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L’Université Syndicaliste, le journal du Syndicat national des enseignements de second degré (SNES, 46, avenue d’Ivry, 75647 Paris Cedex 13. Tél. standard : 01 40 63

29 00). Directeur de la publication : Xavier Marand ([email protected]). Rédacteur en chef : Hamda Elkhiari. Secrétaire de direction : Bénédicte Derieux.

Collaborateurs permanents : Thierry Ananou, Nicolas Béniès, Jean-François Claudon, Clarisse Guiraud, Thierry Pétrault, Véronique Ponvert, Stéphane Rio, Nicolas Sueur.

Régie publicitaire : Com d’habitude publicité, Clotilde Poitevin, 7, rue Émile-Lacoste, 19100 Brive, tél. : 05 55 24 14 03, fax : 05 55 18 03 73, www.comdhabitude.fr.

Publicités : GMF (p. 2), CASDEN (p. 47), MAIF (p. 48). Compogravure : C.A.G., Paris. Imprimerie : Roto France, Lognes (77).

CPPAP. n° 0123 S 06386. ISSN n° 0751-5839. Dépôt légal à parution. Illustration de couverture : © Erik

Scheppers/Flickr.com. Prix du numéro : 3 €. Abonnement : 1) Personnels de l’Éducation nationale : France 30 € ;

étranger et DOM-TOM : 44 €. 2) Autres, France : 42 € ; étranger : 56 €.

SOMMAIRE30 jours 4

Rattrapage 5• Loi d’urgence sanitaire

Portrait 6• Radio France

Actualité 8• CHSCTM : Les masques• CA et protocole sanitaire• Protocole sanitaire : responsabilités• Droit de retrait• La FP pendant la crise et après • Conditions pour une reprise• La reprise sur le terrain• Présentiel / distanciel• Reprise pédagogique : comment ?• Organisation du bac 2020• EAF : perseverare diabolicum• Aménagement des programmes• Fin d’année pour les Troisièmes

Éco/social 18• Dette et politique monétaire• Emplois et hiérarchie sociale• Covid : la mondialisation en échec

Dossier 21• La recherche : prévenir et répondre

Métier 28• Confinement et rémunérations• Intra : vœux et barèmes• « Reprise » et conséquences sur les disciplines

ÉditoLes joursd’aprèsImpréparation, improvisation,contradictions, les substantifsabondent pour qualifier lagestion calamiteuse de la crisesanitaire et le plan de retour desélèves en classe. N’écoutant niConseil scientifique ni prudence,le ministre de l’Éducationcaracole, donne des dates deréouverture des établissementsavant la rédaction d’unprotocole. Et qu’importe unepossible reprise de l’épidémie,il se gargarise de chiffres etde prévisions sur le nombred’élèves qui reprendront lechemin de l’École. Les masquesmanquent-ils à certainsendroits ? Les impensésdes objectifs pédagogiqueslaissent-ils un boulevardaux organisations les plusbaroques ? La conjonctiontravail en présentiel et endistanciel pèse-t-elle lourd surla charge de travail ? Que lespersonnels se débrouillent !Il en va ainsi des professeurs delettres en Première, maintenusdans une cruelle incertitude surle sort de l’EAF. Que peuvent-ilsrépondre à leurs élèves avec quiils n’ont cessé de maintenir lelien pédagogique ?Face aux inquiétudes, auxquestions multiples et légitimes,le SNES-FSU assure la continuitésyndicale, toujours. Il est plusque jamais présent à vos côtés,engagé dans la défense de tousnos métiers, attentif à la santé

et la sécuritéde tous.

Frédérique Roletsecrétaire générale

21DossierPrévenir et répondreà la crise sanitaire

Catégories 30• Psy-ÉN : CIO et déconfinement• Non-titulaires : renouvellements• Droits des AED-AESH• Perte d’autonomie

Sur le terrain 32• La vie scolaire : tâches et missions

Fenêtre sur 34• Les réfugiés

Culture 36• Livres/Revues• Cinéma/Théâtre/Spectacles/Expositions

Entretien 40• Romaric Godin

Changer d’ère 42• Le RGPD

Dans Hors la classe 43• La classe à la maison

International 44• Déconfinement en Europe• Gestion de la crise au Brésil• Élections aux USA

Droits et libertés 46• Appli Covid-19• Violences familiales

34 Fenêtre sur Les réfugiés

6Portrait

Radio France

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4 - us MAGAZINE - Supplément au no 797 du 25 avril 2020

BILLET D’HUMEUR

Gros cachets et pilules amères

30 jours

La cupidité et l’indécence n’ontjamais paru avec autant d’éclatque sous la présidence de PaulHudson à la tête de Sanofi. Sansvergogne et en pleine crise sa-nitaire, il annonce qu’en cas derecherches fructueuses, le vac-cin contre le coronavirus seraitd’abord réservé aux États-Unis ! Il est vrai qu’avec 4 mil-liards d’euros de dividendesversés au titre de l’exercice2019 le groupe est à la peine.Le ruissellement en directiondes actionnaires a un coût. Àl’instar de LVMH ou d’autres,le groupe est contraint de de-mander des prêts à la BCE qui

se refuse à le faire pour lesÉtats. Que dire encore des 110à 130 millions d’euros annuelsperçus au titre du crédit d’im-pôt recherche ; à peine de quoisortir de l’indigence ! Et quiddes 28 millions d’euros du CICE,une broutille, de l’argent depoche ! D’ailleurs, ne serait-ilpas temps de revoir les prix decertains médicaments etd’améliorer leur rembourse-ment ? Il n’y a pas que les can-céreux et les malades de la Covid 19 qui souffrent, il y aaussi les actionnaires ! Capita-lisme, quand tu nous tiens... n Nicolas SueurNe pas les croiser. « Colère » des croisiéristes interdits

d’accoster à Marseille en raison de la crise sanitaire.

20avr.

À force de crier au loup. Un loup gris photographiédans le nord de la France, une première depuis un siècle.

18avr.

Le virus dans la peau. Deux Françaises arrêtées enIsraël pour escroquerie à la vente de masques.

17avr.

Voler au secours. Air France va recevoir 7 milliardsd’euros de prêts bancaires et de l’État français.

23avr.

Mise en bière. Le marché français de la bière pourraitreculer de 30 % à 40 % en 2020 (Kronenbourg).

25avr.

Mais oui, mais oui, l’école est... Réouverture«  très progressive » des écoles à partir du 11 mai, de certainscollèges à partir 18 mai, décision fin mai pour les lycées.

28avr.

Quand on le disait. Selon l’Institut supérieur de la Santéitalien, une réouverture des écoles ferait «  immédiatement »repartir la pandémie.

29avr.

L’hôpital qui se fout... Trump conseille à Biden de se« battre » contre les accusations d’agression sexuelle.

30avr.

Ça tourne plus rond. Un juge déboute les joueuses del'équipe de football des États-Unis réclamant l’égalité salariale.

1ER

mai

Ça clochait. Les fleuristes autorisés à vendre du muguetdevant leurs boutiques

1ER

mai

Masque...arade. Les professionnels de santé indignés parl’abondance de masques annoncée par la grande distribution.

2mai

Chat alors. Un chat testé positif au coronavirus pourla première fois en France.

3mai

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R

Non délivré. Les entrepôts d’Amazon France restent clos, lajustice insiste sur une évaluation des risques.

24avr.

Appel d’air. La pollution de l’air baisse dans des grandesvilles en Europe pendant le confinement.

15avr.

Le pauvre. Face à la crise liée au coronavirus, Bernard Arnault (LVMH) taille dans son salaire.

14avr.

Poussée de fièvre. Au Brésil, Bolsonaro limoge sonministre de la Santé en pleine crise du coronavirus.

16avr.

Engagez-vous  !Libre ! C’était le titre du documentaire qui avait été consacré à son

action dans la vallée de la Roya. Depuis le 13 mai, c’est égalementson statut juridique. Deux jours après le déconfinement, Cédric Herroua été relaxé par la Cour d’appel de Lyon. Le fermier de la vallée de laRoya est donc libre et ne purgera jamais l’inique peine de quatre moisde prison à laquelle il avait été condamné le 8 août 2017. Dès décem-bre 2018, la Cour de cassation avait annulé ce jugement en arguant du« principe de fraternité » consacré quelques mois plus tôt par le Conseilconstitutionnel. Les Sages avaient alors mis en avant « la liberté d’aider

autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de

son séjour sur le territoire national ». Tout semblait dit. Mais c’étaitsans compter sur le parquet qui, par la voix de l’avocat général FabriceTremel, a fait valoir, le 11 mars dernier – soit quelques jours avant quetout bascule – que Cédric Herrou « n’avait pas un but exclusivement

humanitaire, mais une revendication idéologique, militante ». Étrangeréquisitoire... Seules les âmes charitables, pures de toute idéologie, méri-teraient des louanges publiques pour leur action ? L’engagement est-ilun mobile d’action si vil qu’il faille le punir ? Soumettre à un droit spé-cifique les militants se prévalant du « principe de fraternité » pour imposerleurs convictions personnelles est une idée qui fait son chemin dans cer-taines esprits. Ce sont d’ailleurs souvent les mêmes qui échafaudent desplans de casse des services publics, bafouant le « principe de fraternité »au nom d’une idéologie mortifère qu’ils appliquent avec zèle.

(Très atteint). Trump appelle à «  libérer » des Étatsconfinés gouvernés par des démocrates.

19avr.

Surface de séparation. 10 mètres de distance minimumpour le footing ou le vélo. Difficile distanciation.

26avr.

Des lettres et surtout des chiffres. 6,8 milliards dedollars de bénéfice au premier trimestre pour Alphabet, maison-mère de Google. La crise économique ne se fait pas sentir.

27avr.

Décompte macabre. La France passe la barre des 20 000morts du coronavirus.

21avr.

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rAttrApAGE

Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - US MAGAZINE - 5

Loi d’urgence sanitaireLe lundi 23 mars, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dite aussi loi d’urgence sanitaire a été publiéeau Journal officiel. Délibéré en Conseil des ministres le mercredi 18, le projet de loi a été adopté à l’Assemblée quatrejours plus tard (22 mars). Retour sur une loi qui remet en question la démocratie et fait craindre l’émergence d’unhygiénisme autoritaire.

