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Vincent MEURIC MCU-PH Sciences biologiques EA 1254 - Equipe de microbiologie CHU de Rennes Université de Rennes 1 Les microbes font partie intégrante de notre corps et sont importants pour notre physiologie et notre santé. L’émergence de nouvelles techniques d’analyse génomique (séquençage d’ADN et bio-informatique) permet aujourd’hui d’appréhender le rôle du microbiome humain dans la santé. Le fait de révéler ses fonctions multiples résistance à la colonisation de micro-organismes pathogènes, développement et réglage de notre système immunitaire et activités anti-inflammatoires , permet de facilement comprendre que son altération, également appelée dysbiose, puisse conduire à des maladies. Microbiome Des bactéries aux microbiomes L Les dernières évaluations du microbiome ont montré que ces micro-organismes sont en quantité égale, voire supérieure, au nombre de cellules humaines qui composent notre corps. L’homme est donc constitué de ses propres cellules et de cellules microbiennes résidentes v ivant en symbiose dans la cavité buccale, l’intestin ou encore sur la peau (fig. 1) . Ainsi, pour comprendre l’état de santé et les maladies, il faut étudier l’homme et ses hôtes comme un ensemble cohérent, appelé par les scientifiques holobionte [3]. Ces microbiomes endogènes La cavité buccale est largement colo- nisée par les micro-organismes et la santé buccale est fortement liée, via son microbiome, à la santé systémique de l’individu. Le chirurgien-dentiste doit connaître ces implications potentielles pour sa pratique clinique. L’évolution biologique du microbiome, une communauté complexe Les micro-organismes, ou microbiote, qui composent le microbiome sont des communautés structurellement et fonctionnellement bien organisées. Des systèmes de communication existent tels que le quorum sensing correspon- dant à de petites molécules de signal diffusables. Ces molécules facilitent la colonisation, la formation de biofilm, la défense contre des bactéries concur- rentes et l’adaptation aux changements environnementaux, mais peuvent éga- lement être impliquées dans la viru- lence de bactéries pathogènes [1, 2]. Clinic 2016 - N°spécial : S4-S10 4 Définition des mots clés Dysbiose : condition dans laquelle la structure de la population d’un microbiome normal est perturbée, souvent par des événements externes tels que les maladies ou les traitements médicamenteux. • Épigénétique : mécanismes moléculaires qui modulent l’expression du patrimoine génétique en fonction du contexte. • Espèce : groupe cohérent et distinct de bactéries qui ont été isolées, cultivées et nommées. • Holobionte : organisme hôte et tous ses micro-organismes résidents symbiotiques. • Microbiome : somme des micro-organismes, de leur information génétique et de l’environnement dans lequel ils interagissent. • Microbiote : tous les organismes microbiens vivants constituant le microbiome. • Symbiose : association intime, durable entre deux organismes appartenant à des espèces différentes.

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Vincent MEURICMCU-PH Sciences biologiquesEA 1254 - Equipe de microbiologieCHU de RennesUniversité de Rennes 1

Les microbes font partie intégrante de notre corps et sontimportants pour notre physiologie et notre santé. L’émergence denouvelles techniques d’analyse génomique (séquençage d’ADN etbio-informatique) permet aujourd’hui d’appréhender le rôle dumicrobiome humain dans la santé. Le fait de révéler ses fonctionsmultiples ‒ résistance à la colonisation de micro-organismespathogènes, développement et réglage de notre systèmeimmunitaire et activités anti-inflammatoires ‒, permet defacilement comprendre que son altération, également appeléedysbiose, puisse conduire à des maladies.

Microbiome

Des bactéries aux microbiomes

L Les dernières évaluations du microbiomeont montré que ces micro-organismessont en quantité égale, voire supérieure,au nombre de cellules humaines quicomposent notre corps. L’homme estdonc constitué de ses propres celluleset de cellules microbiennes résidentes

vivant en symbiose dans la cavité buccale,l’intestin ou encore sur la peau (fig. 1).Ainsi,pour comprendre l’état de santé et lesmaladies, il faut étudier l’homme et seshôtes comme un ensemble cohérent,appelé par les scientifiques holobionte[3]. Ces microbiomes endogènes

La cavité buccale est largement colo-nisée par les micro-organismes et lasanté buccale est fortement liée, via sonmicrobiome, à la santé systémique del’individu. Le chirurgien-dentiste doitconnaître ces implications potentiellespour sa pratique clinique.

