neuropathologique

(c) proposer une explication plausible du meacutecanisme qui sous-tend lrsquoadaptation

(d) mettre en valeur les pheacutenomegravenes drsquoadaptation en deacutegageant des variabiliteacutes inter-tacircches

244 Lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction

Dans le courant des theacuteories drsquoadaptation lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement semble la plus laquo extreacutemiste raquo Formuleacutee par HEESCHEN (1985 233) elle remet radicalement en question la dichotomie classique opeacutereacutee entre le trouble paragrammatiquee associeacute agrave lrsquoaphasie fluente (de Wernicke) versus le trouble agrammatique associeacute agrave lrsquoaphasie non fluente (de Broca)

Pour HEESCHEN (1985 247) le patient agrammatique srsquoadapte suivant les moyens qui lui sont encore disponibles Il insiste sur le fait que plutocirct que drsquoessayer de comprendre agrave tous prix les manquements du discours agrammatique il faut plutocirct srsquoattacher agrave speacuteculer drsquoapregraves ce qui est effectivement preacutesent dans le discours agrammatique

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

74

Ainsi lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction grammaticale se reacutesume ainsi lrsquoagrammatisme est une reacuteaction du patient au deacuteficit (paraphrasant GOLDSTEIN 1948) ou une adaptation au deacuteficit (citant KOLK 1985) mais lrsquoomission preacutefeacuterentielle de certains eacuteleacutements lors de la verbalisation srsquoexpliquerait non pas par le fait que le patient soit incapable de les formuler mais plutocirct par le fait qursquoil eacutevite sciemment de les inteacutegrer dans son discours afin de ne pas risquer de faire une erreur ou parce qursquoil lui en coucircterait trop du point de vue cognitif Cependant comme HEESCHEN lrsquoavoue lui-mecircme si cette hypothegravese pouvait srsquoappliquer sans restriction on ne trouverait dans le discours agrammatique que les formes correctement formuleacutees

Corollairement agrave cette hypothegravese un autre aspect tregraves important est agrave souligner les strateacutegies drsquoeacutevitement sont inopeacuterantes si lrsquoaptitude du patient agrave percevoir sa propre verbalisation et agrave en juger la correction grammaticale est alteacutereacutee Ce type de strateacutegies se met en place agrave condition que la conscience (awareness) manifesteacutee par le sujet sont attitude vis-agrave-vis de ce qursquoil ne maicirctrise plus dans la langue et ses capaciteacutes agrave distinguer la grammaticaliteacute de lrsquoagrammaticaliteacute demeurent relativement preacuteserveacutees Drsquoailleurs lrsquoagrammatique est souvent capable dexpliciter sa difficulteacute linguistique et mecircme de deacutecrire son trouble en des termes tregraves preacutecis

Toujours suivant le degreacute de conscience que le locuteur manifeste vis-agrave-vis de son trouble le trouble agrammatique peut ecirctre notamment mis en parallegravele et opposeacute au trouble paragrammatique observeacute dans lrsquoaphasie fluente de Wernicke (sur cette question voir aussi au point 234 p 46) En effet lrsquoaphasie de Wernicke se caracteacuterise agrave lrsquoinverse de lrsquoagrammatisme associeacute au tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca par un deacutebit normal ou rapide une deacutesinhibition verbale ougrave se glissent des paraphasies lexicales et morpho-syntaxiques des teacutelescopages ou amalgames de constructions syntaxiques indeacutependantes des constructions complexes interrompues puis continueacutees agrave partir du deacutebut de la proposition subordonneacutee

Ces pheacutenomegravenes peuvent srsquoexpliquer par le fait que les conduites adaptatives peuvent ecirctre impossibles agrave mettre en place dans le cas ougrave le patient semble ne pas percevoir ou avoir conscience des erreurs qursquoil est sur le point de produire ou qursquoil a produites

Pour finir srsquoagissant des omissions HEESCHEN (1985) pense que ce qui est omis chez lrsquoagrammatique ne lrsquoest pas chez le paragrammatique

245 Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives

2451 Principes sous-jacents

Dans une eacutetude ciblant lrsquoanalyse des flexions verbales et drsquoinfinitifs employeacutes chez les agrammatiques en production de discours spontaneacute et en situation de tests divers JAREMA

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

75

et NESPOULOUS (1984) ont mis en valeur une variabiliteacute inter-sujets et intra-sujet drsquoougrave il ressort que

la production laquo drsquoinfinitifs agrammaticaux raquo (crsquoest-agrave-dire lrsquoemploi de verbes agrave la forme infinitive dans un contexte ougrave une forme fleacutechie est obligatoire) ne serait pas systeacutematique chez tous les agrammatiques

la production drsquoinfinitifs agrammaticaux constituerait laquo simplement une substitution drsquoune forme temporelle laquo neutre raquo non marqueacutee agrave une forme temporelle marqueacutee raquo

le recours freacutequent agrave la preacuteposition pour est pratique il permet lrsquoemploi de verbes pour lesquels il nrsquoest pas neacutecessaire de proceacuteder agrave des computations suppleacutementaires car la forme infinitive peu couteuse suffit apregraves cette preacuteposition53

des degreacutes variables de perturbations seraient refleacuteteacutes par des taux variables de verbes employeacutes agrave lrsquoinfinitif agrammatical par rapport au nombre total de verbes produits

En conclusion (JAREMA et NESPOULOUS 1984)

laquo [Il faut inteacutegrer dans] une interpreacutetation globale [du trouble] les strateacutegies compensatoires eacutechafaudeacutees par le patient soucieux de pallier ses troubles verbaux Certaines de ces strateacutegies ont deacutejagrave fait lrsquoobjet de maintes observations [] mais aucune theacuteorie systeacutematique des strateacutegies compensatoires nrsquoa encore eacuteteacute formuleacutee raquo

En cela reacuteside lrsquoobjectif que drsquoautres (KOLK ou nous-mecircme dans le preacutesent travail) agrave lrsquoinstar de ces auteurs se sont fixeacutes

Srsquoagissant des laquo strateacutegies palliatives raquo en particulier VILLIARD et NESPOULOUS (1989 29) en fournissent une deacutefinition qui nous semble englober divers pheacutenomegravenes compensatoires identifieacutes par ailleurs dans les travaux de KOLK

laquo [hellip] les pheacutenomegravenes dits laquo palliatifs raquo renvoient agrave des facteurs compensatoires de reacuteorganisation eacutevitement ou autre au travers drsquoun systegraveme perturbeacute Les pheacutenomegravenes palliatifs partagent assureacutement quelques traits de similitude avec les strateacutegies pragmatiques que tout le monde utilise puisqursquoil srsquoagit dans les deux cas drsquoadaptation tactique agrave des circonstances particuliegraveres conditions externes pour les strateacutegies pragmatiques limitations internes pour les facteurs compensatoires provoqueacutes par le contexte pathologique raquo

Ces principes vont dans le mecircme sens que les propositions de KOLK en reacuteponse au deacuteficit sous-jacent (crsquoest-agrave-dire agrave la limitation interne ou agrave lrsquoincapaciteacute) les agrammatiques ont recours agrave des comportements langagiers typiques des comportements drsquoadaptation manifesteacutes par nrsquoimporte quel locuteur non aphasique Ces comportements drsquoadaptation sont eux-mecircmes deacutetermineacutes par les paramegravetres de la situation ougrave le patient agrammatique doit accomplir son acte de langage En outre lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives integravegre le principe de

53 Une eacutetude partielle de nos corpus agrammatiques centreacutee sur lrsquoemploi des preacutepositions confirme cette hypothegravese (SAHRAOUI 2009)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

76

variation des performances comme eacuteleacutement fondamental des adaptations contextuellement linguistiquement et cognitivement motiveacutees

Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives privileacutegie une description linguistique des symptocircmes adaptatifs ou laquo palliatifs raquo (NESPOULOUS 1996) dans lrsquoagrammatisme

Ce faisant se deacutegage toute une theacuteorie de la flexibiliteacute linguistique et de la reacuteorganisation fonctionnelle des capaciteacutes cognitives attacheacutees agrave la performance langagiegravere54

2452 Deacutefinition

NESPOULOUS (1998) deacutefinit lrsquoexpression laquo strateacutegies palliatives raquo comme ceci

laquo [Les strateacutegies palliatives sont] un ensemble de moyens qursquoutilisent les patients pour tenter de contourner tel ou tel deacuteficit Mecircme si de fait ces strateacutegies sont particuliegraverement freacutequentes dans le comportement des aphasiques - ce qui ne veut pas dire certes qursquoelles soient toujours couronneacutees de succegraves - elles ne sont pas inventeacutees par ces derniers Elles correspondent bien au contraire agrave des proceacutedures linguistiques bien identifieacutees dans les langues du monde et bien eacutetablies chez tout locuteur chaque fois que survient une difficulteacute dans le deacuteroulement drsquoun acte de parole Ainsi tout locuteur qui - pheacutenomegravene freacutequent - ne parvient pas agrave trouver un mot recourt agrave une peacuteriphrase agrave un (quasi)-synonyme voir agrave un geste autant de pheacutenomegravenes qui au surplus teacutemoignent drsquoailleurs souvent de lrsquointeacutegriteacute des repreacutesentations seacutemantiques sous-jacentes raquo

En reacutesumeacute le recours freacutequent agrave certains items lexicaux vient pallier le manque de marques grammaticales si caracteacuteristique dans lrsquoagrammatisme tels que

lrsquoemploi drsquoun lexegraveme geacuteneacuterique comme femme adosseacute agrave un autre lexegraveme en guise de marqueur du genre feacuteminin (crsquoest un bœuf euh femme pour le mot vache)

lrsquoemploi de quantificateurs (beaucoup un peu de tout ) et drsquoadjectifs numeacuteraux en guise de deacuteterminants et de marqueurs de nombre devant les noms

lrsquoemploi drsquoadverbes (avant maintenant apregraves demain ) en guise de marqueurs temporels palliant le manque de marques temporelles et aspectuelles porteacutees par les deacutesinences verbales (la suffixation en franccedilais) et les verbes auxiliaires avoir et ecirctre

lrsquoemploi de gestes deacuteictiques mimant les preacutepositions spatiales difficiles agrave employer

Cette derniegravere strateacutegie est non verbale (elle srsquoactualise dans le contexte physique de la situation) et les autres types de strateacutegies palliatives citeacutees en exemple sont codiques (elles srsquoactualisent au niveau du code linguistique)

Ainsi les strateacutegies palliatives codiques telles que deacutefinies par NESPOULOUS seraient fondeacutees notamment sur les moyens lexicaux demeureacutes opeacuterationnels et sur lesquels srsquoappuie

54 Sur le principe de flexibiliteacute voir NESPOULOUS et VIRBEL (2004) NESPOULOUS (2005) et NESPOULOUS (1994 1997 2004)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

77

le locuteur agrammatique dont les moyens grammaticaux sont rendus inopeacuterants suite agrave un deacuteficit

Les strateacutegies sont eacutelaboreacutees suivant un niveau drsquoorganisation linguistique donneacute Elles vont laquo pallier raquo le dysfonctionnement sous-jacent occasionneacute par des processus drsquoencodage devenus (partiellement) inopeacuterants En drsquoautres termes une incapaciteacute de formulation est donc compenseacutee ou pallieacutee agrave travers les niveaux drsquoorganisation linguistique demeureacutes opeacuterationnels suite au deacuteficit

NESPOULOUS (1998 81) ajoute ceci

laquo Le patient - gecircneacute dans la gestion laquo proceacutedurale raquo tregraves largement automatiseacutee chez le sujet normal agrave lrsquoeacutetat adulte des morphegravemes grammaticaux - nrsquoaurait drsquoautre recours que de mobiliser de maniegravere controcircleacutee et strateacutegique ses connaissances laquo deacuteclaratives raquo toujours intactes pour pallier une telle carence profitant pour ce faire tant de la connaissance de sa langue que des possibiliteacutes structurales qursquoelle offre dans drsquoautres registres que celui qui se trouve perturbeacute raquo

En outre lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives srsquoappuie sur une description plutocirct modulaire des pheacutenomegravenes linguistiques En effet cette approche meacutethodologique modulaire des pheacutenomegravenes langagiers reste selon nous compatible avec une vision theacuteorique holistique ougrave les sous-systegravemes linguistiques dissocieacutes pour des raisons pratiques descriptives srsquoarticulent selon des interfaces et dans un continuum les uniteacutes ou repreacutesentations (postuleacutees par le linguiste en theacuteorie) du systegraveme srsquoorganisent pour former un laquo tout inteacutegreacute raquo dans la structure de la langue (la compeacutetence linguistique statique et objectiveacutee) et dans son instanciation (la performance linguistique dynamique et incarneacutee par le locuteur in situ)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

78

3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique

30 Modegraveles de production introduction

Agrave ses deacutebuts MEHLER et NOIZET (1974 18) preacutesentent les objectifs de la psycholinguistique en ces termes

laquo La tacircche de la psycholinguistique ne peut pas se reacuteduire agrave repeacuterer les limitations agrave lrsquoactualisation de la compeacutetence qursquoimposent les contraintes de la meacutemoire ou de la perception elle consiste fondamentalement agrave construire un veacuteritable modegravele de la performance raquo

Crsquoest bien la mission que cherchent agrave accomplir entre autres FROMKIN (1973) GARRETT (1975 1976 1980) ou LEVELT (1989 1999) pour lrsquoapproche modulaire de la production orale et DELL (1986) et son approche connexionniste

La psycholinguistique revient agrave manipuler une situation par des moyens divers afin de rendre accessible les processus profonds de la performance langagiegravere (en perception compreacutehension et production) La meacutethode en psycholinguistique est fondeacutee sur lrsquoobservation de faits langagiers agrave travers la reacutealisation de tests expeacuterimentaux cibleacutes sur une variable linguistique deacutefinie au deacutepart ou en situation ordinaire et ce suivant certains aspects (tels que le temps de reacuteaction le type de reacuteponse vis-agrave-vis du stimulus preacutesenteacute le releveacute systeacutematique de lapsus en situation naturelle etc)

Lrsquoobjectif ultime est de fournir un modegravele de la performance langagiegravere axeacute sur les diffeacuterentes eacutetapes de traitement psycholinguistique qui sous-tendent le comportement langagier

Drsquoapregraves les donneacutees issues de lrsquoaphasiologie et en particulier de lrsquoagrammatisme ces modegraveles de reacutefeacuterence en production verbale orale sont utiliseacutes pour satisfaire les deux principaux objectifs heuristiques suivants

(1) drsquoune part ils sont utiliseacutes en guise de cadre interpreacutetatif des pheacutenomegravenes patholinguistiques observeacutes en surface

(2) drsquoautre part vis-agrave-vis des donneacutees comportementales aphasiques leur puissance interpreacutetative peut ecirctre eacuteprouveacutee et ce faisant ils peuvent ainsi ecirctre modifieacutes ou affineacutes agrave travers des pistes nouvelles

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

79

301 Le modegravele de GARRETT

Scheacutema 2 Modegravele de GARRETT les eacutetapes de lrsquoencodage drsquoun message impliqueacutees dans la

production orale (1984 174 repris par CAPLAN 1996 322)

Inferential processes

Positional level representation

Regular phonological processes

Phonetic level representation

Motor coding processes

Articulatory instructions

Message level representation

Logical and syntactic processes

Syntactic and phonological processes

-deacutetermination des structures fonctionnelles et syntaxiques -seacutelection lexicale seacutemantique -assignation du mateacuteriel lexico-seacutemantique aux rocircles fonctionnels

Functional level representation

-seacutelection des structures positionnelles (matrice emplacements ordre des mots) -extraction des formes lexicales -insertion des uniteacutes lexicales et grammaticales dans les positions syntagmatiques

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

80

Le modegravele de GARRETT preacutesente les eacutetapes de lrsquoeacutelaboration drsquoun message depuis la conceptualisation jusqursquoagrave la verbalisation effective Son architecture est le fruit de lrsquoeacutetude en termes logiques des occurrences drsquoerreurs releveacutees dans la parole spontaneacutee55

Lrsquoexpression du message passe par plusieurs eacutetapes de mise en place de niveaux de repreacutesentation linguistique (message - functional - positional - phonetic level representation) hieacuterarchiquement organiseacutes (voir Scheacutema 2 ci-dessus p 79)

La mise en place des niveaux de repreacutesentation (entre accolades dans le scheacutema) reacutesulte des traitements autonomes et co-occurrents anteacuterieurs de diffeacuterentes natures (inferential - logical and syntactic - phonological - motor coding processes en encadreacutes dans le scheacutema)

En effet lrsquoeacutetape initiale la mise en place du niveau de repreacutesentation du message est le reacutesultat des traitements ou processus infeacuterentiels lieacutes aux intentions communicatives du locuteur Cette eacutetape est plutocirct conceptuelle

Ensuite les traitements drsquoencodage grammatical interviennent Drsquoapregraves LEWERS (2002 109-110) laquo [ils] reccediloivent en entreacutee la repreacutesentation conceptuelle de la signification que le locuteur deacutesire exprimer verbalement Les traitements drsquoencodage grammatical sont seacutepareacutes en deux niveaux fonctionnel et positionnel raquo

Puis laquo au niveau fonctionnel des fonctions syntaxiques sont attribueacutees aux eacuteleacutements lexicaux traduisant la signification intentionnelle du locuteur raquo (LEWERS 2002 110) Cette eacutetape correspond agrave la mise en place du niveau de repreacutesentation fonctionnelle gracircce aux traitements ou processus logiques et syntaxiques appliqueacutes aux uniteacutes lexicales de base crsquoest-agrave-dire les opeacuterations drsquoassignation des rocircles seacutemantiques (Agent Patient Beacuteneacuteficiaire etc) drsquoeacutetablissement des cateacutegories syntaxiques (ou cas Sujet Objet etc) et de deacutetermination de la structure preacutedicative de la seacutequence agrave produire Lrsquouniteacute de traitement est la proposition

Ensuite le niveau de repreacutesentation positionnelle reacutesulte des traitements ou processus syntaxiques et phonologiques aboutissant agrave la mise en place de la matrice syntaxique (avec la prosodie) correspondant au positionnement des constituants et agrave lrsquoeacutetablissement de leurs relations syntaxiques qui conditionne lrsquoinsertion des morphegravemes grammaticaux sous une forme phonologique au sein de cette matrice Lrsquouniteacute de traitement est le syntagme LEWERS (2002 110) en explique le principe de la maniegravere suivante

laquo Au niveau positionnel une structure positionnelle (cadre syntaxique) est creacuteeacutee qui contient des places vides56 (crsquoest-agrave-dire des variables qui peuvent ecirctre remplies par des arguments particuliers) Ces places seront remplies par les mots et affixes flexionnels le temps la personne et le nombre pour les verbes le nombre et le genre pour les noms raquo

55 Pour une preacutesentation du modegravele de GARRETT et de ses prolongements (en particulier des niveaux fonctionnel et positionnel) illustreacutee par des exemples drsquoerreurs releveacutees voir LEWERS (2002) 56 Ce que nous appelons laquo emplacements syntaxiques raquo notre traduction de lrsquoanglais laquo syntactic slots raquo

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

81

Enfin les processus phonologiques et moteurs commandent la mise en place des niveaux phoneacutetiques et la transmission des instructions articulatoires de lrsquoexpression agrave produire

GARRETT suggegravere que les mots de classe ouverte (N V ADJ ) sont speacutecifieacutes dans une eacutetape profonde fonctionnelle et que viennent srsquointeacutegrer ensuite lors de lrsquoeacutetablissement de la matrice syntaxique les uniteacutes speacutecifiant les relations morpho-syntaxiques (crsquoest-agrave-dire les mots fonctions et flexions) Selon lui drsquoapregraves les faits il est leacutegitime de penser que les processus de reacutecupeacuteration des uniteacutes grammaticales speacutecifiant les relations morpho-syntaxiques de la seacutequence agrave produire soient posteacuterieurs aux processus de reacutecupeacuteration des uniteacutes lexicales speacutecifiant les relations seacutemantiques et preacutedicatives En drsquoautres termes les uniteacutes de classe fermeacutee sont intrinsegravequement lieacutees aux cadres syntaxiques speacutecifieacutes agrave lrsquoeacutetape de mise en place du niveau positionnel

302 Prolongements du modegravele de GARRETT

Drsquoapregraves LEWERS (2002 110)

laquo Les modegraveles ulteacuterieurs ont conserveacute [la] distinction [entre les niveaux fonctionnel et positionnel] et se sont attacheacutes agrave preacuteciser certains aspects du modegravele de GARRETT resteacutes peu speacutecifieacutes Ces aspects concernent la nature et lrsquoorganisation des processeurs qui prennent en charge la construction de chacune des repreacutesentations la nature des informations auxquelles ces processeurs ont accegraves et la coordination des traitements drsquoattribution des fonctions et de creacuteation du cadre positionnel avec les traitements lexicaux raquo

En effet ce modegravele modulaire descendant postule que les traitements reacutealiseacutes en amont constituent lrsquoinput (ou lrsquoentreacutee) des traitements reacutealiseacutes en aval Le principe de seacuterialiteacute stricte des processus de traitement repose sur le fait qursquoun processeur ulteacuterieur (en aval dans le modegravele de production) ne peut commencer ces traitements tant que les traitements du processeur preacuteceacutedent (en amont) ne sont pas termineacutes Ce principe nrsquoest pas en adeacutequation avec les contraintes temporelles externes de la communication verbale selon lesquelles les messages sont exprimeacutes dans un flux continu et fluide et ougrave les tours de parole srsquoenchaicircnent de maniegravere tout aussi continue

LEWERS (2002 110-111) argumente en ces termes

laquo Le problegraveme de la taille des uniteacutes de traitement se pose Lrsquohypothegravese drsquoune organisation seacuterielle avec des uniteacutes de traitement de la longueur drsquoune phrase ne permettent pas de rendre compte de la fluiditeacute de la parole En effet si depuis lrsquoeacutelaboration du message jusqursquoagrave lrsquoarticulation chaque processeur traitait une uniteacute de la longueur drsquoune phrase mais qursquoil devait attendre la sortie du processeur preacuteceacutedent le discours serait neacutecessairement tregraves irreacutegulier De longues peacuteriodes de silence lorsque le conceptualisateur est occupeacute agrave travailler seraient suivies de peacuteriodes de laquo deacutebordement raquo lorsqursquoune structure conceptuelle serait convertie en phrase complegravete raquo

De ce fait les principes de modulariteacute et de seacuterialiteacute exclusives ne sont donc pas tenables

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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En conseacutequence il est plus logique de penser que dans une certaine mesure les traitements srsquoopegraverent aussi de maniegravere parallegravele et non de maniegravere strictement seacuterielle Ce qui revient agrave dire que chacun des processeurs peuvent en mecircme temps commencer leur traitement sur des uniteacutes plus petites que la phrase entiegravere Le traitement de la phrase est alors dit laquo increacutemental raquo

Pour finir LEWERS (2002 111) affirme que laquo cette hypothegravese du traitement increacutemental proposeacutee par KEMPEN et HOEKAMP (1987) a eacuteteacute retenue dans la plupart des modegraveles de production du langage (LEVELT 1989 BOECK et LEVELT 1994 DELL 1986 LAPOINTE et DELL 1989 KEMPEN et HOEKAMP 1987) raquo

Ainsi en reacuteponse au manque drsquointeractiviteacute entre modules et entre processus drsquoencodage lieacutes agrave la mise en place des diffeacuterents niveaux de repreacutesentation linguistique le modegravele de GARRETT a trouveacute des prolongements inteacuteressants dans les travaux de LEVELT notamment du point de vue du principe drsquoincreacutementation

Le modegravele de LEVELT integravegre de maniegravere plus explicite les processus de traitements increacutementaux et les processus de controcircle de la production (la notion de monitoring) pour assouplir et eacutelargir le champ des interpreacutetations possibles des pheacutenomegravenes de lrsquooral qursquoils soient pathologiques ou non

303 Le modegravele de LEVELT

Le modegravele de LEVELT nous inteacuteresse en particulier car lrsquoapproche proceacutedurale de lrsquoagrammatisme incarneacutee agrave travers les travaux de KOLK notamment srsquoy reacutefegravere pour expliquer le deacuteficit sous-jacent57 et les adaptations linguistiques instancieacutees par le patient agrammatique

Selon ce modegravele la production du langage passe par deux grandes eacutetapes lrsquoune conceptuelle et lrsquoautre drsquoencodage ou de formulation Voyons cela de plus pregraves agrave partir du modegravele de LEVELT ci-apregraves (Scheacutema 3 p 83)

57 Drsquoautre part lrsquoapproche proceacutedurale de KOLK se reacutefegravere eacutegalement agrave certains aspects du modegravele de DELL (voir au point 321 p 92)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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Scheacutema 3 Le modegravele de LEVELT (repris de LEVELT 1999 87)

3031 Lrsquoeacutetape de preacuteparation conceptuelle et lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal

Drsquoabord la preacuteparation conceptuelle du message (encadreacute griseacute du haut du scheacutema) srsquoeacutelabore suivant lrsquointention du locuteur lrsquoeacutemetteur du message et sous lrsquoinfluence de lrsquointerlocuteur le reacutecepteur du message La laquo structure conceptuelle raquo du message agrave formuler fait intervenir

Rhetorical semantic syntactic system

Phonological phonetic system

Conceptual preparation

Phonological score

Preverbal message

Grammatical encoding

Morpho-phonological encoding

Phonetic encoding

Articulatory score

Self-perception

Discourse model etc

Model of Addressee (Theory of Mind)

Lemmas

Morpho-phonological codes

Gestural scores

Overt speech

Parsed speech

Syllabary

Mental lexicon

Knowledge of external and internal world

Articulation

Surface structure

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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la laquo compeacutetence sociale raquo58 du locuteur qui revient agrave eacutevaluer les connaissances de lrsquointerlocuteur Pour la preacuteparation conceptuelle sont articuleacutes un modegravele du destinataire (en Theacuteorie de lrsquoesprit) les connaissances du monde interne et externe (state of affairs) et un modegravele du discours (narratif descriptif injonctif hellip)

Drsquoautre part la structure conceptuelle srsquoeacutelabore suivant la perspective pragmatiquement deacutetermineacutee appliqueacutee par le locuteur sur les relations entre les reacutefeacuterents organiseacutes dans la structure conceptuelle par exemple Jean est le pegravere de Pierre exprime la mecircme relation que Pierre est le fils de Jean du point de vue de la relation entre les reacutefeacuterents Jean et Pierre mais crsquoest le reacutefeacuterent sur lequel le locuteur souhaite insister qui conditionne la structure informationnelle et en arguments appliqueacutee aux reacutefeacuterents

Dans une phrase comme Le pauvre Pierre croit que le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute59 les arguments remplissent les rocircles theacutematiques de la preacutedication Pierre est Expeacuterienceur de la croyance et le Patient de la seacutelection le comiteacute est Actant et Agent de la seacutelection

Aussi Pierre est modifieacute par lrsquoadjectif pauvre et une modaliteacute ici deacuteclarative srsquoapplique agrave lrsquoexpression

En reacutesumeacute la structure conceptuelle du message adopte donc un format propositionnel deacutependant de la seacutelection des reacutefeacuterents de la structure en arguments (lieacutee agrave la preacutedication adopteacutee) et des rocircles theacutematiques associeacutes agrave tel ou tel reacutefeacuterent (conditionnant le mapping ou lrsquoassignation des rocircles theacutematiques) des speacutecifications ou modifieurs ajouteacutes et de la modaliteacute (deacuteclarative impeacuterative interrogative)

Le message a donc une structure conceptuelle sous-jacente reposant sur les concepts lexicaux codeacutes par les mots de la langue

Agrave ce stade de preacuteparation conceptuelle en sortie le message nrsquoa pas encore de formulation linguistique il est laquo preacuteverbal raquo

3032 Lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical et lrsquointervention des lemmes

(a) Encodage grammatical et lexique mental

Le format propositionnel preacuteverbal du message constitue le format drsquoentreacutee (input) de lrsquoeacutetape suivante lrsquoeacutetape de formulation du message et plus preacuteciseacutement lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical (grammatical encoding)

58 La laquo compeacutetence sociale raquo (terme de LEVELT) peut renvoyer aux laquo compeacutetences discursives reacutefeacuterentielles et socioculturelles raquo du modegravele de la communication de HYMES (1972) 59 Cet exemple est celui de lrsquoauteur du modegravele Le format propositionnel du message citeacute en exemple (LEVELT 1999 93) est le suivant il existe deux reacutefeacuterents X (PIERRE) et Y (COMITE) qui sont les arguments ou rocircles theacutematiques drsquoune proposition deacuteclarative complexe ougrave le preacutedicat CROIRE a comme Expeacuterienceur (PIERRE) et comme argument theacutematiseacute la proposition selon laquelle Y (le comiteacute) seacutelectionne X (le pauvre Pierre Drsquoapregraves LEVELT dans les langues agrave marquage de temporaliteacute (tense-marking languages comme lrsquoanglais) les relations temporelles lieacutees agrave la concordance des temps doivent ecirctre speacutecifieacutees degraves le format conceptuel du message Drsquoautres langues telles que le chinois ou le javanais sont exemptes de ce type de marquage

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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Cette eacutetape drsquoencodage aboutit agrave la formation de la structure syntaxique de surface (format de sortie ou output) Le lexique mental est alors solliciteacute Drsquoapregraves la configuration du message preacuteverbal drsquoentreacutee et agrave partir du lexique mental disponible (repreacutesenteacute scheacutematiquement agrave droite sur le Scheacutema 3 sous la forme drsquoune bulle voir p 83) la structure syntaxique de surface (positionnement des uniteacutes) srsquoeacutelabore

Crsquoest agrave ce moment-lagrave que les lemmes une fois reacutecupeacutereacutes du lexique mental (activeacutes en fonction des concepts deacutejagrave activeacutes lors de lrsquoeacutetape preacuteverbal) entrent en jeu

(b) La notion de lemme

La structure de surface srsquoorganise suivant lrsquoordonnancement lineacuteaire des laquo mots syntaxiques raquo (ou lemmes) selon des positions lineacuteairement deacutetermineacutees agrave gauche et agrave droite Les lemmes sont groupeacutes pour la formulation de syntagmes plus ou moins grands inteacutegrant ou non un verbe Les lemmes correspondent aux informations syntaxiques associeacutees aux uniteacutes lexicales stockeacutees dans le lexique mental (informations syntaxiques de positionnement de cateacutegories syntaxiques de cas de rocircles theacutematiques de transitiviteacute drsquoaccord de personne de nombre de temps drsquoaspect etc )

Les lemmes jouent donc un rocircle fondamental pour lrsquoordonnancement des constituants drsquoune expression et pour les opeacuterations de marquages morpho-syntaxiques codeacutes ulteacuterieurement

LEVELT utilise un scheacutema arborescent pour renvoyer agrave la repreacutesentation syntaxique associeacutee agrave un lemme deacuteriveacute drsquoun concept lexical tel que ci-dessous

Scheacutema 4 Structure syntaxique associeacutee au lemme seacutelectionner (drsquoapregraves LEVELT 1999 98)

Le format de sortie de lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical est la structure syntaxique de surface (voir Scheacutema 4 ci-dessus)

Structure

seacutelectionner

sujet

actant

objet tecircte

patient SN SN V

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Comment un lemme est-il seacutelectionneacute parmi drsquoautres lemmes ou apregraves que drsquoautres concepts eurent eacuteteacute activeacutes lors de lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal

Lors de lrsquoeacutetape preacuteverbale le reacuteseau conceptuel de SELECTIONNER (drsquoapregraves lrsquoexemple preacuteceacutedent le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute) est activeacute ce qui implique que drsquoautres concepts relieacutes seacutemantiquement le sont aussi tels que CHOISIR ou ELIR auxquels correspondent des lemmes ou informations syntaxiques diffeacuterentes (la transitiviteacute le nombre drsquoarguments et le positionnement des rocircles theacutematiques les cateacutegories syntaxiques et les cas le temps lrsquoaspect le nombre et la personne) Crsquoest le degreacute drsquoactivation du lemme cible seacutelectionner par rapport agrave drsquoautres degreacutes drsquoactivation de lemmes en compeacutetition qui conditionne son activation effective parmi les diffeacuterentes possibiliteacutes de concepts proches

Ce degreacute drsquoactivation serait lieacute agrave la probabiliteacute de la pertinence du lemme activeacute vis-agrave-vis du concept preacute-activeacute parmi drsquoautres

(c) Lrsquoeacutetape de geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface et drsquounification

Ensuite la geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface est pour une large part deacutetermineacutee par le niveau lexical

Dans lrsquoexemple preacuteciteacute lrsquoopeacuteration majeure provoqueacutee par le concept lexical SELECTIONNER (agrave lrsquoeacutetape preacuteverbale) est lrsquoactivation du lemme correspondant (seacutelectionner) dans le lexique mental60

Simultaneacutement il y a mise agrave disposition des proprieacuteteacutes syntaxiques du lemme qui serviront la construction syntaxique ulteacuterieure Drsquoautres lemmes associeacutes aux autres concepts et uniteacutes lexicales preacute-activeacutees sont aussi activeacutes (comme par exemple le lemme comiteacute correspondant au concept COMITE et le lemme lrsquo correspondant au reacutefeacuterent PIERRE) Ils seront ensuite inteacutegreacutes pour lrsquoencodage de la seacutequence le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute

Tregraves scheacutematiquement lrsquoencodage grammatical de lrsquoexpression dans sa globaliteacute revient agrave connecter les fragments drsquoarbres syntaxiques associeacutes aux diffeacuterents lemmes preacute-activeacutes en respectant les contraintes combinatoires lieacutees agrave leurs proprieacuteteacutes syntaxiques et seacutemantiques (deacutejagrave disponibles dans lrsquoeacutetape preacuteverbale) il srsquoagit des processus drsquounification

60 LEVELT (1999 95-99) expose un fragment du modegravele WEAVER consacreacute agrave la production du lexique Nous nrsquoentrerons pas dans les deacutetails de ce modegravele ici

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Lrsquointeacutegration des informations syntaxiquesseacutemantiques associeacutees aux diffeacuterents lemmes activeacutes est repreacutesenteacutee par une arborescence comme par exemple

Scheacutema 5 Structure syntaxique de surface unification des lemmes (drsquoapregraves LEVELT 1999 98)

(d) Lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique

Puis la structure syntaxique de surface est le format drsquoentreacutee de lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique qui srsquoopegravere par la reacutecupeacuteration des codes morpho-phonologiques stockeacutes dans le lexique mental

Ainsi le lexique mental nrsquoest pas seulement une reacuteserve de traits seacutemantiques drsquouniteacutes lexicales et de proprieacuteteacutes syntaxiques associeacutees (lemmes) il rend aussi disponibles les codes morpho-phonologiques neacutecessaires agrave la formulation de lrsquoexpression agrave produire

Le lexique mental recegravele les formes phonologiques des mots drsquoune langue crsquoest-agrave-dire les racines ou bases lexicales ainsi que les affixes deacuterivationnels et flexionnels Ces codes interviennent une fois que la structure de surface est encodeacutee ce qui explique que dans des langues comme le franccedilais les pheacutenomegravenes drsquoaccord en genre et en nombre sont eacutetablis agrave distance

Degraves qursquoun lemme a eacuteteacute seacutelectionneacute et ainsi mis agrave disposition lrsquoactivation se propage vers ses codes morpho-phonologiques au sein du stock lexical ce qui correspond en quelques sortes aux processus drsquoaccegraves lexical Lrsquoencodage morpho-phonologique est deacutependant des contraintes meacutetriques lieacutees agrave lrsquouniteacute syllabique ce qui conditionne les patrons drsquoaccentuation et de prosodie Par ailleurs il est deacutependant drsquoeffets de freacutequence

Apregraves lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique lrsquoencodage phoneacutetique et la programmation articulatoire peuvent alors se mettre en place Nous ne deacutetaillerons pas ces derniegraveres eacutetapes de la production verbale En effet nos analyses ulteacuterieures concernent exclusivement les niveaux de structuration syntaxique et morphologique Les deacuteformations phonologiques ne seront noteacutees en marge de nos corpus que par souci de clarteacute

Structure

seacutelectionner

sujet

actant

tecircte

patient

objet

tecircte

DET N

le comiteacute

SN V SN

PRO

lrsquo

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Les eacutetapes qui nous inteacuteressent en premier lieu sont les eacutetapes lieacutees aux repreacutesentations grammaticales et formelles morpho-phonologiques En effet il nous semble que les eacutetapes drsquoencodage grammatical et drsquoencodage formel morpho-phonologique pourraient ecirctre de bonnes candidates pour expliquer le deacuteficit sous-jacent (ce qui est mis en valeur sur le scheacutema du modegravele par un encadreacute rouge en trait pointilleacute voir Scheacutema 3 p 83)

Nous ne sommes pas en mesure de dire de maniegravere trancheacutee si le deacuteficit drsquoencodage sous-jacent est lieacute agrave un deacuteficit de traitement des lemmes ou drsquoune partie des lemmes associeacutes aux uniteacutes conceptuelles et lexicales activeacutees ou srsquoil est lieacute agrave un deacuteficit de reacutecupeacuteration des codes formels morpho-phonologiques associeacutes agrave ces lemmes Cette question nrsquoa agrave notre connaissance jamais eacuteteacute clairement poseacutee dans le domaine de lrsquoagrammatisme

(e) Modulariteacute et principe drsquoincreacutementation

Pour nous le modegravele de LEVELT est un modegravele plus modulaire que connexionniste et plus seacuteriel qursquointeractif (compareacute au modegravele de DELL)

Les aspects modulaires et seacuteriels du modegravele de GARRETT (1975 1980) se retrouvent dans le modegravele de LEVELT (1989 1999) En plus de ces caracteacuteristiques fondamentales le modegravele de LEVELT postule qursquoune information deacutejagrave traiteacutee demeure activeacutee alors que le processus suivant se preacutepare et srsquoopegravere il srsquoagit des processus de traitement increacutemental (incremental processing) Cela renvoie au fait que lrsquoinformation activeacutee doit ecirctre entretenue et demeurer ainsi disponible depuis lrsquoeacutetape drsquoeacutelaboration de lrsquointention communicative en passant par les eacutetapes drsquoencodage jusqursquoagrave lrsquooutput LEVELT (1999 88) explique en ces termes

laquo Le flux geacuteneacuteral de lrsquoinformation permet de commencer un traitement agrave appliquer sur un format de sortie encore inacheveacute lieacute agrave un processeur donneacute Un composant de traitement pourra ecirctre deacuteclencheacute par nrsquoimporte quel fragment caracteacuteristique du format drsquoentreacutee agrave traiter En conseacutequence les divers composants de traitements sont de fait simultaneacutement actifs et les traitements appliqueacutes se chevauchent comme peuvent se chevaucher des tuiles agenceacutees sur un toit Au moment ougrave nous produisons un eacutenonceacute le contenu de lrsquoeacutenonceacute suivant est deacutejagrave en cours drsquoorganisation raquo61

Pour assurer lrsquoincreacutementation de lrsquoencodage drsquoune phrase agrave produire le rocircle de la meacutemoire de travail est fondamental elle permet drsquoentretenir les informations activeacutees mais aussi drsquoassurer les traitements de ces informations de maniegravere parallegravele La fonction increacutementale de la meacutemoire de travail assure lrsquointeacutegration de toutes les composantes linguistiques dans le flux verbal lineacuteaire La coordination des processus de traitements associeacutes aux modules est

61 Notre propre traduction laquo The general flow of information can start working on the still incomplete output of the current processor A processing component will be triggered into action by any fragment of its characteristic input As a consequence the various processing components are normally simultaneously active overlapping their processing as the tiles of a roof When we are uttering phrases we are already organizing the content for the next phrase raquo

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hautement automatiseacutee et ce sur des uniteacutes drsquoorganisation linguistique de taille limiteacutee ce qui garantit la laquo rapiditeacute raquo de la mise en mots en situation de communication ordinaire

Le modegravele de LEVELT est diffeacuterent de celui de DELL car il est laquo strictement seacuteriel raquo les eacutetapes de traitement srsquoorganisent de maniegravere discregravete et elles nrsquoadmettent pas le principe drsquoactivation bidirectionnelle (ou reacutetroactive)62 En effet les activations de niveau de repreacutesentation conceptuelleseacutemantique syntaxique (interventions des lemmes et des proprieacuteteacutes syntaxiques associeacutees genre nombre cateacutegorie syntaxique etc) et phonologique (reacutecupeacuteration des lexegravemes et de leur structuration meacutetrique morphologique segmentale et syllabique) sont unidirectionnelles et nrsquoadmettent pas de reacuteotractions drsquoactivations possibles

Dans le modegravele de LEVELT la reacutetroactiviteacute entre modules nrsquoest pas postuleacutee car elle ne pourrait plus aller dans le sens des deux postulats suivants (deacutefendus par LEVELT)

le postulat de lrsquoencapsulation de composeacutes de traitement au sein des modules correspondant au traitement des informations linguistiques (seacutemantique syntaxique phonologique)

et le postulat drsquoune autonomie tregraves relative entre les diffeacuterents modules du fait du principe drsquoincreacutementation De ce fait les diffeacuterents modules entretiennent certainement des relations agrave travers des interfaces

(f) Reacutetroaction sur la production par self-monitoring

Le modegravele de LEVELT eacutevoque des niveaux de repreacutesentation successifs drsquoencodage et de traitement drsquoinformation Du fait de leur increacutementation une relative interaction existe entre chaque niveau mais celle-ci est laquo descendante raquo pour le cas de la production et dans le sens laquo ascendant raquo (ou reacutetroactif) seul un processeur permettant de percevoir et deacutecoder sa propre production (self-perception et parsed speech) assure un retour sur les eacutetapes de traitements anteacuterieurs

Ainsi la production est controcircleacutee gracircce au feedback audio-phonatoire (self-monitoring) et en cas de besoin inhibeacutee en cours de mise en œuvre

Mecircme si la geacuteneacuteration du message est deacutejagrave avanceacutee la production effective (overt speech) peut ne pas srsquoaccomplir Pour expliquer les adaptations correctives du patient agrammatique KOLK (1995 299) eacutevoque cet aspect du modegravele de LEVELT le haut degreacute de controcircle 62 Voir FERRAND (2002 36-39) pour une discussion approfondie sur les diffeacuterents degreacutes de seacuterialiteacute et drsquointeractiviteacute postuleacutes par diffeacuterents modegraveles de production du langage On trouvera aussi (FERRAND 2002 39-42) une preacutesentation du modegravele agrave reacuteseaux indeacutependants de CARAMAZZA et MIOZZO (1997) qui est similaire aux modegraveles de DELL et LEVELT sur diffeacuterents aspects (indeacutependance des computations lieacutees aux repreacutesentations syntaxiques versus phonologiques repreacutesentations seacutemantiques componentielles seacuterialiteacute et absence de reacutetroaction) mais qui en diffegravere du point de vue de la propagation drsquoactivation lrsquoactivation partant du reacuteseau lexical seacutemantique srsquoopegravere de maniegravere simultaneacutee et parallegravele vers les deux reacuteseaux suivants syntaxiques et phonologiques Drsquoapregraves les donneacutees issues de pheacutenomegravenes du laquo mot sur le bout de la langue raquo et de cas de doubles-dissociations dans lrsquoaphasie (perturbations des aspects lexico-seacutemantiques indeacutependamment des aspects syntaxiques) les informations lexico-seacutemantiques et phonologiques versus syntaxiques seraient activeacutees en mecircme temps et seacutepareacutement

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appliqueacute agrave sa propre production explique le recours aux autocorrections lors de la formulation drsquoun message (voir au point 2433(a) p 65) agrave propos des adaptations correctives expliciteacutees et silencieuses) Drsquoautre part il propose une interpreacutetation du deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme en se reacutefeacuterant clairement agrave ce modegravele

Avant de deacutevelopper plus en deacutetail lrsquohypothegravese du dysfonctionnement drsquoordre proceacutedural de lrsquoagrammatisme (point 32 p 92) nous souhaitons revenir sur les hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique et syntaxique (exposeacutees au point 232 pp 34-45) et sur leur adeacutequation psychologique vis-agrave-vis du modegravele de GARRETT (voir ci-apregraves)

31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques

311 Hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique syntaxique et modegravele de GARRETT

Le modegravele de GARRETT est habituellement eacutevoqueacute au sein des diffeacuterentes hypothegraveses explicatives de lrsquoagrammatisme ougrave la primauteacute est donneacutee agrave une interpreacutetation du dysfonctionnement deacuteriveacutee de la description structurale du trouble En effet agrave travers un tel trouble selon GOODGLASS et MENN (1985 19)

laquo Les traductions directes de notions linguistiques en des uniteacutes psycholinguistiques potentielles sont clairement poseacutees et cela encourage agrave la formulation drsquohypothegraveses linguistiquement motiveacutees et testables raquo63

Dans ce type dhypothegraveses explicatives il est question dimpleacutementer psycholinguistiquement les pheacutenomegravenes linguistiques caracteacuteriseacutes suivant les niveaux de repreacutesentations linguistiques ou composantes linguistiques modulaires postuleacutes tels que nous pouvons les concevoir par abstraction dans la theacuteorie linguistique et ses modegraveles Lrsquoactualisation postuleacutee de ces niveaux de repreacutesentations dans la performance effective permet alors de conclure agrave lrsquoexistence drsquoun deacuteficit de nature seacutemantique syntaxique lexicale ou phonologique

Ainsi la transposition des descriptions linguistiques de pheacutenomegravenes (fondeacutees sur des modegraveles linguistiques) sur un modegravele de la production verbale (GARRETT) cherche agrave identifier la cause du deacuteficit en termes psycholinguistiques De cette maniegravere de telles hypothegraveses trouvent naturellement leur adeacutequation aux faits psychologiques et donc au modegravele psycholinguistique de la performance non pathologique pris pour reacutefeacuterence

Dans le cas de lrsquoagrammatisme et pour lrsquoaphasie en geacuteneacuteral ce modularisme (psycho)linguistique constitue pour nous un postulat theacuteorique et meacutethodologique agrave utiliser 63 Notre traduction laquo Direct translations of linguistic notions into potential psycholinguistic units are straigthforward and this encourages the formulation of testable linguistically motivated hypotheses raquo

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avec prudence Lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents suivant diffeacuterents niveaux drsquoorganisation linguistique pourrait expliquer la controverse si intense agrave propos de la caracteacuterisation du deacuteficit sous-jacent Si leacutegitime puisse ecirctre cette deacutemarche heuristique elle nous pose problegraveme Les diffeacuterentes hypothegraveses explicatives drsquoinspiration linguistique et leur transposition suivant les niveaux de repreacutesentation linguistique postuleacutee par le modegravele de GARRETT nous conduisent agrave formuler quelque reacuteserve sur leur adeacutequation psycholinguistique pour les raisons suivantes

la transposition des descriptions linguistiquement motiveacutees (crsquoest-agrave-dire par un modegravele linguistique) concernant un certain niveau drsquoorganisation linguistique et postule une adeacutequation psycholinguistique qui nous semble plutocirct tautologique

des donneacutees issues de tests en compreacutehension sont impleacutementeacutees suivant un modegravele de production Drsquoailleurs dans ce type drsquointerpreacutetation il est postuleacute que les processus impliqueacutes dans la compreacutehension et dans la production sont les mecircmes mais cela nrsquoa jamais eacuteteacute reacuteellement prouveacute

lorsque des donneacutees existent en production la question de la variabiliteacute des performances est eacuteludeacutee drsquoautant que le caractegravere relativement laquo figeacute raquo du modegravele de GARRETT admet difficilement les variations de performance

une hypothegravese peut se voir facilement rejeteacutee si lrsquoon considegravere que les postulats de deacutepart du modegravele pris comme reacutefeacuterence peuvent ecirctre remis en question et jugeacutes insatisfaisants (tels que la notion de laquo compeacutetence raquo du modegravele geacuteneacuteratif voir ci-apregraves)

312 Entre compeacutetence et performance theacuteorie linguistique et psycholinguistique

Les deacuteveloppements de la theacuteorie linguistique ont pu certes amener agrave deacutecrire certains pheacutenomegravenes de surface caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme de maniegravere plus fine mais au prix de certaines interpreacutetations du deacuteficit sous-jacents parfois trop uniformisantes Outre qursquoil faille infeacuterer avec grande prudence une hypothegravese explicative agrave partir drsquoune caracteacuterisation linguistique de la performance langagiegravere laquo ideacutealiseacutee raquo mecircme au sein drsquoun modegravele psycholinguistique lrsquoapplication de la notion chomskyenne de laquo compeacutetence raquo est peut-ecirctre le plus agrave remettre en cause Ainsi la limite principale agrave ce type drsquoexplication de lrsquoagrammatisme est probablement cette conception essentialiste de laquo compeacutetence linguistique raquo et drsquoideacutealisation des comportements verbaux qui srsquoy rattache Une conseacutequence renvoie aux difficulteacutes drsquointerpreacutetation des pheacutenomegravenes instables ce qui deacutemontre de ce point de vue lrsquoinadeacutequation de ce type drsquoexplication vis-agrave-vis notamment de la variabiliteacute des comportements

En effet sur ce point VILLIARD et NESPOULOUS (1989 p 27) eacutenoncent

laquo La theacuteorie linguistique formelle fournit des outils indispensables pour la description structurale du langage pathologique Mais les choses se preacutesentent bien moins bien sitocirct

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qursquoon tente de caracteacuteriser voir drsquoexpliquer la genegravese des comportements aphasiques en termes linguistiques de deacuteficit structural dans quelque composante donneacutee de la grammaire que ce soit [hellip] on srsquoaperccediloit vite que les caracteacuterisations purement linguistiques sont insuffisantes voire inapproprieacutees [et ceci du fait drsquoune variabiliteacute] pour le moins deacuteconcertante raquo

Ainsi lrsquohypothegravese linguistique geacuteneacuterative de GRODZINSKY (la TDH par exemple) ne trouve drsquoadeacutequation psychologique qursquoeu eacutegard aux postulats drsquoadeacutequation neuropsychologique poseacutes par le courant formel dont elle est issue la relation entre la description linguistique et lrsquoimpleacutementation psychologique nous semble donc ecirctre circulaire et interne agrave un mecircme courant ici le formalisme linguistique et cognitif

Selon nous la puissance drsquoune hypothegravese explicative nous semble ecirctre mieux garantie par le fait qursquoelle trouve une adeacutequation psychologique en se reacutefeacuterant agrave des modeacutelisations externes et indeacutependantes de la theacuteorie linguistique Toutefois de ce point de vue il nous semble qursquoon ne peut pas non plus se deacutepartir de tout a priori linguistique devant un pheacutenomegravene psycholinguistique Il faut donc trouver un laquo eacutequilibre raisonneacute raquo entre la theacuteorie linguistique et lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents psycholinguistiques drsquoautant plus si lrsquoon srsquointeacuteresse agrave la performance effective drsquoun locuteur en situation Ce que nous tentons de faire en inscrivant notre approche des pheacutenomegravenes agrammatiques dans un cadre linguistique theacuteorique global drsquoinspiration fonctionnaliste (voir au point 34 pp 100-113)

Les explications laquo purement linguistiques raquo ont ainsi permis drsquoamener des eacuteclairages inteacuteressants et critiques sur lrsquoagrammatisme en parvenant agrave mieux comprendre les enjeux

des limites de la description et de lrsquointerpreacutetation de ses symptocircmes en termes presqursquoexclusivement linguistiques et structuraux

et corollairement de la question de la variabiliteacute qui ne fait pas bon meacutenage avec les descriptions essentialistes

Nous nous attarderons sur la question de lrsquoadeacutequation psycholinguistique des approches linguistiques agrave travers une discussion plus approfondie dans la suite de cette partie theacuteorique (voir aux points 342 p 102 343 p 104 et 344 p 105) Avant cela revenons sur lrsquoapproche proceacutedurale de lrsquoagrammatisme (process approach) qui quant agrave elle permet de relativiser les conceptions essentialistes pour donner une grande part de responsabiliteacute aux processus de traitement en jeu lors de la performance pathologique En voici les grandes lignes

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32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle

321 Lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle

Lrsquohypothegravese de la laquo fenecirctre temporelle raquo (temporal window) et de la limitation du temps de traitement de lrsquoinformation (capacity limitation crsquoest-agrave-dire le seuil critique drsquoactivation) (voir KOLK et VAN GRUNSVEN 1985 et KOLK 1995) suggegravere que lrsquoagrammatisme serait ducirc agrave une asynchronie temporelle impliquant le traitement de lrsquoinformation grammaticale en meacutemoire de travail (voir aussi FRIEDERICI et KILBORN 1989)

En production et en compreacutehension suivant le principe drsquoincreacutementation des processus drsquoactivation la simultaneacuteiteacute computationnelle (computational simultaneity) ou synchronie des informations forment un laquo goulet drsquoeacutetranglement raquo Les diffeacuterents eacuteleacutements neacutecessaires agrave la construction drsquoune repreacutesentation de phrase sont activeacutes de maniegravere synchronique et en synergie ce qui les rend disponibles aux processus drsquoencodage ulteacuterieurs Les eacuteleacutements activeacutes interagissent entre eux crsquoest-agrave-dire que lrsquoactivation de lrsquoeacuteleacutement B est conditionneacutee par lrsquoactivation de lrsquoeacuteleacutement A

Par exemple lrsquoactivation des caracteacuteristiques du sujet dans une structure SUJET + VERBE donneacutee agrave encoder doit ecirctre opeacutereacutee en accord avec celles du verbe ce qui conditionne la bonne formation ulteacuterieure de la construction cible pour laquelle la flexion verbale adeacutequate a due ecirctre activeacutee Pour ce faire lrsquoactivation doit atteindre un seuil critique ce qui demande un certain temps

Apregraves ce pic lrsquoactivation nrsquoest plus possible et les eacuteleacutements activeacutes sont deacutecomposeacutes ou dissouts64

Dans le cas de lrsquoagrammatisme selon KOLK (1995) le traitement de lrsquoinformation syntaxique serait geacutereacute de maniegravere inadeacutequate dans deux cas soit le seuil critique drsquoactivation est trop rapidement atteint et donc le temps neacutecessaire agrave lrsquoactivation est deacutepasseacute trop rapidement ce qui entraicircne une dissolution trop rapide (too fast decay) soit au contraire il nrsquoest pas assez rapidement atteint et la reacutecupeacuteration des informations est trop lente (delay) Dans les deux cas lrsquoactivation synchronique des eacuteleacutements de la repreacutesentation syntaxique est deacutereacutegleacutee Ainsi lorsque les paramegravetres deacuteterminant les seuils critiques drsquoactivation sont alteacutereacutes la subtile synergie reacutegulant les processus drsquoactivation des diffeacuterentes informations

64 Il srsquoagit drsquoun principe clef srsquoil nrsquoy avait pas de seuil critique drsquoactivation lrsquoinformation activeacutee ne serait jamais deacutecomposeacutee et cela aurait pour conseacutequence de ne pas laisser la place agrave lrsquoactivation drsquoautres eacuteleacutements activeacutes dans ce temps limiteacute KOLK (1995 293) inscrit son hypothegravese dans une theacuteorie geacuteneacuterale du traitement du langage la limitation des capaciteacutes de traitement lors de la production est une neacutecessiteacute sans laquelle les possibiliteacutes de computation et de complexification syntaxiques seraient infinies ce qui rendrait peut-ecirctre impossible la production de messages adapteacutes agrave nos capaciteacutes de traitement et agrave nos contraintes de communication

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grammaticales est brouilleacutee ce qui a pour conseacutequence la laquo deacutesinteacutegration preacutematureacutee des structures de la phrase raquo

322 En compreacutehension

Ces changements de paramegravetres temporels reacutegulant la fenecirctre temporelle de traitement des informations grammaticales ont eacuteteacute simuleacutes par une modeacutelisation informatique appeleacutee SYNCHRON (HAARMAN et KOLK 1991 citeacutes par KOLK 1995 282) pour la compreacutehension Les manipulations de ces paramegravetres temporels de traitement (le ralentissement de la vitesse de computation et la limitation du temps de reacutetention en meacutemoire) deacutedieacutes agrave la construction drsquoune repreacutesentation phrastique concordent avec les hypothegraveses suivantes en compreacutehension

une structure complexe pose plus de problegraveme qursquoune structure simple en compreacutehension et jugement de grammaticaliteacute

il y a des degreacutes de seacuteveacuteriteacute variables drsquoun patient agrave lrsquoautre

il y a une interaction entre la complexiteacute de la structure agrave traiter et le degreacute de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit

il ne faut pas confondre les processus qui relegravevent de la compreacutehension elle-mecircme et ceux qui relegravevent drsquoune reacuteflexion sur le code comme lorsqursquoon opegravere des jugements de grammaticaliteacute

323 En production

En production du fait de cette asynchronie drsquoactivation crsquoest la construction de la repreacutesentation sous-jacente de la structure (ou structure profonde repreacutesenteacutee par un arbre syntaxique et ses nœuds) qui ne peut ecirctre effectueacutee (KOLK 1995 286) Pour expliquer les erreurs morphologiques qursquoon observe KOLK (1995 288-289) se reacutefegravere agrave la fois aux modegraveles modulaires de LEVELT (1989) et de GARRETT (1975 1980) drsquoune part et drsquoautre part au modegravele drsquoactivation de DELL (1986)

Selon le modegravele de GARRETT et LEVELT (voir au point 30 pp 78-90) lrsquointeacutegration des informations lieacutees agrave la geacuteneacuteration des cadres syntaxiques dont les emplacements (slots) sont cateacutegoriseacutes (ADJ DET N V etc) srsquoopegravere gracircce aux processus drsquoinsertion des codes morpho-lexicaux reacutecupeacutereacutes dans le lexique mental LEVELT preacutecise qursquoil srsquoagit des informations porteacutees par les lemmes

Par contre selon le modegravele de GARRETT une distinction fondamentale est agrave poser entre les mots de classe ouverte (pour lesquels lrsquoinsertion des codes morpho-lexicaux srsquoopegravere indeacutependamment des cadres syntaxiques) et les mots de classe fermeacutee (pour lesquels lrsquoinsertion des codes morpho-lexicaux srsquoopegravere en eacutetroite liaison avec lrsquoeacutetablissement des

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cadres syntaxiques) Alors que les mots de classe ouverte sont geacuteneacutereacutes par les processus drsquoencodage deacutedieacutes speacutecifiquement au lexique les mots de classe fermeacutee seraient eux geacuteneacutereacutes par lrsquointermeacutediaire des processus syntaxiques eux-mecircmes lors de la mise en place des cadres syntaxiques (au niveau de repreacutesentation positionnelle) Ce faisant selon le modegravele de GARRETT la voie drsquoaccegraves aux mots grammaticaux est deacutependante des processus syntaxiques les mots grammaticaux font partie de ces cadres et y sont inteacutegreacutes degraves leur mise en place

Pour KOLK (1995 289) les deux types de mots (de classe fermeacutee versus ouverte) doivent ecirctre inseacutereacutes dans les syntactic slots et cette inteacutegration requiert une synchronie Par conseacutequent une asynchronie peut en perturber lrsquointeacutegration En effet le modegravele de DELL65 (spreading activation model 1986 citeacute par KOLK 1995 289-290) postule que la peacuteriode drsquoactivation des eacuteleacutements lexicaux (morphegravemes grammaticaux et lexicaux) srsquoarticule suivant trois phases (1) une premiegravere phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est faible et la compeacutetition entre

plusieurs items est eacuteleveacutee

(2) une deuxiegraveme phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est eacuteleveacute et la compeacutetition entre plusieurs items est faible

(3) une troisiegraveme phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est faible et la compeacutetition entre plusieurs items est eacuteleveacutee

Cette activation triphasique des items morpho-lexicaux est eacutetroitement lieacutee aux processus drsquoinsertion des items dans les slots (emplacements) du cadre syntaxique adeacutequats Lorsque le cadre syntaxique est simple ces processus mettent plus de temps agrave srsquoopeacuterer chez lrsquoagrammatique que chez le sujet normal mais les erreurs morphologiques sont moins freacutequentes Lorsque le cadre syntaxique est plus complexe ils sont encore plus longs agrave srsquoopeacuterer et drsquoautant plus chez le patient agrammatique pour qui les erreurs morphologiques srsquoaccentuent Le temps neacutecessaire agrave la computation est fonction de la complexiteacute des cadres syntaxiques agrave mettre en place Certaines expeacuterimentations ont selon KOLK (2006) pu deacutemontrer lrsquoexistence de la fenecirctre temporelle Dans lrsquoune drsquoelles des proceacutedures drsquoamorccedilage syntaxique (syntactic priming

65 Le modegravele connexionniste agrave activation interactive et en cascade de DELL ne fera pas lrsquoobjet drsquoune description deacutetailleacutee ici Ce modegravele postule lrsquoexistence de trois niveaux de repreacutesentations seacutemantique (pour lrsquoactivation des traits seacutemantiques des uniteacutes agrave encoder) lexical (pour lrsquoactivation des mots de leurs lemmes) et phonologique (pour lrsquoactivation des phonegravemes composant les syllabes du mot) Lors de la production les connexions sont descendantes (proactives) et ascendantes (reacutetroactives) ce qui implique que les niveaux interagissent entre eux les connexions drsquoactivation sont bidirectionnelles Drsquoautre part lrsquoactivation se propage pour activer plusieurs repreacutesentations en compeacutetition agrave un niveau de repreacutesentation donneacute (seacutemantique lexical phonologique) Selon les niveaux drsquoactivation associeacutes aux repreacutesentations activeacutees lrsquoactivation qui correspond agrave la cible linguistique agrave encoder est maintenue Pour une description du modegravele de DELL illustreacutee par des exemples drsquoerreurs preacutecis (notamment la survenue des erreurs laquo mixtes raquo qui pourraient srsquoexpliquer par ce haut degreacute drsquointeractiviteacute entre les niveaux voir FERRAND 2002 31-34) Selon FERRAND (2002 31) le modegravele de DELL (interactif) srsquooppose agrave celui de LEVELT (strictement seacuteriel) du point de vue de ce principe de reacutetroaction

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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voir HARTSUIKER et KOLK 1998) furent reacutealiseacutees Il srsquoagissait de fournir une structure de deacutepart agrave lrsquooral puis de faire dire une phrase correspondant agrave une image aux participants qui pensaient qursquoil srsquoagissait drsquoun simple test de meacutemoire drsquoimages Pour les patients agrammatiques lrsquoamorccedilage syntaxique concernant les structures au passif ont eu un effet facilitant sur leur freacutequence drsquoemploi alors qursquoen narration drsquohistoires sans amorccedilage syntaxique quasiment aucune structure passive nrsquoest produite spontaneacutement Cela corrobore lrsquoideacutee selon laquelle lrsquoamorccedilage syntaxique permet de reacuteajuster le degreacute drsquoactivation des informations syntaxiques en traitement en les maintenant en surface dans les cas ougrave la reacutecupeacuteration des informations est trop lente (delay)

Dans une autre eacutetude (HARTSUIKER et al 1999) il srsquoagissait de manipuler la formation de pluriels conceptuel et grammatical dans une tacircche drsquoaccord SUJET-VERBE Par exemple une seacuterie de phrases comme lrsquoeacutetiquette sur les bouteilles sont vertes implique un pluriel conceptuel pour eacutetiquette et un pluriel grammatical pour bouteilles Dans cet exemple lrsquoaccord SUJET-VERBE en nombre est inadeacutequat (sont au lieu de est) Le test a montreacute que les participants du groupe controcircle avaient fait plus drsquoerreurs drsquoaccord SUJET-VERBE dans les phrases impliquant un nombre conceptuel

Selon nous il pourrait srsquoagir drsquoerreurs laquo drsquoexperts raquo qui traduiraient le fait que les processus drsquoencodage de lrsquoaccord en nombre seraient si automatiques que la probabiliteacute de formuler un accord inadeacutequat augmente

Ce faisant pour les patients agrammatiques qui produisaient moins drsquoerreurs que les controcircles sur le nombre conceptuel mecircme si les erreurs eacutetaient dues agrave un mecircme meacutecanisme computationnel sous-jacent en jeu il ne srsquoagissait probablement pas drsquoerreurs drsquoexpert mais plutocirct de laquo vraies erreurs raquo lieacutees agrave un problegraveme drsquointeacutegration de lrsquoinformation syntaxique ou morphologique pour formuler lrsquoaccord en nombre

Drsquoautre part selon nous le fait que le nombre drsquoerreurs soit eacutetonnamment plus faible chez les agrammatiques compareacute aux controcircles pourrait peut-ecirctre aussi srsquoexpliquer par une activiteacute meacutetalinguistique plus grande de la part de lrsquoagrammatique qui srsquoapplique agrave eacuteviter les erreurs potentielles par un auto-controcircle (ou self-monitoring) sur sa production

En guise de reacutesumeacute on retiendra cette citation de KOLK (2006 234) agrave propos du dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural (processing deficit)

laquo Lrsquoactivation soit ralentie soit trop rapidement dissoute renvoie bien sucircr aux deux faces drsquoune mecircme piegravece de monnaie plus la dissolution srsquoopegravere rapidement et plus lrsquoeffet drsquoun retard mecircme teacutenu sera grand et vice-versa Une maniegravere de deacutecrire les effets combineacutes [de la dissolution trop rapide ou du retard de traitement] consiste agrave en traduire les meacutecanismes en termes de reacuteduction de la taille de la fenecirctre temporelle au sein de laquelle tout traitement de la phrase doit avoir lieu Du fait drsquoune telle reacuteduction la simultaneacuteiteacute computationnelle entre les eacuteleacutements drsquoune repreacutesentation syntaxique ne peut freacutequemment pas srsquoopeacuterer crsquoest pourquoi la phrase nrsquoest pas en mesure drsquoecirctre produite raquo66

66 Notre propre traduction laquo Delay and decay are of course two sides of the same coin the faster the decay the greater even a small effect of delay and vice versa One way to describe their combined effects is phrasing

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo

Pour tenter de mieux caracteacuteriser le deacuteficit sous-jacent en jeu dans lrsquoagrammatisme les modegraveles de la performance langagiegravere laquo normale raquo du point de vue de la production verbale ainsi que des tests psycholinguistiques cibleacutes sont indispensables Tout en admettant que lrsquoagrammatisme est un syndrome aphasique singulier il est crucial de parvenir agrave interpreacuteter les donneacutees en faisant la part des pheacutenomegravenes refleacutetant le deacuteficit sous-jacent et la part des pheacutenomegravenes refleacutetant les strateacutegies

La reacuteduction quantitative et qualitative de la production verbale affectant la syntaxe (phrases courtes et constructions juxtaposeacutees peu eacutelaboreacutees) et la morphologie lexicale et flexionnelle (omissions et substitutions de morphegravemes grammaticaux libres et lieacutes) sont les deux traits linguistiques qui ressortent dans lrsquoagrammatisme en production orale avec parfois des variations importantes suivant les sujets et suivant les tacircches Ainsi srsquoagissant de lrsquointerpreacutetation de ces traits de surface NESPOULOUS et al (1990 659) formulent cette question fondamentale

laquo Une telle simplification des structures est-elle strateacutegique ou est-elle la manifestation drsquoun deacuteficit primitif affectant le traitement des structures syntaxiques les plus complexes de la langue parleacutee par le patient raquo

Concernant le dysfonctionnement sous-jacent les deux questions suivantes eacutemergent En effet avons-nous affaire

(1) agrave un deacuteficit nrsquoimpliquant que les processus drsquoencodage de la syntaxe crsquoest-agrave-dire les processus engageacutes lors de planification de la seacutequence syntaxique au niveau de repreacutesentation positionnelle (au sens de GARRETT) ou lors des processus faisant intervenir les lemmes pour la mise en place de la structure de surface (drsquoapregraves le modegravele de LEVELT)

(2) ou agrave un deacuteficit nrsquoimpliquant que les processus drsquoaccegraves et drsquoencodage des uniteacutes morpho-lexicales essentielles agrave la formulation de la matrice syntaxique mise en place qui a eacuteteacute encodeacutee sans problegraveme dans une eacutetape anteacuterieure crsquoest-agrave-dire un dysfonctionnement impliquant la reacutecupeacuteration des codes morpho-phonologiques du lexique mental (drsquoapregraves le modegravele de LEVELT)

En guise de reacuteponse non deacutefinitive ces mecircmes auteurs (NESPOULOUS et al 1990) affirment que les omissions et substitutions srsquoexpliqueraient largement par un deacuteficit lieacute aux processus de reacutecupeacuteration et drsquoinsertion des uniteacutes grammaticales actualisant les relations morpho-syntaxiques (mots fonctions et flexions) qui affecterait en conseacutequence

them in terms of a reduction in the size of the temporal window within which all sentence processing has to take place With such a reduction computational simultaneity between elements of a syntactic representation often cannot be obtained and the sentence cannot be produced raquo

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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lrsquoeacutetablissement des cadres syntaxiques En effet la position (2) eu eacutegard les types drsquoomissions et de substitutions deacutecrites en qualiteacute et en quantiteacute dans la litteacuterature nous semble la plus logique Elle srsquoaccorde le mieux agrave lrsquohypothegravese des strateacutegies aboutissant agrave lrsquoomission de certains morphegravemes (grammaticaux) et agrave la seacutelection de structures syntaxiquement ou morphologiquement plus simples

Nous pourrions tout aussi bien deacutefendre une position plutocirct nuanceacutee ou mixte car finalement aucune eacutetude (agrave notre connaissance) nrsquoa pu montrer clairement quelle autonomie pouvait ecirctre envisageacutee entre les deux types de processus drsquoencodage syntaxique et morpho-grammatical En effet la nouvelle question eacutemergente suivante meacuterite drsquoecirctre poseacutee

(3) le deacuteficit sous-jacent affecterait-il en reacutealiteacute les processus drsquoencodage du message agrave produire intervenant agrave lrsquointerface des traitements syntaxiques (mise en place de la matrice) et morphologiques (formulation et encodage morpho-phonologique) De ce point de vue lrsquoautonomie postuleacutee entre modules de traitement pourrait ecirctre nuanceacutee par un principe de permeacuteabiliteacute et par un haut degreacute drsquointeractiviteacute entre modules de traitements en ce sens que les processus lieacutes agrave chaque type de traitement se conditionneraient mutuellement

Mecircme si cette eacutetude ne preacutetend pas trancher sur la question du dysfonctionnement psycholinguistique sous-jacent au trouble selon nous il nrsquoest pas exclu drsquoenvisager qursquoun deacuteficit touchant directement et en premier lieu les capaciteacutes mneacutesiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage drsquoune structure affecte soit lrsquoun soit lrsquoautre ou les deux types de processus drsquoencodage postuleacutes par le modegravele les processus drsquoencodage de la morphologie grammaticale (mots fonctions et flexions) et les processus lieacutes agrave lrsquointeacutegration de lrsquoinformation morpho-syntaxique supporteacutee par ces uniteacutes degraves lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical

En effet nous pourrions postuler qursquoils sont en eacutetroite interaction lors de la production drsquoun message et lors de lrsquointeacutegration des informations grammaticales de la phrase agrave produire Cette inteacutegration implique les processus de planification syntaxique et drsquoactualisation des informations linguistiques par la reacutecupeacuteration des lemmes convertis ensuite suivant les codes morpho-phonologiques adeacutequates Lrsquointeacutegration des informations linguistiques serait rendue possible gracircce aux capaciteacutes mneacutesiques attacheacutees agrave lrsquoincreacutementation des fragments du message agrave encoder (en particulier la meacutemoire de travail verbale)

Dans lrsquoagrammatisme lrsquointeacutegration des informations grammaticales serait de ce fait entraveacutee par une capaciteacute insuffisante agrave lrsquoencodage de tout ce qui a eacuteteacute preacutevu initialement degraves la formulation conceptuelle du message preacuteverbal En conseacutequence si la formulation du message est simplifieacutee gracircce aux processus de haut niveau plus ou moins conscients qualitativement et quantitativement les ressources neacutecessaires agrave lrsquointeacutegration des informations linguistiques de la seacutequence agrave produire plus courte et simple sont alors suffisantes Crsquoest lagrave qursquointerviennent les proceacutedures drsquoadaptation

En effet le locuteur laquo formate raquo lrsquoeacutenonceacute agrave produire en adaptant la cible linguistique aux nouvelles dispositions du processeur suivant les marges de manœuvre octroyeacutees par les proprieacuteteacutes drsquoun systegraveme linguistique donneacute en interaction avec la seacuteveacuteriteacute du deacuteficit De ce

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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point de vue le deacuteficit sous-jacent est relativiseacute dans le cadre drsquoune theacuteorie plus geacuteneacuterale de lrsquoadaptation agrave lrsquoinstar des travaux de KOLK et NESPOULOUS67

De surcroicirct lrsquoexamen des variabiliteacutes inter-tacircches constitue un moyen pour parvenir agrave faire eacutemerger du comportement laquo deacuteficitaire raquo le comportement laquo strateacutegique raquo lieacute agrave une adaptation agrave la fenecirctre temporelle

Par ailleurs NESPOULOUS (2009)68 ajoute en ces termes

laquo Quand il y a omission (de morphegravemes grammaticaux) on ne sait pas srsquoil srsquoagit drsquoun problegraveme syntaxique (impossibiliteacute agrave planifier une matrice syntaxique adeacutequate) ou drsquoun simple problegraveme de seacutelection drsquoun morphegraveme au sein drsquoun paradigme avec adoption drsquoun laquo morphegraveme zeacutero raquo69 Quand il srsquoagit drsquoune substitution toujours laquo within-category raquo (intra-cateacutegorielle) celle-ci nous prouve que la matrice syntaxique a eacuteteacute correctement activeacutee et seul subsiste un problegraveme de seacutelection au sein du paradigme raquo

Autrement dit si lrsquoon admet que le trouble sous-jacent nrsquoest pas laquo purement drsquoorigine syntaxique raquo le recours au morphegraveme zeacutero serait donc un moyen tactique ou strateacutegique de laquo remplir raquo lrsquoemplacement de la matrice syntaxique qui aurait eacuteteacute encodeacutee normalement alors que la seacutelection du morphegraveme attendu est probleacutematique

Une autre question meacuterite drsquoecirctre poseacutee est-ce que toutes les substitutions sont de laquo vraies raquo erreurs refleacutetant un deacuteficit de traitement (lieacute agrave la reacuteduction de la fenecirctre temporelle en meacutemoire de travail drsquoapregraves KOLK) et en admettant que toutes les omissions sont agrave mettre sur le compte drsquoune strateacutegie drsquoadaptation plus anticipeacutee et conscientiseacutee par le locuteur

Nous donnerons le dernier mot agrave NESPOULOUS qui va plus loin dans lrsquohypothegravese des strateacutegies en affirmant que certaines substitutions tactiques car les morphegravemes substituants semblent laquo preacutefeacutereacutes raquo se produiraient agrave laquo lrsquoinsu du locuteur raquo Dans un tel contexte elles peuvent fort bien ecirctre interpreacuteteacutees comme des strateacutegies compensatoires et ce drsquoautant plus que certains paradigmes morpheacutematiques sont eacutetendus tels que le paradigme des preacutepositions spatiales

67 Voir aux points 2434 p 72 et 245 p 74 68 Communication personnelle 69 Par exemple une absence drsquoarticle correspondrait agrave lrsquoemploi drsquoun laquo article zeacutero raquo et une absence de flexion verbale avec emploi du verbe agrave lrsquoinfinitif correspondrait agrave lrsquoemploi de la forme verbale la plus neutre pour laquelle lrsquoencodage exige moins de computations

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle

Tout au long de cette premiegravere partie consacreacutee aux repegraveres theacuteoriques nous nous sommes inteacuteresseacutee aux diffeacuterentes approches de lrsquoagrammatisme dont lrsquoobjectif est drsquoen deacutecrire les manifestations et de fournir une explication plausible quant agrave leur origine Le scheacutema ci-apregraves (Scheacutema 6 p 101) en reacutesume les enjeux essentiels

Les paragraphes qui suivent (342 343 et 344 pp 102-107) reviennent en deacutetail sur certains des points de clivages meacutetatheacuteoriques et meacutetodologiques relatifs aux deux grands types drsquoapproches de lrsquoagrammatisme lrsquoune laquo repreacutesentationnelle linguistique raquo et lrsquoautre laquo proceacutedurale raquo

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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341 Scheacutema de synthegravese theacuteorique

Approche repreacutesentationnelle linguistique

(linguistic representionalapproach)

- Deacutecrire et expliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent

(hypothegraveses de la contiguumliteacute de la saillance phonologique du mapping lexicale syntaxique)

- Expliquer le dysfonctionnement sous-jacent(reacuteduction de la fenecirctre temporelle laquo vraies raquo substitutions)

- Deacutecrire et expliquer les adaptations du point de vue linguistique

(adaptations preacuteventives style elliptique et simplification morphologique adaptations correctives adaptations palliatives)

Tests in-vitro ou donneacutees existantes reacute-analyseacutees en production et surtout en compreacutehension

Modegravele repreacutesentationnel linguistique

Modegravele psycholinguistique de GARRETT (et ou Grammaire Universelle)

Tests in vitro pour mettre en eacutevidence la reacuteduction de la fenecirctre temporelleTests in vivo surtout en production pour deacutecrire les adaptations

Modegravele psycholinguistique de LEVELT

Linguistique de lrsquooral fonctionnalisme theacuteorie drsquoadaptation

Deacuteterminisme indirect

Mise en eacutevidence des symptocircmes de variabiliteacutes en quantiteacute et en qualiteacute

Approche proceacutedurale

(process approach)

Deacuteterminisme direct

Mise en eacutevidence des symptocircmes invariants en qualiteacute

Objectifs

Moyens

Approche repreacutesentationnelle linguistique

(linguistic representionalapproach)

- Deacutecrire et expliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent

(hypothegraveses de la contiguumliteacute de la saillance phonologique du mapping lexicale syntaxique)

- Expliquer le dysfonctionnement sous-jacent(reacuteduction de la fenecirctre temporelle laquo vraies raquo substitutions)

- Deacutecrire et expliquer les adaptations du point de vue linguistique

(adaptations preacuteventives style elliptique et simplification morphologique adaptations correctives adaptations palliatives)

Tests in-vitro ou donneacutees existantes reacute-analyseacutees en production et surtout en compreacutehension

Modegravele repreacutesentationnel linguistique

Modegravele psycholinguistique de GARRETT (et ou Grammaire Universelle)

Tests in vitro pour mettre en eacutevidence la reacuteduction de la fenecirctre temporelleTests in vivo surtout en production pour deacutecrire les adaptations

Modegravele psycholinguistique de LEVELT

Linguistique de lrsquooral fonctionnalisme theacuteorie drsquoadaptation

Deacuteterminisme indirect

Mise en eacutevidence des symptocircmes de variabiliteacutes en quantiteacute et en qualiteacute

Approche proceacutedurale

(process approach)

Deacuteterminisme direct

Mise en eacutevidence des symptocircmes invariants en qualiteacute

Objectifs

Moyens

Scheacutema 6 Synthegravese les approches linguistique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

102

342 Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique

Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique a pour objectifs de deacutecrire et drsquoexpliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent Pour ce faire des modegraveles de la phrase sont convoqueacutes suivant diffeacuterents plans linguistiques (syntagmatique seacutemantique syntaxique lexical phonologique) De plus les meacutethodes expeacuterimentales sont plutocirct in vitro (crsquoest-agrave-dire avec des paradigmes expeacuterimentaux tregraves controcircleacutes en stimuli consigne voire en temps de reacuteponse) et srsquointeacuteressent drsquoabord au versant de la compreacutehension pour en transposer les interpreacutetations sur le versant de la production Les explications sur le type de dysfonctionnement en jeu et plus preacuteciseacutement le niveau linguistique affecteacute agrave lrsquoorigine du trouble srsquoappuient sur des interpreacutetations et des descriptions drsquoabord linguistiques pour ecirctre ensuite deacuteriveacutees et impleacutementeacutees sur le plan psycholinguistique par lrsquointermeacutediaire du modegravele modulaire de GARRETT

Comme nous lrsquoavons vu ces explications cherchent drsquoabord agrave identifier en qualiteacute des symptocircmes linguistiques invariants De ce fait la variabiliteacute des performances (inter- et intra-individus inter- et intra-tacircches inter-langues en compreacutehension et en production etc) est telle que lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique fondeacutee sur une conception structurale et essentialiste de la langue preacutesente des limites Comme le souligne PILLON (1987 363)

laquo Les travaux sur lrsquoagrammatisme suggegraverent [] qursquoun modegravele explicatif ne peut faire lrsquoimpasse sur les pheacutenomegravenes de variabiliteacute Bien connus en aphasiologie ces pheacutenomegravenes ne font pourtant que rarement lrsquoobjet drsquoune articulation theacuteorique (agrave notre connaissance seule la theacuteorie drsquoadaptation de Kolk et al constitue une tentative dans ce sens) tout au plus les envisage-t-on le plus souvent sous lrsquoangle des proprieacuteteacutes peacuteripheacuteriques accessoires voire encombrantes drsquoun trouble - alors qursquoils pourraient bien relever au contraire drsquoun meacutecanisme fondamental en neuropsychologie comme en psycholinguistique drsquoailleurs les comportements linguistiques des sujets normaux ne semblent pas davantage se precircter agrave une caracteacuterisation en terme de tout ou rien raquo

En effet les explications structurales et agrave viseacutee unifiante fondeacutees sur une vision essentialiste de la langue et de son utilisation nous semble peut reacutesister agrave lrsquoeacutepreuve de lrsquoinstabiliteacute des faits linguistiques observeacutes Pour reacutepondre agrave lrsquoargument de la variabiliteacute des performances les deacutefenseurs de telles hypothegraveses insistent sur le fait que le deacuteficit sous-jacent peut ecirctre deacutecrit en termes structuraux (des eacuteleacutements perturbeacutes versus preacuteserveacutes) et que les variations de performance srsquoexpliquent en fait par drsquoautres meacutecanismes de traitements psychologiques impliqueacutes dans la performance langagiegravere De cette maniegravere lrsquointerpreacutetation linguistiquement motiveacutee du deacuteficit sous-jacent ainsi deacuteriveacutee de la description structurale des pheacutenomegravenes peut se projeter sur un modegravele de la performance psycholinguistique tel que celui de GARRETT Cela permet au final drsquoen valider lrsquoadeacutequation psychologique Malgreacute cela nous ne sommes pas totalement convaincue que ce type drsquoexplication puisse veacuteritablement revendiquer cette adeacutequation psychologique

Nous reprenons agrave notre compte la reacuteserve formuleacutee par PILLON (1987 339) agrave propos des theacuteories unitaires favorisant lrsquohypothegravese drsquoun trouble central et impliquant des niveaux drsquoorganisations linguistiques postuleacutes (repreacutesentation phonologique lexicale syntaxique

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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seacutemantique de la phrase) En particulier PILLON souligne que du fait de la variabiliteacute de la co-occurrence des symptocircmes70 ces explications ne peuvent pas srsquoappliquer agrave tous les cas drsquoagrammatisme reporteacutes dans la litteacuterature

Nous ajouterons que lrsquoinadeacutequation de telles hypothegraveses face aux donneacutees empiriques pourrait provenir de ceci le point commun entre les diffeacuterentes hypothegraveses explicatives unitaires reacuteside en ce qursquoelles sont toutes fondeacutees sur un modegravele de la phrase En effet sa repreacutesentation en termes drsquoapplication de regravegles phonologiques en termes drsquoinsertion de morphegravemes suivant leur appartenance agrave telle ou telle cateacutegorie lexicale en termes de structure syntaxique de surface et profonde ou en termes de repreacutesentation seacutemantique-fonctionnelle constitue la base de lrsquooutillage conceptuel theacuteorique et meacutethodologique analytique Les donneacutees obtenues sont analyseacutees et interpreacuteteacutees suivant ce modegravele de la phrase postuleacute en amont par la theacuteorie Agrave partir de lagrave les analyses et interpreacutetations sont projeteacutees suivant un modegravele psychologique de la performance langagiegravere et de cette maniegravere elles trouvent leur parfaite adeacutequation linguistique et psychologique au risque drsquoeacuteluder parfois la question de la variabiliteacute des performances intrainter-sujets intrainter-tacircches et intrainter-langues

Les hypothegraveses explicatives issues des travaux des GRODZINSKY (la TDH voir au point 2326(b) p 41) srsquoinscrivent pour leur part explicitement dans le cadre de la grammaire geacuteneacuterative ougrave il convient drsquointerpreacuteter les processus psycholinguistiques en jeu suivant les principes de la grammaire universelle et suivant lrsquoideacutee qursquoun module syntaxique (le substrat biologique de la faculteacute de langage et de la compeacutetence) serait encapsuleacute dans lrsquoaire de Broca Drsquoailleurs KOLK (2007 100) exprime une certaine reacuteserve vis-agrave-vis de cette approche essentialiste car il faut laquo aller au-delagrave du niveau de repreacutesentation pour ecirctre en mesure drsquoexpliquer toute la variabiliteacute qursquoon peut observer chez les patients raquo Ce type drsquoapproche linguistique de lrsquoagrammatisme qui envisage lrsquoexistence drsquoune laquo compeacutetence raquo deacuteficitaire au sens chomskyen repose sur les postulats theacuteoriques et meacutethodologiques suivants

le locuteur est ideacuteal et sa laquo compeacutetence raquo lui permet de former des phrases grammaticales

la phrase postuleacutee par lrsquointuition linguistique est lrsquouniteacute conceptuelle drsquoanalyse linguistique de base

les notions de regravegles et de transformations permettent de modeacuteliser le fonctionnement intrinsegraveque drsquoun systegraveme linguistique

la primauteacute est donneacutee agrave lrsquointuition linguistique en vue de construire les corpus de phrases soumises agrave lrsquoanalyse structurale en arbre et en opeacuterant des transformations visant agrave induire les structures sous-jacentes de la langue et ses universaux

70 Variabiliteacute lieacutee aux modaliteacutes affecteacutees (compreacutehension etou expression) ainsi qursquoaux types et agrave la freacutequence des omissions etou substitutions de morphegravemes grammaticaux

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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Crsquoest sur la base de ces postulats theacuteoriques que lrsquoagrammatisme est deacutecrit et interpreacuteteacute postulats qui mecircme lorsqursquoon srsquointeacuteresse agrave la performance non pathologique ne sont pas forceacutement adapteacutes

En effet sur ce point le propos de VILLIARD (1994 1979) qui deacutefend une interpreacutetation dynamique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme (plutocirct que structurale et repreacutesentationnelle) nous semble pertinent

laquo Alors que les principaux arguments deacuteveloppeacutes dans la theacuteorie de la compeacutetence concernent la logique formelle des systegravemes statiques sous-jacents aux activiteacutes cognitives linguistiques ceux qui sont invoqueacutes dans le cadre des eacutetudes de performance portent sur lrsquoefficaciteacute opeacuterationnelle des modegraveles theacuteoriques agrave rendre compte de maniegravere dynamique des donneacutees comportementales concregravetes raquo

PILLON (1987 336) pose le mecircme problegraveme en ces termes

laquo Le deacuteficit doit-il ecirctre interpreacuteteacute comme une alteacuteration de la seule performance ou bien plutocirct comme un deacuteficit plus geacuteneacuteral de la compeacutetence raquo

Partant de ces deux propos la question meacutetatheacuteorique fondamentale qui eacutemerge est la suivante doit-on envisager qursquoun modegravele abstrait de regravegles et de structures statiques censeacute fonder et traduire laquo la compeacutetence linguistique raquo puisse revecirctir quelque adeacutequation avec laquo un modegravele de la performance psycholinguistique raquo

Toutes les hypothegraveses explicatives fortement ancreacutees dans un modegravele linguistique de reacutefeacuterence et visant agrave expliquer la nature du dysfonctionnement sous-jacent allant de la phonologie agrave la syntaxe ont susciteacute une vive controverse Si controverseacutees puissent-elles paraicirctre elles ont le grand meacuterite de raviver le deacutebat autour de lrsquoagrammatisme et de lrsquoalimenter par de nouveaux questionnements et de nouvelles pistes de recherches

343 Lrsquoapproche proceacutedurale

Le deuxiegraveme type drsquoapproche de type proceacutedural (KOLK) vient relativiser le premier type drsquoapproche En effet drsquoapregraves lrsquoapproche proceacutedurale le deacuteficit srsquoexplique par un deacuteregraveglement des processus drsquoactivation de lrsquoinformation grammaticale lors de la formulation verbale reacutesultant de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle Crsquoest bien la performance qui est toucheacutee et non un niveau de repreacutesentation de la performance linguistique postuleacute et choisi drsquoapregraves une description statique des symptocircmes fondeacutee sur un modegravele de la phrase

Lrsquoapproche proceacutedurale a lrsquoavantage de faire la distinction entre les symptocircmes linguistiques refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent (les laquo vraies substitutions raquo) et les symptocircmes linguistiques refleacutetant les adaptations Cette approche srsquoinscrit dans une vision dynamique de la performance en ce sens qursquoelle permet drsquoen expliquer pour une grande part les variations

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

105

De plus le deacuteterminisme est indirect crsquoest-agrave-dire que les pheacutenomegravenes drsquoadaptation sont envisageacutes comme eacutetant la conseacutequence indirecte du dysfonctionnement sous-jacent En effet les deux approches srsquoopposent sur le type de deacuteterminisme envisageacute (voir NESPOULOUS 1990)

lrsquoapproche linguistique cherche agrave speacutecifier le deacuteterminisme direct responsable du trouble (voir au point preacuteceacutedent 342 p 102)

et lrsquoapproche proceacutedurale et la theacuteorie drsquoadaptation cherchent agrave montrer que lrsquoagrammatisme correspond agrave un ensemble de manifestations secondaires strateacutegiques qui seraient la conseacutequence drsquoun ou de plusieurs deacuteficit(s) sous-jacent(s) de nature proceacutedurale (et non structurale) Lrsquoapproche proceacutedurale permet drsquointeacutegrer les variations inter-tacircches comme eacuteleacutement central dans la deacutemarche interpreacutetative En effet une grande part des manifestations agrammatiques seraient en reacutealiteacute le reacutesultat drsquoadaptations et non le reflet direct du dysfonctionnement sous-jacent

Pour mettre en eacutevidence les strateacutegies drsquoadaptation les tacircches (surtout en production) sont plutocirct de type in vivo crsquoest-agrave-dire qursquoun grand degreacute de liberteacute est octroyeacute au sujet afin de le laisser recourir aux strateacutegies de formulation du message Drsquoautre part des tests de type in vitro sont adapteacutes agrave la mise en eacutevidence du dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural crsquoest-agrave-dire de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement

De plus le modegravele de LEVELT tout aussi modulaire mais plus increacutemental que le modegravele de GARRETT satisfait mieux agrave la recherche drsquoune adeacutequation psycholinguistique devant la variabiliteacute des performances linguistiques deacutecrites Crsquoest pourquoi la mise en eacutevidence des variabiliteacutes des symptocircmes linguistiques en quantiteacute et en qualiteacute notamment inter-tacircches prime sur la recherche drsquoinvariants

344 Notre position

Comme le souligne CAPLAN (1985 133) lrsquoagrammatisme ne peut srsquoexpliquer en termes de laquo perte de certains eacuteleacutements linguistiques crsquoest-agrave-dire en termes de perturbation de la compeacutetence raquo (au sens chomskyen) Selon lui les hypothegraveses limiteacutees agrave une description et une caracteacuterisation repreacutesentationnelle du trouble ne peuvent srsquoappliquer sans restriction aux faits suivants drsquoune part certains patients peuvent montrer de bonnes performances en compreacutehension et en jugement de grammaticaliteacute et drsquoautre part la variabiliteacute des performances est lrsquoeffet de contraintes situationnelles

Malgreacute cela il est toutefois opportun de chercher agrave identifier quelles sont les uniteacutes et structures linguistiques affecteacutees tout en tenant compte des aspects particuliers de la performance lieacutes aux meacutecanismes geacuteneacuteraux de traitement du langage tels que lrsquoimplication de la meacutemoire de travail par exemple

En reacutesumeacute une approche de la compeacutetence linguistique dans lrsquoagrammatisme fondeacutee sur une caracteacuterisation repreacutesentationnelle du trouble doit pouvoir aussi ecirctre relativiseacutee par les

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

106

donneacutees empiriques issues de la performance linguistique et srsquoexpliquer notamment par laquo une theacuteorie de la variabiliteacute raquo (CAPLAN 1985 134)

Ainsi les deux types drsquohypothegraveses les unes fondeacutees sur une description de la compeacutetence linguistique perturbeacutee et les autres srsquoattachant agrave deacutecrire les instabiliteacutes de la performance linguistique peuvent trouver un terrain drsquoentente et mecircme ecirctre compleacutementaires

Agrave lrsquoinstar de CAPLAN nous pensons que les deux types drsquoapproches de lrsquoagrammatisme linguistique et proceacutedurale srsquoopposent sur certains points de clivages mais gagnent tout de mecircme agrave ecirctre compleacutementaires

En effet un modegravele linguistique de base nous semble indispensable en vue de deacutecrire les symptocircmes linguistiques de surface et la nature preacutecise du niveau linguistique affecteacutee par le deacuteficit sous-jacent tel que le preacutevoit lrsquoapproche repreacutesentationnelle Mais le choix drsquoun tel modegravele theacuteorique doit se faire en tenant compte des variations de performances linguistiques Crsquoest pourquoi dans la perspective interdisciplinaire neuropsycholinguistique adopteacutee pour cette eacutetude notre deacutemarche de mise en eacutevidence des strateacutegies srsquoinscrit dans un cadre theacuteorique drsquoinspiration fonctionnaliste (voir au point suivant 345 p 107)

Ainsi la prise en compte des variations agrave deacutecrire en quantiteacute et en qualiteacute agrave travers des tacircches de production diffeacuterentes est fondamentale pour ce qui nous preacuteoccupe ici

Selon lrsquoapproche proceacutedurale notre objectif est de deacutecrire les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme en srsquoinscrivant dans une conception dynamique de lois de performances qui pourrait fournir un cadre descriptif des variations de symptocircmes drsquoadaptations en quantiteacute et en qualiteacute (voir au point 71 p 318)

Il faut selon nous aller au-delagrave drsquoune description du trouble limiteacutee agrave une caracteacuterisation de sa nature linguistique et aller au-delagrave drsquoun modegravele linguistique de la phrase pour aborder lrsquoagrammatisme du point de vue de ces manifestations adaptatives

Nous pensons que pour qursquoune hypothegravese explicative puisse satisfaire agrave lrsquoadeacutequation psychologique un modegravele linguistique devrait ecirctre choisi en fonction de certains principes directeurs qui reviennent agrave revoir la pertinence de la notion mecircme de laquo compeacutetence linguistique raquo71 comme paradigme theacuteorique dans le cadre de lrsquoeacutetude des pathologies du langage Nous insistons sur les principes directeurs suivants

il faut raisonner en termes de laquo variations linguistiques raquo et non en termes de laquo regravegles raquo

lrsquouniteacute drsquoanalyse est lrsquo laquo eacutenonceacute produit par un locuteur auditeur non ideacutealiseacute raquo et non la laquo phrase construite par un auditeur-locuteur ideacutealiseacute raquo

71 Ceci du fait probablement de lrsquoeacutemergence du paradigme theacuteorique geacuteneacuterativiste revendiquant sous forme de postulat de deacutepart une adeacutequation entre lrsquoanalyse structurale du langage pour deacutecrire la laquo compeacutetence raquo et lrsquoeacutevidence de lrsquoexistence de cette laquo compeacutetence raquo comme base des structures cognitives humaines deacutevolues au langage qui rend possible la geacuteneacuteration des phrases grammaticales nouvelles agrave partir drsquoun ensemble limiteacute de regravegles de transformations inteacuterioriseacutees (CHOMSKY 1965 1974)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

107

il convient drsquointeacutegrer les aspects psycho-cognitifs de la performance langagiegravere et la notion de laquo capaciteacutes linguistiques raquo en se deacutemarquant drsquoune vision statique de la laquo compeacutetence linguistique raquo

se meacutefier drsquoune vision isomorphique entre fonctionnement de la langue modeacuteliseacute par la theacuteorie linguistique et fonctionnement psycholinguistique modeacuteliseacute par la theacuteorie de la performance psycholinguistique

La dichotomie entre laquo compeacutetence linguistique raquo et laquo performance langagiegravere raquo nous semble assez reacuteductrice Il faut la compleacuteter par les notions de laquo capaciteacute raquo et de laquo processus de traitement raquo pour que les modegraveles linguistiques appliqueacutes agrave la performance verbale pathologique puissent revecirctir une adeacutequation psycholinguistique qui puisse mieux inteacutegrer lrsquointerpreacutetation des variabiliteacutes de performances72

Par contre en admettant que les processus impliqueacutes lors du deacutecodage de lrsquoinformation linguistique et lors du controcircle audio-phonatoire demeurent relativement opeacuterationnels on peut envisager que le patient agrammatique est en mesure de recourir agrave ses connaissances deacuteclaratives sur la langue pour comprendre ou mecircme produire une forme cible adeacutequate De ce point de vue il nous semble leacutegitime drsquoinvoquer le rocircle deacuteterminant de la compeacutetence linguistique dans les meacutecanismes de deacutetection de constructions agrammaticales

Rappelons pour finir que notre approche des strateacutegies dans lrsquoagrammatisme poursuit les orientations proposeacutees par KOLK et NESPOULOUS En effet pour KOLK (2006 237) les symptocircmes drsquoomissions ne reflegravetent pas le deacuteficit en tant que tel (la reacuteduction de la fenecirctre temporelle) mais reflegravetent lrsquoadaptation du patient agrave des capaciteacutes reacuteduites En drsquoautres termes formuleacutes par NESPOULOUS (1996) le deacuteficit sous-jacent est indirect et certaines manifestations de surface varieacutees (les symptocircmes drsquoadaptation ou palliatifs certaines substitutions) constituent des strateacutegies De plus selon NESPOULOUS une particulariteacute fondamentale de ces manifestations est leur caractegravere optionnel

345 Le fonctionnalisme

3451 Le paradigme fonctionnaliste

Quelle theacuteorie du langage inteacutegrerait les variations linguistiques comme indice valide des lois de performances et des strateacutegies caracteacuteristiques des conduites verbales agrammatiques

En accord avec la theacuteorie drsquoadaptation le paradigme fonctionnaliste73 nous semble adeacutequat DIK (1978 1997 [1989]) en reacutesume les postulats fondamentaux

72 Drsquoapregraves une communication personnelle de NESPOULOUS (2002) voir aussi SAHRAOUI (2003) 73 Voir notamment FRANCcedilOIS (2004)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

108

Les principaux postulats theacuteoriques de la Grammaire Fonctionnelle (GF74) sont les suivants

la langue est drsquoabord envisageacutee comme eacutetant un instrument drsquointeraction sociale entre ecirctres humains utiliseacutee dans le but drsquoeacutetablir une relation communicative entre les locuteurs drsquoune langue naturelle (Natural Language Users Speaker et Adressee)

la fonction laquo creacuteeacute la forme raquo en ce sens qursquoun organisme ici un systegraveme linguistique ajuste ses proprieacuteteacutes et leurs instanciations sous lrsquoeffet de certains facteurs (par exemple environnementaux psychologiques sociologiques)

la prioriteacute est donneacutee aux proprieacuteteacutes structurales et aux proprieacuteteacutes communicationnelles de la langue le fonctionnalisme est fondeacutee sur une approche de la langue en usage (usage-based approach) Du point de vue meacutethodologique cela implique drsquoeacutetudier des corpus de donneacutees verbales effectivement produites en situation attacheacutees agrave un contexte particulier

Le paradigme fonctionnel se distingue par de nombreux points de clivages meacutetatheacuteoriques du paradigme formel geacuteneacuteratif En effet pour les fonctionnalistes il srsquoagit de reacuteveacuteler la fonction instrumentale du langage dans lrsquointeraction sociale crsquoest-agrave-dire sa dimension fonctionnelle

Lrsquoeacutelaboration des outils conceptuels et analytiques de la GF procegravede des trois types drsquoadeacutequations revendiqueacutees suivantes

lrsquoadeacutequation pragmatique selon laquelle le langage utiliseacute en interaction nrsquoest pas deacutetacheacute de son substrat pragmatique crsquoest-agrave-dire qursquoil est deacutetermineacute par les paramegravetres drsquoune situation de communication

lrsquoadeacutequation psychologique selon laquelle le langage est deacutetermineacute par les capaciteacutes cognitives geacuteneacuterales deacutedieacutes agrave son encodage deacutecodage lors de la performance effective du locuteur (de ce point de vue un modegravele de la performance psycholinguistique tel que celui de LEVELT est utile)

lrsquoadeacutequation typologique selon laquelle le langage est deacutetermineacute par le principe drsquouniversaliteacute translinguistique ce qui permet drsquoappliquer les principes fonctionnels agrave la comparaison des langues et drsquoexpliquer ainsi les variations inter-langues

Lrsquoobjectif de la GF est de reconstruire une partie des capaciteacutes linguistiques du locuteur drsquoune langue naturelle (Natural Language User) qui nrsquoest pas ideacutealiseacute et qui est capable de produire et drsquointerpreacuteter correctement des expressions linguistiques dans un nombre eacuteleveacute de situations de communication cela en fonction du contexte extralinguistique (les paramegravetres de lrsquointeraction) du contexte cognitif (les connaissances sur la situation) et du contexte textuel (les expressions linguistiques utiliseacutees)

Le modegravele descriptif srsquoapplique agrave lrsquoeacutenonceacute et au-delagrave de ses frontiegraveres (au niveau discursif75 mono- ou dialogique le cas eacutecheacuteant) Il integravegre diffeacuterentes strates de repreacutesentation de 74 TFG (Theory of Functional Grammar)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

109

lrsquoeacutenonceacute auxquelles srsquoagregravegent des opeacuterateurs et satellites et ne comporte pas de transformations

Nous ne deacutecrirons pas en deacutetail le modegravele en strates ni les outils analytiques de la GF76 Ceux-ci ne seront pas convoqueacutes dans le cadre strict de cette eacutetude (crsquoest-agrave-dire en vue des analyses de corpus) Il nrsquoen demeure pas moins que nous sommes convaincue que les donneacutees verbales agrammatiques peuvent ecirctre analyseacutees sous lrsquoeacuteclairage de ce modegravele linguistique et que ses meacutethodes analytiques sont adapteacutees au type particulier de donneacutees verbales qursquoest le parler agrammatique

3452 Le fonctionnalisme cognitif Parmi les laquo orientations reacutecentes en grammaire fonctionnelle raquo (voir FRANCcedilOIS 1998b)77 celle de GIVOacuteN (1995 1998) avance que le langage srsquoinscrit dans le biologique laquo [lrsquo] approche [fonctionnaliste] est extrecircmement compatible avec la neuropsychologie cognitive qui srsquoinscrit depuis ses deacutebuts dans une approche plus fonctionnelle que structurale (1998 258) raquo

En effet il postule des correspondances entre lrsquoorganisation interne de la grammaire et le signal grammatical dans la performance effective des locuteurs Selon lui le langage humain assure deux fonctions principales laquo la repreacutesentation des connaissances raquo et la laquo communication des connaissances repreacutesenteacutees raquo 78 (GIVOacuteN 1998 257)

Pour assurer ses fonctions le codage de lrsquoinformation grammaticale srsquoaccomplit sur deux modes principaux postuleacutes dans lrsquoeacutevolution phylogeacuteneacutetique et ontogeacuteneacutetique (GIVOacuteN 1998 266)

drsquoune part le codage srsquoaccomplit sur le mode preacute-grammatical qui correspond agrave un stade initial de grammaticalisation

drsquoautre part le codage srsquoaccomplit sur le mode grammatical qui correspond agrave un stade final de grammaticalisation

Des proprieacuteteacutes structurelles fonctionnelles et cognitives caracteacuterisent chacun des deux modes de grammaticalisation

75 La GF connaicirct ses prolongements reacutecents dans le modegravele de la Theory of Functional Discourse Grammar (TFDG la Grammaire Fonctionnelle du Discours voir HENGEVELD et MACKENZIE 2006b) 76 Voir DIK(1989) et notamment FRANCcedilOIS et CORNISH (1995) 77 Dans ce recueil FRANCcedilOIS (1998 237) propose une grille de lecture du laquo qualificatif fonctionnel raquo agrave travers les dimensions seacutemiotique communicationnelle et cognitive Drsquoautre part les modegraveles explicatifs et descriptifs de la grammaire drsquoinspiration geacuteneacuterativiste formaliste fonctionnaliste et cognitive sont preacutesenteacutes en fonction de la prioriteacute donneacutee agrave telle ou telle dimension 78 Ceci nrsquoest pas sans rappeler les principes fondamentaux formuleacutes notamment par PIAGET agrave la base des theacuteories constructivistes et fonctionnalistes de la cognition selon lesquelles le langage est un laquo systegraveme symbolique raquo et un moyen de laquo communication de la penseacutee raquo (Le langage et la penseacutee chez lrsquoenfant 1923)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

110

Certaines des proprieacuteteacutes du mode de codage preacute-grammatical srsquoapparentent agrave celles de lrsquoagrammatisme (drsquoailleurs il est fait explicitement reacutefeacuterence agrave lrsquoagrammatisme pour illustrer le propos voir GIVOacuteN 1995 361-362 et p 404) telles que

au niveau structurel lrsquoabsence de morphologie grammaticale des structures syntaxiques simples ou coordonneacutees une organisation pragmatique de lrsquoordre des mots des pauses freacutequentes et longues

au niveau fonctionnel une vitesse de traitement ralentie un gros effort mental neacutecessaire des freacutequences drsquoerreurs eacuteleveacutees une grande deacutependance du codage par rapport au contexte

au niveau cognitif un mode de traitement de lrsquoinformation non automatiseacute un deacuteveloppement preacutecoce du mode preacute-grammatical dans lrsquoontogeacutenegravese et dans la phylogeacutenegravese

Ce mode de codage preacute-grammatical serait caracteacuteristique des pidgins du langage enfantin et de lrsquoaphasie agrammatique Rappelons que ce type drsquoanalogie a eacuteteacute eacutevoqueacute par ailleurs dans la litteacuterature en aphasiologie notamment par PICK (voir au point 241 p 58) en ce qui concerne les similitudes entre agrammatisme et laquo langues drsquourgence raquo (comme les pidgins) ou KOLK79 en ce qui concerne les similitudes entre les ellipses releveacutees dans lrsquoagrammatisme et dans le langage enfantin (voir au point 2433(c) p 67)

Ainsi selon GIVOacuteN (1998 266)

laquo Les enfants en peacuteriode drsquoapprentissage preacute-grammatical les locuteurs pidgins adultes et les aphasiques souffrant drsquoune perte du traitement grammatical comprennent et produisent tous un discours coheacuterent quoiqursquoavec une vitesse plus lente et avec un taux drsquoerreurs plus important que celui qui se manifeste dans des communications plus grammaticaliseacutees raquo

Cependant lrsquoaffirmation selon laquelle laquo dans la communication preacute-grammaticale (pidgin et aphasie de Broca) le code grammatical est absent raquo (1998 270) nous paraicirct discutable car quelque peu radicale En effet les mots grammaticaux ne sont pas complegravetement absents dans la performance agrammatique ce qui suggegravere qursquoil faudrait situer lrsquoagrammatisme sur un mode de codage de lrsquoinformation plutocirct intermeacutediaire entre les modes grammatical et preacute-grammatical tels qursquoil les a deacutefinis

Le paradigme fonctionnel et en particulier lrsquoapproche neuro-eacutevolutionnaire de GIVOacuteN preacutesente un inteacuterecirct tout particulier pour ce qui nous preacuteoccupe En effet la perspective qursquoil deacuteveloppe integravegre des donneacutees issues de la psycholinguistique expeacuterimentale et de la neuropsychologie

79 Pour aller au bout du raisonnement les ellipses grammaticales laquo normales raquo du langage adulte en conversation telles que deacutefinies par KOLK (voir au point 2433(c) p 67) constitueraient donc un mode preacute-grammatical de codage de lrsquoinformation

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

111

En somme lrsquoeacutetude des variations de la performance agrammatique du point de vue laquo des outils de codages du signal grammatical raquo (pour reprendre les termes de GIVOacuteN 1998 265 et dans notre cas la morphologie et la syntaxe) nous conduira agrave caracteacuteriser les strateacutegies drsquoadaptations deacuteployeacutees par le locuteur agrammatique

346 Une neuro-psycho-linguistique fonctionnelle et inteacutegrative pour lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme

Partant de lrsquoapproche multidisciplinaire et neurospycholinguistique deacutefendue par NESPOULOUS (voir NESPOULOUS 1994 318) il srsquoagit ici de preacutesenter la conception drsquoune neuropsycholinguistique laquo raisonneacutee raquo (crsquoest-agrave-dire fonctionnelle pour les raisons deacutejagrave eacutevoqueacutees) et laquo inteacutegreacutee raquo au service drsquoune description adeacutequate du comportement verbal agrammatique en particulier le versant des adaptations

Le terme neuropsycholinguistique srsquoest reacutepandu dans le champ de lrsquoeacutetude des pathologies du langage80 depuis une trentaine drsquoanneacutees Le projet de la neuropsycholinguistique est de modeacuteliser lrsquoorganisation et le fonctionnement du langage dans le cerveauesprit humain gracircce aux moyens theacuteoriques et meacutethodologiques mis agrave disposition par les disciplines aux larges interfaces que sont la neurolinguistique la psycholinguistique et la linguistique

La neurolinguistique cherche agrave construire lrsquoarchitecture fonctionnelle relative au substrat ceacutereacutebral et agrave la fonction langagiegravere dont il est la source biologique De ce fait lrsquoheacutemisphegravere gauche ou cerveau gauche laquo gestionnaire raquo de lrsquoactiviteacute de langage dans 95 des cas peut ecirctre envisageacute drsquoun point de vue pseudo-expeacuterimental dans le cas drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale focale

La psycholinguistique srsquoassigne comme mission de construire des modegraveles par une meacutethode et des outils expeacuterimentaux adapteacutes rendant compte des processus cognitifs impliqueacutes lors de tacircches langagiegraveres cibleacutees (en compreacutehensionproduction oraleeacutecrite) Dans sa dimension cognitive la psycholinguistique srsquointeacuteresse en particulier agrave lrsquoimplication des processus mneacutesiques attentionnels et perceptifs dans la production et la compreacutehension du langage

Un des buts de la linguistique ou des sciences du langage est de fournir une theacuteorie geacuteneacuterale du langage tout en construisant des outils conceptuels et analytiques permettant de rendre compte drsquoune description adeacutequate des faits de langue

Lrsquoarticulation entre ces trois vastes domaines la linguistique la psycholinguistique et la neurolinguistique preacutefigure la vision interdisciplinaire et surtout inteacutegrative preacuteconiseacutee ici pour une raison somme toute assez eacutevidente des concepts et outils issus de ces trois disciplines diffeacuterentes ont vocation agrave deacutecrire et expliquer les manifestations du langage

80 Voir NESPOULOUS (2004 2005) Drsquoautre part la neuropsycholinguistique peut aussi bien concerner les domaines de lrsquoacquisition du langage en langue maternelle et eacutetrangegravere du bilinguisme et de lrsquoattrition ou de lrsquoaphasie dans le cas du bilinguisme

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

112

VILLIARD et NESPOULOUS (1989 21) reacutesument le projet de la neuropsycholinguistique en ces termes

laquo La discipline carrefour qursquoest la neuropsycholinguistique propose notamment drsquoexploiter lrsquoobservation clinique des troubles pathologiques de la production et de la compreacutehension du langage tels qursquoils se manifestent chez les sujets aphasiques dans le but ultime de modeacuteliser le comportement langagier dans sa normaliteacute raquo

Cette posture theacuteorique et meacutethodologique offre lrsquoavantage de favoriser un ancrage fort dans les modegraveles et les outils drsquoanalyse eacuteprouveacutes agrave lrsquointeacuterieur de chaque domaine en sciences du langage mais aussi en psycholinguistique cognitive et en neurolinguistique

Scheacutema 7 Ellipses de NESPOULOUS Neuro-psycho-linguistique et paradigme theacuteorique fonctionnaliste

Ainsi la neurospycholinguistique permet drsquoarticuler des modegraveles explicatifs et descriptifs issus de la theacuteorie du langage avec des paradigmes theacuteoriques et meacutethodologiques issus de la psychologie et avec des modegraveles et des techniques drsquoinvestigation issus des neurosciences

NEURO-PSYCHOLINGUISTIQUE (objet drsquoeacutetude agrammatisme)

PSYCHO ndashLINGUISTIQUE (modegravele de la performance psycholinguistique agrave

lrsquooral des capaciteacutes langagiegraveres)

LINGUISTIQUE

(principes theacuteoriques de la grammaire fonctionnelle et du fonctionnalisme

cognitif)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

113

Selon NESPOULOUS la linguistique demeure une discipline qui a le pouvoir drsquoarticuler cette neacutecessaire interdisciplinariteacute (voir le Scheacutema 7 p 112)

Ces domaines constituent autant de piliers sur lesquels peut reposer une neuropsycholinguistique inteacutegrative81 telle que nous pouvons la concevoir dans une perspective fonctionnelle La permeacuteabiliteacute entre les diffeacuterents domaines disciplinaires que sont la linguistique la psycholinguistique et la neurolinguistique neacutecessite drsquoen deacutegager une articulation coheacuterente eu eacutegard notre objet drsquoeacutetude lrsquoagrammatisme et vis-agrave-vis des finaliteacutes afficheacutees par cette recherche qui consistent agrave mettre en eacutevidence lrsquoactualisation du potentiel adaptatif du locuteur agrave travers lrsquoeacutetude des strateacutegies Dans ces perspectives le paradigme theacuteorique fonctionnaliste nous semble fondamental

35 Conclusion

Pour conclure nous deacutefendons lrsquoideacutee que la caracteacuterisation de la nature linguistique du trouble agrammatique fondeacutee sur une description des pheacutenomegravenes et sur un modegravele linguistique de reacutefeacuterence doit pouvoir satisfaire agrave lrsquoadeacutequation psychologique et donc doit pourvoir se conjuguer agrave une caracteacuterisation laquo proceacutedurale raquo du dysfonctionnement sous-jacent eu eacutegard la variabiliteacute des performances

De ce point de vue le paradigme fonctionnaliste en particulier le fonctionnalisme cognitif peut reacutepondre de maniegravere satisfaisante agrave la recherche drsquoune adeacutequation psychologique dans le cadre de la theacuteorie drsquoadaptation

De plus il integravegre la notion de variations comme eacuteleacutement central de toute description et interpreacutetation des formes linguistiques En effet la caracteacuterisation des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme est fonctionnelle dans le sens ougrave elle srsquoappuie dans le cadre de cette eacutetude sur une analyse des variabiliteacutes inter-tacircches et sur une interpreacutetation de ces variabiliteacutes dans un cadre theacuteorique global ougrave le langage est drsquoabord envisageacute comme moyen de communiquer Ce qui est coheacuterent avec la notion de handicap verbal situeacute que nous avons deacutefinie au deacutebut de notre parcours agrave travers les travaux de PERRY et al (1997) ou NESPOULOUS et VIRBEL (2004) Cette notion est fondeacutee sur une approche des troubles neuropsychologiques relativiseacutee par les paramegravetres de lrsquoenvironnement (voir au point 114 p 21)

Ainsi il nous faut relativiser la symptomatologie agrammatique en tenant compte des variabiliteacutes inter-sujets inter-langues et inter-tacircches De plus les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme sont agrave caracteacuteriser sur le plan de la phrase et sur le plan du discours en quantiteacute et en qualiteacute

Les variabiliteacutes preacuteciteacutees sont de trois types

81 Sur ce point voir aussi SAHRAOUI (agrave paraicirctre)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

114

elles sont situationnelles ou inter-tacircches (deacutependantes de degreacutes de contraintes de lrsquoactiviteacute langagiegravere en question)

elles sont cognitives individuelles ou inter-individus (deacutependantes de la seacuteveacuteriteacute du trouble de lrsquoeacutetat du locuteur)

elles sont linguistiques structurales ou inter-langues (deacutependantes des proprieacuteteacutes de la langue en question)

Nous nous inteacuteresserons de plus pregraves au premier type de variabiliteacute crsquoest-agrave-dire agrave la variabiliteacute inter-tacircches influenceacutee par des facteurs externes Dans notre protocole expeacuterimental les facteurs externes sont manipuleacutes agrave travers quatre tacircches de production orale

Ainsi la deuxiegraveme grande partie de ce meacutemoire srsquoattache agrave deacutecrire les principes fondamentaux du protocole expeacuterimental de collecte de donneacutees verbales (chapitre 4) ainsi que les diffeacuterentes eacutetapes de construction des corpus de leur transcription agrave leur preacute-traitement en vue de constituer un corpus de donneacutees exploitables (chapitre 5)

115

Partie II Meacutethodologie

116

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

117

4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)

40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale

401 Hypothegravese theacuteorique et opeacuteratoire

Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives ou compensatoires peut ecirctre eacutetayeacutee en mettant en eacutevidence certains comportements ou certaines variations de comportement selon le type de situation ougrave le locuteur est impliqueacute

Si la situation varie en termes de pressions externes exerceacutees sur la verbalisation les symptocircmes linguistiques refleacutetant des proceacutedures compensatoires ou des conduites strateacutegiques peuvent ecirctre mis en avant Les pressions exerceacutees peuvent ecirctre manipuleacutees en situations expeacuterimentales plus ou moins contraintes Pour ce faire nous proposons de mettre en place quatre situations expeacuterimentales ou pseudo-expeacuterimentales

Lrsquoobjectif de lrsquoeacutetude consiste agrave deacutecrire les effets drsquoune manipulation expeacuterimentale opeacutereacutee sur quatre tacircches calibreacutees (voir le Scheacutema 8 ci-apregraves p 118) Les variables deacutependantes concernent essentiellement la composante morpho-syntaxique du discours produit agrave lrsquooral

Lrsquoeacutetude de ces variables linguistiques en fonction des locuteurs et des tacircches a pour finaliteacute drsquoenvisager trois dimensions de la performance agrammatique qui nous semblent inextricablement lieacutees

(1) la dimension laquo deacuteficit incapaciteacute raquo refleacuteteacutee par des symptocircmes de perturbation crsquoest-agrave-dire pheacutenomegravenes patholinguistiques de non fluence verbale drsquoomissions ou de substitutions de morphegravemes de constructions inadeacutequates

(2) la dimension laquo capaciteacute preacuteserveacutee raquo refleacuteteacutee par des symptocircmes de formulation linguistique adeacutequate

(3) la dimension laquo adaptative raquo qui reacutesultent de lrsquointeraction des deux autres dimensions avec les contraintes de la situation refleacuteteacutee par la formulation de constructions originales ou alternatives

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

118

Pheacutenomegravenes drsquoadaptationSymptocircmes linguistiques compensatoireset principe des laquo lois de performances raquo

gt adaptations preacuteventives (style elliptique) et correctives selon KOLK

gt strateacutegies palliatives selon NESPOULOUS

Situations expeacuterimentales agrave degreacutes de contraintes variables deacutetermineacutes par

gt la preacutecision grammaticale induite (cible linguistique) par la preacutesence et la qualiteacute drsquoun stimulus

gt les contraintes externes consigne et limitation temporelle

4 tacircches de production

Systegraveme cognitif preacuteserveacute

Symptocircmes refleacutetant les capaciteacutes preacuteserveacutees

HANDICAP VERBAL SITUEacute

Systegraveme cognitif perturbeacute

Symptocircmes refleacutetant le deacuteficit lrsquoincapaciteacute

Pheacutenomegravenes drsquoadaptationSymptocircmes linguistiques compensatoireset principe des laquo lois de performances raquo

gt adaptations preacuteventives (style elliptique) et correctives selon KOLK

gt strateacutegies palliatives selon NESPOULOUS

Situations expeacuterimentales agrave degreacutes de contraintes variables deacutetermineacutes par

gt la preacutecision grammaticale induite (cible linguistique) par la preacutesence et la qualiteacute drsquoun stimulus

gt les contraintes externes consigne et limitation temporelle

4 tacircches de production

Systegraveme cognitif preacuteserveacute

Symptocircmes refleacutetant les capaciteacutes preacuteserveacutees

HANDICAP VERBAL SITUEacute

Systegraveme cognitif perturbeacute

Symptocircmes refleacutetant le deacuteficit lrsquoincapaciteacute

Scheacutema 8 Principes meacutethodologiques de mise en eacutevidence des pheacutenomegravenes drsquoadaptation

caracteacuterisation des variations inter-tacircches issues de lrsquointeraction entre incapaciteacutes drsquoencodage capaciteacutes drsquoencodage preacuteserveacutees et contraintes de la situation expeacuterimentale

Pour cette eacutetude une attention particuliegravere est porteacutee sur les capaciteacutes de structuration ou de complexification morphologique et syntaxique du discours agrave travers une description fine quantitative et qualitative des corpus collecteacutes Les variables deacutependantes srsquoarticulent autour des cateacutegories de variables CORPUS MORPH et SYNTAX qui reflegraveteront les diffeacuterents symptocircmes linguistiques observables en surface Relativement agrave ces trois grandes cateacutegories de variables les mesures appliqueacutees aux corpus sont preacutesenteacutees en deacutetail dans le chapitre 5

Au final lrsquoeacutetude des tendances inter-groupes inter-tacircches et inter-sujets selon les variables ainsi deacutefinies nous conduira agrave deacutegager les tendances notables crsquoest-agrave-dire les variations de comportement verbal des patientslocuteurs agrammatiques et controcircles (chapitre 6)

Mais avant drsquoen arriver lagrave il est neacutecessaire de preacutesenter les eacutetapes successives ayant abouti agrave la construction du corpus oral eacutetudieacute depuis la mise en place du protocole expeacuterimental tel qursquoil a eacuteteacute penseacute dans ses principes meacutethodologiques jusqursquoagrave la transcription et agrave la formalisation des observables Pour finir nous exposerons en deacutetail les preacute-traitements

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

119

appliqueacutes aux corpus oraux (notamment les principes drsquoidentification des particules de discours de segmentation des corpus de discours continu et drsquoextraction des observables laquo mots extraits raquo)

402 Position meacutethodologique

Dans le cas de lrsquoagrammatisme des tacircches de jugement de grammaticaliteacute ou de compleacutetion de phrase par un item grammatical par exemple permettent drsquoeacutevaluer les capaciteacutes de compreacutehension ou de production en ciblant preacuteciseacutement des variables drsquointeacuterecirct (deacutependantes) et en controcirclant certains paramegravetres (variables indeacutependantes)

Ce type de tacircche privileacutegie la mesure du temps de reacuteaction (le laps de temps se deacuteroulant entre la preacutesentation drsquoun stimulus et le moment de la reacuteponse qui peut aller de quelques millisecondes agrave plusieurs dizaines de secondes) ou la qualiteacute de la reacuteponse agrave la premiegravere tentative (correcte ou incorrecte)

La tendance dominante dans le domaine de la psycholinguistique cognitive actuelle revient agrave privileacutegier ce type de meacutethode expeacuterimentale ougrave un maximum de variables deacutependantes et indeacutependantes puissent ecirctre controcircleacutees

Dans le cas de tacircches in vitro (crsquoest-agrave-dire laquo tregraves controcircleacutees raquo) telles que celles que nous avons citeacutees ci-dessus les strateacutegies palliatives seraient pour le patient-locuteur agrammatique difficiles agrave mettre en place ou si elles lrsquoeacutetaient pourraient ecirctre coteacutees comme eacutetant des laquo erreurs raquo du fait de lrsquoeacutecart par rapport agrave la reacuteponse attendue

Pour nous lrsquointeacuterecirct de ces meacutethodes nrsquoest pas agrave remettre en question Dans notre cas agrave la diffeacuterence de ce type de protocole expeacuterimental laquo tregraves controcircleacute raquo nous privileacutegions une meacutethode expeacuterimentale laquo assouplie raquo ougrave une marge de manœuvre assez large est laisseacutee au locuteur eacutetant donneacute que notre but consiste agrave identifier les strateacutegies du patient-locuteur dans la communication

Cela implique donc de lui laisser une marge de liberteacute assez suffisante mais en mecircme temps de pouvoir controcircler le type de discours cible Ainsi notre protocole srsquoarticule autour de 4 tacircches diffeacuterentes de production orale82 Celles-ci ont eacuteteacute choisies et mises en perspective les unes par rapport aux autres suivant une gradation de contraintes externes appliqueacutees agrave chacune drsquoelle

tacircche 1 production de discours autobiographique spontaneacute (reacutecit de la maladie ou reacutecit drsquoun voyage)

tacircche 2 production de discours narratif continu (reacutecit de deux contes (a) Le Petit Chaperon Rouge et (b) Cendrillon)

tacircche 3 production de discours narratifdescriptif continu agrave partir drsquoune seacutequence de 4 images repreacutesentant une histoire avec un calembour

tacircche 4 production drsquoune seule phrase agrave partir drsquoune seule image repreacutesentant une action ou une scegravene avec des personnages dans une situation concregravete de la vie quotidienne

82 Les quatre types de tacircches sont codeacutees systeacutematiquement ainsi tacircche 1 tacircche 2 (a et b) tacircche 3 et tacircche 4

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

120

Dans le point suivant nous deacutetaillons les principes meacutethodologiques qui sous-tendent les caracteacuteristiques des 4 tacircches preacuteciteacutees

403 Degreacutes de liberteacutecontraintes associeacutes aux tacircches

WILLEMS et RAUSH (1969 citeacutes par MYERS et HANSEN 2003 72) fournissent les repegraveres meacutethodologiques permettant de caracteacuteriser une tacircche suivant les degreacutes de contraintes externes (temps consigne) et internes (qualiteacute du stimulus) attacheacutes agrave un test Voyons cela en deacutetail

4031 Contraintes externes sujeacutetion des uniteacutes (temps et consigne)

Le degreacute de sujeacutetion des uniteacutes correspond aux conditions externes mises en place par lrsquoexpeacuterimentateur pour mener lrsquoactiviteacute crsquoest-agrave-dire aux contraintes externes agrave la tacircche (lrsquoaxe vertical de gauche dans le Tableau 4 p 122)

Les performances du locuteur sont influenceacutees par

le temps crsquoest-agrave-dire les limites temporelles imposeacutees (temps alloueacute pour avoir une reacuteponse apregraves la preacutesentation drsquoun stimulus) Dans notre protocole aucune limite temporelle nrsquoest imposeacutee

la consigne crsquoest-agrave-dire la proceacutedure agrave respecter en manipulant les stimuli ou en donnant la reacuteponse On aura par exemple une consigne du type Parlez-moi de ce qui vous est arriveacute pour la tacircche 1 ou Vous devez me dire preacuteciseacutement ce qui se passe sur cette image pour la tacircche 4

4032 Contraintes internes manipulation des anteacuteceacutedents (stimuli)

Le degreacute de manipulation des anteacuteceacutedents correspond aux conditions internes mises en place par lrsquoexpeacuterimentateur pour mener lrsquoactiviteacute crsquoest-agrave-dire les contraintes internes agrave la tacircche (cf lrsquoaxe horizontal de gauche dans le Tableau 4 p 122)

La tacircche de production est deacutetermineacutee notamment en fonction du type et de la maniegravere dont les stimuli sont utiliseacutes

En effet la preacutesence ou lrsquoabsence de stimulus ainsi que sa qualiteacute conditionnent la qualiteacute des donneacutees obtenues au final des genres discursifs plus ou moins controcircleacutes gracircce aux stimuli sont influenceacutes par les supports imageacutes

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Pour la tacircche 1 aucun anteacuteceacutedent ou stimuli construit au preacutealable auditif ou visuel nrsquoest utiliseacute car lrsquoactiviteacute langagiegravere repose sur une interaction tregraves spontaneacutee avec le participant

Suivant les possibiliteacutes du participant surtout pour les locuteurs aphasiques lrsquointeraction est plus ou moins guideacutee relanceacutee par des questions ponctueacutee par des phatiques des eacuteleacutements de neacutegociation du sens des propos aidant agrave confirmer ou mieux comprendre lrsquoinformation donneacutee

Pour les tacircches 2 3 et 4 les stimuli preacutesenteacutes sont des images Ils ont eacuteteacute construits en vue drsquoorienter la production sur un certain type de discours

Selon les tacircches les productions sont donc ancreacutees dans une situation plus ou moins naturelle ou construite artificielle

Dans le cas ougrave un stimulus est utiliseacute il lrsquoest de diffeacuterentes maniegraveres selon les tacircches concerneacutees

pour la tacircche 2 les images sont montreacutees au sujet puis enleveacutees ou laisseacutees si la narration est trop difficile

pour la tacircche 3 quatre images sont remises en ordre logique puis laisseacutees comme support pendant la production aussi longtemps que neacutecessaire

pour la tacircche 4 les images sont laisseacutees agrave la vue du sujet tant qursquoil en a besoin

404 Synthegravese les caracteacuteristiques des tacircches de production suivant les contraintes externes et internes

Le tableau ci-apregraves (Tableau 4 p 122) preacutesente les caracteacuteristiques des diffeacuterentes tacircches de production orale de maniegravere agrave donner une vue relative de leurs degreacutes de liberteacute suivant les contraintes internes et externes de chaque condition expeacuterimentale

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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+ eacuteleveacute

Tacircche 4 (4-ELA) + +

Structures syntaxiques cibles Stimuli 60 images

drsquoactionsscegravenes varieacutees

= moyen

Tacircche 2 (a) (b) = =

Narration de contes connusStimuli planches drsquoimages

regardeacutees puis retireacutees

Tacircche 3 (3-MJ) = +

Narration drsquohistoires ineacutedites Stimuli 4 images styliseacutees (12

seacutequences)

- faible

Tacircche 1 - -

Reacutecit de la maladie Pas de stimulus

laquo D

egreacute

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faible =

moyen +

eacuteleveacute

laquo Degreacute de manipulation des anteacuteceacutedents raquo contraintes internes agrave la tacircche

QUALITEacute et UTILISATION DU STIMULUS

Tableau 4 Principes caracteacuterisant les degreacutes de contraintes associeacutes agrave chaque tacircche de production

La collecte de donneacutees patholinguistiques et controcircles srsquoappuie sur ces principes basiques de manipulation des conditions expeacuterimentales en vue de mener une observation de comportement

Pour la tacircche 1 la production de discours attendue est tregraves libre relativement aux autres tacircches car les degreacutes de sujeacutetion des uniteacutes et de manipulation des anteacuteceacutedents sont tregraves faibles (signes laquo - - raquo)

Pour la tacircche 2 les degreacutes sont moyens (signes laquo = = raquo) car il srsquoagit de discours narratif plus cibleacute sur un contenu particulier mais assez libre car il ne deacutepend pas de la preacutesence de stimuli visuels (ils sont retireacutes)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

123

Ensuite pour la tacircche 3 le fait de srsquoappuyer encore plus sur un stimulus imageacute rend la tacircche plus contraignante en particulier agrave cause drsquoun degreacute de contrainte suppleacutementaire impliquant la preacutesence des stimuli (signes laquo = + raquo les stimuli sont laisseacutes)

Enfin pour la tacircche 4 les degreacutes de contraintes externes et internes agrave la tacircches sont les plus forts relativement aux autres tacircches car chaque structure attendue est preacuteciseacutement controcircleacutee par un stimulus bien deacutetermineacute (signes laquo + + raquo)

Toutes ces situations de production visent agrave ecirctre expeacuterimentalement et eacutecologiquement valides

Agrave travers ces 4 tacircches mises en perspectives les unes par rapport aux autres nous espeacuterons ainsi avoir trouveacute un laquo juste milieu raquo entre une meacutethode plutocirct expeacuterimentale du domaine de la psycholinguistique et une meacutethode plutocirct eacutecologique qui serait caracteacuteristique de la linguistique de lrsquooral

Sur ces aspects meacutethodologiques lieacutes agrave la collecte de donneacutees verbales NESPOULOUS (1989 253) explique

laquo [Il est possible de se placer] agrave mi-chemin [hellip] entre lrsquoobservation laquo in vitro raquo expeacuterimentale - qui gagne en rigueur ce qursquoelle perd en naturel ndash et lrsquoobservation laquo in vivo raquo ou laquo eacutecologique raquo - qui perd en rigueur ce qursquoelle gagne en naturel raquo

La laquo rigueur raquo agrave laquelle NESPOULOUS fait reacutefeacuterence est celle du controcircle des paramegravetres de la situation expeacuterimentale (crsquoest-agrave-dire des conditions de la passation ou variables indeacutependantes)

En effet tout au long de notre reacuteflexion sur les aspects meacutethodologiques de cette eacutetude nous eacutetions consciente qursquoune tacircche de production de discours spontaneacute implique un tregraves grand nombre de facteurs non controcircleacutes par lrsquoexpeacuterimentateur

Agrave lrsquoopposeacute des tacircches tregraves contraignantes comme la production de phrases isoleacutees impliquent de controcircler lrsquoeacutenonceacute cible attendu

Agrave lrsquoinstar de NESPOULOUS on peut donc opposer la laquo rigueur expeacuterimentale raquo drsquoune tacircche ougrave les paramegravetres ou variables indeacutependantes sont tregraves controcircleacutees au caractegravere laquo naturel eacutecologique raquo drsquoune autre tacircche de production libre

Nous souhaitons toutefois preacuteciser deux choses qursquoil faut garder agrave lrsquoesprit

le laquo manque de rigueur raquo de lrsquoobservation in vivo nrsquoimplique pas du tout un laquo manque de rigueur raquo des analyses qui en deacutecoulent Les analyses de corpus fines et cibleacutees sur des variables linguistiques les mieux deacutefinies possibles mecircme lorsqursquoil srsquoagit drsquoanalyser du discours tregraves spontaneacute en sont la preuve (voir les chapitres 5 et 6)

une situation mecircme tregraves eacutecologique demeure toujours en quelque sorte une situation expeacuterimentale du fait mecircme qursquoun comportement est observeacute dans cette situation83

83 Communication personnelle de DUVIGNAU (2006)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale

Pour toutes les tacircches les questions trop preacutecises sont eacuteviteacutees par lrsquoexpeacuterimentatrice afin de favoriser le plus possible la production de discours continu de type monologique malgreacute la situation dialogique

Ainsi le but est drsquoamener le participant agrave eacutelaborer son discours le plus possible en eacutevitant ainsi la production de reacuteponses trop succinctes Cette maniegravere de mener les entretiens est plus caracteacuteristique des entretiens reacutealiseacutes avec des participants agrammatiques que controcircles Mais dans tous les cas nous nous sommes appliqueacutee agrave relancer la production par des questions geacuteneacuterales telles que

Racontez-moi

Qursquoest-ce qui se passe Qursquoest-ce qui srsquoest passeacute ensuite

Comment ccedila se passe Comment ccedila srsquoest passeacute racontez-moi en deacutetail

Expliquez-moi je nrsquoai pas compris

Dans certains cas si les explications ou reformulations ne suffisent pas pour lever une ambiguumliteacute difficile agrave reacutesoudre ou une incompreacutehension le recours agrave lrsquoeacutecrit peut ecirctre une bonne solution

Pour toutes les tacircches nous preacutesentons en Annexe E-399-414 les stimuli utiliseacutes et le cas eacutecheacuteant les structures cibles attendues (en production de phrases isoleacutees tacircche 4 Annexe E-404) ainsi que les consignes et proceacutedures associeacutees telles que nous les avons consigneacutees dans le formulaire drsquoexamen

411 Tacircche 1 Production orale de discours continu spontaneacute autobiographique (reacutecit de la maladie de voyage)

4111 Objectif

Avant toute chose un questionnaire drsquoentreacutee est proposeacute au participant (voir en Annexe A-381) Lrsquoobjectif de ce questionnaire est de collecter des informations geacuteneacuterales sur le participant La soumission du questionnaire (agrave lrsquooral) est enregistreacutee Ce premier entretien est une bonne solution pour mieux connaicirctre le participant et lrsquohabituer agrave lrsquoideacutee que sa parole est enregistreacutee Ensuite lors drsquoun nouvel entretien le protocole de collecte de donneacutees verbales peut commencer La premiegravere tacircche consiste agrave demander au participant de faire le reacutecit de lrsquohistoire de sa maladie

Les donneacutees verbales collecteacutees pour cette premiegravere tacircche sont les plus spontaneacutees Lrsquoentretien est semi-guideacute et tregraves ouvert Les questions poseacutees aux locuteurs agrammatiques et controcircles portent sur des aspects tregraves personnels de leur vie

Lrsquoobjectif est drsquoobtenir un corpus de discours continu autobiographique

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4112 Proceacutedure

Les entretiens avec les patients agrammatiques durent assez longtemps en geacuteneacuteral jusqursquoagrave une ou deux heures

En geacuteneacuteral les participants agrammatiques acceptent volontiers de raconter lrsquohistoire de leur aphasie Le thegraveme de la discussion est tregraves bien circonscrit dans un premier temps et motive lrsquoemploi du monologue mais il srsquoouvre facilement sur drsquoautres aspects de la vie personnelle du locuteur comme les vacances la vie professionnelle la famille

Avec les participants aphasiques lrsquoentretien autour de la maladie se transforme souvent en discussion agrave bacirctons rompus Cela permet de revenir sur des aspects autobiographiques et ainsi de mieux connaicirctre la personne et son veacutecu

Au final gracircce agrave ces connaissances sur la personnaliteacute et drsquoautres aspects de la vie du patient il est beaucoup plus facile drsquoinduire le contenu de certains propos

412 Tacircche 2 Production orale de discours continu narratif (Le Petit Chaperon Rouge et Cendrillon)

4121 Objectif

Le participant raconte les histoires du Petit Chaperon Rouge et de Cendrillon telles qursquoil les connaicirct

Ce type de tacircche est classiquement utiliseacute dans la litteacuterature en aphasiologie En effet elle preacutesente le grand avantage de motiver un discours plutocirct spontaneacute tout en ayant une ideacutee preacutecise de ce que veut dire le participant On srsquoappuie ainsi sur la meacutemoire collective des contes de lrsquoenfance tregraves communeacutement partageacutee

Lrsquoobjectif est de collecter un corpus de discours continu narratif peu influenceacute par les stimuli imageacutes qui ont eacuteteacute montreacutes avant la narration puis retireacutes

Pour cette tacircche de production (tacircche 2) le type de discours collecteacute est plus contraint que celui qui est obtenu dans la tacircche 1 du fait de la consigne et de lrsquoutilisation mecircme partielle des images

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4122 Mateacuteriel et proceacutedure

(a) Mateacuteriel

Les planches drsquoimages que nous avons utiliseacutees pour cette tacircche figurent en Annexe E-400-401 Le petit format des vignettes et le style de dessin nrsquoest pas propice agrave une description tregraves deacutetailleacute Certains deacutetails sont mecircmes difficilement visibles

(hellip)

Illustration 1 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(a) production de discours continu (conte du Petit Chaperon Rouge Imageries drsquoEpinal)

(hellip)

Illustration 2 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(b) production de discours continu (conte de Cendrillon Imageries drsquoEpinal)

(b) Proceacutedure

Les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice se limitent agrave la consigne et agrave quelques questions geacuteneacuterales pour relancer le discours Lorsque des propos de lrsquoexpeacuterimentatrice tiennent lieu de

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facilitations pour laquo deacutebloquer raquo ou faire avancer le reacutecit et sont repris par le participant nous prenons bien soin de les distinguer de ce qui a eacuteteacute formuleacute sans assistance directe

Ainsi les analyses de la performance agrammatique a posteriori sont autant que faire se peut le moins biaiseacutees possible par les propos de lrsquoexpeacuterimentatrice

Les planches drsquoimages sont laisseacutees au participant le temps neacutecessaire afin qursquoil puisse se remeacutemorer la structure narrative du conte Puis il se lance une fois qursquoil se sent precirct agrave raconter et les images sont retireacutees Si agrave un moment donneacute du reacutecit il ne se souvient plus de se qui se passe ou mecircme agrave sa demande explicite il peut revoir les images

Cette proceacutedure de passation nrsquoa pas eacuteteacute rigoureusement suivie pour lrsquoun des participants agrammatiques qui eacuteprouvait un reacuteel besoin des images en guise de support de son reacutecit Nous avons fait une exception pour BR_agr84 qui avait en effet besoin drsquoavoir les planches drsquoimages constamment sous les yeux pour mener le reacutecit agrave son terme

413 Tacircche 3 Production orale de discours continu narratifdescriptif agrave partir drsquoune seacutequence drsquoimages (Maicirctre Jacot)

4131 Objectif

Comme pour les 2 premiegraveres tacircches de production lrsquoobjectif est de collecter du discours continu Cependant pour cette tacircche lrsquoideacutee est de contraindre un peu plus la production par rapport aux tacircches 1 et 2 par la preacutesence constante de stimuli imageacutes En conseacutequence leur preacutesence a plus drsquoinfluence sur la preacutecision grammaticale du discours agrave produire des points de vue morpho-lexical et syntaxique

En effet les eacutevegravenements repreacutesenteacutes sur les images (voir p 128) respectent une suite logique et les personnages et les objets autour desquels srsquoarticulent les histoires sont tregraves speacutecifiques

Par rapport aux deux premiegraveres tacircches la tacircche de production de discours continu agrave partir drsquoimages (tacircche 3) ne laisse pas autant de marge de manœuvre au participant

Lrsquoobjectif est drsquoobtenir un discours continu narratif drsquoapregraves un set de quatre images styliseacutees tout en augmentant par rapport aux deux autres premiegraveres tacircches la preacutecision grammaticale viseacutee en lien avec les deacutetails de lrsquohistoire agrave raconter

84 Alors que sa profession eacutetait instituteur et qursquoil connaissait donc parfaitement les contes

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4132 Mateacuteriel et proceacutedure

(a) Mateacuteriel

Chaque histoire met en scegravene des personnages varieacutes dont un personnage et son chien qui sont les heacuteros des histoires85 Le dessin (PRESS 1998) est suffisamment styliseacute pour eacuteviter toute ambiguiumlteacute

Le participant reconstitue le cours des eacutevegravenements et la subtiliteacute humoristique de leur enchaicircnement en remettant les images suivant un ordre logique Chaque histoire se termine par un calembour

De plus les images ont eacuteteacute suffisamment preacutealablement testeacutees aupregraves de locuteurs divers et mecircme de personnes aphasiques pour veacuterifier leur adeacutequation au type de discours rechercheacute (discours continu narratif descriptif) Par ailleurs nous avons choisi cette batterie drsquohistoires et drsquoimages car elles ne sont pas infantilisantes

La progression de lrsquohistoire respecte ce scheacutema narratif geacuteneacuteral

(1) premiegravere image situation initiale

(2) deuxiegraveme image action 1 (complication 1)

(3) troisiegraveme image prolongement de lrsquoaction 1 ou action 2 (complication 2)

(4) quatriegraveme image calembour et situation finale

En voici un exemple

3-MJ09 - la banane et le singe86

1 2 3 4

Illustration 3 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 3 production de discours continu

85 Les sept planches des histoires de Maicirctre Jacot qui ont eacuteteacute retenues pour la collecte de donneacutees dans le cadre de cette eacutetude figurent en Annexe E-402 86 La taille reacuteelle des images est de 9 X 9 cm

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(b) Proceacutedure

Agrave tous les participants les douze histoires sont donneacutees dans le mecircme ordre (voir le Tableau 5 ci-dessous)

Pour chaque histoire les quatre images sont donneacutees au participant en deacutesordre Il prend soin de mettre en ordre les images en les agenccedilant suivant la logique coheacuterente de lrsquoenchaicircnement des eacuteveacutenements

Une fois que la seacutequence drsquoimages a eacuteteacute mise en ordre lrsquoexpeacuterimentatrice veacuterifie lrsquoexactitude de lrsquoagencement Si une erreur est constateacutee on demande au participant de corriger cette erreur en replaccedilant correctement les images dans un autre ordre Une fois que lrsquoerreur ou lrsquoambiguumliteacute de lrsquohistoire est reacutesolue le participant raconte lrsquohistoire quand il est precirct

Cette proceacutedure preacutesente cet avantage lrsquoexpeacuterimentatrice est sucircre que le participant a bien compris lrsquohistoire avant de la raconter En cas drsquoerreur le fait de dire au participant que lrsquoordre nrsquoest pas juste et de lui demander de corriger son erreur lrsquoamegravene agrave mieux comprendre lrsquohistoire et la subtiliteacute du calembour

Comme pour les autres tacircches aucune contrainte temporelle nrsquoest imposeacutee au participant Les images sont laisseacutees le temps neacutecessaire agrave la narration

Les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice sont les plus limiteacutees possibles Cependant ce nrsquoest qursquoau cas ougrave la deacutetresse verbale met la production en eacutechec que lrsquoexpeacuterimentatrice apporte un eacuteleacutement facilitateur Aussi rien nrsquoempecircche de revenir avec les locuteurs agrammatiques en particulier sur les structures qui eacutetaient difficiles agrave formuler apregraves la narration

(c) Seacutelection de 7 des 12 histoires

Parmi les douze histoires que nous avons proposeacutees aux participants sept ont eacuteteacute retenues pour les transcriptions et analyses quantitatives ulteacuterieures (voir le Tableau 5 ci-dessous et en Annexe E-402)

Codes 12 Histoires raconteacutees et enregistreacutees 7 Histoires retenues en vue des analyses 3-MJ01 le pommier du voisin 01retenue 3-MJ02 le timbre et le chien 3-MJ03 le verglas et la banane 03retenue 3-MJ04 la pantoufle et le chien 3-MJ05 la deacutemonstration de boomerang 05retenue 3-MJ06 le chien et le fauteuil 06retenue 3-MJ07 le chien le chat et le journal 07retenue 3-MJ08 scier deux arbres 08retenue 3-MJ09 la banane et le singe 09retenue 3-MJ10 le chacircteau de cartes 3-MJ11 le ballon et le cactus 3-MJ12 photographier un bouc

Tableau 5 Seacutequences drsquohistoires de Maicirctre Jacot retenues (7 sur 12) pour les analyses quantitatives tacircche 3 de production de discours continu

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En effet dans le strict cadre de ce travail de thegravese nous avons deacutecideacute de ne pas analyser la totaliteacute des donneacutees collecteacutees pour cette tacircche en ne retenant que sept des douze histoires raconteacutees Ceci pour les raisons suivantes

des difficulteacutes drsquoordre pratique le temps consacreacute agrave la transcription et la mise en forme des donneacutees est extrecircmement long (environ 1 heure de travail de transcription est neacutecessaire pour 5 mn drsquoenregistrement)

certaines histoires nrsquoont pas eacuteteacute retenues car elles ont poseacute des problegravemes divers chez certains locuteurs aphasiques ou controcircles (incompreacutehension de la suite logique des eacuteveacutenements et erreurs sur la narration des eacuteveacutenements)

sur les douze histoires raconteacutees la quantiteacute de donneacutees verbales collecteacutees pour les sept histoires seacutelectionneacutees nous semble largement suffire

414 Tacircche 4 Production orale de phrases agrave partir drsquoimages

4141 Objectif

Parmi les tacircches de production proposeacutees la tacircche 4 est la seule dont le discours cible nrsquoest pas continu Il srsquoagit de faire produire des phrases isoleacutees dont la structure est attendue du fait de la preacutesentation drsquoun stimulus imageacute tout en laissant un certain degreacute de liberteacute au locuteur dans sa formulation Les structures cibles sont tregraves controcircleacutees des points de vue morpho-lexical et syntaxique mais les locuteurs ont quand mecircme le libre choix de leur production dans une certaine mesure La tacircche de production de phrases isoleacutees est toutefois la tacircche de production ougrave les stimuli contraignent le plus fortement la preacutecision grammaticale viseacutee lors de la formulation

Les corpus obtenus aupregraves du groupe controcircle nous servent de reacutefeacuterence linguistique globale par rapport agrave laquelle les corpus agrammatiques peuvent ecirctre compareacutes

4142 Mateacuteriel et proceacutedure

(a) Mateacuteriel

Nous utilisons une batterie drsquoimages intituleacutee Everyday Life Activities (deacutesormais ELA STARK 1992) qui a eacuteteacute conccedilue pour la reacuteeacuteducation du langage ou pour lrsquoeacutelaboration de tests psycholinguistiques (de compreacutehension syntaxique ou lexicale de deacutenomination de production de phrases ou de discours continu spontaneacute etchellip)

Chaque image preacutesente un personnage en situation et accomplissant une action Ces situations agrave caractegravere simple et familier impliquent des scegravenes de la vie quotidienne

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Les images retenues pour le test figurent en Annexe F-404-41487 En voici un exemple

Lrsquoenfant se mouche

Illustration 4 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 4 production de phrases isoleacutees

(b) Calibrage du test aupregraves de dix locuteurs tout-venant

Lors drsquoune phase de preacute-tests nous avons collecteacute les productions de dix locuteurs tout-venant drsquoapregraves 116 images

Une fois les phrases transcrites nous avons identifieacute les phrases pour lesquelles la structuration eacutetait identique ou tregraves proche du point de vue formel au niveau du lexique et de la syntaxe Pour chaque image preacute-testeacutee au moins 8 structures produites sur les 10 produites par les locuteurs tout-venant devaient respecter au moins 3 des 4 critegraveres fixeacutes ci-apregraves par ordre drsquoimportance

critegravere 1 identiteacute des situations ou des actions associeacutees agrave lrsquoimage

critegravere 2 identiteacute des procegraves exprimeacutes par le verbe identiteacute des verbes utiliseacutes verbes synonymes ou tregraves proches seacutemantiquement

critegravere 3 preacutesence du nombre minimal drsquoarguments obligatoires de la matrice syntaxique (Sujet Objet)

critegravere 4 place adeacutequate des rocircles theacutematiques dans la matrice syntaxique (Agent Patient)

Les images pour lesquelles au moins 8 structures produites ne respectent pas au moins 3 critegraveres sur 4 ont eacuteteacute exclues du test final Au final 60 structures cibles associeacutees agrave des images ont ainsi eacuteteacute retenues en vue de la passation du protocole

87 Leur taille reacuteelle est de 15 X 10 cm

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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(c) Structures cibles plausibles

Les constructions cibles retenues pour la tacircche 4 impliquent des structurations syntaxiques varieacutees Selon les cas les phrases impliquent des tournures agrave verbe copule agrave verbe intransitif ou transitif agrave 1 2 ou 3 arguments obligatoires et sont reacuteversibles ou irreacuteversibles selon les cas

Nous rappelons encore ici que les locuteurs choisissent librement les structures agrave formuler en respectant au mieux la consigne qui consiste agrave expliciter avec preacutecision ce qui se passe sur lrsquoimage

Pour une mecircme image plusieurs structures demeurent plausibles Cet aspect est illustreacute par les exemples ci-dessous (Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)Tableau 6) Agrave chaque stimulus imageacute correspondent plusieurs formulations plausibles varieacutees

Ndeg du stimulus Phrases plausibles 0050 le pegravere est malade

le pegravere a de la fiegravevre 0387 le pegravere boit du vin

lrsquohomme goucircte un verre de vin blanc 0494 le pegravere sort le linge du lave-linge

le pegravere enlegraveve le linge de la machine agrave laver le pegravere met le linge dans la machine agrave laver lrsquohomme vide la machine agrave laver lrsquohomme remplit le lave-linge le pegravere fait une lessive

0902 la dentiste soigne les dents de lrsquoenfant le fils est chez le dentiste

Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)

Les diffeacuterences entre les structures produites par les locuteurs tout-venant peuvent ainsi concerner

(a) le lexique

(b) le type de verbe employeacute selon qursquoil soit transitif intransitif agrave 1 2 ou 3 arguments

(c) la structure syntaxique le nombre drsquoarguments employeacutes leur caractegravere facultatif ou obligatoire

Nous ne pouvons donc pas fournir de structures ou phrases cibles qui correspondent de maniegravere immuable agrave chaque stimulus mecircme si les variations entre formulations de locuteurs tout-venant diffeacuterents sont somme toute tregraves minimes Par conseacutequent nous preacutefeacuterons fournir une base de structures cibles plausibles non exhaustive (pour les deacutetails concernant les stimuli les structures plausibles les structures preacutedicatives et les structures syntaxiques attendues voir en Annexes F-404-417)

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De plus comme pour les autres tacircches de production les donneacutees verbales controcircles constituent un reacutefeacuterentiel linguistique avec lequel il est possible de comparer les performances agrammatiques

Un eacutechantillon de ce corpus de reacutefeacuterence construit drsquoapregraves les productions de 3 des 9 participants controcircles est fourni en Annexe I-646-648 I-658-660 et I-671-673

(d) Proceacutedure

Les images sont preacutesenteacutees dans un ordre aleacuteatoire qui est identique agrave toutes les passations

Drsquoabord on preacutesente les personnages qui sont les membres drsquoune famille que lrsquoon peut deacutenommer ainsi lrsquoenfant le garccedilon le fils le fregravere la fille la jeune fille la sœur la dame la femme la megravere la maman lrsquohomme le pegravere le papa La deacutenomination lexicale est libre

Avant de commencer le test en lui-mecircme il convient de bien faire comprendre la consigne par un entraicircnement sur une dizaine drsquoimages La consigne agrave respecter consiste agrave expliciter preacuteciseacutement ce qui se passe sur lrsquoimage qui fait quoi sur lrsquoimage et eacuteventuellement qui fait quoi agrave qui Si la phrase produite ne nous semble pas assez preacutecise on demande au participant de reformuler en eacutetant plus preacutecis

Une fois que la consigne est bien comprise et apregraves un entraicircnement les images du test sont preacutesenteacutees au participant

Comme pour la tacircche 3 les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice doivent ecirctre limiteacutees au possible (Comment diriez-vous autrement Pouvez-vous proposer autre chose )

Aucune contrainte temporelle nrsquoest imposeacutee Le participant agrammatique peut reformuler sa production autant de fois qursquoil le juge neacutecessaire

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42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain

421 Recherche de patients agrammatiques

4211 Difficulteacutes lieacutees au terrain et au mode de prise en charge

Lrsquoaccegraves aux donneacutees sur le terrain a poseacute des problegravemes drsquoordre pratique surtout en raison de la rareteacute de ce type de trouble En effet lrsquoaccegraves aux donneacutees neacutecessite forceacutement la mise en place drsquoun reacuteseau de personnes et drsquoacteurs du champ de lrsquoaphasiologie ce qui peut demander beaucoup de temps

Plusieurs facteurs nous ont sembleacute deacuteterminants pour reacutesoudre ou du moins pallier les difficulteacutes drsquoaccegraves au terrain

le fait drsquooccuper une place privileacutegieacutee sur le terrain (crsquoest-agrave-dire avoir une laquo entreacutee raquo) en tant qursquoorthophoniste ou en relation eacutetroite avec des orthophonistes inteacuteresseacutes par la recherche (crsquoest la position ideacuteale)

le fait de favoriser les relations constantes et peacuterennes entre chercheurs et praticiens pour former un reacuteseau inteacutegreacute

le fait de deacutecloisonner les disciplines et drsquoaccorder des moyens favorisant les rapprochements entre la recherche clinique (neuropsychologie) le contexte theacuterapeutique de prise en charge des patients (la reacuteeacuteducation fonctionnelle lrsquoorthophonie) et la recherche en sciences humaines (sciences du langage et psycholinguistique)

Ces facteurs deacuteterminants ne sont pas toujours opeacuterationnels Cela deacutepend de nombreuses circonstances non controcirclables De ce fait la recherche de donneacutees peut srsquoaveacuterer peu aiseacutee

Par ailleurs drsquoautres difficulteacutes notables lieacutees agrave lrsquoaccegraves aux donneacutees incombent au degreacute et au temps de prise en charge theacuterapeutique des patients En effet ceux-ci quittent lrsquohocircpital degraves qursquoils en sont jugeacutes aptes sur le plan moteur (parfois tregraves vite) Ensuite la prise en charge theacuterapeutique se fait agrave domicile ou au cabinet drsquoun orthophoniste pour ce qui concerne la theacuterapie du langage Aussi agrave moins de faire preuve drsquoune reacuteelle motivation pour ecirctre suivie pendant plusieurs anneacutees en reacuteeacuteducation la personne aphasique ne voit pas forceacutement de theacuterapeute si une stagnation est constateacutee apregraves un certain laps de temps88

88 Drsquoapregraves notre propre constat durant trois anneacutees de terrain en France Mais nous avons pu rencontrer des personnes tregraves motiveacutees qui mecircme apregraves quatre ou cinq ans continuaient agrave voir deux ou trois orthophonistes par semaine

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4212 Difficulteacutes lieacutees agrave la rareteacute du trouble

Aussi le caractegravere tregraves eacutevolutif de ce type drsquoaphasie avec une stabilisation habituelle allant de un agrave cinq ans apregraves deacutemutisation89 nrsquoa pas faciliteacute la recherche de patients agrammatiques En effet les aphasies avec leacutesions focales dans lrsquoheacutemisphegravere gauche entraicircnant un agrammatisme caracteacuteristique sont reacuteputeacutees tregraves rares90

Dans notre deacutemarche de recherche de sujets agrammatiques les difficulteacutes que nous avons rencontreacutees eacutetaient lieacutees principalement agrave la rareteacute de cette pathologie

Aussi la deacutefinition de ce syndrome semble quelque peu flottante dans les institutions de soins ou de formation agrave la reacuteeacuteducation du langage et la communauteacute theacuterapeutique On a geacuteneacuteralement recours aux classifications classiquement eacutetablies pour distinguer les grandes formes drsquoaphasies91

Mecircme si certains symptocircmes sont assez communeacutement admis dans la pratique clinique comme eacutetant caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme et permettant alors de faire le diagnostic drsquoagrammatisme il est parfois possible de trouver des variantes de classifications qui sont du ressort de lrsquoexpeacuterience du praticien

En geacuteneacuteral les praticiens parlent de laquo patients tregraves reacuteduits raquo (laquo non fluents raquo opposeacutes aux laquo fluents raquo) ce qui permet de diagnostiquer et distinguer drsquoembleacutee le type drsquoaphasie associeacutee (type Broca ou Wernicke) ou du moins les symptocircmes dominants associeacutes aux aphasies classiquement deacutefinies en clinique

Par ailleurs notre expeacuterience du terrain clinique nous a ameneacutee agrave constater que parfois au final les patients aphasiques nrsquoeacutetaient pas forceacutement laquo cateacutegoriseacutes raquo selon les critegraveres cliniques habituels de classifications car ils pouvaient montrer des profils tregraves particuliers Il est en effet possible de rencontrer des patients pour qui la co-occurrence de symptocircmes lrsquoexclut de toute classification classique preacuteconccedilue

Ainsi du fait de la rareteacute de ce type de trouble de son caractegravere eacutevolutif lrsquoaccegraves sur le terrain agrave ce type de patients et donc lrsquoaccegraves aux donneacutees agrammatiques est demeureacute tregraves difficile92

Drsquoautres part certains aphasiques se reacuteunissent en associations et cherchent agrave creacuteer et maintenir des liens avec les institutions de soins cela peut constituer une option seacuterieuse pour rencontrer des cas diffeacuterents et occuper une position privileacutegieacutee pour se faire une ideacutee de la reacutealiteacute de lrsquoaphasie et ses conseacutequences sur la communication et sur la vie socio-

89 Sachant que les peacuteriodes et niveaux de reacutecupeacuteration sont tregraves variables et sachant que parfois lrsquoaphasie qui eacutevolue vers un agrammatisme passe par une peacuteriode initiale de quelques semaines agrave plusieurs mois de mutisme 90 Certains theacuterapeutes nous ont confieacute nrsquoavoir vu qursquoun cas en 10 ans 91 Dans la communauteacute francophones des praticiens et srsquoagissant des classifications il nous semble que lrsquoon se reacutefegravere en geacuteneacuteral agrave LECOURS et LEHRMITTE (1979) 92 Bien entendu crsquoest gracircce agrave lrsquoeacutenergie et agrave la disponibiliteacute de nombreuses personnes drsquohorizons tregraves divers orthophonistes chercheurs en sciences du langage neurologues et associations de malades que nous avons pu entrer en relation avec les personnes agrammatiques volontaires

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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professionnelle Il a eacuteteacute tregraves instructif de ce point de vue de participer aux activiteacutes drsquoassociations telles que le GATT (Groupe des Aphasiques Tchatcheurs du Toulousain) le GAA (Groupe des Aphasiques de lrsquoAgenais) ou la FNAF (Feacutedeacuteration Nationale des Aphasiques de France) Un questionnaire drsquoenquecircte assez complet portant speacutecifiquement sur la communication dans lrsquoaphasie et les difficulteacutes de la vie quotidienne a eacuteteacute diffuseacute agrave travers ces associations et une soixantaine de personnes aphasiques ont eu lrsquoamabiliteacute drsquoy reacutepondre Cela nous a permis drsquoenvisager sur des critegraveres autres que neurologiques ou verbo-centreacutes le veacutecu drsquoune personne aphasique La freacutequentation des groupes associatifs et les informations collecteacutees agrave partir de questionnaires ont permis de mieux cerner les difficulteacutes sociales et psychologiques causeacutees par lrsquoaphasie et lrsquoheacutemipleacutegie mecircme laquo leacutegegravere raquo Ce qui fut fort beacuteneacutefique lors des entretiens meneacutes a posteriori avec les personnes aphasiques que nous avons rencontreacutees

422 Critegraveres drsquoinclusion des participants agrammatiques

Les critegraveres drsquoinclusion des participants agrave lrsquoeacutetude sont eacutenumeacutereacutees ci-apregraves

des personnes aphasiques de Broca preacutesentant une aphasie expressive et des difficulteacutes speacutecifiques touchant les aspects grammaticaux lors de la formulation de messages verbaux

des personnes ayant conserveacute au demeurant une bonne compreacutehension du langage Cela eacutetait facile agrave tester dans lrsquointeraction spontaneacutee avec la personne aphasique (eacutechanges agrave bacirctons rompus conversation sur un thegraveme) Par contre pour des aspects plus subtiles de la compreacutehension telles que la compreacutehension de phrases reacuteversibles ou de phrases passives cela nrsquoaurait pu ecirctre testeacute que par un protocole standardiseacute Cependant nous ne nous sentions pas habiliteacutee agrave faire passer les bilans des capaciteacutes langagiegraveres car nous nrsquoavons pas eacuteteacute formeacutee agrave cette pratique qui nous semble exiger des qualifications professionnelles speacutecifiques (par contre les bilans les plus reacutecents au moment de la passation des tests en geacuteneacuteral datant de moins de six mois nous ont eacuteteacute fournis par les patients)

des personnes montrant de la motivation pour parler et laisser leur parole au microphone la relation entre drsquoune part lrsquoexpeacuterimentatrice et drsquoautre part le participant agrave lrsquoexpeacuterience va deacutependre de son engagement volontaire agrave passer le protocole drsquoeacutetude Le fait de se sentir enregistreacute au microphone pouvait pour certains patients constituer un veacuteritable stress Les personnes qui le souhaitaient mecircme apregraves avoir signeacute le formulaire de consentement eacuteclaireacute pour la participation au protocole pouvaient se retirer agrave tout moment mecircme sans justification93

des personnes motiveacutees malgreacute les difficulteacutes agrave srsquoexprimer malgreacute la reacuteduction et la simplification du discours montrant une forte intention de communiquer avec nous ainsi qursquoune prise de risque geacutereacutee dans lrsquointeraction ougrave les erreurs produites ne constituent pas

93 Nous en avons mecircme pris lrsquoinitiative pour un patient qui nrsquoeacutetait pas agrave lrsquoaise pendant les entretiens La passation du protocole fut alors suspendue

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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forceacutement un obstacle insurmontable agrave la communication malgreacute les eacutechecs successifs comme lorsqursquoun mot ne vient plus ou qursquoune reformulation deacuterape

43 Recueil des corpus passations

431 Lieux de passation

Les lieux de passation du protocole eacutetaient choisis selon le libre choix du participant ou selon lrsquoavis de lrsquoorthophoniste le but eacutetant qursquoil ou elle se sente dans une ambiance familiegravere et agrave lrsquoaise pour parler agrave lrsquoexpeacuterimentatrice et que srsquoeacutetablisse une relation de confiance Ce deacutetail est drsquoautant plus important qursquoune personne aphasique en contexte inconnu ou mal agrave lrsquoaise dans un lieu peut ressentir une gecircne suppleacutementaire dans lrsquoactiviteacute de parole Cela pose bien sucircr un problegraveme eacutethique qursquoil ne faut pas neacutegliger pour le respect du patient de sa condition et son affect En geacuteneacuteral les participants agrave cette eacutetude ne voyaient aucun inconveacutenient agrave reacutealiser les entretiens agrave leur domicile Dans un cas lrsquoorthophoniste a jugeacute mieux de reacutealiser les entretiens pendant les seacuteances drsquoorthophonie avec sa patiente et dans un autre cela se passait dans le cabinet de lrsquoorthophoniste mais en son absence

432 Formulaire de consentement eacuteclaireacute

Lors de la prise de contact avec les patients et mecircme avec les participants controcircles nous nous efforcions de bien faire comprendre les inteacuterecircts de telles recherches Un formulaire de consentement eacuteclaireacute a eacuteteacute signeacute par les patients et nous-mecircme speacutecifiant les buts de la recherche les modaliteacutes de passation le droit de retrait du patient lrsquoautorisation drsquoexploiter les donneacutees sonores personnelles et de les communiquer dans le cadre strict drsquoune recherche lrsquoanonymat des donneacutees verbales transcrites et rendues publiques etchellip94 Aussi les orthophonistes qui prenaient en charge la reacuteeacuteducation des participants eacutetaient informeacutes agrave leur demande de la deacutemarche de cette eacutetude (soit par nous soit par lrsquointermeacutediaire du participant)

433 Patient et locuteur

Lors de seacuteances de reacuteeacuteducation du langage nous avons eu lrsquooccasion drsquoobserver le travail accompli par des patients guideacutes par leur orthophoniste95 Nos entretiens avec les patients agrammatiques eacutetaient le plus possible dissocieacutes de ce type de relation de soin qui lie le theacuterapeute agrave son patient Nous prenions soin de reacutealiser nous-mecircme toutes les passations en informant le participant que nous nrsquoavions pas pour but de faire une seacuteance drsquoorthophonie mais que nous souhaitions enregistrer la parole agrave travers des tacircches diverses Si nous laissions

94 Sur les aspects juridiques et eacutethiques de lrsquoexploitation de donneacutees orales voir BAUDE (2006) 95 Notamment lors drsquoun stage drsquoobservation dans le Service de Meacutedecine Physique et de Reacuteadaptation au CHU de Bordeaux (J-M Mazaux)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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srsquoinstaller une relation laquo theacuterapeutique raquo lors des entretiens avec les participants le risque eacutetait drsquoobtenir des corpus de parole inadapteacutes En effet lrsquointeraction orienteacutee par une relation theacuterapeutique preacutesente des caracteacuteristiques propres avec des rocircles sociaux deacutefinis par les finaliteacutes de lrsquoeacutechange verbal Dans ce type drsquointeraction speacutecifique lrsquoorthophoniste guide lrsquointeraction et le patient exeacutecute des consignes preacutecises en vue de suivre une theacuterapie langagiegravere Ainsi de notre point de vue le terme laquo locuteur raquo pour deacutesigner le participant semble mieux srsquoadapter agrave nos viseacutees heuristiques geacuteneacuterales (et non theacuterapeutiques) En effet le terme laquo patient raquo implique une dimension theacuterapeutique que nous preacutefeacuterons eacutevacuer

Crsquoest pourquoi nous utiliserons plus volontiers le terme laquo locuteur raquo (plutocirct que laquo patient raquo) qui correspond mieux selon nous agrave nos rocircles lors des entretiens

434 Deacutetresse verbale et facilitations

Lors des entretiens nous limitions nos interventions au possible afin de ne pas influencer les productions du locuteur et ainsi ne pas biaiser les donneacutees obtenues

Par souci meacutethodologique il valait mieux laisser toute latitude au patient pour formuler son propos Cependant il nous arrivait quand mecircme drsquointervenir en cas de grande deacutetresse verbale en revenant sur ce qui eacutetait dit ou en fournissant des facilitations par amorces (phoneacutemiques lexicales ou syntaxiques agrave lrsquooral ou agrave lrsquoeacutecrit) ou en donnant la forme adeacutequate rechercheacutee par lrsquointerlocuteur

Nos interventions parfois nombreuses selon la tacircche ou le locuteur visaient agrave relancer le discours ou mecircme laquo soulager raquo lrsquointerlocuteur Elles sont toujours soigneusement noteacutees dans les corpus retranscrits Ceci pour veiller agrave les exclure des analyses ulteacuterieures et pour ne pas retenir les eacutenonceacutes que nous aurions pu trop influencer

435 Dureacutee des passations

La dureacutee totale de passation de ce protocole est tregraves longue pour une personne aphasique Elle se situe entre trois agrave cinq heures au total contre vingt minutes agrave moins drsquoune heure pour un locuteur controcircle

Naturellement pour les participants aphasiques la passation eacutetait scindeacutee en autant de seacuteances de travail que neacutecessaires Selon les cas la dureacutee consacreacutee aux tacircches de production elles-mecircmes allait en geacuteneacuteral de vingt minutes agrave une heure trente afin drsquoeacuteviter la fatigue

Cela nrsquoempecircchait pas ensuite de srsquoentretenir plus longuement avec les participants lorsqursquoils le souhaitaient de maniegravere tregraves informelle et deacutetacheacutee de la passation du protocole en lui-mecircme

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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44 Caracteacuteristiques des participants

441 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes

Les informations geacuteneacuterales relatives aux participants agrave lrsquoeacutetude (6 sujets agrammatiques et 9 sujets controcircles) sont consigneacutees dans le tableau ci-dessous (Tableau 7)

6 Locuteurs agrammatiques 9 Locuteurs controcircles Sexe Hommes Femmes H et F Hommes Femmes H et F Effectif 5 1 6 6 3 9 Acircge moyen 50 74 54 48 51 49 Nombre moyen drsquoanneacutees diplocircmantes

8 0 63 8 7 76

(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)

Tableau 7 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 6 participants agrammatiques et 9 participants controcircles

Au deacutepart une vingtaine de sujets controcircles ont eacuteteacute recruteacutes sur le mode tout-venant Parmi tous les entretiens reacutealiseacutes avec ces derniers nous avons retenu en vue de la transcription et des analyses les corpus oraux de certains participants controcircles De la sorte le groupe controcircle a eacuteteacute apparieacute au groupe agrammatique a posteriori en donnant la prioriteacute au critegravere de niveau socioculturel

Les caracteacuteristiques de chacun des participants agrammatiques et controcircles sont reacutesumeacutees en Annexe B-385-387 et C-391-392

On trouvera aussi des tableaux de synthegravese en Annexe D-395-396

442 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques

Le groupe de six participants agrammatiques se compose de 5 hommes et 1 femme dont on trouve les caracteacuteristiques dans le tableau ci-apregraves (Tableau 8 p 140 concernant le sexe lrsquoacircge le nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes le nombre drsquoanneacutees post-leacutesionnelles agrave la date des enregistrements et lrsquoactiviteacute professionnelle)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Locuteurs agrammatiques (codes participants)

HF Acircge Nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes

diplocircmantes

Nombre drsquoanneacutees-mois post-

AVC (au moment

des tests)

Date de lrsquoAVC

Date des enregistre-

ments

Activiteacute professionnelle au moment de lrsquoAVC

1 PC_agr H 51 2 13 160306 Juil 2007 directeur

commercial chef drsquoentreprise

2 BR_agr H 52 6 67 061100 Mai 2007 instituteur

directeur drsquoeacutecole

3 MC_agr H 44 14 4 170602 Juin 2006 meacutedecin chef de

clinique

4 SB_agr H 56 7 46 070102 Avr 2006 Juin 2006

enseignant 2nd degreacute formateur

agreacutegeacute (phy)

5 PB_agr H 47 9 91 220598 Juil 2007 Oct 2007

avocat

6 TH_agr F 74 0 29 011104 Juil 2007 retraiteacutee sans

activiteacute la plupart du temps

Moyennes 54 63 47

(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)

Tableau 8 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques

Tous les sujets testeacutes ont souffert drsquoun AVC ischeacutemique plus ou moins eacutetendu ayant entraicircneacute une heacutemipleacutegie droite (sauf pour un cas SB_agr) et une aphasie de Broca (voir en Annexe B-385)

Drsquoapregraves les informations que nous avons pu compiler aupregraves des participants et de leur orthophoniste lrsquoeacutetat du langage en production orale est deacutecrit pour chacun des patients en Annexe B-386

Si tous les patients ont eacuteteacute diagnostiqueacutes aphasiques de Broca avec un agrammatisme manifeste en production orale les profils sont tregraves heacuteteacuterogegravenes Cela nrsquoest pas eacutetonnant vu les diffeacuterences de type de leacutesions mecircme si celles-ci impliquent toujours lrsquoaire de Broca Les diffeacuterences symptomatologiques inter-sujets proviennent de lrsquointeraction des diffeacuterences individuelles lieacutees agrave lrsquoeacutetiologie et agrave la graviteacute des leacutesions mais aussi au type de prise en charge theacuterapeutique entreprise depuis pour un cas en particulier (5 PB_agr) pregraves drsquoune dizaine drsquoanneacutees

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Drsquoautre part les diffeacuterences inter-individus sont lieacutees agrave drsquoautres facteurs tels que la reacutecupeacuteration spontaneacutee ou la motivation et lrsquoattitude vis-agrave-vis de la survenue de lrsquoaphasie

En effet la reacuteduction du langage est tregraves manifeste chez tous les participants sauf chez 6 TH_agr qui montre une eacutelocution plus fluente compareacute aux autres participants agrammatiques alors qursquoelle est bien plus acircgeacutee Son trouble srsquoaccompagne drsquoun manque du mot et de paragrammatisme Par ailleurs singuliegraverement le trouble agrammatique de 2 BR_agr srsquoaccompagne drsquoun trouble drsquoordre phonologique assez marqueacute De plus 2 BR_agr en reacuteeacuteducation depuis presque sept ans au moment des tests semble preacutesenter un trouble assez massif compareacute agrave 1 PC_agr dont lrsquoaphasie est reacutecente drsquoun peu plus drsquoan Chez 3 MC_agr on relegravevera une forme de paragrammatisme assez conseacutequente avec un manque du mot assez freacutequent et chez 4 SB_agr un leacuteger trouble phonologique et des pheacutenomegravenes de manques du mot qursquoon a remarqueacutes aussi chez 5 PB_agr

443 Complexiteacute des facteurs de variabiliteacute individuelle

Les profils symptomatologiques de chacun des participants aphasiques ne convergent pas vers une unique forme prototypique drsquoagrammatisme En surface les manifestations sont varieacutees et en quantiteacute et en qualiteacute De nombreux facteurs sont responsables de cette variabiliteacute individuelle En effet les interactions entre les facteurs deacuteterminants lieacutes agrave lrsquoeacutetat du patient agrave la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle et agrave lrsquoeacutevolution de son trouble (sur plusieurs anneacutees voire dizaines drsquoanneacutees) sont tregraves complexes

SEacuteRON (1979 17-55) propose une revue des diverses variables individuelles et environnementales influenccedilant lrsquoaphasie des points de vue synchronique et longitudinal ce qui pose le problegraveme du type de reacuteeacuteducation fonctionnelle et drsquoeacutevaluation diagnostique agrave envisager Selon lui laquo [lrsquo] eacutevolution post-leacutesionnelle deacutepend de facteurs multiples dont lrsquoincidence est encore assez largement incomprise raquo (SEacuteRON 17) Il eacutevoque comme variables neurologiques preacute- per- et post-leacutesionnelles tregraves intriqueacutees lrsquoacircge lrsquoenvironnement et le niveau des apprentissages du patient le mode drsquoinstallation de la leacutesion (traumatismes AVC tumeurs etchellip) et sa nature sa localisation et son eacutetendue

Toujours drsquoapregraves SEacuteRON (1979 35)

laquo Il est sans doute faux drsquoaffirmer sans plus qursquoune leacutesion eacutetendue a un effet plus dramatique qursquoune leacutesion circonscrite [hellip] En effet encore faut-il savoir ougrave se trouve la leacutesion quelle est son eacutetiologie et son mode drsquoinstallation raquo

Drsquoautre part nous nous rangerons du cocircteacute de cet auteur qui affirme laquo qursquoil vaut mieux privileacutegier une approche du trouble plutocirct seacutemiologique que purement neurologique raquo car celle-ci peut passer par lrsquoexamen des comportements du sujet aphasique en peacuteriode per- et post-leacutesionnelle (SEacuteRON 1979 36) En effet une approche des troubles qui fonde toute interpreacutetation en donnant la primauteacute au site et agrave lrsquoeacutetendue drsquoune leacutesion preacutesente des limites du fait mecircme de la grande variabiliteacute des effets lieacutes agrave un type de leacutesion donneacute sur le comportement langagier

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Drsquoautre part SEacuteRON (1979 37) preacutecise que lrsquoappreacuteciation de la seacuteveacuteriteacute et de la qualiteacute drsquoun trouble ne srsquoopegravere pas en laquo [mesurant] la graviteacute de lrsquoaphasie en tant que telle mais les conseacutequences du trouble aphasique (et eacuteventuellement de troubles associeacutes) sur les conduites de communication raquo

Pour finir les diffeacuterentes variables intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle peuvent ecirctre syntheacutetiseacutees de la maniegravere suivante

Variables geacuteneacuterales Variables speacutecifiques

neurologiques comportementales

1 acircge du sujet 1 type de leacutesion 1 graviteacute des troubles

2 eacutetat de santeacute geacuteneacuteral 2 mode drsquoinstallation de la leacutesion 2 nature des troubles

3 dominance ceacutereacutebrale [manuelle] 3 eacutetendue et localisation

4 sexe

5 environnement preacute- per- et post-leacutesionnel

Tableau 9 Variables individuelles intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle (drsquoapregraves SEacuteRON 1979 41)

Ainsi eu eacutegard les multiples facteurs deacuteterminants preacuteciteacutes96 les profils comportementaux auxquels nous avons affaire sont varieacutes du point de vue des symptocircmes (en quantiteacute et en qualiteacute) de la co-occurrence de symptocircmes de laquo natures raquo diffeacuterentes de la seacuteveacuteriteacute du trouble et du niveau de reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle

Cependant si le cas drsquoagrammatisme laquo ideacuteal raquo ou laquo pur raquo ne figure pas parmi les six aphasiques retenus dans le cadre de cette eacutetude on peut toutefois consideacuterer que 1 PC_agr (aphasique depuis un peu plus drsquoun an) 4 SB_agr (aphasique depuis quatre ans et demi) et 5 PB_agr (aphasique depuis plus de neuf ans) nous paraissent revecirctir les profils drsquoaphasie de Broca avec agrammatisme tregraves typiques

Les autres 2 BR_agr 4 MC_agr et 6 TH_agr nous semblent revecirctir des profils plus atypiques eu eacutegard selon les cas agrave la preacutesence drsquoun trouble phonologique (suppressions ou paraphasies phoneacutemiques) agrave la freacutequence plus eacuteleveacutee et notable de paraphasies lexicales (crsquoest-agrave-dire des substitutions entre mots lexicaux) agrave la preacutesence de pheacutenomegravenes paragrammatiques ou dyssyntaxiques (crsquoest-agrave-dire des substitutions entre mots

96 Drsquoautres facteurs de reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle pour certains tregraves subjectifs nous semblent eacutegalement importants tels que lrsquoattitude du patient vis-agrave-vis de sa maladie la conscience qursquoil a de son trouble sa personnaliteacute sa motivation les aspects thymiques les aspects socio-culturels le contexte familial

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143

grammaticaux) agrave la preacutesence de pheacutenomegravenes de manques du mot et au caractegravere relativement fluent et plus complexe de la morpho-syntaxe (en particulier 6 TH_agr)

444 Caracteacuteristiques des participants controcircles

Les sujets controcircles ne preacutesentent bien sucircr aucun problegraveme drsquoorigine neurologique Le groupe controcircle est apparieacute de maniegravere globale au groupe de locuteurs agrammatiques

Le groupe de participants controcircles est un groupe reacutefeacuterence Comme pour la collecte de donneacutees agrammatiques la phase drsquoentretiens avec les locuteurs controcircles srsquoest deacuterouleacutee sur plusieurs anneacutees et parallegravelement Nous avons prospecteacute dans notre entourage immeacutediat pour recruter des participants

Les analyses quantitatives des corpus controcircles fournissent un reacutefeacuterentiel quantitatif moyen global refleacutetant le comportement verbal laquo non aphasique raquo

Le tableau ci-dessous (Tableau 10) reacutesume les caracteacuteristiques des locuteurs controcircles retenus97

Locuteurs controcircles (codes participants)

HF Acircge Nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes

diplocircmantes

Activiteacute professionnelle

1 FX_contr H 44 3 restaurateur 2 GG_contr H 57 3 technicien 3 GBis_contr H 36 5 geacuteomegravetre agriculteur 4 GB_contr H 59 11 enseignant chercheur (chimie) 5 LL_contr H 32 11 enseignant chercheur (physique) 6 LMan_contr H 61 14 meacutedecin 7 EB_contr F 57 5 technico-commerciale 8 MF_contr F 48 11 chercheuse (biologie) 9 MM_contr F 48 5 technicienne Moyennes 49 76

(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)

Tableau 10 Caracteacuteristiques des participants controcircles

Nous nrsquoavons pas proceacutedeacute agrave un appariement au cas par cas entre les participants agrammatiques et controcircles lors de la phase drsquoentretiens En effet les caracteacuteristiques des participants controcircles pris isoleacutement et relativement aux participants agrammatiques ne sont pas tout agrave fait similaires

Certes il y a des dispariteacutes relatives notables en acircge et en nombre drsquoanneacutees diplocircmantes mais nous pensons qursquoelles sont toutefois acceptables

97 Pour consulter les caracteacuteristiques deacutetailleacutees des locuteurs controcircles voir en Annexe C-391

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144

Nous nous sommes appliqueacutee agrave seacutelectionner des locuteurs controcircles dont les professions sont globalement comparables aux professions des participants agrammatiques excepteacute en ce qui concerne 6 TH_agr qui est beaucoup plus acircgeacutee et moins qualifieacutee que les hommes et pour laquelle nous nrsquoavons pas trouveacute de locutrice controcircle avec les mecircmes caracteacuteristiques au moment de la phase drsquoentretiens

Par ailleurs nous pensons que vu les types de tacircches reacutealiseacutees lrsquoappariement selon les critegraveres drsquoacircge et de niveau socioculturel exacts au cas par cas nrsquoeacutetait pas vraiment neacutecessaire

Drsquoautre part si lrsquoon compare entre eux les corpus controcircles en consideacuterant chaque tacircche on observe que les participants controcircles ont bien sucircr chacun un style de parler particulier lieacute agrave lrsquoidiosyncrasie (origine socioculturelle geacuteographique personnaliteacute) mais que les contenus sont tout de mecircme assez analogues

En conclusion les corpus oraux que nous avons obtenus avec le groupe reacutefeacuterence apparieacute globalement au groupe drsquoagrammatiques nous paraissent satisfaisants pour ce qui a trait aux comparaisons ulteacuterieures reacutealiseacutees entre reacutesultats quantitatifs issus des analyses de corpus agrammatiques et controcircles

45 Construction des observables

451 Corpus nature des donneacutees collecteacutees et implications meacutethodologiques

Drsquoapregraves le Nouveau Dictionnaire Encyclopeacutedique des Sciences du Langage (DUCROT et SCHAEFFER 1995 60) lrsquoeacutetude drsquoune langue passe par la collecte drsquoun laquo ensemble aussi varieacute que possible drsquoeacutenonceacutes effectivement eacutemis par les utilisateurs de cette langue agrave une eacutepoque donneacutee raquo

Drsquoapregraves le Treacutesor de la Langue Franccedilaise informatiseacute (TLFi)98 un corpus reacutefegravere en sciences humaines agrave un laquo recueil reacuteunissant ou se proposant de reacuteunir en vue de leur eacutetude scientifique la totaliteacute des documents disponibles drsquoun genre donneacute par exemple eacutepigraphiques litteacuteraires etc raquo

Toujours drsquoapregraves le TLFi il srsquoagit pour la linguistique drsquoun laquo ensemble de textes eacutetabli selon un principe de documentation exhaustive un critegravere theacutematique ou exemplaire en vue de leur eacutetude linguistique raquo

Cette deacutefinition insiste sur le caractegravere exhaustif que devrait preacutesenter un corpus Cependant drsquoautres deacutefinitions insistent plus sur le caractegravere repreacutesentatif drsquoun corpus En effet RIEGEL et al (1994 18) proposent une deacutefinition qui insiste plutocirct sur le caractegravere repreacutesentatif drsquoune compilation de donneacutees linguistiques

laquo Un corpus est un ensemble de textes ou drsquoeacutenonceacutes jugeacutes repreacutesentatifs de la langue ou plus modestement drsquoun domaine ou drsquoun axe de recherche bien deacutetermineacutes Une telle

98 Article corpus

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collection ne comprenant que des donneacutees attesteacutees (des eacutenonceacutes effectivement produits) constitue un corpus raquo

Cependant comme le soulignent ensuite RIEGEL et al il faut tenir compte laquo des contraintes meacutethodologiques et eacutepisteacutemologiques raquo qui impliquent qursquoun corpus nrsquoest jamais qursquoun laquo fragment raquo de la langue ou du parler dont il est issu

En effet srsquoagissant de la meacutethodologie de collecte de donneacutees employeacutees dans notre perspective drsquoapproche de lrsquooral pathologique nos corpus constituent donc un fragment de la performance de quelques locuteurs

Parmi les deacutefinitions du terme laquo corpus raquo que nous avons releveacutees la plus consensuelle est celle de SINCLAIR (citeacute par HABERT et al 1997) pour qui un corpus est laquo une collection de donneacutees langagiegraveres qui sont seacutelectionneacutees et organiseacutees selon des critegraveres linguistiques explicites pour servir drsquoeacutechantillon de langage raquo

Crsquoest cette derniegravere deacutefinition qui se rapproche le plus de nos preacuteoccupations meacutethodologiques car du fait de la nature particuliegravere des donneacutees collecteacutees (voir infra) les analyses reacutealiseacutees impliquent un preacute-traitement en vue de seacutelectionner une partie des donneacutees disponibles

Les donneacutees verbales que nous avons recueillies dans le cadre de cette recherche preacutesentent les principales caracteacuteristiques suivantes qui sont autant de difficulteacutes pour leur mise en forme et leur traitement a posteriori

les donneacutees sont orales

les donneacutees preacutesentent toutes un haut degreacute de liberteacute octroyeacute au locuteur mais ces degreacutes sont variables drsquoune tacircche agrave lrsquoautre du fait de la preacutesence drsquoun stimulus visuel et de la qualiteacute de la consigne

les corpus sont des corpus de discours continu qursquoil conviendra de segmenter en uniteacutes eacutenonceacutes en vue drsquoeffectuer les analyses structurales des formulations phrastiques

les donneacutees sont pathologiques (pour ce qui concerne les locuteurs agrammatiques)

Les corpus collecteacutes sont donc de nature assez complexe ce qui implique de faire en sorte de constituer un corpus de donneacutees de lrsquooraliteacute adapteacute aux traitements quantitatifs et qualitatifs pressentis pour la suite (voir au point 5 p 177)

Dans cette perspective une meacutethode de mise en grille du discours oral a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par le GARS (Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe et Seacutemantique voir BLANCHE-BENVENISTE 1997) et adapteacutee agrave lrsquoeacutetude du discours aphasique par ROUBAUD et LOUFRANI (1999) Pour ces derniers

laquo Une analyse syntaxique des discours pathologiques drsquoorigine aphasique ne peut se reacuteduire agrave lrsquoeacutetude de fragments mais exige des ensembles plus vastes Derriegravere lrsquoeacutemiettement apparent de ces productions se cachent des organisations comparables agrave celles de locuteurs ordinaires mais plus complexes agrave analyser Pour rendre compte des

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strateacutegies deacuteployeacutees pour compenser le deacuteficit langagier les outils drsquoanalyse deacuteveloppeacutes par le GARS comme la mise en grille sont commodes raquo

Cette meacutethode (la laquo mise en grille raquo du GARS) que nous avons testeacutee sur divers corpus aphasiques nous a sembleacute en effet preacutesenter lrsquoavantage de rendre plus lisibles les caracteacuteristiques structurales des eacutenonceacutes produits En effet cette meacutethode consiste agrave placer les eacuteleacutements paradigmatiques et syntagmatiques des constructions sur un axe vertical et horizontal Par ailleurs la mise en grille du discours aphasique permet drsquoenvisager les disfluences caracteacuteristiques du discours aphasique (les amorces ou reacutepeacutetitions par exemple) Cette meacutethode nous a sembleacute plutocirct adapteacutee pour des analyses qualitatives de fragments de discours oral mais peu adapteacutee agrave lrsquoanalyse de longs corpus tels que ceux que nous avons obtenus

Tout cela nous a donc ameneacutee agrave fixer une meacutethode de formalisation des observables tregraves largement et librement inspireacutee de celle de SAFFRAN et al (1989) Il srsquoagit du protocole drsquoanalyse quantitative de la production orale dit Quantitative Production Analysis Protocol (deacutesormais QPA voir aussi ROCHON et al 2000 et BERNDT et al 2000)

La construction de nos observables neacutecessite de passer par une eacutetape de mise en forme les donneacutees collecteacutees crsquoest agrave-dire une eacutetape de preacute-traitement des donneacutees verbales brutes transcrites ceci afin drsquoen faciliter la lisibiliteacute avant tout traitement quantitatif En effet notre objectif est drsquoobtenir une base de donneacutees constitueacutee de corpus de production orale pathologique et non pathologique qui soit exploitable archivable et reacuteutilisable

Apregraves avoir exposeacute les principes guides de la meacutethode QPA (ci-apregraves) nous deacutetaillons les principes du preacute-traitement appliqueacutes aux corpus oraux collecteacutes crsquoest-agrave-dire la proceacutedure de mise en forme des corpus (les conventions de transcription adopteacutees la segmentation du discours continu et lrsquoextraction des observables en vue des analyses quantitatives)

452 Meacutethode QPA (Quantitative Production Analysis)

La construction des donneacutees orales pathologiques et controcircles sont guideacutees par la deacutemarche drsquoanalyse quantitative de corpus aphasique conccedilue par SAFFRAN et al (1989) et drsquoapregraves les instructions de BERNDT et al (2000) Agrave notre connaissance aucune eacutetude de corpus aphasiques francophones nrsquoa encore eacuteteacute reacutealiseacutee drsquoapregraves cette meacutethode Le protocole drsquoanalyse quantitative de la production aphasique (QPA) a eacuteteacute conccedilu pour lrsquoanglais et par ailleurs utiliseacute pour le hollandais (BASTIAANSE 1995 PRINS et BASTIAANSE 2004)

Dans la litteacuterature nous nrsquoavons pas releveacute beaucoup de travaux en aphasiologie qui utilisent cette meacutethode drsquoanalyse En effet crsquoest probabalement parce qursquoau deacutebut lrsquoadaptation de cette proceacutedure agrave une autre langue que lrsquoanglais ainsi que son application agrave des corpus constituent un travail assez ardu que lrsquoon soit linguiste de formation ou orthophoniste

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Le protocole drsquoanalyse quantitative QPA que nous avons adapteacute agrave notre probleacutematique est preacutesenteacute en deacutetail dans les paragraphes qui suivent (point 47 48 et 49) pour ce qui concerne la construction et la mise en forme des corpus oraux et au point 5 (le chapitre suivant p 177) pour ce qui concerne la deacutemarche drsquoanalyse quantitative en elle-mecircme

Nous insistons sur certains aspects nous ayant poseacute problegravemes tels que lrsquoadaptation des modaliteacutes drsquoanalyse agrave lrsquoorigine fondeacutees sur la langue anglaise aux particulariteacutes morpho-syntaxiques de la langue franccedilaise Ainsi avant lrsquoeacutetape drsquoanalyse quantitative elle-mecircme il a eacuteteacute question de passer par une phase de reacuteadaptation du protocole aux caracteacuteristiques structurales de la langue parleacutee en franccedilais

Cet outil drsquoanalyse constitue une solution tregraves inteacuteressante pour qui souhaite fournir un eacutetat de la structuration morpho-syntaxique du discours continu dans une tacircche de production donneacutee

Ci-apregraves nous exposons la deacutemarche adopteacutee pour la constitution des corpus la transcription des donneacutees linguistiques orales (point 46 ci-apregraves) et leur mise en forme (en particulier la segmentation du discours continu (point 47 pp 154-160) et lrsquoextraction des observables (point 49 p 163) )

46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription

461 Corpus de discours oraux continus et pathologiques implications pour la transcription

Les propos des locuteurs aphasiques et non aphasiques sont enregistreacutes sur un appareil drsquoenregistrement numeacuterique afin de garantir une qualiteacute optimale du son et une manipulation aiseacutee des corpus ainsi numeacuteriseacutes Le corpus a eacuteteacute transcrit gracircce agrave un logiciel drsquoeacutecoute performant et restituant le signal de parole le mieux possible En effet la transcription fidegravele neacutecessite des eacutecoutes successives plus faciles agrave geacuterer avec un logiciel de traitement du signal sonore fonctionnel auquel il est possible drsquoajouter des informations suppleacutementaires sur le corpus ou meacutetadonneacutees (comme par exemple des temps de pauses tregraves longs des caracteacuteristiques particuliegraveres agrave une section drsquoenregistrement des annotations diverses agrave propos des contenus)

Rappelons que la transcription laquo brute raquo des corpus de parole recueillis qursquoil srsquoagisse de donneacutees patholinguistiques ou non pose des problegravemes drsquoordre meacutethodologique dans la mesure ougrave nous sommes confronteacutee agrave une trois grandes difficulteacutes qui incombent directement agrave la nature de lrsquoobjet eacutetudieacute

les corpus sont tous oraux

pour une large part ils concernent la production de discours continu et spontaneacute

les donneacutees linguistiques sont aussi pathologiques

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Pour favoriser la lisibiliteacute et lrsquoeacutetude des corpus la transcription fidegravele ainsi que le choix drsquoun codage adapteacute tiennent compte des limites lieacutees aux caracteacuteristiques preacuteciteacutees

La transcription a eacuteteacute conduite selon certaines des conventions deacutefinies pour lrsquooral par le GARS (Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe et Seacutemantique)99 dont les inteacuterecircts de recherche portent pour une grande part sur la description du franccedilais parleacute les problegravemes lieacutes agrave sa transcription et lrsquoeacutetude de sa syntaxe

Srsquoagissant de lrsquooral pathologique selon BLANCHE-BENVENISTE (1997 29)

laquo La seule solution seacuterieuse est de transcrire phoneacutetiquement Certains troubles du langage affectant fortement la forme des mots posent des problegravemes similaires Lagrave ougrave la transcription phoneacutetique donne une version difficile agrave interpreacuteter immeacutediatement (hellip) on peut lorsqursquoon connaicirct les habitudes du locuteur aphasique reconstruire une version orthographique avec des mots doteacutes de sens Mais ce nrsquoest plus une transcription (hellip) raquo

Par conseacutequent en fonction des caracteacuteristiques typiques de lrsquooral et en particulier de lrsquooral aphasique il a eacuteteacute neacutecessaire de deacutefinir avec le plus de coheacuterence possible des modaliteacutes de codage agrave lrsquoeacutecrit adeacutequates pour une mise en forme lisible et analysable des corpus tout en conservant une quantiteacute drsquoinformations linguistiques et extra-linguistiques suffisante et pertinente en vue des analyses Ainsi la transcription en Alphabet Phoneacutetique International (API) semble ecirctre le moyen le plus adapteacute pour ne perdre aucune information de lrsquooral mais il srsquoagit drsquoun codage fastidieux et donc trop couteux que ce soit pour la transcription ou alors pour la relecture des corpus

Comme nos analyses ne portent pas speacutecifiquement sur la prosodie le rythme ou les aspects phoneacutemiques et comme la quantiteacute de donneacutees agrave transcrire est tregraves abondante lrsquooral est codeacute en utilisant les modaliteacutes de lrsquoorthographe standard et en ajoutant quand cela est neacutecessaire des preacutecisions en API (les deacuteformations phoneacutemiques les ambiguiumlteacutes etchellip)100 et drsquoautres preacutecisions sur la morpho-syntaxe dans une colonne laquo Commentaires raquo suppleacutementaire accompagnant les transcriptions (par exemple une ambiguiumlteacute formelle difficile agrave reacutesoudre voir en Annexe G-423 ougrave figure un exemple de corpus)

462 Transcription conventions adopteacutees

Ce qui est dit par le locuteur est mis en forme lors de la transcription puis traiteacute agrave partir des feuilles de travail ainsi constitueacutees Les conventions de transcriptions et les codages originaux adopteacutes pour la transcription et la mise en forme des corpus sont preacutesenteacutes ci-apregraves et sont illustreacutes agrave chaque fois par des exemples concrets tireacutes des corpus oraux101 Les

99 Sur les difficulteacutes de transcription de lrsquooral et les conventions de transcriptions proposeacutees par le GARS voir Blanche-Benveniste (1997 24-34) 100 Pour cet aspect de la transcription en symboles phoneacutetiques voir ROUBAUD (2004) 101 Voir en Annexe H-428 agrave H-588 (corpus agrammatiques) et I-635 agrave I-671 (corpus controcircles)

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exemples sont majoritairement extraits des corpus aphasiques Sous chaque exemple un renvoi102 correspondant agrave la page des annexes drsquoougrave il a eacuteteacute extrait est speacutecifieacute Le lecteur peut srsquoy reacutefeacuterer afin de resituer leacutenonceacute ou les eacutenonceacutes citeacutes en exemples dans leur contexte discursif

4621 Codage orthographique et phoneacutetique

Les propos du participant sont codeacutes en orthographe standard du franccedilais

La transcription en API (Alphabet Phoneacutetique International) nrsquoest pas exclue lorsque des mots avec une articulation particuliegravere (deacuteformations phoneacutemiques) des paraphasies phoneacutemiques et des neacuteologismes sont produits

Les propos de lrsquoexpeacuterimentatrice apparaissent sur une ligne autonome sans codage particulier (seulement orthographique)

Les pronoms personnels dans il faut ou il y a sont noteacutes il mecircme srsquoils sont reacutealiseacutes [i]

Voici deux exemples de codage orthographique et phoneacutetique

4 PC_agr2a elle porter (4) hum la maman euh oui la maman

PREPom(agrave) Flexom(Vpres)

5 PC_agr2a alors [ɛk] euh [εlRakot] non elle rencontre oui elle rencontre euh euh le loup un loup (2) bon

E Ph Gram Prononciation tregraves floue de laquo un raquo dans le SN(un+loup)

6 PC_agr2a et hum (6) le loup euh non euh non non euh le loup (3) ah-non

Persev(le loup) 0 Mots ext

exp le le petit chaperon rouge Facillex

7 PC_agr2a oui chaperon rouge et tatatatatatatata Onom(tatatatatatatata) avec intonation Repet(chaperon rouge) 0 Mot ext

exp tatatata crsquoest elle v-hellip laquo -2sec Facilsynt(elle) exploiteacutee

Annexe H-442

49 SB_agr2b donc le prince euh et [sɑdijəRo] sont euh (4)

[epuʒe] eacutepouseacutes hum

Deformphon(Cendrillongt[sɑdijəRo])Autocor+ laquo eacutepouseacutes raquo 1 V-aux 1 CONJsynt

Annexe H-529

4622 Amorces faux deacuteparts reprises

Les amorces de mots (deacutebut drsquoun mot non acheveacute) apparaissent avec un tiret au niveau du lieu de troncation

2 SB_agr3-MJ03 euh il- l- l- euh li- iv- il- euh [ilvjɛR] non Deformphon(lrsquohivergt[ilvjɛR])

Annexe H-531

10 PB_agr1 crsquoest le les s- les tab- les tableaux

Annexe H-544

102 Pour la version numeacuterique de ce document il srsquoagit aussi drsquoun lien hypertexte agrave suivre permettant drsquoacceacuteder directement agrave la page correspondante en Annexe

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Les eacutenonceacutes qui sont abandonneacutes en cours de formulation (faux deacuteparts et eacutechecs Ab) ou repris agrave partir de la mecircme amorce sont transcrits entiegraverement

95 SB_agr1 parce-que euh je (2) je c- je crois que Ab SUB SUB nrsquoest pas meneacutee agrave terme

96 SB_agr1 par-exemple euh physique tregraves dure

Annexe H-523

19 PC_agr2b Cendrillon (3) hum euh hum (34) alors bon euh (4)

Ab

20 PC_agr2b Cendrillon attends non non ccedila pas ccedila crsquoest pas ccedila

Ab Interj(attends) adresse agrave lrsquointerlocuteur Metaling (essaie de se souvenir de la suite)

Annexe H-445

4623 Ajouts neacuteologies lexicales liaisons

Les pheacutenomegravenes drsquoajouts de deacuteplacements drsquoanticipations formelles sont aussi transcrits tout comme les pheacutenomegravenes de neacuteologies lexicales (selon les cas en API ou en code orthographique de lrsquoeacutecrit standard)

Lorsqursquoune liaison nrsquoest pas reacutealiseacutee ou lorsqursquoune liaison notable est reacutealiseacutee cela est signaleacute dans la colonne laquo Commentaires raquo (la colonne agrave droite du corpus transcrit)

21 BR_agr1 deux deux ans deux ans Liaison non reacutealiseacutee(deuxans)

Annexe H-463

33 BR_agr4 un euh euh une euh maman [epaR] deux deux euh enfants

E Ph Gram Deformphon(seacuteparegt[epaR]) Liaison reacutealiseacutee(deux euh [z]+enfants)

Annexe H-486

16 MC_agr2a euh les oreillons

Deformphon(leorejo ) ou

LEXsubst(oreillesgtoreillons) Liaison non reacutealiseacutee(lesoreillons)

Annexe H-498

3 SB_agr1 et hum (2) er- [ɛRdi] discale deux hernies discales

Deformphon(herniesgt[ɛRdi]) avec Autocor+ Liaison reacutealiseacutee (deux [z]+hernies)

Annexe H-519

56 SB_agr1 enfin tout seul et euh [z] amis

Liaison reacutealiseacutee(0 DET + [z] + amis] DETom(les) laquo en plus des orthophonistes jrsquoai travailleacute en autonomie le langage avec les amis raquo

Annexe H-521

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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4624 Ambiguumliteacutes

Du fait des particulariteacutes morphologiques du parler agrammatique les ambiguumliteacutes de correspondances grapho-phonologiques peuvent surgir Dans certains cas on ne parvient pas agrave deacuteterminer la forme produite entre deux ou plusieurs termes possibles comme pour les verbes entrer manger ou allonger dans les exemples ci-apregraves (eacutenonceacutes 10 et 11) On pourrait tout aussi bien transcrire entreacute mangeacute ou allongeacutee en consideacuterant quil sagit de verbes au participe passeacute sans auxiliaire (est entreacute a mangeacute sest allongeacutee)

10 SB_agr2a et donc euh euh l- le loup entrer dans la lrsquoa-ppartement enfin dans la maison et manger la grand-megravere

11 SB_agr2a (2) le euh le chaperon rouge (10) euh le chaperon rouge entrer dans la euh (3) m- maison le grand-megravere et euh allonger

PREPom(de) DETsubst(lagtle) PROreflom(srsquo) + allonger

Annexe H-526

Mais par ailleurs le mecircme locuteur emploie des formes verbales non ambiguumles telles que aller au lieu de va dans les eacutenonceacutes ci-dessous (eacutenonceacutes 2 et 7)103 Ce faisant on aura tendance agrave privileacutegier une transcription des verbes agrave la forme infinitive Cest pourquoi on a transcrit le verbe de leacutenonceacute 11 (ci-dessus) sous la forme allonger et non allongeacutee et le verbe de leacutenonceacute 3 (ci-dessous) sous la forme traverser et non traverseacute

2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge

3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere

PROajout(la) DETsubst(lagtle)

Annexe H-525

7 SB_agr2a

et hum euh (7) a- euh a- a- euh aller euh aller [ld]

dans la maison le [ʃp] le grand-megravere grand-megravere XX

[ld] entre les deux sons - lede [tregraves peu audible]

[ʃp] initiation pour laquo chaperon raquo SN-Som(loup)

Annexe H-525

4625 Ponctuation

La ponctuation nrsquoest pas utiliseacutee mais les signes laquo raquo ou laquo raquo sont parfois noteacutes pour coder une prosodie tregraves marqueacutee

47 SB_agr2b et miracle [le] euh [le] (3) le le prince euh non Cendrillon (35) euh pied

Interj(miracle) Mot ext

Annexe H-529

103 De plus agrave la question laquo quand vous dites laquo le loup entrer lrsquoappartement et manger la grand-megravere raquo entrer manger comment est-ce que vous les eacutecrivez est-ce que avec un -eacute ou -er est-ce que crsquoest plutocirct par exemple le loup laquo entreacute raquo comme ccedila et pas le verbe agrave lrsquoinfinitif dans votre esprit raquo (voir en Annexe H-525) Le locuteur (ici SB_agr) nous reacutepond laquo en fait infinitif bien sucircr euh ccedila mais euh normalement co- conjugueacute pas terrible mais je preacutefegravere conjuguerhellipmais pas terriblehellip raquo Ainsi le locuteur confirme qursquoil emploie les verbes agrave lrsquoinfinitif mecircme si ce nrsquoest pas correct laquo pas terrible raquo En effet il preacutefegravererait conjuguer mais ne le fait pas Il srsquoagit drsquoune proceacutedure de simplification morphologique du verbe qui revient agrave laquo preacutefeacuterer raquo la forme infinitive ou basique agrave la forme conjugueacutee Drsquoautre part cette reacuteflexion meacutetalinguistique peut srsquoeacutelaborer car ce locuteur agrammatique a conscience des eacutecarts agrave la norme grammaticale produits Il peut les eacutevoquer et les analyser

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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4626 Notation drsquoun eacutenonceacute segmenteacute

Suivant les critegraveres de segmentation du discours continu en uniteacutes laquo eacutenonceacutes-segmenteacutes raquo (voir aux points 47 et 48 pp 154-163) chaque eacutenonceacute segmenteacute occupe une ligne autonome dans les feuilles de travail ougrave les cadres du tableur sont preacutedeacutefinis (voir les exemples deacutejagrave citeacutes)

4627 Dureacutees des pauses interruptions

La dureacutee des pauses de plus de 3 secondes est noteacutee entre parenthegraveses au sein du discours transcrit