Une remise en causedes libertés« L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en

conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé

de la santé. » Prévu pour une durée de deux mois à compter

du 23 mars (Art. 4), il va être prolongé jusqu’au 24 juillet.

Le Premier ministre peut, par simple décret, abolir certaines

libertés fondamentales (Chapitre 1er) : restriction ou

interdiction de circulation des personnes et des véhicules,

limitation des rassemblements sur la voie publique, couvre-

feux. Il peut décider de mise en quarantaine, de placement et

de maintien en isolement des personnes susceptibles d’être

infectées. Il peut fermer des établissements recevant du

public ainsi que des lieux de réunion. Le nouveau texte

prévoit un traçage des malades. n

Droit du travailSi la loi d’urgence supprime temporairement le ou les

jours de carence dans le public comme dans le privé, elle

entame très nettement le droit du travail. Là encore le

gouvernement peut légiférer par ordonnances. Le maître-

mot est la flexibilité. Il s’agit « de permettre aux

entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la

sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie

économique et sociale de déroger aux règles d’ordre

public et aux stipulations conventionnelles relatives à la

durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos

dominical » (Art. 11). n

Flexibilité

Élections municipalesLa loi acte le report du second tour des élections municipales

initialement prévu le 22 mars. Les listes élues au premier tour –

environ 30 000 – conservent le gain de leur élection, mais

l’installation des nouveaux conseils municipaux est reportée au

plus tard au mois de juin. D’ici là, les maires et conseillers

municipaux de la précédente mandature conservent leur

mandat. La date du deuxième tour, avec maintien des résultats

du premier tour, ne pourra dépasser le 30 juin, sinon, une

nouvelle élection avec deux tours sera organisée (Art. 19). n

4 mois

Congés et RTT

Le gouvernement est autorisé à prendre par

ordonnances, dans un délai de trois mois, toute mesure

permettant aux employeurs « d’imposer ou de modifier

unilatéralement » aux salariés, sans délai de

prévenance, les dates des jours de RTT et de repos issus

du compte épargne temps (Art. 11). Le texte permet

aussi aux employeurs de contraindre les salariés à poser

le solde de leurs congés 2019/20 d’ici le 31 mai, dans la

limite de 6 jours ouvrés. La réduction du délai de

prévenance doit passer par un accord collectif. Des

dérogations sont également envisagées pour assurer la

continuité des droits des assurés sociaux et de leur accès

aux soins (Art. 11, 6). La date de fin du sursis

concernant les expulsions locatives est repoussée. n

ReportSanctions!

Le non-respect des mesures de confinement est puni d’uneamende de 135 euros. Le montant passe à 1 500 euros en casde récidive sous quinze jours. En cas de violations répétéesà plus de trois reprises sous 30 jours, la peine peut monter à3 750 euros d’amende, six mois d’emprisonnement et unepeine de travail d’intérêt général. Le projet d’allongementde l’état d’urgence prévoit une extension des pouvoirs deverbalisation à toute une série d’agents.

Ordonnances!Le gouvernement peut demander auParlement l’autorisation de prendre lui-même des mesures relevant normalement dudomaine de la loi, afin de mettre en œuvreson programme (Art. 38 de la Constitution).L’autorisation lui est donnée par le voted’une loi d’habilitation. Ces actes sontappelés des ordonnances.

Décret!Dans ce cas précis, il s’agitd’un acte réglementaire (règle générale qui s’appliquepour un nombre indéterminéde personnes) pris par leprésident de la République oule Premier ministre.

Dérogation

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15t0414_texte-adopte-seance

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6 - US MaGaZiNE - Supplément au no 797 du 25 avril 2020

portrait RaDio FRance

En 1963 la Radiodiffusion-télévision fran-çaise (RTF), société chargée du servicepublic de l’audiovisuel, future ORTF,

s’installe à la Maison de la radio (voirencadré) et entre dans la modernité, de verreet d’aluminium protégée. Naissent alors,France Inter, France Culture et FranceMusique, bientôt suivies de France InterParis, future FIP. L’ORTF connaît ses trèsriches heures jusqu’en 1974 mais la libéra-lisation gagne les esprits d’abord et l’éco-nomie ensuite. Il est fini le temps de la tutelledu ministère de l’Information. Les mono-poles n’ont que trop duré. Pas de pétrole,quelques idées ; adieu Catherine Langeais.

La guerre des ondesRadio France naît le 6 janvier 1975, un peuplus autonome par rapport au pouvoir, unpeu liée à lui encore. Il s’agit pour JacquesChirac, alors Premier ministre, de« produire et diffuser une information libreet  ouverte ». Depuis les années 50, lesradios périphériques (Europe n° 1 ou SudRadio) jouissent d’une audience grandis-sante, notamment après les événements deMai 68. À la fin des années 70, apparaissentles radios pirates (Radio Campus à Ville-neuve-d’Ascq ou Lorraine Cœur d’Acier àLongwy). Elles font vaciller Radio Franceet remettent en question sa position domi-nante. Face à cette concurrence dynamiqueet protéiforme, Radio France se diversifie,se multiplie, en lançant de nouvelles stationsau début des années 80. Le monopole prendfin définitivement en 1981. C’était unepromesse de campagne de F. Mitterrand.Les pirates gagnent leur liberté. Ils ont droitde cité. Esprits et paroles aussi se sontlibérés. Radio France s’adapte et prouvequ’elle peut gérer des radios régionales,

qu’elle crée par dizaines pour les réunir parla suite dans le réseau France Bleu. Viennentensuite France Info en 1987, première chaîned’info en continu 24h sur 24 en France, leMouv’ à la programmation résolument jeuneen 1997 et, pour finir, Radio France tentele grand bond dans le numérique.

Bras de ferLes présidents se succèdent et sont confrontéstrès régulièrement à des mouvements sociauxd’ampleur. À partir de 2015, c’est l’ère des

restrictions. Les problèmes financiers s’ac-cumulent, ayant pour origine, entre autres,des travaux qui n’en finissent plus et quigrèvent les budgets. L’État actionnaire exige de réduire les coûts.Aux plans sociaux posés sur la table, lespersonnels répondent par la grève. Le trèscontroversé président Mathieu Gallet renon-cera le 9 septembre 2015 aux 350 départsvolontaires initialement prévus... un objectifreste pourtant fixé pour 2018 : faire dispa-raître 270 postes.

SEPT CHAÎNES DE RADIO, DE FRANCE INTER AU MOUV’, 44 stations locales, 4 formations musicales et un labelde musique font de Radio France le 1er groupe radiophonique français. Retour sur l’histoire d’une institution,qui, du haut de ses 45 ans, déborde de jeunesse ; une histoire faite de mouvements sociaux, faite demouvement tout court.

Des radios libres

LE MOUV’ SOCIALÀ chaque décennie ses mouvements sociaux.L’histoire du groupe Radio France en est émaillée.

n Entre 1953 et 1955, ce n’est pas moins de 54coupures d’antenne que l’on a pu dénombrer.

n 17 jours de grève en 1994 pour dénoncer dessalaires inférieurs à ceux des journalistes de latélévision publique.

n En 1998, parce que les moyens de réalisationdes émissions ne sont pas suffisants, les person-

nels de France Culture, bientôt suivis par ceuxde France Musique et de France Inter se mettenten grève. Leurs revendications sont satisfaitesen 6 jours.

n En 2000, 10 jours de grève en novembre et unesemaine en juin, à l’initiative des assistants deréalisation. Des dissensions se font jour au seindes syndicats. Certains s’indignent que « 2 % degrévistes puissent tenir en otage (l’expressionfaisait déjà florès) 3  600 salariés ».

n En 2003, J.-M. Cavada, président depuis 1998,lance le chantier du numérique. Les technicienss’insurgent contre le surcroît de travail que celaengendre, suivent les journalistes, puis les autrespersonnels.

n En 2004, les journalistes sont en grève 18 joursdurant pour obtenir des salaires équivalents àceux de leurs homologues de la télévision. Lecombat avait commencé 10 ans plus tôt mais leplan de rééquilibrage avait été quelque peu

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«  La radio est une action humaine, autrement dit collective.  »Général de Gaulle, discours d’inauguration de la Maison de la Radio le 14 décembre 1963

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En 2019, quatre ans après la plus longue grèvede son histoire, le conflit reprend de plus belle.Sybile Veil, ex-conseillère de N. Sarkozy estnommée présidente. Elle « se comporte commeune préfète […], coupe dans les crédits commedans les effec-tifs » selonMediapart (16juin 2019). Ilfaut réaliser60 mi l l i onsd’euros d’éco-nomie, en supprimant des postes. C’est la consé-quence du désengagement de l’État au momentmême où les investissements dans le numériquesont indispensables et nécessiteraient un effortsubstantiel. Les simulations financières présen-tées par la direction ne sont pas sincères selon

un rapport d’expertise mais quand on veutnoyer son chien... Les audiences, cependant,sont bonnes voire excellentes : Inter est devenue,début 2019, la première radio de France devantRTL. Des semaines de grèves impliquant trois

quarts des salariéset 87 % des journa-listes à FranceInter se succèdent ;et pourtant, SybileVeil ne veut rienlâcher.

La crise du Coronavirus sonnera la trêve maisle mouvement est vivace. Les négociationsdemeurent en suspens. Lucien Jeunesse, quia fait les beaux jours de France Inter, pourraitconclure la séquence avec son fameux : « Àdemain, si vous le voulez bien ! ». n

UNE MAISON POUR LA RADIOAlors que la société de consommation triomphe et que les médias demasse s’inscrivent dans le paysage et les habitudes, au beau milieu de laguerre froide et au passage de la IVe à la Ve République, va sortir de terrece symbole de la communication, nouvel enjeu stratégique du temps. Lacommunication est affaire d’État et doit trouver sa place forte. Telle estla Maison de la Radio : un château-fort au milieu duquel s’élève un donjonqui concentre et diffuse l’information.Des vestiges d’une usine à gaz désaffectée depuis 1928 doit naître unbâtiment abritant tous les services de la radio-télévision publique française.Ainsi en a-t-il été décidé par l’État au début des années 50. « À la radio,fallait-il une maison ? Oui  ! », déclare le Général de Gaulle lors del’inauguration de la « Maison ronde » le 14 décembre 1963, en présenced’André Malraux. Auparavant, la RTF était éparpillée à tous les vents. Pas moins de 39 adressesà travers Paris. Les locaux ne sont plus adaptés. L’heure est à la centralisation.

