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LE JOURNAL DU THÉÂTRE DE CAROUGE - ATELIER DE GENÈVE NUMÉRO 2 – SAISON 2016-2017 TCAG.CH / +41 22 343 43 43 KARAMAZOV D’APRÈS LES FRÈRES KARAMAZOV DE FÉDOR DOSTOÏEVSKI MISE EN SCÈNE DE JEAN BELLORINI fig. 2 Du mardi 1 er au dimanche 13 novembre 2016 Salle François-Simon | Durée 4h avec entracte | À partir de 12 ans Horaires exceptionnels: du mardi au samedi 19h | dimanche 17h | relâche le lundi Une aventure théâtrale à ne pas manquer ! Jean Bellorini nous embarque dans l’un des chefs-d’œuvre absolu de la littérature russe avec sa troupe de comédiens-musiciens-chanteurs. Une traversée mémorable qui ré- sonne comme un hymne à la vie. « Alexéi Fiodorovitch Karamazov était le troisième fils d’un propriétaire foncier de notre district, Fiodor Pavlo- vitch, dont la mort tragique, survenue il y a treize ans, fit beaucoup de bruit en son temps et n’est point encore oubliée. » Première ligne du roman et tout est dit. Un père va mourir et c’est un de ses fils qui commettra l’innommable. Dostoïevski, dans ce qui restera son chef-d’œuvre, déroule implacablement les mécanismes qui conduiront au drame. JEAN BELLORINI, LA CONTRADICTION ET LES INJUSTICES Dans les notions de Bien et de Mal, est-ce la question théologique, avec le principe de jugement, ou celle de la morale intime qui vous intéresse ? Ce qui est magnifique dans Les Frères Karamazov , c’est qu’on sonde profondément les deux. Plus que le Bien et le Mal, ce sont la Justice et l’Injustice qui sont au centre. Et surtout : quelle justice ? L’intime – ce que l’on croit, ce que l’on accepte – devient aussi important que la religion. Ce qui m’intéresse, c’est la contradiction : comment en tant qu’être forcément petit dans l’im- mense monde, on se trompe et on meurt de culpabilité – c’est le cas de l’enfant Ilioucha, qui découvre le sen- timent de la faute en donnant à un chien une boule de pain qui contient une aiguille –, et comment, d’un autre côté, quand on croit faire les bons choix, comme Alexeï Karamazov, quand on s’applique à être honnête, on appartient quand même à une société qui ne l’est pas. Pour Dostoïevski, la figure de Jésus est centrale, mais cela je m’en moque car ce qui compte c’est l’image de la religion : Dieu accepte de s’incarner puis de nous aban- donner. Le salut ne se rachète pas, c’est un mensonge. C’est cette opposition qui raconte l’injustice citoyenne et l’injustice divine. Il n’y a justice sur aucun des plans. Ce triste état du monde correspond-il selon vous au nôtre ? Oui, complètement. Cette violence et ce vide nous en- tourent aujourd’hui. Sans une transformation de l’édu- cation, si les choses restent telles qu’elles sont, on ne va que vers le cynisme et l’insouciance de toute forme de justice humaine. Ce n’est plus ce qui nous façonne. Tout est possible, tout est décomplexé et tout arrive ; et ce dans toutes les sociétés. Sauf peut-être au théâtre, dont on sort meilleur, « moins pire », en tout cas recons- truit parce qu’on a partagé quelque chose qui n’est ni politique – parce que tout y est pervers –, ni religieux – parce que tout y est fou –, ni moral. J’aurais pu nommer mon spectacle Ivan, parce que dans le roman, c’est lui le vrai mystique, celui dont l’esprit s’enflamme tout d’un coup. Aliocha se fait embrigader un peu facilement, il se fait avoir et entame ensuite une quête mais sans ja- mais se défaire du doute. Ce qui me nourrit beaucoup, c’est que Dostoïevski pensait créer une suite aux Frères Karamazov. André Markowicz m’a appris qu’Aliocha y serait revenu en terroriste pour renverser l’empire. C’est quand même très troublant de se dire que ce par- cours de bonté, d’innocence, donnerait l’impulsion d’un tel revirement. C’est le génie de la fresque qui, soi-di- sant, dessine des archétypes pour qu’on se reconnaisse dans l’un d’eux et qui, en fait, nous fait nous voir dans tous. C’est cette humanité, en large, qui est intéres- sante et riche. La choralité est souvent au centre de vos mises en scène. Pourquoi ? « L’individu ne compte-t-il pas » ? C’est à ce moment que l’individu compte le plus ; celui qui entend. Quand le chœur prend forme, le spectateur n’est plus pris dans une masse. J’inverse le schéma ha- bituel qui place un groupe de spectateurs dans la salle et des individus sur scène. Avec le chœur sur le plateau, chacun, en face, se sent plus vivant. Propos recueillis par Marion Canelas LES RENDEZ-VOUS LE VENDREDI 4 NOVEMBRE 2016 DE 12H À 14H Uni Bastions, Auditoire B108, 1 er étage (rue De Candolle 5, 1211 Genève 4) Rencontre autour des Frères Karamazov avec André Markowicz, Jean Bellorini, Camille de La Guillonnière, Jean-Philippe Jaccard et Éric Eigenmann Entrée libre, sans réservation LE JEUDI 17 NOVEMBRE 2016 DE 12H À 14H Salle François-Simon Rencontre avec Franz-Olivier Giesbert En collaboration avec la Société de Lecture Participation aux frais CHF : membres 25.