GRUMEL, Venance, Autour de La Question Pseudo-dionysienne

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Theologie mystique

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  • Revue des tudes byzantines

    Autour de la question pseudo-dionysienneV. Grumel

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    Grumel V. Autour de la question pseudo-dionysienne. In: Revue des tudes byzantines, tome 13, 1955. pp. 21-49.

    doi : 10.3406/rebyz.1955.1116

    http://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1955_num_13_1_1116

    Document gnr le 19/10/2015

  • AUTOUR DE LA QUESTION PSEUDODIONYSIENNE

    I. Sur un essai d'identification : Pierre l'Ibrien. 1. L'argument historico-thologique. 2. L'argument liturgique.

    IL Aux origines de la fte de saint Denys l'Aropagite.

    I

    Identifier le Pseudo-Denys, l'auteur tonnant des crits rpandus sous le nom du disciple athnien de saint Paul, ou du moins le voir identifi, a toujours t, depuis qu'il a perdu cette aurole, un rve des historiens et des patrologues. Aprs d'autres, dont les essais n'ont pas t retenus, un savant, que la mort, hlas! vient de prendre en pleine force, E. Honigmann, s'est appliqu percer le mystre, dvoiler l'nigmatique personnage. L'Acadmie de Belgique, en accueillant son essai dans la srie de ses Mmoires, l'a dsign, pour ainsi dire d'une manire officielle, l'attention du monde savant (1). Cette recommandation s'ajoutant celle que porte avec soi le nom de l'auteur, la dcouverte ne pouvait manquer de piquer bien fort la curiosit du public intress. Ceux en particulier qui connaissent les travaux du savant professeur et admirent son rudition se sont rjouis coup sr l'annonce de l'heureuse nouvelle. tant de leur nombre, j'ai abord l'ouvrage avec le prjug le plus favorable et avec le sentiment l'avance d'une attente enfin comble : la rponse tait en effet amorce dans le titre : Pierre Vlbrien et les crits du Pseudo-Denys VAropagite. J'tais impatient de connatre la dmonstration. Aprs lecture attentive, je dois bien avouer que les preuves avances ne m'ont pas satisfait, et je viens ici simplement en dire les raisons.

    Le mmoire se compose de deux parties, plus un appendice. L'appendice, qui comprend huit excursus, ne peut avoir d'intrt que si l'iden-

    (1) Acadmie royale de Belgique, Classe des Lettres et des Sciences morales et politiques. Mmoires. Collection in-8. Tome XLVII. Pierre l'Ibrien et les crits du Pseudo-Denys l'Aropagite, par Ernest Honigmann, associ de l'Acadmie, Bruxelles, Palais de l'Acadmie, rue Ducale, 1, 1952, 59 pages.

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    tit annonce est dmontre. Il faut excepter, cela va de soi, la bibliographie, lment toujours utile et qui l'est particulirement quand elle mane d'un rudit tel qu'E. Honigmann.

    La premire partie est intitule : Le Pseudo-Denys : son temps et son milieu thologique et littraire. Le temps est la seconde moiti du ve sicle (voir prcisions plus loin), et le milieu est celui des monophysites. Ce dernier est montr par divers rapprochements et ne peut faire doute. C'est l, on le sait, une conclusion qui n'ajoute rien ce que l'on connaissait depuis longtemps. Dj, en effet, Le Quien, au dbut du xvnie sicle, avait montr les rapports thologiques entre le Pseudo- Denys et les monophysites, et avait mme, tromp par la fausse interprtation d'un passage (De cael. hier., III, 2 et 7), dsign l'un deux : Pierre le Foulon, comme le vritable auteur, en ajoutant toutefois prudemment, ou quelqu'un des siens (1). A la fin du sicle dernier, J. Stiglmayr avait aussi, d'une manire toute spciale, attir l'attention sur les mmes apparentements (2), et mme, quelque trente ans plus tard, proposait et soutenait l'identification du Pseudo-Denys avec un autre protagoniste de la secte, le plus clbre de tous, Svre d'Antioche, thse qu'ont fait carter les objections de J. Lebon (3).

    Aux arguments de ses devanciers sur la couleur monophysite des crits pseudo-aropagites, E. H. n'a fait qu'ajouter quelques nouveaux rapprochements.

    Quant au temps o vcut le Pseudo-Denys, E. H. s'attache marquer le terminus post quem et le terminus ante quem. Le terminus post quem est aprs 462. Cette limite est impose par le fait que le Pseudo- Denys a utilis le Commentaire de Proclus sur Alcibiade, lui-mme postrieur au Commentaire sur le Parmnide, crit aprs 462 (p. 4). Cela, E. H. le dit bien, est le fruit des tudes de J. Stiglmayr (4) et de H. Koch (5). Seulement Stiglmayr pensait alors pouvoir rabaisser la limite jusqu'en 476, parce qu'il croyait, comme Le Quien (6), reconnatre dans De cael. hier., III, 2 et 7, une allusion l'introduction du

    (1) M. Le Quien, Dissertationes damascenicae, diss. II, XIV- XVII; P. G., XCIV, 284-301. (2) J. Stiglmayr, Das Aufkommen der Pseudo-Dionysischen Schriften und ihr Eindringen

    in die christliche Literatur bis zum Lateranconcil 649. Feldkirch, 1895, In-8, 96 pages, (3) Voir sur cette controverse E. Stephanou, Les derniers essais d'identification du Pseudo-

    Denys l'Aropagite, dans . ., , 1932, 446-457.' (4) J. Stiglmayr, Der Neuplatoniker Proclus als Vorlage des sogenanntes Dionysius Areo-

    pagita in der Lehre con Uebel, dans Hist. Jahrb. des Grresges. 16 (1895), 253-273, 721-748. (5) H. Koch, Proklus als Quelle des Pseudo-Dionysius Areopagita in der Lehre von Bsen,

    dans Philologus, LIV (1895), 438-454. (6) Le Quien, op. cit., P. G., XCIV, 299.

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    Credo la messe par Pierre le Foulon, qui eut lieu cette anne-l (1). S'appuyant sur J. -B.Thibaut (2), qui a montr la mprise de Stiglmayr, E. H. (p. 5) rejette cette limite de 476. Il rejette galement celle de Bardenhewer (3), qui voyait en certaines formules conciliantes du Pseudo-Denys une influence de l'Henoticon, formules qui, Fr. Nau (4) l'a montr, se retrouvent dj chez Timothe Elure, mort en 477. E. H. retient donc que l'anne 462 est le seul terminus post quem certain pour la composition du Pseudo-Denys.

    Quant au terminus ante quern, reconnu jusqu' prsent tre l'anne de la confrence entre les monophysites et les chalcdoniens en 532, E. H. l'avance quelque peu en la plaant en 528. En cette anne furent traduits en syriaque les traits de Svre, Adversus apologiam Juliani et Contra additiones, o se trouvent cits des passages du Pseudo- Denys (p. 5).

    Le rsultat propre de cette premire partie, o E. H. recueille le fruit des recherches de ses devanciers, est peu substantiel. Mais l n'est pas l'essentiel du mmoire : il est dans la seconde partie, dont la premire n'est que la prparation, et, pour ainsi dire, le portique. Elle a pour titre : A la recherche de V auteur : Pierre VIbrien. Presque entirement consacre montrer que dans les crits pseudo-aropa- gitiques se retrouvent des traits caractristiques de la thologie de Pierre l'Ibrien et de son matre suppos, ainsi que certaines circonstances de sa vie, elle se termine en faisant intervenir le tmoignage de la liturgie. La solution d'E. H. repose donc sur ce qu'on pourrait appeler, pour tre bref, un argument historico-thologique et un argument liturgique. Examinons-les successivement.

    L'argument historico-thologique.

    Pour obtenir l'identit du Pseudo-Denys, il semble qu'E. H. ait considr comme essentiel et suffisant que soient ralises les conditions suivantes : 1 qu'au duo littraire de Denys et de Hirothe rponde un duo de personnages historiques ayant entre eux les mmes rapports de disciple et de matre; 2 qu'un de ces personnages, ou l'autre indiffremment, ou tous les deux soient coutumiers des visions

    (1) J. Stiglmayr, Das Aufkommen..., 34-39. (2) J. Thibaut, Le Pseudo-Denys et la prire catholique dans l'Eglise primitive, E. 0.,

    XX (1921), 283-294. (3) Gesch. der altchr. Literatur, IV, 394. (4) Fr. Nau, P. ., XIII, 241.

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    thologiques; 3 que l'on retrouve la trace ou le reflet de ces visions dans l'uvre du Pseudo-Denys.

    Ces conditions, E. H. les tient pour remplies. La premire se ralise dans le duo insparable de Pierre l'Ibrien

    et de Jean l'Eunuque. Le biographe de Pierre, Jean Rufus, nous montre ces deux personnages lis ds leur premire jeunesse. Ils sont d'abord la cour de Constantinople, puis fuient en Palestine (vers 430), y mnent la vie monastique Jrusalem d'abord, Maiouma ensuite (445), o ils sont ensemble ordonns prtres, et o Pierre est consacr veque en 452. Peu aprs, Pierre quitte son sige et se rend en Egypte, accompagn de Jean. De celui-ci il n'est plus question, sinon pour nous apprendre que sa dpouille mortelle reposait ct de celles de Pierre et d'un certain Abraham d'Athribis dans le couvent de Pierre (p. 13).

    Voil donc le duo historique que nous prsente E. H. Ce serait parfait si entre Jean qui doit tre Hirothe et Pierre qui doit tre Denys, il y avait vraiment les rapports de matre disciple. Or, c'est ce qui ne se voit pas. Le rle le plus important dans les diverses circonstances de leur vie n'est pas dvolu Jean, mais Pierre. On peut voir l- dessus la dmonstration trs claire du P. Hausherr (1). Quelqu'un dira peut-tre que Rufus, le biographe de Pierre, se devait surtout de relever son hros, mais Jean n'est pas connu autrement. Dans les Plrophories du mme Rufus, recueil de rcits sur les dits et les faits des monophysites (2), sur 86 notices, il y en a cinq sur Pierre, aucune sur Jean. Et dans la littrature monophysite, Jean a un rle tout fait effac et n'apparat que parce qu'il est associ Pierre. Pour reprsenter le matre de Denys, Jean n'est pas le personnage requis.