Un monumentD’abord appelé « Maison de l’ORTF », l’édifice réalisé par l’architecte HenryBernard est un vaste cercle d’une circonférence de plus de 700 m surmontéd’une tour de 68 m de haut. Architecte fonctionnaliste, Bernard met enavant la fonction du bâtiment plus que la forme et se veut résolumentmoderne pour une institution qui doit être le symbole de cette modernité.De Gaulle dira encore de l’édifice lors de son inauguration : « La radio estune action humaine, autrement dit collective. Sans doute se nourrit-ellede la capacité des individus. Mais, pour être valable, il lui faut l’effortconjugué des équipes. Et c’est pourquoi ce bâtiment complexe et imposantmais unitaire et circulaire est le signe de la concentration et de la cohésion,qui sont nécessaires à son audience et son influence ».Sise avenue du président Kennedy dans le 16e arrondissement, elle abrite

en son sein près de 1 000 bureaux et des dizaines de studios d’enregistrementdont le fameux studio « 102 », un musée de la radiodiffusion, une salle deconcert symphonique et, depuis 2014, un auditorium de 1 500 places.En 1975, à la disparition de l’ORTF, elle devient le siège de Radio France. Les travaux de rénovation ont débuté en 2004 et se poursuivrontprobablement jusqu’en 2023 pour un coût total de 736 millions d’euros.De nombreux retards, notamment sous la présidence de Mathieu Gallet,ne cesseront de faire grimper la note. La Cour des comptes dans un rapportde 2019 pointe des « risques et des incertitudes persistantes ».

Le 26 mars 2018, la « Maison ronde » est inscrite pour partie au titre desmonuments historiques.

 

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oublié. La direction en propose un nouveau.

n 2005, 19 jours de grève en avril. C’est au tourdes ouvriers et administratifs de réclamer unerevalorisation de leurs salaires. La directionbrandit la menace de la privatisation. La situationse tend. Techniciens et producteurs se lancentdans l’action. La direction se ravise.

n Entre 2005 et 2015, une relative accalmieprécède la crise, alors que s’éternisent les travauxet que la trésorerie s’épuise.

n 2015, Radio France connaît la plus longue grèvede son histoire. Selon Télérama, ce sont 28 joursd’un « véritable climat insurrectionnel » et pourles auditeurs 28 jours de playlists. M. Gallet doitréaliser 20 millions d’économies sur la massesalariale malgré les bonnes audiences. La néces-sité d’un plan social est loin d’apparaître commeune évidence. De plus, les révélations sur lesdépenses somptuaires du jeune directeur nefont qu’envenimer les choses, comme l’ont faitla restructuration des équipes et le renouvelle-

ment des dirigeants des diverses chaînes deradio mais aussi des producteurs et des anima-teurs. L’intervention d’un médiateur apaise lestensions mais ne règle rien. La grève s’arrête le 16 avril sans qu’un compromisn’ait été trouvé. Le médiateur travaille à un contrat d’objectif etde moyens pour la période 2015-2019, veille dela dernière grande grève.

« Nous avons l'obligation moralede faire de belles émissions !  »

Jacqueline Baudrier, première présidente de Radio France

Portrait réalisé par Hamda El khiari

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CHSCTM : LA VALSE DES MASQUESUn seul point était à l’ordre du jour de la réunion ministérielle du 7 mai : les modalités de réouvertureprogressive des écoles et des établissements.

Cette réunion a permis de signaler lesnombreux dysfonctionnements que lespersonnels ont pu constater avant même

le début du déconfinement, notamment lesvelléités de réunions plénières allant à l’en-contre de toute préconisation sanitaire. Leministère a rappelé que le protocole sanitairedevait être strictement appliqué et que leretour en établissement, lorsqu’il était pos-sible, devait être progressif.Parmi les nombreux sujets abordés, le SNESa insisté, avec la FSU, pour que les profes-seurs qui choisissent de ne pas renvoyerleur(s) enfant(s) à l’école ou au collègebénéficient du droit de garde à domicile.Le ministère a répondu que, pour pouvoircontinuer en travail à distance, jusqu’au1er juin, les personnels n’avaient pas besoind’un document attestant un refus d’accueilpar la structure (crèche, école ou collège)et qu’il leur suffirait de déclarer leur situa-tion à leur chef d’établissement.

Précautions et incohérenceLes préconisations sur l’usage des masquesont été mouvantes. Le projet de protocoleprévoyait un port obligatoire pour les élèvesde collège et de lycée, mais la version finale,diffusée le 3 mai, limitait cette obligation à« toutes  les  situations  où  le  respect  des

règles  de  distanciation » risquait « de  ne

pas  être  respecté ». Pour le SNES-FSU,cette formulation –  qui s’appliquait aussi

aux personnels – donnait la possibilité d’en-lever le masque en reportant la responsabilitésur les agents. Il a donc demandé au ministère des recom-mandations plus strictes sur les exceptionsà son usage et sur les conditions de mani-pulation. Depuis, un décret rend le port dumasque par les enseignants obligatoire enprésence des élèves, qui, eux, ne doivent

le porter que lorsque la distanciation n’estpas garantie. Peut-on raisonnablement penser que cettedernière peut être respectée en classe ? Cetteobligation à géométrie variable interroged’autant plus que le type de masque préco-nisé ne protège que si tout le monde enporte. n

Hervé Moreau

REPRISE ET CA : VIGILANCEDans les établissements, deux écueils sont à éviter : faire porter au conseil d’administration desresponsabilités qu’il n’a pas et accepter qu’il soit privé de l’exercice de ses compétences.

Certains chefs d’établissement pourraientvouloir faire porter au conseil d’admi-nistration une responsabilité qu’il n’a

pas à endosser. Ce n’est pas à lui de définirles conditions sanitaires de rentrée : il n’ena ni la compétence légale, ni la compétencetechnique.

SécuritéSur ces questions d’hygiène et de sécurité,au titre de l’article R421-20 du code del’éducation, le CA doit délibérer. Cela signi-fie qu’il peut prendre des décisions, maisuniquement s’il le souhaite. Pour le SNES-FSU, il ne doit pas construire ou valider unplan local. La garantie de la sécurité despersonnels et des usagers revient à l’État et

aux collectivités territoriales. Le SNES-FSUa donc demandé que les CA soient réunisavant le retour des personnels afin de voterun avis pointant les particularités de l’éta-blissement, les difficultés, les dangers iden-tifiés... Il peut aussi modifier le règlementintérieur pour l’adapter au protocole sanitaire(pour ce qui est de la circulation dans l’éta-blissement par exemple).

Et la pédagogie  ?Le CA fixe les principes de mise en œuvrede l’autonomie pédagogique (R421-2),notamment l’organisation du temps scolaire,ainsi que les modalités de répartition desclasses et des groupes d’élèves. En restantdans le cadre du protocole sanitaire national,

il peut donc exiger des groupes plus res-treints pour des raisons sanitaires et uneorganisation du temps scolaire respectueusedes statuts des personnels ou des exigencespédagogiques des équipes pour un servicepublic de qualité. Il faut s’en servir pourempêcher des organisations dangereusesou sans aucun sens pédagogique.Mais le CA n’a pas compétence pour impo-ser des pratiques aux enseignants dont laliberté pédagogique est garantie, ni pourmodifier leurs obligations réglementairesde service. Il en va de même pour les autrescatégories (CPE, AED, AESH, Psy-ÉN).N’oublions jamais que nous sommesconcepteurs de nos pratiques. n

Gregory Frackowiak

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PROTOCOLESANITAIRE ETRESPONSABILITÉSLes mesures de sécurité sanitaire (décret et protocole) ontune valeur réglementaire ; la personne qui délibérémentne les respecte pas engage sa propre responsabilité.

Qui est juridiquement responsable de lamise en application des mesures sani-taires ? Un professeur, CPE, AED,

AESH peut-il être tenu pour responsable encas de contamination d’un élève ? À cettequestion posée par le SNES-FSU en CHSCTministériel (le 7 mai), le ministère s’estengagé à rappeler que le protocole doit êtrestrictement appliqué mais a tenu aussi àsouligner que « la  responsabilité  pénale

n’est envisageable qu’en cas de manquement

grave et délibéré aux consignes sanitaires ». Le SNES-FSU appelle à la vigilance. La loidu 11 mai prorogeant l’État d’urgence sani-taire rappelle l’article 121-3 du code pénal :il y a délit « en cas de faute d’imprudence,

de négligence ou de manquement à une obli-

gation de prudence ou de sécurité [...] s’il

est  établi  que  l’auteur  des  faits » n’a pasappliqué sans délai ce qui lui est demandé

par la réglementation et la loi.

Une obligationrèglementaireUn décret publié le même jourque la loi oblige les personnelsà porter un masque lorsqu’ilssont en présence des élèvesou « dès  lors  que  les  règles

de distanciation physique ne

peuvent  être  garanties »,autrement dit quasiment en permanence.Cette dernière obligation s’applique aussiaux élèves qui doivent en outre le porterobligatoirement lors de leurs déplacements. Pour le SNES-FSU, l’État doit fournir gra-tuitement aux personnels comme aux élèvesdes masques et des moyens de protectiondes espaces d’accueil. Parallèlement au portdu masque, toutes les prescriptions du pro-

DROIT DE RETRAIT :L’ESSENTIEL À RETENIRLe décret n° 82-453 du 28 mai 1982 encadre ce droit qui autorise un agentà se retirer d’une situation de danger.

