ECHR Atallah and others v. France : application

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II - EXPOSÉ DES FAITS STATEMENT OF THE FACTS (Voir chapitre II de la note explicative) (See Part II of the Explanatory Note) 1. Maître Pierre-Georges Atallah, né le 10 avril 1943, à EL LEILAKA, au Liban, de nationalité libanaise, était avocat inscrit au barreau de Beyrouth domicilié à l'époque des faits rue Selim Bustros à TABARIS, BEYROUTH. Il était en son vivant marié à Madame Ariette Atallah, née Mouzannar, et père de trois enfants mineurs, Paola, l'aînée (17 ans), Géo, le cadet (16 ans) et Lynn, la benjamine (12 ans). Le dimanche 24 avril 1983, Maître Pierre-Georges Atallah circulait à Beyrouth au volant de son véhicule de couleur orange, de marque Austin « mini 1000 », immatriculée 309 036, retournant de son bureau à son domicile. Sur son trajet, Maître Pierre-Georges Atallah a du parcourir la rue de Damas en direction du stade de Chayla en provenance de la Place du Musée National. Il n'était ni armé, ni porteur d'objets dangereux. Il n'avait aucun engagement de quelque nature que ce soit et n'était d'ailleurs en aucune manière impliqué dans la guerre sinon pour la subir en sa qualité de citoyen libanais. Son épouse Madame Arlette Atallah, née Mouzannar a reçu un appel téléphonique, vers 19h30, l'informant de ce que Maître Pierre- Georges Atallah avait eu un "accident". Aucune autre précision ne lui a été donnée. Madame Ariette Atallah s'est rendue sur les lieux de l’accident indiqué par téléphone. Là, elle a été alors informée que son mari avait été transporté à l’hôpital militaire de Baabda, dans la banlieue de Beyrouth Arrivée sur les lieux, on l’informait alors qu’il n’y avait aucun accidenté de ce nom.(Il a été établi depuis qu'il avait en réalité eté transporté à l'Hopital des Pins - hôpital français ) . Elle a du retourner sur les lieux de l’accident avant d'être avisée de ce que son mari avait été transporté à l’Hôpital de l’Hôtel Dieu à Beyrouth.

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ECHR case Atallah and others v. France (51987/07)Application November 9th 2007 Lawyer : Me Bertrand Favreau

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II - EXPOSÉ DES FAITS STATEMENT OF THE FACTS

(Voir chapitre II de la note explicative) (See Part II of the Explanatory Note)

1. Maître Pierre-Georges Atallah, né le 10 avril 1943, à EL LEILAKA, au Liban, de nationalité libanaise, était avocat inscrit au barreau de Beyrouth domicilié à l'époque des faits rue Selim Bustros à TABARIS, BEYROUTH.

Il était en son vivant marié à Madame Ariette Atallah, née Mouzannar, et père de trois enfants mineurs, Paola, l'aînée (17 ans), Géo, le cadet (16 ans) et Lynn, la benjamine (12 ans).

Le dimanche 24 avril 1983, Maître Pierre-Georges Atallah circulait à Beyrouth au volant de son véhicule de couleur orange, de marque Austin « mini 1000 », immatriculée 309 036, retournant de son bureau à son domicile.

Sur son trajet, Maître Pierre-Georges Atallah a du parcourir la rue de Damas en direction du stade de Chayla en provenance de la Place du Musée National.

Il n'était ni armé, ni porteur d'objets dangereux.

Il n'avait aucun engagement de quelque nature que ce soit et n'était d'ailleurs en aucune manière impliqué dans la guerre sinon pour la subir en sa qualité de citoyen libanais.

Son épouse Madame Arlette Atallah, née Mouzannar a reçu un appel téléphonique, vers 19h30, l'informant de ce que Maître Pierre-Georges Atallah avait eu un "accident".

Aucune autre précision ne lui a été donnée.

Madame Ariette Atallah s'est rendue sur les lieux de l’accident indiqué par téléphone.

Là, elle a été alors informée que son mari avait été transporté à l’hôpital militaire de Baabda, dans la banlieue de Beyrouth

Arrivée sur les lieux, on l’informait alors qu’il n’y avait aucun accidenté de ce nom.(Il a été établi depuis qu'il avait en réalité eté transporté à l'Hopital des Pins - hôpital français ) .

Elle a du retourner sur les lieux de l’accident avant d'être avisée de ce que son mari avait été transporté à l’Hôpital de l’Hôtel Dieu à Beyrouth.

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Après de longues heures d'attente et de recherche pour comprendre où se trouve son mari, elle a finalement été informée de ce que son mari était mort.

Madame Mouzannar a voulu interroger des militaires français qui étaient présents a l’hôpital au cours de la nuit et notamment le commissaire de l’armée mais aucune réponse ne lui a été fournie.

On lui a simplement dit qu’il s’agissait d’un accident sans lui expliquer que des soldats français lui avaient tiré dessus.

Elle ne devait apprendre que le lendemain que Maître Pierre-Georges Atallah avait été abattu par deux soldats français de la force intérimaire des Nations Unies pour le Sud-Liban.

Il lui a été indiqué en outre que ceux-ci avaient été renvoyés en France au lendemain des faits.

Elle ne devait être admise à voir le corps de son mari que 3 jours après sa mort.

2. Dans le cadre de la force intérimaire des Nations Unies pour le Sud-Liban un contingent français a été mis en place au Liban en 1982 à la suite d’un accord passé entre les gouvernements libanais et français pour restaurer l’ordre public et assurer le maintien de la paix au Liban,

La FINUL a été établie en 1978 par le Conseil de sécurité pour confirmer le retrait des troupes israéliennes du sud du Liban, rétablir la paix et la sécurité internationales et aider le Gouvernement libanais à assurer le rétablissement de son autorité effective dans la région.

Selon le rapport établi par l'Armée Française, sous la signature de la Brigade Française prévôtale de Beyrouth, qui a recueilli les déclarations des auteurs du meurtre, le dimanche 24 avril 1983 le capitaine François Mioulet, militaire français, Commandant accompagné d'Eclairage et d'appui du 3ème- RIMA, aurait reçu l'ordre de mettre en place un poste de contrôle à Beyrouth Est, rue de Damas, devant le poste de commandement de la CEA (Compagnie d'éclairage et d'Appui).

Afin de réguler la circulation et de contrôler les voitures, un dispositif de barrages aurait été mis en place de la manière suivante:

au-sud, par le binôme composé des soldats Didier Seyer et Thierry Pingrenon,

au centre, par un chef de poste Eric Chauvin, le lieutenant Jacques Renaud, deux sentinelles et le capitaine Mioulet,

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au nord, par deux autres sentinelles.

Vers 18 heures 15, le lieutenant Jacques Renaud aurait reçu par radio l'ordre suivant:

« Arrêter, Aust in bleue imm atriculée 326 917, arrêter avec précaution personnel armé ».

C'est au moment où il passait devant la partie sud du prétendu dispositif d'intervention, que Maître Atallah a été mortellement blessé par des projectiles tirés, notamment, par le soldat de 2éme classe Didier Seyer, militaire français engagé au 3ème RIMA à la CEA, et détaché au profit de la FMS de Beyrouth, trois mois plus tôt, depuis le mois de janvier 1983.

Le véhicule se serait arrêté quelques mètres plus loin.

Maître Pierre-Georges Atallah est sorti de son véhicule, a demandé au soldat Seyer « pourquoi avez-vous t iré ? », puis a réclamé une ambulance avant de s'effondrer au sol, inanimé, et de mourir sur le coup.