1 PC_agr2b Cendrillon (15) hum la soupe soupe la soupe Vom

2 PC_agr2b et feu le euh le hum souffler souffler SN-ODir(feu) anteacuteposeacute SN-Som(Cendrillonelle) DETom(le)

3 PC_agr2b et (4) le sœur euh euh euh le merde le s- le le sœur ben pfff le sœur

DETsubst(lagtle)

Annexe H-444

Drsquoautre part les dureacutees correspondant aux interruptions ou aux intermegravedes qui ne concernent pas le reacutecit mecircme sont signaleacutees en marge des corpus transcrits (dans la colonne de droite)

Le cas eacutecheacuteant elles sont noteacutees sur la feuille de travail et bien sucircr ne sont pas prises en compte pour le calcul de la dureacutee effective de parole Dans lrsquoextrait ci-apregraves les dureacutees correspondant aux segments produits par lrsquoexpeacuterimentatrice (noteacutee laquo exp raquo) sont noteacutees et exclues de la dureacutee totale effective de discours produit par lrsquoagrammatique

En effet afin de ne pas biaiser le calcul du deacutebit verbal il est neacutecessaire de ne consideacuterer que les dureacutees de parole correspondant aux segments de discours pris en compte pour les analyses quantitatives

Ainsi dans lrsquoexemple ci-dessous la dureacutee de lrsquointermegravede (1 minute et 41 secondes) correspond agrave des eacutenonceacutes produits par lrsquoexpeacuterimentatrice et agrave des commentaires du locuteur (BR_agr) qui ne concernent pas directement le reacutecit Il srsquoagit drsquoeacutenonceacutes non coloreacutes (en marge) et non numeacuteroteacutes dans les feuilles de travail Par contre les eacutenonceacutes coloreacutes et numeacuteroteacutes (3 et 4 toujours dans le mecircme extrait ci-dessous) sont pris en compte pour les analyses quantitatives ulteacuterieures et la dureacutee de parole qui y correspond est comptabiliseacutee

3 BR_agr2a la forecirct pour aller rendre visite en une dame euh euh grand-pegravere non non (5)

PREPsubst(agravegten) Liaison non reacutealiseacutee(enune) PREPcor(pour)

exp grand-pegravere ou grand-m- Facilphon(m-) laquo megravere raquo

BR_agr2a megravere

BR_agr2a petits mots beaucoup difficiles

-1mn41sec (partie non transcrite en totaliteacute) discussion intermegravede laquo ce qui est difficile ce sont les petits mots raquo

exp donc la petite fille le petit chaperon rouge rend visite agrave sa grand-megravere

4 BR_agr2a un sac porte euh euh euh euh (20) laquo il porte un sac raquo SN-ODir anteacuteposeacute

Annexe H-469

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

153

4628 Paroles inaudibles

Les paroles inaudibles ou incompreacutehensibles sont noteacutees par le signe laquo XXX raquo chaque segment laquo X raquo repreacutesente une syllabe inaudible

32 0914 44 BR_agr4 une un u- un calme un monsieur XX euh euh filme dame

DETom(la)

Annexe H-486

4629 Chevauchements

Les eacutenonceacutes qui se chevauchent entre lrsquoexpeacuterimentatrice et le locuteur sont souligneacutes

exp oui IRM vous avez fait des scanners et -3sec

36 SB_agr1 XXX voilagrave crsquoest ccedila euh mais euh trop tard

Annexe H-520

46210 Remplisseurs heacutesitations

Les remplisseurs de type euh ou hum sont transcrits Ils correspondent agrave des recherches lexicales par exemple

Les mots correspondant aux traces de non-fluence verbale et de disfluence telles que les heacutesitations les mots reacutepeacuteteacutes les pauses remplies plus ou moins longues qui sont si caracteacuteristiques de lrsquooral ne sont pas retenus pour les analyses quantitatives Ces traces sont toutefois retranscrites et permettent de mieux appreacutehender la complexiteacute des pheacutenomegravenes ainsi contextualiseacutes dans la transcription lineacuteaire du flux verbal

6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge

pause longue (10) Rechlex claquement de langue en signe drsquoeacutenervement

Annexe H-525

46211 Uniteacutes morpheacutemiques solidaires

Lrsquoarticle partitif de-la ou de-lrsquo (de-la fiegravevre de-lrsquoargent) les locutions verbales (ecirctre-en-train ecirctre-sur-le-point etchellip) conjonctives (parce-que ou-bien apregraves-que etchellip) adverbiales (par-contre en-fait pas-du-tout jamais-plus par-exemple bien-sucircr de-toute-faccedilon agrave-peu-pregraves de-moins-en-moins plus-que un-peu etchellip) et preacutepositionnelles (en-dehors-de en-face-de etchellip) sont noteacutees avec des tirets Les tirets repreacutesentent une uniteacute laquo mot raquo (un morphegraveme complexe) ougrave les sous-uniteacutes (ou morphegravemes) qui le constituent sont solidaires Les noms composeacutes (par exemple lave-linge) constituent eacutegalement une uniteacute solidaire et sont noteacutes avec des tirets

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

154

Dans les exemples suivants la preacuteposition en-dehors-de (eacutenonceacute 61) ou le verbe semi-auxiliaire est-en-train (eacutenonceacute 10) sont donc des uniteacutes morpheacutemiques solidaires

61 SB_agr1 a- en- en-dehors-de [z] orthophonistes

Liaison reacutealiseacutee([z] orthophonistes) avec DETom(les) amalgame incomplet 1 PREPcor(en-dehors-de)

Annexe H-521

10 GG_contr3-MJ03 donc il est-en-train de mettre du sel pour-que ben on puisse marcher sans se casser la figure quoi

CONJsynt(pour-que)

Annexe I-641

Pour identifier une suite de morphegravemes comme formant une uniteacute solidaire nous nous sommes fondeacutee sur des critegraveres conventionnels fixeacutes par nous-mecircme En effet cela agrave des conseacutequences sur les analyses quantitatives pratiqueacutees a posteriori par exemple au lieu de coter deux preacutepositions en et de dans le segment en dehors de (voir ci-dessus eacutenonceacute 61) le fait de consideacuterer en dehors de comme formant une uniteacute morpheacutemique solidaire revient agrave ne comptabiliser lrsquooccurrence que drsquoune seule preacuteposition et non deux

Une fois fixeacutes ces critegraveres drsquoamalgames entre uniteacutes morpheacutemiques srsquoappliquent systeacutematiquement aux corpus agrammatiques et controcircles

47 Segmentation des corpus de discours continu

471 La segmentation du discours continu position du problegraveme

Srsquoagissant de la production de discours continu on ne trouve guegravere de travaux drsquoanalyse de corpus qui preacutetendent deacutecrire la structuration du discours en prenant en consideacuteration les sous-uniteacutes qui le composent crsquoest-agrave-dire ses uniteacutes propositionnelles Comme le soulignent TISSOT et al (1973 38)

laquo Le corpus de langage spontaneacute nrsquoa pas permis le deacutepouillement exhaustif que lrsquoon projetait La principale difficulteacute qui srsquoest reacuteveacuteleacutee insurmontable reacuteside dans lrsquoimpossibiliteacute de deacutelimiter les eacutenonceacutes Pour nrsquoecirctre pas un chaos de mots comme le disait Jakobson le langage de lrsquoagrammatique nrsquooffre pas suffisamment de point de repegraveres pour permettre de segmenter lrsquoeacutenonceacute au-delagrave du syntagme raquo

Et drsquoailleurs MOUNIN soulevait deacutejagrave ce problegraveme lieacute agrave la segmentation du discours continu en uniteacutes distinctes (MOUNIN 1967 20)

laquo Mais on peut penser que le cœur du problegraveme agrave propos du laquo style teacuteleacutegraphique raquo est ailleurs et que crsquoest centralement celui que pose la question suivante laquo comment deacutelimiter les uniteacutes drsquoeacutenonceacute crsquoest-agrave-dire les phrases de lrsquoagrammatique raquo Tant qursquoil srsquoagit drsquoinventorier les classes grammaticales (noms adjectifs verbes etc) ou morphologiques [] qui sont conserveacutees chez lrsquoagrammatique il ne se pose pas de problegraveme agrave cet eacutegard on peut faire un inventaire sans se preacuteoccuper des limites de lrsquoeacutenonceacute Mais srsquoil srsquoagit drsquoanalyser les manques surtout syntaxiques [] on se reacutefegravere

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

155

toujours implicitement agrave une comparaison avec lrsquoeacutenonceacute normal vraisemblablement le plus proche reconstruit hypotheacutetiquement raquo

Pour remeacutedier agrave ces difficulteacutes de segmentation du discours la proceacutedure QPA eacutelaboreacutee par SAFFRAN et al (1989 446-447) propose de segmenter le discours continu en laquo uniteacutes propositionnelles raquo ou laquo eacutenonceacutes raquo104 (utterances)

laquo Lrsquoeacutechantillon de discours narratif est diviseacute en eacutenonceacutes [hellip] La segmentation de lrsquoeacutechantillon narratif en eacutenonceacutes fut baseacutee sur une hieacuterarchie drsquoindices structuraux en donnant plus de poids aux marqueurs de frontiegraveres drsquoordre syntaxique et prosodique et en donnant moins de poids aux pauses et agrave la dimension seacutemantique de bonne formation raquo105

La segmentation en uniteacutes laquo eacutenonceacutes raquo composant le discours continu reposent sur des critegraveres plus formels de type syntactico-prosodiques que seacutemantiques En effet cette proceacutedure de mise en forme du corpus nous semble fondeacutee sur des options objectives et adapteacutees au but de lrsquoanalyse quantitative et qualitative il est question de mettre en valeur les aspects formels de la structuration morpho-syntaxique du discours notamment au niveau des sous-uniteacutes propositionnelles qui le composent

Lrsquoanalyse des aspects structuraux du lexique et de la syntaxe est fortement deacutependante des critegraveres utiliseacutes pour la segmentation en uniteacutes de base que sont les laquo eacutenonceacutes ou eacutenonceacutes-phrases segmenteacutes raquo obtenus crsquoest pourquoi il est important drsquoappliquer les critegraveres de segmentation le plus strictement et rigoureusement possible

Dans le protocole original QPA106 lrsquoexpression employeacutee en anglais pour cette proceacutedure de mise en forme du corpus est Segmentation of Narrative Words into Utterances Selon nous laquo eacutenonceacutes-phrases raquo est la traduction la plus proche du terme utterances systeacutematiquement employeacute par les auteures

Nous utiliserons le terme laquo eacutenonceacutes raquo ou laquo eacutenonceacutes-phrases raquo pour deacutesigner les uniteacutes propositionnelles constitutives du discours continu obtenues apregraves segmentation Le terme laquo eacutenonceacutes-phrases raquo sera notamment consacreacute speacutecifiquement aux eacutenonceacutes de forme canonique

104 Dans notre terminologie pour les analyses de corpus nous utilisons le terme laquo eacutenonceacute segmenteacute raquo (et par ailleurs laquo eacutenonceacutes-phrases raquo laquo eacutenonceacutes-phrases grammaticaux raquo laquo eacutenonceacutes de forme non canonique ou canonique raquo) 105 Notre propre traduction 106 Rappelons que notre meacutethodologie et tregraves inspireacutee du protocole drsquoanalyse quantitative du discours aphasique de SAFFRAN et al (1989) et ROCHON et al (2000) Nous nous efforccedilons de respecter les principes geacuteneacuteraux de la proceacutedure de mise en forme des corpus tout en lrsquoadaptant agrave nos besoins et au franccedilais

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

156

472 Notion drsquo laquo eacutenonceacute raquo ou laquo eacutenonceacute-phrase raquo dans le cas de donneacutees patholinguistiques

4721 Diversiteacute des types de structuration syntaxique dans le discours pathologique

Les eacutenonceacutes segmenteacutes adoptent des formes syntaxiques tregraves diverses au sein des corpus agrammatiques Nous preacutesentons ici les diffeacuterentes cateacutegories drsquoeacutenonceacutes que nous avons rencontreacutees et identifieacutees suivant leur structuration syntaxique Nous anticipons sur la partie consacreacutee agrave la cotation des eacutenonceacutes en fonction de leur structuration syntaxique (voir les variables SYNTAX au point 53 p 208) En effet les cotations concernant les variables quantitatives SYNTAX srsquoappuient rigoureusement sur les principes exposeacutes ci-apregraves

Les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes sont deacutecrits plus en deacutetail ci-dessous avec drsquoabord les constructions de forme syntaxique canonique puis les autres types de constructions de forme non canonique ou elliptique

En croisant diffeacuterents critegraveres drsquoidentification des eacutenonceacutes selon leur structuration en particulier ceux de SAFFRAN et al (1989) dans le protocole QPA original et ceux formuleacutes par KOLK (voir 2433(c) p 67 le Tableau 3 p 69) nous sommes parvenue agrave eacutetablir ces diffeacuterentes cateacutegories drsquoeacutenonceacutes

la cateacutegorie des eacutenonceacutes-phrases (E Ph) parmi les E Seg les eacutenonceacutes de forme syntaxique canonique Ph=gtSN+SV qursquoon peut appeler laquo eacutenonceacutes-phrases raquo

la cateacutegorie des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) parmi les E Ph les eacutenonceacutes de forme canonique et dont la formulation est grammaticale

la cateacutegorie des eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can) tout autre type drsquoeacutenonceacute ne respectant pas le critegravere minimal drsquoagencement syntaxique SN+SV

Nous preacutesentons ci-apregraves les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes produits et coteacutes en conseacutequence en vue des analyses SYNTAX agrave lrsquoaide drsquoexemples tireacutes des corpus oraux

(a) Eacutenonceacutes de forme canonique Eacutenonceacutes-phrases (E Ph) avec une construction SUJET + PREacuteDICAT VERBAL (Sentence Utterances)

Drsquoapregraves les instructions de cotation de SAFFRAN et al (1989) et BERNDT et al (2000) il srsquoagit des sentence utterances crsquoest-agrave-dire des constructions de type S=gtSN + SV

Le terme sentence prend ici le sens strict drsquo laquo eacutenonceacute ou construction de forme canonique raquo107 Il a une valeur purement descriptive dans cette eacutetude crsquoest-agrave-dire qursquoil nrsquoimplique pas de cadre theacuteorique particulier

107 Il srsquoagit de notre propre traduction Nous distinguerons ainsi laquo eacutenonceacute-phrase raquo ou laquo eacutenonceacute de forme canonique raquo (sentence) drsquoune part et laquo eacutenonceacute de forme non canonique raquo (nonsentential) drsquoautre part

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

157

Lorsqursquoun eacutenonceacute est de forme canonique il comprend au minimum un SN-S (Syntagme Nominal-Sujet) et un SV (Syntagme Verbal) De plus le SN-S doit preacuteceacuteder le SV

Mecircme si nous avons bien conscience que les termes laquo eacutenonceacute raquo (utterance) et laquo phrase raquo (sentence) srsquoopposent dans les concepts classiques utiliseacutes en theacuteorie linguistique il ne nous paraicirct pas contradictoire de les associer pour distinguer les eacutenonceacutes de forme canonique crsquoest-agrave-dire les eacutenonceacutes-phrases (sentence utterance dans la terminologie de BERNDT et al 2000) des eacutenonceacutes de forme non-canonique (TC utterance et other utterance eacutegalement dans la terminologie de BERNDT et al 2000 et nonsententials ou elliptical dans la terminologie de KOLK 2006 voir le Tableau 3 p 69)108

En voici des exemples

102 BR_agr1 euh maintenant oui crises arrecircter

DETom(les) + crises -5sec le participant eacutecrit laquo 1an 8mois raquo

Annexe H-468

6 BR_agr2a petit fille euh (25) partir laquo +40sec FLEXom(petitegtpetit)

Annexe H-470

14 SB_agr2a le loup (2) approcher la (2) grand-megravere euh non la euh euh ch- ch- chaperon rouge

reprise de lrsquoeacutenonceacute preacuteceacutedentAutocor+ PROreflom(srsquo) PREPom(de) DETsubst(legtla)

Annexe H-526

Notons que pour qursquoun eacutenonceacute soit consideacutereacute comme eacutenonceacute de forme canonique il ne doit pas forceacutement ecirctre grammatical Lorsqursquoun eacutenonceacute est structureacute au minimum drsquoun SN-S combineacute agrave un SV et qursquoil est de surcroicirct grammatical il est coteacute dans la deuxiegraveme cateacutegorie drsquoeacutenonceacutes (voir le point (b) ci-apregraves concernant les eacutenonceacutes-phrases grammaticaux)

Selon la typologie de KOLK (voir Tableau 3 p 69) lorsque les verbes sont agrave la forme non finie les constructions sont de forme non canonique (nonsententials) Agrave la diffeacuterence de KOLK nous ne retenons pas ce critegravere de cotation nous consideacuterons que les constructions de forme canonique agrave verbes non finis sont agrave coter comme eacutetant de forme canonique

108 Les notions de laquo phrases raquo (sentence) et eacutenonceacute (utterance) utiliseacutees par les auteurs du protocole QPA (1989 2000) et la notion drsquoeacutenonceacute de forme non canonique (nonsentential) utiliseacutee par KOLK (2006) ont une valeur descriptive En effet ces termes employeacutes pour distinguer les diffeacuterents types de constructions rencontreacutes au fil du discours agrammatique nous ont poseacute au deacutepart un problegraveme de terminologie Nous lrsquoavons reacutesolu en limitant lrsquointeacuterecirct drsquoun modegravele de la phrase canonique communeacutement admis en linguistique agrave sa dimension descriptive Dans le mecircme sens NESPOULOUS (communication personnelle 2008) preacutecise laquo sentential correspond en franccedilais agrave phrastique cest-agrave-dire agrave tout eacutenonceacute canonique respectant les regravegles de bonne formation syntaxique minimale Nonsentential regroupe tout le reste les eacutenonceacutes non-phrases ne reposant pas sur une structure minimale raquo

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

158

(b) Eacutenonceacutes de forme canonique grammaticale Enonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) (Well-formed Sentences)

Parmi les eacutenonceacutes de forme canonique il srsquoagit des eacutenonceacutes ougrave la structuration morphologique et syntaxique respecte les regravegles de bonne formation de la langue (drsquoapregraves SAFFRAN et al 1989 et BERNDT et al 2000)

Les critegraveres seacutemantiques nrsquoentrent pas en compte En effet si une construction est seacutemantiquement incoheacuterente mais grammaticalement acceptable elle est comptabiliseacutee comme phrase grammaticale

2 BR_agr3-MJ01 une personne mange le euh euh (2) fruit (2) E Ph Gram

Annexe H-474

1 BR_agr4 un garccedilon pleure E Ph Gram

Annexe H-481

1 MC_agr3-MJ10 voilagrave Paul joue agrave la non Paul joue aux cartes (2)

Autocor+(agrave lagtaux) aux=agrave+les PREPcor(agrave)

Annexe H-503

1 SB_agr4 le garccedilon pleure je pense oui pleure E Ph Gram

Annexe H-536

(c) Eacutenonceacutes de forme non canonique ou eacutenonceacutes E Non-Can (Nonsententials ou TC Utterances)

Un eacutenonceacute preacutesente surtout pour lrsquooral pathologique le caractegravere non-canonique Les laquo constructions elliptiques raquo reacutepertorieacutees par KOLK (2006 247 voir Tableau 3 p 69) pour lrsquoagrammatisme en hollandais et en allemand sont dites laquo non-canoniques raquo ou laquo non-phrastiques raquo (nonsententials) Ce type de constructions correspond agrave tous les eacutenonceacutes segmenteacutes qui nrsquoentrent pas dans la cateacutegorie (a) (voir p 156) crsquoest-agrave-dire aux structures syntaxiques dont lrsquoune des uniteacutes minimales constitutives drsquoune phrase canonique est absente ou apparaicirct dans un ordre non conforme aux regravegles de syntaxe canonique

Selon la typologie de KOLK les constructions de type SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV impliquant la combinaison drsquoun SUJET et drsquoun PREacuteDICAT AUTRE QUrsquoUN VERBE (voir le Tableau 3 p 69) sont des constructions de forme non canonique car le SN se combine agrave autre chose qursquoun SV pour former la construction Dans la terminologie de SAFFRAN et al 1989 et BERNDT et al (2000) cette cateacutegorie drsquoeacutenonceacutes correspond aux structures de type TOPIC (geacuteneacuteralement un SN) + COMMENT (SN SV SP ADJ ADV etchellip)

Drsquoautre part un eacuteleacutement syntaxique ou un morphegraveme peut apparaicirctre seul (SN SV SP ADJ ADV etchellip) ou avec un autre eacuteleacutement (SV+ADV SP+SN etc)

La seacuterie drsquoexemples suivants ne constitue qursquoun eacutechantillon non repreacutesentatif de la grande varieacuteteacute de structures de forme non canonique (E Non-Can) qursquoon rencontre tregraves freacutequemment

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

159

dans les corpus agrammatiques et tregraves rarement dans les corpus controcircles109 Il peut srsquoagir entre autres drsquoun SN isoleacute (eacutenonceacute 1) drsquoun SN+ADV (eacutenonceacute 4) drsquoun adverbe isoleacute (eacutenonceacute 6) drsquoune structure de type SN+SN (eacutenonceacute 7 - PC_agr2b) drsquoune structure de type SN+ADJ (eacutenonceacute 7 - SB_agr2b) drsquoun SV isoleacute (eacutenonceacute 30 ici un verbe agrave lrsquoinfinitif) drsquoune structure de type SP+SN (eacutenonceacute 5) drsquoune structure avec ellipse du SN-Sujet (eacutenonceacute 11 - SB_agr3) drsquoune structure avec anteacuteposition du SN-Objet (eacutenonceacute 94) drsquoune structure avec postposition du SN-Sujet (eacutenonceacute 20 11 - BR_agr3) drsquoune structure avec ellipse du verbe (eacutenonceacute 11 - BR_agr3)

1 BR_agr3-MJ01 euh deux personnes (2)

Annexe H-474

4 BR_agr3-MJ01 arbre plus loin DETom(lrsquo)

Annexe H-474

6 BR_agr3-MJ08 bien bien (5) Repet laquo bien bien raquo tregraves accentueacute accentueacute agrave la maniegravere du procegraves iteacuteratif des allers et venus drsquoune scie

Annexe H-479

7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala

2 Onom(tac-tac-taclalala)

Annexe H-444

7 SB_agr2b [ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh pomponneacutees en-fait euh (3) et (3)

Annexe H-525

30 SB_agr2b danser danser Repet aspect duratifiteacuteratif SN-Som(ils) Vinf isoleacute 0 V-FLEX

Annexe H-528

5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple

DETDeformphon(dugtde) laquo du beurre raquo Repet laquo de raquo prononciation floue entre laquo de raquo et laquo du raquo

Annexe H-525

11 SB_agr3-MJ03 ma- euh tombe (25) tombe sur le dos SN-Som(il) Ellipse du SN-S

Annexe H-532

94 PC_agr1 et tableau tableau euh tableau expliquer SN-ODir anteacuteposeacute au verbe laquo jrsquoexpliquais un tableau raquo

Annexe H-435

20 PC_agr2a et lagrave hum hum (6) couche euh hum (8) le m- euh non lrsquohomme non euh

PROreflom(se) + couche SN-S(lrsquohomme) postposeacute

Annexe H-443

11 BR_agr3-MJ06 pas-du-tout pas-du-tout content m- monsieur DETom(le) + monsieur SVom(est) Ellipse du verbe

Annexe H-478

109 Les corpus controcircles ont eacuteteacute obtenus agrave partir de tacircches de production de reacutecit narratif et de production de phrases isoleacutees Il ne srsquoagit pas de conversation ougrave on trouverait probablement beaucoup plus de structures de forme non canoniques ou elliptiques comme le suggegraverent les travaux de KOLK sur lrsquoellipse normale (voir au point 2433(c) p 67)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

160

(d) Abandons ou eacutechecs

Drsquoautre part les abandons ou eacutechecs de formulation sont toujours consideacutereacutes comme eacutetant non grammaticaux Par conseacutequent ils ne sont jamais coteacutes dans la cateacutegorie des eacutenonceacutes phrases grammaticaux (E Ph Gram) tels que lrsquoeacutenonceacute 14 ci-apregraves

14 SB_agr2b et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f- euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet- (4)

Ab

Annexe H-527

De plus lrsquoeacutenonceacute preacuteciteacute nrsquoest pas coteacute en tant qursquoE Ph (eacutenonceacute de forme canonique) car il ne respecte pas la structuration minimale SN-S + SV

Par contre un eacutenonceacute mecircme abandonneacute qui respecte la structuration minimale SN-S+SV est coteacute en tant qursquoeacutenonceacute de forme canonique Par exemple lrsquoeacutenonceacute suivant (eacutenonceacute 9) est abandonneacute mais comme il respecte la structuration SN-S (la grand-megravere) + SV (entend le ) il est coteacute E Ph

9 SB_agr2a (6) la grand-megravere (5) en- entend le (2) le entend (2) ccedila srsquoappelle (6)

Ab geste claque doigts contre la table en signe drsquoagacement manque du mot

Annexe H-525

4722 Synthegravese critegraveres syntaxiques de segmentation et de cotation des eacutenonceacutes

Degraves lrsquoeacutetape de transcription et de mise en forme des corpus nous prenons en consideacuteration les critegraveres de structuration syntaxique exposeacutes ci-dessus

Nous avons croiseacute les caracteacuteristiques des constructions identifieacutees par KOLK avec les instructions du protocole QPA Cela nous aide drsquoautant mieux agrave segmenter le discours en eacutenonceacutes lors de la transcription et agrave identifier des cateacutegories de constructions assez bien distinctes pour les analyses quantitatives ulteacuterieures

Le tableau ci-dessous reacutesume les critegraveres de segmentation du discours en uniteacutes laquo eacutenonceacutes raquo Ces critegraveres serviront agrave la cotation lorsqursquoil srsquoagira drsquoappliquer le protocole drsquoanalyse quantitative (voir les variables SYNTAX point 53 p 208)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

161

Type drsquoeacutenonceacute Structure Critegraveres de cotation

Eacutenonceacute de forme canonique (E Ph)

SN-S+SV

Les constructions de forme canonique sont composeacutees au minimum drsquoun sujet et drsquoun preacutedicat verbal dont le verbe peut ecirctre agrave lrsquoinfinitif au participe passeacute ou fleacutechi Le SN-S peut contenir un PROdem On comptabilise aussi dans cette cateacutegorie les eacutenonceacutes de type laquo crsquoest+X raquo ou laquo il y a + X raquo et les structures ougrave le SN-S est repris par un pronom (le singe il mange la banane) Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Ph

Eacutenonceacute de forme canonique grammatical (E Ph Gram)

SN-S+SV grammatical

Les constructions de forme canonique selon les critegraveres preacuteciteacutes doivent ecirctre grammaticales Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Ph Gram

Eacutenonceacute de forme non canonique (E Non-Can)

Autres types SN-S+SN-O anteacuteposeacute+SV SN-O anteacuteposeacute+V SN-S postposeacute SNSN (eacutenumeacuteration) N+ADV+ADV SV (avec verbe fini ou non fini) SN SP SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV SV isoleacutes SN isoleacutes ADJ isoleacutes ADV isoleacutes SUB isoleacutes etchellip

Les constructions de forme non canonique adoptent diverses formes Le SV isoleacute peut ecirctre composeacute drsquoun V(inf) V(partpasseacute) ou V-Flex Le preacutedicat (srsquoil nrsquoest pas verbal crsquoest-agrave-dire un SN ADV ADJ etchellip) peut ecirctre combineacute agrave un SN-Sujet ou ecirctre isoleacute (attention parfois on trouve un SV avec SN-O anteacuteposeacute agrave ne pas confondre avec une construction SN-S+SV) Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Non-Can

Abandon (Ab)

Formulations abandonneacutees eacutechecs

La construction est interrompue abandonneacutee ou eacutechoueacutee Ce type de fragment est coteacute 1 dans la cateacutegorie des E Ph ou des E Non-Can selon les critegraveres preacuteciteacutes

Tableau 11 Segmentation et cotation des eacutenonceacutes en fonction de critegraveres structurels formels

48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu

Afin de segmenter le discours continu en uniteacutes E Seg autonomes (eacutenonceacutes segmenteacutes) nous nous appuyons agrave la fois sur les critegraveres syntaxiques deacutefinis ci-dessus et sur les critegraveres prosodiques proposeacutes par le protocole original QPA Ainsi on tient compte du caractegravere canonique ou non canonique des eacutenonceacutes produits tout en appliquant les critegraveres de segmentation conventionnels fondeacutes sur des indices intonatifs fixeacutes par les concepteurs du protocole original

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

162

Ces critegraveres prosodiques sont les suivants

lrsquointonation montante ou descendante ainsi que les pauses marquant des frontiegraveres entre uniteacutes laquo eacutenonceacutes segmenteacutes raquo indiquent le deacutebut et la fin drsquoune uniteacute eacutenonceacute

un eacutenonceacute de forme canonique et ou grammatical est segmenteacute en tant qursquouniteacute eacutenonceacute

6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge

pause longue (10) Rechlex claquement de langue en signe drsquoeacutenervement

Annexe H-525

on considegravere qursquoun eacutenonceacute est abandonneacute ou eacutechoueacute lorsqursquoil y a de forts indices prosodiques qui le suggegraverent

33 SB_agr2b mais euh (3) le b- le ba- euh prince euh (5) Cendrillon hum s- Cendrillon repart (25) s- sans euh sans s- sans sans sans (20)

pause longue (20) Rechlex(pantoufle) Ab geste claque doigts sur la table en signe drsquoagacement

Annexe H-528

40 SB_agr2b et (25) cher- cher- euh le prince euh (5) qui (3) qui pant- euh le verron enfin euh pantoufle qui euh qui qui qui qui qui euh (10) rec- recommencer

Ab SUB tentative de SUB abandonneacutee reprise de lrsquoeacutenonceacute ensuite

41 SB_agr2b euh l- le prince cher- chercher le pantoufle (25) dans le euh tout autour-de tout autour-de vi- ville par-exemple

Reform laquo le prince cherche agrave qui est cette pantoufle raquo DETsubst(lagtle) + pantoufle DETom(la) + ville

Annexe H-528

les particules de discours (en caractegraveres italiques dans les corpus) qui srsquoagglutinent en marge des constructions peuvent aider agrave repeacuterer les frontiegraveres entre laquo uniteacutes phrastiques raquo autonomes assez clairement Nous les prenons en consideacuteration le plus possible mecircme si au final lrsquoeacutenonceacute segmenteacute obtenu est tregraves reacuteduit (un syntagme isoleacute par exemple en caractegraveres gras) surtout pour le cas des corpus agrammatiques

54 SB_agr1 en-plus euh hum en-fait euh (3) a- en en-fait a- apregraves euh (3) orthophonistes

1 DETom(les)

55 SB_agr1 et m- euh tout seul ADVmod(tout)

Annexe H-521

drsquoautre part une pause mecircme jugeacutee assez longue (plus de 3 secondes) nrsquoest pas forceacutement envisageacutee comme une interruption de la structuration de lrsquoeacutenonceacute (agrave moins que lrsquoeacutenonceacute soit abandonneacute) Lrsquoeacutenonceacute est noteacute sur une seule ligne si lrsquoon considegravere qursquoil y a continuation de la structure produite comme dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous ougrave la structure est comme suspendue pendant 6 secondes

59 SB_agr1 donc euh jrsquoai euh (6) hum amis DETom(les) ou (mes) ou (des)

Annexe H-521

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

163

Selon le protocole original les critegraveres seacutemantiques qui pourraient aider agrave prendre une deacutecision sur la frontiegravere agrave fixer entre eacutenonceacutes sont agrave utiliser avec parcimonie Dans le doute par convention la segmentation est opeacutereacutee plutocirct en eacutenonceacutes courts qursquoen eacutenonceacutes longs

Compareacute au discours pathologique la transcription et la segmentation des productions controcircles nous ont paru des plus faciles agrave reacutealiser Ces derniegraveres ne preacutesentaient que de tregraves rares ambiguumliteacutes tregraves facilement reacutesolues Drsquoautre part les indices prosodiques qui caracteacuterisent le discours ordinaire non aphasique ne sont pas applicables lorsqursquoil srsquoagit de segmenter le discours continu pathologique En effet en cas de trouble aphasique la prosodie peut srsquoaveacuterer tregraves peu transparente du fait des perturbations Crsquoest pourquoi les indices laquo classiques raquo ne sont pas applicables en tant que tels et qursquoil faut se deacutepartir de nos habitudes drsquoeacutecoute de la parole ordinaire pour mieux percevoir la complexiteacute du parler agrammatique Crsquoest pourquoi la segmentation du discours agrammatique peut srsquoaveacuterer tregraves difficile agrave reacutealiser Avec un deacutebit tregraves lent et haletant chez lrsquoagrammatique certaines intonations sont souvent ambiguumles crsquoest-agrave-dire qursquoelles nrsquoindiquent pas clairement une fin drsquouniteacute phrastique

Les interruptions dues aux constructions de phrases avorteacutees (pouvant se traduire par des pauses tregraves longues pouvant aller jusqursquoagrave 10 ou plusieurs dizaines de secondes) les multiples tentatives de reformulations les eacutechecs de reformulations ou les recherches lexicales parfois infructueuses perturbent la meacutelodie et le rythme de la langue Drsquoautre part les interruptions et les pauses peuvent eacutegalement ecirctre des indices de strateacutegies lieacutees par exemple agrave des proceacutedures drsquoautocorrections silencieuses ou mecircme de planification de la seacutequence agrave produire En effet elles dissimulent probablement ce que KOLK appelle covert-repairs crsquoest-agrave-dire des reacuteparations silencieuses (voir au point 2433(a) p 65)110

49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives

491 Principes 3 niveaux de transcription 3 niveaux de lecture et 3 niveaux de traitement des corpus oraux

Dans le protocole original QPA toutes les cotations drsquooccurrences de mots et de structures syntaxiques sont opeacutereacutees agrave partir de ce que les concepteurs du protocole appellent laquo mots

110 Tel que les corpus agrammatiques ont eacuteteacute enregistreacutes et codeacutes une description plus fine de la prosodie pourrait probablement ecirctre reacutealiseacutee en compleacutement Outre les informations que ce type drsquoeacutetude pourrait apporter agrave une meilleure description du parler agrammatique certaines intonations et une accentuation particuliegravere pourraient aussi renseigner sur la structuration strateacutegique pragmatique du discours de sa hieacuterarchie et ce en vue drsquoune ameacutelioration de lrsquointelligibiliteacute (comme par exemple la mise en focus drsquoun eacuteleacutement par une forte accentuation ou justement le marquage de frontiegraveres prosodiques entre uniteacutes propositionnelles)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

164

narratifs raquo (Narrative Words)111 Pour deacutesigner cette cateacutegorie drsquoobservables extraits des donneacutees transcrites nous utiliserons systeacutematiquement lrsquoexpression laquo mots extraits raquo112 (Mots ext) car elle nous semble plus geacuteneacuteralisable aux diffeacuterents types de corpus auxquels nous avons affaire les corpus de discours continu segmenteacute (tacircches 1 2 et 3) et les corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4) Ainsi entre les termes laquo mots narratifs raquo et laquo mots extraits raquo nous utiliserons ce dernier car il ne reacuteduit pas la nature des diffeacuterents corpus que nous avons construits au seul caractegravere laquo narratif raquo

Les mots extraits reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes Dans la typographie des corpus oraux ces mots apparaissent en caractegraveres gras Ils peuvent donc ecirctre visuellement diffeacuterencieacutes des autres mots qui apparaissent laquo en marge raquo de la structuration interne crsquoest-agrave-dire des particules discursives (qui apparaissent en caractegraveres italiques) des scories de lrsquooral des traces de disfluences de certaines interjections et drsquoonomatopeacutees (qui apparaissent en caractegraveres normaux)

Ainsi dans les eacutenonceacutes suivants (1 et 16) les mots extraits sont donc laquo jrsquoai tregraves longtemps mal au dos raquo et laquo le loup il va faire raquo

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

laquo au raquo=agrave+le

Annexe H-519

16 PB_agr2a et euh le loup il va faire euh teu-toc-toc Onom(teu-toc-toc)

Annexe H-551

En reacutesumeacute la mise en forme des corpus laisse transparaicirctre 3 niveaux de transcriptions qui correspondent donc agrave 3 niveaux de lecture pour les mecircmes donneacutees verbales et par conseacutequent agrave trois plans diffeacuterents de traitement de donneacutees

(1) les mots extraits (en caractegraveres gras) ils reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes produits crsquoest-agrave-dire le niveau phrastique drsquointeacutegration syntaxique des uniteacutes linguistiques

(2) les particules de discours (en caractegraveres italiques) elles reflegravetent la structuration du discours en assurant lrsquoinitiation la clocircture et la connection entre uniteacutes discursives segmenteacutees ou en leur assignant une attitude subjective

(3) les scories et particulariteacutes de lrsquooral (en caractegraveres normaux) elles correspondent aux proprieacuteteacutes speacutecifiques de lrsquooraliteacute (reacutepeacutetitions amorces onomatopeacutees interjections segments de modalisation etchellip)

111 laquo Narrative words raquo dans le protocole original car il srsquoagit drsquoeacutetudier seulement des reacutecits narratifs (des contes) et non du discours plus spontaneacute comme lrsquohistoire de la maladie ou plus controcircleacute comme les histoires agrave partir de seacutequences drsquoimages 112 Tous les termes utiliseacutes dans le protocole original en anglais sont traduits et adapteacutes au franccedilais par nos soins

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

165

Voici pour lrsquoeacutenonceacute 1 preacuteciteacute les trois niveaux ainsi deacutefinis

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos Annexe H-519

Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux

Cette distinction entre trois plans de traitement de donneacutees est drsquoabord meacutethodologique En effet lrsquoorganisation du discours doit selon nous srsquoenvisager dans un continuum Mais il nous a fallu quand mecircme appliquer une meacutethode drsquoextraction des observables qui puisse rendre possible les analyses structurales Cette meacutethode de preacute-traitement des donneacutees orales est influenceacutee par notre intuition linguistique et les trois plans que nous avons deacutefinis ne sont pas exclusifs les uns par rapport aux autres Ils sont inteacutegreacutes au sein du discours Crsquoest pourquoi mecircme si nous nous sommes efforceacutee de dissocier ces trois plans le mieux possible lors des preacute-traitements il nous a eacuteteacute parfois difficile de deacutecider si un morphegraveme devait ecirctre consideacutereacute sur le plan du micro-discours ou sur le plan du macro-discours (dans le discours agrammatique et ordinaire)

492 Seacutelection des laquo mots extraits raquo objectif et proceacutedure

4921 Objectif

La seacutelection des mots extraits est reacutealiseacutee avec le souci premier de refleacuteter au mieux la structuration morpho-syntaxique des eacutenonceacutes La proceacutedure drsquoextraction de ces mots permet de fournir un eacutetat de la structuration interne des eacutenonceacutes tout en mettant en arriegravere plan les

3 ndash euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

2 ndash donc en-fait jrsquoai tregraves longtemps mal au dos

1 ndash jrsquoai tregraves longtemps mal au dos

3 ndash Disfluences heacutesitations pauses modalisations interjections etchellip (plan de lrsquoeacutenonciation et de lrsquooraliteacute)

2 ndash Particules de discours (plan macro-discursif)

1 ndash Mots extraits (plan micro-discursif de lrsquoorganisation interne phrastique)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

166

pheacutenomegravenes drsquoheacutesitations les difficulteacutes sur un mot ou sur une structure morpho-syntaxique les commentaires meacutetalinguistiques les scories de lrsquooral les particules discursives etc

Ainsi mis au premier plan les mots extraits qui reflegravetent drsquoembleacutee lrsquoorganisation morpho-syntaxique des eacutenonceacutes segmenteacutes ne sont pas noyeacutes parmi les laquo bruits raquo de lrsquooral (heacutesitations amorces commentaires etchellip) Drsquoautant que ces pheacutenomegravenes de disfluence sont beaucoup plus caracteacuteristiques des corpus patholinguistiques compareacute aux corpus controcircles En effet la proportion de mots extraits par rapport au nombre total de mots produits est au final beaucoup plus eacuteleveacutee dans les corpus controcircles que dans les corpus agrammatiques (voir au point 6111 p 227)

Par ailleurs la lisibiliteacute des eacutenonceacutes produits est ameacutelioreacutee gracircce agrave la mise en gras des mots extraits drsquoune part et la mise en caractegraveres italiques des particules de discours drsquoautre part Les particules de discours laquo gravitent raquo autour des mots extraits et participent agrave lrsquoorganisation macro-discursive Agrave ces derniegraveres comme nous le verrons plus en deacutetail dans la suite (au point 4925 p 169 ci-apregraves) il sera appliqueacute un traitement particulier

La seacutelection des observables laquo mots extraits raquo agrave prendre en compte en vue de la plupart des analyses structurales ulteacuterieures est reacutealiseacutee par inclusion et exclusion de certains segments de discours ce que nous explicitons ci-apregraves

4922 Exclusion des remplisseurs heacutesitations reacutepeacutetitions amorces interjections onomatopeacutees perseacuteveacuterations

Les remplisseurs (par exemple euh hum ben etc voir dans lrsquoexemple ci-dessous) qui peuvent apparaicirctre agrave nrsquoimporte quel endroit dans lrsquoeacutenonceacute produit sont exclus de la cateacutegorie des mots extraits Drsquoailleurs ces pheacutenomegravenes de disfluence ne sont pas pris en compte dans les cotations ulteacuterieures de mots produits au total Toutefois ils sont tous noteacutes le plus rigoureusement possible dans les transcriptions Les faux deacuteparts et amorces de mots ou de syntagmes noteacutes avec un tiret sont exclus de la mecircme maniegravere Dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous

(eacutenonceacute 3) le remplisseur hum lrsquoamorce er- et les termes [ɛRdi] discales ne sont pas inclus

dans la cateacutegorie des mots extraits

3 SB_agr1 et hum (2) er- [ɛRdi] discales deux hernies discales

Deformphon(herniesgt[ɛRdi]) avec Autocor+ Liaison reacutealiseacutee (deux [z]+hernies)

Annexe H-519

En cas de reacutepeacutetition crsquoest la meilleure tentative qui est retenue dans la cateacutegorie des mots extrait Dans lrsquoexemple preacuteciteacute crsquoest donc la deuxiegraveme tentative de formulation de deux hernies discales que lrsquoon considegravere comme mots extraits Par contre les reacutepeacutetitions agrave valeur stylistique dans une figure drsquoinsistance par exemple sont comptabiliseacutees comme mots extraits jusqursquoagrave trois uniteacutes

61 PC_agr1 oui bien-sucircr eacutelectronique eacutelectronique Repet figure de style laquo diplocircme et carriegravere prof essentiellement centreacutee sur ce domaine raquo

Annexe H-433

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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133 PC_agr1 et hum (3) preacutecis hein preacutecis preacutecis preacutecis hein Repet figure de style

Annexe H-440

7 MC_agr1 et trois fois pouf par terre pouf par terre pouf par terre

laquo trois fois pouf raquo accentueacute intonation montante Repet agrave valeur stylistique aspect iteacuteratif Onom(pouf)

Annexe H-491

Drsquoautre part les interjections constituent une classe tregraves heacuteteacuterogegravene appartenant agrave diffeacuterentes classes grammaticales (RIEGEL 1994 462-464) Elles peuvent ecirctre des onomatopeacutees (ah hein aiumle chut psst ouf pouf dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessus etchellip) ou des mots issus du lexique conventionnel Noms (pardon bonjour attention dommage ciel bonjour adieu mon Dieu miracle silence etchellip) Verbes (voyons allons tiens tenez dites dis donc etchellip) Adjectifs (parfait dur facile etchellip) ou Adverbes (alors bien bon comment etchellip) Elles srsquoaccompagnent souvent drsquoune accentuation forte et drsquoune prosodie particuliegravere (exclamation ou interrogation)

Lorsqursquoune interjection est un mot du lexique conventionnel et qursquoelle fait partie des segments de reacutecit (cela est assez rare dans les corpus) elle est prise en compte dans la cateacutegorie des mots extraits Dans lrsquoexemple suivant il srsquoagit de laquo tiens raquo

17 SB_agr2a euh le chaperon rouge laquo ti- euh laquo tiens les (2) les oreilles grandes oreilles raquo

Interj(tiens) Mots ext

Annexe H-526

Par contre les onomatopeacutees ne sont jamais consideacutereacutees comme mots extraits telles que laquo tac tac tac lalala raquo dans lrsquoeacutenonceacute suivant

7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala

2 Onom(tac-tac-taclalala)

Annexe H-444

4923 Exclusion des neacuteologismes eacutecholalies perseacuteveacuterations commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs

Les neacuteologismes ininterpreacutetables pour le transcripteur sont exclus des mots extraits Les neacuteologismes ou mots deacuteformeacutes qui sont interpreacutetables peuvent par contre ecirctre retenus comme mots extraits comme gueutiner dans lrsquoexemple suivant

22 SB_agr1 je p- euh (3) [geoslashtine] gueutiner euh m- manger par-exemple non

Deformphonneacuteologie(deacuteglutirgtgueutiner) (le verbe en -ir est deacuteformeacute en verbe en -er) laquo je ne pouvais pas deacuteglutir raquo ADVmod(non) ADVdisc(par-exemple)

Annexe H-520

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

168

Les pheacutenomegravenes drsquoeacutecholalies crsquoest-agrave-dire lorsque le sujet ne peut reacuteprimer une redite drsquoun mot ou drsquoun segment de mots prononceacute par lrsquoexpeacuterimentatrice sont exclus Crsquoest pourquoi dans lrsquoeacutenonceacute 71 ci-dessous le segment non tek- teacuteleacute nrsquoest pas consideacutereacute en tant que segment de mots extraits

exp au service technique TEK crsquoest ccedila technique non teacuteleacute

-6sec

71 PC_agr1 non tek- teacuteleacute mais lagrave quit- euh quitter quitter et hum Echol

Annexe H-434

Les pheacutenomegravenes de perseacuteveacuterations crsquoest-agrave-dire lorsqursquoun mot ou un segment de mots est reacutepeacuteteacute de maniegravere involontaire et irreacutepressible sont eacutegalement exclus comme la promotion dans lrsquoexemple suivant

exp vous avez eu une promotion laquo -5sec

PC_agr1 oui oui promotion oui oui

81 PC_agr1 alors hum promotion direct- non non directeur non non

Persev(promotion)

Annexe H-434

4924 Exclusion des commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs

Les segments de commentaires ou eacutenonceacutes modalisateurs crsquoest-agrave-dire de tout ce qui nrsquoest pas laquo reacutefeacuterentiel raquo au sens de NESPOULOUS (1980)113 ne sont pas retenus qursquoils correspondent agrave un eacutenonceacute segmenteacute autonome agrave une incise agrave lrsquointeacuterieur drsquoun eacutenonceacute ou agrave un segment de mots De la sorte ce qui relegraveve du niveau intradieacutegeacutetique dans le reacutecit114 est retenu en tant que laquo mots extraits raquo pour les mesures structurales

Dans les corpus les segments de type crsquoest ccedila oui crsquoest sucircr non crsquoest pas ccedila ouinon non pas ccedila en franccedilais ccedila je sais pas enfin crsquoest bon etchellip ont le statut de modalisateurs crsquoest-agrave-dire qursquoils confegraverent une attitude subjective sous forme de commentaires explicites sur le discours qui a eacuteteacute produit

En voici des exemples (le segment exclu est en caractegraveres barreacutes)

12 SB_agr3-MJ07 endommager le journal

SB_agr3-MJ07 oui crsquoest ccedila en-fait pas terrible quand-mecircme -2sec

Annexe H-534

10 SB_agr3-MJ08 et donc crsquoest crsquoest crsquoest mieux laquo les personnages eacuteconomisent leur force partagent lrsquoeffort crsquoest mieux raquo

SB_agr3-MJ08 mais enfin je sais pas-du-tout en-fait mais enfin bon crsquoest bon ou non

le locuteur critique la situation de lrsquoimage ce nrsquoest pas rentable drsquoun point de vue meacutecanique

Annexe H-534

113 Sur la dissociation entre discours reacutefeacuterentiel et modalisateur voir NESPOULOUS (1980) 114 Le locuteur est le narrateur Il retrace le cours des eacutevegravenements lrsquoeacutevolution des personnages dans un univers distancieacute du laquo ici et maintenant raquo (la deixis srsquoarticule dans les formes discursives plutocirct autour du laquo ailleurs agrave un autre moment raquo On se trouve au niveau dieacutegeacutetique ou intradieacutegeacutetique Lrsquoextradieacutegegravese correspond agrave lrsquoinverse aux moments ougrave le narrateur commente et juge son propos

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

169

Ce faisant les mots employeacutes en guise de commentaires ou incises drsquoordre meacutetalinguistique sont pris en compte parmi le total de mots produits si lrsquoeacutenonceacute segmenteacute fait partie du corpus de donneacutees agrave analyser lorsque lrsquoeacutenonceacute est numeacuteroteacute et mis en eacutevidence par une couleur dans les feuilles de travail

4925 Traitement particulier des particules de discours conjonctions et adverbes agrave valeur discursive

(a) Les connecteurs de discours dans lrsquoagrammatisme

En conclusion drsquoune eacutetude reacutealiseacutee pour 14 langues (CLAS Project voir au point 2352 p 48) agrave propos des conjonctions que lrsquoont peut relever dans les corpus de discours continu chez lrsquoagrammatique MENN et OBLER (1990 1377) font remarquer ceci

laquo Certains morphegravemes grammaticaux libres notamment les conjonctions laquo additives raquo en position initiale (et et alors et puis) et les particules de fin de phrases en japonais eacutetaient utiliseacutes tregraves freacutequemment ndash et mecircme avec excegraves pour les conjonctions Ces morphegravemes grammaticaux utiliseacutes de maniegravere preacutefeacuterentielle et geacutereacutes au niveau du discours nrsquoont pas agrave ecirctre inteacutegreacutes pour la structuration de la proposition raquo115

Selon ces auteures les donneacutees montrent une tendance geacuteneacuterale au suremploi de certains laquo morphegravemes non lexicaux optionnels raquo116 tels que

(a) les remplisseurs et interjections (bien ben tu sais quoi etchellip)

(b) les conjonctions en position initiale de la proposition (et et alors)

(c) en japonais les particules de fin de phrase et en fin de discours

Pour elles les particules qursquoon trouve en japonais se retrouvent en marge de la proposition (au deacutebut ou agrave la fin) tout comme celles qursquoon trouve en anglais ou en franccedilais Ce type de particules discursives ne neacutecessite pas de computation syntaxique pour leur inteacutegration dans la matrice syntaxique de la proposition

Elles opegraverent donc une distinction entre (1) les particules conjonctives optionnelles ou additives de type laquo remplisseurs raquo (fillers) et laquo de deacutebut ou fin drsquoeacutenonceacutes raquo (sentence-initial or final) drsquoune part et drsquoautre part (2) les conjonctions qui neacutecessitent un traitement syntaxique particulier pour ecirctre placeacutees de maniegravere adeacutequate agrave lrsquointeacuterieur de la chaicircne syntagmatique Nos propres observations117 agrave partir des corpus agrammatiques que nous 115 Notre propre traduction laquo Certain free grammatical morphemes notably clause-initial ldquoadditiverdquo conjonctions (ldquoandrdquo ldquoand thenrdquo ldquoand sordquo) and Japanese sentence final-particles were used quite heavily ndash the conjonctions even excessivily These favored grammatical morphemes are ones which are discourse-controlled and do not have to be integrated into the clause structure raquo 116 Ces particules ne sont ni des mots grammaticaux en tant que tels ni des mots lexicaux drsquoougrave le terme laquo morphegravemes non lexicaux raquo 117 Ce type de morphegravemes agrave valeurs multiples nous a poseacute problegraveme lorsqursquoil fallait deacutefinir des critegraveres objectifs drsquoidentification et de distinction Pour NESPOULOUS (communication personnelle 2006) laquo il

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

170

avons collecteacutes corroborent cette ideacutee Il semble en effet que ce que MENN et OBLER (1990) appellent laquo morphegravemes non lexicaux optionnels raquo soient en fait des particules de discours qui gravitent en marge de la structuration interne ou laquo phrastique raquo de lrsquoeacutenonceacute produit

Il faut tout de mecircme preacuteciser que drsquoapregraves les distinctions entre cateacutegories morpho-lexicales classiquement eacutetablies par nos grammaires traditionnelles pour le franccedilais les particules que lrsquoon peut trouver en marge de la structuration syntaxique des propositions ne sont pas seulement des conjonctions (telles que et donc mais etchellip) car nombreux sont les cas ougrave des adverbes (tels que puis alors apregraves voilagrave etc) viennent initier clore ou connecter des eacutenonceacutes entre eux Par ailleurs il peut srsquoagir aussi freacutequemment de locutions conjonctives ou adverbiales figeacutees (telles que crsquo-est-agrave-dire en-mecircme-temps en-fait par-exemple etchellip)

En reacutesumeacute les laquo particules agrave valeur discursive raquo qui sont utiliseacutees avec beaucoup de liberteacute agrave lrsquooral seront traiteacutees agrave part dans les analyses quantitatives

En franccedilais elles apparaissent le plus souvent en position initiale de lrsquoeacutenonceacute (starters) mais peuvent apparaicirctre aussi en position intermeacutediaire ou finale Ces particules correspondent au laquo deuxiegraveme niveau de transcription raquo (crsquoest-agrave-dire du niveau macro-discursif voir le Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux p 165)

Au sein des corpus oraux les particules de discours sont noteacutees en caractegraveres italiques En effet elles seront releveacutees dans les cateacutegories speacutecifiques CONJdisc et ADVdisc

Dans les exemples ci-apregraves il srsquoagit des particules alors et et donc

7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala

2 Onom(tac-tac-taclalala)

Annexe H-444

10 SB_agr3-MJ08 et donc crsquoest crsquoest crsquoest mieux laquo les personnages eacuteconomisent leur force partagent lrsquoeffort crsquoest mieux raquo

Annexe H-534

(b) Critegraveres drsquoinclusion des conjonctions agrave valeur syntaxique

Les laquo conjonctions agrave valeur syntaxique raquo sont contraintes par la structure de lrsquoeacutenonceacute si celui-ci preacutesente une coordination ou une subordination syntaxique formelle crsquoest-agrave-dire qursquoune conjonction est preacutesente pour coordonner deux propositions ou en guise de subordonnant comme et ou parce que dans les eacutenonceacutes suivants

4 SB_agr1 en-fait euh euh euh hum (4) lombaires (2) et tecirctes geste montre dos

Annexe H-519

102 SB_agr1 lyceacutee jrsquoheacute- jrsquoheacutesite parce-que de-toute-faccedilon en en collegravege toujours euh speacutecialiste euh agrave collegravege

DETom(le) amalgame incomplet laquo au raquo CONJsynt(parce-que)

Annexe H-523

convient de bien diffeacuterencier les laquo constituants formels ou structuraux raquo et les laquo fonctions raquo de ces derniers Un mecircme item (ex donc ou et) peut assumer diverses fonctions et laphasie peut affecter lune et non lautre raquo

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Comme elles sont prises en compte parmi les mots extraits les conjonctions agrave valeur syntaxique apparaissent en caractegraveres gras Il faut bien les distinguer des particules et connecteurs discursifs qui eux apparaissent en caractegraveres italiques (voir au point (a) preacuteceacutedent)

410 Corpus collecteacutes et mis en forme

4101 Application du protocole original QPA agrave drsquoautres types de tacircches de production

Selon le protocole original les mesures sont appliqueacutees exclusivement agrave des corpus de discours narratif (un conte voire deux contes) En outre pour BERNDT (2005)

laquo Lrsquoanalyse quantitative de la production peut ecirctre appliqueacutee agrave nrsquoimporte quel eacutechantillon (assez long) tant qursquoon a une ideacutee de ce que le patient essaie de veacutehiculer comme information raquo118

Ainsi nous avons appliqueacute le mecircme protocole de formalisation et drsquoanalyse de donneacutees linguistiques agrave drsquoautres types de tacircches de production telles que la production de discours spontaneacute autobiographique (tacircche 1) la narration drsquohistoires inconnues du locuteur drsquoapregraves un set drsquoimages (tacircche 3) ou la production de phrases isoleacutees agrave partir drsquoimages (tacircche 4) en plus de la tacircche classique de narration drsquoun conte connu (tacircche 2)

Les corpus de discours obtenus ont eacuteteacute formaliseacutes selon des principes de segmentation et drsquoextraction drsquoobservables adapteacutes au franccedilais tout en respectant les principes guides du protocole original

118 Notre propre traduction communication personnelle de BERNDT (2005) Qursquoelle soit remercieacutee ici de nous avoir fourni les outils neacutecessaires afin de pouvoir adapter et utiliser le protocole

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1 Protocole QPA original (SAFFRAN et al 1989 BERNDT et al 2000 ROCHON et al 2000) 1 tacircche Discours continu narration de 1 ou 2 contes

2 Protocole QPA adapteacute 4 tacircches Tacircche 1 - discours continu spontaneacute reacutecit de la maladie voyage entretien semi-guideacute Discours narratif autobiographique Tacircche 2 - discours continu narration de 2 contes (PCR et Cendrillon) Discours narratif (il est demandeacute drsquoembleacutee au sujet de raconter 2 contes pour la tacircche de production de discours narratif) Tacircche 3 - discours continu narration de 7 histoires ineacutedites agrave partir drsquoimages Discours narratif descriptif (set de 4 images par histoires) 12 histoires raconteacutees dont 7 histoires retenues Tacircche 4 - phrases isoleacutees production de structures agrave partir drsquoimages 60 structures cibles

Tableau 12 Tacircches et types de donneacutees collecteacutees (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute au franccedilais et agrave drsquoautres tacircches de production)

4102 Adaptations du protocole original QPA nature et quantiteacute de donneacutees analyseacutees

Selon le protocole original QPA le nombre de mots narratifs doit ecirctre au minimum de 150 mots par corpus agrave analyser Cette quantiteacute nous semble assez faible crsquoest pourquoi nous avons deacutecideacute de construire des corpus plus abondants

Ainsi concernant la tacircche de production de discours spontaneacute (tacircche 1) et pour tous les participants il srsquoagit drsquoobtenir au minimum entre 300 et 800 mots produits parmi lesquels 250 agrave 500 mots extraits Que ce soit pour les locuteurs aphasiques ou controcircles nous nous en sommes tenue strictement agrave ces intervalles de nombre de mots produits au total et de mots extraits

Concernant les autres tacircches (2 3 et 4) nous nrsquoavons pas fixeacute drsquointervalle Tout ce qui concerne la narration drsquohistoires et la production de phrases agrave partir drsquoimages est transcrit mis en forme et analyseacutes

Comme pour le protocole original les informations sur les caracteacuteristiques des corpus construits (nombre de mots produits extraits dureacutee de parole effective) apparaissent

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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clairement sur les feuilles de reacutesultats Ainsi le lecteur peut se faire une ideacutee assez preacutecise de la quantiteacute de mots soumis agrave lrsquoanalyse pour chaque participant agrammatiques et controcircles et pour chaque tacircche

Le tableau ci-dessous (Tableau 13) preacutesente les adaptations reacutealiseacutees par nos soins et jugeacutees adeacutequates suivant le type de tacircche et la quantiteacute de donneacutees agrave analyser

CORPUS APHASIQUES et CONTROcircLES 2 Protocole drsquoAnalyse Quantitative adapteacute - 4 tacircches - adapteacute par nos soins au franccedilais - ajouts de certaines mesures quantitatives comme la mesure de lrsquoemploi des particules de discours de conjonctions syntaxiques drsquoadverbes modifieurs et de preacutepositions - modifications de certaines mesures pour ameacuteliorer la comparabiliteacute des reacutesultats entre corpus

1 Protocole drsquoAnalyse Quantitative original - 1 tacircche de narration de conte (1 ou 2) =gt au moins 150 mots extraits (+- 10 mots) Si le nombre de mots narratifs ou mots extraits est au final infeacuterieur agrave 150 mots alors il est demandeacute au locuteur de raconter un deuxiegraveme voire un troisiegraveme conte

Tacircche 1 - discours continu spontaneacute reacutecit de la maladie voyage entretien semi-guideacute =gt entre [300 et 800] mots produits sont transcrits dont [250 agrave 500] mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 2 - discours continu narration de 2 contes (PCR et Cendrillon) =gt tous les mots produits sont transcrits et tous les mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 3 - discours continu narration de 7 histoires ineacutedites agrave partir drsquoimages =gt tous les mots produits sont transcrits et tous les mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 4 - phrases isoleacutees production de structures agrave partir drsquoimages 60 structures cibles =gt toutes les phrases produites sont transcrites seuls les mots extraits sont pris en compte dans les analyses

Tableau 13 Nature et quantiteacute de donneacutees verbales (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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En reacutesumeacute compareacute au protocole original qui preacutevoit au minimum drsquoobtenir 150 mots extraits pour les analyses nous avons choisi de collecter une quantiteacute plus abondante de donneacutees

4103 Particulariteacutes de la mise en forme concernant les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

La transcription et la mise en forme des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) srsquoavegraverent plus aiseacutees que pour les corpus de production de discours continu (tacircches 1 2 et 3) En effet la question de la segmentation du discours continu ne se pose plus Comme nous avons affaire agrave des corpus de phrases isoleacutees lrsquoattention est centreacutee sur les phrases cibles agrave produire Pour chaque phrase cible proposeacutee aux participants agrammatiques il y a bien sucircr de nombreuses reformulations et autocorrections Il ne srsquoagit pas de prendre en compte toutes les tentatives de formulations lieacutees agrave une structure cible proposeacutee (pouvant parfois ecirctre tregraves nombreuses) mais bien seulement la meilleure formulation obtenue parmi les multiples tentatives

Les conventions de transcription adopteacutees sont les mecircmes que celles appliqueacutees au discours continu Tout est transcrit (pauses heacutesitations disfluences reacutepeacutetitions deacuteformations phoneacutemiques reformulations etchellip)

En reacutesumeacute tout ce qui est transcrit nrsquoest pas pris en compte pour les analyses structurales La seacutelection des observables pertinents les mots extraits en caractegraveres gras respectent les principes suivants

parmi les reformulations et les autocorrections la meilleure tentative de formulation de phrase est retenue Quoiqursquoil en soit les multiples tentatives et reformulations qui concernent une mecircme phrase cible agrave produire pourront ecirctre les indices de certaines proceacutedures de formulation strateacutegiques

les facilitations fournies par lrsquoexpeacuterimentatrice sont rigoureusement noteacutees Quand une facilitation est fournie crsquoest que nous avions jugeacute que le locuteur ne parvenait pas agrave formuler de construction ou alors avait grand peine agrave le faire Lorsque le locuteur exploite la facilitation fournie lrsquoeacutenonceacute alors produit nrsquoest donc pas pris en compte srsquoil a trop influenceacute la formulation

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

175

411 Conclusion

Le protocole expeacuterimental comporte trois variables indeacutependantes croiseacutees avec emboicirctement

S15 =gt 1 facteur laquo sujets raquo 15 locuteurs

A2 =gt 1 facteur laquo eacutetats neurologiques raquo 2 groupes avec les eacutetiquettes laquo agrammatique raquo

vs laquo controcircle raquo assigneacutees agrave chaque locuteur

T4 =gt 1 facteur laquo tacircches ou situations raquo 4 tacircches de production orale ou 4 conditions

expeacuterimentales (4 tacircches de production agrave degreacutes de contraintes variables)

S 15 (A 2) T 4

Au final notre corpus a eacuteteacute construit drsquoapregraves 60 conditions expeacuterimentales repreacutesenteacutees par le tableau suivant (Tableau 14)

Codes locuteurs Codes tacircches Nombre de Corpus 1 PC_agr 1 2(ab) 3 4 2 BR_agr 1 2(ab) 3 4 3 MC_agr 1 2(ab) 3 4 4 SB_agr 1 2(ab) 3 4 5 PB_agr 1 2(ab) 3 4

Groupe agrammatique N=6

6 TH_agr 1 2(ab) 3 4

24

1 FX_contr 1 2(ab) 3 4 2 GG_contr 1 2(ab) 3 4 3 GBis_contr 1 2(ab) 3 4 4 GB_contr 1 2(ab) 3 4 5 LL_contr 1 2(ab) 3 4 6 LMan_contr 1 2(ab) 3 4 7 EB_contr 1 2(ab) 3 4 8 MF_contr 1 2(ab) 3 4

Groupe controcircle N=9

9 MM_contr 1 2(ab) 3 4

36

Total 15 locuteurs 4 tacircches 60 corpus

Tableau 14 Protocole de recueil de donneacutees (reacutesumeacute) locuteurs tacircches corpus

Les corpus de discours continu (tacircches 1 2 et 3) sont segmenteacutes et mis en forme suivant les critegraveres preacutesenteacutes tout au long de ce chapitre 4

Lrsquoenjeu drsquoune telle formalisation revient agrave construire un corpus de donneacutees observables refleacutetant fidegravelement en fonction de nos objectifs la performance effective du locuteur aphasique Lrsquointeacuterecirct eacutetant porteacute sur la structuration morpho-syntaxique le laquo nettoyage des

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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donneacutees brutes raquo leur segmentation et leur mise en forme constituent une eacutetape de preacute-traitement essentielle en vue des traitements quantitatifs appliqueacutes par la suite

Voici un extrait drsquoune feuille de travail crsquoest-agrave-dire drsquoun corpus de donneacutees orales transcrites et mises en forme

exp crsquoest bon racontez-moi le PCR

SB_agr2a normalement je connais (rires) normalement mais euh en fait euh euh rappeler comme ccedila comme ccedila comme ccedila ou euh r- raconter

exp raconter lagrave crsquoest vraiment juste pour se remettre lrsquohistoire en tecircte (images)

1 SB_agr2a donc hum (3) la maman euh (6) vient vient non en-fait euh vient non

2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge

3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere

4 SB_agr2a euh (5) dans le panier alors je sais pas-du-tout du beurre non

SB_agr2a je sais pas crsquoest ccedila

SB_agr2a je je sais pas du tout

SB_agr2a bon pas grave de beu-

5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple

6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge

7 SB_agr2a et hum euh (7) a- euh a- a- euh aller euh aller [ld] dans la maison le [ʃp] le grand-megravere grand-megravere XX

8 SB_agr2a hum (3) le loup euh euh (13) n- s- frapper non oui frapper alors euh grand-megravere

9 SB_agr2a (6) la grand-megravere (5) en- entend le (2) le entend (2) ccedila srsquoappelle (6)

exp la chevi-

SB_agr2a che- che - vi- chevillette cherra

exp tire la chevillette non tire la bobinette et la chevillette cherra

10 SB_agr2a et donc euh euh l- le loup entrer dans la lrsquoa-ppartement enfin dans la maison et manger la grand-megravere

Annexe H-525

Tous les corpus transcrits et mis en forme sont fournis en Annexe H-428 agrave H-588 (corpus agrammatiques) et en Annexe I-635 agrave I-673 (corpus controcircles)

En outre les variables deacutependantes eacutetudieacutees toutes linguistiques sont deacutecrites en deacutetail ci-apregraves dans la partie 5 consacreacutee agrave la deacutemarche drsquoanalyse quantitative

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

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5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative

50 Introduction

501 Principes geacuteneacuteraux et objectifs

Comme nous lrsquoavions deacutejagrave signaleacute au point 4 le protocole drsquoanalyse quantitative que nous appliquons a eacuteteacute penseacute par SAFFRAN et al (1989)

Cette deacutemarche drsquoanalyse quantitative de la production orale vise agrave deacutecrire le discours aphasique en srsquoappuyant sur des critegraveres objectifs afin drsquoen deacutegager des variations quantitatives inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches En effet selon les contraintes imposeacutees par une situation de production verbale donneacutee (plus ou moins controcircleacutee plus ou moins limiteacutee temporellement plus ou moins spontaneacutee) on peut deacutegager des laquo styles raquo de comportements verbaux (plus ou moins fluents par exemple)

Bien eacutevidemment lrsquointerpreacutetation des diffeacuterentes mesures geacuteneacutereacutees drsquoapregraves des donneacutees aphasiques nrsquoest possible qursquoen les comparant avec des donneacutees issues de lrsquoeacutetude de la production verbale laquo non pathologique raquo pour une mecircme tacircche de production

Les objectifs de la proceacutedure drsquoanalyse quantitative se reacutesument ainsi

fournir des mesures objectives afin de comparer des variations drsquoemploi (variabiliteacutes inter-tacircchesintra-individu et intra-tacirccheinter-individus)

fournir des mesures objectives agrave partir drsquoune quantiteacute suffisante de donneacutees (corpus de plusieurs milliers de mots)

deacutecrire les aspects structuraux (morpho-lexicaux syntaxiques) du parler agrammatique ou non pathologique

eacutevaluer les capaciteacutes et incapaciteacutes drsquoencodage du lexique de la morphologie de la syntaxe chez les agrammatiques par rapport agrave un reacutefeacuterentiel constitueacute de locuteurs controcircles (parler non-pathologique)

La proceacutedure de comptage des mots est reacutealiseacutee suivant leur eacutetiquette morpho-grammaticale standard En plus des indications fournies dans le protocole original les ressources lexicographiques et grammaticales varieacutees119 nous ont aideacute agrave fixer ces critegraveres drsquoidentification des uniteacutes morphosyntaxiques que nous preacutesentons tout au long des pages qui suivent

119 Il srsquoagit du Treacutesor de la Langue Franccedilaise Informatiseacute (TLFi ATILF 2004) du dictionnaire Le Petit Robert de la Langue Franccedilaise (ROBERT et al 2006) et les ouvrages de grammaire de RIEGEL et al (1994) et DENIS et SANCIER-CHATEAU (1994)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

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Certaines mesures que nous trouvions utiles agrave effectuer ont eacuteteacute ajouteacutees par rapport agrave la proceacutedure originale (notamment celles qui concernent les conjonctions les preacutepositions et les adverbes) Drsquoautre part sans en modifier les principes il nous a fallu revoir certaines mesures conccedilues pour lrsquoanglais afin de les adapter au franccedilais

Dans un premier temps (51 52 et 53 p 181-216) nous preacutesentons les instructions de notre protocole en deacutetail axeacutees sur les analyses de corpus de discours continu (tacircches 1 2 et 3)

Dans un deuxiegraveme temps (54 p 216) nous preacutesentons les ameacutenagements particuliers apporteacutes en vue des traitements appliqueacutes aux analyses de corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4)

502 Les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX

Les analyses quantitatives sont fondeacutees sur les trois grandes cateacutegories de variables linguistiques

les variables de corpus pour les analyses de mots produits mots extraits eacutenonceacutes segmenteacutes et deacutebit verbal

les variables morphologiques pour les analyses de morphegravemes lexicaux grammaticaux libres et de morphologie flexionnelle verbale

et les variables syntaxiques pour les analyses de structuration syntaxique des eacutenonceacutes

La subdivision entre ces trois types de variables linguistiques nrsquoest pas formuleacutee en tant que telle dans le protocole original QPA Par contre elle se rapproche deacutelibeacutereacutement de celle eacutetablie par KOLK (2006 voir au point 2433 p 65) qui se rapporte aux trois types de symptocircmes linguistiques lui permettant de deacutecrire le discours agrammatique le symptocircme de fluence verbale (rate symptom) le symptocircme morphologique (morphological symptom) et le symptocircme syntaxique (syntactic symptom)

Notons que pour la suite cette subdivision en variables CORPUS MORPH et SYNTAX permet drsquoobtenir une meilleure lisibiliteacute des nombreux reacutesultats quantitatifs obtenus

Lrsquoessentiel de ce qui va suivre consiste agrave deacutecrire drsquoune part les types de mesures reacutealiseacutees sur les corpus de donneacutees verbales crsquoest-agrave-dire la maniegravere dont nous avons proceacutedeacute pour le comptage des occurrences (en valeurs brutes) et drsquoautre part le calcul des variables qui leur sont associeacutees (variables associeacutees)

Pour la lecture de ce chapitre nous recommandons au lecteur de se reacutefeacuterer parallegravelement et pas agrave pas agrave la feuille de reacutesultats fournie en exemple ci-apregraves (voir p 180) ou mecircme agrave une des feuilles de reacutesultats fournies en Annexes (H-588-613 pour les donneacutees agrammatiques et I-673-686 pour les donneacutees controcircles)

Elle concerne le corpus du locuteur 1 PC_agr dans la tacircche de production 1 (en reacutecit autobiographique)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

179

Les feuilles de reacutesultat sont organiseacutees de la maniegravere suivante

les mesures en valeurs brutes sont reporteacutees dans la colonne de gauche et les mesures en valeur relatives (calculs drsquoindices et de proportions) dans la colonne de droite Par exemple la variable Mots produits (A voir dans la colonne de gauche) appartient agrave la cateacutegorie de variables CORPUS il srsquoagit du nombre de mots produits

il apparaicirct que le corpus oral de 1 PC_agr1 comprend au total 760 mots produits (valeur brute A) dont 299 mots extraits (valeur brute A1) pour 146 eacutenonceacutes segmenteacutes analyseacutes (valeur brute A2) et pour une dureacutee effective de parole de 20 mn et 12 secondes

drsquoapregraves les valeurs brutes ainsi speacutecifieacutees le calcul des variables CORPUS associeacutees (lignes coloreacutees dans la colonne de droite) est obtenu automatiquement Par exemple la proportion de mots extraits (A1) parmi le total des mots produits (A) est obtenu par le ratio A1 A ce qui correspond agrave 039 ou 39 (cela signifie que le poids des mots extraits dans ce corpus est de 39 )

De la mecircme maniegravere toutes les autres valeurs brutes et variables associeacutees relevant drsquoune des cateacutegories CORPUS MORPH et SYNTAX peuvent se lire directement sur les feuilles de reacutesultats individuelles

Preacutecisons que une fois qursquoun releveacute drsquooccurrences et une cotation sont reacutealiseacutes en valeur brute au moyen de la feuille de travail sur corpus ceux-ci sont reporteacutes automatiquement sur la feuille de reacutesultat

Nous fournissons en Annexe G-423 un modegravele de feuille de travail sur corpus complegravete (corpus oral transcrit) sur laquelle figurent les cotations effectueacutees gracircce au tableur Drsquoautre part sa feuille de reacutesultats associeacutee figure en Annexe G-424

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

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Part 1 PC_agrTacircche 1

Date 06072007Valeurs brutes Indices et proportions (variables associeacutees)

1 CORPUS Caracteacuteristiques du corpus

Dureacutee min 20 Prop Mots extprod 039sec 12 proportion de mots extraits Mots extMots prod A1A

Mots prod 760 (A) DEBIT Mots prod 3762 Mots ext 299 (A1) deacutebit verbal en mots produitsmn (A(min+sec)60)

DEBIT Mots ext 1480deacutebit verbal en mots extraitsmn (A1(min+sec)60))

E Seg 146 (A2) Long Moy E Seg(Mots prod) 500longueur moy des E Seg en mots produits Moy(Mots prodE Seg)Long Moy E Seg(Mots ext) 228longueur moy des E Seg en mots extraits Moy(Mots extE Seg)

2(a) MORPH-LEX (Structuration morpho-lexicale Lexical Content )

MCO 237 (B) Prop MCO 079 MCF 62 (B1) proportion de mots de classe ouverte MCOMots ext BA1 N 100 (C) Prop MCF 021

proportion de mots de classe fermeacutee (Mots ext-MCO)Mots ext (A1-B)A1 CONJ 35 (D) Prop CONJMots prod 005 CONJdisc 33 (D1) proportion de conjonctionsmots produits CONJMots prod DA CONJsynt 2 (D2) Prop CONJdisc 094

proportion de conjonctions discursives CONJdiscCONJ D1DProp CONJsynt 006proportion de conjonctions syntaxiques CONJsyntCONJ D2D

DET CO 61 (E) Indice DET 041 DET 25 (E1) indice demploi de deacuteterminants DETDET CO E1E

PRO 33 (F) Prop PRO 025proportion de pronoms PRO(PRO+N) F(C+F)

V 63 (G) Prop V(V+N) 039 VInfl 61 (G1) proportion de verbesverbes+noms V(V+N) G(C+G) V-FLEX 9 (G2) Prop VMCO 027

proportion de verbesmots de classe ouverte VMCO GBIndice V-FLEX 015indice demploi de verbes fleacutechis V-FLEXVInfl G2G1

PREP 1 (H) Prop PREPMots ext 000proportion de preacutepositionsmots extraits PREPMots ext HA1

ADV 136 (I) Prop ADVMots prod 018 ADVdisc 104 (I1) proportion dadverbesmots produits ADVMots prod IA ADVmod 32 (I2) Prop ADVdisc 076

proportion dadverbes discursifsadverbes ADVdiscADV I1IProp ADVmod 024proportion dadverbes modifieursadverbes ADVmodADV I2I

2(b) MORPH-V (Complexiteacute flexionnelle verbale Aux Complexity Index )

V-Matrices (Matrices verbales) 61 (J) Indice Compl MORPH-V-Matrices 064V-Points Morph 100 (J1) indice de complexiteacute morphologique des matrices verbales (J1J)-1

(V-Points MorphV-Matrices)-1

3 SYNTAX (Structuration syntaxique Structural Analysis )

E Ph 21 (K) Prop Mots ext(E Ph) 023 Mots ext(E Ph) 70 (L) proportion de mots composant les E Ph Mots ext(E Ph) LA1

Prop Mots ext(E Non-Can) 077 Mots ext(E Non-Can) 229 (M) proportion de mots composant les E Non-Can Mots ext(E Non-Can) MA1

Long Moy E Ph(Mots ext) 333longueur moy des eacutenonceacutes-phrases en mots extraits Moy(Mots extE Ph)

E Ph Gram 14 (N) Prop E Ph Gram 010proportion deacutenonceacutes-phrases grammaticaux E Ph GramE Seg NA2

SN-S 20 (O) Long Moy SN-S 115 Mots MCO+PRO(SN-S) 23 (P) longueur moyenne des SN-S en MCO+PRO Moy(MCO+PROSN) PO

Indice Elab SN-S 015 (a)indice deacutelaboration des SN-S Moy(MCO+PROSN)-1 (PO)-1

SV 20 (Q) Long Moy SV 190 Mots MCO+PRO(SV) 38 (R) longueur moyenne des SV en MCO+PRO Moy(MCO+PROSV) RQ

Indice Elab SV 090 (b)indice deacutelaboration des SV Moy(MCO+PROSV)-1 (RQ)-1Indice Elab E Ph 105indice deacutelaboration des E Ph (a+b)

SUB 0 (S) Prop SUB 000proportion de propositions subordonneacutees SUBE Seg SA2Variables suppleacutementaires ou modifieacutees par rapport au protocole original

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS

181

51 Les variables CORPUS

511 Valeurs brutes CORPUS

Les valeurs brutes CORPUS renseignent sur les caracteacuteristiques geacuteneacuterales des corpus il srsquoagit de la dureacutee du nombre de mots produits ( Mots prod) du nombre de mots extraits ( Mots ext) et du nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) En effet ces variables sont utiles pour eacutevaluer la quantiteacute effective de donneacutees collecteacutees et analyseacutees ceci afin de donner une ideacutee assez preacutecise des caracteacuteristiques de chaque corpus eacutetudieacute

5111 Dureacutee de lrsquoeacutechantillon (Duration of Narrative)120

La dureacutee effective de parole du locuteur est reporteacutee en minutes et secondes Il srsquoagira ensuite de calculer le deacutebit verbal

Les dureacutees correspondant aux interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice aux interruptions longues et aux intermegravedes sont exclues

Drsquoautre part il convient de ne retenir que les dureacutees de parole qui correspondent rigoureusement aux eacutenonceacutes pour lesquels on aura comptabiliseacute le nombre de mots afin de ne pas fausser la mesure du deacutebit verbal calculeacute ulteacuterieurement

5112 Nombre de MOTS PRODUITS Mots prod (A) (Complete Words Uttered)

(a) Comptage des mots produits

Les mots produits ( Mots prod) correspondent agrave tous les mots produits par le locuteur y compris les mots deacuteformeacutes mais interpreacutetables Dans les corpus le releveacute des mots produits est reacutealiseacute exclusivement sur les eacutenonceacutes segmenteacutes retenus en vue des analyses structurales crsquoest-agrave-dire ceux qui sont numeacuteroteacutes et coloreacutes dans les feuilles de travail comme dans lrsquoextrait suivant qui compte au total 8 mots produits pour 3 eacutenonceacutes segmenteacutes pris en compte

1 PC_agr3-MJ01 alors (12) Ab

PC_agr (rires) lagrave crsquoest facile mais lagrave oui bien-sucircr -15sec

exp prenez votre temps

2 PC_agr3-MJ01 alors (13) Ab

exp lagrave lrsquohomme qursquoest-ce qursquoil fait -3sec

3 PC_agr3-MJ01 lrsquohomme croque mais euh le oui (3) SN-ODirom

PC_agr3-MJ01 crsquoest dur lagrave lagrave lagrave lagrave bien-sucircr bien-sucircr crsquoest sucircr crsquoest sucircr -16sec

exp dites-le comme vous voulez vous pouvez dire laquo deux raquo

Annexe H-447

120 Dans les titres agrave cocircteacute de notre propre deacutenomination en franccedilais nous ajoutons entre parenthegraveses la deacutenomination correspondante issue du protocole original

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS

182

En effet les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice et les eacutenonceacutes modalisateurs ne sont pas pris en compte (ils ne sont pas coloreacutes ni numeacuteroteacutes)

Drsquoautre part parmi les 8 mots produits comptabiliseacutes dans les 3 eacutenonceacutes agrave consideacuterer pour les analyses structurales 3 sont des particules discursives (alors alors mais en caractegraveres italiques) 3 sont des mots extraits (lrsquohomme croque en caractegraveres gras) et le reste sont des remplisseurs ou des scories de lrsquooral (soit 2 mots le et oui) Rappelons ici que les dureacutees des pauses de plus de trois secondes sont noteacutees entre parenthegraveses

Dans certains cas plusieurs morphegravemes se combinent et servent agrave composer une uniteacute lexico-grammaticale solidaire Dans la mise en forme des corpus les tirets entre les sous-uniteacutes indiquent ainsi leur caractegravere solidaire Tout le reste des mots sans exception est comptabiliseacute uniteacute par uniteacute autonome Ci-apregraves nous preacutesentons les cas ougrave les morphegravemes doivent ecirctre comptabiliseacutes solidairement et les cas ougrave des amalgames doivent au contraire ecirctre deacutecomposeacutes en uniteacutes morphegravemiques autonomes agrave comptabiliser seacutepareacutement

(b) Cotation des morphegravemes lexicaux complexes ou composeacutes

Certains morphegravemes sont dits complexes crsquoest-agrave-dire qursquoils sont formeacutes agrave partir de plusieurs uniteacutes morpheacutemiques autonomes Nous eacutetablissons par convention les regravegles suivantes afin drsquoharmoniser la comptabilisation de ces uniteacutes agrave travers les corpus

il convient de comptabiliser les mots composeacutes tels que portemanteau grand-megravere lave-vaisselle avant-premiegravere apregraves-midi en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune seule uniteacute morpheacutemique solidaire composeacutee de deux bases lexicales Ce type de composition lexicale constitue une entreacutee autonome du dictionnaire et compte pour 1 uniteacute solidaire Mot prod (mot produit)

pour les autres types de compositions telles que pomme de terre les mots produits sont compteacutes seacutepareacutement

Voici des exemples de cotation

Four agrave pain gt 3 Mots prod

Tire-bouchon agrave eacutelastique gt 3 Mots prod

Chapeau melon gt 2 Mots prod

(c) Cotation des verbes semi-auxiliaires

Les verbes semi-auxiliaires comme ecirctre-en-train et ecirctre-sur-le-point sont compteacutes comme une seule uniteacute solidaire

Ils sont-en-train de scier gt 1 Vsemi-aux(sont-en-train)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS

183

(d) Cotation des locutions adverbiales conjonctives et preacutepositionnelles

Les locutions adverbiales comme en-effet en-fait en-reacutealiteacute drsquo-accord bien-sucircr drsquo-ores-et-deacutejagrave sont comptabiliseacutees comme eacutetant une seule uniteacute morpheacutemique solidaire tout comme les locutions conjonctives telles que ou-bien afin-que apregraves-que tandis-que crsquoest-alors-que jusqursquo-agrave-ce-que etchellip Il en va de mecircme pour les locutions preacutepositionnelles afin-de en -dehors-de en-face-de en-dessous-de aupregraves-de autour-de etchellip

(e) Cotation des particules adverbiales de neacutegation

Agrave lrsquooral la particule ne est souvent absente

Il veut pas gt 1 ADVmod(pas)121

Mais lorsqursquoelle est preacutesente elle est comptabiliseacutee solidairement du deuxiegraveme eacuteleacutement adverbial auquel elle se combine les particules adverbiales de neacutegation sont alors comptabiliseacutees comme eacutetant une uniteacute morpheacutemique solidaire

Il ne veut pasplusjamais gt 1 ADVmod(ne-pasplusjamais)

Lorsque la particule neacutegative est composeacutee de plus de deux uniteacutes celles-ci sont compteacutees en plus

Il ne vient jamais plus gt 2 ADVmod (ne-jamais plus)

Dans le cas suivant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune uniteacute morpheacutemique solidaire

Moi pas-du-tout gt 1 ADVmod(pas-du-tout)

(f) Cotation des amalgames

Lorsqursquoune preacuteposition est combineacutee avec un article pour obtenir un morphegraveme amalgameacute il convient de deacutecomposer lrsquoamalgame pour obtenir le nombre reacuteel de morphegravemes grammaticaux en preacutesence

Il joue du piano gt 2 Mots 1 PREP(de) + 1 DET(le)

La maison de la grand-megravere gt 2 Mots 1 PREP(de) + 1 DET(la)

Elle va au bal gt2 Mots 1 PREP(agrave) + 1 DET(le)

Lorsqursquoon agrave affaire agrave un article partitif uniquement on le comptabilise en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune seule uniteacute solidaire

Il mrsquoa fait de-la meacutesotheacuterapie gt 1 Mot 1 DETpartitif(de-la)

Dans le panier du beurre gt 1 Mot 1 DETpartitif(du)

121 Elles sont coteacutees par ailleurs dans la cateacutegorie des adverbes modifieurs (ADVmod voir au point 52111(c) p 199)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS

184

5113 Nombre de MOTS EXTRAITS Mots ext (A1) (Narrative Words)

Les critegraveres drsquoidentification des mots extraits ( Mots ext) sont exposeacutes dans le chapitre 4 (voir au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)

Par exemple dans lrsquoeacutenonceacute suivant on relegraveve 5 mots extraits (pour un total de 10 mots produits)

4 SB_agr2a euh (5) dans le panier alors je sais pas-du-tout du beurre non

Metaling laquo alors je sais pas du tout raquo DeformphonDET(du beurregtarticuleacute de maniegravere approximative entre [ly] et [dy])

Annexe H-525

Rappelons simplement que les mots extraits correspondent agrave tous les mots essentiels agrave la structuration interne drsquoun eacutenonceacute Les commentaires et modalisations onomatopeacutees et certaines interjections sont exclus et les particules discursives sont traiteacutees agrave part Ainsi dans lrsquoeacutenonceacute preacuteciteacute lrsquoincise alors je sais pas-du-tout nrsquoest pas coteacutee comme mots extraits

Dans les feuilles de travail sur corpus les mots extraits et donc la structuration interne des eacutenonceacutes segmenteacutes sont clairement mis en valeur par des caractegraveres gras (il srsquoagit du niveau 1 de transcription voir au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)

5114 Nombre drsquoEacuteNONCEacuteS SEGMENTEacuteS E Seg (A2) (Utterances)

Le discours est segmenteacute en laquo uniteacutes eacutenonceacutes raquo ce que nous appelons laquo eacutenonceacutes segmenteacutes raquo ( E Seg) Ils occupent chacun une ligne Les critegraveres syntaxiques et prosodiques de segmentation du discours ont deacutejagrave eacuteteacute exposeacutes en deacutetail au point 47 et 48 (pp 154-163) crsquoest pourquoi nous nrsquoy reviendrons pas Toutefois signalons une fois de plus que au sein des corpus oraux transcrits les eacutenonceacutes segmenteacutes retenus en vue des analyses structurales sont numeacuteroteacutes dans les cases coloreacutees de la colonne de gauche

Une fois que le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes est releveacute dans la feuille de cotation il se reporte automatiquement sur la feuille de reacutesultat

512 Variables CORPUS associeacutees

Les cotations en valeurs brutes ainsi effectueacutees dans les feuilles de travail sur corpus permettent de calculer les variables de CORPUS associeacutees que nous preacutesentons ci-apregraves

5121 Prop Mots extprod122

La variable Prop Mots extprod (proportion de mots extraits) reflegravete la part relative des mots extraits par rapport aux mots produits Cet indicateur renseigne sur la quantiteacute de donneacutees extraites des eacutechantillons collecteacutes qui peut ecirctre tregraves variable selon le locuteur et le type de tacircche

122 Lorsqursquoune variable est signaleacutee par un asteacuterisque cela signifie qursquoelle a eacuteteacute ajouteacutee par rapport au protocole original ou alors qursquoelle existait dans le protocole original et que son calcul a eacuteteacute modifieacutee

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS

185

5122 Deacutebit Mots prod ( Words per minute)

La variable Deacutebit Mots prod (deacutebit en mots produits par minute) indique le deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute Ce calcul inclut tous les mots produits (les particules de discours les interjections les reacutepeacutetitions etc)

5123 Deacutebit Mots ext

La variable Deacutebit Mots ext (deacutebit en mots extraits par minute) indique elle le deacutebit verbal en nombre de mots extraits Son calcul est baseacute uniquement sur les mots extraits des corpus oraux crsquoest-agrave-dire sur les mots participant agrave lrsquointeacutegration phrastique Ce calcul se fait donc par exclusion des particules de discours des interjections des reacutepeacutetitions etc

Preacutecisons que la variable Deacutebit Mots ext est toujours infeacuterieure agrave la variable preacuteceacutedente Deacutebit Mots prod en raison de la base de calcul qui est plus petite car la quantiteacute de mots extraits est toujours infeacuterieure agrave la quantiteacute de mots produits au total

5124 Long Moy E Seg(Mots prod)

La variable Long Moy E Seg(Mots prod) (longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en mots produits) renseigne sur la longueur drsquoun eacutenonceacute segmenteacute Pour la calculer le nombre total de mots produits a eacuteteacute diviseacute par le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes

5125 Long Moy E Seg(Mots ext) (Median Utterance Length)

La variable Long Moy E Seg(Mots ext) (longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en mots extraits) reflegravete la longueur drsquoun eacutenonceacute en mots extraits Seuls les eacutenonceacutes segmenteacutes comprenant des mots extraits ont eacuteteacute pris en compte pour son calcul Certains eacutenonceacutes sans mots extraits tels que les eacutenonceacutes 1 et 2 citeacutes en exemples p 181 (voir au point 5112) nrsquoentrent pas dans la base de calcul de cette variable En effet ces eacutenonceacutes ne sont composeacutes que de la particule discursive alors et aucun eacutenonceacute nrsquoest produit

Au total on obtient 9 variables de CORPUS (dont 4 en valeurs brutes et 5 en valeurs relatives)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

186

52 Les variables MORPH

521 Valeurs brutes MORPH-LEX

5211 Nombre de MOTS DE CLASSE OUVERTE MCO (B) (Open Class Words)

(a) Cotation des mots de classe ouverte

Parmi les mots extraits ( Mots ext) les mots appartenant agrave la cateacutegorie de mots de classe ouverte ( MCO) sont releveacutes

Il srsquoagit des morphegravemes lexicaux ou agrave radical lexical les Noms communs et Noms propres les Verbes noyaux et copules les Adjectifs (dont les numeacuteraux) les Adverbes en ndashment (par exemple tristement) et les autres types drsquoadverbes (tregraves beaucoup trop etchellip) qui nrsquoont pas la fonction de particules de discours123 (ceux-ci sont traiteacutes agrave part)

En cas de doute sur la cateacutegorie drsquoun morphegraveme on consulte une base de donneacutees lexicales pour deacutecider de son appartenance agrave la cateacutegorie des mots de classe ouverte (versus mots de classe fermeacutee) en fonction du contexte drsquoemploi

(b) Cotation des peacuteriphrases verbales semi-auxiliaires aspectuels modaux et causatifs

Les verbes aller ou ecirctre employeacutes comme semi-auxiliaires drsquoaspect pour les formes au futur proche ou les verbes tels que venir pour les formes au passeacute proche ou tels que continuer utiliseacute pour former des peacuteriphrases verbales aspectuelles sont agrave inclure parmi les MCO

Il va manger gt 2 MCO

Il est-en-train de se reposer gt 2 MCO

Il est-sur-le-point de partir gt 2 MCO

Le loup vient de partir gt 3 MCO

Dans notre protocole adapteacute les auxiliaires modaux (tels que devoir vouloir pouvoir) sont inteacutegreacutes agrave la cateacutegorie de MCO car ils ont selon nous un sens plutocirct lexical124 Ainsi lorsqursquoils se combinent agrave des bases verbales agrave la forme infinitive ils sont coteacutes dans la cateacutegorie des MCO

Il peut manger gt 2 MCO

123 Les particules de discours adverbiales sont traiteacutees agrave part Rappelons que les particules de discours apparaissent en caractegraveres italiques au sein des corpus transcrits 124 Dans le protocole original QPA les semi-auxiliaires modaux en anglais (modal auxiliaries tels que must can etchellip) sont coteacutes dans la cateacutegorie des morphegravemes grammaticaux

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

187

Dans les constructions causatives ou factitives (telles que faire manger faire cuire laisser tomber) les verbes causatifs sont comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des MCO

Elle fait entrer lrsquoenfant gt 3 MCO

5212 Nombre de MOTS DE CLASSE FERMEacuteE MCF (B1) (Closed Class Words)

(a) Calcul du nombre de mots de classe fermeacutee

Toujours parmi les mots extraits le nombre de mots de classe fermeacutee (crsquoest-agrave-dire les morphegravemes grammaticaux libres ou mots fonctions MCF) est obtenu par le calcul automatique suivant nombre de MCO ocircteacutes du nombre total de mots extraits comptabiliseacutes

Les morphegravemes concerneacutes par cette mesure sont donc les mots qui ne sont pas des mots de classe ouverte soit les deacuteterminants les pronoms les conjonctions agrave valeur syntaxique (en coordination et en subordination) les preacutepositions ainsi que les verbes ecirctre et avoir lorsqursquoils sont employeacutes comme auxiliaires

(b) Cotation des formes verbales composeacutees auxiliaires ecirctre et avoir

Tout comme dans le protocole original les auxiliaires ecirctre et avoir qui servent agrave la formation des temps composeacutes et le verbe ecirctre qui sert agrave la formation des tournures passives sont coteacutes dans la cateacutegorie des MCF

La princesse a essayeacute la chaussure gt 3 MCF

La princesse srsquoest sauveacutee gt 3 MCF

5213 Nombre de NOMS N (C) (Nouns)

Parmi les mots extraits le nombre de mots qui sont des noms ( N) est comptabiliseacute qursquoil srsquoagisse de noms communs ou de noms propres

5214 Nombre de CONJONCTIONS CONJ (D)

Dans cette cateacutegorie sont releveacutees le nombre total de conjonctions produites ( CONJ) qursquoelle soient des particules de discours ou des conjonctions syntaxiques

Elles seront ensuite coteacutees suivant qursquoelles assurent la fonction de particule discursive ( CONJdisc) ou de conjonction syntaxique (en coordination ou en subordination CONJsynt)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

188

(a) Cotation des conjonctions agrave valeur discursive CONJdisc (D1)

Parmi les mots produits lrsquoidentification des conjonctions agrave valeur discursive ( CONJdisc) deacutepend des critegraveres deacutejagrave exposeacutes au chapitre 4 (voir au point 4925 p 169) Au sein des corpus oraux transcrits et mis en forme elles sont en caractegraveres italiques

Rappelons ici que les conjonctions agrave valeur discursive sont geacuteneacuteralement en marge de la structuration interne des eacutenonceacutes segmenteacutes Elles sont utiliseacutees en guise de particules de discours

Elles ne sont pas inteacutegreacutees dans la comptabilisation des mots extraits afin de ne pas biaiser certaines variables refleacutetant la structuration interne ou phrastique des eacutenonceacutes produits qui sont calculeacutees agrave partir des mots extraits

Nous preacutefeacuterons donc les traiter agrave part en constituant une cateacutegorie seacutepareacutee En effet si par exemple on inteacutegrait les conjonctions agrave valeur discursive parmi les mots extraits pour les corpus agrammatiques en particulier ougrave certains eacutenonceacutes comprennent 3 ou 4 conjonctions discursives (des remplisseurs starters ou connecteurs logiques) sur 5 mots produits les mesures visant agrave refleacuteter la structuration syntaxique des eacutenonceacutes segmenteacutes seraient biaiseacutees

Dans lrsquoextrait de corpus suivant les conjonctions particules de discours sont au nombre de 3 (1 donc 2 et)

8 SB_agr2b donc euh Cendrillon euh euh en-fait euh souillon

9 SB_agr2b en-fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh

10 SB_agr2b euh border le lit euh

11 SB_agr2b en-fait euh tout euh PROind(tout)

12 SB_agr2b et euh (4) un euh un un non euh le le le euh (5) un bal un bal

Ab Rechlex claquement de langue agacement

13 SB_agr2b euh (3) prince en-fait (3) preacutetendrant euh (6) euh (3) preacutetendant euh trocircne en-fait

Autocor + preacutetendrantpreacutetendre diffeacuterence peu audible plutocirct preacutetandrant N(preacutetendant) Vpart substantiveacute 1 DETom(le) + prince 1 PREPom(agrave) + trocircne Ellipse du V 3 SN juxtaposeacutes

14 SB_agr2b et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f- euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet- (4)

Ab

Annexe H-527

Nous comptabilisons donc par convention dans la cateacutegorie des conjonctions discursives

Drsquoautre part dans le mecircme extrait les particules de discours qui sont des adverbiaux sont au nombre de 5 (en-fait) Ceux-ci sont comptabiliseacutes agrave part (voir les deacutetails au point 52111(b) p 197)

Dans certains eacutenonceacutes une conjonction agrave valeur syntaxique peut se combiner agrave un adverbe Dans ce cas par convention nous consideacuterons que la combinaison est solidaire

Il mrsquoa emmeneacute chez le meacutedecin pour me faire arrecircter et-puis soigner gt 1 CONJsynt

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

189

(b) Cotation des conjonctions agrave valeur syntaxique CONJsynt (D2)

Parmi les mots extraits les conjonctions agrave valeur syntaxique ( CONJsynt) sont des MCF Elles sont impliqueacutees dans des structures syntaxiques de coordination ou de subordination en mettant en relation au moins deux propositions (pour les deacutetails de preacute-traitement voir au point 4925(b) p 170) Les conjonctions de coordination (et ou mais ni etc) et les conjonctions introduisant une proposition subordonneacutee sont comptabiliseacutees dans cette cateacutegorie (que parce-que alors-que si quand pour-que etchellip)

Dans lrsquoextrait suivant lrsquoeacutenonceacute 69 comporte 2 CONJsynt (parce-que et)

69 SB_agr1 kineacute parce-que le doigt et [Rikys] Deformphon(rictusgt[Rikys]) 2 CONJsynt(parce queet) 2 DETom(lale) + kineacuterictus

70 SB_agr1 et euh orthophoniste euh 1 CONJdisc(et)

Annexe H-522

Drsquoautre part notons que dans le mecircme extrait une conjonction ayant la valeur de particule de discours (CONJdisc(et)) se trouve en tecircte de lrsquoeacutenonceacute 70

5215 Nombre de DEacuteTERMINANTS DET CO (E) et DET (E1) (Determiners)

(a) Nombre de CONTEXTES OBLIGATOIRES (NOMS) qui neacutecessitent un DEacuteTERMINANT OBLIGATOIRE DET CO (E) (Nouns Requiring a Determiner)

Dans un eacutenonceacute donneacute parmi les mots extraits il srsquoagit de compter les noms pour lesquels la preacutesence drsquoun deacuteterminant est obligatoire Certains noms ne neacutecessitent pas de deacuteterminant tels que les noms propres certains pluriels geacuteneacuteriques (hommes et femmes chiens et chats) et les pluriels avec un adjectif numeacuteral (trois filles) Les adjectifs numeacuteraux ne sont pas comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des deacuteterminants mais dans celle des MCO (en tant qursquoAdjectifs)

(b) Cotation des DEacuteTERMINANTS CO avec un deacuteterminant DET (E1) (NRDs with a Determiner)

Preacutesence absence de deacuteterminant en contexte obligatoire

On relegraveve simplement les contextes obligatoires ( DET CO) ougrave un deacuteterminant est bien preacutesent ( DET) qursquoil soit reacutealiseacute de maniegravere adeacutequate ou non

Dans lrsquoeacutenonceacute 29 ci-dessous les deacuteterminants sont absents de leur contexte formel obligatoire On a en effet jeune homme et prince au lieu de le jeune homme et le prince

29 SB_agr2b et jeun- jeune homme (2) prince en-fait euh (2) danser

[saelig] Cendrillon

DETom(le) PREPom(avec) intonation descendante

Annexe H-528

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

190

De la sorte on obtient la cotation suivante (0 deacuteterminants sur 2 contextes obligatoires)

Et jeune homme prince en-fait danser Cendrillon gt 2 DET CO 0 DET

Dans lrsquoeacutenonceacute 43 ci-dessous seul un deacuteterminant est absent (deux jeunes filles) sur deux contextes obligatoires les deux jeunes filles et les pantoufles

43 SB_agr2b deux jeunes filles euh (4) chercher (3) hum agrave enfiler euh les (3) pantoufles

DETom(les)

Annexe H-529

Ainsi on obtient la cotation suivante (1 deacuteterminant sur 2 contextes obligatoires)

Deux jeunes filles chercher agrave enfiler les pantoufles gt 2 DET CO 1 DET

Les deacuteterminants complexes

Certains deacuteterminants dits laquo complexes raquo se forment sur la base drsquoun autre eacuteleacutement crsquoest-agrave-dire

avec un adverbe de quantiteacute tels que beaucoup de un peu de trop de pas assez de moins de (hellip) que plus de etchellip et les adverbes en ndashment tels que eacutenormeacutement de tellement de etc

avec un adjectif tel que plein pleine de et les adjectifs numeacuteraux un deux trois etchellip

avec un autre SN tel que un tas de une foule de etchellip

Pour ces deacuteterminants complexes impliquant diffeacuterents morphegravemes on ne compte qursquoune seule occurrence de deacuteterminant

Par contre on prend soin de compter par ailleurs les occurrences drsquoadverbes drsquoadjectifs ou de noms dans leur cateacutegorie respective comme par exemple

Les quelques heures passeacutees agrave lire gt 1 DET CO 1 DET 1 ADJind (MCO)

Dans lrsquoexemple suivant on comptabilise un seul deacuteterminant mecircme srsquoil est composeacute de deux uniteacutes Lrsquoarticle partitif indeacutefini est modifieacute par un adverbe Ainsi on relegraveve aussi par ailleurs lrsquoadverbe adjoint dans la cateacutegorie des adverbes (ici ADVmod)

Il a beaucoup de courage gt 1 DET CO 1 DET 1 ADVmod (MCO)

Les deacuteterminants non conformes

Si le deacuteterminant est reacutealiseacute de maniegravere incomplegravete la forme est tout de mecircme coteacutee 1 dans la cateacutegorie des deacuteterminants Dans lrsquoeacutenonceacute suivant le locuteur produit un verglas au lieu de du verglas

4 SB_agr3-MJ03 et euh (3) ver- verglas en-fait euh dans euh la rue u- u- un verglas non

DETsubst(dugtun) + verglas (premiegravere tentative DETom(du) + verglas Autocor-

Annexe H-531

On cote la preacutesence du deacuteterminant un mecircme srsquoil y a substitution entre un et du Dans la rue un verglas gt 2 DET CO 2 DET

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

191

5216 Nombre de PRONOMS PRO (F) (Pronouns)

Pour cette cateacutegorie parmi les mots extraits il srsquoagit de relever tous les pronoms personnels forts et faibles ( PRO) sous forme conjointe (clitiques sujets et objets je tu il il impersonnel on indeacutefini nous me te se le la les en y etchellip) ou sous forme disjointe (sujets et objets moi lui elle nous eux-mecircmes etchellip)

Parmi eux on relegraveve les pronoms reacutefleacutechis et reacuteciproques (me te se etchellip) les pronoms deacutemonstratifs (crsquo ccedila celui-ci etchellip) les pronoms possessifs (le-mien etchellip) les pronoms interrogatifs (formes simples que quoi qui formes renforceacutees qursquo-est-ce-que qui-est-ce-qui et formes composeacutees variables lequel laquelle etchellip) ainsi que les pronoms indeacutefinis ou de reprise nominale (un aucun nul quelqu-rsquoun rien personne tout tous y en lela-mecircme lrsquo-autre etchellip) Il srsquoagit donc de relever tous les pronoms de reprise de syntagme nominal verbal ou preacutepositionnel125

Elle le voit gt 2 PRO

Le prince parle agrave elle gt 1 PRO

Lui le prince danse avec elle gt 2 PRO

La parole crsquoest moi gt 2 PRO

Le stylo agrave moi gt 1 PRO

Elle ne fait rien de bien gt 2 PRO

Rien nrsquoest fait gt 1 PRO

Le prince chaussure le-mecircme le-mecircme le-mecircme gt 3 PRO (figure de style)

Opeacuteration rien gt 1 PRO

Les pronoms deacutemonstratifs impliqueacutes dans une construction agrave deacutetachement ou extraction (cliveacutee) doivent eacutegalement ecirctre comptabiliseacutes de la maniegravere suivante

La meacutemoire crsquoest bon gt 1 PRO

Ce sont mes amis qui sont lagrave gt 1 PRO (dislocation)

Comme dans le protocole original les pronoms introduisant une proposition subordonneacutee relative ne sont pas pris en comptes dans les analyses

Le loup qui avance gt 0 PRO (PROrel)

5217 Nombre de VERBES V (G) (Verbs)

(a) Comptage du nombre de verbes

Nous comptabilisons parmi les mots extraits tous les radicaux lexicaux qui sont des verbes ( V) Les semi-auxiliaires qui servent agrave la formation de peacuteriphrases verbales (ecirctre-en-train

125 Les pronoms relatifs introduisant une proposition subordonneacutee relative ne sont pas comptabiliseacutes

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

192

(de) aller venir (de) commencer (agrave) etchellip) ainsi que les semi-auxiliaires modaux (devoir pouvoir vouloir etchellip) sont pris en compte dans la cateacutegorie des Verbes (ils sont aussi MCO) Les verbes ecirctre et avoir sont comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des verbes lorsqursquoils sont employeacutes comme verbes noyaux et non auxiliaires (dans ce cas ils sont compteacutes comme MCF)

Voici des exemples de cotation de verbes (MCO)

Elle est partie gt 1 V(partir)

On a fait la fecircte gt 1 V(faire)

Lrsquohomme est tombeacute gt 1 V(tomber)

Lrsquohomme est inteacuteresseacute par le magasin gt 1 V(est) + 1 ADJ(inteacuteresseacute)

Il vient de finir gt 2 V(venir (de) finir)

Elle veut partir gt 2 V(vouloir partir)

Il est-en-train de manger gt 2 V(ecirctre-en-train (de) manger)

Elle a commenceacute agrave parler avec moi gt 2 V(commencer (agrave) parler)

Lorsqursquoune forme infinitive est contrainte par un autre verbe dans une peacuteriphrase verbale les verbes sont comptabiliseacutes seacutepareacutement

Elle aime danser gt 2 V ( 1 Vmod(aimer) + 1 Vinf(danser) )

Je viens travailler gt 2 V ( 1 V(venir) + 1 Vinf(travailler) )

Le verbe ecirctre lorsqursquoil fonctionne comme un copule est comptabiliseacute aussi seacutepareacutement notamment dans les constructions introduites par le preacutesentatif laquo crsquoest raquo (dans ce cas la forme participiale est un ADJ)

Crsquoest termineacute gt 1 V(ecirctre)

Crsquoest casseacute gt 1 V(ecirctre)

Lorsque des propositions sont syntaxiquement deacutependantes il convient de compter alors autant de verbes preacutesents dans les propositions

Cendrillon voit ses sœurs qui partent au bal gt 2 V(voir partir)

(b) Cotation des ambiguumliteacutes nom vs verbes

Les formes verbales en emploi substantiveacute par conversion sont exclues de la cateacutegorie des verbes et coteacutees dans celle des noms

Ecrire est son activiteacute favorite gt 1 N

Lrsquoeacutecrit est important gt 1 N

Les combattants gt 1 N

Les vaincus gt 1 N

Les morts gt 1 N

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

193

(c) Cotation des ambiguumliteacutes adjectif vs participe

Dans les cas suivants les formes verbales au participe sont coteacutees comme adjectifs apregraves le verbe copule

Je suis fini gt 1 ADJ

Je suis tregraves fatigueacute gt 1 ADJ

Je suis tregraves facirccheacute gt 1 ADJ

Elle est charmeacutee charmante gt 1 ADJ

Elle est prise gt 1 ADJ

Elle est assise gt 1 ADJ)

Il est inteacuteresseacute gt 1 ADJ

En cas drsquoabsence du verbe copule la cotation est la suivante

Le dos coinceacute gt 0 V 1 ADJ (coinceacute)

5218 Nombre de VERBES avec flexion obligatoire VInfl (G1) (Inflectable Verbs)

Le terme laquo inflectable verb raquo du protocole original est difficile agrave traduire en franccedilais si lrsquoon souhaite en restituer tout le sens On pourrait traduire par laquo verbes flexibles raquo ou laquo verbes agrave flexion requise obligatoire raquo

(a) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo ( IVs) du protocole original QPA

La mesure Number of Inflectable Verbs ( IVs) issue du protocole original revient agrave relever laquo tous les verbes qui pourraient ecirctre grammaticalement fleacutechis par lrsquoajout drsquoun suffixe ou une alteacuteration de la base en incluant ceux qui apparaissent dans les constructions non canoniques raquo crsquoest-agrave-dire

bull les occurrences de verbes reacuteguliers et irreacuteguliers fleacutechis ou non par ajout drsquoun affixe flexionnel par exemple

She dances gt 1 IV(dance+s)

She is going gt 1 IV(is go+ing)

She is bringing gt 1 IV(is bring+ing)

Par contre les formes irreacuteguliegraveres telles que went ou brought ne sont pas coteacutees comme IV car elles ne comportent pas drsquoaffixes flexionnels Dans le protocole original QPA ce type de flexion reacutealiseacutee par allomorphie de la base et non par ajout drsquoun affixe agrave la base verbale nrsquoest alors pas coteacute dans la cateacutegorie IV

She went gt 0 IV

She brought gt 0 IV

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

194

Ensuite apregraves avoir coteacute parmi tous les Inflectable Verbs (IVs) les Inflectable Verbs Inflected (IVIs) crsquoest-agrave-dire les verbes effectivement fleacutechis on obtient lrsquoindice de flexion verbale ou Inflection Index126 crsquoest-agrave-dire la proportion de verbes effectivement fleacutechis par affixation (voir SAFFRAN et al 1989 459) Dans le protocole original QPA cette variable ne concerne donc que les verbes dont la flexion en anglais est reacuteguliegravere crsquoest-agrave-dire les verbes dont la base est suffixable

Pour nos propres mesures et calculs de variables affeacuterentes aux IVs et IVIs agrave la diffeacuterence du protocole original nous incluons les verbes agrave flexion irreacuteguliegravere

(b) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo (IVs) adapteacutee au franccedilais VInfl (G2)

Nous utiliserons deacutesormais lrsquoabreacuteviation laquo VInfl raquo correspondant agrave la mesure IVs du protocole original

Les VInfl sont les verbes dont le contexte drsquoemploi permet ou contraint une flexion Les VInfl sont donc tous les contextes obligatoires de flexions verbales qursquoelles soient preacutesentes ou non conformes ou non conformes

Dans les exemples suivants le verbe est coteacute comme VInfl car il y a agrave chaque fois un contexte obligatoire de flexion

Il joue gt 1VInfl 1 V-FLEX

Je suis hocircpital gt 1 VInfl 1 V-FLEX

Il jouer gt 1 VInfl 0 V-FLEX

Jouer la balle gt 1 VInfl 0 V-FLEX

Les deux derniers verbes sont par ailleurs coteacutes 0 V-FLEX car ils ne sont pas fleacutechis

Mais certains contextes qui nrsquoimpliquent pas de flexions obligatoires ne sont pas consideacutereacutes comme des VInfl Ainsi dans les exemples ci-dessous danser et partir ne requiegraverent pas de flexion du fait de leur contexte formel drsquoemploi En effet ils font partie drsquoune peacuteriphrase verbale et ne requiert pas de flexion particuliegravere Par contre les formes veut va et vient sont coteacutees comme VInfl

Il veut danser gt 1 VInfl (vouloir)

Il va partir gt 1 VInfl (aller)

Il vient de partir gt 1 VInfl (venir)

126 La variable Inflexion Index correspond agrave la variable Prop V-FLEX dans notre protocole drsquoanalyse adapteacute crsquoest-agrave-dire la part relative de verbes fleacutechis parmi les contextes obligatoires de flexions verbales (voir au point 5219 p 195 pour les cotations en valeurs brutes V-FLEX VInfl et au point 52210 p 202 pour la variable associeacutee Prop V-FLEX)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

195

5219 Nombre de VERBES FLECHIS V-FLEX (G2) (Inflectable Verbs Inflected)

(a) La mesure IVIs (les verbes effectivement fleacutechis) adapteacutee au franccedilais V-FLEX

Les verbes V-Infl sont coteacutes V-FLEX lorsque la flexion obligatoire est bien preacutesente mecircme si celle-ci nrsquoest pas complegravete ou incorrecte Les V-FLEX sont donc des VInfl dont la flexion obligatoire est reacutealiseacutee mecircme de maniegravere non conforme

(b) Cotation des VInfl avec absence de flexion obligatoire au passeacute

Les VInfl ougrave la flexion obligatoire au passeacute fait deacutefaut ne sont pas complegravetement fleacutechis Ainsi si le temps du reacutecit autobiographique (comme pour la tacircche de production 1 par exemple) exige lrsquoemploi des flexions du passeacute (imparfait ou passeacute composeacute) et qursquoagrave la place on trouve systeacutematiquement un preacutesent on considegravere que les flexions sont incomplegravetes et le VInfl est donc coteacute 0 V-FLEX (crsquoest-agrave-dire coteacute nul)

Et crsquoest huit ans gt 1 VInfl 0 V-Flex (crsquoeacutetait il y a huit ans)

Je suis muet gt 1 VInfl 0 V-Flex (jrsquoeacutetais muet)

Drsquoautre part certaines deacuteformations phoneacutemiques jugeacutees trop lourdes sont coteacutees nulles comme par exemple

Lrsquohomme [pRɑd] gt 1 VInfl 0 V-FLEX

(c) Cotation des ambiguumliteacutes infinitif vs participe passeacute agrave lrsquooral

Je manger gt 1 VInfl 0 V-FLEX

Si aucun auxiliaire nrsquoapparaicirct on considegravere qursquoil srsquoagit par convention drsquoune forme infinitive qui devrait ecirctre fleacutechie (je manger au lieu de je mange) et non drsquoun verbe agrave la forme participe (mangeacute)

Par contre lorsque lrsquoauxiliaire est expliciteacute on peut identifier sans ambiguumliteacute le verbe manger fleacutechi Il est alors au participe passeacute avec un auxiliaire

Jrsquoai mangeacute gt 1 VInfl 1 V-FLEX

52110 Nombre de PREacutePOSITIONS PREP (H1)

La liste suivante comprend les preacutepositions et locutions preacutepositionnelles les plus freacutequentes de agrave afin-de apregraves aupregraves-de autour-de avant avec chez contre dans depuis derriegravere degraves devant durant en entre environ hors-de malgreacute par parmi pendant pour sans sauf selon sous suivant sur vers etchellip

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

196

(a) Cotation des amalgames preacuteposition + article

Dans le cas ougrave un morphegraveme grammatical preacutesente un amalgame impliquant une preacuteposition et un article deacutefini il convient de deacutecomposer la forme pour compter le nombre drsquouniteacutes amalgameacutees Dans lrsquoeacutenonceacute suivant lrsquoamalgame au est deacutecomposeacute de maniegravere agrave comptabiliser 2 MCF et non un seul en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune preacuteposition et drsquoun deacuteterminant amalgameacutes

27 SB_agr2b donc euh Cendrillon (5) [alge] au bal en carrosse Deformphon(allergt[alge]) au=agrave+le

Annexe H-528

On obtient la cotation suivante

Cendrillon aller au bal en carrosse gt 1 PREP(agrave) + 1 DET(le) - (2 MCF)

Drsquoautre part on cote 0 lrsquoabsence de deacuteterminant et 1 la preacutesence de la preacuteposition en cas drsquoellipse de deacuteterminant en contexte obligatoire comme dans lrsquoexemple suivant

16 SB_agr3-MJ01 les deux voisins euh (9) le voisin proprieacutetaire de de pommier est deacutepiteacute par-exemple

PREP(de) DETom(le) amalgame non reacutealiseacute

Annexe H-531

Ce qui nous amegravene agrave effectuer la cotation suivante

Le voisin proprieacutetaire de pommier est deacutepiteacute gt 1 PREP(de) + 0 DET(le) - (1 MCF)

Par ailleurs il est possible de trouver un autre type drsquoamalgame non reacutealiseacute correspondant agrave la cotation ci-dessous

3 SB_agr3-MJ09 bon alors lrsquohomme (2) donne une banane agrave le si- agrave le chien non euh le singe

Autocor+ PREPcor(agrave) amalgame DET(agrave) + PREP(le) non reacutealiseacute

Annexe H-535

Lrsquohomme donne une banane agrave le singe gt 1 PREP(de) + 1 DET(le) - (2 MCF)

Pour finir les amalgames non reacutealiseacutes impliquant une preacuteposition et un deacuteterminant ne doivent pas ecirctre confondus avec les emplois drsquoarticles partitifs Dans la production agrammatique suivante le morphegraveme de est un article partitif deacuteformeacute (de au lieu de du) et non une preacuteposition

5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple

DETDeformphon(dugtde) laquo du beurre raquo Repet laquo de raquo prononciation floue entre laquo de raquo et laquo du raquo

Annexe H-525

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

197

52111 Nombre drsquoADVERBES ADV (I)

(a) Comptage des adverbes

Parmi les mots extraits tous les adverbes sont pour nous des morphegravemes de classe ouverte ( ADV de la classe des MCO) Ils peuvent deacutependre drsquoun autre constituant dont ils sont modifieurs (des SV des SN des adjectifs des pronoms) ou modifier une proposition entiegravere

Cette cateacutegorie est tregraves varieacutee (voir RIEGEL et al p 375) Elle comprend les radicaux lexicaux (adjectifs) suffixeacutes en ndashment ainsi que les adverbes qui ne sont pas obtenus par deacuterivation (oui non jamais toujours nehellippasjamaisplus tregraves demain bien mal deacutejagrave assez moins plus environ presque tregraves beaucoup souvent parfois etchellip) et les adverbes utiliseacutes dans les tournures interrogatives ou exclamatives

Les deux cotations exposeacutees ci-apregraves srsquoappuient sur la distinction entre les adverbes particules discursives ( ADVdisc) et les adverbes modifieurs ( ADVmod)

(b) Cotation des adverbes agrave valeur discursive ADVdisc (I1)

Les adverbes de discours ( ADVdisc) apparaissent dans les corpus en caractegraveres italiques (comme les conjonctions agrave valeur discursive)

Principes geacuteneacuteraux

Les emplois de particules de discours adverbiales marquent des relations temporelles (avant puis apregraves en-mecircme-temps ensuite alors etchellip) des relations de successiviteacute ou de paralleacutelisme (et aussi en-plus parallegravelement ensuite etc) et des relations drsquoopposition logique (par-contre mais pourtant etchellip) Ils peuvent aussi marquer lrsquoouverture et la clocircture drsquoune proposition (alors en-fait premiegraverement enfin finalement voilagrave etchellip) un proceacutedeacute de reformulation (crsquo-est-agrave-dire autrement-dit etchellip) ou une attitude subjective (drsquoappreacuteciation ou de modalisation avec des adverbes tels que bien-sucircr eacutevidemment certainement vraiment etchellip)

Un ADVdisc apparaicirct en geacuteneacuteral en deacutebut et en fin drsquoeacutenonceacute Toutefois sa place nrsquoest pas fixe et il peut se trouver en position intermeacutediaire comme en teacutemoignent les emplois des adverbiaux par-exemple de-toute-faccedilon et bien-sucircr dans les quatre eacutenonceacutes ci-dessous

101 SB_agr1 non mais par-exemple euh euh (2) collegravege ccedila va

102 SB_agr1 lyceacutee jrsquoheacute- jrsquoheacutesite parce-que de-toute-faccedilon en en collegravege toujours euh speacutecialiste euh agrave collegravege

laquo agrave collegravege raquo DETom(le) amalgame incomplet laquo au raquo CONJsynt(parce-que) mais il ne srsquoagit pas drsquoune SUB car absence de V noyau dans la SUB

103 SB_agr1 donc euh euh bien-sucircr euh entraicircnement non

Annexe H-523

112 SB_agr1 donc euh oublier euh de-toute-faccedilon

Annexe H-524

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

198

Drsquoautre part plus-tard fut consideacutereacute en tant qursquouniteacute morpheacutemique solidaire Cet adverbial est tregraves freacutequent dans les corpus de BR_agr En voici un extrait avec 5 occurrences releveacutees au sein des 11 premiers eacutenonceacutes

1 BR_agr1 une chose beaucoup de euh beaucoup de euh

2 BR_agr1 ballon [l] haut [l] haut DETom(le) + ballon Peacuteriphrase pour laquo volley-ball raquo Ajout drsquoune consonne intervoc [l]

3 BR_agr1 plus-tard moi maison 1 ADVdisc PREPom(agrave) DETom(la)

4 BR_agr1 oui euh plus-tard euh euh (3) pas bien 2 ADVdisc ADVmod

exp tu eacutetais au match crsquoeacutetait quoi comme sport -3sec

5 BR_agr1 euh moi euh match euh (2) de volley DETom(un) + match PREPcor(de)

6 BR_agr1 euh (6) revenir moi revenir

7 BR_agr1 plus-tard coucher

8 BR_agr1 plus-tard euh (3) [tRo] [falm] pas bien Deformphon(trop faiblegt[tRo] [falm])

9 BR_agr1 euh moi coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

10 BR_agr1 deux trois jours coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

11 BR_agr1 plus-tard [kegym] DETom(un) Deformphon(leacutegumegt[kegym])

Annexe H-462

Cotation des adverbes oui non peut-ecirctre en tant que particules de discours

Lorsque les adverbes oui non ou peut-ecirctre sont employeacutes en reacuteponse agrave une question de lrsquoexpeacuterimentatrice ou en guise de modalisateur drsquoun propos ils sont coteacutes dans la sous- cateacutegorie des ADVdisc Ainsi dans les extraits suivants peut-ecirctre oui non et parfait apparaissent en caractegraveres italiques

28 BR_agr1 jambe raide bois pareil

DETom(ma) Vcopom(est) DETom(du) laquo ma jambe est raide comme du bois raquo

29 BR_agr1 peut-ecirctre plus-tard une euh une euh une euh (6) Ab

30 BR_agr1 peut-ecirctre pl- euh un mois deux mois pour euh (3) euh aller (2) pour euh (35) gra- euh hum

Annexe H-462

exp la jambe raide

63 BR_agr1 oui pas-du-tout marcher

Annexe H-466

Lorsque plusieurs ADVdisc de ce type sont reacutepeacuteteacutes on nrsquoen retient qursquoun en vue des analyses structurales (en caractegraveres italiques)

79 BR_agr1 non non non non beaucoup difficile pecircche euh (2) DETom(la) + pecircche

Annexe H-467

Dans les corpus de BR_agr en particulier parfait a eacuteteacute coteacute comme ADVdisc du fait de son emploi adverbial Il sert agrave acquiescer (synonyme de absolument)

72 BR_agr1 parfait pas de problegraveme ADVdisc(parfait) laquo si quelqursquoun mrsquoaccompagne pas de problegraveme raquo

Annexe H-466

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

199

Pour finir lorsque les adverbes oui et non expriment un jugement meacutetalinguistique du locuteur sur sa propre production ils ne sont coteacutes dans aucune cateacutegorie Ainsi ils apparaissent en caractegraveres normaux car ils ne sont pas comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des mots extraits Par exemple dans lrsquoeacutenonceacute 5 ci-dessous lrsquoadverbe oui ne fait pas partie de la structuration phrastique ou discursive mais indique que la formulation est satisfaisante Elle est ensuite poursuivie Par contre les emplois de non (eacutenonceacutes 5 et 6) indiquent que la production nrsquoest pas satisfaisante Elle est interrompue pour ecirctre soit reformuleacutee soit abandonneacutee (par exemple du fait drsquoune perseacuteveacuteration telle que le loup ci-dessous)

5 PC_agr2a alors [ɛk] euh [εlRakot] non elle rencontre oui elle rencontre euh euh le loup un loup (2) bon

E Ph Gram Prononciation tregraves floue de laquo un raquo dans le SN(un+loup)

6 PC_agr2a et hum (6) le loup euh non euh non non euh le loup (3) ah-non

Persev(le loup) 0 Mots ext

Annexe H-442

(c) Cotation des adverbes modifieurs ADVmod (I2)

Les adverbes modifieurs ( ADVmod) apparaissent en caractegraveres gras dans les corpus mis en forme car ils sont tous des mots extraits

Principes geacuteneacuteraux

Dans cette cateacutegorie sont releveacutes tous les adverbes qui participent agrave la structuration interne de lrsquoeacutenonceacute crsquoest-agrave-dire les adverbes adosseacutes agrave un autre eacuteleacutement dans une mecircme proposition Lorsqursquoun adverbe est difficilement deacuteplaccedilable dans lrsquoeacutenonceacute ougrave il apparaicirct on considegravere alors qursquoil a la fonction de modifieur (soit de proposition soit de syntagme) comme dans les exemple suivants

Il travaille seacuterieusement gt 1 ADVmod

Le loup avance rapidement gt 1 ADVmod

Il chante faux gt 1 ADVmod

Il parle bas gt 1 ADVmod

Elle habite ici gt 1 ADVmod

Il reste longtemps gt 1 ADVmod

Elle est moins grande gt 1 ADVmod

Elle est tregraves belle gt 1 ADVmod

Elle est extrecircmement belle gt 1 ADVmod

Elle est un-petit-peu fatigueacutee gt 1 ADVmod

Il parle beaucoup gt 1 ADVmod

Tout seul gt 1 ADVmod

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

200

Beaucoup de sport moi gt 1 ADVmod

Crsquoest tregraves tregraves beau gt 2 ADVmod

Un adverbe modifieur peut ecirctre eacutegalement adjoint agrave une proposition

Le soir souvent il sort gt 1 ADVmod

Progressivement il faut les abattregt gt 1 ADVmod

Notons que dans le discours agrammatique les adverbes modifieurs peuvent ecirctre difficiles agrave identifier lorsque les eacuteleacutements auxquels ils devraient ecirctre adosseacutes sont manquants

De la mecircme maniegravere on comptabilise les particules de neacutegation totale ou partielle adosseacutees agrave un constituant (pas nehellippas nehellipjamais plus-jamais pas-du-tout plus-du-tout etchellip)

Elle ne veut pas gt 1 ADVmod

Je sais pas gt 1 ADVmod

Pas sucircr gt 1 ADVmod

Parle pas-du-tout gt 1 ADVmod

Cotations des adverbes oui et non en tant que modifieurs

Lorsque les adverbes oui et non sont clairement adosseacutes agrave une autre uniteacute lexicale dans le fil du reacutecit on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoadverbes modifieurs Ils apparaissent en caractegraveres gras car ils sont consideacutereacutes comme mots extraits

Ainsi dans les exemples suivants lrsquoadverbe non est adosseacute agrave la proposition

22 SB_agr1 je p- euh (3) [geoslashtine] gueutiner euh m- manger par-exemple non

Deformphonneacuteologie(deacuteglutirgtgueutiner) (le verbe en -ir est deacuteformeacute en verbe en -er) laquo je ne pouvais pas deacuteglutir raquo ADVmod(non) ADVdisc(par-exemple)

Annexe H-520

522 Variables MORPH-LEX associeacutees

Aux cotations en valeurs brutes ainsi reacutealiseacutees sont associeacutees les variables MORPH-LEX que nous deacutetaillons ci-apregraves

5221 Prop MCO

La variable Prop MCO (proportion de mots de classe ouverte) reflegravete la part de morphegravemes lexicaux produits relativement aux mots extraits

5222 Prop MCF (Proportion Closed Class Words)

La variable Prop MCF (proportion de mots de classe fermeacutee ou mots fonctions) correspond au poids relatif des MCF parmi les mots extraits

De ce fait la somme des variables Prop MCO et Prop MCF est eacutegale agrave 1 (soit 100 de mots extraits)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

201

5223 Prop CONJMots prod

La variable Prop CONJMots prod (proportion de conjonctions parmi les mots produits) renseigne sur la part relative de conjonctions produites parmi lrsquoensemble des corpus de mots produits au total

5224 Prop CONJdisc

La variable Prop CONJdisc (proportion de conjonctions agrave valeur discursive) renseigne sur le poids relatif des conjonctions ayant la fonction de particules de discours relativement au nombre de conjonctions releveacutees au total

5225 Prop CONJsynt

La variable Prop CONJsynt (proportion de conjonctions agrave valeur syntaxique) correspond au poids relatif des conjonctions ayant la fonction de coordonnant ou de subordonnant syntaxique relativement au nombre de conjonctions releveacutees au total

Par conseacutequent la somme des variables Prop CONJdisc et Prop CONJsynt est eacutegale agrave 1 (soit 100 des conjonctions analyseacutees comme particules de discours ou comme relateurs syntaxiques intra-phrastiques)

5226 Indice DET (DET Index)

La variable Indice DET (indice de deacutetermination) correspond au taux de deacuteterminants effectivement produits en contextes obligatoires Cet indice est proche ou eacutegal agrave 1 chez les locuteurs controcircles car quasiment tous les deacuteterminants requis sont produits Par contre il est infeacuterieur agrave 1 chez les agrammatiques qui ne produisent qursquoune partie des deacuteterminants exigeacutes par le contexte syntagmatique

En conseacutequence la diffeacuterence entre lrsquoIndice DET controcircle (1 ou 100 ) et un Indice DET infeacuterieur agrave 1 correspond au taux drsquoomissions de deacuteterminants obligatoires

5227 Prop PRO (Proportion Pronouns)

La variable Prop PRO (proportion du nombre de pronoms) est obtenue en calculant la proportion de pronoms releveacutes relativement agrave lrsquoensemble des pronoms (MCF) et noms (MCO) Cette mesure consiste agrave eacutevaluer le degreacute de pronominalisation de la reacutefeacuterence (ou en quelque sorte le degreacute de grammaticalisation de la reacutefeacuterence)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

202

5228 Prop V(V+N) (Proportion Verbs)

La variable Prop V(V+N) (proportion de verbes) indique le poids des verbes parmi lrsquoensemble des verbes et noms preacutesents dans les corpus Elle permet drsquoappreacutecier les capaciteacutes de reacutecupeacuteration des mots lexicaux qui sont des verbes compareacute aux noms

5229 Prop VMCO

Agrave titre indicatif la variable Prop VMCO (proportion de verbes parmi lrsquoensemble des mots de classe ouverte) vient compleacuteter la variable Prop V(V+N) (voir ci-dessus) Elle apparaicirct sur les feuilles de reacutesultats mais ne fera pas lrsquoobjet de commentaires particuliers dans la preacutesentation des reacutesultats

52210 Indice V-FLEX (Inflection Index)

La variable Indice V-FLEX (indice de flexion verbale) reflegravete la part de verbes effectivement fleacutechis en contextes obligatoires Chez les locuteurs controcircles cette variable est proche de 1 (ou 100 ) car en geacuteneacuteral tous les verbes sont complegravetement fleacutechis En revanche elle est infeacuterieure agrave 1 (ou 100 ) chez les agrammatiques pour qui les verbes ne sont pas tous complegravetement fleacutechis

De ce fait la diffeacuterence entre la valeur de lrsquoIndice V-FLEX controcircle (1 ou 100 ) et un Indice infeacuterieur correspond au taux drsquoomissions de flexions verbales obligatoires

52211 Prop PREPMots ext

La variable Prop PREPMots ext (proportion de mots extraits) indique le poids des preacutepositions employeacutees relativement agrave lrsquoensemble drsquoun corpus du mots extraits

52212 Prop ADV

La variable Prop ADV (proportion drsquoadverbes) permet de mesurer le poids des adverbes preacutesents (ADVdisc et ADVmod) parmi lrsquoensemble drsquoun corpus de mots produits

52213 Prop ADVdisc

Comme pour la variable Prop CONJdisc la variable Prop ADVdisc (proportion drsquoadverbes particules de discours) correspond agrave la proportion drsquoadverbes ayant la fonction de particule de discours relativement agrave lrsquoensemble des adverbes releveacutes

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

203

52214 Prop ADVmod

La variable Prop ADVmod (proportion drsquoadverbes modifieurs) correspond agrave la proportion drsquoadverbes ayant le rocircle de modifieurs relativement agrave lrsquoensemble des adverbes releveacutes

Par conseacutequent la somme des variables Prop ADVdisc et Prop ADVmod est eacutegale agrave 1 (soit 100 des adverbes analyseacutes soit comme ADVdisc soit comme ADVmod)

Les variables MORPH-LEX obtenues sont au nombre de 14 au total Par ailleurs une autre variable de morphologie srsquoapplique essentiellement agrave mesurer la complexiteacute morphologique des verbes matrices ce qui porte le nombre de variables de morphologie agrave 15 Nous lrsquoexposons ci-apregraves

523 Variable MORPH-V Indice Compl MORPH-V-Matrices

Nous avons revu la mesure Aux Complexity Index (ou Auxiliary Complexity Index) issue du protocole original QPA Les critegraveres de cotations ont eacuteteacute conccedilus suivant les caracteacuteristiques propres agrave la morphologie verbale de lrsquoanglais Crsquoest pourquoi il nous a paru indispensable de les adapter aux caracteacuteristiques du franccedilais

Nous ne deacutetaillerons pas ici les principes de cotation conccedilus pour la morphologie verbale anglaise Nous exposons ci-apregraves lrsquoaboutissement des adaptations reacutealiseacutees

Dans un premier temps il srsquoagit de relever le nombre de verbes matrices des phrases ( V-Matrices) crsquoest-agrave-dire les verbes noyaux porteurs des flexions verbales

Dans un deuxiegraveme temps il srsquoagit drsquoassigner des points ( V-Points MORPH) agrave chacun des V-Matrices releveacutes selon leur degreacute de complexification morphologique

Au final on obtient par ratio ( V-Points MORPH V-Matrices) une valeur syntheacutetique exprimant le degreacute de complexification morphologique des verbes matrices crsquoest-agrave-dire lrsquoIndice Compl MORPH-V-Matrices

5231 Comptage des verbes matrices V-Matrices (J) (Matrix Verbs)

Dans cette cateacutegorie on comptabilise le nombre de matrices verbales ou verbes noyaux portant les marques de temps ou drsquoaspect au sein drsquoune proposition principale ou drsquoune proposition subordonneacutee

Lrsquoobjectif est de mesurer ensuite la complexification morphologique du verbe matrice par flexion de la base ou ajout drsquoauxiliaires pour former les temps composeacutes ou par ajout de semi-auxiliaires et auxiliaires modaux pour former des peacuteriphrases verbales autour du verbe matrice Les V-Matrices sont comptabiliseacutes suivant les critegraveres expliciteacutes ci-apregraves

Dans le cas drsquoune coordination il convient de comptabiliser deux verbes matrices

Cendrillon a regardeacute puis essayeacute la chaussure gt 2 V-Matrices (regarder essayer) Ils sautaient et criaient gt 2 V-Matrices (sauter crier)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

204

Un verbe qui apparaicirct dans une proposition subordonneacutee (compleacutetive relative) est coteacute comme verbe matrice autonome127

Ils savaient qursquoils devaient partir gt 2 V-Matrices (savoir partir)

Elle espeacuterait qursquoelle irait au bal gt 2 V-Matrices (espeacuterer aller)

La feacutee parle agrave Cendrillon qui pleure gt 2 V-Matrices (parler pleurer)

Le chien mange un bol qui est donneacute par le garccedilon gt 2 V-Matrices (manger donner)

Lorsqursquoun verbe est dans une proposition deacutependante infinitive introduite le cas eacutecheacuteant par une preacuteposition on ne le considegravere pas comme verbe matrice

Il dit de venir gt 1 V-Matrice (dire et non venir)

La megravere prend une casserole pour chauffer de lrsquoeau gt 1 V-Matrice (prendre et non chauffer)

Les verbes auxiliaires ecirctre et avoir ainsi que les semi-auxiliaires de type aller ou tout autre semi-auxiliaire modal ou causatif ne sont pas agrave comptabiliser comme verbes matrices autonomes

Le prince va trouver la fille gt 1 V-Matrice (trouver)

Ils devaient partir gt 1 V-Matrice (partir)

Cendrillon peut aller au bal gt 1 V-Matrice (aller)

La souplesse a commenceacute agrave revenir gt 1 V-Matrice (revenir)

On va continuer agrave rouler gt 1 V-Matrice (rouler)

Les auxiliaires de temps composeacutes et les semi-auxiliaires servant agrave la formation de peacuteriphrases verbales autour des verbes noyaux ne doivent pas ecirctre confondus avec les verbes matrices

Pour finir le verbe ecirctre utiliseacute comme copule et le verbe avoir dans son sens plein sont consideacutereacutes en tant que verbes matrices (agrave ne pas confondre avec les auxiliaires de temps composeacutes)

5232 Complexification morphologique des verbes matrices - principes de cotation de fixeacutes pour le franccedilais V-Points Morph (J1) (Aux Score)

(a) Principes geacuteneacuteraux

Lrsquoadaptation de cette mesure au franccedilais nous paraicirct indispensable si lrsquoon souhaite renseigner de maniegravere fiable sur la complexification morphologique verbale en franccedilais

Les points agrave assigner agrave la complexification des verbes matrices tiennent compte de la base verbale de la temporaliteacute et de lrsquoemploi drsquoun verbe auxiliaire Le nombre de points agrave assigner

127 Agrave la diffeacuterence du protocole original QPA ougrave les verbes de propositions relatives ne sont pas pris en compte Nous preacutefeacuterons les prendre en compte pour restituer au mieux le degreacute drsquoeacutelaboration des verbes preacutesents

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

205

agrave chaque verbe matrice releveacute au sein des corpus est preacuteciseacute ci-apregraves entre parenthegraveses Les points srsquoadditionnent pour un mecircme verbe matrice

Ainsi le nombre de points assigneacute agrave un verbe matrice donneacute est conditionneacute par

la preacutesence drsquoune base verbale si elle est agrave lrsquoinfinitif (+1) au participe (+1) (si la forme au participe est reacuteguliegravere (+1) et si la forme au participe est irreacuteguliegravere (+2) )

la temporaliteacute128 et le mode porteacutes par le verbe matrice et par lrsquoauxiliaire le cas eacutecheacuteant impeacuteratif (+1) preacutesent (+1) passeacute (+2) imparfait (+2) subjonctif (+2) conditionnel (+2) futur (+2)

lrsquoemploi drsquoun auxiliaire ecirctre ou avoir (+1) ou drsquoun semi-auxiliaire (+1) dans une peacuteriphrase verbale (telle que ecirctre-en-train (de) venir (de) aller se mettre (agrave) manquer (de) continuer (agrave) commencer (agrave) faillir sembler devoir pouvoir etchellip + Vinf) On assigne des points aux auxiliaires et aux semi-auxiliaires suivant les critegraveres de complexification preacuteciteacutes (base et temporaliteacute)

En reacutesumeacute chaque point assigneacute agrave un verbe matrice est deacutetermineacute par un des modes de complexification morphologique deacutecrits ci-dessus

Nous deacutetaillons la proceacutedure agrave lrsquoaide drsquoexemples varieacutes issus de nos corpus oraux ou construits

(b) Cotation des V-Matrices agrave la forme non finie (ou laquo basique raquo) infinitive (+1) participe reacuteguliegravere (+1) ou participe irreacuteguliegravere (+2)

Travailler eacutelectronique gt +1 (Vinf)

Le fille manger gt +1 (Vinf)

Moi revenu gt +2 (Vpartirr)

Lorsqursquoun verbe est agrave la forme participe 1 point est assigneacute dans le cas ougrave la formation du participe est reacuteguliegravere crsquoest-agrave-dire pour les verbes dont la forme infinitive est en -E (-er) et qui se reacutealisent aussi en -E final (-eacute) au participe Drsquoautre part pour les verbes en -R (-r -re) agrave la forme infinitive et dont le participe est irreacutegulier (partirgtparti venirgtvenu voirgtvu devoirgtducirc prendregtpris fairegtfait etchellip) 2 points sont assigneacutes lorsqursquoils sont fleacutechis au participe passeacute

128 TOURATIER (1996 61-69) propose une laquo structure morphologique du verbe franccedilais raquo eacutelaboreacutee suivant des paradigmes drsquouniteacutes morphologiques dont relegravevent les formes verbales Un graphe complexe eacutetabli sur plusieurs plans (Touratier 1996 64) repreacutesente la combinatoire des diffeacuterentes cateacutegories en jeu dans la conjugaison du verbe franccedilais (Preacutesent Futur Subjonctif Imparfait Infinitif Participe Impeacuteratif Passeacute ndash Simple Composeacute 1 Composeacute 2) en fonction des uniteacutes morphologiques qui ont eacuteteacute mises en eacutevidence par commutation et qui leur ont eacuteteacute associeacutees Un graphe eacutepureacute qui preacutesente laquo la structure du verbe de la langue parleacutee raquo permet de bien identifier et distinguer les cateacutegories temporelles entre elles La mesure de la complexification morphologique des verbes matrices se reacutefegravere notamment agrave ce modegravele global des cateacutegories de conjugaison pour le verbe franccedilais Pour eacutevaluer quantitativement la complexification morphologique du verbe matrice nous tenons compte en plus de ces cateacutegories des eacuteventuelles peacuteriphrases verbales

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

206

Lorsque le participe est marqueacute au feacuteminin (prendregtprise fairegtfaite) un point en plus est assigneacute

La tarte faite(3) gt +3 (Vpartirrfeacutem)

(c) Cotation des V-Matrices agrave la forme finie

Lorsque la forme est fleacutechie au preacutesent ou agrave lrsquoimpeacuteratif on assigne 2 points

Entre gt +2

Crsquoest grande gt +2

Le chien aboie gt +2

Le loup avance gt +2

Prend le lit gt +2

La maman vient gt +2

La fille part gt +2

En cas drsquoerreurs de flexion la cotation est quand mecircme effectueacutee

La fille partent (au lieu de part) gt +2

Lorsque la forme finie est au passeacute imparfait subjonctif ou futur on assigne 3 points

Le loup vint gt +3

Elle eacutetait belle gt +3

Le loup venait gt +3

Le loup viendra gt +3

(d) Cotation des V-Matrices avec un auxiliaire

Si lrsquoauxiliaire est agrave la forme non finie (une forme basique de lrsquoinfinitif ecirctre avoir aller ecirctre-en-train (de)) on assigne 1 point

Les formes est a et va au preacutesent comptent pour 2 points et 3 points pour les autres temps (passeacute imparfait futur)

Elle avoir(1) mangeacute(1) gt +2

Jrsquo ai(2) mangeacute(1) gt +3

La fille est(2) partie(2) gt +4

Lrsquoenfant a(2) parti(2) gt +4

Je suis(2) parti(2) gt +4

Le loup allait(3) venir(1) gt +4

Il a(2) pas revu(2) lrsquohomme gt +4

Il a(2) fait(2) gt +4

La fille eacutetait(3) partie(2) gt +5

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

207

(e) Cotation des peacuteriphrases verbales (avec semi-auxiliaires ou modaux) impliquant un V-Matrice

Si le verbe matrice est impliqueacute dans une peacuteriphrase verbale avec un semi-auxiliaire aspectuel (ecirctre-en-train (de) aller venir (de)) modal (vouloir devoir pouvoir) ou causatif (faire laisser) il faut en tenir compte

Le loup va(2) venir(1) gt +3

Le loup est en train de(2) venir(1) gt +3

Le loup va(2) pouvoir(1) partir(1) gt +4

Le loup peut(2) partir(1) gt +3

Le loup pouvait(3) partir(1) gt +4

Le loup a(2) pu(2) partir(1) gt +5

La maman fait(2) cuire(1) la galette gt +3

Le loup faisait(2) courir(1) la grand-megravere gt +4

La fille srsquoest(2) faite(3) deacutevorer(1) gt +5

Elle srsquoeacutetait(3) laisseacute(1) tomber(1) gt +4

La souplesse a(2) commenceacute(1) agrave revenir(1) gt +4

On va(2) continuer(1) agrave rouler(1) gt +4

Il vient(2) drsquoacheter(1) le journal gt +3

Elle aimerait(4) aller(1) au bal gt +4

(f) Cotation des V-Matrices coordonneacutes

Lorsque deux verbes matrices ou plus sont coordonneacutes par une conjonction agrave valeur syntaxique (et non discursive) et si un seul auxiliaire est preacutesent on compte la valeur de lrsquoauxiliaire autant de fois qursquoil y a de verbes matrices

Ils avaient(3+3) mangeacute(1) puis lu(2) gt +9

5233 Indice Compl MORPH-V-Matrices (Aux Complexity Index)

Une fois que tous les V-Matrices ont eacuteteacute comptabiliseacutes et coteacutes suivant leur degreacute de complexification morphologique il suffit de diviser le total de verbes matrices par le nombre total de points assigneacutes dans un corpus donneacute Ensuite 1 point est ocircteacute agrave ce reacutesultat Au final la mesure Indice Compl MORPH-V-Matrices obtenue est un indicateur syntheacutetique du degreacute de complexification morphologique des verbes Il permet drsquoappreacutecier dans quelle mesure les meacutecanismes de flexions morphologiques du verbe sont effectivement reacutealiseacutes par le locuteur

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

208

53 Les variables SYNTAX

531 Valeurs brutes SYNTAX

5311 Principes geacuteneacuteraux de cotation des eacutenonceacutes

Le discours continu est segmenteacute en eacutenonceacutes distincts autonomes que nous appelons eacutenonceacutes segmenteacutes (E Seg)129 La deacutemarche de segmentation du discours continu a eacuteteacute exposeacutee en deacutetail aux points 47 et 48 (pp 154-163) consacreacutes au preacute-traitement des corpus lorsqursquoil srsquoagissait de fixer les critegraveres syntactico-prosodiques de segmentation

En reacutesumeacute chacun des E Seg est coteacute suivant qursquoil est

un E Ph (un eacutenonceacute-phrase crsquoest-agrave-dire une construction de forme canonique minimale de type SN-S+SV)

un E Ph Gram (un eacutenonceacute-phrase grammatical crsquoest-agrave-dire un eacutenonceacute de forme canonique et grammatical)

un E Non-Can (un eacutenonceacute de forme non canonique crsquoest-agrave-dire tous les autres types de constructions)

Agrave lrsquoaide drsquoexemples tireacutes des corpus oraux agrammatiques controcircles ou construits par nous-mecircme nous exposons ci-apregraves les deacutetails techniques concernant la cotation des E Seg On peut se reacutefeacuterer eacutegalement aux exemples tireacutes des corpus et reproduits tels quels dans la partie consacreacutee au preacute-traitement des corpus (4721 pp 156-160)

5312 Principes deacutetailleacutes de cotation des eacutenonceacutes

(a) Cotation des eacutenonceacutes de forme canonique E Ph (K) (Sentences)

Les constructions de forme canonique ou eacutenonceacutes-phrases correspondent aux constructions dont la structure syntaxique minimale implique au moins un SN-Sujet combineacute agrave un preacutedicat verbal composeacute au moins drsquoun verbe noyau (qursquoil soit agrave la forme finie ou non finie) et ce en respectant les regravegles de combinaisons canoniques de la syntaxe standard du franccedilais oral crsquoest-agrave-dire lrsquoordre canonique des constituants drsquoune phrase

Si la structuration ne respecte pas ce critegravere minimal de canoniciteacute elle nrsquoest pas coteacutee comme E Ph mais comme E Non-Can

129 Rappelons que la valeur brute E Seg (nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes) est une variable CORPUS (voir au point 5114 p 184)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

209

Pour ecirctre coteacute E Ph lrsquoeacutenonceacute ne doit pas ecirctre forceacutement coheacuterent seacutemantiquement ni grammaticalement bien formeacute Par exemple un deacuteterminant obligatoire peut faire deacutefaut alors que la structure syntaxique minimale (SN-S+SV) qui en conditionne le caractegravere canonique demeure preacuteserveacutee De plus par convention les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif sont des eacutenonceacutes de forme canonique car le SN-sujet est implicite

Ainsi les eacutenonceacutes suivants sont coteacutes 1 point en tant que E Ph

Viens gt (SN-S) + SV

La fille fait la vaisselle gt SN-S + SV

Loup entrer maison gt SN-S + SV

Cendrillon fait gt SN-S + SV

Petit Chaperon Rouge a peur gt SN-S + SV

Loup partir gt SN-S + SV

Moi revenu gt SN-S + SV

Crsquo est fini gt SN-S + SV

Ccedila va gt SN-S + SV

Les constructions agrave deacutetachement du SN-S en tecircte de structure avec reprise anaphorique par un pronom deacutemonstratif sujet sont aussi de forme canonique

La parole crsquo est moi gt SN-SPRO + SV

Dessin ccedila va gt SN-SPRO + SV

(b) Cotation des eacutenonceacutes de forme non canonique E Non-Can (TC Utterances)

Les eacutenonceacutes de forme non canonique correspondent aux autres constructions qui ne sont pas de type SN-S+SV Elles sont tregraves varieacutees surtout dans les corpus de discours agrammatiques La liste drsquoexemples citeacutes ci-apregraves est repreacutesentative des divers types de constructions de forme non canonique rencontreacutees mais non exhaustive

Les combinaisons SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV

Cendrillon souillon gt SN + SN

Loup maison gt SN + SN

Cendrillon tregraves jolie gt SN + ADJ

Moi content gt SN + ADJ

Ccedila bien gt SN + ADV

Le loup dans la maison gt SN + SP

Loup devant gt SN + ADV

Les preacutedicats isoleacutees SV ou V SN ou N SP ADJ ADV

Donner banane gt SV

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

210

Recommencer le plongeacutee gt SV

Enlever bouche gt SV

Fait toilette gt SV

Partir gt V

Trois filles gt SN

Cendrillon deux filles gt SNSN (juxtaposition)

Lrsquohomme content gt SN + ADJ

Et singe gt N

Et dans la maison gt SP

Pas content gt ADV + ADJ

Belle gt ADJ

Alors lentement gt ADV

Bien gt ADV

Les constructions avec SN-O anteacuteposeacute au SV

Les constructions avec anteacuteposition du SN-Objet direct ou indirect par rapport au verbe sont coteacutees comme E Non-Can

Lrsquohomme lrsquoarbre tirer gt SN-O anteacuteposeacute (lrsquohomme tire lrsquoarbre)

En fonction de la phrase cible qursquoon peut induire drsquoapregraves les indices pragmatiques (le contexte discursif ou lrsquoaction repreacutesenteacutee sur une image) nous avons pris soin drsquoidentifier les constituants dans les constructions ougrave une ambiguumliteacute formelle pouvait surgir crsquoest-agrave-dire les constructions laquo SN-S+SV apparentes raquo qui sont en fait des constructions ougrave le SN-O est anteacuteposeacute avec eacuteventuellement une ellipse du SN-S comme dans les eacutenonceacutes suivants130

Meacutemoire ccedila travailler gt SN-O anteacuteposeacute (je travaille la meacutemoire)

Franccedilais lire gt SN-O anteacuteposeacute (je lis le franccedilais)

Le journal lit gt SN-O anteacuteposeacute (lrsquohomme lit le journal)

Les constructions avec SN-S postposeacute au SV

De la mecircme maniegravere les constructions dans lesquelles un SN-Sujet est postposeacute au SV ne peuvent entrer dans la cateacutegorie des E Ph La construction suivante par exemple est un E Non-Can car le SN qui est bien identifieacute comme SN-S et qui est bien preacutesent dans la construction est postposeacute au SV

Pas-du-tout content vendeur gt [ADV+ADJ] + SN-S postposeacute (le vendeur nrsquoest pas du tout content) 130 Il pourrait aussi srsquoagir de construction avec deacutetachement telle que la meacutemoire je la travaille ougrave le pronom employeacute ccedila serait une forme neutre du PRO(la) mais nous ne pouvons lrsquoaffirmer avec certitude En tous les cas agrave chaque fois le SN-S est absent lrsquoabsence de SN-S implique de coter ce type de structures en tant qursquoE Non-Can Drsquoautre part cela revient agrave topicaliser lrsquoObjet placeacute en tecircte et auquel srsquoapplique ensuite la preacutedication verbale

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

211

5313 Nombre de mots extraits composant les E Ph et les E Non-Can Mots ext(E Ph) (L) (Words in Sentences) et Mots ext(E Non-Can) (M) (Words in TC Utterances)

Les nombres de mots extraits ont eacuteteacute releveacutes pour chacun des eacutenonceacutes segmenteacutes sur les feuilles de travail sur corpus

Drsquoapregraves les cotations ainsi effectueacutees sur les feuilles de travail le tableur calcule automatiquement les nombres de mots extraits composant drsquoune part les E Ph (variable (M) sur la feuille de reacutesultats Mots ext(E Ph) ) et drsquoautre part les E Non-Can (variable (L) sur la feuille de reacutesultats Mots ext(E Non-Can) )

5314 Nombre drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et grammaticaux E Ph Gram (N) (Well-formed Sentences)

Une construction est grammaticale ou bien formeacutee ( E Ph Gram) si elle respecte les principes de bonne formation drsquoune phrase des points de vue syntaxique et morphologique

Cendrillon va au bal gt E Ph Gram

Ccedila va gt E Ph Gram

La galette crsquoest bien gt E Ph Gram

Les constructions suivantes sont par exemple reacuteputeacutees agrammaticales et donc coteacutees nulles de ce point de vue

Elle a (hellip) gt absence de compleacutement drsquoobjet obligatoire (abandon)

Elle met () gt absence de compleacutement drsquoobjet obligatoire

Grand fille va au bal gt absence de deacuteterminant et de flexion en genre obligatoires

Mathieu prendre le train gt absence de flexion verbale

5315 Nombre de syntagmes nominaux sujet SN-S (O) (Subject Noun Phrases)

Parmi les E Ph seulement on comptabilise le nombre de syntagmes nominaux sujets (SN-S)

Si lrsquoon rencontre une construction agrave lrsquoimpeacuteratif on ajoute par convention 1 point correspondant au SN-S implicite afin de ne pas fausser les reacutesultats a posteriori car les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif sont consideacutereacutees comme des constructions de forme canonique (SN-S + SV) ougrave le SN-S est implicite

Ainsi les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif doivent ecirctre coteacutees 1

Entrez gt 1 SN-S

Dans le cas de reprise anaphorique que lrsquoon rencontre souvent agrave lrsquooral on considegravere que le SN theacutematiseacute et le pronom de reprise est solidaire du SN-S comme par exemple

Cendrillon elle avait des sœurs gt 1 SN-S

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

212

Lorsque deux SN-S ou plus sont coordonneacutes par une conjonction agrave valeur syntaxique on les comptabilise seacutepareacutement

Le prince et la princesse dansent gt 2 SN-S

Le prince et Cendrillon sont eacutepouseacutes gt 2 SN-S

Lorsqursquoun SN-S est utiliseacute dans une structure ougrave deux SV sont coordonneacutes on comptabilise un seul SN-S

Le loup entrer dans la maison et manger la grand-megravere gt 1 SN-S

5316 Nombre de mots (MCO+PRO) composant les SN-S Mots MCO+PRO(SN-S) (P) (Words in SNPs)

Pour cette mesure on comptabilise le nombre de mots de classe ouverte (MCO) et de pronoms sujets (PRO) impliqueacutes dans la formation du SN-S releveacute dans les E Ph (les eacutenonceacutes de forme canonique)

Le prince et la princesse dansent gt 2 MCO

Le grand meacutechant loup a deacutevoreacute la grand-megravere gt 3 MCO

Elle et lui discutent gt 2 PRO

Lui est arriveacute avant gt 1 PRO

Le magasin du coin de la rue est ouvert gt 3 MCO

Dans le cas drsquoune reprise anaphorique ou dans les constructions agrave deacutetachement il convient de comptabiliser autant de MCO et de PRO constitutifs du SN-S

Cendrillon elle avait des sœurs gt 1 MCO + 1 PRO

La galette crsquoest bien gt 1 MCO + 1 PRO

Lorsqursquoun SN-S integravegre une proposition deacutependante les mots sont comptabiliseacutes ainsi

Le loup qui est alleacute vite est arriveacute avant gt 3 MCO

Cendrillon qui avait une nouvelle robe allait au bal gt 4 MCO

5317 Nombre de syntagmes verbaux SV (Q) (Verb Phrases)

Parmi les E Ph seulement on comptabilise le nombre total de SV

Si deux SV ou plus sont coordonneacutes on les comptabilise seacutepareacutement

Elle entre et approche gt 2 SV (coordination)

Il est rentreacute chez sa grand-megravere et a discuteacute avec elle gt 2 SV (coordination)

Le singe mange la banane jette la peau gt 2 SV (juxtaposition)

Le chien aboie aboie gt 2 SV (reacutepeacutetition figure)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

213

5318 Nombre de mots MCO+PRO composant les SV Mots MCO+PRO(SV) (R) (Words in VPs)

Comme pour les SN-S on comptabilise le nombre de mots de classe ouverte et de pronoms impliqueacutes dans la structuration du SV releveacute dans les E Ph (les eacutenonceacutes de forme canonique) On obtient le nombre de mots (MCO+PRO) composant les SV ( Mots MCO+PRO(SV) )

Le verbe noyau est pris en compte mais pas le verbe auxiliaire

Lrsquohomme a attacheacute lrsquoarbre avec la corde gt 3 MCO

Lrsquohomme lrsquo a attacheacute avec la corde gt 2 MCO + 1 PRO

Par contre on cote les verbes auxiliaires (temporels aspectuels modaux et actanciels) qui servent agrave former des peacuteriphrases verbales comme autant de MCO

Lrsquohomme va attacher lrsquoarbre avec la corde gt 4 MCO

Lrsquohomme va lrsquo attacher avec la corde gt 3 MCO + 1PRO

Lrsquohomme doit attacher lrsquoarbre avec la corde gt 4 MCO

Drsquoautre part il convient de comptabiliser les adverbes seulement lorsqursquoils sont modifieurs et deacutependants du SV (en geacuteneacuteral les adverbes modifieurs de verbes sont difficiles agrave deacuteplacer)

Elle courait tregraves vite gt 3 MCO

Les pronoms clitiques (clitiques de formes conjointes objets atones dont les reacutefleacutechis et reacuteciproques) et personnels (disjoints objets toniques) doivent ecirctre pris en compte tels que dans les exemples suivants

La princesse se regarde gt 1 MCO + 1 PRO

Ils se parlent gt 1 MCO + 1 PRO

La princesse le salue gt 1 MCO + 1 PRO

Le voisin lui parle gt 1 MCO + 1 PRO

Le Petit Chaperon Rouge a peur de lui gt 2 MCO + 1 PRO

Le Petit Chaperon Rouge en a peur gt 2 MCO + 1 PRO

Il dit agrave moi gt 1 MCO + 1 PRO

Il srsquo en va gt 1 MCO + 2 PRO

5319 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee SUB (S) (Embeddings)

Il srsquoagit de relever les eacutenonceacutes segmenteacutes qui contiennent au moins une proposition subordonneacutee ( SUB) Ces eacutenonceacutes sont coteacutes 1 dans une colonne du tableur preacutevue agrave cet effet

Une construction syntaxique est complexe agrave partir du moment ougrave une relation drsquoenchacircssement implique au moins deux propositions une principale et une deacutependante Par ailleurs il faut que la proposition deacutependante soit structureacutee autour drsquoun verbe effectivement preacutesent

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

214

532 Variables SYNTAX associeacutees

Une fois que les cotations en valeurs brutes des aspects syntaxiques ont eacuteteacute effectueacutees les calculs de variables SYNTAX associeacutees sont reacutealiseacutes automatiquement Nous les exposons ci-apregraves

5321 Prop Mots ext(E Ph) (Proportion Words in Sentences)

La variable Prop Mots ext(E Ph) (proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases ou eacutenonceacutes de forme canonique) indique la quantiteacute de mots extraits consacreacutee agrave la formulation drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

Ainsi chez un locuteur controcircle cette variable est proche de 1 (ou 100 ) car les corpus oraux controcircles sont essentiellement composeacutes drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

Drsquoautre part chez les agrammatiques cette proportion sera en geacuteneacuterale infeacuterieure agrave 1 (ou 100) car les corpus agrammatiques comptent moins drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

5322 Prop Mots ext(E Non-Can)

La variable Prop Mots ext(E Non-Can) (proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes de forme non canonique) est le corollaire de la variable preacuteceacutedente Elle indique la quantiteacute de mots composant les eacutenonceacutes de forme non canonique

Par conseacutequent la somme des variables Prop Mots ext (E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) est eacutegale agrave 1 (ou 100 )

Drsquoautre part cette variable sera faible chez les locuteurs controcircles (proche de 0) et relativement plus eacuteleveacutee chez les locuteurs agrammatiques dont les corpus sont plus prolifiques en structurations syntaxiques non canoniques

5323 Long Moy E Ph(Mots ext) (Mean Sentence Length)

La variable Long Moy E Ph(Mots ext) (longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en mots extraits) permet drsquoappreacutecier la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute lorsqursquoil est de forme canonique

Cette variable ressemble fortement agrave la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 5125 p 185) mais nrsquoest pas tout agrave fait identique

En effet la variable CORPUS se calcule sur la base de tous les eacutenonceacutes segmenteacutes produits et pas seulement sur la base des eacutenonceacutes-phrases comme crsquoest le cas de la variable SYNTAX

5324 Prop E Ph Gram (Proportion Well-formed Sentences)

La variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux) renseigne sur le poids relatif des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

215

Dans le protocole original QPA il se calcule de maniegravere restrictive par rapport au nombre drsquoeacutenonceacutes-phrases releveacutes Cependant pour une meilleure appreacuteciation des performances drsquoun locuteur nous pensons qursquoil convient de modifier le calcul de cette variable en calculant deacutesormais la part relative des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) par rapport agrave lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes produits (donc par rapport agrave la valeur E Seg et non par rapport au nombre drsquoE Ph seulement)131

En bref parmi lrsquoensemble des E Seg produits cette variable reflegravete les capaciteacutes de structuration syntaxique des locuteurs On peut donc srsquoattendre agrave ce qursquoelle soit en geacuteneacuterale plus faible chez les agrammatiques que chez les controcircles

5325 Indice Elab E Ph (Sentence Elaboration Index)

La variable Indice Elab E Ph (indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases) se calcule en additionnant simplement les variables Indice Elab SN-S (indice drsquoeacutelaboration des SN-Sujets voir ci-apregraves au point (a) ) et Indice Elab SV (indice drsquoeacutelaboration des SV voir ci-apregraves au point (b) ) Ces deux variables apparaissent dans les feuilles de reacutesultats (voir ci-apregraves les deacutetails de leur calcul aux points (a) et (b) )

Au final cette variable permet drsquoappreacutecier le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes de forme canonique (les E Ph seulement) Celle-ci ne reflegravete donc pas les capaciteacutes de structuration syntaxique attacheacutees agrave la formulation des eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can)

On obtient ainsi une variable exprimant le degreacute drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes de forme canonique uniquement (E Ph) Pour cette variable SYNTAX en particulier nous expliquerons plus en deacutetail les significations de cet indice dans le chapitre 6 consacreacute aux reacutesultats (voir au point 635(a) p 307)

(a) Indice Elab SN-Sujet (SNP Elaboration Index)

La variable Indice Elab SN-Sujet reprend la valeur de la variable Long Moy SN-Sujet132 agrave laquelle on a soustrait 1 point

(b) Indice Elab SV (VP Elaboration Index)

La variable Indice Elab SV (indice drsquoeacutelaboration du SV) reprend la valeur de la variable Long Moy SV133 diminueacutee de 1 point eacutegalement

131 Voici un exemple de calcul comparatif pour un corpus agrammatique donneacute on obtient 4 E Ph pour 100 eacutenonceacutes segmenteacutes produits (E Seg) Parmi ces E Ph 2 sont des E Ph Gram Drsquoapregraves le protocole original cela revient agrave dire que 50 des eacutenonceacutes-phrases produits sont des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux Dans le protocole original le ratio est calculeacute sur la base des E Ph et non sur la base de la totaliteacute des E Seg produits Par contre si on calcule le ratio par rapport au nombre total drsquoE Seg produits le reacutesultat est de 2 (soit 4 E Ph sur 100 E Seg) Ainsi en prenant comme base de calcul le nombre total drsquoE Seg produits (le deuxiegraveme calcul) cela permet drsquoobtenir une mesure qui nous semble plus repreacutesentative des performances reacuteelles drsquoun locuteur selon notre exemple 2 des eacutenonceacutes produits sont grammaticaux et non 50 132 La mesure Long Moy SN-Sujet (longueur moyenne drsquoun SN-Sujet en nombre de MCO+PRO) correspond au nombre moyen de mots de classe fermeacutee (MCO) et de pronoms (PRO) composant les SN-S releveacutes

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

216

5326 Prop SUB (Embedding Index)

La variable Prop SUB134 (proportion drsquoeacutenonceacutes comportant au moins une subordination) reflegravete le poids des eacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une hieacuterarchie syntaxique

On obtient ainsi 6 variables SYNTAX

Nous en avons termineacute de la preacutesentation des variables CORPUS MORPH et SYNTAX

Les mesures deacutecrites jusqursquoagrave preacutesent sont agrave utiliser telles quelles pour les analyses corpus de discours continu (tacircche 1 2 et 3) Par contre le protocole drsquoanalyse est quelque peu ameacutenageacute en ce qui concerne les analyses de corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4)

Le paragraphe suivant (54) explique ces ameacutenagements

54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

541 Variables quantitatives non utiliseacutees pour la tacircche 4

Parmi toutes les variables exposeacutees tout au long de ce chapitre seules celles qui correspondent agrave des cotations de mots extraits sont retenues

Ainsi alors que toutes les variables SYNTAX sont pertinentes certaines des variables CORPUS et MORPH-LEX ne le sont pas eu eacutegard le type de donneacutees linguistiques obtenues (production de phrases isoleacutees)

Au final nous ne calculerons pas les variables suivantes Prop Mots extprod (CORPUS)

DEBIT Mots prod (CORPUS)

DEBIT Mots ext (CORPUS)

Long Moy E Seg(Mots Prod) (CORPUS)

Prop CONJMots Prod (MORPH-LEX)

Prop CONJdisc (MORPH-LEX)

Prop CONJsynt (MORPH-LEX)

133 La mesure Long Moy SV (longueur moyenne drsquoun SV en nombre de MCO+PRO) correspond au nombre moyens de mots de classe fermeacutee (MCO) et de pronoms (PRO) composant les SV releveacutes 134 Preacutecisons que le protocole original preacutevoit le calcul de la variable Embedding Index sur la base des Sentences essentiellement crsquoest-agrave-dire sur la base de ce que nous appelons eacutenonceacutes-phrases ou E Ph Cependant afin de refleacuteter au mieux les capaciteacutes de formulation de subordonneacutees nous prenons ici comme base de calcul lrsquoensemble des E Seg (crsquoest-agrave-dire tous les eacutenonceacutes segmenteacutes produits) et pas seulement les eacutenonceacutes de forme canonique

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

217

Prop ADVMots prod (MORPH-LEX)

Prop ADVdisc (MORPH-LEX)

Prop ADVmod (MORPH-LEX)

Bien sucircr cet ameacutenagement du protocole en vue des analyses structurales des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) transparaicirctra dans la preacutesentation des reacutesultats au point 6 (pp 223-311) Ainsi pour certains graphes correspondant aux variables preacuteciteacutees qui nrsquoauront pas eacuteteacute calculeacutees pour la tacircche 4 en particulier les donneacutees nrsquoapparaicirctront pas

Nous deacutetaillons ci-dessous les principes de cotations particuliers aux corpus de phrases isoleacutees

542 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes (Prop E Seg)

Dans certains cas des phrases produites par les locuteurs agrammatiques nrsquoont pas eacuteteacute retenues en vue des analyses structurales

dans les cas ougrave le locuteur nrsquoa pas formuleacute de reacuteponse (eacutechec) ougrave que sa reacuteponse nrsquoest pas analysable (bribes aucune tentative)

dans les cas ougrave nous jugeons que la formulation a eacuteteacute trop influenceacutee par les facilitations lexicales ou syntaxiques fournies par lrsquoexpeacuterimentatrice

La variable Prop E Seg (proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ici il srsquoagit de phrases isoleacutees) est obtenue en calculant la proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes effectivement produits et retenus pour les analyses par rapport aux 60 constructions cibles proposeacutees Elle indique simplement le nombre drsquoeacutenonceacutes produits qui ont eacuteteacute retenus et soumis aux analyses quantitatives

543 Cotation des phrases produites selon les critegraveres de grammaticaliteacute agrammaticaliteacute

La structure agrave produire est tregraves induite par le stimulus imageacute et la consigne La cotation du trait grammatical agrammatical est ainsi tregraves aiseacutee pour obtenir la variable Prop E Ph Gram Elle est reacutealiseacutee en se reacutefeacuterant agrave la structure cible agrave produire suivant le stimulus visuel Pour deacutecider si une structure est grammaticale ou non on srsquoappuie

drsquoune part sur des critegraveres formels morpho-lexicaux et morpho-flexionnels stricts lorsqursquoon relegraveve des omissions ou des substitutions de morphegravemes lexicaux ou grammaticaux libres lieacutes obligatoires la phrase est coteacutee laquo agrammaticale raquo

et drsquoautre part selon des critegraveres formels syntaxiques lorsqursquoon relegraveve des absences ou des deacuteplacements drsquoarguments obligatoires

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

218

5431 Critegraveres morpho-lexicaux

Les exemples suivants illustrent diffeacuterents cas ougrave la structure effectivement produite est agrammaticale

Consideacuterons la structure cible suivante

La fille donne de lrsquoargent agrave la megravere

Les productions effectives correspondantes ci-dessous sont agrammaticales

(1) Le garccedilon donne des sous agrave la megravere gt LEXsubst(fillegtgarccedilon)

(2) La fille donner des sous agrave la megravere gt Vinf(donner) (0 V-FLEX)

(3) La fille donne des sous la megravere gt PREPom(agrave)

(4) Le fille donne des sous agrave megravere gt DETsubst(lagtle) DETom(la)

(5) La fille des sous agrave sa megravere gt Vom(donne)

(6) La fille prend la megravere gt LEXsubst(donnegtprend)

(7) La fille donne des sous dans la megravere gt PREPsubst(agravegtdans)

Par ailleurs dans quelques cas on a pu relever des ajouts de morphegravemes ou des deacuteformations phoneacutemiques lourdes impliquant que la phrase produite soit coteacutee agrammaticale

Ainsi par exemple pour la phrase attendue suivante

La megravere embrasse le pegravere

les productions ci-dessous sont coteacutees agrammaticales

La fille srsquoembrasse sur le pegravere gt PROrecajout(srsquo) PREPajout(sur)

Le garccedilon et la fille se [kaman] gt Deformphon(chamaillentgt[kaman])

5432 Critegraveres syntaxiques

Les configurations syntaxiques qui ne respectent pas le nombre minimal drsquoarguments obligatoires sont agrammaticales

Consideacuterons encore la mecircme structure cible

La fille donne de lrsquoargent agrave la megravere

Les productions suivantes sont coteacutees nulles du point de vue de la grammaticaliteacute du fait de lrsquoabsence drsquoun des arguments requis dans la structure cible

(1) La fille donne des sous (hellip) gt absence drsquoun argument SP-OIndom(agrave la megravere)

(2) La fille donne () la megravere gt absence drsquoun argument SN-ODirom(de lrsquoargent)

(3) La fille donne (hellip) (hellip) gt absence des 2 arguments SN-ODirom(de lrsquoargent)

SP-OIndom(agrave la megravere)

(4) (hellip) donne des sous agrave la megravere gt absence du SN-S SN-Som(la fille)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

219

Ainsi mecircme si la phrase produite est grammaticale du point de vue morphologique les arguments obligatoires non formuleacutes impliquent que la structure produite srsquoavegravere agrammaticale

5433 Emploi drsquoun verbe geacuteneacuterique agrave la place du verbe adeacutequat

Il se peut que le locuteur ne parvienne pas agrave produire le verbe speacutecifique attendu comme dans lrsquoexemple suivant ougrave le verbe fait est employeacute agrave la place de donne ou tend

Un garccedilon fait un journal au pegravere gt 0 E Ph

Dans ce cas on considegravere eacutegalement que la structure produite est agrammaticale

55 Conclusion

Dans ce chapitre nous avons exposeacute en deacutetail les instructions de comptage de cotations et de calculs deacutedieacutees agrave chacune des variables deacutependantes linguistiques deacutefinies

Nous nous sommes largement et librement inspireacutee des principes meacutethodologiques guides issus du protocole original QPA (SAFFRAN et al 1989)

Le laquo nouveau raquo protocole drsquoanalyse quantitative que nous appliquons preacutesente de nombreuses variantes et adaptations par rapport au protocole original

En effet lrsquoapplication de ce protocole drsquoanalyse quantitative adapteacute au franccedilais et augmenteacute de mesures suppleacutementaires permet de mesurer les performances verbales des locuteurs controcircles et agrammatiques dans diffeacuterentes tacircches de productions orales du point de vue de la structuration intra-phrastique et discursive

Pour ce faire nous avons speacutecifieacute les trois cateacutegories de variables linguistiques suivantes

(1) les variables CORPUS135 comprenant 9 variables refleacutetant les caracteacuteristiques geacuteneacuterales des corpus eacutetudieacutes

(2) les variables MORPH comprenant drsquoune part 14 variables mesurant les aspects morpho-lexicaux (MORPH-LEX)136 et drsquoautre part une variable mesurant la morphologie flexionnelle verbale (Indice Compl MORPH-V-Matrices)137

135 Les variables CORPUS dureacutee de parole effective nombre de mots produits nombre de mots extraits nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes proportion de mots extraits parmi tous les mots produits deacutebit en nombre de mots produits par minutes deacutebit en nombre de mots extraits par minutes longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en nombre de mots produits longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en nombre de mots extraits

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

220

(3) les variables SYNTAX138 comprenant 6 variables concernant les aspects syntaxiques

Les reacutesultats deacutetailleacutes issus de nos analyses quantitatives sont preacutesenteacutes dans la troisiegraveme et derniegravere partie (chapitre 6 ci-apregraves) Leur exposeacute est subdiviseacute en trois grands paragraphes correspondant agrave chacune des cateacutegories de variables preacuteciteacutees CORPUS MORPH et SYNTAX

136 Les variables MORPH-LEX proportion de mots de classe ouverte classe fermeacutee proportion de conjonctions de conjonctions discursives syntaxiques indice de deacutetermination proportion de pronoms proportion de verbes par rapport aux noms par rapport aux MCO de verbes effectivement fleacutechis proportion de preacutepositions proportion drsquoadverbes drsquoadverbes discursifs modifieurs 137 La variable MORPH-V indice de complexification morphologique du verbe matrice 138 Les variables SYNTAX proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes de forme canonique non canonique longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute de forme canonique en nombre de mots extraits proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases proportion de subordonneacutees

221

Partie III Reacutesultats

222

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS MORPH SYNTAX

223

6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX

60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats

Nous preacutesentons dans ce chapitre les reacutesultats des analyses quantitatives appliqueacutees agrave nos corpus Ils sont preacutesenteacutes meacutethodiquement par cateacutegories de variables linguistiques deacutependantes (deacutecrites dans le chapitre 5)

Partant des mesures cibleacutees sur les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX il srsquoagit ici de fournir une vue drsquoensemble des comportements verbaux des participants controcircles et agrammatiques afin drsquoen deacutegager les patrons de performances geacuteneacuteraux (moyennes de groupes pour illustrer la variabiliteacute inter-groupes) et originaux (mesures individuelles reacutealiseacutees pour illustrer la variabiliteacute inter-sujets)

La mise en perspective des reacutesultats de chaque groupe et de chaque sujet selon les quatre conditions de notre protocole expeacuterimental (deacutecrites dans le chapitre 4) nous conduira naturellement agrave deacutegager les variabiliteacutes inter-tacircches notables Celles-ci selon nous constituent un indice du caractegravere adaptatif du comportement verbal des locuteurs en fonction des conditions expeacuterimentales mises en place

Pour la description des variables quantitatives nous nrsquoutiliserons que deux outils de base de la statistique descriptive qui nous semblent suffire dans le cadre de notre eacutetude de cas multiples les moyennes de groupes comme valeur de tendance centrale et les eacutecarts-types associeacutes comme indice de dispersion Une moyenne de groupe permet de reacutesumer les valeurs releveacutees au sein de chacun des deux groupes sujets afin drsquoobtenir un aperccedilu des tendances geacuteneacuterales notables Les moyennes arithmeacutetiques sont donc agrave lire comme des indicateurs syntheacutetiques qui ne reacutevegravelent pas la variabiliteacute inter-sujets agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe Crsquoest pourquoi en vue de reacuteveacuteler la variabiliteacute inter-sujets qui ne manquera pas drsquoecirctre assez marqueacutee entre les six cas drsquoagrammatisme eacutetudieacutes les eacutecarts-types seront agrave chaque fois fournis sous la forme de barres drsquoerreurs inteacutegreacutees dans les graphes de moyennes de groupes De plus afin de deacutecrire cette variabiliteacute inter-sujets lorsque cela nous semble neacutecessaire nous fournissons en suppleacutement des reacutesultats moyenneacutes par groupe les reacutesultats concernant chacun des locuteurs

Ainsi les descriptions quantitatives relatives agrave chaque cateacutegorie de variables linguistiques nous conduiront agrave deacutegager des tendances refleacutetant les variabiliteacutes de comportement selon les perspectives

INTER-GROUPES groupe de locuteurs controcircles versus groupe de locuteurs agrammatiques Systeacutematiquement les reacutesultats moyenneacutes relatifs au groupe controcircle tiennent lieu de reacutefeacuterentiel linguistique du comportement verbal non pathologique (dit laquo sain raquo ou laquo normal raquo)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS MORPH SYNTAX

224

INTER-TAcircCHES tacircche 1 versus tacircche 2 versus tacircche 3 versus tacircche 4

INTER-SUJETS entre locuteurs agrammatiques (1 PC_agr versus 2 BR_agr versus 3 MC_agr versus 4 SB_agr versus 5 PB_agr versus 6 TH_agr) Drsquoautre part les graphes de donneacutees individuelles relatives aux neuf locuteurs controcircles sont consultables en Annexe I-686 agrave I-701 Ils ne seront pas systeacutematiquement commenteacutes

Pour chacune des variables linguistiques deacutefinies la preacutesentation des reacutesultats obeacuteit agrave ce plan simple

drsquoabord si cela nous semble neacutecessaire nous donnons un bref rappel sur les caracteacuteristiques des variables linguistiques en question leur mesure et leur calcul

puis nous fournissons le ou les graphes repreacutesentant les moyennes de groupes controcircle versus agrammatique selon les tacircches en vue de deacutecrire les variabiliteacutes inter-groupes et inter-tacircches notables (sinon le cas eacutecheacuteant la stabiliteacute inter-tacircches)

en suppleacutement lorsque cela nous semble neacutecessaire en vue drsquoillustrer une variabiliteacute inter-sujets singuliegravere des graphes repreacutesentant les tendances individuelles sont ajouteacutes Si pour une variable un graphe de reacutesultats individuels nrsquoest pas commenteacute le lecteur peut toutefois se reacutefeacuterer aux Annexe H-613 agrave H-628 ougrave figurent tous les graphes de reacutesultats individuels des sujets agrammatiques

Tous les corpus (ou feuilles de travail) eacutetant joints en Annexes H et I139 et de ce fait consultables agrave loisir nous avons pris le parti de limiter la citation drsquoexemples afin de faciliter la lecture des reacutesultats quantitatifs et des interpreacutetations ou questions qursquoils suscitent

De la sorte le point de vue analytique qui domine le preacutesent chapitre srsquoinscrit dans une description plutocirct quantitative que qualitative des corpus oraux sans toutefois neacutegliger ce dernier aspect Les exemples concrets sont citeacutes en vue drsquoillustrer un pheacutenomegravene notable observeacute freacutequemment ou dans un ou deux cas singuliers De cette faccedilon les pheacutenomegravenes deacutecrits sur le plan quantitatif sont lorsque cela nous semble preacutesenter un inteacuterecirct particulier illustreacutes et nuanceacutes sur le plan qualitatif

En guise de synthegraveses ponctuelles des reacutesultats le lecteur trouvera des reacutesumeacutes des analyses sous forme drsquoencadreacutes

Drsquoautre part toutes les feuilles de reacutesultats sont eacutegalement jointes en Annexes140 Il y figure toutes les mesures appliqueacutees aux corpus (les valeurs brutes et les variables associeacutees CORPUS MORPH et SYNTAX)

Pour finir les mesures individuelles sont restitueacutees sous la forme de tableaux syntheacutetiques et sous la forme de graphes de reacutesultats individuels141

139 Groupe agrammatique Annexe H-427 agrave H-588 et groupe controcircle Annexe I-634 agrave I-673 140 Groupe agrammatique Annexe H-588 agrave H-613 et groupe controcircle Annexe I-673 agrave I-686 141 Groupe agrammatique Annexe H-613 agrave H-634 et groupe controcircle Annexe I-686 agrave I-701

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

225

61 Reacutesultats variables CORPUS

Les variables CORPUS permettent de fournir une vue drsquoensemble de la quantiteacute de donneacutees collecteacutees et soumises aux analyses

Parmi ces variables les dureacutees effectives de parole le deacutebit en nombre de mots produits par minute (Deacutebit Mots prod) les nombres de mots produits ( Mots prod) de mots extraits (Mots ext) et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) ainsi que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) ) ont eacuteteacute obtenus en suivant les instructions du protocole original QPA

Les autres variables CORPUS telles que le deacutebit en nombre de mots extraits par minute (Deacutebit Mots ext142) la proportion de mots extraits (Prop Mots ext) et la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en mots produits (Long Moy E Seg(Mots prod) ) ont eacuteteacute ajouteacutees par rapport au protocole original (pour les deacutetails concernant la mise en forme des corpus voir au point 45 pp 144-175 et concernant les cotations et les calculs de variables CORPUS voir au point 51 pp 181-185)

611 Quantiteacute drsquoobservables soumis aux analyses caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus

Le tableau ci-dessous (Tableau 15 ci-apregraves p 226) preacutesente selon les groupes (controcircle et agrammatique) la quantiteacute de donneacutees collecteacutees soumises aux analyses quantitatives

Les caracteacuteristiques principales des corpus construits apparaissent en valeurs brutes et ne concernent que les 3 tacircches de productions de discours continu (tacircche 1 2 et 3) lorsque les mesures pour la tacircches de productions de phrases isoleacutees (tacircche 4) nrsquoavaient pas lieu drsquoecirctre reacutealiseacutees

142 Lrsquoasteacuterisque signale que la variable a eacuteteacute conccedilue dans le cadre de cette eacutetude en suppleacutement des variables eacutelaboreacutees par les auteurs du protocole original QPA

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

226

Dureacutee de parole effective (mesureacutee pour les tacircches 1 2 3)

Mots prod (mesureacute pour lestacircches 1 2 3 4)

Mots ext (mesureacute pour les tacircches 1 2 3 4)

E Seg (mesureacute pour les tacircches 1 2 3 4)

Groupe controcircle (9 locuteurs)

2 h 6prime 44Prime 23316 19597 2292

Groupe agrammatique(6 locuteurs)

3 h 51prime 01Prime 12221 8016 1794

TOTAUX 5 h 57prime 45Prime 35 537 27 613 4 086 INTERVALLES Groupe controcircle

[ 1prime 56Prime 10prime 31Prime ] [ 339 1574 ] [ 265 1354 ] [ 26 134 ]

INTERVALLES Groupe agrammatique

[ 4prime 33Prime 22prime 22Prime ] [ 178 1379 ] [ 104 833 ] [ 29 146 ]

[le nombre de Mots prod au total nrsquoa pas eacuteteacute releveacute pour la tacircche 4 (production de phrases isoleacutees) crsquoest pourquoi nous additionnons [Mots prod(t123)+Mots ext(t4)] pour obtenir une valeur approximative inteacutegrant le nombre de Mots ext releveacutes pour la tacircche 4]

Tableau 15 Valeurs brutes CORPUS quantiteacute de donneacutees soumises aux analyses (dureacutees des corpus nombre de mots produits de mots extraits et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes totaux et

intervalles)

Rappelons que les dureacutees mesureacutees excluent les dureacutees correspondant aux productions orales qui ont eacuteteacute transcrites mais qui nrsquoont pas eacuteteacute retenues en vue des mesures Par ailleurs pour la tacircche 4 (production de phrases isoleacutees) les dureacutees de production nrsquoont pas eacuteteacute releveacutees car il nrsquoeacutetait pas question de mesurer le temps de reacuteaction apregraves la preacutesentation de lrsquoimage ou la dureacutee attacheacutee agrave la formulation drsquoune phrase (qui pouvait ecirctre tregraves longue pour certains aphasiques) Crsquoest pourquoi les dureacutees mesureacutees ne concernent que les tacircches de production de discours continu soit les tacircches 1 2 et 3

Dans lrsquoensemble la dureacutee totale de corpus agrammatique est de pregraves de 4 heures contre 2 heures pour le groupe controcircle En effet pour une tacircche de production donneacutee le ralentissement de lrsquoeacutelocution typique de lrsquoaphasie de Broca transparaicirct deacutejagrave dans ces releveacutes

Au total crsquoest pregraves de 6 heures de parole effective qui a eacuteteacute transcrite et analyseacutee rigoureusement et ce pour 3 tacircches de productions de discours continu et pour 15 locuteurs (6 agrammatiques et 9 controcircles)143

Les analyses ont porteacute sur un ensemble de plus de 35 000 mots ( Mots prod) parmi lesquels environ 27 600 mots extraits ( Mots ext) furent seacutelectionneacutes pour lrsquoessentiel des analyses structurales reacutealiseacutees a posteriori ce qui correspond agrave un total de presque 4100

143 Donc sans compter la dureacutee de parole des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) qui nrsquoa pas eacuteteacute mesureacutee En comptant cette dureacutee en plus nous estimons avoir transcrit de 9 agrave 10 heures de parole toutes tacircches et tous sujets confondus

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

227

eacutenonceacutes segmenteacutes (E Seg)144 Cela nous semble constituer un eacutechantillon de donneacutees patho-linguistiques plutocirct abondant et repreacutesentatif qursquoil soit pathologique ou non

Selon les locuteurs agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe les dureacutees de parole effective sont plus ou moins grandes Par exemple pour le groupe controcircle toutes tacircches confondues on a releveacute des dureacutees allant de 1 mn-56 sec agrave 10 mn-31 sec contre 4 mn-33 sec agrave 22 mn-22 sec pour le groupe agrammatique Les dureacutees de parole effective peuvent grandement varier drsquoun locuteur agrave lrsquoautre et drsquoune tacircche agrave lrsquoautre

6111 Nombre de mots produits et de mots extraits Mots prod et Mots ext

Le nombre de mots produits ( Mots prod Figure 1 ci-dessous) correspond au nombre total de mots composant les corpus oraux (voir au point 5112 p 181)

Mots prod moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

493

796887

626

472

622

0

500

1000

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 1 Nombre de mots produits ( Mots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de

groupes

144 Par rapport au protocole expeacuterimental preacutevu quelques donneacutees verbales sont quand mecircme manquantes pour diverses raisons Malgreacute toute la rigueur appliqueacutee aux passations cela est malheureusement arriveacute pour 3 passations parmi les 60 passations reacutealiseacutees quand une tacircche a eacuteteacute abandonneacutee en accord avec la volonteacute du locuteur et que nous nrsquoavions pas pu reacuteiteacuterer la passation (comme la passation de 1 PC_agr4 pour laquelle 27 stimuli nrsquoont pas eacuteteacute preacutesenteacutes) ou quand nous-mecircme avions oublieacute de soumettre des stimuli (la passation de 5 PB_agr4 pour laquelle 15 stimuli nrsquoont pas eacuteteacute preacutesenteacutes) ou alors oublieacute drsquoappuyer sur le bouton laquo enregistrement raquo de lrsquoappareil enregistreur (par exemple la passation de 6 LMan_contr3 concernant la petite histoire MJ03) Ce manque ne repreacutesente qursquoune part bien minime par rapport agrave la quantiteacute de donneacutees recueillies (approximativement 300 mots soit moins de 1 de la totaliteacute des donneacutees verbales analyseacutees) De ce fait il constitue pour nous un biais plutocirct neacutegligeable

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

228

En ce qui concerne la passation de la tacircche 1 nous avons fait le choix de calibrer la quantiteacute de donneacutees recueillies aupregraves des locuteurs agrammatiques de maniegravere agrave ce qursquoon obtienne au minimum 300 mots produits dont au moins 250 mots extraits deacutedieacutes aux analyses structurales et au maximum 800 mots produits (sur la question de la quantiteacute de donneacutees recueillies voir aussi au point 4102 p 172) Pour toutes les autres tacircches tout ce qui a eacuteteacute produit a eacuteteacute pris en compte sans seuil minimum ou maximum

Srsquoagissant des tacircches 2 et 3 le nombre de mots produits est toujours en moyenne plus faible pour le groupe agrammatique que pour le groupe controcircle

En revanche en production de discours autobiographique les corpus agrammatiques sont en moyenne un peu plus abondants avec 626 Mots prod contre 493 Mots prod en moyenne (voir Figure 1 p 227) en effet les corpus agrammatiques sont en moyenne plus abondants car nous avons motiveacute leur production au maximum (en prolongeant la dureacutee des entretiens par exemple) en vue drsquoobtenir une quantiteacute de mots extraits suffisante145

Voilagrave pour le nombre de mots produits au total

145 Sans cela nous risquions de nous retrouver avec par exemple des corpus de 300 mots produits dont 50 mots extraits ce qui nrsquoaurait pas eacuteteacute suffisant

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

229

Drsquoautre part le nombre de mots extraits ( Mots ext Figure 2 ci-dessous) correspond aux mots participant agrave la structuration interne des eacutenonceacutes et retenus en vue de la plupart des analyses structurales ulteacuterieures (crsquoest-agrave-dire le niveau 1 de transcription voir au point 49 pp 163-171 et au point 5113 p 184)

Mots ext moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

396

622

745

414378

269

371318

0

500

1000

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 2 Nombre de mots extraits ( Mots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

Pour toutes les tacircches sans exception en moyenne de groupe le nombre de mots extraits est plus faible chez les agrammatiques que chez les controcircles

Mais pour la tacircche 1 (Figure 2 ci-dessus) il est agrave peu de chose pregraves eacutequivalent entre les deux groupes (avec 396 et 378 Mots ext) Ainsi pour la tacircche 1 en particulier agrave quantiteacute de mots extraits comparables la quantiteacute de mots produits au total est supeacuterieure pour le groupe agrammatique (voir Figure 1 p 227 et Figure 2 ci-dessus)

En effet les agrammatiques alors qursquoils ont produit plus de mots au total une grande partie de ceux-ci eacutetait constitueacutee de reacutepeacutetitions de langage automatique ou modalisateur de bribes ou drsquoeacutechecs de formulation suivis ou non drsquoautocorrections de perseacuteveacuterations drsquoeacutecholalies bref de traces de disfluence ainsi que de particules discursives

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

230

Or comme les mots produits correspondant agrave ces pheacutenomegravenes et aux particules discursives nrsquoont pas eacuteteacute inteacutegreacutes dans la cateacutegorie des mots extraits et comme les traces de disfluence sont beaucoup plus caracteacuteristiques de lrsquooral pathologique il nrsquoest eacutetonnant de voir que lrsquoeacutecart entre la quantiteacute de mots produits et la quantiteacute de mots extraits est toujours plus grand chez les sujets agrammatiques que chez les sujets controcircles

Pour finir la variable CORPUS Prop Mots extMots prod (voir au point 6121 p 232) exprimeacutee en valeur relative vient confirmer ces premiers reacutesultats exprimeacutes en valeurs brutes

6112 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes E Seg

La variable E Seg (voir Figure 3 ci-dessous) correspond au nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes composant les corpus oraux Ceux-ci ont eacuteteacute segmenteacutes suivant les instructions de preacute-traitement et de mise en forme des corpus oraux exposeacutees dans la partie meacutethodologie de ce travail (sur la segmentation du discours continu voir aux points 47 et 48 pp 154-163 et au point 5114 p 184)

E Seg moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

45

7278

60

109

59

79

52

0

50

100

150

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 3 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

231

En moyenne pour les tacircches 2 3 et 4146 le nombre drsquouniteacutes E Seg composant les corpus oraux est relativement eacutequivalent entre les deux groupes Ainsi on peut en conclure que le nombre drsquoeacutenonceacutes produits se maintient relativement bien malgreacute le trouble agrammatique

En revanche on note une nette diffeacuterence inter-groupes pour la tacircche 1 (discours autobiographique) les corpus de discours agrammatique sont constitueacutes de 109 eacutenonceacutes segmenteacutes en moyenne contre 45 pour les corpus controcircles On pourrait penser que cette grande diffeacuterence nrsquoest qursquoun artefact en raison de la qualiteacute des entretiens meneacutes avec les agrammatiques (rappelons qursquoil srsquoagissait drsquoobtenir des corpus agrammatiques drsquoau moins 300 mots jusqursquoagrave 800 mots produits et que nous avons encourageacute la production du locuteur dans cet objectif)

Cependant il nous semble leacutegitime de penser que le grand nombre drsquoeacutenonceacutes releveacutes dans les corpus pathologiques de discours spontaneacute autobiographique (tacircche 1) reflegravete en reacutealiteacute une conduite discursive singuliegravere qui revient agrave dilater le discours en situation de production libre

En effet nous pensons que cette eacutebauche drsquointerpreacutetation est tregraves plausible et valable dans la mesure ougrave le nombre moyen de mots extraits est tout agrave fait comparable entre les corpus pathologiques et les corpus agrammatiques en production de discours autobiographique (de lrsquoordre de 400 mots voir Figure 2 p 229)

De surcroicirct la conduite drsquoexpansion discursive eacutevoqueacutee ici (tacircche 1) ainsi que le maintien drsquoun nombre drsquouniteacutes E Seg relativement eacuteleveacute (tacircches 2 3) seront mis en relation avec le nombre moyen de mots consacreacutes agrave la formation drsquoun eacutenonceacute (Long Moy E Seg(Mots ext) voir au point 6123 p 238 et Figure 10 p 243)

612 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus

Pour les trois mesures brutes CORPUS refleacutetant les caracteacuteristiques quantitatives geacuteneacuterales des corpus eacutetudieacutees jusqursquoici les eacutecarts-types reacutevegravelent des diffeacuterences inter-sujets tregraves nettes agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe Que ce soit au niveau du nombre de mots produits ( Mots prod) du nombre de mots extraits ( Mots ext) ou du nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) les locuteurs aphasiques et controcircles sont selon les cas plus ou moins prolifiques (pour ces trois variables brutes voir les graphes de donneacutees individuelles en Annexe H-615 et en Annexe I-688)

Ces trois valeurs CORPUS sont exprimeacutees en valeurs brutes Toutes les variables qui sont obtenues a posteriori sur la base de ces quantiteacutes variables drsquoobservables sont toutes

146 Preacutecisons que pour la tacircche 4 (en production de phrases isoleacutees) le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes correspond en fait au nombre de structures produites agrave partir de 60 phrases cibles induites par 60 stimuli visuels (voir au point 414 pp 130-133 et en Annexe E-404-414) Pour chaque stimulus correspondait au moins une phrase plausible Pour cette tacircche le nombre drsquoeacutenonceacutes produits par un locuteur peut ecirctre supeacuterieur agrave 60 lorsque pour une phrase cible il a produit plus drsquoune proposition indeacutependante (en geacuteneacuteral pas plus de 2) Cela srsquoest aveacutereacute ecirctre le cas pour certains locuteurs controcircles Par contre lorsque le nombre de structures cibles produites est infeacuterieur agrave 60 comme pour 5 des locuteurs agrammatiques cela signifie que pour certains des stimuli imageacutes aucun eacutenonceacute ne fut produit ou alors que ce qui a eacuteteacute produit nrsquoa pas pu ecirctre retenu pour les analyses structurales

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

232

exprimeacutees en valeurs relatives Ainsi bien que les corpus individuels diffegraverent du point de vue du nombre de mots et du nombre drsquoeacutenonceacutes pris en compte pour les analyses les calculs drsquoindices et de proportions ont pour inteacuterecirct de relativiser les donneacutees brutes en les objectivant ce qui rend possible les comparaisons ulteacuterieures entre variables exprimeacutees en valeurs relatives

En reacutesumeacute toutes les variables deacutecrites agrave partir drsquoici (CORPUS MORPH et SYNTAX) sont exprimeacutees en valeurs relatives et donc objectiveacutees de maniegravere agrave pourvoir effectuer les comparaisons inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches

6121 Proportion de mots extraits Prop Mots extprod

La variable Prop Mots extprod renseigne sur le poids des mots extraits147 parmi la totaliteacute des mots produits (voir Figure 4 ci-dessous) Les mots extraits reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes crsquoest-agrave-dire le plan de lrsquointeacutegration syntaxique interne aux uniteacutes phrastiques

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Prop Mots extprod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

80 7985

62 59 60

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 4 Proportion de mots extraits parmi les mots produits pour les tacircches 1 2 et 3

moyennes de groupes

147 En caractegraveres gras au sein des corpus transcrits

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

233

Il apparaicirct ici que la proportion de mots extraits seacutelectionneacutes parmi les mots produits est toujours plus faible pour les corpus agrammatiques compareacute aux corpus controcircles (avec des diffeacuterences de lrsquoordre de 20 agrave 25 voir Figure 4 ci-dessus p 232)

Cela traduit le fait que les traces de disfluence les rateacutes les reacutepeacutetitions les reformulations sont plus caracteacuteristiques des corpus agrammatiques que des corpus controcircles

Cette proportion est toutefois relativement stable suivant les tacircches et suivant les groupes la part de mots extraits varie de 59 agrave 62 pour le groupe agrammatique contre environ 80 agrave 85 pour le groupe controcircle

Cette stabiliteacute inter-tacircches nous semble prouver la coheacuterence et la validiteacute de la deacutemarche de seacutelection des mots extraits deacutecrite au chapitre 4 (point 49 p 163) drsquoautant plus que la quantiteacute de donneacutees soumise au protocole de preacute-traitement et drsquoanalyse nous semble assez importante

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Le graphe ci-apregraves (Figure 5) preacutesente la variable Prop MotsMots prod dans la perspective inter-sujets agrammatiques

Prop Mots extprod - tacircches 1 2 et 36 agr

39

70 69

59 60

72

37

7572

55 5760

43

78

5452

60

72

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 5 Proportion de mots extraits parmi les mots produits (Prop Mots extMots prod) pour

les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Globalement alors que la variabiliteacute inter-sujets est assez marqueacutee au sein du groupe agrammatique on retrouve une certaine stabiliteacute inter-tacircches dans chacun des cas agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

234

En effet les corpus de 1 PC_agr par exemple contiennent une proportion beaucoup plus faible de mots extraits par rapport aux autres avec moins de 50 des mots produits au total Cela traduit le fait que dans les corpus de 1 PC_agr on a releveacute plus de particules discursives de traces de disfluences (comme les reacutepeacutetitions) drsquointerjections et drsquoonomatopeacutees et en conseacutequence beaucoup moins de mots extraits (en caractegraveres gras) relativement agrave lrsquoensemble

13 PC_agr1 et (2) trois jours trois jours (2) trois jours (2) eh-ben [ouit] (2)

laquo trois jours inconscient raquo

14 PC_agr1 lagrave rega- lagrave woh [ouit] crsquoest mieux hein crsquoest mieux laquo aujourdrsquohui ccedila va mieux raquo ADVmod(mieux)

15 PC_agr1 crsquoest mieux crsquoest mieux

16 PC_agr1 mais euh lagrave parle pas-du-tout hum laquo agrave ce moment-lagrave je ne parlais pas du tout raquo PROpersom(je)

17 PC_agr1 voilagrave

Annexe H-447

Drsquoautre part le cas de 3 MC_agr est aussi singulier dans la mesure ougrave la Prop Mots extMots prod chute notablement agrave 54 en narration drsquohistoires drsquoapregraves images (tacircche 3) Cette tendance reflegravete lrsquoaugmentation des pheacutenomegravenes de reacutepeacutetions ou de reformulations lieacutee agrave la tacircche En effet compareacute aux tacircches de production sans support imageacute la preacutesence des images et la preacutecision morpho-lexicale qursquoelles induisent semblent rendre plus difficile la formulation Le sujet est souvent laquo peu sucircr raquo de sa formulation et se reacutepegravete freacutequemment dans des proceacutedures de recherches lexicales infructueuses comme dans lrsquoextrait suivant

1 MC_agr3-MJ03 Paul fait (25) fait le sel euh sur un pot un pot non un seau seau euh

LEXVsubst(reacutepandgtfait) agrave valeur geacuteneacuterique Rechlex(potgtseau)

2 MC_agr3-MJ03 Paul fait fait un seau un sel non moi euh je Paul fait un seau non un sel sur euh un pot non

Reform-

exp prenez votre temps

3 MC_agr3-MJ03 mais moi euh

3 MC_agr3-MJ03 Paul verse un seau (2) sur un sel (2) PREPajout(sur)

Annexe H-503

Du point de vue de la variable Prop Mots extMots prod cela a pour effet drsquoaugmenter la proportion de nombre de mots laquo non extraits raquo (crsquoest-agrave-dire les mots correspondant agrave des traces de disfluence) et donc en corollaire drsquoaffaiblir la proportion de mots extraits Il srsquoagit de la seule variation inter-tacircches notable que nous observons Les variations inter-tacircches des autres locuteurs nous semblent assez neacutegligeables

En reacutesumeacute malgreacute les diffeacuterences individuelles sur le plan des freacutequences de disfluences visibles en surface pour un cas en particulier (PC_agr qui est aphasique depuis un peu plus drsquoun an) il nous semble important de souligner le fait que la stabiliteacute inter-tacircches geacuteneacuterale signifie que le poids des mots extraits (parmi les mots produits au total) demeure sensiblement le mecircme drsquoune tacircche de production agrave lrsquoautre dans chacun des cas (excepteacute pour MC_agr3)

Cela nous semble valider la coheacuterence drsquoune tacircche agrave lrsquoautre de la proceacutedure drsquoextraction des observables que nous avons appliqueacutee en vue des analyses structurales ulteacuterieures baseacutees sur les mots extraits

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

235

6122 Deacutebit verbal selon les variables laquo mots produits raquo et laquo mots extraits raquo Deacutebit Mots prod et Deacutebit Mots ext

Les deacutebits en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) ainsi qursquoen nombre de mots extraits (Deacutebit Mots ext) ont eacuteteacute calculeacutes pour les trois tacircches de production de discours continu (tacircches 1 2 et 3 voir Figure 6 ci-dessous)148

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Deacutebit Mots prod moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

161154

161

5345 40

0

50

100

150

200

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Deacutebit Mots ext moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

130122

137

3327 24

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 6 Deacutebit verbal moyen en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) et en nombre de

mots extraits (Deacutebit Mots ext) par minute pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Dans toutes les tacircches on constate bien eacutevidemment un deacutebit verbal moyen beaucoup plus faible chez le groupe agrammatique que chez le groupe controcircle (voir Figure 6 ci-dessus)

De surcroicirct nous observons un ralentissement progressif du deacutebit agrave mesure que les tacircches de production sont contraintes

En effet les agrammatiques produisent en moyenne 53 mots par minute en production de discours spontaneacute (tacircche 1) contre 161 pour les sujets controcircles 45 mots par minute en reacutecit

148 En production de phrases isoleacutees (tacircche 4) cette variable nrsquoa pas eacuteteacute calculeacutee crsquoest pourquoi elle nrsquoapparaicirct pas dans les graphes En effet nous nrsquoavons pas jugeacute pertinent de mesurer la dureacutee de parole effective correspondant agrave des productions de phrases isoleacutees drsquoautant que cette mesure nous a sembleacute en pratique impossible agrave effectuer

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

236

de contes (tacircche 2) contre 154 chez les sujets controcircles et pas plus de 40 mots par minute en reacutecit drsquohistoires ineacutedites (tacircche 3) contre 161 chez le groupe controcircle (voir Figure 6 ci-dessus agrave gauche)

De la mecircme maniegravere lorsque le deacutebit est calculeacute sur la base du nombre de mots extraits (voir Figure 6 p 235 agrave droite) on observe la mecircme baisse graduelle selon la tacircche chez les agrammatiques en particulier En effet le Deacutebit Mots ext deacutecline progressivement de 33 agrave 27 puis 24 mots extraits par minute

Agrave lrsquoeacutevidence ces donneacutees confirment bien relativement aux sujets controcircles lrsquoexistence drsquoune baisse geacuteneacuterale de la fluence verbale si caracteacuteristique de lrsquoaphasie de Broca en toute situation Cette variabiliteacute inter-groupes nrsquoest pas eacutetonnante elle traduit le caractegravere non fluent de lrsquoexpression

Or crsquoest la variabiliteacute inter-tacircches qui nous interpelle ici En effet lrsquoaisance varie selon le type de tacircche de production en jeu Ainsi la baisse graduelle du deacutebit verbal moyen de la tacircche 1 agrave 3 est tregraves manifeste pour le groupe agrammatique