La réouverture des EPLE nous permet demieux appréhender la question de ce droit.Rappelons les règles à respecter pour éviter

les déconvenues.La présence sur le lieu de travail pour invoquer« un motif  raisonnable de danger grave  et

imminent pour sa vie et sa santé » est obli-gatoire. L’absence d’élèves à prendre encharge n’autorise pas l’agent à quitter sonétablissement. Lorsqu’un personnel doit pren-dre en charge des élèves, l’espace doit êtreadapté à la situation. Si tel n’était pas le cas,les personnels doivent le signaler à l’admi-nistration par tout moyen et le plus rapidementpossible sur le registre de santé et de sécuritéau travail et prévenir également les représen-tants FSU du CHSCT départemental ou aca-démique.

Un droit individuelChaque agent doit individuellement faire ladémarche d’exercer son droit de retrait et tousceux qui sont exposés au danger peuvent lefaire mais ils ne peuvent le faire collectivement.Si la réponse de l’administration est une injonc-tion – à reprendre le service par exemple –, ilfaut demander un ordre écrit.Les succès juridiques relayés dans les médiasne doivent pas conduire à utiliser ce droit demanière irréfléchie ou précipitée. Mais il nefaut pas se l’interdire si les dispositions duprotocole sanitaire ne sont pas assurées scru-puleusement. Si le désaccord persiste, c’estle juge administratif qui validera ou non lapertinence de l’utilisation du droit de retrait.Enfin, deux réalités à ne pas oublier : l’em-ployeur ne peut pas déterminer les limites du

droit de retrait et le juge a une interprétationrestrictive des notions de danger, d’imminenceet de raisonnable. Pour toutes ces raisons, ilest recommandé de prendre conseil auprès devos représentants SNES-FSU. n

Jean-Michel HARVIER

tocole sont réglementairement obligatoires,elles ne sont pas négociables. Signalez offi-ciellement tout manquement et exigez del’administration toutes les actions et mesuresnécessaires à la protection sanitaire. En casde doute ou de difficulté, contactez les repré-sentants du SNES-FSU. n

Hervé Moreau

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actualité

UNE MÉDAILLE POUR SOLDEDès le début de l’épidémie, les hôpitaux et les services de l’État se sont mobilisés face à la crisesanitaire, malgré la pénurie de moyens. Avec l’annonce du déconfinement, les servicesterritoriaux s'ajoutent à cette liste. Alors, les services publics, un coût ou un atout ?

Chaque soir à 20 h, des applaudissementsrésonnent pour remercier les soignants.Voilà qui est bien la moindre des choses.

Pourtant les personnels des hôpitaux mani-festent depuis des années contre les réformesqui ont mis à mal l’hôpital public au nomde la rentabilité : tarification à l’acte, politiquedu chiffre, suppression de lits et de services...Les fonctionnaires et les contractuels qui ytravaillent jour et nuit montrent leur profondattachement à ce qui fonde le service public :un service identique et rendu de la meilleuredes façons possibles à toutes et tous, richesou pauvres.

Tirer les vraies leçonsLes personnels de l’Éducation nationale, maisaussi ceux des Finances, pour répondre auxbesoins des entreprises, ont été sur le pont.Bref, les personnels de la Fonction publiqueont tous été au rendez-vous pour répondre,dans l’urgence, à une situation de crise iné-dite. Pourtant, l’objectif de diminution dunombre de fonctionnaires est maintenu  :– 15 000 à l’État et – 70 000 à la territoriale.

À l’hôpital, la médaille et la pauvre prime,variable selon les lieux d’exercice, promisesaux soignants ne masquent pas le maintiendes fermetures et restructurations. Sans parlerde l’indécence de ces députés qui en appellentà la solidarité nationale pour permettre auxsoignants de se reposer, après avoir coupédans les budgets.Des solutions existent, le SNES et la FSU

ne cessent de le rappeler : revalorisation sala-riale globale et recrutements pour améliorerles conditions de travail et le service rendu.Cela impose des réformes budgétaires et leretour à une imposition juste et équitable, lafin des exonérations de cotisations socialeset la taxation des produits financiers. Bref,quelques idées pour un monde d’après. n

Xavier Marand, Hervé Moreau

De nombreux personnels territoriaux, dontcertains des établissements scolaires, ontassuré l’accueil des enfants de soignants

ou la maintenance des équipements. Très sou-vent ce sont des emplois occupés par desfemmes avec des salaires faibles.Dès la mi-avril, de nombreux agents ont été«  invités » à reprendre leur service effectifpour des tâches de remise en état des établis-sements : nettoyage, désinfection, préparationdes locaux pour répondre aux exigences liéesà la situation sanitaire.Bien (et trop) souvent les collègues ont étéconfrontés à l’absence de mise à dispositiondu matériel nécessaire à leur propre protection :masques, gants, gel hydroalcoolique. Ils etelles ont été confrontés à des ordres... suivisde contre-ordres, chahutés par l’opacité desresponsabilités entre leur propre employeur,le préfet et l’ÉN. Des pressions aussi pourque les collègues trouvent des solutions degarde pour leurs enfants et reviennent vite enprésentiel préparer la rentrée ! La consultation

des CHSCT et des CT a parfois été obtenueau forceps, nous avons dû aussi dénoncer lemanque de transparence de certains éluslocaux !

Une situation dégradéeBeaucoup de questions, peu de réponses,comme celle de leur propre responsabilité ycompris pénale vis-à-vis des enfants avec les-quels ils sont où vont être en contact aumoment de la « reprise ». Nous allons inviter

les agents à faire usage de leur droit de retraitlorsqu’ils le jugeront utile.Certains employeurs territoriaux profitent dela période pour tenter de remettre en causedes acquis et/ou conquis sociaux (temps etconditions de travail). Le versement de la« prime Covid » va créer des tensions entreles agents (chaque employeur local va fairecomme bon lui semble), la possibilité de retirerjusqu’à 10 jours de congés/RTT... avec effetrétroactif est vraiment une mesure inique etrétrograde. Comme si les agents étaient res-ponsables de leur situation de confinement !Et les agents en télétravail ont également subices retraits de jours de repos. C’est donc tropsouvent dans une ambiance tendue que s’ouvrecette période de reprise.Malgré tout, les services publics territoriauxont encore une fois montré toute leur perti-nence et leur utilité, les agents leur engagementau service de l’intérêt général, des servicespublics au service de la société ! n

Didier Bourgoin, SG du Snuter-FSU

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LA TERRITORIALE EN 1ÈRE LIGNE !Dans le versant territorial de la Fonction publique, depuis le début du confinement plus de800 000 agents ont continué d’exercer leurs missions sur le terrain : ramassage des orduresménagères, EHPAD, aides à domicile, protection de l’enfance, ATSEM…

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REPRENDRE… LA MAINMardi 28 avril, E. Philippe présente le plan de déconfinement. Après des semaines de cacophonie,une date est annoncée : réouverture des collèges en zone verte le 18 mai pour les classes deSixième et de Cinquième.

La dimension économique prime claire-ment sur les objectifs pédagogiques : lesélèves les plus âgés (Quatrième, Troi-

sième et lycéens), plus à même de se gardertous seuls, rentreront... plus tard ! Les zonesrouges et vertes ont été présentées quelquesjours plus tard, le 7 mai, dans une carte « cris-tallisée » mais en évolution constante. Trèsvite, une évidence s’impose : la date du 18mai est dans le paysage, mais c’est bien laseule information claire et fiable. En posantune date comme seul horizon indépassablesans réfléchir préalablement à préparer ledéconfinement, le ministre met une nouvellefois l’institution en difficulté.

Des outils pour se défendreLe mot d’ordre du SNES-FSU n’a pas varié :peu importe la date de réouverture posée pardes apprentis sorciers politiques, pas de réou-verture sans garanties sanitaires. Cette for-mule ne se réduit pas à un slogan qui faitson petit effet dans quelques tweets. Trèsvite, elle s’incarne dans des outils concrets.Une FAQ sur les droits individuels est enligne sur notre site : quelles démarches pour

les collègues fragiles ou pour ceux ayant desenfants sans solution de garde ? Sur ce point,il a fallu la pugnacité du SNES-FSU à tousles niveaux pour obtenir des garanties. C’estaussi l’action collective qui permet deconstruire le rapport de force nécessaire pourfaire respecter des droits souvent négligéspar l’administration. Des fiches action sont

donc également mises à disposition, avec parexemple les questions à poser à sa directionlors d’un CA ou d’une CHS. L’objectif estclair : vérifier collectivement que les condi-tions de sécurité sont bien réunies localementet donner les moyens d’agir, le cas échéant,en lien avec les sections départementales etacadémiques.

Du bon usage de la proximitéÉnième renvoi au local diront les esprits cha-grins ? Au contraire, les collègues ne sontpas isolés, mais soutenus, aidés avant, pendantet après les échanges dans leur collège, per-mettant souvent d’obtenir gain de cause  :commande supplémentaire de masques,ouverture décalée de quelques jours, appli-cation stricte du protocole. Face à une administration les yeux rivés surl’agenda politique, le SNES-FSU a informéla profession et organisé l’action collectiveavec, comme principale boussole, leur sécu-rité et leur santé. Et dès maintenant, il poseses exigences pour la rentrée de septembre.La continuité syndicale pour et avec la pro-fession ! n Sophie Vénétitay

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On ne compte plus les appels et tribunes àun « Jour d’après ». Du côté de la majo-rité, 60 parlementaires signent l’appel de

la plateforme citoyenne collaborative « Le jourd’après » qui met aux votes des propositionscomme une « revalorisation salariale immé-diate de 200 euros/mois pour les aides à domi-

cile, aides-soignantes,  infirmières et autres

agents hospitaliers de catégories B et C ». Ducôté de la CFDT, l’UNSA, la fondation Hulot...55 organisations réunies autour du « Pacte dupouvoir de vivre » proposent l’organisation

d’une « conférence de transformation écolo-gique et sociale ». D’autres sont plus anciennescomme celle des promoteurs du « Big Bang »(C. Autain, E. Faucillon et G Balas), d’autressont à venir comme l’« Initiative commune »,autour de l’ex-député PS C. Paul et le journa-liste d’Alternatives économiques, G. Duval.

