Détection par thermographie du délaminage par fatigue des ...

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___________________________________________________________________________________________________ 9 ième Congrès de Mécanique, FS Semlalia, Marrakech 325 Détection par thermographie du délaminage par fatigue des matériaux composites H. Sawadogo, S. Panier, S. Hariri Département des Polymères et Composites & Ingénierie Mécanique Ecole des Mines de Douai 941, rue Charles Bourseul, B.P. 10838- 59508 Douai Cedex [email protected] , [email protected] , [email protected] Ce travail porte sur l’utilisation des techniques basées sur la thermographie infrarouge pour caractériser le délaminage pendant les essais de fatigue. Des sollicitations cycliques de traction sont appliquées à des éprouvettes en composites fibres de verre- résine époxy. Différents types d’éprouvettes sont étudiés (UD, tissu). A l’aide d’une caméra infrarouge et d’un traitement de signal basé sur les transformées de Fourier, l’initiation puis la propagation du délaminage pendant l’essai de fatigue sont détectées. Mots clés : Fatigue des composites, thermographie infrarouge, délaminage, transformée de Fourier. Introduction Les récents progrès des détecteurs infrarouges ainsi que des techniques de traitements d’images infrarouges permettent de détecter de très faibles variations de rayonnement d’objet soumis à des sollicitations mécaniques. Ces variations de rayonnement se traduisent par une variation d’énergie dissipée sous forme de chaleur. Ainsi, tout phénomène générant des déformations peut être détecté par thermographie infrarouge dans la limite de la sensibilité des détecteurs utilisés. De nombreux auteurs ont utilisé la thermographie infrarouge pour caractériser des matériaux usuels tels que les matériaux métalliques. Actuellement on utilise de plus en plus ces techniques pour la caractérisation et l’étude de structures en matériaux composites. Il existe de nombreuses techniques de caractérisation des matériaux composites qui différent par leurs méthodes de mise en oeuvre. Les techniques de caractérisation par thermographie infrarouge se divisent principalement en deux catégories : stimulée et active. La thermographie infrarouge stimulée est une technique non destructive. Elle consiste à exciter une structure par une onde thermique ou élastique et d’analyser le champ thermique résultant pour détecter des défauts. Selon la source d’excitation utilisée le nom de la méthode diffère. La source thermique la plus utilisée est l’excitation thermique par des flashs. On peut citer la lock in thermography utilisée par Meola et al [1] pour détecter des défauts de délaminages dans des pièces aéronautiques en composites. Une méthode basée sur l’emploi d’ondes ultrasonores de puissance est utilisée actuellement, on parle alors de vibrothermographie. Dans ce domaine on peut citer les travaux de Busse [2]. Cependant, cette méthode est limitée aux cas où les ondes acoustiques, ou élastiques, entraînent la vibration de deux surfaces en contact. La thermographie infrarouge active utilise comme source d’excitation des sollicitations mécaniques. Ces sollicitations mécaniques sont souvent des sollicitations cycliques par traction et ou flexion. L’application la plus connue de cette méthode est la détermination de la limite d’endurance initialement développée par Luong [3], pour les matériaux métalliques ; Toubal [4], pour les matériaux composites. D’autres auteurs comme Steinberger [5] utilisent conjointement les sollicitations mécaniques et la thermographie active pour détecter des défauts dans des composites en carbone. Dans notre approche nous utilisons une sollicitation mécanique par traction répétée (fatigue). Des paliers de chargement sont appliqués à trois types d’éprouvettes. Une caméra infrarouge de très grande sensibilité enregistre le champ thermique durant l’essai. Une analyse par transformée de Fourier est effectuée, fournissant la phase et le module du signal thermographique. L’analyse de ces deux grandeurs au cours d’un essai de fatigue permet de suivre l’évolution du délaminage dans un matériau composite fibre de verre/époxy. Description des éprouvettes Nous avons conçu et réalisé trois types d’éprouvettes pour que l’endommagement prépondérant soit le délaminage. La première série comporte des éprouvettes constituées de 3 plis unidirectionnels (UD) à 0° dont le pli central est coupé en son milieu. La deuxième série est constitué d’éprouvettes comportant des plis 0° et 90° selon l’empilement suivant [90°, 0°,90°,0°,90°]. Entre les deux plis, une bande de téflon a été insérée afin de favoriser le délaminage. La troisième série d’éprouvettes est constituée de tissus [0°,90°] 2 . Les éprouvettes des deuxième et troisième séries sont percées au centre d’un diamètre de 6 mm afin de favoriser le délaminage. La figure 1 présente les différentes éprouvettes utilisées.