Cette variabiliteacute inter-tacircches laisse penser que plus la tacircche est contraignante en termes de stimuli et de consignes et par conseacutequent de preacutecision grammaticale viseacutee par lrsquoagrammatique et plus le deacutebit verbal ralentit

Et inversement lrsquoaisance verbale augmente agrave mesure que la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute et donc agrave mesure que la cible linguistique se deacutetache drsquoune cible imposeacutee par un stimulus donneacute

Pour les locuteurs controcircles dont le deacutebit moyen est drsquoenviron 150 mots par minutes une diffeacuterence de deacutebit verbal qui est de lrsquoordre drsquoune dizaine de mots par minutes peut paraicirctre assez neacutegligeable Mais pour les aphasiques de Broca dont le deacutebit verbal se situe dans un intervalle de 40 agrave 53 mots par minutes cette diffeacuterence est agrave relativiser en ce sens qursquoelle est tregraves significative drsquoune ameacutelioration de lrsquoaisance agrave la mise en mots149

149 En admettant qursquoune telle diffeacuterence puisse ecirctre remarqueacutee par un aphasique de Broca drsquoun point de vue longitudinal par exemple entre les deacutebuts de son aphasie et quelques mois ou quelques anneacutees plus tard elle ne manquerait pas drsquoecirctre ressentie comme un progregraves tregraves significatif

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

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(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

La variabiliteacute inter-tacircches concernant le Deacutebit Mots prod deacutecrite ci-dessus est confirmeacutee par les donneacutees individuelles (voir Figure 7 ci-dessous) En effet dans tous les cas drsquoagrammatisme le ralentissement du deacutebit verbal lieacute au degreacute de contrainte associeacute agrave la tacircche est observeacute (surtout en comparant les tacircches les plus opposeacutees crsquoest-agrave-dire les tacircches 1 et 3)

Deacutebit Mots prod - tacircches 1 2 et 36 agr

3832

55

47

6975

32

23

41

34

69 71

23 23

3934

6257

0

10

20

30

40

50

60

70

80

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 7 Deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute pour les tacircches 1 2 et 3

donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Si lrsquoon base le calcul du deacutebit verbal sur le nombre de mots extraits la mecircme tendance au niveau individuel apparaicirct (voir les donneacutees individuelles agrammatiques concernant la variable Deacutebit Mots ext en Annexe H-616) Quoique plus teacutenue nous trouvons mecircme que la variation inter-tacircches est tout de mecircme assez nette et reacuteguliegravere

Pour conclure on peut donc deacutejagrave observer que plus la tacircche de production est contraignante et plus le deacutebit verbal ralentit ce qui veut dire que la fluence verbale est influenceacutee par des facteurs externes

Ainsi lrsquoagrammatique est drsquoautant moins fluent que les conditions expeacuterimentales du fait de la preacutesence drsquoun support imageacute sur lequel doit reposer le reacutecit par exemple induisent plus de preacutecision linguistique lors de la verbalisation

Et agrave lrsquoinverse lrsquoeacutelocution est plus fluide et rapide lorsque le degreacute de liberteacute associeacute agrave la situation de production est maximum comme en production de discours autobiographique spontaneacute

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

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6123 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots ext)

La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute150 a eacuteteacute calculeacutee sur la base de lrsquoensemble des mots produits au total drsquoune part (Long Moy E Seg(Mots prod) ) et sur la base des mots extraits drsquoautre part (Long Moy E Seg(Mots ext) )

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Globalement dans les tacircches 1 2 et 3 (en production de discours continu) les eacutenonceacutes agrammatiques sont plus courts avec une moyenne de 6 agrave 8151 mots par eacutenonceacute contre une moyenne de 11 mots par eacutenonceacute controcircle (Figure 8 ci-dessus agrave gauche)152

Par ailleurs la mecircme variable calculeacutee sur la base des mots extraits (et ce pour la tacircche de production de phrases isoleacutees incluse) indique la mecircme variabiliteacute inter-groupes (Figure 8 ci-dessous agrave droite)

Long Moy E Seg(Mots prod) moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

11 11 11

6

8 8

0

5

10

15

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Long Moy E Seg(Mots ext) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4 moyennes groupes contr vs agr

9 910

7

45 5

6

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 8 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots produits (Long Moy

E Seg(Mots prod) agrave gauche) et en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

150 La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute permet drsquoores et deacutejagrave drsquoaborder la dimension syntaxique Cette variable pourrait ainsi relever de la cateacutegorie SYNTAX Cependant nous avons quand mecircme conserveacute cette variable dans la cateacutegorie CORPUS car elle se calcule sur la base de lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes composant les corpus (crsquoest-agrave-dire tous les eacutenonceacutes produits qursquoils soient de forme canonique ou non) 151 Les valeurs moyenneacutees ont eacuteteacute arrondies aux nombres entiers les plus proches 152 Rappelons que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en mots produits nrsquoa pas eacuteteacute calculeacutee pour la tacircche 4 car nous nrsquoavons pas comptabiliseacute le nombre de mots produits pour cette tacircche mais seulement les mots extraits participant agrave lrsquointeacutegration syntaxique des phrases isoleacutees

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

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Inteacuteressons-nous en particulier au graphe de droite crsquoest-agrave-dire agrave la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute calculeacutee en mots extraits153 Nous observons que en production de phrases isoleacutees (tacircche la plus contraignante avec des structures cibles preacutecises attendues) il apparaicirct que le groupe controcircle produit 7 mots (extraits) en moyenne par phrase isoleacutee Par contre en discours continu (tacircches 1 2 et 3) les eacutenonceacutes sont plus courts (9 agrave 10 mots extraits)

La baisse drastique du nombre de mots qursquoon observe pour la tacircche 4 compareacute aux autres tacircches est en quelque sorte un arteacutefact cette variabiliteacute inter-tacircches srsquoexplique simplement par la qualiteacute des structures cibles induites par les stimuli (crsquoest-agrave-dire des structures cibles agrave 1 2 ou 3 arguments qui neacutecessitent donc en moyenne 7 mots pour ecirctre construites) Ces donneacutees controcircles constituent un reacutefeacuterentiel linguistique refleacutetant la laquo normaliteacute raquo (comme toutes les autres donneacutees controcircles) Les corpus controcircles correspondant agrave la tacircche 4 refleacutetant la laquo normaliteacute raquo sont consultables en Annexe I-646-648 I-658-660 et I-671-673

Agrave titre illustratif voici deux exemples de phrases produites par un sujet controcircle

8 GG_contr4 le pegravere se deacutebouche une bouteille de vin blanc Annexe I-646

26 GG_contr4 la maman embrasse le pegravere Annexe I-646

Voici les phrases correspondant aux structures cibles preacuteciteacutees produites par un sujet agrammatique

8 BR_agr4 un pe- euh lrsquohomme [RuvR] Deformphon(ouvregt[RuvR]gt[luvR])

BR_agr4 un homme [luvR] de bouteille DETsubst(lagtde) par anticipation conflit entre laquo la raquo et laquo de raquo E Ph

Annexe H-482

26 BR_agr4 une femme bisou un homme SNNN E Non-Can Juxtaposition SN

Annexe H-485

153 Comme la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute mesureacutee en mots extraits nrsquointegravegre ni les scories de lrsquooral ni les particules discursives (qui sont comptabiliseacutees pour le calcul en mots produits au total) cette variable renseigne plus preacuteciseacutement sur les reacuteelles capaciteacutes de structuration phrastique Drsquoautre part le nombre de mots extraits a eacuteteacute comptabiliseacute pour les 4 tacircches de production alors que le nombre de mots produits ne lrsquoa eacuteteacute que pour les tacircches 1 2 et 3

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

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Partant de lagrave les reacutesultats attacheacutes agrave la variable Long Moy E Seg(Mots ext) deacutecrits ci-dessus nous conduisent agrave poser trois observations

pour les tacircches 1 2 et 3 crsquoest-agrave-dire en production de discours continu les eacutenonceacutes produits par les sujets agrammatiques sont en geacuteneacuteral deux fois plus courts que les eacutenonceacutes produits par les sujets controcircles (en moyenne 4 agrave 5 mots contre 9 agrave 10 mots par eacutenonceacute) Cette variabiliteacute inter-groupes signifient que les agrammatiques reacuteduisent quantitativement le format de lrsquoeacutenonceacute agrave produire ce qui revient agrave dire qursquoils convoquent un style elliptique

systeacutematiquement quelle que soit la tacircche de production

en production de discours spontaneacute les eacutenonceacutes agrammatiques comptent en moyenne 4 mots par eacutenonceacute (tacircche 1) pour srsquoallonger en situation de production de discours narratif (tacircches 2 et 3) avec une moyenne de 5 mots par eacutenonceacute

de surcroicirct pour la tacircche 4 les phrases que produisent les agrammatiques sont les plus longues de lrsquoordre de 6 mots en moyenne de la sorte le laquo seuil plafond raquo de 7 mots en moyenne fourni par le reacutefeacuterentiel linguistique laquo controcircle raquo est presque atteint Autrement dit les diffeacuterences inter-groupes srsquoestompent agrave mesure que la preacutecision grammaticale induite par la tacircche augmente

En reacutesumeacute la variabiliteacute inter-tacircches speacutecifique au groupe agrammatique est donc aveacutereacutee plus la tacircche est contraignante en termes de preacutecision grammaticale induite par les conditions expeacuterimentales et plus le nombre moyen de mots participant agrave la structuration syntaxique de la phrase augmentehellip Ce reacutesultat est pour le moins deacuteconcertant le style elliptique serait donc moins convoqueacute dans des conditions expeacuterimentales tregraves contraintes

En fonction du type de discours cible en jeu le style elliptique est plus ou moins convoqueacute par le locuteur aphasique selon les facteurs situationnels et selon la preacutecision grammaticale viseacutee par le sujet Au regard de ces observations il semble que les agrammatiques parviendraient agrave rallonger ou agrave raccourcir les eacutenonceacutes laquo agrave la demande raquo (en accord avec une observation de KOLK voir p 72)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

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(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Lrsquoemploi variable du style elliptique en fonction de la situation semble correspondre agrave une proceacutedure drsquoadaptation qui transparaicirct assez nettement dans chaque cas pris individuellement (voir Figure 9 ci-dessous)

Long Moy E Seg(Mots ext) - tacircches 1 2 3 et 46 agr

2 3

4

3

5

6

33

5

4

67

33

5 5

7 7

3

5

6 6 6

8

0

10

20

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 9 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots extraits pour les tacircches

1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

En effet ces donneacutees individuelles reflegravetent la variabiliteacute inter-sujets notable deacutecrite drsquoapregraves les graphes de donneacutees moyenneacutees par groupe (voir au point (a) p 238) traduisant diffeacuterents degreacutes de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit qui nous semblent eux-mecircmes associeacutes agrave diffeacuterents degreacutes de recours au style elliptique

En effet les performances de chacun des cas preacutesenteacutes actualisent ces degreacutes du premier locuteur (1 PC_agr agrave gauche du graphe) au dernier locuteur (6 TH_agr agrave droite du graphe) les eacutenonceacutes srsquoallongent graduellement154

154 Ce patron de variabiliteacute inter-sujets traduisant les diffeacuterences individuelles quant agrave la graviteacute du trouble aphasique se constate pour drsquoautres variables linguistiques Dans tous les graphes de donneacutees individuelles lrsquoordre de preacutesentation des cas traduit ce caractegravere graduel de scores obtenus des laquo plus faibles raquo aux laquo meilleurs raquo de 1 PC_agr lrsquoaphasique qui preacutesentait selon nous le niveau le plus important de perturbation et le plus faible de reacutecupeacuteration agrave 6 TH_agr pour qui le niveau de perturbation eacutetait le moins important et avec le niveau de reacutecupeacuteration le plus avanceacute Srsquoagissant du groupe controcircle il nrsquoy a pas lieu drsquoorganiser la preacutesentation des diffeacuterents locuteurs selon de tels critegraveres mais lrsquoordre de preacutesentation demeure le mecircme drsquoun graphe agrave lrsquoautre

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

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En reacutesumeacute trois sous-groupes de locuteurs aphasiques eacutemergent les deux premiers locuteurs 1 PC_agr et 2 BR_agr preacutesentent un style beaucoup plus elliptique que le deuxiegraveme sous-groupe de locuteurs 3 MC_agr et 4 SB_agr eux-mecircmes preacutesentant des scores infeacuterieurs au troisiegraveme sous-groupe de locuteurs 5 PB_agr et 6 TH_agr

Pour nous cela signifie qursquoil y a une correacutelation positive entre la graviteacute des conseacutequences du dysfonctionnement sous-jacent qui entrave la formulation phrastique qui est agrave compenser par le recours agrave des proceacutedures de reacuteduction quantitative (syntaxe elliptique) De surcroicirct un effet de la tacircche est notable surtout si lrsquoon compare les tacircches 1 (la plus spontaneacutee) et 4 (la plus contrainte) entre elles

De ce fait les donneacutees individuelles srsquointerpregravetent selon deux perspectives

selon la perspective dysfonctionnement les diffeacuterences individuelles reflegravetent des degreacutes divers de deacuteficit sous-jacent

selon la perspective strateacutegies les diffeacuterences individuelles reflegravetent le recours agrave des degreacutes divers agrave une strateacutegie de reacuteduction quantitative lieacute aux paramegravetres de la situation

Ce faisant on peut affirmer que les symptocircmes de dysfonctionnement et drsquoadaptation sont les deux versants indissociables du comportement langagier agrammatique

613 Le style elliptique intra-phrastique et lrsquoexpansion macro-discursive

Les analyse quantitatives meneacutees jusqursquoici nous invitent agrave entrevoir un lien entre les pheacutenomegravenes suivants

(1) le deacutebit verbal varie en fonction de la preacutecision grammaticale viseacutee plus la production est contrainte et plus le deacutebit se ralentit et inversement plus la production est spontaneacutee et plus lrsquoaisance srsquoameacuteliore

(2) les agrammatiques reacuteduisent le message agrave produire du point de vue de la structuration interne phrastique et ce dans tous les types de productions

(3) par ailleurs la quantiteacute drsquoeacutenonceacutes produits ( E Seg) semble srsquoaccroicirctre notablement en production tregraves libre (tacircche 1 agrave quantiteacute drsquoobservables agrave peu de chose pregraves comparable entre les groupes controcircles et agrammatiques) et bien se maintenir notamment en ce qui concerne les tacircches 2 et 3

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

243

Sur un mecircme graphe (voir Figure 10 ci-dessous) sont repreacutesenteacutes le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) ainsi que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute (Long Moy E Seg(Mots ext) ) Ce graphe fusionne les reacutesultats quantitatifs obtenus et deacutejagrave commenteacutes pour chacune des variables CORPUS E Seg (les barres coloreacutees en vert) et Long Moy E Seg(Mots ext) (les points relieacutes par une courbe)

Les donneacutees controcircles sont repreacutesenteacutees par le graphe de gauche et les donneacutees agrammatiques par le graphe de droite

E Seg et Long Moy E Seg(Mots ext) moyenstacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe contr

45 72 78 60

7

109 9

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

E Seg et Long Moy E Seg(Mots ext) moyenstacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe agr

109 59 79 52

6

55

4

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

0

5

10

15

Figure 10 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg barres) et longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) points) pour les tacircches 1 2 3 et 4

moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite)

Ainsi si lrsquoon compare les corpus controcircles et agrammatiques du point de vue des variations inter-groupes attacheacutees aux deux variables E Seg (voir au point 6112 p 230) et Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238) il nous semble que lrsquoemploi drsquoun style elliptique intra-phrastique va de pair avec lrsquoexpansion macro-discursive ou du moins le maintien drsquoun nombre drsquouniteacutes discursives relativement eacuteleveacute

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

244

Autrement dit la reacuteduction quantitative micro-discursive (ou intra-phrastique) est contrebalanceacutee par une tendance agrave lrsquoexpansion macro-discursive

Nous avons observeacute par ailleurs que les eacutenonceacutes srsquoallongent (en nombre de mots extraits) agrave mesure que la preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccentue (notamment en production de phrases isoleacutees dans la tacircche 4 la plus contraignante)

Cela suggegravere que la reacuteduction quantitative phrastique est nuanceacutee par lrsquoeffet de la tacircche en production libre elle est tregraves forte mais en production plus contrainte le style elliptique est moins caracteacuteristique

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

245

62 Reacutesultats variables MORPH

621 Introduction

Nous traitons dans cette sous-partie de la structuration morpho-lexicale du discours Celle-ci a eacuteteacute caracteacuteriseacutee quantitativement gracircce aux variables cibleacutees sur des aspects lexicaux et morphologiques deacutecrites dans le protocole de preacute-traitement des donneacutees et drsquoanalyse quantitative que nous avons largement deacutetailleacutes dans les chapitres preacuteceacutedents155

Les variables quantitatives MORPH nous permettront drsquoeacutetudier les proceacutedures de structuration morpho-lexicale et flexionnelle verbale dans les perspectives inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches

Preacutecisons que les mesures relatives agrave lrsquoemploi de conjonctions et drsquoadverbes concernent exclusivement les trois tacircches de production de discours continu (reacutecit autobiographique reacutecit de contes et reacutecit drsquohistoires ineacutedites) Pour toutes les autres variables MORPH les reacutesultats quantitatifs concernent les quatre tacircches de production

Dans le protocole original QPA ni les conjonctions ni les adverbes ne font lrsquoobjet drsquoun traitement quantitatif particulier Pour cette eacutetude les mesures et calculs relatifs agrave ces derniers ont eacuteteacute eacutelaboreacutes par nos soins (soit les variables CONJMots prod156 CONJdisc CONJsynt ADVMots prod ADVdisc ADVmod et les calculs reacutealiseacutes speacutecifiquement sur les PARTICULES discursives) Drsquoautres variables MORPH telles que la proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO) et la proportion de preacutepositions par rapport au nombre total de mots extraits (Prop PREPMots ext) ont eacutegalement eacuteteacute ajouteacutees par rapport au protocole original

Pour le reste des variables MORPH (Prop MCF Indice DET Prop PRO Prop V(V+N) Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices) les cotations et calculs reacutealiseacutes srsquoinspirent directement des principes guides issus du protocole original QPA

622 Emploi des conjonctions CONJ CONJdisc et CONJsynt

Nous avons releveacute parmi tous les mots produits le nombre de conjonctions ( CONJ) qursquoelles soient CONJdisc (discursives) ou CONJsynt (syntaxiques) La variable Prop CONJMots prod commenteacutee ci-apregraves concernent ainsi lrsquoensemble des conjonctions produites sans distinction (6221 pp 246-248) Dans la partie suivante nous commenterons les variables Prop CONJdisc et Prop CONJsynt en tenant compte de cette distinction (6222 pp 249-250)

155 Voir les points 45 agrave 411 pp 144-175 concernant la transcription et le preacute-traitement des coprus et au point 52 pp 186-207 concernant la description des variables MORPH 156 Lorsque la variable quantitative citeacutee est agreacutementeacutee drsquoun asteacuterisque cela signifie qursquoelle a eacuteteacute soit modifieacutee par rapport au protocole original soit conccedilue et ajouteacutee par nos soins

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

246

6221 Proportion de conjonctions Prop CONJMots prod

La variable Prop CONJMots prod (proportion de conjonctions) a eacuteteacute calculeacutee sur la base du nombre de mots produits au total (Figure 11 ci-dessous) Pour lrsquoobtenir nous avons comptabiliseacute toutes les conjonctions employeacutees qursquoelles soient discursives (telles que et dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous) ou syntaxique (telles que parce-que dans le mecircme eacutenonceacute)

18 PB_agr3-MJ01 et lrsquo-autre eh-ben il est bien parce-que les pommes il y en a toute euh la reacutecolte est dans la cocircteacute euh ext- euh (3)

Rechlex DETsubst(legtla) + cocircteacute ADJind(toute) PRO(lrsquo-autre)

Annexe H-557

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Prop CONJMots prod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

8

76

5

75 76

0

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 11 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop

CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Par rapport au nombre total de mots produits les proportions drsquoemploi de conjonctions discursives et syntaxiques (Prop CONJMots prod) sont assez comparables entre les deux groupes Toutes tacircches confondues en moyenne ces proportions vont de 7 agrave 8 pour le groupe controcircle et de 5 agrave 76 pour le groupe agrammatique

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

247

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Au sein du groupe controcircle les mesures individuelles (voir le graphe en Annexe I-693) montrent une certaine variabiliteacute inter-sujets mais qui demeure beaucoup moins marqueacutee que celle constateacutee au sein du groupe agrammatique (voir la Figure 12 ci-dessous)

Prop CONJMots prod - tacircches 1 2 et 36 agr

5

11

17

7 77

109

6

45 5

8

6 6

050 0

0

5

10

15

20

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 12 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets

agrammatiques

Ainsi du point de vue individuel les proportions oscillent de 5 agrave 12 pour le groupe controcircle alors que pour le groupe agrammatique celles-ci varient de 0 agrave 17

En effet au sein du corpus 2 BR_agr1 (tacircche 1) seulement 2 conjonctions ont eacuteteacute releveacutees sur un total de plus de 404 mots produits (les conjonctions mais et et ce qui repreacutesente 05 des mots produits) Par ailleurs (tacircche 2 et 3) BR_agr nrsquoemploie aucune conjonction ni discursive ni syntaxique En teacutemoigne cet extrait de son reacutecit de Cendrillon

19 BR_agr2b oh [pœR] partir

laquo de peur alors elle part raquo ou laquo vu lrsquoheure elle part raquo [pœR] pour laquo peur raquo ou laquo lrsquoheure raquo (plutocirct laquo lrsquoheure avec une attaque en [p] par anticipation sur laquo partir raquo) DETom(lrsquo)+heure

20 BR_agr2b une euh (2) godasse partir laquo elle perd une godasse raquo 1 DET(un) ou 1 ADJnum(un) Par convention on cote 1 DET

21 BR_agr2b euh [ɑsijo] euh [d]heure euh (5) [pRele] presseacutee

DETom(lrsquo)

Deformphon(Cendrillongt [ɑsijo]) Deformphon(preacutesseacuteegt[pRele]) puis Autocor+++ laquo heure raquo prononceacute avec [d] en attaque

Annexe H-472

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

248

En revanche au sein du corpus 4 SB_agr1 (tacircche 1) 90 conjonctions ont eacuteteacute releveacutees sur un total de 541 mots produits ce qui repreacutesente pregraves de 17 des mots produits Ce taux est bien supeacuterieur aux taux des locuteurs controcircles crsquoest-agrave-dire que SB_agr emploie beaucoup plus de conjonctions que les locuteurs controcircles relativement agrave lrsquoensemble du corpus (voir lrsquoextrait du conte de Cendrillon reproduit ci-ci-dessous) Dans tous les corpus de SB_agr et dans drsquoautres corpus drsquoailleurs (agrammatiques et controcircles) les conjontions et ou mais par exemple sont employeacutees systeacutematiquement

41 SB_agr2b euh l- le prince cher- chercher le pantoufle (25) dans le euh tout autour-de tout autour-de vi- ville par-exemple

Reform laquo le prince cherche agrave qui est cette pantoufle raquo DETsubst(lagtle) + pantoufle DETom(la) + ville

42 SB_agr2b et hum (4) [ə] la agrave la mais- non dans le maison deux jeunes f- trois jeunes filles enfin tr- trois

DETsubst(legtla) + maison laquo il y a 3 filles 2 filles essayent les pantoufles raquo DETom(les) + trois jeunes filles

43 SB_agr2b deux jeunes filles euh (4) chercher (3) hum agrave enfiler euh les (3) pantoufles

DETom(les)

44 SB_agr2b mais s- ccedila v- ne va pas ADVmod(ne-pas)

45 SB_agr2b et par c- par-contre le prince hum (8) v- voit non venir non (3) alors rec-

Ab laquo je recommence raquo

Annexe H-528

Drsquoapregraves cet extrait on peut deacutejagrave remarquer que les conjonctions employeacutees sont preacutefeacuterentiellement des particules de discours

Pour finir les corpus des quatre autres locuteurs agrammatiques reacutevegravelent des proportions de conjonctions tout agrave fait comparables agrave celles obtenues aupregraves des locuteurs du groupe controcircle

En reacutesumeacute si un agrammatique en particulier (BR_agr) semble manifester des difficulteacutes tregraves marqueacutees au niveau de lrsquoemploi des conjonctions celles-ci peuvent demeurer au contraire tregraves preacuteserveacutees chez drsquoautres agrammatiques avec des proportions eacutequivalentes voire supeacuterieures agrave celles des sujets controcircles En geacuteneacuteral elles sont toutes assez preacutesentes dans le discours agrammatique

Mais il semble que agrave premiegravere vue les agrammatiques laquo preacutefegraverent raquo lrsquoemploi des conjonctions discursives (ou particules de discours) aux conjonctions syntaxiques Cette hypothegravese est agrave confirmer agrave travers une eacutetude plus approfondie de leurs freacutequences drsquoemploi respectives (voir ci-apregraves au point 6222)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

249

6222 Proportions moyennes de conjonctions selon le type drsquoemploi Prop CONJdisc et Prop CONJsynt

Par ailleurs si lrsquoon srsquointeacuteresse drsquoune part aux freacutequences drsquoemploi de conjonctions particules de discours (Prop CONJdisc Figure 13 ci-dessous agrave gauche) et drsquoautre part aux freacutequences drsquoemploi des conjonctions syntaxiques (Prop CONJsynt Figure 13 ci-dessous agrave droite)157 les moyennes de groupes nous reacutevegravelent que parmi les conjonctions produites les conjonctions particules de discours sont tregraves bien preacuteserveacutees et mecircme geacuteneacuteralement plus freacutequemment employeacutees en production de discours continu (avec par exemple des proportions de 61 et 87 pour la tacircche 1 voir Figure 13 ci-dessous agrave gauche)

Prop CONJdiscCONJ moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

61

7066

87

6861

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Prop CONJsyntCONJ moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

39

3034

13 1522

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 13 Proportion de conjonctions agrave valeur discursive (Prop CONJdisc agrave gauche) et de

conjonctions agrave valeur syntaxique (Prop CONJsynt agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Par contre srsquoagissant des conjonctions agrave valeur syntaxique (assurant les rocircles de coordonnant ou de subordonnant) il apparaicirct qursquoelles sont moins preacutesentes chez les agrammatiques avec des proportions de 13 16 et 22 (voir Figure 13 ci-dessus agrave droite) relativement au groupe controcircle pour lequel les proportions vont de 30 agrave 39 (voir Figure 13 ci-dessus agrave droite)

Les donneacutees individuelles agrammatiques malgreacute la forte variabiliteacute inter-individus confirment les tendances deacutecrites en moyennes de groupes (voir les graphes de donneacutees individuelles agrammatiques Prop CONJdisc et Prop CONJsynt en Annexe H-620)

Toutefois les conjonctions syntaxiques sont quand mecircme preacutesentes et mecircme dans certains corpus assez freacutequentes En effet parmi les conjonctions syntaxiques utiliseacutees celles qui ont le rocircle de coordonnant sont tregraves freacutequentes notamment chez SB_agr (et ou ni) On 157 Rappelons que ces proportions sont calculeacutees sur la base du nombre total de conjonctions releveacutees dans les corpus et non sur la base des mots produits Leur somme est donc eacutegale agrave 100

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

250

remarque eacutegalement que lorsqursquoune conjonction de subordination est employeacutee la proposition deacutependante semble structureacutee de faccedilon eacuteleacutementaire lorsqursquoil parvient agrave la formuler

51 SB_agr1 voilagrave par-contre euh bien-sucircr euh euh hum euh (8) euh boulot euh de euh orthophonistes euh tregraves important parce-que (5)

DETom(les) + orthophonistes amalgame(de+les) non reacutealiseacute Ab SUB

Annexe H-521

69 SB_agr1 kineacute parce-que le doigt et [Rikys] Deformphon(rictusgt[Rikys]) 2 CONJsynt(parce queet) 2 DETom(lale) + kineacuterictus

Annexe H-522

Drsquoautre part on a remarqueacute que les corpus de 3 MC_agr 4 SB_agr et 6 TH_agr contiennent de freacutequentes conjonctions syntaxiques notamment quand parce que pour que utiliseacutes en guise de subordonnants syntaxiques Cela traduit le fait que selon nous les capaciteacutes de structuration syntaxique sont moins affecteacutees par le dysfonctionnement sous-jacent (compareacute aux autres agrammatiques 1 PC_agr 2 BR_agr et 5 PB_agr)

Ainsi la variabiliteacute inter-individus est encore illustreacutee ici agrave travers les dispariteacutes de freacutequences et de types drsquoemplois de conjonctions syntaxiques

En reacutesumeacute si la cateacutegorie des conjonctions est en geacuteneacuterale preacuteserveacutee chez les agrammatiques agrave lrsquoexception du cas BR_agr chez qui on nrsquoa releveacute que 2 occurrences crsquoest plutocirct les conjonctions particules de discours qui semblent ecirctre mieux preacuteserveacutees au deacutetriment des conjonctions syntaxiques

Cela nous amegravene aux deux conclusions suivantes

(1) Pour une mecircme cateacutegorie de morphegravemes en lrsquooccurrence les conjonctions la fonction de connecteur entre uniteacutes de discours semble mieux preacuteserveacutee que celle de coordonnant ou subordonnant syntaxique Ainsi si le dysfonctionnement sous-jacent entrave la formulation phrastique eacutetape situeacutee en amont de la reacutecupeacuteration des uniteacutes lexicales du lexique mental pour leur inteacutegration il nrsquoest pas eacutetonnant que ce type de morphegraveme dans cette fonction syntaxique particuliegravere soit sous-utiliseacute En outre cette sous-utilisation peut aussi bien srsquoexpliquer du point de vue de lrsquohypothegravese drsquoadaptation par une strateacutegie elliptique attacheacutee agrave certains morphegravemes grammaticaux qui revient au final agrave eacuteviter une structure syntaxique trop couteuse agrave encoder (au niveau phrastique ou micro-discursif)

(2) Lrsquoagrammatique semble srsquoappuyer preacutefeacuterentiellement sur les conjonctions agrave valeur discursive qui permettent au niveau macro-discursif de compenser le manque drsquoeacutelaboration syntaxique interne aux eacutenonceacutes Cela nous semble coheacuterent avec le fait que le nombre drsquouniteacutes discursives ( E Seg) se maintient voire srsquoaccroicirct pour contrebalancer la reacuteduction quantitative intra-phrastique (voir au point 613 p 242)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

251

623 Emploi des adverbes ADV ADVdisc et ADVmod

Comme pour les conjonctions nous avons releveacute le nombre drsquooccurrences drsquoadverbes parmi tous les mots produits ( ADV) qursquoils soient employeacutes en guise de particules de discours ( ADVdisc) ou en guise drsquoadverbes modifieurs ( ADVmod modifieurs)

La variable Prop ADVMots prod commenteacutee ici concerne ainsi lrsquoensemble des adverbes produits sans distinction

Ensuite dans une partie seacutepareacutee nous commenterons les variables Prop ADVdisc et Prop ADVmod en tenant compte de cette distinction

6231 Proportion drsquoadverbes Prop ADVMots prod

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Pour les tacircches 1 2 et 3 on a releveacute 17 7 et 5 drsquoadverbes agrave valeur discursive et modifieurs parmi tous les mots produits par les sujets agrammatiques contre respectivement 11 8 et 76 pour les sujets controcircles (Prop ADVMots prod Figure 14 ci-dessous)

Prop ADVMots prod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

11

8

17

7

5

76

0

10

20

30

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 14 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots

prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

252

Manifestement si lrsquoon compare les freacutequences drsquooccurrences drsquoADV des corpus controcircles avec celles des corpus pathologiques les adverbes semblent globalement assez preacuteserveacutes dans lrsquoagrammatisme De plus en production de discours spontaneacute en particulier les agrammatiques semblent avoir recours preacutefeacuterentiellement aux adverbes plus que ne le font les sujets controcircles On retrouve cette variabiliteacute inter-tacircches agrave travers la majoriteacute des cas drsquoagrammatisme (voir ci-apregraves)

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

La variabiliteacute inter-tacircches deacutecrite ci-dessus est tregraves clairement confirmeacutee dans chaque cas drsquoagrammatisme pris individuellement sans exception comme en atteste le graphe suivant surtout si lrsquoon compare les tacircches 1 et 3 entre elles (Figure 15 ci-dessous)

Prop ADVMots prod - tacircches 1 2 et 36 agr

18

26

12

24

9

12

6

14

4

8

6 65

9

2

56

3

0

10

20

30

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 15 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots

prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoautre part les donneacutees individuelles controcircles montrent aussi quoique de maniegravere beaucoup moins nette et pour 7 locuteurs sur 9 une telle variabiliteacute inter-tacircches suivant laquelle les adverbes sont plus preacutesents en production de discours spontaneacute autobiographique (voir le graphe en Annexes I-696)

En conclusion la variabiliteacute inter-groupes atteste du fait que les adverbes sont assez bien preacuteserveacutes en cas drsquoagrammatisme et ce sans exception

De surcroicirct les agrammatiques les emploient beaucoup plus freacutequemment compareacute aux sujets controcircles drsquoune part et en production de discours spontaneacute (tacircche 1 avec une moyenne de 17 158 voir Figure 14 p 251) par rapport aux deux autres conditions expeacuterimentales (tacircches 2 et 3)

158 On pourrait nuancer ce reacutesultat en disant que de nombreuses conjonctions que nous avons coteacutees en tant que conjonctions particules de discours sont eacutegalement des initiateurs (starters) drsquoeacutenonceacute Ce qui vient laquo gonfler raquo la proportion

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

253

Comment expliquer alors cette variabiliteacute inter-tacircches Nous tentons de reacutepondre agrave cette question dans les commentaires ci-apregraves portant sur les freacutequences drsquoemploi drsquoadverbes en fonction de la distinction qualitative opeacutereacutee entre ADVdisc et ADVmod

6232 Proportions drsquoadverbes selon le type drsquoemploi Prop ADVdisc et Prop ADVmod

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Les graphes suivants repreacutesentent drsquoune part le poids moyen des adverbes agrave valeur discursive (Prop ADVdisc Figure 16 p 254 agrave gauche) et drsquoautre part le poids moyen des adverbes modifieurs (Prop ADVmod Figure 16 p 254 agrave droite) parmi lrsquoensemble des adverbes releveacutes

Dans lrsquoextrait suivant fourni agrave titre illustratif les adverbes particules de discours apparaissent en caractegraveres italiques (voilagrave par-contre bien-sucircr avant maintenant enfin en-plus en-fait apregraves bien-sucircr de-toute-faccedilon) et les adverbes modifieurs apparaissent en caractegraveres gras (tregraves dans lrsquoeacutenonceacute 51 et tout dans les eacutenonceacutes 55 et 56)

51 SB_agr1 voilagrave par-contre euh bien-sucircr euh euh hum euh (8) euh boulot euh de euh orthophonistes euh tregraves important parce-que (5)

DETom(les) + orthophonistes amalgame(de+les) non reacutealiseacute Ab SUB

52 SB_agr1 avant euh rien PROind(rien)

53 SB_agr1 maintenant euh voilagrave en- enfin euh orthophonistes et amis

laquo crsquoest gracircce aux orthophonistes et aux amis que jrsquoai pu retrouver la parole raquo 2 DETom(les)

54 SB_agr1 en-plus euh hum en-fait euh (3) a- en en-fait a- apregraves euh (3) orthophonistes

1 DETom(les)

55 SB_agr1 et m- euh tout seul ADVmod(tout)

56 SB_agr1 enfin tout seul et euh [z] amis

Liaison reacutealiseacutee(0 DET + [z] + amis]DETom(les) laquo en plus des orthophonistes jrsquoai travailleacute en autonomie le langage avec les amis raquo

57 SB_agr1 jrsquoai hum un cours de physique non euh math et euh (2) franccedilais

1 PREPom(de) 1 DETom(le)

58 SB_agr1 euh bien-sucircr euh de-toute-faccedilon euh professeur

Annexe H-521

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

254

Drsquoapregraves les cotations effectueacutees selon le type drsquoemploi on obtient les proportions Prop ADVdisc (agrave gauche) et Prop ADVmod (agrave droite) en moyennes de groupes suivantes

Prop ADVdiscADV moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

36

47 45

58 61 61

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Prop ADVmodADV moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

64

53 55

42 39 39

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 16 Proportion drsquoadverbes agrave valeur discursive (Prop ADVdisc agrave gauche) et drsquoadverbes

modifieurs (Prop ADVmod agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Nous observons que les proportions drsquoadverbiaux particules de discours sont toutes plus eacuteleveacutees chez les sujets agrammatiques (avec des moyennes de pregraves de 60 voir Figure 16 ci-dessus agrave gauche) compareacute aux sujets controcircles et ce quelque soit la tacircche de production

Drsquoautre part lorsqursquoil srsquoagit drsquoadverbes modifieurs la variabiliteacute inter-groupes srsquoinverse159 les freacutequences drsquoemploi drsquoadverbes modifieurs sont plus faibles chez les agrammatiques (avec des moyennes de pregraves de 40 voir Figure 16 ci-dessus agrave droite) compareacute aux sujets controcircles

Il apparaicirct donc globalement que les agrammatiques preacutefegraverent les emplois drsquoadverbiaux particules discursives au deacutetriment des emplois drsquoadverbes modifieurs

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Malgreacute une plus forte variabiliteacute inter-sujets au sein du groupe agrammatique les tendances de groupes eacutevoqueacutees au point (a) sont confirmeacutees par les donneacutees individuelles (voir Figure 17 ci-dessous p 255)

159 La somme des deux proportions est eacutegale agrave 100 car les deux variables sont calculeacutees drsquoapregraves lrsquoensemble des adverbes releveacutes crsquoest-agrave-dire 100 des adverbes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

255

Cette variabiliteacute inter-sujets srsquoexplique en particulier par les proportions des corpus de 2 BR_agr ougrave le poids des adverbes modifieurs demeure tregraves eacuteleveacute quelle que soit la tacircche de production en jeu (avec des proportions de 57 76 et 86 ) agrave la diffeacuterence des autres locuteurs agrammatiques (voir Figure 17 ci-dessous)

Prop ADVmod - tacircches 1 2 et 36 agr

24

57

3734 35

66

14

76

25

35

4244

25

86

17 17

51

38

0

25

50

75

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 17 Proportion drsquoadverbes modifieurs (Prop ADVmod) pour les tacircches 1 2 et 3

donnes individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Selon nous la forte proportion drsquoemploi drsquoadverbes modifieurs observeacutee pour 2 BR_agr meacuterite un eacuteclairage particulier chez lui la cateacutegorie des adverbes (en particulier les ADVmod) est bien preacuteserveacutee mais la diversiteacute des adverbes preacutesents est en reacutealiteacute assez pauvre En teacutemoignent les exemples suivants extraits des corpus de BR_agr ougrave lrsquoon recense de nombreux pas-du-tout et beaucoup

3 BR_agr3-MJ01 lrsquoarbre euh pas-du-tout (2) euh lrsquoarbre (5) euh plus t- euh lrsquoarbre pas-du-tout

Ab

4 BR_agr3-MJ01 arbre plus loin DETom(lrsquo)

5 BR_agr3-MJ01 euh pas-du-tout toucher euh

Annexe H-474

10 BR_agr3-MJ01 oh beaucoup difficile laquo crsquoest tregraves difficile pour lui raquo

11 BR_agr3-MJ01 ah beaucoup de force euh bras euh PREPom(dans) + DETom(les) + bras

Annexe H-475

Drsquoautre part il faut eacutegalement nuancer les cas de 5 PB_agr et 6 TH_agr pour qui les proportions drsquoadverbes modifieurs demeurent toutefois pour certaines tacircches assez comparables aux donneacutees obtenues agrave partir des corpus controcircles Cela est agrave mettre en relation avec le fait que 5 PB_agr et 6 TH_agr sont les agrammatiques pour qui le dysfonctionnement sous-jacent est moins seacutevegravere Ainsi les freacutequences relativement eacuteleveacutees

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

256

drsquoemploi drsquoadverbes adosseacutes agrave un autre eacuteleacutement dans la matrice semblent refleacuteter une moindre difficulteacute drsquoencodage

Quand bien mecircme lrsquoemploi drsquoadverbes modifieurs srsquoavegravere ecirctre moins probleacutematique pour eux il nrsquoest pas aussi aiseacute et naturel que pour les locuteurs controcircles dans les trois tacircches de production de discours continu (voir le graphe de donneacutees individuelles controcircles en Annexe I-696)

En reacutesumeacute lrsquoexamen des variables MORPH relatives agrave lrsquoemploi des conjonctions agrave valeur syntaxique (Prop CONJsynt voir 6222 p 249) et des adverbes modifieurs (Prop ADVmod voir ci-dessus) nous permet de conclure que le trouble agrammatique affecte speacutecifiquement les emplois de type syntaxique (et non les emplois de type discursif) En effet les conjonctions et adverbes qui sont agrave inteacutegrer dans une matrice syntaxique semblent plus difficiles agrave utiliser

En revanche srsquoagissant des conjonctions et adverbes ayant le rocircle de particules discursives les donneacutees quantitatives plaident en faveur drsquoune gestion strateacutegique de ces items linguistiques preacuteserveacutes qui gravitent en marge des matrices syntaxiques et qui jouent un rocircle fondamental dans la coheacuterence discursive

Sur ce point nous pensons qursquoun examen plus pousseacute deacutedieacute aux particules de discours dans leur ensemble crsquoest-agrave-dire aux variables Prop CONJdisc et Prop ADVdisc nrsquoest pas inutile (voir le point suivant)

624 Analyse quantitative approfondie des PARTICULES DE DISCOURS (CONJdisc et ADVdisc)

6241 Principes de calcul de la nouvelle variable

Comme nous lrsquoavons deacutejagrave signaleacute les reacutesultats concernant lrsquoemploi des particules discursives ont partie lieacutee avec les strateacutegies de structuration macro-discursive qui ont deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutees160

Les variables Prop CONJdisc et Prop ADVdisc deacutejagrave commenteacutees (voir aux points 6221 p 246 et 623 p 251) ont eacuteteacute calculeacutees sur la base du nombre de mots produits au total

160 Rappelons que afin drsquoen faciliter la lecture et le repeacuterage les corpus de donneacutees verbales transcrites laissent apparaicirctre les particules discursives en caractegraveres italiques (crsquoest-agrave-dire les conjonctions et adverbiaux agrave valeur discursive) Leur rocircle consiste agrave initier et clocircturer les eacutenonceacutes segmenteacutes agrave les connecter entre eux ou mecircme agrave confeacuterer une nuance subjective agrave un propos (attitude affect modalisation) Pour des preacutecisions quant aux critegraveres drsquoidentification des particules discursives voir le chapitre 4 au point 4925 p 169 et le chapitre 5 aux points 5214(a) p 188 et 52111(b) p 197

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

257

Cependant en vue de mieux appreacutecier leur importance dans la structuration du discours agrammatique et en vue de les objectiver encore nous avons calculeacute une nouvelle variable

Tregraves simplement nous avons additionneacute le nombre total de particules discursives soit les nombres de conjonctions discursives ( CONJdisc) et drsquoadverbes discursifs ( ADVdisc) qui furent releveacutees au sein des corpus oraux crsquoest-agrave-dire les particules qui apparaissent en caractegraveres italiques avec le nombre total de mots extraits ( Mots ext) crsquoest-agrave-dire les mots apparaissant en caractegraveres gras De ce point de vue les analyses srsquoeffectuent ainsi agrave la fois sur les deux plans inteacutegreacutes de preacute-traitement des corpus celui de la structuration interne des eacutenonceacutes (mots extraits en caractegraveres gras) et celui de la structuration discursive (particules de discours en caractegraveres italiques)

Ensuite nous avons calculeacute le poids des particules de discours relativement au corpus de mots extraits et de particules de discours

Au final nous obtenons la nouvelle variable Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES]

En drsquoautre termes il srsquoagit drsquoeacutevacuer le plan des scories de lrsquooral des onomatopeacutees des reacutepeacutetions bref des eacuteleacutements que nous avions consideacutereacutes comme eacutetant des laquo bruits raquo 161

Cela nous permet de deacutegager des observations plus objectives et plus reacuteveacutelatrices des tendances

161 De cette maniegravere les analyses reflegravetent mieux la structuration du discours car elles concernent le niveau 2 de lecture des corpus (concernant les 3 niveaux de transcription lieacute au preacute-traitement des corpus voir le chapitre 4 au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165) Le niveau 2 de preacute-traitement des corpus integravegre la structuration interne des eacutenonceacutes (crsquoest-agrave-dire les mots extraits apparaissant en caractegraveres gras) et les particules discursives (crsquoest-agrave-dire les conjonctions et adverbiaux apparaissant en caractegraveres italiques) Tout le reste le niveau 3 apparaicirct en caractegraveres normaux et nrsquoest donc pas pris en compte dans cette nouvelle variable Le niveau 3 recegravele des indices tregraves preacutecieux pour qui srsquointeacuteresse de plus pregraves agrave drsquoautres aspects (par exemple aux aspects pragma-discursifs aux interjections et onomatopeacutees aux pheacutenomegravenes de reacutepeacutetition aux heacutesitations aux pauses aux reformulations etchellip) Ainsi ces composeacutes ne constituent des laquo bruits raquo de lrsquooral que dans le cadre strict et exclusif de cette analyse

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

258

6242 Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES]

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe ci-dessous (Figure 18) repreacutesente le poids moyen des particules discursives (Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES])

Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES] moyenne tacircches 1 2 et 3 - moyennes groupes contr vs agr

95105

87

209

135

100

0

10

20

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 18 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1

2 et 3 moyennes de groupes

Globalement le groupe controcircle montre des proportions toujours infeacuterieures agrave celles du groupe agrammatique et ce toutes tacircches confondues162

Ce reacutesultat appuie encore le constat deacutejagrave fait preacuteceacutedemment la cateacutegorie des particules de discours est globalement preacuteserveacutee chez les agrammatiques en geacuteneacuteral et mecircme largement sur-employeacutee en production de discours spontaneacute ougrave elle repreacutesente plus de 20 des corpus de niveau 2 de preacute-traitement (crsquoest-agrave-dire les corpus composeacutes essentiellement de mots extraits et de particules de discours) contre moins de 10 en moyenne pour le groupe controcircle

162 Alors que le calcul fondeacute sur le nombre de mots produits ne permettait de voir cette tendance que pour la tacircche 1 drsquoougrave lrsquointeacuterecirct de cette remise en perspective

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

259

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

De plus alors que les variabiliteacutes inter-tacircches et inter-sujets sont manifestement peu marqueacutees au sein du groupe controcircle163 (voir les graphes de donneacutees individuelles controcircles en Annexes I-703) le groupe agrammatique preacutesente des patrons de variabiliteacutes inter-tacircches et inter-sujets tout agrave fait reacuteguliers et coheacuterents164 suivant lesquels un effet de la tacircche se reacutepegravete dans chaque cas (voir Figure 19 ci-dessous)

Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES] - tacircches 1 2 et 36 agr

31

14

19

33

17

10

22

4

13

20

14

9

16

2

8

15

12

8

0

5

10

15

20

25

30

35

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 19 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1

2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoapregraves ces donneacutees avec des proportions allant de 8 agrave 33 toutes tacircches et tous sujets agrammatiques confondus (voir Figure 20 ci-dessus) tous les agrammatiques manifestent des scores proches voire tregraves supeacuterieurs aux scores reacutefeacuterences controcircles agrave lrsquoexception du locuteur agrammatique 2 BR_agr En effet compareacute aux autres ce dernier utilise peu de particules de discours (soit respectivement 14 4 et 2 ) Mais celles-ci sont plutocirct des adverbes cateacutegorie encore tregraves accessible pour lui (voir au point 6232(b) p 254-255)

En reacutesumeacute nous constatons que plus la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute et plus la mise en discours agrammatique srsquoappuie sur lrsquoemploi de particules de discours Inversement dans tous les cas drsquoagrammatisme plus la tacircche de production est contraignante en termes de consigne et de preacutesence drsquoun stimulus et plus le poids des particules discursives srsquoaffaiblit

163 La variabiliteacute inter-sujets au sein du groupe controcircle est teacutenue Elle nous semble plutocirct lieacutee agrave des facteurs idiosyncrasiques 164 Variabiliteacutes que lrsquoon retrouve lorsque la variable est calculeacutee sur la base du nombre de mots produits (voir les graphes de donneacutees individuelles agrammatiques concernant la variable Prop PARTICULESMots Prod en Annexes H-630)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

260

Ces observations confirmeraient donc les tendances deacutejagrave deacutecrites plus avant en cas drsquoagrammatisme

Lrsquoemploi des conjonctions et adverbiaux en guise de particules de discours demeure preacuteserveacute cela est deacutemontreacute agrave travers le patron de variabiliteacute inter-groupes suivant lequel les proportions issues des corpus agrammatiques sont supeacuterieures aux proportions issues des corpus controcircles En outre on peut notamment relier la variable Prop PARTICULES agrave la variable Long Moy E Seg(Mots ext) examineacutee au point 6123 (voir p 238) En effet nous avons constateacute que les eacutenonceacutes se raccourcissent agrave mesure que la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute Ce qui nous amegravene agrave suggeacuterer que globalement les agrammatiques srsquoappuient sur les emplois de conjonctions etou drsquoadverbiaux agrave valeur discursive en guise de palliatif du manque drsquoeacutelaboration interne phrastique

En outre les particules de discours semblent moins preacutesentes lorsque les uniteacutes de discours sont plus eacutelaboreacutees crsquoest-agrave-dire lorsque les capaciteacutes de formulation sont plus mobiliseacutees au profit du niveau micro-discursif En drsquoautre termes lrsquoagrammatique mobiliserait ses capaciteacutes cognitives pour ameacuteliorer la preacutecision grammaticale interne phrastique au deacutetriment des particules qui sont alors fragiliseacutees drsquoautant qursquoelles sont tregraves optionnelles Cela est tregraves caracteacuteristique des tacircches 2 et 3 qui sont les tacircches de production de discours continu un peu plus contrainte par la situation expeacuterimentale

Mecircme en cas de dysfonctionnement tregraves seacutevegravere les particules discursives constituent un appui strateacutegique cela est reacuteveacuteleacute agrave travers les patrons de variabiliteacute inter-tacircches qui se reacutepegravetent pour chacun des cas drsquoagrammatisme et notamment chez BR_agr qui malgreacute tout srsquoappuie surtout sur les adverbes

Pour finir COHEN et HEacuteCAEN 1975 citeacutes par GOODGLASS et MENN 1985 24) ont observeacute que les patients agrammatiques employaient de tregraves nombreux laquo mots vides remplisseurs raquo tels que but ou yrsquoknow165 Ce que ces auteurs appellent mots vides correspond selon notre grille drsquoanalyse agrave la fois aux remplisseurs interjectifs ou phatiques et aux particules de discours Drsquoapregraves cette donneacutee les auteurs nuancent la theacuteorie de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort (exposeacutee au point 24 p 58) car elle ne peut expliquer de maniegravere coheacuterente lrsquoabondance de ce type de mots dans le discours Notre solution est donc de concevoir que lrsquoagrammatique est limiteacute sur le plan de lrsquoorganisation intra-phrastique (contraint drsquoorganiser les eacutenonceacutes sur la base drsquoun style elliptique avec de courts eacutenonceacutes) et non sur le plan discursif (avec une deacutemultiplication du nombre drsquouniteacutes-eacutenonceacutes et de particules discursives)

Nous pensons qursquoil est donc leacutegitime drsquoopeacuterer une dissociation entre ces deux niveaux drsquoorganisation linguistique dans lrsquoagrammatisme en particulier

165 Cette observation converge eacutegalement avec celles de MENN amp OBLER 1990 (voir au point 4925(a) p 169)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

261

625 Reacutepartition des mots de classe ouverte et des mots de classe fermeacutee Prop MCO et Prop MCF

Le nombre de mots de classe ouverte (ou morphegravemes lexicaux) ayant eacuteteacute releveacute parmi les mots extraits il est possible drsquoexaminer de pregraves la reacutepartition des mots de classe ouverte (Prop MCO) et des mots de classe fermeacutee (Prop MCF) au sein des corpus de mots extraits

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-groupes

Les deux graphes suivants reflegravetent les proportions moyennes de MCO (Prop MCO Figure 20 ci-dessous agrave gauche) et de MCF (Prop MCF Figure 20 ci-dessous agrave droite) selon les tacircches et selon les groupes

On observe que pour les tacircches 1 2 3 et 4 les corpus reacutefeacuterences contiennent respectivement 51 52 50 et 54 de mots de classe ouverte (Prop MCO voir Figure 20 ci-dessous agrave gauche) Les proportions moyennes de mots de classe fermeacutee crsquoest-agrave-dire de morphegravemes grammaticaux libres ou mots fonctions srsquoeacutelegravevent respectivement agrave 49 48 50 et 46 (Prop MCF voir Figure 20 ci-dessous agrave droite)

En conclusion la reacutepartition MCO MCF est agrave peu de chose pregraves de lrsquoordre de 50 50 dans lrsquooral ordinaire

Prop MCO moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

51 52 5054

6663

6056

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Prop MCF moyennes - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

49 48 5046

3437

4044

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 20 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO agrave gauche) et proportion de mots

de classe fermeacutee (Prop MCF agrave droite) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

En revanche dans les corpus agrammatiques le poids moyen des mots de classe ouverte est plus eacuteleveacute dans chaque tacircche (respectivement 66 63 60 et 56 voir Figure 20 ci-dessus agrave gauche en hachureacute) En conseacutequence le poids moyen des mots de classe fermeacutee est plus faible (respectivement 34 37 40 et 44 Figure 20 ci-dessus agrave droite en hachureacute)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

262

En reacutesumeacute

le poids moyen des mots de classe ouverte est plus eacuteleveacute pour le groupe agrammatique compareacute au groupe controcircle

le poids moyen de mots de classe fermeacutee est plus faible pour le groupe agrammatique compareacute au groupe controcircle

Ainsi du point de vue de la variabiliteacute inter-groupes la reacutepartition est en moyenne agrave la faveur des mots de classe ouverte (MCO) chez les agrammatiques ce agrave quoi on pouvait srsquoattendre

Manifestement ces donneacutees reflegravetent la rareacutefaction des morphegravemes grammaticaux au sein des corpus agrammatiques les agrammatiques ont donc geacuteneacuteralement moins recours aux mots de classe fermeacutee (MCF) relativement aux mots de classe ouverte (MCO)

(b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique stabiliteacute et variabiliteacute inter-tacircches

Les graphes suivants (Figure 21 ci-dessous) restituent les mecircmes donneacutees quantitatives que preacuteceacutedemment concernant les variables Prop MCO et Prop MCF Ce graphe permet simplement de visualiser les mecircmes reacutepartitions selon les groupes puis selon les tacircches

Prop MCO et Prop MCF moyennes - tacircches 1 2 3 et 4 moyennes groupe contr

51

52

50 54

49

48

50 46

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop MCF

Prop MCO

Prop MCO et Prop MCF moyennes - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupe agr

66

63

60

56

34

37

40

44

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop MCF

Prop MCO

Figure 21 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO en bas) et proportion de mots

de classe fermeacutee (Prop MCF en haut) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite)

Ainsi agrave travers la reacutepartition de la totaliteacute des mots extraits (100 ) suivant leur eacutetiquette MCO ou MCF nous deacutegageons les deux principales observations suivantes

la stabiliteacute inter-tacircches est tregraves caracteacuteristique des corpus controcircles En effet en production orale ordinaire ou laquo normale raquo de discours continu (tacircches 1 2 et 3) et de phrases (tacircche 4) les poids des morphegravemes lexicaux et des morphegravemes grammaticaux se reacutepartissent pour

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

263

moitieacute dans chacune des deux classes de morphegravemes166(voir Figure 21 ci-dessus agrave gauche en couleur unie) Drsquoautre part les diffeacuterences inter-sujets au sein du groupe controcircle sont neacutegligeables Les donneacutees individuelles concernant le groupe controcircle illustrent la stabiliteacute de la reacutepartition des points de vue inter-tacircches et inter-sujets167(voir les graphes de donneacutees controcircles concernant les Prop MCO et Prop MCF en Annexes I-692)

lrsquoinstabiliteacute ou la variabiliteacute inter-tacircches qui elle est assez manifeste dans les corpus agrammatiques (voir Figure 20 ci-dessus agrave droite en hachureacute) En effet la variabiliteacute inter-tacircches observeacutee ici qui caracteacuterise en particulier le groupe agrammatique plaide en faveur de lrsquohypothegravese de lrsquoexistence drsquoune proceacutedure de structuration morpho-lexicale particuliegravere

En conclusion le recours preacutefeacuterentiel au style elliptique repose sur la rareacutefaction des morphegravemes grammaticaux (plutocirct que sur celle des morphegravemes lexicaux) dans les corpus agrammatiques

Cela nrsquoest pas eacutetonnant Ce qui nous surprend plus crsquoest que les morphegravemes grammaticaux sont de moins en moins rares agrave mesure que la tacircche de production est contrainte

Voyons cela de plus pregraves agrave travers une eacutetude des donneacutees individuelles agrammatiques

166 La reacutepartition est un peu diffeacuterente pour la tacircche 4 par rapport aux autres tacircches En effet la formulation des phrases impliquent une reacutepartition MCO MCF agrave la faveur de la cateacutegorie MCO Ce reacutesultat constitue une mesure reacutefeacuterence de la reacutepartition MCO MCF induite par les structures de phrases cibles choisies pour le test ougrave il fallait agrave chaque fois speacutecifier lexicalement la preacutedication 167 Cela peut constituer en soi un reacutesultat probant sur le fait qursquoen franccedilais oral les eacutenonceacutes se structurent sur la base drsquoune reacutepartition laquo 50-50 raquo des mots dans chacune des classes de morphegravemes MCO et MCF

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

264

(c) Donneacutees individuelles variabiliteacute inter-sujets agrammatiques et inter-tacircches

Agrave la diffeacuterence du groupe controcircle et concernant la variable Prop MCF les variabiliteacutes inter-sujets agrammatiques et inter-tacircches (surtout si lrsquoon compare les tacircches 1 et 4) sont assez marqueacutees (voir Figure 22)

Prop MCF - tacircches 1 2 3 et 46 agr

2118

40

30

46 47

36

17

39

31

44

54

3328

3842

48 50

38

31

4845

4952

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 22 Proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF) pour les tacircches 1 2 3 et 4

donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoapregraves ces donneacutees individuelles on peut deacutegager trois groupes de locuteurs en fonction du niveau drsquoalteacuteration des morphegravemes grammaticaux occasionneacutee par le dysfonctionnement sous-jacent et par le recours au style elliptique

le groupe de locuteurs 5 PB_agr et 6 TH_agr (les plus agrave droite des graphiques) pour qui les reacutepartitions MCO MCF sont toutes tacircches confondues assez proches drsquoune reacutepartition laquo normale raquo (toutefois les proportions de MCF demeurent leacutegegraverement en-deccedilagrave des performances observeacutees chez les locuteurs controcircles)

le groupe de locuteurs 3 MC_agr et 4 SB_agr (dans la partie centrale des graphiques) pour qui les reacutepartitions MCO MCF reflegravetent un deacuteficit-sous jacent plus aigu

le groupe de locuteurs 1 PC_agr et 2 BR_agr (les plus agrave gauche des graphiques) pour qui les reacutepartitions MCO MCF sont les plus deacutefavorables aux MCF ce qui traduit le deacuteficit sous-jacent le plus aigu compareacute aux autres locuteurs

Notons que mecircme en cas de deacuteficit tregraves aigu (comme dans le cas de 2 BR_agr) les morphegravemes grammaticaux ne sont jamais complegravetement absents

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

265

On remarque aussi un patron inter-tacircches systeacutematique plus lrsquoagrammatique vise un haut degreacute de preacutecision grammaticale et plus il sollicite la classe des morphegravemes grammaticaux pour structurer ses phrases (tacircche 4) Autrement dit moins il a recours au style elliptique

Ainsi pour quelle raison la formulation grammaticale devient-elle de moins en moins elliptique agrave mesure que la tacircche de production induit plus de preacutecision grammaticale Et agrave lrsquoinverse pourquoi le style elliptique srsquoaccentue-t-il agrave mesure que la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute Comment expliquer les variations de style elliptique qui srsquoopegravere prioritairement au deacutetriment des morphegravemes grammaticaux

Dans la large cateacutegorie des mots de classe fermeacutee nous avons proceacutedeacute agrave une analyse quantitative plus deacutetailleacutee des freacutequences drsquoemploi de morphegravemes grammaticaux preacutecis tels que les deacuteterminants les pronoms et les preacutepositions agrave travers les variables Indice DET Prop PRO et Prop PREP Nous exposons en deacutetail les reacutesultats attacheacutes agrave chacune de ces variables preacutecises ci-apregraves ce qui nous permettra drsquoapprofondir les questions susciteacutees par lrsquoexamen des freacutequences drsquoemploi de lrsquoensemble des MCF

626 Indice de deacutetermination Indice DET

La variable Indice DET reflegravete le taux de deacuteterminants effectivement preacutesents en contextes obligatoires

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe suivant repreacutesente pour les quatre tacircches de production orale les reacutesultats moyenneacutes par groupes avec leurs eacutecarts-types (Figure 23)

Indice DET moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

1 109990997

059

081

093091

00

05

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 23 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

266

Toutes tacircches confondues les Indices DET controcircles sont tous pratiquement eacutegaux agrave 1 avec une variabiliteacute quasi-nulle (Figure 23 p 265 les points gris du haut) Cela signifie que outre 2 omissions releveacutees dans les corpus controcircles tous les deacuteterminants eacutetaient preacutesents dans leur contexte obligatoire respectif

Par contre dans les corpus agrammatiques on a releveacute des omissions de deacuteterminants plus ou moins freacutequentes selon la tacircche (Figure 23 ci-dessus les points noirs repreacutesentant les indices 059 081 091 et 093 respectivement pour les tacircches 1 2 3 et 4) Cela traduit le fait que plus la tacircche est contraignante et plus les deacuteterminants sont effectivement produits Cela va dans le sens des analyses reacutealiseacutees pour la variable globale Prop MCF (voir 625 p 261) Drsquoautre part on observe une variabiliteacute inter-sujets agrammatiques tregraves marqueacutee

Agrave travers ces reacutesultats deux questions eacutemergent

comment expliquer la variabiliteacute inter-tacircches caracteacuteristique des Indices DET agrammatiques qui semble lieacutee au degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee

est-ce que lrsquoaccroissement de lrsquoIndice DET pourrait ecirctre correacuteleacute agrave un accroissement des pheacutenomegravenes de substitutions entre deacuteterminants

Srsquoagissant de la premiegravere question le recours variable au style elliptique selon la tacircche srsquoexplique par les adaptations preacuteventives aboutissant agrave la rareacutefaction de certains morphegravemes grammaticaux Bien sucircr ce nrsquoest pas le dysfonctionnement sous-jacent qui varie drsquoune tacircche agrave lrsquoautre mais bien la freacutequence des ellipses grammaticales attacheacutees agrave la structuration morpho-syntaxique des SN Ces ellipses grammaticales sont plus typiques du discours continu spontaneacute (tacircche 1) que de la production de phrases isoleacutees drsquoapregraves un stimulus visuel (tacircche 4)

Srsquoagissant de la deuxiegraveme question un examen un peu plus pousseacute des types de deacuteterminants employeacutes pourraient mieux nous renseigner Pour ce faire les donneacutees individuelles agrammatiques sont commenteacutees ci-apregraves

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

267

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Le patron de variabiliteacute inter-tacircches deacutecrit (voir au point preacuteceacutedent 626(a) p 265-266) ressort dans 4 cas sur 6 (voir Figure 24 ci-dessous) Par ailleurs la variabiliteacute inter-sujets est tregraves marqueacutee au sein du groupe

Indice DET - tacircches 1 2 3 et 46 agr

041

029

071

021

097 096

082

037

096

073

100 100

093

067

099

090

100 100094

069

099096

100 100

00

05

10

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 24 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees

individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

En effet les performances des locuteurs 5 PB_agr et 6 TH_agr sont tregraves proches de la normale Toutes tacircches confondues on a releveacute seulement deux absences de deacuteterminants pour chacun drsquoeux (avec des Indices DET de 097 et 096 dans la tacircche 1 voir Figure 24 ci-dessus)

Par contre en production de discours spontaneacute (toujours la tacircche 1) les quatre autres locuteurs agrammatiques (1 PC_agr 2 BR_agr 3 MC_agr et 4 SB_agr) omettent les deacuteterminants beaucoup plus freacutequemment agrave des degreacutes variables selon les sujets Ainsi respectivement 41 29 71 et 21 des deacuteterminants obligatoires sont effectivement preacutesents dans la chaicircne syntagmatique (proportions traduites par les Indices DET de 041 029 071 et 0 21)

Drsquoautre part en production verbale plus contrainte par les conditions expeacuterimentales (tacircche 2 3 et 4) et en particulier en production de phrases isoleacutees (tacircche 4) on constate que les Indices DET srsquoameacuteliorent sensiblement

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

268

Les exemples suivants issus des corpus de PC_agr illustrent cette tendance Ils correspondent respectivement aux tacircches 1 (eacutenonceacute ndeg111) 2 (eacutenonceacutes ndeg2 et ndeg3) 3 (eacutenonceacute ndeg5) et 4 (eacutenonceacute ndeg53) Ainsi on remarquera surtout entre les productions des tacircches 1 et 4 les diffeacuterences lieacutees agrave la preacutesence et agrave lrsquoabsence de deacuteterminants devant les noms

111 PC_agr1 euh briquets euh voilagrave briquets euh stylos stylos hum euh (3) casquettes casquettes blousons

E Seg Non-Can Juxtaposition(SNSNSNSN) de Noms isoleacutes eacutenumeacuteration 4 DETom(des)

Annexe H-437

2 PC_agr2b et feu le euh le hum souffler souffler SN-ODir(feu) anteacuteposeacute SN-Som(Cendrillonelle) DETom(le)

3 PC_agr2b et (4) le sœur euh euh euh le merde le s- le le sœur ben pfff le sœur

DETsubst(lagtle)

Annexe H-444

5 PC_agr3-MJ01 les pommes les pommes (3) les pommes (3) euh mange (3) mange (3) les p- les pommes mange

SN-ODir anteacuteposeacute (les pommes) SN-Som(lrsquohomme) topicaliseacute dans lrsquoeacutenonceacute 3 laquo lrsquohomme mange les pommes raquo

Annexe H-447

53 PC_agr4 la megravere la megravere (4) la megravere frotte (3) frotte euh (5) les dents

PROreflom(se)

Annexe H-460

En reacutesumeacute malgreacute une variabiliteacute inter-sujets agrammatiques assez notable lieacutee agrave la seacuteveacuteriteacute du trouble ou au niveau de reacutecupeacuteration la variabiliteacute inter-tacircches de lrsquoIndice DET qui reflegravete plutocirct les conduites strateacutegiques drsquoellipse grammaticale que le dysfonctionnement sous-jacent est agrave assez bien marqueacutee dans la majoriteacute des cas drsquoagrammatisme

Abordons agrave preacutesent les aspects plutocirct qualitatifs de lrsquoemploi des deacuteterminants

Drsquoautre part la deacutetermination du nom srsquoappuie notamment sur lrsquoemploi drsquoadjectifs numeacuteraux en guise de marqueur du pluriel et sur lrsquoemploi drsquoadverbes en guise de quantificateurs tels que beaucoup de Cela est assez notable dans de nombreux corpus agrammatiques Les deux eacutenonceacutes suivants reflegravetent ce type de pheacutenomegravene deacutejagrave caracteacuteriseacute par NESPOULOUS (voir 2452 p 76) sous le terme de strateacutegie palliative

10 BR_agr1 deux trois jours coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

11 BR_agr1 plus-tard [kegym] DETom(un) Deformphon(leacutegumegt[kegym])

Annexe H-462

7 BR_agr3-MJ08 euh deux euh oui (2) [kʀiʀe] (2) deux [l] arbres (4)

Deformphon(tirergt[kʀiʀe]) Deformphon(deux[z]arbresgtdeux[l]arbres) subst de consonne intervocalique DETom(les) les deux arbres

Annexe H-479

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

269

32 BR_agr1 beaucoup de sport moi ADVmod(beaucoup)

Annexe H-464

1 BR_agr2a un petit euh euh toi une un petit fille (3) aller (55) aller euh euh (5) beaucoup des arbres

laquo +1mn DETsubst(unegtun) Flexomfem(unegtunpetitegtpetit) mais le genre fem est marqueacute par laquo toi une raquo (exp=gt raquotoi raquofem) PREPom(dans)+la forecirct laquo beaucoup des arbres raquo = peacuteriphrases pour laquo forecirct raquo

Annexe H-469

Par ailleurs dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous (ndeg11) lrsquoemploi de un au lieu de le dans les cas ougrave le reacutefeacuterent a deacutejagrave eacuteteacute activeacute et expliciteacute en amont dans le discours nous pousse agrave croire qursquoil srsquoagit drsquoune strateacutegie drsquoemploi par deacutefaut de lrsquoarticle un

Il est difficile de savoir par ailleurs si cette forme est preacutefeacuterentiellement employeacutee du fait de son homophonie avec lrsquoadjectif numeacuteral un qui appartient agrave la cateacutegorie des morphegraveme de classe ouverte plutocirct preacuteserveacutee et plus facile agrave encoder chez les agrammatiques

11 BR_agr3-MJ03 un homme sel (4) laquo lrsquohomme qui a mis du sel raquo

Annexe H-476

De plus certaines absences de deacuteterminant pourraient aussi bien ecirctre deacutecrites comme des substitutions intra-cateacutegorielles bien particuliegraveres qui reviendraient agrave recourir preacutefeacuterentiellement au morphegraveme zeacutero Ce pheacutenomegravene pourrait srsquointerpreacuteter comme refleacutetant un strateacutegie drsquoemploi drsquoun morphegraveme par deacutefaut choisi pour son caractegravere eacuteleacutementaire et basique qui en fait un morphegraveme peu couteux agrave encoder Seule une eacutetude plus qualitative et systeacutematique de la deacutetermination du nom en comparaison avec les corpus controcircles pourrait nous renseigner sur ce point

Drsquoautre part les pheacutenomegravenes de substitutions entre deacuteterminants ne sont pas neacutegligeables Il peut srsquoagir de substitutions entre articles deacutefinis et indeacutefinis (comme deacutecrit dans le paragraphe ci-dessus et tel que dans lrsquoeacutenonceacute suivant un singe au lieu de le singe) ou de substitutions entre flexions au feacuteminin et au masculin ou entre articles du pluriel et du singulier

2 BR_agr3-MJ09 euh euh un p- singe mange le banane DETsubst(legtun) + singe DETsubst(lagtle) + banane

Annexe H-480

11 MC_agr4 les enfants boient sur non PREPajout(sur)

MC_agr4 les enfants boivent (25) une verre (2) de lait PREPcor(de) DETsubst(ungtune)

Annexe H-508

32 MC_agr4 le pegravere filme (3)

MC_agr4 le pegravere filme (3) contre (25) le maman

Reform- PREPajout(contre) + le maman DETsubst(lagtle) + maman

Annexe H-513

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

270

38 SB_agr1 donc euh donc euh travailler maintenant euh euh un le euh (2) fonctionnaliteacute

ADVdisc(un) accentueacute ordinal Enumeacuteratif ADVdisc(un) laquo drsquoabord premiegraverement drsquoune part raquo DETsubst(lagtle)

Annexe H-520

42 SB_agr2b et hum (4) [ə] la agrave la mais- non dans le maison deux jeunes f- trois jeunes filles enfin tr- trois

DETsubst(legtla) + maison laquo il y a 3 filles 2 filles essayent les pantoufles raquo DETom(les) + trois jeunes filles

Annexe H-529

2 PB_agr3-MJ09 il y a euh des euh des euh des euh singes euh dans une cage

DETsubst(ungtdes) + singe

3 PB_agr3-MJ09 il y a un un singe Autocor+(desgtun)

Annexe H-562

En conclusion du point de vue quantitatif les variations inter-tacircches de freacutequences drsquoemploi de deacuteterminants constituent une illustration probante du principe drsquoadaptation preacuteventive (crsquoest-agrave-dire de recours au style elliptique) De plus la variabiliteacute inter-individus permet drsquoenvisager les performances selon le degreacute de dysfonctionnement sous-jacent particulier agrave chacun des cas

Du point de vue qualitatif lrsquoeacutebauche drsquoanalyse des diffeacuterents types de deacuteterminants preacutesents ainsi que des diffeacuterents types de substitutions entre deacuteterminants permet drsquoillustrer une strateacutegie palliative caracteacuteristique de lrsquoagrammatisme (telle que la strateacutegie drsquoemploi drsquoun morphegraveme par deacutefaut ou plus simple agrave encoder dans la chaicircne syntagmatique)

En outre les freacutequences de substitutions entre deacuteterminants ne sont pas neacutegligeables et peuvent ainsi corroborer lrsquohypothegravese du continuum entre agrammatisme et paragrammatisme De ce fait il est possible de remettre en question la double-dissociation classiquement opeacutereacutee entre ces deux types de troubles en la nuanccedilant par une eacutetude plus systeacutematique des freacutequences et des types drsquoomissions etou de substitutions entre deacuteterminants

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

271

627 Proportion de pronoms Prop PRO

Ce ratio correspond agrave la part des pronoms employeacutes par rapport agrave lrsquoensemble des noms et des pronoms preacutesents dans les corpus (Prop PRO pour les deacutetails concernant cette variable voir le chapitre 5 au point 5216 p 191 et 5227 p 201)

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Prop PRO moyenne [PRO(PRO+N)] - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

53

4541

8

36

2218

6

0

50

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 25 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

Les proportions moyennes lieacutees agrave lrsquoemploi des pronoms par rapport agrave lrsquoensemble des uniteacutes reacutefeacuterentielles varient du point de vue du type de tacircche de production concerneacutee (Prop PRO Figure 25 ci-dessus) qursquoil srsquoagisse du groupe controcircle ou du groupe agrammatique

En effet on peut remarquer que la reacutefeacuterence au sein du discours srsquoorganise plus autour des pronoms en production de reacutecit autobiographique (tacircche 1) que dans les autres types de production (en reacutecit de contes drsquohistoires ineacutedites et en production de phrases isoleacutees168) ougrave agrave lrsquoinverse la reacutefeacuterence srsquoorganise plutocirct agrave la faveur de lrsquoemploi de noms

168 Les proportions obtenues agrave partir des releveacutes reacutealiseacutes sur les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) ne doivent ecirctre lues que comme des valeurs indicatives qui traduisent le fait que mecircme si la consigne et les stimuli nrsquoimpliquaient pas lrsquoemploi de pronoms speacutecialement on en a toutefois releveacute quelques occurrences En effet les structures cibles devaient forceacutement comporter des mots lexicaux pour speacutecifier preacuteciseacutement la reacutefeacuterence aux entiteacutes du monde dans chaque image ce qui implique que la part de pronoms employeacutes est tregraves

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

272

Ainsi ce patron de variabiliteacute inter-tacircches est propre agrave tous les corpus qursquoils soient controcircles ou agrammatiques Il nous indique par quel moyen plutocirct grammatical (emploi de pronoms) ou lexical (emploi de noms) srsquoorganise la reacutefeacuterence selon les caracteacuteristiques intrinsegraveques aux diffeacuterents types de discours cibles169 Selon nous cet variabiliteacute inter-tacircches nrsquoest pas un indice de proceacutedures drsquoadaptations particuliegraveres mais des caracteacuteristiques propres agrave chaque type de discours cible

Par exemple le reacutecit autobiographique motive lrsquoemploi du pronom je

6 GG_contr1 donc euh jrsquoai fait un tregraves joli vol planeacute

7 GG_contr1 et puis je suis venu quand-mecircme bosser

8 GG_contr1 je suis remonteacute s- jrsquoai reacuteussi agrave remonter sur mon veacutelo agrave venir travailler parce-que crsquoeacutetait moi qui ouvrais

9 GG_contr1 crsquoeacutetait je venais agrave huit heures

exp mais tu trsquoes fait mal ougrave

10 GG_contr1 eh-ben je me suis complegravetement retourneacute un pied Annexe I-635

alors qursquoen narration de conte ou drsquohistoire les emplois de pronoms sont moins caracteacuteristiques et la reacutefeacuterence aux diffeacuterents personnages de lrsquohistoire raconteacutee neacutecessitent drsquoemployer plus de noms

22 GG_contr2a et puis le petit chaperon rouge il est il est rentreacute chez sa grand-megravere

23 GG_contr2a la porte srsquoest ouverte

24 GG_contr2a il est rentreacute chez sa grand-megravere et a discuteacute avec sa grand-megravere

25 GG_contr2a et puis il srsquoest aperccedilu que sa grand-megravere avait des bien grandes dents Annexe I-638

Pour finir la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) nrsquoimpliquaient pas la production drsquoune pleacutethore de pronoms Seules quelques phrases pouvaient impliquer la production de pronoms obligatoires notamment reacutefleacutechis ou reacuteciproques

Sinon il eacutetait toujours neacutecessaire de speacutecifier lexicalement les reacutefeacuterents en adeacutequation avec lrsquoimage

55 GG_contr4 le pegravere se segraveche les cheveux

56 GG_contr4 le fils se regarde dans un miroir Annexe I-647

neacutegligeable en production de phrases isoleacutees du fait mecircme des caracteacuteristiques de cette tacircche par rapport aux autres tacircches 169 On retiendra le principe suivant lorsqursquoun patron de variabiliteacute est le mecircme pour les deux groupes crsquoest-agrave-dire lorsqursquoil se reacutepegravete dans les cas normaux comme dans les cas drsquoaphasie celui-ci est ducirc agrave la faccedilon dont le type de discours en jeu srsquoeacutelabore Ainsi dans cette situation la variabiliteacute quantitative inter-tacircches srsquoexplique dans une certaine mesure indeacutependamment du dysfonctionnement et des adaptations

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

273

En reacutesumeacute si lrsquoon compare les groupes entre eux toutes tacircches confondues les agrammatiques semblent organiser la reacutefeacuterence par des moyens lexicaux plutocirct que grammaticaux En effet pour eux les proportions de pronoms sont en geacuteneacuteral toujours plus faibles

Drsquoautre part le patron geacuteneacuteral de variabiliteacute inter-tacircches observeacute pour le groupe agrammatique ressort eacutegalement chez les sujets controcircles Cela signifie que cette variabiliteacute inter-tacircches qui nrsquoest pas speacutecifique au groupe agrammatique ne reflegraveterait pas de strateacutegies drsquoorganisation de la reacutefeacuterence pronominale particuliegravere agrave lrsquoagrammatisme et serait un effet du type de discours cible en jeu

Un examen des aspects quantitatifs et qualitatifs du point de vue individuel peut nous donner plus drsquoinformations (voir ci-apregraves)

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Concernant la variable Prop PRO la variabiliteacute inter-sujets agrammatiques est extrecircmement forte Les donneacutees individuelles (voir ci-dessous Figure 26) en teacutemoignent

Prop PRO - tacircches 1 2 3 et 46 agr

2521

39

32

41

57

24

2

13

4

40

50

17

0

11 9

4034

7

0

64 5

12

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 26 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees

individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoapregraves les donneacutees individuelles relatives agrave chaque cas drsquoagrammatisme il faut noter que 6 TH_agr du point de vue de lrsquoemploi des pronoms preacutesente un patron de performances quasiment laquo normal raquo

Drsquoautre part la grammaticalisation de la reacutefeacuterence par lrsquoemploi de pronoms preacutesente des caracteacuteristiques propres agrave chacun

Nous ne commenterons pas chacun des cas Nous attirons seulement lrsquoattention sur le fait que les agrammatiques en geacuteneacuteral emploient le pronom tonique fort moi (topicaliseacute en tecircte drsquoeacutenonceacute) au lieu du pronom clitique je

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

274

Dans les extraits de corpus agrammatiques ci-dessous on observe par ailleurs que le SN-S (je actualiseacute sous sa forme tonique moi) une fois introduit dans le discours est facilement implicite car il est topicaliseacute par ailleurs

33 MC_agr1 parce-que le bras et la jambe ccedila couper et ccedila couper-lagrave

34 MC_agr1 moi gauche ccedila va

35 MC_agr1 euh la parole ccedila va

36 MC_agr1 mais moi agrave droite couper

Annexe H-493

5 BR_agr1 euh moi euh match euh (2) de volley DETom(un) + match PREPcor(de)

6 BR_agr1 euh (6) revenir moi revenir

7 BR_agr1 plus-tard coucher

8 BR_agr1 plus-tard euh (3) [tRo] [falm] pas bien Deformphon(trop faiblegt[tRo] [falm])

Annexe H-462

Pour finir certaines freacutequences eacuteleveacutees drsquooccurrences de pronoms repreacutesenteacutees dans le graphe de la page preacuteceacutedente (voir par exemple 5 PB_agr Figure 26) peuvent notamment srsquoexpliquer par un usage presque systeacutematique de certains types de pronoms tels que les pronoms neutres ccedilrsquo ccedila ou indeacutefinis tels que il et y dans il y a

Cela est tregraves caracteacuteristique des corpus de PB_agr

18 PB_agr1 enfin euh crsquoest des euh alors crsquoest euh du rafting avec euh du euh

0 V-FLEX DETartpart(du) Ab

19 PB_agr1 il y a drsquoautres euh techniques

20 PB_agr1 il y a du rafting avec euh des euh X paaa- pa- avec euh des euh une euh crsquoest euh ah crsquoest euh une euh avec canoeuml

Rechlex PREPsubst(engtavec) + canoeuml

21 PB_agr1 et puis aussi il y a euh un deux trois quatre cinq six euh hommes avec un moniteur euh qui sont fait euh des euh rafting aussi

Lggautomat V-FLEXsubst(ontgtsont)

22 PB_agr1 enfin bon lagrave ccedila va 0 V-FLEX

23 PB_agr1 crsquoest une journeacutee 0 V-FLEX laquo la premiegravere journeacutee ccedila allait raquo

24 PB_agr1 et euh ccedila va 0 V-FLEX

Annexe H-544

Drsquoautre part lors drsquoune conversation avec SB_agr me montrant son fils qui marchait dans la rue la structure suivante a eacuteteacute formuleacutee crsquoest ccedila Antoine pour crsquoest lui Antoine

Cet exemple tireacute drsquoune situation authentique illustre le fait que mecircme lorsque le contexte pragmatique exige un haut degreacute de focalisation la deixis srsquoeacutelabore de preacutefeacuterence au moyen de formes faibles et mecircme neutres au deacutetriment des formes fortes et toniques

En conclusion la variabiliteacute inter-tacircches eacutemanant des corpus controcircles nous semblaient reproduites chez le groupe agrammatique et ne nous semblaient par conseacutequent nrsquoavoir probablement pas de signification particuliegravere

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

275

Mais en eacutetudiant les donneacutees individuelles de plus pregraves celles-ci nous paraissent refleacuteter des strateacutegies drsquoemploi de formes fortes topicaliseacutees et parfois implicites (comme moi) ou au contraire drsquoemploi par deacutefaut de formes faibles ou neutres

628 Proportion de preacutepositions Prop PREPMots ext

La variable Prop PREPMots ext (proportion de preacutepositions) a eacuteteacute calculeacutee sur la base du nombre de mots extraits

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe ci-dessous (Figure 27) permet de voir que toutes tacircches confondues les preacutepositions sont geacuteneacuteralement moins freacutequentes au sein des corpus agrammatiques (avec des proportions allant de 48 agrave 74 ) compareacute aux corpus controcircles (avec des proportions allant de 9 agrave 12 )

Prop PREPMots ext moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

9096

120

100

51 48

64

74

0

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 27 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4

moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

276

La rareteacute drsquoemploi de preacutepositions observeacutee chez les agrammatiques reflegravete le recours agrave des strateacutegies drsquoellipse grammaticale de ces morphegravemes probleacutematiques et ce toutes tacircches confondues En teacutemoignent les exemples suivants

25 PC_agr1 oui alors sortir hum hum (5) Eau PREPom(drsquo)

Annexe H-430

45 PC_agr4 le journal la fille la fille precircte lrsquohomme precircte lrsquohomme non

SN-ODir anteacuteposeacute PREPom(agrave) preacutesence des 3 arguments

Annexe H-459

9 BR_agr1 euh moi coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

Annexe H-462

17 BR_agr4 une un monsieur lit le lit PREPom(agrave) amalgame non reacutealiseacute DETcor(le)

Annexe H-484

5 MC_agr4 le pegravere teacuteleacutephone un copain PREPom(agrave)

Annexe H-508

29 SB_agr2b et jeun- jeune homme (2) prince en-fait euh (2)

danser [saelig] Cendrillon

DETom(le) PREPom(avec) intonation descendante

Annexe H-492

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Toujours au sujet de la variable Prop PREPMots ext au sein du groupe agrammatique les donneacutees individuelles teacutemoignent drsquoune variabiliteacute inter-sujets tregraves forte (Figure 28 ci-dessous)

Prop PREPMots ext - tacircches 1 2 3 et 46 agr

03

21

65

44

81

93

14

23

39

67 67

82

2834

79

68

82

95

00

56

99

88 86

117

0

10

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 28 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4

donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

277

Comme pour les variables Prop MCF Indice DET et Prop PRO trois groupes de sujets se deacutegagent drsquoapregraves les niveaux globaux de performances le groupe de 1 PC_agr et 2 BR_agr puis le groupe de 3 MC_agr 4 SB_agr et 5 PB_agr et enfin 6 TH_agr qui preacutesente le patron de performance le plus laquo normal raquo

Drsquoabord les sujets 1 PC_agr et 2 BR_agr sont ceux qui ont le plus rarement recours aux preacutepositions (voire pas du tout pour 1 PC_agr dans la tacircche 4 voir les exemples deacutejagrave citeacutes dans le paragraphe preacuteceacutedent)

Ensuite les cas de 3 MC_agr 4 SB_agr et 5 PB_agr constituent un groupe intermeacutediaire pour lequel les freacutequences drsquoemploi de preacutepositions sont assez importantes

Parmi eux commentons le cas singulier de 3 MC_agr chez qui on a observeacute de nombreux pheacutenomegravenes de substitutions entre preacutepositions Dans lrsquoeacutenonceacute suivant par exemple il y a une confusion entre les preacutepositions dans et sous

3 MC_agr2a la fillette srsquoen va et arrive sous euh (2) sous euh une forecirct

PREPsubst(dansgtsous) + une forecirct

Annexe H-497

De surcroicirct les substitutions entre preacutepositions sont tregraves rares en production de discours spontaneacute (tacircche 1) caracteacuteriseacute plutocirct par des omissions

En conseacutequence MC_agr170 semble ecirctre laquo de plus en plus paragrammatique et de moins en moins agrammatique raquo agrave mesure que le degreacute de preacutecision grammaticale viseacute srsquoaccroicirct Drsquoautre part il semble que la preacuteposition agrave soit tregraves souvent substitueacutee par une preacuteposition lexicale (contre sur dans etc) comme dans lrsquoexemple suivant

48 MC_agr4 le pegravere lit un conte (2) contre le garccedilon PREPsubst(agravegtcontre)

Annexe H-516

Pour finir les corpus de 6 TH_agr sont tous en termes de freacutequences drsquoemploi de preacutepositions les plus proches de la normale Toutefois on a pu quand mecircme relever de rares omissions comme par exemple agrave dans lrsquoeacutenonceacute suivant

75 TH_agr1 mais de la le la maison de retraite chez moi je revenu toute seule parce-que je marche beaucoup

PREPom(agrave) + chez moi laquo de la maison de retraite agrave chez moi raquo 0 V-FLEXsubst(je reviensgtje revenu)

Annexe H-575

170 Selon les moments le participant a des difficulteacutes speacutecifiques drsquoencodage de ces mots fonctionnels Durant le mois de la passation des tests selon lrsquoorthophoniste et selon les dires du patient les difficulteacutes touchaient en particulier contre dans sur etc mais cela laquo changeait raquo tous les mois (le mois suivant les difficulteacutes pouvaient toucher en particulier agrave et de)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

278

Drsquoautre part la preacuteposition pour semble preacutefeacuterentiellement employeacutee dans de nombreux eacutenonceacutes au sein des corpus agrammatiques (en particulier chez BR_agr)

3 BR_agr2a la forecirct pour aller rendre visite en une dame euh euh grand-pegravere non non (5)

PREPsubst(agravegten) Liaison non reacutealiseacutee(enune) PREPcor(pour)

Annexe H-469

20 BR_agr4 un homme prendre [a] lettre pour poster

Deformphon(lagt[a]) LEXVsusbt(postergtprendre) Vinf E Ph

Annexe H-484

3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere

PROajout(la) DETsubst(lagtle)

Annexe H-525

48 SB_agr4 le pegravere (2) euh lire un journal non hum bouquin ou le livre pour le garccedilon

V-FLEX(litgtlire) PREPsubst(agravegtpour)

Annexe H-541

41 PB_agr1 avec euh d- de-la mousse et tout euh pour euh faire euh des euh des rapides et tout

Annexe H-546

Nous avons releveacute des emplois de la preacuteposition par dans des tournures passives mais tregraves peu comme par exemple

8 MC_agr3-MJ7 le journal est deacutechireacute par (3) Paul non PASSIVE SN-Agentsubst(le chiengtPaul)

Annexe H-504

Certains sujets notamment SB_agr procegravedent souvent agrave des reformulations La capaciteacute du locuteur agrave planifier un eacutevitement pour le remplacer par une tournure qursquoil parvient agrave reacutealiser reflegravete la conscience qursquoil a de son deacuteficit de ses possibiliteacutes et des options grammaticales agrave exploiter qui lui sont offertes dans la langue La reformulation suivante (structure attendue le garccedilon se regarde dans le miroir) est initieacutee par une planification lineacuteaire des arguments autour du verbe pivot (le garccedilon miroir) avec ensuite une laquo vraie raquo erreur de substitution entre les preacuteposition agrave et dans et au final une autocorrection (overt-repair) couronneacutee de succegraves

56 SB_agr4 le garccedilon euh regarde huuum

SB_agr4 le garccedilon miroir alors Planification

SB_agr4 le garccedilon regarde au au miroir humm pas terrible ccedila PREPsubst(dansgtagrave)

SB_agr4 le garccedilon regarde (3) dans le miroir crsquoest mieux je pense

Autocor+ (PREP) PROreflom(se)

Annexe H-542

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

279

Drsquoautre part une reformulation de SB_agr aboutit agrave la production drsquoune structure complegravetement inattendue Dans lrsquoexemple suivant SB_agr sollicite en effet une tournure passive complexe pour la structure attendue le garccedilon donne des croquettes au chien171

43 SB_agr4 le garccedilon (2) mange (4) mange euh alors (3) alors le garccedilon (4)

SB_agr4 (8) alors le chien mange (5) mange euh un bor- euh ccedila srsquoappelle euh bol qui est donneacute par le garccedilon

Agaceacute se concentre fortement preacutefegravere la structure passive Evitement de la structure laquo SN1 + donne + SN2 + agraveau SN3 raquo E Ph Gram

Annexe H-540

Ce dernier exemple montre clairement qursquoun agrammatique quoique tregraves rarement est capable drsquoemployer spontaneacutement de telles constructions

En reacutesumeacute dans chacun des cas on note une variabiliteacute inter-tacircches assez marqueacutee172 drsquoautant plus marqueacutee si lrsquoon compare les tacircches 1 et 4 En effet la rareacutefaction des preacutepositions est plus caracteacuteristique des corpus de discours continu spontaneacute que des corpus issus de tacircches de production plus contraignantes

Lrsquoexamen de la variable Prop PREP confirme encore une fois le recours agrave lrsquoellipse grammaticale en production spontaneacute et agrave lrsquoaccroissement de la preacutesence des morphegravemes grammaticaux agrave mesure que la preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccentue

De plus on a releveacute des substitutions entre preacutepositions dans tous les corpus agrammatiques toutes tacircches confondues mais agrave des degreacutes variables selon les tacircches et selon les cas

Ainsi lorsque la preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccentue les laquo vraies raquo erreurs de substitutions surviennent plus freacutequemment chez MC_agr en particulier pour lequel les multiples tentatives souvent infructueuses montrent qursquoil seacutelectionne une preacuteposition parmi le paradigme laquo par hasard raquo De plus la freacutequence de ce type drsquoerreur de seacutelection est lieacutee agrave la richesse relative du paradigme de preacutepositions parmi lesquelles une seule doit ecirctre seacutelectionneacutee et inseacutereacutee dans la matrice (sur ce point voir notamment BRANCHEREAU 1985 BRANCHEREAU et NESPOULOUS 1989)

Cela suggegravere que le dysfonctionnement affecte en particulier la gestion de ce type de morphegravemes et que celle-ci peut ecirctre incontrocircleacutee dans certains cas

Drsquoautre part les variations qualitatives non aleacuteatoires lieacutees au type de preacuteposition preacutefeacuterentiellement employeacutees notamment par BR_agr pourraient srsquoexpliquer par un choix tactique et donc palliatif En effet le systegraveme est exploiteacute en fonction des proprieacuteteacutes intrinsegraveques agrave chacune des preacutepositions Certaines preacutepositions plus flexibles que drsquoautres comme pour peuvent pallier mecircme de grandes difficulteacutes (voir SAHRAOUI 2009)

171 Apregraves lui avoir poseacute la question le locuteur nous lrsquoa clairement expliqueacute avec ses mots 172 Compareacute agrave la variabiliteacute inter-tacircches chez les sujets controcircles qui nous semble moins marqueacutee (voir leur graphe de donneacutees individuelles controcircles concernant la variable Prop PREP en Annexe I-694)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

280

629 Proportion de verbes Prop V(V+N)

La variable Prop V(V+N) permet de mesurer le poids des verbes parmi lrsquoensemble des verbes et des noms produits

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique

Les corpus controcircles constituent un reacutefeacuterentiel de performances laquo normales raquo (voir Figure 29 ci-dessous en couleur unie)ci-dessous

De la tacircche 1 agrave la tacircche 4 on observe que les proportions moyennes de verbes par rapport agrave lrsquoensemble des verbes et des noms comptabiliseacutes baissent graduellement Elles sont respectivement de 54 50 47 et 32 (voir Figure 29 ci-dessous) Elles sont globalement plus eacuteleveacutees que les proportions du groupe agrammatique avec respectivement 39 38 38 et 31

Prop V(V+N) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

5450

47

32

39 3838

32

0

50

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 29 Proportions de verbes parmi les verbes et les noms (Prop V(V+N)) pour les tacircches

1 2 3 et 4 moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

281

Par ailleurs on observe que le groupe agrammatique manifeste une variabiliteacute inter-tacircches marqueacutee seulement par la tacircche 4 En effet en production de discours continu (tacircches 1 2 et 3) les proportions moyennes sont tout agrave fait eacutequivalentes entre elles et plus faibles que les valeurs controcircles Par contre en production de phrases isoleacutees173 le groupe agrammatique manifeste une performance moyenne laquo quasi-normale raquo (compareacute aux valeurs reacutefeacuterences) avec une variabiliteacute inter-sujets qui nous paraicirct relativement agrave drsquoautres variables peu marqueacutee

Drsquoapregraves ces donneacutees les agrammatiques favoriseraient en geacuteneacuteral lrsquoemploi de noms par rapport aux verbes et ce en particulier en production plutocirct libre ce qui converge avec lrsquohypothegravese drsquoune dissociation nomsverbes dans lrsquoaphasie agrammatique Selon cette hypothegravese les agrammatiques manifesteraient plus de difficulteacutes dans la gestion des verbes que dans la gestion des noms

Par contre en production de phrases isoleacutees ougrave lrsquoemploi de verbes eacutetait induit agrave hauteur de 318 de lrsquoensemble de verbes et de noms drsquoapregraves les valeurs reacutefeacuterences moyennes174 (voir la Figure 29 p 280 ougrave la proportion controcircle est arrondie agrave 32 ) le poids moyen de verbes srsquoeacutelegraveve chez les agrammatiques agrave 314 (soit une valeur arrondie agrave 32 dans le mecircme graphe)

Nous ne nous attendions pas agrave ce que drsquoun point de vue purement quantitatif le groupe agrammatique ne montre pas de faiblesse par rapport au groupe controcircle dans la tacircche la plus contraignante Cela plaide donc en deacutefaveur de lrsquohypothegravese de la dissociation nomsverbes classiquement admise pour lrsquoagrammatisme

Mais il faut tout de mecircme apporter deux nuances agrave cette conclusion

drsquoune part les emplois du verbe ecirctre dans le preacutesentatif crsquoest tregraves freacutequemment utiliseacute par certains agrammatiques viennent laquo gonfler raquo la variable V(V+N)

drsquoautre part certains patients ont tendance agrave utiliser un verbe par deacutefaut agrave valeur geacuteneacuterique (comme faire au lieu de peigner par exemple dans il fait ses cheveux) On a releveacute de nombreux exemples de substitutions lexicales avec en lieu et place du verbe speacutecifique un verbe tel que prendre par deacutefaut

173 Rappelons qursquoil srsquoagit de la tacircche de production preacutesentant le caractegravere in vitro le plus marqueacute 174 Cette valeur reacutefeacuterence signifie que pour les 60 phrases agrave produire drsquoapregraves les structures cibles induites par les images 318 du lexique soit environ un tiers de lrsquoensemble des uniteacutes lexicales agrave inteacutegrer pour la formation des phrases correspond aux verbes Dans cette tacircche agrave haut niveau de contraintes lexico-syntaxiques les reacutesultats obtenus pour cette variable Prop V(V+N) sont peu laquo biaiseacutes raquo par drsquoautres cateacutegories lexico-grammaticales de la langue qui auraient un poids relatif plus grand dans drsquoautres types de discours (tels que les pronoms par rapport aux noms en reacutecit autobiographique par exemple)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

282

Ainsi on pourrait aussi bien conclure que dans ce cas lrsquoemploi drsquoun verbe agrave valeur geacuteneacuterique srsquoexplique par un deacuteficit de reacutecupeacuteration de la forme lexicale adeacutequate substitueacutee en conseacutequence par une forme geacuteneacuterique par deacutefaut Ce type de pheacutenomegravene est tregraves caracteacuteristique de certains corpus agrammatiques notamment chez PB_agr4

24 PB_agr4 le garccedilon fait de-la musique avec une guitare LEXsubst(jouegtfait)

exp avec le verbe laquo jouer raquo le garccedil-

PB_agr4 garccedilon jouer avec une guitare

Annexe H-565

Selon NESPOULOUS (2009)175 dans le cas des pheacutenomegravenes de manques du mot (dans lrsquoanomie par exemple) les paraphasies seacutemantiques traduiraient en quelque sorte laquo la mise en branle agrave lrsquoinsu du locuteur de strateacutegies compensatoires raquo Nous pourrions faire le parallegravele avec les cas drsquoagrammatisme ougrave les paraphasies lexicales peuvent se reacuteveacuteler assez freacutequentes et toucher en particulier les verbes En effet ce type de strateacutegies pourrait chez lrsquoagrammatique constituer un moyen efficace de maintien drsquoune preacutedication verbale basique et pratique lorsqursquoil srsquoagit drsquointeacutegrer les eacuteleacutements de la phrase dans la matrice syntaxique si lrsquoon considegravere que les aspects formels syntaxiques priment sur les aspects seacutemantiques en termes de dysfonctionnement En effet on trouve de maniegravere routiniegravere les structurations avec le verbe prendre comme verbe pivot employeacute par deacutefaut comme en teacutemoignent les deux exemples suivants

47 PB_agr4 le garccedilon prend une rose dans la femme LEXsubst(le garccedilongtle pegravere)LEXsubst(offregtprend) PREPsubst(agravegtdans)

Annexe H-568

20 BR_agr4 un homme prendre [a] lettre pour poster

Deformphon(lagt[a]) LEXVsusbt(postergtprendre)Vinf E Ph

Annexe H-484

175 Communication personnelle

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

283

6210 Indices de flexions verbales Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices

62101 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) moyennes de groupe et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe ci-dessous (Figure 30 ci-dessous) repreacutesente lrsquoindice de flexion verbale moyen (Indice V-FLEX)

LrsquoIndice V-FLEX correspond au taux de verbes effectivement fleacutechis en adeacutequation avec la temporaliteacute requise par le type de reacutecit cible ou le contexte (pour les critegraveres de cotation de VInfl et de V-FLEX voir aux points 5218 p 193 5219 p 195 et pour le calcul de la variable associeacutee Indice V-FLEX dont il srsquoagit ici voir au point 52210 p 202)

Srsquoagissant des corpus controcircles et toutes tacircches confondues comme tous les verbes ont eacuteteacute fleacutechis de maniegravere adeacutequate tous les Indices V-FLEX srsquoeacutelegravevent par conseacutequent agrave 1

Autrement dit cela signifie que 100 des verbes requeacuterant une flexion ont eacuteteacute fleacutechis crsquoest-agrave-dire que quasiment aucune omission de flexion nrsquoa eacuteteacute releveacutee au sein des corpus controcircles de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 (seule une flexion non conforme fut releveacutee pour la tacircche 2 dans un corpus controcircle portant la valeur V-FLEX agrave 0998)

Indice V-FLEX moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

1 110998

032

088085

070

0000

0250

0500

0750

1000

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 30 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

284

En revanche les indices V-FLEX relatifs aux corpus agrammatiques sont variables En moyenne de groupe une variabiliteacute inter-tacircches et inter-sujets transparaicirct tregraves nettement avec des indices respectifs de 032 070 085 et 088 pour chacune des tacircches de production

Cela signifie que par exemple seulement 32 des verbes ont eacuteteacute complegravetement fleacutechis eu eacutegard le contexte dans la tacircche 1 comme par exemple comprenais dans lrsquoeacutenonceacute suivant

20 MC_agr1 je ne comprenais pas

Annexe H-492

Les autres contextes obligatoires de flexions soit 68 des contextes nrsquoont eacuteteacute que laquo partiellement raquo fleacutechis voire pas du tout fleacutechis comme dans les exemples suivants ougrave le temps cible est en reacutealiteacute le passeacute puisqursquoil srsquoagit de discours autobiographique

80 PC_agr1 alors lagrave lagrave progresse progresse

Annexe H-434

97 PC_agr1 euh le poste hum changer changer hum (5) SN-ODir anteacuteposeacute au verbe PROpersom(je) 0 V-FLEX

Annexe H-436

Drsquoapregraves le graphe (Figure 30 page preacuteceacutedente) nous pouvons drsquoores et deacutejagrave eacutenoncer ce principe lrsquoIndice V-FLEX srsquoameacuteliore lorsque le temps cible est le preacutesent car la flexion est plus freacutequemment complegravetement reacutealiseacutee (comme en production de phrases tacircche 4) Autrement dit dans les tacircches ougrave le temps cible est le passeacute (discours autobiographique tacircche 1) les flexions sont plus difficiles agrave reacutealiser

Drsquoautre part en production de reacutecit autobiographique ou en production de contes lorsque la temporaliteacute cible est celle du passeacute ou de lrsquoaccompli les flexions requises (agrave lrsquoimparfait au passeacute simple ou aux temps composeacutes du passeacute) sont plus rares et laissent place agrave lrsquoemploi de formes plus simples (comme des flexions au preacutesent) ou alors basiques (comme des formes verbales non finies infinitifs ou participes) On trouve aussi tregraves souvent des verbes agrave lrsquoinfinitif dans les corpus ougrave le temps cible est le preacutesent Voici des exemples issus de chaque type de tacircche de production

4 MC_agr1 apregraves euh le patient srsquo en va Temps cible passeacute

5 MC_agr1 et moi euh payer euh la consent- euh la prestation Temps cible passeacute

Annexe H-491

8 SB_agr2a hum (3) le loup euh euh (13) n- s- frapper non oui frapper alors euh grand-megravere

geste de la main frapper

Annexe H-525

3 SB_agr3-MJ07 hum kiosque agrave journaux lrsquohomme acheter un journal journal

SB_agr propose de resservir un cafeacute PREPom(agrave) + DETom(le) + kiosque

Annexe H-533

41 BR_agr4 petit garccedilon lire ah euh ah DETom(le) Vinf(lire) SN-ODirom (manque du mot)

Annexe H-487

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

285

En drsquoautres termes ces reacutesultats quantitatifs prouvent que les agrammatiques ont tendance agrave employer plus freacutequemment les formes verbales les plus simples et les plus basiques par deacutefaut en lrsquooccurrence le preacutesent et lrsquoinfinitif que lrsquoon retrouve freacutequemment dans toutes les tacircches en reacutecit autobiographique ou en production de phrases isoleacutees

Nous ne commenterons pas les donneacutees individuelles de la variable Indice V-FLEX (nous renvoyons le lecture au graphe de donneacutees individuelles fourni en Annexe H-622)

En effet nous commenterons la variable Indice Compl MORPH-V-Matrices (indice de complexification morphologique du verbe) dont lrsquoexamen complegravetera celui de la variable Indice V-FLEX moyen fait ici (voir ci-apregraves au point 62102)

62102 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices)

(a) Principe drsquointerpreacutetation de lrsquoIndice Compl MORPH-V-Matrices

En compleacutement de la variable V-FLEX (voir ci-dessus au point 62101 p 283) lrsquoindice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices) permet eacutegalement drsquoaborder la flexion verbale mais selon le point de vue de lrsquoeacutelaboration des verbes matrices au sein drsquoune proposition donneacutee

En effet la variable Indice Compl MORPH-V-Matrices a eacuteteacute obtenue en proceacutedant agrave des cotations plus preacutecises attacheacutees agrave la complexification morphologique des verbes (pour les deacutetails concernant les critegraveres de cotation et le calcul de cet indice voir au point 523 pp 203-207)

Elle permet ainsi de traduire de maniegravere plus fine les capaciteacutes computationnelles impliqueacutees dans lrsquoeacutelaboration drsquoun syntagme verbal reacutesultant de deux types de meacutecanismes

drsquoune part un meacutecanisme de complexification qui srsquoopegravere par ajout de verbes auxiliaires divers servant agrave former des temps composeacutes ou des peacuteriphrases verbales (crsquoest-agrave-dire lrsquoajout de morphegravemes laquo libres raquo autour drsquoun verbe matrice tels qursquoun auxiliaire drsquoaspect ou un modal)

drsquoautre part un meacutecanisme de complexification qui srsquoopegravere par flexion des bases verbales ou par allomorphie de la base

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

286

De la sorte le degreacute drsquoeacutelaboration des verbes est refleacuteteacute par un indice syntheacutetisant les deux types de complexification preacuteciteacutes pour lequel on peut deacutefinir une valeur laquo seuil raquo de 1

Cette valeur seuil est agrave lire telle que

un indice proche de 1 signifie que les verbes sont employeacutes dans une forme simple (forme non composeacutee ou non peacuteriphrastique) et le plus souvent fleacutechis au preacutesent

un indice supeacuterieur agrave 1 et tendant vers 2 srsquoexplique par un degreacute supeacuterieur drsquoeacutelaboration des verbes du fait de lrsquoajout drsquoauxiliaires ou du fait de lrsquoapplication de meacutecanismes flexionnels

un indice infeacuterieur agrave 1 traduit le fait que en geacuteneacuteral les verbes apparaissent sous une forme tregraves peu eacutelaboreacutee les auxiliaires (de formation de temps composeacutes ou de peacuteriphrases verbales) sont rares tout comme les affixes flexionnels de la base Ainsi cela traduit le fait que les verbes matrices sont souvent non finis (crsquoest-agrave-dire employeacutes sous une forme participiale ou infinitive)

(b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Suivant les principes preacuteciteacutes la courbe situeacutee dans la partie supeacuterieure du graphe (voir Figure 31 page suivante) repreacutesente les indices controcircles (crsquoest-agrave-dire les scores de reacutefeacuterence refleacutetant le comportement laquo normal raquo pour les quatre tacircches de production orale)

La courbe situeacutee dans la partie infeacuterieure concerne les corpus agrammatiques

Les indices de reacutefeacuterence laissent transparaicirctre une variabiliteacute lieacutee au type de discours cible en jeu les verbes sont beaucoup plus eacutelaboreacutes en production de reacutecit autobiographique qursquoen production de phrases isoleacutees

En effet alors qursquoen production de discours autobiographique (tacircche 1) lrsquoindice srsquoeacutelegraveve agrave 2 en moyenne celui-ci passe agrave 152 puis 130 pour descendre agrave 104 en production de phrases isoleacutees

Agrave lrsquoeacutevidence cela srsquoexplique par le fait que la temporaliteacute du passeacute si caracteacuteristique du discours autobiographique a pour effet drsquoaccentuer lrsquoindice drsquoeacutelaboration des verbes pour atteindre 2176

En narration de contes et drsquohistoires ineacutedites (tacircches 2 et 3) les indices moyens sont plus faibles (152 et 130) mais reflegravetent quand mecircme un haut degreacute drsquoeacutelaboration lieacute agrave lrsquoemploi freacutequent drsquoauxiliaires de formation de peacuteriphrases verbales en plus des auxiliaires utiliseacutes pour la formation de temps composeacutes Pour la tacircche 4 lrsquoindice moyen le plus bas (104) signifie que les verbes sont pour la plupart employeacutes au preacutesent simple

176 En reacutecit autobiographique lrsquoimparfait et les auxiliaires de temps composeacutes sont tregraves freacutequents

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

287

Indice Compl MORPH-V-Matrices moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

104

130

152

201

083 087097 093

0

05

1

15

2

25

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 31 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl

MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

Srsquoagissant de la variabiliteacute inter-groupes on peut deacutejagrave observer que les Indices Compl MORPH-V-Matrices agrammatiques sont geacuteneacuteralement infeacuterieurs aux indices controcircles et en moyenne infeacuterieurs agrave la valeur seuil de 1

De plus la diffeacuterence inter-groupes est tregraves eacuteleveacutee en production de discours spontaneacute (tacircche 1) pour srsquoaffaiblir agrave mesure que la tacircche devient contraignante (tacircche 4) Cela est ducirc au fait que les sujets controcircles parviennent mieux agrave fleacutechir et agrave complexifier les verbes matrices agrave lrsquoaide de diffeacuterents eacuteleacutements ce qui transparaicirct surtout dans la tacircche 1 pour laquelle ce sont les flexions au passeacute autobiographique qui viennent gonfler lrsquoindice Par contre les agrammatiques semblent atteindre une sorte de laquo seuil raquo plafond de complexification

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

288

Les exemples suivants le premier issu drsquoun corpus controcircle (eacutenonceacutes 36 et 37) et les autres issus de divers corpus agrammatiques en reacutecit autobiographique (eacutenonceacutes 16 22 13 1 et 14) peuvent illustrer ce pheacutenomegravene

36 GG_contr1 je ne mrsquoen suis pas rendu compte sur le coup puisque je pouvais pas remarcher normalement

37 GG_contr1 jrsquoavais le pied bloqueacute dans une position

Annexe I-636

16 PC_agr1 mais euh lagrave parle pas-du-tout hum laquo agrave ce moment-lagrave je ne parlais pas du tout raquo PROpersom(je)

Annexe H-430

22 PC_agr1 parle pas tout ccedila (7) ADVmod(pas) PROpersom(je)

Annexe H-430

13 BR_agr1 oui oui euh (7) euh pas-du-tout parle (2) trois mois

laquo je nrsquoai pas du tout parleacute pendant 3 mois raquo 0 V-FLEX(parle) temps cible = passeacute PREPom(pendant)

Annexe H-462

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

laquo au raquo=agrave+le

Annexe H-519

14 PB_agr1 on est euh dans le sud avec la voiture des eacutetapes dans la nuit

0 V-FLEX Juxtaposition SPSNSP laquo on allait drsquoeacutetapes en eacutetapes en voiture pendant la nuit raquo PREPsubst(engtavec)

Annexe H-545545

En effet en production de discours continu spontaneacute (tacircche 1) lrsquoindice agrammatique est le plus faible (083) alors que le type de discours cible en jeu en lrsquooccurrence le discours autobiographique exige un degreacute de complexification bien supeacuterieur (soit un indice reacutefeacuterence moyen de 2 obtenu pour le groupe controcircle)

Dans les exemples preacuteciteacutes le sujet controcircle fleacutechit les verbes matrices se rendre remarcher et avoir dans le temps cible du reacutecit autobiographique en ajoutant un auxiliaire de temps composeacute (suis rendu) et un semi-auxiliaire modal (pouvais remarcher) De telles complexifications sont beaucoup plus rares dans les corpus agrammatiques ougrave on trouve plutocirct des verbes agrave la forme basique de lrsquoinfinitif ou du preacutesent crsquoest pourquoi lrsquoindice global peine agrave deacutepasser la valeur seuil de 1

Puis dans les autres types de production lrsquoindice global agrammatique passe agrave 087 en reacutecit de contes (voir Figure 31 p 287 tacircche 2) pour atteindre 097 en narration drsquohistoires ineacutedites (tacircche 3) et 094 en production de phrases isoleacutees (tacircche 4) Dans tous les types de corpus lrsquoeacutelaboration des verbes se limite agrave des formes simples les auxiliaires sont tregraves rares voire complegravetement absents les verbes apparaissent tregraves freacutequemment agrave lrsquoinfinitif et lorsqursquoun verbe est fleacutechi crsquoest le plus souvent au preacutesent simple

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

289

Par ailleurs quoique teacutenu lrsquoaccroissement de lrsquoindice global agrammatique est en grande partie ducirc au fait que les emplois agrave la forme infinitive sont un peu plus freacutequents dans les tacircches 1 et 2 ougrave les indices sont plutocirct infeacuterieurs agrave 1 que dans les tacircches 3 et 4 ougrave les indices se rapprochent de 1 En effet alors que les verbes employeacutes agrave lrsquoinfinitif sont tregraves caracteacuteristiques de tous les corpus patholinguistiques que ce soit en production plutocirct libre (tacircches 1 et 2) ou en production plutocirct contrainte (tacircches 3 et 4) les formes fleacutechies au preacutesent sont quand mecircme un peu plus freacutequentes en production plutocirct contrainte

En reacutesumeacute de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 les Indices Compl MORPH-V-Matrices moyens controcircles sont toujours supeacuterieurs aux indices agrammatiques Cela traduit globalement lrsquoincapaciteacute des locuteurs agrammatiques agrave complexifier les matrices verbales ce qui va de pair avec lrsquoemploi drsquoune strateacutegie de simplification morphologique des verbes les difficulteacutes affectant la complexiteacute morphologique verbale sont compenseacutees par le recours agrave des formes verbales plus basiques

Nous nrsquoenvisageons pas que lrsquoemploi presque systeacutematique drsquoinfinitifs et de preacutesents comme eacutetant le reacutesultat de proceacutedures de suppression de morphegravemes flexionnels En effet nous preacutefeacuterons les envisager comme eacutetant des proceacutedures de simplification car ces formes verbales simplifieacutees ou basiques seraient selon lrsquoapproche proceacutedurale du trouble moins couteuse agrave encoder

Leur inteacutegration dans la matrice morpho-syntaxique de la phrase est plus facile car elle neacutecessite moins de ressources pour leur traitement laquo on-line raquo Le recours aux formes verbales simplifieacutees nous semble donc ecirctre judicieux pour qui souhaite verbaliser un discours tout en eacutetant tregraves limiteacute sur le plan des ressources cognitives

Drsquoautre part comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute les diffeacuterences inter-groupes srsquoestompent de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 Cela srsquoexplique par

un effet de la tacircche de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 les indices reacutefeacuterences ou laquo normaux raquo srsquoaffaiblissent en fonction du type de discours en jeu

un effet du groupe et de la tacircche en geacuteneacuteral les agrammatiques ameacuteliorent leurs scores En effet mecircme si chez les agrammatiques le degreacute drsquoeacutelaboration varie dans une moindre mesure que chez les controcircles il srsquoaccentue agrave mesure que la tacircche est exigeante en degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee Cet accroissement geacuteneacuteral speacutecifique au groupe agrammatique srsquoexplique par une augmentation du nombre de flexions au preacutesent constateacutee dans les tacircches 3 et 4 par rapport aux deux premiegraveres tacircches de production plutocirct libres

Ainsi la formation des verbes est tregraves particuliegravere dans lrsquoagrammatisme Elle srsquoappuie presque systeacutematiquement sur une proceacutedure de simplification par lrsquoemploi de formes plus basiques (formes non finies et preacutesents simples) Drsquoautre part comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute les verbes sont en geacuteneacuteral laquo mieux raquo fleacutechis agrave mesure que le degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccroicirct En effet les flexions au preacutesent sont en geacuteneacuteral plus freacutequentes pour les tacircches 3 et 4

Pour finir ces reacutesultats convergent avec les conclusions tireacutees des analyses de la variable V-FLEX (voir au point 62101 p 283)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

290

(c) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Les eacutecarts-types (voir Figure 31 au point preacuteceacutedent p 287) nous indiquent que la variabiliteacute inter-sujets controcircles est moins marqueacutee que la variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

En effet les diffeacuterences inter-sujets agrammatiques lieacutees agrave la variable Indice Compl MORPH-V-Matrices (voir Figure 32 ci-dessous p 290) traduisent des divers degreacutes de seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent

Les sujets 1 PC_agr 2 BR_agr et 4 SB_agr preacutesentent un indice qui peut ecirctre tregraves infeacuterieur agrave 1 Cela signifie les verbes sont plus freacutequemment fleacutechis agrave la forme infinitive relativement aux autres agrammatiques 3 MC_agr 5 PB_agr et 6 TH_agr pour qui les indices sont proches de 1 voire tregraves supeacuterieurs agrave 1

Indice Compl MORPH-V-Matrices - tacircches 1 2 3 et 46 agr

063

010

090

057

112

164

082

025

100

027

121

168

081

053

100091

122135

091

055

105

085098

132

00

05

10

15

20

25

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 32 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl

MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

6 TH_agr preacutesente un profil tregraves comparable agrave celui de certains locuteurs controcircles avec des indices de 164 168 135 et 132 respectivement de la tacircche 1 agrave 4 Ses capaciteacutes drsquoencodage attacheacute agrave la flexion morphologique des verbes sont encore tregraves opeacuterationnelles et les flexions au passeacute ne semblent poser que tregraves peu de difficulteacutes pour cette participante Dans ses corpus on a mecircme releveacute des verbes au temps composeacute du passeacute En effet dans lrsquoeacutenonceacute suivant par exemple retenir est fleacutechi au participe (irreacutegulier) et complexifieacute par lrsquoajout de lrsquoauxiliaire avoir au passeacute pour obtenir un passeacute de lrsquoaccompli

66 TH_agr1 non jrsquoavais retenu ma ma ma [pʃas] Deformphon(placegt[pʃas])

Annexe H-574

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

291

Toutefois drsquoautres pheacutenomegravenes certes plus rares traduisent des difficulteacutes et le recours agrave une forme basique comme dans lrsquoeacutenonceacute 52 ougrave on a releveacute le verbe partir agrave la forme non finie au lieu de suis partie

52 TH_agr1 je [ts] je partir p- un-peu plus tocirct pour aller 0 V-FLEX(suis partiegtpartir)

Annexe H-573

De plus certaines complexifications demeurent non abouties comme dans les eacutenonceacutes 67 et 68 suivants ougrave les auxiliaires avoir ( dans (a) ouvert et (ai) retenu) sont absents

67 TH_agr1 il y a il y a dix ans euh jrsquoai quand le la la maison de retraite ouvert

Vauxom(a) + laquo ouvert raquo

68 TH_agr1 et tout-de-suite je [dəg] euh retenu ma place pour quand je serais vieille quoi voilagrave

Vauxom(ai) + laquo retenu raquo

Annexe H-574

Malgreacute les freacutequentes occurrences de verbes complegravetement fleacutechis au passeacute releveacutees les emplois de verbes agrave la forme non finie suggegraverent que la reacuteduction des capaciteacutes de traitement a des conseacutequences sur la flexion des verbes Cependant le fait que le verbe retenir soit fleacutechi au participe passeacute (retenu) montre que le temps cible a eacuteteacute en quelque sorte correctement encodeacute En effet une strateacutegie de simplification du verbe matrice aboutirait plutocirct agrave lrsquoemploi de la forme basique agrave lrsquoinfinitif par exemple (comme dans lrsquoeacutenonceacute 52) Lrsquoomission de lrsquoauxiliaire avoir nous semble donc plutocirct correspondre agrave une strateacutegie elliptique qui ne serait pas systeacutematique ni anticipeacutee par la locutrice Drsquoautant que dans lrsquoeacutenonceacute 66 produit quelques secondes avant lrsquoeacutenonceacute 68 le verbe retenir est fleacutechi correctement au passeacute surcomposeacute

Cette variabiliteacute intra-individuelle nous interpelle sur la question de savoir avec quel degreacute de controcircle une strateacutegie est mise en place En effet peut-on aller jusqursquoagrave dire que certaines absences de morphegravemes grammaticaux correspondraient agrave une strateacutegie elliptique qui srsquoeacutelabore agrave lrsquoinsu du locuteur

Pour finir on a releveacute une discordance des temps comme par exemple lrsquoemploi de eacutetait agrave la place de est En effet crsquoest le preacutesent qui devrait ecirctre utiliseacute dans lrsquoeacutenonceacute suivant

73 TH_agr1 ah-non jrsquoai une maison qui eacutetait au port Flexion abusive (estgteacutetait)

Annexe H-574

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

292

63 Reacutesultats variables SYNTAX

631 Rappel

Les variables SYNTAX177 permettent drsquoaborder la structuration syntaxique des eacutenonceacutes sur la base exclusive des mots extraits crsquoest-agrave-dire sur le plan intra-phrastique178 selon plusieurs critegraveres

celui de la canoniciteacute traduit par les deux variables Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) (proportions de mots extraits dans les eacutenonceacutes de forme canonique versus non canonique)

celui de la longueur drsquoun eacutenonceacute-phrase traduit par la variable Long Moy E Ph(Mots ext) (longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en mots extraits)

celui de la grammaticaliteacute traduit par la variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases bien formeacutes)

celui de lrsquoeacutelaboration syntaxique drsquoun eacutenonceacute traduit par lrsquoIndice Elab E Ph (lrsquoindice drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases)

celui de la complexiteacute syntaxique traduit par la variable Prop SUB (proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au minimum une proposition subordonneacutee)

Seule la variable Prop Mots ext(E Non-Can) a eacuteteacute ajouteacutee par rapport au protocole original QPA Par ailleurs le calcul des variables Prop E Ph Gram et Prop SUB a eacuteteacute leacutegegraverement modifieacute en ce sens que la base de calcul de proportion est eacutetendue agrave lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et pas seulement aux nombres drsquoeacutenonceacutes de forme canonique ( E Ph) tel que le preacutevoit le protocole original (pour les deacutetails concernant les cotations et les calculs relatifs aux variables SYNTAX voir le chapitre 5 au point 53 pp 208-216)

Ci-apregraves nous commentons les reacutesultats quantitatifs obtenus pour chacune des variables SYNTAX (la reacutepartition des mots consacreacutes agrave la formation drsquoeacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) versus non canonique la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase la proportion de phrases grammaticales le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases et la proportion drsquoeacutenonceacutes avec enchacircssement syntaxique)

177 Lorsqursquoun asteacuterisque signale une variable en particulier en lrsquooccurrence les variables Prop Mots ext(E Non-Can) Prop E Ph Gram et Prop SUB cela signifie que leur calcul a eacuteteacute soit ajouteacute soit modifieacute par rapport au protocole QPA original 178 Il srsquoagit du niveau 1 de preacute-traitement crsquoest-agrave-dire le niveau des mots extraits mis en caractegraveres gras dans les corpus transcrits (voir au 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

293

632 Reacutepartition des mots composant les eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) et les eacutenonceacutes de forme non canonique Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can)

Les mots extraits se reacutepartissent selon qursquoils sont consacreacutes agrave la formation des eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases E Ph) ou agrave la formation des eacutenonceacutes de forme non canonique (crsquoest-agrave-dire les autres types drsquoeacutenonceacutes pour lesquels les critegraveres de canoniciteacute ne sont pas respecteacutes E Non-Can)

Lrsquoeacutetude de cette reacutepartition permet drsquoenvisager le comportement verbal des locuteurs sur le plan des capaciteacutes de structuration syntaxique et speacutecifiquement selon leur caractegravere canonique ou non canonique

(a) Moyennes de groupes controcircles vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Drsquoapregraves le graphe ci-apregraves (Figure 33 p 294) les corpus controcircles sont essentiellement constitueacutes drsquoeacutenonceacutes de forme canonique toutes tacircches confondues En effet les proportions moyenne vont de 95 (tacircche 1) agrave 100 (tacircche 4) Cela signifie clairement que la quasi-totaliteacute des corpus est composeacutee drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et donc que les formulations des locuteurs controcircles sont essentiellement de type SN-S + SV

Par exemple lrsquoeacutenonceacute suivant est tireacute drsquoun corpus controcircle ougrave la phrase le petit chaperon rouge se promegravene dans la forecirct est constitueacutee drsquoun SN-S (le petit chaperon rouge) anteacuteposeacute au SV (se promegravene dans la forecirct)

Annexe I-650

4 LMan-contr2a et puis le petit chaperon rouge est pas se promegravene dans la forecirct

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

294

Prop Mots ext(E Ph) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

95 97 97100

45

59

70

91

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 33 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph)

pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

En revanche les productions agrammatiques sont en geacuteneacuteral moins canoniques (voir Figure 33 ci-dessus) En effet la proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes respectant la structuration minimale SN-S+SV est en geacuteneacuterale plus faible elle est respectivement de 45 (tacircche 1) 59 (tacircche 2) 70 (tacircche 3) et 91 (tacircche 4) Voici quelques exemples de constructions de forme canonique (E Ph) que nous avons glaneacutees tout au long des corpus agrammatiques issus des quatre tacircches de production

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

laquo au raquo=agrave+le

Annexe H-519

8 SB_agr2a hum (3) le loup euh euh (13) n- s- frapper non oui frapper alors euh grand-megravere

geste de la main frapper

Annexe H-525

48 SB_agr2b [st] [st] crsquoest tregraves tregraves beau je pense

Annexe H-529

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

295

10 PB_agr3-MJ01 euh crsquoest euh une pomme

Annexe H-556

3 PB_agr2a euh crsquoest euh une course dans la forecirct

suite de lrsquoeacutenonceacute preacuteceacutedent initieacute par le preacutesentatif laquo crsquoest raquo segmentation du discours par le locuteur en eacutenonceacutes plus courts

Annexe H-550

66 MC_agr1 mais ccedila va

Annexe H-494

1 MC_agr3-MJ10 voilagrave Paul joue agrave la non Paul joue aux cartes (2) Autocor+(agrave lagtaux) aux=agrave+les PREPcor(agrave)

Annexe H-503

9 BR_agr4 une femme prend le couteau pour euh euh pour t-

euh prendre couteau pour euh poser [omp bə tɛʀ]

Deformphon(pommes-de-

terregt[ompbətɛʀ]) ici compteacute exceptionnellement en 3 Mots prod LEXVsubst(eacutepluchergtposer) 1 PREP(pour) + Vinf E Ph

Annexe H-482

En reacutesumeacute les agrammatiques adoptent plus rarement la formulation syntaxique de type SN-S+SV Cependant si les eacutenonceacutes de forme canonique sont moins freacutequents dans la production agrammatique ils sont quand mecircme preacutesents

Cela suggegravere que la reacuteduction des capaciteacutes de traitement agrave des conseacutequences sur la qualiteacute de la syntaxe

De surcroicirct on remarque une variabiliteacute inter-tacircches caracteacuteristique des corpus agrammatiques selon laquelle plus le degreacute de preacutecision grammaticale est viseacutee lors de la formulation et plus les structures de forme canonique de type SN-S + SV sont freacutequentes

Et inversement les structures de formes non canonique sont en geacuteneacuteral plus freacutequentes au sein des corpus de production de discours plus libre

En teacutemoignent les quelques exemples suivants illustrant quelques-unes des structurations originales179 (de forme non canonique) que lrsquoon a pu rencontrer de la tacircche 1 agrave la tacircche 4

-structuration de type SN + ADJ

SN (le jambe) + ADJ (paralyseacutee)

18 PC_agr1 le jambe paralyseacutee paralyseacutee (4) hum (6) ADJ(paralyseacutee) prononceacute de maniegravere floue DETsubst(lagtle)

Annexe H-430

179 Voir aussi au point 47 p 154 lorsqursquoil srsquoagissait de distinguer les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes en vue de la segmentation du discours et des cotations Les donneacutees quantitatives permettent drsquoappreacutecier la teneur de ses formulations originales au sein des corpus agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

296

-structuration avec ellipse du SN-S

gtavec un V isoleacute non fini Vinf (monter)

74 SB_agr1 et reco- et apregraves monter monter et voilagrave Amorce(reco-) Vinf isoleacute Ellipse SN-S PROom(je)

Annexe H-522

gt avec un SV isoleacute non fini SVinf (aller le chaperon rouge)

2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge

Annexe H-525

gt avec un SV isoleacute fini SV (regarde un boomerang)

4 SB_agr3-MJ05 et regarde un boom- un boomerang SN-Som(il) Ellipse du SN-S implicite et topicaliseacute

Annexe H-533

-structuration de type SN-O anteacuteposeacute + SV

SN-S (le boomerang) + SN-ODir anteacuteposeacute (la vitrine) + Vinf (casser)

8 PC_agr3-MJ05 et paf (rires) hum le [buməRɑ] [ouitt] la

vitrine casser

Onom(paf) sifflote(ouitt) pour exprimer le mouvement de retour du boomerang vers la vitrine accompagneacute drsquoun geste de la main SN-O anteacuteposeacute

Annexe H-450

-structuration de type SV + SN-S postposeacute

SV (sort) + SN-S postposeacute (chien)

4 BR_agr3-MJ07 euh (5) plus-tard sort (12) chien un LEXsubst(chatgtchien) SN-S postposeacute E Non-Can

Annexe H-478

-structuration de type SN + SN + SN

juxtaposition des SN (une femme bisou un homme)

26 BR_agr4 une femme bisou un homme SNNN E Non-Can Juxtaposition SN

Annexe H-485

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

297

Le graphe ci-apregraves (Figure 34) repreacutesente la reacutepartition des mots extraits consacreacutes agrave la formation des eacutenonceacutes de forme canonique versus non canonique selon les groupes (controcircle agrave gauche en couleur unie et agrammatique agrave droite en couleur hachureacutee) Ce graphe reprend la variable Prop Mots ext(E Ph) deacutejagrave commenteacutee agrave travers le graphe preacuteceacutedent (voir Figure 33 p 294) est compleacuteteacute par la variable Prop Mots(E Non-Can)

Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) moyennes - tacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe contr

95 97

97

10

0

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop Motsext(E Non-Can)

Prop Motsext(E Ph)

Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) moyennes - tacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe agr

45

59 70

91

55

41

30

9

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop Motsext(E Non-Can)

Prop Motsext(E Ph)

Figure 34 Reacutepartition des mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph))

versus les eacutenonceacutes de forme non canonique (Prop Mots ext(E Non-Can)) selon les groupes (controcircle couleur unie agrammatique hachureacute) et selon les tacircches 1 2 3 et 4

La somme des deux proportions (Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) ) est eacutegale agrave 100 et le graphe permet par conseacutequent de visualiser la variabiliteacute inter-tacircches tregraves caracteacuteristiques du groupe agrammatique (agrave droite en hachureacute)

En clair les locuteurs agrammatiques sont en geacuteneacuteral beaucoup moins laquo aptes raquo agrave former des eacutenonceacutes de forme canonique de type SN-S+SV Cela confirme lrsquoideacutee que le dysfonctionnement sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme agrave des conseacutequences sur la structuration syntaxique des eacutenonceacutes produits

Mais les agrammatiques sont toutefois capables de formuler des structures de type SN-S+SV notamment dans la condition expeacuterimentale ougrave le degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee est le plus haut (tacircche 4) et ce beaucoup freacutequemment que dans les autres tacircches de production plus libres

Cela prouve pour nous que le deacuteficit sous-jacent nrsquoest pas fondamentalement de nature syntaxique mais que le sujet va convoquer une qualiteacute syntaxique plus ou moins canonique agrave la demande En effet il ajuste la formulation suivant son dysfonctionnement mais aussi suivant la preacutecision grammaticale qursquoil vise

De plus les structurations syntaxiques de forme non canonique vont de pair avec le style elliptique qui est plus caracteacuteristique des tacircches de production tregraves libres (tacircches 1 et 2) comme nous lrsquoavons deacutejagrave vu

Et inversement la qualiteacute des structures syntaxiques srsquoameacuteliore agrave mesure que le recours au style elliptique deacutecline (de la tacircche 1 agrave la tacircche 4)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

298

Par quels moyens ou strateacutegies les agrammatiques parviennent-ils agrave ameacuteliorer la qualiteacute syntaxique des formulations qui transparaicirct du fait de lrsquoaccroissement de la freacutequence drsquoeacutenonceacutes de forme canonique Nous tentons de reacutepondre agrave cette question dans le paragraphe suivant agrave travers lrsquoexamen des donneacutees individuelles

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Prop Mots ext(E Ph) - tacircches 1 2 3 et 46 agr

23

6

44

34

84 82

40

12

76

40

92 93

3741

89

68

9195

71

90

9599

96 95

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 35 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph) )

pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Les donneacutees individuelles concernant la variable Prop Mots ext(E Ph) (Figure 35 ci-dessus) confirment sans exception les tendances inter-tacircches deacutejagrave deacutecrites en moyenne de groupes surtout si lrsquoon compare les donneacutees de la tacircche la plus libre (tacircche 1) avec celles de la tacircche la plus contraignante (tacircche 4)

En effet dans tous les cas drsquoagrammatisme les corpus sont beaucoup plus caracteacuteriseacutes par une structuration canonique de type SN-S+SV agrave mesure que la preacutecision grammaticale est requise notamment en ce qui concerne la tacircche 4

Drsquoautre part nous observons que les proportions obtenues en production de discours continu narratif (tacircches 2 et 3) sont intermeacutediaires dans chacun des cas drsquoagrammatisme sans exception crsquoest-agrave-dire qursquoelles sont toujours supeacuterieures agrave celles obtenues en production de discours continu spontaneacute (tacircche 1) et toujours infeacuterieures agrave celles obtenues en production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

Revenons sur la question poseacutee preacuteceacutedemment par quels moyens ou strateacutegies les agrammatiques parviennent-ils agrave ameacuteliorer la structuration syntaxique ameacutelioration traduite pas une quantiteacute croissante de mots consacreacutes agrave la formulation drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

299

Lrsquoappui sur certains morphegravemes choisis pour leur commoditeacute semble avoir un effet positif sur la qualiteacute de la structuration syntaxique Par exemple 2 BR_agr pour qui la variable Prop Mots ext(E Ph) passe de 6 en production libre (tacircche 1 voir Figure 35 page preacuteceacutedente) agrave 90 en production de phrases isoleacutees (tacircche 4) a tendance agrave structurer presque de maniegravere systeacutematique en production de phrases isoleacutees les phrases autour des morphegravemes pivots prendre et pour

En voici quelques exemples

43 BR_agr4 un petit garccedilon pren- euh euh prendre le chien euh

LEXVsubst(donnergtprendre) SN-ODirom(le pacircteacute)

Annexe H-488

9 BR_agr4

une femme prend le couteau pour euh euh pour t- euh prendre couteau pour euh poser

[omp bə tɛʀ]

Deformphon(pommes-de-

terregt[ompbətɛʀ]) ici compteacute exceptionnellement en 3 Mots prod LEXVsubst(eacutepluchergtposer) 1 PREP(pour) + Vinf E Ph

Annexe H-482

20 BR_agr4 un homme prendre [a] lettre pour poster

Deformphon(lagt[a]) LEXVsusbt(postergtprendre) Vinf E Ph

Annexe H-484

49 BR_agr4 un homme prend le cartable pour euh euh rendre [i] euh petit garccedilon

LEXVsubst(donnergtprendre) PREPom(agrave) DETom(le)

Annexe H-488

Le cas de 5 PB_agr est aussi singulier pour lui on a remarqueacute une surabondance de constructions introduites par les preacutesentatifs crsquoest ou il y a se combinant avec drsquoautres constituants varieacutes180

3 PB_agr1 crsquoest euh mars avril m- mai

PREPom(en) 0 V-FLEX laquo crsquoeacutetait en mai raquo PREPom(en) + laquo mai raquo

Annexe H-544

10 PB_agr1 crsquoest le les s- les tab- les tableaux

Annexe H-544

13 PB_agr1 euh et lagrave alors euh euh on est euh (2) crsquoest euh dans le soir avec euh une voiture

PREPajout(dans) PREPsubst(engtavec) + laquo une voiture raquo

Annexe H-544

180 Pour laquo crsquoest une piqucircre raquo par exemple on aura la structuration canonique ainsi deacutecomposeacutee [PRO-S(crsquo) + Vcop(est) + SN(une piqucircre)] Ainsi deacutecomposeacutee syntaxiquement nous avons coteacute ce type de structure dans la cateacutegorie des E Ph mecircme si ce type de preacutesentatif typique de la langue oral ordinaire peut ecirctre vu comme eacutetant une sorte de figement syntaxique qui impliquerait de la consideacuterer comme un tout solidaire non deacutecomposable de la sorte Il en va de mecircme pour il y a + X

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

300

28 PB_agr1 crsquoest euh du canoeuml dans les rapides 0 V-FLEX laquo on a fait du canoeuml dans les rapides raquo

Annexe H-545

61 PB_agr1 et apregraves euh (6) crsquoest euh une piqucircre 0 V-FLEX

Annexe H-547

18 PB_agr2a et euh il a le crsquoest bon

Annexe H-551

25 PB_agr2a et euh le il y a un chapeau dans le lit laquo il met le bonnet de nuit se met dans le lit raquo

Annexe H-550

Pour la tacircche 4 en particulier il faut savoir que PB_agr utilise freacutequemment laquo crsquoest raquo en guise drsquoinitiateur drsquoeacutenonceacute tout en laquo reacuteprimant raquo sa formulation comme par exemple

25 PB_agr4 euh crsquoest euh la fille et le garccedilon fait de-la musique de-la musique dans une dans dans une dans un plac- dans un piano piano

V-FLEXsubst(fontgtfait) PREP(au pianogtdans un piano) LEXsubst(jouegtfait)

Annexe H-565

Le preacutesentatif crsquoest nrsquoest pas reacuteellement inteacutegreacute dans la structuration syntaxique des phrases produites ces derniegraveres eacutetant souvent de forme canonique et organiseacutee autour du verbe noyau

Lorsque crsquoest est inteacutegreacute syntaxiquement crsquoest dans les quelques cas ougrave la structure est cliveacutee comme par exemple

31 PB_agr4 euh lrsquohomme euh prend euh dans le meacutedecin et le un le Rechlex

PB_agr4 crsquoest une femme qui fait des radios dans le garccedilon enfin dans le enfin crsquoest pas le garccedilon crsquoest oui crsquoest le garccedilon mais crsquoest une euh

Cliveacutee

Annexe H-566

Cela nous a ameneacutee agrave formuler lrsquohypothegravese selon laquelle pour PB_agr en particulier les emplois freacutequents en mecircme en excegraves de crsquoest qursquoil soit inteacutegreacute agrave une structure syntaxique ou qursquoil soit reacuteprimeacute pourraient srsquoexpliquer par une proceacutedure de surgeacuteneacuteralisation de lrsquoeacutebauche drsquoun eacutenonceacute agrave partir de crsquoest181

Pour finir il nous semble que les preacutesentatifs crsquoest ou il y a sont des moyens eacuteleacutementaires de structuration syntaxique Ils ameacuteliorent certes la qualiteacute des eacutenonceacutes produits en surface mais sont parfois abusifs En effet les eacutenonceacutes obtenus sont parfois aberrants

8 PB_agr2a beurre dans euh crsquoest dans hum la fille Repet(beurre) laquo la megravere donne un pot de beurre agrave la fille raquo

Annexe H-551

181 Cela pourrait provenir des exercices de deacutenomination reacutealiseacutes en theacuterapie du langage ougrave le recours systeacutematique agrave ce type drsquoeacutebauche permet de structurer syntaxiquement de maniegravere eacuteleacutementaire une seacutequence donneacutee

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

301

Ainsi selon nous le recours aux preacutesentatifs permet tout au plus drsquoobtenir des constructions de forme pseudo-canonique

Pour finir mecircme si nous nrsquoavons pas quantifieacute les reformulations et auto-corrections au sein des corpus nous pouvons affirmer que chez certains agrammatiques les proceacutedures de reformulation et de reacuteflexion meacutetalinguistique sont beaucoup plus nombreuses en geacuteneacuteral en production de phrases isoleacutees qursquoen production de discours spontaneacute De ce point de vue les corpus de BR_agr (voir lrsquoeacutenonceacute 13 ci-dessous) ou de SB_agr (voir lrsquoeacutenonceacute 56 ci-dessous) sont par exemple tregraves repreacutesentatifs de cette tendance qui revient agrave solliciter plus ou moins selon les contraintes de la tacircche et la preacutecision grammaticale induite des proceacutedures de reacuteflexion sur le code ou de reformulation

13 BR_agr4 petit garccedilon prend euh euh

BR_agr4 petit garccedilon pr- a- euh DETom(le) RechLEX

exp ccedila crsquoest le crsquoest quoi

BR_agr4 [aftiʀatoslashʀ] Deformphon(aspirateurgt[aftiʀatoslashʀ])

exp le petit garccedilon laquo petit garccedilon prend lrsquoapirateur pour rafirer raquo

BR_agr4 prend lrsquo [apiRatoslashR] pour a- ra- euh [RafiRe] ah euh calme [Rafi-] euh

Deformphon(aspirateurgt[apiRatoslashR]aspirergt[RafiRe])

BR_agr4 un petit garccedilon euh

exp aspirer

BR_agr4 parfait

exp le petit garccedilon

BR_agr4 aspire

Annexe H-483

56 SB_agr4 le garccedilon euh regarde huuum Planification

SB_agr4 le garccedilon miroir alors

SB_agr4 le garccedilon regarde au au miroir humm pas terrible ccedila

PREPsubst(dansgtagrave)

SB_agr4 le garccedilon regarde (3) dans le miroir crsquoest mieux je pense

Autocor+ (PREP) PROreflom(se)

Annexe H-542

En reacutesumeacute certains agrammatiques comme 2 BR_agr avec la matrice agrave pivots X prendre Y pour Z et comme 5 PB_agr avec lrsquoemploi freacutequent de preacutesentatifs ont mis en place des strateacutegies de structuration efficaces permettant drsquoameacuteliorer la qualiteacute syntaxique des eacutenonceacutes produits

Toutefois la proceacutedure de surgeacuteneacuteralisation de crsquoest nous semble aboutir agrave des structurations syntaxiques qui sont en reacutealiteacute de forme pseudo-canonique

Ainsi en visant une correction grammaticale ou syntaxique plus laquo soigneacutee raquo lorsque les conditions laissent toutefois la possibiliteacute de srsquoappuyer sur des reformulations il nrsquoest pas eacutetonnant de voir que la structuration syntaxique srsquoameacuteliore en production de phrases isoleacutees compareacute agrave la production de discours continu spontaneacute ougrave de fait le locuteur ne srsquoarrecircte pas agrave chacune des structures pour la reformuler

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

302

Ces observations nous semblent converger avec celles de KOLK (voir p 2433 p 65) eu eacutegard lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation preacuteventive et corrective

Les variations de la vitesse du deacutebit verbal plus rapide en production libre (tacircche 1) et se ralentissant de la tacircche 1 agrave la tacircche 3 (et a fortiori agrave la tacircche 4) srsquoen ressentent en conseacutequence

1 PC_agr quant agrave lui produit de tregraves nombreuses reformulations mecircme en production libre Cela pourrait expliquer le fait que lorsque le trouble est tregraves reacutecent le locuteur agrammatique nrsquoa pas encore eu le temps de mettre en place des comportements adaptatifs et de fixer des routines strateacutegiques de laquo formatage raquo elliptique du discours De ce fait il utilise de nombreuses reformulations et auto-corrections mecircme en production de discours spontaneacute En clair en production libre les adaptations correctives sont tregraves nombreuses chez 1 PC_agr alors qursquoelles sont moins caracteacuteristiques chez les autres agrammatiques

Par ailleurs en production de phrases isoleacutees les adaptations correctives demeurent tregraves caracteacuteristiques chez tous les sujets agrammatiques

633 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en nombre de mots extraits Long Moy E Ph(Mots ext)

La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en nombre de mots extraits (Long Moy E Ph(Mots ext) voir la Figure 36 ci-apregraves p 303) est une variable SYNTAX calculeacutee exclusivement sur la base des eacutenonceacutes de forme canonique ce qui revient agrave ne pas inteacutegrer dans le calcul tous les eacutenonceacutes de forme non canonique

Lrsquoobservation du graphe nous permet de confirmer les tendances deacutejagrave deacutegageacutees de lrsquoeacutetude approfondie de la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) et drsquoarriver aux mecircmes conclusions si lrsquoon eacutetudie les donneacutees individuelles de pregraves182 Crsquoest pourquoi nous nrsquoexaminerons pas ces donneacutees plus en deacutetail183 et renvoyons le lecteur au point concernant la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238-242) Le graphe nrsquoest placeacute ici qursquoagrave titre indicatif

182 Concernant la variable Long Moy E Ph(Mots ext) voir les graphes de donneacutees individuelles controcircles en Annexe I-699 et agrammatiques en Annexe H-626 183 Drsquoautant que nous pensons que la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) qui est calculeacutee drsquoapregraves lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes produits reflegravete plus fidegravelement la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute produit surtout pour les agrammatiques En effet le calcul reacutealiseacute drsquoapregraves les E Ph uniquement (les eacutenonceacutes de forme canonique seulement et non lrsquoensemble des eacutenonceacutes produits) nous semble moins fiable dans la mesure ougrave pour certains corpus le nombre drsquoE Ph pouvait ecirctre tregraves faible (par exemple le corpus 2 BR_agr1 ne compte que 2 ou 3 eacutenonceacutes de forme canonique alors que le nombre total drsquoeacutenonceacutes produits pris en compte pour les analyses par ailleurs srsquoeacutelegraveve agrave 108)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

303

Long Moy E Ph(Mots ext) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4 moyennes groupes contr vs agr

Non commenteacute (mecircmes tendances que Long Moy E Seg(Mots ext) )

9 910

7

46

5561

57

0

5

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 36 Longueur moyenne des eacutenonceacutes-phrases en nombre de mots extraits (Long Moy E

Ph(Mots ext) ) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

634 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux Prop E Ph Gram

La variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux) traduit un aspect de la qualiteacute morpho-syntaxique des eacutenonceacutes produits selon qursquoils soient de forme canonique ET grammaticale ou non (si les deux conditions ne sont pas remplies lrsquoeacutenonceacute nrsquoest pas reacuteputeacute bien formeacute)

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique

Srsquoagissant ainsi de la proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram voir la Figure 37 p 304) le patron geacuteneacuteral de variabiliteacute inter-tacircches est le mecircme que celui deacutejagrave observeacute dans les graphes de variables SYNTAX eacutetudieacutes jusqursquoagrave preacutesent les performances des locuteurs srsquoameacuteliorent agrave mesure que la tacircche requiert plus de preacutecision grammaticale

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

304

En effet les proportions augmentent progressivement 17 (tacircche 1) 25 (tacircche 2) 32 (tacircche 3) et 38 (tacircche 4)

Prop E Ph Gram moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

9194 94

100

17

25

3238

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 37 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1

2 3 et 4 moyennes de groupes

En production de discours spontaneacute (tacircche 1) la qualiteacute syntaxique des productions agrammatique est la moins grammaticale

Ainsi les constructions suivantes produites par un agrammatique (dans les tacircches 3 et 4) sont parfaitement grammaticales (alors qursquoen production de discours libre crsquoest-agrave-dire la tacircche 1 on nrsquoa releveacute aucune formulation grammaticale preacuteciseacutement pour ce locuteur)

2 BR_agr3-MJ01 une personne mange le euh euh (2) fruit (2) E Ph Gram

Annexe H-474

1 BR_agr4 un garccedilon pleure E Ph Gram

Annexe H-481

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

305

En conclusion lrsquoexamen de la variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux) nous permet de conclure que plus lrsquoagrammatique vise agrave une bonne correction grammaticale et plus la qualiteacute des eacutenonceacutes produits srsquoameacuteliore mais ceci au prix drsquoun ralentissement du deacutebit verbal et en srsquoappuyant sur des proceacutedures des autocorrections et des reformulations Cela va dans le sens des conclusions deacutejagrave deacutegageacutees de lrsquoeacutetude des formulations canoniques versus non canoniques (voir au point 632 pp 293-302)

Globalement la grammaticaliteacute de lrsquooutput agrammatique srsquoameacuteliore agrave mesure que la tacircche gagne en preacutecision grammaticale induite et perd en spontaneacuteiteacute et ceux pour les raisons deacutejagrave eacutevoqueacutees les sujets auraient recours preacutefeacuterentiellement agrave des strateacutegies de structuration elliptique en production spontaneacutee et agrave des strateacutegies meacutetalinguistiques (reformulations reacuteflexion sur le code) en production contrainte

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Du point de vue de la grammaticaliteacute des eacutenonceacutes produits les diffeacuterences individuelles (voir Figure 38 ci-dessous) sont tregraves marqueacutees En effet les proportions drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux varient de 0 pour 2 BR_agr dans la tacircche 1 agrave 73 pour 6 TH_agr dans la tacircche 4 Malgreacute ces fortes dispariteacutes inter-sujets on peut toutefois nettement entrevoir la variabiliteacute inter-tacircches sujets par sujets que nous avons deacutejagrave deacutecrite et expliqueacutee (voir supra)

Prop E Ph Gram - tacircches 1 2 3 et 46 agr

96

00

298

105 107

418

118

20

319

68

538

448

185

68

364

280

500545

200

102

379

600

277

729

0

25

50

75

1001 P

C_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 38 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1

2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoautre part seul 5 PB_agr montre un patron de variabiliteacute inter-tacircches singulier compareacute aux autres cas la grammaticaliteacute de ses constructions ne srsquoameacuteliorent pas aussi reacuteguliegraverement et va mecircme deacutecliner (la proportion chute agrave 277 voir Figure 38 ci-dessus 5 PB_agr tacircche 4) Cela srsquoexplique par les difficulteacutes eacuteprouveacutees par ce sujet en particulier agrave

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

306

seacutelectionner le verbe adeacutequat pour une structure cible attendue En effet lorsqursquoun verbe agrave valeur geacuteneacuterique comme prendre ou faire eacutetait produit par PB_agr agrave la place du verbe speacutecifique attendu (comme aller ou accrocher) la phrase produite eacutetait coteacutee nulle mecircme si elle eacutetait de forme canonique et grammaticale En voici des exemples concrets

-le chien prend une gamelle pour le garccedilon donne la gamelle au chien

43 PB_agr4 euh (6) le chien euh prend une gamelle ouais ah ouais crsquoest pas vraiment bon

LEXsubst(donnegtprend)

Annexe H-567

-la personne fait une assiette dans le mur pour le pegravere accroche une assiette au mur

40 PB_agr4 une la la le la femme la le la personne fait une une une assiette dans le mur

LEXsubst(lrsquohommegtla personne) LEXsubst(accrochegtfait) PREPsubst(agravegtdans)

Annexe H-567

En conseacutequence lrsquoemploi freacutequent drsquoun verbe agrave valeur geacuteneacuterique par deacutefaut a fait chuter le score de 5 PB_agr mecircme srsquoil srsquoagit drsquoune strateacutegie palliative qui ameacuteliore globalement la qualiteacute syntaxique des constructions

De mecircme 3 MC_agr a du mal agrave laquo deacutecoller raquo ses performances vont de 298 (tacircche 1 voir la Figure 38 page preacuteceacutedente) pour plafonner agrave 379 (tacircche 4) Cela srsquoexplique notamment par la preacutesence de nombreux pheacutenomegravenes de paraphasies grammaticales En effet dans les exemples suivants issus de son corpus les substitutions entre deacuteterminants ou entre preacutepositions rendent les constructions agrammaticales

15 MC_agr4 la garccedilon cueille un pomme DETsubst(legtla) DETsubst(unegtun)

Annexe H-509

23 MC_agr4 le garccedilon descend (25) contre contre (2) contre la route contre (2) contre

PREPsubst(surcontre)

Annexe H-510

Les pheacutenomegravenes de substitutions (de laquo vraies raquo substitutions paragrammatiques) compromettent ainsi la grammaticaliteacute des constructions produites Ainsi lorsqursquoelles sont plus freacutequentes chez certains agrammatiques par rapport agrave drsquoautres qui srsquoappuient sur un proceacutedeacute de structuration elliptique celles-ci accentuent lrsquoagrammaticaliteacute des formulations

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

307

635 Indice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase Indice Elab E Ph

(a) Rappel calcul et signification de la variable Indice Elab E Ph

Pour le calcul de la variable Indice Elab E Ph seuls les eacutenonceacutes de forme canonique (les structures de type SN-S+SV crsquoest-agrave-dire les eacutenonceacutes-phrases ou E Ph) ont eacuteteacute pris en consideacuteration les nombres de mots de classe ouverte (MCO) et de pronoms (PRO) preacutesents dans les SN-S drsquoune part et dans les SV drsquoautre part furent comptabiliseacutes Ensuite par ratio on a calculeacute le nombre moyen de MCO+PRO composant les SN-S et les SV Ces moyennes sont additionneacutees et diminueacutees de 1 afin drsquoobtenir un indice global drsquoeacutelaboration syntaxique

Au final lrsquoindice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase (Indice Elab E Ph) exprime le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases preacutesents dans les corpus Pour lire cet indice il faut consideacuterer que

un indice de 1 signifie que en moyenne le SN-S et le SV ne comptent chacun qursquoun eacuteleacutement comme dans lrsquoexemple prototypique suivant

Le loup vient gt SN-S (1 MCO) + SV (1 MCO) (1 + 1) - 1 = 1

un indice supeacuterieur agrave 1 signifie que en moyenne le SN-S et le SV comptent chacun plus drsquoun eacuteleacutement comme par exemple

Le meacutechant loup vient gt SN-S (2 MCO) + SV (1 MCO) (2 + 1) - 1 = 2

Il vient chez la grand-megravere gt SN-S (1 PRO) + SV (2 MCO) (1 + 2) - 1 = 2

Le pegravere met une assiette dans le lave-vaisselle gt SN-S (1 MCO) + SV (3 MCO) (1 + 3) - 1 = 3

Le grand meacutechant loup vient chez la grand-megravere pour la deacutevorer

gt SN-S (3 MCO) + SV (3 MCO + 1 PRO) (3+4) - 1 = 6

Rappelons que le calcul de cette variable de prend pas en compte les eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can) qui peuvent dans certains corpus agrammatiques ecirctre tregraves nombreux Il faut donc lire les reacutesultats de cette variable en gardant bien agrave lrsquoesprit qursquoelle nrsquoimplique pas la totaliteacute des eacutenonceacutes-segmenteacutes mais seulement ceux dont la structuration est de forme canonique (E Ph)

En conseacutequence cette variable est un bon indicateur des possibiliteacutes des agrammatiques agrave structurer un eacutenonceacute-phrase Elle reflegravete un laquo potentiel raquo de structuration syntaxique et non le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique reacuteel de tous les eacutenonceacutes produits

Par contre le calcul de cette variable appliqueacute aux corpus controcircles est un indicateur plus proche de la reacutealiteacute en ce sens que les corpus controcircles sont composeacutes pour lrsquoessentiel drsquoE Ph

En reacutesumeacute comme cet indice se calcule agrave partir des E Ph il nous semble qursquoil reflegravete plus fidegravelement le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique effective des corpus controcircles compareacute aux traitements appliqueacutes aux corpus agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

308

(b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique

Indice Elab E Ph moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

40 38 39

19

1714 1515

0

2

4

6

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 39 Indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases (Indice Elab E Ph) pour les tacircches 1 2 3 et

4 moyennes de groupes

En moyenne lrsquoindice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases est de 4 38 et 39 chez le groupe controcircle dans les tacircches 1 2 et 3 (Figure 39 ci-dessus) En production de phrases isoleacutees lrsquoindice controcircle descend drastiquement agrave 19 Comme pour toutes les autres variables eacutetudieacutees les indices controcircles sont des valeurs reacutefeacuterences du comportement verbal laquo normal raquo En bref lrsquoindice controcircle moyen est de pregraves de 4 en production de discours continu et de pregraves de 2 en production de phrases isoleacutees

Compareacute au groupe controcircle le groupe agrammatique preacutesente par contre un profil caracteacuteristique refleacutetant le manque drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases En effet leurs Indices Elab E Ph moyens sont toujours tregraves infeacuterieurs aux indices controcircles en particulier pour les tacircches 1 2 et 3 (avec des indices respectifs de 14 17 et 14 contre pregraves de 4 chez le groupe controcircle)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

309

Srsquoagissant de la tacircche de production de phrases isoleacutees lrsquoindice agrammatique se maintient sensiblement par rapport aux tacircches de production de discours continu avec une valeur de 15 Drsquoautre part lrsquoeacutecart entre les indices controcircles et agrammatiques est tregraves marqueacute en production de discours continu (tacircche 1 2 et 3) et se reacuteduit fortement en production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

Ces observations nous amegravenent agrave conclure que

les agrammatiques lorsqursquoils parviennent agrave formuler une structure de forme canonique (SN-S+SV) ont tendance agrave en reacuteduire le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique par rapport aux sujets controcircles et ce quelque soit la situation

en production de discours continu (tacircche 1 2 et 3) le manque drsquoeacutelaboration syntaxique est beaucoup plus marqueacute car la diffeacuterence inter-groupes pour les tacircches 1 2 et 3 est moindre que la diffeacuterence inter-groupes pour la tacircche 4

Cela traduit le fait que les agrammatiques auraient tendance agrave reacuteduire drastiquement le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique en situation de production de discours continu

Ces observations convergent avec les tendances deacutejagrave deacutecrites auparavant agrave travers lrsquoanalyse de variables visant agrave mesurer la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute qui est toujours plus faible chez les agrammatiques184 ou agrave travers les analyses consacreacutees aux variables MORPH-LEX et concernant en particulier lrsquoemploi des morphegravemes grammaticaux185

En effet nous en avions deacutejagrave conclu par ailleurs que le style elliptique caracteacuteristique de la production agrammatique reacutesulte du raccourcissement des eacutenonceacutes en nombre de mots au deacutepens des morphegravemes grammaticaux

En conclusion le recours au style elliptique srsquoaccentue en production de discours continu ce que confirme encore lrsquoIndice Elab E Ph Nous ne nous attarderons pas ici sur un examen deacutetailleacute des donneacutees individuelles qui serait redondant (voir le graphe de donneacutees individuelles agrammatiques en Annexe H-627)

184 Il srsquoagit des variables CORPUS Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238-242) 185 Voir par exemple les analyses des variables MORPH Prop MCF (625 p 261) Prop DET (626 p 265) ou Prop PREPMots ext (628 p 275)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

310

636 Proportion drsquoeacutenonceacutes avec complexification syntaxique Prop SUB

La variable Prop SUB (proportion drsquoeacutenonceacutes contenant une subordonneacutee) a eacuteteacute calculeacutee sur la base de lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes

(a) Moyennes de groupe controcircle vs agrammatique

En production de discours continu (tacircches 1 2 et 3) la proportion drsquoeacutenonceacutes produits contenant au moins une proposition subordonneacutee oscille en moyenne entre 25 et 30 au sein des corpus controcircles pris comme reacutefeacuterence (voir Figure 40 ci-dessous) Au sein des corpus agrammatiques on a releveacute en geacuteneacuteral tregraves peu drsquooccurrences de SUB ce qui porte les proportions moyennes agrave 6 5 et 7

Prop SUB moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

30

2528

3

6 57

2

0

25

50

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 40 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop

SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

311

En effet les agrammatiques nrsquoont que rarement recours agrave des structurations syntaxiques complexes Les tentatives de structuration syntaxique complexe sont le cas eacutecheacuteant souvent infructueuses Les eacutenonceacutes suivants illustrent ce pheacutenomegravene

95 SB_agr1 parce-que euh je (2) je c- je crois que Ab SUB SUB nrsquoest pas meneacutee agrave terme

Annexe H-523

31 SB_agr2b et apregraves euh (3) m- m- m- mi- minuit rentrer parce-que euh (5) si- sinon euh hum euh (9)

Ab SUB laquo parce quehellip raquo laquo sinon humhellip raquo claquement langue en signe drsquoagacement SN-Som(Cendrillon) PREP(agrave) + minuit

32 SB_agr2b rentrer sinon euh a- apprecircter euh souillon encore

SN-Som(Cendrillon) 0 V-FLEX

Annexe H-528

Dans lrsquoexemple ci-dessus on peut drsquoailleurs remarquer une proceacutedure de deacutecomposition de la phrase complexe en propositions autonomes faisant suite agrave la tentative de formulation initiale non aboutie

Pour cette variable on ne note pas de variabiliteacute inter-tacircches inteacuteressante Crsquoest comme si les hieacuterarchies syntaxiques eacutetaient globalement eacuteviteacutees par les agrammatiques quel que soit le type de production en jeu

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Les donneacutees individuelles (Figure 41 ci-dessous) invitent agrave constater que dans deux cas drsquoagrammatisme 1 PC_agr et 2 BR_agr aucune subordonneacutee nrsquoa eacuteteacute releveacutee

Prop SUB - tacircches 1 2 3 et 46 agr

0 03

1

6

27

0 0

41

1214

0 0

4

0

17

22

0 02 2 2

8

0

25

50

75

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 41 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop

SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

312

Cela suggegravere que les deux premiers sujets 1 PC_agr et 2 BR_agr chez qui les structures avec subordination sont inexistantes manifesteraient un dysfonctionnement plus accentueacute compareacute aux autres locuteurs agrammatiques

Par contre 6 TH_agr montre des scores comparables aux moyennes controcircles En effet les complexifications syntaxiques de toutes sortes sont tregraves freacutequentes En teacutemoignent les eacutenonceacutes suivants tireacutes de ses corpus

19 TH_agr1 oui mais [s] crsquoest non euh agrave-cocirc- il y avait une dame agrave-cocircteacute-de moi qui a petit-agrave-petit mecircme [eRe] pour manger normal

Deformphon(aideacuteegt[eRe]) Vpart(aideacute) Concordance des temps V-FLEXsubst(qui mrsquoavait 571aideacutegtqui a aideacute) PROom(mrsquo) + aideacutee

20 TH_agr1 mais crsquoeacutetait elle qui est agrave-cocircteacute-de moi pour euh mangerConcordance des temps V-FLEXsubst(qui eacutetaitgtqui est)

Annexe H-571

En outre dans les cas de 3 MC_agr et 4 SB_agr les tregraves faibles proportions traduisent pour nous drsquoabord le fait que les hieacuterarchies syntaxiques ne sont pas complegravetement absentes Ainsi le dysfonctionnement sous-jacent nrsquoentravent pas complegravetement la production de constructions complexes

Pour finir dans le cas de 5 PB_agr les complexifications syntaxiques sont plus freacutequentes En effet on a releveacute un certains nombres de subordonneacutees comme par exemple

9 PB_agr3-MJ09 et il est content parce-que le singe est contente est content oui

Autocor+(contentegtcontent)

Annexe H-562

De plus nous observons que de nombreuses structures complexes sont en reacutealiteacute des cliveacutees introduites par le preacutesentatif crsquoest (agrave propos de lrsquoemploi excessif du preacutesentatif crsquoest chez 5 PB_agr voir aussi 632(b) pp 299-302) En voici des exemples

-crsquoest la cloche qui est douze heures

38 PB_agr2b

il y a le le crsquoest euh le Cen- le crsquoest euh crsquoest euh la cloche qui est en enfin en retard non qui est euh un deux trois quatre cinq six sept huit neuf dix onze douze heures euh de douze heures douze heures euh enfin

laquo Cendrillon entend sonner les douze coups de minuit raquo Cliveacutee

Annexe H-554

1 PB_agr3-MJ08 alors euh crsquoest euh deux hommes qui sont dans le dans euh la campagne

Cliveacutee

Annexe H-561

En reacutesumeacute si elles sont rarement employeacutees les complexifications syntaxiques ne sont pas complegravetement absentes de certains corpus agrammatiques et sont pour un des cas plutocirct des cliveacutees

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

313

7 Synthegravese et discussion

70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees

701 Variables CORPUS variation du deacutebit verbal style elliptique intra-phrastique expansion macro-discursive

Rappelons les deux tendances importantes que nous avons caracteacuteriseacutees agrave travers lrsquoeacutetude de la variabiliteacute inter-tacircches des variables Deacutebit verbal(Mots ext) (voir au point 6122 p 235) et Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238)

la fluence verbale est influenceacutee par les paramegravetres de la situation en effet lrsquoeacutetude de la variable Deacutebit verbal nous a conduite agrave observer que plus la tacircche accroicirct le degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee par lrsquoagrammatique et plus son deacutebit verbal ralentit

de la mecircme maniegravere la longueur drsquoun eacutenonceacute est influenceacutee par les paramegravetres de la situation plus les conditions expeacuterimentales sont contraintes (et de ce fait impliquent un plus haut degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee par lrsquoagrammatique) et moins lrsquoagrammatique convoque le style elliptique

Et inversement en production de discours libre lrsquoagrammatique a tendance agrave recourir plutocirct au style elliptique tout en ameacuteliorant son deacutebit verbal

Drsquoautre part nous avons observeacute que la reacuteduction quantitative micro-discursive (ou intra-phrastique) est contrebalanceacutee par une proceacutedure drsquoexpansion macro-discursive

Il nous semble eacutegalement important de signaler que cette proceacutedure drsquoexpansion discursive est preacutefeacuterentiellement employeacutee par lrsquoagrammatique lorsque le degreacute de liberteacute associeacute agrave la situation est maximum (en production de discours autobiographique spontaneacute)

En conclusion les locuteurs agrammatiques ne nous semblent pas preacutesenter de deacuteficit particulier sur le plan de lrsquoorganisation discursive Crsquoest mecircme agrave ce niveau supeacuterieur drsquoorganisation linguistique qursquoune proceacutedure compensatoire drsquoexpansion discursive peut srsquoeacutelaborer drsquoautant plus lorsque la mise en discours est non contrainte

Nos propres observations confirment celles de DE ROO et al (2003 voir p 70-71) qui expliquent que lrsquoagrammatique agrave recours agrave une proceacutedure de deacutecomposition drsquoune seacutequence agrave produire en seacutequences plus petites ce qui aboutit agrave une augmentation du nombre drsquoeacutenonceacutes produits et permet drsquoabaisser le risque de faire des erreurs de substitutions Selon nous ce type de proceacutedure nrsquoest pas seulement employeacute en production de phrases demandant une grande preacutecision grammaticale mais aussi en production de discours spontaneacute ougrave la recherche de la preacutecision grammaticale intra-phrastique semble mise au second plan Crsquoest pourquoi le nombre drsquouniteacutes eacutenonceacutes peut ecirctre tregraves eacuteleveacute chez certains agrammatiques

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

314

702 Variables MORPH preacuteservation des particules de discours ellipses de morphegravemes grammaticaux et strateacutegies palliatives

(a) Particules de discours et strateacutegie de structuration macro-discursive

La cateacutegorie des particules de discours est globalement preacuteserveacutee chez les agrammatiques et mecircme sur-employeacutee en production de discours spontaneacute Nous en concluons que le recours aux conjonctions et adverbiaux en guise de particules de discours demeure preacuteserveacute et permet de pallier au niveau de la macro-structure discursive le manque drsquoeacutelaboration au niveau de la micro-structure phrastique

Lorsque les conjonctions ne sont plus aussi facilement accessibles comme pour un des cas drsquoagrammatisme les adverbes sont preacutefeacuterentiellement utiliseacutes notamment justement en guise de particules discursives

Ainsi lrsquoexploitation du potentiel cadratif (au sens de CHAROLLES et VIGIER 2003 CHAROLLES et PEacuteRY-WOODLEY 2005) de certains de ces adverbes pourrait bien avoir un lien avec une strateacutegie palliative drsquoorganisation pragmatico-discursive Cette hypothegravese pourrait ecirctre testeacutee au moyen drsquoanalyses qualitatives des donneacutees plus approfondies

(b) Ellipse centreacutee sur les mots de classe fermeacutee

Lrsquoomission preacutefeacuterentielle des morphegravemes grammaticaux ou mots de classe fermeacutee (MCF) mais nous preacutefeacuterons dire laquo la rareacutefaction des MCF raquo reflegravete le dysfonctionnement sous-jacent (la limitation des ressources) mais aussi la proceacutedure de structuration elliptique qui est variable selon les contraintes imposeacutees par la tacircche de production

Cette variation de recours au style elliptique centreacute sur les morphegravemes grammaticaux nous semble correacuteleacutee de maniegravere positive agrave la baisse du deacutebit verbal (ce qursquoavaient deacutejagrave montreacute HOFSTEDE et KOLK 1994 voir au point 2433(c) p 7167) ainsi qursquoagrave lrsquoaugmentation du nombre moyen de mots par eacutenonceacute et ce agrave mesure que la formulation gagne en preacutecision grammaticale

Drsquoautre part le recours au style elliptique est caracteacuteristique de la production spontaneacutee et crsquoest en production libre que le deacutebit est le plus rapide et que les eacutenonceacutes produits sont les plus courts et les plus nombreux

(c) Les deacuteterminants

Lrsquoeacutetude de la variable Indice DET corrobore les tendances deacutecrites pour la cateacutegorie globale des MCF Du point de vue qualitatif une analyse tregraves partielle des diffeacuterents types de deacuteterminants employeacutes et des substitutions entre deacuteterminants peut illustrer des strateacutegies palliatives speacutecifiques agrave cette cateacutegorie de morphegraveme telles que le recours freacutequent agrave des adverbes quantifieurs (beaucoup de) ou lrsquoemploi de lrsquoarticle zeacutero

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

315

(d) Les pronoms

Srsquoagissant des pronoms nous avons observeacute qursquoils eacutetaient assez preacutesents au sein des corpus agrammatiques mais sous des formes fortes pouvant ecirctre topicaliseacutees et implicites (comme moi) ou au contraire sous des formes neutres ou faibles (comme ccedila crsquo dans le preacutesentatif crsquoest)

Drsquoautre part la reacutefeacuterence srsquoopegravere plutocirct par des moyens lexicaux que pronominaux Ce qui va dans le sens des tendances deacutejagrave eacutevoqueacutees agrave propos des ellipses touchant preacutefeacuterentiellement les morphegravemes grammaticaux

De ce point de vue le recours aux mots lexicaux (les noms) vient ainsi pallier le faible degreacute de pronominalisation de la reacutefeacuterence et le recours agrave des pronoms neutres et peu saillants dans le discours De cette maniegravere la reacutefeacuterence demeure aussi preacutecise que possible

(e) Les preacutepositions

Lrsquoexamen deacutetailleacutee des preacutepositions confirme une fois de plus que le recours agrave lrsquoellipse grammaticale est plutocirct caracteacuteristique de la production spontaneacutee alors que lorsque la preacutecision grammaticale viseacutee augmente le nombre de preacutepositions produites augmente eacutegalement

Ce reacutesultat converge avec les observations de HOFSTEDE et KOLK (1994 voir au point 2433(c) p 71) qui ont remarqueacute de surcroicirct une augmentation parallegravele du nombre de substitutions entre preacutepositions ce qui correspond agrave des laquo vraies substitutions raquo refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent

Nous avons aussi observeacute ce type de pheacutenomegravenes en particulier chez MC_agr dont les paraphasies grammaticales affectaient en particulier lrsquoutilisation du systegraveme des preacutepositions

Drsquoautre part la preacuteposition pour semble preacutefeacutereacutee notamment par BR_agr Cette preacutefeacuterence nous semble assez systeacutematiseacutee drsquoautant que les proprieacuteteacutes combinatoires flexibles de cette preacuteposition en fait une excellente candidate agrave la mise en place drsquoune strateacutegie palliative (voir sur ce point JAREMA et NESPOULOUS 1984 BRANCHEREAU et NESPOULOUS 1989 et SAHRAOUI 2009)

(f) Les verbes agrave valeur geacuteneacuterique

Comme pour la cateacutegorie des preacutepositions il semble que certains verbes soient employeacutes preacutefeacuterentiellement tels que ecirctre dans les constructions eacuteleacutementaires agrave verbe copule ou agrave preacutesentatif Drsquoautre part certains patients ont tendance agrave utiliser un verbe par deacutefaut agrave valeur geacuteneacuterique (comme faire ou prendre) au lieu du verbe speacutecifique requis (voir NESPOULOUS au point 2452 p 76) Ce choix tactique palliatif permet drsquoameacuteliorer la structuration syntaxique drsquoune phrase autour drsquoun preacutedicat verbal certes seacutemantiquement peu preacutecis mais bien preacutesent qui sert ainsi de pivot

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

316

(g) Les formes basiques verbales formes non finies et preacutesent simple

Pour finir nous avons observeacute que globalement les agrammatiques manifestent un dysfonctionnement affectant les meacutecanismes de flexion verbale et ont recours agrave des formes moins couteuses agrave encoder et agrave inseacuterer dans la matrice syntaxique telles que les formes non finies ou basiques de lrsquoinfinitif et du preacutesent simple Cette simplification de la morphologie verbale est une caracteacuteristique du style elliptique agrammatique tel que deacutefini par KOLK (voir HOFSTEDE et KOLK 1994 et aux points 2433 p65 et 2434 p 72)

Par ailleurs JAREMA et NESPOULOUS (1984 voir au point 2451 p 74) affirment que le recours agrave ce type de forme verbale basique non finie correspond agrave lrsquoemploi drsquoune flexion laquo neutre raquo non marqueacutee en lieu et place drsquoune flexion marqueacutee plus difficile agrave encoder

En outre nous avons observeacute une variabiliteacute inter-tacircches notable en geacuteneacuteral plus la tacircche est contraignante et plus les verbes sont employeacutes sous une forme basique fleacutechie (plutocirct au preacutesent)

Et inversement plus le discours gagne en spontaneacuteiteacute et moins les verbes sont fleacutechis crsquoest-agrave-dire qursquoils apparaissent plus freacutequemment sous une forme basique non finie ou finie (non finie souvent agrave lrsquoinfinitif au cocircteacute de formes verbales finies au preacutesent simple qui sont relativement moins freacutequentes)

703 Variables SYNTAX ellipses strateacutegies palliatives et proceacutedures de reformulations

(a) Ellipses et constructions de forme non canonique

La reacuteduction des capaciteacutes deacutedieacutees aux processus drsquoencodage de la phrase lors de lrsquoencodage a des conseacutequences sur la qualiteacute de la syntaxe

De ce point de vue les variabiliteacutes inter-groupes et inter-sujets agrammatiques sont pour chacune des variables SYNTAX eacutetudieacutees reacuteveacutelatrices de lrsquoexistence du dysfonctionnement sous-jacent et de ses divers degreacutes de seacuteveacuteriteacute

De surcroicirct les aspects quantitatifs et qualitatifs caracteacuteristiques de la syntaxe reacutesultent en grande partie des strateacutegies de formatage des constructions agrave produire

Les variabiliteacutes inter-tacircches reflegravetent nettement des proceacutedures drsquoadaptation deacuteployeacutees par les sujets agrammatiques en vue drsquoameacuteliorer la qualiteacute syntaxique des formulations

En effet nous avons observeacute que globalement la structuration syntaxique des productions agrammatiques gagne en correction grammaticale lorsque la production est plus contrainte Il semble en effet que la recherche drsquoune plus grande preacutecision grammaticale en particulier dans les tacircches contraignantes est un facteur deacuteterminant de la qualiteacute de la formulation obtenue

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Et inversement en production plus libre la formulation syntaxique est plutocirct caracteacuteriseacutee par des constructions elliptiques (en quantiteacute) et de forme non canonique (en qualiteacute) Pour nous cela srsquoexplique probablement par le fait que lrsquoagrammatique opte pour une formulation moins preacutecise ce qui transparaicirct tregraves nettement en production spontaneacutee

Srsquoagissant des constructions de forme non canonique celles-ci recouvrent un large spectre

Nous avons observeacute en particulier de freacutequentes proceacutedures drsquoellipse du SN-S qui a eacuteteacute topicaliseacute anteacuterieurement dans le fil du discours (proceacutedure qualifieacutee de laquo Topic drop raquo par DE ROO et al 2003 voir au point 2433(c) p 67)

Lrsquoellipse du SN-S permet ainsi drsquoeacuteviter la surcharge cognitive et de mobiliser les ressources en vue de lrsquoencodage des eacuteleacutements plus laquo utiles raquo au contenu du message Tel que KOLK lrsquoa souligneacute en mettant en valeur les similitudes entre lrsquoellipse normale et agrammatique (voir au point 2433(c) p 67) notons que les ellipses de SN-S peuvent aussi bien se rencontrer en conversation ordinaire (en situation de dialogue notamment)

Par ailleurs les corpus agrammatiques sont notamment caracteacuteriseacutes par des occurrences de constructions syntaxiques avec anteacuteposition de lrsquoObjet qui traduiraient donc le recours agrave une organisation syntaxique de type (S)OV (avec le cas eacutecheacuteant ellipse du Sujet theacutematiseacute anteacuterieurement et donc implicite) Lrsquohypothegravese selon laquelle une organisation (S)OV pourrait preacutesenter certaines proprieacuteteacutes notamment pragmatico-syntaxiques meacuteriterait des analyses et une discussion plus fouilleacutee agrave la lumiegravere de la theacuteorie linguistique

(b) Palliatifs morpho-syntaxiques

Par ailleurs nous avons observeacute que lrsquoemploi de certaines strateacutegies palliatives qui srsquoappuient sur des morphegravemes commodes et donc preacutefeacuterentiellement employeacutes ameacuteliore sensiblement la qualiteacute de la syntaxe (telles que les constructions autour des pivots prendre et pour ou le recours au preacutesentatif crsquoest ou agrave des constructions syntaxiques minimales comme ccedila va ou crsquoest bien)

Ainsi la qualiteacute de la syntaxe srsquoameacuteliore gracircce agrave des palliatifs morpho-syntaxiques qui peuvent se systeacutematiser de sorte que leur mobilisation devienne une routine

Ajoutons que drsquoautres strateacutegies palliatives de ce type pourraient certainement ecirctre deacutecrites agrave travers des analyses qualitatives plus approfondies

(c) Proceacutedures de reformulations et drsquoautocorrections expliciteacutees (overt-repairs)

Pour finir les proceacutedures de reformulations et drsquoauto-corrections nous ont paru plus caracteacuteristiques des corpus de production plus contrainte (issus de la tacircche 4 en particulier) Elles permettent somme toute drsquoameacuteliorer la qualiteacute de la construction reformuleacutee

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En revanche en production spontaneacutee ou plus libre les proceacutedures de reformulation sont moins caracteacuteristiques De ce fait lrsquoeacutelocution gagne en aisance ce qui se traduit par une acceacuteleacuteration du deacutebit verbal

En reacutesumeacute la grammaticaliteacute des eacutenonceacutes agrammatiques srsquoameacuteliore agrave mesure que la tacircche gagne en preacutecision grammaticale induite par la tacircche et viseacutee par le locuteur En effet les sujets ont preacutefeacuterentiellement recours agrave des strateacutegies de structuration elliptique en production spontaneacutee (soit des adaptations preacuteventives) En revanche en production plus contrainte ils ont plutocirct recours agrave des strateacutegies auto-correctives voire reacuteflexives (soit des adaptations correctives expliciteacutees ou silencieuses des overt- ou covert-repairs) En outre cette observation fut deacutejagrave documenteacutee drsquoapregraves une eacutetude de cas (HOFSTEDE et KOLK 1994 voir au point 2433(c) p 67)

En conclusion la production libre ougrave lrsquoaisance verbale est prioritaire motiverait plutocirct des adaptations preacuteventives (ellipses) alors que la production plus contrainte ougrave la preacutecision grammaticale est prioritaire motiverait plutocirct des adaptations correctives (reformulations autocorrections) avec une influence des adaptations palliatives dans tous les cas

71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances

711 Dysfonctionnement et adaptation

Selon une perspective comparative inter-sujets agrammatiques les donneacutees refleacutetant les performances de chacun des participants agrammatiques permettent de se figurer les diffeacuterences individuelles attacheacutees au type et agrave la seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent Par exemple BR_agr paraicirct agrave tout point de vue preacutesenter le deacuteficit sous-jacent le plus seacutevegravere alors que TH_agr preacutesente souvent des patrons de performances tregraves comparables agrave ceux des sujets controcircles

En outre lrsquoexamen de donneacutees dans la perspective inter- et intra-sujets peut en dire davantage sur la preacutegnance caracteacuteristique de certains types de symptocircmes linguistiques tregraves singuliers tels que les deacuteformations phonologiques et lrsquoabsence de conjonctions chez BR_agr ou les paraphasies lexicales affectant plutocirct la reacutecupeacuteration des verbes chez PB_agr ou mecircmes les paraphasies grammaticales touchant les preacutepositions chez MC_agr

Par ailleurs les variations de performances inter- et intra-sujets peuvent aussi srsquoexpliquer par le recours agrave des strateacutegies privileacutegieacutees eu eacutegard ces diffeacuterences individuelles comme par exemple lrsquoappui plus systeacutematique sur la cateacutegorie des adverbes chez BR_agr ou lrsquoemploi preacutefeacuterentiel de verbes geacuteneacuteriques chez PB_agr

Mis agrave part MC_agr qui semble parfois ne pas controcircler certaines formulations (par exemple les preacutepositions sont comme seacutelectionneacutees au hasard) les participants agrave cette eacutetude nous

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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semblent tous avoir en geacuteneacuteral hautement conscience de la qualiteacute de leur trouble Lorsque le feedback audio-phonatoire est opeacuterant ils sont en mesure de percevoir leurs propres productions et juger ainsi de leur qualiteacute Drsquoapregraves les propos recueillis aupregraves drsquoeux et reporteacutes ccedila et lagrave au sein des corpus oraux la distinction entre les notions de laquo compeacutetence raquo au sens de laquo connaissances grammaticales sur les structures de la langue raquo et laquo faculteacute de langage raquo et laquo performance raquo au sens psycholinguistique drsquolaquo utilisation de la langue en situation de verbalisation effective raquo ou laquo mise en discours raquo nous semble tout agrave fait agrave propos

En effet lrsquoagrammatique voit ses capaciteacutes de verbalisation entraveacutees par un laquo brouillage du bon deacuteroulement de la mise en mots raquo alors qursquolaquo il sait ce qursquoil veut dire raquo Ce brouillage qui srsquoexplique par un dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural (selon lrsquoapproche proceacutedurale deacutefendue par KOLK186) et non purement structural a des conseacutequences sur lrsquooutput des points de vue quantitatifs et qualitatifs En effet le deacutebit verbal est tregraves heacutesitant et ralenti et les constructions morpho-syntaxiques sont reacuteduites en quantiteacute et simplifieacutees en qualiteacute Rappelons que ces conseacutequences ne sont pas lrsquoeffet exclusif du dysfonctionnement sous-jacent mais reacutesultent en grande partie du recours agrave diverses strateacutegies de structuration drsquoordre quantitatif qualitatif et meacutetalinguistique En effet afin drsquoeacuteviter de faire de laquo vraies erreurs de substitutions raquo gecircnantes pendant la formulation grammaticale (il srsquoagit de symptocircmes refleacutetant le dysfonctionnement) au point de compromettre la grammaticaliteacute drsquoune expression donneacutee le patient-locuteur agrammatique aurait selon toute vraisemblance tendance agrave laquo formater raquo lrsquoeacutenonceacute agrave produire en fonction de ses nouvelles capaciteacutes drsquoencodage reacuteduites

Ainsi nos reacutesultats issus des analyses de corpus oraux nous ont ameneacutee agrave mettre en eacutevidence des adaptations du codage linguistique au dysfonctionnement sous-jacent crsquoest-agrave-dire les proceacutedures drsquoadaptation du format du message agrave produire aux difficulteacutes drsquoorigine neuropsychologique

Drsquoapregraves les variations inter-tacircches sciemment mises en eacutevidence dans cette eacutetude il nous semble que la part des strateacutegies drsquoorganisation linguistique (appreacutehendeacutees agrave travers les symptocircmes drsquoadaptation de niveau micro- et macro-discursif) pouvant expliquer les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme nrsquoest pas neacutegligeable

De plus il nous semble important de rappeler que malgreacute les variabiliteacutes de performances inter-sujets qui peuvent ecirctre tregraves marqueacutees les patrons geacuteneacuteraux de variations de performances inter-tacircches ressortent globalement dans chacun des cas drsquoagrammatisme pris isoleacutement

186 Selon cette approche lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle deacutedieacutee agrave lrsquoencodage des informations grammaticales expliquerait notamment une grande part de la variabiliteacute inter-individuelle lieacutee agrave la seacuteveacuteriteacute du deacuteficit (voir au point 321 p 92)

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En conseacutequence il nous paraicirct leacutegitime de penser que lrsquoajustement des performances verbales est soumis agrave une disposition fondamentale reacutegulatrice crsquoest-agrave-dire agrave un potentiel adaptatif mis en eacutevidence agrave travers ce que nous avons appeleacute laquo lois de performances raquo187

712 Principe des lois de performances variations inter-tacircches en quantiteacute et en qualiteacute

Les adaptations du codage linguistique nous paraissent aboutir agrave une ameacutelioration de lrsquoaisance verbale (meilleur deacutebit avec moins de disfluences) et ou agrave une ameacutelioration de la qualiteacute morpho-syntaxique des formulations (plus grande preacutecision du codage grammatical)

Ainsi des variations de performances inter-tacircches non aleacuteatoires ont eacuteteacute deacutegageacutees des analyses quantitatives et qualitatives meneacutees tout au long de cette eacutetude Les diffeacuterentes lois de performances que nous avons caracteacuteriseacutees des points de vue quantitatif et qualitatif et dans le cadre drsquoune approche fonctionnelle de la performance aphasique sont eacutenumeacutereacutees ci-apregraves Voyons cela plus en deacutetail

(a) Gain drsquoaisance verbale et strateacutegies de reacuteduction et drsquoexpansion quantitative

Les variations inter-tacircches non aleacuteatoires montreacutees agrave travers les diffeacuterentes variables linguistiques eacutetudieacutees vont en geacuteneacuteral dans le mecircme sens

Agrave mesure que la tacircche de production gagne en spontaneacuteiteacute et en naturel on observe

une acceacuteleacuteration du deacutebit verbal et donc une ameacutelioration de la fluence verbale

une reacuteduction quantitative les eacutenonceacutes sont raccourcis et preacutesentent des ellipses preacutefeacuterentielles de constituants syntaxiques ou de morphegravemes grammaticaux

une expansion quantitative au niveau macro-discursif et lrsquoappui sur les particules de discours preacuteserveacutees ce qui suggegravere que des strateacutegies de structuration macro-discursive viennent contrebalancer la reacuteduction intra-phrastique et participe de lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutelocution du point vue de la fluence

187 Cette ideacutee srsquoest eacutelaboreacutee agrave partir des concepts de preacutecision linguistique et drsquoaisance communicative deacutefinis par GERMAIN et NETTEN (2002) dans le cadre de leurs travaux sur lrsquoeacutevaluation des apprenants drsquoune langue eacutetrangegravere (LE) Leur grille drsquoeacutevaluation de la production orale drsquoapprenants de LE aborde la production orale sur deux plans distincts de critegraveres drsquoeacutevaluation le premier plan est celui de la preacutecision linguistique (dont la preacutecision langagiegravere grammaticale) et le deuxiegraveme plan est celui de lrsquoaisance agrave communiquer (tenant compte de certains aspects de la fluence verbale) Sur le modegravele de cette grille une grille drsquoeacutevaluation des performances de lrsquoagrammatique sur le plan de la preacutecision grammaticale et sur le plan de lrsquoaisance agrave communiquer verbalement pourrait ecirctre construite Lrsquoeacutevaluation des conduites verbales pourrait de la sorte dissocier ses deux plans et tenir compte des variations de performances et des strateacutegies convoqueacutees en fonction de la preacutecision grammaticale viseacutee et en fonction du degreacute de spontaneacuteiteacute attacheacute agrave une tacircche de production verbale donneacutee

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

321

Ainsi ce type drsquoadaptation est drsquoordre quantitatif Les strateacutegies srsquoeacutelaborent au niveau de la structuration interne phrastique (en reacuteduction ou ellipse) et au niveau de lrsquoorganisation discursive (en extension)

(b) Gain drsquoaisance verbale gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies palliatives

Lrsquoameacutelioration de la fluence verbale srsquoaccompagne drsquoune restructuration des expressions agrave produire aboutissant agrave des simplifications de la formulation ou agrave lrsquoemploi preacutefeacuterentiel de certains morphegravemes

Ainsi en situation de production plus libre

la structuration morpho-lexicale est agrave la faveur des mots lexicaux les ellipses touchent en particulier les morphegravemes grammaticaux

des mots lexicaux viennent pallier les ellipses grammaticales tels que les adverbes ou les adjectifs numeacuteraux devant le nom

les particules discursives conjonctions et adverbiaux sont suremployeacutees et assurent une bonne coheacutesion discursive en production de discours continu

lrsquoemploi de formes verbales basiques (voire de verbes geacuteneacuteriques) au preacutesent ou agrave lrsquoinfinitif est preacutefeacutereacute

la structuration syntaxique est originale en ce sens que les constructions de forme non canonique sont tregraves freacutequentes elles reacutesultent de lrsquoellipse preacutefeacuterentielle de certains constituants (souvent le SN-S topicaliseacute et implicite avec le cas eacutecheacuteant anteacuteposition de lrsquoObjet ce qui revient agrave la structure (S)OV)

lorsque les constructions sont de forme canonique crsquoest-agrave-dire de laquo meilleure qualiteacute syntaxique raquo crsquoest souvent en reacutealiteacute le fait drsquoune structuration syntaxique eacuteleacutementaire (telles que les constructions avec un preacutesentatif ou des constructions avec peu drsquoarguments et tregraves peu complexifieacutees)

Et en situation de production plus contrainte

le recours au style elliptique est moins caracteacuteristique les eacutenonceacutes sont plus longs et eacutelaboreacutes et la qualiteacute de la morpho-syntaxe srsquoameacuteliore au prix drsquoun ralentissement du deacutebit verbal (crsquoest-agrave-dire une moindre aisance)

les constructions de forme canonique ainsi que les seacutequences bien formeacutees sont plus caracteacuteristiques

la formulation syntaxique srsquoappuie notamment sur des morphegravemes commodes (tels que la preacuteposition pour) et des structures pivots (telles que laquo X prendre Y pour Z raquo par exemple)

En reacutesumeacute que ce soit en production plutocirct libre ou en production plutocirct contrainte les agrammatiques recourent agrave diverses tactiques de structuration morpho-syntaxique conduisant

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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agrave une ameacutelioration globale de la fluence verbale etou de la qualiteacute morpho-syntaxique des formulations

Lorsque le style elliptique est moins convoqueacute comme en production contrainte la preacutecision grammaticale srsquoameacuteliore en quantiteacute et en qualiteacute au prix drsquoune moindre fluence verbale

(c) Gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies de reformulation

En situation de production contrainte les formulations sont de laquo meilleure qualiteacute morpho-syntaxique raquo gracircce aux strateacutegies meacutetalinguistiques

pour parvenir agrave la preacutecision grammaticale viseacutee le recours agrave des autocorrections ou agrave des proceacutedures de reformulation est plus caracteacuteristique des tacircches agrave haut degreacute de contrainte

ce gain de correction grammaticale (ou de preacutecision grammaticale) se fait au prix drsquoun ralentissement du deacutebit verbal

Autrement dit lrsquoaisance verbale est inversement correacuteleacutee au degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee en raison du temps suppleacutementaire de traitement deacutedieacute probablement aux proceacutedures reacuteflexives sur ce qui est produit Les pauses vides ou remplies qui srsquoallongent et se multiplient sont probablement neacutecessaires aux adaptations correctives ce qui ralentit de fait le deacutebit verbal

Un examen plus systeacutematique de la dureacutee et du co(n)texte drsquooccurrence des pauses et des pheacutenomegravenes de disfluence dans les diffeacuterents types de productions agrammatiques permettrait probablement de mieux appreacutecier la part de ces strateacutegies drsquoordre meacutetalinguistique selon les diverses conditions expeacuterimentales

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72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires

Scheacutema 10 Typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires188

188 La version initiale de cette typologie (voir SAHRAOUI et NESPOULOUS 2008) est ici remanieacutee

- Proceacutedures de reformulations et drsquoautocorrections (expliciteacutees ou silencieuses controcircle de la production)

- Planification de la formulation (expliciteacutee ou silencieuse)

- Eacutevitement de structures complexes

- Commentaires sur le code (notamment des modalisations)

CODIQUES

[lineacuteariteacute du code linguistique]

(phoneacutemiques lexico-seacutemantiques morphologiques

syntaxiques discursives)

ANALYTIQUES

[meacutetalinguistiques]

(reacuteflexion sur le code etou la cognition explicite ou implicite)

INTERACTIONNELLES

[non-verbales verbales]

(rocircles contexte et connaissances partageacutees)

- Non verbales gestes mimiques expressiviteacute et prosodie actes de langage recours agrave une autre modaliteacute (ex lrsquoeacutecrit ou le dessin)

- Verbales demande drsquoaide explicite reacutepartition des tours de paroles

PROCEacuteDURES COMPENSATOIRES (FONCTIONNELLES)

- Style elliptique reacuteduction quantitative intra-phrastique (eacutenonceacutes courts) aux deacutepens des morphegravemes grammaticaux

- Strateacutegies palliatives

conservation des eacuteleacutements lexicaux (noms adjectifs adverbes etc) recours freacutequents agrave certaines structurations morpho-syntaxiques commodes (ex eacuteleacutements pivots verbes geacuteneacuteriques)

simplification qualitative de la morphologie verbale (formes basiques) et de la syntaxe (formes canoniques simples ou pseudo-canoniques)

extension macro-discursive et recours aux particules de discours

- Strateacutegies drsquoorganisation pragmatico-discursive structuration informationnelle avec routines (ex topicalisation du Sujet dans le discours anteacuteposition de lrsquoObjet)

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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En vue drsquoameacuteliorer la fluence verbale et ou la qualiteacute morpho-lexicale et syntaxique des formulations toute une varieacuteteacute de strateacutegies est mise en place par le locuteur agrammatique

Le codage de lrsquoinformation srsquoil est entraveacute par le dysfonctionnement sous-jacent est tout de mecircme reacutealiseacute gracircce agrave la mobilisation de diverses proceacutedures compensatoires fonctionnelles eacutelaboreacutees dans les dimensions codique analytique et interactionnelle

Lors de la production drsquoun message ces trois dimensions sont ne sont pas exclusives les unes par rapport aux autres Ainsi par exemple une strateacutegie palliative peut selon les dispositions du locuteur srsquoappuyer sur une proceacutedure de reformulation et lrsquoemploi du style elliptique peut srsquoaccompagner de gestes varieacutes

Au niveau codique en particulier nous avons caracteacuteriseacute des strateacutegies de structuration du point de vue quantitatif (les strateacutegies drsquoellipses ou drsquoextensions) et qualitatif (les strateacutegies palliatives)

De la mecircme maniegravere ces diffeacuterentes strateacutegies ne sont pas exclusives les unes par rapport aux autres

En effet certaines strateacutegies palliatives comme le recours agrave des formes verbales basiques vont de pair avec les ellipses grammaticales telles que par exemple lrsquoomission drsquoun auxiliaire

Certaines proceacutedures compensatoires seraient donc mixtes189 les omissions de certains morphegravemes grammaticaux (par souci drsquoeacuteconomie du coucirct cognitif) se conjuguent au choix seacutelectif de certains morphegravemes (eacutegalement par souci drsquoeacuteconomie dans le cas drsquoune simplification mais aussi en guise de substitution palliative)

189 Drsquoapregraves une communication personnelle de NESPOULOUS (2004) laquo Il faut clairement (tenter de) diffeacuterencier (a) les eacuteconomies de coucirct de traitement (temps attention et meacutemoire de travail) on est lagrave dans le domaine du quantitatif et (b) les veacuteritables strateacutegies palliatives qui consistent en de veacuteritables substitutions comportementales (exemple prototypique au niveau lexical la peacuteriphrase agrave la place du mot preacutecis introuvable ) on est cette fois dans le domaine du qualitatif Dans lrsquoagrammatisme il nest pas toujours facile de diffeacuterencier clairement les deux types de pheacutenomegravenes Lellipse en est un bon exemple eacuteconomie certainement mais aussi choix seacutelectif de lessentiel dans un message Il y a donc tregraves certainement des strateacutegies mixtes en plus des strateacutegies plus typeacutees raquo

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73 Discussion et perspectives Nous souhaitons terminer lrsquoexposeacute des reacutesultats par une discussion geacuteneacuterale axeacutee sur les diffeacuterents domaines drsquointeacuterecircts que recouvre notre approche neuropsycholinguistique des adaptations dans lrsquoagrammatisme agrave savoir les dimensions neurolinguistique psycholinguistique linguistique et theacuterapeutique

731 La dimension neurolinguistique

7311 Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme

Drsquoabord drsquoapregraves lrsquoexamen de la production orale agrammatique il nous semble pertinent de consideacuterer que le trouble agrammatique nrsquoest effectivement pas exclusif du trouble paragrammatique Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme se veacuterifie en effet agrave travers la freacutequence et la qualiteacute de certains symptocircmes notamment les paraphasies lexicales et grammaticales Ce type de pheacutenomegravenes srsquoobserve agrave des degreacutes divers selon les sujets mais aussi selon les tacircches En effet au cocircteacute des omissions typiques de lrsquoagrammatisme nous avons pu observer lrsquooccurrence de substitutions (les laquo vraies substitutions raquo refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent) typiques du paragrammatisme Finalement lrsquohypothegravese de la classique double-dissociation entre trouble agrammatique et paragrammatique se trouve fragiliseacutee car les faits vont plutocirct dans le sens de lrsquohypothegravese drsquoune identiteacute de la nature des deacuteficits sous-jacents (HEESCHEN 1985)

Or la double-dissociation opeacutereacutee entre agrammatisme et paragrammatisme srsquoappuie sur le contexte drsquoapparition des symptocircmes de substitutions aphasie non fluente expressive pour lrsquoagrammatisme et aphasie fluente reacuteceptive et expressive pour le paragrammatisme

Drsquoautre part si lrsquoon prend en compte le caractegravere anosognosique de lrsquoattitude du sujet paragrammatique vis-agrave-vis de son trouble il est possible drsquoexpliquer la relative absence de controcircle de lrsquooutput et donc la freacutequence relativement eacuteleveacutee des paraphasies de toutes sortes

Et parallegravelement en admettant que lrsquoagrammatique ne manifeste pas le symptocircme drsquoanosognosie il parvient ainsi agrave mieux controcircler sa production gracircce au feedback audio-phonatoire demeureacute opeacuterationnel crsquoest pourquoi les traces de disfluences lui sont si caracteacuteristiques

En faisant ainsi lrsquohypothegravese que les freacutequences de laquo vraies substitutions raquo reflegravetent le mecircme dysfonctionnement sous-jacent et afin de mieux appreacutecier la validiteacute de la double-dissociation entre lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme des tests in vitro impliquant des aphasiques fluents versus non fluents et faisant varier les degreacutes drsquoauto-perception de lrsquooutput verbal pourraient probablement fournir des eacuteleacutements de reacuteponse Encore faut-il parvenir pour cela agrave dominer la variable drsquoauto-controcircle de la production verbale comme cela a eacuteteacute fait pour veacuterifier lrsquoexistence drsquoune boucle externe de monitoring (outer loop monitoring voir OOMEN et al 2001 citeacutes dans KOLK 2006 voir au point 2433(a) p 66) chez des sujets non aphasiques en ajoutant du bruit pendant la production Drsquoautre part une telle expeacuterience demanderait de trouver un moyen autre qursquoaudio-phonatoire pour amener des aphasiques fluents anosognosiques sur le seul plan verbal agrave avoir conscience des emplois inadeacutequates de leurs propres productions et de voir ainsi quelle serait leur reacuteaction devant une de leurs productions confuses (comme par exemple au moyen de dessins ou drsquoobjets repreacutesentant on-line la structure de la phrase produite effectivement par le sujet)

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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7312 Classifications des aphasies et variabiliteacutes de types freacutequences de symptocircmes

Les aphasies sont en geacuteneacuteral classeacutees selon des critegraveres seacutemiologiques dans lesquels il est rarement fait eacutetat des patrons de symptocircmes singuliers ou de la variabiliteacute inter-tacircches Ces singulariteacutes de comportement verbal sont observeacutees de fait sur le terrain et peuvent grandement fragiliser les preacutedictions drsquoune classification donneacutee fondeacutee sur les aspects qualitatifs des symptocircmes observeacutes qui demeurent bien sucircr indispensables en vue de donner des points de repegraveres sur les grands types drsquoaphasies

En effet les grandes variabiliteacutes inter-sujets et inter-tacircches qui peuvent notamment se deacutemontrer par les aspects quantitatifs (les freacutequences drsquooccurrences de symptocircmes) sont rarement abordeacutees dans les classifications de reacutefeacuterence et meacuteriteraient probablement drsquoecirctre mieux prise en consideacuteration Ainsi le tableau clinique agrammatique pourrait selon toute vraisemblance inteacutegrer le symptocircme de paraphasie agrave freacutequence variable selon les sujets et les tacircches de production en jeu Il en va de mecircme pour la double-dissociation noms verbes selon laquelle les verbes seraient plus toucheacutes que les noms dans lrsquoagrammatisme Sur ce point des analyses quantitatives et qualitatives plus pousseacutees des corpus collecteacutes pourraient eacuteventuellement mieux nous renseigner

7313 Postulats de fractionnement transparence suffisance et adaptations comportementales

Nous nous sommes poseacutee la question de lrsquoadeacutequation des postulats de fractionnement de transparence et de suffisance issus de la neuropsychologie vis-agrave-vis des adaptations eacutemergentes suite agrave la survenue drsquoun trouble Le postulat de fractionnement pose qursquoune leacutesion ceacutereacutebrale entraicircne un deacuteficit total ou seacutelectif affectant certains processus ou modules (voir CARAMAZZA et BERNDT 1985) Le systegraveme cognitif peut alors ainsi ecirctre fractionneacute en cas de pathologie Dans les cas ideacuteals (tregraves rares) un module perturbeacute laisse indemne les autres modules cognitifs Correacuteleacute au postulat de fractionnement le postulat de transparence suppose qursquoune performance pathologique reflegravete le fonctionnement normal du systegraveme cognitif en lrsquoabsence de la contribution du module reacuteputeacute deacuteficient Suivant ce principe en proceacutedant agrave la comparaison des performances pathologiques et normales il est exclu de deacuteduire de lrsquoobservation des faits la creacuteation de nouveaux processus sous-jacents Pour finir CARAMAZZA et BERNDT (1985) soutiennent que lrsquointerpreacutetation de faits issus de lrsquoeacutetude de cas pathologiques uniques (en raison de contraintes meacutethodologiques) peut suffire agrave identifier un processus sous-jacent en jeu dans une pathologie et ce sans ambiguumliteacute si lrsquoon se reacutefegravere par ailleurs aux informations deacutetailleacutees relatives aux autres capaciteacutes cognitives chez le mecircme sujet Pour autant le dispositif ideacuteal consiste agrave combiner lrsquoeacutetude de cas multiples ou de groupes de patients et la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas uniques

Ainsi appliqueacute agrave la theacuteorie drsquoadaptation le postulat de suffisance nous paraicirct adeacutequat Toutefois dans le cadre de cette eacutetude il ne nous a pas eacuteteacute possible de compiler plus drsquoinformations objectiveacutees agrave propos de chacun des participants (par des tests standardiseacutees cibleacutes sur un aspect particulier du traitement du langage ou mecircme la meacutemoire de travail

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

327

verbale) Cela aurait eacuteteacute tout agrave fait inteacuteressant de pouvoir les mettre en relation avec nos propres conclusions afin de les nuancer ou de les conforter Quand bien mecircme les corpus nous semblent parler drsquoeux-mecircmes en ce qui concerne les capaciteacutes de production du langage

Par ailleurs lrsquoadeacutequation des postulats de fractionnement et de transparence appliqueacutes agrave lrsquoagrammatisme peut susciter quelque interrogation pour la raison principale suivante les symptocircmes agrammatiques srsquoexpliquent dans une large mesure par le comportement adaptatif du locuteur agrammatique et pas seulement par le dysfonctionnement sous-jacent

En cas de trouble agrammatique crsquoest tout le systegraveme cognitif ou linguistique qui est deacuteseacutequilibreacute et qui sous la pression de divers facteurs doit se reacuteeacutequilibrer En effet tout en gardant agrave lrsquoesprit que laquo rien de nouveau ne se creacutee raquo et en admettant que le systegraveme cognitif agrave lrsquoorigine du comportement langagier se reacuteeacutequilibre en fonction des nouvelles dispositions cognitives le postulat de transparence peut sembler caduque

Par contre si lrsquoon considegravere que lrsquoeacutequilibration srsquoopegravere seulement au niveau du comportement crsquoest-agrave-dire au niveau de ses instanciations en situation sans influencer les structures cognitives sous-jacentes les postulats de fractionnement et de transparence reacutesistent agrave la theacuteorie drsquoadaptation

Sans vraiment trancher clairement sur cette question KOLK (2006 242) insiste sur le fait que lrsquoagrammatique doit solliciter des comportements peu habituels ce que ne preacutevoient pas de tels postulats

laquo Le fait de parler [systeacutematiquement] par ellipses nrsquoest pas habituel pour un locuteur ordinaire Ce faisant le locuteur agrammatique [qui eacutetait avant son trouble un locuteur ordinaire]190 doit ecirctre capable de convoquer des formulations atypiques peu freacutequentes en vue de srsquoadapter agrave son deacuteficit Cette aptitude est de maniegravere implicite reacutefuteacutee par le postulat de transparence raquo