Des analyses convergentes ?Tous estiment qu’une profonde transformationsociale, écologique, économique et démocra-tique est nécessaire, proposent une relocalisa-

tion des activités essentielles, une taxation dupatrimoine, un engagement dans la transitionécologique... La FSU comme le SNES ne restent pas spec-tateurs et soutiennent l’appel : « Plus jamaisça ! Construisons ensemble le Jour d’après »*soutenu par Attac, CGT, FSU, Greenpeace,Oxfam, l’Unef, Solidaires... Cet appel ne se contente pas d’énoncer desprincipes généraux mais avance des mesuresd’urgence comme la suspension immédiate duversement par les entreprises de dividendes,des mesures de soutien aux services publics,un impôt sur les grandes fortunes, une taxesur les transactions financières, une véritablelutte contre l’évasion fiscale... Cet appel a réuni plus de 180 000 signatures.Ajoutez la vôtre sur le site de la FSU. Commerien ne pourra se faire sans mobilisation, pré-parons également les luttes porteuses de cesaspirations à un autre monde. n

Thierry Ananou

* https://www.policat.org/p/8921

LE MONDE D’APRÈS : CHANGER TOUTDe l’avis unanime : le monde doit changer. Gauche et droite, la plupart des organisationspolitiques s'accordent. Et même E. Macron qui affirme : « Sachons nous réinventer. Moi le premier ».

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actualité

Protocole sanitaireaberrant  !

Le protocole élaboré par ladirection, sans réunion dela CHS, permet d’accueillir

jusqu’à 240 élèves. Or, ilsseront ensemble en récréationet se partageront 12 lavabos.La fontaine de gel achetée déli-vre un gel biocide, mais pasvirucide, malgré les recomman-dations de l’infirmière. Quantau produit pour désinfecter laphotocopieuse, il doit êtremanipulé par les enseignants,juste avant chaque utilisation.Or, il a besoin d’une heure pouragir ! n

AESH et protocolesanitaire  : le grandécart

En tant qu’AESH, je n’aireçu aucune consigne spé-cifique. L’application de la

distanciation physique me paraîtdifficile : certains élèves atten-dent que je leur donne un mou-choir, que je capte leur regardpour se concentrer ou que jetouche leur main pour les rame-ner à leur travail. D’autres uti-lisent des ordinateurs qu’ils nemaîtrisent pas seuls. n

Sortir de l’ombre

On n’a jamais eu deconsignes, ni pendant leconfinement, ni mainte-

nant : on n’existe pas. Il afallu improviser, prendrecontact comme je pouvais,par téléphone avec mon élèveautiste. Je n’avais pas accèsà l’ENT, j’ai dû utiliser lecompte de mon élève et ydécouvrir les cours, lesconsignes des professeurs.Pour partager des informa-tions, échanger sur la craintede ne pas voir mon contratrenouvelé, j’ai créé un groupeWhatsApp des AESH dulycée. On échange, on prenddes nouvelles : quandreprend-on ? Est-ce qu’onaura des masques ? Là encore, aucune informa-tion. Sortir de l’ombre, cen’est pas encore gagné, mêmesi je participe aux heures syn-dicales. n

Coupure de micro !

Sans attendre la carte défi-nitive (zone rouge ouverte), la pré-rentrée a été

programmée dans mon éta-blissement le 14 mai puisrepoussée au gré desannonces. Le principal orga-nise la reprise pour le 3 juin,quoi qu’il en coûte, et fixe desconditions, certes conformesau protocole, mais non concer-tées. Un conseil pédagogique(visioconférence) s’est tenu.Nous avons tenté d’émettredes objections... non prises encompte. On m’a même coupéle micro ! Et le principal dese montrer satisfait de la réac-tion très positive des profes-seurs ! Le protocole fourmillede contraintes qui augmententnotre charge de travail :accompagner les élèves enrécréation et jusqu’à la sortie,etc. Selon notre chef d’éta-blissement il faut se montrersolidaire en temps de crise et« faire notre part du travail ».Le protocole implique que lesprofesseurs n’auront plus desalle attitrée, ce qui n’est passans poser de problèmes pourles professeurs d’éducationmusicale, entre autres, qui nepeuvent plus disposer de leurmatériel pédagogique. Toutcela alors que nous sommesen zone rouge ! n

De la revendicationà l’organisation

Dans mon établissementREP+, la préparation dela reprise s’est faite dans

les meilleures conditions quantaux relations avec notre direc-tion. La consigne syndicaledu SNES-FSU a été suivie :protocole établissement plussécurisant que le protocolenational, réunion d’une CHS,d’une CP et d’un CA. Tenuedes réunions en distanciel, àpart la réunion de pré-rentréelaissée à l’appréciation descollègues : certains, pargroupes de dix, en présentiel,les autres en visioconférence.Par contre, ce sont à peine18 % de nos élèves deSixième-Cinquième qui vontrevenir. Les élèves les plusdéfavorisés ne seront pas aurendez-vous […]. n

 

   

 

 

 

RENTRER DANS LA « On est prêt. » Qui peut oublier qu’à chaque fois que le ministre de l’Éducation nationale prononcecette phrase (E3C, école à distance) l’institution frôle le crash ? Obnubilé par son calendrier médiatiqueet politique, Jean-Michel Blanquer oublie bien souvent les réalités du terrain. La sélection de témoignages ci-dessous (retrouvez-les dans leur version intégrale et d’autres encore

Léon Lefrançois, collègeCharles Gounod de Canteleu(Académie de Rouen)

Marc, AESH (Académie de Toulouse)

Solène RAMOS, AESH(Académie de Rouen)

Didier Barros, CPE, collègeJean Moulin de Brive(Académie de Limoges)

Claire Michelet, collège Mozart, REP(Académie de Paris)

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En bonne intelligence

Des visioconférences onteu lieu la semaine du 11mai en 2 temps : profes-

seurs de Sixième/Cinquièmepuis de Quatrième/Troisième.Le principal a fait état de son-dages réalisés auprès desfamilles et nous a annoncé deseffectifs de l’ordre de 3 à 4élèves par classe en moyennepour des groupes qui ne dépas-seraient pas les 10. Sur leniveau Sixième (mais pas enCinquième), des regroupe-ments seront mis en place enraison de classes parfois com-plètement absentes. Lesgroupes-classe auront une sallede classe dédiée, et les profes-seurs  tourneront dans ces sallespour éviter les contacts dansles couloirs. Des entrées et sor-ties échelonnées, fléchées, etdes allégements de service sontprévus pour soulager le travaildéjà fait à distance et qui devracontinuer. Masques et gel ontété livrés pour le personnel etles élèves. Le principal s’estvoulu rassurant et conciliantnotamment envers les profes-seurs qui hésiteraient à repren-dre en raison de leur état desanté ou de problématiquesfamiliales. Les demandesd’ASA ont toutes été accep-tées. n

Rester présentssur le terrain

Réouverture prévue dulundi 11 mai au jeudi 14mai pour les agents,

ASEN-AED, AESH et lesenseignants de Sixième et deCinquième. Notre établisse-ment compte près de 750élèves (environ 270 enSixième-Cinquième). Près de70 % des familles ont prévude nous confier leurs enfants.Une première réunion virtuelleavait été organisée le 5 mai :échanger avec la direction surles conditions de reprise. Lesreprésentantes du SNES-FSUet du SNEP-FSU avaient com-mencé le travail d’informationauprès des personnels : plu-sieurs conférences télépho-niques dès le 16 avril puis, dèsle 27, une conférence télépho-née HIS par semaine. [...]Les collègues auraient sou-haité que les préconisationsdu Conseil scientifique soientrespectées (rentrée en septem-bre). Ils sont désormais par-tagés entre le désir de retrou-ver leurs élèves en classe etl’inquiétude face au doubletravail qui en découleraimmanquablement dès lareprise du 18. Nous restonsmobilisés pour notre santé,notre sécurité et celle de nosélèves. n

Préparatifschaotiquesde reprise

Un premier messagearrive le jeudi 7 mai :réunion plénière, concer-

nant une quarantaine de per-sonnes, programmée le lundi11 mai, dans une seule sallede l’établissement.La situation est extrêmementtendue au collège, entrel’équipe de direction et unepartie des personnels. La prin-cipale retire des documents dupanneau syndical SNES. Leséchanges ne se font plus quepar courriels depuis plusieursannées. Le secrétaire du S1rappelle à la principale lesdécisions prises lors duCHSCTM du 7 mai (les réu-nions doivent se faire en petitsgroupes ou en visio-confé-rence). Simultanément, leDASEN 63 tente de recadrerce type de réunions.Dimanche 10 mai, nouveaumessage : la réunion est ajour-née. Le lundi 11 mai, marchearrière toute : des réunions enpetits groupes sont annoncéesjeudi 14. Il est demandé auxpersonnels de se munir de leurpropre masque, au cas oùl’établissement ne serait paslivré à temps ! […] n

Continuité syndicale

La fermeture des établisse-ments mi-mars à mis uncoup d’arrêt soudain aux

moments d’échange qui nouspermettent au quotidien d’agircollectivement avec nos col-lègues. Mais pas question delaisser les collègues isolés  !À l’heure de la réouverturedes collèges de nombreusesquestions se posent et lebesoin de récréer du collectifautrement se fait sentir. LeSNES 78 a donc pris l’initia-tive de réunir en AG virtuelleles sections d’établissementdes Yvelines. Une trentainede S1 ont répondu à l’appel.Les questions ont été nom-breuses : des droits et obliga-tions des personnels à la réor-ganisation des établissementsen vue de la réouverture, enpassant par l’organisationd’heures d’information syn-dicales, et le rôle à jouer parles élus au CA. L’action col-lective s’organise à distancemais est bien vivante ! Lestémoignages serviront aussi àfaire remonter à la DSDENles difficultés rencontrées surle terrain et ainsi défendre lasanté et la sécurité de tous. n

ZONE D’INCONFORT…

sur notre site https://www.snes.edu/Temoignages-reouverture-des-etablissements.html confirmeune chose : zone verte ou rouge, ce sont les personnels qui font vivre le service public au quotidien,imposant des conditions strictes de réouverture, pour garantir la santé et la sécurité de tous.