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Détection par thermographie du délaminage par fatigue des matériaux composites

H. Sawadogo, S. Panier, S. Hariri

Département des Polymères et Composites & Ingénierie Mécanique Ecole des Mines de Douai

941, rue Charles Bourseul, B.P. 10838- 59508 Douai Cedex

[email protected], [email protected], [email protected]

Ce travail porte sur l’utilisation des techniques basées sur la thermographie infrarouge pour caractériser le délaminage pendant les essais de fatigue. Des sollicitations cycliques de traction sont appliquées à des éprouvettes en composites fibres de verre- résine époxy. Différents types d’éprouvettes sont étudiés (UD, tissu). A l’aide d’une caméra infrarouge et d’un traitement de signal basé sur les transformées de Fourier, l’initiation puis la propagation du délaminage pendant l’essai de fatigue sont détectées.

Mots clés : Fatigue des composites, thermographie infrarouge, délaminage, transformée de Fourier.

Introduction Les récents progrès des détecteurs infrarouges ainsi que des techniques de traitements d’images infrarouges permettent de détecter de très faibles variations de rayonnement d’objet soumis à des sollicitations mécaniques. Ces variations de rayonnement se traduisent par une variation d’énergie dissipée sous forme de chaleur. Ainsi, tout phénomène générant des déformations peut être détecté par thermographie infrarouge dans la limite de la sensibilité des détecteurs utilisés.

De nombreux auteurs ont utilisé la thermographie infrarouge pour caractériser des matériaux usuels tels que les matériaux métalliques. Actuellement on utilise de plus en plus ces techniques pour la caractérisation et l’étude de structures en matériaux composites. Il existe de nombreuses techniques de caractérisation des matériaux composites qui différent par leurs méthodes de mise en œuvre. Les techniques de caractérisation par thermographie infrarouge se divisent principalement en deux catégories : stimulée et active. La thermographie infrarouge stimulée est une technique non destructive. Elle consiste à exciter une structure par une onde thermique ou élastique et d’analyser le champ thermique résultant pour détecter des défauts. Selon la source d’excitation utilisée le nom de la méthode diffère. La source thermique la plus utilisée est l’excitation thermique par des flashs. On peut citer la lock in thermography utilisée par Meola et al [1] pour détecter des défauts de délaminages dans des pièces aéronautiques en composites. Une méthode basée sur l’emploi d’ondes ultrasonores de puissance est utilisée actuellement, on parle alors de vibrothermographie. Dans ce domaine on peut citer les travaux de Busse [2]. Cependant, cette méthode est limitée aux cas où les ondes acoustiques, ou élastiques, entraînent la vibration de deux surfaces en contact.

La thermographie infrarouge active utilise comme source d’excitation des sollicitations mécaniques. Ces sollicitations mécaniques sont souvent des sollicitations cycliques par traction et ou flexion. L’application la plus connue de cette méthode est la détermination de la limite d’endurance initialement développée par Luong [3], pour les matériaux métalliques ; Toubal [4], pour les matériaux composites. D’autres auteurs comme Steinberger [5] utilisent conjointement les sollicitations mécaniques et la thermographie active pour détecter des défauts dans des composites en carbone.

Dans notre approche nous utilisons une sollicitation mécanique par traction répétée (fatigue). Des paliers de chargement sont appliqués à trois types d’éprouvettes. Une caméra infrarouge de très grande sensibilité enregistre le champ thermique durant l’essai. Une analyse par transformée de Fourier est effectuée, fournissant la phase et le module du signal thermographique. L’analyse de ces deux grandeurs au cours d’un essai de fatigue permet de suivre l’évolution du délaminage dans un matériau composite fibre de verre/époxy. Description des éprouvettes Nous avons conçu et réalisé trois types d’éprouvettes pour que l’endommagement prépondérant soit le délaminage. La première série comporte des éprouvettes constituées de 3 plis unidirectionnels (UD) à 0° dont le pli central est coupé en son milieu. La deuxième série est constitué d’éprouvettes comportant des plis 0° et 90° selon l’empilement suivant [90°, 0°,90°,0°,90°]. Entre les deux plis, une bande de téflon a été insérée afin de favoriser le délaminage. La troisième série d’éprouvettes est constituée de tissus [0°,90°]2. Les éprouvettes des deuxième et troisième séries sont percées au centre d’un diamètre de 6 mm afin de favoriser le délaminage. La figure 1 présente les différentes éprouvettes utilisées.