En conclusion nous dirons simplement que la theacuteorie drsquoadaptation nous paraicirct rendre quelque peu inadeacutequate toute approche statique des pheacutenomegravenes agrammatiques En effet le postulat de transparence qui nous semble de toute maniegravere indispensable agrave la description structurale du substrat neuro-biologique deacutedieacute au langage gagne agrave ecirctre nuanceacute suivant une vision dynamique et fonctionnelle de la cognition

Drsquoailleurs drsquoaucuns nrsquoignorent que la neuropsychologie actuelle srsquoemploie agrave revisiter certains de ses paradigmes laquo figeacutes raquo agrave travers la theacuteorie drsquoadaptation drsquoautant que les variabiliteacutes des performances fragilisent les approches du laquo tout ou rien raquo (voir PILLON 1987 et au point 342 p 102)

190 Crsquoest nous qui soulignons laquo Speaking elliptically is unusual for normal speakers So agrammatic speakers must be able to recruit infrequent ways of responding in order to adapt to their deficit The ability to do so is implicitly denied in the transparency assumption raquo

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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732 La dimension psycholinguistique

7321 Adaptations et modegravele de la performance psycholinguistique

Drsquoabord drsquoapregraves la theacuteorie drsquoadaptation il nous semble important de preacuteciser que le recours aux strateacutegies nrsquoimplique pas de changement per se du mode drsquoencodage de lrsquoinformation linguistique Autrement dit les types de processus engageacutes lors de la performance agrave lrsquooral ne varient pas par laquo nature raquo Le fait qursquoon se place dans un modegravele plutocirct connexionniste ou modulaire nrsquoy change rien Selon lrsquoapproche proceacutedurale il y a bien un dysfonctionnement qui entrave la formulation mais celle-ci srsquoopegravere quand mecircme malgreacute ce dysfonctionnement suivant les ressources disponibles (laquo la fenecirctre temporelle de traitement raquo voir KOLK et VAN GRUNSVEN 1985 et KOLK 1995 au point 32 p 92) et en adaptant le format du message agrave produire gracircce aux diverses strateacutegies compensatoires drsquoordre quantitatif et qualitatif Cela confirme bien que le sujet agrammatique a gardeacute certains laquo moyens psycholinguistiques raquo et lrsquoeacutetablissement des strateacutegies ne prouve pas qursquoil y a des processus nouveaux engageacutes

Drsquoautre part du point de vue du dysfonctionnement sous-jacent nous nous sommes interrogeacutee sur les occurrences de pheacutenomegravenes marginaux mais eacutetonnants du seul fait de leur preacutesence mecircme tregraves rares (parfois unique) au sein de longs corpus En effet lrsquooccurrence drsquoune phrase au passif formuleacutee spontaneacutement et correctement parmi une vaste quantiteacute de donneacutees serait la preuve que certains processus drsquoencodage plus complexes ne sont pas complegravetement entraveacutes par la laquo reacuteduction de la fenecirctre temporelle raquo et que peut-ecirctre le degreacute de deacuteficit sous-jacent peut varier chez un mecircme sujet

7322 Particules de discours organisation macro-discursive reacuteduction intra-phrastique et coucirct drsquoencodage

Ensuite le recours agrave des strateacutegies drsquoorganisation macro-discursive suggegravere que le formatage du message agrave produire srsquoappuie sur lrsquoeacutetape preacute-verbale de formulation suivant le modegravele de LEVELT (voir au point 303 p 82) Preuve en est que lrsquoutilisation des particules de discours dans le fil du discours ne semble poser aucune difficulteacute (sauf pour un des sujets qui utilise de nombreux adverbes en guise de particules et seulement deux conjonctions isoleacutees)

En effet les difficulteacutes surgissent lorsqursquoil srsquoagit drsquoutiliser et donc drsquoencoder une seacutequence phrastique inteacutegreacutee Ainsi lorsqursquoune particule de discours telle que et est freacutequemment employeacutee sans difficulteacute en guise de particule le coordonnant syntaxique et par contre ne lrsquoest pas si freacutequemment Le seul fait qursquoil faille inteacutegrer un eacuteleacutement dans une seacutequence phrastique demande un coucirct drsquoencodage suppleacutementaire difficilement supportable La juxtaposition de syntagmes en teacutemoignent Selon nous il est manifeste que la reacuteduction des capaciteacutes de traitement compromette lrsquointeacutegration morpho-syntaxique de la phrase mais pas lrsquoorganisation macro-discursive

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Cela nous laisse donc penser que les processus drsquoencodage lieacutes agrave des eacutetapes plus profondes de la geacuteneacuteration psycholinguistique sont toujours tregraves opeacuterationnels probablement parce qursquoils srsquoaccomplissent anteacuterieurement agrave lrsquoeacutetape drsquointeacutegration syntaxique et que la fenecirctre temporelle lieacutee agrave lrsquoencodage drsquoun message agrave produire mecircme reacuteduite dispose drsquoassez de marge pour traiter ce type drsquoinformation Ainsi la meacutemoire de travail et sa fonction increacutementale traite les processus drsquoencodage lieacutes au niveau macro-discursif sans que cela ne pose de difficulteacute Par contre les processus lieacutes au niveau micro-discursif seraient de ce fait plus difficilement pris en charge En effet lrsquoespace temporel de traitement (la fenecirctre temporel) est deacutejagrave occupeacute par la prise en charge des traitements de processus anteacuterieurs Selon nous cela pourrait expliquer pourquoi lrsquoencodage de niveau macro-discursif semble preacuteserveacute (lrsquoextension discursive et le recours preacutefeacuterentiel aux particules de discours en sont un signe) aux deacutepens de lrsquoencodage du niveau micro-discursif (lrsquoemploi du style elliptique en deacutefaveur de certains morphegravemes pour lrsquoessentiel grammaticaux dont lrsquoencodage est posteacuterieur)

En deacutefinitive lorsque lrsquoagrammatique vise agrave une correction grammaticale plus eacuteleveacutee comme en production de phrases isoleacutees par exemple lrsquoencodage intra-phrastique est alors viseacute et les ressources mobiliseacutees en conseacutequence mais les vraies erreurs de substitutions deviennent en contrepartie plus risqueacutees aux deacutepens drsquoune organisation discursive qursquoil nrsquoest pas neacutecessaire de prendre en charge

Ainsi conjugueacutee agrave lrsquohypothegravese des strateacutegies cette interpreacutetation psycholinguistique sur la gestion des ressources cognitives peut ainsi expliquer une partie des variabiliteacutes de performances inter-tacircches Pour mieux comprendre lrsquoagrammatisme il nous paraicirct important de ne pas se borner aux frontiegraveres de la phrase

En compleacutement du modegravele de LEVELT au demeurant assez laconique sur les processus drsquoorganisation discursive un modegravele psycholinguistique de la production textuelle agrave lrsquooral pourrait probablement nous amener agrave nuancer ou agrave revoir les relations en termes structuraux et proceacuteduraux entre processus drsquoencodage de niveau macro-discursif et processus drsquoencodage de niveau phrastique

Au final on pourrait ainsi tenter de mieux caracteacuteriser les implications mutuelles entre les processus drsquoencodage de lrsquoorganisation macro-discursive et micro-discursive De cette maniegravere les processus drsquoencodage ou strateacutegies lieacutees agrave la coheacutesion discursive agrave travers la gestion de lrsquoanaphore par exemple ou agrave travers la planification discursive pourraient ecirctre deacutecrits agrave la lumiegravere des donneacutees agrammatiques

7323 Caractegravere volontaire involontaire des adaptations

Srsquoagissant du caractegravere volontaire ou involontaire conscientiseacute ou non conscientiseacute occasionnel ou systeacutematiseacute des comportements adaptatifs il est difficile de donner une reacuteponse claire et trancheacutee

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Agrave lrsquoinstar de KOLK (2006) il est possible de reacutepondre par la question rheacutetorique suivante est-ce que le locuteur ordinaire se met agrave reacutefleacutechir lorsqursquoil adopte le style de parler elliptique caracteacuteristique de la conversation

Drsquoautre part lrsquoagrammatique nrsquoest jamais laquo agrammatique du jour au lendemain raquo En effet lrsquoagrammatisme apparaicirct progressivement ce qui suggegravere que pour verbaliser le patient deacuteveloppe peu agrave peu un comportement adaptatif De plus nous avons remarqueacute que certaines strateacutegies sont hautement conscientiseacutees (telles que des reformulations ou des planifications) alors que drsquoautres surviennent agrave lrsquoinsu du locuteur (lrsquoellipse drsquoun auxiliaire ou une substitution palliative entre verbes) ou du moins de maniegravere systeacutematique (la simplification de la morphologie verbale)

Vu ces eacuteleacutements nrsquoest-il pas preacutefeacuterable de se demander drsquoabord comment une strateacutegie se met en place et pourquoi elle semble systeacutematiseacutee ce qui permettra de se demander ensuite si les strateacutegies drsquoadaptations sont volontaires et conscientiseacutees ou involontaires et non conscientiseacutees Une eacutetude longitudinale centreacutee sur lrsquoeacutemergence des adaptations et leurs eacutevolutions et eacuteventuellement lrsquointrospection des locuteurs agrammatiques pourraient peut-ecirctre apporter quelque nouvel eacuteclairage sur la question

7324 Agrammatisme et acquisition drsquoune LE

Pour finir cette seacutequence psycholinguistique nous nous autorisons deux parallegraveles entre le domaine des pathologies du langage et celui de lrsquoacquisition des langues eacutetrangegraveres

Le premier parallegravele a trait aux similitudes entre lrsquoagrammatisme et certains eacutetats de la langue eacutetrangegravere parleacutee par des apprenants adultes Certaines des strateacutegies que nous avons pu identifier surtout celles qui relegravevent des aspects qualitatifs de lrsquoorganisation linguistique (telles que les proceacutedures de simplification de la morphologie verbale et de la syntaxe) furent eacutegalement documenteacutees agrave travers les travaux KLEIN et PERDUE (1997)191 Ces derniers ont deacutecrit le parler du locuteur adulte drsquoune langue eacutetrangegravere (LE) en situation drsquoapprentissageacquisition non guideacutee comme eacutetant une laquo varieacuteteacute de parler basique raquo (Basic Variety)

Le point de vue est bien sucircr plus sociolinguistique que psycholinguistique mais nous lui trouvons de forts points communs avec la theacuteorie drsquoadaptation concernant lrsquoagrammatisme Il faut bien sucircr garder agrave lrsquoesprit que lrsquoaphasique et le locuteur drsquoune LE se trouvent dans des situations de difficulteacute de natures diffeacuterentes (difficulteacutes neuropsychologiques pour lrsquoun contact de langues pour lrsquoautre) Mais communeacutement aux deux situations lrsquoeacutemergence drsquoadaptations du codage linguistique est un fait192

191 Drsquoapregraves une communication personnelle de ROUGEacute (2007) 192 Rappelons lrsquoanalogie formuleacutee par PICK (1923 citeacute par SPREEN 1973 voir au point 241) entre agrammatisme et pidgin (laquo langues drsquourgence raquo)

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Le deuxiegraveme parallegravele celui-ci drsquoordre psycholinguistique peut ecirctre eacutegalement suggeacutereacute entre lrsquohypothegravese selon laquelle lrsquoagrammatique controcircle ses productions gracircce au dispositif de feedback audio-phonatoire demeureacute opeacuterationnel et lrsquohypothegravese dite du laquo monitoring raquo proposeacutee par KRASHEN 1981) selon laquelle les autocorrections ne sont possibles qursquoagrave condition que lrsquoapprenant de la LE puisse identifier ses laquo erreurs raquo ce qui implique pour lui aussi drsquoavoir conscience de la qualiteacute de son expression

733 La dimension linguistique

7331 Aspects meacutethodologiques

(a) Analyse des pheacutenomegravenes de substitutions

Du point de vue des analyses appliqueacutees en tant que telles la preacutesence de pheacutenomegravenes de substitutions ne nous a pas eacutechappeacute Ces pheacutenomegravenes ont eacuteteacute autant que faire se peut signaleacutes au sein des feuilles de travail sur corpus en particulier les pheacutenomegravenes de paraphasies grammaticales ou lexicales Ensuite les analyses qualitatives de substitutions notables nous ont ameneacutee agrave opeacuterer une distinction entre laquo vraies substitutions raquo (refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent) et substitutions laquo tactiques raquo crsquoest-agrave-dire strateacutegiques et palliatives (telles que lrsquoemploi drsquoun verbe geacuteneacuterique par deacutefaut ou le recours freacutequent aux adjectifs numeacuteraux en guise de deacuteterminants au pluriel)

Or les pheacutenomegravenes de substitutions nrsquoont pas fait lrsquoobjet de traitement quantitatif systeacutematique

Quand bien mecircme il nous a sembleacute globalement que plus la preacutecision grammaticale est viseacutee par lrsquoagrammatique (comme en production de phrases isoleacutees versus en production libre spontaneacutee) et plus les freacutequences de substitutions de types divers srsquoaccentuent

Ainsi seule une analyse quantitative meacutethodique partant de cette distinction fondamentale entre laquo vraies substitutions raquo et laquo substitutions tactiques raquo permettrait drsquoenvisager plus nettement la part des symptocircmes neacutegatifs et la part des symptocircmes adaptatifs que lrsquoon peut appreacutehender agrave travers ce type de pheacutenomegravenes

En effet le protocole drsquoanalyse quantitative original (QPA) ne preacutevoit pas lrsquoeacutetude des freacutequences de substitutions probablement parce que ce type de symptocircme nrsquoest pas encore reacuteellement bien deacutefini dans la litteacuterature sur lrsquoagrammatisme et abordeacute seulement dans les travaux axeacutes sur la mise en eacutevidence des adaptations (agrave lrsquoinstar de NESPOULOUS et des strateacutegies palliatives voir au point 245 p 74)

Il serait possible de cette maniegravere de veacuterifier si les variations de freacutequences de substitutions confirment bien notre intuition de deacutepart issue de lrsquoobservation de corpus agrammatiques De surcroicirct nous pourrions ainsi tenter drsquoapporter un eacuteclairage suppleacutementaire agrave travers une

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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caracteacuterisation plus fine de certaines strateacutegies palliatives et ce faisant de mettre en perspective certaines proprieacuteteacutes du systegraveme linguistique exploiteacutees pour le codage grammatical de lrsquoinformation

(b) Corpus et aphasiologie

Nous sommes convaincue que le domaine de lrsquoaphasiologie a besoin de vastes corpus aphasiques mutualiseacutes Cela permettrait de faciliter lrsquoaccegraves aux donneacutees patholinguistiques pour qui souhaite se familiariser avec la production de discours aphasique drsquoautant plus lorsqursquoil srsquoagit de troubles tregraves rares tels que lrsquoagrammatisme

De plus une vaste quantiteacute de donneacutees est mieux appreacutecieacutee sur le plan de la repreacutesentativiteacute que des fragments eacutepars inexploitables du fait du manque drsquoharmonisation des aspects eacutethiques des conventions de transcription ou drsquoannotations

Dans cette perspective la constitution drsquoune base de donneacutees informatiseacutee internationale et translinguistique appeleacutee AphasiaBank193 vise agrave archiver et rendre directement accessibles de vastes eacutechantillons de donneacutees (sous leur forme sonore videacuteo et retranscrite) et ainsi favoriser lrsquoeacutechange et la mutualisation de corpus aphasiques Lrsquoobjectif est notamment de revoir la classification des aphasies par des analyses linguistiques systeacutematiques automatiseacutees pratiqueacutees sur de long corpus

Nos corpus peuvent ainsi contribuer agrave alimenter cette base de donneacutees ougrave la langue franccedilaise nrsquoest pas encore repreacutesenteacutee apregraves transcodage dans le format de fichier normaliseacute En effet la conversion de nos fichiers numeacuteriques (les feuilles de travail sur corpus qui sont pour lrsquoinstant supporteacutees par un tableur classique) peut ecirctre aiseacutement et rapidement reacutealiseacutee194 Il serait bien sucircr neacutecessaire de reacuteadapter certains codages drsquoeacutetiquettes que nous avons choisis lors de lrsquoeacutetape de preacute-traitement de nos corpus tels que lrsquoeacutetiquetage speacutecifique des particules de discours par exemple ou les indices de pheacutenomegravenes drsquoomissions (ellipses) ou de substitutions ou mecircme les critegraveres de segmentation du discours en uniteacutes distinctes

En outre les outils drsquoannotations pratiques tels que lrsquoalignement du signal sonore sur les transcriptions peuvent notamment ouvrir des perspectives drsquoanalyses assez prometteuses (comme par exemple la mesure preacutecise des dureacutees des pauses et leur contexte drsquooccurrence afin drsquoeffectuer des mesures plus fines de la fluence verbale)

Surtout les traitements automatiques des corpus centreacutes sur les aspects structuraux (phonologiques etou morpho-syntaxiques) peuvent permettre de faire lrsquoeacuteconomie drsquoanalyses pratiqueacutees laquo manuellement raquo qui se sont reacuteveacuteleacutees pour nous extrecircmement coucircteuses en temps

193Voir httptalkbankorgAphasiaBank Le projet AphasiaBank a eacuteteacute lanceacute dans le cadre du systegraveme TalkBank (voir httptalkbankorg) par B MacWhinney et A Holland en 2005 sur le modegravele de lrsquoexpeacuterience du systegraveme CHILDES (Child Language Data Exchange System avec les logiciels de transcription et drsquoarchivage CHAT et drsquoanalyse CLAN voir MACWHINNEY (2000) 194 Drsquoapregraves une tentative de B MacWhinney (2008)

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et en eacutenergie De plus le traitement automatique des corpus peut eacutegalement permettre drsquoeacuteviter les laquo erreurs humaines raquo de traitement laquo manuel raquo Quand bien mecircme les analyses laquo manuelles raquo ont eu lrsquoavantage de nous permettre de mieux nous rendre compte des implications de tels traitements quantitatifs appliqueacutes agrave des corpus agrammatiques Cela peut se reacuteveacuteler constituer un apport certain pour leur eacuteventuelle impleacutementation dans un programme de traitement automatiseacute

En conclusion de cette partie consacreacutee aux perspectives de reacute-traitement des donneacutees nous insistons sur le fait que les corpus oraux pathologiques constituent une large fenecirctre ouverte sur les processus psycholinguistiques engageacutes dans la geacuteneacuteration du langage et ses instanciations Les domaines de la psycholinguistique et de lrsquoaphasiologie gagnent ainsi agrave srsquoarmer des concepts et outils de la linguistique de lrsquooral pour alimenter ses questions de recherche et en poser de nouvelles

7332 Aspects theacuteoriques

Nous avons deacutejagrave eacutevoqueacute le fait que certaines descriptions de formulations morpho-syntaxiques singuliegraveres pourraient tout en eacutetant mieux circonscrites trouver des prolongements interpreacutetatifs gracircce agrave la theacuteorie linguistique (telles que le recours preacutefeacuterentiel aux particules de discours notamment les adverbes ou la structuration syntaxique de type (S)OV) )

Ainsi des analyses qualitatives compleacutementaires srsquoappuyant sur des conceptions issues drsquohorizons divers de la typologie des langues agrave la pragmatique linguistique nous semblent revecirctir un inteacuterecirct fondamental car elles peuvent contribuer agrave soutenir theacuteoriquement les descriptions de pheacutenomegravenes agrammatiques En effet la flexibiliteacute des systegravemes linguistiques et le caractegravere universel de certaines de leurs proprieacuteteacutes fondamentales modeacuteliseacutees par la theacuteorie linguistique preacutesident au deacuteploiement de strateacutegies Les strateacutegies sont rappelons-le largement tributaires des proprieacuteteacutes de la langue utiliseacutee par le locuteur

Dans cet esprit et comme nous lrsquoavons deacutejagrave suggeacutereacute (voir au point 345 p 107) lrsquoapplication des concepts et outils drsquoanalyse de la Grammaire Fonctionnelle (DIK 1989) et ou de la Grammaire Fonctionnelle du Discours (HENGEVELD et MACKENZIE 2006a) sur la production agrammatique nous semble tout agrave fait envisageable

Dans notre cas pratique les analyses agrave privileacutegier au deacutepart doivent srsquoattacher agrave speacutecifier les regravegles drsquoexpression preacutesidant agrave la formation drsquoun eacutenonceacute et particuliegraverement les meacutecanismes drsquoagreacutegation des opeacuterateurs grammaticaux π1 et π2 drsquoune part et de satellites lexicaux σ1 et σ2 drsquoautre part autour de la preacutedication noyau aboutissant agrave la strate de preacutedication eacutetendue

Ce faisant la structuration drsquoeacutenonceacutes agrammatiques pourraient certainement ecirctre deacutecrites par ces moyens en vue drsquoune modeacutelisation subseacutequente des pheacutenomegravenes drsquointeacuterecirct que sont les adaptations des expressions linguistiques en contexte pathologique

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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734 La dimension theacuterapeutique

Certaines hypothegraveses explicatives de lrsquoagrammatisme que nous avons eacutevoqueacutees dans la premiegravere partie consacreacutee aux repegraveres theacuteoriques ont connu des prolongements applicatifs inteacuteressants tels que la mapping therapy drsquoapregraves lrsquohypothegravese du mapping (SCHWARTZ et al 1994) ou le systegraveme informatique drsquoassistance agrave la production orale aphasique conccedilu dapregraves lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation et lrsquohypothegravese proceacutedurale (mis au point et eacuteprouveacute par LINEBARGER et al 2000 et LINEBARGER et al 2007)

Drsquoautres protocoles de reacuteeacuteducation ont eacuteteacute conccedilus par divers auteurs comme la laquo theacuterapie preacuteventive raquo (BEYN et SHOKKOR-TROTSKAYA 1966 citeacutes par SEacuteRON 1979 49-50) le HELPSS (Helm Elicited Language Program for Syntax Stimulation voir HELM-ESTABROOKS et RAMSBERGER 1986 citeacutes par LECONTE et al 2006) puis le SPPA (Sentence Production Program for Aphasia voir HELM-ESTABROOKS et NICHOLAS 2000 adapteacute au franccedilais par LECONTE et al 2006) ou le VCP (Visual Cue Program VAN DE SANDT-KOENDERMAN et BONTA 1998)

Malheureusement nous nrsquoavons pas abordeacute en deacutetail la question de la theacuterapie dans le domaine de lrsquoagrammatisme195 mais cela ne veut pas dire que nous lrsquoignorons

En effet la preacutesente eacutetude vise agrave mieux caracteacuteriser les strateacutegies deacuteployeacutees et les beacuteneacutefices qursquoelles peuvent apporter dans lrsquoexpression (en termes de fluence et de qualiteacute de formulation) ce qui bien naturellement nous amegravene agrave nous poser la question de la place des strateacutegies en theacuterapie du langage comment les envisager concregravetement dans la reacuteeacuteducation

Nrsquoeacutetant pas formeacutee agrave la theacuterapie du langage on se gardera bien de proposer quelque modaliteacute de prise en charge theacuterapeutique Cela ne pourrait srsquoenvisager qursquoen eacutetroite collaboration avec des theacuterapeutes en contact quotidien avec les aphasiques

Pour finir il nous paraicirct utile de souligner que les outils drsquoeacutevaluation sont la plupart du temps axeacutes sur une caracteacuterisation du dysfonctionnement alors que la dimension adaptative qui deacutetermine pour une part non neacutegligeable lrsquoeacutemergence de symptocircmes drsquoadaptation linguistiques ne peut ecirctre eacuteludeacutee De ce point de vue la conception drsquooutils et de techniques drsquoeacutevaluation des capaciteacutes linguistiques pourrait ainsi inteacutegrer la variabiliteacute des performances aphasiques en tant qursquoindice fiable des adaptations du locuteur agrave sa situation

195 Pour une revue de cette question voir notamment SPRINGER et al (2000) VAN DE SANDT-KOENDERMAN et BONTA (1998) et PAPATHANASIOU et DE BLESER (2003)

Conclusion

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Conclusion geacuteneacuterale

Nous avons dans un premier temps tenteacute de mieux comprendre les enjeux theacuteoriques poseacutes par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme Il en est ressorti que lrsquoapproche linguistique de ses manifestations de surface doit pouvoir srsquoarticuler avec un modegravele psycholinguistique de la performance pouvant expliquer du point de vue des processus sous-jacents le dysfonctionnement en jeu mais aussi ses conseacutequences du point de vue des adaptations motiveacutees par le besoin de formuler un message (et plus largement de communiquer)

Ainsi crsquoest en inteacutegrant la dimension linguistique de la description des symptocircmes drsquoadaptation et la dimension psycholinguistique de la performance langagiegravere que nous avons tenteacute de mieux deacutecrire lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives dans un cadre fonctionnel

En effet lrsquoeacutetude du langage agrammatique et plus largement pathologique requiert lrsquoarticulation des dimensions neurologique psycho-cognitive et linguistique Plus largement notre approche des pheacutenomegravenes agrammatiques srsquoinscrit dans une theacuteorie neuro-psycho-linguistique globale drsquoinspiration fonctionnaliste ougrave le deacuteficit sous-jacent est agrave relativiser dans une perspective de handicap verbal situeacute

Nous avons alors eacutelaboreacute un protocole de collecte de donneacutees orales impliquant quatre tacircches de production preacutesentant des degreacutes de contraintes varieacutes et ce faisant induisant plus ou moins de preacutecision grammaticale suivant la situation expeacuterimentale mise en place En effet notre hypothegravese de deacutepart reposait sur lrsquoideacutee que des variations inter-tacircches pouvaient refleacuteter les strateacutegies varieacutees utiliseacutees par les locuteurs en relation au degreacute de preacutecision grammaticale requis par une tacircche de production donneacutee

En vue des traitements quantitatifs et qualitatifs agrave appliquer nous avons mis en forme les corpus oraux et adapteacute un protocole drsquoanalyse quantitative deacutejagrave eacuteprouveacute en aphasiologie

Nous avons ainsi compareacute les productions drsquoun groupe de neuf locuteurs controcircles et six locuteurs agrammatiques suivant les diverses tacircches de production (en reacutecit autobiographique spontaneacute en narration de contes en narration drsquohistoires ineacutedites drsquoapregraves quatre images et en production de phrases isoleacutees drsquoapregraves 60 images)

Les reacutesultats des analyses quantitatives et qualitatives cibleacutees sur les aspects morpho-lexicaux syntaxiques et discursifs ainsi que sur certains aspects de la fluence verbale ont permis de montrer que les agrammatiques adaptent leur formulation grammaticale en fonction du type de discours cible et de la preacutecision grammaticale viseacutee et ce agrave lrsquoaide de diverses strateacutegies compensatoires

Conclusion

336

Nous avons ainsi mis en eacutevidence les variabiliteacutes inter-groupes et inter-tacircches non aleacuteatoires caracteacuteristiques de strateacutegies elliptiques correctives et palliatives deacuteployeacutees par les locuteurs agrammatiques Lrsquoutilisation de toute une varieacuteteacute de strateacutegies compensatoires aboutit globalement agrave une ameacutelioration de lrsquoaisance verbale et ou de la laquo correction raquo grammaticale

Les adaptations que nous avons ainsi deacutecrites srsquoeacutelaborent au niveau phrastique et macro-discursif

En conseacutequence nous avons deacutegageacute des lois de performances refleacutetant les ajustements des formulations linguistiques lieacutees aux comportements adaptatifs du locuteur agrammatique

En outre lrsquoexamen des variabiliteacutes inter-sujets a reacuteveacuteleacute des patrons de conduites singuliegraveres influenceacutees par le type et la seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent et deacuteterminant lrsquoutilisation de certaines strateacutegies compensatoires laquo preacutefeacutereacutees raquo par le locuteur agrammatique

Pour finir nous proposons une typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires dans lrsquoaphasie agrammatique recouvrant les dimensions codique analytique et interactionnelle de la performance langagiegravere

Nous en sommes encore plus convaincue qursquoau deacutepart le patient agrammatique laquo deacuteficitaire raquo est aussi potentiellement un laquo locuteur strateacutegique raquo En effet les strateacutegies srsquoeacutelaborent drsquoapregraves les proprieacuteteacutes intrinsegraveques agrave tout systegraveme linguistique et ne sont que le reflet du potentiel adaptatif du patient-locuteur en proie agrave ses difficulteacutes drsquoexpression et agrave son environnement

Le patient-locuteur fait face agrave son incapaciteacute en adaptant lrsquoexpression agrave produire gracircce aux proprieacuteteacutes structurales et fonctionnelles qursquooffre le systegraveme linguistique dans son utilisation Crsquoest pourquoi nous insistons encore une fois sur lrsquointeacuterecirct drsquoune approche reacutesolument linguistique et fonctionnelle du discours pathologique inteacutegrant les aspects cognitifs de la performance langagiegravere en vue de modeacuteliser le comportement adaptatif et la flexibiliteacute cognitive qui le sous-tend dans le cas de lrsquoaphasie

Nous ajoutons qursquoune meilleure connaissance des strateacutegies compensatoires de lrsquoaphasique demeure utilisable dans les perspectives de diagnostic et de theacuterapie Nous avons vu tout au long de cette eacutetude que les strateacutegies utiliseacutees par les agrammatiques peuvent ameacuteliorer lrsquoaisance verbale mecircme si crsquoest au prix de formulations eacuteloigneacutees de la norme grammaticale Et finalement une question fondamentale lieacutee au type de cible linguistique agrave viser en theacuterapie du langage eacutemerge et meacuterite drsquoecirctre clairement poseacutee faut-il privileacutegier la norme en reacuteprimant la mise en place et le recours agrave certaines strateacutegies Ou faut-il privileacutegier la mise en place de proceacutedures drsquoadaptation aboutissant certes agrave une mise en mots originale au deacutetriment de la laquo correction raquo grammaticale mais qui au demeurant peut aider agrave ameacuteliorer lrsquoaisance verbale Nous ne sommes pas en mesure drsquoapporter une reacuteponse trancheacutee agrave cette question

Nous dirons simplement pour finir que toute personne plongeacutee dans le cauchemar de lrsquoaphasie garde toujours si toutefois son environnement le lui permet son indeacutefectible statut de locuteur drsquoune langue naturelle

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Index des scheacutemas tableaux et illustrations

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Index des scheacutemas tableaux et illustrations Scheacutema 1 Approche globale et dynamique de lrsquoaphasie deacuteficit sous-jacent incapaciteacute verbale handicap communicationnel et principe drsquoadaptation 23

Scheacutema 2 Modegravele de GARRETT les eacutetapes de lrsquoencodage drsquoun message impliqueacutees dans la production orale (1984 174 repris par CAPLAN 1996 322)79

Scheacutema 3 Le modegravele de LEVELT (repris de LEVELT 1999 87)83

Scheacutema 4 Structure syntaxique associeacutee au lemme seacutelectionner (drsquoapregraves LEVELT 1999 98) 85

Scheacutema 5 Structure syntaxique de surface unification des lemmes (drsquoapregraves LEVELT 1999 98) 87

Scheacutema 6 Synthegravese les approches linguistique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme101

Scheacutema 7 Ellipses de NESPOULOUS Neuro-psycho-linguistique et paradigme theacuteorique fonctionnaliste 112

Scheacutema 8 Principes meacutethodologiques de mise en eacutevidence des pheacutenomegravenes drsquoadaptation caracteacuterisation des variations inter-tacircches issues de lrsquointeraction entre incapaciteacutes drsquoencodage capaciteacutes drsquoencodage preacuteserveacutees et contraintes de la situation expeacuterimentale118

Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux165

Scheacutema 10 Typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires323

Tableau 1 Les diffeacuterentes formes drsquoaphasies17

Tableau 2 Exemples de corpus oraux Cendrillon raconteacutee par une locutrice controcircle et un locuteur agrammatique 27

Tableau 3 Constructions elliptiques non finies (non finite clauses) employeacutees par lrsquoagrammatique adapteacute de KOLK (2006 246-247 donneacutees du hollandais traduites en franccedilais)69

Tableau 4 Principes caracteacuterisant les degreacutes de contraintes associeacutes agrave chaque tacircche de production 122

Tableau 5 Seacutequences drsquohistoires de Maicirctre Jacot retenues (7 sur 12) pour les analyses quantitatives tacircche 3 de production de discours continu 129

Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)132

Tableau 7 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 6 participants agrammatiques et 9 participants controcircles 139

Tableau 8 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques 140

Tableau 9 Variables individuelles intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle (drsquoapregraves SEacuteRON 1979 41) 142

Tableau 10 Caracteacuteristiques des participants controcircles 143

Tableau 11 Segmentation et cotation des eacutenonceacutes en fonction de critegraveres structurels formels 161

Tableau 12 Tacircches et types de donneacutees collecteacutees (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute au franccedilais et agrave drsquoautres tacircches de production) 172

Tableau 13 Nature et quantiteacute de donneacutees verbales (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute)173

Tableau 14 Protocole de recueil de donneacutees (reacutesumeacute) locuteurs tacircches corpus175

Tableau 15 Valeurs brutes CORPUS quantiteacute de donneacutees soumises aux analyses (dureacutees des corpus nombre de mots produits de mots extraits et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes totaux et intervalles)226

Index des scheacutemas tableaux et illustrations

354

Illustration 1 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(a) production de discours continu (conte du Petit Chaperon Rouge Imageries drsquoEpinal) 126

Illustration 2 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(b) production de discours continu (conte de Cendrillon Imageries drsquoEpinal) 126

Illustration 3 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 3 production de discours continu128

Illustration 4 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 4 production de phrases isoleacutees 131

Index des figures

355

Index des figures Figure 1 Nombre de mots produits ( Mots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes227

Figure 2 Nombre de mots extraits ( Mots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 229

Figure 3 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 230

Figure 4 Proportion de mots extraits parmi les mots produits pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes232

Figure 5 Proportion de mots extraits parmi les mots produits (Prop Mots extMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 233

Figure 6 Deacutebit verbal moyen en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) et en nombre de mots extraits (Deacutebit Mots ext) par minute pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes235

Figure 7 Deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 237

Figure 8 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots produits (Long Moy E Seg(Mots prod) agrave gauche) et en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes 238

Figure 9 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots extraits pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 241

Figure 10 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg barres) et longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) points) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite) 243

Figure 11 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes246

Figure 12 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 247

Figure 13 Proportion de conjonctions agrave valeur discursive (Prop CONJdisc agrave gauche) et de conjonctions agrave valeur syntaxique (Prop CONJsynt agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes249

Figure 14 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes251

Figure 15 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 252

Figure 16 Proportion drsquoadverbes agrave valeur discursive (Prop ADVdisc agrave gauche) et drsquoadverbes modifieurs (Prop ADVmod agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes254

Figure 17 Proportion drsquoadverbes modifieurs (Prop ADVmod) pour les tacircches 1 2 et 3 donnes individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 255

Figure 18 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes258

Figure 19 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 259

Figure 20 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO agrave gauche) et proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF agrave droite) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes261

Figure 21 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO en bas) et proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF en haut) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite) 262

Figure 22 Proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 264

Figure 23 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 265

Figure 24 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 267

Figure 25 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes271

Index des figures

356

Figure 26 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 273

Figure 27 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes275

Figure 28 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques276

Figure 29 Proportions de verbes parmi les verbes et les noms (Prop V(V+N)) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 280

Figure 30 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 283

Figure 31 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes287

Figure 32 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques290

Figure 33 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 294

Figure 34 Reacutepartition des mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph)) versus les eacutenonceacutes de forme non canonique (Prop Mots ext(E Non-Can)) selon les groupes (controcircle couleur unie agrammatique hachureacute) et selon les tacircches 1 2 3 et 4 297

Figure 35 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph) ) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques298

Figure 36 Longueur moyenne des eacutenonceacutes-phrases en nombre de mots extraits (Long Moy E Ph(Mots ext) ) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes303

Figure 37 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 304

Figure 38 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques305

Figure 39 Indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases (Indice Elab E Ph) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes308

Figure 40 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes310

Figure 41 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 311

Liste des abreacuteviations

357

Liste des abreacuteviations

1A Structure syntaxique agrave un argument (tacircche 4)

2A-REV Structure syntaxique reacuteversible agrave deux arguments (tacircche 4)

2A-IRR Structure syntaxique irreacuteversible agrave deux arguments (tacircche 4)

3A-REV Structure syntaxique reacuteversible agrave trois arguments (tacircche 4)

3A-IRR Structure syntaxique irreacuteversible agrave trois arguments (tacircche 4)

Ab Eacutenonceacute abandonneacute eacutechec de formulation

ADV Adverbe ou locution adverbiale

ADVdisc Adverbe agrave valeur de particule discursive (mots produits en caractegraveres italiques (par ex ADVdisc(alors) )

ADVexcl Adverbe exclamatif

ADVinterr Adverbe interrogatif

ADVmod Adverbe modifieur (mots extraits en caractegraveres gras) (par ex ADVmod(tregraves) )

ADJ Adjectif (par ex ADJ(belle) )

ADJ-Attr Adjectif attribut (par ex Il est ADJ-Attr(fatigueacute) )

ADJind Adjectif indeacutefini (par ex ADJind(toutes) )

ADJnum Adjectif numeacuteral (par ex ADJnum(un) )

Xajout(x) Ajout drsquoun eacuteleacutement X ougrave lrsquouniteacute est x (par ex PREPajout (sur) )

Autocor+ Reformulation avec autocorrection reacuteussie

Autocor- Reformulation avec autocorrection inadeacutequate

CO Contexte morpho-syntaxique obligatoire

CONJ Conjonction ou locution conjonctive (par ex CONJ(et) )

CONJdisc Conjonction agrave valeur de particule discursive (mots en caractegraveres italiques par ex CONJdisc(et) )

CONJsynt Conjonction agrave valeur syntaxique (mots extraits en caractegraveres gras par ex CONJsynt(et) )

CORPUS Variables de corpus

Deformphon Deacuteformation phoneacutemique (par ex Deformphon(rictusgt[Riskyls]) )

DET Deacuteterminant (par ex DET(le) )

DETartpart Deacuteterminant article partitif (par ex DETartpart(de) ou DETpart(de-la) )

DETom(x) Deacuteterminant omis ougrave x est lrsquouniteacute omise (par ex laquo proprieacutetaire contentraquo DETom(le) + proprieacutetaire)

DETsubst(xgty) Deacuteterminant substitueacute ougrave une uniteacute y remplace x (par ex laquo le grand-megravere raquo DETsubst(lagtle) )

E Enonceacute

Echol Echolalie

E Non-Can Enonceacute de forme non canonique (autre type de construction TC)

E Ph Enonceacute-phrase (construction de forme canonique SN+SV)

E Ph Gram Enonceacute-phrase grammatical

E Seg Enonceacute segmenteacute

Facillex Facilitation lexicale fournie par lrsquoexpeacuterimentatrice

Facilphon Facilitation phoneacutemique fournie par lrsquoexpeacuterimentatrice

Facilsynt Facilitation syntaxique fournie par lrsquoexpeacuterimentatrice

Liste des abreacuteviations

358

Flexom(x) Flexion omise drsquoun eacuteleacutement (x) (par ex laquo Flexomfem(reacuteduit) raquo Flexion du feacuteminin omise)

Flexcor(x) Flexion correcte drsquoun eacuteleacutement (x) (par ex laquo Flexcorfem(reacuteduite) raquo Flexion du feacuteminin correcte)

Indice Compl MORPH-V-Matrices

Variable de morphologie verbale complexiteacute morphologique du verbe matrice

Interj Interjection (par ex Interj(tiens) )

Lggautomat Langage automatique (par ex laquo un deux trois quatre cinq six sept huit ans raquo)

LEXsubst(xgty) Substitution lexicale de x par y (par ex LEXsubst(garccedilongthomme substitution de nom laquo hommeraquo est agrave la place de laquo garccedilonraquo LEXsubst(jouergtprendre substitution de verbe laquo prendre raquo est agrave la place de laquo jouerraquo )

Long Moy (X) Longueur moyenne drsquoune structuration syntaxique (X)

Metaling Commentaire sur le dit propos meacutetalinguistique

Mots ext Mots extraits

Mots prod Mots produits

MCO Mots de classe ouverte

MCF Mots de classe fermeacutee

MORPH-LEX Variables de morphologie lexicale

MORPH-V Variable de morphologie verbale

N Nom (par ex N(proprieacutetaire) )

Xom(x) Omission drsquoun eacuteleacutement X ougrave x est lrsquouniteacute omise (par ex PROreflom(se) omission du pronom reacutefleacutechi laquo se raquo )

Onom Onomatopeacutees (par ex Onom(boom tchak tatata lalala chut)

PASSIVE Proposition agrave la forme passive

Persev Perseacuteveacuteration (par ex Persev(meacutedecin) )

PREP Preacuteposition (par ex PREP(de) )

PREPajout(x) Ajout drsquoune preacuteposition (par ex PREPajout (sur) )

PREPom(x) Preacuteposition omise (par ex laquo prince danse Cendrillon raquo PREPom(avec) + Cendrillon)

PREPsubst(xgty) Preacuteposition substitueacutee ougrave un eacuteleacutement y remplace x (par ex laquo prince danse contre Cendrillon raquo PREPsubst(avecgtcontre) )

PRO Pronom (par ex PRO(il) )

Prop (X) Proportion drsquoemploi drsquoun morphegraveme ou drsquoune structure (x)

PROcli Pronom clitique (sujet objet forme conjointe atone) ( PROcli(la) )

PROpers Pronom personnel (sujet objet forme disjointe tonique) (PRO(il) )

PROdem Pronom deacutemonstratif (par ex PROdem(crsquo) )

PROind Pronom indeacutefini (par ex PROind(rien) )

PROrec Pronom reacuteciproque (par ex PROrec(se) )

PROrefl Pronom reacuteflexif (par ex PROrefl(se) )

Rechlex Recherche lexicale (par ex Rechlex(galette) )

Reform+ Reformulation plus correcte que la formulation preacuteceacutedente

Repet Reacutepeacutetition (par ex Repet(tregraves) )

SUB Proposition subordonneacutee

SN Syntagme nominal (par ex SN(la meacutemoire ) )

Liste des abreacuteviations

359

SNPROdem Construction avec deacutetachement (par ex laquo la parole crsquoest moiraquo SN(la parole)PROdem(crsquo) + SV(est) )

SP-Agent Syntagme preacutepositionnel compleacutement drsquoagent (par ex laquo le chien est nourri par le garccedilon SP-Agent(par le garccedilon) raquo )

SN-ODir Syntagme nominal objet direct (par ex laquo Il mange une pomme SN-ODir(une pomme) raquo )

SN-ODirom(x) Syntagme nominal objet direct x omis (par ex laquo Il mange () SN-ODirom(une pomme) )

SN-S Syntagme nominal sujet (par ex (par ex laquo Une fille mange () SN-S(la fille) )

SN-Som(x) Syntagme nominal sujet x omis ( SN-Som(le loup) )

SN-Ssubst(xgty) Syntagme nominal sujet x substitueacute par y (par ex laquo la grand-megravere se deacuteguise raquo SN-Ssubst(le loupgtla grand-megravere) )

SP Syntagme preacutepositionnel (par ex laquo le monsieur glisse sur la banane raquo SP(sur la banane) )

SP-Circ Syntagme preacutepositionnel circonstant (par ex laquo Il monte sur son dos raquo SP-Circ(sur son dos) )

SP-CN Syntagme preacutepositionnel compleacutement du nom (par ex laquo La fille parle agrave lrsquooreille de son fregravere raquo SP-CN(du fregravere) )

SP-OInd Syntagme preacutepositionnel objet indirect (par ex laquo Il parle SP-OInd(au pegravere)raquo )

SP-OIndirom(x)

Syntagme preacutepositionnel objet indirect x omis (par ex laquo La fille donne le journal () SP-OIndom(au pegravere) )

Xsubst(xgty) Substitution drsquoun eacuteleacutement X ougrave lrsquouniteacute y remplace x (par ex laquo Il glisse dans la banane raquo PREPsubst (surgtdans) + banane)

SV Syntagme verbal (par ex SV(aller dans la forecirct) )

SV-FLEX Syntagme verbal ougrave le verbe est fleacutechi (par ex SV-FLEX(va dans la forecirct) )

SVinf Syntagme verbal ougrave le verbe est agrave la forme infinitive (par ex SVinf (aller dans la forecirct) )

SVpart Syntagme verbal ougrave le verbe est agrave la forme participiale (par ex SVpart (retenu ma place) )

SYNTAX Variables de syntaxe

V Verbe (par ex V (aller) )

Vaux Verbe auxiliaire (par ex Vaux(ai) Vaux(est) )

Vcaus Verbe causatif (par ex Vcaus(faire) + Vinf(marcher) Vcaus(laisser) + Vinf(partir) )

Vcop Verbe copule (par ex Vcop(ecirctre) )

V-FLEX 0 V-FLEX

Verbe fleacutechi (par ex laquo Le chaperon rouge aller dans la forecirct 1 V-FLEX(va) ) Verbe non fleacutechi (flexion obligatoire) (par ex laquo Le chaperon rouge aller dans la forecirct 0 V-FLEX(aller) )

Vinf Verbe agrave la forme infinitive (par ex Vinf(aller) )

VInfl Verbe dont la flexion est requise qursquoil soit fleacutechi ou non Srsquoil nrsquoest pas fleacutechi alors il srsquoagit drsquoune omission de flexion (par ex laquo Le chaperon rouge va dans la forecirct 1 VInfl 1 V-FLEX(va) ) (par ex laquo Le chaperon rouge aller dans la forecirct 1 VInfl 0 V-FLEX(aller) )

Vint Verbe intransitif (par ex Vint(dormir) )

V-Matrices Verbes matrices

Vaux-mod Auxiliaire modal (par ex Vaux-mod(devoir vouloir pouvoir hellip) + Vinf)

Vpart Verbe agrave la forme participe (par ex Vpart(alleacute) )

Liste des abreacuteviations

360

Vpartpasseacute Verbe agrave la forme participe passeacute (par ex Vpartpasseacute(alleacute) )

Vpartpres Verbe agrave la forme participe preacutesent (par ex Vpartpres(allant) )

Vpartreacuteg Verbe agrave la forme participe reacutegulier (par ex Vpartreg(alleacute) )

Vpartirr Verbe agrave la forme participe irreacutegulier (par ex Vpartirr(retenu) )

V-Points Morph Points assigneacutes agrave la complexification morphologique du verbe

Vsemi-aux Verbe semi-auxiliaire (par ex Vsemi-aux(aller venir (de) ecirctre en train (de) ecirctre sur le point (de) arrecircter (de) ) + Vinf )

Vtr Verbe transitif (par ex Vtr(donner) )

XXX Juxtaposition de constituants sans liaisons syntagmatiques formelles explicites en particulier dans le style teacuteleacutegraphique agrammatique (par ex laquo Les voisins dans le jardin les arbres raquo SN(les voisins)SP(dans le jardin)SN(les arbres))

Sommaire deacutetailleacute

361

Sommaire deacutetailleacute Volume 1 Sommaire 7 Introduction 9 Partie I Repegraveres Theacuteoriques 13 1 Contexte et objectif 15 10 Les aphasies 15 11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude18

111 La dimension neurologique lrsquoaphasie de Broca et le rocircle de lrsquoaire de Broca 19 112 La dimension cognitive lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques sous-jacents 20 113 La dimension linguistique la description des pheacutenomegravenes agrammatiques 21 114 La dimension fonctionnelle deacuteficit incapaciteacute handicap circonstancieacute et principe drsquoadaptation21

12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique 25 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses26 20 Remarques liminaires26 21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes 26 22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme 31 23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques

agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation33 231 Introduction33 232 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de deacuteficit(-s) des hypothegraveses controverseacutees 34

2321 Lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute34 2322 Lrsquohypothegravese de la saillance 35 2323 Lrsquohypothegravese des frontiegraveres phonologiques 36 2324 Lrsquohypothegravese de lrsquoaccegraves morpho-lexical 37 2325 Lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques mapping hypothesis 38 2326 Les hypothegraveses syntaxiques40

233 Lrsquoagrammatisme trouble central ou seacutelectif 45 234 Agrammatisme et paragrammatisme un mecircme deacuteficit 46 235 Variabiliteacute inter-langues lrsquoapproche comparative et lrsquoapport des donneacutees translinguistiques 48

2351 Un exemple lrsquoagrammatisme en Japonais 48 2352 Le projet CLAS (Cross-Language Aphasia Study) 48 2353 Inteacuterecirct de lrsquoapproche comparative 50

236 Variabiliteacute symptomatologique co-occurrences et dissociations de symptocircmes52 2361 La question du statut syndromique de lrsquoagrammatisme 52 2362 Dissociations doubles-dissociations et co-occurences de symptocircmes 53

237 Conclusion agrave propos des variabiliteacutes inter-sujets et inter-langues 55 238 et agrave propos des variabiliteacutes inter- et intra-tacircches la perspective des strateacutegies 55

24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives 58 241 La theacuteorie drsquoadaptation la loi de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort et le style teacuteleacutegraphique 58 242 Prolongements reacutecents de la theacuteorie drsquoadaptation 59 243 Lrsquohypothegravese des adaptations correctives et preacuteventives61

2431 Principe de variabiliteacute62 2432 Le deacuteficit sous-jacent lrsquoapproche proceacutedurale63 2433 Les pheacutenomegravenes drsquoadaptation 65 2434 Synthegravese des propositions de KOLK72

244 Lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction 73 245 Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives 74

2451 Principes sous-jacents74 2452 Deacutefinition 76

Sommaire deacutetailleacute

362

3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique 78 30 Modegraveles de production introduction 78

301 Le modegravele de GARRETT 79 302 Prolongements du modegravele de GARRETT 81 303 Le modegravele de LEVELT 82

3031 Lrsquoeacutetape de preacuteparation conceptuelle et lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal 83 3032 Lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical et lrsquointervention des lemmes 84

31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques 90

311 Hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique syntaxique et modegravele de GARRETT 90 312 Entre compeacutetence et performance theacuteorie linguistique et psycholinguistique 91

32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle 92 321 Lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle 92 322 En compreacutehension 93 323 En production 94

33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo 97

34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle 100 341 Scheacutema de synthegravese theacuteorique 101 342 Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique 102 343 Lrsquoapproche proceacutedurale 104 344 Notre position 105 345 Le fonctionnalisme 107

3451 Le paradigme fonctionnaliste 107 3452 Le fonctionnalisme cognitif 109

346 Une neuro-psycho-linguistique fonctionnelle et inteacutegrative pour lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme 111 35 Conclusion 113 Partie II Meacutethodologie 115 4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des

corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables) 117 40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale 117

401 Hypothegravese theacuteorique et opeacuteratoire 117 402 Position meacutethodologique 119 403 Degreacutes de liberteacutecontraintes associeacutes aux tacircches 120

4031 Contraintes externes sujeacutetion des uniteacutes (temps et consigne) 120 4032 Contraintes internes manipulation des anteacuteceacutedents (stimuli) 120

404 Synthegravese les caracteacuteristiques des tacircches de production suivant les contraintes externes et internes 121 41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale 124

411 Tacircche 1 Production orale de discours continu spontaneacute autobiographique (reacutecit de la maladie de voyage) 124 4111 Objectif 124 4112 Proceacutedure 125

412 Tacircche 2 Production orale de discours continu narratif (Le Petit Chaperon Rouge et Cendrillon) 125 4121 Objectif 125 4122 Mateacuteriel et proceacutedure 126

413 Tacircche 3 Production orale de discours continu narratifdescriptif agrave partir drsquoune seacutequence drsquoimages (Maicirctre Jacot) 127

4131 Objectif 127 4132 Mateacuteriel et proceacutedure 128

414 Tacircche 4 Production orale de phrases agrave partir drsquoimages 130 4141 Objectif 130 4142 Mateacuteriel et proceacutedure 130

42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain 134 421 Recherche de patients agrammatiques 134

4211 Difficulteacutes lieacutees au terrain et au mode de prise en charge 134 4212 Difficulteacutes lieacutees agrave la rareteacute du trouble 135

422 Critegraveres drsquoinclusion des participants agrammatiques 136

Sommaire deacutetailleacute

363

43 Recueil des corpus passations 137 431 Lieux de passation137 432 Formulaire de consentement eacuteclaireacute137 433 Patient et locuteur137 434 Deacutetresse verbale et facilitations138 435 Dureacutee des passations 138

44 Caracteacuteristiques des participants 139 441 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 139 442 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques 139 443 Complexiteacute des facteurs de variabiliteacute individuelle 141 444 Caracteacuteristiques des participants controcircles143

45 Construction des observables144 451 Corpus nature des donneacutees collecteacutees et implications meacutethodologiques 144 452 Meacutethode QPA (Quantitative Production Analysis) 146

46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription 147 461 Corpus de discours oraux continus et pathologiques implications pour la transcription147 462 Transcription conventions adopteacutees 148

4621 Codage orthographique et phoneacutetique 149 4622 Amorces faux deacuteparts reprises149 4623 Ajouts neacuteologies lexicales liaisons 150 4624 Ambiguumliteacutes 151 4625 Ponctuation151 4626 Notation drsquoun eacutenonceacute segmenteacute 152 4627 Dureacutees des pauses interruptions 152 4628 Paroles inaudibles153 4629 Chevauchements153 46210 Remplisseurs heacutesitations 153 46211 Uniteacutes morpheacutemiques solidaires153

47 Segmentation des corpus de discours continu154 471 La segmentation du discours continu position du problegraveme 154 472 Notion drsquo laquo eacutenonceacute raquo ou laquo eacutenonceacute-phrase raquo dans le cas de donneacutees patholinguistiques 156

4721 Diversiteacute des types de structuration syntaxique dans le discours pathologique156 4722 Synthegravese critegraveres syntaxiques de segmentation et de cotation des eacutenonceacutes160

48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu 161 49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives163

491 Principes 3 niveaux de transcription 3 niveaux de lecture et 3 niveaux de traitement des corpus 163 492 Seacutelection des laquo mots extraits raquo objectif et proceacutedure 165

4921 Objectif165 4922 Exclusion des remplisseurs heacutesitations reacutepeacutetitions amorces interjections onom perseacutev166 4923 Exclusion des neacuteologismes eacutecholalies perseacuteveacuterations commentaires et eacutenonceacutes modal 167 4924 Exclusion des commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs168 4925 Traitement particulier des particules de discours conjonctions et adverbes agrave valeur disc 169

410 Corpus collecteacutes et mis en forme 171 4101 Application du protocole original QPA agrave drsquoautres types de tacircches de production 171 4102 Adaptations du protocole original QPA nature et quantiteacute de donneacutees analyseacutees172 4103 Particulariteacutes de la mise en forme concernant les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)174

411 Conclusion 175 5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative177 50 Introduction177

501 Principes geacuteneacuteraux et objectifs177 502 Les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX178

51 Les variables CORPUS181 511 Valeurs brutes CORPUS 181

5111 Dureacutee de lrsquoeacutechantillon (Duration of Narrative)181 5112 Nombre de MOTS PRODUITS Mots prod (A) (Complete Words Uttered) 181 5113 Nombre de MOTS EXTRAITS Mots ext (A1) (Narrative Words) 184 5114 Nombre drsquoEacuteNONCEacuteS SEGMENTEacuteS E Seg (A2) (Utterances) 184

512 Variables CORPUS associeacutees 184 5121 Prop Mots extprod 184

Sommaire deacutetailleacute

364

5122 Deacutebit Mots prod ( Words per minute) 185 5123 Deacutebit Mots ext 185 5124 Long Moy E Seg(Mots prod) 185 5125 Long Moy E Seg(Mots ext) (Median Utterance Length) 185

52 Les variables MORPH 186 521 Valeurs brutes MORPH-LEX 186

5211 Nombre de MOTS DE CLASSE OUVERTE MCO (B) (Open Class Words) 186 5212 Nombre de MOTS DE CLASSE FERMEacuteE MCF (B1) (Closed Class Words) 187 5213 Nombre de NOMS N (C) (Nouns) 187 5214 Nombre de CONJONCTIONS CONJ (D) 187 5215 Nombre de DEacuteTERMINANTS DET CO (E) et DET (E1) (Determiners) 189 5216 Nombre de PRONOMS PRO (F) (Pronouns) 191 5217 Nombre de VERBES V (G) (Verbs) 191 5218 Nombre de VERBES avec flexion obligatoire VInfl (G1) (Inflectable Verbs) 193 5219 Nombre de VERBES FLECHIS V-FLEX (G2) (Inflectable Verbs Inflected) 195 52110 Nombre de PREacutePOSITIONS PREP (H1) 195 52111 Nombre drsquoADVERBES ADV (I) 197

522 Variables MORPH-LEX associeacutees 200 5221 Prop MCO 200 5222 Prop MCF (Proportion Closed Class Words) 200 5223 Prop CONJMots prod 201 5224 Prop CONJdisc 201 5225 Prop CONJsynt 201 5226 Indice DET (DET Index) 201 5227 Prop PRO (Proportion Pronouns) 201 5228 Prop V(V+N) (Proportion Verbs) 202 5229 Prop VMCO 202 52210 Indice V-FLEX (Inflection Index) 202 52211 Prop PREPMots ext 202 52212 Prop ADV 202 52213 Prop ADVdisc 202 52214 Prop ADVmod 203

523 Variable MORPH-V Indice Compl MORPH-V-Matrices 203 5231 Comptage des verbes matrices V-Matrices (J) (Matrix Verbs) 203 5232 Complexification morphologique des verbes matrices - principes de cotation de fixeacutes pour le

franccedilais V-Points Morph (J1) (Aux Score) 204 5233 Indice Compl MORPH-V-Matrices (Aux Complexity Index) 207

53 Les variables SYNTAX 208 531 Valeurs brutes SYNTAX 208

5311 Principes geacuteneacuteraux de cotation des eacutenonceacutes 208 5312 Principes deacutetailleacutes de cotation des eacutenonceacutes 208 5313 Nombre de mots extraits composant les E Ph et les E Non-Can Mots ext(E Ph) (L) (Words in

Sentences) et Mots ext(E Non-Can) (M) (Words in TC Utterances) 211 5314 Nombre drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et grammaticaux E Ph Gram (N) (Well-formed

Sentences) 211 5315 Nombre de syntagmes nominaux sujet SN-S (O) (Subject Noun Phrases) 211 5316 Nombre de mots (MCO+PRO) composant les SN-S Mots MCO+PRO(SN-S) (P) (Words in

SNPs) 212 5317 Nombre de syntagmes verbaux SV (Q) (Verb Phrases) 212 5318 Nombre de mots MCO+PRO dans les SV Mots MCO+PRO(SV) (R) (Words in VPs) 213 5319 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee SUB (S)

(Embeddings) 213 532 Variables SYNTAX associeacutees 214

5321 Prop Mots ext(E Ph) (Proportion Words in Sentences) 214 5322 Prop Mots ext(E Non-Can) 214 5323 Long Moy E Ph(Mots ext) (Mean Sentence Length) 214 5324 Prop E Ph Gram (Proportion Well-formed Sentences) 214 5325 Indice Elab E Ph (Sentence Elaboration Index) 215 5326 Prop SUB (Embedding Index) 216

Sommaire deacutetailleacute

365

54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche 4 216 541 Variables quantitatives non utiliseacutees pour la tacircche 4216 542 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes (Prop E Seg) 217 543 Cotation des phrases produites selon les critegraveres de grammaticaliteacute agrammaticaliteacute 217

5431 Critegraveres morpho-lexicaux 218 5432 Critegraveres syntaxiques218 5433 Emploi drsquoun verbe geacuteneacuterique agrave la place du verbe adeacutequat 219

55 Conclusion 219 Partie III Reacutesultats221 6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX 223 60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats 223 61 Reacutesultats variables CORPUS225

611 Quantiteacute drsquoobservables soumis aux analyses caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus 225 6111 Nombre de mots produits et de mots extraits Mots prod et Mots ext 227 6112 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes E Seg230

612 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus 231 6121 Proportion de mots extraits Prop Mots extprod232 6122 Deacutebit verbal selon les variables laquo mots produits raquo et laquo mots extraits raquo Deacutebit Mots prod et Deacutebit

Mots ext 235 6123 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots

ext) 238 613 Le style elliptique intra-phrastique et lrsquoexpansion macro-discursive 242

62 Reacutesultats variables MORPH 245 621 Introduction245 622 Emploi des conjonctions CONJ CONJdisc et CONJsynt245

6221 Proportion de conjonctions Prop CONJMots prod246 6222 Proportions moyennes de conjonctions selon le type drsquoemploi Prop CONJdisc et Prop CONJsynt249

623 Emploi des adverbes ADV ADVdisc et ADVmod 251 6231 Proportion drsquoadverbes Prop ADVMots prod251 6232 Proportions drsquoadverbes selon le type drsquoemploi Prop ADVdisc et Prop ADVmod 253

624 Analyse quantitative approfondie des PARTICULES DE DISCOURS (CONJdisc et ADVdisc)256 6241 Principes de calcul de la nouvelle variable256 6242 Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES] 258

625 Reacutepartition des mots de classe ouverte et des mots de classe fermeacutee Prop MCO et Prop MCF 261 626 Indice de deacutetermination Indice DET 265 627 Proportion de pronoms Prop PRO271 628 Proportion de preacutepositions Prop PREPMots ext 275 629 Proportion de verbes Prop V(V+N) 280 6210 Indices de flexions verbales Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices 283

62101 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) moyennes de groupe et variabiliteacute inter-tacircches 283 62102 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-

Matrices) 285 63 Reacutesultats variables SYNTAX 292

631 Rappel 292 632 Reacutepartition des mots composant les eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) et les eacutenonceacutes

de forme non canonique Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) 293 633 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en nombre de mots extraits Long Moy E Ph(Mots ext) 302 634 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux Prop E Ph Gram 303 635 Indice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase Indice Elab E Ph 307 636 Proportion drsquoeacutenonceacutes avec complexification syntaxique Prop SUB310

7 Synthegravese et discussion313 70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees313

701 Variables CORPUS variation du deacutebit verbal style elliptique intra-phrastique expansion macro-discursive 313

702 Variables MORPH preacuteservation des particules de discours ellipses de morphegravemes grammaticaux et strateacutegies palliatives 314

Sommaire deacutetailleacute

366

703 Variables SYNTAX ellipses strateacutegies palliatives et proceacutedures de reformulations 316 71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances 318

711 Dysfonctionnement et adaptation 318 712 Principe des lois de performances variations inter-tacircches en quantiteacute et en qualiteacute 320

72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires 323 73 Discussion et perspectives 325

731 La dimension neurolinguistique 325 7311 Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme 325 7312 Classifications des aphasies et variabiliteacutes de types freacutequences de symptocircmes 326 7313 Postulats de fractionnement transparence suffisance et adaptations comportementales 326

732 La dimension psycholinguistique 328 7321 Adaptations et modegravele de la performance psycholinguistique 328 7322 Particules de discours organisation macro-discursive reacuteduction intra-phrastique et coucirct

drsquoencodage 328 7323 Caractegravere volontaire involontaire des adaptations 329 7324 Agrammatisme et acquisition drsquoune LE 330

733 La dimension linguistique 331 7331 Aspects meacutethodologiques 331 7332 Aspects theacuteoriques 333

734 La dimension theacuterapeutique 334 Conclusion geacuteneacuterale 335 Bibliographie 337 Index des scheacutemas tableaux et illustrations 353 Index des figures 355 Liste des abreacuteviations 357 Sommaire deacutetailleacute 361 Volume 2

ANNEXES A B C D E F G H I ANNEXE A 379 A- Questionnaire drsquoentreacutee 381 ANNEXE B 383 B- Preacutesentation deacutetailleacutee des locuteurs agrammatiques 385 ANNEXE C 389 C- Preacutesentation deacutetailleacutee des locuteurs controcircles 391 ANNEXE D 393 D- Caracteacuteristiques des groupes 395 D-I- Groupe de 6 locuteurs agrammatiques 395 D-II- Groupe de 9 locuteurs controcircles 395 D-III- Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 396 ANNEXE E 397 E- 4 tacircches de production orale mateacuteriel et proceacutedure 399 E-I- Tacircche 1 Production de discours continu spontaneacute autobiographique 399

(a) Reacutecit de la maladie 399 (b) Questions plus cibleacutees et glissement vers un dialogue 399

Sommaire deacutetailleacute

367

E-II- Tacircche 2 Production de discours continu narratif (reacutecits du Petit Chaperon Rouge et de Cendrillon)400 (a) 2a Le Petit Chaperon Rouge Imageries drsquoEpinal 16 images en couleurs400 (b) 2b Cendrillon Imageries drsquoEpinal 12 images en couleurs401

E-III- Tacircche 3 Production de discours continu narratif descriptif agrave partir de 4 images 402 (a) 3MJ-01 le pommier du voisin 402 (b) 3MJ-03 le verglas et la banane402 (c) 3MJ-05 la deacutemonstration de boomerang 403 (d) 3MJ-06 le chien et le fauteuil403 (e) 3MJ-07 le chien le chat et le journal 403 (f) 3MJ-08 scier deux arbres 403 (g) 3MJ-09 la banane et le singe403

E-IV- Tacircche 4 production de phrases isoleacutees agrave partir de 60 images404 ANNEXE F415 F- Instructions de transcription et de mise en forme des corpus (reacutesumeacute) 417 F-I- Transcription conventions adopteacutees417 F-II- Segmentation et cotation des eacutenonceacutes en fonction de critegraveres syntaxiques418 F-III- Critegraveres drsquoidentification pour le comptage des mots produits mots extraits particules de disours419

(a) Mots produits 419 (b) Mots extraits (en caractegraveres gras)419

ANNEXE G421 G- Modegraveles de feuilles de travail et de feuilles de reacutesultats 423 G-I- Modegraveles de feuilles de travail mise en forme des corpus et cotations423 G-II- Modegravele de feuille de reacutesultats 424 ANNEXE H 425 H- Corpus de donneacutees verbales transcrites et reacutesultats quantitatifs GROUPE

AGRAMMATIQUE427 H-I- Feuilles de travail corpus oraux agrammatiques 427 H-II- Feuilles de reacutesultats588 H-III- Tableaux syntheacutetiques des reacutesultats et graphes de donneacutees individuelles 6 locuteurs agrammatiques 613

(a) VARIABLES CORPUS614 (b) VARIABLES MORPH 618 (c) VARIABLES SYNTAX 625 (d) VARIABLES PARTICULES DISCURSIVES628

ANNEXE I633 I- Corpus de donneacutees verbales transcrites et reacutesultats quantitatifs GROUPE CONTROcircLE 634 I-I- Feuilles de travail corpus oraux controcircles634 I-II- Feuilles de reacutesultats673 I-III- Tableaux syntheacutetiques des reacutesultats et graphes de donneacutees individuelles 9 locuteurs controcircles686

(a) VARIABLES CORPUS687 (b) VARIABLES MORPH 691 (c) VARIABLES SYNTAX 698 (d) VARIABLES PARTICULES DISCURSIVES701

368

Reacutesumeacute Cette eacutetude se focalise sur lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives Inteacutegrant la dimension psycholinguistique de la performance langagiegravere et la dimension linguistique de la description des symptocircmes drsquoadaptation notre recherche srsquoinscrit dans un cadre theacuteorique drsquoinspiration neuropsycholinguistique et fonctionnaliste Partant du postulat selon lequel le patient deacuteficitaire agrammatique est aussi potentiellement un locuteur strateacutegique nous avons eacutetudieacute les conduites langagiegraveres adaptatives eacutemergeant de cette situation de difficulteacute neuropathologique Pour ce faire un vaste corpus de donneacutees a eacuteteacute construit agrave partir de quatre tacircches de production orale agrave degreacutes de contrainte varieacutes aupregraves de 6 sujets agrammatiques et 9 sujets controcircles Les analyses quantitatives et qualitatives appliqueacutees cibleacutees sur les aspects morpho-lexicaux syntaxiques et discursifs ont permis de deacutegager les variabiliteacutes inter-groupes et inter-tacircches caracteacuteristiques de strateacutegies elliptiques palliatives ou correctives deacuteployeacutees par les locuteurs agrammatiques participant agrave une ameacutelioration de lrsquoaisance verbale et ou de la preacutecision grammaticale viseacutee En outre lrsquoexamen des variabiliteacutes inter-sujets a reacuteveacuteleacute des patrons de conduites singuliegraveres deacutetermineacutees par le type et la seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent En conseacutequence nous avons deacutegageacute des lois de performances refleacutetant les ajustements des formulations linguistiques lieacutees aux comportements adaptatifs du locuteur agrammatique Pour finir nous proposons une typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires dans lrsquoaphasie agrammatique MOTS CLEFS neuro- psycholinguistique aphasie agrammatisme strateacutegie syntaxe morphologie

production oral corpus analyse quantitative approche fonctionnelle variabiliteacute

Abstract This study focuses on agrammatism as an adaptive behaviour Integrating psycholinguistics (a performance model) and linguistics (for the description of adaptive symptoms) our theoretical framework gathers neuropsycholinguistic and functionalist views Our first assumption consists in saying that the agrammatic patient is also a strategic speaker We are aiming at illustrating the basic adaptation principle highlighted in neuropathological cases In this purpose we have collected speech data involving four production tasks with varying degrees in their constraints (e g spontaneous speech and sentence production) from 6 agrammatic speakers and 9 non aphasic speakers) The quantitative and qualitative analyses we applied concerning morpho-lexical syntactic and discourse aspects made it possible to describe inter-groups and inter-tasks variabilities showing that elliptical palliative or corrective strategies outcome with an improvement of fluency and or grammatical correctness Moreover singular patterns are revealed through inter-individual variabilities depending on the type and the severity of the underlying breakdown Consequently we suggest that some performance laws reflect linguistic output adjustments in relation to the agrammatic speakerrsquos adaptive behaviour Finally we draw a typology of strategies used in agrammatic aphasia

KEYWORDS neuro- psycholinguistics aphasia agrammatism strategy syntax morphology speech

quantitative analysis functional approach variability

  • Volume 1 (370p)
    • Sommaire
    • Introduction
    • Partie I Repegraveres Theacuteoriques
      • 1 Contexte et objectif
        • 11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude
          • 111 La dimension neurologique lrsquoaphasie de Broca et le rocircle de lrsquoaire de Broca
          • 112 La dimension cognitive lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques sous-jacents
          • 113 La dimension linguistique la description des pheacutenomegravenes agrammatiques
          • 114 La dimension fonctionnelle deacuteficit incapaciteacute handicap circonstancieacute et principe drsquoadaptation
            • 12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique
              • 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
                • 20 Remarques liminaires
                • 21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes
                • 22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme
                • 23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation
                  • 231 Introduction
                  • 232 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de deacuteficit(-s) des hypothegraveses controverseacutees
                    • 2321 Lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute
                    • 2322 Lrsquohypothegravese de la saillance
                    • 2323 Lrsquohypothegravese des frontiegraveres phonologiques
                    • 2324 Lrsquohypothegravese de lrsquoaccegraves morpho-lexical
                    • 2325 Lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques mapping hypothesis
                    • 2326 Les hypothegraveses syntaxiques
                      • (a) Deacuteficit lieacute au traitement de la repreacutesentation syntaxique
                      • (b) Deacuteficit lieacute aux traces des structures syntaxiques trace-deletion hypothesis (TDH) trace-based account (TBA)
                      • (c) Deacuteficit lieacute aux nœuds des arbres syntaxiques tree-pruning hypothesis (TPH)
                          • 233 Lrsquoagrammatisme trouble central ou seacutelectif
                          • 234 Agrammatisme et paragrammatisme un mecircme deacuteficit
                          • 235 Variabiliteacute inter-langues lrsquoapproche comparative et lrsquoapport des donneacutees translinguistiques
                            • 2351 Un exemple lrsquoagrammatisme en Japonais
                            • 2352 Le projet CLAS (Cross-Language Aphasia Study)
                            • 2353 Inteacuterecirct de lrsquoapproche comparative
                              • 236 Variabiliteacute symptomatologique co-occurrences et dissociations de symptocircmes
                                • 2361 La question du statut syndromique de lrsquoagrammatisme
                                • 2362 Dissociations doubles-dissociations et co-occurences de symptocircmes
                                  • 237 Conclusion agrave propos des variabiliteacutes inter-sujets et inter-langues
                                  • 238 et agrave propos des variabiliteacutes inter- et intra-tacircches la perspective des strateacutegies
                                    • 24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives
                                      • 241 La theacuteorie drsquoadaptation la loi de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort et le style teacuteleacutegraphique
                                      • 242 Prolongements reacutecents de la theacuteorie drsquoadaptation
                                      • 243 Lrsquohypothegravese des adaptations correctives et preacuteventives
                                        • 2431 Principe de variabiliteacute
                                        • 2432 Le deacuteficit sous-jacent lrsquoapproche proceacutedurale
                                          • (a) Lrsquohypothegravese de la limitation de la meacutemoire agrave court-terme en compreacutehension
                                          • (b) Lrsquohypothegravese du laquo timing-deficit raquo la reacuteduction de la fenecirctre temporelle et la limitation du temps de traitement
                                            • 2433 Les pheacutenomegravenes drsquoadaptation
                                              • (a) Les adaptations correctives effet sur la non fluence verbale
                                                • Les auto-corrections et reformulations visibles et invisibles (exprimeacutees et silencieuses) overt- et covert repairs
                                                  • (b) Les adaptations preacuteventives le laquo style elliptique raquo et la simplification morphologique
                                                  • (c) Similitude entre les ellipses normales et agrammatiques
                                                    • Constructions laquo autoriseacutees raquo et laquo interdites raquo
                                                    • Similitude entre les constructions elliptiques non finies employeacutees chez lrsquoagrammatique lrsquoenfant et lrsquoadulte normal
                                                    • Style elliptique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                        • 2434 Synthegravese des propositions de KOLK
                                                          • 244 Lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction
                                                          • 245 Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives
                                                            • 2451 Principes sous-jacents
                                                            • 2452 Deacutefinition
                                                              • 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique
                                                                • 30 Modegraveles de production introduction
                                                                  • 301 Le modegravele de GARRETT
                                                                  • 302 Prolongements du modegravele de GARRETT
                                                                  • 303 Le modegravele de LEVELT
                                                                    • 3031 Lrsquoeacutetape de preacuteparation conceptuelle et lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal
                                                                    • 3032 Lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical et lrsquointervention des lemmes
                                                                      • (a) Encodage grammatical et lexique mental
                                                                      • (b) La notion de lemme
                                                                      • (c) Lrsquoeacutetape de geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface et drsquounification
                                                                      • (d) Lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique
                                                                      • (e) Modulariteacute et principe drsquoincreacutementation
                                                                      • (f) Reacutetroaction sur la production par self-monitoring
                                                                        • 31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques
                                                                          • 311 Hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique syntaxique et modegravele de GARRETT
                                                                          • 312 Entre compeacutetence et performance theacuteorie linguistique et psycholinguistique
                                                                            • 32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle
                                                                              • 321 Lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle
                                                                              • 322 En compreacutehension
                                                                              • 323 En production
                                                                                • 33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo
                                                                                • 34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle
                                                                                  • 341 Scheacutema de synthegravese theacuteorique
                                                                                  • 342 Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique
                                                                                  • 343 Lrsquoapproche proceacutedurale
                                                                                  • 344 Notre position
                                                                                  • 345 Le fonctionnalisme
                                                                                    • 3451 Le paradigme fonctionnaliste
                                                                                    • 3452 Le fonctionnalisme cognitif
                                                                                      • 346 Une neuro-psycho-linguistique fonctionnelle et inteacutegrative pour lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme
                                                                                        • 35 Conclusion
                                                                                            • Partie II Meacutethodologie
                                                                                              • 4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)
                                                                                                • 40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale
                                                                                                  • 401 Hypothegravese theacuteorique et opeacuteratoire
                                                                                                  • 402 Position meacutethodologique
                                                                                                  • 403 Degreacutes de liberteacutecontraintes associeacutes aux tacircches
                                                                                                    • 4031 Contraintes externes sujeacutetion des uniteacutes (temps et consigne)
                                                                                                    • 4032 Contraintes internes manipulation des anteacuteceacutedents (stimuli)
                                                                                                      • 404 Synthegravese les caracteacuteristiques des tacircches de production suivant les contraintes externes et internes
                                                                                                        • 41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale
                                                                                                          • 411 Tacircche 1 Production orale de discours continu spontaneacute autobiographique (reacutecit de la maladie de voyage)
                                                                                                            • 4111 Objectif
                                                                                                            • 4112 Proceacutedure
                                                                                                              • 412 Tacircche 2 Production orale de discours continu narratif (Le Petit Chaperon Rouge et Cendrillon)
                                                                                                                • 4121 Objectif
                                                                                                                • 4122 Mateacuteriel et proceacutedure
                                                                                                                  • (a) Mateacuteriel
                                                                                                                  • (b) Proceacutedure
                                                                                                                      • 413 Tacircche 3 Production orale de discours continu narratifdescriptif agrave partir drsquoune seacutequence drsquoimages (Maicirctre Jacot)
                                                                                                                        • 4131 Objectif
                                                                                                                        • 4132 Mateacuteriel et proceacutedure
                                                                                                                          • (a) Mateacuteriel
                                                                                                                          • (b) Proceacutedure
                                                                                                                          • (c) Seacutelection de 7 des 12 histoires
                                                                                                                              • 414 Tacircche 4 Production orale de phrases agrave partir drsquoimages
                                                                                                                                • 4141 Objectif
                                                                                                                                • 4142 Mateacuteriel et proceacutedure
                                                                                                                                  • (a) Mateacuteriel
                                                                                                                                  • (b) Calibrage du test aupregraves de dix locuteurs tout-venant
                                                                                                                                  • (c) Structures cibles plausibles
                                                                                                                                  • (d) Proceacutedure
                                                                                                                                    • 42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain
                                                                                                                                      • 421 Recherche de patients agrammatiques
                                                                                                                                        • 4211 Difficulteacutes lieacutees au terrain et au mode de prise en charge
                                                                                                                                        • 4212 Difficulteacutes lieacutees agrave la rareteacute du trouble
                                                                                                                                          • 422 Critegraveres drsquoinclusion des participants agrammatiques
                                                                                                                                            • 43 Recueil des corpus passations
                                                                                                                                              • 431 Lieux de passation
                                                                                                                                              • 432 Formulaire de consentement eacuteclaireacute
                                                                                                                                              • 433 Patient et locuteur
                                                                                                                                              • 434 Deacutetresse verbale et facilitations
                                                                                                                                              • 435 Dureacutee des passations
                                                                                                                                                • 44 Caracteacuteristiques des participants
                                                                                                                                                  • 441 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes
                                                                                                                                                  • 442 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques
                                                                                                                                                  • 443 Complexiteacute des facteurs de variabiliteacute individuelle
                                                                                                                                                  • 444 Caracteacuteristiques des participants controcircles
                                                                                                                                                    • 45 Construction des observables
                                                                                                                                                      • 451 Corpus nature des donneacutees collecteacutees et implications meacutethodologiques
                                                                                                                                                      • 452 Meacutethode QPA (Quantitative Production Analysis)
                                                                                                                                                        • 46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription
                                                                                                                                                          • 461 Corpus de discours oraux continus et pathologiques implications pour la transcription
                                                                                                                                                          • 462 Transcription conventions adopteacutees
                                                                                                                                                            • 4621 Codage orthographique et phoneacutetique
                                                                                                                                                            • 4622 Amorces faux deacuteparts reprises
                                                                                                                                                            • 4623 Ajouts neacuteologies lexicales liaisons
                                                                                                                                                            • 4624 Ambiguumliteacutes
                                                                                                                                                            • 4625 Ponctuation
                                                                                                                                                            • 4626 Notation drsquoun eacutenonceacute segmenteacute
                                                                                                                                                            • 4627 Dureacutees des pauses interruptions
                                                                                                                                                            • 4628 Paroles inaudibles
                                                                                                                                                            • 4629 Chevauchements
                                                                                                                                                            • 46210 Remplisseurs heacutesitations
                                                                                                                                                            • 46211 Uniteacutes morpheacutemiques solidaires
                                                                                                                                                                • 47 Segmentation des corpus de discours continu
                                                                                                                                                                  • 471 La segmentation du discours continu position du problegraveme
                                                                                                                                                                  • 472 Notion drsquo laquo eacutenonceacute raquo ou laquo eacutenonceacute-phrase raquo dans le cas de donneacutees patholinguistiques
                                                                                                                                                                    • 4721 Diversiteacute des types de structuration syntaxique dans le discours pathologique
                                                                                                                                                                      • (a) Eacutenonceacutes de forme canonique Eacutenonceacutes-phrases (E Ph) avec une construction SUJET + PREacuteDICAT VERBAL (Sentence Utterances)
                                                                                                                                                                      • (b) Eacutenonceacutes de forme canonique grammaticale Enonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) (Well-formed Sentences)
                                                                                                                                                                      • (c) Eacutenonceacutes de forme non canonique ou eacutenonceacutes E Non-Can (Nonsententials ou TC Utterances)
                                                                                                                                                                      • (d) Abandons ou eacutechecs
                                                                                                                                                                        • 4722 Synthegravese critegraveres syntaxiques de segmentation et de cotation des eacutenonceacutes
                                                                                                                                                                            • 48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu
                                                                                                                                                                            • 49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives
                                                                                                                                                                              • 491 Principes 3 niveaux de transcription 3 niveaux de lecture et 3 niveaux de traitement des corpus oraux
                                                                                                                                                                              • 492 Seacutelection des laquo mots extraits raquo objectif et proceacutedure
                                                                                                                                                                                • 4921 Objectif
                                                                                                                                                                                • 4922 Exclusion des remplisseurs heacutesitations reacutepeacutetitions amorces interjections onomatopeacutees perseacuteveacuterations
                                                                                                                                                                                • 4923 Exclusion des neacuteologismes eacutecholalies perseacuteveacuterations commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs
                                                                                                                                                                                • 4924 Exclusion des commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs
                                                                                                                                                                                • 4925 Traitement particulier des particules de discours conjonctions et adverbes agrave valeur discursive
                                                                                                                                                                                  • (a) Les connecteurs de discours dans lrsquoagrammatisme
                                                                                                                                                                                  • (b) Critegraveres drsquoinclusion des conjonctions agrave valeur syntaxique
                                                                                                                                                                                    • 410 Corpus collecteacutes et mis en forme
                                                                                                                                                                                      • 4101 Application du protocole original QPA agrave drsquoautres types de tacircches de production
                                                                                                                                                                                      • 4102 Adaptations du protocole original QPA nature et quantiteacute de donneacutees analyseacutees
                                                                                                                                                                                      • 4103 Particulariteacutes de la mise en forme concernant les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)
                                                                                                                                                                                        • 411 Conclusion
                                                                                                                                                                                          • 5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative
                                                                                                                                                                                            • 50 Introduction
                                                                                                                                                                                              • 501 Principes geacuteneacuteraux et objectifs
                                                                                                                                                                                              • 502 Les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX
                                                                                                                                                                                                • 51 Les variables CORPUS
                                                                                                                                                                                                  • 511 Valeurs brutes CORPUS
                                                                                                                                                                                                    • 5111 Dureacutee de lrsquoeacutechantillon (Duration of Narrative)
                                                                                                                                                                                                    • 5112 Nombre de MOTS PRODUITS Mots prod (A) (Complete Words Uttered)
                                                                                                                                                                                                      • (a) Comptage des mots produits
                                                                                                                                                                                                      • (b) Cotation des morphegravemes lexicaux complexes ou composeacutes
                                                                                                                                                                                                      • (c) Cotation des verbes semi-auxiliaires
                                                                                                                                                                                                      • (d) Cotation des locutions adverbiales conjonctives et preacutepositionnelles
                                                                                                                                                                                                      • (e) Cotation des particules adverbiales de neacutegation
                                                                                                                                                                                                      • (f) Cotation des amalgames
                                                                                                                                                                                                        • 5113 Nombre de MOTS EXTRAITS Mots ext (A1) (Narrative Words)
                                                                                                                                                                                                        • 5114 Nombre drsquoEacuteNONCEacuteS SEGMENTEacuteS E Seg (A2) (Utterances)
                                                                                                                                                                                                          • 512 Variables CORPUS associeacutees
                                                                                                                                                                                                            • 5121 Prop Mots extprod
                                                                                                                                                                                                            • 5122 Deacutebit Mots prod ( Words per minute)
                                                                                                                                                                                                            • 5123 Deacutebit Mots ext
                                                                                                                                                                                                            • 5124 Long Moy E Seg(Mots prod)
                                                                                                                                                                                                            • 5125 Long Moy E Seg(Mots ext) (Median Utterance Length)
                                                                                                                                                                                                                • 52 Les variables MORPH
                                                                                                                                                                                                                  • 521 Valeurs brutes MORPH-LEX
                                                                                                                                                                                                                    • 5211 Nombre de MOTS DE CLASSE OUVERTE MCO (B) (Open Class Words)
                                                                                                                                                                                                                      • (a) Cotation des mots de classe ouverte
                                                                                                                                                                                                                      • (b) Cotation des peacuteriphrases verbales semi-auxiliaires aspectuels modaux et causatifs
                                                                                                                                                                                                                        • 5212 Nombre de MOTS DE CLASSE FERMEacuteE MCF (B1) (Closed Class Words)
                                                                                                                                                                                                                          • (a) Calcul du nombre de mots de classe fermeacutee
                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des formes verbales composeacutees auxiliaires ecirctre et avoir
                                                                                                                                                                                                                            • 5213 Nombre de NOMS N (C) (Nouns)
                                                                                                                                                                                                                            • 5214 Nombre de CONJONCTIONS CONJ (D)
                                                                                                                                                                                                                              • (a) Cotation des conjonctions agrave valeur discursive CONJdisc (D1)
                                                                                                                                                                                                                              • (b) Cotation des conjonctions agrave valeur syntaxique CONJsynt (D2)
                                                                                                                                                                                                                                • 5215 Nombre de DEacuteTERMINANTS DET CO (E) et DET (E1) (Determiners)
                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Nombre de CONTEXTES OBLIGATOIRES (NOMS) qui neacutecessitent un DEacuteTERMINANT OBLIGATOIRE DET CO (E) (Nouns Requiring a Determiner)
                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Cotation des DEacuteTERMINANTS CO avec un deacuteterminant DET (E1) (NRDs with a Determiner)
                                                                                                                                                                                                                                    • Preacutesence absence de deacuteterminant en contexte obligatoire
                                                                                                                                                                                                                                    • Les deacuteterminants complexes
                                                                                                                                                                                                                                    • Les deacuteterminants non conformes
                                                                                                                                                                                                                                        • 5216 Nombre de PRONOMS PRO (F) (Pronouns)
                                                                                                                                                                                                                                        • 5217 Nombre de VERBES V (G) (Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Comptage du nombre de verbes
                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des ambiguumliteacutes nom vs verbes
                                                                                                                                                                                                                                          • (c) Cotation des ambiguumliteacutes adjectif vs participe
                                                                                                                                                                                                                                            • 5218 Nombre de VERBES avec flexion obligatoire VInfl (G1) (Inflectable Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                              • (a) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo ( IVs) du protocole original QPA
                                                                                                                                                                                                                                              • (b) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo (IVs) adapteacutee au franccedilais VInfl (G2)
                                                                                                                                                                                                                                                • 5219 Nombre de VERBES FLECHIS V-FLEX (G2) (Inflectable Verbs Inflected)
                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) La mesure IVIs (les verbes effectivement fleacutechis) adapteacutee au franccedilais V-FLEX
                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Cotation des VInfl avec absence de flexion obligatoire au passeacute
                                                                                                                                                                                                                                                  • (c) Cotation des ambiguumliteacutes infinitif vs participe passeacute agrave lrsquooral
                                                                                                                                                                                                                                                    • 52110 Nombre de PREacutePOSITIONS PREP (H1)
                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Cotation des amalgames preacuteposition + article
                                                                                                                                                                                                                                                        • 52111 Nombre drsquoADVERBES ADV (I)
                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Comptage des adverbes
                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des adverbes agrave valeur discursive ADVdisc (I1)
                                                                                                                                                                                                                                                            • Principes geacuteneacuteraux
                                                                                                                                                                                                                                                            • Cotation des adverbes oui non peut-ecirctre en tant que particules de discours
                                                                                                                                                                                                                                                              • (c) Cotation des adverbes modifieurs ADVmod (I2)
                                                                                                                                                                                                                                                                • Principes geacuteneacuteraux
                                                                                                                                                                                                                                                                • Cotations des adverbes oui et non en tant que modifieurs
                                                                                                                                                                                                                                                                  • 522 Variables MORPH-LEX associeacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5221 Prop MCO
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5222 Prop MCF (Proportion Closed Class Words)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5223 Prop CONJMots prod
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5224 Prop CONJdisc
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5225 Prop CONJsynt
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5226 Indice DET (DET Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5227 Prop PRO (Proportion Pronouns)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5228 Prop V(V+N) (Proportion Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5229 Prop VMCO
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52210 Indice V-FLEX (Inflection Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52211 Prop PREPMots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52212 Prop ADV
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52213 Prop ADVdisc
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52214 Prop ADVmod
                                                                                                                                                                                                                                                                      • 523 Variable MORPH-V Indice Compl MORPH-V-Matrices
                                                                                                                                                                                                                                                                        • 5231 Comptage des verbes matrices V-Matrices (J) (Matrix Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                                                        • 5232 Complexification morphologique des verbes matrices - principes de cotation de fixeacutes pour le franccedilais V-Points Morph (J1) (Aux Score)
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Principes geacuteneacuteraux
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des V-Matrices agrave la forme non finie (ou laquo basique raquo) infinitive (+1) participe reacuteguliegravere (+1) ou participe irreacuteguliegravere (+2)
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (c) Cotation des V-Matrices agrave la forme finie
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (d) Cotation des V-Matrices avec un auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (e) Cotation des peacuteriphrases verbales (avec semi-auxiliaires ou modaux) impliquant un V-Matrice
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (f) Cotation des V-Matrices coordonneacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5233 Indice Compl MORPH-V-Matrices (Aux Complexity Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                • 53 Les variables SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 531 Valeurs brutes SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5311 Principes geacuteneacuteraux de cotation des eacutenonceacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5312 Principes deacutetailleacutes de cotation des eacutenonceacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Cotation des eacutenonceacutes de forme canonique E Ph (K) (Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Cotation des eacutenonceacutes de forme non canonique E Non-Can (TC Utterances)
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les combinaisons SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les preacutedicats isoleacutees SV ou V SN ou N SP ADJ ADV
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les constructions avec SN-O anteacuteposeacute au SV
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les constructions avec SN-S postposeacute au SV
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5313 Nombre de mots extraits composant les E Ph et les E Non-Can Mots ext(E Ph) (L) (Words in Sentences) et Mots ext(E Non-Can) (M) (Words in TC Utterances)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5314 Nombre drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et grammaticaux E Ph Gram (N) (Well-formed Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5315 Nombre de syntagmes nominaux sujet SN-S (O) (Subject Noun Phrases)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5316 Nombre de mots (MCO+PRO) composant les SN-S Mots MCO+PRO(SN-S) (P) (Words in SNPs)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5317 Nombre de syntagmes verbaux SV (Q) (Verb Phrases)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5318 Nombre de mots MCO+PRO composant les SV Mots MCO+PRO(SV) (R) (Words in VPs)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5319 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee SUB (S) (Embeddings)
                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 532 Variables SYNTAX associeacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5321 Prop Mots ext(E Ph) (Proportion Words in Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5322 Prop Mots ext(E Non-Can)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5323 Long Moy E Ph(Mots ext) (Mean Sentence Length)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5324 Prop E Ph Gram (Proportion Well-formed Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5325 Indice Elab E Ph (Sentence Elaboration Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Indice Elab SN-Sujet (SNP Elaboration Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Indice Elab SV (VP Elaboration Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5326 Prop SUB (Embedding Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 541 Variables quantitatives non utiliseacutees pour la tacircche 4
                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 542 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes (Prop E Seg)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 543 Cotation des phrases produites selon les critegraveres de grammaticaliteacute agrammaticaliteacute
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5431 Critegraveres morpho-lexicaux
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5432 Critegraveres syntaxiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5433 Emploi drsquoun verbe geacuteneacuterique agrave la place du verbe adeacutequat
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 55 Conclusion
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Partie III Reacutesultats
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 61 Reacutesultats variables CORPUS
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 611 Quantiteacute drsquoobservables soumis aux analyses caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 6111 Nombre de mots produits et de mots extraits Mots prod et Mots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 6112 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes E Seg
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 612 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 6121 Proportion de mots extraits Prop Mots extprod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 6122 Deacutebit verbal selon les variables laquo mots produits raquo et laquo mots extraits raquo Deacutebit Mots prod et Deacutebit Mots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6123 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots ext)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 613 Le style elliptique intra-phrastique et lrsquoexpansion macro-discursive
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 62 Reacutesultats variables MORPH
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 621 Introduction
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 622 Emploi des conjonctions CONJ CONJdisc et CONJsynt
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 6221 Proportion de conjonctions Prop CONJMots prod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6222 Proportions moyennes de conjonctions selon le type drsquoemploi Prop CONJdisc et Prop CONJsynt
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 623 Emploi des adverbes ADV ADVdisc et ADVmod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 6231 Proportion drsquoadverbes Prop ADVMots prod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 6232 Proportions drsquoadverbes selon le type drsquoemploi Prop ADVdisc et Prop ADVmod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 624 Analyse quantitative approfondie des PARTICULES DE DISCOURS (CONJdisc et ADVdisc)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6241 Principes de calcul de la nouvelle variable
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6242 Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES]
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 625 Reacutepartition des mots de classe ouverte et des mots de classe fermeacutee Prop MCO et Prop MCF
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-groupes
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique stabiliteacute et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (c) Donneacutees individuelles variabiliteacute inter-sujets agrammatiques et inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 626 Indice de deacutetermination Indice DET
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 627 Proportion de pronoms Prop PRO
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 628 Proportion de preacutepositions Prop PREPMots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 629 Proportion de verbes Prop V(V+N)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 6210 Indices de flexions verbales Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 62101 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) moyennes de groupe et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 62102 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Principe drsquointerpreacutetation de lrsquoIndice Compl MORPH-V-Matrices
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (c) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 63 Reacutesultats variables SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 631 Rappel
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 632 Reacutepartition des mots composant les eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) et les eacutenonceacutes de forme non canonique Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (a) Moyennes de groupes controcircles vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 633 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en nombre de mots extraits Long Moy E Ph(Mots ext)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 634 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux Prop E Ph Gram
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 635 Indice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase Indice Elab E Ph
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (a) Rappel calcul et signification de la variable Indice Elab E Ph
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 636 Proportion drsquoeacutenonceacutes avec complexification syntaxique Prop SUB
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (a) Moyennes de groupe controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 7 Synthegravese et discussion
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 701 Variables CORPUS variation du deacutebit verbal style elliptique intra-phrastique expansion macro-discursive
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 702 Variables MORPH preacuteservation des particules de discours ellipses de morphegravemes grammaticaux et strateacutegies palliatives
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Particules de discours et strateacutegie de structuration macro-discursive
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (b) Ellipse centreacutee sur les mots de classe fermeacutee
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (c) Les deacuteterminants
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (d) Les pronoms
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (e) Les preacutepositions
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (f) Les verbes agrave valeur geacuteneacuterique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (g) Les formes basiques verbales formes non finies et preacutesent simple
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 703 Variables SYNTAX ellipses strateacutegies palliatives et proceacutedures de reformulations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (a) Ellipses et constructions de forme non canonique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (b) Palliatifs morpho-syntaxiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (c) Proceacutedures de reformulations et drsquoautocorrections expliciteacutees (overt-repairs)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 711 Dysfonctionnement et adaptation
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 712 Principe des lois de performances variations inter-tacircches en quantiteacute et en qualiteacute
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (a) Gain drsquoaisance verbale et strateacutegies de reacuteduction et drsquoexpansion quantitative
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (b) Gain drsquoaisance verbale gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies palliatives
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (c) Gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies de reformulation
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 73 Discussion et perspectives
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 731 La dimension neurolinguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 7311 Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 7312 Classifications des aphasies et variabiliteacutes de types freacutequences de symptocircmes
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 7313 Postulats de fractionnement transparence suffisance et adaptations comportementales
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 732 La dimension psycholinguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7321 Adaptations et modegravele de la performance psycholinguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7322 Particules de discours organisation macro-discursive reacuteduction intra-phrastique et coucirct drsquoencodage
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7323 Caractegravere volontaire involontaire des adaptations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7324 Agrammatisme et acquisition drsquoune LE
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 733 La dimension linguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 7331 Aspects meacutethodologiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (a) Analyse des pheacutenomegravenes de substitutions
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (b) Corpus et aphasiologie
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 7332 Aspects theacuteoriques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 734 La dimension theacuterapeutique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Conclusion geacuteneacuterale
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Bibliographie
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Index des scheacutemas tableaux et illustrations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Index des figures
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Liste des abreacuteviations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Sommaire deacutetailleacute
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Reacutesumeacute (4egraveme de couverture)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • Volume 2 (ANNEXES - 338p)
Page 2: Halima Sahraoui - TEL

TTHHEgraveEgraveSSEE

En vue de lobtention du

DDOOCCTTOORRAATT DDEE LLrsquorsquoUUNNIIVVEERRSSIITTEacuteEacute DDEE TTOOUULLOOUUSSEE

Deacutelivreacute par lrsquo Universiteacute de Toulouse II-Le Mirail Discipline ou speacutecialiteacute Sciences du Langage

JURY

Lorraine BAQUEacute PU Universiteacute Autonome de Barcelone (Rapporteur) Jacques FRANCcedilOIS PU Universiteacute de Caen - Basse Normandie (Rapporteur) Barbara KOumlPKE MCF Universiteacute de Toulouse-Le Mirail Jean-Luc NESPOULOUS PU Universiteacute de Toulouse-Le Mirail

Ecole doctorale CLESCO Ndeg 326 Uniteacute de recherche URI OCTOGONE EA 4156 - LABORATOIRE JACQUES LORDAT

Directeur de Thegravese Jean-Luc NESPOULOUS

Volume 1 2

Preacutesenteacutee et soutenue par Halima SAHRAOUI

Le 05 Deacutecembre 2009

Contribution agrave lrsquoeacutetude des strateacutegies compensatoires dans lrsquoagrammatisme

Approche neuropsycholinguistique de la performance de six locuteurs agrammatiques en production orale caracteacuterisation quantitative et fonctionnelle des variabiliteacutes

Merci

aux membres du jury qui ont accepteacute drsquoeacutevaluer ce travail

agrave Jean-Luc Nespoulous qui mrsquoa guideacutee et qui mrsquoa tant encourageacutee en toutes circonstances agrave poursuivre et achever cette thegravese sur un sujet qui lui est cher

agrave toutes les personnes qui ont si geacuteneacutereusement donneacute leur parole SB MC PC BR PB TH LA agrave Catherine Anne Edith Guy Laurent Geacuterard Franck Guillaume Loiumlc Marie-Heacutelegravene Marie-Noeumllle Mado Fanny Valeacuterie Marie Christelle Nathalie Sarah Laurent M

aux orthophonistes qui se sont inteacuteresseacutes agrave ce travail et qui mrsquoont aideacutee agrave rencontrer des sujets Christel Canac-Richard Olivier Heacuteral Sylvie Hirtz Brigitte Bonici Heacutelegravene Le-Roux Mme Pointreau Franck Meacutedina Nathalie Gallifet

aux associations GATT (Groupe des Aphasiques Tchatcheurs du Toulousain en particulier agrave Anne et Yves Ramier-Debenais) GAA (Groupe des Aphasiques de lrsquoAgenais en particulier agrave Geneviegraveve et Michel Chartier) et agrave la FNAF (Feacutedeacuteration Nationale des Aphasiques de France en particulier agrave Jean-Dominique Journet son preacutesident)

agrave la Fondation de France qui mrsquoa octroyeacute la bourse Deacuteclic (en particulier agrave Mme Baudoin-Chial membre du jury 2005)

au soutien logistique du Laboratoire J Lordat et de lrsquoUniversiteacute de Toulouse II-Le Mirail

agrave tous les membres du Laboratoire Jacques Lordat que jrsquoai connus pendant mes premiegraveres anneacutees de thegravese Barbara Koumlpke Estelle Cabrillac Christel Canac-Richard Corinne Dominguez Julie Ranccedilon Karine Rigaldie Pascal Gaillard Michel Billiegraveres Nathalie Spanghero-Gaillard Nathalie Panissal Muriel Barbazan Christiane Soum Marion Fossard Elsa Chopinet-Mayeux (bravo lrsquoortho ) Karine Duvignau Seacutebastien Tarachi Marie-Ange Dat

un merci speacutecial agrave mon ange gardien Vanda Marijanovic qui srsquoest occupeacutee de mes corveacutees administratives avec tant de gentillesse et agrave Evelyne Vilon pour sa disponibiliteacute et merci aussi agrave M Bonnemaison du service de lrsquoimprimerie de lrsquoUTM pour son efficaciteacute et sa gentillesse

merci eacutegalement aux membres du deacutepartement de sciences du langage de lrsquoUniversiteacute drsquoOrleacuteans ougrave jrsquoai eu le plaisir drsquoatterrir pour enseigner pendant deux ans en particulier agrave Meacutelanie Petit (enfin jrsquoai fini ) J-L Rougeacute Olivier Baude Gabriel Bergounioux Lotfi Abouda Emmanuel Schang J-P Thibaudeau Ceacuteline Dugua Iris Eskhol Michegravele Plisson Catherine Brumelot Marjolaine Vallin Linda Hriba Antonia Cristinoi Franccedilois Neacutemo Layaal Kanaan Rita Abdel-Nour

salut aux amis de Nancy Toulouse Rennes Seacuteoul ou ailleurs Sarah Malya et Laurent (et petite Noa) lrsquoLN Marquette la Clo et Manu Clairette et Nico (et petite Jeanne) Muriel la toulourennaise Marie-ange et Benoicirct (et petit Raphaeumll) Nath et Seacuteb (et petite Leiumlla et petite) Christophe et Janna (et petit Kostia) Vanda et Thomas Catherine Charcosset pour ses beaux yeux Corinne et Jeacuterocircme (et petits Arthur et Nicolas) Soraya et Max (et petite Kiyane) Megha et Mauro (et petit Levon) Sylvia la Sarde Kyun-Sun Mado et Loiumlc (et petit Yaume) la peacutetillante Elsa les Alexs (et petite Ernestine) Nico et Aureacutelie Alex Duv Seb Fabre Pape et Diara Nasseacutera Philippe Papis Ceacuteline et Paul (et petite Zeacutelie) Laurent et Claire et bien sucircr Christophe dit Top Christelle et Yannick Elodie et Aliocha (et Sonia et Simon) Marion et Ceacutedric (et Achille et Prune) Fanny et Jeacuterocircme (et Pauline)

jrsquoen profite aussi pour dire toute lrsquoaffection que je porte envers Edith Guy Lucie et petites Edith et Adegravele avec une penseacutee pour Christian et envers ma famille drsquoici et drsquoAlgeacuterie Bekhta qui mrsquoa tant soutenue dans les moments difficiles et Fatima (merci pour le cafeacute ) Rochdie petite Anaeumllle-Jade et Mickaeumll mes parents et tous mes fregraveres et soeurs et leurs enfants Daoud Hassan Saliha Souleymane Yahia Myriama Kheira Mohamed Chaiumlma Mounia Houria

et pour dire tout lrsquoamour que je porte envers ma petite perle Agathe et son papa adoreacute

5

laquo petits mots beaucoup difficiles raquo

(2 BR_agr2)

laquo crsquoest eacutevident mais parler raquo

(3 MC_agr3)

laquo la parole dans la tecircte mais le deacuteroulement la parole est intacte raquo

(5 PB_agr1)

6

Sommaire

7

Sommaire

Volume 1 Introduction 9

Partie I Repegraveres Theacuteoriques 13

1 Contexte et objectif 15 10 Les aphasies 15 11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude 18 12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique 25 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses 26 20 Remarques liminaires 26 21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes 26 22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme 31 23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques

agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation 33 24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives 58 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique 78 30 Modegraveles de production introduction 78 31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation

des processus psycholinguistiques 90 32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle 92 33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les

versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo 97 34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle 100 35 Conclusion 113

Partie II Meacutethodologie 115 4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des

corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)117 40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale 117 41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale 124 42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain 134 43 Recueil des corpus passations 137 44 Caracteacuteristiques des participants 139 45 Construction des observables 144 46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription 147 47 Segmentation des corpus de discours continu 154 48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu 161 49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives 163 410 Corpus collecteacutes et mis en forme 171 411 Conclusion 175

Sommaire

8

5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative177 50 Introduction 177 51 Les variables CORPUS 181 52 Les variables MORPH186 53 Les variables SYNTAX208 54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)216 55 Conclusion219

Partie III Reacutesultats 221 6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX223 60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats 223 61 Reacutesultats variables CORPUS225 62 Reacutesultats variables MORPH245 63 Reacutesultats variables SYNTAX292 7 Synthegravese et discussion 313 70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees 313 71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances 318 72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires323 73 Discussion et perspectives 325

Conclusion geacuteneacuterale 335 Bibliographie 337 Index des scheacutemas tableaux et illustrations 353 Index des figures 355 Liste des abreacuteviations 357 Sommaire deacutetailleacute 361

Volume 2

ANNEXES A B C D E F G H I373

Introduction

9

Introduction

Lrsquoaphasie est la conseacutequence drsquoun deacuteficit affectant les capaciteacutes drsquoencodage etou de deacutecodage drsquoun message verbal Selon le tableau clinique les aspects perturbeacutes du langage varient Cette eacutetude porte plus speacutecifiquement sur lrsquoaphasie agrammatique en production orale Suite agrave une leacutesion heacutemispheacuterique gauche geacuteneacuteralement localiseacutee dans lrsquoAire de Broca encore que de maniegravere non systeacutematique le tableau clinique initial de lrsquoaphasique (souvent proche du mutisme) peut eacutevoluer vers un trouble de lexpression que les neurologues ont appeleacute laquo agrammatisme raquo

Lrsquoagrammatisme inteacuteresse tant les neurologues qui cherchent agrave deacutecrire lrsquoarchitecture anatomo-fonctionnelle sous-jacente agrave lrsquoactiviteacute langagiegravere les psycholinguistiques qui srsquointeacuteressent au fonctionnement cognitif sous-jacent agrave une tacircche verbale donneacutee et les linguistes pour qui lrsquoobjectif est de mieux comprendre les proprieacuteteacutes structurales drsquoune langue et ses instanciations dans certaines situations

Lrsquoeacutetude des pheacutenomegravenes agrammatiques peut ainsi amener agrave circonscrire le ou les territoires ceacutereacutebraux impliqueacutes pour la production du langage oral (par la mise en eacutevidence de dissociations et doubles-dissociations) construire des modegraveles de la performance psycholinguistique par lrsquoimpleacutementation des processus cognitifs impliqueacutes lors de la formulation drsquoun message (par des protocoles expeacuterimentaux manipulant les variables linguistiques) et appreacutehender les proprieacuteteacutes structurales et fonctionnelles drsquoun systegraveme linguistique en vue de modeacuteliser lrsquoorganisation drsquoune langue particuliegravere et du langage en geacuteneacuteral (agrave travers la description de ses manifestations en particulier les composantes morpho-lexicales et syntaxiques)

PROBLEacuteMATIQUE

Notre probleacutematique est focaliseacutee sur lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives

Le comportement verbal agrammatique est envisageacute comme eacutetant le reacutesultat drsquoun dysfonctionnement sous-jacent affectant en particulier lrsquoencodage des morphegravemes grammaticaux Cependant une large part des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme peuvent eacutegalement srsquoenvisager comme eacutetant le reacutesultat de strateacutegies deacuteployeacutees par le patient Ce faisant la preacutesente eacutetude a pour but ultime de mieux caracteacuteriser lrsquoagrammatisme sur le versant des adaptations agrave travers lrsquoexamen de ses manifestations de surfaces complexes et aux multiples facettes

Introduction

10

Nous partons du postulat suivant le patient deacuteficitaire agrammatique est aussi un locuteur strateacutegique

Agrave travers lrsquoagrammatisme lrsquoobjectif est drsquoillustrer un aspect de la dynamique adaptative du fonctionnement langagier sa flexibiliteacute en situation de difficulteacute Selon nous ce principe fondamental se trouve mis en relief dans le cas des conduites adaptatives eacutemergeant de lrsquoaphasie agrammatique Ce meacutecanisme drsquoadaptabiliteacute et de flexibiliteacute si fondamental au langage et agrave la cognition humaine serait fonctionnellement deacutetermineacute Autrement dit au cocircteacute drsquoautres facteurs drsquoordre individuel et structural-linguistique les facteurs externes constituent des facteurs de variabiliteacutes de lrsquooutput Ainsi lrsquoeacutetude des strateacutegies pose la question centrale des variabiliteacutes de niveau quantitatif et qualitatif et dans la perspective inter-tacircches que lrsquoon peut observer de fait ou mecircme sciemment mettre en eacutevidence pour soutenir lrsquohypothegravese des conduites adaptatives De plus la mise en place et lrsquoutilisation de strateacutegies en situation de verbalisation tiennent lieu de traces tangibles de la flexibiliteacute linguistique et psycho-cognitive sous-jacente aux comportements langagiers

Pour deacutemontrer lrsquoexistence des strateacutegies et de la flexibiliteacute psycho-cognitive et linguistique sous-jacente il srsquoagit donc de fournir une interpreacutetation fonctionnelle des variabiliteacutes inter-tacircches eacutemergeant de la manipulation des conditions externes

ORGANISATION DU TRAVAIL

La partie theacuteorique (Partie I) aborde lrsquoagrammatisme en posant des repegraveres indispensables agrave une meilleure compreacutehension des enjeux theacuteoriques poseacutes par ce trouble Apregraves avoir deacutelimiteacute notre objet drsquoeacutetude et preacuteciseacute notre question de recherche et ses motivations (partie I chapitre 1) on proposera une revue de litteacuterature cibleacutee partant des descriptions des perturbations et drsquointerpreacutetation du deacuteficit sous-jacent pour aboutir agrave la question centrale des variabiliteacutes et agrave la theacuteorie drsquoadaptation (partie I chapitre 2)

Ensuite un retour sur les modegraveles psycholinguistiques de la performance pris comme reacutefeacuterences dans certains travaux pour expliquer le trouble (partie I chapitre 3) nous conduira agrave envisager les limites des approches fondeacutees sur une caracteacuterisation essentiellement structurale-linguistique ce qui nous permettra de deacutegager lrsquointeacuterecirct de lrsquoapproche proceacutedurale du point de vue de lrsquointerpreacutetation des variabiliteacutes Pour finir cette partie theacuteorique on argumentera en faveur drsquoune approche de lrsquoagrammatisme conditionneacutee par un positionnement interdisciplinaire laquo neuro-psycho-linguistique raquo raisonneacute guideacute par les principes du fonctionnalisme cognitif

La deuxiegraveme grande partie (Partie II) nous engagera agrave reacutefleacutechir sur la mise en place drsquoun cadre meacutethodologique adeacutequat agrave la caracteacuterisation fonctionnelle du comportement verbal agrammatique en vue de deacutegager des lois de performances notables lieacutees aux caracteacuteristiques de la tacircche de production orale en jeu Plus preacuteciseacutement il srsquoagira de preacutesenter le protocole deacutetailleacute de collecte de donneacutees crsquoest-agrave-dire les caracteacuteristiques des quatre tacircches de production verbale des neuf locuteurs controcircles et des six locuteurs agrammatiques retenus

Introduction

11

pour cette eacutetude en faisant quelques deacutetours par un exposeacute des problegravemes lieacutes au terrain de recherche et agrave la constitution de corpus pathologique Aussi partant des difficulteacutes lieacutees agrave la qualiteacute-mecircme du discours aphasique ainsi collecteacute seront exposeacutes les principes de transcription de mise en forme et de preacute-traitement des corpus de donneacutees orales (partie II chapitre 4)

Ensuite (partie II chapitre 5) nous exposerons en deacutetail et agrave lrsquoaide drsquoexemples concrets tireacutes des corpus pathologiques ou du langage ordinaire le protocole drsquoanalyse quantitative appliqueacute aux corpus suivant une trentaine de variables linguistiques deacutefinies et regroupeacutees sous trois grandes cateacutegories de variables (CORPUS MORPH et SYNTAX) Ce faisant nous expliquerons les ameacutenagements reacutealiseacutes ainsi que les nouvelles mesures ajouteacutees par rapport au protocole drsquoanalyse quantitative original qui dans une large mesure a inspireacute la meacutethode adopteacutee

La troisiegraveme et derniegravere partie de ce travail (Partie III) est drsquoabord consacreacutee agrave un examen approfondi des reacutesultats quantitatifs moyenneacutes et ou individuels obtenus agrave partir des analyses systeacutematiques pratiqueacutees sur chacun des corpus Suivant chacune des cateacutegories de variables speacutecifieacutees (CORPUS MORPH et SYNTAX) les graphes de comparaison inter-groupes inter-tacircches et inter-sujets nous amegraveneront agrave deacutecrire des patrons de variabiliteacutes drsquoorganisation macro- et micro-discursive refleacutetant des strateacutegies de structuration linguistique particuliegraveres (Partie III chapitre 6)

Pour finir (Partie III chapitre 7) une synthegravese des reacutesultats et des interpreacutetations axeacutee sur la caracteacuterisation de lois de performances notables lieacutees au recours agrave des strateacutegies varieacutees constituera un nouveau point drsquoancrage agrave lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation

En guise de conclusion et drsquoouverture nous preacutesenterons alors une typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires employeacutees dans lrsquoaphasie agrammatique en production orale sans oublier de revenir sur les limites de la preacutesente eacutetude et drsquoen deacutegager quelques perspectives drsquoapprofondissements et pistes de reacuteflexions possibles

ORGANISATION DES ANNEXES

En annexe A le lecteur trouvera le formulaire drsquoentreacutee proposeacute aux locuteurs ayant accepteacute de participer agrave la collecte de donneacutees verbales Puis les caracteacuteristiques deacutetailleacutees des participants controcircles et agrammatiques sont disponibles en annexes B C et D

En annexe E ougrave figurent tous les stimuli utiliseacutes dans notre protocole expeacuterimental la proceacutedure de passation est exposeacutee en deacutetail pour chacune des quatre tacircches de production

En annexe F sont reacutesumeacutees les instructions de transcriptions et de mise en forme des corpus oraux Ensuite en annexe G un exemple de feuille de travail sur corpus avec les cotations reacutealiseacutees et sa feuille de reacutesultats associeacutee permet drsquoavoir une vision concregravete des types de transcriptions et des traitements appliqueacutes

Introduction

12

Drsquoautre part sont fournis en annexe H lrsquoensemble des corpus oraux collecteacutes aupregraves des six participants agrammatiques ainsi que les feuilles de reacutesultats et graphes de donneacutees individuelles associeacutes

En annexe I nous avons reproduit partiellement les corpus oraux collecteacutes aupregraves du groupe de locuteurs controcircles (corpus de reacutefeacuterence) Ces corpus transcrits concernent trois des neuf participants controcircles Pour finir nous avons fourni les feuilles de reacutesultats associeacutees agrave ces trois corpus controcircles et lrsquoensemble des graphes de donneacutees individuelles concernant les neuf sujets controcircles dont les corpus ont eacuteteacute analyseacutes

13

Partie I Repegraveres Theacuteoriques

14

PARTIE I 1 Contexte et objectif

15

1 Contexte et objectif

10 Les aphasies

En France le nombre de personnes atteintes drsquoun accident vasculaire ceacutereacutebral (AVC) ayant entraicircneacute des troubles neurologiques transitoires ou permanents est estimeacute agrave 500 000 Tous les ans 150 000 personnes seraient victimes drsquoun AVC pour lesquelles le taux de reacutecidive est eacutevalueacute agrave 25 La survenue drsquoun AVC est la troisiegraveme cause de mortaliteacute et la premiegravere cause de handicap (moteur et psychique) 75 des patients ceacutereacutebro-leacuteseacutes ont plus de 65 ans1

Une leacutesion affectant le systegraveme nerveux central (SNC) peut reacutesulter de diffeacuterents types drsquoAVC2 (AMARENCO 2001)

lrsquoAVC ischeacutemique (80 des cas drsquoAVC) un caillot de sang peut bloquer la circulation dans une artegravere et de ce fait une partie des tissus nrsquoest plus irrigueacutee ce qui entraicircne la survenue drsquoun infarctus ceacutereacutebral Lrsquoocclusion peut reacutesulter drsquoune thrombose en cas drsquoocclusion drsquoune artegravere ceacutereacutebrale ou drsquoune embolie drsquoorigine extra-cracircnienne (aortique ou carotidienne)

lrsquoAVC heacutemorragique (15 ) la rupture drsquoune artegravere est la cause drsquoune heacutemorragie ceacutereacutebrale qui endommage les cellules nerveuses environnantes

lrsquoheacutemorragie meacuteningeacutee (5 ) faisant suite dans la majoriteacute des cas agrave la rupture drsquoun aneacutevrisme arteacuteriel lrsquoheacutemorragie atteint les espaces situeacutes entre la paroi cracircnienne et le SNC

Parmi les diffeacuterents types de seacutequelles drsquoorigine neurologique occasionneacutees par une leacutesion ceacutereacutebrale (coma et trouble de la conscience ceacutephaleacutees heacutemipleacutegie et trouble de la coordination motrice heacutemipareacutesie et trouble sensitif trouble de lrsquoeacutequilibre trouble praxique trouble thymique trouble de lrsquoattention du raisonnement de la concentration de la vision de lrsquoaudition) lrsquoaphasie est un trouble du langage acquis qui selon le siegravege et lrsquoeacutetendue de la leacutesion est plus ou moins seacutevegravere

Les symptocircmes de perturbations langagiegraveres sont freacutequemment associeacutes agrave drsquoautres types de symptocircmes Mais la variabiliteacute inter-individus est telle qursquoil est difficile de deacutegager des correacutelations anatomo-fonctionnelles stables et immuables Cependant il est communeacutement admis qursquoune leacutesion cortico-sous-corticale situeacutee dans lrsquoheacutemisphegravere dominant pour le langage entraicircne dans la plupart des cas une aphasie

1 Estimations chiffreacutees de France AVC (association drsquoaide aux parents et aux familles de patients victimes drsquoAVC) 2 Les leacutesions ceacutereacutebrales qui font suite agrave un traumatisme cracircnien (choc violent agrave la tecircte) agrave une tumeur ceacutereacutebrale agrave une maladie deacutegeacuteneacuterative plus diffuse (telle que la maladie drsquoAlzheimer) ou agrave une infection sont agrave consideacuterer agrave part

PARTIE I 1 Contexte et objectif

16

En effet lorsque certaines aires ceacutereacutebrales impliqueacutees dans la gestion du langage articuleacute sont endommageacutees il y a laquo perte raquo partielle ou totale des capaciteacutes agrave formuler etou agrave interpreacuteter les mots et les phrases en modaliteacute orale etou en modaliteacute eacutecrite Autrement dit un ceacutereacutebro-leacuteseacute peut manifester des difficulteacutes drsquoutilisation du code linguistique qui avant la leacutesion ceacutereacutebrale avait atteint un niveau de deacuteveloppement normal3

La prise en consideacuteration du type et du siegravege drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale combineacutee agrave une approche clinique du dysfonctionnement langagier permet drsquoenvisager lrsquoorganisation fonctionnelle du cerveau En effet les classifications des aphasies reposent sur lrsquoobservation du site leacutesionnel impliqueacute la description du type de perturbations linguistiques (la symptomatologie) et sur la modaliteacute du langage qui est affecteacutee (le versant expressif reacuteceptif ou les deux) Lrsquoaphasie revecirct des formes multiples regroupeacutees en deux grandes familles les aphasies non fluentes et les aphasies fluentes

Il nrsquoest pas question ici de rendre compte de maniegravere approfondie de toutes les typologies en aphasiologie ayant eacutemergeacute de la recherche de dissociations et de doubles-dissociations4 et de correacutelations anatomo-fonctionnelles ainsi que de leur remise en question perpeacutetuelle agrave travers des observations de sites leacutesionnels contradictoires ou agrave travers les deacutebats entre localisationnistes et associationnistes depuis la phreacutenologie de GALL5

Par contre la classification issue de la collaboration entre le neurologue LURIA et le linguiste JAKOBSON preacutesentera pour nous un inteacuterecirct tout particulier (nous y reviendrons dans le chapitre 2 au point 2321 p 34)

Nous preacutesentons ci-apregraves (Tableau 117 p 17 drsquoapregraves GIL 1999) un rapide tour drsquohorizon des diffeacuterentes formes drsquoaphasies classiquement reacutepertorieacutees dans les approches cliniques (en neurologie et en theacuterapie du langage) et regroupeacutees sous deux groupes drsquoaphasies suivant leur caractegravere fluent ou non fluent

3 Les alteacuterations peuvent eacutegalement concerner de maniegravere plus speacutecifique les aspects pragmatiques de la communication verbale et non verbale Ce type de trouble de niveau pragmatique est geacuteneacuteralement causeacute par des leacutesions situeacutees dans lrsquoheacutemisphegravere droit 4 La mise en valeur de dissociations refleacutetant des meacutecanismes psycho-cognitifs laquo indeacutependants raquo est possible par lrsquoobservation de diffeacuterences significatives entre les performances drsquoun sujet entre une tacircche A et une tacircche B La mise en valeur de doubles-dissociations supposent qursquoune dissociation deacutemontreacutee pour un premier sujet complegravete la dissociation inverse deacutemontreacutee pour un deuxiegraveme sujet pour les mecircmes tacircches A et B (crsquoest-agrave-dire que les deux sujets doivent montrer un patron de performances inverseacute et compleacutementaire dans une tacircche A et une tacircche B ce qui permet de valider lrsquohypothegravese sur la dissociation envisageacutee au deacutepart (WILLMES 1993 1998) 5 Nous renvoyons le lecteur aux synthegraveses historiques et eacutepisteacutemologiques de lrsquoaphasiologie de MESSERLI (1989) et BERGOUNIOUX (2001)

PARTIE I 1 Contexte et objectif

17

Deacutenominations Sites leacutesionnels Tableaux cliniques du point de vue des symptocircmes patholinguistiques

I Les aphasies agrave langage reacuteduit ou aphasies non fluentes 1 Aphasie de Broca aphasie drsquoexpression ou aphasie motrice corticale (Deacutejerine) aphasie motrice effeacuterente ou aphasie motrice cineacutetique (Luria) aphasie de reacutealisation phoneacutematique (Haecan)

Le cap et le pied de la troisiegraveme circonvolution frontale gauche (ou pied de F3 ou aires ndeg44 et 45 de Brodmann ou aire de Broca reacutegion corticale) noyaux gris centraux (reacutegion sous-corticale)

Reacuteduction du langage Inhibition et faible deacutebit verbal Elocution lente et laborieuse Perturbations articulatoires et phoneacutetiques (laquo deacutesinteacutegration phoneacutetique raquo) Perturbations de la combinaison des mots Steacutereacuteotypies (une syllabe un mot isoleacute ou une expression involontaire de langage automatique comme une formule politesse) Apraxie bucco-faciale Dysprosodie La compreacutehension verbale est relativement preacuteserveacutee mais la compreacutehension des mots grammaticaux est perturbeacutee tout comme la lecture (alexies) Dans certains cas apregraves le mutisme dans le stade initial reacutegression de lrsquoaphasie avec apparition drsquoun agrammatisme en production verbale (perturbations de lrsquoutilisation des mots grammaticaux) Le patient est conscient de son trouble

2 Aphasie totale de Deacutejerine ou grande aphasie de Broca

Vastes leacutesions heacutemispheacuteriques Perturbations massives du langage en production et en compreacutehension agrave lrsquooral et agrave lrsquoeacutecrit

3 Anarthrie pure de Pierre Marie

Opercule frontal ou substance blanche du bras anteacuterieur de la capsule interne

Trouble articulatoire pure voire mutisme La compreacutehension est strictement preacuteserveacutee agrave lrsquooral et agrave lrsquoeacutecrit

4 Aphasie transcorticale motrice adynamie de la parole (Kleist Pick) aphasie dynamique (Luria)

Gyrus insulaire et structures limbiques Leacutesion frontale de lrsquoaire motrice suppleacutementaire (aphasie corticale) ou atteinte profonde de la substance blanche sous-corticale

Perturbations de lrsquoinitiation eacutelocutoire (manque drsquoincitation verbal) Echolalies Compreacutehension orale et eacutecrite preacuteserveacutee

II Les aphasies agrave langage fluide ou aphasies fluentes 1 Aphasie de Wernicke aphasie sensorielle ou aphasie de reacuteception

Leacutesion de lrsquoaire de Wernicke (aire associative auditive de la face externe posteacuterieure de la circonvolution temporale supeacuterieure (T1) ou aire ndeg22 de Brodmann en-dessous des aires auditives primaire (gyrus de Heschl 41) et secondaire (42) atteinte du gyrus angulaire (39 encodage et deacutecodage du langage eacutecrit) et du gyrus supra-marginal (40 reacutepeacutetition)

Fluiditeacute verbale preacuteserveacutee Deacutesinhibition verbale discours logorrheacuteique Perturbation massive de la compreacutehension orale et eacutecrite En lecture apparition de paralexies et en eacutecriture apparition de paragraphies En production du langage preacutesence de paraphasies phoneacutemiques lexico-seacutemantiques Paraphasies touchant aussi les mots grammaticaux ce qui donne lrsquoeffet drsquoune dyssyntaxie (seacutelection drsquoun morphegraveme grammatical inadeacutequat) Neacuteologies lexicales Deacutesorganisation et incoheacuterence de surface donnant une impression de jargon (jargonaphasie) Anosognosie (le patient nrsquoa pas conscience de son trouble)

2 Syndrome alexie-agraphie de Deacutejeacuterine ou aphasie de Wernicke de type III (Roch-Lecours et Lhermitte)

Gyrus angulaire cortex visuel associatif

La production est preacuteserveacutee Manque du mot en deacutenomination Lrsquoeacutecrit est tregraves deacuteficient jargonagraphie (en eacutecriture) et alexie (en lecture)

3 Aphasie amneacutesique de Pitres

Leacutesions de la circonvolution temporale infeacuterieure

Manque du mot compenseacute par lrsquoemploi drsquoune circonlocution trouble drsquoordre lexico-seacutemantique La compreacutehension est preacuteserveacutee

4 Aphasie de conduction ou aphasie centrale (Goldstein) ou aphasie motrice affeacuterente

Leacutesions touchant le faisceau arqueacute unissant lrsquoaire de Wernicke agrave lrsquoaire de Broca

La compreacutehension est preacuteserveacutee Production de paraphasies phoneacutemiques et morphologiques avec tentatives drsquoauto-corrections

5 Surditeacute verbale pure Leacutesions cortico-sous-corticales bi-temporales ou temporales gauches (deacuteconnexion entre lrsquoaire de Wernicke et le gyrus de Heschl)

La production du langage est normale alors que le deacutecodage auditif est impossible Trouble de la reacutepeacutetition

6 Lrsquoaphasie transcorticale sensorielle ou aphasie de Wernicke de type II (Roch-Lecours et Lhermitte) ou syndrome drsquoisolement des aires du langage

Gyrus angulaire (aires 37 et 39 les aires de Broca et de Wernicke ainsi que le faisceau arqueacute sont indemnes)

Alteacuteration massive de la compreacutehension orale et eacutecrite alors que la reacutepeacutetition est preacuteserveacutee Manque du mot Deacutenomination preacuteserveacutee dans certains cas Reacutepeacutetition preacuteserveacutee

7 Les aphasies croiseacutees Leacutesions corticales de lrsquoheacutemisphegravere mineur

Le tableau clinique emprunte aux autres tableaux cliniques des aphasies deacutecrites

Tableau 1 Les diffeacuterentes formes drsquoaphasies

PARTIE I 1 Contexte et objectif

18

Cette classification ne contredit pas les grandes lignes de la synthegravese proposeacutee par LECOURS et LEHRMITTE (1979 339-341) devenue une reacutefeacuterence dans le monde francophone de lrsquoaphasiologie Leur taxonomie des aphasies reposent sur laquo onze constellations seacutemiologiques [citeacutees ci-apregraves] en plus de lrsquoaphasie globale et des aphasies mixtes raquo regroupeacutees sous trois tableaux cliniques suivant le site leacutesionnel en cause (soit treize tableaux cliniques)

les aphasies pures (leacutesions concernant un cortex primaire ou une partie drsquoun cortex associatif) la surditeacute verbale pure la ceacuteciteacute verbale pure lrsquoanarthrie pure et lrsquoagraphie pure

les aphasies de Broca et de Wernicke (leacutesions concernant un cortex associatif speacutecifique etou des axones associatifs en direction ou en provenance immeacutediate de celui-ci) lrsquoaphasie de Wernicke (de type I) lrsquoaphasie de Wernicke de type III lrsquoaphasie de Broca lrsquoaphasie de conduction lrsquoaphasie amneacutesique (de Pitres)

les aphasies transcorticales (leacutesions concernant un cortex associatif non speacutecifique etou des axones associatifs en direction ou en provenance immeacutediate de celui-ci) lrsquoaphasie de Wernicke de type II lrsquoaspontaneacuteiteacute

En reacutesumeacute le terme aphasie deacutesigne lrsquoensemble des troubles du langage en compreacutehension et en production agrave lrsquoeacutecrit et agrave lrsquooral faisant suite agrave une leacutesion ceacutereacutebrale dont le siegravege est geacuteneacuteralement dans lrsquoheacutemisphegravere gauche Lrsquoaphasique preacutesente des troubles varieacutes deacutependant du type de leacutesion reacuteveacuteleacutes dans certaines modaliteacutes en jeu et suivant certains niveaux drsquoorganisation linguistique

Drsquoapregraves les critegraveres preacuteciteacutes le tableau clinique drsquoun patient aphasique est associeacute agrave un certain type drsquoaphasie suivant les classifications admises par consensus Cependant gardons agrave lrsquoesprit que le plus souvent un tableau clinique singulier peut srsquoassocier agrave des symptomatologies classiquement attribueacutees agrave des aphasies distingueacutees au sein drsquoune mecircme classification

11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude

Dans le cadre de cette eacutetude nous nous inteacuteressons strictement agrave lrsquoaphasie agrammatique geacuteneacuteralement associeacutee au tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca Nous envisageons lrsquoagrammatisme agrave travers ses aspects neurologiques psycho-cognitifs et linguistiques

En effet les troubles du langage acquis constituent un terrain pseudo-expeacuterimental de choix pour qui souhaite questionner les fondements du langage dans ses dimensions neurologique psycho-cognitive et linguistique (structurale-formelle et fonctionnelle) Crsquoest drsquoapregraves ces dimensions que notre objet drsquoeacutetude et les questions fondamentales qursquoil pose sont abordeacutes

PARTIE I 1 Contexte et objectif

19

111 La dimension neurologique lrsquoaphasie de Broca et le rocircle de lrsquoaire de Broca

Lrsquoapproche clinique des pheacutenomegravenes de perturbations linguistiques srsquoinscrit dans une longue histoire dont une eacutetape marquante fut incarneacutee par les travaux de BROCA agrave la fin de 19egraveme siegravecle En 1861 il avance lrsquohypothegravese localisationniste selon laquelle la zone du langage serait circonscrite dans une aire situeacutee dans le laquo lobe frontal de lrsquoheacutemisphegravere gauche raquo suite aux correacutelations anatomo-fonctionnelles formuleacutees par lrsquoobservation du comportement verbal drsquoun patient laquo apheacutemique raquo ceacutereacutebro-leacuteseacute gauche6 Suivant la meacutethode jacksonienne7 lrsquoapproche clinique est fondeacutee sur lrsquoobservation de symptocircmes dans le comportement drsquoune part et lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents en jeu drsquoautre part pour aboutir agrave leur dissociation fonctionnelle

Dans les conceptions classiques lrsquoaire de Broca est le territoire cortical soupccedilonneacute responsable de la gestion du langage en production verbale Dans la nomenclature de BRODMANN (1909) lrsquoaire de Broca correspond aux aires ndeg44 (pars opercularis appeleacutee aussi reacutegion operculaire du gyrus frontal infeacuterieur ou pied de F3) et 45 (pars triangularis) Cette zone du cerveau fut reacuteputeacutee responsable de la faculteacute de langage articuleacute par BROCA (1861) Lrsquoaphasie de Broca de la famille des aphasies dites non fluentes est geacuteneacuteralement associeacutee agrave une leacutesion de cette aire Elle est habituellement deacutecrite suivant le tableau clinique deacutejagrave eacutevoqueacute (voir Tableau 1 p 17)

Cependant DEacuteMONET et PUEL (1994 341) nuancent lrsquoimplication de lrsquoaire de Broca dans le tableau clinique de lrsquoaphasie du mecircme nom Ils soulignent que laquo la description traditionnelle de lrsquoaphasie de Broca apparaicirct trop restrictive pour rendre compte des exceptions mentionneacutees par la litteacuterature raquo

En effet il semble qursquoil faille consideacuterer que drsquoautres reacutegions en plus de lrsquoaire de Broca soient impliqueacutees dans la production de langage articuleacute (des structures sous-corticales et des portions de lrsquoheacutemisphegravere droit) Il ne faut pas neacutegliger les situations cliniques reacuteveacutelant des inadeacutequations freacutequentes entre les symptocircmes co-occurrents (les perturbations linguistiques observeacutees) lrsquoeacutetiologie (la cause organique) et les tableaux cliniques conventionnels des aphasies

6 Le cas Leborgne dit Tan laquo tan raquo eacutetant la syllabe qursquoil utilisait pour lrsquoexpression de tous ses actes de langages (ce qui correspond au symptocircme de steacutereacuteotypie) Son cerveau est conserveacute au museacutee Dupuytren aux Cordeliers rue de lrsquoEcole de Meacutedecine agrave Paris On peut aussi y trouver le cas anatomo-clinique Lelong pour lequel fut publieacutee en 1861 aussi une laquo Nouvelle observation drsquoapheacutemie produite par une leacutesion de la moitieacute posteacuterieure des deuxiegraveme et troisiegraveme circonvolutions frontales gauches raquo dans les Bulletins de la Socieacuteteacute Anatomique de Paris 36 330-357 Drsquoautres cas seront reporteacutes par BROCA dans les anneacutees 1860 7 Hughlings Jackson neurologue eacutevolutionniste anglais de la fin du 19egraveme siegravecle (voir JACKSON 1958) Ses travaux sont notamment consacreacutes agrave lrsquoaphasie et agrave son interpreacutetation suivant le principe de dissociation des comportements automatiques et volontaires et suivant le principe de la hieacuterarchie des fonctions du systegraveme nerveux

PARTIE I 1 Contexte et objectif

20

Les classifications inspirant largement les batteries de tests standardiseacutes utiliseacutes en clinique (telles que le Boston Diagnosis Aphasia Examination MICELI et al 1983) ou le MT86 (NESPOULOUS et al 1986) ne sont pas efficaces agrave 100 Elles devraient ecirctre relativiseacutees notamment pour le tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca

En effet pour DEacuteMONET et PUEL (1994 346)

laquo Le geacuteneacuterique aphasie de Broca est trop impreacutecis et neacutecessiterait le recours agrave trois sous-types selon que lrsquoon observe la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune dyslexie profonde la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoun agrammatisme la preacutesence ou lrsquoabsence drsquoune deacutesinteacutegration phoneacutetique raquo

Ainsi toujours selon les mecircmes auteurs (1994 348)

laquo Celui[-ci] fait lrsquoobjet de la plus grande variabiliteacute en matiegravere de localisation leacutesionnelle [] Quelque soit le site leacutesionnel en cause le tableau clinique se caracteacuterise tout drsquoabord par une reacuteduction quantitative et qualitative de lrsquoexpression orale [] Agrave la suite drsquoune eacutevolution variable il peut srsquoinstaller un agrammatisme caracteacuteriseacute par une simplification de la syntaxe avec quasi-suppression des morphegravemes grammaticaux et emploi des verbes agrave lrsquoinfinitif conduisant agrave un style teacuteleacutegraphique raquo

En reacutesumeacute notre objet drsquoeacutetude est circonscrit agrave lrsquoaphasie de Broca avec agrammatisme qursquoon classifie habituellement dans la famille des aphasies non fluentes (voir Tableau 1 p 19) ayant eacuteteacute entraicircneacutee par une leacutesion cortico-sous-corticale focale de lrsquoheacutemisphegravere gauche impliquant lrsquoaire de Broca partiellement ou totalement Pour cette recherche les six cas drsquoaphasie agrammatique ont tous eacuteteacute seacutelectionneacutes drsquoapregraves ce critegravere neurologique restrictif Nous reviendrons dans le chapitre 2 (voir 21 p 26) sur les traits deacutefinitoires de lrsquoagrammatisme qui dans de rares cas apparaicirct dans le tableau clinique classique de lrsquoaphasie de Broca

112 La dimension cognitive lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques sous-jacents

Suite agrave la leacutesion ceacutereacutebrale le deacuteficit sous-jacent se manifeste par des difficulteacutes drsquoordre psycholinguistique lors de la performance verbale en perception compreacutehension et production du langage selon les modaliteacutes eacutecrite ou orale

Notre objet drsquoeacutetude concerne en particulier le versant expressif du comportement verbal soit la production orale agrammatique Notre inteacuterecirct se porte donc sur les difficulteacutes de formulation laquo grammaticale raquo lieacutee agrave la survenue drsquoune aphasie de Broca avec agrammatisme Ainsi les aspects psycholinguistiques du comportement verbal aphasique agrave lrsquooral (lrsquooutput) et des traitements de lrsquoinformation grammaticale reacutealiseacutes en amont (les processus sous-jacents drsquoencodage grammatical) integravegrent les capaciteacutes de traitements attentionnels et mneacutesiques

Nous reviendrons en deacutetail sur un modegravele psycholinguistique de la production verbale en lrsquooccurrence celui de LEVELT (1989 1993 1999) qui nous aidera agrave mieux comprendre le dysfonctionnement cognitif sous-jacent agrave certains pheacutenomegravenes observeacutes dans lrsquooutput

PARTIE I 1 Contexte et objectif

21

agrammatique (au point 3 p 78) Drsquoautre part le protocole expeacuterimental et la deacutemarche drsquoanalyse quantitative appliqueacutee srsquoappuient sur des principes meacutethodologiques geacuteneacuteraux issus du domaine de la psycholinguistique

113 La dimension linguistique la description des pheacutenomegravenes agrammatiques

La dimension linguistique renvoie selon une perspective formelle aux aspects structuraux de la langue en question (des aspects acoustiques aux aspects discursifs) Le deacuteficit peut se refleacuteter dans un aspect structural particulier qursquoil est possible drsquoenvisager agrave travers le comportement verbal du patient crsquoest-agrave-dire lors de la reacuteception drsquoun message ou dans la forme mecircme drsquoun message produit et agrave travers un niveau de repreacutesentation linguistique postuleacute en theacuteorie

Dans cette eacutetude nous souhaitons deacutecrire gracircce aux outils conceptuels et meacutethodologiques issus des sciences du langage la structuration du parler agrammatique du point de vue des difficulteacutes de formulation mais aussi du point de vue des proceacutedures drsquoadaptation ou strateacutegies compensatoires deacuteployeacutees par le locuteur De la construction des corpus agrave la description des pheacutenomegravenes on srsquoappuie sur des principes theacuteoriques et meacutethodologiques fortement ancreacutes dans le domaine de la linguistique de lrsquooral Drsquoautre part les niveaux de repreacutesentation linguistique drsquointeacuterecirct qui incombent agrave ce travail correspondent au niveau de repreacutesentation morpho-lexicale (structuration morpho-lexicale de lrsquooutput) et au niveau de repreacutesentation syntaxique (structuration syntagmatique de lrsquooutput)

114 La dimension fonctionnelle deacuteficit incapaciteacute handicap circonstancieacute et principe drsquoadaptation

La dimension fonctionnelle dans un sens large implique que tout message verbal oral ou eacutecrit srsquoenvisage en tant qursquoeacutenonceacute produit ou compris par un locuteur en situation de communication Ainsi le langage est envisageacute en tant qursquoinstrument de communication verbale eacutetablie entre un locuteur ou destinateur (Speaker) et lrsquoauditeur ou destinataire (Adressee)

Pour ce qui nous occupe la notion de handicap verbal circonstancieacute renvoie agrave lrsquoincapaciteacute du patient aphasique agrave formuler un message verbal selon le systegraveme des conventions eacutetablies par son groupe social Lorsque le langage laquo eacutechappe raquo agrave son locuteur du fait de lrsquoaphasie le message subit une perte drsquoefficaciteacute ou devient mecircme inopeacuterant vis agrave vis de lrsquoactiviteacute drsquoeacutechange verbal dans laquelle le locuteur est engageacute La transmission du message srsquoavegravere en conseacutequence deacutefectueuse en situation drsquointerlocution

Dans une perspective fonctionnelle les aspects environnementaux de tout acte locutoire mecircme deacutefectueux suite agrave la survenue drsquoun AVC sont ainsi pris en compte Lrsquoapproche

PARTIE I 1 Contexte et objectif

22

philosophique et globale du handicap chez lrsquohomme eacutenonceacutee par PERRY et al (1997) et PERRY et al (1999) srsquoinscrit dans ce paradigme fonctionnel

Appliqueacutee en theacuteorie du langage par NESPOULOUS et VIRBEL (2004) et NESPOULOUS (2004) la distinction opeacutereacutee par PERRY et al (1997) entre les concepts drsquoimpairment (dysfonctionnement) de disability (incapaciteacute) et de handicap peut tregraves naturellement srsquoappliquer aux probleacutematiques poseacutees par les troubles du langage (voir Scheacutema 1 p 23)

De cette maniegravere les aphasies ne srsquoenvisagent pas seulement du point de vue de la maladie neurologique du deacuteficit cognitif drsquoencodage ou des perturbations structurales formelles occasionneacutees Elles sont aussi appreacutehendeacutees en inteacutegrant les entraves agrave la transmission efficace drsquoun contenu informationnel lors des relations sociales engendreacutees par les difficulteacutes de formulation verbale (dysfonctionnement et incapaciteacute) elles-mecircmes drsquoune part et drsquoautres part engendreacutees par les paramegravetres de la situation et les moyens disponibles dans le contexte pour mener agrave bien lrsquoactiviteacute langagiegravere

Ainsi la deacutemarche fonctionnelle a pour corollaire la prise en consideacuteration des eacuteleacutements de lrsquoenvironnement autrement dit les facteurs externes ou contextuels qui ont un effet deacutefavorable ou qui peuvent au contraire avoir un effet beacuteneacutefique sur la reacutealisation drsquoune activiteacute entraveacutee par une incapaciteacute aveacutereacutee

Cette approche dynamique revecirct pour nous lrsquointeacuterecirct de toute eacutetude du comportement en situation de handicap de son eacutevaluation agrave sa remeacutediation

Le scheacutema ci-apregraves (Scheacutema 1 p 23) expose les relations entre les notions de dysfonctionnement incapaciteacute et handicap qui sous-tendent notre approche de lrsquoaphasie agrammatique

Le dysfonctionnement (impairment) renvoie au type de deacuteficit sous-jacent reacutesultant de la leacutesion ceacutereacutebrale et impliquant les processus drsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale

Ensuite le dysfonctionnement entraicircne une incapaciteacute (dysability) agrave formuler un message du fait des difficulteacutes drsquoencodage occasionneacutees lors de la verbalisation

Lrsquoincapaciteacute est pour finir circonstancieacutee dans un environnement donneacute crsquoest-agrave-dire que crsquoest par rapport au contexte situationnel englobant que lrsquoincapaciteacute verbale doit ecirctre relativiseacutee La communication est alors plus ou moins entraveacutee selon les moyens disponibles dans lrsquoenvironnement Le handicap communicatif occasionneacute deacutepend alors de divers paramegravetres notamment contextuels

PARTIE I 1 Contexte et objectif

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Scheacutema 1 Approche globale et dynamique de lrsquoaphasie deacuteficit sous-jacent incapaciteacute verbale

handicap communicationnel et principe drsquoadaptation

De la mecircme maniegravere dans le domaine de lrsquoanalyse conversationnelle (AC) appliqueacutee agrave lrsquoaphasie PRINS et BASTIAANSE (2004) insistent sur le fait que les outils drsquoeacutevaluation et de theacuterapie utiliseacutes en vue drsquoappreacutecier une incapaciteacute verbale doivent ecirctre conccedilus en distinguant les notions de deacuteficit drsquoincapaciteacute et de handicap

laquo Lrsquoimportance des aspects fonctionnels de la communication chez le locuteur aphasique fut aussi appuyeacutee par lrsquoideacutee que la conception tripartite laquo Deacuteficit - Incapaciteacute - Handicap raquo jusqursquoagrave maintenant bien connue et utiliseacutee par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute (1980) peut rigoureusement srsquoappliquer agrave la theacuterapie du langage associeacutees aux aphasies raquo8

8 Notre traduction laquo The emphasis of the functional communication of aphasic speakers was also supported by the view that the by now well-known tripartion laquo Impairement ndash Disability ndash Handicap raquo of the World Health Organization (WHO 1980) could sensibly be applied to aphasia therapy raquo

HANDICAP contexte situationnel Handicap communicatif incapaciteacute verbale aveacutereacutee circonstancieacutee selon les paramegravetres de la situation de verbalisation de lrsquointeraction sociale (communication plus ou moins entraveacutee selon les moyens disponibles dans lrsquoenvironnement)

INCAPACITE (DYSABILITY) contexte neuro-pathologique individuel Incapaciteacute verbale aveacutereacutee intrinsegraveque incapaciteacute agrave formuler un message verbal selon les standards grammaticaux de lrsquooral ordinaire (perturbations du codage linguistique du message)

DYSFONCTIONNEMENT (IMPAIRMENT) contexte neuro-pathologique individuel Deacuteficit sous-jacent impliquant les processus de geacuteneacuteration verbale (deacuteficit affectant lrsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale)

Reacutecupeacuteration spontaneacutee et ou reacutecupeacuteration guideacutee

(2) Handicap communicationnel compenseacute ADAPTATION le patient srsquoadapte agrave la situation et utilise ses capaciteacutes langagiegraveres preacuteserveacutees Le deacuteficit et lrsquoincapaciteacute sont contourneacutes compenseacutes par drsquoautres moyens Les capaciteacutes preacuteserveacutees sont exploiteacutees malgreacute la preacutesence drsquoune incapaciteacute qui entrave de maniegravere plus ou moins seacutevegravere la formulation verbale

(1) Capaciteacute verbale restaureacutee REacuteCUPEacuteRATION le patient retrouve ses capaciteacutes de verbalisation et de communication

PARTIE I 1 Contexte et objectif

24

En effet les aspects fonctionnels du comportement langagier entrent en ligne de compte et aident agrave mieux caracteacuteriser le handicap communicationnel La deacutemarche qui consiste agrave inteacutegrer les facteurs environnementaux pour envisager les reacutepercussions drsquoune deacuteficience affectant une structure anatomique donneacutee sur les activiteacutes reacutealiseacutees ou agrave reacutealiser concregravetement par une personne est utiliseacutee par lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute (OMS) dans sa classification des handicaps

Le trouble du langage et le handicap communicationnel occasionneacutes par une aphasie sont ainsi appreacutehendeacutes suivant une grille de lecture standard partant de la classification des fonctions et structures organiques des activiteacutes et des facteurs environnementaux humains Il srsquoagit de la Classification Internationale du Fonctionnement du handicap et de la santeacute (CIF ou International classification of functioning disability and health ICF)9

En reacutesumeacute notre approche des strateacutegies srsquoinscrit dans une perspective fonctionnelle ougrave le dysfonctionnement et lrsquoincapaciteacute agrave formuler un message selon les conventions sont agrave resituer en contexte crsquoest-agrave-dire dans une situation de communication deacutefinie par des degreacutes variables de pressions ou contraintes externes10

Ainsi agrave partir du moment ougrave la situation du locuteur est prise en consideacuteration lrsquoincapaciteacute du locuteur est agrave relativiser En effet ce sont les paramegravetres drsquoune situation de communication donneacutee qui vont dans une certaine mesure deacuteterminer le degreacute de handicap communicationnel occasionneacute si le deacuteficit et lrsquoincapaciteacute ne varient pas per se le handicap lui peut srsquoaccentuer ou srsquoamoindrir suivant les paramegravetres ou les contraintes en jeu dans la situation de verbalisation De la sorte une approche coheacuterente des strateacutegies de formulation verbale agrammatique ne peut pas eacutevacuer la dimension fonctionnelle Cette dimension integravegre les aspects contextuels adaptatifs de tout acte locutoire en situation neuro-pathologique ougrave des difficulteacutes viennent entraver lrsquoactiviteacute langagiegravere (NESPOULOUS et VIRBEL 2004 NESPOULOUS 2004 2005)

9 Voir le site Internet httpwwwwhointclassificationsicfen 10 Mecircme si notre propos nrsquoest pas drsquoeacutetudier lrsquointeraction verbale en situation de communication laquo naturelle raquo notre protocole de collecte de corpus repose sur une approche fonctionnelle de la variabiliteacute inter-tacircches ougrave la manipulation de contraintes externes influencerait en quantiteacute et en qualiteacute certains aspects de la production orale aphasique (voir chapitre 4 p 117) Drsquoautres eacutetudes srsquointeacuteressent plus speacutecifiquement aux aspects pragmatiques de lrsquointeraction verbale entraveacutee par lrsquoaphasie Elles srsquoappuient pour ce faire sur les modegraveles et meacutethode de lrsquoanalyse conversationnelle (AC et en particulier dans le domaine de lrsquoagrammatisme voir BEEKE et al 2008)

PARTIE I 1 Contexte et objectif

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12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique

La preacutesente eacutetude srsquoassigne pour objectif drsquoeacutetudier le parler agrammatique du point de vue du deacuteficit sous-jacent mais aussi et surtout du point de vue des strateacutegies agrave travers lrsquoeacutetude des variabiliteacutes qui le caracteacuterisent Lrsquoenjeu de cette recherche consiste agrave construire une meacutethodologie qui permette drsquoappreacutehender et de deacutecrire les strateacutegies dans la production verbale agrammatique agrave travers les comportements langagiers que lrsquoon deacutecrira suivant lrsquoeffet de facteurs internes de facteurs linguistiques et de facteurs externes ou situationnels Les variabiliteacutes qui se rattachent aux manifestations langagiegraveres sont inter-individus inter-langues et inter-tacircches agrave savoir

(1) les facteurs internes ou cognitifs individuels la variabiliteacute inter-individus est influenceacutee par le type de leacutesion et le degreacute de deacuteficit lieacute au traitement de lrsquoinformation grammaticale par les caracteacuteristiques idiosyncrasiques des locuteurs et par le niveau de reacutecupeacuteration apregraves la leacutesion

(2) les facteurs linguistiques la variabiliteacute drsquoemploi de certaines structures typiques de la langue est influenceacutee par les proprieacuteteacutes structurales - combinatoires et seacutelectives - qursquoelle offre Les structures srsquoorganisent dans un systegraveme interne et influencent donc lrsquooccurrence des pheacutenomegravenes - omissions et substitutions - observables au niveau de la morphologie (lexicale et grammaticale) et de la syntaxe (la perspective adopteacutee ici est seulement intra-langue11)

(3) les facteurs externes ou situationnels la variabiliteacute inter-tacircches est deacutetermineacutee par les paramegravetres de la situation de verbalisation crsquoest-agrave-dire de notre point de vue expeacuterimental par le degreacute de contrainte associeacute agrave une tacircche donneacutee (influenceacute par la qualiteacute des stimuli et la consigne et donc par le degreacute de preacutecision requis dans la formulation demandeacutee)

Dans lrsquoideacutee de deacutegager les comportements adaptatifs de formulation drsquoun message verbal crsquoest le dernier type de variabiliteacute la variabiliteacute situationnelle ou inter-tacircches qui preacutesentera pour nous un inteacuterecirct tout particulier Agrave partir de donneacutees verbales orales recueillies aupregraves de six locuteurs agrammatiques nous souhaitons deacutecrire les variabiliteacutes inheacuterentes agrave la formulation verbale des points de vue quantitatif et qualitatif en langue franccedilaise et agrave travers quatre tacircches de production orale auxquelles sont associeacutes des degreacutes de contraintes variables Lrsquoinstabiliteacute des freacutequences et types drsquoemploi de certaines structures est de la sorte fonctionnellement caracteacuteriseacutee Au final il est question de deacutegager des laquo lois de performances raquo in situ

11 Drsquoautre part le parler agrammatique en langue franccedilaise peut srsquoeacutetudier suivant les similitudes qursquoil pourrait preacutesenter avec un parler ordinaire non aphasique dans drsquoautres langues Agrave notre connaissance ce type drsquoeacutetude nrsquoa pas encore eacuteteacute meneacute (il nrsquoen sera pas question dans ce travail) Par contre de nombreux travaux en aphasiologie existent dans une perspective purement comparative ougrave lrsquoon cherche agrave deacuteterminer les diffeacuterences quantitatives et qualitatives des pheacutenomegravenes linguistiques agrammatiques entre plusieurs langues diffeacuterentes parleacutees par des patients agrammatiques (voir au point 235 p 48)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

20 Remarques liminaires

Nous proposons dans ce chapitre une revue de litteacuterature qui ne preacutetend pas couvrir toutes les probleacutematiques ayant eacutemergeacute de plus drsquoun siegravecle de recherches sur lrsquoagrammatisme ceci pour deux raisons

La premiegravere est drsquoordre quantitatif et la deuxiegraveme est drsquoordre qualitatif Drsquoabord il nous semble impossible de fournir en un temps limiteacute une synthegravese exhaustive des innombrables eacutetudes qui y furent consacreacutees

Agrave cette difficulteacute drsquoordre quantitatif et temporel srsquoajoute une difficulteacute drsquoordre qualitatif en raison de la multipliciteacute et de la varieacuteteacute des concepts et meacutethodes convoqueacutes pour un mecircme objet suivant que lrsquoon se place dans une perspective purement neurologique psycho-cognitive ou linguistique

En effet mecircme si toutes les eacutetudes consacreacutees agrave lrsquoagrammatisme cherche agrave comprendre le fonctionnement du langage celles-ci sont issues de domaines diffeacuterents du point de vue des objectifs heuristiques fixeacutes et des moyens meacutethodologiques mis en œuvre Notre speacutecialisation attenante aux sciences du langage conditionne tregraves certainement la maniegravere dont on aborde ici la question complexe de lrsquoagrammatisme

De plus si notre revue de litteacuterature ne se veut en aucun cas exhaustive nous proposons une revue critique toute subjective ougrave il srsquoagira seulement de fournir au lecteur des repegraveres theacuteoriques fondamentaux cibleacutes afin de mieux cerner certains des enjeux speacutecifiques agrave la preacutesente eacutetude

21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes

Abordons la question complexe de lrsquoagrammatisme agrave partir des deux eacutechantillons de corpus de discours continu ci-apregraves (Tableau 2 p 27) Il srsquoagit du deacutebut du reacutecit de Cendrillon

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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CORPUS CONTROcircLE

7 EB_contr2b (Annexe H-662)

CORPUS AGRAMMATIQUE

4 SB_agr2b (Annexe I-525) il eacutetait une fois une jeune fille orpheline de megravere qui vivait chez son pegravere un riche euh noble en France et euh ce pegravere srsquoeacutetait remarieacute avec une eacutepouvantable femme qui de son cocircteacute avait deux filles qui nrsquoeacutetaient pas jolies qui eacutetaient revecircches et euh Cendrillon eacutetait euh fine et jolie agrave lrsquoinverse et en fait les les les [z] les ces trois femmes-lagrave euh nrsquoarrecirctaient pas de la brimer et elle faisait euh le meacutenage elle srsquooccupait du feu elle euh srsquooccupait euh de de servir ces ces trois femmes si bien que elle eacutetait surnommeacutee euh Cendrillon qui vient en-fait euh drsquoun tregraves vilain nom qui au deacutepart crsquoeacutetait Cucendron parce-qursquoelle eacutetait toujours en train de srsquooccuper des cendres du foyer euh de laver euh par terre euh et donc elles se moquaient les j- les jeunes filles qui eacutetaient censeacutees ecirctre ses belles-sœurs se moquaient tout le temps drsquoelle et lrsquoappelaient euh Cucendron et un jour il arriva dans le pays un eacuteveacutenement euh extraordinaire crsquoest que ces deux jeunes filles ont eacuteteacute inviteacutees par le fils du roi agrave un bal qursquoil donnait euh pour tous les nobles des environs ccedila les excitait beaucoup elles voulaient euh vraiment ecirctre parfaites les plus belles euh pour ce bal et eacutevidemment euh Cendrillon nrsquoeacutetait pas inviteacutee et elle a ducirc euh elle a ducirc quand-mecircme preacuteparer euh ces ces deux jeunes filles euh pour lrsquoeacuteveacutenement elle les a aideacutees euh agrave se faire belles euh agrave se faire euh elle les a coiffeacutees maquilleacutees euh pour qursquoelles soient tregraves jolies et une-fois euh ces jeunes filles preacutepareacutees euh elle srsquoest effondreacutee elle euh en pleurant parce-que elle ne pouvait pas euh elle ne pouvait pas faire la mecircme chose crsquoest alors qursquoelle qursquoest apparue sa hum sa marraine une feacutee tregraves gentille qui la connaissait depuis son enfance qui suivait euh euh donc sa sa jeunesse euh qui qui trouvait malheureux qursquoelle soit s- aussi maltraiteacutee et donc elle lui dit euh laquo ne trsquoen fais pas euh Cendrillon raquo puisque elle elle lrsquoappelait euh plutocirct Cendrillon que Cucendron laquo je vais hum je vais mrsquooccuper euh de de toi raquo laquo tu iras aussi agrave ce bal raquo laquo ne trsquoinquiegravete pas raquo elle lui dit laquo regarde raquo laquo je prends cette grosse citrouille raquo et euh laquo elle va bientocirct se transformer en en carrosse raquo et Cendrillon nrsquoen croit pas ses yeux tout drsquoun coup apparaicirct devant elle une eacutenor- un eacutenorme carrosse euh tregraves tregraves tregraves joli tregraves deacutecoreacute couvert drsquoor euh avec des draperies agrave lrsquointeacuterieur enfin quelque chose de de fabuleux qursquoelle nrsquoosait croire ()

alors(5) trois jeunes jeunes trois jeunes filles

(3) euh et la megravere

par contre euh la megravere (2) euh j- par par l- par lagrave

jamais jamais en fait

lagrave jamais en fait

hum trois jeunes filles hum (7)

en fait euh (4) deux jeunes filles euh hum (4)

et alors euh euh crsquoest tregraves dur ccedila euh

[ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh

pomponneacutees en fait euh (3) et (3)

par contre euh le nom (hellip)

donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon

en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh

euh border le lit euh

en fait euh tout euh

et euh (4) un euh un un non euh le le le euh (5) un bal

un bal

euh (3) prince en fait (3) preacutetendrant euh (6) euh (3)

preacutetendant euh trocircne en fait

et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f-

euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet-

(4)

un bal pour preacutetendre

trouver une jeune fille voilagrave

donc euh (6) le soir euh jeu- trois jeunes filles euh

pomponneacutees euh habilleacutees

et dir- directement euh euh dans euh dans le bal enfin

salle de bain salle de bal

et euh (3) [se-] euh [sɑnijo] euh Cendrillon travailler

toujours

euh [sə] euh souillon encore

et euh (3) euh [le] f- euh [le] f- (3) une bonne feacutee (3)

hum (3) transformer (25) [s-] euh Cendrillon en jolie

jeune fille euh (4)

mais bien sucircr (2) euh j- carrosse

en fait euh s- ci- citrouille transformer en jo- en

carrosse (3)

() Tableau 2 Exemples de corpus oraux Cendrillon raconteacutee par une locutrice controcircle et un

locuteur agrammatique

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Le reacutecit de gauche a eacuteteacute produit par une locutrice ne preacutesentant aucun trouble neurologique (EB_contr) Ce corpus est un exemple assez repreacutesentatif de ce que lrsquoon peut obtenir dans une tacircche classique de narration de conte connu agrave lrsquooral et en situation laquo normale raquo Pour la mecircme tacircche de narration le corpus de droite reflegravete la production orale drsquoun locuteur en situation neuro-pathologique Ce locuteur (SB_agr12) preacutesente une aphasie de Broca avec un agrammatisme tregraves caracteacuteristique Compareacute agrave lrsquooral standard le discours agrammatique reflegravete un dysfonctionnement agrave la suite drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale13 impliquant lrsquoaire de Broca Il suffit de lire le corpus controcircle puis le corpus agrammatique pour se rendre compte directement des perturbations causeacutees par un tel deacuteficit Scheacutematiquement ce dysfonctionnement se traduit en surface par une reacuteduction du langage en volume un deacutebit faible une eacutelocution laborieuse avec de nombreuses pauses longues et des interruptions qui gecircnent la prosodie une simplification du vocabulaire des laquo phrases raquo courtes et peu eacutelaboreacutees avec des perturbations qui donnent lrsquoimpression drsquoune laquo deacutesinteacutegration raquo de la morphologie grammaticale et de la syntaxe En effet lrsquoabsence de certaines marques morpho-syntaxiques obligatoires et la reacuteduction des eacutenonceacutes agrave quelques mots reflegravetent nettement une perte en complexiteacute

PICK (1898 1913) reporte la premiegravere description de ce qursquoil appelle agrammatisme qursquoil qualifie de laquo style teacuteleacutegraphique raquo Cette analogie a souvent eacuteteacute reprise par la suite jusqursquoagrave nos jours pour reacutefeacuterer au symptocircme principal observeacute dans le parler agrammatique (nous y reviendrons au point 241 p 58)

PILLON et NESPOULOUS (1994 390 drsquoapregraves DE BLESER 1987) fournissent une description de lrsquoagrammatisme issue de lrsquoeacutecole allemande repreacutesenteacutee par KLEIST (1914 1916)

laquo Lrsquoagrammatisme consiste en une simplification des seacutequences de mots Les constructions complexes avec propositions subordonneacutees nrsquoapparaissent guegravere Les patients srsquoexpriment seulement par des phrases simples et courtes si tant est qursquoils restent capables de construire des phrases Les mots qui ne sont pas vraiment neacutecessaires speacutecialement les pronoms et les particules ainsi que les marques de conjugaison ou de deacuteclinaison ne sont que rarement utiliseacutes sinon systeacutematiquement omis Dans les cas seacutevegraveres seuls les mots principaux les adjectifs sous leur forme nominative et les verbes sous leur forme infinitive ou participiale sont produits raquo

12 Voir en Annexe H-519-536 ougrave sont fournis tous les corpus oraux concernant SB_agr 13 Leacutesion tregraves focale dans le cas de SB_agr (voir les caracteacuteristiques deacutetailleacutees concernant ce locuteur en Annexe B-385)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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MOUNIN (1967 citeacute par PILLON et NESPOULOUS 1994 392) deacutecrit lrsquoagrammatisme suivant les traits linguistiques deacutefinitoires exposeacutes ci-apregraves En guise drsquoillustrations les exemples suivants sont tireacutes du corpus de SB_agr (Tableau 2 p 27) Nous proposons agrave chaque fois une description qui se rapporte agrave chacun des traits expliciteacutes par MOUNIN (1967)

les mots outils ou mots fonctionnels ou morphegravemes grammaticaux libres (les deacuteterminants pronoms conjonctions et preacutepositions) sont absents

donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon gt absence du deacuteterminant une

euh [sə] euh souillon encore gt absence du pronom anaphorique elle (elle redevient une souillon)

en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh gt juxtaposition de mots contenus isoleacutes sans mots fonctions coordonnants

preacutetendant euh trocircne gt absence de la preacuteposition au (preacutetendant au trocircne)

les mots pleins (agrave contenu) ou mots lexicaux sont preacutedominants (les noms adjectifs et verbes)

et euh (3) [se-] euh [sɑnijo ] euh Cendrillon travailler toujours gt lrsquoossature lexicale de la phrase transparaicirct

[ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh pomponneacutees gt les formulations sont laquo reacuteduites raquo agrave des mots lexicaux

les morphegravemes grammaticaux lieacutes (les flexions et deacuteclinaisons) sont omis les verbes sont agrave la forme infinitive

et euh (3) [se-] euh [sɑnijo ] euh Cendrillon travailler toujours gt le verbe est employeacute dans sa forme infinitive au lieu de sa forme finie obligatoire (transformer au lieu de transforme transforma ou a transformeacute)

le nominatif remplace les cas obliques

citrouille transformer en jo- en carrosse gt au lieu de elle transforme la citrouille en carrosse citrouille est ici anteacuteposeacute au verbe ce qui lui

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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confegravere un cas nominatif au lieu du cas accusatif ou objet direct

le style est teacuteleacutegraphique du fait de lrsquoabsence de certains eacuteleacutements (mots fonctions verbes pronoms etc)

donc euh Cendrillon euh euh en fait euh souillon

en fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh

des formules automatiques sont produites dans leur inteacutegraliteacute

crsquoest tregraves dur ccedila

je sais pas

je pense oui

Selon PILLON et NESPOULOUS (1994) ces descriptions mecircme si elles ont pour but drsquoecirctre consensuelles sont agrave relativiser drsquoabord parce qursquoelles revecirctent un caractegravere laquo trop impressionniste raquo crsquoest-agrave-dire qursquoelles manquent de preacutecision ensuite parce qursquoelles sont laquo inexactes raquo

En effet tous les mots grammaticaux ne sont pas complegravetement absents Ainsi on peut voir qursquoil subsiste dans le corpus de SB_agr des deacuteterminants (un le une etc ) un pronom (tout) en plus des deux pronoms contenus dans la formule automatique laquo crsquoest dur ccedila raquo des preacutepositions (en dans par pour etc) et de tregraves nombreuses conjonctions (et alors mais donc etc) De plus le discours agrammatique nrsquoest pas seulement caracteacuteriseacute par des erreurs drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux libres ou lieacutes mais aussi par des erreurs de substitutions entre morphegravemes grammaticaux (le prince chercher le pantoufle14) ou mecircme entre mots lexicaux (salle de bain salle de bal)

Une description plus nuanceacutee devrait donc mieux refleacuteter la reacutealiteacute complexe des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme En effet selon MOUNIN (1967 17)

laquo Le fait que des formes grammaticales manquantes agrave tel endroit du corpus reacuteapparaissent ailleurs fut-ce de faccedilon peu freacutequente est peut-ecirctre aussi important pour une explication finale que leur manque freacutequent - ne serait-ce que parce que ce fait laisse soupccedilonner que la linguistique est loin drsquoecirctre ici seule en cause et ne doit pas se hacircter de fournir des theacuteories exclusives on ne peut passer aussi vite mecircme du point de vue de lrsquoanalyse linguistique sur cette variabiliteacute des performances Il faut certainement faire une analyse plus fine (statistique contextuelle syntagmatique et sans doute chronologique) pour chaque malade raquo

14 Cette erreur de substitution entre deacuteterminants a eacuteteacute releveacutee dans la suite du corpus de Cendrillon chez le mecircme locuteur SB_agr (voir 4 SB_agr2b en Annexes H-528) Par ailleurs nous avons releveacute des substitutions affectant drsquoautres cateacutegories telles que les preacutepositions ou les pronoms

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Ainsi agrave lrsquoinstar de MOUNIN nous pensons que les analyses de corpus agrammatiques gagnent agrave ecirctre plus systeacutematiques et agrave ne pas neacutegliger la preacutesence de pheacutenomegravenes contradictoires au premier abord De cette maniegravere les hypothegraveses explicatives sur lrsquoagrammatisme qui deacutecoulent de toute description linguistique des pheacutenomegravenes fondeacutee sur la meacutethode empirique risquent moins de laquo srsquoarrecircter devant lrsquoarbre qui cache la forecirct raquo

Dans ce sens PILLON et NESPOULOUS (1994 392) paraphrasent MOUNIN (1967 24) en ces termes

laquo Un trait essentiel non linguistique devrait [] ecirctre ajouteacute [agrave la description clinique de lrsquoagrammatisme] la variabiliteacute des performances de lrsquoagrammatique raquo

En plus des traits linguistiques de lrsquoagrammatisme citeacutes jusqursquoici drsquoautres symptocircmes furent mis en eacutevidence tels que par exemple sur le versant de lrsquoexpression la perturbation de la prosodie de lrsquoordre des mots ou de la cateacutegorie speacutecifique des verbes par rapport aux noms ou tels que sur le versant de la compreacutehension les difficulteacutes drsquoassignation des cas et des rocircles seacutemantiques ou des perturbations affectant le traitement des morphegravemes grammaticaux en lecture

Pour finir signalons la vaste eacutetude de TISSOT et al (1973) ayant porteacute sur dix-neuf cas drsquoagrammatisme TISSOT et al (1973 112-120) envisagent de faire une distinction entre le laquo pseudo-agrammatisme raquo (avec le symptocircme de dysprosodie deacutejagrave deacutecrit par GOODGLASS 1973) et lrsquolaquo agrammatisme vrai et ses deux versants raquo Selon eux il faut distinguer laquo lrsquoagrammatisme agrave preacutedominance morphologique raquo (ougrave lrsquoordre des mots est conserveacute et les proceacutedeacutes morphologiques plus atteints) et laquo lrsquoagrammatisme agrave preacutedominance syntaxique raquo (ougrave lrsquoordre des mots est plus atteint et les proceacutedeacutes morphologiques mieux conserveacutes tels que les articles ou certains morphegravemes libres) Ils reprennent ainsi agrave leur compte une proposition de GOODGLASS

laquo Chez certains aphasiques lrsquoaspect syntaxique et lrsquoaspect flexionnel peuvent ecirctre atteints indeacutependamment lrsquoun de lrsquoautre raquo

22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme

La mise en eacutevidence de la preacutesence exclusive ou de la co-occurrence de toute cette varieacuteteacute de symptocircmes preacuteciteacutes qui fut eacutetayeacutee par des eacutetudes de cas particuliers et des donneacutees contradictoires a eu pour effet de remettre au centre des deacutebats certaines des laquo questions brucirclantes raquo (PILLON et NESPOULOUS 1994) lieacutees agrave la caracteacuterisation et agrave lrsquointerpreacutetation de lrsquoagrammatisme telles que

(1) la question drsquoune description laquo unifieacutee et translinguistique raquo des traits linguistiques de lrsquoagrammatisme deacutepassant le cadre strict drsquoune seule langue quelles nuances sont apporteacutees par lrsquoapproche comparative si on admet que certains symptocircmes sont absents ou preacutesents dans certaines langues du fait des proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu

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(2) la question des dissociations de symptocircmes suivant la nature du deacuteficit linguistique qui serait plutocirct morphologique ou plutocirct syntaxique faut-il consideacuterer qursquoil existe un trouble agrammatique seacutelectif de la morphologie flexionnelle agrave distinguer drsquoun trouble agrammatique seacutelectif de la combinaison syntagmatique des uniteacutes de la phrase

(3) la question des dissociations de symptocircmes suivant les modaliteacutes affecteacutees crsquoest-agrave-dire selon que les symptocircmes soient expressifs ou reacuteceptifs lrsquoagrammatisme est-il le reacutesultat drsquoun deacuteficit seacutelectif qui nrsquoimpliquerait que le versant de la production ou drsquoun deacuteficit central qui impliquerait agrave la fois les processus de production et les processus de compreacutehension (ce qui suggegravere que la production et la compreacutehension du langage serait assureacutees par les mecircmes processus cognitifs sous-jacents et ce qui plaiderait en faveur de lrsquohypothegravese drsquoun deacuteficit structural)

(4) la question des doubles-dissociations de symptocircmes deacutebattue du fait de la similariteacute en qualiteacute entre certains symptocircmes agrammatiques observeacutes dans lrsquoaphasie de Broca (non fluente) avec certains des symptocircmes dits laquo paragrammatiques raquo car associeacutes habituellement au tableau clinique de lrsquoaphasie de Wernicke (fluente) et du fait des diffeacuterences en quantiteacute entre ces deux types de symptocircmes apparaissant en parallegravele mais agrave des degreacutes divers dans ces deux types drsquoaphasies Autrement-dit faut-il consideacuterer que lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme seraient le reacutesultat en reacutealiteacute drsquoun mecircme deacuteficit sous-jacent

(5) la question de son statut faut-il envisager lrsquoagrammatisme en tant que symptocircme autonome par rapport agrave drsquoautres symptocircmes ou faut-il concevoir que la co-occurrence de certains symptocircmes doit aboutir agrave la conception drsquoune nouvelle entiteacute syndromique parmi les tableaux cliniques classiques des aphasies

Les questions fondamentales ainsi poseacutees demeurent en toile de fond du bref tour drsquohorizon qui va suivre au sujet des diffeacuterentes descriptions et hypothegraveses explicatives15 ayant eacutemergeacute de lrsquoeacutetude de la complexiteacute drsquoun tel trouble (voir ci-apregraves au point 23 pp 33-76) Elles traduisent en quelque sorte le problegraveme crucial de lrsquointerpreacutetation des symptocircmes et de leurs variabiliteacutes selon les perspectives inter-sujets inter-langues et inter-tacircches dont ils sont tributaires

Avant drsquoapprofondir la question centrale de la variabiliteacute et lrsquohypothegravese des strateacutegies dans lrsquoagrammatisme (aux points 233 p 45 234 p 46 235 p 48 235 p 52 et 24 p 58) il convient de preacutesenter les travaux ayant viseacute speacutecifiquement agrave expliquer le deacuteficit sous-jacent au trouble agrammatique (232 p 34)

15 Ce tour drsquohorizon srsquoappuie notamment sur deux recueils phares consacreacutes agrave lrsquoagrammatisme et publieacutes reacutecemment agrave dix ans drsquointervalles KEAN (1985) et FROMKIN (1995)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation

231 Introduction

Lrsquoobjectif principal des questionnements relatifs agrave lrsquoaphasie agrammatique consiste agrave en identifier les symptocircmes laquo stables raquo et agrave fournir une explication plausible sur le deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoorigine du trouble Crsquoest KUSSMAUumlL (1878 citeacute par TISSOT et al 1973) qui utilise pour la premiegravere fois le terme laquo agrammatisme raquo pour reacutefeacuterer aux perturbations de lrsquoarrangement des mots et le terme laquo akataphasie raquo pour reacutefeacuterer aux perturbations des flexions morphologiques Dans lrsquoeacutecole franccedilaise PITRES (1898 citeacute par TISSOT et al 1973) deacutefinit lrsquoagrammatisme comme eacutetant un laquo trouble de la meacutemoire de la construction des phrases raquo et fait lrsquoanalogie avec un laquo parler negravegre raquo

Drsquoautres auteurs tels que STEINTHAL (1871) BONHOEFFER (1902) Von MONAKOW (1897) GOLDSTEIN (1913) PICK (1898 1913 1923) DEacuteJERINE (1914) ISSERLIN (1922) SALOMON (1914) KLEIST (1916) ou ALAJOUANINE et al (1939) citeacutes par TISSOT et al (1973) ont fourni des contributions partant drsquoobservations cliniques plus ou moins systeacutematiques de cas drsquoaphasies non fluentes accompagneacutees drsquoagrammatisme Malgreacute le grand inteacuterecirct qursquoils suscitent et leur rocircle crucial dans lrsquoeacutevolution des questions fondamentales qursquoils ont poseacutees et revues tous les auteurs laquo classiques raquo preacuteciteacutes ne retiendront pas ici notre attention16

Parmi eux nous nous bornerons aux seules contributions de PICK et ISSERLIN (point 241 p 58) agrave propos des concepts de laquo style teacuteleacutegraphique raquo de capaciteacute et drsquoadaptation et de KLEIST (234 p 46) agrave propos de la caduciteacute de la distinction entre agrammatisme et paragrammatisme

Depuis les anneacutees 1970 la plupart des contributions se sont appuyeacutees sur les meacutethodes et modegraveles issus des deacuteveloppements reacutecents des sciences du langage et de la psychologie Lrsquoeacutetude de ce trouble fut le foyer drsquointenses deacutebats Dans un premier temps (point 232 p 34) nous nous inteacuteresserons agrave certaines de ces hypothegraveses explicatives fondeacutees sur une caracteacuterisation linguistique du trouble qui marquegraverent particuliegraverement la litteacuterature sur le sujet Les diverses descriptions du trouble et les interpreacutetations du deacuteficit en cause sont agrave lrsquoorigine drsquoune inteacuteressante controverse

16 Pour une revue historique documenteacutee et critique cibleacutee sur lrsquoagrammatisme lire le chapitre introductif de TISSOT et al (1973) pp 5-27

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Certaines drsquoentre elles seront exposeacutees et discuteacutees plus que drsquoautres17 et un examen des enjeux theacuteoriques qursquoelles ont pu poser nous permettra drsquoy voir un peu plus clair

Dans un deuxiegraveme temps (point 24 p 58) les travaux qui laissent une large place agrave lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation dans lrsquoaphasie agrammatique nrsquoeacutechapperont pas agrave un essai de synthegravese plus approfondie en particulier ceux de KOLK et al et de NESPOULOUS et al

232 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de deacuteficit(-s) des hypothegraveses controverseacutees

2321 Lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute

Agrave notre connaissance la premiegravere caracteacuterisation de lrsquoagrammatisme qui repose sur une theacuteorie du langage explicitement revendiqueacutee a eacuteteacute proposeacutee par JAKOBSON Inspireacute par la theacuteorie jacksonienne18 JAKOBSON explique que la laquo deacutesinteacutegration raquo du langage dans lrsquoaphasie obeacuteirait agrave un certain ordre de dissolution qui renvoie agrave laquo la hieacuterarchie des constituants linguistiques raquo (196919 100-101) ce qui permettrait ainsi de laquo [mettre en eacutevidence] la structure stratifieacutee du langage raquo

Ce principe de structuration du langage peut ecirctre appreacutehendeacute parallegravelement agrave travers le deacuteveloppement du langage chez lrsquoenfant Ainsi selon lui laquo le progregraves linguistique de lrsquoenfant et la reacutegression de lrsquoaphasique sont pour lrsquoessentiel des conseacutequences directes et particuliegraverement eacutevidente de ce principe raquo Il srsquoagit vraisemblablement de la premiegravere contribution importante agrave lrsquoeacutetude des aphasies issue du domaine de la linguistique

JAKOBSON nrsquoa pas seulement proposeacute une modeacutelisation de cette successiviteacute drsquoapparitions de pheacutenomegravenes patholinguistiques chez lrsquoaphasique calqueacutee sur une conception linguistiquement deacutetermineacutee il a aussi produit en collaboration avec le neurologue sovieacutetique LURIA une classification des aphasies fondeacutees sur des critegraveres cliniques et linguistiques ces derniers eacutetant dominants Ainsi JAKOBSON (1973 30) explique que son point de vue sur les symptocircmes patholinguistiques est influenceacute en tout premier lieu par la linguistique

laquo Je me limiterai strictement aux observations linguistiques des seuls faits linguistiques [hellip] Eacutetant donneacute que lrsquoexpression verbale deacutefectueuse tout comme lrsquoexpression verbale elle-mecircme concerne agrave lrsquoeacutevidence le domaine de la linguistique on ne peut trouver la clef

17 Pour une revue de litteacuterature plus reacutecente tregraves syntheacutetique et plutocirct exhaustive des travaux publieacutes entre les anneacutees 1970 et 1995 voir KEAN (1995) 18 Theacuteorie selon laquelle une pathologie serait le reacutesultat drsquoune dissolution des laquo capaciteacutes supeacuterieures raquo apparues plus tard dans lrsquoontogeacutenegravese et dans la phylogenegravese qui interviendrait en premier lieu puis interviendrait ensuite la dissolution des capaciteacutes apparues dans les stades primaires de deacuteveloppement 19 La traduction franccedilaise de Langage Enfantin et Aphasie datant de 1969 (Editions de Minuit) reacuteunit cinq publications reacutealiseacutees entre 1941 et 1964

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de voucircte des laquo symptocircmes les plus frappants raquo [citant une formule de JACKSON 1958] de lrsquoaphasie sans le cadre et la vigilante assistance de la linguistique raquo20

La seacutemiologie des aphasies issue de la collaboration entre le linguiste JAKOBSON (1963 1973) et le neurologue LURIA repose sur la classique dichotomie saussurienne entre les axes paradigmatique (ou de la simultaneacuteiteacute) et syntagmatique (ou de la successiviteacute) drsquoun systegraveme linguistique donneacute Selon DE SAUSSURE (1916 170-175) les relations qui organisent le systegraveme de signes (la langue) srsquoarticulent sur deux axes actualisant ainsi des rapports syntagmatiques et des rapports associatifs (ou paradigmatiques) entre les signes La deacutemarche structurale envisage son objet linguistique que ce soit au niveau de la langue ou de la parole tel un organisme qui preacutesente des caracteacuteristiques propres de fonctionnement interne Les rapports paradigmatiques et syntagmatiques constituent ainsi la laquo charpente raquo de cet organisme ougrave les eacuteleacutements qui le structurent intrinsegravequement sont les signes

Ainsi les six types drsquoaphasies identifieacutees dans la classification de JAKOBSON et de LURIA sont caracteacuteriseacutees suivant qursquoelles relegravevent drsquoun laquo trouble de la similariteacute raquo (ou trouble de la seacutelection des eacuteleacutements linguistiques de la phrase suivant lrsquoaxe paradigmatique) ou drsquoun laquo trouble de la contiguiumlteacute raquo ougrave les relations de contiguumliteacute entre les eacuteleacutements linguistiques de la phrase seraient dissoutes (ou trouble de la combinaison suivant lrsquoaxe syntagmatique) Lrsquoaphasie de Broca appeleacutee aussi aphasie laquo effeacuterente raquo serait donc la conseacutequence drsquoun trouble de la contiguumliteacute21

Cette description de symptocircmes est pourvue drsquoun tregraves fort a priori theacuteorique (comme drsquoautres plus reacutecentes nous le verrons plus tard) Srsquoil est possible de caracteacuteriser certains cas drsquoaphasie en accord avec la taxonomie geacuteneacuterale des aphasies ainsi proposeacutee la majoriteacute des cas toutefois preacutesentent des co-occurrences de symptocircmes allant agrave lrsquoencontre du modegravele

En outre si lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute srsquoappuie sur une meacutethode descriptive tregraves rigoureuse des pheacutenomegravenes elle ne nous semble pas pour autant deacutelivrer de reacuteelles explications sur le trouble cognitif sous-jacent

2322 Lrsquohypothegravese de la saillance

GOODGLASS (1973 203) remarque que lrsquoagrammatique a tendance en geacuteneacuteral agrave reacuteduire les phrases agrave quelques mots et agrave les commencer par un mot accentueacute Le fait de commencer la seacutequence par un mot accentueacute permettrait donc drsquoinitier le flux verbal et en cela de commencer agrave formuler un eacutenonceacute Cependant lrsquoagrammatique serait incapable de poursuivre la formulation des phrases jusqursquoau bout crsquoest pourquoi elles sont reacuteduites agrave quelques mots Pour lui cette reacuteduction de la longueur des phrases traduit lrsquoimpossibiliteacute pour lrsquoaphasique de maintenir le flux de la parole sur des phrases plus longues

20 Notre propre traduction 21 Opposeacute au trouble de la similariteacute dans lrsquoaphasie de Wernicke

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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En conseacutequence le discours agrammatique serait caracteacuteriseacute en particulier par des seacutequences de mots courtes chacune centreacutee autour drsquoun eacuteleacutement verbal saillant et avec tregraves rarement plus drsquoun morphegraveme inaccentueacute aux abords immeacutediats de celui-ci GOODGLASS pense donc que le deacuteficit sous-jacent correspond agrave une augmentation du niveau seuil de la saillance accentuo-prosodique des eacuteleacutements linguistiques requis pour formuler une phrase saillance neacutecessaire agrave lrsquoinitiation et au maintien du flux verbal lors de la formulation drsquoune phrase Selon lui certains patients agrammatiques placeraient strateacutegiquement un mot saillant en position sujet en tecircte de phrase drsquoautant que la reacutepeacutetition de phrase comme He canrsquot swim semble plus probleacutematique que This guy canrsquot swim ougrave this est plus saillant que he

Drsquoautre part lrsquoemploi freacutequent drsquoadjectifs numeacuteraux en lieu et place de deacuteterminants non accentueacutes sont un moyen pour lrsquoagrammatique drsquoacceacuteder au niveau de saillance suffisant pour initier la seacutequence de mots (tel que par exemple la seacutequence trois jeunes filles corpus de SB_agr Tableau 2 p 27)

De plus des tests de reacutepeacutetition de phrases en anglais avec manipulation de la place de lrsquoaccent ont pu montrer que la reacutepeacutetition des mots grammaticaux non accentueacutes eacutetait faciliteacutee lorsque le mot eacutetait en position meacutediane dans la phrase agrave reacutepeacuteter alors que les omissions eacutetaient quasi-systeacutematiques lorsque le mot eacutetait en position initiale de phrase

Aussi GOODGLASS (1973 211) nrsquoassocie pas lrsquoagrammatisme au symptocircme de perturbation de lrsquoordre des mots Pour lui si les mots fonctions sont perturbeacutes et ce de maniegravere variable suivant la structure accentuelle de la phrase cela srsquoexplique par un deacuteficit sous-jacent plus profond et structural qui impliquerait la saillance des eacuteleacutements linguistiques si lrsquoon conccediloit un modegravele de la phrase ougrave ses petits eacuteleacutements grammaticaux sont peu saillants par rapport agrave drsquoautres uniteacutes lexicales accentueacutees plus saillantes Tout comme lrsquohypothegravese de la contiguumliteacute (JAKOBSON voir au point preacuteceacutedent 2321 p 34) lrsquohypothegravese de la saillance plaide en faveur drsquoune explication fondeacutee sur un modegravele structural de la phrase

2323 Lrsquohypothegravese des frontiegraveres phonologiques

Lrsquohypothegravese phonologique proposeacutee par KEAN (1977 1978 1979 ) a fait couler beaucoup drsquoencre Cette hypothegravese est deacuteriveacutee drsquoun modegravele repreacutesentationnel de la phrase issu des travaux en syntaxe et en phonologie geacuteneacuterative (dans la ligneacutee de la theacuteorie standard drsquoinspiration chomskyenne)

Ce modegravele pose que la structure syntaxique de la phrase (Surface-Structure ou S-Structure) est notamment actualiseacutee par les frontiegraveres phonologiques accentuelles srsquoappliquant aux clitiques phonologiques ou aux mots phonologiques Combineacutees agrave lrsquoapplication de regravegles de reacuteajustement (Readjustment Rules) ces frontiegraveres assigneacutees suivant la S-Structure correspondent ainsi aux proprieacuteteacutes syntactico-accentuelles de la structure phonologique de la phrase

Partant de lagrave la suppression de certains morphegravemes grammaticaux qui sont pour lrsquoessentiel des clitiques phonologiques (phonological clitics ou P-clitics soit des mots fonctions tels que

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les articles ou les auxiliaires les affixes flexionnels telles que la flexion verbale -ed ou -s du pluriel et deacuterivationnels tels que -ness -ful ou un-) aboutiraient agrave la preacuteservation des seuls mots phonologiques ou P-words de la phrase

En reacutealiteacute cette hypothegravese repose sur une dichotomie postuleacutee entre la cateacutegorie des clitiques phonologiques (mots grammaticaux) et celle des mots phonologiques (mots contenus) laquo les mots phonologiques drsquoune phrase tendent agrave ecirctre preacuteserveacutes dans lrsquoagrammatisme toute chose eacutegale par ailleurs raquo

Lrsquohypothegravese de la reacutealisation des regravegles de reacuteajustement phonologique lieacutee agrave lrsquoassignation de frontiegraveres fut le foyer des maintes critiques LAPOINTE (1983) pour nrsquoen citer qursquoune (voir entre autres KOLK 1978 et PILLON 1987) critique son caractegravere radical et exclusif alors que des faits peuvent ne pas en confirmer la validiteacute notamment ce qui a trait agrave lrsquoinstabiliteacute des perturbations observeacutees en surface En effet tous les morphegravemes non marqueacutes par une frontiegravere phonologique ne sont pas forceacutement affecteacutes Il oppose de plus un seacuterieux contre-argument meacutetatheacuteorique sur la validiteacute mecircme du modegravele geacuteneacuteratif de reacutefeacuterence sur lequel srsquoappuie lrsquohypothegravese

Selon lrsquohypothegravese phonologique le modegravele de GARRETT22 pourrait ecirctre affineacute en y inteacutegrant lrsquoapplication des R-rules pour arriver au niveau de repreacutesentation phonologique Le niveau de repreacutesentation phonologique serait ainsi drsquoabord conditionneacute par le niveau de repreacutesentation positionnelle (crsquoest-agrave-dire drsquoagencement syntaxique) correspondant agrave une eacutetape anteacuterieure de lrsquoencodage de la phrase agrave produire

2324 Lrsquohypothegravese de lrsquoaccegraves morpho-lexical

Une autre hypothegravese explicative lrsquohypothegravese lexicale proposeacutee par BRADLEY et al (1980) repose sur la dichotomie traditionnellement opeacutereacutee entre les laquo mots de classe ouverte raquo (les substantifs les verbes les adjectifs les adverbes) et les laquo mots de classe fermeacutee raquo (tous les autres qui font partie drsquoun ensemble fini les conjonctions les deacuteterminants les pronoms les preacutepositions les marques verbales de temps aspect mode les marques nominales de genre nombre cas hellip)

Pour ces auteurs les alteacuterations agrammatiques du comportement langagier en production et en compreacutehension feraient suite agrave laquo un dysfonctionnement au niveau du systegraveme speacutecialiseacute pour la reacutecupeacuteration des mots de classe fermeacutee raquo (citeacutes par KOLK et BLOMERT 1985) Une des voies drsquoaccegraves au stock lexical ou lexique mental serait speacutecifique agrave la reacutecupeacuteration des morphegravemes grammaticaux et preacutesenterait donc un dysfonctionnement agrave lrsquoorigine du trouble

22 Nous preacutesentons le modegravele au point 301 p 79

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Drsquoautre part drsquoapregraves le modegravele de GARRETT la planification syntaxique de la phrase agrave produire est reacutealiseacutee par lrsquoeacutetablissement de laquo cadres syntaxiques raquo (au niveau positionnel) planification qui serait eacutetroitement conditionneacutee par la reacutecupeacuteration des eacuteleacutements de classe fermeacutee les flexions et mots grammaticaux (BRADLEY et al 1980 citeacutes par SCHWARTZ et al 1985 96-98) Ce serait donc lrsquoalteacuteration du dispositif drsquoaccegraves aux mots grammaticaux qui serait agrave lrsquoorigine des perturbations morphologiques et ou syntaxiques en cause dans lrsquoagrammatisme (BRADLEY et al 1980 citeacutes par PILLON et NESPOULOUS 1994 395) En conseacutequence le dysfonctionnement impliquerait les processus opeacuterationnels au niveau du mot et ne serait donc pas speacutecifique agrave la repreacutesentation syntaxique de la phrase tel que cela est avanceacute par les deacutefenseurs des hypothegraveses syntaxiques (exposeacutees au point 2326 p 40) ou de lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques (voir ci-apregraves point 2325)

De toutes les hypothegraveses explicatives fondeacutees sur une caracteacuterisation linguistique des pheacutenomegravenes celle-ci integravegre le plus la notion de processus de traitement attacheacute agrave la reacutecupeacuteration des morphegravemes grammaticaux pour leur insertion dans la matrice syntaxique (niveau de repreacutesentation positionnelle dans le modegravele de GARRETT) Cependant lorsqursquoon est confronteacute aux donneacutees agrammatiques tous les morphegravemes grammaticaux ne sont pas forceacutement absents (comme nous lrsquoavons vu au point 21 p 26) Cette hypothegravese fondeacutee sur la dichotomie entre cateacutegories de mots de classe ouverte et de classe fermeacutee preacutesente donc eacutegalement des limites

2325 Lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques mapping hypothesis

Un test de production de phrases et deux tests drsquoordonnancement de fragments de phrases drsquoapregraves des images impliquant le placement univoque de SN-Sujets Objets Directs ou Indirects (SP) suivant une preacutedication et une matrice syntaxique cibles furent eacutelaboreacutes par SAFFRAN et al (1980) Pour chaque test les SN agrave choisir et agrave inteacutegrer dans la phrase cible eacutetaient manipuleacutes du point de vue des traits seacutemantiques ltanimeacutegtltinanimeacutegt Il srsquoagissait de formuler des relations preacutedicatives drsquoactions (le garccedilon pousse la fillele wagon) ou des relations locatives (le chienle stylo est sous la table)

Les patients produisaient en geacuteneacuteral plus drsquoerreurs de placement des SN dans la structure cible lorsque les phrases eacutetaient reacuteversibles que ce soit pour les relations drsquoactions ou locatives (crsquoest-agrave-dire dans les structures cibles de type le garccedilon pousse la fille ou le stylo est sous la table) De plus les erreurs eacutetaient plus freacutequentes dans la condition ougrave une action impliquait de placer un SN ayant pour trait seacutemantique ltinanimeacutegt en position sujet

Pour les auteurs les reacutesultats montrent que les agrammatiques manifestent des difficulteacutes lors de lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques et une tendance agrave privileacutegier le placement des SN ayant pour trait ltanimeacutegt en position sujet de la phrase agrave produire du fait de leur laquo saillance cognitive raquo et non linguistique (crsquoest-agrave-dire en termes de structuration informationnelle de la phrase)

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Cela permet de formuler lrsquohypothegravese drsquoun laquo deacuteficit syntaxique profond qui affecte mecircme les eacutetapes initiales de la production du langage raquo soit lrsquoeacutetape drsquoencodage des relations fonctionnelles selon le modegravele de GARRETT (1975 1980) et non une eacutetape plus tardive de reacutealisation phonologique telle que le preacutevoyait lrsquohypothegravese de KEAN (voir au 2323 p 36) Ainsi selon la mapping hypothesis lrsquoagrammatisme serait donc le reacutesultat drsquoun deacuteficit structural impliquant le niveau de repreacutesentation fonctionnel de la phrase et affectant parallegravelement la compreacutehension et la production

Par ailleurs SAFFRAN et al (1980) reacutefutent lrsquohypothegravese formuleacutee par MARSHALL (1977) selon laquelle laquo lrsquoeacutelaboration de lrsquoarbre syntaxique srsquoarrecircterait agrave une eacutetape anteacuterieure agrave lrsquoexpansion des nœuds speacutecifiant la seacutelection des morphegravemes grammaticaux adeacutequats raquo en soutenant que la structure profonde23 dont la mise en place est posteacuterieure agrave lrsquoeacutetape drsquoencodage des relations fonctionnelles est indemne

Drsquoapregraves les travaux de SCHWARTZ et al (1980) concernant la compreacutehension de phrases les sujets agrammatiques se sont montreacutes capables drsquoidentifier les phrases grammaticales versus agrammaticales dans une tacircche de jugement de grammaticaliteacute en deacutepit de leur agrammatisme expressif et de leur compreacutehension asyntaxique

De plus toujours par des tacircches de jugement de grammaticaliteacute LINEBARGER et al (1983 citeacutees par PILLON 1987) ont deacutemontreacute que certaines aptitudes syntaxiques eacutetaient preacuteserveacutees telles que la conscience des exigences de sous-cateacutegorisations la sensibiliteacute aux mots fonctions et la manipulation de deacutependances syntaxiques discontinues ce qui les conduit agrave ne pas retenir lrsquohypothegravese drsquoun deacuteficit sous-jacent drsquoorigine syntaxique Drsquoautre part des tests de manipulation de lrsquoordre canonique des mots qui traduit lrsquoorganisation informationnelle de la phrase (crsquoest-agrave-dire lrsquoassignation des rocircles theacutematiques aux arguments) peuvent mettre en eacutevidence des difficulteacutes de mapping des rocircles theacutematiques sur les arguments de la phrase

Ainsi la mapping hypothesis (autrement dit lrsquohypothegravese de lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques ou du positionnement des rocircles seacutemantiques) avance que lrsquoagrammatisme observeacute en compreacutehension et en production ne serait pas lieacute agrave un deacuteficit de parsing de la repreacutesentation syntaxique per ser comme lrsquoaffirment ZURIF et al (1972) CARAMAZZA et ZURIF (1976) ou GRODZINSKY (voir ci-dessous) mais agrave des difficulteacutes drsquoexploitation de la repreacutesentation syntaxique qui impliquent lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques aux eacuteleacutements syntaxiques de la phrase En effet ces difficulteacutes se traduiraient par le caractegravere inopeacuterant des meacutecanismes (1) de mapping des proprieacuteteacutes seacutemantiques drsquoune structure preacutedicative impliquant des arguments (2) drsquoassignation des rocircles theacutematiques et drsquointerpreacutetation qui en deacutecoulent (agrave distinguer donc des processus de parsing qui eux sont preacuteserveacutes)

23 Il srsquoagit de la deep structure en grammaire geacuteneacuterative correspondant au niveau de repreacutesentation positionnelle selon le modegravele de GARRETT (voir au point 301 p 79)

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Cette hypothegravese a trouveacute un prolongement applicatif en reacuteeacuteducation la mapping therapy (BYNG et BLACK 1989 SCHWARTZ et al 1994) Elle oriente la reacuteeacuteducation vers un entraicircnement agrave la manipulation des rocircles seacutemantiques assigneacutes aux constituants drsquoune phrase afin de permettre au patient drsquoexercer ses capaciteacutes drsquoexploitation des proprieacuteteacutes seacutemantiques lieacutee agrave une structure preacutedicative donneacutee pour acceacuteder agrave sa structure syntaxique (voir aussi LINEBARGER 1998)

2326 Les hypothegraveses syntaxiques

(a) Deacuteficit lieacute au traitement de la repreacutesentation syntaxique

Drsquoapregraves CARAMAZZA et ZURIF (1976 citeacutes par PILLON 1996 89) lrsquoagrammatique ne preacutesente pas seulement un trouble de lrsquoexpression mais aussi une perturbation de la compreacutehension syntaxique En effet les donneacutees expeacuterimentales leur permettent de conclure que les agrammatiques produisent plus freacutequemment des erreurs drsquoappariement stimulus phrastique stimulus imageacute lorsqursquoil srsquoagit de comprendre une phrase reacuteversible

Plus preacuteciseacutement CARAMAZZA et ZURIF (1976 citeacutes par PILLON et NESPOULOUS 1994 394 et par PILLON 1996 89) ont proposeacute agrave des agrammatiques un test de compreacutehension de phrases contenant une subordonneacutee relative objet ougrave il eacutetait question drsquoapparier correctement une phrase telle que The boy the girl is chasing is tall (reacuteversible) ou The apple the dog is eating is red (irreacuteversible) avec le stimulus visuel adeacutequat proposeacute parmi plusieurs stimuli repreacutesentant des configurations diverses Ils en ont conclu que lrsquointerpreacutetation des phrases irreacuteversibles (le deuxiegraveme type de phrase) conditionneacutee par lrsquoassignation adeacutequate des rocircles theacutematiques malgreacute lrsquoenchacircssement syntaxique nrsquoeacutetait pas probleacutematique

Agrave lrsquoinverse concernant les phrases reacuteversibles (le premier type de phrase ougrave les rocircles theacutematiques pouvaient srsquoinverser du fait de lrsquoidentiteacute du trait seacutemantique lt+ - animeacutegt des items lexicaux manipuleacutes) et concernant les phrases improbables les reacuteponses eacutetaient donneacutees au hasard Cette eacutetude a deacutemontreacute que le traitement syntaxique de la repreacutesentation sous-jacente avec enchacircssement impliquant la succession lineacuteaire de deux SN en surface eacutetait inopeacuterant chez les patients testeacutes En effet alors que lrsquointerpreacutetation ne peut srsquoappuyer sur les indices lexico-seacutemantiques seulement le traitement syntaxique requis pour acceacuteder agrave la repreacutesentation syntaxique de la phrase leur posait problegraveme

Pour BERNDT et CARAMAZZA (1980) drsquoapregraves de telles donneacutees qui prouvent la compreacutehension asyntaxique il est leacutegitime de penser que lrsquoagrammatisme traduirait un deacuteficit structural de nature syntaxique affectant parallegravelement la production et la compreacutehension et en vertu duquel la repreacutesentation syntaxique de la phrase serait inopeacuterante pendant les traitements drsquoencodage et de deacutecodage

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Drsquoapregraves le modegravele de GARRETT le deacuteficit sous-jacent serait donc agrave mettre sur le compte du niveau de repreacutesentation positionnelle car crsquoest lrsquoanalyseur syntaxique (parser) qui serait agrave lrsquoorigine du trouble

(b) Deacuteficit lieacute aux traces des structures syntaxiques trace-deletion hypothesis (TDH) trace-based account (TBA)

Lrsquohypothegravese de la deacuteleacutetion des traces (trace-deletion hypothesis TDH) formuleacutee par GRODZINSKY (1984 1986 1995 GRODZINSKY et al 1985) srsquoinscrit tregraves explicitement dans le courant de la grammaire geacuteneacuterative dont le chef de fil est CHOMSKY (1957 [1969] 1965 [1971]) et dans une conception modulaire des aptitudes cognitives (FODOR 1986) Elle postule que laquo la proprieacuteteacute la plus fondamentale du langage est sa structure plutocirct que son usage dans une varieacuteteacute de situations raquo24 (GRODZINSKY 1984) La syntaxe est autonome et constitue un module de traitement indeacutependant (processing device) gouvernant lrsquoactiviteacute langagiegravere dans son ensemble

Cette hypothegravese qui est deacuteriveacutee de la theacuteorie du gouvernement et du liage et de celle des principes et des paramegravetres (CHOMSKY 1981 citeacute par GRODZINSKY 1995) avance que les traces sont supprimeacutees de la repreacutesentation et qursquoune strateacutegie cognitive ameacuteliore les performances du patient Ainsi la deacuteleacutetion des traces est la conseacutequence drsquoun deacuteficit structural syntaxique qui affecte parallegravelement les deux versants de lrsquoactiviteacute langagiegravere la production et la compreacutehension (GRODZINSKY 1984)

Plus tard la mecircme hypothegravese propose que le deacuteficit recouvre deux patrons de perturbations diffeacuterents selon qursquoon se place du point de vue de la compreacutehension ou de la production (GRODZINSKY 1986) Cette hypothegravese avance par ailleurs que agrave travers lrsquoaphasie agrammatique laquo le substrat neuronal de la capaciteacute syntaxique humaine raquo25 (GRODZINSKY 1995 28) peut ainsi srsquoenvisager Le deacuteficit est ainsi reacuteputeacute structural et de nature syntaxique mais il faut lrsquoattribuer agrave un certain type de computations syntaxiques en lrsquooccurrence celles qui sont lieacutees aux deacuteplacements syntaxiques et aux traces (movements et traces)

Drsquoapregraves les donneacutees empiriques disponibles en compreacutehension de phrases GRODZINSKY (1995 31-33 citant divers travaux) induit que certains aspects linguistiques sont preacuteserveacutes tels que

les aspects syntaxiques et lrsquoassignation des rocircles seacutemantiques de la phrase simple et active des points de vue de la construction de la structure preacutedicative et argumentale (citant LAPOINTE 1985 SHAPIRO et al 1993) de la deacutetection de violations grammaticales

24 laquo Current cognitive theories [] maintain that the most central property of language is its structure [] rather than the fact that it can be practiced in a variety of ways raquo (GRODZINSKY 1984 136) 25 Selon nous laquo capaciteacute syntaxique raquo est employeacute ici comme synonyme de laquo compeacutetence syntaxique raquo en termes chomskyens

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(citant LINEBARGER et al 1983) de lrsquoassignation des rocircles theacutematiques (Theta- ou Θ-role assignment citant SCHWARTZ et al 1987) de lrsquoassignation des cas etc

les aspects lexicaux les capaciteacutes de deacutetection de violations de proprieacuteteacutes lexicales de sous-cateacutegorisation demeurent intactes (citant LINEBARGER et al 1983)

le liage (citant GRODZINSKY et al 1993)

Par contre drsquoapregraves GRODZINSKY (1995 32) il semble que le laquo domaine raquo ou laquo module raquo syntaxique actualisant le deacuteplacement drsquoun argument (movement) soit deacuteficitaire dans le cas de phrases passives (du type The boy was pushed by the girl) et de phrases avec une subordonneacutee dont lrsquoanteacuteceacutedent est Objet (du type The boy who the girl pushed was tall) ou avec cliveacutee (du type It is the boy who the girl pushed)

Ainsi les deacuteplacements syntaxiques (syntactic movements) semblent preacutesenter une difficulteacute speacutecifique en compreacutehension chez lrsquoagrammatique ce que GRODZINSKY (1995 33) explique de la sorte

laquo Toutes les traces de deacuteplacements sont effaceacutees de la repreacutesentation en structure de surface En conseacutequence la transmission des rocircles theacutematiques aux constituants deacuteplaceacutes normalement actualiseacutee par la chaicircne que les traces et ses anteacuteceacutedents constituent ne peut srsquoopeacuterer raquo26

Crsquoest donc les structures qui contiennent des traces qui sont perturbeacutees en particulier drsquoougrave la deacutenomination laquo trace-deletion hypothesis raquo27 Drsquoautre part la TDH est compleacuteteacutee par lrsquohypothegravese de la laquo strateacutegie par deacutefaut raquo (default strategy) selon laquelle les agrammatiques ont tendance agrave appliquer le rocircle drsquoAgent au SN placeacute en tecircte de phrase passive ce qui traduit le fait que lrsquoagrammatique est incapable de deacuteterminer lrsquoAgent drsquoune action donneacutee lorsqursquoun deacuteplacement doit srsquoopeacuterer

Motiveacutees par de nouvelles donneacutees agrammatiques et surtout par la remise agrave jour des perspectives analytiques du courant geacuteneacuterativiste des reacutevisions et restrictions de la TDH28 seront formuleacutees (voir GRODZINSKY 1995 36-49 GRODZINSKY 1998) pour laisser place agrave une hypothegravese plus souple et restrictive la TBA (trace-based account) et la R-Strategy (referential strategy)29 Drsquoautres travaux tels que ceux de HICKOCK et al (1993)