–, non-membres 40.– et étudiants 10.– Réservations : [email protected] LES PROCHAINS SPECTACLES DU 24 AU 27 NOVEMBRE 2016 Dimitrigénérations Salle François-Simon Réservations : +41 22 343 43 43 La Famille Dimitri poursuit le chemin ouvert par son fondateur décédé cet été. Un moment de cirque emprunt de la mémoire du clown au grand cœur qui a ému plusieurs générations. DU 6 AU 18 DÉCEMBRE 2016 Les affaires sont les affaires D’Octave Mirbeau Mise en scène de Claudia Stavisky Salle François-Simon Réservations : +41 22 343 43 43 Une comédie de mœurs au vitriol, une pièce qui regarde en face l’avènement d’un système économique et financier se basant sur le gangstérisme légalisé. La plus moliéresque des œuvres de Mirbeau. OFFRE AUX ABONNÉS DU THÉÂTRE DE CAROUGE Pour la deuxième année, le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève et le Théâtre de Vidy croisent leurs spectacles en proposant à leurs abonnés des tarifs préférentiels et une navette gratuite afin d'encourager les échanges de public entre Genève et Lausanne. Le mercredi 30 novembre, les abonnés du Carouge pourront aller découvrir le Dom Juan de Molière mis en scène par Jean-François Sivadier qui explore la capacité du théâtre à faire rêver autant qu’à penser. Navette gratuite au départ de la Place de Neuve à 17h50 Informations et réservations : www.vidy.ch | +41 21 619 45 45 Avec François Deblock, Mathieu Delmonté, Karyll Elgrichi, Jean-Christophe Folly, Jules Garreau, Camille de La Guillonnière, Jacques Hadjaje, Blanche Leleu, Clara Mayer, Teddy Melis, Emmanuel Olivier, Marc Plas, Benoit Prisset, Geoffroy Rondeau et un enfant Traduction André Markowicz, Adaptation Jean Bellorini et Camille de La Guillonnière, Scénographie et lumière Jean Bellorini, Costumes et accessoires Macha Makeïeff, Musique Jean Bellorini, Michalis Boliakis et Hugo Sablic, Son Sébastien Trouvé, Coiffures et maquillages Cécile Krestchmar, Assistanat à la mise en scène Mélodie-Amy Wallet. Le texte est publié aux Éditions Actes Sud, collection Babel Équipe technique du Théâtre de Carouge-Atelier de Genève Michel Croptier Cintrier, Christophe de la Harpe Direction technique Grégoire de Saint Sauveur Régie plateau, Phi- lippe Dunant Technicien lumière, Ian Durrer Montage du décor et vidéo, Simon George Régie plateau et technicien son, Gautier Janin Régie son, Luca Orlandini Montage du décor, Eusébio Paduret Régie lumière, José Pires Liberato Montage du décor, Cédric Rauber Montage du décor, Thomas Rebou Montage lumière, Christophe Reichel Montage du décor, Jean-Philippe Roy Montage lumière, Manu Rutka Régie son, Dominique Tavier Montage du décor, Ferat Ukshini Montage du décor, Cécile Vercaemer-Inglès Habilleuse Production Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis Coproduction Festival d’Avignon, La Criée-Théâtre national de Marseille, Théâtre de Carouge-Atelier de Genève, Scène nationale du Sud-Aquitain – Bayonne, Théâtre de Caen, Théâtre Firmin Gémier / La Piscine – pôle national des Arts du cirque d’Antony et de Châ- tenay-Malabry, Opéra de Massy, Comédie de Clermont-Ferrand – scène nationale, Maison de la Culture d’Amiens - Centre européen de création et de production, Maison des Arts André Malraux scène Nationale de Créteil et du Val de Marne, Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau, Grand R – Scène nationale de la Roche-sur-Yon, Les Treize Arches-Scène conventionnée de Brive, Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne – scène nationale de l’Oise en préfiguration. Avec le soutien du Département de la Seine-Saint-Denis et de la Région Île-de-France. ANDRÉ MARKOWICZ ; DOSTOÏEVSKI ET LE SCANDALE DE LA TENTATION Les « Karamazov », dès le début de mon entreprise, j'ai su que ce serait le dernier roman que je tradui- rais pas seulement parce que c’était le dernier de Dostoïevski, mais parce qu’il était insupportable réellement. Je veux dire qu’il était tellement puis- sant, et tellement dur, que le traduire ne pouvait être que