Il a été alors soutenu par les autorités militaires françaises que le militaire Seyer auteur des coups du feu aurait agi en état de légitime défense, ce qui les privait ses ayants droit de tout recours utile.

De 1983 à 1999, la femme et les enfants de Maître Pierre-Georges Atallah se sont heurtés à des comportements élusifs de la part des autorités françaises. Ils continuaient à leur promettre une indemnisation pour l’erreur reconnue par ces derniers, laissant ainsi tout délais de prescription courir à l’encontre des consorts Atallah.

3. Mademoiselle Lynn Atallah, déterminée à éclaircir les circonstances de la mort de son père et à en trouver les responsables, a effectué en 1999 des démarches auprès du Ministère de la Défense Nationale Libanaise.

Elle a pu prendre connaissance et obtenir la traduction à cette date des différents rapports de police établis par les autorités libanaises immédiatement après le meurtre de Maître Pierre-Georges Atallah.

A cette date, tout recours devant la juridiction administrative était impossible en raison des règles de la prescription quadriennale du droit français

Constatant qu'il résultait des pièces détenues par les autorités libanaises que Maître Pierre-Georges Atallah avait été l'objet d'un meurtre délibéré, Mademoiselle Lynn ATALLAH, Madame Ariette ATALLAH et

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Monsieur Géo ATALLAH ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris par exploits en date des 15 et 16 mars 2001 pour voir, dire et juger que le meurtre de Maître Pierre-Georges Atallah est constitutif d'une voie de fait et en demander réparation.

Par conclusions signifiées les 4 mars 2002 et 23 septembre 2002, le Ministre de la Défense Nationale et l'Agent Judiciaire du Trésor ont contesté l'existence d'une voie de fait et soulevé l'incompétence du tribunal de Grande Instance au profit du Tribunal administratif, tout en rappelant aux intéressés, à titre subsidiaire, qu'ils ne disposaient d'aucun recours utile puisque la créance des consorts Atallah était soumise à la prescription quadriennale de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968, et par conséquent définitivement éteinte au regard du droit administratif.

4. Par jugement rendu le 31 juillet 2003, le Tribunal de Grande Instance de Paris a cru pouvoir se déclarer incompétent aux motifs que le meurtre de Monsieur Atallah ne serait pas constitutif d'une voie de fait en ces termes :

"… il n'y a voie de fait j ust ifiant par except ion au principe de séparat ion des autorités adm inist rat ives judiciaires, la com pétence des jur idict ions de l'ordre j udiciaire, que dans la m esure où l'adm inist rat ion soit a procédé à l'exécut ion forcée dans des condit ions irrégulières, d'une décision m êm e régulière, portant une at teinte grave au droit de Propriété ou à une liberté fondam entale, soit a pris une décision ayant l'un ou l'aut re de ces effets à condit ion toutefois que cet te dernière décision soit elle-m ême m anifestem ent insuscept ible d'êt re rat tachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative.

Les circonstances de l'accident ret racées dans l'enquête de la Brigade prévôtale à Beyrouth démont rent en l'espèce que le m ilitaire Monsieur Seyer a bien agi dans le cadre et en conformité avec les ordres qui lui ont été donnés par sa hiérarchie à savoir "arrêter une Austin bleue, immatriculée 326917 arrêter avec précaution personnel armé" étant précisé que Monsieur ATALLAH circulait à bord d'un véhicule AUSTI N dépourvu de plaques d'im matriculat ion avant qu'il n'a pas obtem péré aux signes du m ilitaire français lui dem andant de ralent ir que l'éclairage public était inexistant ce qui explique que Monsieur SEYER n'a pas reconnu la couleur du véhicule m ais que par cont re le disposit if de cont rôle où a eu lieu l'accident était bien visible.

Compte tenu d'une part d'un contexte part iculièrem ent dangereux au m om ent des faits et ' notam m ent d'une at taque à l'explosif cont re un poste de sécurité français à Chat ila survenu huit j ours auparavant et d'aut re part du com portem ent du conducteur de I 'AUSTI N, le m ilitaire français Didier SEYER, a légit im ement fait usage de son arm e pour préserver sa vie.

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I l s'avère en tout état de cause qu'il a agi dans le cadre de l'exécut ion d'un service com m andé ce qui ne saurait êt re const itut if d'une voie de fait".

En conséquence de quoi, le Tribunal a :

« Mis hors de cause Monsieur le Ministre de la Défense Nationale:

donné acte à l'agent judiciaire du Trésor de son intervention volontaire,

s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action intentée par les consorts Atallah

les a renvoyés à mieux se pourvoir

débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif,

et a condamne les consorts Atallah aux entiers dépens de l'instance "

5. Les concluants ont relevé appel et sollicité de la Cour que le Jugement entrepris soit infirmé dans toutes ses dispositions.

La Cour d'Appel de Paris a confirmé les motifs du jugement par arrêt du 16 décembre 2005 :

"c'est par une juste analyse des circonstances de fait telles que résultant de l'enquête de la Brigade prévôtale de BEYROUTH que les prem iers Juges ont est imé que le soldat SEYER avait agi dans le cadre de l'exécut ion de l'ordre reçu de sa hiérarchie, à savoir "arrêter une Aust in bleue im m atriculée 326917, arrêter avec précaut ion, personnel arm é", et qu'ils en ont déduit l'absence de voie de fait ; que la Cour fait sienne cet te analyse ; Que les appelants n'apportent aucun élém ent nouveau qui perm et t rait de la rem et t re en cause et d'établir que le fait de t irer sans viser m anifesterait de la part des soldats SEYER et PI NGRENON une volonté personnelle m eurt r ière ; qu'en part iculier une concertat ion cr im inelle d'inspiration personnelle ne peut être déduite des blessures constatées sur le corps de la vict im e ni de l'existence d'impacts de tailles différentes, au vu des autres circonstances telles qu'analysées par les premiers Juges ; Que dès lors, à supposer m êm e une m auvaise exécut ion de l'ordre reçu, en raison d'une appréciat ion inexacte du com portem ent du conducteur du véhicule en cause, et de l'assim ilat ion erronée de ce véhicule à celui recherché, ces circonstances seraient à l'évidence encore suscept ibles

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d'êt re rat tachées au pouvoir appartenant à l'Adm inist rat ion et donc exclusives de la voie de fait ; qu'en effet , l'ordre d'intercept ion donné incluait , au vu des condit ions générales d'intervent ion de la FINUL, la possibilité de t irer en cas de m ise en danger de la vie des soldats chargés de son exécut ion ; que cet te condit ion était réalisée dès lors que, selon l'enquête susvisée, le soldat SEYER risquait d'êt re renversé par le véhicule en cause, qui était dém uni de sa plaque d'im m atriculat ion avant , qui n'avait nullem ent obtem péré aux signes clairem ent m anifestés d'avoir à ralentir et s'arrêter, et qui continuait à venir vers lui à même vitesse ; Qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise."