26 Notre propre traduction laquo [] it was assumed that in agrammatism all traces of movement are deleted from S-structure representation As a consequence Θ-role transmission to moved constituents normally mediated by the chain that the trace and its antecedent constitute [] cannot take place raquo (GRODZINSKY 1995 33) 27 Cette hypothegravese est deacutenommeacutee aussi laquo chain-disruption hypothesis raquo (LINEBARGER 1995) 28 Une revue approfondie de lrsquoeacutevolution de cette theacuteorie neacutecessiterait de disposer de tous les outils et concepts analytiques mis au point par les theacuteoriciens de la grammaire geacuteneacuterative et de ses prolongements jusqursquoau programme minimaliste Il nrsquoen sera aucunement question ici drsquoautant que lrsquoapproche propre agrave notre probleacutematique de lrsquoadaptation se distingue de lrsquoapproche geacuteneacuterativiste trop eacuteloigneacutee nous semble-t-il de la question de la variabiliteacute des faits linguistiques 29 Pour une critique plus pousseacutee et technique de cette hypothegravese et de ses prolongements voir LINEBARGER (1995 60-77) Drsquoapregraves elle les interpreacutetations invoquant la rupture de la chaine (chain-disruption accounts)

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HICKOK et AVRUTIN (1995) ou RUIGENDIJK et al (2006) pour nrsquoen citer que quelques-uns dans la mecircme veine alimentent les deacutebats entre linguistes geacuteneacuterativistes teacutemoignant un inteacuterecirct particulier pour la compreacutehension de phrases dans lrsquoagrammatisme

Agrave la diffeacuterence des autres hypothegraveses linguistiques exposeacutees jusqursquoagrave preacutesent lrsquohypothegravese syntaxique formuleacutee dans le cadre du modegravele geacuteneacuteratif ne pose pas de lien explicite avec quelque modegravele de la performance psycholinguistique Cette hypothegravese (ainsi que ses prolongements voir ci-apregraves) trouve son adeacutequation psychologique et mecircme neurobiologique dans le cadre theacuteorique de la grammaire universelle qui postule que lrsquoexistence drsquoun module syntaxique autonome est agrave la base de lrsquoeacutemergence de la compeacutetence syntaxique et de la faculteacute de langage En partie 31 (p 90) nous discuterons plus en deacutetail des problegravemes poseacutes par lrsquoadoption drsquoun tel cadre theacuteorique et analytique et donc des enjeux theacuteoriques poseacutes par lrsquoeacutetude de la performance pathologique

(c) Deacuteficit lieacute aux nœuds des arbres syntaxiques tree-pruning hypothesis (TPH)

Lrsquohypothegravese de la troncation de lrsquoarbre syntaxique (tree pruning hypothesis - TPH - FRIEDMANN et GRODZINSKY 1997 FRIEDMANN 2000 FRIEDMANN 2001 FRIEDMANN 2002) est comme celle de GRODZINSKY marqueacutee par les principes drsquoanalyse issus de la syntaxe geacuteneacuterative30 Il est postuleacute que au sein de la repreacutesentation en arbre de la phrase certains nœuds de la repreacutesentation de certaines cateacutegories fonctionnelles seraient endommageacutes en particulier le Temps (pour la flexion temporelle Tense node) lrsquoAccord (pour la flexion drsquoaccord Agreement node) et les Compleacutementeurs (pour la syntaxe des phrases interrogatives en particulier Complementizer node)

Lrsquoagrammatique nrsquoest alors plus capable drsquoappliquer les regravegles de projection de cateacutegories fonctionnelles au-dessus des nœuds endommageacutes dans lrsquoarbre syntaxique Eacutetant donneacute le rocircle crucial des tecirctes dans la projection de nœuds supeacuterieurs la TPH suggegravere que lorsqursquoun nœud est endommageacute lrsquoarbre est tronqueacute agrave partir de ce nœud et les nœuds supeacuterieurs sont aussi endommageacutes

De ce fait les degreacutes de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit agrammatique srsquoexpliquent par les sites des nœuds endommageacutes lorsqursquoun patient manifeste un deacuteficit tregraves seacutevegravere le nœud endommageacute est situeacute bas dans lrsquoarbre syntaxique (le nœud Temps) ce qui affecte tous les noeuds situeacutes au-dessus et donc une plus grande partie de lrsquoarbre syntaxique est inaccessible Lorsque le deacuteficit est moins seacutevegravere le nœud endommageacute est situeacute tregraves haut ce qui affecte moins de nœuds situeacutes au-dessus (le nœud Compleacutementeur) De la sorte si le nœud Temps est endommageacute alors les nœuds Compleacutementeurs le sont tout naturellement et si le nœud Compleacutementeur est endommageacute cela nrsquoaffectera pas le nœud Temps

pour expliquer lrsquoappauvrissement de la structure syntaxique ne suffisent pas agrave expliquer les perturbations ou les preacuteservations des structures dans la compreacutehension asyntaxique 30 En particulier par le modegravele de POLLOCK (1989)

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Aussi le modegravele preacutedit que la troncation de lrsquoarbre suivant un certain nœud affecte toutes les structures deacutependantes du nœud impliqueacute En effet lorsque le nœud Temps est affecteacute tous les nœuds qui en deacutependent la flexion temporelle les copules les pronoms sujets le sont aussi

Des hypothegraveses similaires formuleacutees par RIZZI (1994 citeacute par FRIEDMANN 1997 2002) et HAGIWARA (1995 citeacute par FRIEDMANN 2002) viennent appuyer ce modegravele

Drsquoautre part des donneacutees empiriques disponibles peuvent ecirctre interpreacuteteacutees suivant le modegravele Par exemple NESPOULOUS et al (1988 1990 citeacutes par FRIEDMANN 1997 418) montrent que M Clermont a des difficulteacutes agrave produire les verbes copules et auxiliaires et nrsquoemploie aucun temps verbal composeacute ni subordonneacutee attacheacutee agrave un verbe Cependant aucune erreur de flexion nrsquoest releveacutee traduisant le fait que le nœud Accord est intact Suivant le modegravele de FRIEDMANN lrsquoarbre syntaxique de M Clermont serait donc endommageacute au niveau du nœud Temps ce qui permet drsquoexpliquer que les repreacutesentations des verbes copules des verbes auxiliaires et des flexions temporelles soient perturbeacutees laissant indemne lrsquoapplication des regravegles drsquoAccord De plus lrsquoabsence de subordonneacutees traduit la perturbation du nœud Compleacutementeur situeacute dans lrsquoarbre syntaxique au-dessus du nœud Temps

La TPH peut se reacutesumer ainsi (FRIEDMANN 1997 420)

les cateacutegories fonctionnelles C T ou Agr sont sous-speacutecifieacutees dans lrsquoagrammatisme

un nœud sous-speacutecifieacute ne peut se projeter plus haut dans lrsquoarbre syntaxique

Le modegravele de FRIEDMANN a susciteacute quelques reacuteserves

En effet pour KOLK (2006 233) le problegraveme de cette hypothegravese est que la variabiliteacute intra-individus (inconsistency) nrsquoest pas reacuteellement expliqueacutee et mecircme selon nous plutocirct eacuteludeacutee

Drsquoautre part drsquoapregraves ARABATZI et EDWARDS (2002) des tests de manipulation de verbes en production de phrases et lrsquoanalyse des verbes produits en discours continu narratif ont pu mettre en eacutevidence des erreurs drsquoomissions et de substitutions impliquant les flexions verbales en anglais dans des contextes divers (dans les phrases deacuteclaratives mais aussi apregraves une neacutegation) Ni les patrons drsquoerreurs ni les variabiliteacutes inter-individus et inter-tacircches observeacutes dans divers cas dagrammatisme ne peuvent confirmer les preacutedictions de la TPH ARABATZI et EDWARDS (2002) rejettent donc la TPH pour plaider en faveur drsquoune perturbation des processus drsquoimpleacutementation de la grammaire (du point de vue des regravegles drsquoapplication de la morphologie flexionnelle verbale) en soulignant le fait que les cateacutegories fonctionnelles (Temps Accord) sont bien preacutesentes dans lrsquoagrammatisme et non dissoutes

Aussi ces auteurs formulent un contre-argument de nature logique si les troncations des arbres syntaxiques pouvaient reacuteellement ecirctre agrave lrsquoorigine des performances agrammatiques du point de vue des flexions verbales les verbes en anglais seraient alors systeacutematiquement mal fleacutechis Pourtant de nombreux travaux ont mis en valeur lrsquoinstabiliteacute des performances agrammatiques Et de ce point de vue la variabiliteacute des performances indiquerait plutocirct que

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certains meacutecanismes de flexions et certaines regravegles de structuration syntaxique seraient appliqueacutes de faccedilon optionnelle dans la production ce qui va plutocirct dans le sens de la theacuteorie de lrsquoadaptation en contradiction avec lrsquohypothegravese drsquoune incapaciteacute syntaxique structurale

Comme pour la TDH (voir supra) la TPH recherche naturellement une adeacutequation psychologique dans le cadre geacuteneacuterativiste et ne se reacutefegravere pas explicitement agrave quelque modegravele de la performance psycholinguistique

233 Lrsquoagrammatisme trouble central ou seacutelectif

SALOMON (1914) et ISSERLIN (1922) citeacutes par GOODGLASS (1973 187) opegraverent une dissociation entre expression et compreacutehension Pour MICELI et al (1983) le trouble de la compreacutehension peut srsquoaveacuterer chez certains patients agrammatiques mais lrsquoagrammatisme purement expressif existe aussi

NESPOULOUS et al (1988) et NESPOULOUS et al (1989) reportent un cas drsquoagrammatisme (M Clermont) sans trouble de la compreacutehension que ce soit dans des tacircches de compreacutehension orale ou eacutecrite ou dans des tacircches de jugement de grammaticaliteacute mesurant les capaciteacutes meacutetalinguistiques En effet les auteurs ont pu montreacute que bien que la production de discours continu et de phrases soit agrammatique les laquo connaissances abstraites - la compeacutetence linguistique raquo sont toujours opeacuterationnelles (les reacutesultats aux tests de jugement de grammaticaliteacute sont laquo parfaits raquo)

Aussi seraient impliqueacutees les capaciteacutes de traitement attentionnel des mots grammaticaux dans les processus de deacutecodage la reacutepeacutetition et la lecture de mots grammaticaux isoleacutes sont laquo totalement eacutepargneacutees raquo alors que leur lecture en contexte phrastique est laquo massivement deacuteficitaire raquo mais moins probleacutematique lorsque la lecture des mots grammaticaux en contexte phrastique est orienteacutee par un moyen de focaliser lrsquoattention

Drsquoautre part les auteurs en concluent que M Clermont ne preacutesente pas de deacuteficit particulier qui affecterait lrsquoencodage de la syntaxe de la phrase En effet dans une tacircche drsquoanagrammes phrastiques ougrave le temps consacreacute agrave la formation des phrases est tregraves long seulement deux erreurs de substitution de morphegravemes sont releveacutees Pour eux le trouble agrammatique ne serait associeacute qursquoagrave des symptocircmes expressifs ce qui va dans le sens de lrsquohypothegravese du trouble seacutelectif impliquant seulement lrsquoencodage et ce qui prouverait lrsquoindeacutependance des meacutecanismes de deacutecodage et drsquoencodage de la syntaxe

Drsquoautre part les deux eacutetudes de cas preacutesenteacutees pour le franccedilais dans le recueil du projet CLAS (dont M Clermont NESPOULOUS et al 1990 657) ont permis de conclure que lrsquoagrammatisme nrsquoeacutetait pas le reacutesultat drsquoun deacuteficit central mais qursquoil devait ecirctre imputeacute agrave un dysfonctionnement drsquoun processus psycholinguistique responsable de la production du langage Comme des perturbations eacutequivalentes furent deacutecrites en production de lrsquoeacutecrit et de lrsquooral il semble que le dysfonctionnement en cause impliquerait une eacutetape profonde drsquoencodage de lrsquoinformation grammaticale si lrsquoon considegravere un modegravele de la production

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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laquo normale raquo de phrases tel que celui de GARRETT (1976 1980) crsquoest-agrave-dire le niveau positionnel

Cependant drsquoautres hypothegraveses agrave lrsquoinstar de ZURIF et al (1972) CARAMAZZA et ZURIF (1976) BERNDT et CARAMAZZA (1980) SCHWARTZ et al (1980) LINEBARGER et al (1983) et GRODZINSKY (1984 1986 1995 GRODZINSKY et al 1985) associent lrsquoagrammatisme systeacutematiquement agrave des symptocircmes reacuteceptifs ce qui suggegravere qursquoon aurait plutocirct affaire agrave un trouble central et structural impliquant lrsquoencodage et le deacutecodage de maniegravere parallegravele Drsquoautant que lrsquoideacutee du caractegravere central du trouble est en termes logiques plus en adeacutequation avec les hypothegraveses explicatives dites laquo structurales raquo ou linguistiquement motiveacutees exposeacutees ci-dessus

Preacuteciseacutement sur cette question nous ne sommes pas en mesure de trancher de maniegravere deacutefinitive drsquoautant que la preacutesente eacutetude se focalise exclusivement sur la production orale En effet nous nrsquoavons pas pu eacutevaluer la compreacutehension du langage des participants agrave cette eacutetude31

234 Agrammatisme et paragrammatisme un mecircme deacuteficit

KLEIST (1914 1916 citeacute par TISSOT et al 1973) considegravere que lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme sont deux formes de troubles diffeacuterents du point de vue de la modaliteacute consideacutereacutee mais tregraves proches du point de vue de la qualiteacute des symptocircmes morpho-syntaxiques caracteacuteristiques la premiegravere forme srsquoobserverait dans la reacutegression drsquoune laquo aphasie motrice raquo et la seconde forme dans lrsquolaquo aphasie sensorielle raquo Il ajoute aussi que lrsquoagrammatisme moteur ne srsquoaccompagne pas forceacutement de symptocircmes reacuteceptifs mais que lrsquoagrammatisme sensoriel srsquoaccompagne toujours de symptocircmes expressifs Toujours drsquoapregraves les travaux de KLEIST (citeacute par PILLON et NESPOULOUS 1994 390 drsquoapregraves la traduction de DE BLESER 1987)

laquo Dans le paragrammatisme lrsquoaptitude agrave construire des seacutequences de mots nrsquoest pas alteacutereacutee mais les syntagmes et les phrases sont souvent incorrectement seacutelectionneacutes ce qui provoque des meacutelanges et des contaminations Tregraves souvent les constructions phrastiques demeurent inacheveacutees Lrsquoexpression linguistique nrsquoest pas simplifieacutee il y a plutocirct surproduction de seacutequences de mots avec apparition de phrases confuses et monstrueuses raquo

Ces pheacutenomegravenes paragrammatiques sont typiques de lrsquoaphasie de Wernicke Drsquoapregraves DEacuteMONET et PUEL (1994 348) cette aphasie se traduit par des deacutesordres touchant toutes les composantes du langage la fluiditeacute et lrsquoabondance de la production orale srsquoaccompagnent drsquoune sorte de deacutesinhibition difficilement controcirclable et de multiples deacuteviations phoneacutemiques et lexicales (sans trouble phoneacutetique ou articulatoire) qui peuvent

31 Les participants agrammatiques furent seacutelectionneacutes drsquoapregraves le critegravere dominant selon lequel ils devaient preacutesenter un laquo trouble de lrsquoexpression aveacutereacute avec agrammatisme et une compreacutehension preacuteserveacutee raquo

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donner lrsquoimpression drsquoune jargonaphasie Les perturbations phoneacutemiques se traduisent par des suppressions ajouts substitutions ou deacuteplacements de phonegravemes qui peuvent rendre opaque le mot cible Les paraphasies lexicales peuvent entraicircner des ambiguiumlteacutes et des incoheacuterences seacutemantiques inaccessibles agrave lrsquoauditeur Lorsque les pheacutenomegravenes paraphasiques impliquent les mots grammaticaux on parle alors de paragrammatisme ou de dyssyntaxie ougrave toutefois la formation de phrases complexes nrsquoest pas affecteacutee32 Ce syndrome aphasique tregraves visible sur le plan de la production affecte eacutegalement massivement la compreacutehension du langage

Pour reacutesumer la distinction classique entre les tableaux cliniques de lrsquoaphasie de Broca avec agrammatisme et lrsquoaphasie de Wernicke avec paragrammatisme repose sur les traits symptomatologiques respectifs suivants

au niveau qualitatif omissions versus substitutions

au niveau de la fluence verbale et au niveau quantitatif reacuteduction verbale heacutesitante en segments courts versus logorrheacutee verbale difficile agrave canaliser freacutequence eacuteleveacutee des omissions versus freacutequence eacuteleveacutee des substitutions

au niveau des modaliteacutes symptocircmes exclusivement expressifs versus symptocircmes expressifs et reacuteceptifs

Sans entrer dans les deacutetails il est assez admis aujourdrsquohui que cette dichotomie ne reacutesiste pas agrave lrsquoeacutepreuve de certaines donneacutees qui amegravenent agrave dresser un tableau beaucoup plus nuanceacute des deux types de trouble

Parmi tous les traits distinctifs citeacutes le seul qui reacutesiste encore du point de vue clinique est celui de la non fluence verbale opposeacutee agrave la fluence verbale Par contre les travaux de HEESCHEN (1985) ont montreacute que le trait quantitatif relatif aux diffeacuterences de freacutequences drsquoomissions et de substitutions ne reacutesistait pas Ainsi lrsquohypothegravese de ce dernier constitue une tentative seacuteduisante de remise en cause de la conception dichotomique classiquement admise (voir au point 244 p 73)

Drsquoautre part les descriptions tregraves fines de BUTTERWORTH et HOWARD (1987) citeacutes par PILLON et NESPOULOUS (1994 401) formulent une analogie en termes qualitatifs entre les pheacutenomegravenes paragrammatiques du sujet aphasique et les lapsus du sujet laquo normal raquo qui pourraient srsquoexpliquer par des dysfonctionnements transitoires relatifs aux meacutecanismes de controcircle de lrsquooutput Ces mecircmes auteurs ont eacutegalement observeacute que le discours paragrammatique nrsquoeacutetait pas seulement caracteacuteriseacute par une freacutequence eacuteleveacutee de pheacutenomegravenes para- (substitutions et ajouts) mais que des pheacutenomegravenes a- (omissions) pouvaient eacutegalement y ecirctre deacuteceleacutes

32 Pour une revue deacutetailleacutee de travaux sur les pheacutenomegravenes paragrammatiques ou dyssyntaxiques illustreacutee par de nombreux exemples pour le franccedilais voir notamment PILLON et NESPOULOUS (1994 399-400)

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235 Variabiliteacute inter-langues lrsquoapproche comparative et lrsquoapport des donneacutees translinguistiques

Les donneacutees inter-langues sur lrsquoagrammatisme sont tregraves varieacutees et permettent de relativiser des perceptions et interpreacutetations du trouble souvent trop centreacutees sur une seule langue Voyons cela agrave travers lrsquoexemple du japonais pour commencer puis agrave travers les reacutesultats du projet CLAS

2351 Un exemple lrsquoagrammatisme en Japonais

Parmi le peu drsquoeacutetudes concernant les langues non indo-europeacuteennes lrsquoagrammatisme en japonais apporte un eacuteclairage suppleacutementaire sur la complexiteacute de ses symptocircmes dans une perspective de comparaison inter-langues Le japonais est une langue agglutinante ougrave lrsquoemploi de morphegravemes flexionnels (auxiliaires affixes) est beaucoup plus optionnel qursquoen allemand ou en franccedilais En effet leur absence ne constitue pas forceacutement un manque qui compromet la bonne formation du message srsquoappuyant notamment sur un ordonnancement syntaxique beaucoup plus libre

Or en japonais (drsquoapregraves IMURA 1943 citeacute par PANSE et SHIMOYAMA 1973) lrsquoagrammatisme se caracteacuterise par lrsquoomission de morphegravemes auxiliaires la substitution de marqueurs de cas de conjonctions (des affixes et infixes) lrsquoomission de verbes auxiliaires et de formes verbales de politesse des confusions entre les voies active et passive lrsquoemploi deacuteficient de lrsquoinfinitif et des seacutequences de mots incorrectes

Drsquoapregraves une analyse comparative entre les perturbations observeacutees en japonais et en allemand (PANSE et SHIMOYAMA 1973) il ressort que les perturbations affectent les mecircmes cateacutegories fonctionnelles Les bases lexicales sur lesquelles srsquoagglutinent les morphegravemes auxiliaires en japonais demeurent intacts sauf lorsqursquoun infixe doit srsquoy inseacuterer

En conclusion agrave la question de savoir si lrsquoagrammatisme reacutesulte drsquoun deacuteficit moteur avec pour reacutesultante lrsquoomission des mots redondants non neacutecessaires agrave la compreacutehension drsquoun message ou srsquoil reacutesulte drsquoun deacuteficit drsquoencodage de la grammaire elle-mecircme qui srsquoactualise par la perturbation seacutelective de certains morphegravemes les auteurs privileacutegient la premiegravere hypothegravese

Lrsquoagrammatisme serait alors le reflet drsquoun dysfonctionnement drsquoordre proceacutedural plutocirct que structural touchant la disponibiliteacute ou lrsquoaccessibiliteacute mneacutesique agrave certains morphegravemes (disturbance of mnestic availability)

2352 Le projet CLAS (Cross-Language Aphasia Study)

Drsquoapregraves des analyses systeacutematiques de donneacutees diverses collecteacutees aupregraves drsquoagrammatiques dans quatorze langues diffeacuterentes (en hollandais anglais finnois franccedilais allemand

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heacutebreu33 hindi islandais italien japonais serbo-croate sueacutedois polonais et chinois34) lrsquoapproche comparative translinguistique de lrsquoagrammatisme coordonneacutee par MENN et OBLER (1990) a permis de deacutegager des variabiliteacutes inter-langues et inter-sujets qui viennent confirmer et nuancer les traits deacutefinitoires geacuteneacuteraux relatifs au trouble Drsquoapregraves les auteures certains traits sont plutocirct stables selon les langues tels que

la simplification de la syntaxe la complexification par subordination de proposition est absente les propositions employeacutees sont tregraves reacuteduites en nombre de mots toutefois les mots fonctions sont quand mecircme assez preacutesents dans toutes les langues

les eacuteleacutements de complexification morphologique du verbe (les auxiliaires et les flexions) sont freacutequemment omis qursquoil srsquoagisse de morphegravemes plutocirct libres comme en anglais ou lieacutes comme en finnois

les morphegravemes flexionnels sont freacutequemment substitueacutes et peu omis dans les langues comme lrsquoitalien lrsquoislandais ou lrsquoheacutebreu mecircme si les omissions de morphegravemes libres peuvent ecirctre systeacutematiques

les substitutions entre morphegravemes flexionnels sont toujours intra-cateacutegorielles crsquoest-agrave-dire qursquoelles sont toujours le fruit drsquoune confusion entre les eacuteleacutements drsquoun mecircme paradigme de flexions

les conjonctions en franccedilais les particules de clocircture de phrase en japonais et les remplisseurs (comme lrsquointerjection yrsquoknow) sont tregraves abondants et mecircme sur-employeacutes par rapport aux controcircles

les omissions de verbes noyaux agrave faible charge seacutemantique sont plus freacutequentes comme avoir et ecirctre compareacute aux verbes noyaux laquo pleins raquo

lrsquoomission de mots contenus est notable en particulier les verbes noyaux ou les noms ces derniers eacutetant drsquoautant plus omis lorsque le systegraveme de marquage casuel est complexe (comme en finnois ou en serbo-croate)

lrsquoordre canonique des constituants est preacutefeacutereacute dans chacune des langues mecircme lorsqursquoelle offre plus de flexibiliteacute drsquoagencement des constituants (comme en finnois ou polonais) et mecircme si la construction obtenue est agrammaticale (en allemand les structures agrave verbe en position finale sont eacuteviteacutees)

Si certains traits sont stables selon les langues drsquoautres traits sont sujets agrave des variations importantes (MENN et OBLER 1990 1370) En effet celles-ci affirment que les nombres drsquoomissions de morphegravemes lieacutes (flexions nominales) et lrsquoemploi de formes verbales agrave 33 Lrsquoagrammatisme en heacutebreu est eacutegalement eacutetudieacute par GORDZINSKY (1984) et FRIEDMANN et GRODZINSKY (1997) 34 Deux cas par langue furent eacutetudieacutes excepteacute pour le chinois lrsquohindi et le polonais avec un cas unique chacune Les donneacutees sont issues de quatre tacircches de productions usuelles le reacutecit autobiographique la narration drsquoun conte (Le Petit Chaperon Rouge) la description drsquoimage (Cookie Theft du BDAE) et la narration de quatre petites histoires drsquoapregraves des seacutequences drsquoimages (tireacutees du Wechsler-Bellevue)

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lrsquoinfinitif sont tregraves variables deacutependent des diffeacuterences grammaticales intrinsegraveques aux diffeacuterentes langues En effet dans les langues preacutesentant des paradigmes flexionnels pleins et riches (le finnois lrsquoheacutebreu) les substitutions sont plus caracteacuteristiques compareacute aux langues ougrave la morphologie est moins marqueacutee (lrsquoanglais) En langues romanes et germaniques les verbes sont souvent employeacutes sous une forme plus simple agrave lrsquoinfinitif ou au preacutesent simple

Ces observations conduisent MENN et OBLER (1990 1387) agrave relativiser la nature du deacuteficit sous-jacent et de ses manifestations agrave travers le filtre de la langue lorsque la formation drsquoune structure implique la seacutelection drsquoune seule forme adeacutequate parmi les eacuteleacutements drsquoun paradigme plus la langue offre des paradigmes complexes et plus le risque de confusion srsquoaccroicirct chez lrsquoagrammatique Ainsi les proprieacuteteacutes de la langue ont un effet non neacutegligeable sur la qualiteacute et la quantiteacute des omissions et des substitutions observeacutees en surface

2353 Inteacuterecirct de lrsquoapproche comparative

La variabiliteacute inter-langues des types de symptocircmes omissions versus substitutions dans lrsquoagrammatisme constitue un indicateur tangible permettant drsquoinfeacuterer certains meacutecanismes fondamentaux impliqueacutes dans la production langagiegravere (voir NESPOULOUS 1997 230-236)

En franccedilais ou en anglais lrsquoagrammatisme se caracteacuterise en premier lieu par lrsquoomission des morphegravemes grammaticaux obligatoires agrave la diffeacuterence de lrsquoheacutebreu langue pour laquelle sont observeacutees des substitutions en nombre tregraves important (voir GRODZINSKY 1984 BAHARAV 1990 citeacute par NESPOULOUS 1997)

En effet les qualiteacutes structurales de lrsquoheacutebreu impliquent que les agrammatiques produisent un discours ougrave les racines tri-consonantiques servant de bases seacutemantico-lexicales sont combineacutees agrave des affixes grammaticaux vocaliques et consonantiques souvent mal seacutelectionneacutes ou mal instancieacutes sur la base (ou racine) Si les agrammatiques choisissaient lrsquooption de supprimer ces affixes vocaliques pour ne garder que les racines servant de support de base agrave lrsquoexpression de lrsquoinformation grammaticale la reacutealisation effective des mots au sein drsquoune phrase serait compromise

Cela expliquerait pourquoi lrsquooption laquo substitution raquo plutocirct que laquo lrsquooption omission raquo semble preacutefeacuterentiellement choisie (par des voies conscientes ou inconscientes ) dans les langues ougrave une uniteacute lexicale nrsquoapparaicirct jamais sous une forme deacutenueacutee de toute marque grammaticale affixeacutee encore moins lorsqursquoil srsquoagit drsquoinfixes vocaliques ajouteacutes agrave une structure consonantique de base comme en langue seacutemitique En italien polonais ou mecircme en finnois les donneacutees vont dans le mecircme sens (voir MENN et OBLER 1990)

Ainsi drsquoapregraves NESPOULOUS (1997) du point de vue de la symptomatologie de lrsquoagrammatisme lrsquoapproche comparative translinguistique permet de mettre en eacutevidence une variabiliteacute inter-langues qui invite agrave consideacuterer que

drsquoune part laquo le problegraveme de gestion des morphegravemes grammaticaux aurait obligation de respecter les proprieacuteteacutes structurales de la langue parleacutee par le patient raquo

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et drsquoautre part laquo le dogme [] en matiegravere de diagnostic diffeacuterentiel entre agrammatisme et paragrammatisme [est agrave revoir] raquo

En effet on pourrait donc conclure que le deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes para- et a-grammatiques qursquoon associe dans les conceptions classiques respectivement agrave lrsquoaphasie fluente et agrave lrsquoaphasie non fluente aurait en reacutealiteacute une seule et mecircme nature

Les manifestations de ce deacuteficit laquo unique raquo serait ainsi variables en quantiteacute et en qualiteacute selon les proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu Cet argument suffit donc agrave rejeter la distinction trop radicale entre agrammatisme et paragrammatisme agrave lrsquoinstar de HEESCHEN (1985 voir aussi au point 244 p 73)

De plus NESPOULOUS (1997) preacutecise que le caractegravere toujours intra-cateacutegoriel des substitutions observeacutees (par exemple preacuteposition preacuteposition article article) prouveraient que la matrice syntaxique des phrases agrave produire est intacte car la cateacutegorie grammaticale relative au morphegraveme substitueacute a toutefois eacuteteacute activeacutee lors de la planification de la phrase De ce fait il rejette lrsquoideacutee drsquoun deacuteficit syntaxique sous-jacent en admettant que lrsquohypothegravese drsquoun dysfonctionnement lieacute agrave lrsquoaccegraves agrave ces cateacutegories de morphegravemes grammaticaux est plus plausible ce qui aurait des conseacutequences sur lrsquoensemble de la structure agrave encoder et donc sur les aspects syntaxiques en mecircme temps

Toute revue comparative approfondie des donneacutees disponibles issues de diffeacuterentes langues35 preacutesente ainsi un grand inteacuterecirct drsquoautant que la variabiliteacute quantitative et qualitative symptomatologique est tregraves eacutetroitement lieacutee aux proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu et questionne de ce fait la pertinence dichotomique entre agrammatisme et paragrammatisme

Drsquoautre part les donneacutees collecteacutees aupregraves drsquoaphasiques bilingues sont eacutegalement tregraves preacutecieuses pour qui souhaite appreacutehender les processus impliqueacutes dans la geacuteneacuteration du langage suivant lrsquoune ou lrsquoautre des deux ou trois langues parleacutees par un mecircme sujet (voir PARADIS 1988 2001) drsquoautant plus lorsque les meacutecanismes de formation morphologiques et syntaxiques diffegraverent selon les langues parleacutees par ce type singulier de patient

35 Il nrsquoen sera pas question ici Toutefois on peut signaler quelques travaux LAKA et ERRIONDO-KOROSTOLA (2001) en basque MANSSON et AHLSEN (2001) en sueacutedois NILIPOUR et RAGHIBDOUST (2001) en farsi (perse) RISPENS et al (2001) en anglais hollandais et norveacutegien agrave propos de la neacutegation ULATOWSKA et al (2001) en polonais STAVRAKAKI et KOUVAVA (2003) en grec FRIEDMANN (2002) en heacutebreu et en arabe HALLIWELL (2000) et LEE (2003) en coreacuteen KERTESZ et OSMAN-SAGI (2001) en hongrois LEHECKOVA (2001) en tchegraveque et REZNIK et al (1995)

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236 Variabiliteacute symptomatologique co-occurrences et dissociations de symptocircmes

2361 La question du statut syndromique de lrsquoagrammatisme

Drsquoapregraves CARAMAZZA et BERNDT (1985 31) la notion de syndrome srsquoeacutenonce agrave travers le principe de deacutelimitation suivant

laquo Un syndrome devrait pouvoir ecirctre appreacutehendeacute suivant sa propension agrave ecirctre lrsquouniteacute minimale drsquoanalyse pour rendre possible lrsquoidentification du ou des modules reacuteputeacutes deacuteficients chez un patient raquo

En drsquoautres termes une relation drsquoirreacuteductibiliteacute doit pouvoir ecirctre eacutetablie entre drsquoune part le deacuteficit ou les deacuteficits en jeu et drsquoautre part le symptocircme ou les symptocircmes co-occurrents et indissociables observeacutes dans divers cas Les auteurs insistent sur le fait que la co-occurrence de symptocircmes deacutetermine lrsquoidentification drsquoun module cognitif et de son fonctionnement interne et que la dissociation entre symptocircmes reflegravetent plutocirct lrsquoindeacutependance entre processus de traitements (ou processing components) Dans lrsquoidentification drsquoun syndrome toute la difficulteacute reacuteside donc dans les possibiliteacutes offertes pour en deacutegager les frontiegraveres symptomatologiques et eacutetiologiques

Toujours drsquoapregraves ces mecircmes auteurs lrsquoapplication de ce principe drsquoidentification de syndrome nrsquoest pas en adeacutequation avec les classifications classiques de lrsquoaphasiologie fondeacutees sur un laquo meacutelange de principes psychologiques preacute-theacuteoriques et neuro-anatomiques raquo qui montrent des faiblesses quant agrave la pertinence accordeacutee agrave certains symptocircmes auxquels est associeacute le statut de trouble syndromique Par exemple un trouble de la reacutepeacutetition peut reacutesulter de deacuteficits divers crsquoest-agrave-dire que ce symptocircme peut faire suite agrave des deacuteficits psycholinguistiques et des leacutesions tregraves diffeacuterentes drsquoun sujet agrave lrsquoautre

Autrement dit les relations entre symptocircme(-s) et deacuteficit(-s) sous-jacent(-s) doivent ecirctre appreacutehendeacutees en tenant compte de leur multipliciteacute et de leur complexiteacute CARAMAZZA et BERNDT ajoutent en ces termes

laquo Ces problegravemes concernant la deacutefinition de syndromes ont des implications eacutevidentes dans le cadre de lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme Originellement deacutecrit comme eacutetant un symptocircme unique parmi le syndrome plus large de lrsquoaphasie de Broca (KLEIST 1916 PICK 1913) lrsquoagrammatisme semble avoir eacutevolueacute vers une caracteacuterisation syndromique plus lacircche et floue ce qui est en son bon droit raquo

Selon ces auteurs lrsquoagrammatisme est un trait central du syndrome de lrsquoaphasie de Broca tel que redeacutefini par BERNDT et CARAMAZZA (1980) Agrave la question fondamentale ainsi poseacutee faut-il envisager lrsquoagrammatisme comme eacutetant un symptocircme ou un syndrome regroupant un ensemble complexe de symptocircmes - CARAMAZZA et BERNDT (1985 32) proposent une tentative de compromis entre lrsquoidentification de lrsquoagrammatisme suivant des symptocircmes

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stables refleacutetant le (les) deacuteficit(-s) sous-jacent(-s) plus ou moins seacutevegraveres et la variabiliteacute inter-sujets refleacutetant les conduites compensatoires dont il faut tenir compte

laquo Il est difficile drsquoaborder lrsquoagrammatisme en fournissant une deacutefinition claire sur ses pheacutenomegravenes La performance des sujets ceacutereacutebro-leacuteseacutes est le reacutesultat drsquoun ensemble de facteurs complexes et variables incluant le dysfonctionnement partiel de composantes de traitement (processing components) et lrsquoaction de meacutecanismes compensatoires qui ensuite srsquoactualisent chez les patients selon des degreacutes de seacuteveacuteriteacute divers La variation lieacutee agrave la contribution de chacun de ces facteurs chez des patients particuliers entraicircnent un haut niveau de variabiliteacute de performance raquo36

2362 Dissociations doubles-dissociations et co-occurences de symptocircmes

Pour eacutetablir des hypothegraveses valides sur le deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme CARAMAZZA et BERNDT (1985 52-53) speacuteculent sur le fait que drsquoapregraves les donneacutees disponibles agrave ce moment-lagrave la co-occurrence effective ou non effective de diffeacuterents symptocircmes identifieacutes dans lrsquoaphasie de Broca agrammatique sont des preuves de lrsquoexistence de systegravemes fonctionnels indeacutependants impliqueacutes dans la geacuteneacuteration de phrase Ainsi la mise en eacutevidence des dissociations et doubles-dissociations dont la validiteacute est tributaire de tacircches langagiegraveres bien cadreacutee et de critegraveres linguistiques rigoureusement fixeacutes peut le deacutemontrer La co-occurence de symptocircmes peut ecirctre le reacutesultat de deux meacutecanismes diffeacuterents

(1) de la proximiteacute de certaines aires neuro-fonctionnelles proches leacuteseacutees (refleacuteteacutee par exemple par lrsquoobservation chez un mecircme patient de symptocircmes reacuteceptifs et expressifs en mecircme temps)

(2) ou de lrsquoeffet drsquoun meacutecanisme leacuteseacute sur un meacutecanisme demeureacute intact avec lequel il est en eacutetroite interaction (refleacuteteacute par exemple par lrsquoobservation chez un mecircme patient du symptocircme drsquoomission et du symptocircme de perturbation de lrsquoordre des mots)

Par conseacutequent devant la variabiliteacute des performances qui est lrsquoeffet de la combinaison instable des traits classiquement observeacutes crsquoest-agrave-dire lrsquoomission de morphegravemes grammaticaux la perturbation de lrsquoordre des mots la compreacutehension asyntaxique et lrsquoincapaciteacute au jugement meacutetalinguistique quelle attitude adopter

La question ainsi souleveacutee par ces auteurs les a conduits agrave proposer une deacutefinition de lrsquoagrammatisme reposant sur une vision multi-composite du trouble en deacutegageant trois patrons geacuteneacuteraux de symptocircmes (voir ci-apregraves) auxquels srsquoassocie un deacuteficit sous-jacent ou la co-occurrence de plusieurs deacuteficits sous-jacents

36 Notre traduction

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Le patron 1 le symptocircme drsquoomission de mots grammaticaux

Les processus de reacutecupeacuteration lexicale lieacutes agrave lrsquoaccegraves aux mots de classe fermeacutee sont deacuteficitaires et ce seulement sur le versant de la production (hypothegravese lexicale de BRADLEY et al voir 2324 p 37) Mais cette explication ne peut srsquoappliquer sans restriction car les morphegravemes grammaticaux libres sont omis selon une certaine organisation (de faccedilon non aleacuteatoire) et les erreurs de substitutions de morphegravemes lieacutes peuvent survenir Les deux types de pheacutenomegravenes peuvent srsquoexpliquer par un deacuteficit lieacute agrave la mise en place de la seacutequence syntaxique neacutecessitant la seacutelection de certains codes agrave appliquer (laquo uniteacutes de controcircles raquo des marqueurs grammaticaux drsquoapregraves le modegravele de PARISI et GIORGI 1983)

Comme ces uniteacutes sont fondamentales pour la mise en place de la seacutequence syntaxique le deacuteficit nrsquoest pas purement de nature lexicale mais aussi de nature syntaxique ce qui compromet la reacutecupeacuteration des codes phonologiques correspondant aux uniteacutes perturbeacutees

Drsquoautre part certains patients auraient tendance agrave omettre les verbes principaux ce qui pourrait srsquoexpliquer soit par une dissociation agrave opeacuterer entre le traitement des verbes (dont le poids des uniteacutes de controcircles est relativement eacuteleveacute par rapport aux autres eacuteleacutements linguistiques de la phrase qursquoils ont en charge) soit par la seacuteveacuteriteacute du trouble

Corollairement agrave lrsquoomission des morphegravemes grammaticaux la reacuteduction de la longueur des phrases srsquoexpliquerait par la reacuteduction des capaciteacutes mneacutesiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage phonologique et articulatoire de phrases de longueur standard

Le patron 2 les symptocircmes drsquoomission de mots grammaticaux et de perturbation de lrsquoordre des mots

En rejetant certains aspects de la mapping hypothesis (citant SAFFRAN et al 1980 voir au point 2325 p 38) les auteurs affirment que la perturbation de lrsquoordre des mots pourrait srsquoexpliquer par un deacuteficit lieacute aux laquo uniteacutes de controcircles raquo (ou information grammaticale associeacutee agrave un item linguistique) responsables de lrsquoassignation des rocircles theacutematiques aux SN Pour CARAMAZZA et BERNDT (1985 59) lorsqursquoune perturbation de lrsquoordre des mots est observeacutee chez un patient elle est indissociable drsquoune perturbation des morphegravemes grammaticaux

Le patron 3 les symptocircmes drsquoomission de mots grammaticaux de perturbation de lrsquoordre des mots et de compreacutehension asyntaxique

Associeacute aux symptocircmes expressifs citeacutes ci-dessus le symptocircme reacuteceptif est freacutequent mais pas systeacutematique Dans ce cas seule lrsquohypothegravese du mapping des rocircles theacutematiques peut expliquer la dissociation entre processus de compreacutehension de phrase per se et processus impliqueacutes pour opeacuterer des jugements meacutetalinguistiques sur des phrases

Ainsi CARAMAZZA et BERNDT (1985) favorisent une vision multi-composite des symptocircmes et du deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme Cela nous paraicirct en adeacutequation avec la reacutealiteacute du terrain et de ce point de vue les patrons de symptocircmes qursquoils proposent integravegrent celui de substitution entre mots grammaticaux (patron 1)

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Si ces patrons de co-occurrences de symptocircmes semblent assez pertinents agrave leurs yeux il nrsquoen reste pas moins que la mise en eacutevidence tout comme la remise en question de dissociations meacuteritent drsquoecirctre investigueacutees et approfondies par de nouvelles donneacutees

Ce que de nombreux travaux agrave lrsquoinstar des cas eacutetudieacutes par NESPOULOUS et al (1988) NESPOULOUS et DORDAIN (1988) BRANCHEREAU et NESPOULOUS (1989) NESPOULOUS et al (1990) ou de ceux exposeacutes par MICELI et al (1983) MICELI et al (1989) ou BASTIAANSE (1995) pour nrsquoen citer que quelques uns se sont employeacutes agrave faire

237 Conclusion agrave propos des variabiliteacutes inter-sujets et inter-langues

Les patrons de symptocircmes proposeacutes par CARAMAZZA et BERNDT (1985 voir supra) auxquels se rapportent des deacuteficits sous-jacents dissocieacutes par la meacutethode clinique ressortent agrave travers la variabiliteacute des performances inter-sujets mais ceux-ci demeurent insuffisants vis-agrave-vis des variabiliteacutes inter-langues et inter-tacircches qui ne peuvent non plus ecirctre ignoreacutees

Ainsi en compleacutement de lrsquoapproche clinique visant agrave eacutetablir des dissociations la variabiliteacute symptomatologique inter-langues peut ecirctre finement deacutecrite par lrsquoapproche comparative translinguistique et de ce fait srsquoexpliquer par les proprieacuteteacutes structurales de la langue en jeu (voir au point 235 p 48)

Drsquoautre part la variabiliteacute symptomatologique inter-tacircches serait deacutetermineacutee principalement par les conduites adaptatives deacuteployeacutees par le patient Ces conduites peuvent ecirctre eacutetudieacutees agrave travers la manipulation des conditions expeacuterimentales ou srsquoobserver de fait (voir au point 238 ci-apregraves) Crsquoest ce que nous verrons plus en deacutetail dans la deuxiegraveme grande partie de cet eacutetat de lrsquoart sur lrsquoagrammatisme consacreacutee aux theacuteories drsquoadaptation (partie 24 p 58)

238 et agrave propos des variabiliteacutes inter- et intra-tacircches la perspective des strateacutegies

Pour illustrer le principe de variabiliteacute inter-tacircches revenons briegravevement sur le cas de M Clermont (NESPOULOUS et al 1988 NESPOULOUS et al 1989) en ce qui concerne la tacircche drsquoanagrammes phrastiques (voir au point 233 p 45) Lors de lrsquoexpeacuterimentation le temps neacutecessaire agrave la reacutealisation de la tacircche eacutetait particuliegraverement long drsquoautant plus que les phrases reconstruites eacutetaient quasiment toutes correctes Ces performances furent interpreacuteteacutees par les auteurs comme refleacutetant une absence de trouble de lrsquoencodage syntaxique

Or cette tacircche drsquoanagrammes phrastiques ne sollicitent pas seulement des processus de deacutecodage car il srsquoagit aussi drsquoencoder une matrice syntaxique Ainsi on peut se demander si le comportement de M Clermont dans ce type de tacircche off-line ougrave les eacuteleacutements linguistiques

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agrave ordonner sont fournis37 (crsquoest-agrave-dire deacutetacheacutee de lrsquoinstantaneacuteiteacute drsquoune formulation verbale de message plus authentique) serait en fait caracteacuteristique de strateacutegies de reacutesolution des difficulteacutes drsquoencodage de la matrice impossible agrave reacutealiser on-line (crsquoest-agrave-dire dans lrsquoinstantaneacuteiteacute de la formulation) De ce fait nous pensons que les performances de M Clermont pourraient aussi bien incarner des strateacutegies de formulation drsquoordre meacutetalinguistique fondeacutee sur une reacuteflexion sur le code Cela pourrait peut-ecirctre expliquer pourquoi le temps neacutecessaire agrave la reacutesolution des anagrammes est si long drsquoautant que la reacuteflexion meacutetalinguistique visant agrave ordonner des eacutetiquettes de mots demande obligatoirement en amont un traitement de deacutecodage Lorsque la compreacutehension du langage est preacuteserveacutee lrsquoagrammatique a tout loisir si toutefois on lui en laisse le temps drsquoexploiter ainsi les capaciteacutes de reacuteflexion sur le code Selon les termes de NESPOULOUS et al (1989) lrsquohypothegravese du laquo traitement conscient restreint et strateacutegique raquo qui a eacuteteacute tireacutee des reacutesultats agrave des tests avec focalisation sur certaines uniteacutes grammaticales isoleacutees ou en contexte peut de notre point de vue eacutegalement ecirctre eacutevoqueacutee dans le cas des tacircches drsquoanagrammes phrastiques

Drsquoailleurs selon LINEBARGER et al (1983) les bons reacutesultats obtenus par les agrammatiques dans les tacircches de jugement de grammaticaliteacute confirment que leur laquo sensibiliteacute grammaticale raquo est en geacuteneacuteral bien preacuteserveacutee

De surcroicirct lrsquoallegravegement du coucirct de traitement lieacute agrave la division drsquoune tacircche langagiegravere plutocirct globale (dans une perspective on-line comme en production de discours continu de phrases) en sous-tacircches off-line (production et lecture de mots grammaticaux isoleacutes anagrammes drsquoapregraves des uniteacutes lexicales fournies jugement de grammaticaliteacute) pourrait expliquer la reacuteussite agrave ces derniegraveres agrave condition que les processus de deacutecodage soient relativement opeacuterants

En effet dans de telles tacircches off-line les computations agrave reacutealiser neacutecessitent une moindre capaciteacute de traitement agrave la mesure de la laquo reacuteduction des capaciteacutes raquo reacutesultant de lrsquoaphasie (sur ce point voir NESPOULOUS et al 1988et FRIEDERICI et KILBORN 1989 citeacutes par BASTIAANSE 1995 16)

Un autre cas de variabiliteacute de performances fut observeacute chez un mecircme sujet et lors drsquoune mecircme tacircche de production (BASTIAANSE 1995) En production de discours spontaneacute continu et drsquoapregraves les analyses quantitatives38 des aspects morphologiques et syntaxiques il a eacuteteacute observeacute que la patiente HW est passeacutee drsquoun style non-teacuteleacutegraphique agrave un style teacuteleacutegraphique drsquoun moment agrave lrsquoautre En effet dans la mecircme tacircche de production les omissions de morphegravemes grammaticaux de flexions verbales et de verbes devenaient plus nombreuses le degreacute drsquoeacutelaboration de la morphologie verbale plus faible les phrases plus

37 Le coucirct drsquoencodage est donc en quelque sorte laquo alleacutegeacute raquo si lrsquoon se reacutefegravere agrave lrsquohypothegravese proceacutedurale (voir aux points 2432(b) p 63 et 2433(a) p 65) 38 BASTIAANSE preacutesente des donneacutees quantitatives obtenues en appliquant le protocole drsquoanalyse quantitative de la production aphasique conccedilu par SAFFRAN et al (1989) Nos propres analyses quantitatives srsquoinspirent eacutegalement de ce protocole (voir dans la partie II deacutedieacutee agrave la meacutethodologie aux points 4 et 5 pp 117-219)

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courtes et leur eacutelaboration syntaxique moins complexe Selon BASTIAANSE (1995) le switching entre ces deux styles ne peut srsquoexpliquer que par la theacuteorie drsquoadaptation

Le cas de HW rappelle celui reporteacute par ISSERLIN (1922 citeacute par KOLK 1985 195) qui employait un style non-teacuteleacutegraphique lorsqursquoil parlait agrave son meacutedecin mais avait recours au style teacuteleacutegraphique lorsqursquoil parlait agrave ses amis

Les hypothegraveses jusqursquoici exposeacutees et discuteacutees ont pour but premier de questionner lrsquoagrammatisme sur le plan du dysfonctionnement sous-jacent reacuteputeacute ecirctre agrave la source des pheacutenomegravenes de surface Toutefois toutes ne peuvent totalement satisfaire au principe drsquoadeacutequation psycholinguistique en raison principalement de lrsquoinstabiliteacute des performances

En effet la variabiliteacute des performances interrogent sur la nature du dysfonctionnement sous-jacent et sur lrsquoadeacutequation des descriptions linguistiques fondeacutees sur la recherche drsquoinvariants

En revanche la theacuteorie drsquoadaptation est en premier lieu soutenue agrave travers la mise en eacutevidence de variabiliteacutes (non aleacuteatoires) qui constituent comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute une caracteacuteristique fondamentale des productions agrammatiques La suite de notre exposeacute theacuteorique y est ainsi consacreacutee

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24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives

241 La theacuteorie drsquoadaptation la loi de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort et le style teacuteleacutegraphique

La contribution de PICK (1898 1913) fut tregraves consideacuterable tant pour lrsquoaphasiologie que pour la psychologie du langage Sa conception des troubles aphasiques reposait explicitement sur une dissociation entre troubles des systegravemes peacuteripheacuteriques (moteurs-articulatoires perceptifs ou processus dits de laquo bas niveau raquo) et troubles des systegravemes lieacutes aux niveaux drsquoorganisation du langage tels que la phonologie la seacutemantique et la morphologie (ou processus dits de laquo haut niveau raquo) Pour lui lrsquoagrammatisme serait le reacutesultat drsquoune alteacuteration du scheacutema grammatical mis en place en amont dans la geacuteneacuteration du discours (avant le positionnement des uniteacutes laquo mots raquo dans ce scheacutema grammatical) Selon lrsquoideacutee de PICK (1913 citeacute par SPREEN 1973 153-154) les processus de geacuteneacuteration du langage srsquoorganisent selon une laquo loi de lrsquoeacuteconomie raquo permettant la planification et la verbalisation du discours Il affirme ceci

laquo The amount of work necessary can easily be seen as dependant on adjustement (taking into consideration the efficiency of the organs or parts of the organs) raquo

Autrement dit cette loi drsquoeacuteconomie reposerait sur un principe drsquoajustement quantitatif (amount) des capaciteacutes de traitement (work) aux caracteacuteristiques qualitatives des conditions ou des moyens biologiques (organs) par lesquels srsquoopegravere la mise en discours Ainsi lrsquoalteacuteration des moyens qui preacutesident agrave la geacuteneacuteration du langage (organs) implique une reacuteorganisation du discours par reacuteduction qui dans le cas de lrsquoagrammatisme aboutirait agrave la suppression de tous les mots redondants (en lrsquooccurrence les mots qui ne sont pas des mots contenus donc les mots grammaticaux) drsquoougrave lrsquoanalogie qursquoil eacutevoque entre agrammatisme style teacuteleacutegraphique et steacutenographie Pour lui lrsquoomission preacutefeacuterentielle des mots les moins communicants (redondants) correspondrait agrave une conduite drsquoeacuteconomie de lrsquoeffort psychologique en guise drsquoadaptation au deacuteficit des formes linguistiques sans trouble conceptuel sous-jacent (ou trouble de la laquo penseacutee raquo ou de la laquo meacutemoire des mots raquo)

Cet ajustement serait rendu neacutecessaire par les conditions neuro-pathologiques difficiles

Selon le mecircme ordre drsquoideacutees PICK (1923 citeacute par SPREEN 1973 154) formule un parallegravele entre lrsquoagrammatisme et les pidgins qui seraient des laquo langues drsquourgence raquo (emergency languages ou ethnic agrammatism) En effet tout comme lrsquoeacutemergence de lrsquoagrammatisme serait le reacutesultat drsquoune situation neuro-pathologique drsquourgence lrsquoeacutemergence

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des pidgins serait selon le mecircme principe drsquoadaptation le reacutesultat drsquoune situation sociolinguistique drsquourgence39

En outre agrave travers lrsquoanalogie entre parler agrammatique et teacuteleacutegramme40 ISSERLIN (1922) propose eacutegalement que lrsquoagrammatisme est une reacuteaction attitudinale du patient par rapport agrave son trouble Selon lui lrsquoagrammatisme correspond agrave une conduite adaptative en situation de neacutecessiteacute qui revient agrave simplifier la formulation drsquoun message agrave la maniegravere du teacuteleacutegramme composeacute par un locuteur normal lorsqursquoil doit compresser la formulation drsquoun message ou du parler drsquoun apprenant drsquoune langue eacutetrangegravere qui ne maicirctrise pas la langue eacutetrangegravere

Ainsi la laquo loi de lrsquoeacuteconomie raquo de PICK et lrsquoanalogie drsquoISSERLIN entre parler agrammatique et laquo teacuteleacutegramme raquo (ou laquo style teacuteleacutegraphique raquo) sont agrave la base du courant drsquohypothegraveses qui a chercheacute agrave interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme dans le cadre drsquoune theacuteorie globale de lrsquoadaptation (voir ci-apregraves)

242 Prolongements reacutecents de la theacuteorie drsquoadaptation

KOLK et al (1985) se reacutefegraverent explicitement aux propositions drsquoISSERLIN (1922) qui avance que le parler agrammatique doit ecirctre vu comme un parler drsquoadaptation Selon ces auteurs la theacuteorie de lrsquoadaptation est un cadre interpreacutetatif plausible des pheacutenomegravenes agrammatiques crsquoest-agrave-dire que

les omissions ne reflegravetent pas le deacuteficit sous-jacent lui-mecircme mais sont la conseacutequence des adaptations mises en place par le patient en srsquoappuyant sur le systegraveme non-perturbeacute Au sens jacksonien les omissions seraient donc agrave envisager comme symptocircmes positifs et non symptocircmes neacutegatifs Le style teacuteleacutegraphique reacutesultant des omissions preacutefeacuterentielles de mots grammaticaux est donc un des registres de parlers possibles convoqueacutes par le patient lors de la verbalisation en vue de srsquoadapter agrave son deacuteficit

le deacuteficit sous-jacent nrsquoest pas une perte de quelque eacuteleacutement basique des faculteacutes langagiegraveres (connaissances et aptitude au langage) mais est le reacutesultat drsquoun retard ou drsquoune mauvaise coordination des processus sous-tendant la production verbale Ce retard impliquant les processus de traitement psycholinguistique conjugueacute agrave la limitation des capaciteacutes de traitement (qui est un principe fondamental du comportement verbal laquo normal raquo) entrave la bonne mise en place de la repreacutesentation de la structure agrave formuler Un ralentissement geacuteneacuteral de la reacutecupeacuteration des informations phonologiques lexicales et seacutemantiques des morphegravemes agrave inteacutegrer dans la phrase peut expliquer pourquoi lrsquoeacutelocution est si exageacutereacutement lente et heacutesitante avec des pauses tregraves longues et des blocages ou des

39 Ce rapprochement entre aphasie agrammatique et langues en eacutemergence transparaicirct par ailleurs dans les travaux de GIVOacuteN (1995) nous y revenons dans la partie consacreacutee agrave la linguistique fonctionnelle et au fonctionnalisme cognitif (3452 p 109) Il fait drsquoailleurs lrsquoanalogie entre agrammatisme pidgin et acquisition du langage chez lrsquoenfant drsquoapregraves le caractegravere laquo preacute-grammatical raquo du codage qui leur serait commun 40 Cette analogie fut largement reprise dans le champ clinique pour deacutecrire les symptocircmes de lrsquoagrammatisme

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formulations avorteacutees la limitation des capaciteacutes de traitement en meacutemoire de travail ne laisse pas assez de temps agrave la reacutealisation des processus de reacutecupeacuteration ainsi ralentis du fait de la leacutesion ceacutereacutebrale Crsquoest agrave ce deacuteficit que le patient adapte deacutelibeacutereacutement sa verbalisation avec des structures syntaxiques plus courtes et plus simples ce qui permet drsquoamoindrir lrsquoeffet du deacuteficit temporel de traitement

lrsquoadaptation nrsquoest pas une conseacutequence obligatoire au deacuteficit mais est le reacutesultat drsquoune laquo deacutecision raquo (terme employeacute dans son acception technique) prise par le patient aphasique vis-agrave-vis de son deacuteficit et de ses possibiliteacutes drsquoadaptation

Si lrsquoadaptation est une option de comportement offerte au patient pour laquelle la deacutecision de srsquoadapter nrsquoest pas toujours prise la question de son caractegravere conscient ou inconscient se pose alors Pour y reacutepondre KOLK et al (1985 187) eacutevoquent les paroles drsquoun patient rapporteacutees par ISSERLIN (1922)

laquo Sprechen keine Zeit - Telegrammstil raquo (laquo Parler pas le temps - style teacuteleacutegraphique raquo)

Cela suggegravere que des patients ont pleinement conscience du style de leur verbalisation et que lorsqursquoils en ont les moyens auto-analytiques ils explicitent ainsi avec une haute preacutecision la strateacutegie qui leur permet de verbaliser Toutefois selon cet auteur une conscience totale du deacuteficit sous-jacent ou du style de parler convoqueacute nrsquoest pas forceacutement neacutecessaire en vue de deacutecider drsquoadopter lrsquo laquo option adaptation raquo

De plus crsquoest lrsquoattitude du locuteur vis-agrave-vis de la norme (en termes sociolinguistiques) qui deacutetermine son degreacute de toleacuterance aux eacutecarts teacuteleacutegraphiques par rapport aux conventions de parler standard eacutecarts qui lui permettent au demeurant de communiquer lrsquoessentiel drsquoun contenu informationnel en contexte

Pour KOLK (1985 189) le principe drsquoadaptation est un principe totalement indeacutependant du deacuteficit lui-mecircme partageacute par tous dans le comportement normal et drsquoautant plus exploiteacute en situation pathologique Lors de la formulation effective drsquoun message et suivant le modegravele de GARRETT (1975) KOLK affirme que lrsquooption drsquoadaptation actualiseacutee par lrsquoemploi du style teacuteleacutegraphique serait tributaire de processus tregraves anteacuterieurs agrave lrsquoeacutetape de formulation effective du message crsquoest-agrave-dire lors de lrsquoeacutetape preacuteverbale La structuration du message teacuteleacutegraphique lui-mecircme impliquant les processus drsquoencodage de niveaux fonctionnels positionnels phonologiques et moteurs-articulatoires intervient apregraves lrsquoeacutetape preacuteverbale

Ainsi la formulation du message est parallegravele aux difficulteacutes de traitement Lrsquoeacutetape preacuteverbale anteacuterieure agrave la formulation est donc le moment ougrave la deacutecision optionnelle drsquoemploi de style teacuteleacutegraphique est prise suivant les possibiliteacutes offertes au patient Les facteurs situationnels et le type de construction cible viseacutee deacuteterminent ce choix En comparant des structures tregraves peu eacutelaboreacutees produites par des sujets normaux avec des structures produites par des sujets agrammatiques KOLK et al (1985 191-193) eacutetablissent des correspondances tregraves nettes en termes qualitatifs et quantitatifs entre parler agrammatique et style teacuteleacutegraphique en affirmant que les sujets normaux emploient le style teacuteleacutegraphique dans la limite des standards grammaticaux autoriseacutes par les conventions

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Chez les agrammatiques la morpho-syntaxe de la construction viseacutee privileacutegie le contenu informationnel agrave veacutehiculer Lrsquoagencement des constituants et le recours aux flexions sont notamment deacutetermineacutes par

des facteurs pragmatiques de structuration syntaxique

le degreacute drsquoinformativiteacute de certains eacuteleacutements dont lrsquoomission est plus freacutequente compromet moins le contenu informationnel agrave transmettre (comme les articles deacutefinis qui laquo reacutesistent moins raquo que les deacuteterminants possessifs par exemple)

Selon KOLK (1985 194) le style teacuteleacutegraphique caracteacuteriseacute seulement par des omissions de morphegravemes nrsquoest pas agrammatical per se car il peut ecirctre produit par des sujets normaux aussi Les omissions ne srsquoexpliquent pas par le deacuteficit sous-jacent Par contre les erreurs de substitutions ou les erreurs de syntaxe ne sont pas le reacutesultat de cette adaptation teacuteleacutegraphique mais plutocirct le reflet du deacuteficit sous-jacent (le ralentissement du deacutecours temporel)

KOLK (1985 202) commente le cas de Mrs K dont lrsquoaphasie nrsquoest pas tregraves seacutevegravere Il observe de nombreuses omissions dans son discours spontaneacute Mais celles-ci ne reflegraveteraient pas directement le dysfonctionnement sous-jacent Selon lui le degreacute de deacuteficit est refleacuteteacute plutocirct par la fluence verbale en effet Mrs K avait un deacutebit tregraves rapide par rapport au groupe drsquoaphasiques non fluents eacutetudieacute et cela corrobore lrsquoideacutee que son deacuteficit (ralentissement de traitement drsquoencodage) eacutetait moins seacutevegravere compareacute aux autres patients

Drsquoautre part cette dame avait de tregraves bonnes performances aux tests de compreacutehension sauf pour les phrases tregraves complexes agrave traiter (avec subordonneacutees) pour lesquelles elle faisait des erreurs Mais lorsque les mecircmes phrases lui furent preacutesenteacutees une nouvelle fois avec tout le temps qursquoelle voulait pour reacutepondre apregraves la preacutesentation drsquoun stimulus elle ne faisait plus aucune erreur (cela nous renvoie au cas de M Clermont dans la tacircche drsquoanagramme voir NESPOULOUS et al 1988 NESPOULOUS et al 1989 aux points 233 p 45 et 238 p 55)

243 Lrsquohypothegravese des adaptations correctives et preacuteventives

Pour eacutelaborer une theacuteorie de la reacuteorganisation fonctionnelle faisant suite agrave lrsquoaphasie les propositions de KOLK41 srsquoarticulent autour de la notion centrale de variabiliteacute des performances agrammatiques agrave partir de laquelle se deacutegage la theacuteorie de lrsquoadaptation des capaciteacutes langagiegraveres agrave la nouvelle configuration neuropsychologique

41 Nous proposons ici une synthegravese des travaux de KOLK largement tributaire drsquoune reacutetrospective tregraves complegravete voir KOLK 2006

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En srsquoappuyant sur les donneacutees empiriques diverses cet auteur eacutenonce trois grands principes relatifs

(1) agrave la variabiliteacute des performances

(2) au deacuteficit cognitif sous-jacent

et (3) aux strateacutegies drsquoadaptations

Nous les exposons et commentons en deacutetail ci-apregraves

2431 Principe de variabiliteacute

Le principe de variabiliteacute des performances est intrinsegraveque aux symptocircmes linguistiques la pertinence de ce principe fut argumenteacutee agrave travers de nombreux travaux JAREMA et NESPOULOUS 1984 MICELI et al 1983 NESPOULOUS et DORDAIN 1988 NESPOULOUS et al 1990 NESPOULOUS 1997 HOFSTEDE et KOLK 1994 KOLK 1998 KOLK 2007 entres autres Pour tous ces auteurs la variabiliteacute constitue un trait deacutefinitoire essentiel agrave prendre en compte si lrsquoon souhaite aborder lrsquoagrammatisme suivant toutes les dimensions qui le caracteacuterisent

Dans une eacutetude impliquant 22 patients aphasiques de Broca hollandais HOFSTEDE (1992 citeacute par KOLK 2006 230) montre par exemple que les nombres de propositions subordonneacutees produites et de morphegravemes grammaticaux omis peuvent ecirctre tregraves variables drsquoun patient agrave lrsquoautre drsquoautant que le deacutebit verbal (speech rate) connaicirct lui aussi de fortes variations

Srsquoagissant des phrases complexes (syntactic symptom) la proportion moyenne est de 6 pour les aphasiques mais les proportions individuelles varient entre 0 agrave 21 drsquoun patient agrave lrsquoautre contre 22 en moyenne pour le groupe controcircle

Srsquoagissant du taux drsquoomission de morphegravemes grammaticaux (morphological symptom) on constate une variation inter-individus de 10 agrave 98 pour les aphasiques et 8 en moyenne pour le groupe controcircle

Srsquoagissant du deacutebit verbal (rate symptom) les variations oscillent entre 23 et 93 mots produits par minute pour les aphasiques contre une moyenne de 145 mots par minute pour le groupe controcircle Citeacutees par KOLK (2006 230) les donneacutees de ROCHON et al (2000) issues des analyses quantitatives de corpus de production de discours continu narratif en anglais montrent les mecircmes types de variations pour un groupe de 37 patients Les donneacutees empiriques reflegravetent drsquoune part la variabiliteacute inter-sujets due aux degreacutes de seacuteveacuteriteacute et de reacutecupeacuteration diffeacuterents selon les patients et drsquoautre part elles reflegravetent la variabiliteacute intra-sujet due agrave lrsquoinstabiliteacute de comportement verbal chez un mecircme patient et pour un mecircme aspect linguistique drsquoun moment agrave lrsquoautre

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Sur ce point KOLK (2006 231) paraphrase GOODGLASS (1993) en ces termes

laquo Lrsquoinstabiliteacute (inconsistency) est une caracteacuteristique fondamentale des performances aphasiques raquo

Drsquoautre part KOLK (2006) explique que la recherche de doubles-dissociations a pour but entre autre drsquoexpliquer la variabiliteacute des performances car elle permettrait drsquoassocier des causes diverses aux diffeacuterences qualitatives et quantitatives releveacutees entre diffeacuterents symptocircmes ce qui revient agrave identifier des deacuteficits sous-jacents indeacutependants et co-occurrents

En se reacutefeacuterant agrave divers travaux (notamment BADECKER et CARAMAZZA 1985 MICELI et al 1989 BERNDT 1987 ROCHON et al 2000) KOLK affirme qursquoil est leacutegitime de penser que les aspects syntaxiques et morphologiques peuvent ecirctre perturbeacutes de maniegravere seacutelective dans lrsquoagrammatisme

Cependant pour lui laquo cela nrsquoest pas si eacutevident raquo Lrsquoideacutee drsquoune dissociation entre trouble morphologique et syntaxique impliquant des deacuteficits sous-jacents de diffeacuterentes natures lui semble peu satisfaisante

Et plutocirct que de chercher agrave expliquer les variabiliteacutes par lrsquoeacutetablissement de ce type de doubles-dissociations ne vaudrait-il pas mieux finalement privileacutegier une hypothegravese unitaire pour expliquer la nature du deacuteficit sous-jacent et inteacutegrer dans les interpreacutetations concernant la variabiliteacute les facteurs drsquoordre cognitifs proceacuteduraux drsquoune part et drsquoordre contextuels drsquoautre part

2432 Le deacuteficit sous-jacent lrsquoapproche proceacutedurale

(a) Lrsquohypothegravese de la limitation de la meacutemoire agrave court-terme en compreacutehension

CAPLAN et HILDEBRANDT (1988 citeacutes par KOLK 2006 233) avancent que la quantiteacute drsquoinformation agrave traiter par la meacutemoire agrave court terme est trop importante relativement aux slots (emplacements de la matrice syntaxique correspondant agrave des uniteacutes computationnelles) disponibles et consacreacutes au traitement de lrsquoinformation syntaxique

Cette hypothegravese de limitation de lrsquoespace de traitement a eacuteteacute formuleacutee pour expliquer les troubles reacuteceptifs et pourrait srsquoappliquer au versant de la production Mais drsquoapregraves KOLK (2006 235) cette hypothegravese nrsquoexplique pas pourquoi les supports externes de facilitations syntaxiques (ou drsquoamorccedilage) ameacuteliorent les performances des agrammatiques (voir infra) alors que lrsquohypothegravese de limitation temporelle de traitement le peut

(b) Lrsquohypothegravese du laquo timing-deficit raquo la reacuteduction de la fenecirctre temporelle et la limitation du temps de traitement

Lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement (temporal window hypothesis voir KOLK 1995) comme deacuteficit sous-jacent de nature mneacutesique permet drsquoexpliquer cette variabiliteacute inter- et intra-individuelle Des donneacutees issues

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drsquoexpeacuterimentations mettant en jeu la production par amorccedilages syntaxiques (voir HAARMAN et KOLK 1991 HARTSUIKER et KOLK 1998) ainsi que des tests impliquant la formulation de phrases manipulant le pluriel conceptuel et les temps verbaux (voir HARTSUIKER et al 1999) vont dans ce sens

Selon KOLK (1995 292-193) la production agrammatique serait un effet secondaire lieacute agrave une proceacutedure drsquoadaptation agrave la nouvelle configuration de reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement Nous exposons en deacutetail cette hypothegravese dans la partie consacreacutee aux aspects psycholinguistiques de la production verbale (point 32 p 92) Selon celle-ci les erreurs qursquoon peut relever chez les agrammatiques sont qualitativement identiques agrave celles qursquoon peut observer dans le comportement verbal non pathologique

Par contre le fait que ces erreurs soient beaucoup plus nombreuses chez les agrammatiques par rapport aux sujets laquo normaux raquo pourrait srsquoexpliquer par la raison suivante la fenecirctre temporelle deacutedieacutee aux computations syntaxiques et agrave lrsquointeacutegration des informations et codes lexico-syntaxiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage drsquoune phrase agrave produire est alteacutereacutee de maniegravere agrave compromettre la formulation drsquoune seacutequence La fenecirctre temporelle de traitement nrsquoest alors plus apte agrave assurer avec synchronisation les computations eacutetant trop lourdes agrave supporter La surcharge cognitive engendreacutee par le trouble neuropsychologique est donc consideacutereacutee comme eacutetant agrave lrsquoorigine du dysfonctionnement sous-jacent affectant le comportement verbal agrammatique

Cette hypothegravese explicative trouve ces fondements dans une caracteacuterisation psycho-cognitive proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent et permet drsquoexpliquer les variabiliteacutes surtout quantitatives qursquoon observe dans la symptomatologie agrammatique suivant les patients dans une tacircche donneacutee et chez un mecircme patient dans plusieurs tacircches diffeacuterentes

Cependant lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle ne suffit pas agrave elle seule agrave expliquer sans restriction tous les pheacutenomegravenes caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme Ainsi drsquoapregraves KOLK (2006 237) pour expliquer la reacuteduction de la varieacuteteacute des formes grammaticales (syntactic symptom) le fait que tous les types de morphologie soient affecteacutes par des pheacutenomegravenes drsquoomissions (morphological symptom) et le symptocircme de fluence verbale (ou deacutebit verbal rate symptom) il ne faut pas neacutegliger la complexiteacute et la subtiliteacute des interactions entre le deacuteficit lui-mecircme dont les symptocircmes ne peuvent ecirctre isoleacutes des conditions externes (la tacircche langagiegravere en jeu) et les paramegravetres de la situation de conversation

Ainsi toute tentative drsquoexplication des symptocircmes agrammatiques est voueacutee agrave lrsquoeacutechec si elle ne srsquointeacuteresse qursquoau deacuteficit indeacutependamment drsquoautres facteurs deacuteterminants Crsquoest pourquoi il convient drsquoarticuler une approche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent (process approach voir aussi KOLK et KEITH 2006) avec une theacuteorie de lrsquoadaptation et des strateacutegies de formulation (voir ci-apregraves)

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2433 Les pheacutenomegravenes drsquoadaptation

(a) Les adaptations correctives effet sur la non fluence verbale

Les auto-corrections et reformulations visibles et invisibles (exprimeacutees et silencieuses) overt- et covert repairs

KOLK (2006 237) affirme que lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle formuleacutee en guise drsquoexplication proceacutedurale du deacuteficit nrsquoest pas seule responsable de la variabiliteacute des performances Il faut aussi tenir compte des meacutecanismes drsquoadaptation corrective qui influencent lrsquoaisance verbale (rate symptom)

En effet selon KOLK (1998 197) la tentative eacutechoueacutee drsquoune geacuteneacuteration de phrase peut se solder par un nouvel essai engageant la capaciteacute de traitement deacutejagrave mobiliseacutee la premiegravere fois qui eacutequivaut agrave un creacutedit-temps deacutejagrave utiliseacute (timing advantage)42 Ainsi la capaciteacute de traitement lors de la deuxiegraveme tentative augmente en srsquoajoutant agrave la premiegravere43

Les adaptations correctives dont les traces visibles dans le discours peuvent ecirctre des reacutepeacutetitions avec auto-corrections des reformulations des amorces de mots sont des reacuteparations explicites (overt repairs) reacutesultant du controcircle qursquoa le locuteur sur son propre propos Le systegraveme de controcircle des eacutenonceacutes produits permet au locuteur de revenir sur sa production qursquoil a perccedilue inadeacutequate (citant le modegravele de LEVELT 1989) Le feed-back passe par les voix externes (outer loop monitoring) Cette strateacutegie adaptative explique les pheacutenomegravenes drsquoautocorrections ou de reformulations expliciteacutees (visibles) observeacutes dans le discours agrammatiques (restart strategy) allant de pair avec la qualiteacute laborieuse de lrsquoeacutelocution

Dans le mecircme ordre drsquoideacutees les computations sous-jacentes reacuteiteacutereacutees de maniegravere implicite non formuleacutees expresseacutement en surface sont des proceacutedures de reformulations ou de reacuteparations non expliciteacutees Les covert restarts ou covert repairs renvoient agrave des notions deacuteveloppeacutees par LEVELT dans son modegravele et appliqueacutees agrave lrsquoagrammatisme par HARTSUIKER et KOLK (2001) En effet leur occurrence seraient comme pour les strateacutegies correctives visibles la source des pheacutenomegravenes de non-fluence verbale (KOLK et VAN GRUNSVEN 1985) La lenteur de lrsquoeacutelocution si caracteacuteristique du parler agrammatique en teacutemoigne Dans ce cas le systegraveme de reacutegulation ou drsquoautocontrocircle44 de la production est interne (la boucle de controcircle interne inner loop monitoring)

42 La traduction est faite par nos soins 43 Par ailleurs lrsquoamorccedilage syntaxique (HARTSUIKER et KOLK 1998) a pour effet drsquoameacuteliorer le traitement des uniteacutes grammaticales mecircme lorsqursquoil est fourni de maniegravere implicite le patient nrsquoen a pas conscience et le priming qui relegraveve de lrsquoautomatisme a pour effet de reacuteduire les laquo rateacutes raquo de la formulation de phrase 44 Le principe de reacutegulation de la performance par autocontrocircle conscientiseacute ou monitoring se retrouve en theacuteorie de lrsquoacquisition et de lrsquoapprentissage des langues eacutetrangegraveres (KRASHEN 1981)

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De ce fait certaines auto-corrections sont donc non expliciteacutees agrave la surface du discours elles peuvent srsquoappreacutehender agrave travers certains indices tels que les heacutesitations les pauses remplies ou longues ainsi que les bribes (voir aussi HARTSUIKER et KOLK 2001 agrave propos des monitoring errors)

Dans une autre eacutetude (OOMEN et al 2001 citeacutes par KOLK 2006) il est deacutemontreacute que partant de cette distinction entre covert repairs (refleacuteteacutees par des heacutesitations des pauses remplies ou des pauses longues des amorces) et overt repairs (refleacuteteacutees par les auto-corrections) les patients agrammatiques font plus de covert repairs que de overt repairs par rapport aux locuteurs controcircles qui preacutesentent le patron inverse Il a eacuteteacute aussi montreacute que la distinction entre les deux types de controcircle par feedback audio-phonatoire (interne et externe inner et outer loop monitoring) pouvait se veacuterifier par une tacircche dans laquelle on manipule le degreacute de feedback externe en ajoutant du bruit pendant la production En outre pour KOLK les traces de disfluence peuvent eacutegalement ecirctre le signe des difficulteacutes de formulation lieacutees au manque du mot

Pour KOLK (2006 240) lrsquoadaptation corrective compense partiellement les conseacutequences drsquoune surcharge computationnelle En outre une autre option strateacutegique est dite laquo preacuteventive raquo car elle consiste agrave simplifier les formats des seacutequences agrave produire afin drsquoeacuteviter la surcharge cognitive (voir ci-apregraves)

Pour finir selon NESPOULOUS (1997) les tentatives drsquoautocorrections freacutequentes lorsque survient une erreur de substitution reacuteussies ou en eacutechec indiqueraient que le patient agrave hautement conscience des aberrations produites crsquoest pourquoi il retente une formulation plus proche de la cible grammaticalement adeacutequate en accord avec la structure syntaxique sous-jacente correctement mise en place De la sorte il est possible drsquoopposer selon cet aspect lrsquoaphasie non fluente (Broca) agrave lrsquoaphasie fluente (Wernicke) ougrave le patient nrsquoest pas capable de remarquer et inhiber les erreurs qursquoil peut produire

(b) Les adaptations preacuteventives le laquo style elliptique raquo et la simplification morphologique

Le terme laquo style elliptique raquo (elliptical style HOFSTEDE 1992) est certainement mieux adapteacute que laquo style teacuteleacutegraphique raquo pour reacutefeacuterer agrave la reacuteduction quantitative et qualitative des constructions morpho-syntaxiques produites par lrsquoagrammatique ce que la cateacutegorie des laquo adaptations preacuteventives raquo englobe Mecircme si les deux qualificatifs laquo elliptique raquo et laquo teacuteleacutegraphique raquo renvoient agrave la mecircme entiteacute lrsquooutput agrammatique nous preacutefeacuterons la premiegravere car elle inspire plutocirct une figure du langage humain Drsquoailleurs lrsquoexpression laquo style elliptique raquo sera systeacutematiquement utiliseacutee dans les travaux ulteacuterieurs de KOLK

La laquo reacuteduction de la varieacuteteacute des formes grammaticales raquo employeacutees chez lrsquoagrammatique est un symptocircme syntaxique (syntactic symptom) qui se traduit par la simplification des structures produites (la seacutelection de cadres syntaxiques simples courts sans complexification par enchacircssements peu eacutelaboreacutes du point de vue des syntagmes constituants) permet drsquoalleacuteger le coucirct des opeacuterations de traitement (KOLK 2006 240)

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En outre la proceacutedure de simplification syntaxique est intrinsegravequement lieacutee aux pheacutenomegravenes freacutequents drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux (morphological symptoms)

(c) Similitude entre les ellipses normales et agrammatiques

Constructions laquo autoriseacutees raquo et laquo interdites raquo

Ces proceacutedures de simplification syntaxique et drsquoomission sont des cas drsquoellipses normales que lrsquoon rencontre souvent dans lrsquooral conversationnel ordinaire45 En effet le style elliptique est caracteacuteristique de lrsquooutput agrammatique mais aussi de lrsquooutput de lrsquoadulte laquo sain raquo (DE ROO et al 2002 DE ROO et al 2003) et dans le langage enfantin (HOFSTEDE 1992 KOLK 2001)

Drsquoapregraves DE ROO et al (2003 101) les similariteacutes structurales observeacutees entre les ellipses agrammatiques et non agrammatiques conduisent agrave penser que les agrammatiques suremploient le registre de parler elliptique Drsquoapregraves ces reacutesultats KOLK (2006 243) conclut que le discours agrammatique preacutesente toutes les caracteacuteristiques de laquo lrsquoellipse normale raquo

Lrsquoellipse normale est reacutegie par divers principes de structuration suivant lesquels des constructions particuliegraveres que lrsquoon retrouve dans le parler non pathologique (en conversation ordinaire par exemple) sont admises ou interdites

Ainsi dans le style elliptique de la conversation ordinaire

les constructions elliptiques autorisent les omissions de mots fonctions lrsquoemploi de verbe agrave la forme non finie (infinitif et participe) lrsquoomission de verbes noyaux la postposition du verbe dans les constructions non finies (postposition systeacutematique) la preacutefeacuterence pour lrsquoemploi des pronoms forts versus faibles) Ces types de constructions autoriseacutees sont caracteacuteristiques du parler elliptique normal et sont tregraves freacutequemment utiliseacutees par lrsquoagrammatique46

les constructions elliptiques interdisent les substitutions entre mots fonctions ou entre morphegravemes flexionnels (par exemple vous pensons ougrave la flexion sur le verbe est inadeacutequate eu eacutegard le pronom personnel ou le femme ougrave le deacuteterminant est mal

45 KOLK (2006 240) souligne encore lrsquointeacuterecirct de voir dans la production orale adulte ordinaire des cas freacutequents drsquoomissions de morphegravemes grammaticaux tels que des articles ou des preacutepositions Pour lui ce type drsquoomissions ne doit pas ecirctre vu comme eacutetant des erreurs mais plutocirct des omissions planifieacutees (planned omissions) par le locuteur du fait mecircme que celles-ci ne soient jamais auto-corrigeacutees Drsquoautre part le principe de planification drsquoune omission est au cœur de lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement formuleacutee par HEESCHEN (1985 voir au point 244 p 73) 46 Tout comme le parler elliptique autorise en allemand lrsquoomission du Sujet qui correspond agrave un laquo Topic drop raquo (suppression formelle du Topic DE ROO et al 2003 citeacutes par KOLK 2006) Ce type de construction combineacutee agrave lrsquoomission de la finitude peut ecirctre releveacute chez certains patients agrammatiques Lrsquoemploi de ce type de construction permet drsquoalleacuteger la charge de traitement drsquoune phrase notamment une phrase ougrave le verbe est agrave la forme finie (voir KOLK 2006 240)

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seacutelectionneacute) et les omissions de morphegravemes flexionnels (par exemple Twee pen au lieu de Twee pennen ougrave la flexion en nombre est omise) Ce type de substitutions et drsquoomissions sont inexistantes dans le parler elliptique normal et rares dans lrsquoagrammatisme

Ces divers principes de constructions elliptiques eacutemanent drsquoobservations de donneacutees en allemand et en hollandais Ils sont tributaires des proprieacuteteacutes de la langue en jeu et il est fort probable que lrsquoon puisse deacutegager des principes diffeacuterents propres au franccedilais ou agrave des langues encore plus eacuteloigneacutees

Similitude entre les constructions elliptiques non finies employeacutees chez lrsquoagrammatique lrsquoenfant et lrsquoadulte normal

Lrsquoagrammatique ne convoquerait qursquoun sous-ensemble des principes de structuration elliptique disponibles dans le reacutepertoire du sujet adulte normal surtout des constructions non finies (non finite clauses47 voir KOLK 2001 et drsquoapregraves les donneacutees collecteacutees en production spontaneacutee de HOFSTEDE 1992)

Ainsi la comparaison entre structuration elliptique agrammatique versus enfantine illustre ce pheacutenomegravene lrsquoenfant entre deux et trois ans convoque un reacutepertoire de structures elliptiques non finies qui pourraient tout aussi bien ecirctre le reacutesultat de la limitation des ressources de traitement Les constructions non finies employeacutees chez lrsquoenfant est comparable drsquoun point de vue qualitatif agrave celles employeacutees chez lrsquoadulte normal et chez lrsquoagrammatique Les diffeacuterences sont drsquoordre quantitatif les freacutequences drsquoemploi de structures non finies diffegraverent entre les groupes et dans le groupe drsquoenfants drsquoun point de vue longitudinal (10 chez les normaux 83 chez les enfants agrave deux ans - 60 agrave deux ans et demi - 40 agrave 3 ans et 60 chez les agrammatiques) Drsquoapregraves ces donneacutees dix types de constructions non finies ressortent (voir le Tableau 3 page suivante)

47 Il srsquoagit de constructions ougrave le marquage grammatical (flexions verbales ou casuelles) est incomplet Pour deacutegager cette typologie des constructions non finies lrsquoauteur nrsquoexplique pas reacuteellement quels critegraveres autres que syntaxiques (prosodiques seacutemantiques ) lui permettent drsquoisoler objectivement ces structures syntaxiques de base Lrsquointuition linguistique y est probablement pour beaucoup Les constructions ainsi identifieacutees par KOLK sont tregraves utiles pour qui souhaite laquo segmenter raquo le discours continu agrammatique Nous nous en sommes en partie inspireacutee dans la mise au point de notre deacutemarche de mise en forme des corpus de discours continu oraux de langue franccedilaise (voir au point 471 p 154)

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(a) Constructions de type PREacuteDICAT ISOLEacute (Isolated Predicates)

1 SV (Vinf ou Vpart) Syntagme Verbal agrave la forme non finie (infinitif ou participe) (Nonfinite Verb NfV)

Bome stekken arbres scier laquo jrsquoeacutetais occupeacute agrave scier des arbres raquo

2 SN Syntagme Nominal (Noun Phrase)

Goed weer beau temps laquo il faisait beau raquo

3 SP Syntagme Preacutepositionnel (Prepositional Phrase)

Naar zee agrave la mer laquo nous sommes alleacutes agrave la mer raquo

4 ADJ Adjectif (Adjective)

Fanatiek fanatique laquo je suis fanatique raquo

5 ADV Adverbe (Adverb)

Niet zo erg pas si mal laquo ce nrsquoeacutetait pas si mal raquo

(b) Constructions composeacutees de type SUJET + PREacuteDICAT (Subject + Predicate)

1 SN+SV (Vinf ou Vpart) Syntagme Nominal + Verbe agrave la forme non finie (infinitif ou participe) (Noun Phrase + Nonfinite Verb)

Doktor ook weten docteur savoir aussi laquo le docteur le sait aussi raquo

2 SN+SN Syntagme Nominal + Syntagme Nominal (Noun Phrase + Noun Phrase)

Ik tabletje moi pilule laquo jrsquoai pris une pilule raquo

3 SN+SP Syntagme Nominal + Syntagme Preacutepositionnel (Noun Phrase + Prepositional Phrase)

Koffie drsquor in cafeacute ccedila dans laquo le cafeacute est alleacute dedans raquo

4 SN+ADJ Syntagme Nominal + Adjectif (Noun Phrase + Adjective)

Hersenen niet goed cerveau pas bon laquo mon cerveau nrsquoest pas bon raquo

5 SN+ADV Syntagme Nominal + Adverbe (Noun Phrase + Adverb)

Winter buiten hiver dehors laquo dehors crsquoeacutetait lrsquohiver raquo

Tableau 3 Constructions elliptiques non finies (non finite clauses) employeacutees par lrsquoagrammatique adapteacute de KOLK (2006 246-247 donneacutees du hollandais traduites en

franccedilais)48

48 Nous ne reproduisons ici que les exemples tireacutes des corpus agrammatiques Pour les exemples tireacutes des corpus de parlers non aphasique et enfantin voir KOLK (2006 247)

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Dans les constructions agrave PREacuteDICAT ISOLEacute (a) la preacutedication est reacutealiseacutee sur un Topic preacutesupposeacute accessible par les connaissances partageacutees et le contexte Dans les combinaisons SUJET + PREacuteDICAT (b) le Topic est exprimeacute (Sujet)

Drsquoautre part lrsquoemploi de formes elliptiques est variable selon le type de tacircche Dans des tacircches de production orale diverses avec manipulation des contraintes situationnelles les variations de performance non aleacuteatoires ont eacuteteacute observeacutees (voir ci-apregraves)

Style elliptique et variabiliteacute inter-tacircches

Toujours drsquoapregraves KOLK (2006 248) le recours au reacutepertoire de parler elliptique varie en fonction de contraintes computationnelles et communicationnelles Drsquoabord lorsque les contraintes communicationnelles sont fortes le locuteur a tendance agrave reacuteduire lrsquoemploi drsquoellipses En contrepartie il produit un nombre plus eacuteleveacute de laquo vraies erreurs raquo de substitutions49 car la surcharge computationnelle est alors favoriseacutee Ainsi en comparant les performances dans une tacircche de narration agrave partir drsquoimages (production de discours continu assez libre) et dans une tacircche de production de phrases isoleacutees tregraves cibleacutees agrave partir drsquoune scegravene preacutecise HOFSTEDE et KOLK (1994) ont noteacute drsquoune part une baisse du nombre drsquoomissions de preacutepositions de deacuteterminants et drsquoautre part une augmentation du nombre de substitutions seulement entre preacutepositions ce qui suggegravere que les deacuteterminants sont moins couteux agrave encoder

Une autre tacircche tregraves exigeante en termes de pression communicative fut proposeacutee aux mecircmes sujets agrammatiques le patient doit formuler une structure dont la correction lexicale et morpho-syntaxique conditionne la reacuteussite de la reacutealisation drsquoune action par autrui Drsquoapregraves une configuration spatiale repreacutesenteacutee par un dessin le sujet agrammatique doit speacutecifier agrave un tiers par exemple que un cercle rouge est au-dessus drsquoun carreacute bleu Le reacutecepteur du message exeacutecute lrsquoaction sans voir la configuration repreacutesenteacutee par le dessin et ne peut se fier qursquoagrave la construction formuleacutee par patient50 Les analyses des structures formuleacutees par les patients reacutevegravelent que le taux drsquoomission de preacutepositions baisse par rapport agrave la tacircche de narration drsquohistoire (de 49 agrave 1 ) alors que les substitutions entre preacutepositions augmentent fortement (de 4 agrave 28 ) Srsquoagissant des deacuteterminants et les flexions aucune variation significative ne fut observeacutee Les donneacutees issues de lrsquoeacutetude preacuteciteacutee ont eacuteteacute reacute-analyseacutees par

49 Pour nous cela revient agrave dire que lorsque le propos doit gagner en preacutecision drsquoencodage en eacutetant plus complet en sollicitant plus drsquoeffort de formulation le patient se risque agrave faire plus de confusions entre morphegravemes du fait de la surcharge cognitive occasionneacutee De ce point de vue les erreurs reflegravetent ainsi plus le deacuteficit sous-jacent qursquoune conduite adaptative sauf lorsqursquoon remarque qursquoun morphegraveme semble laquo preacutefeacutereacute raquo agrave drsquoautres au sein drsquoun paradigme donneacute Par exemple si une preacuteposition est plus facilement accessible qursquoune autre elle sera employeacutee plus freacutequemment voire mecircme par deacutefaut Nos reacutesultats vont drsquoailleurs dans ce sens (chapitres 6 et 7) 50 Ce type de tacircche tregraves contraignante des points de vue de la consigne et de la pression communicative se distingue des tacircches plus libres de type narration agrave partir drsquoimages ou production spontaneacutee Ce dernier type preacutesente le degreacute de liberteacute maximum

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DE ROO et al (2003) qui concluent que certains locuteurs deacutecomposent la configuration spatiale et produisent un nombre plus eacuteleveacute drsquoeacutenonceacutes pour eacuteviter de faire des erreurs de substitutions qui pourraient induire lrsquoexpeacuterimentateur en erreur Ainsi au lieu de dire les cercles rouges sont sur les cubes blancs la construction deacutecomposeacutee cubes blancs cercles rouges en haut permet drsquoeacuteviter une eacuteventuelle erreur de substitution (par exemple dans les cubes blancs au lieu de sur les cubes blancs Dans ce cas les preacutepositions sont utiliseacutees en emploi intransitif plutocirct qursquoavec un Nom pour reacutegime (lrsquoemploi intransitif correspondant agrave un emploi adverbial dans nos conceptions grammaticales en franccedilais) Par ailleurs la formulation lieacutee aux informations concernant les couleurs sont fournies par des constructions de type le carreacute bleu51 des constructions sans preacutedicat verbal carreacute () bleu ou des adjectifs isoleacutes bleu

Pour aller plus loin dans la compreacutehension de lrsquoellipse normale notamment afin de voir si son suremploi a les mecircmes effets chez le sujet normal et chez lrsquoagrammatique une nouvelle consigne fixe une limite de deux mots maximum aux groupes de locuteurs controcircles En conseacutequence de cette contrainte suppleacutementaire des constructions elliptiques tregraves varieacutees sont produites et leur nombre double (du fait de la proceacutedure de deacutecomposition) ce qui garantit la reacuteussite de lrsquoacte de parole dans 96 des cas (et 89 pour le groupe agrammatique dans la condition sans limite en nombre de mots)

Ainsi les manipulations de la pression communicative attacheacutee agrave une tacircche de production chez les sujets normaux et agrammatiques permettent de faire ressortir en moyenne de groupe que la convocation du style elliptique est variable selon la tacircche De plus la variabiliteacute inter-sujets est assez nette alors que chez certains participants ces tendances sont tregraves marqueacutees drsquoautres ne montrent pas de tels patrons de performances Ainsi HOFSTEDE et KOLK (1994) reportent notamment le cas drsquoun patient pour lequel 86 des verbes sont employeacutes agrave la forme non finie en conversation spontaneacutee alors qursquoen description drsquoimages tous les verbes sont employeacutes dans une forme finie Drsquoautre part pour ce mecircme patient on relegraveve des freacutequences drsquoomissions de mots fonctions allant de 68 en conversation agrave 2 en description drsquoimage

Ces baisses de freacutequences drsquoomissions sont conjugueacutees agrave une augmentation des freacutequences de substitutions entre mots fonctions (de 2 agrave 16 ) agrave une baisse du deacutebit verbal passant de 30 agrave 19 mots par minutes et agrave une augmentation du nombre de reacutepeacutetitions de mots lexicaux (en lrsquooccurrence il srsquoagirait drsquoautocorrections expliciteacutees)

Les symptocircmes de baisse du deacutebit et drsquoaugmentation des nombres de mots sont le signe que le patient passe drsquoune adaptation preacuteventive (avec des omissions et des simplifications laquo anticipeacutees raquo en production libre) agrave une adaptation corrective (avec des reacuteparations ou overt-repairs en production plus contrainte)

51 En hollandais lrsquoadjectif dans une construction de type SN+ADJ est attributif lrsquoadjectif eacutepithegravete eacutetant placeacute en geacuteneacuteral avant le nom et non apregraves comme dans la traduction franccedilaise proposeacutee ici

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Ce patient est notamment capable de reacuteprimer lrsquoemploi du style elliptique agrave la demande explicite de lrsquoexpeacuterimentateur En effet lorsque on a demandeacute au sujet de reacuteprimer le style elliptique la freacutequence drsquoomissions de mots fonctions est ainsi passeacutee de 68 agrave 18 en conversation libre la freacutequence de verbes agrave la forme non finie de 86 agrave 24 et le deacutebit de 30 agrave 15 mots par minutes

Selon KOLK (2006 251) le fait que lrsquoagrammatique passe agrave un registre beaucoup plus elliptique en conversation spontaneacutee srsquoexplique par les paramegravetres de la situation et plus preacuteciseacutement le degreacute drsquointeractiviteacute lieacutee aux conditions de verbalisation lorsqursquoun expeacuterimentateur participe activement agrave la description drsquoune image en relanccedilant lrsquoagrammatique par des questions en faisant des suggestions le patient revient agrave un style elliptique52

Cela va dans le sens drsquoune proposition formuleacutee par NESPOULOUS (1996) qui a suggeacutereacute que la reacutepartition des rocircles dans le dialogue est du fait de lrsquoaphasie reacuteorganiseacutee dans lrsquointeraction verbale Dans ce cas crsquoest lrsquointerlocuteur qui sert de laquo beacutequille raquo verbale au patient qui demeure actif dans son entreprise de verbalisation

2434 Synthegravese des propositions de KOLK

Deux modes adaptatifs sont deacutefinis par cet auteur

(1) lrsquoadaptation corrective de laquelle reacutesultent les pheacutenomegravenes drsquoinhibition et de reacutepression de ce qui est sur le point drsquoecirctre produit dans une proceacutedure drsquoautocorrection et de reformulation visible (expliciteacutee) ou invisible (silencieuse) Ce type drsquoadaptation (les overt- et covert-repairs) a un effet sur la fluence verbale et le deacutebit Le symptocircmes de deacutebit ou drsquoaisance verbale (rate symptoms) srsquoy rapportent (ralentissement du deacutebit amorces rateacutes heacutesitations pauses longues remplisseurs etc)

(2) et lrsquoadaptation preacuteventive de laquelle reacutesultent les pheacutenomegravenes de simplification qualitative des structures et de reacuteduction quantitative crsquoest-agrave-dire le style elliptique La reacuteduction de la varieacuteteacute des constructions syntaxiques (ou syntactic symptom) et la variation de freacutequence drsquoomissions des morphegravemes grammaticaux (ou morphological symptom) srsquoy rapportent

52 Le domaine de lrsquoAnalyse Conversationnelle (AC) en pragmatique discursive peut fournir des outils analytiques et conceptuels tregraves utiles dans cette perspective drsquoeacutetude de la conversation aphasique en vue de mener des analyses fines des situations de verbalisation laquo naturelles raquo Lrsquoancrage de toute formulation de message dans le contexte (les paramegravetres de la situation) et suivant le cotexte (les tours de parole) deacutetermine lrsquoemploie du registre elliptique les paramegravetres de la situation les rocircles des interlocuteurs les connaissances partageacutees constituent autant de moyens possibles pour lrsquoaphasique de compenser son trouble et ainsi progresser avec son interlocuteur dans lrsquoeacutechange discursif Dans cette perspective PRINS et BASTIAANSE (2004) proposent une revue approfondie des recherches et des outils drsquoeacutevaluation des capaciteacutes pragmatiques et conversationnelles de lrsquoaphasique dans le cadre drsquoune conception fonctionnelle du handicap

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Selon KOLK (1995 293) lrsquoemploi du style elliptique se met en place de maniegravere controcircleacutee et conscientiseacutee processus qui va graduellement srsquoautomatiser Une adaptation reacuteussie aura un double effet

les erreurs occasionneacutees du fait de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement tendent agrave ecirctre eacutelimineacutees et par la mecircme occasion la gecircne qursquoelles imposent agrave lrsquoagrammatique lorsqursquoelles surviennent

les structures agrave produire sont plus simples et donc mieux adapteacutees aux ressources cognitives disponibles

Le mode drsquoadaptation preacuteventive (lrsquoemploi du style elliptique) a pour fonction drsquoajuster la formulation aux possibiliteacutes cognitives restantes

En drsquoautres termes il srsquoagit drsquoaccommoder la formulation drsquoun message suivant la reacuteduction des capaciteacutes de traitement En outre nous ajoutons que pour reacutealiser cette accommodation les proprieacuteteacutes combinatoires et seacutelectives qursquooffre tout systegraveme linguistique sont exploiteacutees de maniegravere agrave pallier le handicap communicationnel occasionneacute par le trouble aphasique ce qui a partie lieacutee avec lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives (exposeacutee au point 245 p 74)

Selon KOLK (2006) le laquo langage srsquoadapte au cerveau raquo en difficulteacute par lrsquoaugmentation de la freacutequence de certains comportements plus commodes existants dans le reacutepertoire normal Pour le deacutemontrer il faut

(a) deacutecrire un sous-ensemble de reacutepertoires de comportements langagiers possibles ordinaires plus freacutequemment utiliseacutes par le patient apregraves la leacutesion ceacutereacutebrale Malgreacute le caractegravere incomplet des constructions deacutecrites chez les agrammatiques celles-ci respectent des proprieacuteteacutes grammaticales speacutecifiques caracteacuteristiques du langage non pathologique

(b) voir dans lrsquoaugmentation de lrsquousage de ce type de comportement une conduite adaptative en situation de difficulteacute neuropathologique

(c) proposer une explication plausible du meacutecanisme qui sous-tend lrsquoadaptation

(d) mettre en valeur les pheacutenomegravenes drsquoadaptation en deacutegageant des variabiliteacutes inter-tacircches

244 Lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction

Dans le courant des theacuteories drsquoadaptation lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement semble la plus laquo extreacutemiste raquo Formuleacutee par HEESCHEN (1985 233) elle remet radicalement en question la dichotomie classique opeacutereacutee entre le trouble paragrammatiquee associeacute agrave lrsquoaphasie fluente (de Wernicke) versus le trouble agrammatique associeacute agrave lrsquoaphasie non fluente (de Broca)

Pour HEESCHEN (1985 247) le patient agrammatique srsquoadapte suivant les moyens qui lui sont encore disponibles Il insiste sur le fait que plutocirct que drsquoessayer de comprendre agrave tous prix les manquements du discours agrammatique il faut plutocirct srsquoattacher agrave speacuteculer drsquoapregraves ce qui est effectivement preacutesent dans le discours agrammatique

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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Ainsi lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction grammaticale se reacutesume ainsi lrsquoagrammatisme est une reacuteaction du patient au deacuteficit (paraphrasant GOLDSTEIN 1948) ou une adaptation au deacuteficit (citant KOLK 1985) mais lrsquoomission preacutefeacuterentielle de certains eacuteleacutements lors de la verbalisation srsquoexpliquerait non pas par le fait que le patient soit incapable de les formuler mais plutocirct par le fait qursquoil eacutevite sciemment de les inteacutegrer dans son discours afin de ne pas risquer de faire une erreur ou parce qursquoil lui en coucircterait trop du point de vue cognitif Cependant comme HEESCHEN lrsquoavoue lui-mecircme si cette hypothegravese pouvait srsquoappliquer sans restriction on ne trouverait dans le discours agrammatique que les formes correctement formuleacutees

Corollairement agrave cette hypothegravese un autre aspect tregraves important est agrave souligner les strateacutegies drsquoeacutevitement sont inopeacuterantes si lrsquoaptitude du patient agrave percevoir sa propre verbalisation et agrave en juger la correction grammaticale est alteacutereacutee Ce type de strateacutegies se met en place agrave condition que la conscience (awareness) manifesteacutee par le sujet sont attitude vis-agrave-vis de ce qursquoil ne maicirctrise plus dans la langue et ses capaciteacutes agrave distinguer la grammaticaliteacute de lrsquoagrammaticaliteacute demeurent relativement preacuteserveacutees Drsquoailleurs lrsquoagrammatique est souvent capable dexpliciter sa difficulteacute linguistique et mecircme de deacutecrire son trouble en des termes tregraves preacutecis

Toujours suivant le degreacute de conscience que le locuteur manifeste vis-agrave-vis de son trouble le trouble agrammatique peut ecirctre notamment mis en parallegravele et opposeacute au trouble paragrammatique observeacute dans lrsquoaphasie fluente de Wernicke (sur cette question voir aussi au point 234 p 46) En effet lrsquoaphasie de Wernicke se caracteacuterise agrave lrsquoinverse de lrsquoagrammatisme associeacute au tableau clinique de lrsquoaphasie de Broca par un deacutebit normal ou rapide une deacutesinhibition verbale ougrave se glissent des paraphasies lexicales et morpho-syntaxiques des teacutelescopages ou amalgames de constructions syntaxiques indeacutependantes des constructions complexes interrompues puis continueacutees agrave partir du deacutebut de la proposition subordonneacutee

Ces pheacutenomegravenes peuvent srsquoexpliquer par le fait que les conduites adaptatives peuvent ecirctre impossibles agrave mettre en place dans le cas ougrave le patient semble ne pas percevoir ou avoir conscience des erreurs qursquoil est sur le point de produire ou qursquoil a produites

Pour finir srsquoagissant des omissions HEESCHEN (1985) pense que ce qui est omis chez lrsquoagrammatique ne lrsquoest pas chez le paragrammatique

245 Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives

2451 Principes sous-jacents

Dans une eacutetude ciblant lrsquoanalyse des flexions verbales et drsquoinfinitifs employeacutes chez les agrammatiques en production de discours spontaneacute et en situation de tests divers JAREMA

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

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et NESPOULOUS (1984) ont mis en valeur une variabiliteacute inter-sujets et intra-sujet drsquoougrave il ressort que

la production laquo drsquoinfinitifs agrammaticaux raquo (crsquoest-agrave-dire lrsquoemploi de verbes agrave la forme infinitive dans un contexte ougrave une forme fleacutechie est obligatoire) ne serait pas systeacutematique chez tous les agrammatiques

la production drsquoinfinitifs agrammaticaux constituerait laquo simplement une substitution drsquoune forme temporelle laquo neutre raquo non marqueacutee agrave une forme temporelle marqueacutee raquo

le recours freacutequent agrave la preacuteposition pour est pratique il permet lrsquoemploi de verbes pour lesquels il nrsquoest pas neacutecessaire de proceacuteder agrave des computations suppleacutementaires car la forme infinitive peu couteuse suffit apregraves cette preacuteposition53

des degreacutes variables de perturbations seraient refleacuteteacutes par des taux variables de verbes employeacutes agrave lrsquoinfinitif agrammatical par rapport au nombre total de verbes produits

En conclusion (JAREMA et NESPOULOUS 1984)

laquo [Il faut inteacutegrer dans] une interpreacutetation globale [du trouble] les strateacutegies compensatoires eacutechafaudeacutees par le patient soucieux de pallier ses troubles verbaux Certaines de ces strateacutegies ont deacutejagrave fait lrsquoobjet de maintes observations [] mais aucune theacuteorie systeacutematique des strateacutegies compensatoires nrsquoa encore eacuteteacute formuleacutee raquo

En cela reacuteside lrsquoobjectif que drsquoautres (KOLK ou nous-mecircme dans le preacutesent travail) agrave lrsquoinstar de ces auteurs se sont fixeacutes

Srsquoagissant des laquo strateacutegies palliatives raquo en particulier VILLIARD et NESPOULOUS (1989 29) en fournissent une deacutefinition qui nous semble englober divers pheacutenomegravenes compensatoires identifieacutes par ailleurs dans les travaux de KOLK

laquo [hellip] les pheacutenomegravenes dits laquo palliatifs raquo renvoient agrave des facteurs compensatoires de reacuteorganisation eacutevitement ou autre au travers drsquoun systegraveme perturbeacute Les pheacutenomegravenes palliatifs partagent assureacutement quelques traits de similitude avec les strateacutegies pragmatiques que tout le monde utilise puisqursquoil srsquoagit dans les deux cas drsquoadaptation tactique agrave des circonstances particuliegraveres conditions externes pour les strateacutegies pragmatiques limitations internes pour les facteurs compensatoires provoqueacutes par le contexte pathologique raquo

Ces principes vont dans le mecircme sens que les propositions de KOLK en reacuteponse au deacuteficit sous-jacent (crsquoest-agrave-dire agrave la limitation interne ou agrave lrsquoincapaciteacute) les agrammatiques ont recours agrave des comportements langagiers typiques des comportements drsquoadaptation manifesteacutes par nrsquoimporte quel locuteur non aphasique Ces comportements drsquoadaptation sont eux-mecircmes deacutetermineacutes par les paramegravetres de la situation ougrave le patient agrammatique doit accomplir son acte de langage En outre lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives integravegre le principe de

53 Une eacutetude partielle de nos corpus agrammatiques centreacutee sur lrsquoemploi des preacutepositions confirme cette hypothegravese (SAHRAOUI 2009)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

76

variation des performances comme eacuteleacutement fondamental des adaptations contextuellement linguistiquement et cognitivement motiveacutees

Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives privileacutegie une description linguistique des symptocircmes adaptatifs ou laquo palliatifs raquo (NESPOULOUS 1996) dans lrsquoagrammatisme

Ce faisant se deacutegage toute une theacuteorie de la flexibiliteacute linguistique et de la reacuteorganisation fonctionnelle des capaciteacutes cognitives attacheacutees agrave la performance langagiegravere54

2452 Deacutefinition

NESPOULOUS (1998) deacutefinit lrsquoexpression laquo strateacutegies palliatives raquo comme ceci

laquo [Les strateacutegies palliatives sont] un ensemble de moyens qursquoutilisent les patients pour tenter de contourner tel ou tel deacuteficit Mecircme si de fait ces strateacutegies sont particuliegraverement freacutequentes dans le comportement des aphasiques - ce qui ne veut pas dire certes qursquoelles soient toujours couronneacutees de succegraves - elles ne sont pas inventeacutees par ces derniers Elles correspondent bien au contraire agrave des proceacutedures linguistiques bien identifieacutees dans les langues du monde et bien eacutetablies chez tout locuteur chaque fois que survient une difficulteacute dans le deacuteroulement drsquoun acte de parole Ainsi tout locuteur qui - pheacutenomegravene freacutequent - ne parvient pas agrave trouver un mot recourt agrave une peacuteriphrase agrave un (quasi)-synonyme voir agrave un geste autant de pheacutenomegravenes qui au surplus teacutemoignent drsquoailleurs souvent de lrsquointeacutegriteacute des repreacutesentations seacutemantiques sous-jacentes raquo

En reacutesumeacute le recours freacutequent agrave certains items lexicaux vient pallier le manque de marques grammaticales si caracteacuteristique dans lrsquoagrammatisme tels que

lrsquoemploi drsquoun lexegraveme geacuteneacuterique comme femme adosseacute agrave un autre lexegraveme en guise de marqueur du genre feacuteminin (crsquoest un bœuf euh femme pour le mot vache)

lrsquoemploi de quantificateurs (beaucoup un peu de tout ) et drsquoadjectifs numeacuteraux en guise de deacuteterminants et de marqueurs de nombre devant les noms

lrsquoemploi drsquoadverbes (avant maintenant apregraves demain ) en guise de marqueurs temporels palliant le manque de marques temporelles et aspectuelles porteacutees par les deacutesinences verbales (la suffixation en franccedilais) et les verbes auxiliaires avoir et ecirctre

lrsquoemploi de gestes deacuteictiques mimant les preacutepositions spatiales difficiles agrave employer

Cette derniegravere strateacutegie est non verbale (elle srsquoactualise dans le contexte physique de la situation) et les autres types de strateacutegies palliatives citeacutees en exemple sont codiques (elles srsquoactualisent au niveau du code linguistique)

Ainsi les strateacutegies palliatives codiques telles que deacutefinies par NESPOULOUS seraient fondeacutees notamment sur les moyens lexicaux demeureacutes opeacuterationnels et sur lesquels srsquoappuie

54 Sur le principe de flexibiliteacute voir NESPOULOUS et VIRBEL (2004) NESPOULOUS (2005) et NESPOULOUS (1994 1997 2004)

PARTIE I 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses

77

le locuteur agrammatique dont les moyens grammaticaux sont rendus inopeacuterants suite agrave un deacuteficit

Les strateacutegies sont eacutelaboreacutees suivant un niveau drsquoorganisation linguistique donneacute Elles vont laquo pallier raquo le dysfonctionnement sous-jacent occasionneacute par des processus drsquoencodage devenus (partiellement) inopeacuterants En drsquoautres termes une incapaciteacute de formulation est donc compenseacutee ou pallieacutee agrave travers les niveaux drsquoorganisation linguistique demeureacutes opeacuterationnels suite au deacuteficit

NESPOULOUS (1998 81) ajoute ceci

laquo Le patient - gecircneacute dans la gestion laquo proceacutedurale raquo tregraves largement automatiseacutee chez le sujet normal agrave lrsquoeacutetat adulte des morphegravemes grammaticaux - nrsquoaurait drsquoautre recours que de mobiliser de maniegravere controcircleacutee et strateacutegique ses connaissances laquo deacuteclaratives raquo toujours intactes pour pallier une telle carence profitant pour ce faire tant de la connaissance de sa langue que des possibiliteacutes structurales qursquoelle offre dans drsquoautres registres que celui qui se trouve perturbeacute raquo

En outre lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives srsquoappuie sur une description plutocirct modulaire des pheacutenomegravenes linguistiques En effet cette approche meacutethodologique modulaire des pheacutenomegravenes langagiers reste selon nous compatible avec une vision theacuteorique holistique ougrave les sous-systegravemes linguistiques dissocieacutes pour des raisons pratiques descriptives srsquoarticulent selon des interfaces et dans un continuum les uniteacutes ou repreacutesentations (postuleacutees par le linguiste en theacuteorie) du systegraveme srsquoorganisent pour former un laquo tout inteacutegreacute raquo dans la structure de la langue (la compeacutetence linguistique statique et objectiveacutee) et dans son instanciation (la performance linguistique dynamique et incarneacutee par le locuteur in situ)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

78

3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique

30 Modegraveles de production introduction

Agrave ses deacutebuts MEHLER et NOIZET (1974 18) preacutesentent les objectifs de la psycholinguistique en ces termes

laquo La tacircche de la psycholinguistique ne peut pas se reacuteduire agrave repeacuterer les limitations agrave lrsquoactualisation de la compeacutetence qursquoimposent les contraintes de la meacutemoire ou de la perception elle consiste fondamentalement agrave construire un veacuteritable modegravele de la performance raquo

Crsquoest bien la mission que cherchent agrave accomplir entre autres FROMKIN (1973) GARRETT (1975 1976 1980) ou LEVELT (1989 1999) pour lrsquoapproche modulaire de la production orale et DELL (1986) et son approche connexionniste

La psycholinguistique revient agrave manipuler une situation par des moyens divers afin de rendre accessible les processus profonds de la performance langagiegravere (en perception compreacutehension et production) La meacutethode en psycholinguistique est fondeacutee sur lrsquoobservation de faits langagiers agrave travers la reacutealisation de tests expeacuterimentaux cibleacutes sur une variable linguistique deacutefinie au deacutepart ou en situation ordinaire et ce suivant certains aspects (tels que le temps de reacuteaction le type de reacuteponse vis-agrave-vis du stimulus preacutesenteacute le releveacute systeacutematique de lapsus en situation naturelle etc)

Lrsquoobjectif ultime est de fournir un modegravele de la performance langagiegravere axeacute sur les diffeacuterentes eacutetapes de traitement psycholinguistique qui sous-tendent le comportement langagier

Drsquoapregraves les donneacutees issues de lrsquoaphasiologie et en particulier de lrsquoagrammatisme ces modegraveles de reacutefeacuterence en production verbale orale sont utiliseacutes pour satisfaire les deux principaux objectifs heuristiques suivants

(1) drsquoune part ils sont utiliseacutes en guise de cadre interpreacutetatif des pheacutenomegravenes patholinguistiques observeacutes en surface

(2) drsquoautre part vis-agrave-vis des donneacutees comportementales aphasiques leur puissance interpreacutetative peut ecirctre eacuteprouveacutee et ce faisant ils peuvent ainsi ecirctre modifieacutes ou affineacutes agrave travers des pistes nouvelles

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

79

301 Le modegravele de GARRETT

Scheacutema 2 Modegravele de GARRETT les eacutetapes de lrsquoencodage drsquoun message impliqueacutees dans la

production orale (1984 174 repris par CAPLAN 1996 322)

Inferential processes

Positional level representation

Regular phonological processes

Phonetic level representation

Motor coding processes

Articulatory instructions

Message level representation

Logical and syntactic processes

Syntactic and phonological processes

-deacutetermination des structures fonctionnelles et syntaxiques -seacutelection lexicale seacutemantique -assignation du mateacuteriel lexico-seacutemantique aux rocircles fonctionnels

Functional level representation

-seacutelection des structures positionnelles (matrice emplacements ordre des mots) -extraction des formes lexicales -insertion des uniteacutes lexicales et grammaticales dans les positions syntagmatiques

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

80

Le modegravele de GARRETT preacutesente les eacutetapes de lrsquoeacutelaboration drsquoun message depuis la conceptualisation jusqursquoagrave la verbalisation effective Son architecture est le fruit de lrsquoeacutetude en termes logiques des occurrences drsquoerreurs releveacutees dans la parole spontaneacutee55

Lrsquoexpression du message passe par plusieurs eacutetapes de mise en place de niveaux de repreacutesentation linguistique (message - functional - positional - phonetic level representation) hieacuterarchiquement organiseacutes (voir Scheacutema 2 ci-dessus p 79)

La mise en place des niveaux de repreacutesentation (entre accolades dans le scheacutema) reacutesulte des traitements autonomes et co-occurrents anteacuterieurs de diffeacuterentes natures (inferential - logical and syntactic - phonological - motor coding processes en encadreacutes dans le scheacutema)

En effet lrsquoeacutetape initiale la mise en place du niveau de repreacutesentation du message est le reacutesultat des traitements ou processus infeacuterentiels lieacutes aux intentions communicatives du locuteur Cette eacutetape est plutocirct conceptuelle

Ensuite les traitements drsquoencodage grammatical interviennent Drsquoapregraves LEWERS (2002 109-110) laquo [ils] reccediloivent en entreacutee la repreacutesentation conceptuelle de la signification que le locuteur deacutesire exprimer verbalement Les traitements drsquoencodage grammatical sont seacutepareacutes en deux niveaux fonctionnel et positionnel raquo

Puis laquo au niveau fonctionnel des fonctions syntaxiques sont attribueacutees aux eacuteleacutements lexicaux traduisant la signification intentionnelle du locuteur raquo (LEWERS 2002 110) Cette eacutetape correspond agrave la mise en place du niveau de repreacutesentation fonctionnelle gracircce aux traitements ou processus logiques et syntaxiques appliqueacutes aux uniteacutes lexicales de base crsquoest-agrave-dire les opeacuterations drsquoassignation des rocircles seacutemantiques (Agent Patient Beacuteneacuteficiaire etc) drsquoeacutetablissement des cateacutegories syntaxiques (ou cas Sujet Objet etc) et de deacutetermination de la structure preacutedicative de la seacutequence agrave produire Lrsquouniteacute de traitement est la proposition

Ensuite le niveau de repreacutesentation positionnelle reacutesulte des traitements ou processus syntaxiques et phonologiques aboutissant agrave la mise en place de la matrice syntaxique (avec la prosodie) correspondant au positionnement des constituants et agrave lrsquoeacutetablissement de leurs relations syntaxiques qui conditionne lrsquoinsertion des morphegravemes grammaticaux sous une forme phonologique au sein de cette matrice Lrsquouniteacute de traitement est le syntagme LEWERS (2002 110) en explique le principe de la maniegravere suivante

laquo Au niveau positionnel une structure positionnelle (cadre syntaxique) est creacuteeacutee qui contient des places vides56 (crsquoest-agrave-dire des variables qui peuvent ecirctre remplies par des arguments particuliers) Ces places seront remplies par les mots et affixes flexionnels le temps la personne et le nombre pour les verbes le nombre et le genre pour les noms raquo

55 Pour une preacutesentation du modegravele de GARRETT et de ses prolongements (en particulier des niveaux fonctionnel et positionnel) illustreacutee par des exemples drsquoerreurs releveacutees voir LEWERS (2002) 56 Ce que nous appelons laquo emplacements syntaxiques raquo notre traduction de lrsquoanglais laquo syntactic slots raquo

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

81

Enfin les processus phonologiques et moteurs commandent la mise en place des niveaux phoneacutetiques et la transmission des instructions articulatoires de lrsquoexpression agrave produire

GARRETT suggegravere que les mots de classe ouverte (N V ADJ ) sont speacutecifieacutes dans une eacutetape profonde fonctionnelle et que viennent srsquointeacutegrer ensuite lors de lrsquoeacutetablissement de la matrice syntaxique les uniteacutes speacutecifiant les relations morpho-syntaxiques (crsquoest-agrave-dire les mots fonctions et flexions) Selon lui drsquoapregraves les faits il est leacutegitime de penser que les processus de reacutecupeacuteration des uniteacutes grammaticales speacutecifiant les relations morpho-syntaxiques de la seacutequence agrave produire soient posteacuterieurs aux processus de reacutecupeacuteration des uniteacutes lexicales speacutecifiant les relations seacutemantiques et preacutedicatives En drsquoautres termes les uniteacutes de classe fermeacutee sont intrinsegravequement lieacutees aux cadres syntaxiques speacutecifieacutes agrave lrsquoeacutetape de mise en place du niveau positionnel

302 Prolongements du modegravele de GARRETT

Drsquoapregraves LEWERS (2002 110)

laquo Les modegraveles ulteacuterieurs ont conserveacute [la] distinction [entre les niveaux fonctionnel et positionnel] et se sont attacheacutes agrave preacuteciser certains aspects du modegravele de GARRETT resteacutes peu speacutecifieacutes Ces aspects concernent la nature et lrsquoorganisation des processeurs qui prennent en charge la construction de chacune des repreacutesentations la nature des informations auxquelles ces processeurs ont accegraves et la coordination des traitements drsquoattribution des fonctions et de creacuteation du cadre positionnel avec les traitements lexicaux raquo

En effet ce modegravele modulaire descendant postule que les traitements reacutealiseacutes en amont constituent lrsquoinput (ou lrsquoentreacutee) des traitements reacutealiseacutes en aval Le principe de seacuterialiteacute stricte des processus de traitement repose sur le fait qursquoun processeur ulteacuterieur (en aval dans le modegravele de production) ne peut commencer ces traitements tant que les traitements du processeur preacuteceacutedent (en amont) ne sont pas termineacutes Ce principe nrsquoest pas en adeacutequation avec les contraintes temporelles externes de la communication verbale selon lesquelles les messages sont exprimeacutes dans un flux continu et fluide et ougrave les tours de parole srsquoenchaicircnent de maniegravere tout aussi continue

LEWERS (2002 110-111) argumente en ces termes

laquo Le problegraveme de la taille des uniteacutes de traitement se pose Lrsquohypothegravese drsquoune organisation seacuterielle avec des uniteacutes de traitement de la longueur drsquoune phrase ne permettent pas de rendre compte de la fluiditeacute de la parole En effet si depuis lrsquoeacutelaboration du message jusqursquoagrave lrsquoarticulation chaque processeur traitait une uniteacute de la longueur drsquoune phrase mais qursquoil devait attendre la sortie du processeur preacuteceacutedent le discours serait neacutecessairement tregraves irreacutegulier De longues peacuteriodes de silence lorsque le conceptualisateur est occupeacute agrave travailler seraient suivies de peacuteriodes de laquo deacutebordement raquo lorsqursquoune structure conceptuelle serait convertie en phrase complegravete raquo

De ce fait les principes de modulariteacute et de seacuterialiteacute exclusives ne sont donc pas tenables

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

82

En conseacutequence il est plus logique de penser que dans une certaine mesure les traitements srsquoopegraverent aussi de maniegravere parallegravele et non de maniegravere strictement seacuterielle Ce qui revient agrave dire que chacun des processeurs peuvent en mecircme temps commencer leur traitement sur des uniteacutes plus petites que la phrase entiegravere Le traitement de la phrase est alors dit laquo increacutemental raquo

Pour finir LEWERS (2002 111) affirme que laquo cette hypothegravese du traitement increacutemental proposeacutee par KEMPEN et HOEKAMP (1987) a eacuteteacute retenue dans la plupart des modegraveles de production du langage (LEVELT 1989 BOECK et LEVELT 1994 DELL 1986 LAPOINTE et DELL 1989 KEMPEN et HOEKAMP 1987) raquo

Ainsi en reacuteponse au manque drsquointeractiviteacute entre modules et entre processus drsquoencodage lieacutes agrave la mise en place des diffeacuterents niveaux de repreacutesentation linguistique le modegravele de GARRETT a trouveacute des prolongements inteacuteressants dans les travaux de LEVELT notamment du point de vue du principe drsquoincreacutementation

Le modegravele de LEVELT integravegre de maniegravere plus explicite les processus de traitements increacutementaux et les processus de controcircle de la production (la notion de monitoring) pour assouplir et eacutelargir le champ des interpreacutetations possibles des pheacutenomegravenes de lrsquooral qursquoils soient pathologiques ou non

303 Le modegravele de LEVELT

Le modegravele de LEVELT nous inteacuteresse en particulier car lrsquoapproche proceacutedurale de lrsquoagrammatisme incarneacutee agrave travers les travaux de KOLK notamment srsquoy reacutefegravere pour expliquer le deacuteficit sous-jacent57 et les adaptations linguistiques instancieacutees par le patient agrammatique

Selon ce modegravele la production du langage passe par deux grandes eacutetapes lrsquoune conceptuelle et lrsquoautre drsquoencodage ou de formulation Voyons cela de plus pregraves agrave partir du modegravele de LEVELT ci-apregraves (Scheacutema 3 p 83)

57 Drsquoautre part lrsquoapproche proceacutedurale de KOLK se reacutefegravere eacutegalement agrave certains aspects du modegravele de DELL (voir au point 321 p 92)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

83

Scheacutema 3 Le modegravele de LEVELT (repris de LEVELT 1999 87)

3031 Lrsquoeacutetape de preacuteparation conceptuelle et lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal

Drsquoabord la preacuteparation conceptuelle du message (encadreacute griseacute du haut du scheacutema) srsquoeacutelabore suivant lrsquointention du locuteur lrsquoeacutemetteur du message et sous lrsquoinfluence de lrsquointerlocuteur le reacutecepteur du message La laquo structure conceptuelle raquo du message agrave formuler fait intervenir

Rhetorical semantic syntactic system

Phonological phonetic system

Conceptual preparation

Phonological score

Preverbal message

Grammatical encoding

Morpho-phonological encoding

Phonetic encoding

Articulatory score

Self-perception

Discourse model etc

Model of Addressee (Theory of Mind)

Lemmas

Morpho-phonological codes

Gestural scores

Overt speech

Parsed speech

Syllabary

Mental lexicon

Knowledge of external and internal world

Articulation

Surface structure

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

84

la laquo compeacutetence sociale raquo58 du locuteur qui revient agrave eacutevaluer les connaissances de lrsquointerlocuteur Pour la preacuteparation conceptuelle sont articuleacutes un modegravele du destinataire (en Theacuteorie de lrsquoesprit) les connaissances du monde interne et externe (state of affairs) et un modegravele du discours (narratif descriptif injonctif hellip)

Drsquoautre part la structure conceptuelle srsquoeacutelabore suivant la perspective pragmatiquement deacutetermineacutee appliqueacutee par le locuteur sur les relations entre les reacutefeacuterents organiseacutes dans la structure conceptuelle par exemple Jean est le pegravere de Pierre exprime la mecircme relation que Pierre est le fils de Jean du point de vue de la relation entre les reacutefeacuterents Jean et Pierre mais crsquoest le reacutefeacuterent sur lequel le locuteur souhaite insister qui conditionne la structure informationnelle et en arguments appliqueacutee aux reacutefeacuterents

Dans une phrase comme Le pauvre Pierre croit que le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute59 les arguments remplissent les rocircles theacutematiques de la preacutedication Pierre est Expeacuterienceur de la croyance et le Patient de la seacutelection le comiteacute est Actant et Agent de la seacutelection

Aussi Pierre est modifieacute par lrsquoadjectif pauvre et une modaliteacute ici deacuteclarative srsquoapplique agrave lrsquoexpression

En reacutesumeacute la structure conceptuelle du message adopte donc un format propositionnel deacutependant de la seacutelection des reacutefeacuterents de la structure en arguments (lieacutee agrave la preacutedication adopteacutee) et des rocircles theacutematiques associeacutes agrave tel ou tel reacutefeacuterent (conditionnant le mapping ou lrsquoassignation des rocircles theacutematiques) des speacutecifications ou modifieurs ajouteacutes et de la modaliteacute (deacuteclarative impeacuterative interrogative)

Le message a donc une structure conceptuelle sous-jacente reposant sur les concepts lexicaux codeacutes par les mots de la langue

Agrave ce stade de preacuteparation conceptuelle en sortie le message nrsquoa pas encore de formulation linguistique il est laquo preacuteverbal raquo

3032 Lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical et lrsquointervention des lemmes

(a) Encodage grammatical et lexique mental

Le format propositionnel preacuteverbal du message constitue le format drsquoentreacutee (input) de lrsquoeacutetape suivante lrsquoeacutetape de formulation du message et plus preacuteciseacutement lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical (grammatical encoding)

58 La laquo compeacutetence sociale raquo (terme de LEVELT) peut renvoyer aux laquo compeacutetences discursives reacutefeacuterentielles et socioculturelles raquo du modegravele de la communication de HYMES (1972) 59 Cet exemple est celui de lrsquoauteur du modegravele Le format propositionnel du message citeacute en exemple (LEVELT 1999 93) est le suivant il existe deux reacutefeacuterents X (PIERRE) et Y (COMITE) qui sont les arguments ou rocircles theacutematiques drsquoune proposition deacuteclarative complexe ougrave le preacutedicat CROIRE a comme Expeacuterienceur (PIERRE) et comme argument theacutematiseacute la proposition selon laquelle Y (le comiteacute) seacutelectionne X (le pauvre Pierre Drsquoapregraves LEVELT dans les langues agrave marquage de temporaliteacute (tense-marking languages comme lrsquoanglais) les relations temporelles lieacutees agrave la concordance des temps doivent ecirctre speacutecifieacutees degraves le format conceptuel du message Drsquoautres langues telles que le chinois ou le javanais sont exemptes de ce type de marquage

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

85

Cette eacutetape drsquoencodage aboutit agrave la formation de la structure syntaxique de surface (format de sortie ou output) Le lexique mental est alors solliciteacute Drsquoapregraves la configuration du message preacuteverbal drsquoentreacutee et agrave partir du lexique mental disponible (repreacutesenteacute scheacutematiquement agrave droite sur le Scheacutema 3 sous la forme drsquoune bulle voir p 83) la structure syntaxique de surface (positionnement des uniteacutes) srsquoeacutelabore

Crsquoest agrave ce moment-lagrave que les lemmes une fois reacutecupeacutereacutes du lexique mental (activeacutes en fonction des concepts deacutejagrave activeacutes lors de lrsquoeacutetape preacuteverbal) entrent en jeu

(b) La notion de lemme

La structure de surface srsquoorganise suivant lrsquoordonnancement lineacuteaire des laquo mots syntaxiques raquo (ou lemmes) selon des positions lineacuteairement deacutetermineacutees agrave gauche et agrave droite Les lemmes sont groupeacutes pour la formulation de syntagmes plus ou moins grands inteacutegrant ou non un verbe Les lemmes correspondent aux informations syntaxiques associeacutees aux uniteacutes lexicales stockeacutees dans le lexique mental (informations syntaxiques de positionnement de cateacutegories syntaxiques de cas de rocircles theacutematiques de transitiviteacute drsquoaccord de personne de nombre de temps drsquoaspect etc )

Les lemmes jouent donc un rocircle fondamental pour lrsquoordonnancement des constituants drsquoune expression et pour les opeacuterations de marquages morpho-syntaxiques codeacutes ulteacuterieurement

LEVELT utilise un scheacutema arborescent pour renvoyer agrave la repreacutesentation syntaxique associeacutee agrave un lemme deacuteriveacute drsquoun concept lexical tel que ci-dessous

Scheacutema 4 Structure syntaxique associeacutee au lemme seacutelectionner (drsquoapregraves LEVELT 1999 98)

Le format de sortie de lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical est la structure syntaxique de surface (voir Scheacutema 4 ci-dessus)

Structure

seacutelectionner

sujet

actant

objet tecircte

patient SN SN V

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

86

Comment un lemme est-il seacutelectionneacute parmi drsquoautres lemmes ou apregraves que drsquoautres concepts eurent eacuteteacute activeacutes lors de lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal

Lors de lrsquoeacutetape preacuteverbale le reacuteseau conceptuel de SELECTIONNER (drsquoapregraves lrsquoexemple preacuteceacutedent le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute) est activeacute ce qui implique que drsquoautres concepts relieacutes seacutemantiquement le sont aussi tels que CHOISIR ou ELIR auxquels correspondent des lemmes ou informations syntaxiques diffeacuterentes (la transitiviteacute le nombre drsquoarguments et le positionnement des rocircles theacutematiques les cateacutegories syntaxiques et les cas le temps lrsquoaspect le nombre et la personne) Crsquoest le degreacute drsquoactivation du lemme cible seacutelectionner par rapport agrave drsquoautres degreacutes drsquoactivation de lemmes en compeacutetition qui conditionne son activation effective parmi les diffeacuterentes possibiliteacutes de concepts proches

Ce degreacute drsquoactivation serait lieacute agrave la probabiliteacute de la pertinence du lemme activeacute vis-agrave-vis du concept preacute-activeacute parmi drsquoautres

(c) Lrsquoeacutetape de geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface et drsquounification

Ensuite la geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface est pour une large part deacutetermineacutee par le niveau lexical

Dans lrsquoexemple preacuteciteacute lrsquoopeacuteration majeure provoqueacutee par le concept lexical SELECTIONNER (agrave lrsquoeacutetape preacuteverbale) est lrsquoactivation du lemme correspondant (seacutelectionner) dans le lexique mental60

Simultaneacutement il y a mise agrave disposition des proprieacuteteacutes syntaxiques du lemme qui serviront la construction syntaxique ulteacuterieure Drsquoautres lemmes associeacutes aux autres concepts et uniteacutes lexicales preacute-activeacutees sont aussi activeacutes (comme par exemple le lemme comiteacute correspondant au concept COMITE et le lemme lrsquo correspondant au reacutefeacuterent PIERRE) Ils seront ensuite inteacutegreacutes pour lrsquoencodage de la seacutequence le comiteacute lrsquoa seacutelectionneacute

Tregraves scheacutematiquement lrsquoencodage grammatical de lrsquoexpression dans sa globaliteacute revient agrave connecter les fragments drsquoarbres syntaxiques associeacutes aux diffeacuterents lemmes preacute-activeacutes en respectant les contraintes combinatoires lieacutees agrave leurs proprieacuteteacutes syntaxiques et seacutemantiques (deacutejagrave disponibles dans lrsquoeacutetape preacuteverbale) il srsquoagit des processus drsquounification

60 LEVELT (1999 95-99) expose un fragment du modegravele WEAVER consacreacute agrave la production du lexique Nous nrsquoentrerons pas dans les deacutetails de ce modegravele ici

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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Lrsquointeacutegration des informations syntaxiquesseacutemantiques associeacutees aux diffeacuterents lemmes activeacutes est repreacutesenteacutee par une arborescence comme par exemple

Scheacutema 5 Structure syntaxique de surface unification des lemmes (drsquoapregraves LEVELT 1999 98)

(d) Lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique

Puis la structure syntaxique de surface est le format drsquoentreacutee de lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique qui srsquoopegravere par la reacutecupeacuteration des codes morpho-phonologiques stockeacutes dans le lexique mental

Ainsi le lexique mental nrsquoest pas seulement une reacuteserve de traits seacutemantiques drsquouniteacutes lexicales et de proprieacuteteacutes syntaxiques associeacutees (lemmes) il rend aussi disponibles les codes morpho-phonologiques neacutecessaires agrave la formulation de lrsquoexpression agrave produire

Le lexique mental recegravele les formes phonologiques des mots drsquoune langue crsquoest-agrave-dire les racines ou bases lexicales ainsi que les affixes deacuterivationnels et flexionnels Ces codes interviennent une fois que la structure de surface est encodeacutee ce qui explique que dans des langues comme le franccedilais les pheacutenomegravenes drsquoaccord en genre et en nombre sont eacutetablis agrave distance

Degraves qursquoun lemme a eacuteteacute seacutelectionneacute et ainsi mis agrave disposition lrsquoactivation se propage vers ses codes morpho-phonologiques au sein du stock lexical ce qui correspond en quelques sortes aux processus drsquoaccegraves lexical Lrsquoencodage morpho-phonologique est deacutependant des contraintes meacutetriques lieacutees agrave lrsquouniteacute syllabique ce qui conditionne les patrons drsquoaccentuation et de prosodie Par ailleurs il est deacutependant drsquoeffets de freacutequence

Apregraves lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique lrsquoencodage phoneacutetique et la programmation articulatoire peuvent alors se mettre en place Nous ne deacutetaillerons pas ces derniegraveres eacutetapes de la production verbale En effet nos analyses ulteacuterieures concernent exclusivement les niveaux de structuration syntaxique et morphologique Les deacuteformations phonologiques ne seront noteacutees en marge de nos corpus que par souci de clarteacute

Structure

seacutelectionner

sujet

actant

tecircte

patient

objet

tecircte

DET N

le comiteacute

SN V SN

PRO

lrsquo

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

88

Les eacutetapes qui nous inteacuteressent en premier lieu sont les eacutetapes lieacutees aux repreacutesentations grammaticales et formelles morpho-phonologiques En effet il nous semble que les eacutetapes drsquoencodage grammatical et drsquoencodage formel morpho-phonologique pourraient ecirctre de bonnes candidates pour expliquer le deacuteficit sous-jacent (ce qui est mis en valeur sur le scheacutema du modegravele par un encadreacute rouge en trait pointilleacute voir Scheacutema 3 p 83)

Nous ne sommes pas en mesure de dire de maniegravere trancheacutee si le deacuteficit drsquoencodage sous-jacent est lieacute agrave un deacuteficit de traitement des lemmes ou drsquoune partie des lemmes associeacutes aux uniteacutes conceptuelles et lexicales activeacutees ou srsquoil est lieacute agrave un deacuteficit de reacutecupeacuteration des codes formels morpho-phonologiques associeacutes agrave ces lemmes Cette question nrsquoa agrave notre connaissance jamais eacuteteacute clairement poseacutee dans le domaine de lrsquoagrammatisme

(e) Modulariteacute et principe drsquoincreacutementation

Pour nous le modegravele de LEVELT est un modegravele plus modulaire que connexionniste et plus seacuteriel qursquointeractif (compareacute au modegravele de DELL)

Les aspects modulaires et seacuteriels du modegravele de GARRETT (1975 1980) se retrouvent dans le modegravele de LEVELT (1989 1999) En plus de ces caracteacuteristiques fondamentales le modegravele de LEVELT postule qursquoune information deacutejagrave traiteacutee demeure activeacutee alors que le processus suivant se preacutepare et srsquoopegravere il srsquoagit des processus de traitement increacutemental (incremental processing) Cela renvoie au fait que lrsquoinformation activeacutee doit ecirctre entretenue et demeurer ainsi disponible depuis lrsquoeacutetape drsquoeacutelaboration de lrsquointention communicative en passant par les eacutetapes drsquoencodage jusqursquoagrave lrsquooutput LEVELT (1999 88) explique en ces termes

laquo Le flux geacuteneacuteral de lrsquoinformation permet de commencer un traitement agrave appliquer sur un format de sortie encore inacheveacute lieacute agrave un processeur donneacute Un composant de traitement pourra ecirctre deacuteclencheacute par nrsquoimporte quel fragment caracteacuteristique du format drsquoentreacutee agrave traiter En conseacutequence les divers composants de traitements sont de fait simultaneacutement actifs et les traitements appliqueacutes se chevauchent comme peuvent se chevaucher des tuiles agenceacutees sur un toit Au moment ougrave nous produisons un eacutenonceacute le contenu de lrsquoeacutenonceacute suivant est deacutejagrave en cours drsquoorganisation raquo61

Pour assurer lrsquoincreacutementation de lrsquoencodage drsquoune phrase agrave produire le rocircle de la meacutemoire de travail est fondamental elle permet drsquoentretenir les informations activeacutees mais aussi drsquoassurer les traitements de ces informations de maniegravere parallegravele La fonction increacutementale de la meacutemoire de travail assure lrsquointeacutegration de toutes les composantes linguistiques dans le flux verbal lineacuteaire La coordination des processus de traitements associeacutes aux modules est

61 Notre propre traduction laquo The general flow of information can start working on the still incomplete output of the current processor A processing component will be triggered into action by any fragment of its characteristic input As a consequence the various processing components are normally simultaneously active overlapping their processing as the tiles of a roof When we are uttering phrases we are already organizing the content for the next phrase raquo

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hautement automatiseacutee et ce sur des uniteacutes drsquoorganisation linguistique de taille limiteacutee ce qui garantit la laquo rapiditeacute raquo de la mise en mots en situation de communication ordinaire

Le modegravele de LEVELT est diffeacuterent de celui de DELL car il est laquo strictement seacuteriel raquo les eacutetapes de traitement srsquoorganisent de maniegravere discregravete et elles nrsquoadmettent pas le principe drsquoactivation bidirectionnelle (ou reacutetroactive)62 En effet les activations de niveau de repreacutesentation conceptuelleseacutemantique syntaxique (interventions des lemmes et des proprieacuteteacutes syntaxiques associeacutees genre nombre cateacutegorie syntaxique etc) et phonologique (reacutecupeacuteration des lexegravemes et de leur structuration meacutetrique morphologique segmentale et syllabique) sont unidirectionnelles et nrsquoadmettent pas de reacuteotractions drsquoactivations possibles

Dans le modegravele de LEVELT la reacutetroactiviteacute entre modules nrsquoest pas postuleacutee car elle ne pourrait plus aller dans le sens des deux postulats suivants (deacutefendus par LEVELT)

le postulat de lrsquoencapsulation de composeacutes de traitement au sein des modules correspondant au traitement des informations linguistiques (seacutemantique syntaxique phonologique)

et le postulat drsquoune autonomie tregraves relative entre les diffeacuterents modules du fait du principe drsquoincreacutementation De ce fait les diffeacuterents modules entretiennent certainement des relations agrave travers des interfaces

(f) Reacutetroaction sur la production par self-monitoring

Le modegravele de LEVELT eacutevoque des niveaux de repreacutesentation successifs drsquoencodage et de traitement drsquoinformation Du fait de leur increacutementation une relative interaction existe entre chaque niveau mais celle-ci est laquo descendante raquo pour le cas de la production et dans le sens laquo ascendant raquo (ou reacutetroactif) seul un processeur permettant de percevoir et deacutecoder sa propre production (self-perception et parsed speech) assure un retour sur les eacutetapes de traitements anteacuterieurs

Ainsi la production est controcircleacutee gracircce au feedback audio-phonatoire (self-monitoring) et en cas de besoin inhibeacutee en cours de mise en œuvre

Mecircme si la geacuteneacuteration du message est deacutejagrave avanceacutee la production effective (overt speech) peut ne pas srsquoaccomplir Pour expliquer les adaptations correctives du patient agrammatique KOLK (1995 299) eacutevoque cet aspect du modegravele de LEVELT le haut degreacute de controcircle 62 Voir FERRAND (2002 36-39) pour une discussion approfondie sur les diffeacuterents degreacutes de seacuterialiteacute et drsquointeractiviteacute postuleacutes par diffeacuterents modegraveles de production du langage On trouvera aussi (FERRAND 2002 39-42) une preacutesentation du modegravele agrave reacuteseaux indeacutependants de CARAMAZZA et MIOZZO (1997) qui est similaire aux modegraveles de DELL et LEVELT sur diffeacuterents aspects (indeacutependance des computations lieacutees aux repreacutesentations syntaxiques versus phonologiques repreacutesentations seacutemantiques componentielles seacuterialiteacute et absence de reacutetroaction) mais qui en diffegravere du point de vue de la propagation drsquoactivation lrsquoactivation partant du reacuteseau lexical seacutemantique srsquoopegravere de maniegravere simultaneacutee et parallegravele vers les deux reacuteseaux suivants syntaxiques et phonologiques Drsquoapregraves les donneacutees issues de pheacutenomegravenes du laquo mot sur le bout de la langue raquo et de cas de doubles-dissociations dans lrsquoaphasie (perturbations des aspects lexico-seacutemantiques indeacutependamment des aspects syntaxiques) les informations lexico-seacutemantiques et phonologiques versus syntaxiques seraient activeacutees en mecircme temps et seacutepareacutement

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appliqueacute agrave sa propre production explique le recours aux autocorrections lors de la formulation drsquoun message (voir au point 2433(a) p 65) agrave propos des adaptations correctives expliciteacutees et silencieuses) Drsquoautre part il propose une interpreacutetation du deacuteficit sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme en se reacutefeacuterant clairement agrave ce modegravele

Avant de deacutevelopper plus en deacutetail lrsquohypothegravese du dysfonctionnement drsquoordre proceacutedural de lrsquoagrammatisme (point 32 p 92) nous souhaitons revenir sur les hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique et syntaxique (exposeacutees au point 232 pp 34-45) et sur leur adeacutequation psychologique vis-agrave-vis du modegravele de GARRETT (voir ci-apregraves)

31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques

311 Hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique syntaxique et modegravele de GARRETT

Le modegravele de GARRETT est habituellement eacutevoqueacute au sein des diffeacuterentes hypothegraveses explicatives de lrsquoagrammatisme ougrave la primauteacute est donneacutee agrave une interpreacutetation du dysfonctionnement deacuteriveacutee de la description structurale du trouble En effet agrave travers un tel trouble selon GOODGLASS et MENN (1985 19)

laquo Les traductions directes de notions linguistiques en des uniteacutes psycholinguistiques potentielles sont clairement poseacutees et cela encourage agrave la formulation drsquohypothegraveses linguistiquement motiveacutees et testables raquo63

Dans ce type dhypothegraveses explicatives il est question dimpleacutementer psycholinguistiquement les pheacutenomegravenes linguistiques caracteacuteriseacutes suivant les niveaux de repreacutesentations linguistiques ou composantes linguistiques modulaires postuleacutes tels que nous pouvons les concevoir par abstraction dans la theacuteorie linguistique et ses modegraveles Lrsquoactualisation postuleacutee de ces niveaux de repreacutesentations dans la performance effective permet alors de conclure agrave lrsquoexistence drsquoun deacuteficit de nature seacutemantique syntaxique lexicale ou phonologique

Ainsi la transposition des descriptions linguistiques de pheacutenomegravenes (fondeacutees sur des modegraveles linguistiques) sur un modegravele de la production verbale (GARRETT) cherche agrave identifier la cause du deacuteficit en termes psycholinguistiques De cette maniegravere de telles hypothegraveses trouvent naturellement leur adeacutequation aux faits psychologiques et donc au modegravele psycholinguistique de la performance non pathologique pris pour reacutefeacuterence

Dans le cas de lrsquoagrammatisme et pour lrsquoaphasie en geacuteneacuteral ce modularisme (psycho)linguistique constitue pour nous un postulat theacuteorique et meacutethodologique agrave utiliser 63 Notre traduction laquo Direct translations of linguistic notions into potential psycholinguistic units are straigthforward and this encourages the formulation of testable linguistically motivated hypotheses raquo

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avec prudence Lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents suivant diffeacuterents niveaux drsquoorganisation linguistique pourrait expliquer la controverse si intense agrave propos de la caracteacuterisation du deacuteficit sous-jacent Si leacutegitime puisse ecirctre cette deacutemarche heuristique elle nous pose problegraveme Les diffeacuterentes hypothegraveses explicatives drsquoinspiration linguistique et leur transposition suivant les niveaux de repreacutesentation linguistique postuleacutee par le modegravele de GARRETT nous conduisent agrave formuler quelque reacuteserve sur leur adeacutequation psycholinguistique pour les raisons suivantes

la transposition des descriptions linguistiquement motiveacutees (crsquoest-agrave-dire par un modegravele linguistique) concernant un certain niveau drsquoorganisation linguistique et postule une adeacutequation psycholinguistique qui nous semble plutocirct tautologique

des donneacutees issues de tests en compreacutehension sont impleacutementeacutees suivant un modegravele de production Drsquoailleurs dans ce type drsquointerpreacutetation il est postuleacute que les processus impliqueacutes dans la compreacutehension et dans la production sont les mecircmes mais cela nrsquoa jamais eacuteteacute reacuteellement prouveacute

lorsque des donneacutees existent en production la question de la variabiliteacute des performances est eacuteludeacutee drsquoautant que le caractegravere relativement laquo figeacute raquo du modegravele de GARRETT admet difficilement les variations de performance

une hypothegravese peut se voir facilement rejeteacutee si lrsquoon considegravere que les postulats de deacutepart du modegravele pris comme reacutefeacuterence peuvent ecirctre remis en question et jugeacutes insatisfaisants (tels que la notion de laquo compeacutetence raquo du modegravele geacuteneacuteratif voir ci-apregraves)

312 Entre compeacutetence et performance theacuteorie linguistique et psycholinguistique

Les deacuteveloppements de la theacuteorie linguistique ont pu certes amener agrave deacutecrire certains pheacutenomegravenes de surface caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme de maniegravere plus fine mais au prix de certaines interpreacutetations du deacuteficit sous-jacents parfois trop uniformisantes Outre qursquoil faille infeacuterer avec grande prudence une hypothegravese explicative agrave partir drsquoune caracteacuterisation linguistique de la performance langagiegravere laquo ideacutealiseacutee raquo mecircme au sein drsquoun modegravele psycholinguistique lrsquoapplication de la notion chomskyenne de laquo compeacutetence raquo est peut-ecirctre le plus agrave remettre en cause Ainsi la limite principale agrave ce type drsquoexplication de lrsquoagrammatisme est probablement cette conception essentialiste de laquo compeacutetence linguistique raquo et drsquoideacutealisation des comportements verbaux qui srsquoy rattache Une conseacutequence renvoie aux difficulteacutes drsquointerpreacutetation des pheacutenomegravenes instables ce qui deacutemontre de ce point de vue lrsquoinadeacutequation de ce type drsquoexplication vis-agrave-vis notamment de la variabiliteacute des comportements

En effet sur ce point VILLIARD et NESPOULOUS (1989 p 27) eacutenoncent

laquo La theacuteorie linguistique formelle fournit des outils indispensables pour la description structurale du langage pathologique Mais les choses se preacutesentent bien moins bien sitocirct

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qursquoon tente de caracteacuteriser voir drsquoexpliquer la genegravese des comportements aphasiques en termes linguistiques de deacuteficit structural dans quelque composante donneacutee de la grammaire que ce soit [hellip] on srsquoaperccediloit vite que les caracteacuterisations purement linguistiques sont insuffisantes voire inapproprieacutees [et ceci du fait drsquoune variabiliteacute] pour le moins deacuteconcertante raquo

Ainsi lrsquohypothegravese linguistique geacuteneacuterative de GRODZINSKY (la TDH par exemple) ne trouve drsquoadeacutequation psychologique qursquoeu eacutegard aux postulats drsquoadeacutequation neuropsychologique poseacutes par le courant formel dont elle est issue la relation entre la description linguistique et lrsquoimpleacutementation psychologique nous semble donc ecirctre circulaire et interne agrave un mecircme courant ici le formalisme linguistique et cognitif

Selon nous la puissance drsquoune hypothegravese explicative nous semble ecirctre mieux garantie par le fait qursquoelle trouve une adeacutequation psychologique en se reacutefeacuterant agrave des modeacutelisations externes et indeacutependantes de la theacuteorie linguistique Toutefois de ce point de vue il nous semble qursquoon ne peut pas non plus se deacutepartir de tout a priori linguistique devant un pheacutenomegravene psycholinguistique Il faut donc trouver un laquo eacutequilibre raisonneacute raquo entre la theacuteorie linguistique et lrsquoimpleacutementation des processus sous-jacents psycholinguistiques drsquoautant plus si lrsquoon srsquointeacuteresse agrave la performance effective drsquoun locuteur en situation Ce que nous tentons de faire en inscrivant notre approche des pheacutenomegravenes agrammatiques dans un cadre linguistique theacuteorique global drsquoinspiration fonctionnaliste (voir au point 34 pp 100-113)

Les explications laquo purement linguistiques raquo ont ainsi permis drsquoamener des eacuteclairages inteacuteressants et critiques sur lrsquoagrammatisme en parvenant agrave mieux comprendre les enjeux

des limites de la description et de lrsquointerpreacutetation de ses symptocircmes en termes presqursquoexclusivement linguistiques et structuraux

et corollairement de la question de la variabiliteacute qui ne fait pas bon meacutenage avec les descriptions essentialistes

Nous nous attarderons sur la question de lrsquoadeacutequation psycholinguistique des approches linguistiques agrave travers une discussion plus approfondie dans la suite de cette partie theacuteorique (voir aux points 342 p 102 343 p 104 et 344 p 105) Avant cela revenons sur lrsquoapproche proceacutedurale de lrsquoagrammatisme (process approach) qui quant agrave elle permet de relativiser les conceptions essentialistes pour donner une grande part de responsabiliteacute aux processus de traitement en jeu lors de la performance pathologique En voici les grandes lignes

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32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle

321 Lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle

Lrsquohypothegravese de la laquo fenecirctre temporelle raquo (temporal window) et de la limitation du temps de traitement de lrsquoinformation (capacity limitation crsquoest-agrave-dire le seuil critique drsquoactivation) (voir KOLK et VAN GRUNSVEN 1985 et KOLK 1995) suggegravere que lrsquoagrammatisme serait ducirc agrave une asynchronie temporelle impliquant le traitement de lrsquoinformation grammaticale en meacutemoire de travail (voir aussi FRIEDERICI et KILBORN 1989)

En production et en compreacutehension suivant le principe drsquoincreacutementation des processus drsquoactivation la simultaneacuteiteacute computationnelle (computational simultaneity) ou synchronie des informations forment un laquo goulet drsquoeacutetranglement raquo Les diffeacuterents eacuteleacutements neacutecessaires agrave la construction drsquoune repreacutesentation de phrase sont activeacutes de maniegravere synchronique et en synergie ce qui les rend disponibles aux processus drsquoencodage ulteacuterieurs Les eacuteleacutements activeacutes interagissent entre eux crsquoest-agrave-dire que lrsquoactivation de lrsquoeacuteleacutement B est conditionneacutee par lrsquoactivation de lrsquoeacuteleacutement A

Par exemple lrsquoactivation des caracteacuteristiques du sujet dans une structure SUJET + VERBE donneacutee agrave encoder doit ecirctre opeacutereacutee en accord avec celles du verbe ce qui conditionne la bonne formation ulteacuterieure de la construction cible pour laquelle la flexion verbale adeacutequate a due ecirctre activeacutee Pour ce faire lrsquoactivation doit atteindre un seuil critique ce qui demande un certain temps

Apregraves ce pic lrsquoactivation nrsquoest plus possible et les eacuteleacutements activeacutes sont deacutecomposeacutes ou dissouts64

Dans le cas de lrsquoagrammatisme selon KOLK (1995) le traitement de lrsquoinformation syntaxique serait geacutereacute de maniegravere inadeacutequate dans deux cas soit le seuil critique drsquoactivation est trop rapidement atteint et donc le temps neacutecessaire agrave lrsquoactivation est deacutepasseacute trop rapidement ce qui entraicircne une dissolution trop rapide (too fast decay) soit au contraire il nrsquoest pas assez rapidement atteint et la reacutecupeacuteration des informations est trop lente (delay) Dans les deux cas lrsquoactivation synchronique des eacuteleacutements de la repreacutesentation syntaxique est deacutereacutegleacutee Ainsi lorsque les paramegravetres deacuteterminant les seuils critiques drsquoactivation sont alteacutereacutes la subtile synergie reacutegulant les processus drsquoactivation des diffeacuterentes informations

64 Il srsquoagit drsquoun principe clef srsquoil nrsquoy avait pas de seuil critique drsquoactivation lrsquoinformation activeacutee ne serait jamais deacutecomposeacutee et cela aurait pour conseacutequence de ne pas laisser la place agrave lrsquoactivation drsquoautres eacuteleacutements activeacutes dans ce temps limiteacute KOLK (1995 293) inscrit son hypothegravese dans une theacuteorie geacuteneacuterale du traitement du langage la limitation des capaciteacutes de traitement lors de la production est une neacutecessiteacute sans laquelle les possibiliteacutes de computation et de complexification syntaxiques seraient infinies ce qui rendrait peut-ecirctre impossible la production de messages adapteacutes agrave nos capaciteacutes de traitement et agrave nos contraintes de communication

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grammaticales est brouilleacutee ce qui a pour conseacutequence la laquo deacutesinteacutegration preacutematureacutee des structures de la phrase raquo

322 En compreacutehension

Ces changements de paramegravetres temporels reacutegulant la fenecirctre temporelle de traitement des informations grammaticales ont eacuteteacute simuleacutes par une modeacutelisation informatique appeleacutee SYNCHRON (HAARMAN et KOLK 1991 citeacutes par KOLK 1995 282) pour la compreacutehension Les manipulations de ces paramegravetres temporels de traitement (le ralentissement de la vitesse de computation et la limitation du temps de reacutetention en meacutemoire) deacutedieacutes agrave la construction drsquoune repreacutesentation phrastique concordent avec les hypothegraveses suivantes en compreacutehension

une structure complexe pose plus de problegraveme qursquoune structure simple en compreacutehension et jugement de grammaticaliteacute

il y a des degreacutes de seacuteveacuteriteacute variables drsquoun patient agrave lrsquoautre

il y a une interaction entre la complexiteacute de la structure agrave traiter et le degreacute de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit

il ne faut pas confondre les processus qui relegravevent de la compreacutehension elle-mecircme et ceux qui relegravevent drsquoune reacuteflexion sur le code comme lorsqursquoon opegravere des jugements de grammaticaliteacute

323 En production

En production du fait de cette asynchronie drsquoactivation crsquoest la construction de la repreacutesentation sous-jacente de la structure (ou structure profonde repreacutesenteacutee par un arbre syntaxique et ses nœuds) qui ne peut ecirctre effectueacutee (KOLK 1995 286) Pour expliquer les erreurs morphologiques qursquoon observe KOLK (1995 288-289) se reacutefegravere agrave la fois aux modegraveles modulaires de LEVELT (1989) et de GARRETT (1975 1980) drsquoune part et drsquoautre part au modegravele drsquoactivation de DELL (1986)

Selon le modegravele de GARRETT et LEVELT (voir au point 30 pp 78-90) lrsquointeacutegration des informations lieacutees agrave la geacuteneacuteration des cadres syntaxiques dont les emplacements (slots) sont cateacutegoriseacutes (ADJ DET N V etc) srsquoopegravere gracircce aux processus drsquoinsertion des codes morpho-lexicaux reacutecupeacutereacutes dans le lexique mental LEVELT preacutecise qursquoil srsquoagit des informations porteacutees par les lemmes

Par contre selon le modegravele de GARRETT une distinction fondamentale est agrave poser entre les mots de classe ouverte (pour lesquels lrsquoinsertion des codes morpho-lexicaux srsquoopegravere indeacutependamment des cadres syntaxiques) et les mots de classe fermeacutee (pour lesquels lrsquoinsertion des codes morpho-lexicaux srsquoopegravere en eacutetroite liaison avec lrsquoeacutetablissement des

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cadres syntaxiques) Alors que les mots de classe ouverte sont geacuteneacutereacutes par les processus drsquoencodage deacutedieacutes speacutecifiquement au lexique les mots de classe fermeacutee seraient eux geacuteneacutereacutes par lrsquointermeacutediaire des processus syntaxiques eux-mecircmes lors de la mise en place des cadres syntaxiques (au niveau de repreacutesentation positionnelle) Ce faisant selon le modegravele de GARRETT la voie drsquoaccegraves aux mots grammaticaux est deacutependante des processus syntaxiques les mots grammaticaux font partie de ces cadres et y sont inteacutegreacutes degraves leur mise en place

Pour KOLK (1995 289) les deux types de mots (de classe fermeacutee versus ouverte) doivent ecirctre inseacutereacutes dans les syntactic slots et cette inteacutegration requiert une synchronie Par conseacutequent une asynchronie peut en perturber lrsquointeacutegration En effet le modegravele de DELL65 (spreading activation model 1986 citeacute par KOLK 1995 289-290) postule que la peacuteriode drsquoactivation des eacuteleacutements lexicaux (morphegravemes grammaticaux et lexicaux) srsquoarticule suivant trois phases (1) une premiegravere phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est faible et la compeacutetition entre

plusieurs items est eacuteleveacutee

(2) une deuxiegraveme phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est eacuteleveacute et la compeacutetition entre plusieurs items est faible

(3) une troisiegraveme phase ougrave le niveau drsquoactivation de lrsquoitem est faible et la compeacutetition entre plusieurs items est eacuteleveacutee

Cette activation triphasique des items morpho-lexicaux est eacutetroitement lieacutee aux processus drsquoinsertion des items dans les slots (emplacements) du cadre syntaxique adeacutequats Lorsque le cadre syntaxique est simple ces processus mettent plus de temps agrave srsquoopeacuterer chez lrsquoagrammatique que chez le sujet normal mais les erreurs morphologiques sont moins freacutequentes Lorsque le cadre syntaxique est plus complexe ils sont encore plus longs agrave srsquoopeacuterer et drsquoautant plus chez le patient agrammatique pour qui les erreurs morphologiques srsquoaccentuent Le temps neacutecessaire agrave la computation est fonction de la complexiteacute des cadres syntaxiques agrave mettre en place Certaines expeacuterimentations ont selon KOLK (2006) pu deacutemontrer lrsquoexistence de la fenecirctre temporelle Dans lrsquoune drsquoelles des proceacutedures drsquoamorccedilage syntaxique (syntactic priming

65 Le modegravele connexionniste agrave activation interactive et en cascade de DELL ne fera pas lrsquoobjet drsquoune description deacutetailleacutee ici Ce modegravele postule lrsquoexistence de trois niveaux de repreacutesentations seacutemantique (pour lrsquoactivation des traits seacutemantiques des uniteacutes agrave encoder) lexical (pour lrsquoactivation des mots de leurs lemmes) et phonologique (pour lrsquoactivation des phonegravemes composant les syllabes du mot) Lors de la production les connexions sont descendantes (proactives) et ascendantes (reacutetroactives) ce qui implique que les niveaux interagissent entre eux les connexions drsquoactivation sont bidirectionnelles Drsquoautre part lrsquoactivation se propage pour activer plusieurs repreacutesentations en compeacutetition agrave un niveau de repreacutesentation donneacute (seacutemantique lexical phonologique) Selon les niveaux drsquoactivation associeacutes aux repreacutesentations activeacutees lrsquoactivation qui correspond agrave la cible linguistique agrave encoder est maintenue Pour une description du modegravele de DELL illustreacutee par des exemples drsquoerreurs preacutecis (notamment la survenue des erreurs laquo mixtes raquo qui pourraient srsquoexpliquer par ce haut degreacute drsquointeractiviteacute entre les niveaux voir FERRAND 2002 31-34) Selon FERRAND (2002 31) le modegravele de DELL (interactif) srsquooppose agrave celui de LEVELT (strictement seacuteriel) du point de vue de ce principe de reacutetroaction

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voir HARTSUIKER et KOLK 1998) furent reacutealiseacutees Il srsquoagissait de fournir une structure de deacutepart agrave lrsquooral puis de faire dire une phrase correspondant agrave une image aux participants qui pensaient qursquoil srsquoagissait drsquoun simple test de meacutemoire drsquoimages Pour les patients agrammatiques lrsquoamorccedilage syntaxique concernant les structures au passif ont eu un effet facilitant sur leur freacutequence drsquoemploi alors qursquoen narration drsquohistoires sans amorccedilage syntaxique quasiment aucune structure passive nrsquoest produite spontaneacutement Cela corrobore lrsquoideacutee selon laquelle lrsquoamorccedilage syntaxique permet de reacuteajuster le degreacute drsquoactivation des informations syntaxiques en traitement en les maintenant en surface dans les cas ougrave la reacutecupeacuteration des informations est trop lente (delay)

Dans une autre eacutetude (HARTSUIKER et al 1999) il srsquoagissait de manipuler la formation de pluriels conceptuel et grammatical dans une tacircche drsquoaccord SUJET-VERBE Par exemple une seacuterie de phrases comme lrsquoeacutetiquette sur les bouteilles sont vertes implique un pluriel conceptuel pour eacutetiquette et un pluriel grammatical pour bouteilles Dans cet exemple lrsquoaccord SUJET-VERBE en nombre est inadeacutequat (sont au lieu de est) Le test a montreacute que les participants du groupe controcircle avaient fait plus drsquoerreurs drsquoaccord SUJET-VERBE dans les phrases impliquant un nombre conceptuel

Selon nous il pourrait srsquoagir drsquoerreurs laquo drsquoexperts raquo qui traduiraient le fait que les processus drsquoencodage de lrsquoaccord en nombre seraient si automatiques que la probabiliteacute de formuler un accord inadeacutequat augmente

Ce faisant pour les patients agrammatiques qui produisaient moins drsquoerreurs que les controcircles sur le nombre conceptuel mecircme si les erreurs eacutetaient dues agrave un mecircme meacutecanisme computationnel sous-jacent en jeu il ne srsquoagissait probablement pas drsquoerreurs drsquoexpert mais plutocirct de laquo vraies erreurs raquo lieacutees agrave un problegraveme drsquointeacutegration de lrsquoinformation syntaxique ou morphologique pour formuler lrsquoaccord en nombre

Drsquoautre part selon nous le fait que le nombre drsquoerreurs soit eacutetonnamment plus faible chez les agrammatiques compareacute aux controcircles pourrait peut-ecirctre aussi srsquoexpliquer par une activiteacute meacutetalinguistique plus grande de la part de lrsquoagrammatique qui srsquoapplique agrave eacuteviter les erreurs potentielles par un auto-controcircle (ou self-monitoring) sur sa production

En guise de reacutesumeacute on retiendra cette citation de KOLK (2006 234) agrave propos du dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural (processing deficit)

laquo Lrsquoactivation soit ralentie soit trop rapidement dissoute renvoie bien sucircr aux deux faces drsquoune mecircme piegravece de monnaie plus la dissolution srsquoopegravere rapidement et plus lrsquoeffet drsquoun retard mecircme teacutenu sera grand et vice-versa Une maniegravere de deacutecrire les effets combineacutes [de la dissolution trop rapide ou du retard de traitement] consiste agrave en traduire les meacutecanismes en termes de reacuteduction de la taille de la fenecirctre temporelle au sein de laquelle tout traitement de la phrase doit avoir lieu Du fait drsquoune telle reacuteduction la simultaneacuteiteacute computationnelle entre les eacuteleacutements drsquoune repreacutesentation syntaxique ne peut freacutequemment pas srsquoopeacuterer crsquoest pourquoi la phrase nrsquoest pas en mesure drsquoecirctre produite raquo66

66 Notre propre traduction laquo Delay and decay are of course two sides of the same coin the faster the decay the greater even a small effect of delay and vice versa One way to describe their combined effects is phrasing

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33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo

Pour tenter de mieux caracteacuteriser le deacuteficit sous-jacent en jeu dans lrsquoagrammatisme les modegraveles de la performance langagiegravere laquo normale raquo du point de vue de la production verbale ainsi que des tests psycholinguistiques cibleacutes sont indispensables Tout en admettant que lrsquoagrammatisme est un syndrome aphasique singulier il est crucial de parvenir agrave interpreacuteter les donneacutees en faisant la part des pheacutenomegravenes refleacutetant le deacuteficit sous-jacent et la part des pheacutenomegravenes refleacutetant les strateacutegies

La reacuteduction quantitative et qualitative de la production verbale affectant la syntaxe (phrases courtes et constructions juxtaposeacutees peu eacutelaboreacutees) et la morphologie lexicale et flexionnelle (omissions et substitutions de morphegravemes grammaticaux libres et lieacutes) sont les deux traits linguistiques qui ressortent dans lrsquoagrammatisme en production orale avec parfois des variations importantes suivant les sujets et suivant les tacircches Ainsi srsquoagissant de lrsquointerpreacutetation de ces traits de surface NESPOULOUS et al (1990 659) formulent cette question fondamentale

laquo Une telle simplification des structures est-elle strateacutegique ou est-elle la manifestation drsquoun deacuteficit primitif affectant le traitement des structures syntaxiques les plus complexes de la langue parleacutee par le patient raquo

Concernant le dysfonctionnement sous-jacent les deux questions suivantes eacutemergent En effet avons-nous affaire

(1) agrave un deacuteficit nrsquoimpliquant que les processus drsquoencodage de la syntaxe crsquoest-agrave-dire les processus engageacutes lors de planification de la seacutequence syntaxique au niveau de repreacutesentation positionnelle (au sens de GARRETT) ou lors des processus faisant intervenir les lemmes pour la mise en place de la structure de surface (drsquoapregraves le modegravele de LEVELT)

(2) ou agrave un deacuteficit nrsquoimpliquant que les processus drsquoaccegraves et drsquoencodage des uniteacutes morpho-lexicales essentielles agrave la formulation de la matrice syntaxique mise en place qui a eacuteteacute encodeacutee sans problegraveme dans une eacutetape anteacuterieure crsquoest-agrave-dire un dysfonctionnement impliquant la reacutecupeacuteration des codes morpho-phonologiques du lexique mental (drsquoapregraves le modegravele de LEVELT)

En guise de reacuteponse non deacutefinitive ces mecircmes auteurs (NESPOULOUS et al 1990) affirment que les omissions et substitutions srsquoexpliqueraient largement par un deacuteficit lieacute aux processus de reacutecupeacuteration et drsquoinsertion des uniteacutes grammaticales actualisant les relations morpho-syntaxiques (mots fonctions et flexions) qui affecterait en conseacutequence

them in terms of a reduction in the size of the temporal window within which all sentence processing has to take place With such a reduction computational simultaneity between elements of a syntactic representation often cannot be obtained and the sentence cannot be produced raquo

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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lrsquoeacutetablissement des cadres syntaxiques En effet la position (2) eu eacutegard les types drsquoomissions et de substitutions deacutecrites en qualiteacute et en quantiteacute dans la litteacuterature nous semble la plus logique Elle srsquoaccorde le mieux agrave lrsquohypothegravese des strateacutegies aboutissant agrave lrsquoomission de certains morphegravemes (grammaticaux) et agrave la seacutelection de structures syntaxiquement ou morphologiquement plus simples

Nous pourrions tout aussi bien deacutefendre une position plutocirct nuanceacutee ou mixte car finalement aucune eacutetude (agrave notre connaissance) nrsquoa pu montrer clairement quelle autonomie pouvait ecirctre envisageacutee entre les deux types de processus drsquoencodage syntaxique et morpho-grammatical En effet la nouvelle question eacutemergente suivante meacuterite drsquoecirctre poseacutee

(3) le deacuteficit sous-jacent affecterait-il en reacutealiteacute les processus drsquoencodage du message agrave produire intervenant agrave lrsquointerface des traitements syntaxiques (mise en place de la matrice) et morphologiques (formulation et encodage morpho-phonologique) De ce point de vue lrsquoautonomie postuleacutee entre modules de traitement pourrait ecirctre nuanceacutee par un principe de permeacuteabiliteacute et par un haut degreacute drsquointeractiviteacute entre modules de traitements en ce sens que les processus lieacutes agrave chaque type de traitement se conditionneraient mutuellement

Mecircme si cette eacutetude ne preacutetend pas trancher sur la question du dysfonctionnement psycholinguistique sous-jacent au trouble selon nous il nrsquoest pas exclu drsquoenvisager qursquoun deacuteficit touchant directement et en premier lieu les capaciteacutes mneacutesiques neacutecessaires agrave lrsquoencodage drsquoune structure affecte soit lrsquoun soit lrsquoautre ou les deux types de processus drsquoencodage postuleacutes par le modegravele les processus drsquoencodage de la morphologie grammaticale (mots fonctions et flexions) et les processus lieacutes agrave lrsquointeacutegration de lrsquoinformation morpho-syntaxique supporteacutee par ces uniteacutes degraves lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical

En effet nous pourrions postuler qursquoils sont en eacutetroite interaction lors de la production drsquoun message et lors de lrsquointeacutegration des informations grammaticales de la phrase agrave produire Cette inteacutegration implique les processus de planification syntaxique et drsquoactualisation des informations linguistiques par la reacutecupeacuteration des lemmes convertis ensuite suivant les codes morpho-phonologiques adeacutequates Lrsquointeacutegration des informations linguistiques serait rendue possible gracircce aux capaciteacutes mneacutesiques attacheacutees agrave lrsquoincreacutementation des fragments du message agrave encoder (en particulier la meacutemoire de travail verbale)

Dans lrsquoagrammatisme lrsquointeacutegration des informations grammaticales serait de ce fait entraveacutee par une capaciteacute insuffisante agrave lrsquoencodage de tout ce qui a eacuteteacute preacutevu initialement degraves la formulation conceptuelle du message preacuteverbal En conseacutequence si la formulation du message est simplifieacutee gracircce aux processus de haut niveau plus ou moins conscients qualitativement et quantitativement les ressources neacutecessaires agrave lrsquointeacutegration des informations linguistiques de la seacutequence agrave produire plus courte et simple sont alors suffisantes Crsquoest lagrave qursquointerviennent les proceacutedures drsquoadaptation

En effet le locuteur laquo formate raquo lrsquoeacutenonceacute agrave produire en adaptant la cible linguistique aux nouvelles dispositions du processeur suivant les marges de manœuvre octroyeacutees par les proprieacuteteacutes drsquoun systegraveme linguistique donneacute en interaction avec la seacuteveacuteriteacute du deacuteficit De ce

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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point de vue le deacuteficit sous-jacent est relativiseacute dans le cadre drsquoune theacuteorie plus geacuteneacuterale de lrsquoadaptation agrave lrsquoinstar des travaux de KOLK et NESPOULOUS67

De surcroicirct lrsquoexamen des variabiliteacutes inter-tacircches constitue un moyen pour parvenir agrave faire eacutemerger du comportement laquo deacuteficitaire raquo le comportement laquo strateacutegique raquo lieacute agrave une adaptation agrave la fenecirctre temporelle

Par ailleurs NESPOULOUS (2009)68 ajoute en ces termes

laquo Quand il y a omission (de morphegravemes grammaticaux) on ne sait pas srsquoil srsquoagit drsquoun problegraveme syntaxique (impossibiliteacute agrave planifier une matrice syntaxique adeacutequate) ou drsquoun simple problegraveme de seacutelection drsquoun morphegraveme au sein drsquoun paradigme avec adoption drsquoun laquo morphegraveme zeacutero raquo69 Quand il srsquoagit drsquoune substitution toujours laquo within-category raquo (intra-cateacutegorielle) celle-ci nous prouve que la matrice syntaxique a eacuteteacute correctement activeacutee et seul subsiste un problegraveme de seacutelection au sein du paradigme raquo

Autrement dit si lrsquoon admet que le trouble sous-jacent nrsquoest pas laquo purement drsquoorigine syntaxique raquo le recours au morphegraveme zeacutero serait donc un moyen tactique ou strateacutegique de laquo remplir raquo lrsquoemplacement de la matrice syntaxique qui aurait eacuteteacute encodeacutee normalement alors que la seacutelection du morphegraveme attendu est probleacutematique

Une autre question meacuterite drsquoecirctre poseacutee est-ce que toutes les substitutions sont de laquo vraies raquo erreurs refleacutetant un deacuteficit de traitement (lieacute agrave la reacuteduction de la fenecirctre temporelle en meacutemoire de travail drsquoapregraves KOLK) et en admettant que toutes les omissions sont agrave mettre sur le compte drsquoune strateacutegie drsquoadaptation plus anticipeacutee et conscientiseacutee par le locuteur

Nous donnerons le dernier mot agrave NESPOULOUS qui va plus loin dans lrsquohypothegravese des strateacutegies en affirmant que certaines substitutions tactiques car les morphegravemes substituants semblent laquo preacutefeacutereacutes raquo se produiraient agrave laquo lrsquoinsu du locuteur raquo Dans un tel contexte elles peuvent fort bien ecirctre interpreacuteteacutees comme des strateacutegies compensatoires et ce drsquoautant plus que certains paradigmes morpheacutematiques sont eacutetendus tels que le paradigme des preacutepositions spatiales

67 Voir aux points 2434 p 72 et 245 p 74 68 Communication personnelle 69 Par exemple une absence drsquoarticle correspondrait agrave lrsquoemploi drsquoun laquo article zeacutero raquo et une absence de flexion verbale avec emploi du verbe agrave lrsquoinfinitif correspondrait agrave lrsquoemploi de la forme verbale la plus neutre pour laquelle lrsquoencodage exige moins de computations

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle

Tout au long de cette premiegravere partie consacreacutee aux repegraveres theacuteoriques nous nous sommes inteacuteresseacutee aux diffeacuterentes approches de lrsquoagrammatisme dont lrsquoobjectif est drsquoen deacutecrire les manifestations et de fournir une explication plausible quant agrave leur origine Le scheacutema ci-apregraves (Scheacutema 6 p 101) en reacutesume les enjeux essentiels

Les paragraphes qui suivent (342 343 et 344 pp 102-107) reviennent en deacutetail sur certains des points de clivages meacutetatheacuteoriques et meacutetodologiques relatifs aux deux grands types drsquoapproches de lrsquoagrammatisme lrsquoune laquo repreacutesentationnelle linguistique raquo et lrsquoautre laquo proceacutedurale raquo

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

101

341 Scheacutema de synthegravese theacuteorique

Approche repreacutesentationnelle linguistique

(linguistic representionalapproach)

- Deacutecrire et expliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent

(hypothegraveses de la contiguumliteacute de la saillance phonologique du mapping lexicale syntaxique)

- Expliquer le dysfonctionnement sous-jacent(reacuteduction de la fenecirctre temporelle laquo vraies raquo substitutions)

- Deacutecrire et expliquer les adaptations du point de vue linguistique

(adaptations preacuteventives style elliptique et simplification morphologique adaptations correctives adaptations palliatives)

Tests in-vitro ou donneacutees existantes reacute-analyseacutees en production et surtout en compreacutehension

Modegravele repreacutesentationnel linguistique

Modegravele psycholinguistique de GARRETT (et ou Grammaire Universelle)

Tests in vitro pour mettre en eacutevidence la reacuteduction de la fenecirctre temporelleTests in vivo surtout en production pour deacutecrire les adaptations

Modegravele psycholinguistique de LEVELT

Linguistique de lrsquooral fonctionnalisme theacuteorie drsquoadaptation

Deacuteterminisme indirect

Mise en eacutevidence des symptocircmes de variabiliteacutes en quantiteacute et en qualiteacute

Approche proceacutedurale

(process approach)

Deacuteterminisme direct

Mise en eacutevidence des symptocircmes invariants en qualiteacute

Objectifs

Moyens

Approche repreacutesentationnelle linguistique

(linguistic representionalapproach)

- Deacutecrire et expliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent

(hypothegraveses de la contiguumliteacute de la saillance phonologique du mapping lexicale syntaxique)

- Expliquer le dysfonctionnement sous-jacent(reacuteduction de la fenecirctre temporelle laquo vraies raquo substitutions)

- Deacutecrire et expliquer les adaptations du point de vue linguistique

(adaptations preacuteventives style elliptique et simplification morphologique adaptations correctives adaptations palliatives)

Tests in-vitro ou donneacutees existantes reacute-analyseacutees en production et surtout en compreacutehension

Modegravele repreacutesentationnel linguistique

Modegravele psycholinguistique de GARRETT (et ou Grammaire Universelle)

Tests in vitro pour mettre en eacutevidence la reacuteduction de la fenecirctre temporelleTests in vivo surtout en production pour deacutecrire les adaptations

Modegravele psycholinguistique de LEVELT

Linguistique de lrsquooral fonctionnalisme theacuteorie drsquoadaptation

Deacuteterminisme indirect

Mise en eacutevidence des symptocircmes de variabiliteacutes en quantiteacute et en qualiteacute

Approche proceacutedurale

(process approach)

Deacuteterminisme direct

Mise en eacutevidence des symptocircmes invariants en qualiteacute

Objectifs

Moyens

Scheacutema 6 Synthegravese les approches linguistique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

102

342 Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique

Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique a pour objectifs de deacutecrire et drsquoexpliquer la nature linguistique du dysfonctionnement sous-jacent Pour ce faire des modegraveles de la phrase sont convoqueacutes suivant diffeacuterents plans linguistiques (syntagmatique seacutemantique syntaxique lexical phonologique) De plus les meacutethodes expeacuterimentales sont plutocirct in vitro (crsquoest-agrave-dire avec des paradigmes expeacuterimentaux tregraves controcircleacutes en stimuli consigne voire en temps de reacuteponse) et srsquointeacuteressent drsquoabord au versant de la compreacutehension pour en transposer les interpreacutetations sur le versant de la production Les explications sur le type de dysfonctionnement en jeu et plus preacuteciseacutement le niveau linguistique affecteacute agrave lrsquoorigine du trouble srsquoappuient sur des interpreacutetations et des descriptions drsquoabord linguistiques pour ecirctre ensuite deacuteriveacutees et impleacutementeacutees sur le plan psycholinguistique par lrsquointermeacutediaire du modegravele modulaire de GARRETT

Comme nous lrsquoavons vu ces explications cherchent drsquoabord agrave identifier en qualiteacute des symptocircmes linguistiques invariants De ce fait la variabiliteacute des performances (inter- et intra-individus inter- et intra-tacircches inter-langues en compreacutehension et en production etc) est telle que lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique fondeacutee sur une conception structurale et essentialiste de la langue preacutesente des limites Comme le souligne PILLON (1987 363)

laquo Les travaux sur lrsquoagrammatisme suggegraverent [] qursquoun modegravele explicatif ne peut faire lrsquoimpasse sur les pheacutenomegravenes de variabiliteacute Bien connus en aphasiologie ces pheacutenomegravenes ne font pourtant que rarement lrsquoobjet drsquoune articulation theacuteorique (agrave notre connaissance seule la theacuteorie drsquoadaptation de Kolk et al constitue une tentative dans ce sens) tout au plus les envisage-t-on le plus souvent sous lrsquoangle des proprieacuteteacutes peacuteripheacuteriques accessoires voire encombrantes drsquoun trouble - alors qursquoils pourraient bien relever au contraire drsquoun meacutecanisme fondamental en neuropsychologie comme en psycholinguistique drsquoailleurs les comportements linguistiques des sujets normaux ne semblent pas davantage se precircter agrave une caracteacuterisation en terme de tout ou rien raquo

En effet les explications structurales et agrave viseacutee unifiante fondeacutees sur une vision essentialiste de la langue et de son utilisation nous semble peut reacutesister agrave lrsquoeacutepreuve de lrsquoinstabiliteacute des faits linguistiques observeacutes Pour reacutepondre agrave lrsquoargument de la variabiliteacute des performances les deacutefenseurs de telles hypothegraveses insistent sur le fait que le deacuteficit sous-jacent peut ecirctre deacutecrit en termes structuraux (des eacuteleacutements perturbeacutes versus preacuteserveacutes) et que les variations de performance srsquoexpliquent en fait par drsquoautres meacutecanismes de traitements psychologiques impliqueacutes dans la performance langagiegravere De cette maniegravere lrsquointerpreacutetation linguistiquement motiveacutee du deacuteficit sous-jacent ainsi deacuteriveacutee de la description structurale des pheacutenomegravenes peut se projeter sur un modegravele de la performance psycholinguistique tel que celui de GARRETT Cela permet au final drsquoen valider lrsquoadeacutequation psychologique Malgreacute cela nous ne sommes pas totalement convaincue que ce type drsquoexplication puisse veacuteritablement revendiquer cette adeacutequation psychologique

Nous reprenons agrave notre compte la reacuteserve formuleacutee par PILLON (1987 339) agrave propos des theacuteories unitaires favorisant lrsquohypothegravese drsquoun trouble central et impliquant des niveaux drsquoorganisations linguistiques postuleacutes (repreacutesentation phonologique lexicale syntaxique

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

103

seacutemantique de la phrase) En particulier PILLON souligne que du fait de la variabiliteacute de la co-occurrence des symptocircmes70 ces explications ne peuvent pas srsquoappliquer agrave tous les cas drsquoagrammatisme reporteacutes dans la litteacuterature

Nous ajouterons que lrsquoinadeacutequation de telles hypothegraveses face aux donneacutees empiriques pourrait provenir de ceci le point commun entre les diffeacuterentes hypothegraveses explicatives unitaires reacuteside en ce qursquoelles sont toutes fondeacutees sur un modegravele de la phrase En effet sa repreacutesentation en termes drsquoapplication de regravegles phonologiques en termes drsquoinsertion de morphegravemes suivant leur appartenance agrave telle ou telle cateacutegorie lexicale en termes de structure syntaxique de surface et profonde ou en termes de repreacutesentation seacutemantique-fonctionnelle constitue la base de lrsquooutillage conceptuel theacuteorique et meacutethodologique analytique Les donneacutees obtenues sont analyseacutees et interpreacuteteacutees suivant ce modegravele de la phrase postuleacute en amont par la theacuteorie Agrave partir de lagrave les analyses et interpreacutetations sont projeteacutees suivant un modegravele psychologique de la performance langagiegravere et de cette maniegravere elles trouvent leur parfaite adeacutequation linguistique et psychologique au risque drsquoeacuteluder parfois la question de la variabiliteacute des performances intrainter-sujets intrainter-tacircches et intrainter-langues

Les hypothegraveses explicatives issues des travaux des GRODZINSKY (la TDH voir au point 2326(b) p 41) srsquoinscrivent pour leur part explicitement dans le cadre de la grammaire geacuteneacuterative ougrave il convient drsquointerpreacuteter les processus psycholinguistiques en jeu suivant les principes de la grammaire universelle et suivant lrsquoideacutee qursquoun module syntaxique (le substrat biologique de la faculteacute de langage et de la compeacutetence) serait encapsuleacute dans lrsquoaire de Broca Drsquoailleurs KOLK (2007 100) exprime une certaine reacuteserve vis-agrave-vis de cette approche essentialiste car il faut laquo aller au-delagrave du niveau de repreacutesentation pour ecirctre en mesure drsquoexpliquer toute la variabiliteacute qursquoon peut observer chez les patients raquo Ce type drsquoapproche linguistique de lrsquoagrammatisme qui envisage lrsquoexistence drsquoune laquo compeacutetence raquo deacuteficitaire au sens chomskyen repose sur les postulats theacuteoriques et meacutethodologiques suivants

le locuteur est ideacuteal et sa laquo compeacutetence raquo lui permet de former des phrases grammaticales

la phrase postuleacutee par lrsquointuition linguistique est lrsquouniteacute conceptuelle drsquoanalyse linguistique de base

les notions de regravegles et de transformations permettent de modeacuteliser le fonctionnement intrinsegraveque drsquoun systegraveme linguistique

la primauteacute est donneacutee agrave lrsquointuition linguistique en vue de construire les corpus de phrases soumises agrave lrsquoanalyse structurale en arbre et en opeacuterant des transformations visant agrave induire les structures sous-jacentes de la langue et ses universaux

70 Variabiliteacute lieacutee aux modaliteacutes affecteacutees (compreacutehension etou expression) ainsi qursquoaux types et agrave la freacutequence des omissions etou substitutions de morphegravemes grammaticaux

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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Crsquoest sur la base de ces postulats theacuteoriques que lrsquoagrammatisme est deacutecrit et interpreacuteteacute postulats qui mecircme lorsqursquoon srsquointeacuteresse agrave la performance non pathologique ne sont pas forceacutement adapteacutes

En effet sur ce point le propos de VILLIARD (1994 1979) qui deacutefend une interpreacutetation dynamique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme (plutocirct que structurale et repreacutesentationnelle) nous semble pertinent

laquo Alors que les principaux arguments deacuteveloppeacutes dans la theacuteorie de la compeacutetence concernent la logique formelle des systegravemes statiques sous-jacents aux activiteacutes cognitives linguistiques ceux qui sont invoqueacutes dans le cadre des eacutetudes de performance portent sur lrsquoefficaciteacute opeacuterationnelle des modegraveles theacuteoriques agrave rendre compte de maniegravere dynamique des donneacutees comportementales concregravetes raquo

PILLON (1987 336) pose le mecircme problegraveme en ces termes

laquo Le deacuteficit doit-il ecirctre interpreacuteteacute comme une alteacuteration de la seule performance ou bien plutocirct comme un deacuteficit plus geacuteneacuteral de la compeacutetence raquo

Partant de ces deux propos la question meacutetatheacuteorique fondamentale qui eacutemerge est la suivante doit-on envisager qursquoun modegravele abstrait de regravegles et de structures statiques censeacute fonder et traduire laquo la compeacutetence linguistique raquo puisse revecirctir quelque adeacutequation avec laquo un modegravele de la performance psycholinguistique raquo

Toutes les hypothegraveses explicatives fortement ancreacutees dans un modegravele linguistique de reacutefeacuterence et visant agrave expliquer la nature du dysfonctionnement sous-jacent allant de la phonologie agrave la syntaxe ont susciteacute une vive controverse Si controverseacutees puissent-elles paraicirctre elles ont le grand meacuterite de raviver le deacutebat autour de lrsquoagrammatisme et de lrsquoalimenter par de nouveaux questionnements et de nouvelles pistes de recherches

343 Lrsquoapproche proceacutedurale

Le deuxiegraveme type drsquoapproche de type proceacutedural (KOLK) vient relativiser le premier type drsquoapproche En effet drsquoapregraves lrsquoapproche proceacutedurale le deacuteficit srsquoexplique par un deacuteregraveglement des processus drsquoactivation de lrsquoinformation grammaticale lors de la formulation verbale reacutesultant de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle Crsquoest bien la performance qui est toucheacutee et non un niveau de repreacutesentation de la performance linguistique postuleacute et choisi drsquoapregraves une description statique des symptocircmes fondeacutee sur un modegravele de la phrase

Lrsquoapproche proceacutedurale a lrsquoavantage de faire la distinction entre les symptocircmes linguistiques refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent (les laquo vraies substitutions raquo) et les symptocircmes linguistiques refleacutetant les adaptations Cette approche srsquoinscrit dans une vision dynamique de la performance en ce sens qursquoelle permet drsquoen expliquer pour une grande part les variations

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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De plus le deacuteterminisme est indirect crsquoest-agrave-dire que les pheacutenomegravenes drsquoadaptation sont envisageacutes comme eacutetant la conseacutequence indirecte du dysfonctionnement sous-jacent En effet les deux approches srsquoopposent sur le type de deacuteterminisme envisageacute (voir NESPOULOUS 1990)

lrsquoapproche linguistique cherche agrave speacutecifier le deacuteterminisme direct responsable du trouble (voir au point preacuteceacutedent 342 p 102)

et lrsquoapproche proceacutedurale et la theacuteorie drsquoadaptation cherchent agrave montrer que lrsquoagrammatisme correspond agrave un ensemble de manifestations secondaires strateacutegiques qui seraient la conseacutequence drsquoun ou de plusieurs deacuteficit(s) sous-jacent(s) de nature proceacutedurale (et non structurale) Lrsquoapproche proceacutedurale permet drsquointeacutegrer les variations inter-tacircches comme eacuteleacutement central dans la deacutemarche interpreacutetative En effet une grande part des manifestations agrammatiques seraient en reacutealiteacute le reacutesultat drsquoadaptations et non le reflet direct du dysfonctionnement sous-jacent

Pour mettre en eacutevidence les strateacutegies drsquoadaptation les tacircches (surtout en production) sont plutocirct de type in vivo crsquoest-agrave-dire qursquoun grand degreacute de liberteacute est octroyeacute au sujet afin de le laisser recourir aux strateacutegies de formulation du message Drsquoautre part des tests de type in vitro sont adapteacutes agrave la mise en eacutevidence du dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural crsquoest-agrave-dire de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle de traitement

De plus le modegravele de LEVELT tout aussi modulaire mais plus increacutemental que le modegravele de GARRETT satisfait mieux agrave la recherche drsquoune adeacutequation psycholinguistique devant la variabiliteacute des performances linguistiques deacutecrites Crsquoest pourquoi la mise en eacutevidence des variabiliteacutes des symptocircmes linguistiques en quantiteacute et en qualiteacute notamment inter-tacircches prime sur la recherche drsquoinvariants

344 Notre position

Comme le souligne CAPLAN (1985 133) lrsquoagrammatisme ne peut srsquoexpliquer en termes de laquo perte de certains eacuteleacutements linguistiques crsquoest-agrave-dire en termes de perturbation de la compeacutetence raquo (au sens chomskyen) Selon lui les hypothegraveses limiteacutees agrave une description et une caracteacuterisation repreacutesentationnelle du trouble ne peuvent srsquoappliquer sans restriction aux faits suivants drsquoune part certains patients peuvent montrer de bonnes performances en compreacutehension et en jugement de grammaticaliteacute et drsquoautre part la variabiliteacute des performances est lrsquoeffet de contraintes situationnelles

Malgreacute cela il est toutefois opportun de chercher agrave identifier quelles sont les uniteacutes et structures linguistiques affecteacutees tout en tenant compte des aspects particuliers de la performance lieacutes aux meacutecanismes geacuteneacuteraux de traitement du langage tels que lrsquoimplication de la meacutemoire de travail par exemple

En reacutesumeacute une approche de la compeacutetence linguistique dans lrsquoagrammatisme fondeacutee sur une caracteacuterisation repreacutesentationnelle du trouble doit pouvoir aussi ecirctre relativiseacutee par les

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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donneacutees empiriques issues de la performance linguistique et srsquoexpliquer notamment par laquo une theacuteorie de la variabiliteacute raquo (CAPLAN 1985 134)

Ainsi les deux types drsquohypothegraveses les unes fondeacutees sur une description de la compeacutetence linguistique perturbeacutee et les autres srsquoattachant agrave deacutecrire les instabiliteacutes de la performance linguistique peuvent trouver un terrain drsquoentente et mecircme ecirctre compleacutementaires

Agrave lrsquoinstar de CAPLAN nous pensons que les deux types drsquoapproches de lrsquoagrammatisme linguistique et proceacutedurale srsquoopposent sur certains points de clivages mais gagnent tout de mecircme agrave ecirctre compleacutementaires

En effet un modegravele linguistique de base nous semble indispensable en vue de deacutecrire les symptocircmes linguistiques de surface et la nature preacutecise du niveau linguistique affecteacutee par le deacuteficit sous-jacent tel que le preacutevoit lrsquoapproche repreacutesentationnelle Mais le choix drsquoun tel modegravele theacuteorique doit se faire en tenant compte des variations de performances linguistiques Crsquoest pourquoi dans la perspective interdisciplinaire neuropsycholinguistique adopteacutee pour cette eacutetude notre deacutemarche de mise en eacutevidence des strateacutegies srsquoinscrit dans un cadre theacuteorique drsquoinspiration fonctionnaliste (voir au point suivant 345 p 107)

Ainsi la prise en compte des variations agrave deacutecrire en quantiteacute et en qualiteacute agrave travers des tacircches de production diffeacuterentes est fondamentale pour ce qui nous preacuteoccupe ici

Selon lrsquoapproche proceacutedurale notre objectif est de deacutecrire les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme en srsquoinscrivant dans une conception dynamique de lois de performances qui pourrait fournir un cadre descriptif des variations de symptocircmes drsquoadaptations en quantiteacute et en qualiteacute (voir au point 71 p 318)

Il faut selon nous aller au-delagrave drsquoune description du trouble limiteacutee agrave une caracteacuterisation de sa nature linguistique et aller au-delagrave drsquoun modegravele linguistique de la phrase pour aborder lrsquoagrammatisme du point de vue de ces manifestations adaptatives

Nous pensons que pour qursquoune hypothegravese explicative puisse satisfaire agrave lrsquoadeacutequation psychologique un modegravele linguistique devrait ecirctre choisi en fonction de certains principes directeurs qui reviennent agrave revoir la pertinence de la notion mecircme de laquo compeacutetence linguistique raquo71 comme paradigme theacuteorique dans le cadre de lrsquoeacutetude des pathologies du langage Nous insistons sur les principes directeurs suivants

il faut raisonner en termes de laquo variations linguistiques raquo et non en termes de laquo regravegles raquo

lrsquouniteacute drsquoanalyse est lrsquo laquo eacutenonceacute produit par un locuteur auditeur non ideacutealiseacute raquo et non la laquo phrase construite par un auditeur-locuteur ideacutealiseacute raquo

71 Ceci du fait probablement de lrsquoeacutemergence du paradigme theacuteorique geacuteneacuterativiste revendiquant sous forme de postulat de deacutepart une adeacutequation entre lrsquoanalyse structurale du langage pour deacutecrire la laquo compeacutetence raquo et lrsquoeacutevidence de lrsquoexistence de cette laquo compeacutetence raquo comme base des structures cognitives humaines deacutevolues au langage qui rend possible la geacuteneacuteration des phrases grammaticales nouvelles agrave partir drsquoun ensemble limiteacute de regravegles de transformations inteacuterioriseacutees (CHOMSKY 1965 1974)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

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il convient drsquointeacutegrer les aspects psycho-cognitifs de la performance langagiegravere et la notion de laquo capaciteacutes linguistiques raquo en se deacutemarquant drsquoune vision statique de la laquo compeacutetence linguistique raquo

se meacutefier drsquoune vision isomorphique entre fonctionnement de la langue modeacuteliseacute par la theacuteorie linguistique et fonctionnement psycholinguistique modeacuteliseacute par la theacuteorie de la performance psycholinguistique

La dichotomie entre laquo compeacutetence linguistique raquo et laquo performance langagiegravere raquo nous semble assez reacuteductrice Il faut la compleacuteter par les notions de laquo capaciteacute raquo et de laquo processus de traitement raquo pour que les modegraveles linguistiques appliqueacutes agrave la performance verbale pathologique puissent revecirctir une adeacutequation psycholinguistique qui puisse mieux inteacutegrer lrsquointerpreacutetation des variabiliteacutes de performances72

Par contre en admettant que les processus impliqueacutes lors du deacutecodage de lrsquoinformation linguistique et lors du controcircle audio-phonatoire demeurent relativement opeacuterationnels on peut envisager que le patient agrammatique est en mesure de recourir agrave ses connaissances deacuteclaratives sur la langue pour comprendre ou mecircme produire une forme cible adeacutequate De ce point de vue il nous semble leacutegitime drsquoinvoquer le rocircle deacuteterminant de la compeacutetence linguistique dans les meacutecanismes de deacutetection de constructions agrammaticales

Rappelons pour finir que notre approche des strateacutegies dans lrsquoagrammatisme poursuit les orientations proposeacutees par KOLK et NESPOULOUS En effet pour KOLK (2006 237) les symptocircmes drsquoomissions ne reflegravetent pas le deacuteficit en tant que tel (la reacuteduction de la fenecirctre temporelle) mais reflegravetent lrsquoadaptation du patient agrave des capaciteacutes reacuteduites En drsquoautres termes formuleacutes par NESPOULOUS (1996) le deacuteficit sous-jacent est indirect et certaines manifestations de surface varieacutees (les symptocircmes drsquoadaptation ou palliatifs certaines substitutions) constituent des strateacutegies De plus selon NESPOULOUS une particulariteacute fondamentale de ces manifestations est leur caractegravere optionnel

345 Le fonctionnalisme

3451 Le paradigme fonctionnaliste

Quelle theacuteorie du langage inteacutegrerait les variations linguistiques comme indice valide des lois de performances et des strateacutegies caracteacuteristiques des conduites verbales agrammatiques

En accord avec la theacuteorie drsquoadaptation le paradigme fonctionnaliste73 nous semble adeacutequat DIK (1978 1997 [1989]) en reacutesume les postulats fondamentaux

72 Drsquoapregraves une communication personnelle de NESPOULOUS (2002) voir aussi SAHRAOUI (2003) 73 Voir notamment FRANCcedilOIS (2004)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

108

Les principaux postulats theacuteoriques de la Grammaire Fonctionnelle (GF74) sont les suivants

la langue est drsquoabord envisageacutee comme eacutetant un instrument drsquointeraction sociale entre ecirctres humains utiliseacutee dans le but drsquoeacutetablir une relation communicative entre les locuteurs drsquoune langue naturelle (Natural Language Users Speaker et Adressee)

la fonction laquo creacuteeacute la forme raquo en ce sens qursquoun organisme ici un systegraveme linguistique ajuste ses proprieacuteteacutes et leurs instanciations sous lrsquoeffet de certains facteurs (par exemple environnementaux psychologiques sociologiques)

la prioriteacute est donneacutee aux proprieacuteteacutes structurales et aux proprieacuteteacutes communicationnelles de la langue le fonctionnalisme est fondeacutee sur une approche de la langue en usage (usage-based approach) Du point de vue meacutethodologique cela implique drsquoeacutetudier des corpus de donneacutees verbales effectivement produites en situation attacheacutees agrave un contexte particulier

Le paradigme fonctionnel se distingue par de nombreux points de clivages meacutetatheacuteoriques du paradigme formel geacuteneacuteratif En effet pour les fonctionnalistes il srsquoagit de reacuteveacuteler la fonction instrumentale du langage dans lrsquointeraction sociale crsquoest-agrave-dire sa dimension fonctionnelle

Lrsquoeacutelaboration des outils conceptuels et analytiques de la GF procegravede des trois types drsquoadeacutequations revendiqueacutees suivantes

lrsquoadeacutequation pragmatique selon laquelle le langage utiliseacute en interaction nrsquoest pas deacutetacheacute de son substrat pragmatique crsquoest-agrave-dire qursquoil est deacutetermineacute par les paramegravetres drsquoune situation de communication

lrsquoadeacutequation psychologique selon laquelle le langage est deacutetermineacute par les capaciteacutes cognitives geacuteneacuterales deacutedieacutes agrave son encodage deacutecodage lors de la performance effective du locuteur (de ce point de vue un modegravele de la performance psycholinguistique tel que celui de LEVELT est utile)

lrsquoadeacutequation typologique selon laquelle le langage est deacutetermineacute par le principe drsquouniversaliteacute translinguistique ce qui permet drsquoappliquer les principes fonctionnels agrave la comparaison des langues et drsquoexpliquer ainsi les variations inter-langues

Lrsquoobjectif de la GF est de reconstruire une partie des capaciteacutes linguistiques du locuteur drsquoune langue naturelle (Natural Language User) qui nrsquoest pas ideacutealiseacute et qui est capable de produire et drsquointerpreacuteter correctement des expressions linguistiques dans un nombre eacuteleveacute de situations de communication cela en fonction du contexte extralinguistique (les paramegravetres de lrsquointeraction) du contexte cognitif (les connaissances sur la situation) et du contexte textuel (les expressions linguistiques utiliseacutees)

Le modegravele descriptif srsquoapplique agrave lrsquoeacutenonceacute et au-delagrave de ses frontiegraveres (au niveau discursif75 mono- ou dialogique le cas eacutecheacuteant) Il integravegre diffeacuterentes strates de repreacutesentation de 74 TFG (Theory of Functional Grammar)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

109

lrsquoeacutenonceacute auxquelles srsquoagregravegent des opeacuterateurs et satellites et ne comporte pas de transformations

Nous ne deacutecrirons pas en deacutetail le modegravele en strates ni les outils analytiques de la GF76 Ceux-ci ne seront pas convoqueacutes dans le cadre strict de cette eacutetude (crsquoest-agrave-dire en vue des analyses de corpus) Il nrsquoen demeure pas moins que nous sommes convaincue que les donneacutees verbales agrammatiques peuvent ecirctre analyseacutees sous lrsquoeacuteclairage de ce modegravele linguistique et que ses meacutethodes analytiques sont adapteacutees au type particulier de donneacutees verbales qursquoest le parler agrammatique

3452 Le fonctionnalisme cognitif Parmi les laquo orientations reacutecentes en grammaire fonctionnelle raquo (voir FRANCcedilOIS 1998b)77 celle de GIVOacuteN (1995 1998) avance que le langage srsquoinscrit dans le biologique laquo [lrsquo] approche [fonctionnaliste] est extrecircmement compatible avec la neuropsychologie cognitive qui srsquoinscrit depuis ses deacutebuts dans une approche plus fonctionnelle que structurale (1998 258) raquo

En effet il postule des correspondances entre lrsquoorganisation interne de la grammaire et le signal grammatical dans la performance effective des locuteurs Selon lui le langage humain assure deux fonctions principales laquo la repreacutesentation des connaissances raquo et la laquo communication des connaissances repreacutesenteacutees raquo 78 (GIVOacuteN 1998 257)

Pour assurer ses fonctions le codage de lrsquoinformation grammaticale srsquoaccomplit sur deux modes principaux postuleacutes dans lrsquoeacutevolution phylogeacuteneacutetique et ontogeacuteneacutetique (GIVOacuteN 1998 266)

drsquoune part le codage srsquoaccomplit sur le mode preacute-grammatical qui correspond agrave un stade initial de grammaticalisation

drsquoautre part le codage srsquoaccomplit sur le mode grammatical qui correspond agrave un stade final de grammaticalisation

Des proprieacuteteacutes structurelles fonctionnelles et cognitives caracteacuterisent chacun des deux modes de grammaticalisation

75 La GF connaicirct ses prolongements reacutecents dans le modegravele de la Theory of Functional Discourse Grammar (TFDG la Grammaire Fonctionnelle du Discours voir HENGEVELD et MACKENZIE 2006b) 76 Voir DIK(1989) et notamment FRANCcedilOIS et CORNISH (1995) 77 Dans ce recueil FRANCcedilOIS (1998 237) propose une grille de lecture du laquo qualificatif fonctionnel raquo agrave travers les dimensions seacutemiotique communicationnelle et cognitive Drsquoautre part les modegraveles explicatifs et descriptifs de la grammaire drsquoinspiration geacuteneacuterativiste formaliste fonctionnaliste et cognitive sont preacutesenteacutes en fonction de la prioriteacute donneacutee agrave telle ou telle dimension 78 Ceci nrsquoest pas sans rappeler les principes fondamentaux formuleacutes notamment par PIAGET agrave la base des theacuteories constructivistes et fonctionnalistes de la cognition selon lesquelles le langage est un laquo systegraveme symbolique raquo et un moyen de laquo communication de la penseacutee raquo (Le langage et la penseacutee chez lrsquoenfant 1923)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

110

Certaines des proprieacuteteacutes du mode de codage preacute-grammatical srsquoapparentent agrave celles de lrsquoagrammatisme (drsquoailleurs il est fait explicitement reacutefeacuterence agrave lrsquoagrammatisme pour illustrer le propos voir GIVOacuteN 1995 361-362 et p 404) telles que

au niveau structurel lrsquoabsence de morphologie grammaticale des structures syntaxiques simples ou coordonneacutees une organisation pragmatique de lrsquoordre des mots des pauses freacutequentes et longues

au niveau fonctionnel une vitesse de traitement ralentie un gros effort mental neacutecessaire des freacutequences drsquoerreurs eacuteleveacutees une grande deacutependance du codage par rapport au contexte

au niveau cognitif un mode de traitement de lrsquoinformation non automatiseacute un deacuteveloppement preacutecoce du mode preacute-grammatical dans lrsquoontogeacutenegravese et dans la phylogeacutenegravese

Ce mode de codage preacute-grammatical serait caracteacuteristique des pidgins du langage enfantin et de lrsquoaphasie agrammatique Rappelons que ce type drsquoanalogie a eacuteteacute eacutevoqueacute par ailleurs dans la litteacuterature en aphasiologie notamment par PICK (voir au point 241 p 58) en ce qui concerne les similitudes entre agrammatisme et laquo langues drsquourgence raquo (comme les pidgins) ou KOLK79 en ce qui concerne les similitudes entre les ellipses releveacutees dans lrsquoagrammatisme et dans le langage enfantin (voir au point 2433(c) p 67)

Ainsi selon GIVOacuteN (1998 266)

laquo Les enfants en peacuteriode drsquoapprentissage preacute-grammatical les locuteurs pidgins adultes et les aphasiques souffrant drsquoune perte du traitement grammatical comprennent et produisent tous un discours coheacuterent quoiqursquoavec une vitesse plus lente et avec un taux drsquoerreurs plus important que celui qui se manifeste dans des communications plus grammaticaliseacutees raquo

Cependant lrsquoaffirmation selon laquelle laquo dans la communication preacute-grammaticale (pidgin et aphasie de Broca) le code grammatical est absent raquo (1998 270) nous paraicirct discutable car quelque peu radicale En effet les mots grammaticaux ne sont pas complegravetement absents dans la performance agrammatique ce qui suggegravere qursquoil faudrait situer lrsquoagrammatisme sur un mode de codage de lrsquoinformation plutocirct intermeacutediaire entre les modes grammatical et preacute-grammatical tels qursquoil les a deacutefinis