l’aboutissement d’un travail de dix ans, en fait, comme si toute l’énergie accumulée par ces dix ans, ou pendant ces dix ans, devait se résoudre là, pour ces presque mille cinq cent pagesEn traduisant, j’essaie de faire attention aux bizar- reries, aux tournures théoriquement impropres. Je me dis que, justement, ce sont ces « erreurs » qui peuvent construire une interprétation. Et comment s’orienter dans cette immensité ? Comment trouver ne serait-ce qu’une piste pour entrer à l’intérieur — je veux dire pour reconstruire le poème, la structure profonde ? Le mot qui m’a guidé, au bout d’un certain temps — je dirais d’un temps certain — de tâtonnements, c’est, je l’explique dans ma préface, le mot « soblazn ». Ce mot, il veut dire « tentation », et il y a deux tenta- tions dans la langue russe : la tentation venue de l’ex- térieur, qu’on appelle « iskouchénié », et, l’autre, celle qui vient de l’intérieur de soi, et qui porte une nuance de séduction, comme si quelque chose, de l’extérieur Le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève remercie ses subventionneurs la République et Canton de Genève, la Ville de Carouge son partenaire principal JTI, ses partenaires de création la Fondation Leenaards, le Service culturel Migros Genève les initiatives et entreprises avec lesquelles il collabore la Ville de Genève, Teo Jakob SA, la Carte 20 ans / 20 francs, le Chéquier culture, le Kiosque culturel du CAGI à l’ONUG, les TPG, Unireso, le Fonds intercommunal des communes genevoises Un remerciement particulier aux entreprises et aux communes membres du Club des 50 qui ont décidé de soutenir les activités du Théâtre ainsi qu’à ses partenaires culturels. Direction artistique SO2DESIGN / so2design.ch Photographie verso Sandra Pointet / localf11.ch Photos Karamazov Victor Tonelli et Pascal Victor Photo EXEM DR Responsable de projet Jane Carton Tiré à 6’500 exemplaires par Moléson Impressions / www.molesonimpressions.ch venait, soudain, faire écho à autre chose, de très profond, et de très dangereux, qui est en nous. Oui, « soblazn », c’est la tentation intérieure. Or, chez Dos- toïevski, ce mot est synonyme de scandale. C’est au moment de la mort du starets Zossima, que tout le monde prend pour un saint, et dont on attend des miracles une fois qu’il est mort, et, dit le narrateur : « Cette grande attente des croyants, exprimée d’une façon si précipitée, si nue, avec, même, cette impa- tience, comme quasiment une exigence, le père Païs- sy la voyait comme une tentation avérée, et, il devait l’avoir pressentie depuis longtemps, dans les faits, elle était plus puissante qu’il ne l’avait imaginé. » Le mot « soblazn », ici, est employé à bon escient : oui, c’est une tentation que de vouloir exiger un mi- racle, même d’un saint. Mais le fait est que ce mot revient quand l’assistance, tous les moines réunis et tous les visiteurs, se rendent compte que le ca- davre du starets pueet qu’il pue très très vite. Et qu’il fallait faire quelque chose avec cette « odeur de décomposition »… DES JUMEAUX AUX FRÈRES, LE THÉÂTRE DE CAROUGE ET EXEM, UNE HISTOIRE DE FAMILLE « Il y a deux ans, pour le deuxième volet de la rétrospective de mes affiches, un premier parte- nariat avec le Théâtre de Carouge m’avait permis d’y présenter les grands formats et, faveur insigne, m’avait offert d’inaugurer les interventions d’artistes sur le grand mur qui ferme la salle de spectacle. Le sujet en était Les Jumeaux vénitiens de Goldoni, et cela m’avait donné l’occa- sion de faire danser une farandole de jumeaux en pratiquant un de mes sports favoris, celui consistant à jouer avec les ef- fets de miroirs, de reflets et d’échos. Ce nouveau partenariat a lieu cette fois autour du sixième vo- let de ma rétrospective. Il couvre les années 2007 à 2010 et notamment une commande marquante pour la compagnie aé- rienne Baboo, défunte aujourd’hui, d’où le titre Embarquement immédiat. Et comme avec le Théâtre de Carouge un bonheur ne vient ja- mais seul, une nouvelle fresque est au menu des retrouvailles, cette fois autour du spectacle Karamazov . Au moment où j’écris ces mots, je relis le roman de Dostoïevski et j’ignore encore sous quel angle attaquer le sujet. Sans doute, comme il y a deux ans où je lorgnais du côté d’Hergé, sera-ce en allant chercher du côté des grands classiques de la bande dessinée un écho à cet intimidant monument littéraire, mais un écho certainement un peu dérisoire et ironique. » Exem