6. Les consorts Atallah ont formé un pourvoi devant la Cour de Cassation.

Ils ont notamment invoqué le moyen tiré de ce que la décision de la Cour d'appel était rendue en violation de l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Par un arrêt du 10 mai 2007, la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi en ces termes :

"Sur le moyen unique At tendu, selon l’arrêt at taqué (Paris, 16 décem bre 2005) , que

dans le cadre de la force m ult inat ionale de sécurité à Beyrouth et à la suite d’un accord passé ent re les gouvernem ents libanais et français pour restaurer l’ordre public et assurer le m aint ien de la paix au Liban, un cont ingent français a été m is en place au Liban en 1982 ; que M. Atallah, de nat ionalité libanaise, a été m ortellem ent blessé lors d’un cont rôle à un barrage par l’arm ée française le 24 avril 1983 ; que, par actes des 15 et 16 m ars 2001, Mm e Arlet te Mouzannar, veuve Atallah, et deux de ses enfants, Lynn et Géo Atallah, ont assigné le ministre de la défense et deux m ilitaires devant le t r ibunal de grande instance de Paris aux fins de voir engagée la responsabilité de l’Etat pour voie de fait ;

At tendu que les consorts Atallah reprochent à l’arrêt at taqué de les avoir déboutés de leur dem ande tendant à la condam nat ion de l’Etat à les indem niser des conséquences du décès de leur époux et père Pierre-Georges Atallah, provoqué par une voie de fait adm inist rat ive com m ise à son encont re par des m ilitaires français à Beyrouth le 24 avril 1983, alors, selon le moyen :

que les pouvoirs se rat tachant à l’adm inist rat ion dans le cadre d’une opérat ion spéciale visant à intercepter un véhicule avec un signalement précis ne lui permettent pas d’interpeller et d’ouvrir le feu sur un véhicule ne correspondant visiblement pas à ce signalem ent ; que les m ilitaires français avaient reçu l’ordre d’intercepter avec précaut ion un véhicule de couleur bleu t ransportant des personnes arm ées ; que cet ordre ne leur perm et tait pas d’ouvrir le feu sur un véhicule de couleur

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dist inctem ent différente ne com ptant qu’un seul occupant n’ayant pas t iré sur eux ; qu’en retenant néanm oins qu’une telle act ion se rat tachait aux pouvoirs dévolus à l’administration et n’était pas constitutive d’une voie de fait adm inist rat ive, la cour d’appel a violé ensem ble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

que l’usage de la force par les militaires agissant dans le cadre de la force intérimaire des Nations-Unies au Liban suppose une réponse absolum ent nécessaire et proport ionnée à une menace actuelle ou im m inente ; qu’à défaut d’avoir recherché, com m e elle y était tenue et invitée, si le fait pour plusieurs soldats de t irer plusieurs rafales sur le conducteur du véhicule était absolum ent nécessaire pour éviter à l’un d’eux d’êt re renversé, la cour d’appel qui n’a pas caractér isé une situat ion de légit ime défense autorisant l’usage de la force et excluant ainsi la voie de fait , a privé sa décision de toute base légale au regard des art icles 2 de la Convent ion européenne des droits de l’hom m e, 221-4 du code pénal, la résolut ion 426 / 1978 de l’ONU, ensem ble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an lll ;

Mais at tendu que l’arrêt ayant relevé que l’ordre d’intercept ion donné incluait, au vu des conditions générales d’intervention de la Finul au Liban, la possibilité de tirer en cas de mise en danger de la vie des soldats chargés de son exécut ion et que cet te condit ion était réalisée dès lors que le soldat Z… risquait d’êt re renversé par le véhicule en cause, dém uni de plaque d’im m atriculat ion avant , qui n’avait nullem ent obtem péré aux signes clairem ent m anifestés d’avoir à ralent ir et qui cont inuait à venir vers lui à la m êm e vitesse, en a déduit à bon droit que le soldat Seyer avait agi dans le cadre de l’exécut ion de l’ordre reçu et que les circonstance de cet te intervent ion, à supposer m êm e une m auvaise exécut ion de cet ordre, seraient à l’évidence encore suscept ibles de se rat tacher au pouvoir de l’adm inist rat ion et donc exclusives d’une voie de fait ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts X… aux dépens ;

7. Les requérants ne disposent plus d'aucun autre recours utile en droit français.

Ils soutiennent que l'atteinte délibérée portée sans motif par un membre des forces armées françaises à la vie de Maître Pierre-Georges Atallah et l'absence d'enquête sérieuse et effective sur les circonstances de sa mort coinstituent une double violation du respect du droit à la vie garanti par l'article 2 de la Convention.

Ils justifient d'avoir également victimes d'une violation l'article 6-1 de la Convention.

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LE DROIT INTERNE PERTINENT :

CODE PENAL (Partie Législative)

Article 221- 1

Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle.

Article 122- 4

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.

N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal.

Article 122- 5

N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.

N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction.

Article 122- 6

Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :

1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;

2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence

Article 122- 7

N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.

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III - EXPOSÉ DE LA OU DES VIOLATION(S) DE LA CONVENTION ALLÉGUÉE(S) PAR LE REQUÉRANT, AINSI QUE DES ARGUMENTS À L'APPUI STATEMENT OF ALLEGED VIOLA TION(S) OF THE CONVENTION AND OF RELEVANT

ARGUMENTS

(Voir chapitre III de la note explicative) (See Part III of the Explanatory Note)

Les requérants indiquent que l'atteinte portée à la vie de leur mari et père, Maître Pierre-Georges Atallah constituent une violation de l'article 2 de la Convention, dont la partie pertinente se lit comme suit :

Article 2

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La m ort ne peut êt re infligée à quiconque intent ionnellem ent , sauf en exécut ion d'une sentence capitale prononcée par un t r ibunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La m ort n'est pas considérée com m e infligée en violat ion de cet art icle dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolum ent nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

b) pour effectuer une arrestat ion régulière ou pour em pêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;

c) pour réprim er, conform ém ent à la loi, une ém eute ou une insurrection. »

I – Sur la double violation de l'article 2

1 / Sur la violat ion de l'art icle 2 en ra ison du m anquement des autorités à leur obligation positive de protéger le droit à la vie

Il convient de rappeler les principes dégagés par la Cour aux termes desquels l’article 2, qui garantit le droit à la vie et définit les circonstances dans lesquelles il peut être justifié d’infliger la mort, se place parmi les articles primordiaux de la Convention et ne souffre aucune dérogation (Velikova c. Bulgarie, no 41488/98, § 68, CEDH 2000-VI).

Avec l’article 3, il consacre aussi l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de

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l’Europe. Les circonstances dans lesquelles il peut être légitime d’infliger la mort doivent dès lors s’interpréter strictement (Salman c. Turquie [GC], no

21986/93, § 97, CEDH 2000-VII). L’objet et le but de la Convention, instrument de protection des êtres humains, requièrent également que l’article 2 soit interprété et appliqué d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives (McCann et autres c. Royaume-Uni, arrêt du 27 septembre 1995, série A no 324, pp. 45-46, §§ 146-147 et Karagiannopoulos c. Grèce, 27850/03, 21 juin 2007, § 52).

La première phrase de l’article 2 § 1 astreint l’Etat non seulement à s’abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et illégale, mais aussi à prendre, dans le cadre de son ordre juridique interne, les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (Kiliç c. Turquie, no 22492/93, § 62, CEDH 2000-III). L’obligation de l’Etat à cet égard implique le devoir primordial d’assurer le droit à la vie en mettant en place un cadre juridique et administratif propre à dissuader de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mécanisme d’application conçu pour en prévenir, supprimer et sanctionner les violations. (Makaratzis c. Grèce [GC], no 50385/99, CEDH 2004-XI, § 57)

La Cour a rappelé que les exceptions définies au paragraphe 2 montrent que l'article 2 concerne : "…s les cas où la m ort a été infligée intent ionnellem ent , m ais que ce n'est pas son unique objet . Le texte de l'art icle 2, pr is dans son ensem ble, dém ont re que son paragraphe 2 ne définit pas avant tout les situat ions dans lesquelles il est perm is d'infliger intent ionnellem ent la m ort , m ais décrit celles où il est possible d'avoir « recours à la force », ce qui peut conduire à donner la m ort de façon involontaire. Le recours à la force doit cependant êt re rendu « absolum ent nécessaire » pour at teindre l'un des object ifs m ent ionnés aux alinéas a) , b) ou c) " ( McCann et aut res c. Royaum e-Uni, précité, p. 46, § 148 ; Issaïeva et autres c. Russie, nos 57947/00, 57948/00 et 57949/00, § 169, 24 février 2005 et plus récemment Saoud c. France, no 9375/02, 9 octobre 2007, § 88.)