    Sur le second point, il est vrai que Pierre et Jean ont des visions thologiques, qu'E. H. rapporte. Cela ne doit pas nous tonner dans une secte dont toute la raison d'tre est d'ordre thologique et une poque o la controverse battait son plein. Dans les Plrophories, plusieurs visions de ce genre sont racontes, pp. 30, 37, 41, 7.0, 119. Sur les deux attribues Pierre, l'une, p. 37, n'est pas srement de lui.

    Le point important est le troisime, savoir, si les visions de l'un ou de l'autre des deux amis rapparaissent sous la plume du Pseudo- Denys. Deux sont rapportes : l'une de Pierre, l'autre de Jean.

    Celle de Pierre reprsente les personnes divines chacune sous la

    (1) I. Hausherr, Le Pseudo-Denys est-il Pierre Vlbrien? dans Or. christ, periodica, XIX (1943), 247-260. Voir pp.' 248-250.

    (2) Ed. Fr. Nau, trad. M. Brire, dans P. O., VIII, fasc. 1, Paris, 1911.

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    figure d'une lumire inaccessible ayant forme de roue, celle du milieu apparaissant avec la figure d'un homme Nazaren pour montrer que celui qui a t crucifi est l'Un de la Trinit, et non un autre (p. 16-17). E. H. retrouve des traits de cette vision dans l'uvre du Pseudo- Denys : d'abord l'image des roues, qu'il dit enflammes et diformes (De cael. hier., XV, 9), puis les expressions accentuant l'inaccessibi- lit et rincomprhensibilit de Dieu, ce qui est un des thmes familiers de sa mystique. On peut rpondre pour le premier point que, dans le texte invoqu, les roues ne signifient aucunement les personnes divines et donc n'ont aucun rapport avec la vision hors leur commune dpendance d'zchiel; et quant au second, que les susdites expressions ou d'quivalentes se rencontrent assez communment dans la littrature patristique pour qu'il n'y ait pas lieu d'en faire tat. Jusque- l donc, rien dans la vision rapporte qui puisse autoriser la conclusion qu'on en tire. Allons plus loin. Ce qu'il nous faut surtout considrer dans la vision, c'est son contenu essentiel, son objet principal. Or, l'objet de la vision, son intention ou sa raison d'tre, c'est d'inculquer la vrit de la formule : Un de la Trinit a t crucifi. Une telle doctrine est un point capital de la thologie monophysite. Et Pierre l'Ibrien avait une raison d'y tenir tout particulirement. Voici, en effet, ce qu'il raconte de lui-mme : Lorsque j'tais enfant, et que je demeurais Constantinople, au palais, observant la vigilance et vivant en ascte, je raisonnais en mon esprit sur le mystre de la Trinit; comment 1, lorsque nous confessons un seul Dieu, nous croyons en mme temps une Trinit de mme essence ternelle, sans commencement; et 2, si celui qui s'est incarn pour nous est l'un de la Trinit (p. 16). Et c'est alors que vient le rcit de la vision. L-dessus, nous disons : Si Pierre l'Ibrien est le Pseudo-Denys, comment se fait-il qu'une formule doctrinale aussi frappante, dont il a connu la vrit par rvlation, et cela ds l'enfance, avant mme que Proclus, son promoteur, l'et employe dans sa lettre aux Armniens, comment se fait-il, je le demande, que cette formule qui lui tait cur n'apparaisse pas une seule fois dans tout le corps des crits dont on veut lui attribuer la paternit? Si l'on rflchit cela, on sera bien oblig de conclure que l'examen de la vision de Pierre, loin de conduire l'identit de Pierre et du Pseudo-Denys, fournit au contraire un srieux argument contre elle.

    Plus rvlatrice apparat E. H. l'autre vision, celle de Jean l'Eunuque. Il est ncessaire de rapporter le texte de Rufus.

    Un jour, Jean eut une vision... Il vit la seconde, redoutable et

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    glorieuse venue de Notre-Seigneur, le ciel s'tant soudainement ouvert... Il vit toute chose pleine de feu, et la crainte de la destruction, de l'branlement et de la confusion. Les Anges marchaient en tte et les premiers ordres () des milices clestes, les Anges, les Archanges, les Puissances (), les Dominations (), les Gloires (), les rangs () des saints Aptres, des Prophtes, des Martyrs, des Justes, les Sraphins, les Chrubins et, aprs eux tous, le signe adorable et salutaire de la Croix de Notre-Seigneur lui- mme, le Sauveur et Messie, port et arrivant avec la gloire du Pre et une puissance ineffable, les trnes prpars et le jugement divin et terrible, prdit de toute anciennet frquemment par les saints prophtes et par notre Juge et Sauveur lui-mme... (p. 18-19).

    E. H. trouve que la hirarchie des anges tablie dans ce texte est celle-l mme que dveloppe le Pseudo-Denys, avec la seule diffrence, qui ne change rien la chose, que chez celui-ci les degrs sont num- rs dans l'ordre descendant, et, dans la vision, dans l'ordre ascendant. Mettons-les en regard en observant le mme ordre, l'ascendant.

    Pseudo-Denys (De cael. hier., VI) Vision de Jean l'Eunuque I

    II III IV V

    VI

    VII VIII

    IX

    1. Principauts ()

    2. Anges 3. Archanges 1. Vertus (1) 2. Dominations 3. Puissances

    1. Chrubins 2. Sraphins 3. Trnes

    (1)

    (2) (3) (4) (5) (6)

    (7) (8) (9)

    Anges marchant en tte (= selon E. H.)

    Anges Archanges Puissances Dominations Gloires () (= Vertus

    selon E. H.) Chrubins Sraphins Trnes (E. H.).

    En tenant compte que chez le Pseudo-Denys lui-mme les trois rangs de chaque triade sont numrs diffremment (ch. vu), le parallle ici tabli parat premire vue impressionnant. En y regardant de plus prs, on voit que l'identit des deux listes n'a pu s'obtenir qu' des conditions qui ne se peuvent justifier.

    Il a fallu d'abord trouver une place aux Principauts (). . H. voit celles-ci dans les anges marchant en tte . Pourquoi alors ceux- ci ne sont-ils pas dsigns par leur nom? On les voit en outre places en dehors des premiers ordres des milices clestes, Anges, Archanges, Puissances, etc. Si elles ne sont pas dans les premiers ordres, quelle

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    place ont-elles dans la hirarchie? Sont-elles hors srie? Le P. Hausherr, qui critique juste titre la classification d'E. H., voit dans les Anges avant -coureurs , comme il traduit, une catgorie part (1). Nous pensons qu'il faut comprendre : les Anges qui marchent en tte et qui sont les premiers ordres des milices clestes : Anges, Archanges, Puissances, etc. , car les premiers ordres ne sont plus les premiers s'il y a d'autres Anges avant eux.

    Il a fallu ensuite que pour Jean l'Eunuque, les Gloires fussent l'quivalent des Vertus . C'est une pure supposition. Il doit y avoir eu chez Jean l'Eunuque une simple rminiscence de la dnomination qui est dans les ptres de saint Jude (. 8) et de saint Pierre (Ia, , 15).

    Il a fallu en outre, audace inexplicable, transformer en ordre ang- lique les trnes ou siges prpars pour le jugement.

    Il a fallu enfin, dans le total ainsi constitu, oprer une distribution en triades, que non seulement la vision ne comporte pas, mais plutt exclut. Dans le mme ensemble de , en effet, elle unit sans sparation aucune les cinq groupes suivants : Anges, Archanges, Puissances, Dominations, Gloires. En outre, les Sraphins et les Chrubins ne sont point unis entre eux comme les prcdents, dans une mme catgorie de taxeis, mais juxtaposs. On ne voit apparatre en tout cela aucun souci de classification.

    La seule hirarchie implique dans la vision se rsume en ceci : 1 Les premiers ordres des milices clestes : Anges, Archanges,

    Puissances, Dominations, Gloires, qui tous prcdent le cortge des lus ;

    2 Les Chrubins et les Sraphins qui le suivent ; en tout sept ordres angliques, partags en groupes ingaux.

    Quel contraste avec l'harmonieuse distribution du monde anglique en triades formule par le Pseudo-Denys!

    Des visions thologiques qui illustrent la vie de Pierre l'Ibrien et de son compagnon, celle qu'on vient d'examiner est tenue par E. H. pour la plus rvlatrice . Elle rvle, savoir, que Jean l'Eunuque est ce Hirothe qui Denys doit la connaissance de la hirarchie anglique, que ce Denys, par suite, ne peut tre que Pierre l'Ibrien, que les deux duos, le rel et le littraire, se superposent l'un l'autre et se fondent en un. On a vu ce qu'il en est, et comment la base de tout cela, s'il y a quelque vague et lointaine apparence, plus rien ne subsiste des yeux qui regardent de prs.

    (1) I. Hausherr, loc. cit., 252.

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    Ainsi donc, l'argument historico-thologique, c'est--dire la comparaison de la vie et des visions de Pierre l'Ibrien et de Jean l'Eunuque avec le contenu de l'uvre pseudo-aropagitique, d'o devait ressortir l'identit de ces deux personnages avec Denys et Hirothe, cet argument, le bien examiner, loin d'tre en faveur d'une telle identit, se retourne plutt contre elle.

    L'argument liturgique.