L’évolution biologique du microbiome, une communauté complexeLes micro-organismes, ou microbiote,qui composent le microbiome sont descommunautés structurellement etfonctionnellement bien organisées. Dessystèmes de communication existenttels que le quorum sensing correspon-dant à de petites molécules de signaldiffusables. Ces molécules facilitent lacolonisation, la formation de biofilm, ladéfense contre des bactéries concur-rentes et l’adaptation aux changementsenvironnementaux, mais peuvent éga-lement être impliquées dans la viru-lence de bactéries pathogènes [1, 2].Clin

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Définition des mots clés• Dysbiose : condition dans laquelle la structure de la population d’unmicrobiome normal est perturbée, souvent par des événementsexternes tels que les maladies ou les traitements médicamenteux.• Épigénétique :mécanismes moléculaires qui modulent l’expressiondu patrimoine génétique en fonction du contexte.• Espèce : groupe cohérent et distinct de bactéries qui ont été isolées,cultivées et nommées.• Holobionte : organisme hôte et tous ses micro-organismes résidentssymbiotiques.• Microbiome : somme des micro-organismes, de leur informationgénétique et de l’environnement dans lequel ils interagissent.• Microbiote : tous les organismes microbiens vivants constituant lemicrobiome.• Symbiose : association intime, durable entre deux organismesappartenant à des espèces différentes.

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contribuent au métabolisme et aux fonctions phy-siologiques et immunologiques du corps humain(digestion, régulation métabolique, détoxication deproduits chimiques issus de l’environnement, fonc-tion de barrière contre la colonisation, équilibre pro-inflammatoire et anti-inflammatoire) et toute per-turbation a des conséquences importantes sur lasanté [4].La colonisation microbienne des animaux existe depuis toujours et explique cette coévolution sym-biotique dont l’homme profite actuellement [5]. Eneffet, tout au long de l’évolution, l’environnementhumain a continuellement changé avec la domes-tication du feu, l’avènement de l’agriculture puis larévolution industrielle et l’aire moderne. Plus récem-ment, l’homme et son microbiome ont un accès accru aux aliments transformés et sont exposésaux thérapies antimicrobiennes. Tous ces facteursont influencé la composition du microbiome. L’in-troduction de sucre raffiné dans les premiers tempsde l’agriculture a sélectionné certaines bactériesbuccales génétiquement adaptées à la nouvelle ali-mentation de l’homme. Par exemple, Streptococcusmutans, particulièrement résistant au stress oxydatifet aux acides produits par son propre métabolismedes glucides [6], a colonisé la cavité buccale et aégalement favorisé la colonisation par les lactoba-cilles et d’autres espèces tolérantes à l’acidité. Uneréelle pratique de l’hygiène bucco-dentaire est apparue vers la fin du XIXe siècle dans le monde dé-veloppé, principalement motivée par la publicationdu livre de Willoughby Miller, Les micro-organismesde la bouche humaine, en 1890, qui a favorisé la pro-motion du brossage dentaire et l’utilisation du fildentaire [7], participant ainsi aux changements dela composition du microbiome buccal. De nos jours,la consommation excessive de boissons acides, l’uti-lisation de sucre raffiné et le tabagisme impactentl’écosystème buccal, conduisant à des maladiestelles que les caries et les parodontites [8].

Microbiome buccalAcquisition d’un microbiome buccal normalLa colonisation bactérienne est considérée commedébutant à la naissance. En effet, chez le fœtus, laprésence de bactéries est encore très controversée.La transmission verticale d’une partie du micro-biome de la mère à l’enfant dépend du mode d’ac-couchement (voie basse ou césarienne). Ainsi, lapremière exposition aux micro-organismes varie etla diversité du microbiome buccal à 3 mois est enfaveur des enfants nés par voie basse. La méthoded’alimentation a également une influence. Les nour-

Principaux microbiomes du corps humain.1

Microbiome buccal

Microbiome de la peau

Microbiome intestinal

Microbiome vaginal

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rissons allaités pendant 3 mois montrent une colo-nisation plus élevée par des lactobacilles que lesautres. Enfin, l’éruption des dents fournit de nou-velles surfaces pour la colonisation microbienne etconstitue un événement écologique majeur dansla bouche de l’enfant. À l’âge de 3 ans, le micro-biome buccal des enfants est déjà complexe et ledevient de plus en plus au fur et à mesure de lacroissance jusqu’à la denture adulte [9].