L'emploi des termes « absolument nécessaire » donne à entendre qu'il faut appliquer un critère de nécessité plus strict et impérieux que celui normalement utilisé pour déterminer si l'intervention de l'Etat est « nécessaire dans une société démocratique » en vertu du paragraphe 2 des articles 8 à 11 de la Convention. En particulier, le recours à la force doit être strictement proportionné à la réalisation des buts énumérés aux alinéas 2 a), b) et c) de l'article 2 (, McCann et aut res, précité, p. 46, § 150 ; Ergi c. Turquie, arrêt du 28 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV, pp. 1776-1777, § 79 ; Saoud c. France, précité, § 89)

Par conséquent, dans le cas d'espèce, la Cour doit conformément à sa jurisprudence évaluer si le déroulement de l'opération des forces militaires "dém ont re que les autorités ont déployé la vigilance voulue pour s'assurer

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que toute m ise en danger de sa vie avait été réduite au m inim um et qu'elles n'ont pas fait preuve de négligence dans le choix des m esures prises" (Andronicou et Constant inou c. Chypre, arrêt du 9 octobre 1997, Recueil 1997-VI, p. 2102, § 181).

Les circonstances du meurtre de Maître Pierre-Georges Atallah démontrent au contraire que non seulement la vie a été mise en danger sans vigilance mais supprimée par un acte délibéré que rien n'excuse.

A/ Tant le statut de la F.I.N.U.L. que celui d'un militaire du contingent français excluaient l'usage de la force à l'égard de Maître Pierre-Georges Atallah.

Aux termes de sa Charte, l'Organisation des Nations Unies a pour but de maintenir la paix et la sécurité internationales et de prendre à cette fin des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix.

Elle a le pouvoir de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix ainsi que de réaliser par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations de caractère international susceptibles de mener à une rupture de la paix.

Les Chapitres VI et VII de la Charte énoncent les mesures concrètes que le Conseil de sécurité peut prendre pour atteindre ce but.

Le Chapitre VI, consacré au règlement pacifique des différends, stipule que tout différend susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales peut être porté à l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale.

Dès lors que le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace contre la paix, il peut recourir aux pouvoirs de coercition dont il dispose en vertu du Chapitre VII.

Le Conseil peut alors, en vertu de l'article 42, entreprendre au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix.

A cet effet, tous les Membres des Nations Unies s'engagent à mettre à la disposition du Conseil de sécurité les forces, l'assistance et les facilités nécessaires.

Les plans pour l'emploi de la force armée sont établis par le Conseil de sécurité sur avis et avec l'aide du Comité d'état-major.

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En 1978, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté quatre résolutions dont le but était de maintenir la paix au LIBAN.

C'est ainsi que les résolutions 425, 426, 427 et 434 ont permis la création de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, la F.I.N.U.L., qui avait pour mandat de confirmer le retrait des forces israéliennes du Sud-Liban, de rétablir la paix et la sécurité internationales, et d'aider le gouvernement libanais à assurer la restauration de son autorité effective dans la région.

Pour réaliser sa mission la F.I.N.U.L. a été dotée d'un personnel militaire de 7000 hommes, tous grades confondus, fournis notamment par la France, et placés sous le commandement du Général de division. TROND FURUH.OVDE et lui-même placé sous l'autorité directe du Conseil des Nations Unies.

Tel qu'énoncé dans le rapport du Secrétaire général du 19 mars 1978 et confirmé par la résolution 426/1978, la F.I.N.U.L. devait :

" jouir de la liberté de m ouvem ents et de com municat ion et des aut res possibilités qui sont nécessaires à l'accomplissement de ses tâches",

"ne faire usage de la force qu'en cas de légit ime défense".

La résolution 426 (1978) énonçait de plus: "que la légit im e défense com prendrait la résistance à toute init iat ive de l'em pêcher par la force de s'acquit ter de ses fonct ions, conform ém ent au m andat du Conseil de sécurité".

B/ En l'occurrence, le recours à la force n'était pas « absolument nécessaire » et aucun fait justificatif ne peut être invoqué.

Maître Pierre-Georges Atallah n'était ni armé, ni porteur d'objets dangereux de sorte que les militaires français ont usé de leur arme de service à l'encontre d'un conducteur qui ne présentait aucune menace.

L'absence de plaque minéralogique avant, le fait qu'il ait refusé d'obtempérer à un barrage sont des éléments de fait qui relèvent exclusivement de l'affirmation des militaires français et n'ont été corroborés par aucun témoignage ou aucun élément objectif de "l'enquête".

Ils ne sauraient justifier en aucun cas le droit d'infliger la mort.

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Au contraire, l'inspection du véhicule de Maître Pierre-Georges Atallah après sa mort n'a révélé la présence d'aucun objet suspect susceptible d'être utilisé comme arme.

En outre m êm e si l'on se réfère exclusivem ent au rapport établi par la Brigade prévôtale de Beyrouth, c'est - à- dire par l'Armée française elle-même, les militaires prétendent avoir obéi à un ordre donné par la radio le 24 avril 1983 au poste militaire stationné à Beyrouth, la FMSB, en détachement auprès de la F.I.N.U.L. qui ne leur permettait pas de tuer.

En effet, il est allégué que cet ordre était le suivant : « 1° arrêter une Austin bleue, 2°) immatriculée 326 917,

3°) arrêter avec précaution, personnel armé ».

Or, le meurtre de Maître Pierre-Georges Atallah peut en aucun cas correspondre à l'exécution de cet ordre puisque :

en premier lieu, les militaires ont tiré sur un véhicule Austin de couleur orange;

en deuxième lieu, le véhicule appartenant à Maître Pierre-Georges Atallah était immatriculé 309 036, c'est-à-dire très différemment du véhicule signalé ;

en troisième lieu, un ou plusieurs militaires a fait usage de son arme de service contre un conducteur qui ne présentait aucune menace;

enfin, ni Monsieur SEYER ni les autres militaires n'ont pris aucune "précaution" pour arrêter le véhicule de Maître Pierre-Georges Atallah.

Monsieur SEYER aurait donc reçu – selon les éléments de "l'enquête" - l'ordre de participer au dispositif d'interception d'un véhicule de couleur bleue immatriculé 326 917, et ce précautionneusement, puisque ses occupants étaient supposés être armés.

Or, les circonstances de la mort de Maître Atallah démontrent que l'on a volontairement tiré de manière inconsidérée sur un véhicule ne correspondant pas au signalement qui lui avait été donné, si bien que son acte ne peut être rattaché à une nécessité quelconque de recourir à la force.

C/ En aucun cas, le soldat SEYER (ou un autre militaire) n'a « fait usage de son arm e pour préserver sa vie, m ise en danger par le

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com portem ent de Maît re Atallah », conclusion de "l'enquête" reprise à tort dans la motivation du jugement puis de la Cour d'Appel de Paris.

Mademoiselle Lynn Atallah, déterminée à éclaircir les circonstances de la mort de son père et d'en trouver les responsables, a effectué en 1999 des démarches auprès du Ministère de la Défense Nationale Libanaise.