    E. H. a peut-tre senti que ce premier argument avait besoin d'tre renforc par quelque chose de plus consistant. Avons-nous le moyen, dit-il, de dmontrer ce que nous venons de deviner par des procds plutt intuitifs? Nous pensons que oui. Et la preuve qu'il avance est tire de la circonstance trs prcise suivante de la biographie de Jean l'Eunuque. Jean l'Eunuque est mort un 4 octobre. Or, le martyrologe syriaque de Rabban Sliba (vers l'an 1300), ainsi qu'un autre calendrier syriaque, qui donnent exactement le 1er dcembre comme date de la mort.de Pierre l'Ibrien, indiquent ce mme 4 octobre comme date de la fte commemorative de Hirothe, qualifi de matre du grand Denys . Cette mme date de sa fte se retrouve dans les sy- naxaires et mnologes orthodoxes de l'glise grecque, et le jour prcdent, le 3 octobre, est consacr Denys l'Aropagite (p. 22-23). Dans de tels rapprochements E. H. voit une preuve de l'identit des deux duos.

    Le P. Hausherr ne semble pas du tout avoir t impressionn par cet argument liturgique. Le synchronisme n'aurait de signification ses yeux qu'aprs preuve faite de l'identit des personnages; hors de l, nous pouvons nous trouver devant une pure concidence.

    Cette fin de non-recevoir, justifie certes, ne saurait cependant suffire entirement. Car dans cette concidence, s'il n'y a pas expliquer pourquoi Jean, personnage historique, est mort un 4 octobre, on peut cependant chercher, et il peut y avoir une explication, pourquoi Hirothe, personnage fictif, a eu sa fte place cette mme date. Et j'imagine qu'E. H. et pu, ou quelque autre, sa place, pourrait rpondre que Pierre l'Ibrien, aprs la mort de son ami, dont il tait fidle faire la mmoire au jb'ur anniversaire, a idalis le personnage et lui a prt un rle qu'il n'avait pas durant sa vie, qu'il en a fait son Hirothe. Cette idalisation expliquerait le choix par Pierre l'Ibrien, du 4 octobre pour la fte du matre du grand Denys . L'argument liturgique demeure donc. Il est possible de le ngliger.

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    Mais s'il a paru si important aux yeux d'E. H. au point qu'il y vit une dmonstration de ce qui n'tait que devin par des procds plutt intuitifs , il pourrait aussi en impressionner d'autres. C'est pourquoi il nous faut l'aborder de front. Il est ncessaire pour cela qu'on se rende compte de la manire dont E. H. le fait valoir. Nous le citons :

    A notre avis, cette concidence de la mort du visionnaire Jean l'Eunuque, personnage historique, avec celle du voyant Hirothe, personnage fictif, ne peut tre explique que par la supposition que, dj avant l'poque o le grand public a pris connaissance des crits pseudo-dionysiens, Pierre l'Ibrien, de son vivant, 'avait fix la com- mmoraison de Hirothe, l'ami et le parrain de son alter ego Denys l'Aropagite, la mme date que celle de son propre parrain et syn- celle, commmoraison qui est mentionne dans sa Vie. Au moment o les Chalcdoniens acceptrent les Areopagetica comme des crits anciens et orthodoxes, il existait dj une tradition orientale de la date de la mort de Hirothe. Cette tradition, ils l'ont accepte comme celle de la mort de Denys, que les monophysites ftaient dj, pour des causes comprhensibles, la veille de ce jour, au lieu de la retarder au 1er dcembre, jour de la mort de Pierre lui-mme (p. 24).

    En analysant ces lignes, on y voit les affirmations suivantes : 1. Pierre a tabli, de son vivant, aprs la mort de Jean l'Eunuque,

    la fte de saint Hirothe au 4 octobre, jour de cette mort. 2. Les Chalcdoniens ont institu chez eux la fte de saint Hirothe

    bien aprs les monophysites, et leur ont emprunt la date du 4 octobre.

    3. Il en est de mme de la fte de saint Denys l'Aropagite : ils l'ont imite des monophysites, la mettant la mme date qu'eux, au 3 octobre.

    4. Cette date du 3 octobre a t choisie pour des raisons comprhensibles . Cela signifie sans doute aucun autre sens n'apparat qu'elle a t choisie pour la mettre tout auprs de la fte de Hirothe. C'est--dire que la fte de saint Hirothe a t institue avant la fte de saint Denys et que celle-ci en dpend pour sa date.

    Examinons ces divers points. 1. Que Pierre l'Ibrien ait fait commmoraison de son ami Jean

    l'Eunuque chaque anne la date de sa mort, soit titre de saint, soit autrement, on le comprend, c'est naturel, et le biographe nous en assure. Mais crer un personnage fictif et le clbrer comme un saint, si ce n'est un non sens, est une supercherie. On n'a pas le droit de la supposer chez Pierre l'Ibrien. On ne voit pas du reste comme elle se

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    serait impose, surtout dans le cas de Hirothe, personnage dont on n'a pas encore parl et qu'on donne comme matre 'Aropagite dj bien connu comme pour avoir le sien dans le plus clbre des Aptres. Une chose certaine, en tout tat de cause, c'est que la fte de saint Hirothe n'a pu tre accueillie que si l'on a cru l'existence du personnage, que la crance soit un effet-, une russite de la supercherie ou qu'elle soit ne de la persuasion commune o l'on tait parvenu de l'authenticit des crits aropagitiques. La supercherie ne pouvant tre admise, il faut renoncer dire que la fte de saint Hirothe a t tablie par Pierre l'Ibrien.

    Il reste cependant un moyen d'expliquer l'origine de la fte de saint Hirothe et de sa fixation au 4 octobre qui donne un certain rle Pierre l'Ibrien. C'est de supposer que celui-ci, en clbrant la mmoire de Jean l'Eunuque, l'aura dsign et inscrit sous le nom de Hirothe, qui tait peut-tre auparavant son surnom, pour rappeler que c'tait un homme entirement consacr Dieu et perdu dans la contemplation divine. Plus tard, les crits aropagitiques ayant fait connatre un autre Hirothe, donn comme matre de Denys, c'est ce nouveau Hirothe qui, la faveur de l'homonymie, aura pris la place du premier dans le calendrier comme dans le sentiment commun, que le temps revtit ensuite du prestige de la tradition.

    Cette explication, si elle parat convenir la date du 4 octobre pour saint Hirothe, ne saurait valoir pour le 3 octobre assign saint Denys, car il est bien prsumer que la fte de l'auteur des Areo- pagitica identifi avec le disciple athnien de saint Paul, a t institue avant celle de saint Hirothe, et, par suite, que sa date n'en dpend pas. Mais nous parlerons de ceci plus loin. Ce qu'il importe ici le plus de faire observer, c'est que l'explication laisse intact le problme de l'identification de l'crivain mystique. Car, mme supposer que Pierre a clbr Jean aprs sa mort sous le nom de Hirothe, il resterait voir si, ce faisant, il le mettait en relation avec le Hirothe des crits aropagitiques, dont on le veut l'auteur. La relation serait indubitable si cette paternit tait assure. C'est--dire qu'en tout tat de cause, la preuve de l'identit du Pseudo-Denys et de Pierre l'Ibrien devrait dj au pralable tre faite, et provenir donc d'un autre chef.

    En rsum, il n'est pas admissible que Pierre, de son vivant, ait institu une fte de saint Hirothe comme ami et parrain du disciple de saint Paul. La seule hypothse imaginable, si on veut lui donner un rle dans l'origine de la fte, est qu'il ait commmor son ami Jean

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    au 4 octobre sous le nom de Hirothe, et que plus tard, ce mme jour, c'est l'autre Hirothe, le fictif, cru vrai, qu'on vint clbrer. Mais cela reste videmment sans porte. Une telle substitution de personnages, savoir du fictif au vrai, loin de conduire l'identification propose par le Pseudo-Denys, en loigne plutt.

    L'hypothse pourtant, quoique diffrente de celle d'E. H., est examiner, parce qu'elle touche au problme historique soulev par lui. J'ai dit dessein plus haut hypothse imaginable , c'est--dire toute pure : l'origine, ce n'est pas davantage. Il s'agit de l'prouver. Il s'agit d'examiner si elle cadre avec la tradition liturgique ou du moins si elle n'y contredit pas.

    2 et 3. J'en viens donc au second point affirm par E. H., savoir que les monophysites clbraient la fte de saint Hirothe avant les Chalcdoniens et possdaient une tradition sur la date de sa mort, que ceux-ci leur empruntrent. Pour affirmer cela si nettement, sur quoi se base-t-on? Quels sont les tmoignages attestant cette antiquit de la fte et cette tradition sur la date?

    Une tradition liturgique s'exprime par des documents liturgiques et, d'une manire plus prcise, s'il s'agit de l'institution d'une fte? par des calendriers liturgiques. Pour sr, E. H. a fait une enqute dans les calendriers monophysites qu'il a pu connatre, et il devait en connatre sans doute plus qu'il n'en indique. On voit qu'il a compuls, entre autres, les treize calendriers syriaques publis par Fr. Nau dans le tome 10 de la Patrolagia orientalis. Il a donc constat que dans aucun des calendriers numrots de 2 10 (le 1er n'entrant pas en ligne de compte, tant du ive sicle), qui s'chelonnent, sauf le vie qui est de 1547, du vne au xne sicle, n'est inscrite la fte de saint Hirothe : elle est absente aussi des calendriers trs succincts xn et xin, non dats par l'diteur. Elle se rencontre seulement dans le calendrier 11 (crit en 1210), sous le 4 octobre. A ce calendrier doit se joindre le martyrologe de Rabban Sliba (rdig vers 1300), qui marque cette fte la mme date. Ces tmoignages avancs par E. H., tous deux postrieurs au xne sicle, sont les seuls reprsenter une tradition, qu'on affirme antrieure non seulement l'tablissement de la fte de saint Hirothe chez les Ghalcdoniens, mais mme l'acceptation par eux de l'authenticit des crits pseudo-aropagitiques, acceptation que l'on peut considrer comme unanime avant la fin du viie sicle. C'est trop peu, et une tradition qui existerait au vne sicle ne peut tre atteste par des tmoignages du xme. A cela s'ajoute que la tradition en question n'est pas concordante. A la date du 3 octo-

  • 32 REVUE DES TUDES BYZANTINES

    bre des calendriers syriaques s'oppose celle du synaxaire arabe jaco- bite, 16 avril, donn comme le jour de la mort de saint Hirothe. Cette divergence, releve par E. H. lui-mme, l'a averti de la complexit du problme. La discussion de cette date (15 avril) et d'autres de.vrait trouver sa place dans une tude d'ensemble qui dpasserait le cadre du prsent mmoire (p. 23, n. 1). Admettons! En ce cas, elle aurait d le prcder, car il s'agit d'lments qui s'insrent en plein dans le sujet et dont dpend la solution.