Le paradigme fonctionnel et en particulier lrsquoapproche neuro-eacutevolutionnaire de GIVOacuteN preacutesente un inteacuterecirct tout particulier pour ce qui nous preacuteoccupe En effet la perspective qursquoil deacuteveloppe integravegre des donneacutees issues de la psycholinguistique expeacuterimentale et de la neuropsychologie

79 Pour aller au bout du raisonnement les ellipses grammaticales laquo normales raquo du langage adulte en conversation telles que deacutefinies par KOLK (voir au point 2433(c) p 67) constitueraient donc un mode preacute-grammatical de codage de lrsquoinformation

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

111

En somme lrsquoeacutetude des variations de la performance agrammatique du point de vue laquo des outils de codages du signal grammatical raquo (pour reprendre les termes de GIVOacuteN 1998 265 et dans notre cas la morphologie et la syntaxe) nous conduira agrave caracteacuteriser les strateacutegies drsquoadaptations deacuteployeacutees par le locuteur agrammatique

346 Une neuro-psycho-linguistique fonctionnelle et inteacutegrative pour lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme

Partant de lrsquoapproche multidisciplinaire et neurospycholinguistique deacutefendue par NESPOULOUS (voir NESPOULOUS 1994 318) il srsquoagit ici de preacutesenter la conception drsquoune neuropsycholinguistique laquo raisonneacutee raquo (crsquoest-agrave-dire fonctionnelle pour les raisons deacutejagrave eacutevoqueacutees) et laquo inteacutegreacutee raquo au service drsquoune description adeacutequate du comportement verbal agrammatique en particulier le versant des adaptations

Le terme neuropsycholinguistique srsquoest reacutepandu dans le champ de lrsquoeacutetude des pathologies du langage80 depuis une trentaine drsquoanneacutees Le projet de la neuropsycholinguistique est de modeacuteliser lrsquoorganisation et le fonctionnement du langage dans le cerveauesprit humain gracircce aux moyens theacuteoriques et meacutethodologiques mis agrave disposition par les disciplines aux larges interfaces que sont la neurolinguistique la psycholinguistique et la linguistique

La neurolinguistique cherche agrave construire lrsquoarchitecture fonctionnelle relative au substrat ceacutereacutebral et agrave la fonction langagiegravere dont il est la source biologique De ce fait lrsquoheacutemisphegravere gauche ou cerveau gauche laquo gestionnaire raquo de lrsquoactiviteacute de langage dans 95 des cas peut ecirctre envisageacute drsquoun point de vue pseudo-expeacuterimental dans le cas drsquoune leacutesion ceacutereacutebrale focale

La psycholinguistique srsquoassigne comme mission de construire des modegraveles par une meacutethode et des outils expeacuterimentaux adapteacutes rendant compte des processus cognitifs impliqueacutes lors de tacircches langagiegraveres cibleacutees (en compreacutehensionproduction oraleeacutecrite) Dans sa dimension cognitive la psycholinguistique srsquointeacuteresse en particulier agrave lrsquoimplication des processus mneacutesiques attentionnels et perceptifs dans la production et la compreacutehension du langage

Un des buts de la linguistique ou des sciences du langage est de fournir une theacuteorie geacuteneacuterale du langage tout en construisant des outils conceptuels et analytiques permettant de rendre compte drsquoune description adeacutequate des faits de langue

Lrsquoarticulation entre ces trois vastes domaines la linguistique la psycholinguistique et la neurolinguistique preacutefigure la vision interdisciplinaire et surtout inteacutegrative preacuteconiseacutee ici pour une raison somme toute assez eacutevidente des concepts et outils issus de ces trois disciplines diffeacuterentes ont vocation agrave deacutecrire et expliquer les manifestations du langage

80 Voir NESPOULOUS (2004 2005) Drsquoautre part la neuropsycholinguistique peut aussi bien concerner les domaines de lrsquoacquisition du langage en langue maternelle et eacutetrangegravere du bilinguisme et de lrsquoattrition ou de lrsquoaphasie dans le cas du bilinguisme

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

112

VILLIARD et NESPOULOUS (1989 21) reacutesument le projet de la neuropsycholinguistique en ces termes

laquo La discipline carrefour qursquoest la neuropsycholinguistique propose notamment drsquoexploiter lrsquoobservation clinique des troubles pathologiques de la production et de la compreacutehension du langage tels qursquoils se manifestent chez les sujets aphasiques dans le but ultime de modeacuteliser le comportement langagier dans sa normaliteacute raquo

Cette posture theacuteorique et meacutethodologique offre lrsquoavantage de favoriser un ancrage fort dans les modegraveles et les outils drsquoanalyse eacuteprouveacutes agrave lrsquointeacuterieur de chaque domaine en sciences du langage mais aussi en psycholinguistique cognitive et en neurolinguistique

Scheacutema 7 Ellipses de NESPOULOUS Neuro-psycho-linguistique et paradigme theacuteorique fonctionnaliste

Ainsi la neurospycholinguistique permet drsquoarticuler des modegraveles explicatifs et descriptifs issus de la theacuteorie du langage avec des paradigmes theacuteoriques et meacutethodologiques issus de la psychologie et avec des modegraveles et des techniques drsquoinvestigation issus des neurosciences

NEURO-PSYCHOLINGUISTIQUE (objet drsquoeacutetude agrammatisme)

PSYCHO ndashLINGUISTIQUE (modegravele de la performance psycholinguistique agrave

lrsquooral des capaciteacutes langagiegraveres)

LINGUISTIQUE

(principes theacuteoriques de la grammaire fonctionnelle et du fonctionnalisme

cognitif)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

113

Selon NESPOULOUS la linguistique demeure une discipline qui a le pouvoir drsquoarticuler cette neacutecessaire interdisciplinariteacute (voir le Scheacutema 7 p 112)

Ces domaines constituent autant de piliers sur lesquels peut reposer une neuropsycholinguistique inteacutegrative81 telle que nous pouvons la concevoir dans une perspective fonctionnelle La permeacuteabiliteacute entre les diffeacuterents domaines disciplinaires que sont la linguistique la psycholinguistique et la neurolinguistique neacutecessite drsquoen deacutegager une articulation coheacuterente eu eacutegard notre objet drsquoeacutetude lrsquoagrammatisme et vis-agrave-vis des finaliteacutes afficheacutees par cette recherche qui consistent agrave mettre en eacutevidence lrsquoactualisation du potentiel adaptatif du locuteur agrave travers lrsquoeacutetude des strateacutegies Dans ces perspectives le paradigme theacuteorique fonctionnaliste nous semble fondamental

35 Conclusion

Pour conclure nous deacutefendons lrsquoideacutee que la caracteacuterisation de la nature linguistique du trouble agrammatique fondeacutee sur une description des pheacutenomegravenes et sur un modegravele linguistique de reacutefeacuterence doit pouvoir satisfaire agrave lrsquoadeacutequation psychologique et donc doit pourvoir se conjuguer agrave une caracteacuterisation laquo proceacutedurale raquo du dysfonctionnement sous-jacent eu eacutegard la variabiliteacute des performances

De ce point de vue le paradigme fonctionnaliste en particulier le fonctionnalisme cognitif peut reacutepondre de maniegravere satisfaisante agrave la recherche drsquoune adeacutequation psychologique dans le cadre de la theacuteorie drsquoadaptation

De plus il integravegre la notion de variations comme eacuteleacutement central de toute description et interpreacutetation des formes linguistiques En effet la caracteacuterisation des pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme est fonctionnelle dans le sens ougrave elle srsquoappuie dans le cadre de cette eacutetude sur une analyse des variabiliteacutes inter-tacircches et sur une interpreacutetation de ces variabiliteacutes dans un cadre theacuteorique global ougrave le langage est drsquoabord envisageacute comme moyen de communiquer Ce qui est coheacuterent avec la notion de handicap verbal situeacute que nous avons deacutefinie au deacutebut de notre parcours agrave travers les travaux de PERRY et al (1997) ou NESPOULOUS et VIRBEL (2004) Cette notion est fondeacutee sur une approche des troubles neuropsychologiques relativiseacutee par les paramegravetres de lrsquoenvironnement (voir au point 114 p 21)

Ainsi il nous faut relativiser la symptomatologie agrammatique en tenant compte des variabiliteacutes inter-sujets inter-langues et inter-tacircches De plus les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme sont agrave caracteacuteriser sur le plan de la phrase et sur le plan du discours en quantiteacute et en qualiteacute

Les variabiliteacutes preacuteciteacutees sont de trois types

81 Sur ce point voir aussi SAHRAOUI (agrave paraicirctre)

PARTIE I 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et positionnement theacuteorique

114

elles sont situationnelles ou inter-tacircches (deacutependantes de degreacutes de contraintes de lrsquoactiviteacute langagiegravere en question)

elles sont cognitives individuelles ou inter-individus (deacutependantes de la seacuteveacuteriteacute du trouble de lrsquoeacutetat du locuteur)

elles sont linguistiques structurales ou inter-langues (deacutependantes des proprieacuteteacutes de la langue en question)

Nous nous inteacuteresserons de plus pregraves au premier type de variabiliteacute crsquoest-agrave-dire agrave la variabiliteacute inter-tacircches influenceacutee par des facteurs externes Dans notre protocole expeacuterimental les facteurs externes sont manipuleacutes agrave travers quatre tacircches de production orale

Ainsi la deuxiegraveme grande partie de ce meacutemoire srsquoattache agrave deacutecrire les principes fondamentaux du protocole expeacuterimental de collecte de donneacutees verbales (chapitre 4) ainsi que les diffeacuterentes eacutetapes de construction des corpus de leur transcription agrave leur preacute-traitement en vue de constituer un corpus de donneacutees exploitables (chapitre 5)

115

Partie II Meacutethodologie

116

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

117

4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)

40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale

401 Hypothegravese theacuteorique et opeacuteratoire

Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives ou compensatoires peut ecirctre eacutetayeacutee en mettant en eacutevidence certains comportements ou certaines variations de comportement selon le type de situation ougrave le locuteur est impliqueacute

Si la situation varie en termes de pressions externes exerceacutees sur la verbalisation les symptocircmes linguistiques refleacutetant des proceacutedures compensatoires ou des conduites strateacutegiques peuvent ecirctre mis en avant Les pressions exerceacutees peuvent ecirctre manipuleacutees en situations expeacuterimentales plus ou moins contraintes Pour ce faire nous proposons de mettre en place quatre situations expeacuterimentales ou pseudo-expeacuterimentales

Lrsquoobjectif de lrsquoeacutetude consiste agrave deacutecrire les effets drsquoune manipulation expeacuterimentale opeacutereacutee sur quatre tacircches calibreacutees (voir le Scheacutema 8 ci-apregraves p 118) Les variables deacutependantes concernent essentiellement la composante morpho-syntaxique du discours produit agrave lrsquooral

Lrsquoeacutetude de ces variables linguistiques en fonction des locuteurs et des tacircches a pour finaliteacute drsquoenvisager trois dimensions de la performance agrammatique qui nous semblent inextricablement lieacutees

(1) la dimension laquo deacuteficit incapaciteacute raquo refleacuteteacutee par des symptocircmes de perturbation crsquoest-agrave-dire pheacutenomegravenes patholinguistiques de non fluence verbale drsquoomissions ou de substitutions de morphegravemes de constructions inadeacutequates

(2) la dimension laquo capaciteacute preacuteserveacutee raquo refleacuteteacutee par des symptocircmes de formulation linguistique adeacutequate

(3) la dimension laquo adaptative raquo qui reacutesultent de lrsquointeraction des deux autres dimensions avec les contraintes de la situation refleacuteteacutee par la formulation de constructions originales ou alternatives

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

118

Pheacutenomegravenes drsquoadaptationSymptocircmes linguistiques compensatoireset principe des laquo lois de performances raquo

gt adaptations preacuteventives (style elliptique) et correctives selon KOLK

gt strateacutegies palliatives selon NESPOULOUS

Situations expeacuterimentales agrave degreacutes de contraintes variables deacutetermineacutes par

gt la preacutecision grammaticale induite (cible linguistique) par la preacutesence et la qualiteacute drsquoun stimulus

gt les contraintes externes consigne et limitation temporelle

4 tacircches de production

Systegraveme cognitif preacuteserveacute

Symptocircmes refleacutetant les capaciteacutes preacuteserveacutees

HANDICAP VERBAL SITUEacute

Systegraveme cognitif perturbeacute

Symptocircmes refleacutetant le deacuteficit lrsquoincapaciteacute

Pheacutenomegravenes drsquoadaptationSymptocircmes linguistiques compensatoireset principe des laquo lois de performances raquo

gt adaptations preacuteventives (style elliptique) et correctives selon KOLK

gt strateacutegies palliatives selon NESPOULOUS

Situations expeacuterimentales agrave degreacutes de contraintes variables deacutetermineacutes par

gt la preacutecision grammaticale induite (cible linguistique) par la preacutesence et la qualiteacute drsquoun stimulus

gt les contraintes externes consigne et limitation temporelle

4 tacircches de production

Systegraveme cognitif preacuteserveacute

Symptocircmes refleacutetant les capaciteacutes preacuteserveacutees

HANDICAP VERBAL SITUEacute

Systegraveme cognitif perturbeacute

Symptocircmes refleacutetant le deacuteficit lrsquoincapaciteacute

Scheacutema 8 Principes meacutethodologiques de mise en eacutevidence des pheacutenomegravenes drsquoadaptation

caracteacuterisation des variations inter-tacircches issues de lrsquointeraction entre incapaciteacutes drsquoencodage capaciteacutes drsquoencodage preacuteserveacutees et contraintes de la situation expeacuterimentale

Pour cette eacutetude une attention particuliegravere est porteacutee sur les capaciteacutes de structuration ou de complexification morphologique et syntaxique du discours agrave travers une description fine quantitative et qualitative des corpus collecteacutes Les variables deacutependantes srsquoarticulent autour des cateacutegories de variables CORPUS MORPH et SYNTAX qui reflegraveteront les diffeacuterents symptocircmes linguistiques observables en surface Relativement agrave ces trois grandes cateacutegories de variables les mesures appliqueacutees aux corpus sont preacutesenteacutees en deacutetail dans le chapitre 5

Au final lrsquoeacutetude des tendances inter-groupes inter-tacircches et inter-sujets selon les variables ainsi deacutefinies nous conduira agrave deacutegager les tendances notables crsquoest-agrave-dire les variations de comportement verbal des patientslocuteurs agrammatiques et controcircles (chapitre 6)

Mais avant drsquoen arriver lagrave il est neacutecessaire de preacutesenter les eacutetapes successives ayant abouti agrave la construction du corpus oral eacutetudieacute depuis la mise en place du protocole expeacuterimental tel qursquoil a eacuteteacute penseacute dans ses principes meacutethodologiques jusqursquoagrave la transcription et agrave la formalisation des observables Pour finir nous exposerons en deacutetail les preacute-traitements

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

119

appliqueacutes aux corpus oraux (notamment les principes drsquoidentification des particules de discours de segmentation des corpus de discours continu et drsquoextraction des observables laquo mots extraits raquo)

402 Position meacutethodologique

Dans le cas de lrsquoagrammatisme des tacircches de jugement de grammaticaliteacute ou de compleacutetion de phrase par un item grammatical par exemple permettent drsquoeacutevaluer les capaciteacutes de compreacutehension ou de production en ciblant preacuteciseacutement des variables drsquointeacuterecirct (deacutependantes) et en controcirclant certains paramegravetres (variables indeacutependantes)

Ce type de tacircche privileacutegie la mesure du temps de reacuteaction (le laps de temps se deacuteroulant entre la preacutesentation drsquoun stimulus et le moment de la reacuteponse qui peut aller de quelques millisecondes agrave plusieurs dizaines de secondes) ou la qualiteacute de la reacuteponse agrave la premiegravere tentative (correcte ou incorrecte)

La tendance dominante dans le domaine de la psycholinguistique cognitive actuelle revient agrave privileacutegier ce type de meacutethode expeacuterimentale ougrave un maximum de variables deacutependantes et indeacutependantes puissent ecirctre controcircleacutees

Dans le cas de tacircches in vitro (crsquoest-agrave-dire laquo tregraves controcircleacutees raquo) telles que celles que nous avons citeacutees ci-dessus les strateacutegies palliatives seraient pour le patient-locuteur agrammatique difficiles agrave mettre en place ou si elles lrsquoeacutetaient pourraient ecirctre coteacutees comme eacutetant des laquo erreurs raquo du fait de lrsquoeacutecart par rapport agrave la reacuteponse attendue

Pour nous lrsquointeacuterecirct de ces meacutethodes nrsquoest pas agrave remettre en question Dans notre cas agrave la diffeacuterence de ce type de protocole expeacuterimental laquo tregraves controcircleacute raquo nous privileacutegions une meacutethode expeacuterimentale laquo assouplie raquo ougrave une marge de manœuvre assez large est laisseacutee au locuteur eacutetant donneacute que notre but consiste agrave identifier les strateacutegies du patient-locuteur dans la communication

Cela implique donc de lui laisser une marge de liberteacute assez suffisante mais en mecircme temps de pouvoir controcircler le type de discours cible Ainsi notre protocole srsquoarticule autour de 4 tacircches diffeacuterentes de production orale82 Celles-ci ont eacuteteacute choisies et mises en perspective les unes par rapport aux autres suivant une gradation de contraintes externes appliqueacutees agrave chacune drsquoelle

tacircche 1 production de discours autobiographique spontaneacute (reacutecit de la maladie ou reacutecit drsquoun voyage)

tacircche 2 production de discours narratif continu (reacutecit de deux contes (a) Le Petit Chaperon Rouge et (b) Cendrillon)

tacircche 3 production de discours narratifdescriptif continu agrave partir drsquoune seacutequence de 4 images repreacutesentant une histoire avec un calembour

tacircche 4 production drsquoune seule phrase agrave partir drsquoune seule image repreacutesentant une action ou une scegravene avec des personnages dans une situation concregravete de la vie quotidienne

82 Les quatre types de tacircches sont codeacutees systeacutematiquement ainsi tacircche 1 tacircche 2 (a et b) tacircche 3 et tacircche 4

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

120

Dans le point suivant nous deacutetaillons les principes meacutethodologiques qui sous-tendent les caracteacuteristiques des 4 tacircches preacuteciteacutees

403 Degreacutes de liberteacutecontraintes associeacutes aux tacircches

WILLEMS et RAUSH (1969 citeacutes par MYERS et HANSEN 2003 72) fournissent les repegraveres meacutethodologiques permettant de caracteacuteriser une tacircche suivant les degreacutes de contraintes externes (temps consigne) et internes (qualiteacute du stimulus) attacheacutes agrave un test Voyons cela en deacutetail

4031 Contraintes externes sujeacutetion des uniteacutes (temps et consigne)

Le degreacute de sujeacutetion des uniteacutes correspond aux conditions externes mises en place par lrsquoexpeacuterimentateur pour mener lrsquoactiviteacute crsquoest-agrave-dire aux contraintes externes agrave la tacircche (lrsquoaxe vertical de gauche dans le Tableau 4 p 122)

Les performances du locuteur sont influenceacutees par

le temps crsquoest-agrave-dire les limites temporelles imposeacutees (temps alloueacute pour avoir une reacuteponse apregraves la preacutesentation drsquoun stimulus) Dans notre protocole aucune limite temporelle nrsquoest imposeacutee

la consigne crsquoest-agrave-dire la proceacutedure agrave respecter en manipulant les stimuli ou en donnant la reacuteponse On aura par exemple une consigne du type Parlez-moi de ce qui vous est arriveacute pour la tacircche 1 ou Vous devez me dire preacuteciseacutement ce qui se passe sur cette image pour la tacircche 4

4032 Contraintes internes manipulation des anteacuteceacutedents (stimuli)

Le degreacute de manipulation des anteacuteceacutedents correspond aux conditions internes mises en place par lrsquoexpeacuterimentateur pour mener lrsquoactiviteacute crsquoest-agrave-dire les contraintes internes agrave la tacircche (cf lrsquoaxe horizontal de gauche dans le Tableau 4 p 122)

La tacircche de production est deacutetermineacutee notamment en fonction du type et de la maniegravere dont les stimuli sont utiliseacutes

En effet la preacutesence ou lrsquoabsence de stimulus ainsi que sa qualiteacute conditionnent la qualiteacute des donneacutees obtenues au final des genres discursifs plus ou moins controcircleacutes gracircce aux stimuli sont influenceacutes par les supports imageacutes

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

121

Pour la tacircche 1 aucun anteacuteceacutedent ou stimuli construit au preacutealable auditif ou visuel nrsquoest utiliseacute car lrsquoactiviteacute langagiegravere repose sur une interaction tregraves spontaneacutee avec le participant

Suivant les possibiliteacutes du participant surtout pour les locuteurs aphasiques lrsquointeraction est plus ou moins guideacutee relanceacutee par des questions ponctueacutee par des phatiques des eacuteleacutements de neacutegociation du sens des propos aidant agrave confirmer ou mieux comprendre lrsquoinformation donneacutee

Pour les tacircches 2 3 et 4 les stimuli preacutesenteacutes sont des images Ils ont eacuteteacute construits en vue drsquoorienter la production sur un certain type de discours

Selon les tacircches les productions sont donc ancreacutees dans une situation plus ou moins naturelle ou construite artificielle

Dans le cas ougrave un stimulus est utiliseacute il lrsquoest de diffeacuterentes maniegraveres selon les tacircches concerneacutees

pour la tacircche 2 les images sont montreacutees au sujet puis enleveacutees ou laisseacutees si la narration est trop difficile

pour la tacircche 3 quatre images sont remises en ordre logique puis laisseacutees comme support pendant la production aussi longtemps que neacutecessaire

pour la tacircche 4 les images sont laisseacutees agrave la vue du sujet tant qursquoil en a besoin

404 Synthegravese les caracteacuteristiques des tacircches de production suivant les contraintes externes et internes

Le tableau ci-apregraves (Tableau 4 p 122) preacutesente les caracteacuteristiques des diffeacuterentes tacircches de production orale de maniegravere agrave donner une vue relative de leurs degreacutes de liberteacute suivant les contraintes internes et externes de chaque condition expeacuterimentale

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

122

+ eacuteleveacute

Tacircche 4 (4-ELA) + +

Structures syntaxiques cibles Stimuli 60 images

drsquoactionsscegravenes varieacutees

= moyen

Tacircche 2 (a) (b) = =

Narration de contes connusStimuli planches drsquoimages

regardeacutees puis retireacutees

Tacircche 3 (3-MJ) = +

Narration drsquohistoires ineacutedites Stimuli 4 images styliseacutees (12

seacutequences)

- faible

Tacircche 1 - -

Reacutecit de la maladie Pas de stimulus

laquo D

egreacute

de

sujeacute

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faible =

moyen +

eacuteleveacute

laquo Degreacute de manipulation des anteacuteceacutedents raquo contraintes internes agrave la tacircche

QUALITEacute et UTILISATION DU STIMULUS

Tableau 4 Principes caracteacuterisant les degreacutes de contraintes associeacutes agrave chaque tacircche de production

La collecte de donneacutees patholinguistiques et controcircles srsquoappuie sur ces principes basiques de manipulation des conditions expeacuterimentales en vue de mener une observation de comportement

Pour la tacircche 1 la production de discours attendue est tregraves libre relativement aux autres tacircches car les degreacutes de sujeacutetion des uniteacutes et de manipulation des anteacuteceacutedents sont tregraves faibles (signes laquo - - raquo)

Pour la tacircche 2 les degreacutes sont moyens (signes laquo = = raquo) car il srsquoagit de discours narratif plus cibleacute sur un contenu particulier mais assez libre car il ne deacutepend pas de la preacutesence de stimuli visuels (ils sont retireacutes)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

123

Ensuite pour la tacircche 3 le fait de srsquoappuyer encore plus sur un stimulus imageacute rend la tacircche plus contraignante en particulier agrave cause drsquoun degreacute de contrainte suppleacutementaire impliquant la preacutesence des stimuli (signes laquo = + raquo les stimuli sont laisseacutes)

Enfin pour la tacircche 4 les degreacutes de contraintes externes et internes agrave la tacircches sont les plus forts relativement aux autres tacircches car chaque structure attendue est preacuteciseacutement controcircleacutee par un stimulus bien deacutetermineacute (signes laquo + + raquo)

Toutes ces situations de production visent agrave ecirctre expeacuterimentalement et eacutecologiquement valides

Agrave travers ces 4 tacircches mises en perspectives les unes par rapport aux autres nous espeacuterons ainsi avoir trouveacute un laquo juste milieu raquo entre une meacutethode plutocirct expeacuterimentale du domaine de la psycholinguistique et une meacutethode plutocirct eacutecologique qui serait caracteacuteristique de la linguistique de lrsquooral

Sur ces aspects meacutethodologiques lieacutes agrave la collecte de donneacutees verbales NESPOULOUS (1989 253) explique

laquo [Il est possible de se placer] agrave mi-chemin [hellip] entre lrsquoobservation laquo in vitro raquo expeacuterimentale - qui gagne en rigueur ce qursquoelle perd en naturel ndash et lrsquoobservation laquo in vivo raquo ou laquo eacutecologique raquo - qui perd en rigueur ce qursquoelle gagne en naturel raquo

La laquo rigueur raquo agrave laquelle NESPOULOUS fait reacutefeacuterence est celle du controcircle des paramegravetres de la situation expeacuterimentale (crsquoest-agrave-dire des conditions de la passation ou variables indeacutependantes)

En effet tout au long de notre reacuteflexion sur les aspects meacutethodologiques de cette eacutetude nous eacutetions consciente qursquoune tacircche de production de discours spontaneacute implique un tregraves grand nombre de facteurs non controcircleacutes par lrsquoexpeacuterimentateur

Agrave lrsquoopposeacute des tacircches tregraves contraignantes comme la production de phrases isoleacutees impliquent de controcircler lrsquoeacutenonceacute cible attendu

Agrave lrsquoinstar de NESPOULOUS on peut donc opposer la laquo rigueur expeacuterimentale raquo drsquoune tacircche ougrave les paramegravetres ou variables indeacutependantes sont tregraves controcircleacutees au caractegravere laquo naturel eacutecologique raquo drsquoune autre tacircche de production libre

Nous souhaitons toutefois preacuteciser deux choses qursquoil faut garder agrave lrsquoesprit

le laquo manque de rigueur raquo de lrsquoobservation in vivo nrsquoimplique pas du tout un laquo manque de rigueur raquo des analyses qui en deacutecoulent Les analyses de corpus fines et cibleacutees sur des variables linguistiques les mieux deacutefinies possibles mecircme lorsqursquoil srsquoagit drsquoanalyser du discours tregraves spontaneacute en sont la preuve (voir les chapitres 5 et 6)

une situation mecircme tregraves eacutecologique demeure toujours en quelque sorte une situation expeacuterimentale du fait mecircme qursquoun comportement est observeacute dans cette situation83

83 Communication personnelle de DUVIGNAU (2006)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

124

41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale

Pour toutes les tacircches les questions trop preacutecises sont eacuteviteacutees par lrsquoexpeacuterimentatrice afin de favoriser le plus possible la production de discours continu de type monologique malgreacute la situation dialogique

Ainsi le but est drsquoamener le participant agrave eacutelaborer son discours le plus possible en eacutevitant ainsi la production de reacuteponses trop succinctes Cette maniegravere de mener les entretiens est plus caracteacuteristique des entretiens reacutealiseacutes avec des participants agrammatiques que controcircles Mais dans tous les cas nous nous sommes appliqueacutee agrave relancer la production par des questions geacuteneacuterales telles que

Racontez-moi

Qursquoest-ce qui se passe Qursquoest-ce qui srsquoest passeacute ensuite

Comment ccedila se passe Comment ccedila srsquoest passeacute racontez-moi en deacutetail

Expliquez-moi je nrsquoai pas compris

Dans certains cas si les explications ou reformulations ne suffisent pas pour lever une ambiguumliteacute difficile agrave reacutesoudre ou une incompreacutehension le recours agrave lrsquoeacutecrit peut ecirctre une bonne solution

Pour toutes les tacircches nous preacutesentons en Annexe E-399-414 les stimuli utiliseacutes et le cas eacutecheacuteant les structures cibles attendues (en production de phrases isoleacutees tacircche 4 Annexe E-404) ainsi que les consignes et proceacutedures associeacutees telles que nous les avons consigneacutees dans le formulaire drsquoexamen

411 Tacircche 1 Production orale de discours continu spontaneacute autobiographique (reacutecit de la maladie de voyage)

4111 Objectif

Avant toute chose un questionnaire drsquoentreacutee est proposeacute au participant (voir en Annexe A-381) Lrsquoobjectif de ce questionnaire est de collecter des informations geacuteneacuterales sur le participant La soumission du questionnaire (agrave lrsquooral) est enregistreacutee Ce premier entretien est une bonne solution pour mieux connaicirctre le participant et lrsquohabituer agrave lrsquoideacutee que sa parole est enregistreacutee Ensuite lors drsquoun nouvel entretien le protocole de collecte de donneacutees verbales peut commencer La premiegravere tacircche consiste agrave demander au participant de faire le reacutecit de lrsquohistoire de sa maladie

Les donneacutees verbales collecteacutees pour cette premiegravere tacircche sont les plus spontaneacutees Lrsquoentretien est semi-guideacute et tregraves ouvert Les questions poseacutees aux locuteurs agrammatiques et controcircles portent sur des aspects tregraves personnels de leur vie

Lrsquoobjectif est drsquoobtenir un corpus de discours continu autobiographique

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

125

4112 Proceacutedure

Les entretiens avec les patients agrammatiques durent assez longtemps en geacuteneacuteral jusqursquoagrave une ou deux heures

En geacuteneacuteral les participants agrammatiques acceptent volontiers de raconter lrsquohistoire de leur aphasie Le thegraveme de la discussion est tregraves bien circonscrit dans un premier temps et motive lrsquoemploi du monologue mais il srsquoouvre facilement sur drsquoautres aspects de la vie personnelle du locuteur comme les vacances la vie professionnelle la famille

Avec les participants aphasiques lrsquoentretien autour de la maladie se transforme souvent en discussion agrave bacirctons rompus Cela permet de revenir sur des aspects autobiographiques et ainsi de mieux connaicirctre la personne et son veacutecu

Au final gracircce agrave ces connaissances sur la personnaliteacute et drsquoautres aspects de la vie du patient il est beaucoup plus facile drsquoinduire le contenu de certains propos

412 Tacircche 2 Production orale de discours continu narratif (Le Petit Chaperon Rouge et Cendrillon)

4121 Objectif

Le participant raconte les histoires du Petit Chaperon Rouge et de Cendrillon telles qursquoil les connaicirct

Ce type de tacircche est classiquement utiliseacute dans la litteacuterature en aphasiologie En effet elle preacutesente le grand avantage de motiver un discours plutocirct spontaneacute tout en ayant une ideacutee preacutecise de ce que veut dire le participant On srsquoappuie ainsi sur la meacutemoire collective des contes de lrsquoenfance tregraves communeacutement partageacutee

Lrsquoobjectif est de collecter un corpus de discours continu narratif peu influenceacute par les stimuli imageacutes qui ont eacuteteacute montreacutes avant la narration puis retireacutes

Pour cette tacircche de production (tacircche 2) le type de discours collecteacute est plus contraint que celui qui est obtenu dans la tacircche 1 du fait de la consigne et de lrsquoutilisation mecircme partielle des images

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

126

4122 Mateacuteriel et proceacutedure

(a) Mateacuteriel

Les planches drsquoimages que nous avons utiliseacutees pour cette tacircche figurent en Annexe E-400-401 Le petit format des vignettes et le style de dessin nrsquoest pas propice agrave une description tregraves deacutetailleacute Certains deacutetails sont mecircmes difficilement visibles

(hellip)

Illustration 1 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(a) production de discours continu (conte du Petit Chaperon Rouge Imageries drsquoEpinal)

(hellip)

Illustration 2 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(b) production de discours continu (conte de Cendrillon Imageries drsquoEpinal)

(b) Proceacutedure

Les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice se limitent agrave la consigne et agrave quelques questions geacuteneacuterales pour relancer le discours Lorsque des propos de lrsquoexpeacuterimentatrice tiennent lieu de

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

127

facilitations pour laquo deacutebloquer raquo ou faire avancer le reacutecit et sont repris par le participant nous prenons bien soin de les distinguer de ce qui a eacuteteacute formuleacute sans assistance directe

Ainsi les analyses de la performance agrammatique a posteriori sont autant que faire se peut le moins biaiseacutees possible par les propos de lrsquoexpeacuterimentatrice

Les planches drsquoimages sont laisseacutees au participant le temps neacutecessaire afin qursquoil puisse se remeacutemorer la structure narrative du conte Puis il se lance une fois qursquoil se sent precirct agrave raconter et les images sont retireacutees Si agrave un moment donneacute du reacutecit il ne se souvient plus de se qui se passe ou mecircme agrave sa demande explicite il peut revoir les images

Cette proceacutedure de passation nrsquoa pas eacuteteacute rigoureusement suivie pour lrsquoun des participants agrammatiques qui eacuteprouvait un reacuteel besoin des images en guise de support de son reacutecit Nous avons fait une exception pour BR_agr84 qui avait en effet besoin drsquoavoir les planches drsquoimages constamment sous les yeux pour mener le reacutecit agrave son terme

413 Tacircche 3 Production orale de discours continu narratifdescriptif agrave partir drsquoune seacutequence drsquoimages (Maicirctre Jacot)

4131 Objectif

Comme pour les 2 premiegraveres tacircches de production lrsquoobjectif est de collecter du discours continu Cependant pour cette tacircche lrsquoideacutee est de contraindre un peu plus la production par rapport aux tacircches 1 et 2 par la preacutesence constante de stimuli imageacutes En conseacutequence leur preacutesence a plus drsquoinfluence sur la preacutecision grammaticale du discours agrave produire des points de vue morpho-lexical et syntaxique

En effet les eacutevegravenements repreacutesenteacutes sur les images (voir p 128) respectent une suite logique et les personnages et les objets autour desquels srsquoarticulent les histoires sont tregraves speacutecifiques

Par rapport aux deux premiegraveres tacircches la tacircche de production de discours continu agrave partir drsquoimages (tacircche 3) ne laisse pas autant de marge de manœuvre au participant

Lrsquoobjectif est drsquoobtenir un discours continu narratif drsquoapregraves un set de quatre images styliseacutees tout en augmentant par rapport aux deux autres premiegraveres tacircches la preacutecision grammaticale viseacutee en lien avec les deacutetails de lrsquohistoire agrave raconter

84 Alors que sa profession eacutetait instituteur et qursquoil connaissait donc parfaitement les contes

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

128

4132 Mateacuteriel et proceacutedure

(a) Mateacuteriel

Chaque histoire met en scegravene des personnages varieacutes dont un personnage et son chien qui sont les heacuteros des histoires85 Le dessin (PRESS 1998) est suffisamment styliseacute pour eacuteviter toute ambiguiumlteacute

Le participant reconstitue le cours des eacutevegravenements et la subtiliteacute humoristique de leur enchaicircnement en remettant les images suivant un ordre logique Chaque histoire se termine par un calembour

De plus les images ont eacuteteacute suffisamment preacutealablement testeacutees aupregraves de locuteurs divers et mecircme de personnes aphasiques pour veacuterifier leur adeacutequation au type de discours rechercheacute (discours continu narratif descriptif) Par ailleurs nous avons choisi cette batterie drsquohistoires et drsquoimages car elles ne sont pas infantilisantes

La progression de lrsquohistoire respecte ce scheacutema narratif geacuteneacuteral

(1) premiegravere image situation initiale

(2) deuxiegraveme image action 1 (complication 1)

(3) troisiegraveme image prolongement de lrsquoaction 1 ou action 2 (complication 2)

(4) quatriegraveme image calembour et situation finale

En voici un exemple

3-MJ09 - la banane et le singe86

1 2 3 4

Illustration 3 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 3 production de discours continu

85 Les sept planches des histoires de Maicirctre Jacot qui ont eacuteteacute retenues pour la collecte de donneacutees dans le cadre de cette eacutetude figurent en Annexe E-402 86 La taille reacuteelle des images est de 9 X 9 cm

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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(b) Proceacutedure

Agrave tous les participants les douze histoires sont donneacutees dans le mecircme ordre (voir le Tableau 5 ci-dessous)

Pour chaque histoire les quatre images sont donneacutees au participant en deacutesordre Il prend soin de mettre en ordre les images en les agenccedilant suivant la logique coheacuterente de lrsquoenchaicircnement des eacuteveacutenements

Une fois que la seacutequence drsquoimages a eacuteteacute mise en ordre lrsquoexpeacuterimentatrice veacuterifie lrsquoexactitude de lrsquoagencement Si une erreur est constateacutee on demande au participant de corriger cette erreur en replaccedilant correctement les images dans un autre ordre Une fois que lrsquoerreur ou lrsquoambiguumliteacute de lrsquohistoire est reacutesolue le participant raconte lrsquohistoire quand il est precirct

Cette proceacutedure preacutesente cet avantage lrsquoexpeacuterimentatrice est sucircre que le participant a bien compris lrsquohistoire avant de la raconter En cas drsquoerreur le fait de dire au participant que lrsquoordre nrsquoest pas juste et de lui demander de corriger son erreur lrsquoamegravene agrave mieux comprendre lrsquohistoire et la subtiliteacute du calembour

Comme pour les autres tacircches aucune contrainte temporelle nrsquoest imposeacutee au participant Les images sont laisseacutees le temps neacutecessaire agrave la narration

Les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice sont les plus limiteacutees possibles Cependant ce nrsquoest qursquoau cas ougrave la deacutetresse verbale met la production en eacutechec que lrsquoexpeacuterimentatrice apporte un eacuteleacutement facilitateur Aussi rien nrsquoempecircche de revenir avec les locuteurs agrammatiques en particulier sur les structures qui eacutetaient difficiles agrave formuler apregraves la narration

(c) Seacutelection de 7 des 12 histoires

Parmi les douze histoires que nous avons proposeacutees aux participants sept ont eacuteteacute retenues pour les transcriptions et analyses quantitatives ulteacuterieures (voir le Tableau 5 ci-dessous et en Annexe E-402)

Codes 12 Histoires raconteacutees et enregistreacutees 7 Histoires retenues en vue des analyses 3-MJ01 le pommier du voisin 01retenue 3-MJ02 le timbre et le chien 3-MJ03 le verglas et la banane 03retenue 3-MJ04 la pantoufle et le chien 3-MJ05 la deacutemonstration de boomerang 05retenue 3-MJ06 le chien et le fauteuil 06retenue 3-MJ07 le chien le chat et le journal 07retenue 3-MJ08 scier deux arbres 08retenue 3-MJ09 la banane et le singe 09retenue 3-MJ10 le chacircteau de cartes 3-MJ11 le ballon et le cactus 3-MJ12 photographier un bouc

Tableau 5 Seacutequences drsquohistoires de Maicirctre Jacot retenues (7 sur 12) pour les analyses quantitatives tacircche 3 de production de discours continu

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

130

En effet dans le strict cadre de ce travail de thegravese nous avons deacutecideacute de ne pas analyser la totaliteacute des donneacutees collecteacutees pour cette tacircche en ne retenant que sept des douze histoires raconteacutees Ceci pour les raisons suivantes

des difficulteacutes drsquoordre pratique le temps consacreacute agrave la transcription et la mise en forme des donneacutees est extrecircmement long (environ 1 heure de travail de transcription est neacutecessaire pour 5 mn drsquoenregistrement)

certaines histoires nrsquoont pas eacuteteacute retenues car elles ont poseacute des problegravemes divers chez certains locuteurs aphasiques ou controcircles (incompreacutehension de la suite logique des eacuteveacutenements et erreurs sur la narration des eacuteveacutenements)

sur les douze histoires raconteacutees la quantiteacute de donneacutees verbales collecteacutees pour les sept histoires seacutelectionneacutees nous semble largement suffire

414 Tacircche 4 Production orale de phrases agrave partir drsquoimages

4141 Objectif

Parmi les tacircches de production proposeacutees la tacircche 4 est la seule dont le discours cible nrsquoest pas continu Il srsquoagit de faire produire des phrases isoleacutees dont la structure est attendue du fait de la preacutesentation drsquoun stimulus imageacute tout en laissant un certain degreacute de liberteacute au locuteur dans sa formulation Les structures cibles sont tregraves controcircleacutees des points de vue morpho-lexical et syntaxique mais les locuteurs ont quand mecircme le libre choix de leur production dans une certaine mesure La tacircche de production de phrases isoleacutees est toutefois la tacircche de production ougrave les stimuli contraignent le plus fortement la preacutecision grammaticale viseacutee lors de la formulation

Les corpus obtenus aupregraves du groupe controcircle nous servent de reacutefeacuterence linguistique globale par rapport agrave laquelle les corpus agrammatiques peuvent ecirctre compareacutes

4142 Mateacuteriel et proceacutedure

(a) Mateacuteriel

Nous utilisons une batterie drsquoimages intituleacutee Everyday Life Activities (deacutesormais ELA STARK 1992) qui a eacuteteacute conccedilue pour la reacuteeacuteducation du langage ou pour lrsquoeacutelaboration de tests psycholinguistiques (de compreacutehension syntaxique ou lexicale de deacutenomination de production de phrases ou de discours continu spontaneacute etchellip)

Chaque image preacutesente un personnage en situation et accomplissant une action Ces situations agrave caractegravere simple et familier impliquent des scegravenes de la vie quotidienne

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Les images retenues pour le test figurent en Annexe F-404-41487 En voici un exemple

Lrsquoenfant se mouche

Illustration 4 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 4 production de phrases isoleacutees

(b) Calibrage du test aupregraves de dix locuteurs tout-venant

Lors drsquoune phase de preacute-tests nous avons collecteacute les productions de dix locuteurs tout-venant drsquoapregraves 116 images

Une fois les phrases transcrites nous avons identifieacute les phrases pour lesquelles la structuration eacutetait identique ou tregraves proche du point de vue formel au niveau du lexique et de la syntaxe Pour chaque image preacute-testeacutee au moins 8 structures produites sur les 10 produites par les locuteurs tout-venant devaient respecter au moins 3 des 4 critegraveres fixeacutes ci-apregraves par ordre drsquoimportance

critegravere 1 identiteacute des situations ou des actions associeacutees agrave lrsquoimage

critegravere 2 identiteacute des procegraves exprimeacutes par le verbe identiteacute des verbes utiliseacutes verbes synonymes ou tregraves proches seacutemantiquement

critegravere 3 preacutesence du nombre minimal drsquoarguments obligatoires de la matrice syntaxique (Sujet Objet)

critegravere 4 place adeacutequate des rocircles theacutematiques dans la matrice syntaxique (Agent Patient)

Les images pour lesquelles au moins 8 structures produites ne respectent pas au moins 3 critegraveres sur 4 ont eacuteteacute exclues du test final Au final 60 structures cibles associeacutees agrave des images ont ainsi eacuteteacute retenues en vue de la passation du protocole

87 Leur taille reacuteelle est de 15 X 10 cm

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

132

(c) Structures cibles plausibles

Les constructions cibles retenues pour la tacircche 4 impliquent des structurations syntaxiques varieacutees Selon les cas les phrases impliquent des tournures agrave verbe copule agrave verbe intransitif ou transitif agrave 1 2 ou 3 arguments obligatoires et sont reacuteversibles ou irreacuteversibles selon les cas

Nous rappelons encore ici que les locuteurs choisissent librement les structures agrave formuler en respectant au mieux la consigne qui consiste agrave expliciter avec preacutecision ce qui se passe sur lrsquoimage

Pour une mecircme image plusieurs structures demeurent plausibles Cet aspect est illustreacute par les exemples ci-dessous (Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)Tableau 6) Agrave chaque stimulus imageacute correspondent plusieurs formulations plausibles varieacutees

Ndeg du stimulus Phrases plausibles 0050 le pegravere est malade

le pegravere a de la fiegravevre 0387 le pegravere boit du vin

lrsquohomme goucircte un verre de vin blanc 0494 le pegravere sort le linge du lave-linge

le pegravere enlegraveve le linge de la machine agrave laver le pegravere met le linge dans la machine agrave laver lrsquohomme vide la machine agrave laver lrsquohomme remplit le lave-linge le pegravere fait une lessive

0902 la dentiste soigne les dents de lrsquoenfant le fils est chez le dentiste

Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)

Les diffeacuterences entre les structures produites par les locuteurs tout-venant peuvent ainsi concerner

(a) le lexique

(b) le type de verbe employeacute selon qursquoil soit transitif intransitif agrave 1 2 ou 3 arguments

(c) la structure syntaxique le nombre drsquoarguments employeacutes leur caractegravere facultatif ou obligatoire

Nous ne pouvons donc pas fournir de structures ou phrases cibles qui correspondent de maniegravere immuable agrave chaque stimulus mecircme si les variations entre formulations de locuteurs tout-venant diffeacuterents sont somme toute tregraves minimes Par conseacutequent nous preacutefeacuterons fournir une base de structures cibles plausibles non exhaustive (pour les deacutetails concernant les stimuli les structures plausibles les structures preacutedicatives et les structures syntaxiques attendues voir en Annexes F-404-417)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

133

De plus comme pour les autres tacircches de production les donneacutees verbales controcircles constituent un reacutefeacuterentiel linguistique avec lequel il est possible de comparer les performances agrammatiques

Un eacutechantillon de ce corpus de reacutefeacuterence construit drsquoapregraves les productions de 3 des 9 participants controcircles est fourni en Annexe I-646-648 I-658-660 et I-671-673

(d) Proceacutedure

Les images sont preacutesenteacutees dans un ordre aleacuteatoire qui est identique agrave toutes les passations

Drsquoabord on preacutesente les personnages qui sont les membres drsquoune famille que lrsquoon peut deacutenommer ainsi lrsquoenfant le garccedilon le fils le fregravere la fille la jeune fille la sœur la dame la femme la megravere la maman lrsquohomme le pegravere le papa La deacutenomination lexicale est libre

Avant de commencer le test en lui-mecircme il convient de bien faire comprendre la consigne par un entraicircnement sur une dizaine drsquoimages La consigne agrave respecter consiste agrave expliciter preacuteciseacutement ce qui se passe sur lrsquoimage qui fait quoi sur lrsquoimage et eacuteventuellement qui fait quoi agrave qui Si la phrase produite ne nous semble pas assez preacutecise on demande au participant de reformuler en eacutetant plus preacutecis

Une fois que la consigne est bien comprise et apregraves un entraicircnement les images du test sont preacutesenteacutees au participant

Comme pour la tacircche 3 les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice doivent ecirctre limiteacutees au possible (Comment diriez-vous autrement Pouvez-vous proposer autre chose )

Aucune contrainte temporelle nrsquoest imposeacutee Le participant agrammatique peut reformuler sa production autant de fois qursquoil le juge neacutecessaire

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

134

42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain

421 Recherche de patients agrammatiques

4211 Difficulteacutes lieacutees au terrain et au mode de prise en charge

Lrsquoaccegraves aux donneacutees sur le terrain a poseacute des problegravemes drsquoordre pratique surtout en raison de la rareteacute de ce type de trouble En effet lrsquoaccegraves aux donneacutees neacutecessite forceacutement la mise en place drsquoun reacuteseau de personnes et drsquoacteurs du champ de lrsquoaphasiologie ce qui peut demander beaucoup de temps

Plusieurs facteurs nous ont sembleacute deacuteterminants pour reacutesoudre ou du moins pallier les difficulteacutes drsquoaccegraves au terrain

le fait drsquooccuper une place privileacutegieacutee sur le terrain (crsquoest-agrave-dire avoir une laquo entreacutee raquo) en tant qursquoorthophoniste ou en relation eacutetroite avec des orthophonistes inteacuteresseacutes par la recherche (crsquoest la position ideacuteale)

le fait de favoriser les relations constantes et peacuterennes entre chercheurs et praticiens pour former un reacuteseau inteacutegreacute

le fait de deacutecloisonner les disciplines et drsquoaccorder des moyens favorisant les rapprochements entre la recherche clinique (neuropsychologie) le contexte theacuterapeutique de prise en charge des patients (la reacuteeacuteducation fonctionnelle lrsquoorthophonie) et la recherche en sciences humaines (sciences du langage et psycholinguistique)

Ces facteurs deacuteterminants ne sont pas toujours opeacuterationnels Cela deacutepend de nombreuses circonstances non controcirclables De ce fait la recherche de donneacutees peut srsquoaveacuterer peu aiseacutee

Par ailleurs drsquoautres difficulteacutes notables lieacutees agrave lrsquoaccegraves aux donneacutees incombent au degreacute et au temps de prise en charge theacuterapeutique des patients En effet ceux-ci quittent lrsquohocircpital degraves qursquoils en sont jugeacutes aptes sur le plan moteur (parfois tregraves vite) Ensuite la prise en charge theacuterapeutique se fait agrave domicile ou au cabinet drsquoun orthophoniste pour ce qui concerne la theacuterapie du langage Aussi agrave moins de faire preuve drsquoune reacuteelle motivation pour ecirctre suivie pendant plusieurs anneacutees en reacuteeacuteducation la personne aphasique ne voit pas forceacutement de theacuterapeute si une stagnation est constateacutee apregraves un certain laps de temps88

88 Drsquoapregraves notre propre constat durant trois anneacutees de terrain en France Mais nous avons pu rencontrer des personnes tregraves motiveacutees qui mecircme apregraves quatre ou cinq ans continuaient agrave voir deux ou trois orthophonistes par semaine

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4212 Difficulteacutes lieacutees agrave la rareteacute du trouble

Aussi le caractegravere tregraves eacutevolutif de ce type drsquoaphasie avec une stabilisation habituelle allant de un agrave cinq ans apregraves deacutemutisation89 nrsquoa pas faciliteacute la recherche de patients agrammatiques En effet les aphasies avec leacutesions focales dans lrsquoheacutemisphegravere gauche entraicircnant un agrammatisme caracteacuteristique sont reacuteputeacutees tregraves rares90

Dans notre deacutemarche de recherche de sujets agrammatiques les difficulteacutes que nous avons rencontreacutees eacutetaient lieacutees principalement agrave la rareteacute de cette pathologie

Aussi la deacutefinition de ce syndrome semble quelque peu flottante dans les institutions de soins ou de formation agrave la reacuteeacuteducation du langage et la communauteacute theacuterapeutique On a geacuteneacuteralement recours aux classifications classiquement eacutetablies pour distinguer les grandes formes drsquoaphasies91

Mecircme si certains symptocircmes sont assez communeacutement admis dans la pratique clinique comme eacutetant caracteacuteristiques de lrsquoagrammatisme et permettant alors de faire le diagnostic drsquoagrammatisme il est parfois possible de trouver des variantes de classifications qui sont du ressort de lrsquoexpeacuterience du praticien

En geacuteneacuteral les praticiens parlent de laquo patients tregraves reacuteduits raquo (laquo non fluents raquo opposeacutes aux laquo fluents raquo) ce qui permet de diagnostiquer et distinguer drsquoembleacutee le type drsquoaphasie associeacutee (type Broca ou Wernicke) ou du moins les symptocircmes dominants associeacutes aux aphasies classiquement deacutefinies en clinique

Par ailleurs notre expeacuterience du terrain clinique nous a ameneacutee agrave constater que parfois au final les patients aphasiques nrsquoeacutetaient pas forceacutement laquo cateacutegoriseacutes raquo selon les critegraveres cliniques habituels de classifications car ils pouvaient montrer des profils tregraves particuliers Il est en effet possible de rencontrer des patients pour qui la co-occurrence de symptocircmes lrsquoexclut de toute classification classique preacuteconccedilue

Ainsi du fait de la rareteacute de ce type de trouble de son caractegravere eacutevolutif lrsquoaccegraves sur le terrain agrave ce type de patients et donc lrsquoaccegraves aux donneacutees agrammatiques est demeureacute tregraves difficile92

Drsquoautres part certains aphasiques se reacuteunissent en associations et cherchent agrave creacuteer et maintenir des liens avec les institutions de soins cela peut constituer une option seacuterieuse pour rencontrer des cas diffeacuterents et occuper une position privileacutegieacutee pour se faire une ideacutee de la reacutealiteacute de lrsquoaphasie et ses conseacutequences sur la communication et sur la vie socio-

89 Sachant que les peacuteriodes et niveaux de reacutecupeacuteration sont tregraves variables et sachant que parfois lrsquoaphasie qui eacutevolue vers un agrammatisme passe par une peacuteriode initiale de quelques semaines agrave plusieurs mois de mutisme 90 Certains theacuterapeutes nous ont confieacute nrsquoavoir vu qursquoun cas en 10 ans 91 Dans la communauteacute francophones des praticiens et srsquoagissant des classifications il nous semble que lrsquoon se reacutefegravere en geacuteneacuteral agrave LECOURS et LEHRMITTE (1979) 92 Bien entendu crsquoest gracircce agrave lrsquoeacutenergie et agrave la disponibiliteacute de nombreuses personnes drsquohorizons tregraves divers orthophonistes chercheurs en sciences du langage neurologues et associations de malades que nous avons pu entrer en relation avec les personnes agrammatiques volontaires

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professionnelle Il a eacuteteacute tregraves instructif de ce point de vue de participer aux activiteacutes drsquoassociations telles que le GATT (Groupe des Aphasiques Tchatcheurs du Toulousain) le GAA (Groupe des Aphasiques de lrsquoAgenais) ou la FNAF (Feacutedeacuteration Nationale des Aphasiques de France) Un questionnaire drsquoenquecircte assez complet portant speacutecifiquement sur la communication dans lrsquoaphasie et les difficulteacutes de la vie quotidienne a eacuteteacute diffuseacute agrave travers ces associations et une soixantaine de personnes aphasiques ont eu lrsquoamabiliteacute drsquoy reacutepondre Cela nous a permis drsquoenvisager sur des critegraveres autres que neurologiques ou verbo-centreacutes le veacutecu drsquoune personne aphasique La freacutequentation des groupes associatifs et les informations collecteacutees agrave partir de questionnaires ont permis de mieux cerner les difficulteacutes sociales et psychologiques causeacutees par lrsquoaphasie et lrsquoheacutemipleacutegie mecircme laquo leacutegegravere raquo Ce qui fut fort beacuteneacutefique lors des entretiens meneacutes a posteriori avec les personnes aphasiques que nous avons rencontreacutees

422 Critegraveres drsquoinclusion des participants agrammatiques

Les critegraveres drsquoinclusion des participants agrave lrsquoeacutetude sont eacutenumeacutereacutees ci-apregraves

des personnes aphasiques de Broca preacutesentant une aphasie expressive et des difficulteacutes speacutecifiques touchant les aspects grammaticaux lors de la formulation de messages verbaux

des personnes ayant conserveacute au demeurant une bonne compreacutehension du langage Cela eacutetait facile agrave tester dans lrsquointeraction spontaneacutee avec la personne aphasique (eacutechanges agrave bacirctons rompus conversation sur un thegraveme) Par contre pour des aspects plus subtiles de la compreacutehension telles que la compreacutehension de phrases reacuteversibles ou de phrases passives cela nrsquoaurait pu ecirctre testeacute que par un protocole standardiseacute Cependant nous ne nous sentions pas habiliteacutee agrave faire passer les bilans des capaciteacutes langagiegraveres car nous nrsquoavons pas eacuteteacute formeacutee agrave cette pratique qui nous semble exiger des qualifications professionnelles speacutecifiques (par contre les bilans les plus reacutecents au moment de la passation des tests en geacuteneacuteral datant de moins de six mois nous ont eacuteteacute fournis par les patients)

des personnes montrant de la motivation pour parler et laisser leur parole au microphone la relation entre drsquoune part lrsquoexpeacuterimentatrice et drsquoautre part le participant agrave lrsquoexpeacuterience va deacutependre de son engagement volontaire agrave passer le protocole drsquoeacutetude Le fait de se sentir enregistreacute au microphone pouvait pour certains patients constituer un veacuteritable stress Les personnes qui le souhaitaient mecircme apregraves avoir signeacute le formulaire de consentement eacuteclaireacute pour la participation au protocole pouvaient se retirer agrave tout moment mecircme sans justification93

des personnes motiveacutees malgreacute les difficulteacutes agrave srsquoexprimer malgreacute la reacuteduction et la simplification du discours montrant une forte intention de communiquer avec nous ainsi qursquoune prise de risque geacutereacutee dans lrsquointeraction ougrave les erreurs produites ne constituent pas

93 Nous en avons mecircme pris lrsquoinitiative pour un patient qui nrsquoeacutetait pas agrave lrsquoaise pendant les entretiens La passation du protocole fut alors suspendue

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forceacutement un obstacle insurmontable agrave la communication malgreacute les eacutechecs successifs comme lorsqursquoun mot ne vient plus ou qursquoune reformulation deacuterape

43 Recueil des corpus passations

431 Lieux de passation

Les lieux de passation du protocole eacutetaient choisis selon le libre choix du participant ou selon lrsquoavis de lrsquoorthophoniste le but eacutetant qursquoil ou elle se sente dans une ambiance familiegravere et agrave lrsquoaise pour parler agrave lrsquoexpeacuterimentatrice et que srsquoeacutetablisse une relation de confiance Ce deacutetail est drsquoautant plus important qursquoune personne aphasique en contexte inconnu ou mal agrave lrsquoaise dans un lieu peut ressentir une gecircne suppleacutementaire dans lrsquoactiviteacute de parole Cela pose bien sucircr un problegraveme eacutethique qursquoil ne faut pas neacutegliger pour le respect du patient de sa condition et son affect En geacuteneacuteral les participants agrave cette eacutetude ne voyaient aucun inconveacutenient agrave reacutealiser les entretiens agrave leur domicile Dans un cas lrsquoorthophoniste a jugeacute mieux de reacutealiser les entretiens pendant les seacuteances drsquoorthophonie avec sa patiente et dans un autre cela se passait dans le cabinet de lrsquoorthophoniste mais en son absence

432 Formulaire de consentement eacuteclaireacute

Lors de la prise de contact avec les patients et mecircme avec les participants controcircles nous nous efforcions de bien faire comprendre les inteacuterecircts de telles recherches Un formulaire de consentement eacuteclaireacute a eacuteteacute signeacute par les patients et nous-mecircme speacutecifiant les buts de la recherche les modaliteacutes de passation le droit de retrait du patient lrsquoautorisation drsquoexploiter les donneacutees sonores personnelles et de les communiquer dans le cadre strict drsquoune recherche lrsquoanonymat des donneacutees verbales transcrites et rendues publiques etchellip94 Aussi les orthophonistes qui prenaient en charge la reacuteeacuteducation des participants eacutetaient informeacutes agrave leur demande de la deacutemarche de cette eacutetude (soit par nous soit par lrsquointermeacutediaire du participant)

433 Patient et locuteur

Lors de seacuteances de reacuteeacuteducation du langage nous avons eu lrsquooccasion drsquoobserver le travail accompli par des patients guideacutes par leur orthophoniste95 Nos entretiens avec les patients agrammatiques eacutetaient le plus possible dissocieacutes de ce type de relation de soin qui lie le theacuterapeute agrave son patient Nous prenions soin de reacutealiser nous-mecircme toutes les passations en informant le participant que nous nrsquoavions pas pour but de faire une seacuteance drsquoorthophonie mais que nous souhaitions enregistrer la parole agrave travers des tacircches diverses Si nous laissions

94 Sur les aspects juridiques et eacutethiques de lrsquoexploitation de donneacutees orales voir BAUDE (2006) 95 Notamment lors drsquoun stage drsquoobservation dans le Service de Meacutedecine Physique et de Reacuteadaptation au CHU de Bordeaux (J-M Mazaux)

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srsquoinstaller une relation laquo theacuterapeutique raquo lors des entretiens avec les participants le risque eacutetait drsquoobtenir des corpus de parole inadapteacutes En effet lrsquointeraction orienteacutee par une relation theacuterapeutique preacutesente des caracteacuteristiques propres avec des rocircles sociaux deacutefinis par les finaliteacutes de lrsquoeacutechange verbal Dans ce type drsquointeraction speacutecifique lrsquoorthophoniste guide lrsquointeraction et le patient exeacutecute des consignes preacutecises en vue de suivre une theacuterapie langagiegravere Ainsi de notre point de vue le terme laquo locuteur raquo pour deacutesigner le participant semble mieux srsquoadapter agrave nos viseacutees heuristiques geacuteneacuterales (et non theacuterapeutiques) En effet le terme laquo patient raquo implique une dimension theacuterapeutique que nous preacutefeacuterons eacutevacuer

Crsquoest pourquoi nous utiliserons plus volontiers le terme laquo locuteur raquo (plutocirct que laquo patient raquo) qui correspond mieux selon nous agrave nos rocircles lors des entretiens

434 Deacutetresse verbale et facilitations

Lors des entretiens nous limitions nos interventions au possible afin de ne pas influencer les productions du locuteur et ainsi ne pas biaiser les donneacutees obtenues

Par souci meacutethodologique il valait mieux laisser toute latitude au patient pour formuler son propos Cependant il nous arrivait quand mecircme drsquointervenir en cas de grande deacutetresse verbale en revenant sur ce qui eacutetait dit ou en fournissant des facilitations par amorces (phoneacutemiques lexicales ou syntaxiques agrave lrsquooral ou agrave lrsquoeacutecrit) ou en donnant la forme adeacutequate rechercheacutee par lrsquointerlocuteur

Nos interventions parfois nombreuses selon la tacircche ou le locuteur visaient agrave relancer le discours ou mecircme laquo soulager raquo lrsquointerlocuteur Elles sont toujours soigneusement noteacutees dans les corpus retranscrits Ceci pour veiller agrave les exclure des analyses ulteacuterieures et pour ne pas retenir les eacutenonceacutes que nous aurions pu trop influencer

435 Dureacutee des passations

La dureacutee totale de passation de ce protocole est tregraves longue pour une personne aphasique Elle se situe entre trois agrave cinq heures au total contre vingt minutes agrave moins drsquoune heure pour un locuteur controcircle

Naturellement pour les participants aphasiques la passation eacutetait scindeacutee en autant de seacuteances de travail que neacutecessaires Selon les cas la dureacutee consacreacutee aux tacircches de production elles-mecircmes allait en geacuteneacuteral de vingt minutes agrave une heure trente afin drsquoeacuteviter la fatigue

Cela nrsquoempecircchait pas ensuite de srsquoentretenir plus longuement avec les participants lorsqursquoils le souhaitaient de maniegravere tregraves informelle et deacutetacheacutee de la passation du protocole en lui-mecircme

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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44 Caracteacuteristiques des participants

441 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes

Les informations geacuteneacuterales relatives aux participants agrave lrsquoeacutetude (6 sujets agrammatiques et 9 sujets controcircles) sont consigneacutees dans le tableau ci-dessous (Tableau 7)

6 Locuteurs agrammatiques 9 Locuteurs controcircles Sexe Hommes Femmes H et F Hommes Femmes H et F Effectif 5 1 6 6 3 9 Acircge moyen 50 74 54 48 51 49 Nombre moyen drsquoanneacutees diplocircmantes

8 0 63 8 7 76

(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)

Tableau 7 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 6 participants agrammatiques et 9 participants controcircles

Au deacutepart une vingtaine de sujets controcircles ont eacuteteacute recruteacutes sur le mode tout-venant Parmi tous les entretiens reacutealiseacutes avec ces derniers nous avons retenu en vue de la transcription et des analyses les corpus oraux de certains participants controcircles De la sorte le groupe controcircle a eacuteteacute apparieacute au groupe agrammatique a posteriori en donnant la prioriteacute au critegravere de niveau socioculturel

Les caracteacuteristiques de chacun des participants agrammatiques et controcircles sont reacutesumeacutees en Annexe B-385-387 et C-391-392

On trouvera aussi des tableaux de synthegravese en Annexe D-395-396

442 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques

Le groupe de six participants agrammatiques se compose de 5 hommes et 1 femme dont on trouve les caracteacuteristiques dans le tableau ci-apregraves (Tableau 8 p 140 concernant le sexe lrsquoacircge le nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes le nombre drsquoanneacutees post-leacutesionnelles agrave la date des enregistrements et lrsquoactiviteacute professionnelle)

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Locuteurs agrammatiques (codes participants)

HF Acircge Nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes

diplocircmantes

Nombre drsquoanneacutees-mois post-

AVC (au moment

des tests)

Date de lrsquoAVC

Date des enregistre-

ments

Activiteacute professionnelle au moment de lrsquoAVC

1 PC_agr H 51 2 13 160306 Juil 2007 directeur

commercial chef drsquoentreprise

2 BR_agr H 52 6 67 061100 Mai 2007 instituteur

directeur drsquoeacutecole

3 MC_agr H 44 14 4 170602 Juin 2006 meacutedecin chef de

clinique

4 SB_agr H 56 7 46 070102 Avr 2006 Juin 2006

enseignant 2nd degreacute formateur

agreacutegeacute (phy)

5 PB_agr H 47 9 91 220598 Juil 2007 Oct 2007

avocat

6 TH_agr F 74 0 29 011104 Juil 2007 retraiteacutee sans

activiteacute la plupart du temps

Moyennes 54 63 47

(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)

Tableau 8 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques

Tous les sujets testeacutes ont souffert drsquoun AVC ischeacutemique plus ou moins eacutetendu ayant entraicircneacute une heacutemipleacutegie droite (sauf pour un cas SB_agr) et une aphasie de Broca (voir en Annexe B-385)

Drsquoapregraves les informations que nous avons pu compiler aupregraves des participants et de leur orthophoniste lrsquoeacutetat du langage en production orale est deacutecrit pour chacun des patients en Annexe B-386

Si tous les patients ont eacuteteacute diagnostiqueacutes aphasiques de Broca avec un agrammatisme manifeste en production orale les profils sont tregraves heacuteteacuterogegravenes Cela nrsquoest pas eacutetonnant vu les diffeacuterences de type de leacutesions mecircme si celles-ci impliquent toujours lrsquoaire de Broca Les diffeacuterences symptomatologiques inter-sujets proviennent de lrsquointeraction des diffeacuterences individuelles lieacutees agrave lrsquoeacutetiologie et agrave la graviteacute des leacutesions mais aussi au type de prise en charge theacuterapeutique entreprise depuis pour un cas en particulier (5 PB_agr) pregraves drsquoune dizaine drsquoanneacutees

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Drsquoautre part les diffeacuterences inter-individus sont lieacutees agrave drsquoautres facteurs tels que la reacutecupeacuteration spontaneacutee ou la motivation et lrsquoattitude vis-agrave-vis de la survenue de lrsquoaphasie

En effet la reacuteduction du langage est tregraves manifeste chez tous les participants sauf chez 6 TH_agr qui montre une eacutelocution plus fluente compareacute aux autres participants agrammatiques alors qursquoelle est bien plus acircgeacutee Son trouble srsquoaccompagne drsquoun manque du mot et de paragrammatisme Par ailleurs singuliegraverement le trouble agrammatique de 2 BR_agr srsquoaccompagne drsquoun trouble drsquoordre phonologique assez marqueacute De plus 2 BR_agr en reacuteeacuteducation depuis presque sept ans au moment des tests semble preacutesenter un trouble assez massif compareacute agrave 1 PC_agr dont lrsquoaphasie est reacutecente drsquoun peu plus drsquoan Chez 3 MC_agr on relegravevera une forme de paragrammatisme assez conseacutequente avec un manque du mot assez freacutequent et chez 4 SB_agr un leacuteger trouble phonologique et des pheacutenomegravenes de manques du mot qursquoon a remarqueacutes aussi chez 5 PB_agr

443 Complexiteacute des facteurs de variabiliteacute individuelle

Les profils symptomatologiques de chacun des participants aphasiques ne convergent pas vers une unique forme prototypique drsquoagrammatisme En surface les manifestations sont varieacutees et en quantiteacute et en qualiteacute De nombreux facteurs sont responsables de cette variabiliteacute individuelle En effet les interactions entre les facteurs deacuteterminants lieacutes agrave lrsquoeacutetat du patient agrave la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle et agrave lrsquoeacutevolution de son trouble (sur plusieurs anneacutees voire dizaines drsquoanneacutees) sont tregraves complexes

SEacuteRON (1979 17-55) propose une revue des diverses variables individuelles et environnementales influenccedilant lrsquoaphasie des points de vue synchronique et longitudinal ce qui pose le problegraveme du type de reacuteeacuteducation fonctionnelle et drsquoeacutevaluation diagnostique agrave envisager Selon lui laquo [lrsquo] eacutevolution post-leacutesionnelle deacutepend de facteurs multiples dont lrsquoincidence est encore assez largement incomprise raquo (SEacuteRON 17) Il eacutevoque comme variables neurologiques preacute- per- et post-leacutesionnelles tregraves intriqueacutees lrsquoacircge lrsquoenvironnement et le niveau des apprentissages du patient le mode drsquoinstallation de la leacutesion (traumatismes AVC tumeurs etchellip) et sa nature sa localisation et son eacutetendue

Toujours drsquoapregraves SEacuteRON (1979 35)

laquo Il est sans doute faux drsquoaffirmer sans plus qursquoune leacutesion eacutetendue a un effet plus dramatique qursquoune leacutesion circonscrite [hellip] En effet encore faut-il savoir ougrave se trouve la leacutesion quelle est son eacutetiologie et son mode drsquoinstallation raquo

Drsquoautre part nous nous rangerons du cocircteacute de cet auteur qui affirme laquo qursquoil vaut mieux privileacutegier une approche du trouble plutocirct seacutemiologique que purement neurologique raquo car celle-ci peut passer par lrsquoexamen des comportements du sujet aphasique en peacuteriode per- et post-leacutesionnelle (SEacuteRON 1979 36) En effet une approche des troubles qui fonde toute interpreacutetation en donnant la primauteacute au site et agrave lrsquoeacutetendue drsquoune leacutesion preacutesente des limites du fait mecircme de la grande variabiliteacute des effets lieacutes agrave un type de leacutesion donneacute sur le comportement langagier

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Drsquoautre part SEacuteRON (1979 37) preacutecise que lrsquoappreacuteciation de la seacuteveacuteriteacute et de la qualiteacute drsquoun trouble ne srsquoopegravere pas en laquo [mesurant] la graviteacute de lrsquoaphasie en tant que telle mais les conseacutequences du trouble aphasique (et eacuteventuellement de troubles associeacutes) sur les conduites de communication raquo

Pour finir les diffeacuterentes variables intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle peuvent ecirctre syntheacutetiseacutees de la maniegravere suivante

Variables geacuteneacuterales Variables speacutecifiques

neurologiques comportementales

1 acircge du sujet 1 type de leacutesion 1 graviteacute des troubles

2 eacutetat de santeacute geacuteneacuteral 2 mode drsquoinstallation de la leacutesion 2 nature des troubles

3 dominance ceacutereacutebrale [manuelle] 3 eacutetendue et localisation

4 sexe

5 environnement preacute- per- et post-leacutesionnel

Tableau 9 Variables individuelles intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle (drsquoapregraves SEacuteRON 1979 41)

Ainsi eu eacutegard les multiples facteurs deacuteterminants preacuteciteacutes96 les profils comportementaux auxquels nous avons affaire sont varieacutes du point de vue des symptocircmes (en quantiteacute et en qualiteacute) de la co-occurrence de symptocircmes de laquo natures raquo diffeacuterentes de la seacuteveacuteriteacute du trouble et du niveau de reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle

Cependant si le cas drsquoagrammatisme laquo ideacuteal raquo ou laquo pur raquo ne figure pas parmi les six aphasiques retenus dans le cadre de cette eacutetude on peut toutefois consideacuterer que 1 PC_agr (aphasique depuis un peu plus drsquoun an) 4 SB_agr (aphasique depuis quatre ans et demi) et 5 PB_agr (aphasique depuis plus de neuf ans) nous paraissent revecirctir les profils drsquoaphasie de Broca avec agrammatisme tregraves typiques

Les autres 2 BR_agr 4 MC_agr et 6 TH_agr nous semblent revecirctir des profils plus atypiques eu eacutegard selon les cas agrave la preacutesence drsquoun trouble phonologique (suppressions ou paraphasies phoneacutemiques) agrave la freacutequence plus eacuteleveacutee et notable de paraphasies lexicales (crsquoest-agrave-dire des substitutions entre mots lexicaux) agrave la preacutesence de pheacutenomegravenes paragrammatiques ou dyssyntaxiques (crsquoest-agrave-dire des substitutions entre mots

96 Drsquoautres facteurs de reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle pour certains tregraves subjectifs nous semblent eacutegalement importants tels que lrsquoattitude du patient vis-agrave-vis de sa maladie la conscience qursquoil a de son trouble sa personnaliteacute sa motivation les aspects thymiques les aspects socio-culturels le contexte familial

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grammaticaux) agrave la preacutesence de pheacutenomegravenes de manques du mot et au caractegravere relativement fluent et plus complexe de la morpho-syntaxe (en particulier 6 TH_agr)

444 Caracteacuteristiques des participants controcircles

Les sujets controcircles ne preacutesentent bien sucircr aucun problegraveme drsquoorigine neurologique Le groupe controcircle est apparieacute de maniegravere globale au groupe de locuteurs agrammatiques

Le groupe de participants controcircles est un groupe reacutefeacuterence Comme pour la collecte de donneacutees agrammatiques la phase drsquoentretiens avec les locuteurs controcircles srsquoest deacuterouleacutee sur plusieurs anneacutees et parallegravelement Nous avons prospecteacute dans notre entourage immeacutediat pour recruter des participants

Les analyses quantitatives des corpus controcircles fournissent un reacutefeacuterentiel quantitatif moyen global refleacutetant le comportement verbal laquo non aphasique raquo

Le tableau ci-dessous (Tableau 10) reacutesume les caracteacuteristiques des locuteurs controcircles retenus97

Locuteurs controcircles (codes participants)

HF Acircge Nombre drsquoanneacutees drsquoeacutetudes

diplocircmantes

Activiteacute professionnelle

1 FX_contr H 44 3 restaurateur 2 GG_contr H 57 3 technicien 3 GBis_contr H 36 5 geacuteomegravetre agriculteur 4 GB_contr H 59 11 enseignant chercheur (chimie) 5 LL_contr H 32 11 enseignant chercheur (physique) 6 LMan_contr H 61 14 meacutedecin 7 EB_contr F 57 5 technico-commerciale 8 MF_contr F 48 11 chercheuse (biologie) 9 MM_contr F 48 5 technicienne Moyennes 49 76

(apregraves la 3egraveme ou le certificat drsquoeacutetudes)

Tableau 10 Caracteacuteristiques des participants controcircles

Nous nrsquoavons pas proceacutedeacute agrave un appariement au cas par cas entre les participants agrammatiques et controcircles lors de la phase drsquoentretiens En effet les caracteacuteristiques des participants controcircles pris isoleacutement et relativement aux participants agrammatiques ne sont pas tout agrave fait similaires

Certes il y a des dispariteacutes relatives notables en acircge et en nombre drsquoanneacutees diplocircmantes mais nous pensons qursquoelles sont toutefois acceptables

97 Pour consulter les caracteacuteristiques deacutetailleacutees des locuteurs controcircles voir en Annexe C-391

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Nous nous sommes appliqueacutee agrave seacutelectionner des locuteurs controcircles dont les professions sont globalement comparables aux professions des participants agrammatiques excepteacute en ce qui concerne 6 TH_agr qui est beaucoup plus acircgeacutee et moins qualifieacutee que les hommes et pour laquelle nous nrsquoavons pas trouveacute de locutrice controcircle avec les mecircmes caracteacuteristiques au moment de la phase drsquoentretiens

Par ailleurs nous pensons que vu les types de tacircches reacutealiseacutees lrsquoappariement selon les critegraveres drsquoacircge et de niveau socioculturel exacts au cas par cas nrsquoeacutetait pas vraiment neacutecessaire

Drsquoautre part si lrsquoon compare entre eux les corpus controcircles en consideacuterant chaque tacircche on observe que les participants controcircles ont bien sucircr chacun un style de parler particulier lieacute agrave lrsquoidiosyncrasie (origine socioculturelle geacuteographique personnaliteacute) mais que les contenus sont tout de mecircme assez analogues

En conclusion les corpus oraux que nous avons obtenus avec le groupe reacutefeacuterence apparieacute globalement au groupe drsquoagrammatiques nous paraissent satisfaisants pour ce qui a trait aux comparaisons ulteacuterieures reacutealiseacutees entre reacutesultats quantitatifs issus des analyses de corpus agrammatiques et controcircles

45 Construction des observables

451 Corpus nature des donneacutees collecteacutees et implications meacutethodologiques

Drsquoapregraves le Nouveau Dictionnaire Encyclopeacutedique des Sciences du Langage (DUCROT et SCHAEFFER 1995 60) lrsquoeacutetude drsquoune langue passe par la collecte drsquoun laquo ensemble aussi varieacute que possible drsquoeacutenonceacutes effectivement eacutemis par les utilisateurs de cette langue agrave une eacutepoque donneacutee raquo

Drsquoapregraves le Treacutesor de la Langue Franccedilaise informatiseacute (TLFi)98 un corpus reacutefegravere en sciences humaines agrave un laquo recueil reacuteunissant ou se proposant de reacuteunir en vue de leur eacutetude scientifique la totaliteacute des documents disponibles drsquoun genre donneacute par exemple eacutepigraphiques litteacuteraires etc raquo

Toujours drsquoapregraves le TLFi il srsquoagit pour la linguistique drsquoun laquo ensemble de textes eacutetabli selon un principe de documentation exhaustive un critegravere theacutematique ou exemplaire en vue de leur eacutetude linguistique raquo

Cette deacutefinition insiste sur le caractegravere exhaustif que devrait preacutesenter un corpus Cependant drsquoautres deacutefinitions insistent plus sur le caractegravere repreacutesentatif drsquoun corpus En effet RIEGEL et al (1994 18) proposent une deacutefinition qui insiste plutocirct sur le caractegravere repreacutesentatif drsquoune compilation de donneacutees linguistiques

laquo Un corpus est un ensemble de textes ou drsquoeacutenonceacutes jugeacutes repreacutesentatifs de la langue ou plus modestement drsquoun domaine ou drsquoun axe de recherche bien deacutetermineacutes Une telle

98 Article corpus

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145

collection ne comprenant que des donneacutees attesteacutees (des eacutenonceacutes effectivement produits) constitue un corpus raquo

Cependant comme le soulignent ensuite RIEGEL et al il faut tenir compte laquo des contraintes meacutethodologiques et eacutepisteacutemologiques raquo qui impliquent qursquoun corpus nrsquoest jamais qursquoun laquo fragment raquo de la langue ou du parler dont il est issu

En effet srsquoagissant de la meacutethodologie de collecte de donneacutees employeacutees dans notre perspective drsquoapproche de lrsquooral pathologique nos corpus constituent donc un fragment de la performance de quelques locuteurs

Parmi les deacutefinitions du terme laquo corpus raquo que nous avons releveacutees la plus consensuelle est celle de SINCLAIR (citeacute par HABERT et al 1997) pour qui un corpus est laquo une collection de donneacutees langagiegraveres qui sont seacutelectionneacutees et organiseacutees selon des critegraveres linguistiques explicites pour servir drsquoeacutechantillon de langage raquo

Crsquoest cette derniegravere deacutefinition qui se rapproche le plus de nos preacuteoccupations meacutethodologiques car du fait de la nature particuliegravere des donneacutees collecteacutees (voir infra) les analyses reacutealiseacutees impliquent un preacute-traitement en vue de seacutelectionner une partie des donneacutees disponibles

Les donneacutees verbales que nous avons recueillies dans le cadre de cette recherche preacutesentent les principales caracteacuteristiques suivantes qui sont autant de difficulteacutes pour leur mise en forme et leur traitement a posteriori

les donneacutees sont orales

les donneacutees preacutesentent toutes un haut degreacute de liberteacute octroyeacute au locuteur mais ces degreacutes sont variables drsquoune tacircche agrave lrsquoautre du fait de la preacutesence drsquoun stimulus visuel et de la qualiteacute de la consigne

les corpus sont des corpus de discours continu qursquoil conviendra de segmenter en uniteacutes eacutenonceacutes en vue drsquoeffectuer les analyses structurales des formulations phrastiques

les donneacutees sont pathologiques (pour ce qui concerne les locuteurs agrammatiques)

Les corpus collecteacutes sont donc de nature assez complexe ce qui implique de faire en sorte de constituer un corpus de donneacutees de lrsquooraliteacute adapteacute aux traitements quantitatifs et qualitatifs pressentis pour la suite (voir au point 5 p 177)

Dans cette perspective une meacutethode de mise en grille du discours oral a eacuteteacute deacuteveloppeacutee par le GARS (Groupe Aixois de Recherche en Syntaxe et Seacutemantique voir BLANCHE-BENVENISTE 1997) et adapteacutee agrave lrsquoeacutetude du discours aphasique par ROUBAUD et LOUFRANI (1999) Pour ces derniers

laquo Une analyse syntaxique des discours pathologiques drsquoorigine aphasique ne peut se reacuteduire agrave lrsquoeacutetude de fragments mais exige des ensembles plus vastes Derriegravere lrsquoeacutemiettement apparent de ces productions se cachent des organisations comparables agrave celles de locuteurs ordinaires mais plus complexes agrave analyser Pour rendre compte des

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146

strateacutegies deacuteployeacutees pour compenser le deacuteficit langagier les outils drsquoanalyse deacuteveloppeacutes par le GARS comme la mise en grille sont commodes raquo

Cette meacutethode (la laquo mise en grille raquo du GARS) que nous avons testeacutee sur divers corpus aphasiques nous a sembleacute en effet preacutesenter lrsquoavantage de rendre plus lisibles les caracteacuteristiques structurales des eacutenonceacutes produits En effet cette meacutethode consiste agrave placer les eacuteleacutements paradigmatiques et syntagmatiques des constructions sur un axe vertical et horizontal Par ailleurs la mise en grille du discours aphasique permet drsquoenvisager les disfluences caracteacuteristiques du discours aphasique (les amorces ou reacutepeacutetitions par exemple) Cette meacutethode nous a sembleacute plutocirct adapteacutee pour des analyses qualitatives de fragments de discours oral mais peu adapteacutee agrave lrsquoanalyse de longs corpus tels que ceux que nous avons obtenus

Tout cela nous a donc ameneacutee agrave fixer une meacutethode de formalisation des observables tregraves largement et librement inspireacutee de celle de SAFFRAN et al (1989) Il srsquoagit du protocole drsquoanalyse quantitative de la production orale dit Quantitative Production Analysis Protocol (deacutesormais QPA voir aussi ROCHON et al 2000 et BERNDT et al 2000)

La construction de nos observables neacutecessite de passer par une eacutetape de mise en forme les donneacutees collecteacutees crsquoest agrave-dire une eacutetape de preacute-traitement des donneacutees verbales brutes transcrites ceci afin drsquoen faciliter la lisibiliteacute avant tout traitement quantitatif En effet notre objectif est drsquoobtenir une base de donneacutees constitueacutee de corpus de production orale pathologique et non pathologique qui soit exploitable archivable et reacuteutilisable

Apregraves avoir exposeacute les principes guides de la meacutethode QPA (ci-apregraves) nous deacutetaillons les principes du preacute-traitement appliqueacutes aux corpus oraux collecteacutes crsquoest-agrave-dire la proceacutedure de mise en forme des corpus (les conventions de transcription adopteacutees la segmentation du discours continu et lrsquoextraction des observables en vue des analyses quantitatives)

452 Meacutethode QPA (Quantitative Production Analysis)

La construction des donneacutees orales pathologiques et controcircles sont guideacutees par la deacutemarche drsquoanalyse quantitative de corpus aphasique conccedilue par SAFFRAN et al (1989) et drsquoapregraves les instructions de BERNDT et al (2000) Agrave notre connaissance aucune eacutetude de corpus aphasiques francophones nrsquoa encore eacuteteacute reacutealiseacutee drsquoapregraves cette meacutethode Le protocole drsquoanalyse quantitative de la production aphasique (QPA) a eacuteteacute conccedilu pour lrsquoanglais et par ailleurs utiliseacute pour le hollandais (BASTIAANSE 1995 PRINS et BASTIAANSE 2004)

Dans la litteacuterature nous nrsquoavons pas releveacute beaucoup de travaux en aphasiologie qui utilisent cette meacutethode drsquoanalyse En effet crsquoest probabalement parce qursquoau deacutebut lrsquoadaptation de cette proceacutedure agrave une autre langue que lrsquoanglais ainsi que son application agrave des corpus constituent un travail assez ardu que lrsquoon soit linguiste de formation ou orthophoniste

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Le protocole drsquoanalyse quantitative QPA que nous avons adapteacute agrave notre probleacutematique est preacutesenteacute en deacutetail dans les paragraphes qui suivent (point 47 48 et 49) pour ce qui concerne la construction et la mise en forme des corpus oraux et au point 5 (le chapitre suivant p 177) pour ce qui concerne la deacutemarche drsquoanalyse quantitative en elle-mecircme

Nous insistons sur certains aspects nous ayant poseacute problegravemes tels que lrsquoadaptation des modaliteacutes drsquoanalyse agrave lrsquoorigine fondeacutees sur la langue anglaise aux particulariteacutes morpho-syntaxiques de la langue franccedilaise Ainsi avant lrsquoeacutetape drsquoanalyse quantitative elle-mecircme il a eacuteteacute question de passer par une phase de reacuteadaptation du protocole aux caracteacuteristiques structurales de la langue parleacutee en franccedilais

Cet outil drsquoanalyse constitue une solution tregraves inteacuteressante pour qui souhaite fournir un eacutetat de la structuration morpho-syntaxique du discours continu dans une tacircche de production donneacutee

Ci-apregraves nous exposons la deacutemarche adopteacutee pour la constitution des corpus la transcription des donneacutees linguistiques orales (point 46 ci-apregraves) et leur mise en forme (en particulier la segmentation du discours continu (point 47 pp 154-160) et lrsquoextraction des observables (point 49 p 163) )

46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription

461 Corpus de discours oraux continus et pathologiques implications pour la transcription

Les propos des locuteurs aphasiques et non aphasiques sont enregistreacutes sur un appareil drsquoenregistrement numeacuterique afin de garantir une qualiteacute optimale du son et une manipulation aiseacutee des corpus ainsi numeacuteriseacutes Le corpus a eacuteteacute transcrit gracircce agrave un logiciel drsquoeacutecoute performant et restituant le signal de parole le mieux possible En effet la transcription fidegravele neacutecessite des eacutecoutes successives plus faciles agrave geacuterer avec un logiciel de traitement du signal sonore fonctionnel auquel il est possible drsquoajouter des informations suppleacutementaires sur le corpus ou meacutetadonneacutees (comme par exemple des temps de pauses tregraves longs des caracteacuteristiques particuliegraveres agrave une section drsquoenregistrement des annotations diverses agrave propos des contenus)

Rappelons que la transcription laquo brute raquo des corpus de parole recueillis qursquoil srsquoagisse de donneacutees patholinguistiques ou non pose des problegravemes drsquoordre meacutethodologique dans la mesure ougrave nous sommes confronteacutee agrave une trois grandes difficulteacutes qui incombent directement agrave la nature de lrsquoobjet eacutetudieacute

les corpus sont tous oraux

pour une large part ils concernent la production de discours continu et spontaneacute

les donneacutees linguistiques sont aussi pathologiques

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Pour favoriser la lisibiliteacute et lrsquoeacutetude des corpus la transcription fidegravele ainsi que le choix drsquoun codage adapteacute tiennent compte des limites lieacutees aux caracteacuteristiques preacuteciteacutees

La transcription a eacuteteacute conduite selon certaines des conventions deacutefinies pour lrsquooral par le GARS (Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe et Seacutemantique)99 dont les inteacuterecircts de recherche portent pour une grande part sur la description du franccedilais parleacute les problegravemes lieacutes agrave sa transcription et lrsquoeacutetude de sa syntaxe

Srsquoagissant de lrsquooral pathologique selon BLANCHE-BENVENISTE (1997 29)

laquo La seule solution seacuterieuse est de transcrire phoneacutetiquement Certains troubles du langage affectant fortement la forme des mots posent des problegravemes similaires Lagrave ougrave la transcription phoneacutetique donne une version difficile agrave interpreacuteter immeacutediatement (hellip) on peut lorsqursquoon connaicirct les habitudes du locuteur aphasique reconstruire une version orthographique avec des mots doteacutes de sens Mais ce nrsquoest plus une transcription (hellip) raquo

Par conseacutequent en fonction des caracteacuteristiques typiques de lrsquooral et en particulier de lrsquooral aphasique il a eacuteteacute neacutecessaire de deacutefinir avec le plus de coheacuterence possible des modaliteacutes de codage agrave lrsquoeacutecrit adeacutequates pour une mise en forme lisible et analysable des corpus tout en conservant une quantiteacute drsquoinformations linguistiques et extra-linguistiques suffisante et pertinente en vue des analyses Ainsi la transcription en Alphabet Phoneacutetique International (API) semble ecirctre le moyen le plus adapteacute pour ne perdre aucune information de lrsquooral mais il srsquoagit drsquoun codage fastidieux et donc trop couteux que ce soit pour la transcription ou alors pour la relecture des corpus

Comme nos analyses ne portent pas speacutecifiquement sur la prosodie le rythme ou les aspects phoneacutemiques et comme la quantiteacute de donneacutees agrave transcrire est tregraves abondante lrsquooral est codeacute en utilisant les modaliteacutes de lrsquoorthographe standard et en ajoutant quand cela est neacutecessaire des preacutecisions en API (les deacuteformations phoneacutemiques les ambiguiumlteacutes etchellip)100 et drsquoautres preacutecisions sur la morpho-syntaxe dans une colonne laquo Commentaires raquo suppleacutementaire accompagnant les transcriptions (par exemple une ambiguiumlteacute formelle difficile agrave reacutesoudre voir en Annexe G-423 ougrave figure un exemple de corpus)

462 Transcription conventions adopteacutees

Ce qui est dit par le locuteur est mis en forme lors de la transcription puis traiteacute agrave partir des feuilles de travail ainsi constitueacutees Les conventions de transcriptions et les codages originaux adopteacutes pour la transcription et la mise en forme des corpus sont preacutesenteacutes ci-apregraves et sont illustreacutes agrave chaque fois par des exemples concrets tireacutes des corpus oraux101 Les

99 Sur les difficulteacutes de transcription de lrsquooral et les conventions de transcriptions proposeacutees par le GARS voir Blanche-Benveniste (1997 24-34) 100 Pour cet aspect de la transcription en symboles phoneacutetiques voir ROUBAUD (2004) 101 Voir en Annexe H-428 agrave H-588 (corpus agrammatiques) et I-635 agrave I-671 (corpus controcircles)

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exemples sont majoritairement extraits des corpus aphasiques Sous chaque exemple un renvoi102 correspondant agrave la page des annexes drsquoougrave il a eacuteteacute extrait est speacutecifieacute Le lecteur peut srsquoy reacutefeacuterer afin de resituer leacutenonceacute ou les eacutenonceacutes citeacutes en exemples dans leur contexte discursif

4621 Codage orthographique et phoneacutetique

Les propos du participant sont codeacutes en orthographe standard du franccedilais

La transcription en API (Alphabet Phoneacutetique International) nrsquoest pas exclue lorsque des mots avec une articulation particuliegravere (deacuteformations phoneacutemiques) des paraphasies phoneacutemiques et des neacuteologismes sont produits

Les propos de lrsquoexpeacuterimentatrice apparaissent sur une ligne autonome sans codage particulier (seulement orthographique)

Les pronoms personnels dans il faut ou il y a sont noteacutes il mecircme srsquoils sont reacutealiseacutes [i]

Voici deux exemples de codage orthographique et phoneacutetique

4 PC_agr2a elle porter (4) hum la maman euh oui la maman

PREPom(agrave) Flexom(Vpres)

5 PC_agr2a alors [ɛk] euh [εlRakot] non elle rencontre oui elle rencontre euh euh le loup un loup (2) bon

E Ph Gram Prononciation tregraves floue de laquo un raquo dans le SN(un+loup)

6 PC_agr2a et hum (6) le loup euh non euh non non euh le loup (3) ah-non

Persev(le loup) 0 Mots ext

exp le le petit chaperon rouge Facillex

7 PC_agr2a oui chaperon rouge et tatatatatatatata Onom(tatatatatatatata) avec intonation Repet(chaperon rouge) 0 Mot ext

exp tatatata crsquoest elle v-hellip laquo -2sec Facilsynt(elle) exploiteacutee

Annexe H-442

49 SB_agr2b donc le prince euh et [sɑdijəRo] sont euh (4)

[epuʒe] eacutepouseacutes hum

Deformphon(Cendrillongt[sɑdijəRo])Autocor+ laquo eacutepouseacutes raquo 1 V-aux 1 CONJsynt

Annexe H-529

4622 Amorces faux deacuteparts reprises

Les amorces de mots (deacutebut drsquoun mot non acheveacute) apparaissent avec un tiret au niveau du lieu de troncation

2 SB_agr3-MJ03 euh il- l- l- euh li- iv- il- euh [ilvjɛR] non Deformphon(lrsquohivergt[ilvjɛR])

Annexe H-531

10 PB_agr1 crsquoest le les s- les tab- les tableaux

Annexe H-544

102 Pour la version numeacuterique de ce document il srsquoagit aussi drsquoun lien hypertexte agrave suivre permettant drsquoacceacuteder directement agrave la page correspondante en Annexe

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Les eacutenonceacutes qui sont abandonneacutes en cours de formulation (faux deacuteparts et eacutechecs Ab) ou repris agrave partir de la mecircme amorce sont transcrits entiegraverement

95 SB_agr1 parce-que euh je (2) je c- je crois que Ab SUB SUB nrsquoest pas meneacutee agrave terme

96 SB_agr1 par-exemple euh physique tregraves dure

Annexe H-523

19 PC_agr2b Cendrillon (3) hum euh hum (34) alors bon euh (4)

Ab

20 PC_agr2b Cendrillon attends non non ccedila pas ccedila crsquoest pas ccedila

Ab Interj(attends) adresse agrave lrsquointerlocuteur Metaling (essaie de se souvenir de la suite)

Annexe H-445

4623 Ajouts neacuteologies lexicales liaisons

Les pheacutenomegravenes drsquoajouts de deacuteplacements drsquoanticipations formelles sont aussi transcrits tout comme les pheacutenomegravenes de neacuteologies lexicales (selon les cas en API ou en code orthographique de lrsquoeacutecrit standard)

Lorsqursquoune liaison nrsquoest pas reacutealiseacutee ou lorsqursquoune liaison notable est reacutealiseacutee cela est signaleacute dans la colonne laquo Commentaires raquo (la colonne agrave droite du corpus transcrit)

21 BR_agr1 deux deux ans deux ans Liaison non reacutealiseacutee(deuxans)

Annexe H-463

33 BR_agr4 un euh euh une euh maman [epaR] deux deux euh enfants

E Ph Gram Deformphon(seacuteparegt[epaR]) Liaison reacutealiseacutee(deux euh [z]+enfants)

Annexe H-486

16 MC_agr2a euh les oreillons

Deformphon(leorejo ) ou

LEXsubst(oreillesgtoreillons) Liaison non reacutealiseacutee(lesoreillons)

Annexe H-498

3 SB_agr1 et hum (2) er- [ɛRdi] discale deux hernies discales

Deformphon(herniesgt[ɛRdi]) avec Autocor+ Liaison reacutealiseacutee (deux [z]+hernies)

Annexe H-519

56 SB_agr1 enfin tout seul et euh [z] amis

Liaison reacutealiseacutee(0 DET + [z] + amis] DETom(les) laquo en plus des orthophonistes jrsquoai travailleacute en autonomie le langage avec les amis raquo

Annexe H-521

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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4624 Ambiguumliteacutes

Du fait des particulariteacutes morphologiques du parler agrammatique les ambiguumliteacutes de correspondances grapho-phonologiques peuvent surgir Dans certains cas on ne parvient pas agrave deacuteterminer la forme produite entre deux ou plusieurs termes possibles comme pour les verbes entrer manger ou allonger dans les exemples ci-apregraves (eacutenonceacutes 10 et 11) On pourrait tout aussi bien transcrire entreacute mangeacute ou allongeacutee en consideacuterant quil sagit de verbes au participe passeacute sans auxiliaire (est entreacute a mangeacute sest allongeacutee)

10 SB_agr2a et donc euh euh l- le loup entrer dans la lrsquoa-ppartement enfin dans la maison et manger la grand-megravere

11 SB_agr2a (2) le euh le chaperon rouge (10) euh le chaperon rouge entrer dans la euh (3) m- maison le grand-megravere et euh allonger

PREPom(de) DETsubst(lagtle) PROreflom(srsquo) + allonger

Annexe H-526

Mais par ailleurs le mecircme locuteur emploie des formes verbales non ambiguumles telles que aller au lieu de va dans les eacutenonceacutes ci-dessous (eacutenonceacutes 2 et 7)103 Ce faisant on aura tendance agrave privileacutegier une transcription des verbes agrave la forme infinitive Cest pourquoi on a transcrit le verbe de leacutenonceacute 11 (ci-dessus) sous la forme allonger et non allongeacutee et le verbe de leacutenonceacute 3 (ci-dessous) sous la forme traverser et non traverseacute

2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge

3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere

PROajout(la) DETsubst(lagtle)

Annexe H-525

7 SB_agr2a

et hum euh (7) a- euh a- a- euh aller euh aller [ld]

dans la maison le [ʃp] le grand-megravere grand-megravere XX

[ld] entre les deux sons - lede [tregraves peu audible]

[ʃp] initiation pour laquo chaperon raquo SN-Som(loup)

Annexe H-525

4625 Ponctuation

La ponctuation nrsquoest pas utiliseacutee mais les signes laquo raquo ou laquo raquo sont parfois noteacutes pour coder une prosodie tregraves marqueacutee

47 SB_agr2b et miracle [le] euh [le] (3) le le prince euh non Cendrillon (35) euh pied

Interj(miracle) Mot ext

Annexe H-529

103 De plus agrave la question laquo quand vous dites laquo le loup entrer lrsquoappartement et manger la grand-megravere raquo entrer manger comment est-ce que vous les eacutecrivez est-ce que avec un -eacute ou -er est-ce que crsquoest plutocirct par exemple le loup laquo entreacute raquo comme ccedila et pas le verbe agrave lrsquoinfinitif dans votre esprit raquo (voir en Annexe H-525) Le locuteur (ici SB_agr) nous reacutepond laquo en fait infinitif bien sucircr euh ccedila mais euh normalement co- conjugueacute pas terrible mais je preacutefegravere conjuguerhellipmais pas terriblehellip raquo Ainsi le locuteur confirme qursquoil emploie les verbes agrave lrsquoinfinitif mecircme si ce nrsquoest pas correct laquo pas terrible raquo En effet il preacutefegravererait conjuguer mais ne le fait pas Il srsquoagit drsquoune proceacutedure de simplification morphologique du verbe qui revient agrave laquo preacutefeacuterer raquo la forme infinitive ou basique agrave la forme conjugueacutee Drsquoautre part cette reacuteflexion meacutetalinguistique peut srsquoeacutelaborer car ce locuteur agrammatique a conscience des eacutecarts agrave la norme grammaticale produits Il peut les eacutevoquer et les analyser

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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4626 Notation drsquoun eacutenonceacute segmenteacute

Suivant les critegraveres de segmentation du discours continu en uniteacutes laquo eacutenonceacutes-segmenteacutes raquo (voir aux points 47 et 48 pp 154-163) chaque eacutenonceacute segmenteacute occupe une ligne autonome dans les feuilles de travail ougrave les cadres du tableur sont preacutedeacutefinis (voir les exemples deacutejagrave citeacutes)

4627 Dureacutees des pauses interruptions

La dureacutee des pauses de plus de 3 secondes est noteacutee entre parenthegraveses au sein du discours transcrit

1 PC_agr2b Cendrillon (15) hum la soupe soupe la soupe Vom

2 PC_agr2b et feu le euh le hum souffler souffler SN-ODir(feu) anteacuteposeacute SN-Som(Cendrillonelle) DETom(le)

3 PC_agr2b et (4) le sœur euh euh euh le merde le s- le le sœur ben pfff le sœur

DETsubst(lagtle)

Annexe H-444

Drsquoautre part les dureacutees correspondant aux interruptions ou aux intermegravedes qui ne concernent pas le reacutecit mecircme sont signaleacutees en marge des corpus transcrits (dans la colonne de droite)

Le cas eacutecheacuteant elles sont noteacutees sur la feuille de travail et bien sucircr ne sont pas prises en compte pour le calcul de la dureacutee effective de parole Dans lrsquoextrait ci-apregraves les dureacutees correspondant aux segments produits par lrsquoexpeacuterimentatrice (noteacutee laquo exp raquo) sont noteacutees et exclues de la dureacutee totale effective de discours produit par lrsquoagrammatique

En effet afin de ne pas biaiser le calcul du deacutebit verbal il est neacutecessaire de ne consideacuterer que les dureacutees de parole correspondant aux segments de discours pris en compte pour les analyses quantitatives

Ainsi dans lrsquoexemple ci-dessous la dureacutee de lrsquointermegravede (1 minute et 41 secondes) correspond agrave des eacutenonceacutes produits par lrsquoexpeacuterimentatrice et agrave des commentaires du locuteur (BR_agr) qui ne concernent pas directement le reacutecit Il srsquoagit drsquoeacutenonceacutes non coloreacutes (en marge) et non numeacuteroteacutes dans les feuilles de travail Par contre les eacutenonceacutes coloreacutes et numeacuteroteacutes (3 et 4 toujours dans le mecircme extrait ci-dessous) sont pris en compte pour les analyses quantitatives ulteacuterieures et la dureacutee de parole qui y correspond est comptabiliseacutee

3 BR_agr2a la forecirct pour aller rendre visite en une dame euh euh grand-pegravere non non (5)

PREPsubst(agravegten) Liaison non reacutealiseacutee(enune) PREPcor(pour)

exp grand-pegravere ou grand-m- Facilphon(m-) laquo megravere raquo

BR_agr2a megravere

BR_agr2a petits mots beaucoup difficiles

-1mn41sec (partie non transcrite en totaliteacute) discussion intermegravede laquo ce qui est difficile ce sont les petits mots raquo

exp donc la petite fille le petit chaperon rouge rend visite agrave sa grand-megravere

4 BR_agr2a un sac porte euh euh euh euh (20) laquo il porte un sac raquo SN-ODir anteacuteposeacute

Annexe H-469

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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4628 Paroles inaudibles

Les paroles inaudibles ou incompreacutehensibles sont noteacutees par le signe laquo XXX raquo chaque segment laquo X raquo repreacutesente une syllabe inaudible

32 0914 44 BR_agr4 une un u- un calme un monsieur XX euh euh filme dame

DETom(la)

Annexe H-486

4629 Chevauchements

Les eacutenonceacutes qui se chevauchent entre lrsquoexpeacuterimentatrice et le locuteur sont souligneacutes

exp oui IRM vous avez fait des scanners et -3sec

36 SB_agr1 XXX voilagrave crsquoest ccedila euh mais euh trop tard

Annexe H-520

46210 Remplisseurs heacutesitations

Les remplisseurs de type euh ou hum sont transcrits Ils correspondent agrave des recherches lexicales par exemple

Les mots correspondant aux traces de non-fluence verbale et de disfluence telles que les heacutesitations les mots reacutepeacuteteacutes les pauses remplies plus ou moins longues qui sont si caracteacuteristiques de lrsquooral ne sont pas retenus pour les analyses quantitatives Ces traces sont toutefois retranscrites et permettent de mieux appreacutehender la complexiteacute des pheacutenomegravenes ainsi contextualiseacutes dans la transcription lineacuteaire du flux verbal

6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge

pause longue (10) Rechlex claquement de langue en signe drsquoeacutenervement

Annexe H-525

46211 Uniteacutes morpheacutemiques solidaires

Lrsquoarticle partitif de-la ou de-lrsquo (de-la fiegravevre de-lrsquoargent) les locutions verbales (ecirctre-en-train ecirctre-sur-le-point etchellip) conjonctives (parce-que ou-bien apregraves-que etchellip) adverbiales (par-contre en-fait pas-du-tout jamais-plus par-exemple bien-sucircr de-toute-faccedilon agrave-peu-pregraves de-moins-en-moins plus-que un-peu etchellip) et preacutepositionnelles (en-dehors-de en-face-de etchellip) sont noteacutees avec des tirets Les tirets repreacutesentent une uniteacute laquo mot raquo (un morphegraveme complexe) ougrave les sous-uniteacutes (ou morphegravemes) qui le constituent sont solidaires Les noms composeacutes (par exemple lave-linge) constituent eacutegalement une uniteacute solidaire et sont noteacutes avec des tirets

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Dans les exemples suivants la preacuteposition en-dehors-de (eacutenonceacute 61) ou le verbe semi-auxiliaire est-en-train (eacutenonceacute 10) sont donc des uniteacutes morpheacutemiques solidaires

61 SB_agr1 a- en- en-dehors-de [z] orthophonistes

Liaison reacutealiseacutee([z] orthophonistes) avec DETom(les) amalgame incomplet 1 PREPcor(en-dehors-de)

Annexe H-521

10 GG_contr3-MJ03 donc il est-en-train de mettre du sel pour-que ben on puisse marcher sans se casser la figure quoi

CONJsynt(pour-que)

Annexe I-641

Pour identifier une suite de morphegravemes comme formant une uniteacute solidaire nous nous sommes fondeacutee sur des critegraveres conventionnels fixeacutes par nous-mecircme En effet cela agrave des conseacutequences sur les analyses quantitatives pratiqueacutees a posteriori par exemple au lieu de coter deux preacutepositions en et de dans le segment en dehors de (voir ci-dessus eacutenonceacute 61) le fait de consideacuterer en dehors de comme formant une uniteacute morpheacutemique solidaire revient agrave ne comptabiliser lrsquooccurrence que drsquoune seule preacuteposition et non deux

Une fois fixeacutes ces critegraveres drsquoamalgames entre uniteacutes morpheacutemiques srsquoappliquent systeacutematiquement aux corpus agrammatiques et controcircles

47 Segmentation des corpus de discours continu

471 La segmentation du discours continu position du problegraveme

Srsquoagissant de la production de discours continu on ne trouve guegravere de travaux drsquoanalyse de corpus qui preacutetendent deacutecrire la structuration du discours en prenant en consideacuteration les sous-uniteacutes qui le composent crsquoest-agrave-dire ses uniteacutes propositionnelles Comme le soulignent TISSOT et al (1973 38)

laquo Le corpus de langage spontaneacute nrsquoa pas permis le deacutepouillement exhaustif que lrsquoon projetait La principale difficulteacute qui srsquoest reacuteveacuteleacutee insurmontable reacuteside dans lrsquoimpossibiliteacute de deacutelimiter les eacutenonceacutes Pour nrsquoecirctre pas un chaos de mots comme le disait Jakobson le langage de lrsquoagrammatique nrsquooffre pas suffisamment de point de repegraveres pour permettre de segmenter lrsquoeacutenonceacute au-delagrave du syntagme raquo

Et drsquoailleurs MOUNIN soulevait deacutejagrave ce problegraveme lieacute agrave la segmentation du discours continu en uniteacutes distinctes (MOUNIN 1967 20)

laquo Mais on peut penser que le cœur du problegraveme agrave propos du laquo style teacuteleacutegraphique raquo est ailleurs et que crsquoest centralement celui que pose la question suivante laquo comment deacutelimiter les uniteacutes drsquoeacutenonceacute crsquoest-agrave-dire les phrases de lrsquoagrammatique raquo Tant qursquoil srsquoagit drsquoinventorier les classes grammaticales (noms adjectifs verbes etc) ou morphologiques [] qui sont conserveacutees chez lrsquoagrammatique il ne se pose pas de problegraveme agrave cet eacutegard on peut faire un inventaire sans se preacuteoccuper des limites de lrsquoeacutenonceacute Mais srsquoil srsquoagit drsquoanalyser les manques surtout syntaxiques [] on se reacutefegravere

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

155

toujours implicitement agrave une comparaison avec lrsquoeacutenonceacute normal vraisemblablement le plus proche reconstruit hypotheacutetiquement raquo

Pour remeacutedier agrave ces difficulteacutes de segmentation du discours la proceacutedure QPA eacutelaboreacutee par SAFFRAN et al (1989 446-447) propose de segmenter le discours continu en laquo uniteacutes propositionnelles raquo ou laquo eacutenonceacutes raquo104 (utterances)

laquo Lrsquoeacutechantillon de discours narratif est diviseacute en eacutenonceacutes [hellip] La segmentation de lrsquoeacutechantillon narratif en eacutenonceacutes fut baseacutee sur une hieacuterarchie drsquoindices structuraux en donnant plus de poids aux marqueurs de frontiegraveres drsquoordre syntaxique et prosodique et en donnant moins de poids aux pauses et agrave la dimension seacutemantique de bonne formation raquo105

La segmentation en uniteacutes laquo eacutenonceacutes raquo composant le discours continu reposent sur des critegraveres plus formels de type syntactico-prosodiques que seacutemantiques En effet cette proceacutedure de mise en forme du corpus nous semble fondeacutee sur des options objectives et adapteacutees au but de lrsquoanalyse quantitative et qualitative il est question de mettre en valeur les aspects formels de la structuration morpho-syntaxique du discours notamment au niveau des sous-uniteacutes propositionnelles qui le composent

Lrsquoanalyse des aspects structuraux du lexique et de la syntaxe est fortement deacutependante des critegraveres utiliseacutes pour la segmentation en uniteacutes de base que sont les laquo eacutenonceacutes ou eacutenonceacutes-phrases segmenteacutes raquo obtenus crsquoest pourquoi il est important drsquoappliquer les critegraveres de segmentation le plus strictement et rigoureusement possible

Dans le protocole original QPA106 lrsquoexpression employeacutee en anglais pour cette proceacutedure de mise en forme du corpus est Segmentation of Narrative Words into Utterances Selon nous laquo eacutenonceacutes-phrases raquo est la traduction la plus proche du terme utterances systeacutematiquement employeacute par les auteures

Nous utiliserons le terme laquo eacutenonceacutes raquo ou laquo eacutenonceacutes-phrases raquo pour deacutesigner les uniteacutes propositionnelles constitutives du discours continu obtenues apregraves segmentation Le terme laquo eacutenonceacutes-phrases raquo sera notamment consacreacute speacutecifiquement aux eacutenonceacutes de forme canonique

104 Dans notre terminologie pour les analyses de corpus nous utilisons le terme laquo eacutenonceacute segmenteacute raquo (et par ailleurs laquo eacutenonceacutes-phrases raquo laquo eacutenonceacutes-phrases grammaticaux raquo laquo eacutenonceacutes de forme non canonique ou canonique raquo) 105 Notre propre traduction 106 Rappelons que notre meacutethodologie et tregraves inspireacutee du protocole drsquoanalyse quantitative du discours aphasique de SAFFRAN et al (1989) et ROCHON et al (2000) Nous nous efforccedilons de respecter les principes geacuteneacuteraux de la proceacutedure de mise en forme des corpus tout en lrsquoadaptant agrave nos besoins et au franccedilais

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

156

472 Notion drsquo laquo eacutenonceacute raquo ou laquo eacutenonceacute-phrase raquo dans le cas de donneacutees patholinguistiques

4721 Diversiteacute des types de structuration syntaxique dans le discours pathologique

Les eacutenonceacutes segmenteacutes adoptent des formes syntaxiques tregraves diverses au sein des corpus agrammatiques Nous preacutesentons ici les diffeacuterentes cateacutegories drsquoeacutenonceacutes que nous avons rencontreacutees et identifieacutees suivant leur structuration syntaxique Nous anticipons sur la partie consacreacutee agrave la cotation des eacutenonceacutes en fonction de leur structuration syntaxique (voir les variables SYNTAX au point 53 p 208) En effet les cotations concernant les variables quantitatives SYNTAX srsquoappuient rigoureusement sur les principes exposeacutes ci-apregraves

Les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes sont deacutecrits plus en deacutetail ci-dessous avec drsquoabord les constructions de forme syntaxique canonique puis les autres types de constructions de forme non canonique ou elliptique

En croisant diffeacuterents critegraveres drsquoidentification des eacutenonceacutes selon leur structuration en particulier ceux de SAFFRAN et al (1989) dans le protocole QPA original et ceux formuleacutes par KOLK (voir 2433(c) p 67 le Tableau 3 p 69) nous sommes parvenue agrave eacutetablir ces diffeacuterentes cateacutegories drsquoeacutenonceacutes

la cateacutegorie des eacutenonceacutes-phrases (E Ph) parmi les E Seg les eacutenonceacutes de forme syntaxique canonique Ph=gtSN+SV qursquoon peut appeler laquo eacutenonceacutes-phrases raquo

la cateacutegorie des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) parmi les E Ph les eacutenonceacutes de forme canonique et dont la formulation est grammaticale

la cateacutegorie des eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can) tout autre type drsquoeacutenonceacute ne respectant pas le critegravere minimal drsquoagencement syntaxique SN+SV

Nous preacutesentons ci-apregraves les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes produits et coteacutes en conseacutequence en vue des analyses SYNTAX agrave lrsquoaide drsquoexemples tireacutes des corpus oraux

(a) Eacutenonceacutes de forme canonique Eacutenonceacutes-phrases (E Ph) avec une construction SUJET + PREacuteDICAT VERBAL (Sentence Utterances)

Drsquoapregraves les instructions de cotation de SAFFRAN et al (1989) et BERNDT et al (2000) il srsquoagit des sentence utterances crsquoest-agrave-dire des constructions de type S=gtSN + SV

Le terme sentence prend ici le sens strict drsquo laquo eacutenonceacute ou construction de forme canonique raquo107 Il a une valeur purement descriptive dans cette eacutetude crsquoest-agrave-dire qursquoil nrsquoimplique pas de cadre theacuteorique particulier

107 Il srsquoagit de notre propre traduction Nous distinguerons ainsi laquo eacutenonceacute-phrase raquo ou laquo eacutenonceacute de forme canonique raquo (sentence) drsquoune part et laquo eacutenonceacute de forme non canonique raquo (nonsentential) drsquoautre part

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Lorsqursquoun eacutenonceacute est de forme canonique il comprend au minimum un SN-S (Syntagme Nominal-Sujet) et un SV (Syntagme Verbal) De plus le SN-S doit preacuteceacuteder le SV

Mecircme si nous avons bien conscience que les termes laquo eacutenonceacute raquo (utterance) et laquo phrase raquo (sentence) srsquoopposent dans les concepts classiques utiliseacutes en theacuteorie linguistique il ne nous paraicirct pas contradictoire de les associer pour distinguer les eacutenonceacutes de forme canonique crsquoest-agrave-dire les eacutenonceacutes-phrases (sentence utterance dans la terminologie de BERNDT et al 2000) des eacutenonceacutes de forme non-canonique (TC utterance et other utterance eacutegalement dans la terminologie de BERNDT et al 2000 et nonsententials ou elliptical dans la terminologie de KOLK 2006 voir le Tableau 3 p 69)108

En voici des exemples

102 BR_agr1 euh maintenant oui crises arrecircter

DETom(les) + crises -5sec le participant eacutecrit laquo 1an 8mois raquo

Annexe H-468

6 BR_agr2a petit fille euh (25) partir laquo +40sec FLEXom(petitegtpetit)

Annexe H-470

14 SB_agr2a le loup (2) approcher la (2) grand-megravere euh non la euh euh ch- ch- chaperon rouge

reprise de lrsquoeacutenonceacute preacuteceacutedentAutocor+ PROreflom(srsquo) PREPom(de) DETsubst(legtla)

Annexe H-526

Notons que pour qursquoun eacutenonceacute soit consideacutereacute comme eacutenonceacute de forme canonique il ne doit pas forceacutement ecirctre grammatical Lorsqursquoun eacutenonceacute est structureacute au minimum drsquoun SN-S combineacute agrave un SV et qursquoil est de surcroicirct grammatical il est coteacute dans la deuxiegraveme cateacutegorie drsquoeacutenonceacutes (voir le point (b) ci-apregraves concernant les eacutenonceacutes-phrases grammaticaux)

Selon la typologie de KOLK (voir Tableau 3 p 69) lorsque les verbes sont agrave la forme non finie les constructions sont de forme non canonique (nonsententials) Agrave la diffeacuterence de KOLK nous ne retenons pas ce critegravere de cotation nous consideacuterons que les constructions de forme canonique agrave verbes non finis sont agrave coter comme eacutetant de forme canonique

108 Les notions de laquo phrases raquo (sentence) et eacutenonceacute (utterance) utiliseacutees par les auteurs du protocole QPA (1989 2000) et la notion drsquoeacutenonceacute de forme non canonique (nonsentential) utiliseacutee par KOLK (2006) ont une valeur descriptive En effet ces termes employeacutes pour distinguer les diffeacuterents types de constructions rencontreacutes au fil du discours agrammatique nous ont poseacute au deacutepart un problegraveme de terminologie Nous lrsquoavons reacutesolu en limitant lrsquointeacuterecirct drsquoun modegravele de la phrase canonique communeacutement admis en linguistique agrave sa dimension descriptive Dans le mecircme sens NESPOULOUS (communication personnelle 2008) preacutecise laquo sentential correspond en franccedilais agrave phrastique cest-agrave-dire agrave tout eacutenonceacute canonique respectant les regravegles de bonne formation syntaxique minimale Nonsentential regroupe tout le reste les eacutenonceacutes non-phrases ne reposant pas sur une structure minimale raquo

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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(b) Eacutenonceacutes de forme canonique grammaticale Enonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) (Well-formed Sentences)

Parmi les eacutenonceacutes de forme canonique il srsquoagit des eacutenonceacutes ougrave la structuration morphologique et syntaxique respecte les regravegles de bonne formation de la langue (drsquoapregraves SAFFRAN et al 1989 et BERNDT et al 2000)

Les critegraveres seacutemantiques nrsquoentrent pas en compte En effet si une construction est seacutemantiquement incoheacuterente mais grammaticalement acceptable elle est comptabiliseacutee comme phrase grammaticale

2 BR_agr3-MJ01 une personne mange le euh euh (2) fruit (2) E Ph Gram

Annexe H-474

1 BR_agr4 un garccedilon pleure E Ph Gram

Annexe H-481

1 MC_agr3-MJ10 voilagrave Paul joue agrave la non Paul joue aux cartes (2)

Autocor+(agrave lagtaux) aux=agrave+les PREPcor(agrave)

Annexe H-503

1 SB_agr4 le garccedilon pleure je pense oui pleure E Ph Gram

Annexe H-536

(c) Eacutenonceacutes de forme non canonique ou eacutenonceacutes E Non-Can (Nonsententials ou TC Utterances)

Un eacutenonceacute preacutesente surtout pour lrsquooral pathologique le caractegravere non-canonique Les laquo constructions elliptiques raquo reacutepertorieacutees par KOLK (2006 247 voir Tableau 3 p 69) pour lrsquoagrammatisme en hollandais et en allemand sont dites laquo non-canoniques raquo ou laquo non-phrastiques raquo (nonsententials) Ce type de constructions correspond agrave tous les eacutenonceacutes segmenteacutes qui nrsquoentrent pas dans la cateacutegorie (a) (voir p 156) crsquoest-agrave-dire aux structures syntaxiques dont lrsquoune des uniteacutes minimales constitutives drsquoune phrase canonique est absente ou apparaicirct dans un ordre non conforme aux regravegles de syntaxe canonique

Selon la typologie de KOLK les constructions de type SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV impliquant la combinaison drsquoun SUJET et drsquoun PREacuteDICAT AUTRE QUrsquoUN VERBE (voir le Tableau 3 p 69) sont des constructions de forme non canonique car le SN se combine agrave autre chose qursquoun SV pour former la construction Dans la terminologie de SAFFRAN et al 1989 et BERNDT et al (2000) cette cateacutegorie drsquoeacutenonceacutes correspond aux structures de type TOPIC (geacuteneacuteralement un SN) + COMMENT (SN SV SP ADJ ADV etchellip)

Drsquoautre part un eacuteleacutement syntaxique ou un morphegraveme peut apparaicirctre seul (SN SV SP ADJ ADV etchellip) ou avec un autre eacuteleacutement (SV+ADV SP+SN etc)

La seacuterie drsquoexemples suivants ne constitue qursquoun eacutechantillon non repreacutesentatif de la grande varieacuteteacute de structures de forme non canonique (E Non-Can) qursquoon rencontre tregraves freacutequemment

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

159

dans les corpus agrammatiques et tregraves rarement dans les corpus controcircles109 Il peut srsquoagir entre autres drsquoun SN isoleacute (eacutenonceacute 1) drsquoun SN+ADV (eacutenonceacute 4) drsquoun adverbe isoleacute (eacutenonceacute 6) drsquoune structure de type SN+SN (eacutenonceacute 7 - PC_agr2b) drsquoune structure de type SN+ADJ (eacutenonceacute 7 - SB_agr2b) drsquoun SV isoleacute (eacutenonceacute 30 ici un verbe agrave lrsquoinfinitif) drsquoune structure de type SP+SN (eacutenonceacute 5) drsquoune structure avec ellipse du SN-Sujet (eacutenonceacute 11 - SB_agr3) drsquoune structure avec anteacuteposition du SN-Objet (eacutenonceacute 94) drsquoune structure avec postposition du SN-Sujet (eacutenonceacute 20 11 - BR_agr3) drsquoune structure avec ellipse du verbe (eacutenonceacute 11 - BR_agr3)

1 BR_agr3-MJ01 euh deux personnes (2)

Annexe H-474

4 BR_agr3-MJ01 arbre plus loin DETom(lrsquo)

Annexe H-474

6 BR_agr3-MJ08 bien bien (5) Repet laquo bien bien raquo tregraves accentueacute accentueacute agrave la maniegravere du procegraves iteacuteratif des allers et venus drsquoune scie

Annexe H-479

7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala

2 Onom(tac-tac-taclalala)

Annexe H-444

7 SB_agr2b [ʒ] deux jeunes deux jeunes filles deux euh pomponneacutees en-fait euh (3) et (3)

Annexe H-525

30 SB_agr2b danser danser Repet aspect duratifiteacuteratif SN-Som(ils) Vinf isoleacute 0 V-FLEX

Annexe H-528

5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple

DETDeformphon(dugtde) laquo du beurre raquo Repet laquo de raquo prononciation floue entre laquo de raquo et laquo du raquo

Annexe H-525

11 SB_agr3-MJ03 ma- euh tombe (25) tombe sur le dos SN-Som(il) Ellipse du SN-S

Annexe H-532

94 PC_agr1 et tableau tableau euh tableau expliquer SN-ODir anteacuteposeacute au verbe laquo jrsquoexpliquais un tableau raquo

Annexe H-435

20 PC_agr2a et lagrave hum hum (6) couche euh hum (8) le m- euh non lrsquohomme non euh

PROreflom(se) + couche SN-S(lrsquohomme) postposeacute

Annexe H-443

11 BR_agr3-MJ06 pas-du-tout pas-du-tout content m- monsieur DETom(le) + monsieur SVom(est) Ellipse du verbe

Annexe H-478

109 Les corpus controcircles ont eacuteteacute obtenus agrave partir de tacircches de production de reacutecit narratif et de production de phrases isoleacutees Il ne srsquoagit pas de conversation ougrave on trouverait probablement beaucoup plus de structures de forme non canoniques ou elliptiques comme le suggegraverent les travaux de KOLK sur lrsquoellipse normale (voir au point 2433(c) p 67)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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(d) Abandons ou eacutechecs

Drsquoautre part les abandons ou eacutechecs de formulation sont toujours consideacutereacutes comme eacutetant non grammaticaux Par conseacutequent ils ne sont jamais coteacutes dans la cateacutegorie des eacutenonceacutes phrases grammaticaux (E Ph Gram) tels que lrsquoeacutenonceacute 14 ci-apregraves

14 SB_agr2b et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f- euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet- (4)

Ab

Annexe H-527

De plus lrsquoeacutenonceacute preacuteciteacute nrsquoest pas coteacute en tant qursquoE Ph (eacutenonceacute de forme canonique) car il ne respecte pas la structuration minimale SN-S + SV

Par contre un eacutenonceacute mecircme abandonneacute qui respecte la structuration minimale SN-S+SV est coteacute en tant qursquoeacutenonceacute de forme canonique Par exemple lrsquoeacutenonceacute suivant (eacutenonceacute 9) est abandonneacute mais comme il respecte la structuration SN-S (la grand-megravere) + SV (entend le ) il est coteacute E Ph

9 SB_agr2a (6) la grand-megravere (5) en- entend le (2) le entend (2) ccedila srsquoappelle (6)

Ab geste claque doigts contre la table en signe drsquoagacement manque du mot

Annexe H-525

4722 Synthegravese critegraveres syntaxiques de segmentation et de cotation des eacutenonceacutes

Degraves lrsquoeacutetape de transcription et de mise en forme des corpus nous prenons en consideacuteration les critegraveres de structuration syntaxique exposeacutes ci-dessus

Nous avons croiseacute les caracteacuteristiques des constructions identifieacutees par KOLK avec les instructions du protocole QPA Cela nous aide drsquoautant mieux agrave segmenter le discours en eacutenonceacutes lors de la transcription et agrave identifier des cateacutegories de constructions assez bien distinctes pour les analyses quantitatives ulteacuterieures

Le tableau ci-dessous reacutesume les critegraveres de segmentation du discours en uniteacutes laquo eacutenonceacutes raquo Ces critegraveres serviront agrave la cotation lorsqursquoil srsquoagira drsquoappliquer le protocole drsquoanalyse quantitative (voir les variables SYNTAX point 53 p 208)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Type drsquoeacutenonceacute Structure Critegraveres de cotation

Eacutenonceacute de forme canonique (E Ph)

SN-S+SV

Les constructions de forme canonique sont composeacutees au minimum drsquoun sujet et drsquoun preacutedicat verbal dont le verbe peut ecirctre agrave lrsquoinfinitif au participe passeacute ou fleacutechi Le SN-S peut contenir un PROdem On comptabilise aussi dans cette cateacutegorie les eacutenonceacutes de type laquo crsquoest+X raquo ou laquo il y a + X raquo et les structures ougrave le SN-S est repris par un pronom (le singe il mange la banane) Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Ph

Eacutenonceacute de forme canonique grammatical (E Ph Gram)

SN-S+SV grammatical

Les constructions de forme canonique selon les critegraveres preacuteciteacutes doivent ecirctre grammaticales Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Ph Gram

Eacutenonceacute de forme non canonique (E Non-Can)

Autres types SN-S+SN-O anteacuteposeacute+SV SN-O anteacuteposeacute+V SN-S postposeacute SNSN (eacutenumeacuteration) N+ADV+ADV SV (avec verbe fini ou non fini) SN SP SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV SV isoleacutes SN isoleacutes ADJ isoleacutes ADV isoleacutes SUB isoleacutes etchellip

Les constructions de forme non canonique adoptent diverses formes Le SV isoleacute peut ecirctre composeacute drsquoun V(inf) V(partpasseacute) ou V-Flex Le preacutedicat (srsquoil nrsquoest pas verbal crsquoest-agrave-dire un SN ADV ADJ etchellip) peut ecirctre combineacute agrave un SN-Sujet ou ecirctre isoleacute (attention parfois on trouve un SV avec SN-O anteacuteposeacute agrave ne pas confondre avec une construction SN-S+SV) Elles sont coteacutees 1 dans la cateacutegorie des E Non-Can

Abandon (Ab)

Formulations abandonneacutees eacutechecs

La construction est interrompue abandonneacutee ou eacutechoueacutee Ce type de fragment est coteacute 1 dans la cateacutegorie des E Ph ou des E Non-Can selon les critegraveres preacuteciteacutes

Tableau 11 Segmentation et cotation des eacutenonceacutes en fonction de critegraveres structurels formels

48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu

Afin de segmenter le discours continu en uniteacutes E Seg autonomes (eacutenonceacutes segmenteacutes) nous nous appuyons agrave la fois sur les critegraveres syntaxiques deacutefinis ci-dessus et sur les critegraveres prosodiques proposeacutes par le protocole original QPA Ainsi on tient compte du caractegravere canonique ou non canonique des eacutenonceacutes produits tout en appliquant les critegraveres de segmentation conventionnels fondeacutes sur des indices intonatifs fixeacutes par les concepteurs du protocole original

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

162

Ces critegraveres prosodiques sont les suivants

lrsquointonation montante ou descendante ainsi que les pauses marquant des frontiegraveres entre uniteacutes laquo eacutenonceacutes segmenteacutes raquo indiquent le deacutebut et la fin drsquoune uniteacute eacutenonceacute

un eacutenonceacute de forme canonique et ou grammatical est segmenteacute en tant qursquouniteacute eacutenonceacute

6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge

pause longue (10) Rechlex claquement de langue en signe drsquoeacutenervement

Annexe H-525

on considegravere qursquoun eacutenonceacute est abandonneacute ou eacutechoueacute lorsqursquoil y a de forts indices prosodiques qui le suggegraverent

33 SB_agr2b mais euh (3) le b- le ba- euh prince euh (5) Cendrillon hum s- Cendrillon repart (25) s- sans euh sans s- sans sans sans (20)

pause longue (20) Rechlex(pantoufle) Ab geste claque doigts sur la table en signe drsquoagacement

Annexe H-528

40 SB_agr2b et (25) cher- cher- euh le prince euh (5) qui (3) qui pant- euh le verron enfin euh pantoufle qui euh qui qui qui qui qui euh (10) rec- recommencer

Ab SUB tentative de SUB abandonneacutee reprise de lrsquoeacutenonceacute ensuite

41 SB_agr2b euh l- le prince cher- chercher le pantoufle (25) dans le euh tout autour-de tout autour-de vi- ville par-exemple

Reform laquo le prince cherche agrave qui est cette pantoufle raquo DETsubst(lagtle) + pantoufle DETom(la) + ville

Annexe H-528

les particules de discours (en caractegraveres italiques dans les corpus) qui srsquoagglutinent en marge des constructions peuvent aider agrave repeacuterer les frontiegraveres entre laquo uniteacutes phrastiques raquo autonomes assez clairement Nous les prenons en consideacuteration le plus possible mecircme si au final lrsquoeacutenonceacute segmenteacute obtenu est tregraves reacuteduit (un syntagme isoleacute par exemple en caractegraveres gras) surtout pour le cas des corpus agrammatiques

54 SB_agr1 en-plus euh hum en-fait euh (3) a- en en-fait a- apregraves euh (3) orthophonistes

1 DETom(les)

55 SB_agr1 et m- euh tout seul ADVmod(tout)

Annexe H-521

drsquoautre part une pause mecircme jugeacutee assez longue (plus de 3 secondes) nrsquoest pas forceacutement envisageacutee comme une interruption de la structuration de lrsquoeacutenonceacute (agrave moins que lrsquoeacutenonceacute soit abandonneacute) Lrsquoeacutenonceacute est noteacute sur une seule ligne si lrsquoon considegravere qursquoil y a continuation de la structure produite comme dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous ougrave la structure est comme suspendue pendant 6 secondes

59 SB_agr1 donc euh jrsquoai euh (6) hum amis DETom(les) ou (mes) ou (des)

Annexe H-521

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Selon le protocole original les critegraveres seacutemantiques qui pourraient aider agrave prendre une deacutecision sur la frontiegravere agrave fixer entre eacutenonceacutes sont agrave utiliser avec parcimonie Dans le doute par convention la segmentation est opeacutereacutee plutocirct en eacutenonceacutes courts qursquoen eacutenonceacutes longs

Compareacute au discours pathologique la transcription et la segmentation des productions controcircles nous ont paru des plus faciles agrave reacutealiser Ces derniegraveres ne preacutesentaient que de tregraves rares ambiguumliteacutes tregraves facilement reacutesolues Drsquoautre part les indices prosodiques qui caracteacuterisent le discours ordinaire non aphasique ne sont pas applicables lorsqursquoil srsquoagit de segmenter le discours continu pathologique En effet en cas de trouble aphasique la prosodie peut srsquoaveacuterer tregraves peu transparente du fait des perturbations Crsquoest pourquoi les indices laquo classiques raquo ne sont pas applicables en tant que tels et qursquoil faut se deacutepartir de nos habitudes drsquoeacutecoute de la parole ordinaire pour mieux percevoir la complexiteacute du parler agrammatique Crsquoest pourquoi la segmentation du discours agrammatique peut srsquoaveacuterer tregraves difficile agrave reacutealiser Avec un deacutebit tregraves lent et haletant chez lrsquoagrammatique certaines intonations sont souvent ambiguumles crsquoest-agrave-dire qursquoelles nrsquoindiquent pas clairement une fin drsquouniteacute phrastique

Les interruptions dues aux constructions de phrases avorteacutees (pouvant se traduire par des pauses tregraves longues pouvant aller jusqursquoagrave 10 ou plusieurs dizaines de secondes) les multiples tentatives de reformulations les eacutechecs de reformulations ou les recherches lexicales parfois infructueuses perturbent la meacutelodie et le rythme de la langue Drsquoautre part les interruptions et les pauses peuvent eacutegalement ecirctre des indices de strateacutegies lieacutees par exemple agrave des proceacutedures drsquoautocorrections silencieuses ou mecircme de planification de la seacutequence agrave produire En effet elles dissimulent probablement ce que KOLK appelle covert-repairs crsquoest-agrave-dire des reacuteparations silencieuses (voir au point 2433(a) p 65)110

49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives

491 Principes 3 niveaux de transcription 3 niveaux de lecture et 3 niveaux de traitement des corpus oraux

Dans le protocole original QPA toutes les cotations drsquooccurrences de mots et de structures syntaxiques sont opeacutereacutees agrave partir de ce que les concepteurs du protocole appellent laquo mots

110 Tel que les corpus agrammatiques ont eacuteteacute enregistreacutes et codeacutes une description plus fine de la prosodie pourrait probablement ecirctre reacutealiseacutee en compleacutement Outre les informations que ce type drsquoeacutetude pourrait apporter agrave une meilleure description du parler agrammatique certaines intonations et une accentuation particuliegravere pourraient aussi renseigner sur la structuration strateacutegique pragmatique du discours de sa hieacuterarchie et ce en vue drsquoune ameacutelioration de lrsquointelligibiliteacute (comme par exemple la mise en focus drsquoun eacuteleacutement par une forte accentuation ou justement le marquage de frontiegraveres prosodiques entre uniteacutes propositionnelles)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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narratifs raquo (Narrative Words)111 Pour deacutesigner cette cateacutegorie drsquoobservables extraits des donneacutees transcrites nous utiliserons systeacutematiquement lrsquoexpression laquo mots extraits raquo112 (Mots ext) car elle nous semble plus geacuteneacuteralisable aux diffeacuterents types de corpus auxquels nous avons affaire les corpus de discours continu segmenteacute (tacircches 1 2 et 3) et les corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4) Ainsi entre les termes laquo mots narratifs raquo et laquo mots extraits raquo nous utiliserons ce dernier car il ne reacuteduit pas la nature des diffeacuterents corpus que nous avons construits au seul caractegravere laquo narratif raquo

Les mots extraits reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes Dans la typographie des corpus oraux ces mots apparaissent en caractegraveres gras Ils peuvent donc ecirctre visuellement diffeacuterencieacutes des autres mots qui apparaissent laquo en marge raquo de la structuration interne crsquoest-agrave-dire des particules discursives (qui apparaissent en caractegraveres italiques) des scories de lrsquooral des traces de disfluences de certaines interjections et drsquoonomatopeacutees (qui apparaissent en caractegraveres normaux)

Ainsi dans les eacutenonceacutes suivants (1 et 16) les mots extraits sont donc laquo jrsquoai tregraves longtemps mal au dos raquo et laquo le loup il va faire raquo

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

laquo au raquo=agrave+le

Annexe H-519

16 PB_agr2a et euh le loup il va faire euh teu-toc-toc Onom(teu-toc-toc)

Annexe H-551

En reacutesumeacute la mise en forme des corpus laisse transparaicirctre 3 niveaux de transcriptions qui correspondent donc agrave 3 niveaux de lecture pour les mecircmes donneacutees verbales et par conseacutequent agrave trois plans diffeacuterents de traitement de donneacutees

(1) les mots extraits (en caractegraveres gras) ils reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes produits crsquoest-agrave-dire le niveau phrastique drsquointeacutegration syntaxique des uniteacutes linguistiques

(2) les particules de discours (en caractegraveres italiques) elles reflegravetent la structuration du discours en assurant lrsquoinitiation la clocircture et la connection entre uniteacutes discursives segmenteacutees ou en leur assignant une attitude subjective

(3) les scories et particulariteacutes de lrsquooral (en caractegraveres normaux) elles correspondent aux proprieacuteteacutes speacutecifiques de lrsquooraliteacute (reacutepeacutetitions amorces onomatopeacutees interjections segments de modalisation etchellip)

111 laquo Narrative words raquo dans le protocole original car il srsquoagit drsquoeacutetudier seulement des reacutecits narratifs (des contes) et non du discours plus spontaneacute comme lrsquohistoire de la maladie ou plus controcircleacute comme les histoires agrave partir de seacutequences drsquoimages 112 Tous les termes utiliseacutes dans le protocole original en anglais sont traduits et adapteacutes au franccedilais par nos soins

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

165

Voici pour lrsquoeacutenonceacute 1 preacuteciteacute les trois niveaux ainsi deacutefinis

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos Annexe H-519

Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux

Cette distinction entre trois plans de traitement de donneacutees est drsquoabord meacutethodologique En effet lrsquoorganisation du discours doit selon nous srsquoenvisager dans un continuum Mais il nous a fallu quand mecircme appliquer une meacutethode drsquoextraction des observables qui puisse rendre possible les analyses structurales Cette meacutethode de preacute-traitement des donneacutees orales est influenceacutee par notre intuition linguistique et les trois plans que nous avons deacutefinis ne sont pas exclusifs les uns par rapport aux autres Ils sont inteacutegreacutes au sein du discours Crsquoest pourquoi mecircme si nous nous sommes efforceacutee de dissocier ces trois plans le mieux possible lors des preacute-traitements il nous a eacuteteacute parfois difficile de deacutecider si un morphegraveme devait ecirctre consideacutereacute sur le plan du micro-discours ou sur le plan du macro-discours (dans le discours agrammatique et ordinaire)

492 Seacutelection des laquo mots extraits raquo objectif et proceacutedure

4921 Objectif

La seacutelection des mots extraits est reacutealiseacutee avec le souci premier de refleacuteter au mieux la structuration morpho-syntaxique des eacutenonceacutes La proceacutedure drsquoextraction de ces mots permet de fournir un eacutetat de la structuration interne des eacutenonceacutes tout en mettant en arriegravere plan les

3 ndash euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

2 ndash donc en-fait jrsquoai tregraves longtemps mal au dos

1 ndash jrsquoai tregraves longtemps mal au dos

3 ndash Disfluences heacutesitations pauses modalisations interjections etchellip (plan de lrsquoeacutenonciation et de lrsquooraliteacute)

2 ndash Particules de discours (plan macro-discursif)

1 ndash Mots extraits (plan micro-discursif de lrsquoorganisation interne phrastique)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

166

pheacutenomegravenes drsquoheacutesitations les difficulteacutes sur un mot ou sur une structure morpho-syntaxique les commentaires meacutetalinguistiques les scories de lrsquooral les particules discursives etc

Ainsi mis au premier plan les mots extraits qui reflegravetent drsquoembleacutee lrsquoorganisation morpho-syntaxique des eacutenonceacutes segmenteacutes ne sont pas noyeacutes parmi les laquo bruits raquo de lrsquooral (heacutesitations amorces commentaires etchellip) Drsquoautant que ces pheacutenomegravenes de disfluence sont beaucoup plus caracteacuteristiques des corpus patholinguistiques compareacute aux corpus controcircles En effet la proportion de mots extraits par rapport au nombre total de mots produits est au final beaucoup plus eacuteleveacutee dans les corpus controcircles que dans les corpus agrammatiques (voir au point 6111 p 227)

Par ailleurs la lisibiliteacute des eacutenonceacutes produits est ameacutelioreacutee gracircce agrave la mise en gras des mots extraits drsquoune part et la mise en caractegraveres italiques des particules de discours drsquoautre part Les particules de discours laquo gravitent raquo autour des mots extraits et participent agrave lrsquoorganisation macro-discursive Agrave ces derniegraveres comme nous le verrons plus en deacutetail dans la suite (au point 4925 p 169 ci-apregraves) il sera appliqueacute un traitement particulier

La seacutelection des observables laquo mots extraits raquo agrave prendre en compte en vue de la plupart des analyses structurales ulteacuterieures est reacutealiseacutee par inclusion et exclusion de certains segments de discours ce que nous explicitons ci-apregraves

4922 Exclusion des remplisseurs heacutesitations reacutepeacutetitions amorces interjections onomatopeacutees perseacuteveacuterations

Les remplisseurs (par exemple euh hum ben etc voir dans lrsquoexemple ci-dessous) qui peuvent apparaicirctre agrave nrsquoimporte quel endroit dans lrsquoeacutenonceacute produit sont exclus de la cateacutegorie des mots extraits Drsquoailleurs ces pheacutenomegravenes de disfluence ne sont pas pris en compte dans les cotations ulteacuterieures de mots produits au total Toutefois ils sont tous noteacutes le plus rigoureusement possible dans les transcriptions Les faux deacuteparts et amorces de mots ou de syntagmes noteacutes avec un tiret sont exclus de la mecircme maniegravere Dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous

(eacutenonceacute 3) le remplisseur hum lrsquoamorce er- et les termes [ɛRdi] discales ne sont pas inclus

dans la cateacutegorie des mots extraits

3 SB_agr1 et hum (2) er- [ɛRdi] discales deux hernies discales

Deformphon(herniesgt[ɛRdi]) avec Autocor+ Liaison reacutealiseacutee (deux [z]+hernies)

Annexe H-519

En cas de reacutepeacutetition crsquoest la meilleure tentative qui est retenue dans la cateacutegorie des mots extrait Dans lrsquoexemple preacuteciteacute crsquoest donc la deuxiegraveme tentative de formulation de deux hernies discales que lrsquoon considegravere comme mots extraits Par contre les reacutepeacutetitions agrave valeur stylistique dans une figure drsquoinsistance par exemple sont comptabiliseacutees comme mots extraits jusqursquoagrave trois uniteacutes

61 PC_agr1 oui bien-sucircr eacutelectronique eacutelectronique Repet figure de style laquo diplocircme et carriegravere prof essentiellement centreacutee sur ce domaine raquo

Annexe H-433

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

167

133 PC_agr1 et hum (3) preacutecis hein preacutecis preacutecis preacutecis hein Repet figure de style

Annexe H-440

7 MC_agr1 et trois fois pouf par terre pouf par terre pouf par terre

laquo trois fois pouf raquo accentueacute intonation montante Repet agrave valeur stylistique aspect iteacuteratif Onom(pouf)

Annexe H-491

Drsquoautre part les interjections constituent une classe tregraves heacuteteacuterogegravene appartenant agrave diffeacuterentes classes grammaticales (RIEGEL 1994 462-464) Elles peuvent ecirctre des onomatopeacutees (ah hein aiumle chut psst ouf pouf dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessus etchellip) ou des mots issus du lexique conventionnel Noms (pardon bonjour attention dommage ciel bonjour adieu mon Dieu miracle silence etchellip) Verbes (voyons allons tiens tenez dites dis donc etchellip) Adjectifs (parfait dur facile etchellip) ou Adverbes (alors bien bon comment etchellip) Elles srsquoaccompagnent souvent drsquoune accentuation forte et drsquoune prosodie particuliegravere (exclamation ou interrogation)

Lorsqursquoune interjection est un mot du lexique conventionnel et qursquoelle fait partie des segments de reacutecit (cela est assez rare dans les corpus) elle est prise en compte dans la cateacutegorie des mots extraits Dans lrsquoexemple suivant il srsquoagit de laquo tiens raquo

17 SB_agr2a euh le chaperon rouge laquo ti- euh laquo tiens les (2) les oreilles grandes oreilles raquo

Interj(tiens) Mots ext

Annexe H-526

Par contre les onomatopeacutees ne sont jamais consideacutereacutees comme mots extraits telles que laquo tac tac tac lalala raquo dans lrsquoeacutenonceacute suivant

7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala

2 Onom(tac-tac-taclalala)

Annexe H-444

4923 Exclusion des neacuteologismes eacutecholalies perseacuteveacuterations commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs

Les neacuteologismes ininterpreacutetables pour le transcripteur sont exclus des mots extraits Les neacuteologismes ou mots deacuteformeacutes qui sont interpreacutetables peuvent par contre ecirctre retenus comme mots extraits comme gueutiner dans lrsquoexemple suivant

22 SB_agr1 je p- euh (3) [geoslashtine] gueutiner euh m- manger par-exemple non

Deformphonneacuteologie(deacuteglutirgtgueutiner) (le verbe en -ir est deacuteformeacute en verbe en -er) laquo je ne pouvais pas deacuteglutir raquo ADVmod(non) ADVdisc(par-exemple)

Annexe H-520

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

168

Les pheacutenomegravenes drsquoeacutecholalies crsquoest-agrave-dire lorsque le sujet ne peut reacuteprimer une redite drsquoun mot ou drsquoun segment de mots prononceacute par lrsquoexpeacuterimentatrice sont exclus Crsquoest pourquoi dans lrsquoeacutenonceacute 71 ci-dessous le segment non tek- teacuteleacute nrsquoest pas consideacutereacute en tant que segment de mots extraits

exp au service technique TEK crsquoest ccedila technique non teacuteleacute

-6sec

71 PC_agr1 non tek- teacuteleacute mais lagrave quit- euh quitter quitter et hum Echol

Annexe H-434

Les pheacutenomegravenes de perseacuteveacuterations crsquoest-agrave-dire lorsqursquoun mot ou un segment de mots est reacutepeacuteteacute de maniegravere involontaire et irreacutepressible sont eacutegalement exclus comme la promotion dans lrsquoexemple suivant

exp vous avez eu une promotion laquo -5sec

PC_agr1 oui oui promotion oui oui

81 PC_agr1 alors hum promotion direct- non non directeur non non

Persev(promotion)

Annexe H-434

4924 Exclusion des commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs

Les segments de commentaires ou eacutenonceacutes modalisateurs crsquoest-agrave-dire de tout ce qui nrsquoest pas laquo reacutefeacuterentiel raquo au sens de NESPOULOUS (1980)113 ne sont pas retenus qursquoils correspondent agrave un eacutenonceacute segmenteacute autonome agrave une incise agrave lrsquointeacuterieur drsquoun eacutenonceacute ou agrave un segment de mots De la sorte ce qui relegraveve du niveau intradieacutegeacutetique dans le reacutecit114 est retenu en tant que laquo mots extraits raquo pour les mesures structurales

Dans les corpus les segments de type crsquoest ccedila oui crsquoest sucircr non crsquoest pas ccedila ouinon non pas ccedila en franccedilais ccedila je sais pas enfin crsquoest bon etchellip ont le statut de modalisateurs crsquoest-agrave-dire qursquoils confegraverent une attitude subjective sous forme de commentaires explicites sur le discours qui a eacuteteacute produit

En voici des exemples (le segment exclu est en caractegraveres barreacutes)

12 SB_agr3-MJ07 endommager le journal

SB_agr3-MJ07 oui crsquoest ccedila en-fait pas terrible quand-mecircme -2sec

Annexe H-534

10 SB_agr3-MJ08 et donc crsquoest crsquoest crsquoest mieux laquo les personnages eacuteconomisent leur force partagent lrsquoeffort crsquoest mieux raquo

SB_agr3-MJ08 mais enfin je sais pas-du-tout en-fait mais enfin bon crsquoest bon ou non

le locuteur critique la situation de lrsquoimage ce nrsquoest pas rentable drsquoun point de vue meacutecanique

Annexe H-534

113 Sur la dissociation entre discours reacutefeacuterentiel et modalisateur voir NESPOULOUS (1980) 114 Le locuteur est le narrateur Il retrace le cours des eacutevegravenements lrsquoeacutevolution des personnages dans un univers distancieacute du laquo ici et maintenant raquo (la deixis srsquoarticule dans les formes discursives plutocirct autour du laquo ailleurs agrave un autre moment raquo On se trouve au niveau dieacutegeacutetique ou intradieacutegeacutetique Lrsquoextradieacutegegravese correspond agrave lrsquoinverse aux moments ougrave le narrateur commente et juge son propos

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

169

Ce faisant les mots employeacutes en guise de commentaires ou incises drsquoordre meacutetalinguistique sont pris en compte parmi le total de mots produits si lrsquoeacutenonceacute segmenteacute fait partie du corpus de donneacutees agrave analyser lorsque lrsquoeacutenonceacute est numeacuteroteacute et mis en eacutevidence par une couleur dans les feuilles de travail

4925 Traitement particulier des particules de discours conjonctions et adverbes agrave valeur discursive

(a) Les connecteurs de discours dans lrsquoagrammatisme

En conclusion drsquoune eacutetude reacutealiseacutee pour 14 langues (CLAS Project voir au point 2352 p 48) agrave propos des conjonctions que lrsquoont peut relever dans les corpus de discours continu chez lrsquoagrammatique MENN et OBLER (1990 1377) font remarquer ceci

laquo Certains morphegravemes grammaticaux libres notamment les conjonctions laquo additives raquo en position initiale (et et alors et puis) et les particules de fin de phrases en japonais eacutetaient utiliseacutes tregraves freacutequemment ndash et mecircme avec excegraves pour les conjonctions Ces morphegravemes grammaticaux utiliseacutes de maniegravere preacutefeacuterentielle et geacutereacutes au niveau du discours nrsquoont pas agrave ecirctre inteacutegreacutes pour la structuration de la proposition raquo115

Selon ces auteures les donneacutees montrent une tendance geacuteneacuterale au suremploi de certains laquo morphegravemes non lexicaux optionnels raquo116 tels que

(a) les remplisseurs et interjections (bien ben tu sais quoi etchellip)

(b) les conjonctions en position initiale de la proposition (et et alors)

(c) en japonais les particules de fin de phrase et en fin de discours

Pour elles les particules qursquoon trouve en japonais se retrouvent en marge de la proposition (au deacutebut ou agrave la fin) tout comme celles qursquoon trouve en anglais ou en franccedilais Ce type de particules discursives ne neacutecessite pas de computation syntaxique pour leur inteacutegration dans la matrice syntaxique de la proposition

Elles opegraverent donc une distinction entre (1) les particules conjonctives optionnelles ou additives de type laquo remplisseurs raquo (fillers) et laquo de deacutebut ou fin drsquoeacutenonceacutes raquo (sentence-initial or final) drsquoune part et drsquoautre part (2) les conjonctions qui neacutecessitent un traitement syntaxique particulier pour ecirctre placeacutees de maniegravere adeacutequate agrave lrsquointeacuterieur de la chaicircne syntagmatique Nos propres observations117 agrave partir des corpus agrammatiques que nous 115 Notre propre traduction laquo Certain free grammatical morphemes notably clause-initial ldquoadditiverdquo conjonctions (ldquoandrdquo ldquoand thenrdquo ldquoand sordquo) and Japanese sentence final-particles were used quite heavily ndash the conjonctions even excessivily These favored grammatical morphemes are ones which are discourse-controlled and do not have to be integrated into the clause structure raquo 116 Ces particules ne sont ni des mots grammaticaux en tant que tels ni des mots lexicaux drsquoougrave le terme laquo morphegravemes non lexicaux raquo 117 Ce type de morphegravemes agrave valeurs multiples nous a poseacute problegraveme lorsqursquoil fallait deacutefinir des critegraveres objectifs drsquoidentification et de distinction Pour NESPOULOUS (communication personnelle 2006) laquo il

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

170

avons collecteacutes corroborent cette ideacutee Il semble en effet que ce que MENN et OBLER (1990) appellent laquo morphegravemes non lexicaux optionnels raquo soient en fait des particules de discours qui gravitent en marge de la structuration interne ou laquo phrastique raquo de lrsquoeacutenonceacute produit

Il faut tout de mecircme preacuteciser que drsquoapregraves les distinctions entre cateacutegories morpho-lexicales classiquement eacutetablies par nos grammaires traditionnelles pour le franccedilais les particules que lrsquoon peut trouver en marge de la structuration syntaxique des propositions ne sont pas seulement des conjonctions (telles que et donc mais etchellip) car nombreux sont les cas ougrave des adverbes (tels que puis alors apregraves voilagrave etc) viennent initier clore ou connecter des eacutenonceacutes entre eux Par ailleurs il peut srsquoagir aussi freacutequemment de locutions conjonctives ou adverbiales figeacutees (telles que crsquo-est-agrave-dire en-mecircme-temps en-fait par-exemple etchellip)

En reacutesumeacute les laquo particules agrave valeur discursive raquo qui sont utiliseacutees avec beaucoup de liberteacute agrave lrsquooral seront traiteacutees agrave part dans les analyses quantitatives

En franccedilais elles apparaissent le plus souvent en position initiale de lrsquoeacutenonceacute (starters) mais peuvent apparaicirctre aussi en position intermeacutediaire ou finale Ces particules correspondent au laquo deuxiegraveme niveau de transcription raquo (crsquoest-agrave-dire du niveau macro-discursif voir le Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux p 165)

Au sein des corpus oraux les particules de discours sont noteacutees en caractegraveres italiques En effet elles seront releveacutees dans les cateacutegories speacutecifiques CONJdisc et ADVdisc

Dans les exemples ci-apregraves il srsquoagit des particules alors et et donc

7 PC_agr2b alors hum (7) le carrosse (6) euh hum le carrosse le cheval tac-tac-tac lalala

2 Onom(tac-tac-taclalala)

Annexe H-444

10 SB_agr3-MJ08 et donc crsquoest crsquoest crsquoest mieux laquo les personnages eacuteconomisent leur force partagent lrsquoeffort crsquoest mieux raquo

Annexe H-534

(b) Critegraveres drsquoinclusion des conjonctions agrave valeur syntaxique

Les laquo conjonctions agrave valeur syntaxique raquo sont contraintes par la structure de lrsquoeacutenonceacute si celui-ci preacutesente une coordination ou une subordination syntaxique formelle crsquoest-agrave-dire qursquoune conjonction est preacutesente pour coordonner deux propositions ou en guise de subordonnant comme et ou parce que dans les eacutenonceacutes suivants

4 SB_agr1 en-fait euh euh euh hum (4) lombaires (2) et tecirctes geste montre dos

Annexe H-519

102 SB_agr1 lyceacutee jrsquoheacute- jrsquoheacutesite parce-que de-toute-faccedilon en en collegravege toujours euh speacutecialiste euh agrave collegravege

DETom(le) amalgame incomplet laquo au raquo CONJsynt(parce-que)

Annexe H-523

convient de bien diffeacuterencier les laquo constituants formels ou structuraux raquo et les laquo fonctions raquo de ces derniers Un mecircme item (ex donc ou et) peut assumer diverses fonctions et laphasie peut affecter lune et non lautre raquo

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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Comme elles sont prises en compte parmi les mots extraits les conjonctions agrave valeur syntaxique apparaissent en caractegraveres gras Il faut bien les distinguer des particules et connecteurs discursifs qui eux apparaissent en caractegraveres italiques (voir au point (a) preacuteceacutedent)

410 Corpus collecteacutes et mis en forme

4101 Application du protocole original QPA agrave drsquoautres types de tacircches de production

Selon le protocole original les mesures sont appliqueacutees exclusivement agrave des corpus de discours narratif (un conte voire deux contes) En outre pour BERNDT (2005)

laquo Lrsquoanalyse quantitative de la production peut ecirctre appliqueacutee agrave nrsquoimporte quel eacutechantillon (assez long) tant qursquoon a une ideacutee de ce que le patient essaie de veacutehiculer comme information raquo118

Ainsi nous avons appliqueacute le mecircme protocole de formalisation et drsquoanalyse de donneacutees linguistiques agrave drsquoautres types de tacircches de production telles que la production de discours spontaneacute autobiographique (tacircche 1) la narration drsquohistoires inconnues du locuteur drsquoapregraves un set drsquoimages (tacircche 3) ou la production de phrases isoleacutees agrave partir drsquoimages (tacircche 4) en plus de la tacircche classique de narration drsquoun conte connu (tacircche 2)

Les corpus de discours obtenus ont eacuteteacute formaliseacutes selon des principes de segmentation et drsquoextraction drsquoobservables adapteacutes au franccedilais tout en respectant les principes guides du protocole original

118 Notre propre traduction communication personnelle de BERNDT (2005) Qursquoelle soit remercieacutee ici de nous avoir fourni les outils neacutecessaires afin de pouvoir adapter et utiliser le protocole

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1 Protocole QPA original (SAFFRAN et al 1989 BERNDT et al 2000 ROCHON et al 2000) 1 tacircche Discours continu narration de 1 ou 2 contes

2 Protocole QPA adapteacute 4 tacircches Tacircche 1 - discours continu spontaneacute reacutecit de la maladie voyage entretien semi-guideacute Discours narratif autobiographique Tacircche 2 - discours continu narration de 2 contes (PCR et Cendrillon) Discours narratif (il est demandeacute drsquoembleacutee au sujet de raconter 2 contes pour la tacircche de production de discours narratif) Tacircche 3 - discours continu narration de 7 histoires ineacutedites agrave partir drsquoimages Discours narratif descriptif (set de 4 images par histoires) 12 histoires raconteacutees dont 7 histoires retenues Tacircche 4 - phrases isoleacutees production de structures agrave partir drsquoimages 60 structures cibles

Tableau 12 Tacircches et types de donneacutees collecteacutees (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute au franccedilais et agrave drsquoautres tacircches de production)

4102 Adaptations du protocole original QPA nature et quantiteacute de donneacutees analyseacutees

Selon le protocole original QPA le nombre de mots narratifs doit ecirctre au minimum de 150 mots par corpus agrave analyser Cette quantiteacute nous semble assez faible crsquoest pourquoi nous avons deacutecideacute de construire des corpus plus abondants

Ainsi concernant la tacircche de production de discours spontaneacute (tacircche 1) et pour tous les participants il srsquoagit drsquoobtenir au minimum entre 300 et 800 mots produits parmi lesquels 250 agrave 500 mots extraits Que ce soit pour les locuteurs aphasiques ou controcircles nous nous en sommes tenue strictement agrave ces intervalles de nombre de mots produits au total et de mots extraits

Concernant les autres tacircches (2 3 et 4) nous nrsquoavons pas fixeacute drsquointervalle Tout ce qui concerne la narration drsquohistoires et la production de phrases agrave partir drsquoimages est transcrit mis en forme et analyseacutes

Comme pour le protocole original les informations sur les caracteacuteristiques des corpus construits (nombre de mots produits extraits dureacutee de parole effective) apparaissent

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

173

clairement sur les feuilles de reacutesultats Ainsi le lecteur peut se faire une ideacutee assez preacutecise de la quantiteacute de mots soumis agrave lrsquoanalyse pour chaque participant agrammatiques et controcircles et pour chaque tacircche

Le tableau ci-dessous (Tableau 13) preacutesente les adaptations reacutealiseacutees par nos soins et jugeacutees adeacutequates suivant le type de tacircche et la quantiteacute de donneacutees agrave analyser

CORPUS APHASIQUES et CONTROcircLES 2 Protocole drsquoAnalyse Quantitative adapteacute - 4 tacircches - adapteacute par nos soins au franccedilais - ajouts de certaines mesures quantitatives comme la mesure de lrsquoemploi des particules de discours de conjonctions syntaxiques drsquoadverbes modifieurs et de preacutepositions - modifications de certaines mesures pour ameacuteliorer la comparabiliteacute des reacutesultats entre corpus

1 Protocole drsquoAnalyse Quantitative original - 1 tacircche de narration de conte (1 ou 2) =gt au moins 150 mots extraits (+- 10 mots) Si le nombre de mots narratifs ou mots extraits est au final infeacuterieur agrave 150 mots alors il est demandeacute au locuteur de raconter un deuxiegraveme voire un troisiegraveme conte

Tacircche 1 - discours continu spontaneacute reacutecit de la maladie voyage entretien semi-guideacute =gt entre [300 et 800] mots produits sont transcrits dont [250 agrave 500] mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 2 - discours continu narration de 2 contes (PCR et Cendrillon) =gt tous les mots produits sont transcrits et tous les mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 3 - discours continu narration de 7 histoires ineacutedites agrave partir drsquoimages =gt tous les mots produits sont transcrits et tous les mots extraits sont pris en compte pour les analyses quantitatives Tacircche 4 - phrases isoleacutees production de structures agrave partir drsquoimages 60 structures cibles =gt toutes les phrases produites sont transcrites seuls les mots extraits sont pris en compte dans les analyses

Tableau 13 Nature et quantiteacute de donneacutees verbales (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute)

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

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En reacutesumeacute compareacute au protocole original qui preacutevoit au minimum drsquoobtenir 150 mots extraits pour les analyses nous avons choisi de collecter une quantiteacute plus abondante de donneacutees

4103 Particulariteacutes de la mise en forme concernant les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

La transcription et la mise en forme des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) srsquoavegraverent plus aiseacutees que pour les corpus de production de discours continu (tacircches 1 2 et 3) En effet la question de la segmentation du discours continu ne se pose plus Comme nous avons affaire agrave des corpus de phrases isoleacutees lrsquoattention est centreacutee sur les phrases cibles agrave produire Pour chaque phrase cible proposeacutee aux participants agrammatiques il y a bien sucircr de nombreuses reformulations et autocorrections Il ne srsquoagit pas de prendre en compte toutes les tentatives de formulations lieacutees agrave une structure cible proposeacutee (pouvant parfois ecirctre tregraves nombreuses) mais bien seulement la meilleure formulation obtenue parmi les multiples tentatives

Les conventions de transcription adopteacutees sont les mecircmes que celles appliqueacutees au discours continu Tout est transcrit (pauses heacutesitations disfluences reacutepeacutetitions deacuteformations phoneacutemiques reformulations etchellip)

En reacutesumeacute tout ce qui est transcrit nrsquoest pas pris en compte pour les analyses structurales La seacutelection des observables pertinents les mots extraits en caractegraveres gras respectent les principes suivants

parmi les reformulations et les autocorrections la meilleure tentative de formulation de phrase est retenue Quoiqursquoil en soit les multiples tentatives et reformulations qui concernent une mecircme phrase cible agrave produire pourront ecirctre les indices de certaines proceacutedures de formulation strateacutegiques

les facilitations fournies par lrsquoexpeacuterimentatrice sont rigoureusement noteacutees Quand une facilitation est fournie crsquoest que nous avions jugeacute que le locuteur ne parvenait pas agrave formuler de construction ou alors avait grand peine agrave le faire Lorsque le locuteur exploite la facilitation fournie lrsquoeacutenonceacute alors produit nrsquoest donc pas pris en compte srsquoil a trop influenceacute la formulation

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

175

411 Conclusion

Le protocole expeacuterimental comporte trois variables indeacutependantes croiseacutees avec emboicirctement

S15 =gt 1 facteur laquo sujets raquo 15 locuteurs

A2 =gt 1 facteur laquo eacutetats neurologiques raquo 2 groupes avec les eacutetiquettes laquo agrammatique raquo

vs laquo controcircle raquo assigneacutees agrave chaque locuteur

T4 =gt 1 facteur laquo tacircches ou situations raquo 4 tacircches de production orale ou 4 conditions

expeacuterimentales (4 tacircches de production agrave degreacutes de contraintes variables)

S 15 (A 2) T 4

Au final notre corpus a eacuteteacute construit drsquoapregraves 60 conditions expeacuterimentales repreacutesenteacutees par le tableau suivant (Tableau 14)

Codes locuteurs Codes tacircches Nombre de Corpus 1 PC_agr 1 2(ab) 3 4 2 BR_agr 1 2(ab) 3 4 3 MC_agr 1 2(ab) 3 4 4 SB_agr 1 2(ab) 3 4 5 PB_agr 1 2(ab) 3 4

Groupe agrammatique N=6

6 TH_agr 1 2(ab) 3 4

24

1 FX_contr 1 2(ab) 3 4 2 GG_contr 1 2(ab) 3 4 3 GBis_contr 1 2(ab) 3 4 4 GB_contr 1 2(ab) 3 4 5 LL_contr 1 2(ab) 3 4 6 LMan_contr 1 2(ab) 3 4 7 EB_contr 1 2(ab) 3 4 8 MF_contr 1 2(ab) 3 4

Groupe controcircle N=9

9 MM_contr 1 2(ab) 3 4

36

Total 15 locuteurs 4 tacircches 60 corpus

Tableau 14 Protocole de recueil de donneacutees (reacutesumeacute) locuteurs tacircches corpus

Les corpus de discours continu (tacircches 1 2 et 3) sont segmenteacutes et mis en forme suivant les critegraveres preacutesenteacutes tout au long de ce chapitre 4

Lrsquoenjeu drsquoune telle formalisation revient agrave construire un corpus de donneacutees observables refleacutetant fidegravelement en fonction de nos objectifs la performance effective du locuteur aphasique Lrsquointeacuterecirct eacutetant porteacute sur la structuration morpho-syntaxique le laquo nettoyage des

PARTIE II 4 Protocole expeacuterimental recueil et preacute-traitement des corpus oraux

176

donneacutees brutes raquo leur segmentation et leur mise en forme constituent une eacutetape de preacute-traitement essentielle en vue des traitements quantitatifs appliqueacutes par la suite

Voici un extrait drsquoune feuille de travail crsquoest-agrave-dire drsquoun corpus de donneacutees orales transcrites et mises en forme

exp crsquoest bon racontez-moi le PCR

SB_agr2a normalement je connais (rires) normalement mais euh en fait euh euh rappeler comme ccedila comme ccedila comme ccedila ou euh r- raconter

exp raconter lagrave crsquoest vraiment juste pour se remettre lrsquohistoire en tecircte (images)

1 SB_agr2a donc hum (3) la maman euh (6) vient vient non en-fait euh vient non

2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge

3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere

4 SB_agr2a euh (5) dans le panier alors je sais pas-du-tout du beurre non

SB_agr2a je sais pas crsquoest ccedila

SB_agr2a je je sais pas du tout

SB_agr2a bon pas grave de beu-

5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple

6 SB_agr2a (6) euh le (10) euh parallegravelement le loup (5) re- euh observe je pense le chaperon rouge

7 SB_agr2a et hum euh (7) a- euh a- a- euh aller euh aller [ld] dans la maison le [ʃp] le grand-megravere grand-megravere XX

8 SB_agr2a hum (3) le loup euh euh (13) n- s- frapper non oui frapper alors euh grand-megravere

9 SB_agr2a (6) la grand-megravere (5) en- entend le (2) le entend (2) ccedila srsquoappelle (6)

exp la chevi-

SB_agr2a che- che - vi- chevillette cherra

exp tire la chevillette non tire la bobinette et la chevillette cherra

10 SB_agr2a et donc euh euh l- le loup entrer dans la lrsquoa-ppartement enfin dans la maison et manger la grand-megravere

Annexe H-525

Tous les corpus transcrits et mis en forme sont fournis en Annexe H-428 agrave H-588 (corpus agrammatiques) et en Annexe I-635 agrave I-673 (corpus controcircles)

En outre les variables deacutependantes eacutetudieacutees toutes linguistiques sont deacutecrites en deacutetail ci-apregraves dans la partie 5 consacreacutee agrave la deacutemarche drsquoanalyse quantitative

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

177

5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative

50 Introduction

501 Principes geacuteneacuteraux et objectifs

Comme nous lrsquoavions deacutejagrave signaleacute au point 4 le protocole drsquoanalyse quantitative que nous appliquons a eacuteteacute penseacute par SAFFRAN et al (1989)

Cette deacutemarche drsquoanalyse quantitative de la production orale vise agrave deacutecrire le discours aphasique en srsquoappuyant sur des critegraveres objectifs afin drsquoen deacutegager des variations quantitatives inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches En effet selon les contraintes imposeacutees par une situation de production verbale donneacutee (plus ou moins controcircleacutee plus ou moins limiteacutee temporellement plus ou moins spontaneacutee) on peut deacutegager des laquo styles raquo de comportements verbaux (plus ou moins fluents par exemple)

Bien eacutevidemment lrsquointerpreacutetation des diffeacuterentes mesures geacuteneacutereacutees drsquoapregraves des donneacutees aphasiques nrsquoest possible qursquoen les comparant avec des donneacutees issues de lrsquoeacutetude de la production verbale laquo non pathologique raquo pour une mecircme tacircche de production

Les objectifs de la proceacutedure drsquoanalyse quantitative se reacutesument ainsi

fournir des mesures objectives afin de comparer des variations drsquoemploi (variabiliteacutes inter-tacircchesintra-individu et intra-tacirccheinter-individus)

fournir des mesures objectives agrave partir drsquoune quantiteacute suffisante de donneacutees (corpus de plusieurs milliers de mots)

deacutecrire les aspects structuraux (morpho-lexicaux syntaxiques) du parler agrammatique ou non pathologique

eacutevaluer les capaciteacutes et incapaciteacutes drsquoencodage du lexique de la morphologie de la syntaxe chez les agrammatiques par rapport agrave un reacutefeacuterentiel constitueacute de locuteurs controcircles (parler non-pathologique)

La proceacutedure de comptage des mots est reacutealiseacutee suivant leur eacutetiquette morpho-grammaticale standard En plus des indications fournies dans le protocole original les ressources lexicographiques et grammaticales varieacutees119 nous ont aideacute agrave fixer ces critegraveres drsquoidentification des uniteacutes morphosyntaxiques que nous preacutesentons tout au long des pages qui suivent

119 Il srsquoagit du Treacutesor de la Langue Franccedilaise Informatiseacute (TLFi ATILF 2004) du dictionnaire Le Petit Robert de la Langue Franccedilaise (ROBERT et al 2006) et les ouvrages de grammaire de RIEGEL et al (1994) et DENIS et SANCIER-CHATEAU (1994)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

178

Certaines mesures que nous trouvions utiles agrave effectuer ont eacuteteacute ajouteacutees par rapport agrave la proceacutedure originale (notamment celles qui concernent les conjonctions les preacutepositions et les adverbes) Drsquoautre part sans en modifier les principes il nous a fallu revoir certaines mesures conccedilues pour lrsquoanglais afin de les adapter au franccedilais

Dans un premier temps (51 52 et 53 p 181-216) nous preacutesentons les instructions de notre protocole en deacutetail axeacutees sur les analyses de corpus de discours continu (tacircches 1 2 et 3)

Dans un deuxiegraveme temps (54 p 216) nous preacutesentons les ameacutenagements particuliers apporteacutes en vue des traitements appliqueacutes aux analyses de corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4)

502 Les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX

Les analyses quantitatives sont fondeacutees sur les trois grandes cateacutegories de variables linguistiques

les variables de corpus pour les analyses de mots produits mots extraits eacutenonceacutes segmenteacutes et deacutebit verbal

les variables morphologiques pour les analyses de morphegravemes lexicaux grammaticaux libres et de morphologie flexionnelle verbale

et les variables syntaxiques pour les analyses de structuration syntaxique des eacutenonceacutes

La subdivision entre ces trois types de variables linguistiques nrsquoest pas formuleacutee en tant que telle dans le protocole original QPA Par contre elle se rapproche deacutelibeacutereacutement de celle eacutetablie par KOLK (2006 voir au point 2433 p 65) qui se rapporte aux trois types de symptocircmes linguistiques lui permettant de deacutecrire le discours agrammatique le symptocircme de fluence verbale (rate symptom) le symptocircme morphologique (morphological symptom) et le symptocircme syntaxique (syntactic symptom)

Notons que pour la suite cette subdivision en variables CORPUS MORPH et SYNTAX permet drsquoobtenir une meilleure lisibiliteacute des nombreux reacutesultats quantitatifs obtenus

Lrsquoessentiel de ce qui va suivre consiste agrave deacutecrire drsquoune part les types de mesures reacutealiseacutees sur les corpus de donneacutees verbales crsquoest-agrave-dire la maniegravere dont nous avons proceacutedeacute pour le comptage des occurrences (en valeurs brutes) et drsquoautre part le calcul des variables qui leur sont associeacutees (variables associeacutees)

Pour la lecture de ce chapitre nous recommandons au lecteur de se reacutefeacuterer parallegravelement et pas agrave pas agrave la feuille de reacutesultats fournie en exemple ci-apregraves (voir p 180) ou mecircme agrave une des feuilles de reacutesultats fournies en Annexes (H-588-613 pour les donneacutees agrammatiques et I-673-686 pour les donneacutees controcircles)

Elle concerne le corpus du locuteur 1 PC_agr dans la tacircche de production 1 (en reacutecit autobiographique)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

179

Les feuilles de reacutesultat sont organiseacutees de la maniegravere suivante

les mesures en valeurs brutes sont reporteacutees dans la colonne de gauche et les mesures en valeur relatives (calculs drsquoindices et de proportions) dans la colonne de droite Par exemple la variable Mots produits (A voir dans la colonne de gauche) appartient agrave la cateacutegorie de variables CORPUS il srsquoagit du nombre de mots produits

il apparaicirct que le corpus oral de 1 PC_agr1 comprend au total 760 mots produits (valeur brute A) dont 299 mots extraits (valeur brute A1) pour 146 eacutenonceacutes segmenteacutes analyseacutes (valeur brute A2) et pour une dureacutee effective de parole de 20 mn et 12 secondes

drsquoapregraves les valeurs brutes ainsi speacutecifieacutees le calcul des variables CORPUS associeacutees (lignes coloreacutees dans la colonne de droite) est obtenu automatiquement Par exemple la proportion de mots extraits (A1) parmi le total des mots produits (A) est obtenu par le ratio A1 A ce qui correspond agrave 039 ou 39 (cela signifie que le poids des mots extraits dans ce corpus est de 39 )

De la mecircme maniegravere toutes les autres valeurs brutes et variables associeacutees relevant drsquoune des cateacutegories CORPUS MORPH et SYNTAX peuvent se lire directement sur les feuilles de reacutesultats individuelles

Preacutecisons que une fois qursquoun releveacute drsquooccurrences et une cotation sont reacutealiseacutes en valeur brute au moyen de la feuille de travail sur corpus ceux-ci sont reporteacutes automatiquement sur la feuille de reacutesultat

Nous fournissons en Annexe G-423 un modegravele de feuille de travail sur corpus complegravete (corpus oral transcrit) sur laquelle figurent les cotations effectueacutees gracircce au tableur Drsquoautre part sa feuille de reacutesultats associeacutee figure en Annexe G-424

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS MORPH et SYNTAX

180

Part 1 PC_agrTacircche 1

Date 06072007Valeurs brutes Indices et proportions (variables associeacutees)

1 CORPUS Caracteacuteristiques du corpus

Dureacutee min 20 Prop Mots extprod 039sec 12 proportion de mots extraits Mots extMots prod A1A

Mots prod 760 (A) DEBIT Mots prod 3762 Mots ext 299 (A1) deacutebit verbal en mots produitsmn (A(min+sec)60)

DEBIT Mots ext 1480deacutebit verbal en mots extraitsmn (A1(min+sec)60))

E Seg 146 (A2) Long Moy E Seg(Mots prod) 500longueur moy des E Seg en mots produits Moy(Mots prodE Seg)Long Moy E Seg(Mots ext) 228longueur moy des E Seg en mots extraits Moy(Mots extE Seg)

2(a) MORPH-LEX (Structuration morpho-lexicale Lexical Content )

MCO 237 (B) Prop MCO 079 MCF 62 (B1) proportion de mots de classe ouverte MCOMots ext BA1 N 100 (C) Prop MCF 021

proportion de mots de classe fermeacutee (Mots ext-MCO)Mots ext (A1-B)A1 CONJ 35 (D) Prop CONJMots prod 005 CONJdisc 33 (D1) proportion de conjonctionsmots produits CONJMots prod DA CONJsynt 2 (D2) Prop CONJdisc 094

proportion de conjonctions discursives CONJdiscCONJ D1DProp CONJsynt 006proportion de conjonctions syntaxiques CONJsyntCONJ D2D

DET CO 61 (E) Indice DET 041 DET 25 (E1) indice demploi de deacuteterminants DETDET CO E1E

PRO 33 (F) Prop PRO 025proportion de pronoms PRO(PRO+N) F(C+F)

V 63 (G) Prop V(V+N) 039 VInfl 61 (G1) proportion de verbesverbes+noms V(V+N) G(C+G) V-FLEX 9 (G2) Prop VMCO 027

proportion de verbesmots de classe ouverte VMCO GBIndice V-FLEX 015indice demploi de verbes fleacutechis V-FLEXVInfl G2G1

PREP 1 (H) Prop PREPMots ext 000proportion de preacutepositionsmots extraits PREPMots ext HA1

ADV 136 (I) Prop ADVMots prod 018 ADVdisc 104 (I1) proportion dadverbesmots produits ADVMots prod IA ADVmod 32 (I2) Prop ADVdisc 076

proportion dadverbes discursifsadverbes ADVdiscADV I1IProp ADVmod 024proportion dadverbes modifieursadverbes ADVmodADV I2I

2(b) MORPH-V (Complexiteacute flexionnelle verbale Aux Complexity Index )

V-Matrices (Matrices verbales) 61 (J) Indice Compl MORPH-V-Matrices 064V-Points Morph 100 (J1) indice de complexiteacute morphologique des matrices verbales (J1J)-1

(V-Points MorphV-Matrices)-1

3 SYNTAX (Structuration syntaxique Structural Analysis )

E Ph 21 (K) Prop Mots ext(E Ph) 023 Mots ext(E Ph) 70 (L) proportion de mots composant les E Ph Mots ext(E Ph) LA1

Prop Mots ext(E Non-Can) 077 Mots ext(E Non-Can) 229 (M) proportion de mots composant les E Non-Can Mots ext(E Non-Can) MA1

Long Moy E Ph(Mots ext) 333longueur moy des eacutenonceacutes-phrases en mots extraits Moy(Mots extE Ph)

E Ph Gram 14 (N) Prop E Ph Gram 010proportion deacutenonceacutes-phrases grammaticaux E Ph GramE Seg NA2

SN-S 20 (O) Long Moy SN-S 115 Mots MCO+PRO(SN-S) 23 (P) longueur moyenne des SN-S en MCO+PRO Moy(MCO+PROSN) PO

Indice Elab SN-S 015 (a)indice deacutelaboration des SN-S Moy(MCO+PROSN)-1 (PO)-1

SV 20 (Q) Long Moy SV 190 Mots MCO+PRO(SV) 38 (R) longueur moyenne des SV en MCO+PRO Moy(MCO+PROSV) RQ

Indice Elab SV 090 (b)indice deacutelaboration des SV Moy(MCO+PROSV)-1 (RQ)-1Indice Elab E Ph 105indice deacutelaboration des E Ph (a+b)

SUB 0 (S) Prop SUB 000proportion de propositions subordonneacutees SUBE Seg SA2Variables suppleacutementaires ou modifieacutees par rapport au protocole original

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS

181

51 Les variables CORPUS

511 Valeurs brutes CORPUS

Les valeurs brutes CORPUS renseignent sur les caracteacuteristiques geacuteneacuterales des corpus il srsquoagit de la dureacutee du nombre de mots produits ( Mots prod) du nombre de mots extraits ( Mots ext) et du nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) En effet ces variables sont utiles pour eacutevaluer la quantiteacute effective de donneacutees collecteacutees et analyseacutees ceci afin de donner une ideacutee assez preacutecise des caracteacuteristiques de chaque corpus eacutetudieacute

5111 Dureacutee de lrsquoeacutechantillon (Duration of Narrative)120

La dureacutee effective de parole du locuteur est reporteacutee en minutes et secondes Il srsquoagira ensuite de calculer le deacutebit verbal

Les dureacutees correspondant aux interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice aux interruptions longues et aux intermegravedes sont exclues

Drsquoautre part il convient de ne retenir que les dureacutees de parole qui correspondent rigoureusement aux eacutenonceacutes pour lesquels on aura comptabiliseacute le nombre de mots afin de ne pas fausser la mesure du deacutebit verbal calculeacute ulteacuterieurement

5112 Nombre de MOTS PRODUITS Mots prod (A) (Complete Words Uttered)

(a) Comptage des mots produits

Les mots produits ( Mots prod) correspondent agrave tous les mots produits par le locuteur y compris les mots deacuteformeacutes mais interpreacutetables Dans les corpus le releveacute des mots produits est reacutealiseacute exclusivement sur les eacutenonceacutes segmenteacutes retenus en vue des analyses structurales crsquoest-agrave-dire ceux qui sont numeacuteroteacutes et coloreacutes dans les feuilles de travail comme dans lrsquoextrait suivant qui compte au total 8 mots produits pour 3 eacutenonceacutes segmenteacutes pris en compte

1 PC_agr3-MJ01 alors (12) Ab

PC_agr (rires) lagrave crsquoest facile mais lagrave oui bien-sucircr -15sec

exp prenez votre temps

2 PC_agr3-MJ01 alors (13) Ab

exp lagrave lrsquohomme qursquoest-ce qursquoil fait -3sec

3 PC_agr3-MJ01 lrsquohomme croque mais euh le oui (3) SN-ODirom

PC_agr3-MJ01 crsquoest dur lagrave lagrave lagrave lagrave bien-sucircr bien-sucircr crsquoest sucircr crsquoest sucircr -16sec

exp dites-le comme vous voulez vous pouvez dire laquo deux raquo

Annexe H-447

120 Dans les titres agrave cocircteacute de notre propre deacutenomination en franccedilais nous ajoutons entre parenthegraveses la deacutenomination correspondante issue du protocole original

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS

182

En effet les interventions de lrsquoexpeacuterimentatrice et les eacutenonceacutes modalisateurs ne sont pas pris en compte (ils ne sont pas coloreacutes ni numeacuteroteacutes)

Drsquoautre part parmi les 8 mots produits comptabiliseacutes dans les 3 eacutenonceacutes agrave consideacuterer pour les analyses structurales 3 sont des particules discursives (alors alors mais en caractegraveres italiques) 3 sont des mots extraits (lrsquohomme croque en caractegraveres gras) et le reste sont des remplisseurs ou des scories de lrsquooral (soit 2 mots le et oui) Rappelons ici que les dureacutees des pauses de plus de trois secondes sont noteacutees entre parenthegraveses

Dans certains cas plusieurs morphegravemes se combinent et servent agrave composer une uniteacute lexico-grammaticale solidaire Dans la mise en forme des corpus les tirets entre les sous-uniteacutes indiquent ainsi leur caractegravere solidaire Tout le reste des mots sans exception est comptabiliseacute uniteacute par uniteacute autonome Ci-apregraves nous preacutesentons les cas ougrave les morphegravemes doivent ecirctre comptabiliseacutes solidairement et les cas ougrave des amalgames doivent au contraire ecirctre deacutecomposeacutes en uniteacutes morphegravemiques autonomes agrave comptabiliser seacutepareacutement

(b) Cotation des morphegravemes lexicaux complexes ou composeacutes

Certains morphegravemes sont dits complexes crsquoest-agrave-dire qursquoils sont formeacutes agrave partir de plusieurs uniteacutes morpheacutemiques autonomes Nous eacutetablissons par convention les regravegles suivantes afin drsquoharmoniser la comptabilisation de ces uniteacutes agrave travers les corpus

il convient de comptabiliser les mots composeacutes tels que portemanteau grand-megravere lave-vaisselle avant-premiegravere apregraves-midi en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune seule uniteacute morpheacutemique solidaire composeacutee de deux bases lexicales Ce type de composition lexicale constitue une entreacutee autonome du dictionnaire et compte pour 1 uniteacute solidaire Mot prod (mot produit)

pour les autres types de compositions telles que pomme de terre les mots produits sont compteacutes seacutepareacutement

Voici des exemples de cotation

Four agrave pain gt 3 Mots prod

Tire-bouchon agrave eacutelastique gt 3 Mots prod

Chapeau melon gt 2 Mots prod

(c) Cotation des verbes semi-auxiliaires

Les verbes semi-auxiliaires comme ecirctre-en-train et ecirctre-sur-le-point sont compteacutes comme une seule uniteacute solidaire

Ils sont-en-train de scier gt 1 Vsemi-aux(sont-en-train)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS

183

(d) Cotation des locutions adverbiales conjonctives et preacutepositionnelles

Les locutions adverbiales comme en-effet en-fait en-reacutealiteacute drsquo-accord bien-sucircr drsquo-ores-et-deacutejagrave sont comptabiliseacutees comme eacutetant une seule uniteacute morpheacutemique solidaire tout comme les locutions conjonctives telles que ou-bien afin-que apregraves-que tandis-que crsquoest-alors-que jusqursquo-agrave-ce-que etchellip Il en va de mecircme pour les locutions preacutepositionnelles afin-de en -dehors-de en-face-de en-dessous-de aupregraves-de autour-de etchellip

(e) Cotation des particules adverbiales de neacutegation

Agrave lrsquooral la particule ne est souvent absente

Il veut pas gt 1 ADVmod(pas)121

Mais lorsqursquoelle est preacutesente elle est comptabiliseacutee solidairement du deuxiegraveme eacuteleacutement adverbial auquel elle se combine les particules adverbiales de neacutegation sont alors comptabiliseacutees comme eacutetant une uniteacute morpheacutemique solidaire

Il ne veut pasplusjamais gt 1 ADVmod(ne-pasplusjamais)

Lorsque la particule neacutegative est composeacutee de plus de deux uniteacutes celles-ci sont compteacutees en plus

Il ne vient jamais plus gt 2 ADVmod (ne-jamais plus)

Dans le cas suivant on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoune uniteacute morpheacutemique solidaire

Moi pas-du-tout gt 1 ADVmod(pas-du-tout)

(f) Cotation des amalgames

Lorsqursquoune preacuteposition est combineacutee avec un article pour obtenir un morphegraveme amalgameacute il convient de deacutecomposer lrsquoamalgame pour obtenir le nombre reacuteel de morphegravemes grammaticaux en preacutesence

Il joue du piano gt 2 Mots 1 PREP(de) + 1 DET(le)

La maison de la grand-megravere gt 2 Mots 1 PREP(de) + 1 DET(la)

Elle va au bal gt2 Mots 1 PREP(agrave) + 1 DET(le)

Lorsqursquoon agrave affaire agrave un article partitif uniquement on le comptabilise en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune seule uniteacute solidaire

Il mrsquoa fait de-la meacutesotheacuterapie gt 1 Mot 1 DETpartitif(de-la)

Dans le panier du beurre gt 1 Mot 1 DETpartitif(du)

121 Elles sont coteacutees par ailleurs dans la cateacutegorie des adverbes modifieurs (ADVmod voir au point 52111(c) p 199)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables CORPUS

184

5113 Nombre de MOTS EXTRAITS Mots ext (A1) (Narrative Words)

Les critegraveres drsquoidentification des mots extraits ( Mots ext) sont exposeacutes dans le chapitre 4 (voir au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)

Par exemple dans lrsquoeacutenonceacute suivant on relegraveve 5 mots extraits (pour un total de 10 mots produits)

4 SB_agr2a euh (5) dans le panier alors je sais pas-du-tout du beurre non

Metaling laquo alors je sais pas du tout raquo DeformphonDET(du beurregtarticuleacute de maniegravere approximative entre [ly] et [dy])

Annexe H-525

Rappelons simplement que les mots extraits correspondent agrave tous les mots essentiels agrave la structuration interne drsquoun eacutenonceacute Les commentaires et modalisations onomatopeacutees et certaines interjections sont exclus et les particules discursives sont traiteacutees agrave part Ainsi dans lrsquoeacutenonceacute preacuteciteacute lrsquoincise alors je sais pas-du-tout nrsquoest pas coteacutee comme mots extraits

Dans les feuilles de travail sur corpus les mots extraits et donc la structuration interne des eacutenonceacutes segmenteacutes sont clairement mis en valeur par des caractegraveres gras (il srsquoagit du niveau 1 de transcription voir au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)

5114 Nombre drsquoEacuteNONCEacuteS SEGMENTEacuteS E Seg (A2) (Utterances)

Le discours est segmenteacute en laquo uniteacutes eacutenonceacutes raquo ce que nous appelons laquo eacutenonceacutes segmenteacutes raquo ( E Seg) Ils occupent chacun une ligne Les critegraveres syntaxiques et prosodiques de segmentation du discours ont deacutejagrave eacuteteacute exposeacutes en deacutetail au point 47 et 48 (pp 154-163) crsquoest pourquoi nous nrsquoy reviendrons pas Toutefois signalons une fois de plus que au sein des corpus oraux transcrits les eacutenonceacutes segmenteacutes retenus en vue des analyses structurales sont numeacuteroteacutes dans les cases coloreacutees de la colonne de gauche

Une fois que le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes est releveacute dans la feuille de cotation il se reporte automatiquement sur la feuille de reacutesultat

512 Variables CORPUS associeacutees

Les cotations en valeurs brutes ainsi effectueacutees dans les feuilles de travail sur corpus permettent de calculer les variables de CORPUS associeacutees que nous preacutesentons ci-apregraves

5121 Prop Mots extprod122

La variable Prop Mots extprod (proportion de mots extraits) reflegravete la part relative des mots extraits par rapport aux mots produits Cet indicateur renseigne sur la quantiteacute de donneacutees extraites des eacutechantillons collecteacutes qui peut ecirctre tregraves variable selon le locuteur et le type de tacircche

122 Lorsqursquoune variable est signaleacutee par un asteacuterisque cela signifie qursquoelle a eacuteteacute ajouteacutee par rapport au protocole original ou alors qursquoelle existait dans le protocole original et que son calcul a eacuteteacute modifieacutee

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables CORPUS

185

5122 Deacutebit Mots prod ( Words per minute)

La variable Deacutebit Mots prod (deacutebit en mots produits par minute) indique le deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute Ce calcul inclut tous les mots produits (les particules de discours les interjections les reacutepeacutetitions etc)

5123 Deacutebit Mots ext

La variable Deacutebit Mots ext (deacutebit en mots extraits par minute) indique elle le deacutebit verbal en nombre de mots extraits Son calcul est baseacute uniquement sur les mots extraits des corpus oraux crsquoest-agrave-dire sur les mots participant agrave lrsquointeacutegration phrastique Ce calcul se fait donc par exclusion des particules de discours des interjections des reacutepeacutetitions etc

Preacutecisons que la variable Deacutebit Mots ext est toujours infeacuterieure agrave la variable preacuteceacutedente Deacutebit Mots prod en raison de la base de calcul qui est plus petite car la quantiteacute de mots extraits est toujours infeacuterieure agrave la quantiteacute de mots produits au total

5124 Long Moy E Seg(Mots prod)

La variable Long Moy E Seg(Mots prod) (longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en mots produits) renseigne sur la longueur drsquoun eacutenonceacute segmenteacute Pour la calculer le nombre total de mots produits a eacuteteacute diviseacute par le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes

5125 Long Moy E Seg(Mots ext) (Median Utterance Length)

La variable Long Moy E Seg(Mots ext) (longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en mots extraits) reflegravete la longueur drsquoun eacutenonceacute en mots extraits Seuls les eacutenonceacutes segmenteacutes comprenant des mots extraits ont eacuteteacute pris en compte pour son calcul Certains eacutenonceacutes sans mots extraits tels que les eacutenonceacutes 1 et 2 citeacutes en exemples p 181 (voir au point 5112) nrsquoentrent pas dans la base de calcul de cette variable En effet ces eacutenonceacutes ne sont composeacutes que de la particule discursive alors et aucun eacutenonceacute nrsquoest produit

Au total on obtient 9 variables de CORPUS (dont 4 en valeurs brutes et 5 en valeurs relatives)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

186

52 Les variables MORPH

521 Valeurs brutes MORPH-LEX

5211 Nombre de MOTS DE CLASSE OUVERTE MCO (B) (Open Class Words)

(a) Cotation des mots de classe ouverte

Parmi les mots extraits ( Mots ext) les mots appartenant agrave la cateacutegorie de mots de classe ouverte ( MCO) sont releveacutes

Il srsquoagit des morphegravemes lexicaux ou agrave radical lexical les Noms communs et Noms propres les Verbes noyaux et copules les Adjectifs (dont les numeacuteraux) les Adverbes en ndashment (par exemple tristement) et les autres types drsquoadverbes (tregraves beaucoup trop etchellip) qui nrsquoont pas la fonction de particules de discours123 (ceux-ci sont traiteacutes agrave part)

En cas de doute sur la cateacutegorie drsquoun morphegraveme on consulte une base de donneacutees lexicales pour deacutecider de son appartenance agrave la cateacutegorie des mots de classe ouverte (versus mots de classe fermeacutee) en fonction du contexte drsquoemploi

(b) Cotation des peacuteriphrases verbales semi-auxiliaires aspectuels modaux et causatifs

Les verbes aller ou ecirctre employeacutes comme semi-auxiliaires drsquoaspect pour les formes au futur proche ou les verbes tels que venir pour les formes au passeacute proche ou tels que continuer utiliseacute pour former des peacuteriphrases verbales aspectuelles sont agrave inclure parmi les MCO

Il va manger gt 2 MCO

Il est-en-train de se reposer gt 2 MCO

Il est-sur-le-point de partir gt 2 MCO

Le loup vient de partir gt 3 MCO

Dans notre protocole adapteacute les auxiliaires modaux (tels que devoir vouloir pouvoir) sont inteacutegreacutes agrave la cateacutegorie de MCO car ils ont selon nous un sens plutocirct lexical124 Ainsi lorsqursquoils se combinent agrave des bases verbales agrave la forme infinitive ils sont coteacutes dans la cateacutegorie des MCO

Il peut manger gt 2 MCO

123 Les particules de discours adverbiales sont traiteacutees agrave part Rappelons que les particules de discours apparaissent en caractegraveres italiques au sein des corpus transcrits 124 Dans le protocole original QPA les semi-auxiliaires modaux en anglais (modal auxiliaries tels que must can etchellip) sont coteacutes dans la cateacutegorie des morphegravemes grammaticaux

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

187

Dans les constructions causatives ou factitives (telles que faire manger faire cuire laisser tomber) les verbes causatifs sont comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des MCO

Elle fait entrer lrsquoenfant gt 3 MCO

5212 Nombre de MOTS DE CLASSE FERMEacuteE MCF (B1) (Closed Class Words)

(a) Calcul du nombre de mots de classe fermeacutee

Toujours parmi les mots extraits le nombre de mots de classe fermeacutee (crsquoest-agrave-dire les morphegravemes grammaticaux libres ou mots fonctions MCF) est obtenu par le calcul automatique suivant nombre de MCO ocircteacutes du nombre total de mots extraits comptabiliseacutes

Les morphegravemes concerneacutes par cette mesure sont donc les mots qui ne sont pas des mots de classe ouverte soit les deacuteterminants les pronoms les conjonctions agrave valeur syntaxique (en coordination et en subordination) les preacutepositions ainsi que les verbes ecirctre et avoir lorsqursquoils sont employeacutes comme auxiliaires

(b) Cotation des formes verbales composeacutees auxiliaires ecirctre et avoir

Tout comme dans le protocole original les auxiliaires ecirctre et avoir qui servent agrave la formation des temps composeacutes et le verbe ecirctre qui sert agrave la formation des tournures passives sont coteacutes dans la cateacutegorie des MCF

La princesse a essayeacute la chaussure gt 3 MCF

La princesse srsquoest sauveacutee gt 3 MCF

5213 Nombre de NOMS N (C) (Nouns)

Parmi les mots extraits le nombre de mots qui sont des noms ( N) est comptabiliseacute qursquoil srsquoagisse de noms communs ou de noms propres

5214 Nombre de CONJONCTIONS CONJ (D)

Dans cette cateacutegorie sont releveacutees le nombre total de conjonctions produites ( CONJ) qursquoelle soient des particules de discours ou des conjonctions syntaxiques

Elles seront ensuite coteacutees suivant qursquoelles assurent la fonction de particule discursive ( CONJdisc) ou de conjonction syntaxique (en coordination ou en subordination CONJsynt)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

188

(a) Cotation des conjonctions agrave valeur discursive CONJdisc (D1)

Parmi les mots produits lrsquoidentification des conjonctions agrave valeur discursive ( CONJdisc) deacutepend des critegraveres deacutejagrave exposeacutes au chapitre 4 (voir au point 4925 p 169) Au sein des corpus oraux transcrits et mis en forme elles sont en caractegraveres italiques

Rappelons ici que les conjonctions agrave valeur discursive sont geacuteneacuteralement en marge de la structuration interne des eacutenonceacutes segmenteacutes Elles sont utiliseacutees en guise de particules de discours

Elles ne sont pas inteacutegreacutees dans la comptabilisation des mots extraits afin de ne pas biaiser certaines variables refleacutetant la structuration interne ou phrastique des eacutenonceacutes produits qui sont calculeacutees agrave partir des mots extraits

Nous preacutefeacuterons donc les traiter agrave part en constituant une cateacutegorie seacutepareacutee En effet si par exemple on inteacutegrait les conjonctions agrave valeur discursive parmi les mots extraits pour les corpus agrammatiques en particulier ougrave certains eacutenonceacutes comprennent 3 ou 4 conjonctions discursives (des remplisseurs starters ou connecteurs logiques) sur 5 mots produits les mesures visant agrave refleacuteter la structuration syntaxique des eacutenonceacutes segmenteacutes seraient biaiseacutees

Dans lrsquoextrait de corpus suivant les conjonctions particules de discours sont au nombre de 3 (1 donc 2 et)

8 SB_agr2b donc euh Cendrillon euh euh en-fait euh souillon

9 SB_agr2b en-fait euh meacutenage euh (2) euh cuisine euh

10 SB_agr2b euh border le lit euh

11 SB_agr2b en-fait euh tout euh PROind(tout)

12 SB_agr2b et euh (4) un euh un un non euh le le le euh (5) un bal un bal

Ab Rechlex claquement de langue agacement

13 SB_agr2b euh (3) prince en-fait (3) preacutetendrant euh (6) euh (3) preacutetendant euh trocircne en-fait

Autocor + preacutetendrantpreacutetendre diffeacuterence peu audible plutocirct preacutetandrant N(preacutetendant) Vpart substantiveacute 1 DETom(le) + prince 1 PREPom(agrave) + trocircne Ellipse du V 3 SN juxtaposeacutes

14 SB_agr2b et hum (10) un bal pour preacutetendre euh hum (3) la f- euh sa f- euh sa [k] preacutetendre tend- preacutet- olla preacutet- (4)

Ab

Annexe H-527

Nous comptabilisons donc par convention dans la cateacutegorie des conjonctions discursives

Drsquoautre part dans le mecircme extrait les particules de discours qui sont des adverbiaux sont au nombre de 5 (en-fait) Ceux-ci sont comptabiliseacutes agrave part (voir les deacutetails au point 52111(b) p 197)

Dans certains eacutenonceacutes une conjonction agrave valeur syntaxique peut se combiner agrave un adverbe Dans ce cas par convention nous consideacuterons que la combinaison est solidaire

Il mrsquoa emmeneacute chez le meacutedecin pour me faire arrecircter et-puis soigner gt 1 CONJsynt

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

189

(b) Cotation des conjonctions agrave valeur syntaxique CONJsynt (D2)

Parmi les mots extraits les conjonctions agrave valeur syntaxique ( CONJsynt) sont des MCF Elles sont impliqueacutees dans des structures syntaxiques de coordination ou de subordination en mettant en relation au moins deux propositions (pour les deacutetails de preacute-traitement voir au point 4925(b) p 170) Les conjonctions de coordination (et ou mais ni etc) et les conjonctions introduisant une proposition subordonneacutee sont comptabiliseacutees dans cette cateacutegorie (que parce-que alors-que si quand pour-que etchellip)

Dans lrsquoextrait suivant lrsquoeacutenonceacute 69 comporte 2 CONJsynt (parce-que et)

69 SB_agr1 kineacute parce-que le doigt et [Rikys] Deformphon(rictusgt[Rikys]) 2 CONJsynt(parce queet) 2 DETom(lale) + kineacuterictus

70 SB_agr1 et euh orthophoniste euh 1 CONJdisc(et)

Annexe H-522

Drsquoautre part notons que dans le mecircme extrait une conjonction ayant la valeur de particule de discours (CONJdisc(et)) se trouve en tecircte de lrsquoeacutenonceacute 70

5215 Nombre de DEacuteTERMINANTS DET CO (E) et DET (E1) (Determiners)

(a) Nombre de CONTEXTES OBLIGATOIRES (NOMS) qui neacutecessitent un DEacuteTERMINANT OBLIGATOIRE DET CO (E) (Nouns Requiring a Determiner)

Dans un eacutenonceacute donneacute parmi les mots extraits il srsquoagit de compter les noms pour lesquels la preacutesence drsquoun deacuteterminant est obligatoire Certains noms ne neacutecessitent pas de deacuteterminant tels que les noms propres certains pluriels geacuteneacuteriques (hommes et femmes chiens et chats) et les pluriels avec un adjectif numeacuteral (trois filles) Les adjectifs numeacuteraux ne sont pas comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des deacuteterminants mais dans celle des MCO (en tant qursquoAdjectifs)

(b) Cotation des DEacuteTERMINANTS CO avec un deacuteterminant DET (E1) (NRDs with a Determiner)

Preacutesence absence de deacuteterminant en contexte obligatoire

On relegraveve simplement les contextes obligatoires ( DET CO) ougrave un deacuteterminant est bien preacutesent ( DET) qursquoil soit reacutealiseacute de maniegravere adeacutequate ou non

Dans lrsquoeacutenonceacute 29 ci-dessous les deacuteterminants sont absents de leur contexte formel obligatoire On a en effet jeune homme et prince au lieu de le jeune homme et le prince

29 SB_agr2b et jeun- jeune homme (2) prince en-fait euh (2) danser

[saelig] Cendrillon

DETom(le) PREPom(avec) intonation descendante

Annexe H-528

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

190

De la sorte on obtient la cotation suivante (0 deacuteterminants sur 2 contextes obligatoires)

Et jeune homme prince en-fait danser Cendrillon gt 2 DET CO 0 DET

Dans lrsquoeacutenonceacute 43 ci-dessous seul un deacuteterminant est absent (deux jeunes filles) sur deux contextes obligatoires les deux jeunes filles et les pantoufles

43 SB_agr2b deux jeunes filles euh (4) chercher (3) hum agrave enfiler euh les (3) pantoufles

DETom(les)

Annexe H-529

Ainsi on obtient la cotation suivante (1 deacuteterminant sur 2 contextes obligatoires)

Deux jeunes filles chercher agrave enfiler les pantoufles gt 2 DET CO 1 DET

Les deacuteterminants complexes

Certains deacuteterminants dits laquo complexes raquo se forment sur la base drsquoun autre eacuteleacutement crsquoest-agrave-dire

avec un adverbe de quantiteacute tels que beaucoup de un peu de trop de pas assez de moins de (hellip) que plus de etchellip et les adverbes en ndashment tels que eacutenormeacutement de tellement de etc

avec un adjectif tel que plein pleine de et les adjectifs numeacuteraux un deux trois etchellip

avec un autre SN tel que un tas de une foule de etchellip

Pour ces deacuteterminants complexes impliquant diffeacuterents morphegravemes on ne compte qursquoune seule occurrence de deacuteterminant

Par contre on prend soin de compter par ailleurs les occurrences drsquoadverbes drsquoadjectifs ou de noms dans leur cateacutegorie respective comme par exemple

Les quelques heures passeacutees agrave lire gt 1 DET CO 1 DET 1 ADJind (MCO)

Dans lrsquoexemple suivant on comptabilise un seul deacuteterminant mecircme srsquoil est composeacute de deux uniteacutes Lrsquoarticle partitif indeacutefini est modifieacute par un adverbe Ainsi on relegraveve aussi par ailleurs lrsquoadverbe adjoint dans la cateacutegorie des adverbes (ici ADVmod)

Il a beaucoup de courage gt 1 DET CO 1 DET 1 ADVmod (MCO)

Les deacuteterminants non conformes

Si le deacuteterminant est reacutealiseacute de maniegravere incomplegravete la forme est tout de mecircme coteacutee 1 dans la cateacutegorie des deacuteterminants Dans lrsquoeacutenonceacute suivant le locuteur produit un verglas au lieu de du verglas

4 SB_agr3-MJ03 et euh (3) ver- verglas en-fait euh dans euh la rue u- u- un verglas non

DETsubst(dugtun) + verglas (premiegravere tentative DETom(du) + verglas Autocor-

Annexe H-531

On cote la preacutesence du deacuteterminant un mecircme srsquoil y a substitution entre un et du Dans la rue un verglas gt 2 DET CO 2 DET

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

191

5216 Nombre de PRONOMS PRO (F) (Pronouns)

Pour cette cateacutegorie parmi les mots extraits il srsquoagit de relever tous les pronoms personnels forts et faibles ( PRO) sous forme conjointe (clitiques sujets et objets je tu il il impersonnel on indeacutefini nous me te se le la les en y etchellip) ou sous forme disjointe (sujets et objets moi lui elle nous eux-mecircmes etchellip)

Parmi eux on relegraveve les pronoms reacutefleacutechis et reacuteciproques (me te se etchellip) les pronoms deacutemonstratifs (crsquo ccedila celui-ci etchellip) les pronoms possessifs (le-mien etchellip) les pronoms interrogatifs (formes simples que quoi qui formes renforceacutees qursquo-est-ce-que qui-est-ce-qui et formes composeacutees variables lequel laquelle etchellip) ainsi que les pronoms indeacutefinis ou de reprise nominale (un aucun nul quelqu-rsquoun rien personne tout tous y en lela-mecircme lrsquo-autre etchellip) Il srsquoagit donc de relever tous les pronoms de reprise de syntagme nominal verbal ou preacutepositionnel125

Elle le voit gt 2 PRO

Le prince parle agrave elle gt 1 PRO

Lui le prince danse avec elle gt 2 PRO

La parole crsquoest moi gt 2 PRO

Le stylo agrave moi gt 1 PRO

Elle ne fait rien de bien gt 2 PRO

Rien nrsquoest fait gt 1 PRO

Le prince chaussure le-mecircme le-mecircme le-mecircme gt 3 PRO (figure de style)

Opeacuteration rien gt 1 PRO

Les pronoms deacutemonstratifs impliqueacutes dans une construction agrave deacutetachement ou extraction (cliveacutee) doivent eacutegalement ecirctre comptabiliseacutes de la maniegravere suivante

La meacutemoire crsquoest bon gt 1 PRO

Ce sont mes amis qui sont lagrave gt 1 PRO (dislocation)

Comme dans le protocole original les pronoms introduisant une proposition subordonneacutee relative ne sont pas pris en comptes dans les analyses

Le loup qui avance gt 0 PRO (PROrel)