Elle a pu prendre possession des différents rapports de police établis par les autorités libanaises immédiatement après le meurtre de Maître Pierre-Georges Atallah, qui ne figuraient pas dans " l'enquête" de l'armée française.

Les constatations, effectuées par un médecin légiste indépendant, - le docteur Sayegh - contredisent totalement la théorie d'une prétendue courte rafale qui aurait été tirée par Monsieur SEYER seul et justifiée par la légitime défense.

L'analyse du rapport médico-légal établi par le docteur Sayegh le 25 avril 1983 fait notamment état de blessures trop nombreuses, et trop hétérogènes dans leur positionnement sur le corps de la victime, pour conforter la thèse selon laquelle seules cinq balles auraient été tirées, en courte rafale, par Monsieur SEYER .

Les conclusions du médecin légiste sont édifiantes puisqu'il indique

"Ces blessures résultent d'une rafale de plusieurs cartouches de deux armes à feu différentes, ce qui souligne que

1) les grands t rous résultent des fracas de l'explosion des balles ou des project iles de grand calibre qui ont été t irés de droite vers la gauche et inversement; (plus de quinze impacts)

2) il y a des blessures susm ent ionnées ayant ent re 5 et 8 m illimèt res de long dont le nom bre n'est pas m oindre que 5 et qui sont causées par les coups d'une arm e à feu, t irés de l'avant vers l'arrière probablement ".

Maître Pierre-Georges Atallah a donc été pris sous le feu croisé et prolongé de deux armes dont une de gros calibres.

Le "rapport" de l'armée française établi après le meurtre n'explique d'aucune manière l'existence d'impacts de tailles différentes correspondant à des tirs de différents diamètres et de provenances distinctes.

Il est simplement établi que plusieurs personnes ont tiré.

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L'affirmation d'une réaction du soldat SEYER en situation de

légitime défense est donc manifestement mise à néant

Il s'agit d'un acte délibéré et non de l'exécution d'un ordre.

D / La légitime défense implique une menace et ne peut être invoquée que si la riposte est proportionnée à la menace.

Tel n'était pas le cas en l'espèce.

La Cour a toujours rappelé dans sa jurisprudence "que la prem ière phrase de l’art icle 2 im pose aux Etats cont ractants l’obligat ion non seulem ent de s’abstenir de donner la m ort « intent ionnellement » ou par le biais d’un « recours à la force » disproport ionné par rapport aux buts légit im es m ent ionnés aux alinéas a) à c) du second paragraphe de cet te disposit ion" ( arrêts L.C.B. c. Royaum e-Uni du 9 juin 1998, Recueil des arrêt et décisions 1998-III, § 36, et Keenan c. Royaume-Uni du 3 avril 2002, no 27229/95, § 89, CEDH 2001-III ou Pereira Henriques c. Luxembourg, no 60255/00, 9 mai 2006, § 54).

L'acte prétendu de défense du soldat SEYER aurait été, en tout état de cause, disproportionné.

L'enquête menée sur les lieux a permis de constater que Maître Pierre-Georges Atallah n'avait commis aucun acte d'agression et qu'il ne transportait aucune arme.

Les déclarations du soldat SEYER qui aurait tenté d'arrêter le véhicule sont contredites par les propos rapportés dans le "rapport d'enquête" militaire selon lesquels Maître Pierre-Georges Atallah aurait dit: "Pourquoi avez-vous tiré ?" (PV n ° 53/03)

De son propre aveu (PV n° 52/03), le soldat SEYER a tiré au jugé, ce qui exclut un usage mesuré d'une arme à feu.

En premier lieu, le soldat SEYER a eu le temps de tirer sur le véhicule conduit par Maître Atallah avant de s'écarter, ce qui prouve qu'il n'avait pas besoin de faire usage de son arme pour ne pas être heurté par le véhicule.

En second lieu, pour assurer sa mission, le soldat SEYER aurait pu se contenter de tirer dans les roues du véhicule sans risquer d'atteindre son conducteur.

Or le véhicule n'a été touché qu'à l'endroit du pare brise ou se trouvait le conducteur.

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Il ya lieu de tenir compte de l'importance de l'armement du

militaire au regard de la mission alléguée.

Il était armé d'un fusil d'assaut FAMAS dont la portée pratique est de 300 m. et dont les caractéristiques principales sont une vitesse initiale de projectile de 960 m/s, ce qui le rend dangereux jusqu'à environ 1000 m (en cas de balle perdue par exemple), avec une portée théorique maximale de 3200 m (angle de tir de ± 45°). Son mécanisme assure deux modes de tir : coup par coup et rafale. Sa cadence de tir, élevée pour un fusil d'assaut, est d'environ 1000 coups/minute.

De plus selon l'enquête, l'éclairage du dispositif, dont il est précisa qu'il avait été assuré par la Compagnie d'Éclairage et d'Appui du 3ème RIMA (dont c'est la spécialité), permettait parfaitement de distinguer la différence notable qui existe entre un véhicule de couleur bleue et un véhicule de couleur orange.

Le lieutenant Renaud a déclaré: «... Dans l'unité, nous ne som m es pas dotés d'équipem ent

réfléchissant- ; toutefois, j e pense que

l'endroit du disposit if où a eu lieu l'accident était bien visible du fait que la rue perpendiculaire à la rue de Dam as ( le poste était situé au carrefour) était éclairé par des lampadaires ».

Monsieur SEYER ne peut prétendre avoir eu du mal à distinguer le véhicule.

"L'enquête" a relevé que Monsieur SEYER , armé, aurait ouvert le feu quand le véhicule se trouvait à 4 ou 5 mètres de lui, sans viser.

Monsieur SEYER a confirmé dans sa déposition du 24 avril 1983 (pièce 52/03)

"J'ai saisi m on arm e, j 'ai arm é et t iré une rafale de cinq cartouches au jugé, sans viser.'

Il a tiré "au jugé, sans viser" sur un véhicule qui se trouvait à 5 mètres de lui, soit à une distance d'où il pouvait parfaitement

- distinguer la couleur du véhicule, - apprécier le nombre de passagers, - en dernier recours, viser les pneus afin d'immobiliser le

véhicule.

En outre Monsieur SEYER a déclaré avoir eu le temps d e s'écarter du véhicule après avoir tiré, ce qui prouve qu'il n'avait pas besoin de faire usage de son arme pour ne pas être heurté par le véhicule.

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En tout état de cause, il ressort de l'enquête de flagrant délit

que

- Monsieur SEYER a lui-même reconnu que l'on n'avait aucun mal à distinguer le véhicule de Maître Atallah, la rue étant suffisamment éclairée ; Il pouvait donc déterminer la couleur du véhicule qui n'était pas bleue mais orange

- il disposait, servi en cela par la logistique de sa compagnie, des moyens matériels pour s'assurer que le véhicule de la victime n'était pas celui qu'il devait intercepter

- il a ouvert le feu en rafale sans viser alors que le véhicule se trouvait à 4 ou 5 mètres de lui, sans être menacé,

- - s'agissant d'une interception, elle aurait pu se réaliser après, et le militaire a donc pris sans aucune nécessité, de son propre aveu, la décision délibérée de tuer.

En outre, il doit être rappelé que ces affirmation sont en contradiction avec les conclusions du rapport médico-légal libanais établi par le Docteur Sayegh, le 25 avril 1983 qui indique que les: « blessures résultent d'une rafale de plusieurs cartouches de deux arm es différentes ».