    Le problme tant de l'antriorit de la fte de saint Hirothe chez les monophysites par rapport aux chalcdoniens et de la dpendance de ceux-ci vis--vis de ceux-l, il s'imposait de consulter les deux traditions, la monophysite et la chalcdonienne. Notre rudit s'est attach scruter la premire, o nous avons vu le peu qu'il a trouv ; il a nglig la seconde, o il aurait pu faire moisson. Il ne cite que le Synaxaire de Constantinople publi par H. Delehaye, et uniquement pour souligner que la fte est au mme jour. Il n'a pas pris garde son anciennet par rapport aux tmoins syriaques cits plus haut et n'a pas song aux variantes des manuscrits.

    Nous allons donner ici un tableau, certainement incomplet, mais que nous croyons suffisant pour le dbat, des attestations de la fte de saint Hirothe dans les calendriers byzantins et d'influence directement byzantine (mfcnologes, synaxaires, vangliaires, etc.). Nous y joignons aussi la fte de saint Denys l'Aropagite, parce que, sur elle aussi, et c'est le troisime point que nous avons relev chez E. H., porte l'affirmation de l'antriorit des monophysites et de la dpendance vis--vis d'eux des chalcdoniens. Nous avons aussi not la fte de saint Denys d'Alexandrie, pour une raison qui apparatra plus loin. Pour le but que nous nous proposons, nous n'avons pas dpasser le xme sicle. Nous laissons ici hors de cause le mnologe de l'glise de Constantinople, du vine sicle, publi par Morcelli, parce qu'il appelle une discussion spciale.

    Nous indiquons d'abord les manuscrits grecs, puis les manuscrits slaves, latins et arabes. L'ordre suivi est, autant que possible, en chaque srie, celui de l'anciennet des manuscrits, en groupant cependant part, pour la commodit des rfrences, les synaxaires utiliss par H. Delehaye. Pour ceux-ci, nous indiquons d'abord le manuscrit qui a servi de base l'dition, puis parmi ceux qui sont plus anciens, ceux qui portent une date ou qui diffrent par une particularit intressant notre sujet.

  • AUTOUR DE LA QUESTION PSEUDO-DIONYSIENNE 33

    Ouvrages plusieurs fois cits :

    H. Delehaye, Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae. Propy- laeum ad AASS Novembris. Bruxellis, 1902.

    A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskih rukopisej, tome 1. Typi- ka, lre partie, Kiev, 1895.

    I. M. A. Scholz, Novum Testamentum graece, vol. 1, Lipsiae, 1830; vol. 2, Lipsiae, 1836.

    J. Martinov, Anniis ecclesiasticus graeco-slavicus, Bruxelles, 1863. Sergij, Polnyj msjaceslav Vostoka, I et II, Vladimir, 1901. A. Mai, Scriptorum Veterum Nova Collectio (= SVNC), t. 4,

    Roma, 1831.

    Manuscrits grecs

    A. Synaxaires, d'aprs H. Delehaye : description des manuscrits, pp. vi-xlvi; mention des saints, p. 101-106. Pour la vrification des rfrences, nous indiquons aussi les sigles.

    1. Berolinensis 219 (S = Sirmon- xiie-xnie s. dianus).

    2. Patmos 266 (P). Cf. Dmi- xe s. triesvkij, pp. v, 1, 11.

    3. Laurentianus San Marco 787 1049-1050 (F).

    4. Vaticanus 1613 (B Mnologe xie s. de Basile II).

    5. Parisinus 1590 (Fa). 1151

    6. Parisinus 1589 (Ba). xne s.

    7. Parisinus 1589 (Pinax) (Bb). xne s.

    B. Autres manuscrits.

    Les jours liturgiques pour Denys et Hirothe sont respectivement le 3 et le 4 octobre, sauf indication contraire.

    Denys; Denys d'Al. (3 oct.); Hirothe.

    Denys; (Denys d'Al. et Hirothe absents).

    Denys; Denys d'Al. (3 oct.); Hirothe.

    Denys; Denys d'Al. (4 oct.); Hirothe.

    Denys; Denys d'Al. (3 oct.); Hirothe.

    Denys; Denys d'Al. (3 et 5 oct.); Hirothe.

    Denys; Denys d'Al. (5 oct.); Hirothe.

    8. Evangliaire Moscou Bibl. vme-ixe s. Denys l'Ar. hiromartyr Sinod. 42 (Vladimir 12) : Sergij (jour?) (1). I, 410.

    9. Evangliaire Leningrad Bib^. 835 Denys seul (jour non indi- publ. 219 : Sergij, L 92. que dans le ms.).

    (1) Sergij, de qui je tiens le renseignement, n'indique pas le jour.

  • 34 REVUE DES TUDES BYZANTINES

    ixe-xe s. Denys seul (jour ?.).

    ixe-xe s. Hirothe (5 oct.) seul.

    e-xe s.

    Xe S.

    Xe S.

    Xe S.

    Xe S.

    Xe S.

    Denys; Hirothe.

    Denys; Hirothe.

    Denys; Hirothe.

    Denys; Hirothe.

    Denys seul.

    Denys; Hirothe.

    10. Apostolos, Leningrad Bibl. publ. 57 : ibid., I, 98.

    11. Kanonarion du Sina, cote non indique : Dmitrievskij, I, vm, 199-200.

    12. Evangliaire non situ, dcrit par Basile d'Anchialos : Nea Sion, VII, 13-14.

    13. Evangliaire, Laurent. Plut. VI, 27 : Bandini, I, 30 (lecture non ind. par Bandini).

    14. Evangliaire Parisinus 48 : Scholz, I, 476.

    15. Evangliaire Paris, suppl. 79 : ibid.

    16. Apostolos Coislin 205 : Scholz, II, 461.

    17. Evangliaire de l'gl. grecque de Naples : Gr. Potamianos, dans Hier os Syndesmos, 1er juill. 1913, p. 4-6; 15 juill. 1913 p. 9.

    18. Kanonarion du Sina, cod. 150: Dmitrievskij, I, 172, 199.

    19. Evangliaire du prince Saxe- Gotha : Sergij, II, 307 (lecture non ind. par Sergij).

    20. Typicon de FEvergetis, Athen. 788 : Dmitrievskij, p. xxxni sq., 289.

    21. Evangliaire Laur. Plut. VI, 27 : Bandini, I, 154 (lecture non ind. par Bandini).

    22. Evangliaire de Marie Palolo- gine : Eustratiads, dans Ekkle- siastikos Pharos, VII (1911), 288.

    Manuscrits slaves

    23. Evangliaire glagol. d'Asse- xe s. Denys seul, mani : I Crncic, Assemanovo izborno evangjelje, Rome, 1878, 137.

    24. Evangliaire d'Ostromir : d. 1055-1056 Denys; Hirothe. St-Petersb., 1883.

    xe-xie s.

    XIe S.

    Denys seul.

    Denys (?) (1); Hirothe (5 oct.).

    xne s. Denys; Hirothe.

    XIIe S. Denys seul.

    xne s. Denys; Hirothe.

    (1) Sergij ne mentionne pas si ni quel jour est ft l'Aropagite.

  • AUTOUR DE LA QUESTION PSEUDO-DION YSIENNE 35

    Denys; Hirothe.

    Denys; Hirothe.

    25. Calendrier de Mstislav : Marti- avant 1117 nov, 333.

    26. Evangliaire Paris. 25 : Marti- xiie-xine s. nov, 336 (q'ui n'indique pas la lecture).

    27. Calendrier de Tyrnau : Marti- 1272 nov, 338.

    28. Evangliaire du Vatican, cote xine s. non indique : Martinov, 340 (qui ne marque pas la lecture).

    29. Calendrier de Rumjantsov : xine s. Martinov, 341.

    30. Evangliaire du Zographe, cote xiie-xme s. non indique : Martinov, 344 (qui ne marque pas la lecture).

    Documents latins

    31. Calendrier de marbre Naples: entre 847 H. Delehaye, Hagiographie na- et 877 politaine, An. Bull., 57 (1939), 36.

    32. Parvum Romanum : H. Quen- entre 848 tin, Les martyr -olo gus histori- et 858 ques, 442.

    Denys; Hirothe.

    Denys seul.

    Denys; Denys [d'Al.]; Hirothe.

    Hirothe seul.

    Denys vque (2 oct.); Denys vque (3 oct.); Hirothe absent.

    Denys seul.

    XIIe S. Denys seul.

    xiie s. Denys; Hirothe.

    Manuscrits arabes

    33. Nicon de la Montagne Noire (2e tiers du xie s.) (version arabe cite cause de l'anciennet du ms.), Vatic. 76 : Mai, SVNG, IV, 169.

    34. Evangliaire melchite, Vat. ar. 16 : Mai, SVNG, IV, 2e partie, 47.

    Document arabe musulman.

    35. Al Birouni, auteur du xie s.. Des ftes des Melchites, extrait de son ouvrage : Monuments des sicles couls (d. Sachau, Leipzig, 1878 : R. Griveau dans P. 0., X. 295). A la date du 4 octobre est marqu : Fte de Denys. vque astronome, disciple de Paul. Hirothe est absent.

    En face de ce tableau de la tradition thologique chalcdonienne concernant les ftes des saints Denys et Hirothe, dressons sur le

  • 36 REVUE DES TUDES BYZANTINES

    mme plan, en y incluant aussi saint Denys d'Alexandrie, l'tat de la tradition liturgique monophysite (1).