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Figure 1 : Eprouvettes : 1- plis coupés, 2- tissus (+-45°)

percés, 3- Insert de téflon percé Description des moyens expérimentaux et de la procédure des essais Moyens expérimentaux Les essais de fatigue sont réalisés sur une machine d’essais hydraulique INSTRON (figure 2). Cette machine est équipée d’une cellule de force de 100 kN. La centrale d’acquisition assure le traitement des données du capteur de force, et du capteur de position. L’enregistrement des données se fait sur le PC via le logiciel DAX. Le pilotage des essais de fatigue est effectué en effort avec un rapport de charge R = σmin/σmax égal à 0,1. Les éprouvettes sont toutes sollicitées à une fréquence de 5 Hz. Les essais sont réalisés jusqu’à la rupture de l’éprouvette.

Une caméra infrarouge Jade III est utilisée pour mesurer la variation et l’évolution de la température pendant les essais de fatigue. Pour les données de thermographie infrarouge, l’acquisition et l’analyse du signal se fait par le logiciel Altair LI. La résolution thermique de la caméra (différence de température équivalente au bruit) est de l’ordre de 4 mK à 25°C.

Figure 2- Machine de fatigue et caméra infrarouge

Procédure d’essai L’éprouvette est sollicitée jusqu’à son endommagement totale. Les paliers de chargements correspondant à 40, 45, 50, 55, 60 et 65% de la limite à la rupture (Rm) de chaque type d’éprouvettes sont appliqués. Le tableau 1 donne la limite à la rupture pour chaque type d’éprouvette. La charge est augmentée à chaque palier de chargement. A chaque passage d’un niveau de charge à un autre, une nouvelle éprouvette est utilisée.

Pli coupé Insert Teflon

Tissus -+45°

Rm (MPa) 289,85 1437,7 132,7

Tableau 1: chargement appliquée sur les éprouvettes en MPa

La caméra infrarouge enregistre le signal du champ thermique. Le signal enregistré est filtré à l’aide d’un montage réalisant une démodulation synchrone. Une transformée de Fourier est alors appliquée à ce signal. Résultats des essais La figure 3 présente l’évolution du délaminage dans une éprouvette en tissus +-45° au cours de la durée de vie exprimé en nombre de cycles sous une contrainte de 45% du Rm. L’initiation de l’endommagement peut être détectée soit avec le module ou la phase du signal. Le module du signal est proportionnel à la trace du tenseur des contraintes. Pendant les premiers cycles, on retrouve la distribution classique en forme de papillon. L’initiation du délaminage commence vers 1000 cycles. Au cours de l’essai, le délaminage progresse jusqu’à la rupture finale de l’éprouvette à 23555 cycles.

L’étude de la phase permet de visualiser l’évolution du délaminage et semble plus efficace que le module. La figure 3 présente l’endommagement observé sur les éprouvettes tissus +-45 percées, en module (a) et en phase (b).

Figure 3-a : Evolution de l’endommagement en module

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Figure 3-B : Evolution de l’endommagement en phase

Les figures 4 et 5 présentent le délaminage observé sur les éprouvettes en tissus (+-45°) et unidirectionnelles 0° à pli central coupé.

Figure 4 : Endommagement des éprouvettes en tissus

Figure 5 : Délaminage des éprouvettes UD 0° avec plis

coupés

Conclusion Grâce à la thermographie infrarouge couplée à l’analyse par transformée de Fourier, l’initiation et la propagation du délaminage dans trois types d’éprouvettes ont pu être détectés avec une grande précision. Cet outil semble tout à fait adapté pour valider des modèles de délaminage. De même, une détection par C-Scan doit être menée afin de confirmer ces résultats. Référence 1. C. Meola , G. M. Carlomagno , A. Squillace ,

A.Vitiello; Non-destructive evaluation of aerospace materials with lock-in thermography, Engineering Failure Analysis 13 (2006) 380–388

2. J. Rantala, D. Wu, G. Busse, NDT of polymer materials using lock-in thermography with water-coupled ultrasonic excitation, NDT & E International, Volume 31, Issue 1, , Pages 43-49 February 1998

3. M.P. Luong, Fatigue limit evaluation of metals using an infrared thermographic technique, Mechanics of Materials, Volume 28, Issues 1-4, Pages 155-163, 1998.

4. L. Toubal, M. Karama, B. Lorrain, Damage evolution and infrared thermography in woven composite laminates under fatigue loading, International Journal of Fatigue 28 1867-1872, 2006.

5. R. Steinberger, T. I. Valadas Leitao, E. Ladstätter, G. Pinter, W. Billinger, R.W. Lang, Infrared thermographic techniques for non-destructive damage characterization of carbon fibre reinforced polymers during tensile fatigue testing, International Journal of Fatigue 28, 1340-1347, 2006