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LE JOURNAL DU THÉÂTRE DE CAROUGE - ATELIER DE GENÈVE

N U M É R O 2 – S A I S O N 2 0 1 6 - 2 0 1 7

T C A G . C H / + 4 1 2 2 3 4 3 4 3 4 3

KARAMAZOVD’APRÈS LES FRÈRES KARAMAZOV DE FÉDOR DOSTOÏEVSKIMISE EN SCÈNE DE JEAN BELLORINI

fig. 2

Du mardi 1er au dimanche 13 novembre 2016Salle François-Simon | Durée 4h avec entracte | À partir de 12 ans

Horaires exceptionnels : du mardi au samedi 19h | dimanche 17h | relâche le lundi

Une aventure théâtrale à ne pas manquer ! Jean Bellorini nous embarque dans l’un des chefs-d’œuvre absolu de la littérature russe avec sa troupe de comédiens-musiciens-chanteurs. Une traversée mémorable qui ré-sonne comme un hymne à la vie.

« Alexéi Fiodorovitch Karamazov était le troisième fils d’un propriétaire foncier de notre district, Fiodor Pavlo-vitch, dont la mort tragique, survenue il y a treize ans, fit beaucoup de bruit en son temps et n’est point encore oubliée. » Première ligne du roman et tout est dit. Un père va mourir et c’est un de ses fils qui commettra l’innommable. Dostoïevski, dans ce qui restera son chef-d’œuvre, déroule implacablement les mécanismes qui conduiront au drame.

JEAN BELLORINI, LA CONTRADICTION ET LES INJUSTICESDans les notions de Bien et de Mal, est-ce la question théologique, avec le principe de jugement, ou celle de la morale intime qui vous intéresse ?Ce qui est magnifique dans Les Frères Karamazov, c’est qu’on sonde profondément les deux. Plus que le Bien et le Mal, ce sont la Justice et l’Injustice qui sont au centre. Et surtout : quelle justice ? L’intime – ce que l’on croit, ce que l’on accepte – devient aussi important que la religion. Ce qui m’intéresse, c’est la contradiction : comment en tant qu’être forcément petit dans l’im-mense monde, on se trompe et on meurt de culpabilité – c’est le cas de l’enfant Ilioucha, qui découvre le sen-timent de la faute en donnant à un chien une boule de pain qui contient une aiguille –, et comment, d’un autre côté, quand on croit faire les bons choix, comme Alexeï Karamazov, quand on s’applique à être honnête, on appartient quand même à une société qui ne l’est pas. Pour Dostoïevski, la figure de Jésus est centrale, mais cela je m’en moque car ce qui compte c’est l’image de la religion : Dieu accepte de s’incarner puis de nous aban-donner. Le salut ne se rachète pas, c’est un mensonge. C’est cette opposition qui raconte l’injustice citoyenne et l’injustice divine. Il n’y a justice sur aucun des plans.