    Calendriers monophysites 1. British Museum Add. 17232 :

    IV au VI, dans P. 0., X, 113. 2. Manuscrit thiopien utilis par

    Ludolf (cf. AASS, Jun. VII, p. ni), Commentarius ad hist. JEthiopicam, Francfort, 1691.

    3. Evangliaire copte-arabe : plusieurs mss. dont nous indiquons le plus ancien (Inst. cath. de Paris) : P. 0., X, 191.

    4. Evangliaire copte-arabe : Va- tic/ 15 : P. 0., X, 191 et Mai, SVNG, IV, 2 partie, 18.

    5. Copte-arabe Barberini 2 : P. 0. X, 191 et 224.

    6. Synaxaire arabe jacobite : R. Basset : P. 0., XVI, 866 et 959.

    7. Calendrier d'Abou' 1 Barakt : Tisserant, P. 0., X, 257 et 273.

    8. Synaxaire thiopien : Budge.

    9. Vat. syr. 37 : P. Peeters, Le martyrologe de Rabban Sliba (rdig vers 1300) : An. Boll. 27 (1908), 168 et 164.

    10. Vat. syr. 69 : Nau VI, dans P. 0., X, 63.

    11. Synaxaire copte arabe Vat. 62 et 63 : Mai, SVNC, IV, 98 et 110.

    12. Calendrier thiopien : Mauro da Leonessa, Cronologia e calen- dario etiopico, Tivoli, 1934.

    1210 Denys l'Ar. (3 oct.); Hi- rothe (4 oct.).

    vers 1225 Denys l'Ar. (3 oct.); Hi- rothe (16 avril) ; Denys d'Al. (14 sept, et 9 mars) ; Denys de Corin- the (20 oct.").

    1250 Denys (sans prcision) (20 oct.).

    1334 Denys l'astronome ( = l'Arop.) (20 oct.).

    xive s. idem.

    xive s. Denys d'Al. (9 mars); Hirothe (16 avril, mort); Denys l'Ar. absent.

    xive s. Denys l'Ar. (20 oct.) ;Hi- rothe le juste (?) (29 mai),

    mss. du comme au n. 2. XVIIe S.

    Denys l'Ar. (19 nov.)- Hirothe (4 oct.); De; nys (sans prcision, d'Al.?) (8 mars).

    1547 Denys (3 oct.) seul.

    1713 Denys de Corinthe (20 oct.); Denys d'Al. (9 mars).

    tat actuel Denys l'Aropagite (3 oct.); Denys d'Al. (14 sept, et 9 mars); Hirothe absent.

    Ce n'est pas sans raison que nous avons inclus dans ce second tableau les manuscrits plus tardifs et mme l'tat actuel de la pratique litur-

    (1) Je remercie le R. P. Halkin d'avoir bien voulu complter mes renseignements sur plusieurs de ces calendriers.

  • AUTOUR DE LA QUESTION PSEUDO-DION YSIENNE 37

    gique, celle-ci tant un tmoin du pass quand il s'agit d'glises aussi conservatrices que les glises monophysites.

    Nous avons voulu faire ainsi mieux apparatre le manque d'uniformit, au sujet des ftes des deux saints, entre les communauts monophysites elles-mmes. On voit en effet que, si la fte de l'Aropagite est marque le plus souvent au 3 octobre (nos 1, 2, 10, 12), on la trouve aussi au 19 novembre (n 9) et au 20 octobre (nos 4, 7). Quant Hirothe, il est commmor, ici le 4 octobre (nos 1, 9) et l le 16 avril (nos 2, 6, 8), donn expressment comme le jour de sa mort (n 6), et peut-tre ailleurs le 29 mai (n 7), o l'on voit marqu un Hirothe le Juste, dont on ne dit pas autre chose. Comment ces divergences ont-elles pu se produire, si la fte de Hirothe a t originairement fixe au 4 octobre cause de la mort de Jean l'Eunuque ce jour- l, selon la tradition que suppose E. H.? Et la date du 16 avril ne suppose-t-elle pas une autre tradition qui doit avoir son origine? Il en est de mme pour Denys que les calendriers prsentent trois jours diffrents. Ces divergences ont de quoi rendre prudent avant de dcider des dates auxquelles, l'origine, furent honors les deux saints. Comment, sans documents, expliquer les traditions concurrentes et comment les dpartager? La question est embarrassante pour ceux qui veulent rattacher le choix du jour un fait historique, mais pour eux seulement. Il n'y a pas choisir entre les traditions : se dtruisant mutuellement, elles, sont rejeter en bloc. La seule explication valable des divergences est que les diverses glises ou communauts, et cela vaut pareillement pour l'glise byzantine se trouvaient, quand elles voulurent introduire Denys l'Aropagite et Hirothe dans leur calendrier liturgique, sans aucune tradition sur la date de leur mort, et par suite, eurent toute libert de fixer leur choix le jour de leur fte. Les divergences sont une consquence naturelle de cette situation.

    Plus encore que la divergence des calendriers monophysites sur le jour liturgique des deux saints, ce qui frappe en comparant les deux tableaux des manuscrits, et ce qui proteste contre la priorit prtendue des monophysites sur les chalcdoniens dans leur clbration des deux ftes, c'est la trs grande anciennet des tmoignages byzantins par rapport aux tmoignages monophysites. Le plus ancien de ces derniers est de 1210 (n 1), date bien tardive pour une tradition que l'on dit remonter Pierre l'Ibrien : sept cents ans de distance. Or, en 1210, nombreux dj sont les manuscrits grecs qui tmoignent de la pratique byzantine. Les plus anciens remontent au xe, ixe et peut-tre

  • 38 REVUE DES TUDES BYZANTINES

    vine sicle (nos 8 17); il s'y ajoute des manuscrits slaves antrieurs au tmoin syriaque : il en est du xie et du xe sicle (nos 23, 24) ; et comme ils dpendent indubitablement de Byzance, leur tmoignage est particulirement prcieux. L'est encore davantage celui des documents latins du ixe sicle (nos 31, 32). Ainsi donc, plus de trois sicles avant qu'apparaisse la premire attestation de la tradition monophysite, on constate l'existence du culte liturgique des saints Denys et Hi- rothe aux mmes dates du 3 et du 4 octobre dans l'glise byzantine et jusque chez les Slaves.

    Concluons. Les tmoignages existant de part et d'autre, compars entre eux, non seulement n'autorisent pas supposer une dpendance, sur le point qui nous occupe, des chalcdoniens par rapport aux mono- physites, mais nous obligent l'exclure. Ou alors l'tude par les sources n'a plus aucune signification. Dans notre cas, il ne peut y avoir de rapport qu'inverse.

    4. Le dernier point examiner est le choix du jour liturgique de saint Denys. A-t-il t mis au 3 octobre cause de Hirothe dj ft auparavant le 4, date de la mort de Jean l'Eunuque, afin de rapprocher dans le calendrier le matre et le disciple?

    Une telle dduction ne peut reposer que sur l'une des deux hypothses suivantes. Ou bien Pierre l'Ibrien a institu de son vivant la fte de saint Hirothe au 4 octobre, cause de Jean l'Eunuque, son Hirothe lui, mort ce jour-l, en suite de quoi lui-mme, ou d'autres aprs lui (ce n'est pas prcis, et peu importe) ont voulu aussi fter saint Denys. On comprend alors qu'ait t choisi pour jour liturgique le 3 octobre, tout proche de celui de Hirothe. Mais une telle origine de la fte de Hirothe, nous l'avons vu, est insoutenable et passe toute vraisemblance.

    Ou bien, hypothse toute pure et tenant la seule concidence dans le calendrier au 4 octobre du fait historique (mort de Jean l'Eunuque) et du fait liturgique (fte de saint Hirothe), Jean l'Eunuque aurait t honor aprs sa mort sous le nom de Hirothe et sa fte aurait pass ensuite, cause de l'homonymie, au Hirothe des crits aro- pagitiques, en suite de quoi, alors seulement, se serait tablie la fte de saint Denys, auquel on aurait assign le jour, tout proche, du 3 octobre. Une telle hypothse n'a absolument rien de substantiel o s'accrocher. Elle se heurte de plus certaines difficults. D'abord, il est prsumer que des deux saints, c'est saint Denys l'Aropagite, personnage historique, disciple de saint Paul, le plus connu, car il est l'autorit que l'on cite et sur laquelle on s'appuie, c'est Denys, dis-je,

  • AUTOUR DE LA QUESTION PSEUDO-DIONYSIENNE 39

    qui a d le premier recevoir un culte liturgique, et qu'alors les rapports tant invertis, c'est lui qui, inscrit au 3 octobre, aura attir prs de lui Hirothe, au 4 octobre. De plus, si l'on se reporte au tableau des tmoignages byzantins, n'aura-t-on pas remarqu deux dates curieuses, celle de Hirothe au 5 octobre, et celle de Denys au 4 octobre. Et il faut souligner, pour ce qui est de Hirothe, l'importance particulire du tmoignage. C'est le premier en date de tous ceux qui mentionnent la fte (n. 11) (ixe-xe sicle). Comment donc la date du 4 octobre qu'on dit driver d'une tradition antrieure monophysite n'est-elle pas observe dans les plus anciens documents chalcdoniens? Et comment expliquer aussi que dans le calendrier melchite du xie sicle, transmis par Al-Birouni (n 35), c'est Denys qui occupe cette place du 4 octobre (Hirothe n'ayant aucune mention)? Questions embarrassantes pour qui veut expliquer que la fte de saint Denys au 3 octobre a t fixe d'aprs celle de Hirothe au 4 octobre, elle-mme choisie cause de la mort en ce jour de Jean l'Eunuque.