Lionel Bernigaud, CollègeSchoelcher-Lyon 9e, REP +(Académie de Lyon)

Delphine Romagny, co-secrétaire départementale du SNES 78(Académie de Versailles)

Bertrand Philippon, collège Verrière à Issoire(Académie de Clermont)

Fabienne Mocaer-Stéphan, collège Martin Luther King deLiffré (Académie de Rennes)

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actualité

LOIN DES YEUX, LOIN DU COMPTEChronophage, épuisant et révélateur d’inégalités, l’enseignement à distance tant vanté par le ministren’est qu’un pis-aller, une solution qui ne peut être que provisoire.

Quels que soient les outils numériques,beaucoup de collègues, au sujet deleurs échanges avec les élèves, témoi-

gnent d’obstacles d’ordre matériel et d’autresliés à l’absence de formation  : connexioninsuffisante, manque de matériel, incompa-tibilité des formats de fichiers ou des logi-ciels, fichiers trop lourds, sauvegardesoubliées, photos ou copies d’écran peu lisi-bles… les freins sont légion.Les échanges avec les élèves sur la manièrede rendre un devoir sur l’ENT, par exemple,ont pu prendre le pas sur les enseignementseux-mêmes. S’il arrive qu’une fonctionnalité numériquepermette une réalisation intéressante, la« technique » ou le manque de connaissancedes outils parasitent encore trop le travailpédagogique.

De l’autre côté de l’écranApprendre, réfléchir, expérimenter, créer àdistance est particulièrement difficile pourles élèves qui ont déjà du mal à entrer dansles apprentissages en classe, dans le cadredes activités scolaires. Et puis, l’école à distance, ce n’est pasl’école... L’école est un temps particulier,commun, rythmé par des horaires, des

échanges de paroles, de regards, des inter-actions très importantes. Le rapport directavec le professeur qui peut répondre auxquestions, lever les ambiguïtés, les malen-tendus, l’implicite, reformuler quand c’estnécessaire, organiser les activités, reformulerles consignes, est indispensable. Ajuster enpermanence est nécessaire pour apprendreensemble, pour accéder à une culture com-mune et partagée.L’école, c'est aussi, pour les élèves, le liensocial qui se crée entre eux et avec les per-

sonnels de l’établissement. C’est le vivreensemble, certes pendant un temps limité,mais dans un environnement particulier etcadré. L’école à distance à l’aide des outilsnumériques ne répond pas aux enjeux d’unservice public d’éducation accessible à touset renforce les inégalités. C’est bien l’humain, les personnels, par leursens du service public et leurs efforts quiont permis de maintenir un lien et desapprentissages. n

Sandrine Charrier, Yannick Lefebvre

STRATÉGIE DU CHOC NUMÉRIQUELa nécessité de mettre en place un enseignement numérique dans une situation exceptionnelle sert de prétexte à la pérennisation de dispositifs inquiétants pour nos métiers et pour le service public.

L’engagement des personnels enseignantspour maintenir une forme de lien humainet pédagogique avec leurs élèves malgré

la fermeture des établissements a été remar-quable. Il a fallu accepter une transformationde nos gestes professionnels : au lieu de pen-ser des situations collectives d’apprentissagedans l’espace et le temps commun de laclasse, nous avons dû penser des formesd’enseignement de plus en plus individuali-sées. Malgré nos efforts, nous avons rapi-dement perçu les limites des solutions numé-riques, institutionnelles ou marchandes.Pourtant, la généralisation du recours aunumérique a éveillé des appétits. Dans uneécole publique déjà très dépendante du privé(exemple de Pronote), les industriels de laEdTech (startups et grandes entreprises) sesont frottés les mains de ce « moment de bas-cule fabuleux ».

Vive la crise  !J.-M. Blanquer et S. Dehaene (Conseil scien-tifique de l’Éducation nationale) célèbrent la« continuité pédagogique » comme une« occasion exceptionnelle de réfléchir à notrepédagogie » ; des « États généraux du numé-rique » sont annoncés pour l’automne afinde tirer « les leçons positives » de la pandémie.

Pour le ministre, « l’école de demain sera àdistance » et la rentrée de septembre devra« articuler présentiel et distanciel » ! Tout ceci alors que les suppressions de postesprévues en collège comme en lycée sontconfirmées et sans aucun moyen matérielalloué. La EdTech est déjà prête à offrir sesservices. Ainsi, l’engagement sincère des professeurspour limiter les dégâts de la discontinuité sco-laire est utilisé comme un levier pour lesdéposséder de leur métier, au profit des indus-triels du numérique. Plutôt que de promouvoir le numérique édu-catif commercial, il est plus que jamais néces-saire de défendre le service public, et de luttercontre la casse de ses opérateurs (Canopé,CNED et Onisep). n

Amélie Hart-Huatsse,

Christophe Cailleaux

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RÉOUVERTURE... POUR LE MEILLEUR ?La sécurité sanitaire est la première étape sine qua non de la réouverture d’un établissement. Ellen’affranchit pas pour autant de la réflexion sur le sens pédagogique du retour en classe, laquelledevrait gouverner l’organisation pratique.

médico-sociaux doivent prendre toute leurplace. « Réussir  le  retour à  l’école,  c’estd’abord offrir un cadre sécurisant pour lesélèves comme pour les adultes qui les enca-drent. »(1)

À l’impossible nul n’est tenuIl ne faut pas compter sur l’Éducation natio-nale pour proposer une cohérence. Si la luttecontre les inégalités sociales d’apprentissageprimait, alors ne serait pas proposé aux élèvesun retour sur la base du volontariat, anxiogènecar construisant l’idée d’un danger à reveniren classe. Le ministère tente d’abriter la pau-vreté de sa réflexion pédagogique derrièreun certain nombre de fiches en ligne (voir p.29), proposant des pistes de travail hétéroclitesd’intérêt variable. Or les personnels n’ont pasbesoin qu’on leur dise comment faire leurmétier. Ils l’ont bien prouvé lors du confine-ment. Ils ont besoin de connaître les objectifsdu retour en classe, de façon à adapter leurspratiques. Le silence de l’institution induit dela part des directions d’établissement des pro-positions diverses : « devoirs faits » généralisé,surveillance en classe des élèves suivant lescours en ligne, mise en œuvre d’un nouvelemploi du temps... la solution retenue doitfaire l’objet d’une réflexion collective et res-

pecter certaines règles (voir ci-dessous).Dans une période compliquée et inédite, toutcomme l’a été le moment du confinement,l’important est de trouver un mode de fonc-tionnement serein et concerté au service desélèves, dans le respect des missions et desservices des personnels. n

Valérie Sipahimalani

(1) Voir « Retour à l’école, le point de vue desPsy-ÉN » www.snes.edu/Retour-a-l-Ecole-le-point-de-vue-des-Psy-EN.html

DISTANCIEL ET/OU PRÉSENTIEL ?Nous n’aurions pas imaginé, il y a quelques mois, que ces affreux néologismes de « présentiel » et« distanciel » envahiraient notre quotidien. Après un passage brutal de l’un à l’autre, faut-il maintenantenvisager le cumul ?

Selon la circulaire ministérielle du 4 mai,« les professeurs qui assurent un servicecomplet  en présentiel  dans  l'école  ou

l'établissement ne sont pas astreints à l'en-seignement à distance ». L’ouverture se fai-sant progressivement et l’ensemble des col-légiens ne pouvant de toute façon se trouverau collège au même moment, les organisa-tions à trouver vont nécessairement imposerun service partiel en présentiel, et donc méca-niquement un cumul avec le distanciel. Orle distanciel est chronophage et difficilementquantifiable.Au sortir du confinement, les attentes de laprofession quant à la poursuite du travailavec les élèves sont diverses. Volonté de gar-der le contact avec les élèves même si lesfamilles décident de ne pas revenir vers le

collège, inquiétude pour les perdus de vueque l’on voudrait bien revoir en classe ; cesinquiétudes s’ajoutent parfois à l’impossibilité

de reprendre le chemin de l’établissementou à l’anxiété à l’idée de fréquenter les trans-ports en commun.

Éviter le pirePour le SNES-FSU, il semblerait raisonnablede continuer à suivre ses élèves dans sa dis-cipline sur un horaire proche de l’habituel,mais d’autres modes d’organisation peuventêtre proposés. Ils ne sauraient s’imposer sansvolontariat des personnels. En tout état decause, le caractère inédit et exceptionnel dela situation ne justifie pas de se voir imposerdes modalités non souhaitées ou une chargede travail disproportionnée au regard desobligations réglementaires de service. N’hésitez pas à contacter votre section académiqueen cas de conflit avec votre direction. n V. S.

Le confinement a certainement renforcéles inégalités sociales d’apprentissage.Certains de nos collègues et de nos élèves

ont vécu des moments difficiles. Le retouren classe ne sera pas une rentrée habituelle.Il faut lui donner un sens et les équipes plu-riprofessionnelles doivent le préparer ensem-ble. Cela impose un temps de travail commun,au cours duquel les Psy-ÉN et les personnels

COMMUNAUTARISME /DÉRIVES SECTAIRES

Suite au tollé suscité, la fiche pédagogique« Coronavirus et risque de communauta-risme » a été retirée du site du ministère.Selon elle, interroger la gestion de la criseou l’action des pouvoirs publics revenait àêtre un ennemi de l’Etat. Elle incitait à dénon-cer et sanctionner des ennemis de la Répu-blique, ciblant particulièrement une catégoriede la population. Bien au contraire, pour leSNES-FSU, le rôle des professeurs est de dia-loguer, de déconstruire les stéréotypes et dedévelopper l’esprit critique. Cela ne va passans interroger les faits et éventuellementl’action publique et les choix politiques. D’au-tres fiches posent de ce fait problème.