Ce triste état du monde correspond-il selon vous au nôtre ?Oui, complètement. Cette violence et ce vide nous en-tourent aujourd’hui. Sans une transformation de l’édu-cation, si les choses restent telles qu’elles sont, on ne va que vers le cynisme et l’insouciance de toute forme de justice humaine. Ce n’est plus ce qui nous façonne.

Tout est possible, tout est décomplexé et tout arrive ; et ce dans toutes les sociétés. Sauf peut-être au théâtre, dont on sort meilleur, « moins pire », en tout cas recons-truit parce qu’on a partagé quelque chose qui n’est ni politique – parce que tout y est pervers –, ni religieux – parce que tout y est fou –, ni moral. J’aurais pu nommer mon spectacle Ivan, parce que dans le roman, c’est lui le vrai mystique, celui dont l’esprit s’enflamme tout d’un coup. Aliocha se fait embrigader un peu facilement, il se fait avoir et entame ensuite une quête mais sans ja-mais se défaire du doute. Ce qui me nourrit beaucoup, c’est que Dostoïevski pensait créer une suite aux Frères Karamazov. André Markowicz m’a appris qu’Aliocha y serait revenu en terroriste pour renverser l’empire. C’est quand même très troublant de se dire que ce par-cours de bonté, d’innocence, donnerait l’impulsion d’un tel revirement. C’est le génie de la fresque qui, soi-di-sant, dessine des archétypes pour qu’on se reconnaisse dans l’un d’eux et qui, en fait, nous fait nous voir dans tous. C’est cette humanité, en large, qui est intéres-sante et riche.

La choralité est souvent au centre de vos mises en scène. Pourquoi ? « L’individu ne compte-t-il pas » ?C’est à ce moment que l’individu compte le plus ; celui qui entend. Quand le chœur prend forme, le spectateur n’est plus pris dans une masse. J’inverse le schéma ha-bituel qui place un groupe de spectateurs dans la salle et des individus sur scène. Avec le chœur sur le plateau, chacun, en face, se sent plus vivant.Propos recueillis par Marion Canelas

LES RENDEZ-VOUSLE VENDREDI 4 NOVEMBRE 2016 DE 12H À 14H Uni Bastions, Auditoire B108, 1er étage(rue De Candolle 5, 1211 Genève 4)Rencontre autour des Frères Karamazov avec André Markowicz, Jean Bellorini, Camille de La Guillonnière, Jean-Philippe Jaccard et Éric EigenmannEntrée libre, sans réservation

LE JEUDI 17 NOVEMBRE 2016 DE 12H À 14H Salle François-SimonRencontre avec Franz-Olivier Giesbert En collaboration avec la Société de LectureParticipation aux frais CHF : membres 25.–, non-membres 40.– et étudiants 10.–Réservations : [email protected]

LES PROCHAINS SPECTACLESDU 24 AU 27 NOVEMBRE 2016DimitrigénérationsSalle François-SimonRéservations : +41 22 343 43 43

La Famille Dimitri poursuit le chemin ouvert par son fondateur décédé cet été. Un moment de cirque emprunt de la mémoire du clown au grand cœur qui a ému plusieurs générations.

DU 6 AU 18 DÉCEMBRE 2016Les affaires sont les affairesD’Octave MirbeauMise en scène de Claudia StaviskySalle François-SimonRéservations : +41 22 343 43 43

Une comédie de mœurs au vitriol, une pièce qui regarde en face l’avènement d’un système économique et financier se basant sur le gangstérisme légalisé. La plus moliéresque des œuvres de Mirbeau.

OFFRE AUX ABONNÉS DU THÉÂTRE DE CAROUGEPour la deuxième année, le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève et le Théâtre de Vidy croisent leurs spectacles en proposant à leurs abonnés des tarifs préférentiels et une navette gratuite afin d'encourager les échanges de public entre Genève et Lausanne.