    Remarquons enfin que dans les calendriers monophysites eux- mmes, il n'y a pas de concordance touchant la proximit des ftes. Un seul l'observe (n 1) et de la mme manire que les Byzantins, aux 3 et 4 octobre. Dans deux autres (nos 6 et 9), les ftes sont distantes, et d'une manire divergente : ici (n 9), on a Hirothe au 4 octobre et Denys au 19 novembre; l (n 6), Denys est au 3 octobre, et Hirothe au 16 avril. Il est bien sr que dans ces deux derniers cas, aucune des deux ftes n'a command la date de l'autre. Les dates du 3 et du 4 dans le premier cas font penser certes qu'il y a une relation entre elles, mais tout ce que nous venons de voir et tout ce que nous avons vu plus haut ne nous permet aucunement de conclure une dpendance de la fte de Denys au 3 octobre vis--vis de celle de Hirothe, mais nous invite tablir un rapport inverse.

    Nous avons achev d'examiner sous ses diffrents aspects l'argument tir de la liturgie en faveur de l'identification du Pseudo-Denys avec Pierre Nbrien, en passant par l'identification de Jean l'Eunuque, mort le 4 octobre, avec Hirothe, ft ce jour. La confrontation de cet argument avec les documents de la tradition liturgique, seul moyen de contrle que nous ayons, nous oblige le rejeter rsolument. E. H. a t frapp par certains rapprochements; une ide ingnieuse a surgi qui l'a sduit; il en a t victime; il s'est laiss prendre des apparences de preuves dont le caractre d'indit lui a exagr l'importance; le sentiment de la dcouverte lui a fait arrter trop tt son enqute et ngliger, contrairement son habitude, l'tude d'ensem-

  • 40 REVUE DES TUDES BYZANTINES

    ble de tous les documents susceptibles de confirmer ou d'infirmer l'ingnieuse trouvaille, et de raliser peut-tre ce qu'a dit de lui une rcente ddicace : .

    Hlas! La lumire n'apparat point encore. Peut-tre nous viendra- t-elle du matre incontest des tudes d'asctique et de mystique orientales, qui enseigne l'Institut Pontifical Oriental. C'est de lui, en tout cas, que nous pouvons le mieux l'attendre (1).

    II

    S'il est utile de mettre en garde contre de fausses dcouvertes, il l'est plus encore de faire uvre positive. L'exploration que nous avons d effectuer dans la tradition manuscrite nous a fourni assez d'lments, croyons-nous, non point certes pour faire avancer le problme qu'a voulu rsoudre E. H., mais pour tenter un essai sur les origines des deux ftes de saint Denys et de saint Hirothe et leur place dans le calendrier. C'tait l le point central de l'argumentation de notre rudit. L'explication propose par lui, confronte avec les anciens tmoignages liturgiques, n'a pu tre retenue. Celle que nous allons suggrer veut tenir compte de tout l'tat de la documentation, de telle sorte qu'elle ne fasse pour ainsi dire qu'en dcouler.

    Le lecteur a vu mentionn plus haut le mnologe du vine sicle, publi par Morcelli. C'est le plus ancien des calendriers byzantins qui nous soit parvenu. Nous l'avons cart de la liste de nos tmoignages parce que, en effet, au moins comme douteux, il ne devait pas y entrer. En donner les raisons et ralenti inutilement notre marche. C'est au contraire ici le moment d'en traiter, parce que la mention qu'il nous fournit est au point de dpart du dveloppement liturgique que nous avons en perspective.

    A la date du 3 octobre, le mnologe de Morcelli porte la lgende suivante : . Comme lecture vanglique est indique celle des huit batitudes dans saint Matthieu. Une autre lecture est aussi propose pour ce mme jour, celle de la parabole du marchand qui a trouv une perle prcieuse et qui vend tout pour l'avoir (2).

    La mention du saint est fort imprcise. L'glise byzantine fte, ce mme jour du 3 octobre (voir notre tableau ci-dessus), saint Denys

    (1) I. Hausherr, sans se prononcer rsolument, nous invite porter nos regards sur Serge de Resaina : Orient, chr. periodica, II (1936), 849 et XIX (1953), 234. Il ne semble pas que E. H. ait eu connaissance de cette suggestion. Elle l'et peut-tre rendu plus circonspect.

    (2) St. A. Morcelli, Kalendarium Ecclesiae Constantinopolitanae, 1738, I, 15.

  • AUTOUR DE LA QUESTION PSEUDO-DIONYSIENNE 41

    l'Aropagite et saint Denys d'Alexandrie. Duquel s'agit-il? Et d'abord, puisqu'il y a deux vangiles pour ce jour, ne serait-ce pas que le second est pour un autre Denys et donc que l'un des deux serait l'Aropagite? Une telle explication rehausserait de beaucoup l'anciennet de la tradition byzantine sur le culte liturgique de ce saint et renforcerait considrablement ce que nous en avons tir ci-dessus. Nous ne pouvons cependant nous y arrter. Un second vangile apparat en effet plusieurs autres dates sans qu'il y ait une seconde fte pour l'appeler (1). Il doit en tre de mme dans notre cas. Le mnologe offre simplement le choix entre deux lectures. C'est donc un seul Denys que nous avons affaire. Encore une fois, quel est-il?

    Morcelli, entre les deux Denys, l'Aropagite et l'vque d'Alexandrie, se prononce rsolument pour ce dernier. Il en donne une double raison (2). La premire est qu'il voit honor aussi dans le calendrier d'autres vques d'Alexandrie, Pierre et Athanase : celui-ci deux fois. Il ne peut donc supposer que leur prdcesseur, irtute et fama cele- berrimus, et que saint Basile appelle le grand Denys , ait pu tre oubli. La seconde raison est que la qualit de martyr n'tant pas indique, c'est Tvque d'Alexandrie que doit viser la notice, car il n'est pas mort martyr, plutt que l'Aropagite, que la tradition commune fait verser son sang pour le Christ: Cette observation est inoprante du fait que dans notre mnologe il y a plusieurs martyrs qui n'ont pas cette appellation et n'ont, comme ici, que celle de saint (3). La premire raison est seule retenir comme ayant quelque probabilit. Nous y ajouterons la considration suivante qui a son poids. C'est que Denys d'Alexandrie est loin d'tre un tranger pour les Byzantins. Il est entr dans leur sphre. Il a t en effet adopt par eux comme une de leurs autorits canoniques. Le concile in Trullo l'a proclam tel, parmi d'autres Pres, d'une manire officielle, dans son 2e canon. Il est difficilement croyable que l'ayant pour ainsi dire canonis dans sa lgislation, l'glise byzantine l'ait oubli dans son calendrier liturgique. Son cas est le mme que celui de Pierre d'Alexandrie, qui, lui aussi, proclam parmi les sources canoniques, a reu sa place parmi les saints dont on fait spciale mmoire.

    Nous venons d'invoquer le concile in Trullo. Il s'est tenu en 692,

    (1) Ainsi au 21 oct. (s. Hilarion), au 1er nov. (les saints Anargyres), au 23 janv. (s. Clment d'Ancyre), au 28 janv. (retour de s. Ignace le thophore), au 11 juil. (ste Euphmie de l'horos). Le deuxime vangile du 1er nov. est prcd de la mention v .

    (2) Morcelli, II, 177-178. (3) Tels, pour ne parler que des vques martyrs, saint Ignace d'Antioche, saint Poly-

    carpe de Smyrne, saint Clment d'Ancyre.

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    donc quelque cinquante ans avant la date de notre calendrier. Mais c'est encore plus haut qu'il nous faut remonter, car il y a tout lieu de croire que ce concile n'a fait que consacrer une situation dj existante, peut-tre mme dj assez ancienne. De fait, un sicle environ auparavant, notre Denys est dj connu chez les Byzantins pour tre une des sources du droit ecclsiastique. Il figure comme tel dans le Recueil des XIV titres, compos dans la seconde moiti du vie sicle ou tout au plus au dbut du vne (1). On ne saurait certes affirmer que ce recueil et un caractre officiel, mais destin l'usage courant, il dut n'accueillir que des noms jouissant d'une autorit reconnue. A son tour, l'insertion d'un nom dans le Recueil le rendait plus clbre et plus prsent l'attention commune.

    En regard, Denys l'Aropagite ne jouit pas des mmes avantages. Son uvre suppose est rcente dans la littrature ecclsiastique. Au milieu du vie sicle, des ouvrages paraissent pour en dfendre l'authenticit (2). C'est donc qu'elle demeure conteste. En l'absence de documents pour indiquer un dlai plus prcis, on peut bien compter une gnration avant que l'unanimit soit faite ce sujet. C'est justement alors que l'autre Denys qui jouit d'une longue clbrit prend place dans le Recueil des XIV titres.

    Il est vrai que Denys l'Aropagite a l'avantage d'appartenir l'ge apostolique. C'est un converti du grand aptre Paul. C'est quelque chose, mais c'est la seule place qu'il occupe dans les Actes (autant que lui en a la noble dame athnienne Damaris, qui partage le mme honneur). Mais Denys, en outre c'est Eusbe qui nous le transmet , passe pour avoir t le premier vque d'Athnes. Nous ne savons pas si ces mrites conjoints, mme en y ajoutant celui suppos, mais rcemment encore discut, de ses crits mystiques, eussent suffi lui assurer une place dans le mnologe, assez succinct, de Morcelli. Ce que nous savons, c'est qu'un seul Denys y est inscrit, et tout ce que nous avons dit de celui d'Alexandrie permet difficilement de douter que ce soit lui que le mnologe dsigne. Une certaine raison d'hsiter pourrait provenir de la date elle-mme du 3 octobre, qui ne saurait tre celle de la mort de saint Denys d'Alexandrie, car ce n'est pas celle o les Coptes font sa fte : ils la font au 9 mars, ainsi que les thiopiens qui ont en plus le 14 septembre. Nous reconnaissons que la tradition copte

    (1) Syntagma XIV titulorum sine scholiis secundum versionem palaeo-slavonicam adjecto textu graeco e vetustissimis codicibus manuscriptis exarato. Edidit V. N. Bene?evic, Petropoli, 1906, t. I, 570-577.