Caractéristiques du microbiome buccalLa cavité buccale est en effet un système écologiquetrès hétérogène en raison des différentes surfacesdentaires et des multiples muqueuses. Ces habitatssont colonisés par diverses communautés micro-biennes. Cet environnement chaud et humide, richeen nutriments exogènes et salivaires, permet la crois-sance de nombreux micro-organismes [10]. Les dentscorrespondent à la seule surface non desquamantedu corps humain et offrent une occasion unique pourla formation d’un biofilm persistant tel un refuge pourles micro-organismes.À ce jour, plus de 700 espèces bactériennes ont été dé-tectées dans la cavité buccale mais, pour un seul indi-vidu, le nombre d’espèces résidentes varie de 150 à 250.

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Quand l’équilibre est rompu : la dysbioseDans une bouche saine, la composition des com-munautés microbiennes est remarquablement sta-ble (après maturation pendant l’enfance) mais deschangements biologiques au cours de la vie peu-vent affecter l’équilibre de ces communautés [11].Lors de ces changements physiologiques (vieillis-sement, puberté, grossesse), les individus sains s’yadaptent normalement sans que cela ait d’effet surleur santé bucco-dentaire. Mais à d’autres moments,l’écosystème de la cavité buccale peut se déséqui-librer, conduisant à des changements dysbiotiquesde la composition du biofilm qui augmente alors lerisque de maladie.Les facteurs participant à ce déséquilibre compren-nent la baisse du flux salivaire, une mauvaise hygiène bucco-dentaire et un mode de vie inap-proprié (habitudes alimentaires, tabac) (fig. 2) [12].Nous savons que les bactéries associées à la mala-die peuvent être trouvées en petit nombre sur dessites sains (fig. 3). Les maladies buccales se produi-sent alors à la suite d’un changement néfaste pourl’équilibre naturel du microbiote plutôt qu’aprèsune infection exogène. Au cours de la dysbiose, lesagents pathogènes peuvent atteindre des propor-tions nettement plus élevées que dans des condi-

tions saines, alors qu’ils sont normalement des com-posants mineurs et inoffensifs dans le biofilm [13].Les surfaces non desquamantes (particularité dela cavité buccale) permettent à de grandes massesde microbes de s’accumuler sous forme de biofilm :la plaque dentaire. Cette accumulation est doncprobablement un facteur clé de la dysbiose en l’ab-sence d’hygiène bucco-dentaire appropriée.

Dysbiose, origine des caries et des parodontitesLes théories sur la relation entre la plaque et les maladies dentaires ont évolué au cours du temps[14]. Au XIXe siècle, l’hypothèse de la « plaque nonspécifique » supposait que l’accumulation de plaquedentaire était responsable de la maladie, quel qu’aitété l’agent pathogène causal. Avec l’évolution destechniques de laboratoire, l’isolement et la carac-térisation de plusieurs espèces par culture, l’hypo-thèse de la « plaque spécifique » a été élaborée :seules quelques espèces dans le microbiome buccalétaient impliquées dans le processus de la maladie.Cependant, une grande partie des micro-orga-nismes ne pouvait pas être cultivée. Dans les années1980, l’hypothèse de la « plaque non spécifique »réapparaît, soutenant l’idée que l’activité globaledu microbiome total pouvait conduire à la maladie.Aujourd’hui, c’est l’hypothèse de « la plaque écolo-gique » qui a émergé pour expliquer la relation entrele microbiote buccal résident, l’environnement del’hôte et les maladies bucco-dentaires (fig. 3) [8].Dans la carie, une fréquence accrue de la consom-mation de sucre et/ou une réduction du débit salivaire exposent le biofilm pendant des périodesplus longues et plus régulières que la normale à defaibles niveaux de pH. Il y a alors sélection des organismes qui produisent des acides et/ou sontplus tolérants à un environnement acide avec apparition de la dysbiose, au détriment des bacté-ries bénéfiques qui se développent dans des condi-tions neutres (fig. 4) [13].Au niveau parodontal, l’hypothèse de la « plaqueécologique » a été affinée avec la proposition quecertains agents pathogènes faiblement abondantspouvaient interférer avec le système immunitairede l’hôte, entraînant en partie la dysbiose (fig. 5).Ainsi, l’accumulation de biofilm déclenche une gin-givite ; cependant, la seule présence d’un biofilmne suffit pas à entraîner une parodontite. Il est main-tenant reconnu que les interactions complexes entreles médiateurs de la réponse immunitaire et le bio-film sont les prérequis indispensables pour déclen-cher une évolution vers la parodontite [15].L’inflammation locale qui résulte de l’accumulationde biofilm provoque une augmentation du débit du