5217 Nombre de VERBES V (G) (Verbs)

(a) Comptage du nombre de verbes

Nous comptabilisons parmi les mots extraits tous les radicaux lexicaux qui sont des verbes ( V) Les semi-auxiliaires qui servent agrave la formation de peacuteriphrases verbales (ecirctre-en-train

125 Les pronoms relatifs introduisant une proposition subordonneacutee relative ne sont pas comptabiliseacutes

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

192

(de) aller venir (de) commencer (agrave) etchellip) ainsi que les semi-auxiliaires modaux (devoir pouvoir vouloir etchellip) sont pris en compte dans la cateacutegorie des Verbes (ils sont aussi MCO) Les verbes ecirctre et avoir sont comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des verbes lorsqursquoils sont employeacutes comme verbes noyaux et non auxiliaires (dans ce cas ils sont compteacutes comme MCF)

Voici des exemples de cotation de verbes (MCO)

Elle est partie gt 1 V(partir)

On a fait la fecircte gt 1 V(faire)

Lrsquohomme est tombeacute gt 1 V(tomber)

Lrsquohomme est inteacuteresseacute par le magasin gt 1 V(est) + 1 ADJ(inteacuteresseacute)

Il vient de finir gt 2 V(venir (de) finir)

Elle veut partir gt 2 V(vouloir partir)

Il est-en-train de manger gt 2 V(ecirctre-en-train (de) manger)

Elle a commenceacute agrave parler avec moi gt 2 V(commencer (agrave) parler)

Lorsqursquoune forme infinitive est contrainte par un autre verbe dans une peacuteriphrase verbale les verbes sont comptabiliseacutes seacutepareacutement

Elle aime danser gt 2 V ( 1 Vmod(aimer) + 1 Vinf(danser) )

Je viens travailler gt 2 V ( 1 V(venir) + 1 Vinf(travailler) )

Le verbe ecirctre lorsqursquoil fonctionne comme un copule est comptabiliseacute aussi seacutepareacutement notamment dans les constructions introduites par le preacutesentatif laquo crsquoest raquo (dans ce cas la forme participiale est un ADJ)

Crsquoest termineacute gt 1 V(ecirctre)

Crsquoest casseacute gt 1 V(ecirctre)

Lorsque des propositions sont syntaxiquement deacutependantes il convient de compter alors autant de verbes preacutesents dans les propositions

Cendrillon voit ses sœurs qui partent au bal gt 2 V(voir partir)

(b) Cotation des ambiguumliteacutes nom vs verbes

Les formes verbales en emploi substantiveacute par conversion sont exclues de la cateacutegorie des verbes et coteacutees dans celle des noms

Ecrire est son activiteacute favorite gt 1 N

Lrsquoeacutecrit est important gt 1 N

Les combattants gt 1 N

Les vaincus gt 1 N

Les morts gt 1 N

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

193

(c) Cotation des ambiguumliteacutes adjectif vs participe

Dans les cas suivants les formes verbales au participe sont coteacutees comme adjectifs apregraves le verbe copule

Je suis fini gt 1 ADJ

Je suis tregraves fatigueacute gt 1 ADJ

Je suis tregraves facirccheacute gt 1 ADJ

Elle est charmeacutee charmante gt 1 ADJ

Elle est prise gt 1 ADJ

Elle est assise gt 1 ADJ)

Il est inteacuteresseacute gt 1 ADJ

En cas drsquoabsence du verbe copule la cotation est la suivante

Le dos coinceacute gt 0 V 1 ADJ (coinceacute)

5218 Nombre de VERBES avec flexion obligatoire VInfl (G1) (Inflectable Verbs)

Le terme laquo inflectable verb raquo du protocole original est difficile agrave traduire en franccedilais si lrsquoon souhaite en restituer tout le sens On pourrait traduire par laquo verbes flexibles raquo ou laquo verbes agrave flexion requise obligatoire raquo

(a) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo ( IVs) du protocole original QPA

La mesure Number of Inflectable Verbs ( IVs) issue du protocole original revient agrave relever laquo tous les verbes qui pourraient ecirctre grammaticalement fleacutechis par lrsquoajout drsquoun suffixe ou une alteacuteration de la base en incluant ceux qui apparaissent dans les constructions non canoniques raquo crsquoest-agrave-dire

bull les occurrences de verbes reacuteguliers et irreacuteguliers fleacutechis ou non par ajout drsquoun affixe flexionnel par exemple

She dances gt 1 IV(dance+s)

She is going gt 1 IV(is go+ing)

She is bringing gt 1 IV(is bring+ing)

Par contre les formes irreacuteguliegraveres telles que went ou brought ne sont pas coteacutees comme IV car elles ne comportent pas drsquoaffixes flexionnels Dans le protocole original QPA ce type de flexion reacutealiseacutee par allomorphie de la base et non par ajout drsquoun affixe agrave la base verbale nrsquoest alors pas coteacute dans la cateacutegorie IV

She went gt 0 IV

She brought gt 0 IV

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

194

Ensuite apregraves avoir coteacute parmi tous les Inflectable Verbs (IVs) les Inflectable Verbs Inflected (IVIs) crsquoest-agrave-dire les verbes effectivement fleacutechis on obtient lrsquoindice de flexion verbale ou Inflection Index126 crsquoest-agrave-dire la proportion de verbes effectivement fleacutechis par affixation (voir SAFFRAN et al 1989 459) Dans le protocole original QPA cette variable ne concerne donc que les verbes dont la flexion en anglais est reacuteguliegravere crsquoest-agrave-dire les verbes dont la base est suffixable

Pour nos propres mesures et calculs de variables affeacuterentes aux IVs et IVIs agrave la diffeacuterence du protocole original nous incluons les verbes agrave flexion irreacuteguliegravere

(b) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo (IVs) adapteacutee au franccedilais VInfl (G2)

Nous utiliserons deacutesormais lrsquoabreacuteviation laquo VInfl raquo correspondant agrave la mesure IVs du protocole original

Les VInfl sont les verbes dont le contexte drsquoemploi permet ou contraint une flexion Les VInfl sont donc tous les contextes obligatoires de flexions verbales qursquoelles soient preacutesentes ou non conformes ou non conformes

Dans les exemples suivants le verbe est coteacute comme VInfl car il y a agrave chaque fois un contexte obligatoire de flexion

Il joue gt 1VInfl 1 V-FLEX

Je suis hocircpital gt 1 VInfl 1 V-FLEX

Il jouer gt 1 VInfl 0 V-FLEX

Jouer la balle gt 1 VInfl 0 V-FLEX

Les deux derniers verbes sont par ailleurs coteacutes 0 V-FLEX car ils ne sont pas fleacutechis

Mais certains contextes qui nrsquoimpliquent pas de flexions obligatoires ne sont pas consideacutereacutes comme des VInfl Ainsi dans les exemples ci-dessous danser et partir ne requiegraverent pas de flexion du fait de leur contexte formel drsquoemploi En effet ils font partie drsquoune peacuteriphrase verbale et ne requiert pas de flexion particuliegravere Par contre les formes veut va et vient sont coteacutees comme VInfl

Il veut danser gt 1 VInfl (vouloir)

Il va partir gt 1 VInfl (aller)

Il vient de partir gt 1 VInfl (venir)

126 La variable Inflexion Index correspond agrave la variable Prop V-FLEX dans notre protocole drsquoanalyse adapteacute crsquoest-agrave-dire la part relative de verbes fleacutechis parmi les contextes obligatoires de flexions verbales (voir au point 5219 p 195 pour les cotations en valeurs brutes V-FLEX VInfl et au point 52210 p 202 pour la variable associeacutee Prop V-FLEX)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

195

5219 Nombre de VERBES FLECHIS V-FLEX (G2) (Inflectable Verbs Inflected)

(a) La mesure IVIs (les verbes effectivement fleacutechis) adapteacutee au franccedilais V-FLEX

Les verbes V-Infl sont coteacutes V-FLEX lorsque la flexion obligatoire est bien preacutesente mecircme si celle-ci nrsquoest pas complegravete ou incorrecte Les V-FLEX sont donc des VInfl dont la flexion obligatoire est reacutealiseacutee mecircme de maniegravere non conforme

(b) Cotation des VInfl avec absence de flexion obligatoire au passeacute

Les VInfl ougrave la flexion obligatoire au passeacute fait deacutefaut ne sont pas complegravetement fleacutechis Ainsi si le temps du reacutecit autobiographique (comme pour la tacircche de production 1 par exemple) exige lrsquoemploi des flexions du passeacute (imparfait ou passeacute composeacute) et qursquoagrave la place on trouve systeacutematiquement un preacutesent on considegravere que les flexions sont incomplegravetes et le VInfl est donc coteacute 0 V-FLEX (crsquoest-agrave-dire coteacute nul)

Et crsquoest huit ans gt 1 VInfl 0 V-Flex (crsquoeacutetait il y a huit ans)

Je suis muet gt 1 VInfl 0 V-Flex (jrsquoeacutetais muet)

Drsquoautre part certaines deacuteformations phoneacutemiques jugeacutees trop lourdes sont coteacutees nulles comme par exemple

Lrsquohomme [pRɑd] gt 1 VInfl 0 V-FLEX

(c) Cotation des ambiguumliteacutes infinitif vs participe passeacute agrave lrsquooral

Je manger gt 1 VInfl 0 V-FLEX

Si aucun auxiliaire nrsquoapparaicirct on considegravere qursquoil srsquoagit par convention drsquoune forme infinitive qui devrait ecirctre fleacutechie (je manger au lieu de je mange) et non drsquoun verbe agrave la forme participe (mangeacute)

Par contre lorsque lrsquoauxiliaire est expliciteacute on peut identifier sans ambiguumliteacute le verbe manger fleacutechi Il est alors au participe passeacute avec un auxiliaire

Jrsquoai mangeacute gt 1 VInfl 1 V-FLEX

52110 Nombre de PREacutePOSITIONS PREP (H1)

La liste suivante comprend les preacutepositions et locutions preacutepositionnelles les plus freacutequentes de agrave afin-de apregraves aupregraves-de autour-de avant avec chez contre dans depuis derriegravere degraves devant durant en entre environ hors-de malgreacute par parmi pendant pour sans sauf selon sous suivant sur vers etchellip

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

196

(a) Cotation des amalgames preacuteposition + article

Dans le cas ougrave un morphegraveme grammatical preacutesente un amalgame impliquant une preacuteposition et un article deacutefini il convient de deacutecomposer la forme pour compter le nombre drsquouniteacutes amalgameacutees Dans lrsquoeacutenonceacute suivant lrsquoamalgame au est deacutecomposeacute de maniegravere agrave comptabiliser 2 MCF et non un seul en consideacuterant qursquoil srsquoagit drsquoune preacuteposition et drsquoun deacuteterminant amalgameacutes

27 SB_agr2b donc euh Cendrillon (5) [alge] au bal en carrosse Deformphon(allergt[alge]) au=agrave+le

Annexe H-528

On obtient la cotation suivante

Cendrillon aller au bal en carrosse gt 1 PREP(agrave) + 1 DET(le) - (2 MCF)

Drsquoautre part on cote 0 lrsquoabsence de deacuteterminant et 1 la preacutesence de la preacuteposition en cas drsquoellipse de deacuteterminant en contexte obligatoire comme dans lrsquoexemple suivant

16 SB_agr3-MJ01 les deux voisins euh (9) le voisin proprieacutetaire de de pommier est deacutepiteacute par-exemple

PREP(de) DETom(le) amalgame non reacutealiseacute

Annexe H-531

Ce qui nous amegravene agrave effectuer la cotation suivante

Le voisin proprieacutetaire de pommier est deacutepiteacute gt 1 PREP(de) + 0 DET(le) - (1 MCF)

Par ailleurs il est possible de trouver un autre type drsquoamalgame non reacutealiseacute correspondant agrave la cotation ci-dessous

3 SB_agr3-MJ09 bon alors lrsquohomme (2) donne une banane agrave le si- agrave le chien non euh le singe

Autocor+ PREPcor(agrave) amalgame DET(agrave) + PREP(le) non reacutealiseacute

Annexe H-535

Lrsquohomme donne une banane agrave le singe gt 1 PREP(de) + 1 DET(le) - (2 MCF)

Pour finir les amalgames non reacutealiseacutes impliquant une preacuteposition et un deacuteterminant ne doivent pas ecirctre confondus avec les emplois drsquoarticles partitifs Dans la production agrammatique suivante le morphegraveme de est un article partitif deacuteformeacute (de au lieu de du) et non une preacuteposition

5 SB_agr2a dans le panier euh d- de de beurre par-exemple

DETDeformphon(dugtde) laquo du beurre raquo Repet laquo de raquo prononciation floue entre laquo de raquo et laquo du raquo

Annexe H-525

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

197

52111 Nombre drsquoADVERBES ADV (I)

(a) Comptage des adverbes

Parmi les mots extraits tous les adverbes sont pour nous des morphegravemes de classe ouverte ( ADV de la classe des MCO) Ils peuvent deacutependre drsquoun autre constituant dont ils sont modifieurs (des SV des SN des adjectifs des pronoms) ou modifier une proposition entiegravere

Cette cateacutegorie est tregraves varieacutee (voir RIEGEL et al p 375) Elle comprend les radicaux lexicaux (adjectifs) suffixeacutes en ndashment ainsi que les adverbes qui ne sont pas obtenus par deacuterivation (oui non jamais toujours nehellippasjamaisplus tregraves demain bien mal deacutejagrave assez moins plus environ presque tregraves beaucoup souvent parfois etchellip) et les adverbes utiliseacutes dans les tournures interrogatives ou exclamatives

Les deux cotations exposeacutees ci-apregraves srsquoappuient sur la distinction entre les adverbes particules discursives ( ADVdisc) et les adverbes modifieurs ( ADVmod)

(b) Cotation des adverbes agrave valeur discursive ADVdisc (I1)

Les adverbes de discours ( ADVdisc) apparaissent dans les corpus en caractegraveres italiques (comme les conjonctions agrave valeur discursive)

Principes geacuteneacuteraux

Les emplois de particules de discours adverbiales marquent des relations temporelles (avant puis apregraves en-mecircme-temps ensuite alors etchellip) des relations de successiviteacute ou de paralleacutelisme (et aussi en-plus parallegravelement ensuite etc) et des relations drsquoopposition logique (par-contre mais pourtant etchellip) Ils peuvent aussi marquer lrsquoouverture et la clocircture drsquoune proposition (alors en-fait premiegraverement enfin finalement voilagrave etchellip) un proceacutedeacute de reformulation (crsquo-est-agrave-dire autrement-dit etchellip) ou une attitude subjective (drsquoappreacuteciation ou de modalisation avec des adverbes tels que bien-sucircr eacutevidemment certainement vraiment etchellip)

Un ADVdisc apparaicirct en geacuteneacuteral en deacutebut et en fin drsquoeacutenonceacute Toutefois sa place nrsquoest pas fixe et il peut se trouver en position intermeacutediaire comme en teacutemoignent les emplois des adverbiaux par-exemple de-toute-faccedilon et bien-sucircr dans les quatre eacutenonceacutes ci-dessous

101 SB_agr1 non mais par-exemple euh euh (2) collegravege ccedila va

102 SB_agr1 lyceacutee jrsquoheacute- jrsquoheacutesite parce-que de-toute-faccedilon en en collegravege toujours euh speacutecialiste euh agrave collegravege

laquo agrave collegravege raquo DETom(le) amalgame incomplet laquo au raquo CONJsynt(parce-que) mais il ne srsquoagit pas drsquoune SUB car absence de V noyau dans la SUB

103 SB_agr1 donc euh euh bien-sucircr euh entraicircnement non

Annexe H-523

112 SB_agr1 donc euh oublier euh de-toute-faccedilon

Annexe H-524

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

198

Drsquoautre part plus-tard fut consideacutereacute en tant qursquouniteacute morpheacutemique solidaire Cet adverbial est tregraves freacutequent dans les corpus de BR_agr En voici un extrait avec 5 occurrences releveacutees au sein des 11 premiers eacutenonceacutes

1 BR_agr1 une chose beaucoup de euh beaucoup de euh

2 BR_agr1 ballon [l] haut [l] haut DETom(le) + ballon Peacuteriphrase pour laquo volley-ball raquo Ajout drsquoune consonne intervoc [l]

3 BR_agr1 plus-tard moi maison 1 ADVdisc PREPom(agrave) DETom(la)

4 BR_agr1 oui euh plus-tard euh euh (3) pas bien 2 ADVdisc ADVmod

exp tu eacutetais au match crsquoeacutetait quoi comme sport -3sec

5 BR_agr1 euh moi euh match euh (2) de volley DETom(un) + match PREPcor(de)

6 BR_agr1 euh (6) revenir moi revenir

7 BR_agr1 plus-tard coucher

8 BR_agr1 plus-tard euh (3) [tRo] [falm] pas bien Deformphon(trop faiblegt[tRo] [falm])

9 BR_agr1 euh moi coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

10 BR_agr1 deux trois jours coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

11 BR_agr1 plus-tard [kegym] DETom(un) Deformphon(leacutegumegt[kegym])

Annexe H-462

Cotation des adverbes oui non peut-ecirctre en tant que particules de discours

Lorsque les adverbes oui non ou peut-ecirctre sont employeacutes en reacuteponse agrave une question de lrsquoexpeacuterimentatrice ou en guise de modalisateur drsquoun propos ils sont coteacutes dans la sous- cateacutegorie des ADVdisc Ainsi dans les extraits suivants peut-ecirctre oui non et parfait apparaissent en caractegraveres italiques

28 BR_agr1 jambe raide bois pareil

DETom(ma) Vcopom(est) DETom(du) laquo ma jambe est raide comme du bois raquo

29 BR_agr1 peut-ecirctre plus-tard une euh une euh une euh (6) Ab

30 BR_agr1 peut-ecirctre pl- euh un mois deux mois pour euh (3) euh aller (2) pour euh (35) gra- euh hum

Annexe H-462

exp la jambe raide

63 BR_agr1 oui pas-du-tout marcher

Annexe H-466

Lorsque plusieurs ADVdisc de ce type sont reacutepeacuteteacutes on nrsquoen retient qursquoun en vue des analyses structurales (en caractegraveres italiques)

79 BR_agr1 non non non non beaucoup difficile pecircche euh (2) DETom(la) + pecircche

Annexe H-467

Dans les corpus de BR_agr en particulier parfait a eacuteteacute coteacute comme ADVdisc du fait de son emploi adverbial Il sert agrave acquiescer (synonyme de absolument)

72 BR_agr1 parfait pas de problegraveme ADVdisc(parfait) laquo si quelqursquoun mrsquoaccompagne pas de problegraveme raquo

Annexe H-466

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

199

Pour finir lorsque les adverbes oui et non expriment un jugement meacutetalinguistique du locuteur sur sa propre production ils ne sont coteacutes dans aucune cateacutegorie Ainsi ils apparaissent en caractegraveres normaux car ils ne sont pas comptabiliseacutes dans la cateacutegorie des mots extraits Par exemple dans lrsquoeacutenonceacute 5 ci-dessous lrsquoadverbe oui ne fait pas partie de la structuration phrastique ou discursive mais indique que la formulation est satisfaisante Elle est ensuite poursuivie Par contre les emplois de non (eacutenonceacutes 5 et 6) indiquent que la production nrsquoest pas satisfaisante Elle est interrompue pour ecirctre soit reformuleacutee soit abandonneacutee (par exemple du fait drsquoune perseacuteveacuteration telle que le loup ci-dessous)

5 PC_agr2a alors [ɛk] euh [εlRakot] non elle rencontre oui elle rencontre euh euh le loup un loup (2) bon

E Ph Gram Prononciation tregraves floue de laquo un raquo dans le SN(un+loup)

6 PC_agr2a et hum (6) le loup euh non euh non non euh le loup (3) ah-non

Persev(le loup) 0 Mots ext

Annexe H-442

(c) Cotation des adverbes modifieurs ADVmod (I2)

Les adverbes modifieurs ( ADVmod) apparaissent en caractegraveres gras dans les corpus mis en forme car ils sont tous des mots extraits

Principes geacuteneacuteraux

Dans cette cateacutegorie sont releveacutes tous les adverbes qui participent agrave la structuration interne de lrsquoeacutenonceacute crsquoest-agrave-dire les adverbes adosseacutes agrave un autre eacuteleacutement dans une mecircme proposition Lorsqursquoun adverbe est difficilement deacuteplaccedilable dans lrsquoeacutenonceacute ougrave il apparaicirct on considegravere alors qursquoil a la fonction de modifieur (soit de proposition soit de syntagme) comme dans les exemple suivants

Il travaille seacuterieusement gt 1 ADVmod

Le loup avance rapidement gt 1 ADVmod

Il chante faux gt 1 ADVmod

Il parle bas gt 1 ADVmod

Elle habite ici gt 1 ADVmod

Il reste longtemps gt 1 ADVmod

Elle est moins grande gt 1 ADVmod

Elle est tregraves belle gt 1 ADVmod

Elle est extrecircmement belle gt 1 ADVmod

Elle est un-petit-peu fatigueacutee gt 1 ADVmod

Il parle beaucoup gt 1 ADVmod

Tout seul gt 1 ADVmod

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

200

Beaucoup de sport moi gt 1 ADVmod

Crsquoest tregraves tregraves beau gt 2 ADVmod

Un adverbe modifieur peut ecirctre eacutegalement adjoint agrave une proposition

Le soir souvent il sort gt 1 ADVmod

Progressivement il faut les abattregt gt 1 ADVmod

Notons que dans le discours agrammatique les adverbes modifieurs peuvent ecirctre difficiles agrave identifier lorsque les eacuteleacutements auxquels ils devraient ecirctre adosseacutes sont manquants

De la mecircme maniegravere on comptabilise les particules de neacutegation totale ou partielle adosseacutees agrave un constituant (pas nehellippas nehellipjamais plus-jamais pas-du-tout plus-du-tout etchellip)

Elle ne veut pas gt 1 ADVmod

Je sais pas gt 1 ADVmod

Pas sucircr gt 1 ADVmod

Parle pas-du-tout gt 1 ADVmod

Cotations des adverbes oui et non en tant que modifieurs

Lorsque les adverbes oui et non sont clairement adosseacutes agrave une autre uniteacute lexicale dans le fil du reacutecit on considegravere qursquoil srsquoagit drsquoadverbes modifieurs Ils apparaissent en caractegraveres gras car ils sont consideacutereacutes comme mots extraits

Ainsi dans les exemples suivants lrsquoadverbe non est adosseacute agrave la proposition

22 SB_agr1 je p- euh (3) [geoslashtine] gueutiner euh m- manger par-exemple non

Deformphonneacuteologie(deacuteglutirgtgueutiner) (le verbe en -ir est deacuteformeacute en verbe en -er) laquo je ne pouvais pas deacuteglutir raquo ADVmod(non) ADVdisc(par-exemple)

Annexe H-520

522 Variables MORPH-LEX associeacutees

Aux cotations en valeurs brutes ainsi reacutealiseacutees sont associeacutees les variables MORPH-LEX que nous deacutetaillons ci-apregraves

5221 Prop MCO

La variable Prop MCO (proportion de mots de classe ouverte) reflegravete la part de morphegravemes lexicaux produits relativement aux mots extraits

5222 Prop MCF (Proportion Closed Class Words)

La variable Prop MCF (proportion de mots de classe fermeacutee ou mots fonctions) correspond au poids relatif des MCF parmi les mots extraits

De ce fait la somme des variables Prop MCO et Prop MCF est eacutegale agrave 1 (soit 100 de mots extraits)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

201

5223 Prop CONJMots prod

La variable Prop CONJMots prod (proportion de conjonctions parmi les mots produits) renseigne sur la part relative de conjonctions produites parmi lrsquoensemble des corpus de mots produits au total

5224 Prop CONJdisc

La variable Prop CONJdisc (proportion de conjonctions agrave valeur discursive) renseigne sur le poids relatif des conjonctions ayant la fonction de particules de discours relativement au nombre de conjonctions releveacutees au total

5225 Prop CONJsynt

La variable Prop CONJsynt (proportion de conjonctions agrave valeur syntaxique) correspond au poids relatif des conjonctions ayant la fonction de coordonnant ou de subordonnant syntaxique relativement au nombre de conjonctions releveacutees au total

Par conseacutequent la somme des variables Prop CONJdisc et Prop CONJsynt est eacutegale agrave 1 (soit 100 des conjonctions analyseacutees comme particules de discours ou comme relateurs syntaxiques intra-phrastiques)

5226 Indice DET (DET Index)

La variable Indice DET (indice de deacutetermination) correspond au taux de deacuteterminants effectivement produits en contextes obligatoires Cet indice est proche ou eacutegal agrave 1 chez les locuteurs controcircles car quasiment tous les deacuteterminants requis sont produits Par contre il est infeacuterieur agrave 1 chez les agrammatiques qui ne produisent qursquoune partie des deacuteterminants exigeacutes par le contexte syntagmatique

En conseacutequence la diffeacuterence entre lrsquoIndice DET controcircle (1 ou 100 ) et un Indice DET infeacuterieur agrave 1 correspond au taux drsquoomissions de deacuteterminants obligatoires

5227 Prop PRO (Proportion Pronouns)

La variable Prop PRO (proportion du nombre de pronoms) est obtenue en calculant la proportion de pronoms releveacutes relativement agrave lrsquoensemble des pronoms (MCF) et noms (MCO) Cette mesure consiste agrave eacutevaluer le degreacute de pronominalisation de la reacutefeacuterence (ou en quelque sorte le degreacute de grammaticalisation de la reacutefeacuterence)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

202

5228 Prop V(V+N) (Proportion Verbs)

La variable Prop V(V+N) (proportion de verbes) indique le poids des verbes parmi lrsquoensemble des verbes et noms preacutesents dans les corpus Elle permet drsquoappreacutecier les capaciteacutes de reacutecupeacuteration des mots lexicaux qui sont des verbes compareacute aux noms

5229 Prop VMCO

Agrave titre indicatif la variable Prop VMCO (proportion de verbes parmi lrsquoensemble des mots de classe ouverte) vient compleacuteter la variable Prop V(V+N) (voir ci-dessus) Elle apparaicirct sur les feuilles de reacutesultats mais ne fera pas lrsquoobjet de commentaires particuliers dans la preacutesentation des reacutesultats

52210 Indice V-FLEX (Inflection Index)

La variable Indice V-FLEX (indice de flexion verbale) reflegravete la part de verbes effectivement fleacutechis en contextes obligatoires Chez les locuteurs controcircles cette variable est proche de 1 (ou 100 ) car en geacuteneacuteral tous les verbes sont complegravetement fleacutechis En revanche elle est infeacuterieure agrave 1 (ou 100 ) chez les agrammatiques pour qui les verbes ne sont pas tous complegravetement fleacutechis

De ce fait la diffeacuterence entre la valeur de lrsquoIndice V-FLEX controcircle (1 ou 100 ) et un Indice infeacuterieur correspond au taux drsquoomissions de flexions verbales obligatoires

52211 Prop PREPMots ext

La variable Prop PREPMots ext (proportion de mots extraits) indique le poids des preacutepositions employeacutees relativement agrave lrsquoensemble drsquoun corpus du mots extraits

52212 Prop ADV

La variable Prop ADV (proportion drsquoadverbes) permet de mesurer le poids des adverbes preacutesents (ADVdisc et ADVmod) parmi lrsquoensemble drsquoun corpus de mots produits

52213 Prop ADVdisc

Comme pour la variable Prop CONJdisc la variable Prop ADVdisc (proportion drsquoadverbes particules de discours) correspond agrave la proportion drsquoadverbes ayant la fonction de particule de discours relativement agrave lrsquoensemble des adverbes releveacutes

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

203

52214 Prop ADVmod

La variable Prop ADVmod (proportion drsquoadverbes modifieurs) correspond agrave la proportion drsquoadverbes ayant le rocircle de modifieurs relativement agrave lrsquoensemble des adverbes releveacutes

Par conseacutequent la somme des variables Prop ADVdisc et Prop ADVmod est eacutegale agrave 1 (soit 100 des adverbes analyseacutes soit comme ADVdisc soit comme ADVmod)

Les variables MORPH-LEX obtenues sont au nombre de 14 au total Par ailleurs une autre variable de morphologie srsquoapplique essentiellement agrave mesurer la complexiteacute morphologique des verbes matrices ce qui porte le nombre de variables de morphologie agrave 15 Nous lrsquoexposons ci-apregraves

523 Variable MORPH-V Indice Compl MORPH-V-Matrices

Nous avons revu la mesure Aux Complexity Index (ou Auxiliary Complexity Index) issue du protocole original QPA Les critegraveres de cotations ont eacuteteacute conccedilus suivant les caracteacuteristiques propres agrave la morphologie verbale de lrsquoanglais Crsquoest pourquoi il nous a paru indispensable de les adapter aux caracteacuteristiques du franccedilais

Nous ne deacutetaillerons pas ici les principes de cotation conccedilus pour la morphologie verbale anglaise Nous exposons ci-apregraves lrsquoaboutissement des adaptations reacutealiseacutees

Dans un premier temps il srsquoagit de relever le nombre de verbes matrices des phrases ( V-Matrices) crsquoest-agrave-dire les verbes noyaux porteurs des flexions verbales

Dans un deuxiegraveme temps il srsquoagit drsquoassigner des points ( V-Points MORPH) agrave chacun des V-Matrices releveacutes selon leur degreacute de complexification morphologique

Au final on obtient par ratio ( V-Points MORPH V-Matrices) une valeur syntheacutetique exprimant le degreacute de complexification morphologique des verbes matrices crsquoest-agrave-dire lrsquoIndice Compl MORPH-V-Matrices

5231 Comptage des verbes matrices V-Matrices (J) (Matrix Verbs)

Dans cette cateacutegorie on comptabilise le nombre de matrices verbales ou verbes noyaux portant les marques de temps ou drsquoaspect au sein drsquoune proposition principale ou drsquoune proposition subordonneacutee

Lrsquoobjectif est de mesurer ensuite la complexification morphologique du verbe matrice par flexion de la base ou ajout drsquoauxiliaires pour former les temps composeacutes ou par ajout de semi-auxiliaires et auxiliaires modaux pour former des peacuteriphrases verbales autour du verbe matrice Les V-Matrices sont comptabiliseacutes suivant les critegraveres expliciteacutes ci-apregraves

Dans le cas drsquoune coordination il convient de comptabiliser deux verbes matrices

Cendrillon a regardeacute puis essayeacute la chaussure gt 2 V-Matrices (regarder essayer) Ils sautaient et criaient gt 2 V-Matrices (sauter crier)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

204

Un verbe qui apparaicirct dans une proposition subordonneacutee (compleacutetive relative) est coteacute comme verbe matrice autonome127

Ils savaient qursquoils devaient partir gt 2 V-Matrices (savoir partir)

Elle espeacuterait qursquoelle irait au bal gt 2 V-Matrices (espeacuterer aller)

La feacutee parle agrave Cendrillon qui pleure gt 2 V-Matrices (parler pleurer)

Le chien mange un bol qui est donneacute par le garccedilon gt 2 V-Matrices (manger donner)

Lorsqursquoun verbe est dans une proposition deacutependante infinitive introduite le cas eacutecheacuteant par une preacuteposition on ne le considegravere pas comme verbe matrice

Il dit de venir gt 1 V-Matrice (dire et non venir)

La megravere prend une casserole pour chauffer de lrsquoeau gt 1 V-Matrice (prendre et non chauffer)

Les verbes auxiliaires ecirctre et avoir ainsi que les semi-auxiliaires de type aller ou tout autre semi-auxiliaire modal ou causatif ne sont pas agrave comptabiliser comme verbes matrices autonomes

Le prince va trouver la fille gt 1 V-Matrice (trouver)

Ils devaient partir gt 1 V-Matrice (partir)

Cendrillon peut aller au bal gt 1 V-Matrice (aller)

La souplesse a commenceacute agrave revenir gt 1 V-Matrice (revenir)

On va continuer agrave rouler gt 1 V-Matrice (rouler)

Les auxiliaires de temps composeacutes et les semi-auxiliaires servant agrave la formation de peacuteriphrases verbales autour des verbes noyaux ne doivent pas ecirctre confondus avec les verbes matrices

Pour finir le verbe ecirctre utiliseacute comme copule et le verbe avoir dans son sens plein sont consideacutereacutes en tant que verbes matrices (agrave ne pas confondre avec les auxiliaires de temps composeacutes)

5232 Complexification morphologique des verbes matrices - principes de cotation de fixeacutes pour le franccedilais V-Points Morph (J1) (Aux Score)

(a) Principes geacuteneacuteraux

Lrsquoadaptation de cette mesure au franccedilais nous paraicirct indispensable si lrsquoon souhaite renseigner de maniegravere fiable sur la complexification morphologique verbale en franccedilais

Les points agrave assigner agrave la complexification des verbes matrices tiennent compte de la base verbale de la temporaliteacute et de lrsquoemploi drsquoun verbe auxiliaire Le nombre de points agrave assigner

127 Agrave la diffeacuterence du protocole original QPA ougrave les verbes de propositions relatives ne sont pas pris en compte Nous preacutefeacuterons les prendre en compte pour restituer au mieux le degreacute drsquoeacutelaboration des verbes preacutesents

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

205

agrave chaque verbe matrice releveacute au sein des corpus est preacuteciseacute ci-apregraves entre parenthegraveses Les points srsquoadditionnent pour un mecircme verbe matrice

Ainsi le nombre de points assigneacute agrave un verbe matrice donneacute est conditionneacute par

la preacutesence drsquoune base verbale si elle est agrave lrsquoinfinitif (+1) au participe (+1) (si la forme au participe est reacuteguliegravere (+1) et si la forme au participe est irreacuteguliegravere (+2) )

la temporaliteacute128 et le mode porteacutes par le verbe matrice et par lrsquoauxiliaire le cas eacutecheacuteant impeacuteratif (+1) preacutesent (+1) passeacute (+2) imparfait (+2) subjonctif (+2) conditionnel (+2) futur (+2)

lrsquoemploi drsquoun auxiliaire ecirctre ou avoir (+1) ou drsquoun semi-auxiliaire (+1) dans une peacuteriphrase verbale (telle que ecirctre-en-train (de) venir (de) aller se mettre (agrave) manquer (de) continuer (agrave) commencer (agrave) faillir sembler devoir pouvoir etchellip + Vinf) On assigne des points aux auxiliaires et aux semi-auxiliaires suivant les critegraveres de complexification preacuteciteacutes (base et temporaliteacute)

En reacutesumeacute chaque point assigneacute agrave un verbe matrice est deacutetermineacute par un des modes de complexification morphologique deacutecrits ci-dessus

Nous deacutetaillons la proceacutedure agrave lrsquoaide drsquoexemples varieacutes issus de nos corpus oraux ou construits

(b) Cotation des V-Matrices agrave la forme non finie (ou laquo basique raquo) infinitive (+1) participe reacuteguliegravere (+1) ou participe irreacuteguliegravere (+2)

Travailler eacutelectronique gt +1 (Vinf)

Le fille manger gt +1 (Vinf)

Moi revenu gt +2 (Vpartirr)

Lorsqursquoun verbe est agrave la forme participe 1 point est assigneacute dans le cas ougrave la formation du participe est reacuteguliegravere crsquoest-agrave-dire pour les verbes dont la forme infinitive est en -E (-er) et qui se reacutealisent aussi en -E final (-eacute) au participe Drsquoautre part pour les verbes en -R (-r -re) agrave la forme infinitive et dont le participe est irreacutegulier (partirgtparti venirgtvenu voirgtvu devoirgtducirc prendregtpris fairegtfait etchellip) 2 points sont assigneacutes lorsqursquoils sont fleacutechis au participe passeacute

128 TOURATIER (1996 61-69) propose une laquo structure morphologique du verbe franccedilais raquo eacutelaboreacutee suivant des paradigmes drsquouniteacutes morphologiques dont relegravevent les formes verbales Un graphe complexe eacutetabli sur plusieurs plans (Touratier 1996 64) repreacutesente la combinatoire des diffeacuterentes cateacutegories en jeu dans la conjugaison du verbe franccedilais (Preacutesent Futur Subjonctif Imparfait Infinitif Participe Impeacuteratif Passeacute ndash Simple Composeacute 1 Composeacute 2) en fonction des uniteacutes morphologiques qui ont eacuteteacute mises en eacutevidence par commutation et qui leur ont eacuteteacute associeacutees Un graphe eacutepureacute qui preacutesente laquo la structure du verbe de la langue parleacutee raquo permet de bien identifier et distinguer les cateacutegories temporelles entre elles La mesure de la complexification morphologique des verbes matrices se reacutefegravere notamment agrave ce modegravele global des cateacutegories de conjugaison pour le verbe franccedilais Pour eacutevaluer quantitativement la complexification morphologique du verbe matrice nous tenons compte en plus de ces cateacutegories des eacuteventuelles peacuteriphrases verbales

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables MORPH

206

Lorsque le participe est marqueacute au feacuteminin (prendregtprise fairegtfaite) un point en plus est assigneacute

La tarte faite(3) gt +3 (Vpartirrfeacutem)

(c) Cotation des V-Matrices agrave la forme finie

Lorsque la forme est fleacutechie au preacutesent ou agrave lrsquoimpeacuteratif on assigne 2 points

Entre gt +2

Crsquoest grande gt +2

Le chien aboie gt +2

Le loup avance gt +2

Prend le lit gt +2

La maman vient gt +2

La fille part gt +2

En cas drsquoerreurs de flexion la cotation est quand mecircme effectueacutee

La fille partent (au lieu de part) gt +2

Lorsque la forme finie est au passeacute imparfait subjonctif ou futur on assigne 3 points

Le loup vint gt +3

Elle eacutetait belle gt +3

Le loup venait gt +3

Le loup viendra gt +3

(d) Cotation des V-Matrices avec un auxiliaire

Si lrsquoauxiliaire est agrave la forme non finie (une forme basique de lrsquoinfinitif ecirctre avoir aller ecirctre-en-train (de)) on assigne 1 point

Les formes est a et va au preacutesent comptent pour 2 points et 3 points pour les autres temps (passeacute imparfait futur)

Elle avoir(1) mangeacute(1) gt +2

Jrsquo ai(2) mangeacute(1) gt +3

La fille est(2) partie(2) gt +4

Lrsquoenfant a(2) parti(2) gt +4

Je suis(2) parti(2) gt +4

Le loup allait(3) venir(1) gt +4

Il a(2) pas revu(2) lrsquohomme gt +4

Il a(2) fait(2) gt +4

La fille eacutetait(3) partie(2) gt +5

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables MORPH

207

(e) Cotation des peacuteriphrases verbales (avec semi-auxiliaires ou modaux) impliquant un V-Matrice

Si le verbe matrice est impliqueacute dans une peacuteriphrase verbale avec un semi-auxiliaire aspectuel (ecirctre-en-train (de) aller venir (de)) modal (vouloir devoir pouvoir) ou causatif (faire laisser) il faut en tenir compte

Le loup va(2) venir(1) gt +3

Le loup est en train de(2) venir(1) gt +3

Le loup va(2) pouvoir(1) partir(1) gt +4

Le loup peut(2) partir(1) gt +3

Le loup pouvait(3) partir(1) gt +4

Le loup a(2) pu(2) partir(1) gt +5

La maman fait(2) cuire(1) la galette gt +3

Le loup faisait(2) courir(1) la grand-megravere gt +4

La fille srsquoest(2) faite(3) deacutevorer(1) gt +5

Elle srsquoeacutetait(3) laisseacute(1) tomber(1) gt +4

La souplesse a(2) commenceacute(1) agrave revenir(1) gt +4

On va(2) continuer(1) agrave rouler(1) gt +4

Il vient(2) drsquoacheter(1) le journal gt +3

Elle aimerait(4) aller(1) au bal gt +4

(f) Cotation des V-Matrices coordonneacutes

Lorsque deux verbes matrices ou plus sont coordonneacutes par une conjonction agrave valeur syntaxique (et non discursive) et si un seul auxiliaire est preacutesent on compte la valeur de lrsquoauxiliaire autant de fois qursquoil y a de verbes matrices

Ils avaient(3+3) mangeacute(1) puis lu(2) gt +9

5233 Indice Compl MORPH-V-Matrices (Aux Complexity Index)

Une fois que tous les V-Matrices ont eacuteteacute comptabiliseacutes et coteacutes suivant leur degreacute de complexification morphologique il suffit de diviser le total de verbes matrices par le nombre total de points assigneacutes dans un corpus donneacute Ensuite 1 point est ocircteacute agrave ce reacutesultat Au final la mesure Indice Compl MORPH-V-Matrices obtenue est un indicateur syntheacutetique du degreacute de complexification morphologique des verbes Il permet drsquoappreacutecier dans quelle mesure les meacutecanismes de flexions morphologiques du verbe sont effectivement reacutealiseacutes par le locuteur

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

208

53 Les variables SYNTAX

531 Valeurs brutes SYNTAX

5311 Principes geacuteneacuteraux de cotation des eacutenonceacutes

Le discours continu est segmenteacute en eacutenonceacutes distincts autonomes que nous appelons eacutenonceacutes segmenteacutes (E Seg)129 La deacutemarche de segmentation du discours continu a eacuteteacute exposeacutee en deacutetail aux points 47 et 48 (pp 154-163) consacreacutes au preacute-traitement des corpus lorsqursquoil srsquoagissait de fixer les critegraveres syntactico-prosodiques de segmentation

En reacutesumeacute chacun des E Seg est coteacute suivant qursquoil est

un E Ph (un eacutenonceacute-phrase crsquoest-agrave-dire une construction de forme canonique minimale de type SN-S+SV)

un E Ph Gram (un eacutenonceacute-phrase grammatical crsquoest-agrave-dire un eacutenonceacute de forme canonique et grammatical)

un E Non-Can (un eacutenonceacute de forme non canonique crsquoest-agrave-dire tous les autres types de constructions)

Agrave lrsquoaide drsquoexemples tireacutes des corpus oraux agrammatiques controcircles ou construits par nous-mecircme nous exposons ci-apregraves les deacutetails techniques concernant la cotation des E Seg On peut se reacutefeacuterer eacutegalement aux exemples tireacutes des corpus et reproduits tels quels dans la partie consacreacutee au preacute-traitement des corpus (4721 pp 156-160)

5312 Principes deacutetailleacutes de cotation des eacutenonceacutes

(a) Cotation des eacutenonceacutes de forme canonique E Ph (K) (Sentences)

Les constructions de forme canonique ou eacutenonceacutes-phrases correspondent aux constructions dont la structure syntaxique minimale implique au moins un SN-Sujet combineacute agrave un preacutedicat verbal composeacute au moins drsquoun verbe noyau (qursquoil soit agrave la forme finie ou non finie) et ce en respectant les regravegles de combinaisons canoniques de la syntaxe standard du franccedilais oral crsquoest-agrave-dire lrsquoordre canonique des constituants drsquoune phrase

Si la structuration ne respecte pas ce critegravere minimal de canoniciteacute elle nrsquoest pas coteacutee comme E Ph mais comme E Non-Can

129 Rappelons que la valeur brute E Seg (nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes) est une variable CORPUS (voir au point 5114 p 184)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

209

Pour ecirctre coteacute E Ph lrsquoeacutenonceacute ne doit pas ecirctre forceacutement coheacuterent seacutemantiquement ni grammaticalement bien formeacute Par exemple un deacuteterminant obligatoire peut faire deacutefaut alors que la structure syntaxique minimale (SN-S+SV) qui en conditionne le caractegravere canonique demeure preacuteserveacutee De plus par convention les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif sont des eacutenonceacutes de forme canonique car le SN-sujet est implicite

Ainsi les eacutenonceacutes suivants sont coteacutes 1 point en tant que E Ph

Viens gt (SN-S) + SV

La fille fait la vaisselle gt SN-S + SV

Loup entrer maison gt SN-S + SV

Cendrillon fait gt SN-S + SV

Petit Chaperon Rouge a peur gt SN-S + SV

Loup partir gt SN-S + SV

Moi revenu gt SN-S + SV

Crsquo est fini gt SN-S + SV

Ccedila va gt SN-S + SV

Les constructions agrave deacutetachement du SN-S en tecircte de structure avec reprise anaphorique par un pronom deacutemonstratif sujet sont aussi de forme canonique

La parole crsquo est moi gt SN-SPRO + SV

Dessin ccedila va gt SN-SPRO + SV

(b) Cotation des eacutenonceacutes de forme non canonique E Non-Can (TC Utterances)

Les eacutenonceacutes de forme non canonique correspondent aux autres constructions qui ne sont pas de type SN-S+SV Elles sont tregraves varieacutees surtout dans les corpus de discours agrammatiques La liste drsquoexemples citeacutes ci-apregraves est repreacutesentative des divers types de constructions de forme non canonique rencontreacutees mais non exhaustive

Les combinaisons SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV

Cendrillon souillon gt SN + SN

Loup maison gt SN + SN

Cendrillon tregraves jolie gt SN + ADJ

Moi content gt SN + ADJ

Ccedila bien gt SN + ADV

Le loup dans la maison gt SN + SP

Loup devant gt SN + ADV

Les preacutedicats isoleacutees SV ou V SN ou N SP ADJ ADV

Donner banane gt SV

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

210

Recommencer le plongeacutee gt SV

Enlever bouche gt SV

Fait toilette gt SV

Partir gt V

Trois filles gt SN

Cendrillon deux filles gt SNSN (juxtaposition)

Lrsquohomme content gt SN + ADJ

Et singe gt N

Et dans la maison gt SP

Pas content gt ADV + ADJ

Belle gt ADJ

Alors lentement gt ADV

Bien gt ADV

Les constructions avec SN-O anteacuteposeacute au SV

Les constructions avec anteacuteposition du SN-Objet direct ou indirect par rapport au verbe sont coteacutees comme E Non-Can

Lrsquohomme lrsquoarbre tirer gt SN-O anteacuteposeacute (lrsquohomme tire lrsquoarbre)

En fonction de la phrase cible qursquoon peut induire drsquoapregraves les indices pragmatiques (le contexte discursif ou lrsquoaction repreacutesenteacutee sur une image) nous avons pris soin drsquoidentifier les constituants dans les constructions ougrave une ambiguumliteacute formelle pouvait surgir crsquoest-agrave-dire les constructions laquo SN-S+SV apparentes raquo qui sont en fait des constructions ougrave le SN-O est anteacuteposeacute avec eacuteventuellement une ellipse du SN-S comme dans les eacutenonceacutes suivants130

Meacutemoire ccedila travailler gt SN-O anteacuteposeacute (je travaille la meacutemoire)

Franccedilais lire gt SN-O anteacuteposeacute (je lis le franccedilais)

Le journal lit gt SN-O anteacuteposeacute (lrsquohomme lit le journal)

Les constructions avec SN-S postposeacute au SV

De la mecircme maniegravere les constructions dans lesquelles un SN-Sujet est postposeacute au SV ne peuvent entrer dans la cateacutegorie des E Ph La construction suivante par exemple est un E Non-Can car le SN qui est bien identifieacute comme SN-S et qui est bien preacutesent dans la construction est postposeacute au SV

Pas-du-tout content vendeur gt [ADV+ADJ] + SN-S postposeacute (le vendeur nrsquoest pas du tout content) 130 Il pourrait aussi srsquoagir de construction avec deacutetachement telle que la meacutemoire je la travaille ougrave le pronom employeacute ccedila serait une forme neutre du PRO(la) mais nous ne pouvons lrsquoaffirmer avec certitude En tous les cas agrave chaque fois le SN-S est absent lrsquoabsence de SN-S implique de coter ce type de structures en tant qursquoE Non-Can Drsquoautre part cela revient agrave topicaliser lrsquoObjet placeacute en tecircte et auquel srsquoapplique ensuite la preacutedication verbale

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

211

5313 Nombre de mots extraits composant les E Ph et les E Non-Can Mots ext(E Ph) (L) (Words in Sentences) et Mots ext(E Non-Can) (M) (Words in TC Utterances)

Les nombres de mots extraits ont eacuteteacute releveacutes pour chacun des eacutenonceacutes segmenteacutes sur les feuilles de travail sur corpus

Drsquoapregraves les cotations ainsi effectueacutees sur les feuilles de travail le tableur calcule automatiquement les nombres de mots extraits composant drsquoune part les E Ph (variable (M) sur la feuille de reacutesultats Mots ext(E Ph) ) et drsquoautre part les E Non-Can (variable (L) sur la feuille de reacutesultats Mots ext(E Non-Can) )

5314 Nombre drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et grammaticaux E Ph Gram (N) (Well-formed Sentences)

Une construction est grammaticale ou bien formeacutee ( E Ph Gram) si elle respecte les principes de bonne formation drsquoune phrase des points de vue syntaxique et morphologique

Cendrillon va au bal gt E Ph Gram

Ccedila va gt E Ph Gram

La galette crsquoest bien gt E Ph Gram

Les constructions suivantes sont par exemple reacuteputeacutees agrammaticales et donc coteacutees nulles de ce point de vue

Elle a (hellip) gt absence de compleacutement drsquoobjet obligatoire (abandon)

Elle met () gt absence de compleacutement drsquoobjet obligatoire

Grand fille va au bal gt absence de deacuteterminant et de flexion en genre obligatoires

Mathieu prendre le train gt absence de flexion verbale

5315 Nombre de syntagmes nominaux sujet SN-S (O) (Subject Noun Phrases)

Parmi les E Ph seulement on comptabilise le nombre de syntagmes nominaux sujets (SN-S)

Si lrsquoon rencontre une construction agrave lrsquoimpeacuteratif on ajoute par convention 1 point correspondant au SN-S implicite afin de ne pas fausser les reacutesultats a posteriori car les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif sont consideacutereacutees comme des constructions de forme canonique (SN-S + SV) ougrave le SN-S est implicite

Ainsi les constructions agrave lrsquoimpeacuteratif doivent ecirctre coteacutees 1

Entrez gt 1 SN-S

Dans le cas de reprise anaphorique que lrsquoon rencontre souvent agrave lrsquooral on considegravere que le SN theacutematiseacute et le pronom de reprise est solidaire du SN-S comme par exemple

Cendrillon elle avait des sœurs gt 1 SN-S

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

212

Lorsque deux SN-S ou plus sont coordonneacutes par une conjonction agrave valeur syntaxique on les comptabilise seacutepareacutement

Le prince et la princesse dansent gt 2 SN-S

Le prince et Cendrillon sont eacutepouseacutes gt 2 SN-S

Lorsqursquoun SN-S est utiliseacute dans une structure ougrave deux SV sont coordonneacutes on comptabilise un seul SN-S

Le loup entrer dans la maison et manger la grand-megravere gt 1 SN-S

5316 Nombre de mots (MCO+PRO) composant les SN-S Mots MCO+PRO(SN-S) (P) (Words in SNPs)

Pour cette mesure on comptabilise le nombre de mots de classe ouverte (MCO) et de pronoms sujets (PRO) impliqueacutes dans la formation du SN-S releveacute dans les E Ph (les eacutenonceacutes de forme canonique)

Le prince et la princesse dansent gt 2 MCO

Le grand meacutechant loup a deacutevoreacute la grand-megravere gt 3 MCO

Elle et lui discutent gt 2 PRO

Lui est arriveacute avant gt 1 PRO

Le magasin du coin de la rue est ouvert gt 3 MCO

Dans le cas drsquoune reprise anaphorique ou dans les constructions agrave deacutetachement il convient de comptabiliser autant de MCO et de PRO constitutifs du SN-S

Cendrillon elle avait des sœurs gt 1 MCO + 1 PRO

La galette crsquoest bien gt 1 MCO + 1 PRO

Lorsqursquoun SN-S integravegre une proposition deacutependante les mots sont comptabiliseacutes ainsi

Le loup qui est alleacute vite est arriveacute avant gt 3 MCO

Cendrillon qui avait une nouvelle robe allait au bal gt 4 MCO

5317 Nombre de syntagmes verbaux SV (Q) (Verb Phrases)

Parmi les E Ph seulement on comptabilise le nombre total de SV

Si deux SV ou plus sont coordonneacutes on les comptabilise seacutepareacutement

Elle entre et approche gt 2 SV (coordination)

Il est rentreacute chez sa grand-megravere et a discuteacute avec elle gt 2 SV (coordination)

Le singe mange la banane jette la peau gt 2 SV (juxtaposition)

Le chien aboie aboie gt 2 SV (reacutepeacutetition figure)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

213

5318 Nombre de mots MCO+PRO composant les SV Mots MCO+PRO(SV) (R) (Words in VPs)

Comme pour les SN-S on comptabilise le nombre de mots de classe ouverte et de pronoms impliqueacutes dans la structuration du SV releveacute dans les E Ph (les eacutenonceacutes de forme canonique) On obtient le nombre de mots (MCO+PRO) composant les SV ( Mots MCO+PRO(SV) )

Le verbe noyau est pris en compte mais pas le verbe auxiliaire

Lrsquohomme a attacheacute lrsquoarbre avec la corde gt 3 MCO

Lrsquohomme lrsquo a attacheacute avec la corde gt 2 MCO + 1 PRO

Par contre on cote les verbes auxiliaires (temporels aspectuels modaux et actanciels) qui servent agrave former des peacuteriphrases verbales comme autant de MCO

Lrsquohomme va attacher lrsquoarbre avec la corde gt 4 MCO

Lrsquohomme va lrsquo attacher avec la corde gt 3 MCO + 1PRO

Lrsquohomme doit attacher lrsquoarbre avec la corde gt 4 MCO

Drsquoautre part il convient de comptabiliser les adverbes seulement lorsqursquoils sont modifieurs et deacutependants du SV (en geacuteneacuteral les adverbes modifieurs de verbes sont difficiles agrave deacuteplacer)

Elle courait tregraves vite gt 3 MCO

Les pronoms clitiques (clitiques de formes conjointes objets atones dont les reacutefleacutechis et reacuteciproques) et personnels (disjoints objets toniques) doivent ecirctre pris en compte tels que dans les exemples suivants

La princesse se regarde gt 1 MCO + 1 PRO

Ils se parlent gt 1 MCO + 1 PRO

La princesse le salue gt 1 MCO + 1 PRO

Le voisin lui parle gt 1 MCO + 1 PRO

Le Petit Chaperon Rouge a peur de lui gt 2 MCO + 1 PRO

Le Petit Chaperon Rouge en a peur gt 2 MCO + 1 PRO

Il dit agrave moi gt 1 MCO + 1 PRO

Il srsquo en va gt 1 MCO + 2 PRO

5319 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee SUB (S) (Embeddings)

Il srsquoagit de relever les eacutenonceacutes segmenteacutes qui contiennent au moins une proposition subordonneacutee ( SUB) Ces eacutenonceacutes sont coteacutes 1 dans une colonne du tableur preacutevue agrave cet effet

Une construction syntaxique est complexe agrave partir du moment ougrave une relation drsquoenchacircssement implique au moins deux propositions une principale et une deacutependante Par ailleurs il faut que la proposition deacutependante soit structureacutee autour drsquoun verbe effectivement preacutesent

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

214

532 Variables SYNTAX associeacutees

Une fois que les cotations en valeurs brutes des aspects syntaxiques ont eacuteteacute effectueacutees les calculs de variables SYNTAX associeacutees sont reacutealiseacutes automatiquement Nous les exposons ci-apregraves

5321 Prop Mots ext(E Ph) (Proportion Words in Sentences)

La variable Prop Mots ext(E Ph) (proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases ou eacutenonceacutes de forme canonique) indique la quantiteacute de mots extraits consacreacutee agrave la formulation drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

Ainsi chez un locuteur controcircle cette variable est proche de 1 (ou 100 ) car les corpus oraux controcircles sont essentiellement composeacutes drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

Drsquoautre part chez les agrammatiques cette proportion sera en geacuteneacuterale infeacuterieure agrave 1 (ou 100) car les corpus agrammatiques comptent moins drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

5322 Prop Mots ext(E Non-Can)

La variable Prop Mots ext(E Non-Can) (proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes de forme non canonique) est le corollaire de la variable preacuteceacutedente Elle indique la quantiteacute de mots composant les eacutenonceacutes de forme non canonique

Par conseacutequent la somme des variables Prop Mots ext (E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) est eacutegale agrave 1 (ou 100 )

Drsquoautre part cette variable sera faible chez les locuteurs controcircles (proche de 0) et relativement plus eacuteleveacutee chez les locuteurs agrammatiques dont les corpus sont plus prolifiques en structurations syntaxiques non canoniques

5323 Long Moy E Ph(Mots ext) (Mean Sentence Length)

La variable Long Moy E Ph(Mots ext) (longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en mots extraits) permet drsquoappreacutecier la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute lorsqursquoil est de forme canonique

Cette variable ressemble fortement agrave la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 5125 p 185) mais nrsquoest pas tout agrave fait identique

En effet la variable CORPUS se calcule sur la base de tous les eacutenonceacutes segmenteacutes produits et pas seulement sur la base des eacutenonceacutes-phrases comme crsquoest le cas de la variable SYNTAX

5324 Prop E Ph Gram (Proportion Well-formed Sentences)

La variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux) renseigne sur le poids relatif des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

215

Dans le protocole original QPA il se calcule de maniegravere restrictive par rapport au nombre drsquoeacutenonceacutes-phrases releveacutes Cependant pour une meilleure appreacuteciation des performances drsquoun locuteur nous pensons qursquoil convient de modifier le calcul de cette variable en calculant deacutesormais la part relative des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) par rapport agrave lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes produits (donc par rapport agrave la valeur E Seg et non par rapport au nombre drsquoE Ph seulement)131

En bref parmi lrsquoensemble des E Seg produits cette variable reflegravete les capaciteacutes de structuration syntaxique des locuteurs On peut donc srsquoattendre agrave ce qursquoelle soit en geacuteneacuterale plus faible chez les agrammatiques que chez les controcircles

5325 Indice Elab E Ph (Sentence Elaboration Index)

La variable Indice Elab E Ph (indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases) se calcule en additionnant simplement les variables Indice Elab SN-S (indice drsquoeacutelaboration des SN-Sujets voir ci-apregraves au point (a) ) et Indice Elab SV (indice drsquoeacutelaboration des SV voir ci-apregraves au point (b) ) Ces deux variables apparaissent dans les feuilles de reacutesultats (voir ci-apregraves les deacutetails de leur calcul aux points (a) et (b) )

Au final cette variable permet drsquoappreacutecier le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes de forme canonique (les E Ph seulement) Celle-ci ne reflegravete donc pas les capaciteacutes de structuration syntaxique attacheacutees agrave la formulation des eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can)

On obtient ainsi une variable exprimant le degreacute drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes de forme canonique uniquement (E Ph) Pour cette variable SYNTAX en particulier nous expliquerons plus en deacutetail les significations de cet indice dans le chapitre 6 consacreacute aux reacutesultats (voir au point 635(a) p 307)

(a) Indice Elab SN-Sujet (SNP Elaboration Index)

La variable Indice Elab SN-Sujet reprend la valeur de la variable Long Moy SN-Sujet132 agrave laquelle on a soustrait 1 point

(b) Indice Elab SV (VP Elaboration Index)

La variable Indice Elab SV (indice drsquoeacutelaboration du SV) reprend la valeur de la variable Long Moy SV133 diminueacutee de 1 point eacutegalement

131 Voici un exemple de calcul comparatif pour un corpus agrammatique donneacute on obtient 4 E Ph pour 100 eacutenonceacutes segmenteacutes produits (E Seg) Parmi ces E Ph 2 sont des E Ph Gram Drsquoapregraves le protocole original cela revient agrave dire que 50 des eacutenonceacutes-phrases produits sont des eacutenonceacutes-phrases grammaticaux Dans le protocole original le ratio est calculeacute sur la base des E Ph et non sur la base de la totaliteacute des E Seg produits Par contre si on calcule le ratio par rapport au nombre total drsquoE Seg produits le reacutesultat est de 2 (soit 4 E Ph sur 100 E Seg) Ainsi en prenant comme base de calcul le nombre total drsquoE Seg produits (le deuxiegraveme calcul) cela permet drsquoobtenir une mesure qui nous semble plus repreacutesentative des performances reacuteelles drsquoun locuteur selon notre exemple 2 des eacutenonceacutes produits sont grammaticaux et non 50 132 La mesure Long Moy SN-Sujet (longueur moyenne drsquoun SN-Sujet en nombre de MCO+PRO) correspond au nombre moyen de mots de classe fermeacutee (MCO) et de pronoms (PRO) composant les SN-S releveacutes

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

216

5326 Prop SUB (Embedding Index)

La variable Prop SUB134 (proportion drsquoeacutenonceacutes comportant au moins une subordination) reflegravete le poids des eacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une hieacuterarchie syntaxique

On obtient ainsi 6 variables SYNTAX

Nous en avons termineacute de la preacutesentation des variables CORPUS MORPH et SYNTAX

Les mesures deacutecrites jusqursquoagrave preacutesent sont agrave utiliser telles quelles pour les analyses corpus de discours continu (tacircche 1 2 et 3) Par contre le protocole drsquoanalyse est quelque peu ameacutenageacute en ce qui concerne les analyses de corpus de phrases isoleacutees (tacircche 4)

Le paragraphe suivant (54) explique ces ameacutenagements

54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

541 Variables quantitatives non utiliseacutees pour la tacircche 4

Parmi toutes les variables exposeacutees tout au long de ce chapitre seules celles qui correspondent agrave des cotations de mots extraits sont retenues

Ainsi alors que toutes les variables SYNTAX sont pertinentes certaines des variables CORPUS et MORPH-LEX ne le sont pas eu eacutegard le type de donneacutees linguistiques obtenues (production de phrases isoleacutees)

Au final nous ne calculerons pas les variables suivantes Prop Mots extprod (CORPUS)

DEBIT Mots prod (CORPUS)

DEBIT Mots ext (CORPUS)

Long Moy E Seg(Mots Prod) (CORPUS)

Prop CONJMots Prod (MORPH-LEX)

Prop CONJdisc (MORPH-LEX)

Prop CONJsynt (MORPH-LEX)

133 La mesure Long Moy SV (longueur moyenne drsquoun SV en nombre de MCO+PRO) correspond au nombre moyens de mots de classe fermeacutee (MCO) et de pronoms (PRO) composant les SV releveacutes 134 Preacutecisons que le protocole original preacutevoit le calcul de la variable Embedding Index sur la base des Sentences essentiellement crsquoest-agrave-dire sur la base de ce que nous appelons eacutenonceacutes-phrases ou E Ph Cependant afin de refleacuteter au mieux les capaciteacutes de formulation de subordonneacutees nous prenons ici comme base de calcul lrsquoensemble des E Seg (crsquoest-agrave-dire tous les eacutenonceacutes segmenteacutes produits) et pas seulement les eacutenonceacutes de forme canonique

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

217

Prop ADVMots prod (MORPH-LEX)

Prop ADVdisc (MORPH-LEX)

Prop ADVmod (MORPH-LEX)

Bien sucircr cet ameacutenagement du protocole en vue des analyses structurales des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) transparaicirctra dans la preacutesentation des reacutesultats au point 6 (pp 223-311) Ainsi pour certains graphes correspondant aux variables preacuteciteacutees qui nrsquoauront pas eacuteteacute calculeacutees pour la tacircche 4 en particulier les donneacutees nrsquoapparaicirctront pas

Nous deacutetaillons ci-dessous les principes de cotations particuliers aux corpus de phrases isoleacutees

542 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes (Prop E Seg)

Dans certains cas des phrases produites par les locuteurs agrammatiques nrsquoont pas eacuteteacute retenues en vue des analyses structurales

dans les cas ougrave le locuteur nrsquoa pas formuleacute de reacuteponse (eacutechec) ougrave que sa reacuteponse nrsquoest pas analysable (bribes aucune tentative)

dans les cas ougrave nous jugeons que la formulation a eacuteteacute trop influenceacutee par les facilitations lexicales ou syntaxiques fournies par lrsquoexpeacuterimentatrice

La variable Prop E Seg (proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ici il srsquoagit de phrases isoleacutees) est obtenue en calculant la proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes effectivement produits et retenus pour les analyses par rapport aux 60 constructions cibles proposeacutees Elle indique simplement le nombre drsquoeacutenonceacutes produits qui ont eacuteteacute retenus et soumis aux analyses quantitatives

543 Cotation des phrases produites selon les critegraveres de grammaticaliteacute agrammaticaliteacute

La structure agrave produire est tregraves induite par le stimulus imageacute et la consigne La cotation du trait grammatical agrammatical est ainsi tregraves aiseacutee pour obtenir la variable Prop E Ph Gram Elle est reacutealiseacutee en se reacutefeacuterant agrave la structure cible agrave produire suivant le stimulus visuel Pour deacutecider si une structure est grammaticale ou non on srsquoappuie

drsquoune part sur des critegraveres formels morpho-lexicaux et morpho-flexionnels stricts lorsqursquoon relegraveve des omissions ou des substitutions de morphegravemes lexicaux ou grammaticaux libres lieacutes obligatoires la phrase est coteacutee laquo agrammaticale raquo

et drsquoautre part selon des critegraveres formels syntaxiques lorsqursquoon relegraveve des absences ou des deacuteplacements drsquoarguments obligatoires

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

218

5431 Critegraveres morpho-lexicaux

Les exemples suivants illustrent diffeacuterents cas ougrave la structure effectivement produite est agrammaticale

Consideacuterons la structure cible suivante

La fille donne de lrsquoargent agrave la megravere

Les productions effectives correspondantes ci-dessous sont agrammaticales

(1) Le garccedilon donne des sous agrave la megravere gt LEXsubst(fillegtgarccedilon)

(2) La fille donner des sous agrave la megravere gt Vinf(donner) (0 V-FLEX)

(3) La fille donne des sous la megravere gt PREPom(agrave)

(4) Le fille donne des sous agrave megravere gt DETsubst(lagtle) DETom(la)

(5) La fille des sous agrave sa megravere gt Vom(donne)

(6) La fille prend la megravere gt LEXsubst(donnegtprend)

(7) La fille donne des sous dans la megravere gt PREPsubst(agravegtdans)

Par ailleurs dans quelques cas on a pu relever des ajouts de morphegravemes ou des deacuteformations phoneacutemiques lourdes impliquant que la phrase produite soit coteacutee agrammaticale

Ainsi par exemple pour la phrase attendue suivante

La megravere embrasse le pegravere

les productions ci-dessous sont coteacutees agrammaticales

La fille srsquoembrasse sur le pegravere gt PROrecajout(srsquo) PREPajout(sur)

Le garccedilon et la fille se [kaman] gt Deformphon(chamaillentgt[kaman])

5432 Critegraveres syntaxiques

Les configurations syntaxiques qui ne respectent pas le nombre minimal drsquoarguments obligatoires sont agrammaticales

Consideacuterons encore la mecircme structure cible

La fille donne de lrsquoargent agrave la megravere

Les productions suivantes sont coteacutees nulles du point de vue de la grammaticaliteacute du fait de lrsquoabsence drsquoun des arguments requis dans la structure cible

(1) La fille donne des sous (hellip) gt absence drsquoun argument SP-OIndom(agrave la megravere)

(2) La fille donne () la megravere gt absence drsquoun argument SN-ODirom(de lrsquoargent)

(3) La fille donne (hellip) (hellip) gt absence des 2 arguments SN-ODirom(de lrsquoargent)

SP-OIndom(agrave la megravere)

(4) (hellip) donne des sous agrave la megravere gt absence du SN-S SN-Som(la fille)

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative

Variables SYNTAX

219

Ainsi mecircme si la phrase produite est grammaticale du point de vue morphologique les arguments obligatoires non formuleacutes impliquent que la structure produite srsquoavegravere agrammaticale

5433 Emploi drsquoun verbe geacuteneacuterique agrave la place du verbe adeacutequat

Il se peut que le locuteur ne parvienne pas agrave produire le verbe speacutecifique attendu comme dans lrsquoexemple suivant ougrave le verbe fait est employeacute agrave la place de donne ou tend

Un garccedilon fait un journal au pegravere gt 0 E Ph

Dans ce cas on considegravere eacutegalement que la structure produite est agrammaticale

55 Conclusion

Dans ce chapitre nous avons exposeacute en deacutetail les instructions de comptage de cotations et de calculs deacutedieacutees agrave chacune des variables deacutependantes linguistiques deacutefinies

Nous nous sommes largement et librement inspireacutee des principes meacutethodologiques guides issus du protocole original QPA (SAFFRAN et al 1989)

Le laquo nouveau raquo protocole drsquoanalyse quantitative que nous appliquons preacutesente de nombreuses variantes et adaptations par rapport au protocole original

En effet lrsquoapplication de ce protocole drsquoanalyse quantitative adapteacute au franccedilais et augmenteacute de mesures suppleacutementaires permet de mesurer les performances verbales des locuteurs controcircles et agrammatiques dans diffeacuterentes tacircches de productions orales du point de vue de la structuration intra-phrastique et discursive

Pour ce faire nous avons speacutecifieacute les trois cateacutegories de variables linguistiques suivantes

(1) les variables CORPUS135 comprenant 9 variables refleacutetant les caracteacuteristiques geacuteneacuterales des corpus eacutetudieacutes

(2) les variables MORPH comprenant drsquoune part 14 variables mesurant les aspects morpho-lexicaux (MORPH-LEX)136 et drsquoautre part une variable mesurant la morphologie flexionnelle verbale (Indice Compl MORPH-V-Matrices)137

135 Les variables CORPUS dureacutee de parole effective nombre de mots produits nombre de mots extraits nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes proportion de mots extraits parmi tous les mots produits deacutebit en nombre de mots produits par minutes deacutebit en nombre de mots extraits par minutes longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en nombre de mots produits longueur moyenne des eacutenonceacutes segmenteacutes en nombre de mots extraits

PARTIE II 5 Proceacutedure drsquoanalyse quantitative Variables SYNTAX

220

(3) les variables SYNTAX138 comprenant 6 variables concernant les aspects syntaxiques

Les reacutesultats deacutetailleacutes issus de nos analyses quantitatives sont preacutesenteacutes dans la troisiegraveme et derniegravere partie (chapitre 6 ci-apregraves) Leur exposeacute est subdiviseacute en trois grands paragraphes correspondant agrave chacune des cateacutegories de variables preacuteciteacutees CORPUS MORPH et SYNTAX

136 Les variables MORPH-LEX proportion de mots de classe ouverte classe fermeacutee proportion de conjonctions de conjonctions discursives syntaxiques indice de deacutetermination proportion de pronoms proportion de verbes par rapport aux noms par rapport aux MCO de verbes effectivement fleacutechis proportion de preacutepositions proportion drsquoadverbes drsquoadverbes discursifs modifieurs 137 La variable MORPH-V indice de complexification morphologique du verbe matrice 138 Les variables SYNTAX proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes de forme canonique non canonique longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute de forme canonique en nombre de mots extraits proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases proportion de subordonneacutees

221

Partie III Reacutesultats

222

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS MORPH SYNTAX

223

6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX

60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats

Nous preacutesentons dans ce chapitre les reacutesultats des analyses quantitatives appliqueacutees agrave nos corpus Ils sont preacutesenteacutes meacutethodiquement par cateacutegories de variables linguistiques deacutependantes (deacutecrites dans le chapitre 5)

Partant des mesures cibleacutees sur les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX il srsquoagit ici de fournir une vue drsquoensemble des comportements verbaux des participants controcircles et agrammatiques afin drsquoen deacutegager les patrons de performances geacuteneacuteraux (moyennes de groupes pour illustrer la variabiliteacute inter-groupes) et originaux (mesures individuelles reacutealiseacutees pour illustrer la variabiliteacute inter-sujets)

La mise en perspective des reacutesultats de chaque groupe et de chaque sujet selon les quatre conditions de notre protocole expeacuterimental (deacutecrites dans le chapitre 4) nous conduira naturellement agrave deacutegager les variabiliteacutes inter-tacircches notables Celles-ci selon nous constituent un indice du caractegravere adaptatif du comportement verbal des locuteurs en fonction des conditions expeacuterimentales mises en place

Pour la description des variables quantitatives nous nrsquoutiliserons que deux outils de base de la statistique descriptive qui nous semblent suffire dans le cadre de notre eacutetude de cas multiples les moyennes de groupes comme valeur de tendance centrale et les eacutecarts-types associeacutes comme indice de dispersion Une moyenne de groupe permet de reacutesumer les valeurs releveacutees au sein de chacun des deux groupes sujets afin drsquoobtenir un aperccedilu des tendances geacuteneacuterales notables Les moyennes arithmeacutetiques sont donc agrave lire comme des indicateurs syntheacutetiques qui ne reacutevegravelent pas la variabiliteacute inter-sujets agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe Crsquoest pourquoi en vue de reacuteveacuteler la variabiliteacute inter-sujets qui ne manquera pas drsquoecirctre assez marqueacutee entre les six cas drsquoagrammatisme eacutetudieacutes les eacutecarts-types seront agrave chaque fois fournis sous la forme de barres drsquoerreurs inteacutegreacutees dans les graphes de moyennes de groupes De plus afin de deacutecrire cette variabiliteacute inter-sujets lorsque cela nous semble neacutecessaire nous fournissons en suppleacutement des reacutesultats moyenneacutes par groupe les reacutesultats concernant chacun des locuteurs

Ainsi les descriptions quantitatives relatives agrave chaque cateacutegorie de variables linguistiques nous conduiront agrave deacutegager des tendances refleacutetant les variabiliteacutes de comportement selon les perspectives

INTER-GROUPES groupe de locuteurs controcircles versus groupe de locuteurs agrammatiques Systeacutematiquement les reacutesultats moyenneacutes relatifs au groupe controcircle tiennent lieu de reacutefeacuterentiel linguistique du comportement verbal non pathologique (dit laquo sain raquo ou laquo normal raquo)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS MORPH SYNTAX

224

INTER-TAcircCHES tacircche 1 versus tacircche 2 versus tacircche 3 versus tacircche 4

INTER-SUJETS entre locuteurs agrammatiques (1 PC_agr versus 2 BR_agr versus 3 MC_agr versus 4 SB_agr versus 5 PB_agr versus 6 TH_agr) Drsquoautre part les graphes de donneacutees individuelles relatives aux neuf locuteurs controcircles sont consultables en Annexe I-686 agrave I-701 Ils ne seront pas systeacutematiquement commenteacutes

Pour chacune des variables linguistiques deacutefinies la preacutesentation des reacutesultats obeacuteit agrave ce plan simple

drsquoabord si cela nous semble neacutecessaire nous donnons un bref rappel sur les caracteacuteristiques des variables linguistiques en question leur mesure et leur calcul

puis nous fournissons le ou les graphes repreacutesentant les moyennes de groupes controcircle versus agrammatique selon les tacircches en vue de deacutecrire les variabiliteacutes inter-groupes et inter-tacircches notables (sinon le cas eacutecheacuteant la stabiliteacute inter-tacircches)

en suppleacutement lorsque cela nous semble neacutecessaire en vue drsquoillustrer une variabiliteacute inter-sujets singuliegravere des graphes repreacutesentant les tendances individuelles sont ajouteacutes Si pour une variable un graphe de reacutesultats individuels nrsquoest pas commenteacute le lecteur peut toutefois se reacutefeacuterer aux Annexe H-613 agrave H-628 ougrave figurent tous les graphes de reacutesultats individuels des sujets agrammatiques

Tous les corpus (ou feuilles de travail) eacutetant joints en Annexes H et I139 et de ce fait consultables agrave loisir nous avons pris le parti de limiter la citation drsquoexemples afin de faciliter la lecture des reacutesultats quantitatifs et des interpreacutetations ou questions qursquoils suscitent

De la sorte le point de vue analytique qui domine le preacutesent chapitre srsquoinscrit dans une description plutocirct quantitative que qualitative des corpus oraux sans toutefois neacutegliger ce dernier aspect Les exemples concrets sont citeacutes en vue drsquoillustrer un pheacutenomegravene notable observeacute freacutequemment ou dans un ou deux cas singuliers De cette faccedilon les pheacutenomegravenes deacutecrits sur le plan quantitatif sont lorsque cela nous semble preacutesenter un inteacuterecirct particulier illustreacutes et nuanceacutes sur le plan qualitatif

En guise de synthegraveses ponctuelles des reacutesultats le lecteur trouvera des reacutesumeacutes des analyses sous forme drsquoencadreacutes

Drsquoautre part toutes les feuilles de reacutesultats sont eacutegalement jointes en Annexes140 Il y figure toutes les mesures appliqueacutees aux corpus (les valeurs brutes et les variables associeacutees CORPUS MORPH et SYNTAX)

Pour finir les mesures individuelles sont restitueacutees sous la forme de tableaux syntheacutetiques et sous la forme de graphes de reacutesultats individuels141

139 Groupe agrammatique Annexe H-427 agrave H-588 et groupe controcircle Annexe I-634 agrave I-673 140 Groupe agrammatique Annexe H-588 agrave H-613 et groupe controcircle Annexe I-673 agrave I-686 141 Groupe agrammatique Annexe H-613 agrave H-634 et groupe controcircle Annexe I-686 agrave I-701

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

225

61 Reacutesultats variables CORPUS

Les variables CORPUS permettent de fournir une vue drsquoensemble de la quantiteacute de donneacutees collecteacutees et soumises aux analyses

Parmi ces variables les dureacutees effectives de parole le deacutebit en nombre de mots produits par minute (Deacutebit Mots prod) les nombres de mots produits ( Mots prod) de mots extraits (Mots ext) et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) ainsi que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) ) ont eacuteteacute obtenus en suivant les instructions du protocole original QPA

Les autres variables CORPUS telles que le deacutebit en nombre de mots extraits par minute (Deacutebit Mots ext142) la proportion de mots extraits (Prop Mots ext) et la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en mots produits (Long Moy E Seg(Mots prod) ) ont eacuteteacute ajouteacutees par rapport au protocole original (pour les deacutetails concernant la mise en forme des corpus voir au point 45 pp 144-175 et concernant les cotations et les calculs de variables CORPUS voir au point 51 pp 181-185)

611 Quantiteacute drsquoobservables soumis aux analyses caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus

Le tableau ci-dessous (Tableau 15 ci-apregraves p 226) preacutesente selon les groupes (controcircle et agrammatique) la quantiteacute de donneacutees collecteacutees soumises aux analyses quantitatives

Les caracteacuteristiques principales des corpus construits apparaissent en valeurs brutes et ne concernent que les 3 tacircches de productions de discours continu (tacircche 1 2 et 3) lorsque les mesures pour la tacircches de productions de phrases isoleacutees (tacircche 4) nrsquoavaient pas lieu drsquoecirctre reacutealiseacutees

142 Lrsquoasteacuterisque signale que la variable a eacuteteacute conccedilue dans le cadre de cette eacutetude en suppleacutement des variables eacutelaboreacutees par les auteurs du protocole original QPA

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

226

Dureacutee de parole effective (mesureacutee pour les tacircches 1 2 3)

Mots prod (mesureacute pour lestacircches 1 2 3 4)

Mots ext (mesureacute pour les tacircches 1 2 3 4)

E Seg (mesureacute pour les tacircches 1 2 3 4)

Groupe controcircle (9 locuteurs)

2 h 6prime 44Prime 23316 19597 2292

Groupe agrammatique(6 locuteurs)

3 h 51prime 01Prime 12221 8016 1794

TOTAUX 5 h 57prime 45Prime 35 537 27 613 4 086 INTERVALLES Groupe controcircle

[ 1prime 56Prime 10prime 31Prime ] [ 339 1574 ] [ 265 1354 ] [ 26 134 ]

INTERVALLES Groupe agrammatique

[ 4prime 33Prime 22prime 22Prime ] [ 178 1379 ] [ 104 833 ] [ 29 146 ]

[le nombre de Mots prod au total nrsquoa pas eacuteteacute releveacute pour la tacircche 4 (production de phrases isoleacutees) crsquoest pourquoi nous additionnons [Mots prod(t123)+Mots ext(t4)] pour obtenir une valeur approximative inteacutegrant le nombre de Mots ext releveacutes pour la tacircche 4]

Tableau 15 Valeurs brutes CORPUS quantiteacute de donneacutees soumises aux analyses (dureacutees des corpus nombre de mots produits de mots extraits et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes totaux et

intervalles)

Rappelons que les dureacutees mesureacutees excluent les dureacutees correspondant aux productions orales qui ont eacuteteacute transcrites mais qui nrsquoont pas eacuteteacute retenues en vue des mesures Par ailleurs pour la tacircche 4 (production de phrases isoleacutees) les dureacutees de production nrsquoont pas eacuteteacute releveacutees car il nrsquoeacutetait pas question de mesurer le temps de reacuteaction apregraves la preacutesentation de lrsquoimage ou la dureacutee attacheacutee agrave la formulation drsquoune phrase (qui pouvait ecirctre tregraves longue pour certains aphasiques) Crsquoest pourquoi les dureacutees mesureacutees ne concernent que les tacircches de production de discours continu soit les tacircches 1 2 et 3

Dans lrsquoensemble la dureacutee totale de corpus agrammatique est de pregraves de 4 heures contre 2 heures pour le groupe controcircle En effet pour une tacircche de production donneacutee le ralentissement de lrsquoeacutelocution typique de lrsquoaphasie de Broca transparaicirct deacutejagrave dans ces releveacutes

Au total crsquoest pregraves de 6 heures de parole effective qui a eacuteteacute transcrite et analyseacutee rigoureusement et ce pour 3 tacircches de productions de discours continu et pour 15 locuteurs (6 agrammatiques et 9 controcircles)143

Les analyses ont porteacute sur un ensemble de plus de 35 000 mots ( Mots prod) parmi lesquels environ 27 600 mots extraits ( Mots ext) furent seacutelectionneacutes pour lrsquoessentiel des analyses structurales reacutealiseacutees a posteriori ce qui correspond agrave un total de presque 4100

143 Donc sans compter la dureacutee de parole des corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) qui nrsquoa pas eacuteteacute mesureacutee En comptant cette dureacutee en plus nous estimons avoir transcrit de 9 agrave 10 heures de parole toutes tacircches et tous sujets confondus

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

227

eacutenonceacutes segmenteacutes (E Seg)144 Cela nous semble constituer un eacutechantillon de donneacutees patho-linguistiques plutocirct abondant et repreacutesentatif qursquoil soit pathologique ou non

Selon les locuteurs agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe les dureacutees de parole effective sont plus ou moins grandes Par exemple pour le groupe controcircle toutes tacircches confondues on a releveacute des dureacutees allant de 1 mn-56 sec agrave 10 mn-31 sec contre 4 mn-33 sec agrave 22 mn-22 sec pour le groupe agrammatique Les dureacutees de parole effective peuvent grandement varier drsquoun locuteur agrave lrsquoautre et drsquoune tacircche agrave lrsquoautre

6111 Nombre de mots produits et de mots extraits Mots prod et Mots ext

Le nombre de mots produits ( Mots prod Figure 1 ci-dessous) correspond au nombre total de mots composant les corpus oraux (voir au point 5112 p 181)

Mots prod moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

493

796887

626

472

622

0

500

1000

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 1 Nombre de mots produits ( Mots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de

groupes

144 Par rapport au protocole expeacuterimental preacutevu quelques donneacutees verbales sont quand mecircme manquantes pour diverses raisons Malgreacute toute la rigueur appliqueacutee aux passations cela est malheureusement arriveacute pour 3 passations parmi les 60 passations reacutealiseacutees quand une tacircche a eacuteteacute abandonneacutee en accord avec la volonteacute du locuteur et que nous nrsquoavions pas pu reacuteiteacuterer la passation (comme la passation de 1 PC_agr4 pour laquelle 27 stimuli nrsquoont pas eacuteteacute preacutesenteacutes) ou quand nous-mecircme avions oublieacute de soumettre des stimuli (la passation de 5 PB_agr4 pour laquelle 15 stimuli nrsquoont pas eacuteteacute preacutesenteacutes) ou alors oublieacute drsquoappuyer sur le bouton laquo enregistrement raquo de lrsquoappareil enregistreur (par exemple la passation de 6 LMan_contr3 concernant la petite histoire MJ03) Ce manque ne repreacutesente qursquoune part bien minime par rapport agrave la quantiteacute de donneacutees recueillies (approximativement 300 mots soit moins de 1 de la totaliteacute des donneacutees verbales analyseacutees) De ce fait il constitue pour nous un biais plutocirct neacutegligeable

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

228

En ce qui concerne la passation de la tacircche 1 nous avons fait le choix de calibrer la quantiteacute de donneacutees recueillies aupregraves des locuteurs agrammatiques de maniegravere agrave ce qursquoon obtienne au minimum 300 mots produits dont au moins 250 mots extraits deacutedieacutes aux analyses structurales et au maximum 800 mots produits (sur la question de la quantiteacute de donneacutees recueillies voir aussi au point 4102 p 172) Pour toutes les autres tacircches tout ce qui a eacuteteacute produit a eacuteteacute pris en compte sans seuil minimum ou maximum

Srsquoagissant des tacircches 2 et 3 le nombre de mots produits est toujours en moyenne plus faible pour le groupe agrammatique que pour le groupe controcircle

En revanche en production de discours autobiographique les corpus agrammatiques sont en moyenne un peu plus abondants avec 626 Mots prod contre 493 Mots prod en moyenne (voir Figure 1 p 227) en effet les corpus agrammatiques sont en moyenne plus abondants car nous avons motiveacute leur production au maximum (en prolongeant la dureacutee des entretiens par exemple) en vue drsquoobtenir une quantiteacute de mots extraits suffisante145

Voilagrave pour le nombre de mots produits au total

145 Sans cela nous risquions de nous retrouver avec par exemple des corpus de 300 mots produits dont 50 mots extraits ce qui nrsquoaurait pas eacuteteacute suffisant

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

229

Drsquoautre part le nombre de mots extraits ( Mots ext Figure 2 ci-dessous) correspond aux mots participant agrave la structuration interne des eacutenonceacutes et retenus en vue de la plupart des analyses structurales ulteacuterieures (crsquoest-agrave-dire le niveau 1 de transcription voir au point 49 pp 163-171 et au point 5113 p 184)

Mots ext moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

396

622

745

414378

269

371318

0

500

1000

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 2 Nombre de mots extraits ( Mots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

Pour toutes les tacircches sans exception en moyenne de groupe le nombre de mots extraits est plus faible chez les agrammatiques que chez les controcircles

Mais pour la tacircche 1 (Figure 2 ci-dessus) il est agrave peu de chose pregraves eacutequivalent entre les deux groupes (avec 396 et 378 Mots ext) Ainsi pour la tacircche 1 en particulier agrave quantiteacute de mots extraits comparables la quantiteacute de mots produits au total est supeacuterieure pour le groupe agrammatique (voir Figure 1 p 227 et Figure 2 ci-dessus)

En effet les agrammatiques alors qursquoils ont produit plus de mots au total une grande partie de ceux-ci eacutetait constitueacutee de reacutepeacutetitions de langage automatique ou modalisateur de bribes ou drsquoeacutechecs de formulation suivis ou non drsquoautocorrections de perseacuteveacuterations drsquoeacutecholalies bref de traces de disfluence ainsi que de particules discursives

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

230

Or comme les mots produits correspondant agrave ces pheacutenomegravenes et aux particules discursives nrsquoont pas eacuteteacute inteacutegreacutes dans la cateacutegorie des mots extraits et comme les traces de disfluence sont beaucoup plus caracteacuteristiques de lrsquooral pathologique il nrsquoest eacutetonnant de voir que lrsquoeacutecart entre la quantiteacute de mots produits et la quantiteacute de mots extraits est toujours plus grand chez les sujets agrammatiques que chez les sujets controcircles

Pour finir la variable CORPUS Prop Mots extMots prod (voir au point 6121 p 232) exprimeacutee en valeur relative vient confirmer ces premiers reacutesultats exprimeacutes en valeurs brutes

6112 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes E Seg

La variable E Seg (voir Figure 3 ci-dessous) correspond au nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes composant les corpus oraux Ceux-ci ont eacuteteacute segmenteacutes suivant les instructions de preacute-traitement et de mise en forme des corpus oraux exposeacutees dans la partie meacutethodologie de ce travail (sur la segmentation du discours continu voir aux points 47 et 48 pp 154-163 et au point 5114 p 184)

E Seg moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

45

7278

60

109

59

79

52

0

50

100

150

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 3 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

231

En moyenne pour les tacircches 2 3 et 4146 le nombre drsquouniteacutes E Seg composant les corpus oraux est relativement eacutequivalent entre les deux groupes Ainsi on peut en conclure que le nombre drsquoeacutenonceacutes produits se maintient relativement bien malgreacute le trouble agrammatique

En revanche on note une nette diffeacuterence inter-groupes pour la tacircche 1 (discours autobiographique) les corpus de discours agrammatique sont constitueacutes de 109 eacutenonceacutes segmenteacutes en moyenne contre 45 pour les corpus controcircles On pourrait penser que cette grande diffeacuterence nrsquoest qursquoun artefact en raison de la qualiteacute des entretiens meneacutes avec les agrammatiques (rappelons qursquoil srsquoagissait drsquoobtenir des corpus agrammatiques drsquoau moins 300 mots jusqursquoagrave 800 mots produits et que nous avons encourageacute la production du locuteur dans cet objectif)

Cependant il nous semble leacutegitime de penser que le grand nombre drsquoeacutenonceacutes releveacutes dans les corpus pathologiques de discours spontaneacute autobiographique (tacircche 1) reflegravete en reacutealiteacute une conduite discursive singuliegravere qui revient agrave dilater le discours en situation de production libre

En effet nous pensons que cette eacutebauche drsquointerpreacutetation est tregraves plausible et valable dans la mesure ougrave le nombre moyen de mots extraits est tout agrave fait comparable entre les corpus pathologiques et les corpus agrammatiques en production de discours autobiographique (de lrsquoordre de 400 mots voir Figure 2 p 229)

De surcroicirct la conduite drsquoexpansion discursive eacutevoqueacutee ici (tacircche 1) ainsi que le maintien drsquoun nombre drsquouniteacutes E Seg relativement eacuteleveacute (tacircches 2 3) seront mis en relation avec le nombre moyen de mots consacreacutes agrave la formation drsquoun eacutenonceacute (Long Moy E Seg(Mots ext) voir au point 6123 p 238 et Figure 10 p 243)

612 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus

Pour les trois mesures brutes CORPUS refleacutetant les caracteacuteristiques quantitatives geacuteneacuterales des corpus eacutetudieacutees jusqursquoici les eacutecarts-types reacutevegravelent des diffeacuterences inter-sujets tregraves nettes agrave lrsquointeacuterieur de chaque groupe Que ce soit au niveau du nombre de mots produits ( Mots prod) du nombre de mots extraits ( Mots ext) ou du nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) les locuteurs aphasiques et controcircles sont selon les cas plus ou moins prolifiques (pour ces trois variables brutes voir les graphes de donneacutees individuelles en Annexe H-615 et en Annexe I-688)

Ces trois valeurs CORPUS sont exprimeacutees en valeurs brutes Toutes les variables qui sont obtenues a posteriori sur la base de ces quantiteacutes variables drsquoobservables sont toutes

146 Preacutecisons que pour la tacircche 4 (en production de phrases isoleacutees) le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes correspond en fait au nombre de structures produites agrave partir de 60 phrases cibles induites par 60 stimuli visuels (voir au point 414 pp 130-133 et en Annexe E-404-414) Pour chaque stimulus correspondait au moins une phrase plausible Pour cette tacircche le nombre drsquoeacutenonceacutes produits par un locuteur peut ecirctre supeacuterieur agrave 60 lorsque pour une phrase cible il a produit plus drsquoune proposition indeacutependante (en geacuteneacuteral pas plus de 2) Cela srsquoest aveacutereacute ecirctre le cas pour certains locuteurs controcircles Par contre lorsque le nombre de structures cibles produites est infeacuterieur agrave 60 comme pour 5 des locuteurs agrammatiques cela signifie que pour certains des stimuli imageacutes aucun eacutenonceacute ne fut produit ou alors que ce qui a eacuteteacute produit nrsquoa pas pu ecirctre retenu pour les analyses structurales

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

232

exprimeacutees en valeurs relatives Ainsi bien que les corpus individuels diffegraverent du point de vue du nombre de mots et du nombre drsquoeacutenonceacutes pris en compte pour les analyses les calculs drsquoindices et de proportions ont pour inteacuterecirct de relativiser les donneacutees brutes en les objectivant ce qui rend possible les comparaisons ulteacuterieures entre variables exprimeacutees en valeurs relatives

En reacutesumeacute toutes les variables deacutecrites agrave partir drsquoici (CORPUS MORPH et SYNTAX) sont exprimeacutees en valeurs relatives et donc objectiveacutees de maniegravere agrave pourvoir effectuer les comparaisons inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches

6121 Proportion de mots extraits Prop Mots extprod

La variable Prop Mots extprod renseigne sur le poids des mots extraits147 parmi la totaliteacute des mots produits (voir Figure 4 ci-dessous) Les mots extraits reflegravetent la structuration interne des eacutenonceacutes crsquoest-agrave-dire le plan de lrsquointeacutegration syntaxique interne aux uniteacutes phrastiques

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Prop Mots extprod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

80 7985

62 59 60

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 4 Proportion de mots extraits parmi les mots produits pour les tacircches 1 2 et 3

moyennes de groupes

147 En caractegraveres gras au sein des corpus transcrits

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

233

Il apparaicirct ici que la proportion de mots extraits seacutelectionneacutes parmi les mots produits est toujours plus faible pour les corpus agrammatiques compareacute aux corpus controcircles (avec des diffeacuterences de lrsquoordre de 20 agrave 25 voir Figure 4 ci-dessus p 232)

Cela traduit le fait que les traces de disfluence les rateacutes les reacutepeacutetitions les reformulations sont plus caracteacuteristiques des corpus agrammatiques que des corpus controcircles

Cette proportion est toutefois relativement stable suivant les tacircches et suivant les groupes la part de mots extraits varie de 59 agrave 62 pour le groupe agrammatique contre environ 80 agrave 85 pour le groupe controcircle

Cette stabiliteacute inter-tacircches nous semble prouver la coheacuterence et la validiteacute de la deacutemarche de seacutelection des mots extraits deacutecrite au chapitre 4 (point 49 p 163) drsquoautant plus que la quantiteacute de donneacutees soumise au protocole de preacute-traitement et drsquoanalyse nous semble assez importante

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Le graphe ci-apregraves (Figure 5) preacutesente la variable Prop MotsMots prod dans la perspective inter-sujets agrammatiques

Prop Mots extprod - tacircches 1 2 et 36 agr

39

70 69

59 60

72

37

7572

55 5760

43

78

5452

60

72

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 5 Proportion de mots extraits parmi les mots produits (Prop Mots extMots prod) pour

les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Globalement alors que la variabiliteacute inter-sujets est assez marqueacutee au sein du groupe agrammatique on retrouve une certaine stabiliteacute inter-tacircches dans chacun des cas agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

234

En effet les corpus de 1 PC_agr par exemple contiennent une proportion beaucoup plus faible de mots extraits par rapport aux autres avec moins de 50 des mots produits au total Cela traduit le fait que dans les corpus de 1 PC_agr on a releveacute plus de particules discursives de traces de disfluences (comme les reacutepeacutetitions) drsquointerjections et drsquoonomatopeacutees et en conseacutequence beaucoup moins de mots extraits (en caractegraveres gras) relativement agrave lrsquoensemble

13 PC_agr1 et (2) trois jours trois jours (2) trois jours (2) eh-ben [ouit] (2)

laquo trois jours inconscient raquo

14 PC_agr1 lagrave rega- lagrave woh [ouit] crsquoest mieux hein crsquoest mieux laquo aujourdrsquohui ccedila va mieux raquo ADVmod(mieux)

15 PC_agr1 crsquoest mieux crsquoest mieux

16 PC_agr1 mais euh lagrave parle pas-du-tout hum laquo agrave ce moment-lagrave je ne parlais pas du tout raquo PROpersom(je)

17 PC_agr1 voilagrave

Annexe H-447

Drsquoautre part le cas de 3 MC_agr est aussi singulier dans la mesure ougrave la Prop Mots extMots prod chute notablement agrave 54 en narration drsquohistoires drsquoapregraves images (tacircche 3) Cette tendance reflegravete lrsquoaugmentation des pheacutenomegravenes de reacutepeacutetions ou de reformulations lieacutee agrave la tacircche En effet compareacute aux tacircches de production sans support imageacute la preacutesence des images et la preacutecision morpho-lexicale qursquoelles induisent semblent rendre plus difficile la formulation Le sujet est souvent laquo peu sucircr raquo de sa formulation et se reacutepegravete freacutequemment dans des proceacutedures de recherches lexicales infructueuses comme dans lrsquoextrait suivant

1 MC_agr3-MJ03 Paul fait (25) fait le sel euh sur un pot un pot non un seau seau euh

LEXVsubst(reacutepandgtfait) agrave valeur geacuteneacuterique Rechlex(potgtseau)

2 MC_agr3-MJ03 Paul fait fait un seau un sel non moi euh je Paul fait un seau non un sel sur euh un pot non

Reform-

exp prenez votre temps

3 MC_agr3-MJ03 mais moi euh

3 MC_agr3-MJ03 Paul verse un seau (2) sur un sel (2) PREPajout(sur)

Annexe H-503

Du point de vue de la variable Prop Mots extMots prod cela a pour effet drsquoaugmenter la proportion de nombre de mots laquo non extraits raquo (crsquoest-agrave-dire les mots correspondant agrave des traces de disfluence) et donc en corollaire drsquoaffaiblir la proportion de mots extraits Il srsquoagit de la seule variation inter-tacircches notable que nous observons Les variations inter-tacircches des autres locuteurs nous semblent assez neacutegligeables

En reacutesumeacute malgreacute les diffeacuterences individuelles sur le plan des freacutequences de disfluences visibles en surface pour un cas en particulier (PC_agr qui est aphasique depuis un peu plus drsquoun an) il nous semble important de souligner le fait que la stabiliteacute inter-tacircches geacuteneacuterale signifie que le poids des mots extraits (parmi les mots produits au total) demeure sensiblement le mecircme drsquoune tacircche de production agrave lrsquoautre dans chacun des cas (excepteacute pour MC_agr3)

Cela nous semble valider la coheacuterence drsquoune tacircche agrave lrsquoautre de la proceacutedure drsquoextraction des observables que nous avons appliqueacutee en vue des analyses structurales ulteacuterieures baseacutees sur les mots extraits

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

235

6122 Deacutebit verbal selon les variables laquo mots produits raquo et laquo mots extraits raquo Deacutebit Mots prod et Deacutebit Mots ext

Les deacutebits en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) ainsi qursquoen nombre de mots extraits (Deacutebit Mots ext) ont eacuteteacute calculeacutes pour les trois tacircches de production de discours continu (tacircches 1 2 et 3 voir Figure 6 ci-dessous)148

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Deacutebit Mots prod moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

161154

161

5345 40

0

50

100

150

200

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Deacutebit Mots ext moyen - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

130122

137

3327 24

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 6 Deacutebit verbal moyen en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) et en nombre de

mots extraits (Deacutebit Mots ext) par minute pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Dans toutes les tacircches on constate bien eacutevidemment un deacutebit verbal moyen beaucoup plus faible chez le groupe agrammatique que chez le groupe controcircle (voir Figure 6 ci-dessus)

De surcroicirct nous observons un ralentissement progressif du deacutebit agrave mesure que les tacircches de production sont contraintes

En effet les agrammatiques produisent en moyenne 53 mots par minute en production de discours spontaneacute (tacircche 1) contre 161 pour les sujets controcircles 45 mots par minute en reacutecit

148 En production de phrases isoleacutees (tacircche 4) cette variable nrsquoa pas eacuteteacute calculeacutee crsquoest pourquoi elle nrsquoapparaicirct pas dans les graphes En effet nous nrsquoavons pas jugeacute pertinent de mesurer la dureacutee de parole effective correspondant agrave des productions de phrases isoleacutees drsquoautant que cette mesure nous a sembleacute en pratique impossible agrave effectuer

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

236

de contes (tacircche 2) contre 154 chez les sujets controcircles et pas plus de 40 mots par minute en reacutecit drsquohistoires ineacutedites (tacircche 3) contre 161 chez le groupe controcircle (voir Figure 6 ci-dessus agrave gauche)

De la mecircme maniegravere lorsque le deacutebit est calculeacute sur la base du nombre de mots extraits (voir Figure 6 p 235 agrave droite) on observe la mecircme baisse graduelle selon la tacircche chez les agrammatiques en particulier En effet le Deacutebit Mots ext deacutecline progressivement de 33 agrave 27 puis 24 mots extraits par minute

Agrave lrsquoeacutevidence ces donneacutees confirment bien relativement aux sujets controcircles lrsquoexistence drsquoune baisse geacuteneacuterale de la fluence verbale si caracteacuteristique de lrsquoaphasie de Broca en toute situation Cette variabiliteacute inter-groupes nrsquoest pas eacutetonnante elle traduit le caractegravere non fluent de lrsquoexpression

Or crsquoest la variabiliteacute inter-tacircches qui nous interpelle ici En effet lrsquoaisance varie selon le type de tacircche de production en jeu Ainsi la baisse graduelle du deacutebit verbal moyen de la tacircche 1 agrave 3 est tregraves manifeste pour le groupe agrammatique

Cette variabiliteacute inter-tacircches laisse penser que plus la tacircche est contraignante en termes de stimuli et de consignes et par conseacutequent de preacutecision grammaticale viseacutee par lrsquoagrammatique et plus le deacutebit verbal ralentit

Et inversement lrsquoaisance verbale augmente agrave mesure que la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute et donc agrave mesure que la cible linguistique se deacutetache drsquoune cible imposeacutee par un stimulus donneacute

Pour les locuteurs controcircles dont le deacutebit moyen est drsquoenviron 150 mots par minutes une diffeacuterence de deacutebit verbal qui est de lrsquoordre drsquoune dizaine de mots par minutes peut paraicirctre assez neacutegligeable Mais pour les aphasiques de Broca dont le deacutebit verbal se situe dans un intervalle de 40 agrave 53 mots par minutes cette diffeacuterence est agrave relativiser en ce sens qursquoelle est tregraves significative drsquoune ameacutelioration de lrsquoaisance agrave la mise en mots149

149 En admettant qursquoune telle diffeacuterence puisse ecirctre remarqueacutee par un aphasique de Broca drsquoun point de vue longitudinal par exemple entre les deacutebuts de son aphasie et quelques mois ou quelques anneacutees plus tard elle ne manquerait pas drsquoecirctre ressentie comme un progregraves tregraves significatif

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

237

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

La variabiliteacute inter-tacircches concernant le Deacutebit Mots prod deacutecrite ci-dessus est confirmeacutee par les donneacutees individuelles (voir Figure 7 ci-dessous) En effet dans tous les cas drsquoagrammatisme le ralentissement du deacutebit verbal lieacute au degreacute de contrainte associeacute agrave la tacircche est observeacute (surtout en comparant les tacircches les plus opposeacutees crsquoest-agrave-dire les tacircches 1 et 3)

Deacutebit Mots prod - tacircches 1 2 et 36 agr

3832

55

47

6975

32

23

41

34

69 71

23 23

3934

6257

0

10

20

30

40

50

60

70

80

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 7 Deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute pour les tacircches 1 2 et 3

donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Si lrsquoon base le calcul du deacutebit verbal sur le nombre de mots extraits la mecircme tendance au niveau individuel apparaicirct (voir les donneacutees individuelles agrammatiques concernant la variable Deacutebit Mots ext en Annexe H-616) Quoique plus teacutenue nous trouvons mecircme que la variation inter-tacircches est tout de mecircme assez nette et reacuteguliegravere

Pour conclure on peut donc deacutejagrave observer que plus la tacircche de production est contraignante et plus le deacutebit verbal ralentit ce qui veut dire que la fluence verbale est influenceacutee par des facteurs externes

Ainsi lrsquoagrammatique est drsquoautant moins fluent que les conditions expeacuterimentales du fait de la preacutesence drsquoun support imageacute sur lequel doit reposer le reacutecit par exemple induisent plus de preacutecision linguistique lors de la verbalisation

Et agrave lrsquoinverse lrsquoeacutelocution est plus fluide et rapide lorsque le degreacute de liberteacute associeacute agrave la situation de production est maximum comme en production de discours autobiographique spontaneacute

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

238

6123 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots ext)

La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute150 a eacuteteacute calculeacutee sur la base de lrsquoensemble des mots produits au total drsquoune part (Long Moy E Seg(Mots prod) ) et sur la base des mots extraits drsquoautre part (Long Moy E Seg(Mots ext) )

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Globalement dans les tacircches 1 2 et 3 (en production de discours continu) les eacutenonceacutes agrammatiques sont plus courts avec une moyenne de 6 agrave 8151 mots par eacutenonceacute contre une moyenne de 11 mots par eacutenonceacute controcircle (Figure 8 ci-dessus agrave gauche)152

Par ailleurs la mecircme variable calculeacutee sur la base des mots extraits (et ce pour la tacircche de production de phrases isoleacutees incluse) indique la mecircme variabiliteacute inter-groupes (Figure 8 ci-dessous agrave droite)

Long Moy E Seg(Mots prod) moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

11 11 11

6

8 8

0

5

10

15

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Long Moy E Seg(Mots ext) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4 moyennes groupes contr vs agr

9 910

7

45 5

6

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 8 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots produits (Long Moy

E Seg(Mots prod) agrave gauche) et en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

150 La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute permet drsquoores et deacutejagrave drsquoaborder la dimension syntaxique Cette variable pourrait ainsi relever de la cateacutegorie SYNTAX Cependant nous avons quand mecircme conserveacute cette variable dans la cateacutegorie CORPUS car elle se calcule sur la base de lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes composant les corpus (crsquoest-agrave-dire tous les eacutenonceacutes produits qursquoils soient de forme canonique ou non) 151 Les valeurs moyenneacutees ont eacuteteacute arrondies aux nombres entiers les plus proches 152 Rappelons que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en mots produits nrsquoa pas eacuteteacute calculeacutee pour la tacircche 4 car nous nrsquoavons pas comptabiliseacute le nombre de mots produits pour cette tacircche mais seulement les mots extraits participant agrave lrsquointeacutegration syntaxique des phrases isoleacutees

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

239

Inteacuteressons-nous en particulier au graphe de droite crsquoest-agrave-dire agrave la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute calculeacutee en mots extraits153 Nous observons que en production de phrases isoleacutees (tacircche la plus contraignante avec des structures cibles preacutecises attendues) il apparaicirct que le groupe controcircle produit 7 mots (extraits) en moyenne par phrase isoleacutee Par contre en discours continu (tacircches 1 2 et 3) les eacutenonceacutes sont plus courts (9 agrave 10 mots extraits)

La baisse drastique du nombre de mots qursquoon observe pour la tacircche 4 compareacute aux autres tacircches est en quelque sorte un arteacutefact cette variabiliteacute inter-tacircches srsquoexplique simplement par la qualiteacute des structures cibles induites par les stimuli (crsquoest-agrave-dire des structures cibles agrave 1 2 ou 3 arguments qui neacutecessitent donc en moyenne 7 mots pour ecirctre construites) Ces donneacutees controcircles constituent un reacutefeacuterentiel linguistique refleacutetant la laquo normaliteacute raquo (comme toutes les autres donneacutees controcircles) Les corpus controcircles correspondant agrave la tacircche 4 refleacutetant la laquo normaliteacute raquo sont consultables en Annexe I-646-648 I-658-660 et I-671-673

Agrave titre illustratif voici deux exemples de phrases produites par un sujet controcircle

8 GG_contr4 le pegravere se deacutebouche une bouteille de vin blanc Annexe I-646

26 GG_contr4 la maman embrasse le pegravere Annexe I-646

Voici les phrases correspondant aux structures cibles preacuteciteacutees produites par un sujet agrammatique

8 BR_agr4 un pe- euh lrsquohomme [RuvR] Deformphon(ouvregt[RuvR]gt[luvR])

BR_agr4 un homme [luvR] de bouteille DETsubst(lagtde) par anticipation conflit entre laquo la raquo et laquo de raquo E Ph

Annexe H-482

26 BR_agr4 une femme bisou un homme SNNN E Non-Can Juxtaposition SN

Annexe H-485

153 Comme la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute mesureacutee en mots extraits nrsquointegravegre ni les scories de lrsquooral ni les particules discursives (qui sont comptabiliseacutees pour le calcul en mots produits au total) cette variable renseigne plus preacuteciseacutement sur les reacuteelles capaciteacutes de structuration phrastique Drsquoautre part le nombre de mots extraits a eacuteteacute comptabiliseacute pour les 4 tacircches de production alors que le nombre de mots produits ne lrsquoa eacuteteacute que pour les tacircches 1 2 et 3

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

240

Partant de lagrave les reacutesultats attacheacutes agrave la variable Long Moy E Seg(Mots ext) deacutecrits ci-dessus nous conduisent agrave poser trois observations

pour les tacircches 1 2 et 3 crsquoest-agrave-dire en production de discours continu les eacutenonceacutes produits par les sujets agrammatiques sont en geacuteneacuteral deux fois plus courts que les eacutenonceacutes produits par les sujets controcircles (en moyenne 4 agrave 5 mots contre 9 agrave 10 mots par eacutenonceacute) Cette variabiliteacute inter-groupes signifient que les agrammatiques reacuteduisent quantitativement le format de lrsquoeacutenonceacute agrave produire ce qui revient agrave dire qursquoils convoquent un style elliptique

systeacutematiquement quelle que soit la tacircche de production

en production de discours spontaneacute les eacutenonceacutes agrammatiques comptent en moyenne 4 mots par eacutenonceacute (tacircche 1) pour srsquoallonger en situation de production de discours narratif (tacircches 2 et 3) avec une moyenne de 5 mots par eacutenonceacute

de surcroicirct pour la tacircche 4 les phrases que produisent les agrammatiques sont les plus longues de lrsquoordre de 6 mots en moyenne de la sorte le laquo seuil plafond raquo de 7 mots en moyenne fourni par le reacutefeacuterentiel linguistique laquo controcircle raquo est presque atteint Autrement dit les diffeacuterences inter-groupes srsquoestompent agrave mesure que la preacutecision grammaticale induite par la tacircche augmente

En reacutesumeacute la variabiliteacute inter-tacircches speacutecifique au groupe agrammatique est donc aveacutereacutee plus la tacircche est contraignante en termes de preacutecision grammaticale induite par les conditions expeacuterimentales et plus le nombre moyen de mots participant agrave la structuration syntaxique de la phrase augmentehellip Ce reacutesultat est pour le moins deacuteconcertant le style elliptique serait donc moins convoqueacute dans des conditions expeacuterimentales tregraves contraintes

En fonction du type de discours cible en jeu le style elliptique est plus ou moins convoqueacute par le locuteur aphasique selon les facteurs situationnels et selon la preacutecision grammaticale viseacutee par le sujet Au regard de ces observations il semble que les agrammatiques parviendraient agrave rallonger ou agrave raccourcir les eacutenonceacutes laquo agrave la demande raquo (en accord avec une observation de KOLK voir p 72)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

241

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Lrsquoemploi variable du style elliptique en fonction de la situation semble correspondre agrave une proceacutedure drsquoadaptation qui transparaicirct assez nettement dans chaque cas pris individuellement (voir Figure 9 ci-dessous)

Long Moy E Seg(Mots ext) - tacircches 1 2 3 et 46 agr

2 3

4

3

5

6

33

5

4

67

33

5 5

7 7

3

5

6 6 6

8

0

10

20

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 9 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots extraits pour les tacircches

1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

En effet ces donneacutees individuelles reflegravetent la variabiliteacute inter-sujets notable deacutecrite drsquoapregraves les graphes de donneacutees moyenneacutees par groupe (voir au point (a) p 238) traduisant diffeacuterents degreacutes de seacuteveacuteriteacute du deacuteficit qui nous semblent eux-mecircmes associeacutes agrave diffeacuterents degreacutes de recours au style elliptique

En effet les performances de chacun des cas preacutesenteacutes actualisent ces degreacutes du premier locuteur (1 PC_agr agrave gauche du graphe) au dernier locuteur (6 TH_agr agrave droite du graphe) les eacutenonceacutes srsquoallongent graduellement154

154 Ce patron de variabiliteacute inter-sujets traduisant les diffeacuterences individuelles quant agrave la graviteacute du trouble aphasique se constate pour drsquoautres variables linguistiques Dans tous les graphes de donneacutees individuelles lrsquoordre de preacutesentation des cas traduit ce caractegravere graduel de scores obtenus des laquo plus faibles raquo aux laquo meilleurs raquo de 1 PC_agr lrsquoaphasique qui preacutesentait selon nous le niveau le plus important de perturbation et le plus faible de reacutecupeacuteration agrave 6 TH_agr pour qui le niveau de perturbation eacutetait le moins important et avec le niveau de reacutecupeacuteration le plus avanceacute Srsquoagissant du groupe controcircle il nrsquoy a pas lieu drsquoorganiser la preacutesentation des diffeacuterents locuteurs selon de tels critegraveres mais lrsquoordre de preacutesentation demeure le mecircme drsquoun graphe agrave lrsquoautre

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

242

En reacutesumeacute trois sous-groupes de locuteurs aphasiques eacutemergent les deux premiers locuteurs 1 PC_agr et 2 BR_agr preacutesentent un style beaucoup plus elliptique que le deuxiegraveme sous-groupe de locuteurs 3 MC_agr et 4 SB_agr eux-mecircmes preacutesentant des scores infeacuterieurs au troisiegraveme sous-groupe de locuteurs 5 PB_agr et 6 TH_agr

Pour nous cela signifie qursquoil y a une correacutelation positive entre la graviteacute des conseacutequences du dysfonctionnement sous-jacent qui entrave la formulation phrastique qui est agrave compenser par le recours agrave des proceacutedures de reacuteduction quantitative (syntaxe elliptique) De surcroicirct un effet de la tacircche est notable surtout si lrsquoon compare les tacircches 1 (la plus spontaneacutee) et 4 (la plus contrainte) entre elles

De ce fait les donneacutees individuelles srsquointerpregravetent selon deux perspectives

selon la perspective dysfonctionnement les diffeacuterences individuelles reflegravetent des degreacutes divers de deacuteficit sous-jacent

selon la perspective strateacutegies les diffeacuterences individuelles reflegravetent le recours agrave des degreacutes divers agrave une strateacutegie de reacuteduction quantitative lieacute aux paramegravetres de la situation

Ce faisant on peut affirmer que les symptocircmes de dysfonctionnement et drsquoadaptation sont les deux versants indissociables du comportement langagier agrammatique

613 Le style elliptique intra-phrastique et lrsquoexpansion macro-discursive

Les analyse quantitatives meneacutees jusqursquoici nous invitent agrave entrevoir un lien entre les pheacutenomegravenes suivants

(1) le deacutebit verbal varie en fonction de la preacutecision grammaticale viseacutee plus la production est contrainte et plus le deacutebit se ralentit et inversement plus la production est spontaneacutee et plus lrsquoaisance srsquoameacuteliore

(2) les agrammatiques reacuteduisent le message agrave produire du point de vue de la structuration interne phrastique et ce dans tous les types de productions

(3) par ailleurs la quantiteacute drsquoeacutenonceacutes produits ( E Seg) semble srsquoaccroicirctre notablement en production tregraves libre (tacircche 1 agrave quantiteacute drsquoobservables agrave peu de chose pregraves comparable entre les groupes controcircles et agrammatiques) et bien se maintenir notamment en ce qui concerne les tacircches 2 et 3

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables CORPUS

243

Sur un mecircme graphe (voir Figure 10 ci-dessous) sont repreacutesenteacutes le nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) ainsi que la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute (Long Moy E Seg(Mots ext) ) Ce graphe fusionne les reacutesultats quantitatifs obtenus et deacutejagrave commenteacutes pour chacune des variables CORPUS E Seg (les barres coloreacutees en vert) et Long Moy E Seg(Mots ext) (les points relieacutes par une courbe)

Les donneacutees controcircles sont repreacutesenteacutees par le graphe de gauche et les donneacutees agrammatiques par le graphe de droite

E Seg et Long Moy E Seg(Mots ext) moyenstacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe contr

45 72 78 60

7

109 9

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

E Seg et Long Moy E Seg(Mots ext) moyenstacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe agr

109 59 79 52

6

55

4

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

0

5

10

15

Figure 10 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg barres) et longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) points) pour les tacircches 1 2 3 et 4

moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite)

Ainsi si lrsquoon compare les corpus controcircles et agrammatiques du point de vue des variations inter-groupes attacheacutees aux deux variables E Seg (voir au point 6112 p 230) et Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238) il nous semble que lrsquoemploi drsquoun style elliptique intra-phrastique va de pair avec lrsquoexpansion macro-discursive ou du moins le maintien drsquoun nombre drsquouniteacutes discursives relativement eacuteleveacute

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables CORPUS

244

Autrement dit la reacuteduction quantitative micro-discursive (ou intra-phrastique) est contrebalanceacutee par une tendance agrave lrsquoexpansion macro-discursive

Nous avons observeacute par ailleurs que les eacutenonceacutes srsquoallongent (en nombre de mots extraits) agrave mesure que la preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccentue (notamment en production de phrases isoleacutees dans la tacircche 4 la plus contraignante)

Cela suggegravere que la reacuteduction quantitative phrastique est nuanceacutee par lrsquoeffet de la tacircche en production libre elle est tregraves forte mais en production plus contrainte le style elliptique est moins caracteacuteristique

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

245

62 Reacutesultats variables MORPH

621 Introduction

Nous traitons dans cette sous-partie de la structuration morpho-lexicale du discours Celle-ci a eacuteteacute caracteacuteriseacutee quantitativement gracircce aux variables cibleacutees sur des aspects lexicaux et morphologiques deacutecrites dans le protocole de preacute-traitement des donneacutees et drsquoanalyse quantitative que nous avons largement deacutetailleacutes dans les chapitres preacuteceacutedents155

Les variables quantitatives MORPH nous permettront drsquoeacutetudier les proceacutedures de structuration morpho-lexicale et flexionnelle verbale dans les perspectives inter-groupes inter-sujets et inter-tacircches

Preacutecisons que les mesures relatives agrave lrsquoemploi de conjonctions et drsquoadverbes concernent exclusivement les trois tacircches de production de discours continu (reacutecit autobiographique reacutecit de contes et reacutecit drsquohistoires ineacutedites) Pour toutes les autres variables MORPH les reacutesultats quantitatifs concernent les quatre tacircches de production

Dans le protocole original QPA ni les conjonctions ni les adverbes ne font lrsquoobjet drsquoun traitement quantitatif particulier Pour cette eacutetude les mesures et calculs relatifs agrave ces derniers ont eacuteteacute eacutelaboreacutes par nos soins (soit les variables CONJMots prod156 CONJdisc CONJsynt ADVMots prod ADVdisc ADVmod et les calculs reacutealiseacutes speacutecifiquement sur les PARTICULES discursives) Drsquoautres variables MORPH telles que la proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO) et la proportion de preacutepositions par rapport au nombre total de mots extraits (Prop PREPMots ext) ont eacutegalement eacuteteacute ajouteacutees par rapport au protocole original

Pour le reste des variables MORPH (Prop MCF Indice DET Prop PRO Prop V(V+N) Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices) les cotations et calculs reacutealiseacutes srsquoinspirent directement des principes guides issus du protocole original QPA

622 Emploi des conjonctions CONJ CONJdisc et CONJsynt

Nous avons releveacute parmi tous les mots produits le nombre de conjonctions ( CONJ) qursquoelles soient CONJdisc (discursives) ou CONJsynt (syntaxiques) La variable Prop CONJMots prod commenteacutee ci-apregraves concernent ainsi lrsquoensemble des conjonctions produites sans distinction (6221 pp 246-248) Dans la partie suivante nous commenterons les variables Prop CONJdisc et Prop CONJsynt en tenant compte de cette distinction (6222 pp 249-250)

155 Voir les points 45 agrave 411 pp 144-175 concernant la transcription et le preacute-traitement des coprus et au point 52 pp 186-207 concernant la description des variables MORPH 156 Lorsque la variable quantitative citeacutee est agreacutementeacutee drsquoun asteacuterisque cela signifie qursquoelle a eacuteteacute soit modifieacutee par rapport au protocole original soit conccedilue et ajouteacutee par nos soins

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

246

6221 Proportion de conjonctions Prop CONJMots prod

La variable Prop CONJMots prod (proportion de conjonctions) a eacuteteacute calculeacutee sur la base du nombre de mots produits au total (Figure 11 ci-dessous) Pour lrsquoobtenir nous avons comptabiliseacute toutes les conjonctions employeacutees qursquoelles soient discursives (telles que et dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous) ou syntaxique (telles que parce-que dans le mecircme eacutenonceacute)

18 PB_agr3-MJ01 et lrsquo-autre eh-ben il est bien parce-que les pommes il y en a toute euh la reacutecolte est dans la cocircteacute euh ext- euh (3)

Rechlex DETsubst(legtla) + cocircteacute ADJind(toute) PRO(lrsquo-autre)

Annexe H-557

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Prop CONJMots prod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

8

76

5

75 76

0

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 11 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop

CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Par rapport au nombre total de mots produits les proportions drsquoemploi de conjonctions discursives et syntaxiques (Prop CONJMots prod) sont assez comparables entre les deux groupes Toutes tacircches confondues en moyenne ces proportions vont de 7 agrave 8 pour le groupe controcircle et de 5 agrave 76 pour le groupe agrammatique

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

247

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Au sein du groupe controcircle les mesures individuelles (voir le graphe en Annexe I-693) montrent une certaine variabiliteacute inter-sujets mais qui demeure beaucoup moins marqueacutee que celle constateacutee au sein du groupe agrammatique (voir la Figure 12 ci-dessous)

Prop CONJMots prod - tacircches 1 2 et 36 agr

5

11

17

7 77

109

6

45 5

8

6 6

050 0

0

5

10

15

20

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 12 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets

agrammatiques

Ainsi du point de vue individuel les proportions oscillent de 5 agrave 12 pour le groupe controcircle alors que pour le groupe agrammatique celles-ci varient de 0 agrave 17

En effet au sein du corpus 2 BR_agr1 (tacircche 1) seulement 2 conjonctions ont eacuteteacute releveacutees sur un total de plus de 404 mots produits (les conjonctions mais et et ce qui repreacutesente 05 des mots produits) Par ailleurs (tacircche 2 et 3) BR_agr nrsquoemploie aucune conjonction ni discursive ni syntaxique En teacutemoigne cet extrait de son reacutecit de Cendrillon

19 BR_agr2b oh [pœR] partir

laquo de peur alors elle part raquo ou laquo vu lrsquoheure elle part raquo [pœR] pour laquo peur raquo ou laquo lrsquoheure raquo (plutocirct laquo lrsquoheure avec une attaque en [p] par anticipation sur laquo partir raquo) DETom(lrsquo)+heure

20 BR_agr2b une euh (2) godasse partir laquo elle perd une godasse raquo 1 DET(un) ou 1 ADJnum(un) Par convention on cote 1 DET

21 BR_agr2b euh [ɑsijo] euh [d]heure euh (5) [pRele] presseacutee

DETom(lrsquo)

Deformphon(Cendrillongt [ɑsijo]) Deformphon(preacutesseacuteegt[pRele]) puis Autocor+++ laquo heure raquo prononceacute avec [d] en attaque

Annexe H-472

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

248

En revanche au sein du corpus 4 SB_agr1 (tacircche 1) 90 conjonctions ont eacuteteacute releveacutees sur un total de 541 mots produits ce qui repreacutesente pregraves de 17 des mots produits Ce taux est bien supeacuterieur aux taux des locuteurs controcircles crsquoest-agrave-dire que SB_agr emploie beaucoup plus de conjonctions que les locuteurs controcircles relativement agrave lrsquoensemble du corpus (voir lrsquoextrait du conte de Cendrillon reproduit ci-ci-dessous) Dans tous les corpus de SB_agr et dans drsquoautres corpus drsquoailleurs (agrammatiques et controcircles) les conjontions et ou mais par exemple sont employeacutees systeacutematiquement

41 SB_agr2b euh l- le prince cher- chercher le pantoufle (25) dans le euh tout autour-de tout autour-de vi- ville par-exemple

Reform laquo le prince cherche agrave qui est cette pantoufle raquo DETsubst(lagtle) + pantoufle DETom(la) + ville

42 SB_agr2b et hum (4) [ə] la agrave la mais- non dans le maison deux jeunes f- trois jeunes filles enfin tr- trois

DETsubst(legtla) + maison laquo il y a 3 filles 2 filles essayent les pantoufles raquo DETom(les) + trois jeunes filles

43 SB_agr2b deux jeunes filles euh (4) chercher (3) hum agrave enfiler euh les (3) pantoufles

DETom(les)

44 SB_agr2b mais s- ccedila v- ne va pas ADVmod(ne-pas)

45 SB_agr2b et par c- par-contre le prince hum (8) v- voit non venir non (3) alors rec-

Ab laquo je recommence raquo

Annexe H-528

Drsquoapregraves cet extrait on peut deacutejagrave remarquer que les conjonctions employeacutees sont preacutefeacuterentiellement des particules de discours

Pour finir les corpus des quatre autres locuteurs agrammatiques reacutevegravelent des proportions de conjonctions tout agrave fait comparables agrave celles obtenues aupregraves des locuteurs du groupe controcircle

En reacutesumeacute si un agrammatique en particulier (BR_agr) semble manifester des difficulteacutes tregraves marqueacutees au niveau de lrsquoemploi des conjonctions celles-ci peuvent demeurer au contraire tregraves preacuteserveacutees chez drsquoautres agrammatiques avec des proportions eacutequivalentes voire supeacuterieures agrave celles des sujets controcircles En geacuteneacuteral elles sont toutes assez preacutesentes dans le discours agrammatique

Mais il semble que agrave premiegravere vue les agrammatiques laquo preacutefegraverent raquo lrsquoemploi des conjonctions discursives (ou particules de discours) aux conjonctions syntaxiques Cette hypothegravese est agrave confirmer agrave travers une eacutetude plus approfondie de leurs freacutequences drsquoemploi respectives (voir ci-apregraves au point 6222)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

249

6222 Proportions moyennes de conjonctions selon le type drsquoemploi Prop CONJdisc et Prop CONJsynt

Par ailleurs si lrsquoon srsquointeacuteresse drsquoune part aux freacutequences drsquoemploi de conjonctions particules de discours (Prop CONJdisc Figure 13 ci-dessous agrave gauche) et drsquoautre part aux freacutequences drsquoemploi des conjonctions syntaxiques (Prop CONJsynt Figure 13 ci-dessous agrave droite)157 les moyennes de groupes nous reacutevegravelent que parmi les conjonctions produites les conjonctions particules de discours sont tregraves bien preacuteserveacutees et mecircme geacuteneacuteralement plus freacutequemment employeacutees en production de discours continu (avec par exemple des proportions de 61 et 87 pour la tacircche 1 voir Figure 13 ci-dessous agrave gauche)

Prop CONJdiscCONJ moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

61

7066

87

6861

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Prop CONJsyntCONJ moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

39

3034

13 1522

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 13 Proportion de conjonctions agrave valeur discursive (Prop CONJdisc agrave gauche) et de

conjonctions agrave valeur syntaxique (Prop CONJsynt agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Par contre srsquoagissant des conjonctions agrave valeur syntaxique (assurant les rocircles de coordonnant ou de subordonnant) il apparaicirct qursquoelles sont moins preacutesentes chez les agrammatiques avec des proportions de 13 16 et 22 (voir Figure 13 ci-dessus agrave droite) relativement au groupe controcircle pour lequel les proportions vont de 30 agrave 39 (voir Figure 13 ci-dessus agrave droite)

Les donneacutees individuelles agrammatiques malgreacute la forte variabiliteacute inter-individus confirment les tendances deacutecrites en moyennes de groupes (voir les graphes de donneacutees individuelles agrammatiques Prop CONJdisc et Prop CONJsynt en Annexe H-620)

Toutefois les conjonctions syntaxiques sont quand mecircme preacutesentes et mecircme dans certains corpus assez freacutequentes En effet parmi les conjonctions syntaxiques utiliseacutees celles qui ont le rocircle de coordonnant sont tregraves freacutequentes notamment chez SB_agr (et ou ni) On 157 Rappelons que ces proportions sont calculeacutees sur la base du nombre total de conjonctions releveacutees dans les corpus et non sur la base des mots produits Leur somme est donc eacutegale agrave 100

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

250

remarque eacutegalement que lorsqursquoune conjonction de subordination est employeacutee la proposition deacutependante semble structureacutee de faccedilon eacuteleacutementaire lorsqursquoil parvient agrave la formuler

51 SB_agr1 voilagrave par-contre euh bien-sucircr euh euh hum euh (8) euh boulot euh de euh orthophonistes euh tregraves important parce-que (5)

DETom(les) + orthophonistes amalgame(de+les) non reacutealiseacute Ab SUB

Annexe H-521

69 SB_agr1 kineacute parce-que le doigt et [Rikys] Deformphon(rictusgt[Rikys]) 2 CONJsynt(parce queet) 2 DETom(lale) + kineacuterictus

Annexe H-522

Drsquoautre part on a remarqueacute que les corpus de 3 MC_agr 4 SB_agr et 6 TH_agr contiennent de freacutequentes conjonctions syntaxiques notamment quand parce que pour que utiliseacutes en guise de subordonnants syntaxiques Cela traduit le fait que selon nous les capaciteacutes de structuration syntaxique sont moins affecteacutees par le dysfonctionnement sous-jacent (compareacute aux autres agrammatiques 1 PC_agr 2 BR_agr et 5 PB_agr)

Ainsi la variabiliteacute inter-individus est encore illustreacutee ici agrave travers les dispariteacutes de freacutequences et de types drsquoemplois de conjonctions syntaxiques

En reacutesumeacute si la cateacutegorie des conjonctions est en geacuteneacuterale preacuteserveacutee chez les agrammatiques agrave lrsquoexception du cas BR_agr chez qui on nrsquoa releveacute que 2 occurrences crsquoest plutocirct les conjonctions particules de discours qui semblent ecirctre mieux preacuteserveacutees au deacutetriment des conjonctions syntaxiques

Cela nous amegravene aux deux conclusions suivantes

(1) Pour une mecircme cateacutegorie de morphegravemes en lrsquooccurrence les conjonctions la fonction de connecteur entre uniteacutes de discours semble mieux preacuteserveacutee que celle de coordonnant ou subordonnant syntaxique Ainsi si le dysfonctionnement sous-jacent entrave la formulation phrastique eacutetape situeacutee en amont de la reacutecupeacuteration des uniteacutes lexicales du lexique mental pour leur inteacutegration il nrsquoest pas eacutetonnant que ce type de morphegraveme dans cette fonction syntaxique particuliegravere soit sous-utiliseacute En outre cette sous-utilisation peut aussi bien srsquoexpliquer du point de vue de lrsquohypothegravese drsquoadaptation par une strateacutegie elliptique attacheacutee agrave certains morphegravemes grammaticaux qui revient au final agrave eacuteviter une structure syntaxique trop couteuse agrave encoder (au niveau phrastique ou micro-discursif)

(2) Lrsquoagrammatique semble srsquoappuyer preacutefeacuterentiellement sur les conjonctions agrave valeur discursive qui permettent au niveau macro-discursif de compenser le manque drsquoeacutelaboration syntaxique interne aux eacutenonceacutes Cela nous semble coheacuterent avec le fait que le nombre drsquouniteacutes discursives ( E Seg) se maintient voire srsquoaccroicirct pour contrebalancer la reacuteduction quantitative intra-phrastique (voir au point 613 p 242)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

251

623 Emploi des adverbes ADV ADVdisc et ADVmod

Comme pour les conjonctions nous avons releveacute le nombre drsquooccurrences drsquoadverbes parmi tous les mots produits ( ADV) qursquoils soient employeacutes en guise de particules de discours ( ADVdisc) ou en guise drsquoadverbes modifieurs ( ADVmod modifieurs)

La variable Prop ADVMots prod commenteacutee ici concerne ainsi lrsquoensemble des adverbes produits sans distinction

Ensuite dans une partie seacutepareacutee nous commenterons les variables Prop ADVdisc et Prop ADVmod en tenant compte de cette distinction

6231 Proportion drsquoadverbes Prop ADVMots prod

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Pour les tacircches 1 2 et 3 on a releveacute 17 7 et 5 drsquoadverbes agrave valeur discursive et modifieurs parmi tous les mots produits par les sujets agrammatiques contre respectivement 11 8 et 76 pour les sujets controcircles (Prop ADVMots prod Figure 14 ci-dessous)

Prop ADVMots prod moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

11

8

17

7

5

76

0

10

20

30

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 14 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots

prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

252

Manifestement si lrsquoon compare les freacutequences drsquooccurrences drsquoADV des corpus controcircles avec celles des corpus pathologiques les adverbes semblent globalement assez preacuteserveacutes dans lrsquoagrammatisme De plus en production de discours spontaneacute en particulier les agrammatiques semblent avoir recours preacutefeacuterentiellement aux adverbes plus que ne le font les sujets controcircles On retrouve cette variabiliteacute inter-tacircches agrave travers la majoriteacute des cas drsquoagrammatisme (voir ci-apregraves)

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

La variabiliteacute inter-tacircches deacutecrite ci-dessus est tregraves clairement confirmeacutee dans chaque cas drsquoagrammatisme pris individuellement sans exception comme en atteste le graphe suivant surtout si lrsquoon compare les tacircches 1 et 3 entre elles (Figure 15 ci-dessous)

Prop ADVMots prod - tacircches 1 2 et 36 agr

18

26

12

24

9

12

6

14

4

8

6 65

9

2

56

3

0

10

20

30

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 15 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots

prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoautre part les donneacutees individuelles controcircles montrent aussi quoique de maniegravere beaucoup moins nette et pour 7 locuteurs sur 9 une telle variabiliteacute inter-tacircches suivant laquelle les adverbes sont plus preacutesents en production de discours spontaneacute autobiographique (voir le graphe en Annexes I-696)

En conclusion la variabiliteacute inter-groupes atteste du fait que les adverbes sont assez bien preacuteserveacutes en cas drsquoagrammatisme et ce sans exception

De surcroicirct les agrammatiques les emploient beaucoup plus freacutequemment compareacute aux sujets controcircles drsquoune part et en production de discours spontaneacute (tacircche 1 avec une moyenne de 17 158 voir Figure 14 p 251) par rapport aux deux autres conditions expeacuterimentales (tacircches 2 et 3)

158 On pourrait nuancer ce reacutesultat en disant que de nombreuses conjonctions que nous avons coteacutees en tant que conjonctions particules de discours sont eacutegalement des initiateurs (starters) drsquoeacutenonceacute Ce qui vient laquo gonfler raquo la proportion

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

253

Comment expliquer alors cette variabiliteacute inter-tacircches Nous tentons de reacutepondre agrave cette question dans les commentaires ci-apregraves portant sur les freacutequences drsquoemploi drsquoadverbes en fonction de la distinction qualitative opeacutereacutee entre ADVdisc et ADVmod

6232 Proportions drsquoadverbes selon le type drsquoemploi Prop ADVdisc et Prop ADVmod

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Les graphes suivants repreacutesentent drsquoune part le poids moyen des adverbes agrave valeur discursive (Prop ADVdisc Figure 16 p 254 agrave gauche) et drsquoautre part le poids moyen des adverbes modifieurs (Prop ADVmod Figure 16 p 254 agrave droite) parmi lrsquoensemble des adverbes releveacutes

Dans lrsquoextrait suivant fourni agrave titre illustratif les adverbes particules de discours apparaissent en caractegraveres italiques (voilagrave par-contre bien-sucircr avant maintenant enfin en-plus en-fait apregraves bien-sucircr de-toute-faccedilon) et les adverbes modifieurs apparaissent en caractegraveres gras (tregraves dans lrsquoeacutenonceacute 51 et tout dans les eacutenonceacutes 55 et 56)

51 SB_agr1 voilagrave par-contre euh bien-sucircr euh euh hum euh (8) euh boulot euh de euh orthophonistes euh tregraves important parce-que (5)

DETom(les) + orthophonistes amalgame(de+les) non reacutealiseacute Ab SUB

52 SB_agr1 avant euh rien PROind(rien)

53 SB_agr1 maintenant euh voilagrave en- enfin euh orthophonistes et amis

laquo crsquoest gracircce aux orthophonistes et aux amis que jrsquoai pu retrouver la parole raquo 2 DETom(les)

54 SB_agr1 en-plus euh hum en-fait euh (3) a- en en-fait a- apregraves euh (3) orthophonistes

1 DETom(les)

55 SB_agr1 et m- euh tout seul ADVmod(tout)

56 SB_agr1 enfin tout seul et euh [z] amis

Liaison reacutealiseacutee(0 DET + [z] + amis]DETom(les) laquo en plus des orthophonistes jrsquoai travailleacute en autonomie le langage avec les amis raquo

57 SB_agr1 jrsquoai hum un cours de physique non euh math et euh (2) franccedilais

1 PREPom(de) 1 DETom(le)

58 SB_agr1 euh bien-sucircr euh de-toute-faccedilon euh professeur

Annexe H-521

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

254

Drsquoapregraves les cotations effectueacutees selon le type drsquoemploi on obtient les proportions Prop ADVdisc (agrave gauche) et Prop ADVmod (agrave droite) en moyennes de groupes suivantes

Prop ADVdiscADV moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

36

47 45

58 61 61

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Prop ADVmodADV moyenne - tacircches 1 2 et 3moyennes groupes contr vs agr

64

53 55

42 39 39

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 16 Proportion drsquoadverbes agrave valeur discursive (Prop ADVdisc agrave gauche) et drsquoadverbes

modifieurs (Prop ADVmod agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes

Nous observons que les proportions drsquoadverbiaux particules de discours sont toutes plus eacuteleveacutees chez les sujets agrammatiques (avec des moyennes de pregraves de 60 voir Figure 16 ci-dessus agrave gauche) compareacute aux sujets controcircles et ce quelque soit la tacircche de production

Drsquoautre part lorsqursquoil srsquoagit drsquoadverbes modifieurs la variabiliteacute inter-groupes srsquoinverse159 les freacutequences drsquoemploi drsquoadverbes modifieurs sont plus faibles chez les agrammatiques (avec des moyennes de pregraves de 40 voir Figure 16 ci-dessus agrave droite) compareacute aux sujets controcircles

Il apparaicirct donc globalement que les agrammatiques preacutefegraverent les emplois drsquoadverbiaux particules discursives au deacutetriment des emplois drsquoadverbes modifieurs

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Malgreacute une plus forte variabiliteacute inter-sujets au sein du groupe agrammatique les tendances de groupes eacutevoqueacutees au point (a) sont confirmeacutees par les donneacutees individuelles (voir Figure 17 ci-dessous p 255)

159 La somme des deux proportions est eacutegale agrave 100 car les deux variables sont calculeacutees drsquoapregraves lrsquoensemble des adverbes releveacutes crsquoest-agrave-dire 100 des adverbes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

255

Cette variabiliteacute inter-sujets srsquoexplique en particulier par les proportions des corpus de 2 BR_agr ougrave le poids des adverbes modifieurs demeure tregraves eacuteleveacute quelle que soit la tacircche de production en jeu (avec des proportions de 57 76 et 86 ) agrave la diffeacuterence des autres locuteurs agrammatiques (voir Figure 17 ci-dessous)

Prop ADVmod - tacircches 1 2 et 36 agr

24

57

3734 35

66

14

76

25

35

4244

25

86

17 17

51

38

0

25

50

75

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 17 Proportion drsquoadverbes modifieurs (Prop ADVmod) pour les tacircches 1 2 et 3

donnes individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Selon nous la forte proportion drsquoemploi drsquoadverbes modifieurs observeacutee pour 2 BR_agr meacuterite un eacuteclairage particulier chez lui la cateacutegorie des adverbes (en particulier les ADVmod) est bien preacuteserveacutee mais la diversiteacute des adverbes preacutesents est en reacutealiteacute assez pauvre En teacutemoignent les exemples suivants extraits des corpus de BR_agr ougrave lrsquoon recense de nombreux pas-du-tout et beaucoup

3 BR_agr3-MJ01 lrsquoarbre euh pas-du-tout (2) euh lrsquoarbre (5) euh plus t- euh lrsquoarbre pas-du-tout

Ab

4 BR_agr3-MJ01 arbre plus loin DETom(lrsquo)

5 BR_agr3-MJ01 euh pas-du-tout toucher euh

Annexe H-474

10 BR_agr3-MJ01 oh beaucoup difficile laquo crsquoest tregraves difficile pour lui raquo

11 BR_agr3-MJ01 ah beaucoup de force euh bras euh PREPom(dans) + DETom(les) + bras

Annexe H-475

Drsquoautre part il faut eacutegalement nuancer les cas de 5 PB_agr et 6 TH_agr pour qui les proportions drsquoadverbes modifieurs demeurent toutefois pour certaines tacircches assez comparables aux donneacutees obtenues agrave partir des corpus controcircles Cela est agrave mettre en relation avec le fait que 5 PB_agr et 6 TH_agr sont les agrammatiques pour qui le dysfonctionnement sous-jacent est moins seacutevegravere Ainsi les freacutequences relativement eacuteleveacutees

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

256

drsquoemploi drsquoadverbes adosseacutes agrave un autre eacuteleacutement dans la matrice semblent refleacuteter une moindre difficulteacute drsquoencodage

Quand bien mecircme lrsquoemploi drsquoadverbes modifieurs srsquoavegravere ecirctre moins probleacutematique pour eux il nrsquoest pas aussi aiseacute et naturel que pour les locuteurs controcircles dans les trois tacircches de production de discours continu (voir le graphe de donneacutees individuelles controcircles en Annexe I-696)

En reacutesumeacute lrsquoexamen des variables MORPH relatives agrave lrsquoemploi des conjonctions agrave valeur syntaxique (Prop CONJsynt voir 6222 p 249) et des adverbes modifieurs (Prop ADVmod voir ci-dessus) nous permet de conclure que le trouble agrammatique affecte speacutecifiquement les emplois de type syntaxique (et non les emplois de type discursif) En effet les conjonctions et adverbes qui sont agrave inteacutegrer dans une matrice syntaxique semblent plus difficiles agrave utiliser

En revanche srsquoagissant des conjonctions et adverbes ayant le rocircle de particules discursives les donneacutees quantitatives plaident en faveur drsquoune gestion strateacutegique de ces items linguistiques preacuteserveacutes qui gravitent en marge des matrices syntaxiques et qui jouent un rocircle fondamental dans la coheacuterence discursive

Sur ce point nous pensons qursquoun examen plus pousseacute deacutedieacute aux particules de discours dans leur ensemble crsquoest-agrave-dire aux variables Prop CONJdisc et Prop ADVdisc nrsquoest pas inutile (voir le point suivant)

624 Analyse quantitative approfondie des PARTICULES DE DISCOURS (CONJdisc et ADVdisc)

6241 Principes de calcul de la nouvelle variable

Comme nous lrsquoavons deacutejagrave signaleacute les reacutesultats concernant lrsquoemploi des particules discursives ont partie lieacutee avec les strateacutegies de structuration macro-discursive qui ont deacutejagrave eacuteteacute eacutevoqueacutees160

Les variables Prop CONJdisc et Prop ADVdisc deacutejagrave commenteacutees (voir aux points 6221 p 246 et 623 p 251) ont eacuteteacute calculeacutees sur la base du nombre de mots produits au total

160 Rappelons que afin drsquoen faciliter la lecture et le repeacuterage les corpus de donneacutees verbales transcrites laissent apparaicirctre les particules discursives en caractegraveres italiques (crsquoest-agrave-dire les conjonctions et adverbiaux agrave valeur discursive) Leur rocircle consiste agrave initier et clocircturer les eacutenonceacutes segmenteacutes agrave les connecter entre eux ou mecircme agrave confeacuterer une nuance subjective agrave un propos (attitude affect modalisation) Pour des preacutecisions quant aux critegraveres drsquoidentification des particules discursives voir le chapitre 4 au point 4925 p 169 et le chapitre 5 aux points 5214(a) p 188 et 52111(b) p 197

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

257

Cependant en vue de mieux appreacutecier leur importance dans la structuration du discours agrammatique et en vue de les objectiver encore nous avons calculeacute une nouvelle variable

Tregraves simplement nous avons additionneacute le nombre total de particules discursives soit les nombres de conjonctions discursives ( CONJdisc) et drsquoadverbes discursifs ( ADVdisc) qui furent releveacutees au sein des corpus oraux crsquoest-agrave-dire les particules qui apparaissent en caractegraveres italiques avec le nombre total de mots extraits ( Mots ext) crsquoest-agrave-dire les mots apparaissant en caractegraveres gras De ce point de vue les analyses srsquoeffectuent ainsi agrave la fois sur les deux plans inteacutegreacutes de preacute-traitement des corpus celui de la structuration interne des eacutenonceacutes (mots extraits en caractegraveres gras) et celui de la structuration discursive (particules de discours en caractegraveres italiques)

Ensuite nous avons calculeacute le poids des particules de discours relativement au corpus de mots extraits et de particules de discours

Au final nous obtenons la nouvelle variable Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES]

En drsquoautre termes il srsquoagit drsquoeacutevacuer le plan des scories de lrsquooral des onomatopeacutees des reacutepeacutetions bref des eacuteleacutements que nous avions consideacutereacutes comme eacutetant des laquo bruits raquo 161

Cela nous permet de deacutegager des observations plus objectives et plus reacuteveacutelatrices des tendances

161 De cette maniegravere les analyses reflegravetent mieux la structuration du discours car elles concernent le niveau 2 de lecture des corpus (concernant les 3 niveaux de transcription lieacute au preacute-traitement des corpus voir le chapitre 4 au point 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165) Le niveau 2 de preacute-traitement des corpus integravegre la structuration interne des eacutenonceacutes (crsquoest-agrave-dire les mots extraits apparaissant en caractegraveres gras) et les particules discursives (crsquoest-agrave-dire les conjonctions et adverbiaux apparaissant en caractegraveres italiques) Tout le reste le niveau 3 apparaicirct en caractegraveres normaux et nrsquoest donc pas pris en compte dans cette nouvelle variable Le niveau 3 recegravele des indices tregraves preacutecieux pour qui srsquointeacuteresse de plus pregraves agrave drsquoautres aspects (par exemple aux aspects pragma-discursifs aux interjections et onomatopeacutees aux pheacutenomegravenes de reacutepeacutetition aux heacutesitations aux pauses aux reformulations etchellip) Ainsi ces composeacutes ne constituent des laquo bruits raquo de lrsquooral que dans le cadre strict et exclusif de cette analyse

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

258

6242 Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES]

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe ci-dessous (Figure 18) repreacutesente le poids moyen des particules discursives (Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES])

Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES] moyenne tacircches 1 2 et 3 - moyennes groupes contr vs agr

95105

87

209

135

100

0

10

20

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3

MOY_contr

MOY_agr

Figure 18 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1

2 et 3 moyennes de groupes

Globalement le groupe controcircle montre des proportions toujours infeacuterieures agrave celles du groupe agrammatique et ce toutes tacircches confondues162

Ce reacutesultat appuie encore le constat deacutejagrave fait preacuteceacutedemment la cateacutegorie des particules de discours est globalement preacuteserveacutee chez les agrammatiques en geacuteneacuteral et mecircme largement sur-employeacutee en production de discours spontaneacute ougrave elle repreacutesente plus de 20 des corpus de niveau 2 de preacute-traitement (crsquoest-agrave-dire les corpus composeacutes essentiellement de mots extraits et de particules de discours) contre moins de 10 en moyenne pour le groupe controcircle

162 Alors que le calcul fondeacute sur le nombre de mots produits ne permettait de voir cette tendance que pour la tacircche 1 drsquoougrave lrsquointeacuterecirct de cette remise en perspective

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

259

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

De plus alors que les variabiliteacutes inter-tacircches et inter-sujets sont manifestement peu marqueacutees au sein du groupe controcircle163 (voir les graphes de donneacutees individuelles controcircles en Annexes I-703) le groupe agrammatique preacutesente des patrons de variabiliteacutes inter-tacircches et inter-sujets tout agrave fait reacuteguliers et coheacuterents164 suivant lesquels un effet de la tacircche se reacutepegravete dans chaque cas (voir Figure 19 ci-dessous)

Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES] - tacircches 1 2 et 36 agr

31

14

19

33

17

10

22

4

13

20

14

9

16

2

8

15

12

8

0

5

10

15

20

25

30

35

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3

Figure 19 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1

2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoapregraves ces donneacutees avec des proportions allant de 8 agrave 33 toutes tacircches et tous sujets agrammatiques confondus (voir Figure 20 ci-dessus) tous les agrammatiques manifestent des scores proches voire tregraves supeacuterieurs aux scores reacutefeacuterences controcircles agrave lrsquoexception du locuteur agrammatique 2 BR_agr En effet compareacute aux autres ce dernier utilise peu de particules de discours (soit respectivement 14 4 et 2 ) Mais celles-ci sont plutocirct des adverbes cateacutegorie encore tregraves accessible pour lui (voir au point 6232(b) p 254-255)

En reacutesumeacute nous constatons que plus la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute et plus la mise en discours agrammatique srsquoappuie sur lrsquoemploi de particules de discours Inversement dans tous les cas drsquoagrammatisme plus la tacircche de production est contraignante en termes de consigne et de preacutesence drsquoun stimulus et plus le poids des particules discursives srsquoaffaiblit

163 La variabiliteacute inter-sujets au sein du groupe controcircle est teacutenue Elle nous semble plutocirct lieacutee agrave des facteurs idiosyncrasiques 164 Variabiliteacutes que lrsquoon retrouve lorsque la variable est calculeacutee sur la base du nombre de mots produits (voir les graphes de donneacutees individuelles agrammatiques concernant la variable Prop PARTICULESMots Prod en Annexes H-630)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

260

Ces observations confirmeraient donc les tendances deacutejagrave deacutecrites plus avant en cas drsquoagrammatisme

Lrsquoemploi des conjonctions et adverbiaux en guise de particules de discours demeure preacuteserveacute cela est deacutemontreacute agrave travers le patron de variabiliteacute inter-groupes suivant lequel les proportions issues des corpus agrammatiques sont supeacuterieures aux proportions issues des corpus controcircles En outre on peut notamment relier la variable Prop PARTICULES agrave la variable Long Moy E Seg(Mots ext) examineacutee au point 6123 (voir p 238) En effet nous avons constateacute que les eacutenonceacutes se raccourcissent agrave mesure que la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute Ce qui nous amegravene agrave suggeacuterer que globalement les agrammatiques srsquoappuient sur les emplois de conjonctions etou drsquoadverbiaux agrave valeur discursive en guise de palliatif du manque drsquoeacutelaboration interne phrastique

En outre les particules de discours semblent moins preacutesentes lorsque les uniteacutes de discours sont plus eacutelaboreacutees crsquoest-agrave-dire lorsque les capaciteacutes de formulation sont plus mobiliseacutees au profit du niveau micro-discursif En drsquoautre termes lrsquoagrammatique mobiliserait ses capaciteacutes cognitives pour ameacuteliorer la preacutecision grammaticale interne phrastique au deacutetriment des particules qui sont alors fragiliseacutees drsquoautant qursquoelles sont tregraves optionnelles Cela est tregraves caracteacuteristique des tacircches 2 et 3 qui sont les tacircches de production de discours continu un peu plus contrainte par la situation expeacuterimentale

Mecircme en cas de dysfonctionnement tregraves seacutevegravere les particules discursives constituent un appui strateacutegique cela est reacuteveacuteleacute agrave travers les patrons de variabiliteacute inter-tacircches qui se reacutepegravetent pour chacun des cas drsquoagrammatisme et notamment chez BR_agr qui malgreacute tout srsquoappuie surtout sur les adverbes

Pour finir COHEN et HEacuteCAEN 1975 citeacutes par GOODGLASS et MENN 1985 24) ont observeacute que les patients agrammatiques employaient de tregraves nombreux laquo mots vides remplisseurs raquo tels que but ou yrsquoknow165 Ce que ces auteurs appellent mots vides correspond selon notre grille drsquoanalyse agrave la fois aux remplisseurs interjectifs ou phatiques et aux particules de discours Drsquoapregraves cette donneacutee les auteurs nuancent la theacuteorie de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort (exposeacutee au point 24 p 58) car elle ne peut expliquer de maniegravere coheacuterente lrsquoabondance de ce type de mots dans le discours Notre solution est donc de concevoir que lrsquoagrammatique est limiteacute sur le plan de lrsquoorganisation intra-phrastique (contraint drsquoorganiser les eacutenonceacutes sur la base drsquoun style elliptique avec de courts eacutenonceacutes) et non sur le plan discursif (avec une deacutemultiplication du nombre drsquouniteacutes-eacutenonceacutes et de particules discursives)

Nous pensons qursquoil est donc leacutegitime drsquoopeacuterer une dissociation entre ces deux niveaux drsquoorganisation linguistique dans lrsquoagrammatisme en particulier

165 Cette observation converge eacutegalement avec celles de MENN amp OBLER 1990 (voir au point 4925(a) p 169)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

261

625 Reacutepartition des mots de classe ouverte et des mots de classe fermeacutee Prop MCO et Prop MCF

Le nombre de mots de classe ouverte (ou morphegravemes lexicaux) ayant eacuteteacute releveacute parmi les mots extraits il est possible drsquoexaminer de pregraves la reacutepartition des mots de classe ouverte (Prop MCO) et des mots de classe fermeacutee (Prop MCF) au sein des corpus de mots extraits

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-groupes

Les deux graphes suivants reflegravetent les proportions moyennes de MCO (Prop MCO Figure 20 ci-dessous agrave gauche) et de MCF (Prop MCF Figure 20 ci-dessous agrave droite) selon les tacircches et selon les groupes

On observe que pour les tacircches 1 2 3 et 4 les corpus reacutefeacuterences contiennent respectivement 51 52 50 et 54 de mots de classe ouverte (Prop MCO voir Figure 20 ci-dessous agrave gauche) Les proportions moyennes de mots de classe fermeacutee crsquoest-agrave-dire de morphegravemes grammaticaux libres ou mots fonctions srsquoeacutelegravevent respectivement agrave 49 48 50 et 46 (Prop MCF voir Figure 20 ci-dessous agrave droite)

En conclusion la reacutepartition MCO MCF est agrave peu de chose pregraves de lrsquoordre de 50 50 dans lrsquooral ordinaire

Prop MCO moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

51 52 5054

6663

6056

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Prop MCF moyennes - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

49 48 5046

3437

4044

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 20 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO agrave gauche) et proportion de mots

de classe fermeacutee (Prop MCF agrave droite) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

En revanche dans les corpus agrammatiques le poids moyen des mots de classe ouverte est plus eacuteleveacute dans chaque tacircche (respectivement 66 63 60 et 56 voir Figure 20 ci-dessus agrave gauche en hachureacute) En conseacutequence le poids moyen des mots de classe fermeacutee est plus faible (respectivement 34 37 40 et 44 Figure 20 ci-dessus agrave droite en hachureacute)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

262

En reacutesumeacute

le poids moyen des mots de classe ouverte est plus eacuteleveacute pour le groupe agrammatique compareacute au groupe controcircle

le poids moyen de mots de classe fermeacutee est plus faible pour le groupe agrammatique compareacute au groupe controcircle

Ainsi du point de vue de la variabiliteacute inter-groupes la reacutepartition est en moyenne agrave la faveur des mots de classe ouverte (MCO) chez les agrammatiques ce agrave quoi on pouvait srsquoattendre

Manifestement ces donneacutees reflegravetent la rareacutefaction des morphegravemes grammaticaux au sein des corpus agrammatiques les agrammatiques ont donc geacuteneacuteralement moins recours aux mots de classe fermeacutee (MCF) relativement aux mots de classe ouverte (MCO)

(b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique stabiliteacute et variabiliteacute inter-tacircches

Les graphes suivants (Figure 21 ci-dessous) restituent les mecircmes donneacutees quantitatives que preacuteceacutedemment concernant les variables Prop MCO et Prop MCF Ce graphe permet simplement de visualiser les mecircmes reacutepartitions selon les groupes puis selon les tacircches

Prop MCO et Prop MCF moyennes - tacircches 1 2 3 et 4 moyennes groupe contr

51

52

50 54

49

48

50 46

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop MCF

Prop MCO

Prop MCO et Prop MCF moyennes - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupe agr

66

63

60

56

34

37

40

44

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop MCF

Prop MCO

Figure 21 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO en bas) et proportion de mots

de classe fermeacutee (Prop MCF en haut) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite)

Ainsi agrave travers la reacutepartition de la totaliteacute des mots extraits (100 ) suivant leur eacutetiquette MCO ou MCF nous deacutegageons les deux principales observations suivantes

la stabiliteacute inter-tacircches est tregraves caracteacuteristique des corpus controcircles En effet en production orale ordinaire ou laquo normale raquo de discours continu (tacircches 1 2 et 3) et de phrases (tacircche 4) les poids des morphegravemes lexicaux et des morphegravemes grammaticaux se reacutepartissent pour

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

263

moitieacute dans chacune des deux classes de morphegravemes166(voir Figure 21 ci-dessus agrave gauche en couleur unie) Drsquoautre part les diffeacuterences inter-sujets au sein du groupe controcircle sont neacutegligeables Les donneacutees individuelles concernant le groupe controcircle illustrent la stabiliteacute de la reacutepartition des points de vue inter-tacircches et inter-sujets167(voir les graphes de donneacutees controcircles concernant les Prop MCO et Prop MCF en Annexes I-692)

lrsquoinstabiliteacute ou la variabiliteacute inter-tacircches qui elle est assez manifeste dans les corpus agrammatiques (voir Figure 20 ci-dessus agrave droite en hachureacute) En effet la variabiliteacute inter-tacircches observeacutee ici qui caracteacuterise en particulier le groupe agrammatique plaide en faveur de lrsquohypothegravese de lrsquoexistence drsquoune proceacutedure de structuration morpho-lexicale particuliegravere

En conclusion le recours preacutefeacuterentiel au style elliptique repose sur la rareacutefaction des morphegravemes grammaticaux (plutocirct que sur celle des morphegravemes lexicaux) dans les corpus agrammatiques

Cela nrsquoest pas eacutetonnant Ce qui nous surprend plus crsquoest que les morphegravemes grammaticaux sont de moins en moins rares agrave mesure que la tacircche de production est contrainte

Voyons cela de plus pregraves agrave travers une eacutetude des donneacutees individuelles agrammatiques

166 La reacutepartition est un peu diffeacuterente pour la tacircche 4 par rapport aux autres tacircches En effet la formulation des phrases impliquent une reacutepartition MCO MCF agrave la faveur de la cateacutegorie MCO Ce reacutesultat constitue une mesure reacutefeacuterence de la reacutepartition MCO MCF induite par les structures de phrases cibles choisies pour le test ougrave il fallait agrave chaque fois speacutecifier lexicalement la preacutedication 167 Cela peut constituer en soi un reacutesultat probant sur le fait qursquoen franccedilais oral les eacutenonceacutes se structurent sur la base drsquoune reacutepartition laquo 50-50 raquo des mots dans chacune des classes de morphegravemes MCO et MCF

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

264

(c) Donneacutees individuelles variabiliteacute inter-sujets agrammatiques et inter-tacircches

Agrave la diffeacuterence du groupe controcircle et concernant la variable Prop MCF les variabiliteacutes inter-sujets agrammatiques et inter-tacircches (surtout si lrsquoon compare les tacircches 1 et 4) sont assez marqueacutees (voir Figure 22)

Prop MCF - tacircches 1 2 3 et 46 agr

2118

40

30

46 47

36

17

39

31

44

54

3328

3842

48 50

38

31

4845

4952

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 22 Proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF) pour les tacircches 1 2 3 et 4

donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoapregraves ces donneacutees individuelles on peut deacutegager trois groupes de locuteurs en fonction du niveau drsquoalteacuteration des morphegravemes grammaticaux occasionneacutee par le dysfonctionnement sous-jacent et par le recours au style elliptique

le groupe de locuteurs 5 PB_agr et 6 TH_agr (les plus agrave droite des graphiques) pour qui les reacutepartitions MCO MCF sont toutes tacircches confondues assez proches drsquoune reacutepartition laquo normale raquo (toutefois les proportions de MCF demeurent leacutegegraverement en-deccedilagrave des performances observeacutees chez les locuteurs controcircles)

le groupe de locuteurs 3 MC_agr et 4 SB_agr (dans la partie centrale des graphiques) pour qui les reacutepartitions MCO MCF reflegravetent un deacuteficit-sous jacent plus aigu

le groupe de locuteurs 1 PC_agr et 2 BR_agr (les plus agrave gauche des graphiques) pour qui les reacutepartitions MCO MCF sont les plus deacutefavorables aux MCF ce qui traduit le deacuteficit sous-jacent le plus aigu compareacute aux autres locuteurs

Notons que mecircme en cas de deacuteficit tregraves aigu (comme dans le cas de 2 BR_agr) les morphegravemes grammaticaux ne sont jamais complegravetement absents

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

265

On remarque aussi un patron inter-tacircches systeacutematique plus lrsquoagrammatique vise un haut degreacute de preacutecision grammaticale et plus il sollicite la classe des morphegravemes grammaticaux pour structurer ses phrases (tacircche 4) Autrement dit moins il a recours au style elliptique

Ainsi pour quelle raison la formulation grammaticale devient-elle de moins en moins elliptique agrave mesure que la tacircche de production induit plus de preacutecision grammaticale Et agrave lrsquoinverse pourquoi le style elliptique srsquoaccentue-t-il agrave mesure que la tacircche gagne en spontaneacuteiteacute Comment expliquer les variations de style elliptique qui srsquoopegravere prioritairement au deacutetriment des morphegravemes grammaticaux

Dans la large cateacutegorie des mots de classe fermeacutee nous avons proceacutedeacute agrave une analyse quantitative plus deacutetailleacutee des freacutequences drsquoemploi de morphegravemes grammaticaux preacutecis tels que les deacuteterminants les pronoms et les preacutepositions agrave travers les variables Indice DET Prop PRO et Prop PREP Nous exposons en deacutetail les reacutesultats attacheacutes agrave chacune de ces variables preacutecises ci-apregraves ce qui nous permettra drsquoapprofondir les questions susciteacutees par lrsquoexamen des freacutequences drsquoemploi de lrsquoensemble des MCF

626 Indice de deacutetermination Indice DET

La variable Indice DET reflegravete le taux de deacuteterminants effectivement preacutesents en contextes obligatoires

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe suivant repreacutesente pour les quatre tacircches de production orale les reacutesultats moyenneacutes par groupes avec leurs eacutecarts-types (Figure 23)

Indice DET moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

1 109990997

059

081

093091

00

05

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 23 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

266

Toutes tacircches confondues les Indices DET controcircles sont tous pratiquement eacutegaux agrave 1 avec une variabiliteacute quasi-nulle (Figure 23 p 265 les points gris du haut) Cela signifie que outre 2 omissions releveacutees dans les corpus controcircles tous les deacuteterminants eacutetaient preacutesents dans leur contexte obligatoire respectif

Par contre dans les corpus agrammatiques on a releveacute des omissions de deacuteterminants plus ou moins freacutequentes selon la tacircche (Figure 23 ci-dessus les points noirs repreacutesentant les indices 059 081 091 et 093 respectivement pour les tacircches 1 2 3 et 4) Cela traduit le fait que plus la tacircche est contraignante et plus les deacuteterminants sont effectivement produits Cela va dans le sens des analyses reacutealiseacutees pour la variable globale Prop MCF (voir 625 p 261) Drsquoautre part on observe une variabiliteacute inter-sujets agrammatiques tregraves marqueacutee

Agrave travers ces reacutesultats deux questions eacutemergent

comment expliquer la variabiliteacute inter-tacircches caracteacuteristique des Indices DET agrammatiques qui semble lieacutee au degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee

est-ce que lrsquoaccroissement de lrsquoIndice DET pourrait ecirctre correacuteleacute agrave un accroissement des pheacutenomegravenes de substitutions entre deacuteterminants

Srsquoagissant de la premiegravere question le recours variable au style elliptique selon la tacircche srsquoexplique par les adaptations preacuteventives aboutissant agrave la rareacutefaction de certains morphegravemes grammaticaux Bien sucircr ce nrsquoest pas le dysfonctionnement sous-jacent qui varie drsquoune tacircche agrave lrsquoautre mais bien la freacutequence des ellipses grammaticales attacheacutees agrave la structuration morpho-syntaxique des SN Ces ellipses grammaticales sont plus typiques du discours continu spontaneacute (tacircche 1) que de la production de phrases isoleacutees drsquoapregraves un stimulus visuel (tacircche 4)

Srsquoagissant de la deuxiegraveme question un examen un peu plus pousseacute des types de deacuteterminants employeacutes pourraient mieux nous renseigner Pour ce faire les donneacutees individuelles agrammatiques sont commenteacutees ci-apregraves

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

267

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Le patron de variabiliteacute inter-tacircches deacutecrit (voir au point preacuteceacutedent 626(a) p 265-266) ressort dans 4 cas sur 6 (voir Figure 24 ci-dessous) Par ailleurs la variabiliteacute inter-sujets est tregraves marqueacutee au sein du groupe

Indice DET - tacircches 1 2 3 et 46 agr

041

029

071

021

097 096

082

037

096

073

100 100

093

067

099

090

100 100094

069

099096

100 100

00

05

10

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 24 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees

individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

En effet les performances des locuteurs 5 PB_agr et 6 TH_agr sont tregraves proches de la normale Toutes tacircches confondues on a releveacute seulement deux absences de deacuteterminants pour chacun drsquoeux (avec des Indices DET de 097 et 096 dans la tacircche 1 voir Figure 24 ci-dessus)

Par contre en production de discours spontaneacute (toujours la tacircche 1) les quatre autres locuteurs agrammatiques (1 PC_agr 2 BR_agr 3 MC_agr et 4 SB_agr) omettent les deacuteterminants beaucoup plus freacutequemment agrave des degreacutes variables selon les sujets Ainsi respectivement 41 29 71 et 21 des deacuteterminants obligatoires sont effectivement preacutesents dans la chaicircne syntagmatique (proportions traduites par les Indices DET de 041 029 071 et 0 21)

Drsquoautre part en production verbale plus contrainte par les conditions expeacuterimentales (tacircche 2 3 et 4) et en particulier en production de phrases isoleacutees (tacircche 4) on constate que les Indices DET srsquoameacuteliorent sensiblement

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

268

Les exemples suivants issus des corpus de PC_agr illustrent cette tendance Ils correspondent respectivement aux tacircches 1 (eacutenonceacute ndeg111) 2 (eacutenonceacutes ndeg2 et ndeg3) 3 (eacutenonceacute ndeg5) et 4 (eacutenonceacute ndeg53) Ainsi on remarquera surtout entre les productions des tacircches 1 et 4 les diffeacuterences lieacutees agrave la preacutesence et agrave lrsquoabsence de deacuteterminants devant les noms

111 PC_agr1 euh briquets euh voilagrave briquets euh stylos stylos hum euh (3) casquettes casquettes blousons

E Seg Non-Can Juxtaposition(SNSNSNSN) de Noms isoleacutes eacutenumeacuteration 4 DETom(des)

Annexe H-437

2 PC_agr2b et feu le euh le hum souffler souffler SN-ODir(feu) anteacuteposeacute SN-Som(Cendrillonelle) DETom(le)

3 PC_agr2b et (4) le sœur euh euh euh le merde le s- le le sœur ben pfff le sœur

DETsubst(lagtle)

Annexe H-444

5 PC_agr3-MJ01 les pommes les pommes (3) les pommes (3) euh mange (3) mange (3) les p- les pommes mange

SN-ODir anteacuteposeacute (les pommes) SN-Som(lrsquohomme) topicaliseacute dans lrsquoeacutenonceacute 3 laquo lrsquohomme mange les pommes raquo

Annexe H-447

53 PC_agr4 la megravere la megravere (4) la megravere frotte (3) frotte euh (5) les dents

PROreflom(se)

Annexe H-460

En reacutesumeacute malgreacute une variabiliteacute inter-sujets agrammatiques assez notable lieacutee agrave la seacuteveacuteriteacute du trouble ou au niveau de reacutecupeacuteration la variabiliteacute inter-tacircches de lrsquoIndice DET qui reflegravete plutocirct les conduites strateacutegiques drsquoellipse grammaticale que le dysfonctionnement sous-jacent est agrave assez bien marqueacutee dans la majoriteacute des cas drsquoagrammatisme

Abordons agrave preacutesent les aspects plutocirct qualitatifs de lrsquoemploi des deacuteterminants

Drsquoautre part la deacutetermination du nom srsquoappuie notamment sur lrsquoemploi drsquoadjectifs numeacuteraux en guise de marqueur du pluriel et sur lrsquoemploi drsquoadverbes en guise de quantificateurs tels que beaucoup de Cela est assez notable dans de nombreux corpus agrammatiques Les deux eacutenonceacutes suivants reflegravetent ce type de pheacutenomegravene deacutejagrave caracteacuteriseacute par NESPOULOUS (voir 2452 p 76) sous le terme de strateacutegie palliative

10 BR_agr1 deux trois jours coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

11 BR_agr1 plus-tard [kegym] DETom(un) Deformphon(leacutegumegt[kegym])

Annexe H-462

7 BR_agr3-MJ08 euh deux euh oui (2) [kʀiʀe] (2) deux [l] arbres (4)

Deformphon(tirergt[kʀiʀe]) Deformphon(deux[z]arbresgtdeux[l]arbres) subst de consonne intervocalique DETom(les) les deux arbres

Annexe H-479

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

269

32 BR_agr1 beaucoup de sport moi ADVmod(beaucoup)

Annexe H-464

1 BR_agr2a un petit euh euh toi une un petit fille (3) aller (55) aller euh euh (5) beaucoup des arbres

laquo +1mn DETsubst(unegtun) Flexomfem(unegtunpetitegtpetit) mais le genre fem est marqueacute par laquo toi une raquo (exp=gt raquotoi raquofem) PREPom(dans)+la forecirct laquo beaucoup des arbres raquo = peacuteriphrases pour laquo forecirct raquo

Annexe H-469

Par ailleurs dans lrsquoeacutenonceacute ci-dessous (ndeg11) lrsquoemploi de un au lieu de le dans les cas ougrave le reacutefeacuterent a deacutejagrave eacuteteacute activeacute et expliciteacute en amont dans le discours nous pousse agrave croire qursquoil srsquoagit drsquoune strateacutegie drsquoemploi par deacutefaut de lrsquoarticle un

Il est difficile de savoir par ailleurs si cette forme est preacutefeacuterentiellement employeacutee du fait de son homophonie avec lrsquoadjectif numeacuteral un qui appartient agrave la cateacutegorie des morphegraveme de classe ouverte plutocirct preacuteserveacutee et plus facile agrave encoder chez les agrammatiques

11 BR_agr3-MJ03 un homme sel (4) laquo lrsquohomme qui a mis du sel raquo

Annexe H-476

De plus certaines absences de deacuteterminant pourraient aussi bien ecirctre deacutecrites comme des substitutions intra-cateacutegorielles bien particuliegraveres qui reviendraient agrave recourir preacutefeacuterentiellement au morphegraveme zeacutero Ce pheacutenomegravene pourrait srsquointerpreacuteter comme refleacutetant un strateacutegie drsquoemploi drsquoun morphegraveme par deacutefaut choisi pour son caractegravere eacuteleacutementaire et basique qui en fait un morphegraveme peu couteux agrave encoder Seule une eacutetude plus qualitative et systeacutematique de la deacutetermination du nom en comparaison avec les corpus controcircles pourrait nous renseigner sur ce point

Drsquoautre part les pheacutenomegravenes de substitutions entre deacuteterminants ne sont pas neacutegligeables Il peut srsquoagir de substitutions entre articles deacutefinis et indeacutefinis (comme deacutecrit dans le paragraphe ci-dessus et tel que dans lrsquoeacutenonceacute suivant un singe au lieu de le singe) ou de substitutions entre flexions au feacuteminin et au masculin ou entre articles du pluriel et du singulier

2 BR_agr3-MJ09 euh euh un p- singe mange le banane DETsubst(legtun) + singe DETsubst(lagtle) + banane

Annexe H-480

11 MC_agr4 les enfants boient sur non PREPajout(sur)

MC_agr4 les enfants boivent (25) une verre (2) de lait PREPcor(de) DETsubst(ungtune)

Annexe H-508

32 MC_agr4 le pegravere filme (3)

MC_agr4 le pegravere filme (3) contre (25) le maman

Reform- PREPajout(contre) + le maman DETsubst(lagtle) + maman

Annexe H-513

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

270

38 SB_agr1 donc euh donc euh travailler maintenant euh euh un le euh (2) fonctionnaliteacute

ADVdisc(un) accentueacute ordinal Enumeacuteratif ADVdisc(un) laquo drsquoabord premiegraverement drsquoune part raquo DETsubst(lagtle)

Annexe H-520

42 SB_agr2b et hum (4) [ə] la agrave la mais- non dans le maison deux jeunes f- trois jeunes filles enfin tr- trois

DETsubst(legtla) + maison laquo il y a 3 filles 2 filles essayent les pantoufles raquo DETom(les) + trois jeunes filles

Annexe H-529

2 PB_agr3-MJ09 il y a euh des euh des euh des euh singes euh dans une cage

DETsubst(ungtdes) + singe

3 PB_agr3-MJ09 il y a un un singe Autocor+(desgtun)

Annexe H-562

En conclusion du point de vue quantitatif les variations inter-tacircches de freacutequences drsquoemploi de deacuteterminants constituent une illustration probante du principe drsquoadaptation preacuteventive (crsquoest-agrave-dire de recours au style elliptique) De plus la variabiliteacute inter-individus permet drsquoenvisager les performances selon le degreacute de dysfonctionnement sous-jacent particulier agrave chacun des cas

Du point de vue qualitatif lrsquoeacutebauche drsquoanalyse des diffeacuterents types de deacuteterminants preacutesents ainsi que des diffeacuterents types de substitutions entre deacuteterminants permet drsquoillustrer une strateacutegie palliative caracteacuteristique de lrsquoagrammatisme (telle que la strateacutegie drsquoemploi drsquoun morphegraveme par deacutefaut ou plus simple agrave encoder dans la chaicircne syntagmatique)

En outre les freacutequences de substitutions entre deacuteterminants ne sont pas neacutegligeables et peuvent ainsi corroborer lrsquohypothegravese du continuum entre agrammatisme et paragrammatisme De ce fait il est possible de remettre en question la double-dissociation classiquement opeacutereacutee entre ces deux types de troubles en la nuanccedilant par une eacutetude plus systeacutematique des freacutequences et des types drsquoomissions etou de substitutions entre deacuteterminants

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

271

627 Proportion de pronoms Prop PRO

Ce ratio correspond agrave la part des pronoms employeacutes par rapport agrave lrsquoensemble des noms et des pronoms preacutesents dans les corpus (Prop PRO pour les deacutetails concernant cette variable voir le chapitre 5 au point 5216 p 191 et 5227 p 201)

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Prop PRO moyenne [PRO(PRO+N)] - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

53

4541

8

36

2218

6

0

50

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 25 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

Les proportions moyennes lieacutees agrave lrsquoemploi des pronoms par rapport agrave lrsquoensemble des uniteacutes reacutefeacuterentielles varient du point de vue du type de tacircche de production concerneacutee (Prop PRO Figure 25 ci-dessus) qursquoil srsquoagisse du groupe controcircle ou du groupe agrammatique

En effet on peut remarquer que la reacutefeacuterence au sein du discours srsquoorganise plus autour des pronoms en production de reacutecit autobiographique (tacircche 1) que dans les autres types de production (en reacutecit de contes drsquohistoires ineacutedites et en production de phrases isoleacutees168) ougrave agrave lrsquoinverse la reacutefeacuterence srsquoorganise plutocirct agrave la faveur de lrsquoemploi de noms

168 Les proportions obtenues agrave partir des releveacutes reacutealiseacutes sur les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) ne doivent ecirctre lues que comme des valeurs indicatives qui traduisent le fait que mecircme si la consigne et les stimuli nrsquoimpliquaient pas lrsquoemploi de pronoms speacutecialement on en a toutefois releveacute quelques occurrences En effet les structures cibles devaient forceacutement comporter des mots lexicaux pour speacutecifier preacuteciseacutement la reacutefeacuterence aux entiteacutes du monde dans chaque image ce qui implique que la part de pronoms employeacutes est tregraves

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

272

Ainsi ce patron de variabiliteacute inter-tacircches est propre agrave tous les corpus qursquoils soient controcircles ou agrammatiques Il nous indique par quel moyen plutocirct grammatical (emploi de pronoms) ou lexical (emploi de noms) srsquoorganise la reacutefeacuterence selon les caracteacuteristiques intrinsegraveques aux diffeacuterents types de discours cibles169 Selon nous cet variabiliteacute inter-tacircches nrsquoest pas un indice de proceacutedures drsquoadaptations particuliegraveres mais des caracteacuteristiques propres agrave chaque type de discours cible

Par exemple le reacutecit autobiographique motive lrsquoemploi du pronom je

6 GG_contr1 donc euh jrsquoai fait un tregraves joli vol planeacute

7 GG_contr1 et puis je suis venu quand-mecircme bosser

8 GG_contr1 je suis remonteacute s- jrsquoai reacuteussi agrave remonter sur mon veacutelo agrave venir travailler parce-que crsquoeacutetait moi qui ouvrais

9 GG_contr1 crsquoeacutetait je venais agrave huit heures

exp mais tu trsquoes fait mal ougrave

10 GG_contr1 eh-ben je me suis complegravetement retourneacute un pied Annexe I-635

alors qursquoen narration de conte ou drsquohistoire les emplois de pronoms sont moins caracteacuteristiques et la reacutefeacuterence aux diffeacuterents personnages de lrsquohistoire raconteacutee neacutecessitent drsquoemployer plus de noms

22 GG_contr2a et puis le petit chaperon rouge il est il est rentreacute chez sa grand-megravere

23 GG_contr2a la porte srsquoest ouverte

24 GG_contr2a il est rentreacute chez sa grand-megravere et a discuteacute avec sa grand-megravere

25 GG_contr2a et puis il srsquoest aperccedilu que sa grand-megravere avait des bien grandes dents Annexe I-638

Pour finir la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4) nrsquoimpliquaient pas la production drsquoune pleacutethore de pronoms Seules quelques phrases pouvaient impliquer la production de pronoms obligatoires notamment reacutefleacutechis ou reacuteciproques

Sinon il eacutetait toujours neacutecessaire de speacutecifier lexicalement les reacutefeacuterents en adeacutequation avec lrsquoimage

55 GG_contr4 le pegravere se segraveche les cheveux

56 GG_contr4 le fils se regarde dans un miroir Annexe I-647

neacutegligeable en production de phrases isoleacutees du fait mecircme des caracteacuteristiques de cette tacircche par rapport aux autres tacircches 169 On retiendra le principe suivant lorsqursquoun patron de variabiliteacute est le mecircme pour les deux groupes crsquoest-agrave-dire lorsqursquoil se reacutepegravete dans les cas normaux comme dans les cas drsquoaphasie celui-ci est ducirc agrave la faccedilon dont le type de discours en jeu srsquoeacutelabore Ainsi dans cette situation la variabiliteacute quantitative inter-tacircches srsquoexplique dans une certaine mesure indeacutependamment du dysfonctionnement et des adaptations

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

273

En reacutesumeacute si lrsquoon compare les groupes entre eux toutes tacircches confondues les agrammatiques semblent organiser la reacutefeacuterence par des moyens lexicaux plutocirct que grammaticaux En effet pour eux les proportions de pronoms sont en geacuteneacuteral toujours plus faibles

Drsquoautre part le patron geacuteneacuteral de variabiliteacute inter-tacircches observeacute pour le groupe agrammatique ressort eacutegalement chez les sujets controcircles Cela signifie que cette variabiliteacute inter-tacircches qui nrsquoest pas speacutecifique au groupe agrammatique ne reflegraveterait pas de strateacutegies drsquoorganisation de la reacutefeacuterence pronominale particuliegravere agrave lrsquoagrammatisme et serait un effet du type de discours cible en jeu

Un examen des aspects quantitatifs et qualitatifs du point de vue individuel peut nous donner plus drsquoinformations (voir ci-apregraves)

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Concernant la variable Prop PRO la variabiliteacute inter-sujets agrammatiques est extrecircmement forte Les donneacutees individuelles (voir ci-dessous Figure 26) en teacutemoignent

Prop PRO - tacircches 1 2 3 et 46 agr

2521

39

32

41

57

24

2

13

4

40

50

17

0

11 9

4034

7

0

64 5

12

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 26 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees

individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoapregraves les donneacutees individuelles relatives agrave chaque cas drsquoagrammatisme il faut noter que 6 TH_agr du point de vue de lrsquoemploi des pronoms preacutesente un patron de performances quasiment laquo normal raquo

Drsquoautre part la grammaticalisation de la reacutefeacuterence par lrsquoemploi de pronoms preacutesente des caracteacuteristiques propres agrave chacun

Nous ne commenterons pas chacun des cas Nous attirons seulement lrsquoattention sur le fait que les agrammatiques en geacuteneacuteral emploient le pronom tonique fort moi (topicaliseacute en tecircte drsquoeacutenonceacute) au lieu du pronom clitique je

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

274

Dans les extraits de corpus agrammatiques ci-dessous on observe par ailleurs que le SN-S (je actualiseacute sous sa forme tonique moi) une fois introduit dans le discours est facilement implicite car il est topicaliseacute par ailleurs

33 MC_agr1 parce-que le bras et la jambe ccedila couper et ccedila couper-lagrave

34 MC_agr1 moi gauche ccedila va

35 MC_agr1 euh la parole ccedila va

36 MC_agr1 mais moi agrave droite couper

Annexe H-493

5 BR_agr1 euh moi euh match euh (2) de volley DETom(un) + match PREPcor(de)

6 BR_agr1 euh (6) revenir moi revenir

7 BR_agr1 plus-tard coucher

8 BR_agr1 plus-tard euh (3) [tRo] [falm] pas bien Deformphon(trop faiblegt[tRo] [falm])

Annexe H-462

Pour finir certaines freacutequences eacuteleveacutees drsquooccurrences de pronoms repreacutesenteacutees dans le graphe de la page preacuteceacutedente (voir par exemple 5 PB_agr Figure 26) peuvent notamment srsquoexpliquer par un usage presque systeacutematique de certains types de pronoms tels que les pronoms neutres ccedilrsquo ccedila ou indeacutefinis tels que il et y dans il y a

Cela est tregraves caracteacuteristique des corpus de PB_agr

18 PB_agr1 enfin euh crsquoest des euh alors crsquoest euh du rafting avec euh du euh

0 V-FLEX DETartpart(du) Ab

19 PB_agr1 il y a drsquoautres euh techniques

20 PB_agr1 il y a du rafting avec euh des euh X paaa- pa- avec euh des euh une euh crsquoest euh ah crsquoest euh une euh avec canoeuml

Rechlex PREPsubst(engtavec) + canoeuml

21 PB_agr1 et puis aussi il y a euh un deux trois quatre cinq six euh hommes avec un moniteur euh qui sont fait euh des euh rafting aussi

Lggautomat V-FLEXsubst(ontgtsont)

22 PB_agr1 enfin bon lagrave ccedila va 0 V-FLEX

23 PB_agr1 crsquoest une journeacutee 0 V-FLEX laquo la premiegravere journeacutee ccedila allait raquo

24 PB_agr1 et euh ccedila va 0 V-FLEX

Annexe H-544

Drsquoautre part lors drsquoune conversation avec SB_agr me montrant son fils qui marchait dans la rue la structure suivante a eacuteteacute formuleacutee crsquoest ccedila Antoine pour crsquoest lui Antoine

Cet exemple tireacute drsquoune situation authentique illustre le fait que mecircme lorsque le contexte pragmatique exige un haut degreacute de focalisation la deixis srsquoeacutelabore de preacutefeacuterence au moyen de formes faibles et mecircme neutres au deacutetriment des formes fortes et toniques

En conclusion la variabiliteacute inter-tacircches eacutemanant des corpus controcircles nous semblaient reproduites chez le groupe agrammatique et ne nous semblaient par conseacutequent nrsquoavoir probablement pas de signification particuliegravere

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

275

Mais en eacutetudiant les donneacutees individuelles de plus pregraves celles-ci nous paraissent refleacuteter des strateacutegies drsquoemploi de formes fortes topicaliseacutees et parfois implicites (comme moi) ou au contraire drsquoemploi par deacutefaut de formes faibles ou neutres

628 Proportion de preacutepositions Prop PREPMots ext

La variable Prop PREPMots ext (proportion de preacutepositions) a eacuteteacute calculeacutee sur la base du nombre de mots extraits

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe ci-dessous (Figure 27) permet de voir que toutes tacircches confondues les preacutepositions sont geacuteneacuteralement moins freacutequentes au sein des corpus agrammatiques (avec des proportions allant de 48 agrave 74 ) compareacute aux corpus controcircles (avec des proportions allant de 9 agrave 12 )

Prop PREPMots ext moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

9096

120

100

51 48

64

74

0

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 27 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4

moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

276

La rareteacute drsquoemploi de preacutepositions observeacutee chez les agrammatiques reflegravete le recours agrave des strateacutegies drsquoellipse grammaticale de ces morphegravemes probleacutematiques et ce toutes tacircches confondues En teacutemoignent les exemples suivants

25 PC_agr1 oui alors sortir hum hum (5) Eau PREPom(drsquo)

Annexe H-430

45 PC_agr4 le journal la fille la fille precircte lrsquohomme precircte lrsquohomme non

SN-ODir anteacuteposeacute PREPom(agrave) preacutesence des 3 arguments

Annexe H-459

9 BR_agr1 euh moi coma PREPom(dans) + DETom(le) + coma

Annexe H-462

17 BR_agr4 une un monsieur lit le lit PREPom(agrave) amalgame non reacutealiseacute DETcor(le)

Annexe H-484

5 MC_agr4 le pegravere teacuteleacutephone un copain PREPom(agrave)

Annexe H-508

29 SB_agr2b et jeun- jeune homme (2) prince en-fait euh (2)

danser [saelig] Cendrillon

DETom(le) PREPom(avec) intonation descendante

Annexe H-492

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Toujours au sujet de la variable Prop PREPMots ext au sein du groupe agrammatique les donneacutees individuelles teacutemoignent drsquoune variabiliteacute inter-sujets tregraves forte (Figure 28 ci-dessous)

Prop PREPMots ext - tacircches 1 2 3 et 46 agr

03

21

65

44

81

93

14

23

39

67 67

82

2834

79

68

82

95

00

56

99

88 86

117

0

10

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 28 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4

donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

277

Comme pour les variables Prop MCF Indice DET et Prop PRO trois groupes de sujets se deacutegagent drsquoapregraves les niveaux globaux de performances le groupe de 1 PC_agr et 2 BR_agr puis le groupe de 3 MC_agr 4 SB_agr et 5 PB_agr et enfin 6 TH_agr qui preacutesente le patron de performance le plus laquo normal raquo

Drsquoabord les sujets 1 PC_agr et 2 BR_agr sont ceux qui ont le plus rarement recours aux preacutepositions (voire pas du tout pour 1 PC_agr dans la tacircche 4 voir les exemples deacutejagrave citeacutes dans le paragraphe preacuteceacutedent)

Ensuite les cas de 3 MC_agr 4 SB_agr et 5 PB_agr constituent un groupe intermeacutediaire pour lequel les freacutequences drsquoemploi de preacutepositions sont assez importantes

Parmi eux commentons le cas singulier de 3 MC_agr chez qui on a observeacute de nombreux pheacutenomegravenes de substitutions entre preacutepositions Dans lrsquoeacutenonceacute suivant par exemple il y a une confusion entre les preacutepositions dans et sous

3 MC_agr2a la fillette srsquoen va et arrive sous euh (2) sous euh une forecirct

PREPsubst(dansgtsous) + une forecirct

Annexe H-497

De surcroicirct les substitutions entre preacutepositions sont tregraves rares en production de discours spontaneacute (tacircche 1) caracteacuteriseacute plutocirct par des omissions

En conseacutequence MC_agr170 semble ecirctre laquo de plus en plus paragrammatique et de moins en moins agrammatique raquo agrave mesure que le degreacute de preacutecision grammaticale viseacute srsquoaccroicirct Drsquoautre part il semble que la preacuteposition agrave soit tregraves souvent substitueacutee par une preacuteposition lexicale (contre sur dans etc) comme dans lrsquoexemple suivant

48 MC_agr4 le pegravere lit un conte (2) contre le garccedilon PREPsubst(agravegtcontre)

Annexe H-516

Pour finir les corpus de 6 TH_agr sont tous en termes de freacutequences drsquoemploi de preacutepositions les plus proches de la normale Toutefois on a pu quand mecircme relever de rares omissions comme par exemple agrave dans lrsquoeacutenonceacute suivant

75 TH_agr1 mais de la le la maison de retraite chez moi je revenu toute seule parce-que je marche beaucoup

PREPom(agrave) + chez moi laquo de la maison de retraite agrave chez moi raquo 0 V-FLEXsubst(je reviensgtje revenu)

Annexe H-575

170 Selon les moments le participant a des difficulteacutes speacutecifiques drsquoencodage de ces mots fonctionnels Durant le mois de la passation des tests selon lrsquoorthophoniste et selon les dires du patient les difficulteacutes touchaient en particulier contre dans sur etc mais cela laquo changeait raquo tous les mois (le mois suivant les difficulteacutes pouvaient toucher en particulier agrave et de)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

278

Drsquoautre part la preacuteposition pour semble preacutefeacuterentiellement employeacutee dans de nombreux eacutenonceacutes au sein des corpus agrammatiques (en particulier chez BR_agr)

3 BR_agr2a la forecirct pour aller rendre visite en une dame euh euh grand-pegravere non non (5)

PREPsubst(agravegten) Liaison non reacutealiseacutee(enune) PREPcor(pour)

Annexe H-469

20 BR_agr4 un homme prendre [a] lettre pour poster

Deformphon(lagt[a]) LEXVsusbt(postergtprendre) Vinf E Ph

Annexe H-484

3 SB_agr2a hum (5) traverser la forecirct pour la rencontrer le grand-megravere

PROajout(la) DETsubst(lagtle)

Annexe H-525

48 SB_agr4 le pegravere (2) euh lire un journal non hum bouquin ou le livre pour le garccedilon

V-FLEX(litgtlire) PREPsubst(agravegtpour)

Annexe H-541

41 PB_agr1 avec euh d- de-la mousse et tout euh pour euh faire euh des euh des rapides et tout

Annexe H-546

Nous avons releveacute des emplois de la preacuteposition par dans des tournures passives mais tregraves peu comme par exemple

8 MC_agr3-MJ7 le journal est deacutechireacute par (3) Paul non PASSIVE SN-Agentsubst(le chiengtPaul)

Annexe H-504

Certains sujets notamment SB_agr procegravedent souvent agrave des reformulations La capaciteacute du locuteur agrave planifier un eacutevitement pour le remplacer par une tournure qursquoil parvient agrave reacutealiser reflegravete la conscience qursquoil a de son deacuteficit de ses possibiliteacutes et des options grammaticales agrave exploiter qui lui sont offertes dans la langue La reformulation suivante (structure attendue le garccedilon se regarde dans le miroir) est initieacutee par une planification lineacuteaire des arguments autour du verbe pivot (le garccedilon miroir) avec ensuite une laquo vraie raquo erreur de substitution entre les preacuteposition agrave et dans et au final une autocorrection (overt-repair) couronneacutee de succegraves

56 SB_agr4 le garccedilon euh regarde huuum

SB_agr4 le garccedilon miroir alors Planification

SB_agr4 le garccedilon regarde au au miroir humm pas terrible ccedila PREPsubst(dansgtagrave)

SB_agr4 le garccedilon regarde (3) dans le miroir crsquoest mieux je pense

Autocor+ (PREP) PROreflom(se)

Annexe H-542

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

279

Drsquoautre part une reformulation de SB_agr aboutit agrave la production drsquoune structure complegravetement inattendue Dans lrsquoexemple suivant SB_agr sollicite en effet une tournure passive complexe pour la structure attendue le garccedilon donne des croquettes au chien171

43 SB_agr4 le garccedilon (2) mange (4) mange euh alors (3) alors le garccedilon (4)

SB_agr4 (8) alors le chien mange (5) mange euh un bor- euh ccedila srsquoappelle euh bol qui est donneacute par le garccedilon

Agaceacute se concentre fortement preacutefegravere la structure passive Evitement de la structure laquo SN1 + donne + SN2 + agraveau SN3 raquo E Ph Gram

Annexe H-540

Ce dernier exemple montre clairement qursquoun agrammatique quoique tregraves rarement est capable drsquoemployer spontaneacutement de telles constructions

En reacutesumeacute dans chacun des cas on note une variabiliteacute inter-tacircches assez marqueacutee172 drsquoautant plus marqueacutee si lrsquoon compare les tacircches 1 et 4 En effet la rareacutefaction des preacutepositions est plus caracteacuteristique des corpus de discours continu spontaneacute que des corpus issus de tacircches de production plus contraignantes

Lrsquoexamen de la variable Prop PREP confirme encore une fois le recours agrave lrsquoellipse grammaticale en production spontaneacute et agrave lrsquoaccroissement de la preacutesence des morphegravemes grammaticaux agrave mesure que la preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccentue

De plus on a releveacute des substitutions entre preacutepositions dans tous les corpus agrammatiques toutes tacircches confondues mais agrave des degreacutes variables selon les tacircches et selon les cas

Ainsi lorsque la preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccentue les laquo vraies raquo erreurs de substitutions surviennent plus freacutequemment chez MC_agr en particulier pour lequel les multiples tentatives souvent infructueuses montrent qursquoil seacutelectionne une preacuteposition parmi le paradigme laquo par hasard raquo De plus la freacutequence de ce type drsquoerreur de seacutelection est lieacutee agrave la richesse relative du paradigme de preacutepositions parmi lesquelles une seule doit ecirctre seacutelectionneacutee et inseacutereacutee dans la matrice (sur ce point voir notamment BRANCHEREAU 1985 BRANCHEREAU et NESPOULOUS 1989)

Cela suggegravere que le dysfonctionnement affecte en particulier la gestion de ce type de morphegravemes et que celle-ci peut ecirctre incontrocircleacutee dans certains cas

Drsquoautre part les variations qualitatives non aleacuteatoires lieacutees au type de preacuteposition preacutefeacuterentiellement employeacutees notamment par BR_agr pourraient srsquoexpliquer par un choix tactique et donc palliatif En effet le systegraveme est exploiteacute en fonction des proprieacuteteacutes intrinsegraveques agrave chacune des preacutepositions Certaines preacutepositions plus flexibles que drsquoautres comme pour peuvent pallier mecircme de grandes difficulteacutes (voir SAHRAOUI 2009)

171 Apregraves lui avoir poseacute la question le locuteur nous lrsquoa clairement expliqueacute avec ses mots 172 Compareacute agrave la variabiliteacute inter-tacircches chez les sujets controcircles qui nous semble moins marqueacutee (voir leur graphe de donneacutees individuelles controcircles concernant la variable Prop PREP en Annexe I-694)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

280

629 Proportion de verbes Prop V(V+N)

La variable Prop V(V+N) permet de mesurer le poids des verbes parmi lrsquoensemble des verbes et des noms produits

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique

Les corpus controcircles constituent un reacutefeacuterentiel de performances laquo normales raquo (voir Figure 29 ci-dessous en couleur unie)ci-dessous

De la tacircche 1 agrave la tacircche 4 on observe que les proportions moyennes de verbes par rapport agrave lrsquoensemble des verbes et des noms comptabiliseacutes baissent graduellement Elles sont respectivement de 54 50 47 et 32 (voir Figure 29 ci-dessous) Elles sont globalement plus eacuteleveacutees que les proportions du groupe agrammatique avec respectivement 39 38 38 et 31

Prop V(V+N) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

5450

47

32

39 3838

32

0

50

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 29 Proportions de verbes parmi les verbes et les noms (Prop V(V+N)) pour les tacircches

1 2 3 et 4 moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

281

Par ailleurs on observe que le groupe agrammatique manifeste une variabiliteacute inter-tacircches marqueacutee seulement par la tacircche 4 En effet en production de discours continu (tacircches 1 2 et 3) les proportions moyennes sont tout agrave fait eacutequivalentes entre elles et plus faibles que les valeurs controcircles Par contre en production de phrases isoleacutees173 le groupe agrammatique manifeste une performance moyenne laquo quasi-normale raquo (compareacute aux valeurs reacutefeacuterences) avec une variabiliteacute inter-sujets qui nous paraicirct relativement agrave drsquoautres variables peu marqueacutee

Drsquoapregraves ces donneacutees les agrammatiques favoriseraient en geacuteneacuteral lrsquoemploi de noms par rapport aux verbes et ce en particulier en production plutocirct libre ce qui converge avec lrsquohypothegravese drsquoune dissociation nomsverbes dans lrsquoaphasie agrammatique Selon cette hypothegravese les agrammatiques manifesteraient plus de difficulteacutes dans la gestion des verbes que dans la gestion des noms

Par contre en production de phrases isoleacutees ougrave lrsquoemploi de verbes eacutetait induit agrave hauteur de 318 de lrsquoensemble de verbes et de noms drsquoapregraves les valeurs reacutefeacuterences moyennes174 (voir la Figure 29 p 280 ougrave la proportion controcircle est arrondie agrave 32 ) le poids moyen de verbes srsquoeacutelegraveve chez les agrammatiques agrave 314 (soit une valeur arrondie agrave 32 dans le mecircme graphe)

Nous ne nous attendions pas agrave ce que drsquoun point de vue purement quantitatif le groupe agrammatique ne montre pas de faiblesse par rapport au groupe controcircle dans la tacircche la plus contraignante Cela plaide donc en deacutefaveur de lrsquohypothegravese de la dissociation nomsverbes classiquement admise pour lrsquoagrammatisme

Mais il faut tout de mecircme apporter deux nuances agrave cette conclusion

drsquoune part les emplois du verbe ecirctre dans le preacutesentatif crsquoest tregraves freacutequemment utiliseacute par certains agrammatiques viennent laquo gonfler raquo la variable V(V+N)

drsquoautre part certains patients ont tendance agrave utiliser un verbe par deacutefaut agrave valeur geacuteneacuterique (comme faire au lieu de peigner par exemple dans il fait ses cheveux) On a releveacute de nombreux exemples de substitutions lexicales avec en lieu et place du verbe speacutecifique un verbe tel que prendre par deacutefaut

173 Rappelons qursquoil srsquoagit de la tacircche de production preacutesentant le caractegravere in vitro le plus marqueacute 174 Cette valeur reacutefeacuterence signifie que pour les 60 phrases agrave produire drsquoapregraves les structures cibles induites par les images 318 du lexique soit environ un tiers de lrsquoensemble des uniteacutes lexicales agrave inteacutegrer pour la formation des phrases correspond aux verbes Dans cette tacircche agrave haut niveau de contraintes lexico-syntaxiques les reacutesultats obtenus pour cette variable Prop V(V+N) sont peu laquo biaiseacutes raquo par drsquoautres cateacutegories lexico-grammaticales de la langue qui auraient un poids relatif plus grand dans drsquoautres types de discours (tels que les pronoms par rapport aux noms en reacutecit autobiographique par exemple)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

282

Ainsi on pourrait aussi bien conclure que dans ce cas lrsquoemploi drsquoun verbe agrave valeur geacuteneacuterique srsquoexplique par un deacuteficit de reacutecupeacuteration de la forme lexicale adeacutequate substitueacutee en conseacutequence par une forme geacuteneacuterique par deacutefaut Ce type de pheacutenomegravene est tregraves caracteacuteristique de certains corpus agrammatiques notamment chez PB_agr4

24 PB_agr4 le garccedilon fait de-la musique avec une guitare LEXsubst(jouegtfait)

exp avec le verbe laquo jouer raquo le garccedil-

PB_agr4 garccedilon jouer avec une guitare

Annexe H-565

Selon NESPOULOUS (2009)175 dans le cas des pheacutenomegravenes de manques du mot (dans lrsquoanomie par exemple) les paraphasies seacutemantiques traduiraient en quelque sorte laquo la mise en branle agrave lrsquoinsu du locuteur de strateacutegies compensatoires raquo Nous pourrions faire le parallegravele avec les cas drsquoagrammatisme ougrave les paraphasies lexicales peuvent se reacuteveacuteler assez freacutequentes et toucher en particulier les verbes En effet ce type de strateacutegies pourrait chez lrsquoagrammatique constituer un moyen efficace de maintien drsquoune preacutedication verbale basique et pratique lorsqursquoil srsquoagit drsquointeacutegrer les eacuteleacutements de la phrase dans la matrice syntaxique si lrsquoon considegravere que les aspects formels syntaxiques priment sur les aspects seacutemantiques en termes de dysfonctionnement En effet on trouve de maniegravere routiniegravere les structurations avec le verbe prendre comme verbe pivot employeacute par deacutefaut comme en teacutemoignent les deux exemples suivants

47 PB_agr4 le garccedilon prend une rose dans la femme LEXsubst(le garccedilongtle pegravere)LEXsubst(offregtprend) PREPsubst(agravegtdans)

Annexe H-568

20 BR_agr4 un homme prendre [a] lettre pour poster

Deformphon(lagt[a]) LEXVsusbt(postergtprendre)Vinf E Ph

Annexe H-484

175 Communication personnelle

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

283

6210 Indices de flexions verbales Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices

62101 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) moyennes de groupe et variabiliteacute inter-tacircches

Le graphe ci-dessous (Figure 30 ci-dessous) repreacutesente lrsquoindice de flexion verbale moyen (Indice V-FLEX)

LrsquoIndice V-FLEX correspond au taux de verbes effectivement fleacutechis en adeacutequation avec la temporaliteacute requise par le type de reacutecit cible ou le contexte (pour les critegraveres de cotation de VInfl et de V-FLEX voir aux points 5218 p 193 5219 p 195 et pour le calcul de la variable associeacutee Indice V-FLEX dont il srsquoagit ici voir au point 52210 p 202)

Srsquoagissant des corpus controcircles et toutes tacircches confondues comme tous les verbes ont eacuteteacute fleacutechis de maniegravere adeacutequate tous les Indices V-FLEX srsquoeacutelegravevent par conseacutequent agrave 1

Autrement dit cela signifie que 100 des verbes requeacuterant une flexion ont eacuteteacute fleacutechis crsquoest-agrave-dire que quasiment aucune omission de flexion nrsquoa eacuteteacute releveacutee au sein des corpus controcircles de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 (seule une flexion non conforme fut releveacutee pour la tacircche 2 dans un corpus controcircle portant la valeur V-FLEX agrave 0998)

Indice V-FLEX moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

1 110998

032

088085

070

0000

0250

0500

0750

1000

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 30 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de

groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

284

En revanche les indices V-FLEX relatifs aux corpus agrammatiques sont variables En moyenne de groupe une variabiliteacute inter-tacircches et inter-sujets transparaicirct tregraves nettement avec des indices respectifs de 032 070 085 et 088 pour chacune des tacircches de production

Cela signifie que par exemple seulement 32 des verbes ont eacuteteacute complegravetement fleacutechis eu eacutegard le contexte dans la tacircche 1 comme par exemple comprenais dans lrsquoeacutenonceacute suivant

20 MC_agr1 je ne comprenais pas

Annexe H-492

Les autres contextes obligatoires de flexions soit 68 des contextes nrsquoont eacuteteacute que laquo partiellement raquo fleacutechis voire pas du tout fleacutechis comme dans les exemples suivants ougrave le temps cible est en reacutealiteacute le passeacute puisqursquoil srsquoagit de discours autobiographique

80 PC_agr1 alors lagrave lagrave progresse progresse

Annexe H-434

97 PC_agr1 euh le poste hum changer changer hum (5) SN-ODir anteacuteposeacute au verbe PROpersom(je) 0 V-FLEX

Annexe H-436

Drsquoapregraves le graphe (Figure 30 page preacuteceacutedente) nous pouvons drsquoores et deacutejagrave eacutenoncer ce principe lrsquoIndice V-FLEX srsquoameacuteliore lorsque le temps cible est le preacutesent car la flexion est plus freacutequemment complegravetement reacutealiseacutee (comme en production de phrases tacircche 4) Autrement dit dans les tacircches ougrave le temps cible est le passeacute (discours autobiographique tacircche 1) les flexions sont plus difficiles agrave reacutealiser

Drsquoautre part en production de reacutecit autobiographique ou en production de contes lorsque la temporaliteacute cible est celle du passeacute ou de lrsquoaccompli les flexions requises (agrave lrsquoimparfait au passeacute simple ou aux temps composeacutes du passeacute) sont plus rares et laissent place agrave lrsquoemploi de formes plus simples (comme des flexions au preacutesent) ou alors basiques (comme des formes verbales non finies infinitifs ou participes) On trouve aussi tregraves souvent des verbes agrave lrsquoinfinitif dans les corpus ougrave le temps cible est le preacutesent Voici des exemples issus de chaque type de tacircche de production

4 MC_agr1 apregraves euh le patient srsquo en va Temps cible passeacute

5 MC_agr1 et moi euh payer euh la consent- euh la prestation Temps cible passeacute

Annexe H-491

8 SB_agr2a hum (3) le loup euh euh (13) n- s- frapper non oui frapper alors euh grand-megravere

geste de la main frapper

Annexe H-525

3 SB_agr3-MJ07 hum kiosque agrave journaux lrsquohomme acheter un journal journal

SB_agr propose de resservir un cafeacute PREPom(agrave) + DETom(le) + kiosque

Annexe H-533

41 BR_agr4 petit garccedilon lire ah euh ah DETom(le) Vinf(lire) SN-ODirom (manque du mot)

Annexe H-487

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

285

En drsquoautres termes ces reacutesultats quantitatifs prouvent que les agrammatiques ont tendance agrave employer plus freacutequemment les formes verbales les plus simples et les plus basiques par deacutefaut en lrsquooccurrence le preacutesent et lrsquoinfinitif que lrsquoon retrouve freacutequemment dans toutes les tacircches en reacutecit autobiographique ou en production de phrases isoleacutees

Nous ne commenterons pas les donneacutees individuelles de la variable Indice V-FLEX (nous renvoyons le lecture au graphe de donneacutees individuelles fourni en Annexe H-622)

En effet nous commenterons la variable Indice Compl MORPH-V-Matrices (indice de complexification morphologique du verbe) dont lrsquoexamen complegravetera celui de la variable Indice V-FLEX moyen fait ici (voir ci-apregraves au point 62102)