Ces déclarations, effectuées par un médecin légiste indépendant, contredisent totalement la théorie d'une prétendue courte rafale tirée exclusivement par le soldat SEYER.

En tout état de cause, et même dans cette hypothèse, la réaction de Monsieur SEYER serait totalement disproportionnée puisqu'il a ouvert le feu avec une arme automatique très puissante, sans viser, en tirant directement dans l'habitacle d'un véhicule qui se trouvait à 5 mètres de lui.

En outre, pour s'être engagé dans l'infanterie française, pour avoir sollicité son détachement auprès de la F.I.N.U.L., et subi un entraînement intensif à cette fin, Monsieur Didier SEYER (ou les autres soldats français) ne pouvait ignorer les conséquences mortelles que pouvait avoir l'usage de son arme à feu, le fusil FAMAS.

Il en résulte que Monsieur SEYER était parfaitement aguerri à ce type d'opération et rien ne justifiait de sa part une attitude d'une telle hostilité à l'encontre de Maître Pierre-Georges Atallah.

Si pour des militaires dans le cadre de leur mission, le meurtre est un acte théoriquement envisageable, il n'en reste pas moins qu'en

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l'espèce d'autres solutions étaient possibles au titre desquelles figurait l'arrestation de Maître Pierre-Georges Atallah.

On rappellera qu'en matière de respect du droit à la vie, " la charge de la preuve pèse sur les autorités,

qui doivent fournir une

explicat ion sat isfaisante et convaincante" (Salm an c. Turquie [GC], no

21986/93, § 100, CEDH 2000-VII, Çakici c. Turquie précité, Ertak c. Turquie, no 20764/92, § 32, CEDH 2000-V, Tim urtas c. Turquie, no

23531/94, § 82, CEDH 2000-VI et également McKerr c. Royaum e-Uni, no 28883/95, 4 mai 2001, CEDH 2001-III § 109).

Tel ne saurait être le cas en l'espèce.

Dès lors, il est manifeste qu'il y a eu, en l'espèce, manquement à l'obligation positive incombant aux autorités de protéger la vie de Maître Pierre-Georges Atallah.

2. Sur la violation de l'article 2 pour absence d'enquête effective.

La Cour a déjà jugé qu'en astreignant l’Etat à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (L.C.B., précité, § 36), l’article 2 § 1, " requiert, par implication, qu’une enquête officielle effect ive soit m enée lorsqu’il y a des raisons de croire qu’un individu a subi des blessures potent iellem ent m ortelles dans des circonstances suspectes. L’enquête doit perm et t re d’établir la cause des blessures et d’identifier et sanctionner les responsables."

Il s’agit essentiellement, au travers d’une telle enquête, d’assurer l’application effective des lois internes qui protègent le droit à la vie et, dans les affaires où des agents ou organes de l’Etat sont impliqués, de garantir que ceux-ci aient à rendre des comptes au sujet des décès survenus sous leur responsabilité. (McKerr c. Royaum e-Uni du 4 mai 2001, no 28883/95, § 111, CEDH 2001-III ; Slim ani c. France, no 57671/00, CEDH 2004-IX § 29 ; Pereira Henriques c. Luxem bourg, précité, § 55 ).

Elle indique par ailleurs que "L’effectivité de l’enquête exige que les autorités prennent les mesures raisonnables dont elles disposent pour assurer l’obtent ion des preuves relat ives aux faits en quest ion, y compris, entre autres, les dépositions des témoins oculaires, des expertises et, le cas échéant, une autopsie propre à fournir un compte rendu complet et précis des blessures et une analyse objective des constatations cliniques, notamment de la cause du décès.

Ainsi, "Toute déficience de l’enquête affaiblissant sa capacité à établir la cause du décès ou les responsabilités r isque de faire conclure qu’elle ne répond pas à cet te norm e" (McKerr, précité, § 113, et Slimani, précité, § 32; Pereira Henriques c. Luxembourg, précité, § 57).

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La nature et le degré de l'examen répondant au critère minimum d'effectivité de l'enquête s'apprécient sur la base de l'ensemble des faits pertinents et eu égard aux réalités pratiques du travail d'enquête.

(arrêts

Tanrikulu c. Turquie [GC], no 23763/94, §§ 101-110, CEDH 1999-IV, Kaya c. Turquie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 325-326, §§ 89-91, et Güleç c. Turquie du 27 juillet 1998, Recueil 1998-IV, pp. 1732-1733, §§ 79-81).

Une exigence de célérité et de diligence raisonnable

est implicite dans ce contexte (Hugh Jordan c. Royaum e-Uni, no 24746/94, § 127, CEDH 2001-III, §§ 108, 136-140, et Tahsin Acar c. Turquie [GC], no 26307/95, §§ 223-224, CEDH 2004-III).

Il doit aussi y avoir un élément suffisant de contrôle public de l'enquête ou de ses résultats, associant les proches de la victime à la procédure dans la mesure nécessaire à la sauvegarde de leurs intérêts légitimes

(McKerr c. Royaume-Uni, précité, § 148).

Tout défaut de l'enquête propre à nuire à sa capacité d'établir la cause du décès de la victime ou à identifier la ou les personnes responsables

peut faire conclure à son ineffectivité (Hugh Jordan c. Royaum e-Uni, précité, § 127 et Aktas c. Turquie, no 24351/94, § 300, CEDH 2003-V).

De même, pour qu'une enquête sur une allégation d'homicide illégal commis par des agents de l'Etat soit efficace il faut que les personnes qui en sont chargées soient indépendantes des personnes impliquées

(arrêts Güleç c. Turquie du 27 juillet 1998, Recueil 1998-IV, p. 1733, §§ 81-82, et Ogur c. Turquie [GC], no 21594/93, §§ 91-92, CEDH 1999-III). Cela suppose non seulement l'absence de lien hiérarchique ou institutionnel, mais aussi une indépendance concrète.

(arrêt Ergi c. Turquie, précité, §§ 83-84)

1 ° / Sur l' indépendance des enquêteurs par rapport aux personnes impliquées

Loin d'émaner d'une autorité indépendante, l'enquête aux fins de déterminer les circonstances dans lesquelles il avait été porté atteinte à la vie de Pierre-Georges ATALLAH et les responsabilités éventuelles encourues a été diligentée par la gendarmerie nationale française (brigade prévôtale), qui dépend de l'armée et circonscrit à cinq militaires membres de l'armée.

2°) Sur l'effect ivité de l'enquête de la Brigade Prévôtale de BEYROUTH :

L'enquête de la Brigade Prévôtale de BEYROUTH est constituée par :

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- Un procès verbal de synthèse de quatre pages, - Un procès verbal de transport et de constatations de mesures prises

de deux pages et de divers procès verbaux d'audition (quatre), ainsi que d'un plan des lieux.

Les personnes entendues ont été exclusivement les militaires impliqués à des titres divers dans le meurtre :

- le militaire Didier SEYER , - l'officier François MIOULET, - le militaire de carrière Jacques RENAUD, - le militaire de carrière Eric CHALVIE, - le militaire de carrière Thierry PINGRENOT.

Outre, les nombreuses anomalies, inexactitudes ou insuffisances déjà démontrées ( voir supra 1 / ) il est manifeste que l'enquête a été conduite de façon a mettre hors de cause les militaires.

Il n'y a eu aucune recherche de témoins, aucune enquête technique à l'exception d'un plan sommaire

Il n'y pas eu d'autopsie de la victime jointe au rapport.

Les deux militaires ont été rapatriés en France dans les jours qui ont suivi pour éviter qu'ils ne puissent être interrogés par les autorités libanaises.