    (2) Jean de Scythopolis, Scholia et prologus publis sous le nom de Maxime dans P. G. IV, 15-23; Thodose le Prtre, dans la Bibliothque de Photius, cod. I; P. G. 103.

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    doit l'emporter et que c'est au 9 mars qu'il convient de placer la date de la mort du saint. Cela pourtant ne doit pas nous arrter. Le jour de la fte d'un saint est ordinairement attach celui de sa mort, mais il peut y avoir, et il y a d'autres motifs pour le choix d'un jour de fte : transfert des reliques, ddicace d'glise, ordination, s'il s'agit d'un vque, etc. Et du reste, dans le mnologe lui-mme de Morcelli, il y a plusieurs autres ftes dont le jour n'est pas celui de la mort du saint. Ainsi Proclus de Constantinople, mort le 12 juillet, est ft le 24 octobre ; Maximien de Constantinople, mort le 12 avril, est ft le 20 novembre. Nous ne connaissons pas, pour ces personnages, les raisons de l'cart entre le jour du dcs et le jour de la fte. Il en est de mme pour Denys d'Alexandrie. Notre ignorance sur ce point ne doit pas tre un motif de douter de son identit avec celui que notre mnologe place au 3 octobre.

    Le mnologe de Morcelli marque l'tat du sanctoral tel qu'il tait au milieu du vnie sicle. Cet tat remonte probablement au concile in Trullo. On n'y voit que deux mmoires plus rcentes : celle du patriarche Paul III, le signataire des canons de ce concile, mort l'anne suivante (693), et celle du tremblement de terre de 740 qui jeta la capitale dans l'pouvante et la consternation.

    Une rvision du calendrier eut probablement lieu la suite du IIe concile de Nice, VIIe cumnique. Il y en eut une trs certainement la suite et comme consquence du triomphe de l'orthodoxie (843). Les martyrs et dfenseurs des images clbrs par le Synodicon ne purent manquer de l'tre aussi dans la liturgie et d'avoir leurs jours de fte. Le sanctoral s'enrichit ainsi d'un certain nombre de saints nouveaux. On ne s'en tint pas l. La priode iconoclaste n'avait pas t favorable au dveloppement du culte des saints. Il y eut comme une revanche avec le triomphe des images. Beaucoup de saints anciens qui ne figurent pas dans le mnologe de Morcelli apparaissent dans les calendriers des ixe et xe sicles : leur insertion est un effet de la victoire de l'orthodoxie. Ces saints sont surtout des martyrs qui ne jouissaient auparavant que d'un culte local. Ils sont imports Constantinople par les vques qui y viennent en synode ou pour affaires, par les moines surtout qui sont en incessant commerce avec les grands centres asctiques de la capitale et des rgions avoisinantes, le monastre de Stoudios, le mont Saint-Auxence, l'Olympe de Bithynie.

    Les manuscrits du ixe et du xe sicle tmoignent de cet enrichissement. Mais sans doute avait-il dj commenc, et pour les mmes raisons, au lendemain de la premire victoire de l'orthodoxie. Et c'est

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    vraisemblablement alors que Denys l'Aropagite, dont la renomme avait dbord les sphres de l'glise byzantine (1) dut prendre place parmi les lus de la liturgie. De cette conscration de sa gloire nous avons le plus ancien tmoignage certain dans l'vangliaire de Leningrad, Bibl. publ. 219 (n 9) dat de mai 835 (2). Peu auparavant, en 827, une circonstance solennelle avait attir l'attention sur notre Denys : l'envoi de la part de Michel II le Bgue Louis le Pieux/parmi les prsents impriaux, de livres authentiques (de l'Aropagite) crits en langue grecque , comme dit Hilduin. C'est sans doute vers cette date que Michel le Sync, pronona son pangyrique du Saint (3).

    Comme il est naturel, Hirothe devait suivre Denys dans le calendrier. Cela ne se fit cependant pas tout de suite. Hirothe est absent des plus anciens documents, certainement antrieurs au xe sicle, celui de Moscou (n 8), celui de 835 (n 9), le Parum Romanum (n 32), compos entre 848 et 858 (utilis par Adon), le calendrier de Naples (n 33) rdig entre 847 et 877. Hirothe apparat ensuite pour la premire fois dans des manuscrits que l'on fait remonter aux ixe-xe sicle (nos 11, 12). Il ne saurait faire de doute pour personne que si Hirothe est ft par l'glise byzantine, c'est Denys qui lui a ouvert la voie. Ce ne peut tre l'inverse.

    En instituant une fte de saint Denys l'Aropagite, il lui fallait trouver un jour. Assurment il n'existait aucune tradition sur la date de sa mort. Il n'y en avait pas davantage, et encore moins, si l'on peut dire, au sujet de Hirothe. Pour celui-ci on ne serait point embarrass : on le mettrait auprs de l'crivain mystique. Il est connu en effet que la fte d'un saint qui est en rapports troits avec un autre plus important se place gnralement au lendemain de la fte de celui-ci.

    On rsolut le problme du jour liturgique de l'Aropagite la faveur de l'homonymie : on l'associa Denys d'Alexandrie.

    Il importe souverainement ici de remarquer comment se fit l'association. Il semble qu'avant d'arriver la date uniforme du 3 octobre pour les deux Denys, il y ait eu diversit selon les lieux, ou quelque flottement.

    En nous reportant au tableau ci-dessus, on voit au n 35 (xie s.) (1) De ce fait tmoigne l'envoi, vers 758, par le pape Paul Ier Ppin le Bref, de livres

    attribus Denys l'Aropagite. Cf. G. Thry, L'entre du Pseudo-Denys en Occident, Mlanges Mandonnet, t. II, 1930, pp. 22-25.

    (2) II y a bien le n 18, manuscrit en belle onciale que l'on date du vme-ixe sicle, mais ces sortes de manuscrits destins l'usage liturgique reproduisent ou imitent parfois une criture plus ancienne, de sorte qu'il pourrait tre postrieur celui qui porte la date de 835.

    (3) P. G., IV, 617-668. R. Lnertz, Mlanges Peeters, II, 97, le place au plus tt en 821, au plus tard en 833.

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    la fte de saint Denys l'Aropagite, non pas au 3 octobre, mais au 4, et Hirothe n'est pas mentionn. Au n 11 (ixe-xe s.), saint Hiro- the est au 5 octobre. Spare de celle de saint Denys qui est au 3 octobre, cette date est trange. Je souponne une lacune : au 4 octobre devait tre Denys d'Alexandrie, qu'on aura mis part du 3 octobre pour viter qu'il ne ft compltement clips par son homonyme, mais cependant tout prs de son jour primitif; et de fait le mnologe de Basile (n 4 de notre liste) le met au 4 octobre. Ce mnologe garde Hirothe au 4 octobre, tout prs de Denys l'Aropagite : c'est sa place la plus frquente. En plus du n 11, Hirothe est aussi au 5 octobre au n 19 (xie s.). Par contre, dans les nos 6 et 7 (xne s.) et dans le Prolog (1), c'est Denys d'Alexandrie qui est au 5 octobre.

    C'est un autre systme qu'on voit employ au calendrier de Naples. Les deux Denys sont respectivement au 2 et au 3 octobre. Tous deux sont qualifis d'vques, sans indication distinctive. On peut difficilement douter que celui du 2 octobre soit l'Aropagite. Ainsi l'ont compris H. Delehaye (2) et le dernier savant qui a tudi le document, D. Mallardo (3).

    Enfin, le systme le plus commun, celui qui finira par l'emporter est l'association des deux Denys au mme jour, le 3 octobre, Hirothe tant au 4. Mais avec le temps, l'Aropagite avait acquis tant d'autorit et de prestige, il avait pris des proportions telles que Denys le Grand en devenait petit. L'association le diminuait. Pratiquement il serait vinc.

    Ces variantes concernant la dtermination des jours de fte des saints Denys et Hirothe dans le calendrier byzantin achvent de montrer que la date du 3 octobre appartenait primitivement saint Denys d'Alexandrie, et que celui-ci est bien le Denys qui figure dans le calendrier de Morcelli.

    Il est instructif en outre d'examiner la manire dont s'est fait le choix des lectures vangliques pour les nouvelles ftes.

    A la fte de Denys d'Alexandrie, le mnologe de Morcelli propose, comme nous l'avons dit, deux vangiles. Le premier est celui des batitudes, se terminant par la batitude des perscutions pour le Christ. La convenance du choix apparat parce que le saint vque a souffert la perscution et l'exil pour la foi chrtienne. Le second commence par la parabole du marchand qui, en qute de belles perles,

    (1) Nom donn au synaxaire slave. La premire dition est de 1641. (2) Voir rfrence dans le tableau (n. 31). (3) D. Mallardo, U calendario marmoreo di Napoli, Roma, 1947, p. 156.

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    a tout donn pour acheter l'excellente qu'il a trouve; la lecture se poursuit par la parabole du filet jet dans la mer et se termine par l'loge du scribe instruit dans le royaume des cieux qui tire de son trsor choses nouvelles et anciennes. Cette fin est pour rappeler la science et les crits du saint vque; et par l est suffisamment expliqu le choix de la lecture. Mais le dbut peut avoir aussi une signification propre : elle peut fort bien faire allusion la lgende rapporte par le synaxaire jacobite (n 6), savoir que Denys, philosophe paen, acheta grand prix d'une femme chrtienne les crits de l'Aptre saint Paul et fut amen par leur lecture la foi du Christ qu'il devait plus tard enseigner son tour.

    On trouva que ces mmes lectures vangliques pouvaient s'appliquer aussi l'Aropagite. On les conserva en les lui consacrant, et ainsi le transfert de la solennit de l'un l'autre Denys se fit pour ainsi dire insensiblement. La seconde lecture convenait l'Aropagite cause de sa conversion : il a trouv la perle prcieuse qu'est le Christ; et cause de sa science qui parat dans les crits mis sous son nom, il est le matre qui tire de son trsor choses nouvelles et anciennes. La premire lecture, celle des batitudes, ne peut lui convenir qu' titre de martyr. Mais cette qualit ne lui est jamais donne dans l'antiquit; elle ne se voit pas en tte de ses crits supposs. La prface de Jean de Scytho- polis ne la signale pas non plus. Mais il se peut que cette qualit lui ait dj t attribue avant son introduction dans le calendrier des ftes, soit par superposition avec le Denys de Paris, soit autrement. Et ainsi l'vangile des batitudes pouvait convenir aussi l'Aropagite.