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actualité

ORAL DE FRANÇAIS DU BAC : L’HYDRE DE LERNEMaintenir l’épreuve orale de français de Première au baccalauréat dans le contexte actuel n’a aucunsens. Il est grand temps que le ministre y renonce.

BAC 2020 LA SESSION DE TOUS LES DANGERSLe ministère a récemment communiqué des projets de textes pour fixer un cadre au bac encontrôle continu mais pour la mise en œuvre très concrète, il va encore falloir attendre des notesde service inconnues à ce jour.

Depuis plusieurs semaines, le SNES-FSUdemande la suppression de l’épreuve. Ila été à l’initiative d’un courrier inter-

syndical avec les lycéens et la FCPE pourexiger une décision rapide du ministre. Malgrél’investissement important des professeursdans le travail pédagogique à distance avecles élèves, les conditions de préparation nesont pas du tout satisfaisantes, d’autant que leformat d’épreuve est nouveau.

Des conditions pédagogiques…Les élèves actuellement en Première n’avaientpas connaissance des nouvelles modalités l’andernier en Seconde. L’éventuelle réouverturedes lycées début juin n’offre pas le temps néces-saire pour raccrocher tous les élèves, en parti-culier ceux qui auront été dans l’impossibilitéde travailler à distance. Non, M. le ministre,l’épreuve orale de français ne se résume pas à« il y a des textes à préparer, il faut juste les

travailler, comme pour un examen »*. À ce

jour, aucune garantie d’égalité n’est possible etcette disposition est source de stress pour tous.

… aux conditions sanitaires Comment dans ces conditions envisager d’in-terroger (que la zone soit rouge ou verte) plusde 540 000 candidats en ayant au mieux troissemaines de cours avec les élèves ? Et dansquelles conditions sanitaires ? Comment pour-suivre dans cette voie alors que certains élèveset certains professeurs pour se protéger et pro-téger leurs proches ne reprendront pas dansles établissements et vont continuer le travailà distance ? Le SNES-FSU réaffirme que desépreuves terminales et nationales au bacca-lauréat sont indispensables, mais pas dans cecontexte sanitaire, de surcroît aggravé par laréforme du lycée. n Sandrine Charrier

* Public Sénat, le 13 mai, « Déconfinement :près de 85 % des écoles rouvertes, selon Jean-Michel Blanquer »

Aucune publication officielle ne permetpour l’instant de formaliser les notesde contrôle continu d’un nouveau genre

et de concevoir le travail des futurs jurysd’examen. Le ministre a décidé que le bacsera placé, cette année, sous le signe ducontrôle continu avec un diplôme attribué

sur la décision d’un jury d’examen quienglobe l’harmonisation des notes, le toutétant apprécié au regard des classements deslycées en fonction des résultats du bac del’année précédente. Ce sont donc bien desépreuves terminales et nationales du bac quiservent de jauge à ce bac au contrôle continu.Sans la boussole d’épreuves terminales etnationales, que resterait-il du diplôme natio-nal ? Pas grand chose.

Trop d’inconnuesLe troisième trimestre devrait être en grandepartie neutralisé. Il n’y a pas de prise encompte des évaluations pendant la périodede confinement, mais en même temps, leministre considère qu’on peut reprendre lesévaluations à partir du 11 mai, même en dis-tanciel, les notes ne rentrant pas dans lamoyenne mais pouvant fonder le niveau d’in-vestissement et d’assiduité. Ce discours ambi-

valent laisse le champ libre à toutes les inter-prétations possibles sur le terrain et onconstate déjà que dans nombre de lycées,des proviseurs demandent aux enseignantsde « fabriquer » des notes pour augmenterla note moyenne figurant sur le livret.Dans l’immédiat, le SNES-FSU a demandédes précisions sur les modalités de réunionet de travail des jurys. Il demande que soitprise en compte la situation des candidatsdirectement recalés par le jury sans possibilitéde passer les épreuves de rattrapage pour lesautoriser à passer les épreuves en septembre.Pour l’heure, refusant la possibilité de sou-mettre les textes au vote en Conseil supérieurde l’éducation, le ministère prend certes notedes interrogations mais recule toujours devantde nécessaires clarifications. Pour trouver tous les détails, voir au lien sui-vant  : https://www.snes.edu/La-session-de-tous-les-dangers.html n Claire Guéville

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ADAPTATIONS INDISPENSABLES !La configuration inédite de cette fin d’année nécessite l’an prochain, en collège et en lycée,aménagements de programmes, d’épreuves et adaptations pédagogiques.

COLLÈGE : MODALITÉS DE FIN D’ANNÉE EN TROISIÈME Le retour des Troisièmes est théoriquement repoussé au mois de juin. Les textes réglementairesconcernant l’organisation du DNB et du CFG viennent d’être publiés.

Pour conclure cette année, la foire auxquestions du ministère, qui n’a rien deréglementaire, préconise deux conseils

de classes. Le premier, début juin serait consa-cré à l’orientation des élèves à peine ou pas

encore revenus au collège, charge aux pro-fesseurs principaux et aux Psy-ÉN de récupérerauparavant leurs vœux, de dialoguer avec lesfamilles, etc. Comment se rencontrer ? Com-ment échanger via des outils numériques aux-quels les plus fragiles ont difficilement accès ?En tout état de cause, pour le SNES-FSU, lesPsy-ÉN doivent être systématiquement associésaux rencontres avec les parents, tout en res-pectant le protocole sanitaire.

DNB et CFG au doigt mouilléComme si le premier ne pouvait y suffire, undeuxième conseil de classe est prévu fin juinpour le DNB. Selon un arrêté, le CFG seradélivré sur le seul bilan de fin de cycle. Pourles DNB général et pro, un décret et un arrêtésuppriment l’oral. Ils prévoient que 400 pointsseront délivrés en fonction du bilan de fin decycle et que les 300 points des épreuves ter-minales seront remplacés par les moyennes

des moyennes trimestrielles obtenues en Troi-sième, avant le confinement, en mathématiques,français, HG-EMC, SP, SVT et technologie.La conversion des compétences dans les éta-blissements « sans notes » fera l’objet d’unenote de service qui laisserait de la marge auxmanipulations locales. Le ministère a réponduen Conseil supérieur de l’Éducation qu’aucuneévaluation ne doit être prise en compte aprèsle 15 mars, même pour le bilan de fin de cycle,mais une appréciation pourra valoriser l’assi-duité des élèves. Le jury pourra l’utiliser, ainsique les taux de réussite de l’établissement àla session 2019, pour l’attribution du DNB.Pour le SNES-FSU, cette consigne ne doit paspénaliser les élèves ayant vécu un confinementdifficile.À situation exceptionnelle, un DNB excep-tionnel au plus proche de l’existant est unmoindre mal. n

François Lecointe, Fabienne Sentex

lités conservées en Terminale est égalementnécessaire. Dans la voie technologique, unrecentrage sur les contenus de l’enseignementspécifique est indispensable pour la construc-tion du projet.Dans les disciplines expérimentales, enlangues vivantes, enseignements artistiques,enseignements technologiques notamment,

va se poser la question de la manipulationdu matériel et des interactions orales dansun contexte sanitaire bien incertain. La réforme du lycée impose une organisationdu bac rejetée par la profession. Dans l’ur-gence, le SNES-FSU exige a minima l’adap-tation du niveau des sujets des E3C, desépreuves de spécialité en Terminale, et leurreport en juin.

Les prépas concernéesPour les classes préparatoires, les épreuvesseulement écrites et le calendrier bouleverséappellent des réponses adaptées, dans les dis-ciplines qui connaissent des programmestournants. Il pourrait être envisagé de puiserdans un programme déjà abordé il y aquelques années. D’autre part, avec l’arrêtfin mars des interrogations orales, l’ensei-gnement de l’informatique en prépas EC etBCPST a dû cesser. Cela va poser problèmepour les concours 2021. Sera-t-il prévu decombler les lacunes à la rentrée 2020 oud’aménager les évaluations en 2021 ? LeSNES-FSU a alerté l’Inspection générale etle ministère. n

Sandrine Charrier et Julien Luis

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Cette fin d’année tronquée oblige néces-sairement à revoir la configuration del’année prochaine. Quelques pistes : en

langues vivantes, il faudra insister sur lesinteractions orales, notamment en LV1 enCinquième et LV2 en Quatrième, car ellesauront manqué en fin d’année. Au lycée, lenombre d’axes à traiter, et, en spécialité, lenombre de documents pourraient être réduits.En mathématiques, il faudra sûrement, aucollège comme au lycée, imaginer des ajus-tements remis à jour chaque année et allégerles programmes de Terminale. En histoire,le déroulé chronologique des programmesdevra tenir compte de « trous » dans les pré-requis pour l’année suivante.

Des épreuves à repenserEn SES, histoire-géographie, SVT et sciencesphysiques, au lycée, la suppression de certainsobjets d’étude, voire de chapitres, des partieslaissées au choix, l’adaptation du niveaud’exigence, sont des possibilités à explorer.En français, en Première, le pan du pro-gramme renouvelé cette année doit être exclude l'examen écrit et devenir facultatif à l’oral.Une adaptation des programmes des spécia-

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Télétravaili

Pas pour tout lemonde...Selon une estimation de l’OFCE,le télétravail est possible pour8,4 millions d’emplois avec de fortsécarts entre les catégoriessocioprofessionnelles. Il est surtoutpossible pour les cadres, et 60 %d’entre eux le pratiquent déjà entemps non-confiné, mais très peu pourles ouvriers et les employés. Plus de80 % des emplois de cadres sontcompatibles avec le télétravail alorsque plus de la moitié des employésnon-qualifiés et la quasi-totalité desouvriers occupent des emplois qui nepeuvent être exercés à domicile. Celase confirme dans les faits, une enquêteIfop montre en effet que pendant leconfinement, 70 % des cadres sont entélétravail contre 8 % des ouvriers.

+0,4 %Taux d’inflation en France (augmen-tation du niveau général des prix)entre avril 2019 et avril 2020.