L'enquête a donc eu pour objet exclusif d'homologuer une version des faits (celles des militaires) et non la recherche de la vérité.

Il s'agit d'un document très bref hâtivement établi et clôturé le lendemain des faits, dont l e procès verbal de synthèse de quatre pages se limite à:

- Une relation des faits émanant du Capitaine MIOULET, Commandant de la CEA du Troisième Rima,

- L'audition des seuls auteurs du crime et de leurs supérieurs directs : 1. la déposition du Deuxième Classe Didier SEYER , qui se borne

à affirmer en ce qui le concerne qu'il "se serait m is face au véhicule, aurait levé son bras gauche effectuant un signale d'arrêt", qu'il aurait ouvert le feu alors que le véhicule se trouvait à quatre ou cinq mètres de lui sans viser et qu'il aurait dû faire un écart pour ne pas se faire renverser.

2. La déposition du Lieutenant RENAUD qui toutefois a avoué quant à lui que l'unité ne disposait pas d'équipements réfléchissants.

3. celle du Caporal Chef CHAUVIN indiquant qu'il faisait nuit et qu'il n'y avait pas beaucoup de visibilité sur les véhicules.

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En clôture des seules relations des militaires impliqués, l'enquête mentionne :

- Que le véhicule Austin était démuni de plaque numérologique avant, - Que le conducteur de ce véhicule n'aurait ni ralenti ni obtempéré

aux gestes d'arrêt du militaire français placé au milieu de la chaussée,

- Que le militaire aurait " accompli sa mission en appliquant strictement les consignes reçues de ses supérieurs".

Bien évidemment, "l'enquête" ne donne aucune explication sur les recherches ou la réalité de l'existence de la fam euse " Aust in bleue", "immatriculée 326 917", qui aurait justifié la fusillade.

Ce sont ces constatations qui seront reprises in extenso malgré la démonstration de leur caractère inexact par les décisions de justice intervenues.

Il s'agit donc de la simple homologation de l'enquête des officiers de police judiciaires des forces armées sur des faits reprochés à un membre des forces armées.

3°) Sur les élém ents fournis par l'enquête m enée par la police militaire de la République Libanaise démontre au contraire :

que l'emplacement où l'accident a eu lieu n'avait aucunement fait l'objet de l'installation d'un barrage permanant puisque que le procès verbal (pièce n° 5) mentionne "nous n'avons décelé aucun signal lum ineux, ni t rouvé d'échelle double propre au barrage, ni aucun signal utilisé pour arrêter les voitures sur les barrages montés non plus". (Procès-verbal du Ministère de la défense Nationale police militaire libanaise, du 24/04/1983)

que selon les mêmes enquêteurs libanais la rue de l'accident n'était pas éclairée, (contrairement au rapport français) ("La rue où l'accident a eu lieu est de sept mètres de large, droite et découverte. Seulement, la vision est mauvaise, vu que l'accident a eu lieu en pleine nuit".

Que le corps a été transporte d’abord a l’hôpital des Pins (hôpital français en dehors de Beyrouth)et non transporté non a l’hôpital libanais de Beyrouth le plus proche

Que la police militaire libanaise a reçu instruction de ne pas mener l'enquête concernant le militaire français "pour cause d'immunité" et de se borner à désigner un médecin légiste,

Que toutes les conclusions de l'enquête de la Brigade s'effondrent à la découverte des analyses de l'Expert militaire libanais en balistique qui a procédé à l'inspection de la voiture et a démontré que seuls le volant a été touché et le pare-brise brisé et que " les coups de feu ont été t irés du côté droit avant vis-à-vis du conducteur et au

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niveau horizontal du pare-brise.", ces constatations démontrant donc bien que le conducteur de la voiture a été visé dans ses parties vitales à hauteur du thorax et de la tête, à l'exception de toute autre voiture.

Qu' il ajoute : " Il n'y a pas de traces de coups de feu à l'intérieur de la voiture." Le châssis ne porte aucune trace de projectiles tirés (rapport n° 3499 du 04.05.1983 n° 2196/83). Ainsi, toutes les balles ont été retrouvées dans le corps de la victime ce ce qui anéantit la thèse de l'enquête française selon laquelle il s'agissait d’arrêter le véhicule (ce qui aurait pu se faire en tirant sur les pneus de la voiture pour immobiliser le véhicule).

Que selon les rapports libanais, il est précisé : "Nous avons vu que la voiture at teinte n'a que son pare-brise brisé, alors que ses côtés et à m êm e l'asphalte une grande m arre de sang existe." , la flaque de sang et les balles dans le corps et non dans la voiture venant confirmer le fait que la victime n’a pas été blessé mortellement lorsqu’il était dans la voiture mais en dehors de sa voiture.

Plus encore la thèse, d'un feu ouvert par le soldat SEYER pour éviter que le véhicule ne mette en danger sa vie est démentie par le fait que lorsque le Lieutenant ABOUD et le Sergent NAGIB EL AKOUM de la police militaire de l'armée libanaise ont examiné le corps de la victime, il était atteint de plusieurs balles au niveau supérieur de l'épaule droite et au dessus du sein gauche.

De plus, le doigt majeur de la main droite est amputé.

Enfin, il résulte du rapport d'autopsie du Docteur SAYEGUE qui révélait que le cadavre était atteint :

"1° ) D'un t rou horizontal ayant environ t rois cent im èt res de long sur deux de large, un aut re d'environ cinq cent im èt res de long sur t rois de large au niveau antério-supérieur de l'épaule gauche entouré de blessures ayant entre trois et quatre millimètres de diamètre.

2° ) D'un t rou hor izontal de deux cent im èt res et dem i de long sur 0,5 centimètres de large entre la cavité sous axiale et le sein gauche.

3° ) Un t rou causé par un coup de fouet d'environ dix cent im èt res de long sur quat re de large environ à peu près sous le cent re de l'os claviculaire gauche.

4° ) Deux blessures résultant des coups de feu dont le diam èt re de l'une est d'environ t rois m illim èt res, alors qu'une t roisièm e est d'environ cinq millimètres au niveau de l'avant bras gauche du côté intérieur.

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5°) Une pet ite blessure fine du côté de l'avant-bras au niveau avant du coude, une blessure résultant d'une balle d'environ 3m m et une t roisièm e ayant le même diamètre du côté intérieur du bras gauche.

6- Une blessure à cause d'une balle ayant_ environ 5 mm du côté Gauche de la base du coup, une aut re de m êm e diam èt re "au dessus du bout supérieur du sternum, une troisième réside à mi-distance du sternum ayant un diam èt re ent re 5 et 6 m m , une quat r ièm e ayant un diamèt re de 3 mm environ au centre et à la base de la dixième côte droite.

7- Une blessure ayant ent re sept et huit m m du côté droit du vent re, d'environ 6 à 7mm de diamètre est à une distance de dix cm à la droite du nombril et à six cm de son côté postérieur.

8-Une blessure ayant ent re sept et huit mm sur le côté antéropostérieur et supérieur de la cuisse droite.

9- Des blessures de différentes tailles, ayant ent re deux et cinq m m de long du côté supérieur-droit de la poit r ine, et du côté antéro- postérieur de l'avant -bras droit , à quelques cm de l'aisselle, alors qu'une autre existe au centre de l'avant - bras.

1 0- Des t rous de différentes tailles, ayant ent re deux m m et 1 cm de diamètre sur le côté antérieur du bras droit.

11 - Des fractures au niveau cent ral de la m ain droite, avec perte de la 2e et de la 3e phalange.

12- Des pet ites blessures variées sur le côté frontal extérieur et postérieur de la cuisse droite."