62102 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices)

(a) Principe drsquointerpreacutetation de lrsquoIndice Compl MORPH-V-Matrices

En compleacutement de la variable V-FLEX (voir ci-dessus au point 62101 p 283) lrsquoindice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices) permet eacutegalement drsquoaborder la flexion verbale mais selon le point de vue de lrsquoeacutelaboration des verbes matrices au sein drsquoune proposition donneacutee

En effet la variable Indice Compl MORPH-V-Matrices a eacuteteacute obtenue en proceacutedant agrave des cotations plus preacutecises attacheacutees agrave la complexification morphologique des verbes (pour les deacutetails concernant les critegraveres de cotation et le calcul de cet indice voir au point 523 pp 203-207)

Elle permet ainsi de traduire de maniegravere plus fine les capaciteacutes computationnelles impliqueacutees dans lrsquoeacutelaboration drsquoun syntagme verbal reacutesultant de deux types de meacutecanismes

drsquoune part un meacutecanisme de complexification qui srsquoopegravere par ajout de verbes auxiliaires divers servant agrave former des temps composeacutes ou des peacuteriphrases verbales (crsquoest-agrave-dire lrsquoajout de morphegravemes laquo libres raquo autour drsquoun verbe matrice tels qursquoun auxiliaire drsquoaspect ou un modal)

drsquoautre part un meacutecanisme de complexification qui srsquoopegravere par flexion des bases verbales ou par allomorphie de la base

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

286

De la sorte le degreacute drsquoeacutelaboration des verbes est refleacuteteacute par un indice syntheacutetisant les deux types de complexification preacuteciteacutes pour lequel on peut deacutefinir une valeur laquo seuil raquo de 1

Cette valeur seuil est agrave lire telle que

un indice proche de 1 signifie que les verbes sont employeacutes dans une forme simple (forme non composeacutee ou non peacuteriphrastique) et le plus souvent fleacutechis au preacutesent

un indice supeacuterieur agrave 1 et tendant vers 2 srsquoexplique par un degreacute supeacuterieur drsquoeacutelaboration des verbes du fait de lrsquoajout drsquoauxiliaires ou du fait de lrsquoapplication de meacutecanismes flexionnels

un indice infeacuterieur agrave 1 traduit le fait que en geacuteneacuteral les verbes apparaissent sous une forme tregraves peu eacutelaboreacutee les auxiliaires (de formation de temps composeacutes ou de peacuteriphrases verbales) sont rares tout comme les affixes flexionnels de la base Ainsi cela traduit le fait que les verbes matrices sont souvent non finis (crsquoest-agrave-dire employeacutes sous une forme participiale ou infinitive)

(b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Suivant les principes preacuteciteacutes la courbe situeacutee dans la partie supeacuterieure du graphe (voir Figure 31 page suivante) repreacutesente les indices controcircles (crsquoest-agrave-dire les scores de reacutefeacuterence refleacutetant le comportement laquo normal raquo pour les quatre tacircches de production orale)

La courbe situeacutee dans la partie infeacuterieure concerne les corpus agrammatiques

Les indices de reacutefeacuterence laissent transparaicirctre une variabiliteacute lieacutee au type de discours cible en jeu les verbes sont beaucoup plus eacutelaboreacutes en production de reacutecit autobiographique qursquoen production de phrases isoleacutees

En effet alors qursquoen production de discours autobiographique (tacircche 1) lrsquoindice srsquoeacutelegraveve agrave 2 en moyenne celui-ci passe agrave 152 puis 130 pour descendre agrave 104 en production de phrases isoleacutees

Agrave lrsquoeacutevidence cela srsquoexplique par le fait que la temporaliteacute du passeacute si caracteacuteristique du discours autobiographique a pour effet drsquoaccentuer lrsquoindice drsquoeacutelaboration des verbes pour atteindre 2176

En narration de contes et drsquohistoires ineacutedites (tacircches 2 et 3) les indices moyens sont plus faibles (152 et 130) mais reflegravetent quand mecircme un haut degreacute drsquoeacutelaboration lieacute agrave lrsquoemploi freacutequent drsquoauxiliaires de formation de peacuteriphrases verbales en plus des auxiliaires utiliseacutes pour la formation de temps composeacutes Pour la tacircche 4 lrsquoindice moyen le plus bas (104) signifie que les verbes sont pour la plupart employeacutes au preacutesent simple

176 En reacutecit autobiographique lrsquoimparfait et les auxiliaires de temps composeacutes sont tregraves freacutequents

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

287

Indice Compl MORPH-V-Matrices moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

104

130

152

201

083 087097 093

0

05

1

15

2

25

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 31 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl

MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

Srsquoagissant de la variabiliteacute inter-groupes on peut deacutejagrave observer que les Indices Compl MORPH-V-Matrices agrammatiques sont geacuteneacuteralement infeacuterieurs aux indices controcircles et en moyenne infeacuterieurs agrave la valeur seuil de 1

De plus la diffeacuterence inter-groupes est tregraves eacuteleveacutee en production de discours spontaneacute (tacircche 1) pour srsquoaffaiblir agrave mesure que la tacircche devient contraignante (tacircche 4) Cela est ducirc au fait que les sujets controcircles parviennent mieux agrave fleacutechir et agrave complexifier les verbes matrices agrave lrsquoaide de diffeacuterents eacuteleacutements ce qui transparaicirct surtout dans la tacircche 1 pour laquelle ce sont les flexions au passeacute autobiographique qui viennent gonfler lrsquoindice Par contre les agrammatiques semblent atteindre une sorte de laquo seuil raquo plafond de complexification

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

288

Les exemples suivants le premier issu drsquoun corpus controcircle (eacutenonceacutes 36 et 37) et les autres issus de divers corpus agrammatiques en reacutecit autobiographique (eacutenonceacutes 16 22 13 1 et 14) peuvent illustrer ce pheacutenomegravene

36 GG_contr1 je ne mrsquoen suis pas rendu compte sur le coup puisque je pouvais pas remarcher normalement

37 GG_contr1 jrsquoavais le pied bloqueacute dans une position

Annexe I-636

16 PC_agr1 mais euh lagrave parle pas-du-tout hum laquo agrave ce moment-lagrave je ne parlais pas du tout raquo PROpersom(je)

Annexe H-430

22 PC_agr1 parle pas tout ccedila (7) ADVmod(pas) PROpersom(je)

Annexe H-430

13 BR_agr1 oui oui euh (7) euh pas-du-tout parle (2) trois mois

laquo je nrsquoai pas du tout parleacute pendant 3 mois raquo 0 V-FLEX(parle) temps cible = passeacute PREPom(pendant)

Annexe H-462

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

laquo au raquo=agrave+le

Annexe H-519

14 PB_agr1 on est euh dans le sud avec la voiture des eacutetapes dans la nuit

0 V-FLEX Juxtaposition SPSNSP laquo on allait drsquoeacutetapes en eacutetapes en voiture pendant la nuit raquo PREPsubst(engtavec)

Annexe H-545545

En effet en production de discours continu spontaneacute (tacircche 1) lrsquoindice agrammatique est le plus faible (083) alors que le type de discours cible en jeu en lrsquooccurrence le discours autobiographique exige un degreacute de complexification bien supeacuterieur (soit un indice reacutefeacuterence moyen de 2 obtenu pour le groupe controcircle)

Dans les exemples preacuteciteacutes le sujet controcircle fleacutechit les verbes matrices se rendre remarcher et avoir dans le temps cible du reacutecit autobiographique en ajoutant un auxiliaire de temps composeacute (suis rendu) et un semi-auxiliaire modal (pouvais remarcher) De telles complexifications sont beaucoup plus rares dans les corpus agrammatiques ougrave on trouve plutocirct des verbes agrave la forme basique de lrsquoinfinitif ou du preacutesent crsquoest pourquoi lrsquoindice global peine agrave deacutepasser la valeur seuil de 1

Puis dans les autres types de production lrsquoindice global agrammatique passe agrave 087 en reacutecit de contes (voir Figure 31 p 287 tacircche 2) pour atteindre 097 en narration drsquohistoires ineacutedites (tacircche 3) et 094 en production de phrases isoleacutees (tacircche 4) Dans tous les types de corpus lrsquoeacutelaboration des verbes se limite agrave des formes simples les auxiliaires sont tregraves rares voire complegravetement absents les verbes apparaissent tregraves freacutequemment agrave lrsquoinfinitif et lorsqursquoun verbe est fleacutechi crsquoest le plus souvent au preacutesent simple

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

289

Par ailleurs quoique teacutenu lrsquoaccroissement de lrsquoindice global agrammatique est en grande partie ducirc au fait que les emplois agrave la forme infinitive sont un peu plus freacutequents dans les tacircches 1 et 2 ougrave les indices sont plutocirct infeacuterieurs agrave 1 que dans les tacircches 3 et 4 ougrave les indices se rapprochent de 1 En effet alors que les verbes employeacutes agrave lrsquoinfinitif sont tregraves caracteacuteristiques de tous les corpus patholinguistiques que ce soit en production plutocirct libre (tacircches 1 et 2) ou en production plutocirct contrainte (tacircches 3 et 4) les formes fleacutechies au preacutesent sont quand mecircme un peu plus freacutequentes en production plutocirct contrainte

En reacutesumeacute de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 les Indices Compl MORPH-V-Matrices moyens controcircles sont toujours supeacuterieurs aux indices agrammatiques Cela traduit globalement lrsquoincapaciteacute des locuteurs agrammatiques agrave complexifier les matrices verbales ce qui va de pair avec lrsquoemploi drsquoune strateacutegie de simplification morphologique des verbes les difficulteacutes affectant la complexiteacute morphologique verbale sont compenseacutees par le recours agrave des formes verbales plus basiques

Nous nrsquoenvisageons pas que lrsquoemploi presque systeacutematique drsquoinfinitifs et de preacutesents comme eacutetant le reacutesultat de proceacutedures de suppression de morphegravemes flexionnels En effet nous preacutefeacuterons les envisager comme eacutetant des proceacutedures de simplification car ces formes verbales simplifieacutees ou basiques seraient selon lrsquoapproche proceacutedurale du trouble moins couteuse agrave encoder

Leur inteacutegration dans la matrice morpho-syntaxique de la phrase est plus facile car elle neacutecessite moins de ressources pour leur traitement laquo on-line raquo Le recours aux formes verbales simplifieacutees nous semble donc ecirctre judicieux pour qui souhaite verbaliser un discours tout en eacutetant tregraves limiteacute sur le plan des ressources cognitives

Drsquoautre part comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute les diffeacuterences inter-groupes srsquoestompent de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 Cela srsquoexplique par

un effet de la tacircche de la tacircche 1 agrave la tacircche 4 les indices reacutefeacuterences ou laquo normaux raquo srsquoaffaiblissent en fonction du type de discours en jeu

un effet du groupe et de la tacircche en geacuteneacuteral les agrammatiques ameacuteliorent leurs scores En effet mecircme si chez les agrammatiques le degreacute drsquoeacutelaboration varie dans une moindre mesure que chez les controcircles il srsquoaccentue agrave mesure que la tacircche est exigeante en degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee Cet accroissement geacuteneacuteral speacutecifique au groupe agrammatique srsquoexplique par une augmentation du nombre de flexions au preacutesent constateacutee dans les tacircches 3 et 4 par rapport aux deux premiegraveres tacircches de production plutocirct libres

Ainsi la formation des verbes est tregraves particuliegravere dans lrsquoagrammatisme Elle srsquoappuie presque systeacutematiquement sur une proceacutedure de simplification par lrsquoemploi de formes plus basiques (formes non finies et preacutesents simples) Drsquoautre part comme nous lrsquoavons deacutejagrave souligneacute les verbes sont en geacuteneacuteral laquo mieux raquo fleacutechis agrave mesure que le degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee srsquoaccroicirct En effet les flexions au preacutesent sont en geacuteneacuteral plus freacutequentes pour les tacircches 3 et 4

Pour finir ces reacutesultats convergent avec les conclusions tireacutees des analyses de la variable V-FLEX (voir au point 62101 p 283)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables MORPH

290

(c) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Les eacutecarts-types (voir Figure 31 au point preacuteceacutedent p 287) nous indiquent que la variabiliteacute inter-sujets controcircles est moins marqueacutee que la variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

En effet les diffeacuterences inter-sujets agrammatiques lieacutees agrave la variable Indice Compl MORPH-V-Matrices (voir Figure 32 ci-dessous p 290) traduisent des divers degreacutes de seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent

Les sujets 1 PC_agr 2 BR_agr et 4 SB_agr preacutesentent un indice qui peut ecirctre tregraves infeacuterieur agrave 1 Cela signifie les verbes sont plus freacutequemment fleacutechis agrave la forme infinitive relativement aux autres agrammatiques 3 MC_agr 5 PB_agr et 6 TH_agr pour qui les indices sont proches de 1 voire tregraves supeacuterieurs agrave 1

Indice Compl MORPH-V-Matrices - tacircches 1 2 3 et 46 agr

063

010

090

057

112

164

082

025

100

027

121

168

081

053

100091

122135

091

055

105

085098

132

00

05

10

15

20

25

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 32 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl

MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

6 TH_agr preacutesente un profil tregraves comparable agrave celui de certains locuteurs controcircles avec des indices de 164 168 135 et 132 respectivement de la tacircche 1 agrave 4 Ses capaciteacutes drsquoencodage attacheacute agrave la flexion morphologique des verbes sont encore tregraves opeacuterationnelles et les flexions au passeacute ne semblent poser que tregraves peu de difficulteacutes pour cette participante Dans ses corpus on a mecircme releveacute des verbes au temps composeacute du passeacute En effet dans lrsquoeacutenonceacute suivant par exemple retenir est fleacutechi au participe (irreacutegulier) et complexifieacute par lrsquoajout de lrsquoauxiliaire avoir au passeacute pour obtenir un passeacute de lrsquoaccompli

66 TH_agr1 non jrsquoavais retenu ma ma ma [pʃas] Deformphon(placegt[pʃas])

Annexe H-574

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables MORPH

291

Toutefois drsquoautres pheacutenomegravenes certes plus rares traduisent des difficulteacutes et le recours agrave une forme basique comme dans lrsquoeacutenonceacute 52 ougrave on a releveacute le verbe partir agrave la forme non finie au lieu de suis partie

52 TH_agr1 je [ts] je partir p- un-peu plus tocirct pour aller 0 V-FLEX(suis partiegtpartir)

Annexe H-573

De plus certaines complexifications demeurent non abouties comme dans les eacutenonceacutes 67 et 68 suivants ougrave les auxiliaires avoir ( dans (a) ouvert et (ai) retenu) sont absents

67 TH_agr1 il y a il y a dix ans euh jrsquoai quand le la la maison de retraite ouvert

Vauxom(a) + laquo ouvert raquo

68 TH_agr1 et tout-de-suite je [dəg] euh retenu ma place pour quand je serais vieille quoi voilagrave

Vauxom(ai) + laquo retenu raquo

Annexe H-574

Malgreacute les freacutequentes occurrences de verbes complegravetement fleacutechis au passeacute releveacutees les emplois de verbes agrave la forme non finie suggegraverent que la reacuteduction des capaciteacutes de traitement a des conseacutequences sur la flexion des verbes Cependant le fait que le verbe retenir soit fleacutechi au participe passeacute (retenu) montre que le temps cible a eacuteteacute en quelque sorte correctement encodeacute En effet une strateacutegie de simplification du verbe matrice aboutirait plutocirct agrave lrsquoemploi de la forme basique agrave lrsquoinfinitif par exemple (comme dans lrsquoeacutenonceacute 52) Lrsquoomission de lrsquoauxiliaire avoir nous semble donc plutocirct correspondre agrave une strateacutegie elliptique qui ne serait pas systeacutematique ni anticipeacutee par la locutrice Drsquoautant que dans lrsquoeacutenonceacute 66 produit quelques secondes avant lrsquoeacutenonceacute 68 le verbe retenir est fleacutechi correctement au passeacute surcomposeacute

Cette variabiliteacute intra-individuelle nous interpelle sur la question de savoir avec quel degreacute de controcircle une strateacutegie est mise en place En effet peut-on aller jusqursquoagrave dire que certaines absences de morphegravemes grammaticaux correspondraient agrave une strateacutegie elliptique qui srsquoeacutelabore agrave lrsquoinsu du locuteur

Pour finir on a releveacute une discordance des temps comme par exemple lrsquoemploi de eacutetait agrave la place de est En effet crsquoest le preacutesent qui devrait ecirctre utiliseacute dans lrsquoeacutenonceacute suivant

73 TH_agr1 ah-non jrsquoai une maison qui eacutetait au port Flexion abusive (estgteacutetait)

Annexe H-574

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

292

63 Reacutesultats variables SYNTAX

631 Rappel

Les variables SYNTAX177 permettent drsquoaborder la structuration syntaxique des eacutenonceacutes sur la base exclusive des mots extraits crsquoest-agrave-dire sur le plan intra-phrastique178 selon plusieurs critegraveres

celui de la canoniciteacute traduit par les deux variables Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) (proportions de mots extraits dans les eacutenonceacutes de forme canonique versus non canonique)

celui de la longueur drsquoun eacutenonceacute-phrase traduit par la variable Long Moy E Ph(Mots ext) (longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en mots extraits)

celui de la grammaticaliteacute traduit par la variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases bien formeacutes)

celui de lrsquoeacutelaboration syntaxique drsquoun eacutenonceacute traduit par lrsquoIndice Elab E Ph (lrsquoindice drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases)

celui de la complexiteacute syntaxique traduit par la variable Prop SUB (proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au minimum une proposition subordonneacutee)

Seule la variable Prop Mots ext(E Non-Can) a eacuteteacute ajouteacutee par rapport au protocole original QPA Par ailleurs le calcul des variables Prop E Ph Gram et Prop SUB a eacuteteacute leacutegegraverement modifieacute en ce sens que la base de calcul de proportion est eacutetendue agrave lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et pas seulement aux nombres drsquoeacutenonceacutes de forme canonique ( E Ph) tel que le preacutevoit le protocole original (pour les deacutetails concernant les cotations et les calculs relatifs aux variables SYNTAX voir le chapitre 5 au point 53 pp 208-216)

Ci-apregraves nous commentons les reacutesultats quantitatifs obtenus pour chacune des variables SYNTAX (la reacutepartition des mots consacreacutes agrave la formation drsquoeacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) versus non canonique la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase la proportion de phrases grammaticales le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases et la proportion drsquoeacutenonceacutes avec enchacircssement syntaxique)

177 Lorsqursquoun asteacuterisque signale une variable en particulier en lrsquooccurrence les variables Prop Mots ext(E Non-Can) Prop E Ph Gram et Prop SUB cela signifie que leur calcul a eacuteteacute soit ajouteacute soit modifieacute par rapport au protocole QPA original 178 Il srsquoagit du niveau 1 de preacute-traitement crsquoest-agrave-dire le niveau des mots extraits mis en caractegraveres gras dans les corpus transcrits (voir au 491 p 163 et le Scheacutema 9 p 165)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

293

632 Reacutepartition des mots composant les eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) et les eacutenonceacutes de forme non canonique Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can)

Les mots extraits se reacutepartissent selon qursquoils sont consacreacutes agrave la formation des eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases E Ph) ou agrave la formation des eacutenonceacutes de forme non canonique (crsquoest-agrave-dire les autres types drsquoeacutenonceacutes pour lesquels les critegraveres de canoniciteacute ne sont pas respecteacutes E Non-Can)

Lrsquoeacutetude de cette reacutepartition permet drsquoenvisager le comportement verbal des locuteurs sur le plan des capaciteacutes de structuration syntaxique et speacutecifiquement selon leur caractegravere canonique ou non canonique

(a) Moyennes de groupes controcircles vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches

Drsquoapregraves le graphe ci-apregraves (Figure 33 p 294) les corpus controcircles sont essentiellement constitueacutes drsquoeacutenonceacutes de forme canonique toutes tacircches confondues En effet les proportions moyenne vont de 95 (tacircche 1) agrave 100 (tacircche 4) Cela signifie clairement que la quasi-totaliteacute des corpus est composeacutee drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et donc que les formulations des locuteurs controcircles sont essentiellement de type SN-S + SV

Par exemple lrsquoeacutenonceacute suivant est tireacute drsquoun corpus controcircle ougrave la phrase le petit chaperon rouge se promegravene dans la forecirct est constitueacutee drsquoun SN-S (le petit chaperon rouge) anteacuteposeacute au SV (se promegravene dans la forecirct)

Annexe I-650

4 LMan-contr2a et puis le petit chaperon rouge est pas se promegravene dans la forecirct

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

294

Prop Mots ext(E Ph) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

95 97 97100

45

59

70

91

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 33 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph)

pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

En revanche les productions agrammatiques sont en geacuteneacuteral moins canoniques (voir Figure 33 ci-dessus) En effet la proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes respectant la structuration minimale SN-S+SV est en geacuteneacuterale plus faible elle est respectivement de 45 (tacircche 1) 59 (tacircche 2) 70 (tacircche 3) et 91 (tacircche 4) Voici quelques exemples de constructions de forme canonique (E Ph) que nous avons glaneacutees tout au long des corpus agrammatiques issus des quatre tacircches de production

1 SB_agr1 euh donc euh en-fait euh (2) jrsquoai tregraves mal au- longtemps euh mal au dos

laquo au raquo=agrave+le

Annexe H-519

8 SB_agr2a hum (3) le loup euh euh (13) n- s- frapper non oui frapper alors euh grand-megravere

geste de la main frapper

Annexe H-525

48 SB_agr2b [st] [st] crsquoest tregraves tregraves beau je pense

Annexe H-529

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

295

10 PB_agr3-MJ01 euh crsquoest euh une pomme

Annexe H-556

3 PB_agr2a euh crsquoest euh une course dans la forecirct

suite de lrsquoeacutenonceacute preacuteceacutedent initieacute par le preacutesentatif laquo crsquoest raquo segmentation du discours par le locuteur en eacutenonceacutes plus courts

Annexe H-550

66 MC_agr1 mais ccedila va

Annexe H-494

1 MC_agr3-MJ10 voilagrave Paul joue agrave la non Paul joue aux cartes (2) Autocor+(agrave lagtaux) aux=agrave+les PREPcor(agrave)

Annexe H-503

9 BR_agr4 une femme prend le couteau pour euh euh pour t-

euh prendre couteau pour euh poser [omp bə tɛʀ]

Deformphon(pommes-de-

terregt[ompbətɛʀ]) ici compteacute exceptionnellement en 3 Mots prod LEXVsubst(eacutepluchergtposer) 1 PREP(pour) + Vinf E Ph

Annexe H-482

En reacutesumeacute les agrammatiques adoptent plus rarement la formulation syntaxique de type SN-S+SV Cependant si les eacutenonceacutes de forme canonique sont moins freacutequents dans la production agrammatique ils sont quand mecircme preacutesents

Cela suggegravere que la reacuteduction des capaciteacutes de traitement agrave des conseacutequences sur la qualiteacute de la syntaxe

De surcroicirct on remarque une variabiliteacute inter-tacircches caracteacuteristique des corpus agrammatiques selon laquelle plus le degreacute de preacutecision grammaticale est viseacutee lors de la formulation et plus les structures de forme canonique de type SN-S + SV sont freacutequentes

Et inversement les structures de formes non canonique sont en geacuteneacuteral plus freacutequentes au sein des corpus de production de discours plus libre

En teacutemoignent les quelques exemples suivants illustrant quelques-unes des structurations originales179 (de forme non canonique) que lrsquoon a pu rencontrer de la tacircche 1 agrave la tacircche 4

-structuration de type SN + ADJ

SN (le jambe) + ADJ (paralyseacutee)

18 PC_agr1 le jambe paralyseacutee paralyseacutee (4) hum (6) ADJ(paralyseacutee) prononceacute de maniegravere floue DETsubst(lagtle)

Annexe H-430

179 Voir aussi au point 47 p 154 lorsqursquoil srsquoagissait de distinguer les diffeacuterents types drsquoeacutenonceacutes en vue de la segmentation du discours et des cotations Les donneacutees quantitatives permettent drsquoappreacutecier la teneur de ses formulations originales au sein des corpus agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

296

-structuration avec ellipse du SN-S

gtavec un V isoleacute non fini Vinf (monter)

74 SB_agr1 et reco- et apregraves monter monter et voilagrave Amorce(reco-) Vinf isoleacute Ellipse SN-S PROom(je)

Annexe H-522

gt avec un SV isoleacute non fini SVinf (aller le chaperon rouge)

2 SB_agr2a a- aller le chaperon rouge

Annexe H-525

gt avec un SV isoleacute fini SV (regarde un boomerang)

4 SB_agr3-MJ05 et regarde un boom- un boomerang SN-Som(il) Ellipse du SN-S implicite et topicaliseacute

Annexe H-533

-structuration de type SN-O anteacuteposeacute + SV

SN-S (le boomerang) + SN-ODir anteacuteposeacute (la vitrine) + Vinf (casser)

8 PC_agr3-MJ05 et paf (rires) hum le [buməRɑ] [ouitt] la

vitrine casser

Onom(paf) sifflote(ouitt) pour exprimer le mouvement de retour du boomerang vers la vitrine accompagneacute drsquoun geste de la main SN-O anteacuteposeacute

Annexe H-450

-structuration de type SV + SN-S postposeacute

SV (sort) + SN-S postposeacute (chien)

4 BR_agr3-MJ07 euh (5) plus-tard sort (12) chien un LEXsubst(chatgtchien) SN-S postposeacute E Non-Can

Annexe H-478

-structuration de type SN + SN + SN

juxtaposition des SN (une femme bisou un homme)

26 BR_agr4 une femme bisou un homme SNNN E Non-Can Juxtaposition SN

Annexe H-485

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

297

Le graphe ci-apregraves (Figure 34) repreacutesente la reacutepartition des mots extraits consacreacutes agrave la formation des eacutenonceacutes de forme canonique versus non canonique selon les groupes (controcircle agrave gauche en couleur unie et agrammatique agrave droite en couleur hachureacutee) Ce graphe reprend la variable Prop Mots ext(E Ph) deacutejagrave commenteacutee agrave travers le graphe preacuteceacutedent (voir Figure 33 p 294) est compleacuteteacute par la variable Prop Mots(E Non-Can)

Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) moyennes - tacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe contr

95 97

97

10

0

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop Motsext(E Non-Can)

Prop Motsext(E Ph)

Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) moyennes - tacircches 1 2 3 et 4

moyennes groupe agr

45

59 70

91

55

41

30

9

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

Prop Motsext(E Non-Can)

Prop Motsext(E Ph)

Figure 34 Reacutepartition des mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph))

versus les eacutenonceacutes de forme non canonique (Prop Mots ext(E Non-Can)) selon les groupes (controcircle couleur unie agrammatique hachureacute) et selon les tacircches 1 2 3 et 4

La somme des deux proportions (Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) ) est eacutegale agrave 100 et le graphe permet par conseacutequent de visualiser la variabiliteacute inter-tacircches tregraves caracteacuteristiques du groupe agrammatique (agrave droite en hachureacute)

En clair les locuteurs agrammatiques sont en geacuteneacuteral beaucoup moins laquo aptes raquo agrave former des eacutenonceacutes de forme canonique de type SN-S+SV Cela confirme lrsquoideacutee que le dysfonctionnement sous-jacent agrave lrsquoagrammatisme agrave des conseacutequences sur la structuration syntaxique des eacutenonceacutes produits

Mais les agrammatiques sont toutefois capables de formuler des structures de type SN-S+SV notamment dans la condition expeacuterimentale ougrave le degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee est le plus haut (tacircche 4) et ce beaucoup freacutequemment que dans les autres tacircches de production plus libres

Cela prouve pour nous que le deacuteficit sous-jacent nrsquoest pas fondamentalement de nature syntaxique mais que le sujet va convoquer une qualiteacute syntaxique plus ou moins canonique agrave la demande En effet il ajuste la formulation suivant son dysfonctionnement mais aussi suivant la preacutecision grammaticale qursquoil vise

De plus les structurations syntaxiques de forme non canonique vont de pair avec le style elliptique qui est plus caracteacuteristique des tacircches de production tregraves libres (tacircches 1 et 2) comme nous lrsquoavons deacutejagrave vu

Et inversement la qualiteacute des structures syntaxiques srsquoameacuteliore agrave mesure que le recours au style elliptique deacutecline (de la tacircche 1 agrave la tacircche 4)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

298

Par quels moyens ou strateacutegies les agrammatiques parviennent-ils agrave ameacuteliorer la qualiteacute syntaxique des formulations qui transparaicirct du fait de lrsquoaccroissement de la freacutequence drsquoeacutenonceacutes de forme canonique Nous tentons de reacutepondre agrave cette question dans le paragraphe suivant agrave travers lrsquoexamen des donneacutees individuelles

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Prop Mots ext(E Ph) - tacircches 1 2 3 et 46 agr

23

6

44

34

84 82

40

12

76

40

92 93

3741

89

68

9195

71

90

9599

96 95

0

50

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 35 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph) )

pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Les donneacutees individuelles concernant la variable Prop Mots ext(E Ph) (Figure 35 ci-dessus) confirment sans exception les tendances inter-tacircches deacutejagrave deacutecrites en moyenne de groupes surtout si lrsquoon compare les donneacutees de la tacircche la plus libre (tacircche 1) avec celles de la tacircche la plus contraignante (tacircche 4)

En effet dans tous les cas drsquoagrammatisme les corpus sont beaucoup plus caracteacuteriseacutes par une structuration canonique de type SN-S+SV agrave mesure que la preacutecision grammaticale est requise notamment en ce qui concerne la tacircche 4

Drsquoautre part nous observons que les proportions obtenues en production de discours continu narratif (tacircches 2 et 3) sont intermeacutediaires dans chacun des cas drsquoagrammatisme sans exception crsquoest-agrave-dire qursquoelles sont toujours supeacuterieures agrave celles obtenues en production de discours continu spontaneacute (tacircche 1) et toujours infeacuterieures agrave celles obtenues en production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

Revenons sur la question poseacutee preacuteceacutedemment par quels moyens ou strateacutegies les agrammatiques parviennent-ils agrave ameacuteliorer la structuration syntaxique ameacutelioration traduite pas une quantiteacute croissante de mots consacreacutes agrave la formulation drsquoeacutenonceacutes de forme canonique

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

299

Lrsquoappui sur certains morphegravemes choisis pour leur commoditeacute semble avoir un effet positif sur la qualiteacute de la structuration syntaxique Par exemple 2 BR_agr pour qui la variable Prop Mots ext(E Ph) passe de 6 en production libre (tacircche 1 voir Figure 35 page preacuteceacutedente) agrave 90 en production de phrases isoleacutees (tacircche 4) a tendance agrave structurer presque de maniegravere systeacutematique en production de phrases isoleacutees les phrases autour des morphegravemes pivots prendre et pour

En voici quelques exemples

43 BR_agr4 un petit garccedilon pren- euh euh prendre le chien euh

LEXVsubst(donnergtprendre) SN-ODirom(le pacircteacute)

Annexe H-488

9 BR_agr4

une femme prend le couteau pour euh euh pour t- euh prendre couteau pour euh poser

[omp bə tɛʀ]

Deformphon(pommes-de-

terregt[ompbətɛʀ]) ici compteacute exceptionnellement en 3 Mots prod LEXVsubst(eacutepluchergtposer) 1 PREP(pour) + Vinf E Ph

Annexe H-482

20 BR_agr4 un homme prendre [a] lettre pour poster

Deformphon(lagt[a]) LEXVsusbt(postergtprendre) Vinf E Ph

Annexe H-484

49 BR_agr4 un homme prend le cartable pour euh euh rendre [i] euh petit garccedilon

LEXVsubst(donnergtprendre) PREPom(agrave) DETom(le)

Annexe H-488

Le cas de 5 PB_agr est aussi singulier pour lui on a remarqueacute une surabondance de constructions introduites par les preacutesentatifs crsquoest ou il y a se combinant avec drsquoautres constituants varieacutes180

3 PB_agr1 crsquoest euh mars avril m- mai

PREPom(en) 0 V-FLEX laquo crsquoeacutetait en mai raquo PREPom(en) + laquo mai raquo

Annexe H-544

10 PB_agr1 crsquoest le les s- les tab- les tableaux

Annexe H-544

13 PB_agr1 euh et lagrave alors euh euh on est euh (2) crsquoest euh dans le soir avec euh une voiture

PREPajout(dans) PREPsubst(engtavec) + laquo une voiture raquo

Annexe H-544

180 Pour laquo crsquoest une piqucircre raquo par exemple on aura la structuration canonique ainsi deacutecomposeacutee [PRO-S(crsquo) + Vcop(est) + SN(une piqucircre)] Ainsi deacutecomposeacutee syntaxiquement nous avons coteacute ce type de structure dans la cateacutegorie des E Ph mecircme si ce type de preacutesentatif typique de la langue oral ordinaire peut ecirctre vu comme eacutetant une sorte de figement syntaxique qui impliquerait de la consideacuterer comme un tout solidaire non deacutecomposable de la sorte Il en va de mecircme pour il y a + X

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

300

28 PB_agr1 crsquoest euh du canoeuml dans les rapides 0 V-FLEX laquo on a fait du canoeuml dans les rapides raquo

Annexe H-545

61 PB_agr1 et apregraves euh (6) crsquoest euh une piqucircre 0 V-FLEX

Annexe H-547

18 PB_agr2a et euh il a le crsquoest bon

Annexe H-551

25 PB_agr2a et euh le il y a un chapeau dans le lit laquo il met le bonnet de nuit se met dans le lit raquo

Annexe H-550

Pour la tacircche 4 en particulier il faut savoir que PB_agr utilise freacutequemment laquo crsquoest raquo en guise drsquoinitiateur drsquoeacutenonceacute tout en laquo reacuteprimant raquo sa formulation comme par exemple

25 PB_agr4 euh crsquoest euh la fille et le garccedilon fait de-la musique de-la musique dans une dans dans une dans un plac- dans un piano piano

V-FLEXsubst(fontgtfait) PREP(au pianogtdans un piano) LEXsubst(jouegtfait)

Annexe H-565

Le preacutesentatif crsquoest nrsquoest pas reacuteellement inteacutegreacute dans la structuration syntaxique des phrases produites ces derniegraveres eacutetant souvent de forme canonique et organiseacutee autour du verbe noyau

Lorsque crsquoest est inteacutegreacute syntaxiquement crsquoest dans les quelques cas ougrave la structure est cliveacutee comme par exemple

31 PB_agr4 euh lrsquohomme euh prend euh dans le meacutedecin et le un le Rechlex

PB_agr4 crsquoest une femme qui fait des radios dans le garccedilon enfin dans le enfin crsquoest pas le garccedilon crsquoest oui crsquoest le garccedilon mais crsquoest une euh

Cliveacutee

Annexe H-566

Cela nous a ameneacutee agrave formuler lrsquohypothegravese selon laquelle pour PB_agr en particulier les emplois freacutequents en mecircme en excegraves de crsquoest qursquoil soit inteacutegreacute agrave une structure syntaxique ou qursquoil soit reacuteprimeacute pourraient srsquoexpliquer par une proceacutedure de surgeacuteneacuteralisation de lrsquoeacutebauche drsquoun eacutenonceacute agrave partir de crsquoest181

Pour finir il nous semble que les preacutesentatifs crsquoest ou il y a sont des moyens eacuteleacutementaires de structuration syntaxique Ils ameacuteliorent certes la qualiteacute des eacutenonceacutes produits en surface mais sont parfois abusifs En effet les eacutenonceacutes obtenus sont parfois aberrants

8 PB_agr2a beurre dans euh crsquoest dans hum la fille Repet(beurre) laquo la megravere donne un pot de beurre agrave la fille raquo

Annexe H-551

181 Cela pourrait provenir des exercices de deacutenomination reacutealiseacutes en theacuterapie du langage ougrave le recours systeacutematique agrave ce type drsquoeacutebauche permet de structurer syntaxiquement de maniegravere eacuteleacutementaire une seacutequence donneacutee

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

301

Ainsi selon nous le recours aux preacutesentatifs permet tout au plus drsquoobtenir des constructions de forme pseudo-canonique

Pour finir mecircme si nous nrsquoavons pas quantifieacute les reformulations et auto-corrections au sein des corpus nous pouvons affirmer que chez certains agrammatiques les proceacutedures de reformulation et de reacuteflexion meacutetalinguistique sont beaucoup plus nombreuses en geacuteneacuteral en production de phrases isoleacutees qursquoen production de discours spontaneacute De ce point de vue les corpus de BR_agr (voir lrsquoeacutenonceacute 13 ci-dessous) ou de SB_agr (voir lrsquoeacutenonceacute 56 ci-dessous) sont par exemple tregraves repreacutesentatifs de cette tendance qui revient agrave solliciter plus ou moins selon les contraintes de la tacircche et la preacutecision grammaticale induite des proceacutedures de reacuteflexion sur le code ou de reformulation

13 BR_agr4 petit garccedilon prend euh euh

BR_agr4 petit garccedilon pr- a- euh DETom(le) RechLEX

exp ccedila crsquoest le crsquoest quoi

BR_agr4 [aftiʀatoslashʀ] Deformphon(aspirateurgt[aftiʀatoslashʀ])

exp le petit garccedilon laquo petit garccedilon prend lrsquoapirateur pour rafirer raquo

BR_agr4 prend lrsquo [apiRatoslashR] pour a- ra- euh [RafiRe] ah euh calme [Rafi-] euh

Deformphon(aspirateurgt[apiRatoslashR]aspirergt[RafiRe])

BR_agr4 un petit garccedilon euh

exp aspirer

BR_agr4 parfait

exp le petit garccedilon

BR_agr4 aspire

Annexe H-483

56 SB_agr4 le garccedilon euh regarde huuum Planification

SB_agr4 le garccedilon miroir alors

SB_agr4 le garccedilon regarde au au miroir humm pas terrible ccedila

PREPsubst(dansgtagrave)

SB_agr4 le garccedilon regarde (3) dans le miroir crsquoest mieux je pense

Autocor+ (PREP) PROreflom(se)

Annexe H-542

En reacutesumeacute certains agrammatiques comme 2 BR_agr avec la matrice agrave pivots X prendre Y pour Z et comme 5 PB_agr avec lrsquoemploi freacutequent de preacutesentatifs ont mis en place des strateacutegies de structuration efficaces permettant drsquoameacuteliorer la qualiteacute syntaxique des eacutenonceacutes produits

Toutefois la proceacutedure de surgeacuteneacuteralisation de crsquoest nous semble aboutir agrave des structurations syntaxiques qui sont en reacutealiteacute de forme pseudo-canonique

Ainsi en visant une correction grammaticale ou syntaxique plus laquo soigneacutee raquo lorsque les conditions laissent toutefois la possibiliteacute de srsquoappuyer sur des reformulations il nrsquoest pas eacutetonnant de voir que la structuration syntaxique srsquoameacuteliore en production de phrases isoleacutees compareacute agrave la production de discours continu spontaneacute ougrave de fait le locuteur ne srsquoarrecircte pas agrave chacune des structures pour la reformuler

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

302

Ces observations nous semblent converger avec celles de KOLK (voir p 2433 p 65) eu eacutegard lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation preacuteventive et corrective

Les variations de la vitesse du deacutebit verbal plus rapide en production libre (tacircche 1) et se ralentissant de la tacircche 1 agrave la tacircche 3 (et a fortiori agrave la tacircche 4) srsquoen ressentent en conseacutequence

1 PC_agr quant agrave lui produit de tregraves nombreuses reformulations mecircme en production libre Cela pourrait expliquer le fait que lorsque le trouble est tregraves reacutecent le locuteur agrammatique nrsquoa pas encore eu le temps de mettre en place des comportements adaptatifs et de fixer des routines strateacutegiques de laquo formatage raquo elliptique du discours De ce fait il utilise de nombreuses reformulations et auto-corrections mecircme en production de discours spontaneacute En clair en production libre les adaptations correctives sont tregraves nombreuses chez 1 PC_agr alors qursquoelles sont moins caracteacuteristiques chez les autres agrammatiques

Par ailleurs en production de phrases isoleacutees les adaptations correctives demeurent tregraves caracteacuteristiques chez tous les sujets agrammatiques

633 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en nombre de mots extraits Long Moy E Ph(Mots ext)

La longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en nombre de mots extraits (Long Moy E Ph(Mots ext) voir la Figure 36 ci-apregraves p 303) est une variable SYNTAX calculeacutee exclusivement sur la base des eacutenonceacutes de forme canonique ce qui revient agrave ne pas inteacutegrer dans le calcul tous les eacutenonceacutes de forme non canonique

Lrsquoobservation du graphe nous permet de confirmer les tendances deacutejagrave deacutegageacutees de lrsquoeacutetude approfondie de la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) et drsquoarriver aux mecircmes conclusions si lrsquoon eacutetudie les donneacutees individuelles de pregraves182 Crsquoest pourquoi nous nrsquoexaminerons pas ces donneacutees plus en deacutetail183 et renvoyons le lecteur au point concernant la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238-242) Le graphe nrsquoest placeacute ici qursquoagrave titre indicatif

182 Concernant la variable Long Moy E Ph(Mots ext) voir les graphes de donneacutees individuelles controcircles en Annexe I-699 et agrammatiques en Annexe H-626 183 Drsquoautant que nous pensons que la variable CORPUS Long Moy E Seg(Mots ext) qui est calculeacutee drsquoapregraves lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes produits reflegravete plus fidegravelement la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute produit surtout pour les agrammatiques En effet le calcul reacutealiseacute drsquoapregraves les E Ph uniquement (les eacutenonceacutes de forme canonique seulement et non lrsquoensemble des eacutenonceacutes produits) nous semble moins fiable dans la mesure ougrave pour certains corpus le nombre drsquoE Ph pouvait ecirctre tregraves faible (par exemple le corpus 2 BR_agr1 ne compte que 2 ou 3 eacutenonceacutes de forme canonique alors que le nombre total drsquoeacutenonceacutes produits pris en compte pour les analyses par ailleurs srsquoeacutelegraveve agrave 108)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

303

Long Moy E Ph(Mots ext) moyenne - tacircches 1 2 3 et 4 moyennes groupes contr vs agr

Non commenteacute (mecircmes tendances que Long Moy E Seg(Mots ext) )

9 910

7

46

5561

57

0

5

10

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 36 Longueur moyenne des eacutenonceacutes-phrases en nombre de mots extraits (Long Moy E

Ph(Mots ext) ) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

634 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux Prop E Ph Gram

La variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux) traduit un aspect de la qualiteacute morpho-syntaxique des eacutenonceacutes produits selon qursquoils soient de forme canonique ET grammaticale ou non (si les deux conditions ne sont pas remplies lrsquoeacutenonceacute nrsquoest pas reacuteputeacute bien formeacute)

(a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique

Srsquoagissant ainsi de la proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram voir la Figure 37 p 304) le patron geacuteneacuteral de variabiliteacute inter-tacircches est le mecircme que celui deacutejagrave observeacute dans les graphes de variables SYNTAX eacutetudieacutes jusqursquoagrave preacutesent les performances des locuteurs srsquoameacuteliorent agrave mesure que la tacircche requiert plus de preacutecision grammaticale

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

304

En effet les proportions augmentent progressivement 17 (tacircche 1) 25 (tacircche 2) 32 (tacircche 3) et 38 (tacircche 4)

Prop E Ph Gram moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

9194 94

100

17

25

3238

0

50

100

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 37 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1

2 3 et 4 moyennes de groupes

En production de discours spontaneacute (tacircche 1) la qualiteacute syntaxique des productions agrammatique est la moins grammaticale

Ainsi les constructions suivantes produites par un agrammatique (dans les tacircches 3 et 4) sont parfaitement grammaticales (alors qursquoen production de discours libre crsquoest-agrave-dire la tacircche 1 on nrsquoa releveacute aucune formulation grammaticale preacuteciseacutement pour ce locuteur)

2 BR_agr3-MJ01 une personne mange le euh euh (2) fruit (2) E Ph Gram

Annexe H-474

1 BR_agr4 un garccedilon pleure E Ph Gram

Annexe H-481

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

305

En conclusion lrsquoexamen de la variable Prop E Ph Gram (proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux) nous permet de conclure que plus lrsquoagrammatique vise agrave une bonne correction grammaticale et plus la qualiteacute des eacutenonceacutes produits srsquoameacuteliore mais ceci au prix drsquoun ralentissement du deacutebit verbal et en srsquoappuyant sur des proceacutedures des autocorrections et des reformulations Cela va dans le sens des conclusions deacutejagrave deacutegageacutees de lrsquoeacutetude des formulations canoniques versus non canoniques (voir au point 632 pp 293-302)

Globalement la grammaticaliteacute de lrsquooutput agrammatique srsquoameacuteliore agrave mesure que la tacircche gagne en preacutecision grammaticale induite et perd en spontaneacuteiteacute et ceux pour les raisons deacutejagrave eacutevoqueacutees les sujets auraient recours preacutefeacuterentiellement agrave des strateacutegies de structuration elliptique en production spontaneacutee et agrave des strateacutegies meacutetalinguistiques (reformulations reacuteflexion sur le code) en production contrainte

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Du point de vue de la grammaticaliteacute des eacutenonceacutes produits les diffeacuterences individuelles (voir Figure 38 ci-dessous) sont tregraves marqueacutees En effet les proportions drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux varient de 0 pour 2 BR_agr dans la tacircche 1 agrave 73 pour 6 TH_agr dans la tacircche 4 Malgreacute ces fortes dispariteacutes inter-sujets on peut toutefois nettement entrevoir la variabiliteacute inter-tacircches sujets par sujets que nous avons deacutejagrave deacutecrite et expliqueacutee (voir supra)

Prop E Ph Gram - tacircches 1 2 3 et 46 agr

96

00

298

105 107

418

118

20

319

68

538

448

185

68

364

280

500545

200

102

379

600

277

729

0

25

50

75

1001 P

C_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 38 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1

2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

Drsquoautre part seul 5 PB_agr montre un patron de variabiliteacute inter-tacircches singulier compareacute aux autres cas la grammaticaliteacute de ses constructions ne srsquoameacuteliorent pas aussi reacuteguliegraverement et va mecircme deacutecliner (la proportion chute agrave 277 voir Figure 38 ci-dessus 5 PB_agr tacircche 4) Cela srsquoexplique par les difficulteacutes eacuteprouveacutees par ce sujet en particulier agrave

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

306

seacutelectionner le verbe adeacutequat pour une structure cible attendue En effet lorsqursquoun verbe agrave valeur geacuteneacuterique comme prendre ou faire eacutetait produit par PB_agr agrave la place du verbe speacutecifique attendu (comme aller ou accrocher) la phrase produite eacutetait coteacutee nulle mecircme si elle eacutetait de forme canonique et grammaticale En voici des exemples concrets

-le chien prend une gamelle pour le garccedilon donne la gamelle au chien

43 PB_agr4 euh (6) le chien euh prend une gamelle ouais ah ouais crsquoest pas vraiment bon

LEXsubst(donnegtprend)

Annexe H-567

-la personne fait une assiette dans le mur pour le pegravere accroche une assiette au mur

40 PB_agr4 une la la le la femme la le la personne fait une une une assiette dans le mur

LEXsubst(lrsquohommegtla personne) LEXsubst(accrochegtfait) PREPsubst(agravegtdans)

Annexe H-567

En conseacutequence lrsquoemploi freacutequent drsquoun verbe agrave valeur geacuteneacuterique par deacutefaut a fait chuter le score de 5 PB_agr mecircme srsquoil srsquoagit drsquoune strateacutegie palliative qui ameacuteliore globalement la qualiteacute syntaxique des constructions

De mecircme 3 MC_agr a du mal agrave laquo deacutecoller raquo ses performances vont de 298 (tacircche 1 voir la Figure 38 page preacuteceacutedente) pour plafonner agrave 379 (tacircche 4) Cela srsquoexplique notamment par la preacutesence de nombreux pheacutenomegravenes de paraphasies grammaticales En effet dans les exemples suivants issus de son corpus les substitutions entre deacuteterminants ou entre preacutepositions rendent les constructions agrammaticales

15 MC_agr4 la garccedilon cueille un pomme DETsubst(legtla) DETsubst(unegtun)

Annexe H-509

23 MC_agr4 le garccedilon descend (25) contre contre (2) contre la route contre (2) contre

PREPsubst(surcontre)

Annexe H-510

Les pheacutenomegravenes de substitutions (de laquo vraies raquo substitutions paragrammatiques) compromettent ainsi la grammaticaliteacute des constructions produites Ainsi lorsqursquoelles sont plus freacutequentes chez certains agrammatiques par rapport agrave drsquoautres qui srsquoappuient sur un proceacutedeacute de structuration elliptique celles-ci accentuent lrsquoagrammaticaliteacute des formulations

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

307

635 Indice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase Indice Elab E Ph

(a) Rappel calcul et signification de la variable Indice Elab E Ph

Pour le calcul de la variable Indice Elab E Ph seuls les eacutenonceacutes de forme canonique (les structures de type SN-S+SV crsquoest-agrave-dire les eacutenonceacutes-phrases ou E Ph) ont eacuteteacute pris en consideacuteration les nombres de mots de classe ouverte (MCO) et de pronoms (PRO) preacutesents dans les SN-S drsquoune part et dans les SV drsquoautre part furent comptabiliseacutes Ensuite par ratio on a calculeacute le nombre moyen de MCO+PRO composant les SN-S et les SV Ces moyennes sont additionneacutees et diminueacutees de 1 afin drsquoobtenir un indice global drsquoeacutelaboration syntaxique

Au final lrsquoindice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase (Indice Elab E Ph) exprime le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases preacutesents dans les corpus Pour lire cet indice il faut consideacuterer que

un indice de 1 signifie que en moyenne le SN-S et le SV ne comptent chacun qursquoun eacuteleacutement comme dans lrsquoexemple prototypique suivant

Le loup vient gt SN-S (1 MCO) + SV (1 MCO) (1 + 1) - 1 = 1

un indice supeacuterieur agrave 1 signifie que en moyenne le SN-S et le SV comptent chacun plus drsquoun eacuteleacutement comme par exemple

Le meacutechant loup vient gt SN-S (2 MCO) + SV (1 MCO) (2 + 1) - 1 = 2

Il vient chez la grand-megravere gt SN-S (1 PRO) + SV (2 MCO) (1 + 2) - 1 = 2

Le pegravere met une assiette dans le lave-vaisselle gt SN-S (1 MCO) + SV (3 MCO) (1 + 3) - 1 = 3

Le grand meacutechant loup vient chez la grand-megravere pour la deacutevorer

gt SN-S (3 MCO) + SV (3 MCO + 1 PRO) (3+4) - 1 = 6

Rappelons que le calcul de cette variable de prend pas en compte les eacutenonceacutes de forme non canonique (E Non-Can) qui peuvent dans certains corpus agrammatiques ecirctre tregraves nombreux Il faut donc lire les reacutesultats de cette variable en gardant bien agrave lrsquoesprit qursquoelle nrsquoimplique pas la totaliteacute des eacutenonceacutes-segmenteacutes mais seulement ceux dont la structuration est de forme canonique (E Ph)

En conseacutequence cette variable est un bon indicateur des possibiliteacutes des agrammatiques agrave structurer un eacutenonceacute-phrase Elle reflegravete un laquo potentiel raquo de structuration syntaxique et non le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique reacuteel de tous les eacutenonceacutes produits

Par contre le calcul de cette variable appliqueacute aux corpus controcircles est un indicateur plus proche de la reacutealiteacute en ce sens que les corpus controcircles sont composeacutes pour lrsquoessentiel drsquoE Ph

En reacutesumeacute comme cet indice se calcule agrave partir des E Ph il nous semble qursquoil reflegravete plus fidegravelement le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique effective des corpus controcircles compareacute aux traitements appliqueacutes aux corpus agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

308

(b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique

Indice Elab E Ph moyen - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

40 38 39

19

1714 1515

0

2

4

6

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 39 Indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases (Indice Elab E Ph) pour les tacircches 1 2 3 et

4 moyennes de groupes

En moyenne lrsquoindice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases est de 4 38 et 39 chez le groupe controcircle dans les tacircches 1 2 et 3 (Figure 39 ci-dessus) En production de phrases isoleacutees lrsquoindice controcircle descend drastiquement agrave 19 Comme pour toutes les autres variables eacutetudieacutees les indices controcircles sont des valeurs reacutefeacuterences du comportement verbal laquo normal raquo En bref lrsquoindice controcircle moyen est de pregraves de 4 en production de discours continu et de pregraves de 2 en production de phrases isoleacutees

Compareacute au groupe controcircle le groupe agrammatique preacutesente par contre un profil caracteacuteristique refleacutetant le manque drsquoeacutelaboration syntaxique des eacutenonceacutes-phrases En effet leurs Indices Elab E Ph moyens sont toujours tregraves infeacuterieurs aux indices controcircles en particulier pour les tacircches 1 2 et 3 (avec des indices respectifs de 14 17 et 14 contre pregraves de 4 chez le groupe controcircle)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

309

Srsquoagissant de la tacircche de production de phrases isoleacutees lrsquoindice agrammatique se maintient sensiblement par rapport aux tacircches de production de discours continu avec une valeur de 15 Drsquoautre part lrsquoeacutecart entre les indices controcircles et agrammatiques est tregraves marqueacute en production de discours continu (tacircche 1 2 et 3) et se reacuteduit fortement en production de phrases isoleacutees (tacircche 4)

Ces observations nous amegravenent agrave conclure que

les agrammatiques lorsqursquoils parviennent agrave formuler une structure de forme canonique (SN-S+SV) ont tendance agrave en reacuteduire le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique par rapport aux sujets controcircles et ce quelque soit la situation

en production de discours continu (tacircche 1 2 et 3) le manque drsquoeacutelaboration syntaxique est beaucoup plus marqueacute car la diffeacuterence inter-groupes pour les tacircches 1 2 et 3 est moindre que la diffeacuterence inter-groupes pour la tacircche 4

Cela traduit le fait que les agrammatiques auraient tendance agrave reacuteduire drastiquement le degreacute drsquoeacutelaboration syntaxique en situation de production de discours continu

Ces observations convergent avec les tendances deacutejagrave deacutecrites auparavant agrave travers lrsquoanalyse de variables visant agrave mesurer la longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute qui est toujours plus faible chez les agrammatiques184 ou agrave travers les analyses consacreacutees aux variables MORPH-LEX et concernant en particulier lrsquoemploi des morphegravemes grammaticaux185

En effet nous en avions deacutejagrave conclu par ailleurs que le style elliptique caracteacuteristique de la production agrammatique reacutesulte du raccourcissement des eacutenonceacutes en nombre de mots au deacutepens des morphegravemes grammaticaux

En conclusion le recours au style elliptique srsquoaccentue en production de discours continu ce que confirme encore lrsquoIndice Elab E Ph Nous ne nous attarderons pas ici sur un examen deacutetailleacute des donneacutees individuelles qui serait redondant (voir le graphe de donneacutees individuelles agrammatiques en Annexe H-627)

184 Il srsquoagit des variables CORPUS Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238-242) 185 Voir par exemple les analyses des variables MORPH Prop MCF (625 p 261) Prop DET (626 p 265) ou Prop PREPMots ext (628 p 275)

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

310

636 Proportion drsquoeacutenonceacutes avec complexification syntaxique Prop SUB

La variable Prop SUB (proportion drsquoeacutenonceacutes contenant une subordonneacutee) a eacuteteacute calculeacutee sur la base de lrsquoensemble des eacutenonceacutes segmenteacutes

(a) Moyennes de groupe controcircle vs agrammatique

En production de discours continu (tacircches 1 2 et 3) la proportion drsquoeacutenonceacutes produits contenant au moins une proposition subordonneacutee oscille en moyenne entre 25 et 30 au sein des corpus controcircles pris comme reacutefeacuterence (voir Figure 40 ci-dessous) Au sein des corpus agrammatiques on a releveacute en geacuteneacuteral tregraves peu drsquooccurrences de SUB ce qui porte les proportions moyennes agrave 6 5 et 7

Prop SUB moyenne - tacircches 1 2 3 et 4moyennes groupes contr vs agr

30

2528

3

6 57

2

0

25

50

Tacircche 1 Tacircche 2 Tacircche 3 Tacircche 4

MOY_contr

MOY_agr

Figure 40 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop

SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives

Variables SYNTAX

311

En effet les agrammatiques nrsquoont que rarement recours agrave des structurations syntaxiques complexes Les tentatives de structuration syntaxique complexe sont le cas eacutecheacuteant souvent infructueuses Les eacutenonceacutes suivants illustrent ce pheacutenomegravene

95 SB_agr1 parce-que euh je (2) je c- je crois que Ab SUB SUB nrsquoest pas meneacutee agrave terme

Annexe H-523

31 SB_agr2b et apregraves euh (3) m- m- m- mi- minuit rentrer parce-que euh (5) si- sinon euh hum euh (9)

Ab SUB laquo parce quehellip raquo laquo sinon humhellip raquo claquement langue en signe drsquoagacement SN-Som(Cendrillon) PREP(agrave) + minuit

32 SB_agr2b rentrer sinon euh a- apprecircter euh souillon encore

SN-Som(Cendrillon) 0 V-FLEX

Annexe H-528

Dans lrsquoexemple ci-dessus on peut drsquoailleurs remarquer une proceacutedure de deacutecomposition de la phrase complexe en propositions autonomes faisant suite agrave la tentative de formulation initiale non aboutie

Pour cette variable on ne note pas de variabiliteacute inter-tacircches inteacuteressante Crsquoest comme si les hieacuterarchies syntaxiques eacutetaient globalement eacuteviteacutees par les agrammatiques quel que soit le type de production en jeu

(b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques

Les donneacutees individuelles (Figure 41 ci-dessous) invitent agrave constater que dans deux cas drsquoagrammatisme 1 PC_agr et 2 BR_agr aucune subordonneacutee nrsquoa eacuteteacute releveacutee

Prop SUB - tacircches 1 2 3 et 46 agr

0 03

1

6

27

0 0

41

1214

0 0

4

0

17

22

0 02 2 2

8

0

25

50

75

100

1 PC

_agr

2 BR

_agr

3 MC

_agr

4 SB

_agr

5 PB

_agr

6 TH_agr

Tacircche 1Tacircche 2Tacircche 3Tacircche 4

Figure 41 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop

SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques

PARTIE III 6 Reacutesultats des analyses quantitatives Variables SYNTAX

312

Cela suggegravere que les deux premiers sujets 1 PC_agr et 2 BR_agr chez qui les structures avec subordination sont inexistantes manifesteraient un dysfonctionnement plus accentueacute compareacute aux autres locuteurs agrammatiques

Par contre 6 TH_agr montre des scores comparables aux moyennes controcircles En effet les complexifications syntaxiques de toutes sortes sont tregraves freacutequentes En teacutemoignent les eacutenonceacutes suivants tireacutes de ses corpus

19 TH_agr1 oui mais [s] crsquoest non euh agrave-cocirc- il y avait une dame agrave-cocircteacute-de moi qui a petit-agrave-petit mecircme [eRe] pour manger normal

Deformphon(aideacuteegt[eRe]) Vpart(aideacute) Concordance des temps V-FLEXsubst(qui mrsquoavait 571aideacutegtqui a aideacute) PROom(mrsquo) + aideacutee

20 TH_agr1 mais crsquoeacutetait elle qui est agrave-cocircteacute-de moi pour euh mangerConcordance des temps V-FLEXsubst(qui eacutetaitgtqui est)

Annexe H-571

En outre dans les cas de 3 MC_agr et 4 SB_agr les tregraves faibles proportions traduisent pour nous drsquoabord le fait que les hieacuterarchies syntaxiques ne sont pas complegravetement absentes Ainsi le dysfonctionnement sous-jacent nrsquoentravent pas complegravetement la production de constructions complexes

Pour finir dans le cas de 5 PB_agr les complexifications syntaxiques sont plus freacutequentes En effet on a releveacute un certains nombres de subordonneacutees comme par exemple

9 PB_agr3-MJ09 et il est content parce-que le singe est contente est content oui

Autocor+(contentegtcontent)

Annexe H-562

De plus nous observons que de nombreuses structures complexes sont en reacutealiteacute des cliveacutees introduites par le preacutesentatif crsquoest (agrave propos de lrsquoemploi excessif du preacutesentatif crsquoest chez 5 PB_agr voir aussi 632(b) pp 299-302) En voici des exemples

-crsquoest la cloche qui est douze heures

38 PB_agr2b

il y a le le crsquoest euh le Cen- le crsquoest euh crsquoest euh la cloche qui est en enfin en retard non qui est euh un deux trois quatre cinq six sept huit neuf dix onze douze heures euh de douze heures douze heures euh enfin

laquo Cendrillon entend sonner les douze coups de minuit raquo Cliveacutee

Annexe H-554

1 PB_agr3-MJ08 alors euh crsquoest euh deux hommes qui sont dans le dans euh la campagne

Cliveacutee

Annexe H-561

En reacutesumeacute si elles sont rarement employeacutees les complexifications syntaxiques ne sont pas complegravetement absentes de certains corpus agrammatiques et sont pour un des cas plutocirct des cliveacutees

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

313

7 Synthegravese et discussion

70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees

701 Variables CORPUS variation du deacutebit verbal style elliptique intra-phrastique expansion macro-discursive

Rappelons les deux tendances importantes que nous avons caracteacuteriseacutees agrave travers lrsquoeacutetude de la variabiliteacute inter-tacircches des variables Deacutebit verbal(Mots ext) (voir au point 6122 p 235) et Long Moy E Seg(Mots ext) (voir au point 6123 p 238)

la fluence verbale est influenceacutee par les paramegravetres de la situation en effet lrsquoeacutetude de la variable Deacutebit verbal nous a conduite agrave observer que plus la tacircche accroicirct le degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee par lrsquoagrammatique et plus son deacutebit verbal ralentit

de la mecircme maniegravere la longueur drsquoun eacutenonceacute est influenceacutee par les paramegravetres de la situation plus les conditions expeacuterimentales sont contraintes (et de ce fait impliquent un plus haut degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee par lrsquoagrammatique) et moins lrsquoagrammatique convoque le style elliptique

Et inversement en production de discours libre lrsquoagrammatique a tendance agrave recourir plutocirct au style elliptique tout en ameacuteliorant son deacutebit verbal

Drsquoautre part nous avons observeacute que la reacuteduction quantitative micro-discursive (ou intra-phrastique) est contrebalanceacutee par une proceacutedure drsquoexpansion macro-discursive

Il nous semble eacutegalement important de signaler que cette proceacutedure drsquoexpansion discursive est preacutefeacuterentiellement employeacutee par lrsquoagrammatique lorsque le degreacute de liberteacute associeacute agrave la situation est maximum (en production de discours autobiographique spontaneacute)

En conclusion les locuteurs agrammatiques ne nous semblent pas preacutesenter de deacuteficit particulier sur le plan de lrsquoorganisation discursive Crsquoest mecircme agrave ce niveau supeacuterieur drsquoorganisation linguistique qursquoune proceacutedure compensatoire drsquoexpansion discursive peut srsquoeacutelaborer drsquoautant plus lorsque la mise en discours est non contrainte

Nos propres observations confirment celles de DE ROO et al (2003 voir p 70-71) qui expliquent que lrsquoagrammatique agrave recours agrave une proceacutedure de deacutecomposition drsquoune seacutequence agrave produire en seacutequences plus petites ce qui aboutit agrave une augmentation du nombre drsquoeacutenonceacutes produits et permet drsquoabaisser le risque de faire des erreurs de substitutions Selon nous ce type de proceacutedure nrsquoest pas seulement employeacute en production de phrases demandant une grande preacutecision grammaticale mais aussi en production de discours spontaneacute ougrave la recherche de la preacutecision grammaticale intra-phrastique semble mise au second plan Crsquoest pourquoi le nombre drsquouniteacutes eacutenonceacutes peut ecirctre tregraves eacuteleveacute chez certains agrammatiques

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

314

702 Variables MORPH preacuteservation des particules de discours ellipses de morphegravemes grammaticaux et strateacutegies palliatives

(a) Particules de discours et strateacutegie de structuration macro-discursive

La cateacutegorie des particules de discours est globalement preacuteserveacutee chez les agrammatiques et mecircme sur-employeacutee en production de discours spontaneacute Nous en concluons que le recours aux conjonctions et adverbiaux en guise de particules de discours demeure preacuteserveacute et permet de pallier au niveau de la macro-structure discursive le manque drsquoeacutelaboration au niveau de la micro-structure phrastique

Lorsque les conjonctions ne sont plus aussi facilement accessibles comme pour un des cas drsquoagrammatisme les adverbes sont preacutefeacuterentiellement utiliseacutes notamment justement en guise de particules discursives

Ainsi lrsquoexploitation du potentiel cadratif (au sens de CHAROLLES et VIGIER 2003 CHAROLLES et PEacuteRY-WOODLEY 2005) de certains de ces adverbes pourrait bien avoir un lien avec une strateacutegie palliative drsquoorganisation pragmatico-discursive Cette hypothegravese pourrait ecirctre testeacutee au moyen drsquoanalyses qualitatives des donneacutees plus approfondies

(b) Ellipse centreacutee sur les mots de classe fermeacutee

Lrsquoomission preacutefeacuterentielle des morphegravemes grammaticaux ou mots de classe fermeacutee (MCF) mais nous preacutefeacuterons dire laquo la rareacutefaction des MCF raquo reflegravete le dysfonctionnement sous-jacent (la limitation des ressources) mais aussi la proceacutedure de structuration elliptique qui est variable selon les contraintes imposeacutees par la tacircche de production

Cette variation de recours au style elliptique centreacute sur les morphegravemes grammaticaux nous semble correacuteleacutee de maniegravere positive agrave la baisse du deacutebit verbal (ce qursquoavaient deacutejagrave montreacute HOFSTEDE et KOLK 1994 voir au point 2433(c) p 7167) ainsi qursquoagrave lrsquoaugmentation du nombre moyen de mots par eacutenonceacute et ce agrave mesure que la formulation gagne en preacutecision grammaticale

Drsquoautre part le recours au style elliptique est caracteacuteristique de la production spontaneacutee et crsquoest en production libre que le deacutebit est le plus rapide et que les eacutenonceacutes produits sont les plus courts et les plus nombreux

(c) Les deacuteterminants

Lrsquoeacutetude de la variable Indice DET corrobore les tendances deacutecrites pour la cateacutegorie globale des MCF Du point de vue qualitatif une analyse tregraves partielle des diffeacuterents types de deacuteterminants employeacutes et des substitutions entre deacuteterminants peut illustrer des strateacutegies palliatives speacutecifiques agrave cette cateacutegorie de morphegraveme telles que le recours freacutequent agrave des adverbes quantifieurs (beaucoup de) ou lrsquoemploi de lrsquoarticle zeacutero

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

315

(d) Les pronoms

Srsquoagissant des pronoms nous avons observeacute qursquoils eacutetaient assez preacutesents au sein des corpus agrammatiques mais sous des formes fortes pouvant ecirctre topicaliseacutees et implicites (comme moi) ou au contraire sous des formes neutres ou faibles (comme ccedila crsquo dans le preacutesentatif crsquoest)

Drsquoautre part la reacutefeacuterence srsquoopegravere plutocirct par des moyens lexicaux que pronominaux Ce qui va dans le sens des tendances deacutejagrave eacutevoqueacutees agrave propos des ellipses touchant preacutefeacuterentiellement les morphegravemes grammaticaux

De ce point de vue le recours aux mots lexicaux (les noms) vient ainsi pallier le faible degreacute de pronominalisation de la reacutefeacuterence et le recours agrave des pronoms neutres et peu saillants dans le discours De cette maniegravere la reacutefeacuterence demeure aussi preacutecise que possible

(e) Les preacutepositions

Lrsquoexamen deacutetailleacutee des preacutepositions confirme une fois de plus que le recours agrave lrsquoellipse grammaticale est plutocirct caracteacuteristique de la production spontaneacutee alors que lorsque la preacutecision grammaticale viseacutee augmente le nombre de preacutepositions produites augmente eacutegalement

Ce reacutesultat converge avec les observations de HOFSTEDE et KOLK (1994 voir au point 2433(c) p 71) qui ont remarqueacute de surcroicirct une augmentation parallegravele du nombre de substitutions entre preacutepositions ce qui correspond agrave des laquo vraies substitutions raquo refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent

Nous avons aussi observeacute ce type de pheacutenomegravenes en particulier chez MC_agr dont les paraphasies grammaticales affectaient en particulier lrsquoutilisation du systegraveme des preacutepositions

Drsquoautre part la preacuteposition pour semble preacutefeacutereacutee notamment par BR_agr Cette preacutefeacuterence nous semble assez systeacutematiseacutee drsquoautant que les proprieacuteteacutes combinatoires flexibles de cette preacuteposition en fait une excellente candidate agrave la mise en place drsquoune strateacutegie palliative (voir sur ce point JAREMA et NESPOULOUS 1984 BRANCHEREAU et NESPOULOUS 1989 et SAHRAOUI 2009)

(f) Les verbes agrave valeur geacuteneacuterique

Comme pour la cateacutegorie des preacutepositions il semble que certains verbes soient employeacutes preacutefeacuterentiellement tels que ecirctre dans les constructions eacuteleacutementaires agrave verbe copule ou agrave preacutesentatif Drsquoautre part certains patients ont tendance agrave utiliser un verbe par deacutefaut agrave valeur geacuteneacuterique (comme faire ou prendre) au lieu du verbe speacutecifique requis (voir NESPOULOUS au point 2452 p 76) Ce choix tactique palliatif permet drsquoameacuteliorer la structuration syntaxique drsquoune phrase autour drsquoun preacutedicat verbal certes seacutemantiquement peu preacutecis mais bien preacutesent qui sert ainsi de pivot

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

316

(g) Les formes basiques verbales formes non finies et preacutesent simple

Pour finir nous avons observeacute que globalement les agrammatiques manifestent un dysfonctionnement affectant les meacutecanismes de flexion verbale et ont recours agrave des formes moins couteuses agrave encoder et agrave inseacuterer dans la matrice syntaxique telles que les formes non finies ou basiques de lrsquoinfinitif et du preacutesent simple Cette simplification de la morphologie verbale est une caracteacuteristique du style elliptique agrammatique tel que deacutefini par KOLK (voir HOFSTEDE et KOLK 1994 et aux points 2433 p65 et 2434 p 72)

Par ailleurs JAREMA et NESPOULOUS (1984 voir au point 2451 p 74) affirment que le recours agrave ce type de forme verbale basique non finie correspond agrave lrsquoemploi drsquoune flexion laquo neutre raquo non marqueacutee en lieu et place drsquoune flexion marqueacutee plus difficile agrave encoder

En outre nous avons observeacute une variabiliteacute inter-tacircches notable en geacuteneacuteral plus la tacircche est contraignante et plus les verbes sont employeacutes sous une forme basique fleacutechie (plutocirct au preacutesent)

Et inversement plus le discours gagne en spontaneacuteiteacute et moins les verbes sont fleacutechis crsquoest-agrave-dire qursquoils apparaissent plus freacutequemment sous une forme basique non finie ou finie (non finie souvent agrave lrsquoinfinitif au cocircteacute de formes verbales finies au preacutesent simple qui sont relativement moins freacutequentes)

703 Variables SYNTAX ellipses strateacutegies palliatives et proceacutedures de reformulations

(a) Ellipses et constructions de forme non canonique

La reacuteduction des capaciteacutes deacutedieacutees aux processus drsquoencodage de la phrase lors de lrsquoencodage a des conseacutequences sur la qualiteacute de la syntaxe

De ce point de vue les variabiliteacutes inter-groupes et inter-sujets agrammatiques sont pour chacune des variables SYNTAX eacutetudieacutees reacuteveacutelatrices de lrsquoexistence du dysfonctionnement sous-jacent et de ses divers degreacutes de seacuteveacuteriteacute

De surcroicirct les aspects quantitatifs et qualitatifs caracteacuteristiques de la syntaxe reacutesultent en grande partie des strateacutegies de formatage des constructions agrave produire

Les variabiliteacutes inter-tacircches reflegravetent nettement des proceacutedures drsquoadaptation deacuteployeacutees par les sujets agrammatiques en vue drsquoameacuteliorer la qualiteacute syntaxique des formulations

En effet nous avons observeacute que globalement la structuration syntaxique des productions agrammatiques gagne en correction grammaticale lorsque la production est plus contrainte Il semble en effet que la recherche drsquoune plus grande preacutecision grammaticale en particulier dans les tacircches contraignantes est un facteur deacuteterminant de la qualiteacute de la formulation obtenue

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317

Et inversement en production plus libre la formulation syntaxique est plutocirct caracteacuteriseacutee par des constructions elliptiques (en quantiteacute) et de forme non canonique (en qualiteacute) Pour nous cela srsquoexplique probablement par le fait que lrsquoagrammatique opte pour une formulation moins preacutecise ce qui transparaicirct tregraves nettement en production spontaneacutee

Srsquoagissant des constructions de forme non canonique celles-ci recouvrent un large spectre

Nous avons observeacute en particulier de freacutequentes proceacutedures drsquoellipse du SN-S qui a eacuteteacute topicaliseacute anteacuterieurement dans le fil du discours (proceacutedure qualifieacutee de laquo Topic drop raquo par DE ROO et al 2003 voir au point 2433(c) p 67)

Lrsquoellipse du SN-S permet ainsi drsquoeacuteviter la surcharge cognitive et de mobiliser les ressources en vue de lrsquoencodage des eacuteleacutements plus laquo utiles raquo au contenu du message Tel que KOLK lrsquoa souligneacute en mettant en valeur les similitudes entre lrsquoellipse normale et agrammatique (voir au point 2433(c) p 67) notons que les ellipses de SN-S peuvent aussi bien se rencontrer en conversation ordinaire (en situation de dialogue notamment)

Par ailleurs les corpus agrammatiques sont notamment caracteacuteriseacutes par des occurrences de constructions syntaxiques avec anteacuteposition de lrsquoObjet qui traduiraient donc le recours agrave une organisation syntaxique de type (S)OV (avec le cas eacutecheacuteant ellipse du Sujet theacutematiseacute anteacuterieurement et donc implicite) Lrsquohypothegravese selon laquelle une organisation (S)OV pourrait preacutesenter certaines proprieacuteteacutes notamment pragmatico-syntaxiques meacuteriterait des analyses et une discussion plus fouilleacutee agrave la lumiegravere de la theacuteorie linguistique

(b) Palliatifs morpho-syntaxiques

Par ailleurs nous avons observeacute que lrsquoemploi de certaines strateacutegies palliatives qui srsquoappuient sur des morphegravemes commodes et donc preacutefeacuterentiellement employeacutes ameacuteliore sensiblement la qualiteacute de la syntaxe (telles que les constructions autour des pivots prendre et pour ou le recours au preacutesentatif crsquoest ou agrave des constructions syntaxiques minimales comme ccedila va ou crsquoest bien)

Ainsi la qualiteacute de la syntaxe srsquoameacuteliore gracircce agrave des palliatifs morpho-syntaxiques qui peuvent se systeacutematiser de sorte que leur mobilisation devienne une routine

Ajoutons que drsquoautres strateacutegies palliatives de ce type pourraient certainement ecirctre deacutecrites agrave travers des analyses qualitatives plus approfondies

(c) Proceacutedures de reformulations et drsquoautocorrections expliciteacutees (overt-repairs)

Pour finir les proceacutedures de reformulations et drsquoauto-corrections nous ont paru plus caracteacuteristiques des corpus de production plus contrainte (issus de la tacircche 4 en particulier) Elles permettent somme toute drsquoameacuteliorer la qualiteacute de la construction reformuleacutee

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En revanche en production spontaneacutee ou plus libre les proceacutedures de reformulation sont moins caracteacuteristiques De ce fait lrsquoeacutelocution gagne en aisance ce qui se traduit par une acceacuteleacuteration du deacutebit verbal

En reacutesumeacute la grammaticaliteacute des eacutenonceacutes agrammatiques srsquoameacuteliore agrave mesure que la tacircche gagne en preacutecision grammaticale induite par la tacircche et viseacutee par le locuteur En effet les sujets ont preacutefeacuterentiellement recours agrave des strateacutegies de structuration elliptique en production spontaneacutee (soit des adaptations preacuteventives) En revanche en production plus contrainte ils ont plutocirct recours agrave des strateacutegies auto-correctives voire reacuteflexives (soit des adaptations correctives expliciteacutees ou silencieuses des overt- ou covert-repairs) En outre cette observation fut deacutejagrave documenteacutee drsquoapregraves une eacutetude de cas (HOFSTEDE et KOLK 1994 voir au point 2433(c) p 67)

En conclusion la production libre ougrave lrsquoaisance verbale est prioritaire motiverait plutocirct des adaptations preacuteventives (ellipses) alors que la production plus contrainte ougrave la preacutecision grammaticale est prioritaire motiverait plutocirct des adaptations correctives (reformulations autocorrections) avec une influence des adaptations palliatives dans tous les cas

71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances

711 Dysfonctionnement et adaptation

Selon une perspective comparative inter-sujets agrammatiques les donneacutees refleacutetant les performances de chacun des participants agrammatiques permettent de se figurer les diffeacuterences individuelles attacheacutees au type et agrave la seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent Par exemple BR_agr paraicirct agrave tout point de vue preacutesenter le deacuteficit sous-jacent le plus seacutevegravere alors que TH_agr preacutesente souvent des patrons de performances tregraves comparables agrave ceux des sujets controcircles

En outre lrsquoexamen de donneacutees dans la perspective inter- et intra-sujets peut en dire davantage sur la preacutegnance caracteacuteristique de certains types de symptocircmes linguistiques tregraves singuliers tels que les deacuteformations phonologiques et lrsquoabsence de conjonctions chez BR_agr ou les paraphasies lexicales affectant plutocirct la reacutecupeacuteration des verbes chez PB_agr ou mecircmes les paraphasies grammaticales touchant les preacutepositions chez MC_agr

Par ailleurs les variations de performances inter- et intra-sujets peuvent aussi srsquoexpliquer par le recours agrave des strateacutegies privileacutegieacutees eu eacutegard ces diffeacuterences individuelles comme par exemple lrsquoappui plus systeacutematique sur la cateacutegorie des adverbes chez BR_agr ou lrsquoemploi preacutefeacuterentiel de verbes geacuteneacuteriques chez PB_agr

Mis agrave part MC_agr qui semble parfois ne pas controcircler certaines formulations (par exemple les preacutepositions sont comme seacutelectionneacutees au hasard) les participants agrave cette eacutetude nous

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semblent tous avoir en geacuteneacuteral hautement conscience de la qualiteacute de leur trouble Lorsque le feedback audio-phonatoire est opeacuterant ils sont en mesure de percevoir leurs propres productions et juger ainsi de leur qualiteacute Drsquoapregraves les propos recueillis aupregraves drsquoeux et reporteacutes ccedila et lagrave au sein des corpus oraux la distinction entre les notions de laquo compeacutetence raquo au sens de laquo connaissances grammaticales sur les structures de la langue raquo et laquo faculteacute de langage raquo et laquo performance raquo au sens psycholinguistique drsquolaquo utilisation de la langue en situation de verbalisation effective raquo ou laquo mise en discours raquo nous semble tout agrave fait agrave propos

En effet lrsquoagrammatique voit ses capaciteacutes de verbalisation entraveacutees par un laquo brouillage du bon deacuteroulement de la mise en mots raquo alors qursquolaquo il sait ce qursquoil veut dire raquo Ce brouillage qui srsquoexplique par un dysfonctionnement sous-jacent drsquoordre proceacutedural (selon lrsquoapproche proceacutedurale deacutefendue par KOLK186) et non purement structural a des conseacutequences sur lrsquooutput des points de vue quantitatifs et qualitatifs En effet le deacutebit verbal est tregraves heacutesitant et ralenti et les constructions morpho-syntaxiques sont reacuteduites en quantiteacute et simplifieacutees en qualiteacute Rappelons que ces conseacutequences ne sont pas lrsquoeffet exclusif du dysfonctionnement sous-jacent mais reacutesultent en grande partie du recours agrave diverses strateacutegies de structuration drsquoordre quantitatif qualitatif et meacutetalinguistique En effet afin drsquoeacuteviter de faire de laquo vraies erreurs de substitutions raquo gecircnantes pendant la formulation grammaticale (il srsquoagit de symptocircmes refleacutetant le dysfonctionnement) au point de compromettre la grammaticaliteacute drsquoune expression donneacutee le patient-locuteur agrammatique aurait selon toute vraisemblance tendance agrave laquo formater raquo lrsquoeacutenonceacute agrave produire en fonction de ses nouvelles capaciteacutes drsquoencodage reacuteduites

Ainsi nos reacutesultats issus des analyses de corpus oraux nous ont ameneacutee agrave mettre en eacutevidence des adaptations du codage linguistique au dysfonctionnement sous-jacent crsquoest-agrave-dire les proceacutedures drsquoadaptation du format du message agrave produire aux difficulteacutes drsquoorigine neuropsychologique

Drsquoapregraves les variations inter-tacircches sciemment mises en eacutevidence dans cette eacutetude il nous semble que la part des strateacutegies drsquoorganisation linguistique (appreacutehendeacutees agrave travers les symptocircmes drsquoadaptation de niveau micro- et macro-discursif) pouvant expliquer les pheacutenomegravenes drsquoagrammatisme nrsquoest pas neacutegligeable

De plus il nous semble important de rappeler que malgreacute les variabiliteacutes de performances inter-sujets qui peuvent ecirctre tregraves marqueacutees les patrons geacuteneacuteraux de variations de performances inter-tacircches ressortent globalement dans chacun des cas drsquoagrammatisme pris isoleacutement

186 Selon cette approche lrsquohypothegravese de la reacuteduction de la fenecirctre temporelle deacutedieacutee agrave lrsquoencodage des informations grammaticales expliquerait notamment une grande part de la variabiliteacute inter-individuelle lieacutee agrave la seacuteveacuteriteacute du deacuteficit (voir au point 321 p 92)

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En conseacutequence il nous paraicirct leacutegitime de penser que lrsquoajustement des performances verbales est soumis agrave une disposition fondamentale reacutegulatrice crsquoest-agrave-dire agrave un potentiel adaptatif mis en eacutevidence agrave travers ce que nous avons appeleacute laquo lois de performances raquo187

712 Principe des lois de performances variations inter-tacircches en quantiteacute et en qualiteacute

Les adaptations du codage linguistique nous paraissent aboutir agrave une ameacutelioration de lrsquoaisance verbale (meilleur deacutebit avec moins de disfluences) et ou agrave une ameacutelioration de la qualiteacute morpho-syntaxique des formulations (plus grande preacutecision du codage grammatical)

Ainsi des variations de performances inter-tacircches non aleacuteatoires ont eacuteteacute deacutegageacutees des analyses quantitatives et qualitatives meneacutees tout au long de cette eacutetude Les diffeacuterentes lois de performances que nous avons caracteacuteriseacutees des points de vue quantitatif et qualitatif et dans le cadre drsquoune approche fonctionnelle de la performance aphasique sont eacutenumeacutereacutees ci-apregraves Voyons cela plus en deacutetail

(a) Gain drsquoaisance verbale et strateacutegies de reacuteduction et drsquoexpansion quantitative

Les variations inter-tacircches non aleacuteatoires montreacutees agrave travers les diffeacuterentes variables linguistiques eacutetudieacutees vont en geacuteneacuteral dans le mecircme sens

Agrave mesure que la tacircche de production gagne en spontaneacuteiteacute et en naturel on observe

une acceacuteleacuteration du deacutebit verbal et donc une ameacutelioration de la fluence verbale

une reacuteduction quantitative les eacutenonceacutes sont raccourcis et preacutesentent des ellipses preacutefeacuterentielles de constituants syntaxiques ou de morphegravemes grammaticaux

une expansion quantitative au niveau macro-discursif et lrsquoappui sur les particules de discours preacuteserveacutees ce qui suggegravere que des strateacutegies de structuration macro-discursive viennent contrebalancer la reacuteduction intra-phrastique et participe de lrsquoameacutelioration de lrsquoeacutelocution du point vue de la fluence

187 Cette ideacutee srsquoest eacutelaboreacutee agrave partir des concepts de preacutecision linguistique et drsquoaisance communicative deacutefinis par GERMAIN et NETTEN (2002) dans le cadre de leurs travaux sur lrsquoeacutevaluation des apprenants drsquoune langue eacutetrangegravere (LE) Leur grille drsquoeacutevaluation de la production orale drsquoapprenants de LE aborde la production orale sur deux plans distincts de critegraveres drsquoeacutevaluation le premier plan est celui de la preacutecision linguistique (dont la preacutecision langagiegravere grammaticale) et le deuxiegraveme plan est celui de lrsquoaisance agrave communiquer (tenant compte de certains aspects de la fluence verbale) Sur le modegravele de cette grille une grille drsquoeacutevaluation des performances de lrsquoagrammatique sur le plan de la preacutecision grammaticale et sur le plan de lrsquoaisance agrave communiquer verbalement pourrait ecirctre construite Lrsquoeacutevaluation des conduites verbales pourrait de la sorte dissocier ses deux plans et tenir compte des variations de performances et des strateacutegies convoqueacutees en fonction de la preacutecision grammaticale viseacutee et en fonction du degreacute de spontaneacuteiteacute attacheacute agrave une tacircche de production verbale donneacutee

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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Ainsi ce type drsquoadaptation est drsquoordre quantitatif Les strateacutegies srsquoeacutelaborent au niveau de la structuration interne phrastique (en reacuteduction ou ellipse) et au niveau de lrsquoorganisation discursive (en extension)

(b) Gain drsquoaisance verbale gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies palliatives

Lrsquoameacutelioration de la fluence verbale srsquoaccompagne drsquoune restructuration des expressions agrave produire aboutissant agrave des simplifications de la formulation ou agrave lrsquoemploi preacutefeacuterentiel de certains morphegravemes

Ainsi en situation de production plus libre

la structuration morpho-lexicale est agrave la faveur des mots lexicaux les ellipses touchent en particulier les morphegravemes grammaticaux

des mots lexicaux viennent pallier les ellipses grammaticales tels que les adverbes ou les adjectifs numeacuteraux devant le nom

les particules discursives conjonctions et adverbiaux sont suremployeacutees et assurent une bonne coheacutesion discursive en production de discours continu

lrsquoemploi de formes verbales basiques (voire de verbes geacuteneacuteriques) au preacutesent ou agrave lrsquoinfinitif est preacutefeacutereacute

la structuration syntaxique est originale en ce sens que les constructions de forme non canonique sont tregraves freacutequentes elles reacutesultent de lrsquoellipse preacutefeacuterentielle de certains constituants (souvent le SN-S topicaliseacute et implicite avec le cas eacutecheacuteant anteacuteposition de lrsquoObjet ce qui revient agrave la structure (S)OV)

lorsque les constructions sont de forme canonique crsquoest-agrave-dire de laquo meilleure qualiteacute syntaxique raquo crsquoest souvent en reacutealiteacute le fait drsquoune structuration syntaxique eacuteleacutementaire (telles que les constructions avec un preacutesentatif ou des constructions avec peu drsquoarguments et tregraves peu complexifieacutees)

Et en situation de production plus contrainte

le recours au style elliptique est moins caracteacuteristique les eacutenonceacutes sont plus longs et eacutelaboreacutes et la qualiteacute de la morpho-syntaxe srsquoameacuteliore au prix drsquoun ralentissement du deacutebit verbal (crsquoest-agrave-dire une moindre aisance)

les constructions de forme canonique ainsi que les seacutequences bien formeacutees sont plus caracteacuteristiques

la formulation syntaxique srsquoappuie notamment sur des morphegravemes commodes (tels que la preacuteposition pour) et des structures pivots (telles que laquo X prendre Y pour Z raquo par exemple)

En reacutesumeacute que ce soit en production plutocirct libre ou en production plutocirct contrainte les agrammatiques recourent agrave diverses tactiques de structuration morpho-syntaxique conduisant

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agrave une ameacutelioration globale de la fluence verbale etou de la qualiteacute morpho-syntaxique des formulations

Lorsque le style elliptique est moins convoqueacute comme en production contrainte la preacutecision grammaticale srsquoameacuteliore en quantiteacute et en qualiteacute au prix drsquoune moindre fluence verbale

(c) Gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies de reformulation

En situation de production contrainte les formulations sont de laquo meilleure qualiteacute morpho-syntaxique raquo gracircce aux strateacutegies meacutetalinguistiques

pour parvenir agrave la preacutecision grammaticale viseacutee le recours agrave des autocorrections ou agrave des proceacutedures de reformulation est plus caracteacuteristique des tacircches agrave haut degreacute de contrainte

ce gain de correction grammaticale (ou de preacutecision grammaticale) se fait au prix drsquoun ralentissement du deacutebit verbal

Autrement dit lrsquoaisance verbale est inversement correacuteleacutee au degreacute de preacutecision grammaticale viseacutee en raison du temps suppleacutementaire de traitement deacutedieacute probablement aux proceacutedures reacuteflexives sur ce qui est produit Les pauses vides ou remplies qui srsquoallongent et se multiplient sont probablement neacutecessaires aux adaptations correctives ce qui ralentit de fait le deacutebit verbal

Un examen plus systeacutematique de la dureacutee et du co(n)texte drsquooccurrence des pauses et des pheacutenomegravenes de disfluence dans les diffeacuterents types de productions agrammatiques permettrait probablement de mieux appreacutecier la part de ces strateacutegies drsquoordre meacutetalinguistique selon les diverses conditions expeacuterimentales

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72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires

Scheacutema 10 Typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires188

188 La version initiale de cette typologie (voir SAHRAOUI et NESPOULOUS 2008) est ici remanieacutee

- Proceacutedures de reformulations et drsquoautocorrections (expliciteacutees ou silencieuses controcircle de la production)

- Planification de la formulation (expliciteacutee ou silencieuse)

- Eacutevitement de structures complexes

- Commentaires sur le code (notamment des modalisations)

CODIQUES

[lineacuteariteacute du code linguistique]

(phoneacutemiques lexico-seacutemantiques morphologiques

syntaxiques discursives)

ANALYTIQUES

[meacutetalinguistiques]

(reacuteflexion sur le code etou la cognition explicite ou implicite)

INTERACTIONNELLES

[non-verbales verbales]

(rocircles contexte et connaissances partageacutees)

- Non verbales gestes mimiques expressiviteacute et prosodie actes de langage recours agrave une autre modaliteacute (ex lrsquoeacutecrit ou le dessin)

- Verbales demande drsquoaide explicite reacutepartition des tours de paroles

PROCEacuteDURES COMPENSATOIRES (FONCTIONNELLES)

- Style elliptique reacuteduction quantitative intra-phrastique (eacutenonceacutes courts) aux deacutepens des morphegravemes grammaticaux

- Strateacutegies palliatives

conservation des eacuteleacutements lexicaux (noms adjectifs adverbes etc) recours freacutequents agrave certaines structurations morpho-syntaxiques commodes (ex eacuteleacutements pivots verbes geacuteneacuteriques)

simplification qualitative de la morphologie verbale (formes basiques) et de la syntaxe (formes canoniques simples ou pseudo-canoniques)

extension macro-discursive et recours aux particules de discours

- Strateacutegies drsquoorganisation pragmatico-discursive structuration informationnelle avec routines (ex topicalisation du Sujet dans le discours anteacuteposition de lrsquoObjet)

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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En vue drsquoameacuteliorer la fluence verbale et ou la qualiteacute morpho-lexicale et syntaxique des formulations toute une varieacuteteacute de strateacutegies est mise en place par le locuteur agrammatique

Le codage de lrsquoinformation srsquoil est entraveacute par le dysfonctionnement sous-jacent est tout de mecircme reacutealiseacute gracircce agrave la mobilisation de diverses proceacutedures compensatoires fonctionnelles eacutelaboreacutees dans les dimensions codique analytique et interactionnelle

Lors de la production drsquoun message ces trois dimensions sont ne sont pas exclusives les unes par rapport aux autres Ainsi par exemple une strateacutegie palliative peut selon les dispositions du locuteur srsquoappuyer sur une proceacutedure de reformulation et lrsquoemploi du style elliptique peut srsquoaccompagner de gestes varieacutes

Au niveau codique en particulier nous avons caracteacuteriseacute des strateacutegies de structuration du point de vue quantitatif (les strateacutegies drsquoellipses ou drsquoextensions) et qualitatif (les strateacutegies palliatives)

De la mecircme maniegravere ces diffeacuterentes strateacutegies ne sont pas exclusives les unes par rapport aux autres

En effet certaines strateacutegies palliatives comme le recours agrave des formes verbales basiques vont de pair avec les ellipses grammaticales telles que par exemple lrsquoomission drsquoun auxiliaire

Certaines proceacutedures compensatoires seraient donc mixtes189 les omissions de certains morphegravemes grammaticaux (par souci drsquoeacuteconomie du coucirct cognitif) se conjuguent au choix seacutelectif de certains morphegravemes (eacutegalement par souci drsquoeacuteconomie dans le cas drsquoune simplification mais aussi en guise de substitution palliative)

189 Drsquoapregraves une communication personnelle de NESPOULOUS (2004) laquo Il faut clairement (tenter de) diffeacuterencier (a) les eacuteconomies de coucirct de traitement (temps attention et meacutemoire de travail) on est lagrave dans le domaine du quantitatif et (b) les veacuteritables strateacutegies palliatives qui consistent en de veacuteritables substitutions comportementales (exemple prototypique au niveau lexical la peacuteriphrase agrave la place du mot preacutecis introuvable ) on est cette fois dans le domaine du qualitatif Dans lrsquoagrammatisme il nest pas toujours facile de diffeacuterencier clairement les deux types de pheacutenomegravenes Lellipse en est un bon exemple eacuteconomie certainement mais aussi choix seacutelectif de lessentiel dans un message Il y a donc tregraves certainement des strateacutegies mixtes en plus des strateacutegies plus typeacutees raquo

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73 Discussion et perspectives Nous souhaitons terminer lrsquoexposeacute des reacutesultats par une discussion geacuteneacuterale axeacutee sur les diffeacuterents domaines drsquointeacuterecircts que recouvre notre approche neuropsycholinguistique des adaptations dans lrsquoagrammatisme agrave savoir les dimensions neurolinguistique psycholinguistique linguistique et theacuterapeutique

731 La dimension neurolinguistique

7311 Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme

Drsquoabord drsquoapregraves lrsquoexamen de la production orale agrammatique il nous semble pertinent de consideacuterer que le trouble agrammatique nrsquoest effectivement pas exclusif du trouble paragrammatique Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme se veacuterifie en effet agrave travers la freacutequence et la qualiteacute de certains symptocircmes notamment les paraphasies lexicales et grammaticales Ce type de pheacutenomegravenes srsquoobserve agrave des degreacutes divers selon les sujets mais aussi selon les tacircches En effet au cocircteacute des omissions typiques de lrsquoagrammatisme nous avons pu observer lrsquooccurrence de substitutions (les laquo vraies substitutions raquo refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent) typiques du paragrammatisme Finalement lrsquohypothegravese de la classique double-dissociation entre trouble agrammatique et paragrammatique se trouve fragiliseacutee car les faits vont plutocirct dans le sens de lrsquohypothegravese drsquoune identiteacute de la nature des deacuteficits sous-jacents (HEESCHEN 1985)

Or la double-dissociation opeacutereacutee entre agrammatisme et paragrammatisme srsquoappuie sur le contexte drsquoapparition des symptocircmes de substitutions aphasie non fluente expressive pour lrsquoagrammatisme et aphasie fluente reacuteceptive et expressive pour le paragrammatisme

Drsquoautre part si lrsquoon prend en compte le caractegravere anosognosique de lrsquoattitude du sujet paragrammatique vis-agrave-vis de son trouble il est possible drsquoexpliquer la relative absence de controcircle de lrsquooutput et donc la freacutequence relativement eacuteleveacutee des paraphasies de toutes sortes

Et parallegravelement en admettant que lrsquoagrammatique ne manifeste pas le symptocircme drsquoanosognosie il parvient ainsi agrave mieux controcircler sa production gracircce au feedback audio-phonatoire demeureacute opeacuterationnel crsquoest pourquoi les traces de disfluences lui sont si caracteacuteristiques

En faisant ainsi lrsquohypothegravese que les freacutequences de laquo vraies substitutions raquo reflegravetent le mecircme dysfonctionnement sous-jacent et afin de mieux appreacutecier la validiteacute de la double-dissociation entre lrsquoagrammatisme et le paragrammatisme des tests in vitro impliquant des aphasiques fluents versus non fluents et faisant varier les degreacutes drsquoauto-perception de lrsquooutput verbal pourraient probablement fournir des eacuteleacutements de reacuteponse Encore faut-il parvenir pour cela agrave dominer la variable drsquoauto-controcircle de la production verbale comme cela a eacuteteacute fait pour veacuterifier lrsquoexistence drsquoune boucle externe de monitoring (outer loop monitoring voir OOMEN et al 2001 citeacutes dans KOLK 2006 voir au point 2433(a) p 66) chez des sujets non aphasiques en ajoutant du bruit pendant la production Drsquoautre part une telle expeacuterience demanderait de trouver un moyen autre qursquoaudio-phonatoire pour amener des aphasiques fluents anosognosiques sur le seul plan verbal agrave avoir conscience des emplois inadeacutequates de leurs propres productions et de voir ainsi quelle serait leur reacuteaction devant une de leurs productions confuses (comme par exemple au moyen de dessins ou drsquoobjets repreacutesentant on-line la structure de la phrase produite effectivement par le sujet)

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7312 Classifications des aphasies et variabiliteacutes de types freacutequences de symptocircmes

Les aphasies sont en geacuteneacuteral classeacutees selon des critegraveres seacutemiologiques dans lesquels il est rarement fait eacutetat des patrons de symptocircmes singuliers ou de la variabiliteacute inter-tacircches Ces singulariteacutes de comportement verbal sont observeacutees de fait sur le terrain et peuvent grandement fragiliser les preacutedictions drsquoune classification donneacutee fondeacutee sur les aspects qualitatifs des symptocircmes observeacutes qui demeurent bien sucircr indispensables en vue de donner des points de repegraveres sur les grands types drsquoaphasies

En effet les grandes variabiliteacutes inter-sujets et inter-tacircches qui peuvent notamment se deacutemontrer par les aspects quantitatifs (les freacutequences drsquooccurrences de symptocircmes) sont rarement abordeacutees dans les classifications de reacutefeacuterence et meacuteriteraient probablement drsquoecirctre mieux prise en consideacuteration Ainsi le tableau clinique agrammatique pourrait selon toute vraisemblance inteacutegrer le symptocircme de paraphasie agrave freacutequence variable selon les sujets et les tacircches de production en jeu Il en va de mecircme pour la double-dissociation noms verbes selon laquelle les verbes seraient plus toucheacutes que les noms dans lrsquoagrammatisme Sur ce point des analyses quantitatives et qualitatives plus pousseacutees des corpus collecteacutes pourraient eacuteventuellement mieux nous renseigner

7313 Postulats de fractionnement transparence suffisance et adaptations comportementales

Nous nous sommes poseacutee la question de lrsquoadeacutequation des postulats de fractionnement de transparence et de suffisance issus de la neuropsychologie vis-agrave-vis des adaptations eacutemergentes suite agrave la survenue drsquoun trouble Le postulat de fractionnement pose qursquoune leacutesion ceacutereacutebrale entraicircne un deacuteficit total ou seacutelectif affectant certains processus ou modules (voir CARAMAZZA et BERNDT 1985) Le systegraveme cognitif peut alors ainsi ecirctre fractionneacute en cas de pathologie Dans les cas ideacuteals (tregraves rares) un module perturbeacute laisse indemne les autres modules cognitifs Correacuteleacute au postulat de fractionnement le postulat de transparence suppose qursquoune performance pathologique reflegravete le fonctionnement normal du systegraveme cognitif en lrsquoabsence de la contribution du module reacuteputeacute deacuteficient Suivant ce principe en proceacutedant agrave la comparaison des performances pathologiques et normales il est exclu de deacuteduire de lrsquoobservation des faits la creacuteation de nouveaux processus sous-jacents Pour finir CARAMAZZA et BERNDT (1985) soutiennent que lrsquointerpreacutetation de faits issus de lrsquoeacutetude de cas pathologiques uniques (en raison de contraintes meacutethodologiques) peut suffire agrave identifier un processus sous-jacent en jeu dans une pathologie et ce sans ambiguumliteacute si lrsquoon se reacutefegravere par ailleurs aux informations deacutetailleacutees relatives aux autres capaciteacutes cognitives chez le mecircme sujet Pour autant le dispositif ideacuteal consiste agrave combiner lrsquoeacutetude de cas multiples ou de groupes de patients et la meacutethode de lrsquoeacutetude de cas uniques

Ainsi appliqueacute agrave la theacuteorie drsquoadaptation le postulat de suffisance nous paraicirct adeacutequat Toutefois dans le cadre de cette eacutetude il ne nous a pas eacuteteacute possible de compiler plus drsquoinformations objectiveacutees agrave propos de chacun des participants (par des tests standardiseacutees cibleacutes sur un aspect particulier du traitement du langage ou mecircme la meacutemoire de travail

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verbale) Cela aurait eacuteteacute tout agrave fait inteacuteressant de pouvoir les mettre en relation avec nos propres conclusions afin de les nuancer ou de les conforter Quand bien mecircme les corpus nous semblent parler drsquoeux-mecircmes en ce qui concerne les capaciteacutes de production du langage

Par ailleurs lrsquoadeacutequation des postulats de fractionnement et de transparence appliqueacutes agrave lrsquoagrammatisme peut susciter quelque interrogation pour la raison principale suivante les symptocircmes agrammatiques srsquoexpliquent dans une large mesure par le comportement adaptatif du locuteur agrammatique et pas seulement par le dysfonctionnement sous-jacent

En cas de trouble agrammatique crsquoest tout le systegraveme cognitif ou linguistique qui est deacuteseacutequilibreacute et qui sous la pression de divers facteurs doit se reacuteeacutequilibrer En effet tout en gardant agrave lrsquoesprit que laquo rien de nouveau ne se creacutee raquo et en admettant que le systegraveme cognitif agrave lrsquoorigine du comportement langagier se reacuteeacutequilibre en fonction des nouvelles dispositions cognitives le postulat de transparence peut sembler caduque

Par contre si lrsquoon considegravere que lrsquoeacutequilibration srsquoopegravere seulement au niveau du comportement crsquoest-agrave-dire au niveau de ses instanciations en situation sans influencer les structures cognitives sous-jacentes les postulats de fractionnement et de transparence reacutesistent agrave la theacuteorie drsquoadaptation

Sans vraiment trancher clairement sur cette question KOLK (2006 242) insiste sur le fait que lrsquoagrammatique doit solliciter des comportements peu habituels ce que ne preacutevoient pas de tels postulats

laquo Le fait de parler [systeacutematiquement] par ellipses nrsquoest pas habituel pour un locuteur ordinaire Ce faisant le locuteur agrammatique [qui eacutetait avant son trouble un locuteur ordinaire]190 doit ecirctre capable de convoquer des formulations atypiques peu freacutequentes en vue de srsquoadapter agrave son deacuteficit Cette aptitude est de maniegravere implicite reacutefuteacutee par le postulat de transparence raquo

En conclusion nous dirons simplement que la theacuteorie drsquoadaptation nous paraicirct rendre quelque peu inadeacutequate toute approche statique des pheacutenomegravenes agrammatiques En effet le postulat de transparence qui nous semble de toute maniegravere indispensable agrave la description structurale du substrat neuro-biologique deacutedieacute au langage gagne agrave ecirctre nuanceacute suivant une vision dynamique et fonctionnelle de la cognition

Drsquoailleurs drsquoaucuns nrsquoignorent que la neuropsychologie actuelle srsquoemploie agrave revisiter certains de ses paradigmes laquo figeacutes raquo agrave travers la theacuteorie drsquoadaptation drsquoautant que les variabiliteacutes des performances fragilisent les approches du laquo tout ou rien raquo (voir PILLON 1987 et au point 342 p 102)

190 Crsquoest nous qui soulignons laquo Speaking elliptically is unusual for normal speakers So agrammatic speakers must be able to recruit infrequent ways of responding in order to adapt to their deficit The ability to do so is implicitly denied in the transparency assumption raquo

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

328

732 La dimension psycholinguistique

7321 Adaptations et modegravele de la performance psycholinguistique

Drsquoabord drsquoapregraves la theacuteorie drsquoadaptation il nous semble important de preacuteciser que le recours aux strateacutegies nrsquoimplique pas de changement per se du mode drsquoencodage de lrsquoinformation linguistique Autrement dit les types de processus engageacutes lors de la performance agrave lrsquooral ne varient pas par laquo nature raquo Le fait qursquoon se place dans un modegravele plutocirct connexionniste ou modulaire nrsquoy change rien Selon lrsquoapproche proceacutedurale il y a bien un dysfonctionnement qui entrave la formulation mais celle-ci srsquoopegravere quand mecircme malgreacute ce dysfonctionnement suivant les ressources disponibles (laquo la fenecirctre temporelle de traitement raquo voir KOLK et VAN GRUNSVEN 1985 et KOLK 1995 au point 32 p 92) et en adaptant le format du message agrave produire gracircce aux diverses strateacutegies compensatoires drsquoordre quantitatif et qualitatif Cela confirme bien que le sujet agrammatique a gardeacute certains laquo moyens psycholinguistiques raquo et lrsquoeacutetablissement des strateacutegies ne prouve pas qursquoil y a des processus nouveaux engageacutes

Drsquoautre part du point de vue du dysfonctionnement sous-jacent nous nous sommes interrogeacutee sur les occurrences de pheacutenomegravenes marginaux mais eacutetonnants du seul fait de leur preacutesence mecircme tregraves rares (parfois unique) au sein de longs corpus En effet lrsquooccurrence drsquoune phrase au passif formuleacutee spontaneacutement et correctement parmi une vaste quantiteacute de donneacutees serait la preuve que certains processus drsquoencodage plus complexes ne sont pas complegravetement entraveacutes par la laquo reacuteduction de la fenecirctre temporelle raquo et que peut-ecirctre le degreacute de deacuteficit sous-jacent peut varier chez un mecircme sujet

7322 Particules de discours organisation macro-discursive reacuteduction intra-phrastique et coucirct drsquoencodage

Ensuite le recours agrave des strateacutegies drsquoorganisation macro-discursive suggegravere que le formatage du message agrave produire srsquoappuie sur lrsquoeacutetape preacute-verbale de formulation suivant le modegravele de LEVELT (voir au point 303 p 82) Preuve en est que lrsquoutilisation des particules de discours dans le fil du discours ne semble poser aucune difficulteacute (sauf pour un des sujets qui utilise de nombreux adverbes en guise de particules et seulement deux conjonctions isoleacutees)

En effet les difficulteacutes surgissent lorsqursquoil srsquoagit drsquoutiliser et donc drsquoencoder une seacutequence phrastique inteacutegreacutee Ainsi lorsqursquoune particule de discours telle que et est freacutequemment employeacutee sans difficulteacute en guise de particule le coordonnant syntaxique et par contre ne lrsquoest pas si freacutequemment Le seul fait qursquoil faille inteacutegrer un eacuteleacutement dans une seacutequence phrastique demande un coucirct drsquoencodage suppleacutementaire difficilement supportable La juxtaposition de syntagmes en teacutemoignent Selon nous il est manifeste que la reacuteduction des capaciteacutes de traitement compromette lrsquointeacutegration morpho-syntaxique de la phrase mais pas lrsquoorganisation macro-discursive

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

329

Cela nous laisse donc penser que les processus drsquoencodage lieacutes agrave des eacutetapes plus profondes de la geacuteneacuteration psycholinguistique sont toujours tregraves opeacuterationnels probablement parce qursquoils srsquoaccomplissent anteacuterieurement agrave lrsquoeacutetape drsquointeacutegration syntaxique et que la fenecirctre temporelle lieacutee agrave lrsquoencodage drsquoun message agrave produire mecircme reacuteduite dispose drsquoassez de marge pour traiter ce type drsquoinformation Ainsi la meacutemoire de travail et sa fonction increacutementale traite les processus drsquoencodage lieacutes au niveau macro-discursif sans que cela ne pose de difficulteacute Par contre les processus lieacutes au niveau micro-discursif seraient de ce fait plus difficilement pris en charge En effet lrsquoespace temporel de traitement (la fenecirctre temporel) est deacutejagrave occupeacute par la prise en charge des traitements de processus anteacuterieurs Selon nous cela pourrait expliquer pourquoi lrsquoencodage de niveau macro-discursif semble preacuteserveacute (lrsquoextension discursive et le recours preacutefeacuterentiel aux particules de discours en sont un signe) aux deacutepens de lrsquoencodage du niveau micro-discursif (lrsquoemploi du style elliptique en deacutefaveur de certains morphegravemes pour lrsquoessentiel grammaticaux dont lrsquoencodage est posteacuterieur)

En deacutefinitive lorsque lrsquoagrammatique vise agrave une correction grammaticale plus eacuteleveacutee comme en production de phrases isoleacutees par exemple lrsquoencodage intra-phrastique est alors viseacute et les ressources mobiliseacutees en conseacutequence mais les vraies erreurs de substitutions deviennent en contrepartie plus risqueacutees aux deacutepens drsquoune organisation discursive qursquoil nrsquoest pas neacutecessaire de prendre en charge

Ainsi conjugueacutee agrave lrsquohypothegravese des strateacutegies cette interpreacutetation psycholinguistique sur la gestion des ressources cognitives peut ainsi expliquer une partie des variabiliteacutes de performances inter-tacircches Pour mieux comprendre lrsquoagrammatisme il nous paraicirct important de ne pas se borner aux frontiegraveres de la phrase

En compleacutement du modegravele de LEVELT au demeurant assez laconique sur les processus drsquoorganisation discursive un modegravele psycholinguistique de la production textuelle agrave lrsquooral pourrait probablement nous amener agrave nuancer ou agrave revoir les relations en termes structuraux et proceacuteduraux entre processus drsquoencodage de niveau macro-discursif et processus drsquoencodage de niveau phrastique

Au final on pourrait ainsi tenter de mieux caracteacuteriser les implications mutuelles entre les processus drsquoencodage de lrsquoorganisation macro-discursive et micro-discursive De cette maniegravere les processus drsquoencodage ou strateacutegies lieacutees agrave la coheacutesion discursive agrave travers la gestion de lrsquoanaphore par exemple ou agrave travers la planification discursive pourraient ecirctre deacutecrits agrave la lumiegravere des donneacutees agrammatiques

7323 Caractegravere volontaire involontaire des adaptations

Srsquoagissant du caractegravere volontaire ou involontaire conscientiseacute ou non conscientiseacute occasionnel ou systeacutematiseacute des comportements adaptatifs il est difficile de donner une reacuteponse claire et trancheacutee

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

330

Agrave lrsquoinstar de KOLK (2006) il est possible de reacutepondre par la question rheacutetorique suivante est-ce que le locuteur ordinaire se met agrave reacutefleacutechir lorsqursquoil adopte le style de parler elliptique caracteacuteristique de la conversation

Drsquoautre part lrsquoagrammatique nrsquoest jamais laquo agrammatique du jour au lendemain raquo En effet lrsquoagrammatisme apparaicirct progressivement ce qui suggegravere que pour verbaliser le patient deacuteveloppe peu agrave peu un comportement adaptatif De plus nous avons remarqueacute que certaines strateacutegies sont hautement conscientiseacutees (telles que des reformulations ou des planifications) alors que drsquoautres surviennent agrave lrsquoinsu du locuteur (lrsquoellipse drsquoun auxiliaire ou une substitution palliative entre verbes) ou du moins de maniegravere systeacutematique (la simplification de la morphologie verbale)

Vu ces eacuteleacutements nrsquoest-il pas preacutefeacuterable de se demander drsquoabord comment une strateacutegie se met en place et pourquoi elle semble systeacutematiseacutee ce qui permettra de se demander ensuite si les strateacutegies drsquoadaptations sont volontaires et conscientiseacutees ou involontaires et non conscientiseacutees Une eacutetude longitudinale centreacutee sur lrsquoeacutemergence des adaptations et leurs eacutevolutions et eacuteventuellement lrsquointrospection des locuteurs agrammatiques pourraient peut-ecirctre apporter quelque nouvel eacuteclairage sur la question

7324 Agrammatisme et acquisition drsquoune LE

Pour finir cette seacutequence psycholinguistique nous nous autorisons deux parallegraveles entre le domaine des pathologies du langage et celui de lrsquoacquisition des langues eacutetrangegraveres

Le premier parallegravele a trait aux similitudes entre lrsquoagrammatisme et certains eacutetats de la langue eacutetrangegravere parleacutee par des apprenants adultes Certaines des strateacutegies que nous avons pu identifier surtout celles qui relegravevent des aspects qualitatifs de lrsquoorganisation linguistique (telles que les proceacutedures de simplification de la morphologie verbale et de la syntaxe) furent eacutegalement documenteacutees agrave travers les travaux KLEIN et PERDUE (1997)191 Ces derniers ont deacutecrit le parler du locuteur adulte drsquoune langue eacutetrangegravere (LE) en situation drsquoapprentissageacquisition non guideacutee comme eacutetant une laquo varieacuteteacute de parler basique raquo (Basic Variety)

Le point de vue est bien sucircr plus sociolinguistique que psycholinguistique mais nous lui trouvons de forts points communs avec la theacuteorie drsquoadaptation concernant lrsquoagrammatisme Il faut bien sucircr garder agrave lrsquoesprit que lrsquoaphasique et le locuteur drsquoune LE se trouvent dans des situations de difficulteacute de natures diffeacuterentes (difficulteacutes neuropsychologiques pour lrsquoun contact de langues pour lrsquoautre) Mais communeacutement aux deux situations lrsquoeacutemergence drsquoadaptations du codage linguistique est un fait192

191 Drsquoapregraves une communication personnelle de ROUGEacute (2007) 192 Rappelons lrsquoanalogie formuleacutee par PICK (1923 citeacute par SPREEN 1973 voir au point 241) entre agrammatisme et pidgin (laquo langues drsquourgence raquo)

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

331

Le deuxiegraveme parallegravele celui-ci drsquoordre psycholinguistique peut ecirctre eacutegalement suggeacutereacute entre lrsquohypothegravese selon laquelle lrsquoagrammatique controcircle ses productions gracircce au dispositif de feedback audio-phonatoire demeureacute opeacuterationnel et lrsquohypothegravese dite du laquo monitoring raquo proposeacutee par KRASHEN 1981) selon laquelle les autocorrections ne sont possibles qursquoagrave condition que lrsquoapprenant de la LE puisse identifier ses laquo erreurs raquo ce qui implique pour lui aussi drsquoavoir conscience de la qualiteacute de son expression

733 La dimension linguistique

7331 Aspects meacutethodologiques

(a) Analyse des pheacutenomegravenes de substitutions

Du point de vue des analyses appliqueacutees en tant que telles la preacutesence de pheacutenomegravenes de substitutions ne nous a pas eacutechappeacute Ces pheacutenomegravenes ont eacuteteacute autant que faire se peut signaleacutes au sein des feuilles de travail sur corpus en particulier les pheacutenomegravenes de paraphasies grammaticales ou lexicales Ensuite les analyses qualitatives de substitutions notables nous ont ameneacutee agrave opeacuterer une distinction entre laquo vraies substitutions raquo (refleacutetant le dysfonctionnement sous-jacent) et substitutions laquo tactiques raquo crsquoest-agrave-dire strateacutegiques et palliatives (telles que lrsquoemploi drsquoun verbe geacuteneacuterique par deacutefaut ou le recours freacutequent aux adjectifs numeacuteraux en guise de deacuteterminants au pluriel)

Or les pheacutenomegravenes de substitutions nrsquoont pas fait lrsquoobjet de traitement quantitatif systeacutematique

Quand bien mecircme il nous a sembleacute globalement que plus la preacutecision grammaticale est viseacutee par lrsquoagrammatique (comme en production de phrases isoleacutees versus en production libre spontaneacutee) et plus les freacutequences de substitutions de types divers srsquoaccentuent

Ainsi seule une analyse quantitative meacutethodique partant de cette distinction fondamentale entre laquo vraies substitutions raquo et laquo substitutions tactiques raquo permettrait drsquoenvisager plus nettement la part des symptocircmes neacutegatifs et la part des symptocircmes adaptatifs que lrsquoon peut appreacutehender agrave travers ce type de pheacutenomegravenes

En effet le protocole drsquoanalyse quantitative original (QPA) ne preacutevoit pas lrsquoeacutetude des freacutequences de substitutions probablement parce que ce type de symptocircme nrsquoest pas encore reacuteellement bien deacutefini dans la litteacuterature sur lrsquoagrammatisme et abordeacute seulement dans les travaux axeacutes sur la mise en eacutevidence des adaptations (agrave lrsquoinstar de NESPOULOUS et des strateacutegies palliatives voir au point 245 p 74)

Il serait possible de cette maniegravere de veacuterifier si les variations de freacutequences de substitutions confirment bien notre intuition de deacutepart issue de lrsquoobservation de corpus agrammatiques De surcroicirct nous pourrions ainsi tenter drsquoapporter un eacuteclairage suppleacutementaire agrave travers une

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

332

caracteacuterisation plus fine de certaines strateacutegies palliatives et ce faisant de mettre en perspective certaines proprieacuteteacutes du systegraveme linguistique exploiteacutees pour le codage grammatical de lrsquoinformation

(b) Corpus et aphasiologie

Nous sommes convaincue que le domaine de lrsquoaphasiologie a besoin de vastes corpus aphasiques mutualiseacutes Cela permettrait de faciliter lrsquoaccegraves aux donneacutees patholinguistiques pour qui souhaite se familiariser avec la production de discours aphasique drsquoautant plus lorsqursquoil srsquoagit de troubles tregraves rares tels que lrsquoagrammatisme

De plus une vaste quantiteacute de donneacutees est mieux appreacutecieacutee sur le plan de la repreacutesentativiteacute que des fragments eacutepars inexploitables du fait du manque drsquoharmonisation des aspects eacutethiques des conventions de transcription ou drsquoannotations

Dans cette perspective la constitution drsquoune base de donneacutees informatiseacutee internationale et translinguistique appeleacutee AphasiaBank193 vise agrave archiver et rendre directement accessibles de vastes eacutechantillons de donneacutees (sous leur forme sonore videacuteo et retranscrite) et ainsi favoriser lrsquoeacutechange et la mutualisation de corpus aphasiques Lrsquoobjectif est notamment de revoir la classification des aphasies par des analyses linguistiques systeacutematiques automatiseacutees pratiqueacutees sur de long corpus

Nos corpus peuvent ainsi contribuer agrave alimenter cette base de donneacutees ougrave la langue franccedilaise nrsquoest pas encore repreacutesenteacutee apregraves transcodage dans le format de fichier normaliseacute En effet la conversion de nos fichiers numeacuteriques (les feuilles de travail sur corpus qui sont pour lrsquoinstant supporteacutees par un tableur classique) peut ecirctre aiseacutement et rapidement reacutealiseacutee194 Il serait bien sucircr neacutecessaire de reacuteadapter certains codages drsquoeacutetiquettes que nous avons choisis lors de lrsquoeacutetape de preacute-traitement de nos corpus tels que lrsquoeacutetiquetage speacutecifique des particules de discours par exemple ou les indices de pheacutenomegravenes drsquoomissions (ellipses) ou de substitutions ou mecircme les critegraveres de segmentation du discours en uniteacutes distinctes

En outre les outils drsquoannotations pratiques tels que lrsquoalignement du signal sonore sur les transcriptions peuvent notamment ouvrir des perspectives drsquoanalyses assez prometteuses (comme par exemple la mesure preacutecise des dureacutees des pauses et leur contexte drsquooccurrence afin drsquoeffectuer des mesures plus fines de la fluence verbale)

Surtout les traitements automatiques des corpus centreacutes sur les aspects structuraux (phonologiques etou morpho-syntaxiques) peuvent permettre de faire lrsquoeacuteconomie drsquoanalyses pratiqueacutees laquo manuellement raquo qui se sont reacuteveacuteleacutees pour nous extrecircmement coucircteuses en temps

193Voir httptalkbankorgAphasiaBank Le projet AphasiaBank a eacuteteacute lanceacute dans le cadre du systegraveme TalkBank (voir httptalkbankorg) par B MacWhinney et A Holland en 2005 sur le modegravele de lrsquoexpeacuterience du systegraveme CHILDES (Child Language Data Exchange System avec les logiciels de transcription et drsquoarchivage CHAT et drsquoanalyse CLAN voir MACWHINNEY (2000) 194 Drsquoapregraves une tentative de B MacWhinney (2008)

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

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et en eacutenergie De plus le traitement automatique des corpus peut eacutegalement permettre drsquoeacuteviter les laquo erreurs humaines raquo de traitement laquo manuel raquo Quand bien mecircme les analyses laquo manuelles raquo ont eu lrsquoavantage de nous permettre de mieux nous rendre compte des implications de tels traitements quantitatifs appliqueacutes agrave des corpus agrammatiques Cela peut se reacuteveacuteler constituer un apport certain pour leur eacuteventuelle impleacutementation dans un programme de traitement automatiseacute

En conclusion de cette partie consacreacutee aux perspectives de reacute-traitement des donneacutees nous insistons sur le fait que les corpus oraux pathologiques constituent une large fenecirctre ouverte sur les processus psycholinguistiques engageacutes dans la geacuteneacuteration du langage et ses instanciations Les domaines de la psycholinguistique et de lrsquoaphasiologie gagnent ainsi agrave srsquoarmer des concepts et outils de la linguistique de lrsquooral pour alimenter ses questions de recherche et en poser de nouvelles

7332 Aspects theacuteoriques

Nous avons deacutejagrave eacutevoqueacute le fait que certaines descriptions de formulations morpho-syntaxiques singuliegraveres pourraient tout en eacutetant mieux circonscrites trouver des prolongements interpreacutetatifs gracircce agrave la theacuteorie linguistique (telles que le recours preacutefeacuterentiel aux particules de discours notamment les adverbes ou la structuration syntaxique de type (S)OV) )

Ainsi des analyses qualitatives compleacutementaires srsquoappuyant sur des conceptions issues drsquohorizons divers de la typologie des langues agrave la pragmatique linguistique nous semblent revecirctir un inteacuterecirct fondamental car elles peuvent contribuer agrave soutenir theacuteoriquement les descriptions de pheacutenomegravenes agrammatiques En effet la flexibiliteacute des systegravemes linguistiques et le caractegravere universel de certaines de leurs proprieacuteteacutes fondamentales modeacuteliseacutees par la theacuteorie linguistique preacutesident au deacuteploiement de strateacutegies Les strateacutegies sont rappelons-le largement tributaires des proprieacuteteacutes de la langue utiliseacutee par le locuteur

Dans cet esprit et comme nous lrsquoavons deacutejagrave suggeacutereacute (voir au point 345 p 107) lrsquoapplication des concepts et outils drsquoanalyse de la Grammaire Fonctionnelle (DIK 1989) et ou de la Grammaire Fonctionnelle du Discours (HENGEVELD et MACKENZIE 2006a) sur la production agrammatique nous semble tout agrave fait envisageable

Dans notre cas pratique les analyses agrave privileacutegier au deacutepart doivent srsquoattacher agrave speacutecifier les regravegles drsquoexpression preacutesidant agrave la formation drsquoun eacutenonceacute et particuliegraverement les meacutecanismes drsquoagreacutegation des opeacuterateurs grammaticaux π1 et π2 drsquoune part et de satellites lexicaux σ1 et σ2 drsquoautre part autour de la preacutedication noyau aboutissant agrave la strate de preacutedication eacutetendue

Ce faisant la structuration drsquoeacutenonceacutes agrammatiques pourraient certainement ecirctre deacutecrites par ces moyens en vue drsquoune modeacutelisation subseacutequente des pheacutenomegravenes drsquointeacuterecirct que sont les adaptations des expressions linguistiques en contexte pathologique

PARTIE III 7 Synthegravese et discussion

334

734 La dimension theacuterapeutique

Certaines hypothegraveses explicatives de lrsquoagrammatisme que nous avons eacutevoqueacutees dans la premiegravere partie consacreacutee aux repegraveres theacuteoriques ont connu des prolongements applicatifs inteacuteressants tels que la mapping therapy drsquoapregraves lrsquohypothegravese du mapping (SCHWARTZ et al 1994) ou le systegraveme informatique drsquoassistance agrave la production orale aphasique conccedilu dapregraves lrsquohypothegravese de lrsquoadaptation et lrsquohypothegravese proceacutedurale (mis au point et eacuteprouveacute par LINEBARGER et al 2000 et LINEBARGER et al 2007)

Drsquoautres protocoles de reacuteeacuteducation ont eacuteteacute conccedilus par divers auteurs comme la laquo theacuterapie preacuteventive raquo (BEYN et SHOKKOR-TROTSKAYA 1966 citeacutes par SEacuteRON 1979 49-50) le HELPSS (Helm Elicited Language Program for Syntax Stimulation voir HELM-ESTABROOKS et RAMSBERGER 1986 citeacutes par LECONTE et al 2006) puis le SPPA (Sentence Production Program for Aphasia voir HELM-ESTABROOKS et NICHOLAS 2000 adapteacute au franccedilais par LECONTE et al 2006) ou le VCP (Visual Cue Program VAN DE SANDT-KOENDERMAN et BONTA 1998)

Malheureusement nous nrsquoavons pas abordeacute en deacutetail la question de la theacuterapie dans le domaine de lrsquoagrammatisme195 mais cela ne veut pas dire que nous lrsquoignorons

En effet la preacutesente eacutetude vise agrave mieux caracteacuteriser les strateacutegies deacuteployeacutees et les beacuteneacutefices qursquoelles peuvent apporter dans lrsquoexpression (en termes de fluence et de qualiteacute de formulation) ce qui bien naturellement nous amegravene agrave nous poser la question de la place des strateacutegies en theacuterapie du langage comment les envisager concregravetement dans la reacuteeacuteducation

Nrsquoeacutetant pas formeacutee agrave la theacuterapie du langage on se gardera bien de proposer quelque modaliteacute de prise en charge theacuterapeutique Cela ne pourrait srsquoenvisager qursquoen eacutetroite collaboration avec des theacuterapeutes en contact quotidien avec les aphasiques

Pour finir il nous paraicirct utile de souligner que les outils drsquoeacutevaluation sont la plupart du temps axeacutes sur une caracteacuterisation du dysfonctionnement alors que la dimension adaptative qui deacutetermine pour une part non neacutegligeable lrsquoeacutemergence de symptocircmes drsquoadaptation linguistiques ne peut ecirctre eacuteludeacutee De ce point de vue la conception drsquooutils et de techniques drsquoeacutevaluation des capaciteacutes linguistiques pourrait ainsi inteacutegrer la variabiliteacute des performances aphasiques en tant qursquoindice fiable des adaptations du locuteur agrave sa situation

195 Pour une revue de cette question voir notamment SPRINGER et al (2000) VAN DE SANDT-KOENDERMAN et BONTA (1998) et PAPATHANASIOU et DE BLESER (2003)

Conclusion

335

Conclusion geacuteneacuterale

Nous avons dans un premier temps tenteacute de mieux comprendre les enjeux theacuteoriques poseacutes par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme Il en est ressorti que lrsquoapproche linguistique de ses manifestations de surface doit pouvoir srsquoarticuler avec un modegravele psycholinguistique de la performance pouvant expliquer du point de vue des processus sous-jacents le dysfonctionnement en jeu mais aussi ses conseacutequences du point de vue des adaptations motiveacutees par le besoin de formuler un message (et plus largement de communiquer)

Ainsi crsquoest en inteacutegrant la dimension linguistique de la description des symptocircmes drsquoadaptation et la dimension psycholinguistique de la performance langagiegravere que nous avons tenteacute de mieux deacutecrire lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives dans un cadre fonctionnel

En effet lrsquoeacutetude du langage agrammatique et plus largement pathologique requiert lrsquoarticulation des dimensions neurologique psycho-cognitive et linguistique Plus largement notre approche des pheacutenomegravenes agrammatiques srsquoinscrit dans une theacuteorie neuro-psycho-linguistique globale drsquoinspiration fonctionnaliste ougrave le deacuteficit sous-jacent est agrave relativiser dans une perspective de handicap verbal situeacute

Nous avons alors eacutelaboreacute un protocole de collecte de donneacutees orales impliquant quatre tacircches de production preacutesentant des degreacutes de contraintes varieacutes et ce faisant induisant plus ou moins de preacutecision grammaticale suivant la situation expeacuterimentale mise en place En effet notre hypothegravese de deacutepart reposait sur lrsquoideacutee que des variations inter-tacircches pouvaient refleacuteter les strateacutegies varieacutees utiliseacutees par les locuteurs en relation au degreacute de preacutecision grammaticale requis par une tacircche de production donneacutee

En vue des traitements quantitatifs et qualitatifs agrave appliquer nous avons mis en forme les corpus oraux et adapteacute un protocole drsquoanalyse quantitative deacutejagrave eacuteprouveacute en aphasiologie

Nous avons ainsi compareacute les productions drsquoun groupe de neuf locuteurs controcircles et six locuteurs agrammatiques suivant les diverses tacircches de production (en reacutecit autobiographique spontaneacute en narration de contes en narration drsquohistoires ineacutedites drsquoapregraves quatre images et en production de phrases isoleacutees drsquoapregraves 60 images)

Les reacutesultats des analyses quantitatives et qualitatives cibleacutees sur les aspects morpho-lexicaux syntaxiques et discursifs ainsi que sur certains aspects de la fluence verbale ont permis de montrer que les agrammatiques adaptent leur formulation grammaticale en fonction du type de discours cible et de la preacutecision grammaticale viseacutee et ce agrave lrsquoaide de diverses strateacutegies compensatoires

Conclusion

336

Nous avons ainsi mis en eacutevidence les variabiliteacutes inter-groupes et inter-tacircches non aleacuteatoires caracteacuteristiques de strateacutegies elliptiques correctives et palliatives deacuteployeacutees par les locuteurs agrammatiques Lrsquoutilisation de toute une varieacuteteacute de strateacutegies compensatoires aboutit globalement agrave une ameacutelioration de lrsquoaisance verbale et ou de la laquo correction raquo grammaticale

Les adaptations que nous avons ainsi deacutecrites srsquoeacutelaborent au niveau phrastique et macro-discursif

En conseacutequence nous avons deacutegageacute des lois de performances refleacutetant les ajustements des formulations linguistiques lieacutees aux comportements adaptatifs du locuteur agrammatique

En outre lrsquoexamen des variabiliteacutes inter-sujets a reacuteveacuteleacute des patrons de conduites singuliegraveres influenceacutees par le type et la seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent et deacuteterminant lrsquoutilisation de certaines strateacutegies compensatoires laquo preacutefeacutereacutees raquo par le locuteur agrammatique

Pour finir nous proposons une typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires dans lrsquoaphasie agrammatique recouvrant les dimensions codique analytique et interactionnelle de la performance langagiegravere

Nous en sommes encore plus convaincue qursquoau deacutepart le patient agrammatique laquo deacuteficitaire raquo est aussi potentiellement un laquo locuteur strateacutegique raquo En effet les strateacutegies srsquoeacutelaborent drsquoapregraves les proprieacuteteacutes intrinsegraveques agrave tout systegraveme linguistique et ne sont que le reflet du potentiel adaptatif du patient-locuteur en proie agrave ses difficulteacutes drsquoexpression et agrave son environnement

Le patient-locuteur fait face agrave son incapaciteacute en adaptant lrsquoexpression agrave produire gracircce aux proprieacuteteacutes structurales et fonctionnelles qursquooffre le systegraveme linguistique dans son utilisation Crsquoest pourquoi nous insistons encore une fois sur lrsquointeacuterecirct drsquoune approche reacutesolument linguistique et fonctionnelle du discours pathologique inteacutegrant les aspects cognitifs de la performance langagiegravere en vue de modeacuteliser le comportement adaptatif et la flexibiliteacute cognitive qui le sous-tend dans le cas de lrsquoaphasie

Nous ajoutons qursquoune meilleure connaissance des strateacutegies compensatoires de lrsquoaphasique demeure utilisable dans les perspectives de diagnostic et de theacuterapie Nous avons vu tout au long de cette eacutetude que les strateacutegies utiliseacutees par les agrammatiques peuvent ameacuteliorer lrsquoaisance verbale mecircme si crsquoest au prix de formulations eacuteloigneacutees de la norme grammaticale Et finalement une question fondamentale lieacutee au type de cible linguistique agrave viser en theacuterapie du langage eacutemerge et meacuterite drsquoecirctre clairement poseacutee faut-il privileacutegier la norme en reacuteprimant la mise en place et le recours agrave certaines strateacutegies Ou faut-il privileacutegier la mise en place de proceacutedures drsquoadaptation aboutissant certes agrave une mise en mots originale au deacutetriment de la laquo correction raquo grammaticale mais qui au demeurant peut aider agrave ameacuteliorer lrsquoaisance verbale Nous ne sommes pas en mesure drsquoapporter une reacuteponse trancheacutee agrave cette question

Nous dirons simplement pour finir que toute personne plongeacutee dans le cauchemar de lrsquoaphasie garde toujours si toutefois son environnement le lui permet son indeacutefectible statut de locuteur drsquoune langue naturelle

Bibliographie

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Index des scheacutemas tableaux et illustrations

353

Index des scheacutemas tableaux et illustrations Scheacutema 1 Approche globale et dynamique de lrsquoaphasie deacuteficit sous-jacent incapaciteacute verbale handicap communicationnel et principe drsquoadaptation 23

Scheacutema 2 Modegravele de GARRETT les eacutetapes de lrsquoencodage drsquoun message impliqueacutees dans la production orale (1984 174 repris par CAPLAN 1996 322)79

Scheacutema 3 Le modegravele de LEVELT (repris de LEVELT 1999 87)83

Scheacutema 4 Structure syntaxique associeacutee au lemme seacutelectionner (drsquoapregraves LEVELT 1999 98) 85

Scheacutema 5 Structure syntaxique de surface unification des lemmes (drsquoapregraves LEVELT 1999 98) 87

Scheacutema 6 Synthegravese les approches linguistique et proceacutedurale de lrsquoagrammatisme101

Scheacutema 7 Ellipses de NESPOULOUS Neuro-psycho-linguistique et paradigme theacuteorique fonctionnaliste 112

Scheacutema 8 Principes meacutethodologiques de mise en eacutevidence des pheacutenomegravenes drsquoadaptation caracteacuterisation des variations inter-tacircches issues de lrsquointeraction entre incapaciteacutes drsquoencodage capaciteacutes drsquoencodage preacuteserveacutees et contraintes de la situation expeacuterimentale118

Scheacutema 9 Trois niveaux de transcription trois niveaux de lecture et trois niveaux de traitement des corpus oraux165

Scheacutema 10 Typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires323

Tableau 1 Les diffeacuterentes formes drsquoaphasies17

Tableau 2 Exemples de corpus oraux Cendrillon raconteacutee par une locutrice controcircle et un locuteur agrammatique 27

Tableau 3 Constructions elliptiques non finies (non finite clauses) employeacutees par lrsquoagrammatique adapteacute de KOLK (2006 246-247 donneacutees du hollandais traduites en franccedilais)69

Tableau 4 Principes caracteacuterisant les degreacutes de contraintes associeacutes agrave chaque tacircche de production 122

Tableau 5 Seacutequences drsquohistoires de Maicirctre Jacot retenues (7 sur 12) pour les analyses quantitatives tacircche 3 de production de discours continu 129

Tableau 6 Exemples de phrases cibles plausibles (ELA)132

Tableau 7 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 6 participants agrammatiques et 9 participants controcircles 139

Tableau 8 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques 140

Tableau 9 Variables individuelles intervenant dans la reacutecupeacuteration post-leacutesionnelle (drsquoapregraves SEacuteRON 1979 41) 142

Tableau 10 Caracteacuteristiques des participants controcircles 143

Tableau 11 Segmentation et cotation des eacutenonceacutes en fonction de critegraveres structurels formels 161

Tableau 12 Tacircches et types de donneacutees collecteacutees (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute au franccedilais et agrave drsquoautres tacircches de production) 172

Tableau 13 Nature et quantiteacute de donneacutees verbales (comparatif entre le protocole QPA original et adapteacute)173

Tableau 14 Protocole de recueil de donneacutees (reacutesumeacute) locuteurs tacircches corpus175

Tableau 15 Valeurs brutes CORPUS quantiteacute de donneacutees soumises aux analyses (dureacutees des corpus nombre de mots produits de mots extraits et drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes totaux et intervalles)226

Index des scheacutemas tableaux et illustrations

354

Illustration 1 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(a) production de discours continu (conte du Petit Chaperon Rouge Imageries drsquoEpinal) 126

Illustration 2 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 2(b) production de discours continu (conte de Cendrillon Imageries drsquoEpinal) 126

Illustration 3 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 3 production de discours continu128

Illustration 4 Type de stimuli imageacutes utiliseacutes pour la tacircche 4 production de phrases isoleacutees 131

Index des figures

355

Index des figures Figure 1 Nombre de mots produits ( Mots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes227

Figure 2 Nombre de mots extraits ( Mots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 229

Figure 3 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 230

Figure 4 Proportion de mots extraits parmi les mots produits pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes232

Figure 5 Proportion de mots extraits parmi les mots produits (Prop Mots extMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 233

Figure 6 Deacutebit verbal moyen en nombre de mots produits (Deacutebit Mots prod) et en nombre de mots extraits (Deacutebit Mots ext) par minute pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes235

Figure 7 Deacutebit verbal en nombre de mots produits par minute pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 237

Figure 8 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots produits (Long Moy E Seg(Mots prod) agrave gauche) et en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes 238

Figure 9 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute segmenteacute en nombre de mots extraits pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 241

Figure 10 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg barres) et longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute en nombre de mots extraits (Long Moy E Seg(Mots ext) points) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite) 243

Figure 11 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes246

Figure 12 Proportion de conjonctions relativement au total de mots produits (Prop CONJMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 247

Figure 13 Proportion de conjonctions agrave valeur discursive (Prop CONJdisc agrave gauche) et de conjonctions agrave valeur syntaxique (Prop CONJsynt agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes249

Figure 14 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes251

Figure 15 Proportion drsquoadverbes relativement au total de mots produits (Prop ADVMots prod) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 252

Figure 16 Proportion drsquoadverbes agrave valeur discursive (Prop ADVdisc agrave gauche) et drsquoadverbes modifieurs (Prop ADVmod agrave droite) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes254

Figure 17 Proportion drsquoadverbes modifieurs (Prop ADVmod) pour les tacircches 1 2 et 3 donnes individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 255

Figure 18 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1 2 et 3 moyennes de groupes258

Figure 19 Proportion de particules discursives par rapport au nombre total de mots extraits et de particules (Prop PARTICULES ( TOTAL [Mots ext + PARTICULES]) pour les tacircches 1 2 et 3 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 259

Figure 20 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO agrave gauche) et proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF agrave droite) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes261

Figure 21 Proportion de mots de classe ouverte (Prop MCO en bas) et proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF en haut) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes (controcircle agrave gauche agrammatique agrave droite) 262

Figure 22 Proportion de mots de classe fermeacutee (Prop MCF) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 264

Figure 23 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 265

Figure 24 Indice de deacutetermination (Indice DET) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 267

Figure 25 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes271

Index des figures

356

Figure 26 Proportion de pronoms (Prop PRO) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 273

Figure 27 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes275

Figure 28 Proportion de preacutepositions (Prop PREPMots ext) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques276

Figure 29 Proportions de verbes parmi les verbes et les noms (Prop V(V+N)) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 280

Figure 30 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 283

Figure 31 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes287

Figure 32 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques290

Figure 33 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 294

Figure 34 Reacutepartition des mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph)) versus les eacutenonceacutes de forme non canonique (Prop Mots ext(E Non-Can)) selon les groupes (controcircle couleur unie agrammatique hachureacute) et selon les tacircches 1 2 3 et 4 297

Figure 35 Proportion de mots extraits composant les eacutenonceacutes-phrases (Prop Mots ext(E Ph) ) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques298

Figure 36 Longueur moyenne des eacutenonceacutes-phrases en nombre de mots extraits (Long Moy E Ph(Mots ext) ) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes303

Figure 37 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes 304

Figure 38 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux (Prop E Ph Gram) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques305

Figure 39 Indice drsquoeacutelaboration des eacutenonceacutes-phrases (Indice Elab E Ph) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes308

Figure 40 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 moyennes de groupes310

Figure 41 Proportion drsquoeacutenonceacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee (Prop SUB) pour les tacircches 1 2 3 et 4 donneacutees individuelles concernant 6 sujets agrammatiques 311

Liste des abreacuteviations

357

Liste des abreacuteviations

1A Structure syntaxique agrave un argument (tacircche 4)

2A-REV Structure syntaxique reacuteversible agrave deux arguments (tacircche 4)

2A-IRR Structure syntaxique irreacuteversible agrave deux arguments (tacircche 4)

3A-REV Structure syntaxique reacuteversible agrave trois arguments (tacircche 4)

3A-IRR Structure syntaxique irreacuteversible agrave trois arguments (tacircche 4)

Ab Eacutenonceacute abandonneacute eacutechec de formulation

ADV Adverbe ou locution adverbiale

ADVdisc Adverbe agrave valeur de particule discursive (mots produits en caractegraveres italiques (par ex ADVdisc(alors) )

ADVexcl Adverbe exclamatif

ADVinterr Adverbe interrogatif

ADVmod Adverbe modifieur (mots extraits en caractegraveres gras) (par ex ADVmod(tregraves) )

ADJ Adjectif (par ex ADJ(belle) )

ADJ-Attr Adjectif attribut (par ex Il est ADJ-Attr(fatigueacute) )

ADJind Adjectif indeacutefini (par ex ADJind(toutes) )

ADJnum Adjectif numeacuteral (par ex ADJnum(un) )

Xajout(x) Ajout drsquoun eacuteleacutement X ougrave lrsquouniteacute est x (par ex PREPajout (sur) )

Autocor+ Reformulation avec autocorrection reacuteussie

Autocor- Reformulation avec autocorrection inadeacutequate

CO Contexte morpho-syntaxique obligatoire

CONJ Conjonction ou locution conjonctive (par ex CONJ(et) )

CONJdisc Conjonction agrave valeur de particule discursive (mots en caractegraveres italiques par ex CONJdisc(et) )

CONJsynt Conjonction agrave valeur syntaxique (mots extraits en caractegraveres gras par ex CONJsynt(et) )

CORPUS Variables de corpus

Deformphon Deacuteformation phoneacutemique (par ex Deformphon(rictusgt[Riskyls]) )

DET Deacuteterminant (par ex DET(le) )

DETartpart Deacuteterminant article partitif (par ex DETartpart(de) ou DETpart(de-la) )

DETom(x) Deacuteterminant omis ougrave x est lrsquouniteacute omise (par ex laquo proprieacutetaire contentraquo DETom(le) + proprieacutetaire)

DETsubst(xgty) Deacuteterminant substitueacute ougrave une uniteacute y remplace x (par ex laquo le grand-megravere raquo DETsubst(lagtle) )

E Enonceacute

Echol Echolalie

E Non-Can Enonceacute de forme non canonique (autre type de construction TC)

E Ph Enonceacute-phrase (construction de forme canonique SN+SV)

E Ph Gram Enonceacute-phrase grammatical

E Seg Enonceacute segmenteacute

Facillex Facilitation lexicale fournie par lrsquoexpeacuterimentatrice

Facilphon Facilitation phoneacutemique fournie par lrsquoexpeacuterimentatrice

Facilsynt Facilitation syntaxique fournie par lrsquoexpeacuterimentatrice

Liste des abreacuteviations

358

Flexom(x) Flexion omise drsquoun eacuteleacutement (x) (par ex laquo Flexomfem(reacuteduit) raquo Flexion du feacuteminin omise)

Flexcor(x) Flexion correcte drsquoun eacuteleacutement (x) (par ex laquo Flexcorfem(reacuteduite) raquo Flexion du feacuteminin correcte)

Indice Compl MORPH-V-Matrices

Variable de morphologie verbale complexiteacute morphologique du verbe matrice

Interj Interjection (par ex Interj(tiens) )

Lggautomat Langage automatique (par ex laquo un deux trois quatre cinq six sept huit ans raquo)

LEXsubst(xgty) Substitution lexicale de x par y (par ex LEXsubst(garccedilongthomme substitution de nom laquo hommeraquo est agrave la place de laquo garccedilonraquo LEXsubst(jouergtprendre substitution de verbe laquo prendre raquo est agrave la place de laquo jouerraquo )

Long Moy (X) Longueur moyenne drsquoune structuration syntaxique (X)

Metaling Commentaire sur le dit propos meacutetalinguistique

Mots ext Mots extraits

Mots prod Mots produits

MCO Mots de classe ouverte

MCF Mots de classe fermeacutee

MORPH-LEX Variables de morphologie lexicale

MORPH-V Variable de morphologie verbale

N Nom (par ex N(proprieacutetaire) )

Xom(x) Omission drsquoun eacuteleacutement X ougrave x est lrsquouniteacute omise (par ex PROreflom(se) omission du pronom reacutefleacutechi laquo se raquo )

Onom Onomatopeacutees (par ex Onom(boom tchak tatata lalala chut)

PASSIVE Proposition agrave la forme passive

Persev Perseacuteveacuteration (par ex Persev(meacutedecin) )

PREP Preacuteposition (par ex PREP(de) )

PREPajout(x) Ajout drsquoune preacuteposition (par ex PREPajout (sur) )

PREPom(x) Preacuteposition omise (par ex laquo prince danse Cendrillon raquo PREPom(avec) + Cendrillon)

PREPsubst(xgty) Preacuteposition substitueacutee ougrave un eacuteleacutement y remplace x (par ex laquo prince danse contre Cendrillon raquo PREPsubst(avecgtcontre) )

PRO Pronom (par ex PRO(il) )

Prop (X) Proportion drsquoemploi drsquoun morphegraveme ou drsquoune structure (x)

PROcli Pronom clitique (sujet objet forme conjointe atone) ( PROcli(la) )

PROpers Pronom personnel (sujet objet forme disjointe tonique) (PRO(il) )

PROdem Pronom deacutemonstratif (par ex PROdem(crsquo) )

PROind Pronom indeacutefini (par ex PROind(rien) )

PROrec Pronom reacuteciproque (par ex PROrec(se) )

PROrefl Pronom reacuteflexif (par ex PROrefl(se) )

Rechlex Recherche lexicale (par ex Rechlex(galette) )

Reform+ Reformulation plus correcte que la formulation preacuteceacutedente

Repet Reacutepeacutetition (par ex Repet(tregraves) )

SUB Proposition subordonneacutee

SN Syntagme nominal (par ex SN(la meacutemoire ) )

Liste des abreacuteviations

359

SNPROdem Construction avec deacutetachement (par ex laquo la parole crsquoest moiraquo SN(la parole)PROdem(crsquo) + SV(est) )

SP-Agent Syntagme preacutepositionnel compleacutement drsquoagent (par ex laquo le chien est nourri par le garccedilon SP-Agent(par le garccedilon) raquo )

SN-ODir Syntagme nominal objet direct (par ex laquo Il mange une pomme SN-ODir(une pomme) raquo )

SN-ODirom(x) Syntagme nominal objet direct x omis (par ex laquo Il mange () SN-ODirom(une pomme) )

SN-S Syntagme nominal sujet (par ex (par ex laquo Une fille mange () SN-S(la fille) )

SN-Som(x) Syntagme nominal sujet x omis ( SN-Som(le loup) )

SN-Ssubst(xgty) Syntagme nominal sujet x substitueacute par y (par ex laquo la grand-megravere se deacuteguise raquo SN-Ssubst(le loupgtla grand-megravere) )

SP Syntagme preacutepositionnel (par ex laquo le monsieur glisse sur la banane raquo SP(sur la banane) )

SP-Circ Syntagme preacutepositionnel circonstant (par ex laquo Il monte sur son dos raquo SP-Circ(sur son dos) )

SP-CN Syntagme preacutepositionnel compleacutement du nom (par ex laquo La fille parle agrave lrsquooreille de son fregravere raquo SP-CN(du fregravere) )

SP-OInd Syntagme preacutepositionnel objet indirect (par ex laquo Il parle SP-OInd(au pegravere)raquo )

SP-OIndirom(x)

Syntagme preacutepositionnel objet indirect x omis (par ex laquo La fille donne le journal () SP-OIndom(au pegravere) )

Xsubst(xgty) Substitution drsquoun eacuteleacutement X ougrave lrsquouniteacute y remplace x (par ex laquo Il glisse dans la banane raquo PREPsubst (surgtdans) + banane)

SV Syntagme verbal (par ex SV(aller dans la forecirct) )

SV-FLEX Syntagme verbal ougrave le verbe est fleacutechi (par ex SV-FLEX(va dans la forecirct) )

SVinf Syntagme verbal ougrave le verbe est agrave la forme infinitive (par ex SVinf (aller dans la forecirct) )

SVpart Syntagme verbal ougrave le verbe est agrave la forme participiale (par ex SVpart (retenu ma place) )

SYNTAX Variables de syntaxe

V Verbe (par ex V (aller) )

Vaux Verbe auxiliaire (par ex Vaux(ai) Vaux(est) )

Vcaus Verbe causatif (par ex Vcaus(faire) + Vinf(marcher) Vcaus(laisser) + Vinf(partir) )

Vcop Verbe copule (par ex Vcop(ecirctre) )

V-FLEX 0 V-FLEX

Verbe fleacutechi (par ex laquo Le chaperon rouge aller dans la forecirct 1 V-FLEX(va) ) Verbe non fleacutechi (flexion obligatoire) (par ex laquo Le chaperon rouge aller dans la forecirct 0 V-FLEX(aller) )

Vinf Verbe agrave la forme infinitive (par ex Vinf(aller) )

VInfl Verbe dont la flexion est requise qursquoil soit fleacutechi ou non Srsquoil nrsquoest pas fleacutechi alors il srsquoagit drsquoune omission de flexion (par ex laquo Le chaperon rouge va dans la forecirct 1 VInfl 1 V-FLEX(va) ) (par ex laquo Le chaperon rouge aller dans la forecirct 1 VInfl 0 V-FLEX(aller) )

Vint Verbe intransitif (par ex Vint(dormir) )

V-Matrices Verbes matrices

Vaux-mod Auxiliaire modal (par ex Vaux-mod(devoir vouloir pouvoir hellip) + Vinf)

Vpart Verbe agrave la forme participe (par ex Vpart(alleacute) )

Liste des abreacuteviations

360

Vpartpasseacute Verbe agrave la forme participe passeacute (par ex Vpartpasseacute(alleacute) )

Vpartpres Verbe agrave la forme participe preacutesent (par ex Vpartpres(allant) )

Vpartreacuteg Verbe agrave la forme participe reacutegulier (par ex Vpartreg(alleacute) )

Vpartirr Verbe agrave la forme participe irreacutegulier (par ex Vpartirr(retenu) )

V-Points Morph Points assigneacutes agrave la complexification morphologique du verbe

Vsemi-aux Verbe semi-auxiliaire (par ex Vsemi-aux(aller venir (de) ecirctre en train (de) ecirctre sur le point (de) arrecircter (de) ) + Vinf )

Vtr Verbe transitif (par ex Vtr(donner) )

XXX Juxtaposition de constituants sans liaisons syntagmatiques formelles explicites en particulier dans le style teacuteleacutegraphique agrammatique (par ex laquo Les voisins dans le jardin les arbres raquo SN(les voisins)SP(dans le jardin)SN(les arbres))

Sommaire deacutetailleacute

361

Sommaire deacutetailleacute Volume 1 Sommaire 7 Introduction 9 Partie I Repegraveres Theacuteoriques 13 1 Contexte et objectif 15 10 Les aphasies 15 11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude18

111 La dimension neurologique lrsquoaphasie de Broca et le rocircle de lrsquoaire de Broca 19 112 La dimension cognitive lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques sous-jacents 20 113 La dimension linguistique la description des pheacutenomegravenes agrammatiques 21 114 La dimension fonctionnelle deacuteficit incapaciteacute handicap circonstancieacute et principe drsquoadaptation21

12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique 25 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses26 20 Remarques liminaires26 21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes 26 22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme 31 23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques

agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation33 231 Introduction33 232 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de deacuteficit(-s) des hypothegraveses controverseacutees 34

2321 Lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute34 2322 Lrsquohypothegravese de la saillance 35 2323 Lrsquohypothegravese des frontiegraveres phonologiques 36 2324 Lrsquohypothegravese de lrsquoaccegraves morpho-lexical 37 2325 Lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques mapping hypothesis 38 2326 Les hypothegraveses syntaxiques40

233 Lrsquoagrammatisme trouble central ou seacutelectif 45 234 Agrammatisme et paragrammatisme un mecircme deacuteficit 46 235 Variabiliteacute inter-langues lrsquoapproche comparative et lrsquoapport des donneacutees translinguistiques 48

2351 Un exemple lrsquoagrammatisme en Japonais 48 2352 Le projet CLAS (Cross-Language Aphasia Study) 48 2353 Inteacuterecirct de lrsquoapproche comparative 50

236 Variabiliteacute symptomatologique co-occurrences et dissociations de symptocircmes52 2361 La question du statut syndromique de lrsquoagrammatisme 52 2362 Dissociations doubles-dissociations et co-occurences de symptocircmes 53

237 Conclusion agrave propos des variabiliteacutes inter-sujets et inter-langues 55 238 et agrave propos des variabiliteacutes inter- et intra-tacircches la perspective des strateacutegies 55

24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives 58 241 La theacuteorie drsquoadaptation la loi de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort et le style teacuteleacutegraphique 58 242 Prolongements reacutecents de la theacuteorie drsquoadaptation 59 243 Lrsquohypothegravese des adaptations correctives et preacuteventives61

2431 Principe de variabiliteacute62 2432 Le deacuteficit sous-jacent lrsquoapproche proceacutedurale63 2433 Les pheacutenomegravenes drsquoadaptation 65 2434 Synthegravese des propositions de KOLK72

244 Lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction 73 245 Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives 74

2451 Principes sous-jacents74 2452 Deacutefinition 76

Sommaire deacutetailleacute

362

3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique 78 30 Modegraveles de production introduction 78

301 Le modegravele de GARRETT 79 302 Prolongements du modegravele de GARRETT 81 303 Le modegravele de LEVELT 82

3031 Lrsquoeacutetape de preacuteparation conceptuelle et lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal 83 3032 Lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical et lrsquointervention des lemmes 84

31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques 90

311 Hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique syntaxique et modegravele de GARRETT 90 312 Entre compeacutetence et performance theacuteorie linguistique et psycholinguistique 91

32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle 92 321 Lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle 92 322 En compreacutehension 93 323 En production 94

33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo 97

34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle 100 341 Scheacutema de synthegravese theacuteorique 101 342 Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique 102 343 Lrsquoapproche proceacutedurale 104 344 Notre position 105 345 Le fonctionnalisme 107

3451 Le paradigme fonctionnaliste 107 3452 Le fonctionnalisme cognitif 109

346 Une neuro-psycho-linguistique fonctionnelle et inteacutegrative pour lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme 111 35 Conclusion 113 Partie II Meacutethodologie 115 4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des

corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables) 117 40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale 117

401 Hypothegravese theacuteorique et opeacuteratoire 117 402 Position meacutethodologique 119 403 Degreacutes de liberteacutecontraintes associeacutes aux tacircches 120

4031 Contraintes externes sujeacutetion des uniteacutes (temps et consigne) 120 4032 Contraintes internes manipulation des anteacuteceacutedents (stimuli) 120

404 Synthegravese les caracteacuteristiques des tacircches de production suivant les contraintes externes et internes 121 41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale 124

411 Tacircche 1 Production orale de discours continu spontaneacute autobiographique (reacutecit de la maladie de voyage) 124 4111 Objectif 124 4112 Proceacutedure 125

412 Tacircche 2 Production orale de discours continu narratif (Le Petit Chaperon Rouge et Cendrillon) 125 4121 Objectif 125 4122 Mateacuteriel et proceacutedure 126

413 Tacircche 3 Production orale de discours continu narratifdescriptif agrave partir drsquoune seacutequence drsquoimages (Maicirctre Jacot) 127

4131 Objectif 127 4132 Mateacuteriel et proceacutedure 128

414 Tacircche 4 Production orale de phrases agrave partir drsquoimages 130 4141 Objectif 130 4142 Mateacuteriel et proceacutedure 130

42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain 134 421 Recherche de patients agrammatiques 134

4211 Difficulteacutes lieacutees au terrain et au mode de prise en charge 134 4212 Difficulteacutes lieacutees agrave la rareteacute du trouble 135

422 Critegraveres drsquoinclusion des participants agrammatiques 136

Sommaire deacutetailleacute

363

43 Recueil des corpus passations 137 431 Lieux de passation137 432 Formulaire de consentement eacuteclaireacute137 433 Patient et locuteur137 434 Deacutetresse verbale et facilitations138 435 Dureacutee des passations 138

44 Caracteacuteristiques des participants 139 441 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 139 442 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques 139 443 Complexiteacute des facteurs de variabiliteacute individuelle 141 444 Caracteacuteristiques des participants controcircles143

45 Construction des observables144 451 Corpus nature des donneacutees collecteacutees et implications meacutethodologiques 144 452 Meacutethode QPA (Quantitative Production Analysis) 146

46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription 147 461 Corpus de discours oraux continus et pathologiques implications pour la transcription147 462 Transcription conventions adopteacutees 148

4621 Codage orthographique et phoneacutetique 149 4622 Amorces faux deacuteparts reprises149 4623 Ajouts neacuteologies lexicales liaisons 150 4624 Ambiguumliteacutes 151 4625 Ponctuation151 4626 Notation drsquoun eacutenonceacute segmenteacute 152 4627 Dureacutees des pauses interruptions 152 4628 Paroles inaudibles153 4629 Chevauchements153 46210 Remplisseurs heacutesitations 153 46211 Uniteacutes morpheacutemiques solidaires153

47 Segmentation des corpus de discours continu154 471 La segmentation du discours continu position du problegraveme 154 472 Notion drsquo laquo eacutenonceacute raquo ou laquo eacutenonceacute-phrase raquo dans le cas de donneacutees patholinguistiques 156

4721 Diversiteacute des types de structuration syntaxique dans le discours pathologique156 4722 Synthegravese critegraveres syntaxiques de segmentation et de cotation des eacutenonceacutes160

48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu 161 49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives163

491 Principes 3 niveaux de transcription 3 niveaux de lecture et 3 niveaux de traitement des corpus 163 492 Seacutelection des laquo mots extraits raquo objectif et proceacutedure 165

4921 Objectif165 4922 Exclusion des remplisseurs heacutesitations reacutepeacutetitions amorces interjections onom perseacutev166 4923 Exclusion des neacuteologismes eacutecholalies perseacuteveacuterations commentaires et eacutenonceacutes modal 167 4924 Exclusion des commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs168 4925 Traitement particulier des particules de discours conjonctions et adverbes agrave valeur disc 169

410 Corpus collecteacutes et mis en forme 171 4101 Application du protocole original QPA agrave drsquoautres types de tacircches de production 171 4102 Adaptations du protocole original QPA nature et quantiteacute de donneacutees analyseacutees172 4103 Particulariteacutes de la mise en forme concernant les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)174

411 Conclusion 175 5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative177 50 Introduction177

501 Principes geacuteneacuteraux et objectifs177 502 Les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX178

51 Les variables CORPUS181 511 Valeurs brutes CORPUS 181

5111 Dureacutee de lrsquoeacutechantillon (Duration of Narrative)181 5112 Nombre de MOTS PRODUITS Mots prod (A) (Complete Words Uttered) 181 5113 Nombre de MOTS EXTRAITS Mots ext (A1) (Narrative Words) 184 5114 Nombre drsquoEacuteNONCEacuteS SEGMENTEacuteS E Seg (A2) (Utterances) 184

512 Variables CORPUS associeacutees 184 5121 Prop Mots extprod 184

Sommaire deacutetailleacute

364

5122 Deacutebit Mots prod ( Words per minute) 185 5123 Deacutebit Mots ext 185 5124 Long Moy E Seg(Mots prod) 185 5125 Long Moy E Seg(Mots ext) (Median Utterance Length) 185

52 Les variables MORPH 186 521 Valeurs brutes MORPH-LEX 186

5211 Nombre de MOTS DE CLASSE OUVERTE MCO (B) (Open Class Words) 186 5212 Nombre de MOTS DE CLASSE FERMEacuteE MCF (B1) (Closed Class Words) 187 5213 Nombre de NOMS N (C) (Nouns) 187 5214 Nombre de CONJONCTIONS CONJ (D) 187 5215 Nombre de DEacuteTERMINANTS DET CO (E) et DET (E1) (Determiners) 189 5216 Nombre de PRONOMS PRO (F) (Pronouns) 191 5217 Nombre de VERBES V (G) (Verbs) 191 5218 Nombre de VERBES avec flexion obligatoire VInfl (G1) (Inflectable Verbs) 193 5219 Nombre de VERBES FLECHIS V-FLEX (G2) (Inflectable Verbs Inflected) 195 52110 Nombre de PREacutePOSITIONS PREP (H1) 195 52111 Nombre drsquoADVERBES ADV (I) 197

522 Variables MORPH-LEX associeacutees 200 5221 Prop MCO 200 5222 Prop MCF (Proportion Closed Class Words) 200 5223 Prop CONJMots prod 201 5224 Prop CONJdisc 201 5225 Prop CONJsynt 201 5226 Indice DET (DET Index) 201 5227 Prop PRO (Proportion Pronouns) 201 5228 Prop V(V+N) (Proportion Verbs) 202 5229 Prop VMCO 202 52210 Indice V-FLEX (Inflection Index) 202 52211 Prop PREPMots ext 202 52212 Prop ADV 202 52213 Prop ADVdisc 202 52214 Prop ADVmod 203

523 Variable MORPH-V Indice Compl MORPH-V-Matrices 203 5231 Comptage des verbes matrices V-Matrices (J) (Matrix Verbs) 203 5232 Complexification morphologique des verbes matrices - principes de cotation de fixeacutes pour le

franccedilais V-Points Morph (J1) (Aux Score) 204 5233 Indice Compl MORPH-V-Matrices (Aux Complexity Index) 207

53 Les variables SYNTAX 208 531 Valeurs brutes SYNTAX 208

5311 Principes geacuteneacuteraux de cotation des eacutenonceacutes 208 5312 Principes deacutetailleacutes de cotation des eacutenonceacutes 208 5313 Nombre de mots extraits composant les E Ph et les E Non-Can Mots ext(E Ph) (L) (Words in

Sentences) et Mots ext(E Non-Can) (M) (Words in TC Utterances) 211 5314 Nombre drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et grammaticaux E Ph Gram (N) (Well-formed

Sentences) 211 5315 Nombre de syntagmes nominaux sujet SN-S (O) (Subject Noun Phrases) 211 5316 Nombre de mots (MCO+PRO) composant les SN-S Mots MCO+PRO(SN-S) (P) (Words in

SNPs) 212 5317 Nombre de syntagmes verbaux SV (Q) (Verb Phrases) 212 5318 Nombre de mots MCO+PRO dans les SV Mots MCO+PRO(SV) (R) (Words in VPs) 213 5319 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee SUB (S)

(Embeddings) 213 532 Variables SYNTAX associeacutees 214

5321 Prop Mots ext(E Ph) (Proportion Words in Sentences) 214 5322 Prop Mots ext(E Non-Can) 214 5323 Long Moy E Ph(Mots ext) (Mean Sentence Length) 214 5324 Prop E Ph Gram (Proportion Well-formed Sentences) 214 5325 Indice Elab E Ph (Sentence Elaboration Index) 215 5326 Prop SUB (Embedding Index) 216

Sommaire deacutetailleacute

365

54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche 4 216 541 Variables quantitatives non utiliseacutees pour la tacircche 4216 542 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes (Prop E Seg) 217 543 Cotation des phrases produites selon les critegraveres de grammaticaliteacute agrammaticaliteacute 217

5431 Critegraveres morpho-lexicaux 218 5432 Critegraveres syntaxiques218 5433 Emploi drsquoun verbe geacuteneacuterique agrave la place du verbe adeacutequat 219

55 Conclusion 219 Partie III Reacutesultats221 6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX 223 60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats 223 61 Reacutesultats variables CORPUS225

611 Quantiteacute drsquoobservables soumis aux analyses caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus 225 6111 Nombre de mots produits et de mots extraits Mots prod et Mots ext 227 6112 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes E Seg230

612 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus 231 6121 Proportion de mots extraits Prop Mots extprod232 6122 Deacutebit verbal selon les variables laquo mots produits raquo et laquo mots extraits raquo Deacutebit Mots prod et Deacutebit

Mots ext 235 6123 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots

ext) 238 613 Le style elliptique intra-phrastique et lrsquoexpansion macro-discursive 242

62 Reacutesultats variables MORPH 245 621 Introduction245 622 Emploi des conjonctions CONJ CONJdisc et CONJsynt245

6221 Proportion de conjonctions Prop CONJMots prod246 6222 Proportions moyennes de conjonctions selon le type drsquoemploi Prop CONJdisc et Prop CONJsynt249

623 Emploi des adverbes ADV ADVdisc et ADVmod 251 6231 Proportion drsquoadverbes Prop ADVMots prod251 6232 Proportions drsquoadverbes selon le type drsquoemploi Prop ADVdisc et Prop ADVmod 253

624 Analyse quantitative approfondie des PARTICULES DE DISCOURS (CONJdisc et ADVdisc)256 6241 Principes de calcul de la nouvelle variable256 6242 Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES] 258

625 Reacutepartition des mots de classe ouverte et des mots de classe fermeacutee Prop MCO et Prop MCF 261 626 Indice de deacutetermination Indice DET 265 627 Proportion de pronoms Prop PRO271 628 Proportion de preacutepositions Prop PREPMots ext 275 629 Proportion de verbes Prop V(V+N) 280 6210 Indices de flexions verbales Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices 283

62101 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) moyennes de groupe et variabiliteacute inter-tacircches 283 62102 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-

Matrices) 285 63 Reacutesultats variables SYNTAX 292

631 Rappel 292 632 Reacutepartition des mots composant les eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) et les eacutenonceacutes

de forme non canonique Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can) 293 633 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en nombre de mots extraits Long Moy E Ph(Mots ext) 302 634 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux Prop E Ph Gram 303 635 Indice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase Indice Elab E Ph 307 636 Proportion drsquoeacutenonceacutes avec complexification syntaxique Prop SUB310

7 Synthegravese et discussion313 70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees313

701 Variables CORPUS variation du deacutebit verbal style elliptique intra-phrastique expansion macro-discursive 313

702 Variables MORPH preacuteservation des particules de discours ellipses de morphegravemes grammaticaux et strateacutegies palliatives 314

Sommaire deacutetailleacute

366

703 Variables SYNTAX ellipses strateacutegies palliatives et proceacutedures de reformulations 316 71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances 318

711 Dysfonctionnement et adaptation 318 712 Principe des lois de performances variations inter-tacircches en quantiteacute et en qualiteacute 320

72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires 323 73 Discussion et perspectives 325

731 La dimension neurolinguistique 325 7311 Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme 325 7312 Classifications des aphasies et variabiliteacutes de types freacutequences de symptocircmes 326 7313 Postulats de fractionnement transparence suffisance et adaptations comportementales 326

732 La dimension psycholinguistique 328 7321 Adaptations et modegravele de la performance psycholinguistique 328 7322 Particules de discours organisation macro-discursive reacuteduction intra-phrastique et coucirct

drsquoencodage 328 7323 Caractegravere volontaire involontaire des adaptations 329 7324 Agrammatisme et acquisition drsquoune LE 330

733 La dimension linguistique 331 7331 Aspects meacutethodologiques 331 7332 Aspects theacuteoriques 333

734 La dimension theacuterapeutique 334 Conclusion geacuteneacuterale 335 Bibliographie 337 Index des scheacutemas tableaux et illustrations 353 Index des figures 355 Liste des abreacuteviations 357 Sommaire deacutetailleacute 361 Volume 2

ANNEXES A B C D E F G H I ANNEXE A 379 A- Questionnaire drsquoentreacutee 381 ANNEXE B 383 B- Preacutesentation deacutetailleacutee des locuteurs agrammatiques 385 ANNEXE C 389 C- Preacutesentation deacutetailleacutee des locuteurs controcircles 391 ANNEXE D 393 D- Caracteacuteristiques des groupes 395 D-I- Groupe de 6 locuteurs agrammatiques 395 D-II- Groupe de 9 locuteurs controcircles 395 D-III- Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes 396 ANNEXE E 397 E- 4 tacircches de production orale mateacuteriel et proceacutedure 399 E-I- Tacircche 1 Production de discours continu spontaneacute autobiographique 399

(a) Reacutecit de la maladie 399 (b) Questions plus cibleacutees et glissement vers un dialogue 399

Sommaire deacutetailleacute

367

E-II- Tacircche 2 Production de discours continu narratif (reacutecits du Petit Chaperon Rouge et de Cendrillon)400 (a) 2a Le Petit Chaperon Rouge Imageries drsquoEpinal 16 images en couleurs400 (b) 2b Cendrillon Imageries drsquoEpinal 12 images en couleurs401

E-III- Tacircche 3 Production de discours continu narratif descriptif agrave partir de 4 images 402 (a) 3MJ-01 le pommier du voisin 402 (b) 3MJ-03 le verglas et la banane402 (c) 3MJ-05 la deacutemonstration de boomerang 403 (d) 3MJ-06 le chien et le fauteuil403 (e) 3MJ-07 le chien le chat et le journal 403 (f) 3MJ-08 scier deux arbres 403 (g) 3MJ-09 la banane et le singe403

E-IV- Tacircche 4 production de phrases isoleacutees agrave partir de 60 images404 ANNEXE F415 F- Instructions de transcription et de mise en forme des corpus (reacutesumeacute) 417 F-I- Transcription conventions adopteacutees417 F-II- Segmentation et cotation des eacutenonceacutes en fonction de critegraveres syntaxiques418 F-III- Critegraveres drsquoidentification pour le comptage des mots produits mots extraits particules de disours419

(a) Mots produits 419 (b) Mots extraits (en caractegraveres gras)419

ANNEXE G421 G- Modegraveles de feuilles de travail et de feuilles de reacutesultats 423 G-I- Modegraveles de feuilles de travail mise en forme des corpus et cotations423 G-II- Modegravele de feuille de reacutesultats 424 ANNEXE H 425 H- Corpus de donneacutees verbales transcrites et reacutesultats quantitatifs GROUPE

AGRAMMATIQUE427 H-I- Feuilles de travail corpus oraux agrammatiques 427 H-II- Feuilles de reacutesultats588 H-III- Tableaux syntheacutetiques des reacutesultats et graphes de donneacutees individuelles 6 locuteurs agrammatiques 613

(a) VARIABLES CORPUS614 (b) VARIABLES MORPH 618 (c) VARIABLES SYNTAX 625 (d) VARIABLES PARTICULES DISCURSIVES628

ANNEXE I633 I- Corpus de donneacutees verbales transcrites et reacutesultats quantitatifs GROUPE CONTROcircLE 634 I-I- Feuilles de travail corpus oraux controcircles634 I-II- Feuilles de reacutesultats673 I-III- Tableaux syntheacutetiques des reacutesultats et graphes de donneacutees individuelles 9 locuteurs controcircles686

(a) VARIABLES CORPUS687 (b) VARIABLES MORPH 691 (c) VARIABLES SYNTAX 698 (d) VARIABLES PARTICULES DISCURSIVES701

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Reacutesumeacute Cette eacutetude se focalise sur lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives Inteacutegrant la dimension psycholinguistique de la performance langagiegravere et la dimension linguistique de la description des symptocircmes drsquoadaptation notre recherche srsquoinscrit dans un cadre theacuteorique drsquoinspiration neuropsycholinguistique et fonctionnaliste Partant du postulat selon lequel le patient deacuteficitaire agrammatique est aussi potentiellement un locuteur strateacutegique nous avons eacutetudieacute les conduites langagiegraveres adaptatives eacutemergeant de cette situation de difficulteacute neuropathologique Pour ce faire un vaste corpus de donneacutees a eacuteteacute construit agrave partir de quatre tacircches de production orale agrave degreacutes de contrainte varieacutes aupregraves de 6 sujets agrammatiques et 9 sujets controcircles Les analyses quantitatives et qualitatives appliqueacutees cibleacutees sur les aspects morpho-lexicaux syntaxiques et discursifs ont permis de deacutegager les variabiliteacutes inter-groupes et inter-tacircches caracteacuteristiques de strateacutegies elliptiques palliatives ou correctives deacuteployeacutees par les locuteurs agrammatiques participant agrave une ameacutelioration de lrsquoaisance verbale et ou de la preacutecision grammaticale viseacutee En outre lrsquoexamen des variabiliteacutes inter-sujets a reacuteveacuteleacute des patrons de conduites singuliegraveres deacutetermineacutees par le type et la seacuteveacuteriteacute du dysfonctionnement sous-jacent En conseacutequence nous avons deacutegageacute des lois de performances refleacutetant les ajustements des formulations linguistiques lieacutees aux comportements adaptatifs du locuteur agrammatique Pour finir nous proposons une typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires dans lrsquoaphasie agrammatique MOTS CLEFS neuro- psycholinguistique aphasie agrammatisme strateacutegie syntaxe morphologie

production oral corpus analyse quantitative approche fonctionnelle variabiliteacute

Abstract This study focuses on agrammatism as an adaptive behaviour Integrating psycholinguistics (a performance model) and linguistics (for the description of adaptive symptoms) our theoretical framework gathers neuropsycholinguistic and functionalist views Our first assumption consists in saying that the agrammatic patient is also a strategic speaker We are aiming at illustrating the basic adaptation principle highlighted in neuropathological cases In this purpose we have collected speech data involving four production tasks with varying degrees in their constraints (e g spontaneous speech and sentence production) from 6 agrammatic speakers and 9 non aphasic speakers) The quantitative and qualitative analyses we applied concerning morpho-lexical syntactic and discourse aspects made it possible to describe inter-groups and inter-tasks variabilities showing that elliptical palliative or corrective strategies outcome with an improvement of fluency and or grammatical correctness Moreover singular patterns are revealed through inter-individual variabilities depending on the type and the severity of the underlying breakdown Consequently we suggest that some performance laws reflect linguistic output adjustments in relation to the agrammatic speakerrsquos adaptive behaviour Finally we draw a typology of strategies used in agrammatic aphasia

KEYWORDS neuro- psycholinguistics aphasia agrammatism strategy syntax morphology speech

quantitative analysis functional approach variability

  • Volume 1 (370p)
    • Sommaire
    • Introduction
    • Partie I Repegraveres Theacuteoriques
      • 1 Contexte et objectif
        • 11 Deacutelimitation de notre objet drsquoeacutetude
          • 111 La dimension neurologique lrsquoaphasie de Broca et le rocircle de lrsquoaire de Broca
          • 112 La dimension cognitive lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques sous-jacents
          • 113 La dimension linguistique la description des pheacutenomegravenes agrammatiques
          • 114 La dimension fonctionnelle deacuteficit incapaciteacute handicap circonstancieacute et principe drsquoadaptation
            • 12 Probleacutematique et objectif la mise en eacutevidence des strateacutegies dans lrsquoaphasie agrammatique
              • 2 Lrsquoagrammatisme des descriptions et des hypothegraveses
                • 20 Remarques liminaires
                • 21 Traits linguistiques de lrsquoagrammatisme nuanceacutes par la variabiliteacute des symptocircmes
                • 22 Questions souleveacutees par lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme
                • 23 Lrsquoagrammatisme en production orale et ses variabiliteacutes des approches repreacutesentationnelles linguistiques agrave lrsquoapproche proceacutedurale du deacuteficit sous-jacent aux pheacutenomegravenes drsquoadaptation
                  • 231 Introduction
                  • 232 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de deacuteficit(-s) des hypothegraveses controverseacutees
                    • 2321 Lrsquohypothegravese de la contiguiumlteacute
                    • 2322 Lrsquohypothegravese de la saillance
                    • 2323 Lrsquohypothegravese des frontiegraveres phonologiques
                    • 2324 Lrsquohypothegravese de lrsquoaccegraves morpho-lexical
                    • 2325 Lrsquohypothegravese du positionnement des rocircles seacutemantiques mapping hypothesis
                    • 2326 Les hypothegraveses syntaxiques
                      • (a) Deacuteficit lieacute au traitement de la repreacutesentation syntaxique
                      • (b) Deacuteficit lieacute aux traces des structures syntaxiques trace-deletion hypothesis (TDH) trace-based account (TBA)
                      • (c) Deacuteficit lieacute aux nœuds des arbres syntaxiques tree-pruning hypothesis (TPH)
                          • 233 Lrsquoagrammatisme trouble central ou seacutelectif
                          • 234 Agrammatisme et paragrammatisme un mecircme deacuteficit
                          • 235 Variabiliteacute inter-langues lrsquoapproche comparative et lrsquoapport des donneacutees translinguistiques
                            • 2351 Un exemple lrsquoagrammatisme en Japonais
                            • 2352 Le projet CLAS (Cross-Language Aphasia Study)
                            • 2353 Inteacuterecirct de lrsquoapproche comparative
                              • 236 Variabiliteacute symptomatologique co-occurrences et dissociations de symptocircmes
                                • 2361 La question du statut syndromique de lrsquoagrammatisme
                                • 2362 Dissociations doubles-dissociations et co-occurences de symptocircmes
                                  • 237 Conclusion agrave propos des variabiliteacutes inter-sujets et inter-langues
                                  • 238 et agrave propos des variabiliteacutes inter- et intra-tacircches la perspective des strateacutegies
                                    • 24 Lrsquoagrammatisme en tant que manifestation de conduites adaptatives
                                      • 241 La theacuteorie drsquoadaptation la loi de lrsquoeacuteconomie de lrsquoeffort et le style teacuteleacutegraphique
                                      • 242 Prolongements reacutecents de la theacuteorie drsquoadaptation
                                      • 243 Lrsquohypothegravese des adaptations correctives et preacuteventives
                                        • 2431 Principe de variabiliteacute
                                        • 2432 Le deacuteficit sous-jacent lrsquoapproche proceacutedurale
                                          • (a) Lrsquohypothegravese de la limitation de la meacutemoire agrave court-terme en compreacutehension
                                          • (b) Lrsquohypothegravese du laquo timing-deficit raquo la reacuteduction de la fenecirctre temporelle et la limitation du temps de traitement
                                            • 2433 Les pheacutenomegravenes drsquoadaptation
                                              • (a) Les adaptations correctives effet sur la non fluence verbale
                                                • Les auto-corrections et reformulations visibles et invisibles (exprimeacutees et silencieuses) overt- et covert repairs
                                                  • (b) Les adaptations preacuteventives le laquo style elliptique raquo et la simplification morphologique
                                                  • (c) Similitude entre les ellipses normales et agrammatiques
                                                    • Constructions laquo autoriseacutees raquo et laquo interdites raquo
                                                    • Similitude entre les constructions elliptiques non finies employeacutees chez lrsquoagrammatique lrsquoenfant et lrsquoadulte normal
                                                    • Style elliptique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                        • 2434 Synthegravese des propositions de KOLK
                                                          • 244 Lrsquohypothegravese de lrsquoeacutevitement et de la correction
                                                          • 245 Lrsquohypothegravese des strateacutegies palliatives
                                                            • 2451 Principes sous-jacents
                                                            • 2452 Deacutefinition
                                                              • 3 Modegraveles de la performance psycholinguistique et agrammatisme positionnement theacuteorique
                                                                • 30 Modegraveles de production introduction
                                                                  • 301 Le modegravele de GARRETT
                                                                  • 302 Prolongements du modegravele de GARRETT
                                                                  • 303 Le modegravele de LEVELT
                                                                    • 3031 Lrsquoeacutetape de preacuteparation conceptuelle et lrsquoeacutelaboration du message preacuteverbal
                                                                    • 3032 Lrsquoeacutetape drsquoencodage grammatical et lrsquointervention des lemmes
                                                                      • (a) Encodage grammatical et lexique mental
                                                                      • (b) La notion de lemme
                                                                      • (c) Lrsquoeacutetape de geacuteneacuteration de la structure syntaxique de surface et drsquounification
                                                                      • (d) Lrsquoeacutetape drsquoencodage morpho-phonologique
                                                                      • (e) Modulariteacute et principe drsquoincreacutementation
                                                                      • (f) Reacutetroaction sur la production par self-monitoring
                                                                        • 31 Retour sur les approches linguistiques de lrsquoagrammatisme limite des descriptions pour lrsquoimpleacutementation des processus psycholinguistiques
                                                                          • 311 Hypothegraveses explicatives phonologique lexicale seacutemantique syntaxique et modegravele de GARRETT
                                                                          • 312 Entre compeacutetence et performance theacuteorie linguistique et psycholinguistique
                                                                            • 32 Retour sur lrsquoapproche proceacutedurale lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle
                                                                              • 321 Lrsquohypothegravese de la fenecirctre temporelle
                                                                              • 322 En compreacutehension
                                                                              • 323 En production
                                                                                • 33 Entre deacuteficit et strateacutegies comment interpreacuteter les pheacutenomegravenes drsquoomissions et de substitutions sur les versants laquo dysfonctionnement raquo etou laquo strateacutegies raquo
                                                                                • 34 Discussion et positionnement theacuteoriques une neuropsycholinguistique fonctionnelle
                                                                                  • 341 Scheacutema de synthegravese theacuteorique
                                                                                  • 342 Lrsquoapproche repreacutesentationnelle linguistique
                                                                                  • 343 Lrsquoapproche proceacutedurale
                                                                                  • 344 Notre position
                                                                                  • 345 Le fonctionnalisme
                                                                                    • 3451 Le paradigme fonctionnaliste
                                                                                    • 3452 Le fonctionnalisme cognitif
                                                                                      • 346 Une neuro-psycho-linguistique fonctionnelle et inteacutegrative pour lrsquoeacutetude de lrsquoagrammatisme
                                                                                        • 35 Conclusion
                                                                                            • Partie II Meacutethodologie
                                                                                              • 4 Orientations meacutethodologiques protocole expeacuterimental recueil des donneacutees preacute-traitement des corpus oraux (transcription segmentation et extraction des observables)
                                                                                                • 40 Deacutemarche expeacuterimentale geacuteneacuterale
                                                                                                  • 401 Hypothegravese theacuteorique et opeacuteratoire
                                                                                                  • 402 Position meacutethodologique
                                                                                                  • 403 Degreacutes de liberteacutecontraintes associeacutes aux tacircches
                                                                                                    • 4031 Contraintes externes sujeacutetion des uniteacutes (temps et consigne)
                                                                                                    • 4032 Contraintes internes manipulation des anteacuteceacutedents (stimuli)
                                                                                                      • 404 Synthegravese les caracteacuteristiques des tacircches de production suivant les contraintes externes et internes
                                                                                                        • 41 Protocole expeacuterimental deacutetailleacute 4 tacircches de production orale
                                                                                                          • 411 Tacircche 1 Production orale de discours continu spontaneacute autobiographique (reacutecit de la maladie de voyage)
                                                                                                            • 4111 Objectif
                                                                                                            • 4112 Proceacutedure
                                                                                                              • 412 Tacircche 2 Production orale de discours continu narratif (Le Petit Chaperon Rouge et Cendrillon)
                                                                                                                • 4121 Objectif
                                                                                                                • 4122 Mateacuteriel et proceacutedure
                                                                                                                  • (a) Mateacuteriel
                                                                                                                  • (b) Proceacutedure
                                                                                                                      • 413 Tacircche 3 Production orale de discours continu narratifdescriptif agrave partir drsquoune seacutequence drsquoimages (Maicirctre Jacot)
                                                                                                                        • 4131 Objectif
                                                                                                                        • 4132 Mateacuteriel et proceacutedure
                                                                                                                          • (a) Mateacuteriel
                                                                                                                          • (b) Proceacutedure
                                                                                                                          • (c) Seacutelection de 7 des 12 histoires
                                                                                                                              • 414 Tacircche 4 Production orale de phrases agrave partir drsquoimages
                                                                                                                                • 4141 Objectif
                                                                                                                                • 4142 Mateacuteriel et proceacutedure
                                                                                                                                  • (a) Mateacuteriel
                                                                                                                                  • (b) Calibrage du test aupregraves de dix locuteurs tout-venant
                                                                                                                                  • (c) Structures cibles plausibles
                                                                                                                                  • (d) Proceacutedure
                                                                                                                                    • 42 Accegraves aux donneacutees sur le terrain
                                                                                                                                      • 421 Recherche de patients agrammatiques
                                                                                                                                        • 4211 Difficulteacutes lieacutees au terrain et au mode de prise en charge
                                                                                                                                        • 4212 Difficulteacutes lieacutees agrave la rareteacute du trouble
                                                                                                                                          • 422 Critegraveres drsquoinclusion des participants agrammatiques
                                                                                                                                            • 43 Recueil des corpus passations
                                                                                                                                              • 431 Lieux de passation
                                                                                                                                              • 432 Formulaire de consentement eacuteclaireacute
                                                                                                                                              • 433 Patient et locuteur
                                                                                                                                              • 434 Deacutetresse verbale et facilitations
                                                                                                                                              • 435 Dureacutee des passations
                                                                                                                                                • 44 Caracteacuteristiques des participants
                                                                                                                                                  • 441 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales des groupes
                                                                                                                                                  • 442 Caracteacuteristiques des participants agrammatiques
                                                                                                                                                  • 443 Complexiteacute des facteurs de variabiliteacute individuelle
                                                                                                                                                  • 444 Caracteacuteristiques des participants controcircles
                                                                                                                                                    • 45 Construction des observables
                                                                                                                                                      • 451 Corpus nature des donneacutees collecteacutees et implications meacutethodologiques
                                                                                                                                                      • 452 Meacutethode QPA (Quantitative Production Analysis)
                                                                                                                                                        • 46 Problegravemes lieacutes agrave la transcription
                                                                                                                                                          • 461 Corpus de discours oraux continus et pathologiques implications pour la transcription
                                                                                                                                                          • 462 Transcription conventions adopteacutees
                                                                                                                                                            • 4621 Codage orthographique et phoneacutetique
                                                                                                                                                            • 4622 Amorces faux deacuteparts reprises
                                                                                                                                                            • 4623 Ajouts neacuteologies lexicales liaisons
                                                                                                                                                            • 4624 Ambiguumliteacutes
                                                                                                                                                            • 4625 Ponctuation
                                                                                                                                                            • 4626 Notation drsquoun eacutenonceacute segmenteacute
                                                                                                                                                            • 4627 Dureacutees des pauses interruptions
                                                                                                                                                            • 4628 Paroles inaudibles
                                                                                                                                                            • 4629 Chevauchements
                                                                                                                                                            • 46210 Remplisseurs heacutesitations
                                                                                                                                                            • 46211 Uniteacutes morpheacutemiques solidaires
                                                                                                                                                                • 47 Segmentation des corpus de discours continu
                                                                                                                                                                  • 471 La segmentation du discours continu position du problegraveme
                                                                                                                                                                  • 472 Notion drsquo laquo eacutenonceacute raquo ou laquo eacutenonceacute-phrase raquo dans le cas de donneacutees patholinguistiques
                                                                                                                                                                    • 4721 Diversiteacute des types de structuration syntaxique dans le discours pathologique
                                                                                                                                                                      • (a) Eacutenonceacutes de forme canonique Eacutenonceacutes-phrases (E Ph) avec une construction SUJET + PREacuteDICAT VERBAL (Sentence Utterances)
                                                                                                                                                                      • (b) Eacutenonceacutes de forme canonique grammaticale Enonceacutes-phrases grammaticaux (E Ph Gram) (Well-formed Sentences)
                                                                                                                                                                      • (c) Eacutenonceacutes de forme non canonique ou eacutenonceacutes E Non-Can (Nonsententials ou TC Utterances)
                                                                                                                                                                      • (d) Abandons ou eacutechecs
                                                                                                                                                                        • 4722 Synthegravese critegraveres syntaxiques de segmentation et de cotation des eacutenonceacutes
                                                                                                                                                                            • 48 Critegraveres prosodiques pour la segmentation du discours continu
                                                                                                                                                                            • 49 Extraction des observables pour les mesures quantitatives
                                                                                                                                                                              • 491 Principes 3 niveaux de transcription 3 niveaux de lecture et 3 niveaux de traitement des corpus oraux
                                                                                                                                                                              • 492 Seacutelection des laquo mots extraits raquo objectif et proceacutedure
                                                                                                                                                                                • 4921 Objectif
                                                                                                                                                                                • 4922 Exclusion des remplisseurs heacutesitations reacutepeacutetitions amorces interjections onomatopeacutees perseacuteveacuterations
                                                                                                                                                                                • 4923 Exclusion des neacuteologismes eacutecholalies perseacuteveacuterations commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs
                                                                                                                                                                                • 4924 Exclusion des commentaires et eacutenonceacutes modalisateurs
                                                                                                                                                                                • 4925 Traitement particulier des particules de discours conjonctions et adverbes agrave valeur discursive
                                                                                                                                                                                  • (a) Les connecteurs de discours dans lrsquoagrammatisme
                                                                                                                                                                                  • (b) Critegraveres drsquoinclusion des conjonctions agrave valeur syntaxique
                                                                                                                                                                                    • 410 Corpus collecteacutes et mis en forme
                                                                                                                                                                                      • 4101 Application du protocole original QPA agrave drsquoautres types de tacircches de production
                                                                                                                                                                                      • 4102 Adaptations du protocole original QPA nature et quantiteacute de donneacutees analyseacutees
                                                                                                                                                                                      • 4103 Particulariteacutes de la mise en forme concernant les corpus de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)
                                                                                                                                                                                        • 411 Conclusion
                                                                                                                                                                                          • 5 Deacutemarche drsquoanalyse quantitative
                                                                                                                                                                                            • 50 Introduction
                                                                                                                                                                                              • 501 Principes geacuteneacuteraux et objectifs
                                                                                                                                                                                              • 502 Les variables linguistiques CORPUS MORPH et SYNTAX
                                                                                                                                                                                                • 51 Les variables CORPUS
                                                                                                                                                                                                  • 511 Valeurs brutes CORPUS
                                                                                                                                                                                                    • 5111 Dureacutee de lrsquoeacutechantillon (Duration of Narrative)
                                                                                                                                                                                                    • 5112 Nombre de MOTS PRODUITS Mots prod (A) (Complete Words Uttered)
                                                                                                                                                                                                      • (a) Comptage des mots produits
                                                                                                                                                                                                      • (b) Cotation des morphegravemes lexicaux complexes ou composeacutes
                                                                                                                                                                                                      • (c) Cotation des verbes semi-auxiliaires
                                                                                                                                                                                                      • (d) Cotation des locutions adverbiales conjonctives et preacutepositionnelles
                                                                                                                                                                                                      • (e) Cotation des particules adverbiales de neacutegation
                                                                                                                                                                                                      • (f) Cotation des amalgames
                                                                                                                                                                                                        • 5113 Nombre de MOTS EXTRAITS Mots ext (A1) (Narrative Words)
                                                                                                                                                                                                        • 5114 Nombre drsquoEacuteNONCEacuteS SEGMENTEacuteS E Seg (A2) (Utterances)
                                                                                                                                                                                                          • 512 Variables CORPUS associeacutees
                                                                                                                                                                                                            • 5121 Prop Mots extprod
                                                                                                                                                                                                            • 5122 Deacutebit Mots prod ( Words per minute)
                                                                                                                                                                                                            • 5123 Deacutebit Mots ext
                                                                                                                                                                                                            • 5124 Long Moy E Seg(Mots prod)
                                                                                                                                                                                                            • 5125 Long Moy E Seg(Mots ext) (Median Utterance Length)
                                                                                                                                                                                                                • 52 Les variables MORPH
                                                                                                                                                                                                                  • 521 Valeurs brutes MORPH-LEX
                                                                                                                                                                                                                    • 5211 Nombre de MOTS DE CLASSE OUVERTE MCO (B) (Open Class Words)
                                                                                                                                                                                                                      • (a) Cotation des mots de classe ouverte
                                                                                                                                                                                                                      • (b) Cotation des peacuteriphrases verbales semi-auxiliaires aspectuels modaux et causatifs
                                                                                                                                                                                                                        • 5212 Nombre de MOTS DE CLASSE FERMEacuteE MCF (B1) (Closed Class Words)
                                                                                                                                                                                                                          • (a) Calcul du nombre de mots de classe fermeacutee
                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des formes verbales composeacutees auxiliaires ecirctre et avoir
                                                                                                                                                                                                                            • 5213 Nombre de NOMS N (C) (Nouns)
                                                                                                                                                                                                                            • 5214 Nombre de CONJONCTIONS CONJ (D)
                                                                                                                                                                                                                              • (a) Cotation des conjonctions agrave valeur discursive CONJdisc (D1)
                                                                                                                                                                                                                              • (b) Cotation des conjonctions agrave valeur syntaxique CONJsynt (D2)
                                                                                                                                                                                                                                • 5215 Nombre de DEacuteTERMINANTS DET CO (E) et DET (E1) (Determiners)
                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Nombre de CONTEXTES OBLIGATOIRES (NOMS) qui neacutecessitent un DEacuteTERMINANT OBLIGATOIRE DET CO (E) (Nouns Requiring a Determiner)
                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Cotation des DEacuteTERMINANTS CO avec un deacuteterminant DET (E1) (NRDs with a Determiner)
                                                                                                                                                                                                                                    • Preacutesence absence de deacuteterminant en contexte obligatoire
                                                                                                                                                                                                                                    • Les deacuteterminants complexes
                                                                                                                                                                                                                                    • Les deacuteterminants non conformes
                                                                                                                                                                                                                                        • 5216 Nombre de PRONOMS PRO (F) (Pronouns)
                                                                                                                                                                                                                                        • 5217 Nombre de VERBES V (G) (Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Comptage du nombre de verbes
                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des ambiguumliteacutes nom vs verbes
                                                                                                                                                                                                                                          • (c) Cotation des ambiguumliteacutes adjectif vs participe
                                                                                                                                                                                                                                            • 5218 Nombre de VERBES avec flexion obligatoire VInfl (G1) (Inflectable Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                              • (a) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo ( IVs) du protocole original QPA
                                                                                                                                                                                                                                              • (b) La mesure laquo Inflectable Verbs raquo (IVs) adapteacutee au franccedilais VInfl (G2)
                                                                                                                                                                                                                                                • 5219 Nombre de VERBES FLECHIS V-FLEX (G2) (Inflectable Verbs Inflected)
                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) La mesure IVIs (les verbes effectivement fleacutechis) adapteacutee au franccedilais V-FLEX
                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Cotation des VInfl avec absence de flexion obligatoire au passeacute
                                                                                                                                                                                                                                                  • (c) Cotation des ambiguumliteacutes infinitif vs participe passeacute agrave lrsquooral
                                                                                                                                                                                                                                                    • 52110 Nombre de PREacutePOSITIONS PREP (H1)
                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Cotation des amalgames preacuteposition + article
                                                                                                                                                                                                                                                        • 52111 Nombre drsquoADVERBES ADV (I)
                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Comptage des adverbes
                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des adverbes agrave valeur discursive ADVdisc (I1)
                                                                                                                                                                                                                                                            • Principes geacuteneacuteraux
                                                                                                                                                                                                                                                            • Cotation des adverbes oui non peut-ecirctre en tant que particules de discours
                                                                                                                                                                                                                                                              • (c) Cotation des adverbes modifieurs ADVmod (I2)
                                                                                                                                                                                                                                                                • Principes geacuteneacuteraux
                                                                                                                                                                                                                                                                • Cotations des adverbes oui et non en tant que modifieurs
                                                                                                                                                                                                                                                                  • 522 Variables MORPH-LEX associeacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5221 Prop MCO
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5222 Prop MCF (Proportion Closed Class Words)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5223 Prop CONJMots prod
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5224 Prop CONJdisc
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5225 Prop CONJsynt
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5226 Indice DET (DET Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5227 Prop PRO (Proportion Pronouns)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5228 Prop V(V+N) (Proportion Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5229 Prop VMCO
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52210 Indice V-FLEX (Inflection Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52211 Prop PREPMots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52212 Prop ADV
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52213 Prop ADVdisc
                                                                                                                                                                                                                                                                    • 52214 Prop ADVmod
                                                                                                                                                                                                                                                                      • 523 Variable MORPH-V Indice Compl MORPH-V-Matrices
                                                                                                                                                                                                                                                                        • 5231 Comptage des verbes matrices V-Matrices (J) (Matrix Verbs)
                                                                                                                                                                                                                                                                        • 5232 Complexification morphologique des verbes matrices - principes de cotation de fixeacutes pour le franccedilais V-Points Morph (J1) (Aux Score)
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Principes geacuteneacuteraux
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Cotation des V-Matrices agrave la forme non finie (ou laquo basique raquo) infinitive (+1) participe reacuteguliegravere (+1) ou participe irreacuteguliegravere (+2)
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (c) Cotation des V-Matrices agrave la forme finie
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (d) Cotation des V-Matrices avec un auxiliaire
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (e) Cotation des peacuteriphrases verbales (avec semi-auxiliaires ou modaux) impliquant un V-Matrice
                                                                                                                                                                                                                                                                          • (f) Cotation des V-Matrices coordonneacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5233 Indice Compl MORPH-V-Matrices (Aux Complexity Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                • 53 Les variables SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 531 Valeurs brutes SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5311 Principes geacuteneacuteraux de cotation des eacutenonceacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5312 Principes deacutetailleacutes de cotation des eacutenonceacutes
                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Cotation des eacutenonceacutes de forme canonique E Ph (K) (Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Cotation des eacutenonceacutes de forme non canonique E Non-Can (TC Utterances)
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les combinaisons SN+SN SN+SP SN+ADJ SN+ADV
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les preacutedicats isoleacutees SV ou V SN ou N SP ADJ ADV
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les constructions avec SN-O anteacuteposeacute au SV
                                                                                                                                                                                                                                                                                        • Les constructions avec SN-S postposeacute au SV
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5313 Nombre de mots extraits composant les E Ph et les E Non-Can Mots ext(E Ph) (L) (Words in Sentences) et Mots ext(E Non-Can) (M) (Words in TC Utterances)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5314 Nombre drsquoeacutenonceacutes de forme canonique et grammaticaux E Ph Gram (N) (Well-formed Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5315 Nombre de syntagmes nominaux sujet SN-S (O) (Subject Noun Phrases)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5316 Nombre de mots (MCO+PRO) composant les SN-S Mots MCO+PRO(SN-S) (P) (Words in SNPs)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5317 Nombre de syntagmes verbaux SV (Q) (Verb Phrases)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5318 Nombre de mots MCO+PRO composant les SV Mots MCO+PRO(SV) (R) (Words in VPs)
                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5319 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes contenant au moins une proposition subordonneacutee SUB (S) (Embeddings)
                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 532 Variables SYNTAX associeacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5321 Prop Mots ext(E Ph) (Proportion Words in Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5322 Prop Mots ext(E Non-Can)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5323 Long Moy E Ph(Mots ext) (Mean Sentence Length)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5324 Prop E Ph Gram (Proportion Well-formed Sentences)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 5325 Indice Elab E Ph (Sentence Elaboration Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Indice Elab SN-Sujet (SNP Elaboration Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Indice Elab SV (VP Elaboration Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 5326 Prop SUB (Embedding Index)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 54 Particulariteacutes des cotations concernant la tacircche de production de phrases isoleacutees (tacircche 4)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 541 Variables quantitatives non utiliseacutees pour la tacircche 4
                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 542 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes ( E Seg) et proportion drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes (Prop E Seg)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 543 Cotation des phrases produites selon les critegraveres de grammaticaliteacute agrammaticaliteacute
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5431 Critegraveres morpho-lexicaux
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5432 Critegraveres syntaxiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 5433 Emploi drsquoun verbe geacuteneacuterique agrave la place du verbe adeacutequat
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 55 Conclusion
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Partie III Reacutesultats
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 6 Reacutesultats des analyses quantitatives variables CORPUS MORPH et SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 60 Organisation de la preacutesentation des reacutesultats
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 61 Reacutesultats variables CORPUS
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 611 Quantiteacute drsquoobservables soumis aux analyses caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 6111 Nombre de mots produits et de mots extraits Mots prod et Mots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 6112 Nombre drsquoeacutenonceacutes segmenteacutes E Seg
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 612 Caracteacuteristiques geacuteneacuterales du corpus
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 6121 Proportion de mots extraits Prop Mots extprod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 6122 Deacutebit verbal selon les variables laquo mots produits raquo et laquo mots extraits raquo Deacutebit Mots prod et Deacutebit Mots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6123 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute Long Moy E Seg(Mots prod) et Long Moy E Seg(Mots ext)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 613 Le style elliptique intra-phrastique et lrsquoexpansion macro-discursive
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 62 Reacutesultats variables MORPH
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 621 Introduction
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 622 Emploi des conjonctions CONJ CONJdisc et CONJsynt
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 6221 Proportion de conjonctions Prop CONJMots prod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6222 Proportions moyennes de conjonctions selon le type drsquoemploi Prop CONJdisc et Prop CONJsynt
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 623 Emploi des adverbes ADV ADVdisc et ADVmod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 6231 Proportion drsquoadverbes Prop ADVMots prod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 6232 Proportions drsquoadverbes selon le type drsquoemploi Prop ADVdisc et Prop ADVmod
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 624 Analyse quantitative approfondie des PARTICULES DE DISCOURS (CONJdisc et ADVdisc)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6241 Principes de calcul de la nouvelle variable
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 6242 Prop PARTICULES TOTAL [Mots ext + PARTICULES]
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 625 Reacutepartition des mots de classe ouverte et des mots de classe fermeacutee Prop MCO et Prop MCF
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-groupes
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique stabiliteacute et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (c) Donneacutees individuelles variabiliteacute inter-sujets agrammatiques et inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 626 Indice de deacutetermination Indice DET
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 627 Proportion de pronoms Prop PRO
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 628 Proportion de preacutepositions Prop PREPMots ext
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 629 Proportion de verbes Prop V(V+N)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 6210 Indices de flexions verbales Indice V-FLEX et Indice Compl MORPH-V-Matrices
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 62101 Indice de flexion verbale (Indice V-FLEX) moyennes de groupe et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 62102 Indice de complexification morphologique des verbes matrices (Indice Compl MORPH-V-Matrices)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (a) Principe drsquointerpreacutetation de lrsquoIndice Compl MORPH-V-Matrices
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • (c) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 63 Reacutesultats variables SYNTAX
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 631 Rappel
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 632 Reacutepartition des mots composant les eacutenonceacutes de forme canonique (ou eacutenonceacutes-phrases) et les eacutenonceacutes de forme non canonique Prop Mots ext(E Ph) et Prop Mots ext(E Non-Can)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (a) Moyennes de groupes controcircles vs agrammatique et variabiliteacute inter-tacircches
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 633 Longueur moyenne drsquoun eacutenonceacute-phrase en nombre de mots extraits Long Moy E Ph(Mots ext)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 634 Proportion drsquoeacutenonceacutes-phrases grammaticaux Prop E Ph Gram
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 635 Indice drsquoeacutelaboration drsquoun eacutenonceacute-phrase Indice Elab E Ph
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (a) Rappel calcul et signification de la variable Indice Elab E Ph
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (b) Moyennes de groupes controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 636 Proportion drsquoeacutenonceacutes avec complexification syntaxique Prop SUB
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (a) Moyennes de groupe controcircle vs agrammatique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • (b) Donneacutees individuelles et variabiliteacute inter-sujets agrammatiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 7 Synthegravese et discussion
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 70 Variables CORPUS MORPH et SYNTAX variabiliteacutes des performances et strateacutegies associeacutees
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 701 Variables CORPUS variation du deacutebit verbal style elliptique intra-phrastique expansion macro-discursive
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • 702 Variables MORPH preacuteservation des particules de discours ellipses de morphegravemes grammaticaux et strateacutegies palliatives
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (a) Particules de discours et strateacutegie de structuration macro-discursive
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (b) Ellipse centreacutee sur les mots de classe fermeacutee
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (c) Les deacuteterminants
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (d) Les pronoms
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (e) Les preacutepositions
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (f) Les verbes agrave valeur geacuteneacuterique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • (g) Les formes basiques verbales formes non finies et preacutesent simple
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 703 Variables SYNTAX ellipses strateacutegies palliatives et proceacutedures de reformulations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (a) Ellipses et constructions de forme non canonique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (b) Palliatifs morpho-syntaxiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • (c) Proceacutedures de reformulations et drsquoautocorrections expliciteacutees (overt-repairs)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 71 Interpreacutetations dysfonctionnement strateacutegies et principe des lois de performances
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 711 Dysfonctionnement et adaptation
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 712 Principe des lois de performances variations inter-tacircches en quantiteacute et en qualiteacute
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (a) Gain drsquoaisance verbale et strateacutegies de reacuteduction et drsquoexpansion quantitative
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (b) Gain drsquoaisance verbale gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies palliatives
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • (c) Gain de preacutecision grammaticale viseacutee et strateacutegies de reformulation
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 72 Proposition drsquoune typologie geacuteneacuterale des proceacutedures compensatoires
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 73 Discussion et perspectives
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 731 La dimension neurolinguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 7311 Le continuum entre agrammatisme et paragrammatisme
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 7312 Classifications des aphasies et variabiliteacutes de types freacutequences de symptocircmes
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • 7313 Postulats de fractionnement transparence suffisance et adaptations comportementales
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • 732 La dimension psycholinguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7321 Adaptations et modegravele de la performance psycholinguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7322 Particules de discours organisation macro-discursive reacuteduction intra-phrastique et coucirct drsquoencodage
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7323 Caractegravere volontaire involontaire des adaptations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        • 7324 Agrammatisme et acquisition drsquoune LE
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                          • 733 La dimension linguistique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            • 7331 Aspects meacutethodologiques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (a) Analyse des pheacutenomegravenes de substitutions
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              • (b) Corpus et aphasiologie
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                • 7332 Aspects theacuteoriques
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                  • 734 La dimension theacuterapeutique
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Conclusion geacuteneacuterale
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Bibliographie
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Index des scheacutemas tableaux et illustrations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Index des figures
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Liste des abreacuteviations
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Sommaire deacutetailleacute
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    • Reacutesumeacute (4egraveme de couverture)
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                      • Volume 2 (ANNEXES - 338p)
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