Origines potentielles de dysbiose (adapté de Kilian et al, 2016) [12]2

Compositionde la salive

Éruptiondes dents

Di�érencesgénétiques

MaladiessystémiquesEx. : diabète

Régimealimentaire

Antibiotiquesantiseptiques

Hygiènebucco-dentaire

Tabac

Immunitéinnée et

adaptative

et engendrer une dysbio

se

Fact

eurs

p

ouvant influencer le m

icrobiomeMicrobiome

buccalsymbiotique

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Modèle de la dysbiose (adapté de Marsh en 2003) [8]. Dans un état physiologique, la plupart des bactéries ont unerelation symbiotique avec l'hôte (bactéries indiquées en bleu). Peu de bactéries potentiellement pathogènes (marquéesen rouge) peuvent être détectées. C’est un changement dans les conditions environnementales locales (pression écologiquemajeure) qui permet une augmentation de la proportion et du nombre de bactéries impliquées dans les caries et parodontites.

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Pathogenèse des caries (adaptéKilian et al., 2016) [12]. Lors de l'équi-libre du système, le métabolisme im-pliquant le catabolisme des protéineset des glycoprotéines salivaires est enfaveur de la génération d'éléments alcalins neutralisant les acides. Lorsde la prise de sucres, ces sucres sontfermentés en acides organiques cequi abaisse le pH local favorisant lesbactéries tolérant cette acidité et pro-ductrices d'acide (dysbiose).

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Protéines

Amino-acides

Ammonium

5

UréePolysaccharides

Acides organiques

CarbohydratesSucroseNitrate

Nitrite

(OH)-

(PO4)3-

(PO4)3-

(OH)-

H+ H+

H+

Inhibition de laproduction d’acide

Ca2+

Ca2+

Microbiote associé à la santé Microbiote acido-résistantproduisant des acides

Biofilm

Émail

Facteurs de risque

Santé

Transmission

Pressionécologique majeure

Fluide gingival hInflammation h

°C h / pH hRégime / pH i

Altération de lacompétitivité bactérienne MaladieSanté

DYSBIOSE

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fluide gingival riche en éléments nutritifs et s’ac-compagne éventuellement de saignements, géné-rant un site de plus en plus favorable à la croissancedes bactéries anaérobies et protéolytiques. Ces der-nières, qui résident naturellement dans le sillon gin-gival, provoquent la transition d’un microbiomesymbiotique vers la dysbiose [13]. Les bactériesadaptées pour tirer profit des nutriments dérivésde l’inflammation vont promouvoir davantage cettedysbiose ainsi que la perturbation des tissus, générant un cycle pathogène auto-entretenu [16].Deux bactéries sont particulièrement retrouvées :Porphyromonas gingivalis, souvent associée auxparodontites chroniques, et Aggregatibacter acti-nomycetemcomitans, associée aux parodontitesagressives.

Chez les patients non sensibles, la réponse inflamma-toire dans la gingivite reste mesurée. Cependant, chezles patients présentant une sensibilité épigénétiqueou des facteurs de risque (tabac, alcool, alimentation,diabète non équilibré, stress, etc.), la communautémicrobienne dysbiotique entraîne une réponse in-flammatoire et immunitaire exacerbée inappropriéeet surtout inefficace qui est responsable des dom-mages des tissus de soutien de la dent [15, 16].Alors que, à ce jour, les communautés microbiennesimpliquées dans les maladies sont relativement bienidentifiées, la quantité raisonnable de bactériescompatible avec la santé bucco-dentaire reste inconnue et doit certainement différer entre indi-vidus en fonction de leur seuil de susceptibilité audérèglement de la réponse de l’hôte.

Pathogenèse des maladies parodontales (adapté de Meyle et Chapple en 2015 avec l'aimable autorisation desauteurs et de l'éditeur) [15].La gencive cliniquement saine présente naturellement une légère inflammation asymptomatique qui est proportionnéepour maintenir un microbiote parodontal résident symbiotique. L’accumulation de biofilm (absence de brossages...)permettra une « dysbiose naissante » où certaines bactéries pathogènes sont capables d'émerger. Dans la gingivite,la réponse de l'hôte reste proportionnée mais en raison de la maturation du biofilm, l'inflammation ne se résout pas,devient chronique et soutient la dysbiose. En fonction de divers facteurs de risque génétiques, environnementaux etd'hygiène de vie, certains patients sensibles vont progresser vers la parodontite. La parodontite est entraînée par desréponses immunitaires inflammatoires disproportionnées et exagérées qui seront la cause de la majorité des lésionstissulaires. Cette inflammation chronique destructrice maintient une dysbiose franche empêchant sa résolution.