    Si les lectures vangliques de la fte de saint Denys d'Alexandrie ont t utilises pour celle de son homonyme d'Athnes, leur application cependant ne s'est pas faite d'une manire uniforme.

    Seul, parmi les vangliaires que j'ai pu consulter par le moyen des ditions et des descriptions, le n 11 de notre tableau applique les deux lectures l'Aropagite. Le plus souvent, on ne lui en applique qu'une, celle de la perle prcieuse, se terminant par le scribe instruit dans le royaume des cieux (nos 2, 12, 20, 22, 23), et c'est celle qui a subsist jusqu' nos jours. Mais les nos 14 et 15 lui appliquent la lecture des batitudes et rservent l'autre Hirothe, cause videmment de la finale (le scribe instruit dans le royaume des cieux). Ailleurs (nos 11, 17, 22), Hirothe ne reoit ni l'une ni l'autre de ces lectures, mais une diffrente que l'imprcision et le manque de concordance des rfrences m'empche d'identifier.

    Le cas du n 18 (Kanonarion du Sina) est nigmatique. Il donne

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    l'Aropagite un vangile propre, celui de Luc, 21, 12-19, o Jsus prdit les perscutions des disciples. Si tel tait vraiment l'tat premier du texte, cela signifierait qu'on a conserv Denys d'Alexandrie ses propres lectures et trouv une lecture spciale pour Denys l'Aropagite, prise de sa qualit suppose de martyr. Mais on ne voit aucune trace de Denys d'Alexandrie dans ce typicon. Et c'est ce qui me fait penser, avec le caractre isol de cette lecture pour l'Aropagite, une lacune dans le texte. Je souponne que dans ce libell : , on a oubli aprs le mot tout un passage commenant par et contenant une des deux lectures ou les deux lectures de cet vangliste, dont l'application se faisait l'Aropagite, comme dans le n 11. Le texte omis de Mathieu devait finir par et se raccorder ainsi . En ce cas, la lecture vanglique de Luc, 21, 12-19, devait tre attribue soit Denys d'Alexandrie, report au 4 octobre, et priv de ses anciennes lectures; soit aux saints Diomde et Diogne, qu'on voit marqus galement au 4 octobre dans le n 11.

    Ainsi donc, leur tour, les lectures vangliques, par leur diversit, tant pour Hirothe que pour Denys l'Aropagite, sont aussi un indice que la fte du converti de saint Paul a t tablie postrieurement celle de Denys d'Alexandrie. Place le mme jour la faveur de l'homonymie, elle s'en est appropri, sous le mme couvert, les lectures vangliques : et le nouveau Denys a pris pratiquement dans la liturgie, par une sorte de substitution, la place de l'ancien.

    * * *

    Arriv au terme de notre recherche, dgageons-en le rsultat. Selon E. H., nous l'avons vu, la fte de saint Denys l'Aropagite qui, tant dans la liturgie byzantine que dans la liturgie monophysite, se trouve au 3 octobre, a t mise cette date pour tre auprs de celle de Hirothe, qui est au 4 octobre;, et la fte de Hirothe a t place au 4 octobre, parce que Jean l'Eunuque, le compagnon mystique de Pierre l'Ibrien, est mort ce jour-l : circonstance utilise pour l'identification du Pseudo-Denys avec Pierre l'Ibrien. Selon E. H. encore, ces dates liturgiques appartiennent originairement aux monophysites, et c'est d'eux que les ont reues les chalcdoniens.

    L'enqute que nous avons faite travers les manuscrits liturgiques a montr d'abord que la tradition monophysite n'est pas uniforme sur ces dates; ensuite que la tradition manuscrite byzantine est de

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    plusieurs sicles antrieure la tradition manuscrite monophysite, qui se trouve muette dans tous les manuscrits connus antrieurs au xine sicle; et enfin que les dates du 3 et du 4 octobre pour les saints Denys et Hirothe dans le calendrier byzantin ont, chez les Byzantins mme, une explication propre tire de la fte du 3 octobre de saint Denys d'Alexandrie. Il est par l ais de conclure, puisque les monophysites ont pour ces saints des dates diverses, que l o ils ont leurs dates communes avec les Byzantins, c'est d'eux qu'il les tiennent. Et il est justement remarquer que ces dates se rencontrent prcisment chez les monophysites qui ont t le plus en contact avec les. sphres byzantines, c'est--dire ceux de Syrie, ce qui eut lieu surtout aprs la reconqute de ce pays par les Byzantins. Les monophysites d'Egypte, qui ont beaucoup moins subi cette influence, ne connaissent pas ces dates du 3 et du 4 octobre pour Denys et Hirothe. Leurs ftes, l o elles apparaissent, sont respectivement au 20 octobre (par confusion ou concurrenc entre Denys de Corinthe) et au 16 avril. Ces monophysites auront eu assez naturellement, de leur ct, tout comme les Byzantins, l'ide d'honorer l'Aropagite. Ainsi s'expliquent leurs dates propres qui n'ont rien faire, on le voit, avec Jean l'Eunuque. Il en est de mme des monophysites de Syrie; de l la divergence d'avec les Byzantins qu'on remarque dans le calendrier de Rabban Sliba (n 9). Il place la fte de l'Aropagite au 19 novembre : elle devait exister dj dans son milieu avant qu'y ft connu le synaxaire byzantin; mais il a celle de Hirothe au 4 octobre : c'est qu'elle y manquait prcdemment.

    Pour les thiopiens, nous devons nous borner constater, sans pouvoir en prciser les raisons, qu'ils ont davantage que les Coptes reu l'influence byzantine (nos 2, 8, 12).

    Rsumons aussi nos rsultats sur l'origine de la fte l'intrieur de l'glise byzantine.

    Vers le milieu du vine sicle, le mnologe de Morcelli ignore la fte d'e saint Denys l'Aropagite et indique au 3 octobre celle de saint Denys d'Alexandrie. A la fin du vine sicle ou au dbut du ixe, saint Denys l'Aropagite est introduit dans le calendrier des ftes. L'homonymie fait qu'on le place auprs de Denys d'Alexandrie. Mais cela n'a pas lieu uniformment.

    Le mode de beaucoup le plus frquent, et peu prs gnral, est qu'on lui a donn comme jour de fte celui mme de Denys d'Alexandrie; et c'est lui que ce jour est principalement consacr. Les van- gliaires ne connaissent plus le Denys gyptien; les textes qui lui

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    taient assigns le sont maintenant l'Aropagite, c'est--dire soit l'une, soit l'autre des deux lectures vangliques, soit l'une et l'autre, entre lesquelles le choix est offert.

    Hors ce mode, il en est deux autres qu'on rencontre rarement. On a mis l'Aropagite ou immdiatement aprs ou immdiatement avant le 3 octobre, conserv Denys d'Alexandrie. Immdiatement aprs, c'est le cas du n 35, qui concerne l'usage des Melchites au xie sicle; mais ils ont d videmment le recevoir des milieux byzantins, peut- tre les mmes qui ont mis Hirothe au jour suivant, 5 octobre. Immdiatement avant, c'est le tmoignage du calendrier de Naples.

    Quant Hirothe, il est entr dans le calendrier byzantin dans le sillage de l'Aropagite. Trs habituellement plac au 4 octobre, la suite de son disciple au 3, on le voit cependant au 5 octobre dans les nos 11 (ixe-xe s.) et 19 (xie s.), ou bien spar de l'Aropagite par Denys d'Alexandrie au 4 octobre, ou bien tant prcd immdiatement par son associ, mis au 4 octobre.

    Le grand sacrifi dans ce mouvement liturgique est Denys d'Alexandrie. Soit au 3 octobre, soit au 4 octobre, si on l'y repousse, il est vinc ou par l'Aropagite ou par Hirothe : il ne tient plus qu'une place secondaire qui s'amenuise. Et s'il est report au 5 (nos 6, 7 et Prolog slave, lre d., 1641), il n'y est toujours qu' la suite d'autres saints.

    V. Grumel.

    P. -S. Cet article tait compos quand j'ai eu connaissance de l'tude de dorn H. Engberding, Kann Petrus der Iberer mit Dionysius Areopagita identifiert werden? paru dans Oriens Christianus, 38, 1954, p. 68-95. Le savant auteur tudie dans le dtail les mnologes mono- physites allgus par E. H. Il n'a pas de peine nous y montrer pour le mois d'octobre et l'opration aboutirait au mme rsultat pour les autres mois , une forte proportion de saints propres au calendrier byzantin. C'est de ce flot d'emprunts que font naturellement partie les ftes de Denys au 3 octobre et de Hirothe au 4 octobre, cette dernire date tant explique par celle de Denys, selon la coutume byzantine de clbrer la fte du saint secondaire le jour qui suit la fte du saint principal : chose que prcisment n'observent pas, contrairement l'hypothse de E. H., plusieurs calendriers monophysites.

    Malgr certains points de contact invitables, on conviendra sans peine, je pense, que notre travail ne fait pas double emploi avec le sien, et garde son utilit propre.

    V. G.

    InformationsInformations sur V. GrumelCet article cite :Stphanou E. Les derniers essais d'identification du Pseudo-Denys l'Aropagite. In: chos d'Orient, 35e anne, N168, 1932. pp. 446-469.

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    PlanI. Sur un essai d'identification : Pierre l'Ibrien1. L'argument historico-thologique2. L'argument liturgiqueManuscrits grecsManuscrits slavesDocuments latinsManuscrits arabesDocument arabe musulmanCalendriers monophysites

    II. Aux origines de la fte de saint Denys l'Aropagite