Le mercredi 30 novembre, les abonnés du Carouge pourront aller découvrir le Dom Juan de Molière mis en scène par Jean-François Sivadier qui explore la capacité du théâtre à faire rêver autant qu’à penser.Navette gratuite au départ de la Place de Neuve à 17h50Informations et réservations : www.vidy.ch | +41 21 619 45 45

Avec François Deblock, Mathieu Delmonté, Karyll Elgrichi, Jean-Christophe Folly, Jules Garreau, Camille de La Guillonnière, Jacques Hadjaje, Blanche Leleu, Clara Mayer, Teddy Melis, Emmanuel Olivier, Marc Plas, Benoit Prisset, Geoffroy Rondeau et un enfant

Traduction André Markowicz, Adaptation Jean Bellorini et Camille de La Guillonnière, Scénographie et lumière Jean Bellorini, Costumes et accessoires Macha Makeïeff, Musique Jean Bellorini, Michalis Boliakis et Hugo Sablic, Son Sébastien Trouvé, Coiffures et maquillages Cécile Krestchmar, Assistanat à la mise en scène Mélodie-Amy Wallet. Le texte est publié aux Éditions Actes Sud, collection Babel

Équipe technique du Théâtre de Carouge-Atelier de GenèveMichel Croptier Cintrier, Christophe de la Harpe Direction technique Grégoire de Saint Sauveur Régie plateau, Phi-lippe Dunant Technicien lumière, Ian Durrer Montage du décor et vidéo, Simon George Régie plateau et technicien son, Gautier Janin Régie son, Luca Orlandini Montage du décor, Eusébio Paduret Régie lumière, José Pires Liberato Montage du décor, Cédric Rauber Montage du décor, Thomas Rebou Montage lumière, Christophe Reichel Montage du décor, Jean-Philippe Roy Montage lumière, Manu Rutka Régie son, Dominique Tavier Montage du décor, Ferat Ukshini Montage du décor, Cécile Vercaemer-Inglès Habilleuse

Production Théâtre Gérard Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis Coproduction Festival d’Avignon, La Criée-Théâtre national de Marseille, Théâtre de Carouge-Atelier de Genève, Scène nationale du Sud-Aquitain –Bayonne, Théâtre de Caen, Théâtre Firmin Gémier / La Piscine – pôle national des Arts du cirque d’Antony et de Châ-tenay-Malabry, Opéra de Massy, Comédie de Clermont-Ferrand – scène nationale, Maison de la Culture d’Amiens - Centre européen de création et de production, Maison des Arts André Malraux scène Nationale de Créteil et du Val de Marne, Scène nationale de Sète et du Bassin de Thau, Grand R – Scène nationale de la Roche-sur-Yon, Les Treize Arches-Scène conventionnée de Brive, Espace Jean Legendre – Théâtre de Compiègne – scène nationale de l’Oise en préfiguration. Avec le soutien du Département de la Seine-Saint-Denis et de la Région Île-de-France.

ANDRÉ MARKOWICZ ; DOSTOÏEVSKI ET LE SCANDALE DE LA TENTATIONLes « Karamazov », dès le début de mon entreprise, j'ai su que ce serait le dernier roman que je tradui-rais — pas seulement parce que c’était le dernier de Dostoïevski, mais parce qu’il était insupportable réellement. Je veux dire qu’il était tellement puis-sant, et tellement dur, que le traduire ne pouvait être que l’aboutissement d’un travail de dix ans, en fait, comme si toute l’énergie accumulée par ces dix ans, ou pendant ces dix ans, devait se résoudre là, pour ces presque mille cinq cent pages…

En traduisant, j’essaie de faire attention aux bizar-reries, aux tournures théoriquement impropres. Je me dis que, justement, ce sont ces « erreurs » qui peuvent construire une interprétation. Et comment s’orienter dans cette immensité ? Comment trouver ne serait-ce qu’une piste pour entrer à l’intérieur — je veux dire pour reconstruire le poème, la structure profonde ?