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Absence de facteur de risque comportemental

Absence de facteur de risque environnemental

Présence de facteurs de risque comportemental

Présence de facteurs de risque environnemental

Absence de facteur génétique

E"et épigénétique non évident

Présence de facteurs de risque génétique

E"ets épigénétiques évidents

Santé

Biofilm

Microbiotesymbiotique

Biomassefaible

Réponsede l’hôte

proportionnée

Inflammationcontrôlée

Complément

Polynucléaireneutrophile

Antigènes

ADN

Gingivite

Biofilm

Microbiotedysbiotique

Quorumsensing

Biomasseimportante

Réponsede l’hôte

proportionnée

Inflammationnon contrôlée

Anticorps

Polynucléaireneutrophyle

++

LymphocytesT et B

Antigènes

Facteurs devirulence

LPS

Antigènes

LPS

Parodontite

Biofilm

Microbiotedysbiotique

Biofilmpathogénique

Biomasseimportante

Réponsede l’hôte

disproportionnéehyper-inflammation

Contrôleimpossible

del’inflammation

Anticorps

Polynucléaireneutrophyle

++++

h Fluidegingival

Plasmocytes

Facteurs devirulence

+++

Cytokines

MMPs

Destructiondu

parodonte

Inflammationchronique

noncontrôlée

Perte osseuse

DAMPs

Saignement

Stressoxydatif

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Conséquences systémiques de la dysbiose buccale

La cavité buccale agit comme une passerelle versl’ensemble du corps. La dysbiose dans les maladiesparodontales facilite probablement la diffusion sys-témique de l’inflammation incontrôlée et des bac-téries buccales. Une bonne hygiène buccale estdonc cruciale pour le contrôle de la charge bacté-rienne et de l’inflammation. Le lien entre les patho-gènes oraux et les effets systémiques a été mis enévidence par une étude récente chez les animaux,où l’administration buccale de P. gingivalis entraînaitla modification du microbiome intestinal ainsi quedes changements inflammatoires dans divers tissuset organes [17]. De même, les parodontites sévèresaffectent négativement le contrôle glycémique dupatient diabétique mais également des sujets nondiabétiques. Cependant, l’impact précis du micro-biote parodontal reste à bien déterminer [18]. L’ana-lyse de la cavité buccale et de son microbiomepourrait être, à terme, un outil utile pour diagnos-tiquer des maladies systémiques qui ont des ma-nifestations parodontales et faciliter ainsi la priseen charge de patients bien ciblés [19].

Implications pratiques pour le chirurgien-dentisteL’écosystème diversifié qui est à l’origine du micro-biome buccal est par nature finement réglé et pro-tège des maladies. Il est essentiel pour les patientset pour les professionnels de santé de maintenircette diversité naturelle et équilibrée.

La prévention par la protection de cet écosystèmeavec des techniques de contrôle de plaque efficacesqui maintiennent les biofilms dentaires à des niveaux compatibles avec la santé bucco-dentaireest primordiale.Une fois la dysbiose installée, le but du traitementest de rétablir l’équilibre perdu. L’utilisation d’agentsantibactériens pour le traitement des maladiesbucco-dentaires ne doit plus être abusive afin deconserver le microbiote buccal bénéfique et d’éviterles résistances.Il est donc nécessaire d’adopter des approches éco-logiques pour maintenir une protection salivaire efficace et compléter l’hygiène buccale mécanique.L’usage du fluor topique, l’encouragement à des chan-gements d’habitudes alimentaires (réduction de laquantité et de la fréquence de consommation de sac-charose et de boissons acides) ainsi que l’arrêt du ta-bac et un contrôle strict du diabète sont à préconiser.

ConclusionBien que des recherches supplémentaires soientnécessaires pour affiner les connaissances et lesrôles précis de chaque micro-organisme, la com-préhension du microbiome évolue rapidement etétaye l’idée que la pratique clinique doit évoluervers une gestion proactive de la santé bucco- dentaire par le biais d’une approche écologique dupatient et du maintien de son microbiome, autre-ment dit une approche écologique de l’holobionteque représente le patient.

Cet article original complète l’article en cours de publication au British Dental Journal : Kilian M, ChappleILC, Hannig M, Marsh PD, Meuric V, Pedersen AML, Tonetti MS, Wade WG, Zaura E. The oral microbiome- an update for oral healthcare professionals.

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