Ces constatations mettent à néant à la fois la méthode, les modalités et le scénario invoqué par "l'enquête" des autorités françaises puisque le médecin a pu constater les conséquences d'un tir nourri et acharné sur le corps de la victime puisqu'il a identifié et mesuré un m inim um de seize balles (de fusil mitrailleur ayant occasionné des perforations allant jusqu'à 1 0 cm de long sur quatre cent im ètres de large) , et d'une multitude d'autres trous causés par des projectiles de moindre calibre

Ainsi, les seules conclusions de ce rapport d'autopsie découvert au Liban en 1999 établissent que les blessures résultent d'une rafa le de plusieurs cartouches de deux arm es à feu différentes, ce qui souligne que :

1° ) Les grands t rous résultent des fracas de l'explosion des balles ou des project iles de grand calibre qui ont été t irés de droite vers la gauche et inversement.

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2° ) I l y a des blessures susm ent ionnées ayant ent re cinq et huit m illim èt res de long dont le nom bre n'est pas moindre que celles qui sont causées par les coups d'une arm e à feu t irés de l'avant vers l'arr ière probablement.

3° ) Les project iles ont été t irés d'une distance excédant cinquante centimètres.

4°) Les petites blessures sont dues à deux petits éclats.

5°) le décès a été causé par une forte hémorragie fatale.

Ainsi il convient de constater que le rapport d'enquête diligenté par les autorités françaises n'a eu pour objet que de tenter contre toutes les évidences objectives, d'établir une situation de légitime défense, seule cas ou le mandat des forces de la FINUL autorisait le recours aux armes, pour exonérer les militaires.

Un tel procédé ne peut correspondre à la notion d'enquête effective.

Enfin, il convient de souligner ce que vient de rappeler la Cour dans un arrêt récent Dölek c. Turquie du 2 octobre 2007, qui trouve toute sa portée et sa pertinence dans le présent litige :

" les exigences de l'article 2 s'étendent au-delà du stade de l'enquête officielle, lorsqu'en l'occurrence celle-ci a entraîné l'ouverture de poursuites devant les juridictions nationales : c'est l'ensemble de la procédure, y compris la phase de jugement, qui doit satisfaire aux impératifs de l'obligation positive de protéger la vie par la loi. […] les juridictions nationales ne doivent en aucun cas s'avérer disposées à laisser im punies des at teintes à la vie. Cela est indispensable pour m aintenir la confiance du public et assurer son adhésion à l'Etat de droit ainsi que pour prévenir toute apparence de tolérance d'actes illégaux, ou de collusion dans leur perpét rat ion. La tâche de la Cour consiste donc à vérifier si et dans quelle m esure les jur idict ions, avant de parvenir à telle ou telle conclusion, peuvent passer pour avoir soum is le cas devant elles à l'examen scrupuleux que demande l'article 2 de la Convention, pour que la force de dissuasion du systèm e judiciaire m is en place et l' im portance du rôle que celui-ci se doit de jouer dans la prévent ion des violat ions du droit à la vie ne soient pas amoindries (Dölek c. Turquie no 39541/98 arrêt du 2 Octobre 2007 § 75).

Cette évocation récente de l'impérieuse nécessité de protéger le droit à la vie trouve toute sa place dans l'analyse du présent litige.

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Dès lors, il y a eu, en l'espèce, manquement à l'obligation positive incombant aux autorités de procéder à une enquête officielle effective sur les circonstances exactes de la mort de Maître Pierre-Georges Atallah.

3 Sur la violation de l'article 6 § 1 de la Convention

La requérante estime ne pas avoir bénéficié de son droit à un

procès équitable garanti par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme dont les dispositions pertinentes se lisent ainsi :

Article 6 : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablem ent , publiquem ent et dans un délai raisonnable, par un t r ibunal indépendant et im part ial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestat ions sur ses droits et obligat ions de caractère civil, soit du bien- fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. violation de l'article 6 § 1 de la Convention en invoquant une absence de motivation car l'adoption des motifs des premiers Juges n'est susceptible de constituer une motivation qu'à la condition expresse que cette première motivation soit elle-même suffisamment détaillée.

Force est de constater que le Tribunal de Grande Instance de PARIS dans son jugement du 31 mai 2003, comme la Cour d'Appel dans son arrêt, se sont fondés exclusivement sur une enquête émanant de la Brigade Prévôtale de BEYROUTH.

Selon la motivation des décisions de justice, le meurtre de Maître Pierre-Georges Atallah, qualifié de simple "accident" aurait fait l'objet d'une enquête effective et complète.

Le Tribunal se borne à indiquer que “ le m ilitaire Monsieur SEYER a bien agit dans le cadre et en conform ité avec des ordres qui lui ont été donnés par sa hiérarchie à savoir "arrêter une Aust in bleue im m atriculée 326917, arrêter avec précaution, personnel armé" ”.

Le Tribunal se borne à homologuer les conclusions de l'enquête de l'armée selon lesquelles Maître Pierre-Georges Atallah circulait bien à bord d'un véhicule Austin, omettant de rappeler :

- que la couleur est différente, - qu'il était dépourvu de plaque d'immatriculation avant, - qu'il n'aurait pas obtempéré aux signes du militaire français lui

demandant de ralentir, - que l'éclairage public était inexistant, ce qui explique que Monsieur

SEYER n'aurait pas reconnu la couleur du véhicule, mais par contre que le dispositif de contrôle où a eu lieu l'accident aurait été quant à lui "bien visible".

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Le Tribunal excipe également d'un "contexte part iculièrem ent dangereux au m om ent des faits" et "notam m ent d'une at taque à l'explosif cont re un poste de sécurité français à CHATILA survenu huit jours auparavant", pour en conclure que le "m ilitaire aurait fait légit imem ent usage de son arm e pour préserver sa vie".

L'ensemble de cette motivation démontre que l'enquête sur laquelle se sont fondées les juridictions pour ne pas réparer l'atteinte du droit à la vie était insuffisante, partiale ou erronée.

Si l'on se réfère à la jurisprudence de la Cour, les décisions des cours et des tribunaux doivent indiquer de manière suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent, de manière à montrer que les parties ont été entendues et à garantir la possibilité d'un contrôle public de l'administration de la justice (Hirvisaari c. Finlande, no 49684/99, arrêt du 27 septembre 2001 § 30).

Certes le “droit à la motivation” n’est pas absolu mais il convient de rechercher si les juridictions de droit interne ont ou non procédé à l’interprétation de tous les éléments constitutifs d’une infraction et s'il a été fait ou non une analyse des preuves versées par les requérants au sens du récent arrêt Boldea c. Roumanie no 19997/02 du 15 février 2007.

En la matière, si l'obligation pour les tribunaux de motiver les décisions doit s'analyser "à la lumière des circonstances de chaque espèce" et si une juridiction d'appel peut se borner,”en principe”, à faire siens les motifs de la décision entreprise (Helle c. Finlande du 19 décem bre 1997, Recueil 1997-VI I I , p. 2930, §§ 59-60), elle ne saurait être admissible en la circonstance puisque la juridiction d’appel ne corrige pas le raisonnement erroné des premiers juges.

Or, si une Cour d’Appel peut déclarer adopter les motifs des premiers juges c’est à condition que la première décision soit correctement motivée, ce que la Cour de Strasbourg se réserve donc de vérifier en remontant la filière des motivations successives.(Hirvisaari c. Finlande, précité, §§ 32-33).

Il est ainsi manifeste qu'il y a eu violation l'article 6-1 de la Convention.