Le mot qui m’a guidé, au bout d’un certain temps — je dirais d’un temps certain — de tâtonnements, c’est, je l’explique dans ma préface, le mot « soblazn ». Ce mot, il veut dire « tentation », et il y a deux tenta-tions dans la langue russe : la tentation venue de l’ex-térieur, qu’on appelle « iskouchénié », et, l’autre, celle qui vient de l’intérieur de soi, et qui porte une nuance de séduction, comme si quelque chose, de l’extérieur

Le Théâtre de Carouge-Atelier de Genève remercie ses subventionneurs la République et Canton de Genève, la Ville de Carouge son partenaire principal JTI, ses partenaires de création la Fondation Leenaards, le Service culturel Migros Genève les initiatives et entreprises avec lesquelles il collabore la Ville de Genève, Teo Jakob SA, la Carte 20 ans / 20 francs, le Chéquier culture, le Kiosque culturel du CAGI à l’ONUG, les TPG, Unireso, le Fonds intercommunal

des communes genevoises Un remerciement particulier aux entreprises et aux communes membres du Club des 50 qui ont décidé de soutenir les activités du Théâtre ainsi qu’à ses partenaires culturels.Direction artistique SO2DESIGN / so2design.ch Photographie verso Sandra Pointet / localf11.ch Photos Karamazov Victor Tonelli et Pascal Victor Photo EXEM DR Responsable de projet Jane Carton

Tiré à 6’500 exemplaires par Moléson Impressions / www.molesonimpressions.ch

venait, soudain, faire écho à autre chose, de très profond, et de très dangereux, qui est en nous. Oui, « soblazn », c’est la tentation intérieure. Or, chez Dos-toïevski, ce mot est synonyme de scandale.

C’est au moment de la mort du starets Zossima, que tout le monde prend pour un saint, et dont on attend des miracles une fois qu’il est mort, et, dit le narrateur : « Cette grande attente des croyants, exprimée d’une façon si précipitée, si nue, avec, même, cette impa-tience, comme quasiment une exigence, le père Païs-sy la voyait comme une tentation avérée, et, il devait l’avoir pressentie depuis longtemps, dans les faits, elle était plus puissante qu’il ne l’avait imaginé. »

Le mot « soblazn », ici, est employé à bon escient : oui, c’est une tentation que de vouloir exiger un mi-racle, même d’un saint. Mais le fait est que ce mot revient quand l’assistance, tous les moines réunis et tous les visiteurs, se rendent compte que le ca-davre du starets pue… et qu’il pue très très vite. Et qu’il fallait faire quelque chose avec cette « odeur de décomposition »…

DES JUMEAUX AUX FRÈRES, LE THÉÂTRE DE CAROUGE ET EXEM, UNE HISTOIRE DE FAMILLE« Il y a deux ans, pour le deuxième volet de la rétrospective de mes affiches, un premier parte-nariat avec le Théâtre de Carouge m’avait permis d’y présenter les grands formats et, faveur insigne, m’avait offert d’inaugurer les interventions d’artistes sur le grand mur qui ferme la salle de spectacle. Le sujet en était Les Jumeaux vénitiens de Goldoni, et cela m’avait donné l’occa-sion de faire danser une farandole de jumeaux en pratiquant un de mes sports favoris, celui consistant à jouer avec les ef-fets de miroirs, de reflets et d’échos.Ce nouveau partenariat a lieu cette fois autour du sixième vo-let de ma rétrospective. Il couvre les années 2007 à 2010 et notamment une commande marquante pour la compagnie aé-rienne Baboo, défunte aujourd’hui, d’où le titre Embarquement immédiat.Et comme avec le Théâtre de Carouge un bonheur ne vient ja-mais seul, une nouvelle fresque est au menu des retrouvailles, cette fois autour du spectacle Karamazov.Au moment où j’écris ces mots, je relis le roman de Dostoïevski et j’ignore encore sous quel angle attaquer le sujet. Sans doute, comme il y a deux ans où je lorgnais du côté d’Hergé, sera-ce en allant chercher du côté des grands classiques de la bande dessinée un écho à cet intimidant monument littéraire, mais un écho certainement un peu dérisoire et ironique. »

Exem

Page 2: fig. 2 TCAG.CH / +41 22 343 43 43 KARAMAZOV …...LE JOURNAL DU THÉÂTRE DE CAROUGE - ATELIER DE GENÈVE NUMÉRO 2 – SAISON 2016-2017 TCAG.CH / +41 22 343 43 43 KARAMAZOV D’APRÈS

« VIVE KARAMAZOV ! »