MasquesiTravail gratuitAprès avoir été méprisés, lesmasques en tissu réalisés de façonartisanale deviennent indispensables.Pour autant, le travail des couturièresreste dévalorisé puisqu’on leurdemande souvent de les réaliserbénévolement, même quand ilsentrent dans des circuits dedistribution par les collectivitéslocales. Comme si ce n’était pas unvrai travail et comme si les femmespouvaient se contenter de lareconnaissance en guise de salaire.Y compris lorsque c’est leur métier etqu’elles sont par ailleurs privées derevenus.

–32 %Le confinement fait perdre prèsd’un tiers de la production totalefrançaise chaque semaine.Au total, 8 semaines réduisent lePIB annuel de 5 %.

–17,9 %Baisse de la consommation desménages français en mars 2020.

Tâches domestiquesiRépartition inégaleLe confinement ne conduit pas àbouleverser l’organisationdomestique. Selon un sondage, lesfemmes continuent à assumer unepart plus grande des tâches et à y

ECO/SOCIAL

Les économistes ne sont pas tous d’accord surla nature de la monnaie. Pour les monétaristes,elle n’est qu’un simple voile, qui facilite les

échanges en permettant d’éviter de devoir troquerdes marchandises contre d’autres mais n’a aucuneffet sur l’économie réelle. L’augmentation de laquantité de monnaie en circulation n’agit doncpas sur l’activité économique et elle doit êtrecontrôlée de façon stricte afin d’éviter l’inflation.Cette conception s’est largement imposée  ; elleinspire la politique monétaire européenne tellequ’elle est définie par les traités et le statut de laBanque centrale européenne (BCE), dont l’objectifprioritaire est d’assurer la stabilité des prix. Danscette perspective, la BCE n’est pas autorisée àprêter directement aux États membres, qui doiventdonc financer leur dette publique auprès desmarchés financiers, à des taux d’intérêt qui dépen-dent de la confiance qui leur est accordée. Et enparallèle, les déficits des États doivent êtrecontenus afin d’éviter de contracter de nouvellesdettes qui pourraient inquiéter les marchés.Rigueur monétaire et austérité budgétaire sont lesdeux principaux commandements de la politiqueéconomique européenne.

Argent magique  ?Mais avec la crise sanitaire, cette orthodoxie sem-ble avoir volé subitement en éclat et EmmanuelMacron avoir trouvé la source de l’argent magique.Chômage partiel, allocations familiales, soins gra-tuits… Certes, notre système de protection sociale

coûte un « pognon de dingue » mais actuellement,il sauve des vies, littéralement. Et les entreprisesà l’arrêt ont besoin de liquidités pour ne pas mettrela clé sous la porte. Donc ce n’est pas le momentde rechigner à la dépense... Avec un plan d’ur-gence estimé à 24 milliards d’euros et une baissedes rentrées sociales et fiscales, le déficit publicva être très élevé cette année et le Trésor publicva devoir s’endetter, avec l’approbation de tous,y compris de ceux qui prônent habituellement laplus grande rigueur budgétaire. Christine Lagarde,gouverneure de la BCE, a même déclaré l’insti-tution « prête à tout » pour soutenir les entrepriseset les ménages.Mais ne nous y trompons pas, cette tendance toutà coup débridée à la dépense ne signifie pas pourautant que l’on a changé de paradigme et acceptél’idée de laisser filer les dettes. La BCE s’engageà racheter massivement des titres de dette publiquepour injecter des liquidités dans l’économie maisces dettes devront in  fine être remboursés rubissur l’ongle, quitte à serrer la ceinture austéritaired’un cran de plus. La politique qui a échoué àcontrer les effets de la crise des subprimes vadonc être répliquée à l’identique.

Planche à billetsIl existe pourtant une autre solution, qui va à l’en-contre de la théorie économique dominante etréhabilite le rôle des politiques de relance d’ins-piration keynésienne, en considérant que la mon-naie n’est pas neutre et que l’augmentation de laquantité en circulation stimule l’activité. Il s’agittout simplement de ne pas rembourser tout oupartie de la dette, en la finançant grâce à la« planche à billets », par la création monétaire.Avec pour effet un retour de l’inflation ? Seule-ment si la production des entreprises ne parvientpas à suivre la demande, ce qui n’a pas vraimentde raison d’advenir après le confinement, doncle risque est limité et quoi qu’il en soit dérisoireau regard du besoin urgent d’effectuer desdépenses publiques.La BCE a massivement racheté des titres de dettepublique aux banques afin de leur fournir desliquidités. Il lui faut maintenant aller plus loin etles neutraliser, c’est-à-dire accepter que ceux-cine soient jamais remboursés par les États qui lesont contractés, par exemple en les transformanten titres perpétuels sans intérêt. Cela permettraitde réduire les dettes publiques des États sans enpasser par une cure austéritaire, et de se redonnerune marge de manœuvre pour réaliser des inves-tissements socialement et écologiquement indis-pensables. n Clarisse Guiraud

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DETTE PUBLIQUE

Réhabiliter la créationmonétaireLes États doivent-ils rembourser leurs dettes  ? La théorie économique dominanterépond à cette question par l’affirmative, sans aucun débat possible, mais une autreconception de la monnaie et de la dette doit être réhabilitée.

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CLASSES POPULAIRES

Vers des jours heureux ?Les emplois d'exécution montrent toute leur utilité aujourd'hui. Mais obtiendront-ils larevalorisation qu'ils méritent ?

consacrer davantage de temps. Lesfemmes déclarent y passer enmoyenne 2 heures et 34 minutes parjour, contre 2 heures 10 pour leshommes. L’écart est le plus élevépour les couples sans enfants  :+42 minutes en moyenne par jourpour les femmes.

LectureiLe monde privé desfemmesL’INED offre en accèslibre plusieursouvrages, dont « Lemonde privé desfemmes », un ouvragecollectif qui, à travers différentescontributions, interroge la place desfemmes dans l’espace domestique,qui peut, dans certaines conditions,constituer un lieu d’affirmation de soi. https://www.ined.fr/fr/publications/editions/questions-populations/le-monde-prive-des-femmes/

FaminesiRapport d’OXFAMUn récent rapport d’OXFAM alerte surle risque de crise alimentaire. Certainspays, souvent parmi les plus pauvres,ne sont pas autosuffisants ennourriture et doivent importer pourfaire face à leurs besoins. Lafermeture des frontières risque decréer des pénuries. À cela s’ajoute lespertes de revenus qui peuvent êtretrès importantes là où il n’y a pas oupeu de protection sociale. La faimsévit aussi dans notre pays, où desdifficultés alimentaires touchent lesplus fragiles qui subissent de fortespertes de revenus et une suspensionde l’activité de services publics,notamment les cantines, oud'associations, indispensables à leursurvie.

Hommes/FemmesiTravail universitaireLes rédacteurs ou rédactrices en chefdes revues scientifiques américainesont remarqué que depuis leconfinement, les femmes leursoumettent moins de manuscritsd’articles alors que pour les hommes,les propositions ont augmenté de50 %. Le confinement donne dutemps aux hommes mais il en prendaux femmes, sur qui reposent lamajeure part des responsabilitésfamiliales, avec des effets sur leurscarrières universitaires.

–20 %Baisse de la consommationd’électricité en France pendant leconfinement.

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Celles et ceux que E. Macron décrivait comme« des gens qui ne  sont  rien » sont devenus,dans la bouche du Président, des héros de la

nation : « notre pays, aujourd'hui, tient tout entiersur des femmes et des hommes que nos économies

reconnaissent et rémunèrent si mal ». Une promessed’avenir radieux pour les classes populaires ? Cela fait plus de 30 ans que des « experts » et desfemmes et hommes politiques annoncent une trans-formation radicale de l’économie : le « vieuxmonde » industriel, avec ses usines et ses travailleursmanuels, en voie de disparition, serait remplacépar des « startup nations », remplies de cadres etd’entrepreneurs. Bien sûr, la France a subi unedésindustrialisation. Et pourtant...

Prolétariat pas mort ?D’après une enquête commandée par la FondationJean Jaurès, pendant le confinement, 39 % desouvriers et des employés ont continué à travaillersur leur lieu habituel de travail (contre seulement17 % des cadres). Bien sûr, on pense aux aides-soignantes ou aux agents d’entretien des hôpitaux.On pense aussi à tous les personnels – massivementféminins – du « care », ou aux caissières. Mais onpense moins aux livreurs, aux éboueurs, aux chauf-feurs, aux préparateurs de commande, aux maga-siniers, aux salariés des centres logistiques, ouencore à tous les salariés de l’industrie agroali-mentaire, etc.Ouvriers et employés : deux catégories au cœurdes classes populaires, et qui ensemble représententencore 50 % des actifs. Leurs points communs ?Si on en croit le sociologue Olivier Schwartz, d’unepart des conditions de vie difficiles, en lien avec

une insécurité économique et des mécanismes d’ex-ploitation toujours forts (salaires faibles, risque dechômage, emplois précaires, conditions de travaildégradées…) ; d’autre part des formes de subor-dination et de mépris qui renvoient en permanenceces travailleurs à une « petitesse sociale » (un statutdévalorisé, des emplois « d’exécution » où il fautobéir à des « chefs »), voire une invisibilité sociale.Et sans doute, depuis plusieurs décennies, un effri-tement de la conscience de classe qu’on associaitau prolétariat mobilisé – encore que le mouvementdes Gilets jaunes amène à nuancer cette idée. Maisil faut donc ajouter un autre point commun : ouvrierset employés occupent souvent des emplois qui,lorsqu’ils s’arrêtent, peuvent mettre en péril la viesociale de l’ensemble d’un pays.

« Jour d’après » ?E. Macron appelle de ses vœux une revalorisationde ces emplois. Formidable : on peut donc s’attendreà une hausse du SMIC, à des contraintes fortesexercées sur les entreprises pour améliorer lesconditions de travail et les salaires, à des réformesdu droit du travail qui, enfin, protègent davantageles salariés et améliorent leurs conditions de vie...Ou pas. Les ordonnances du 25 mars, sur les congés et leshoraires de travail, montrent plutôt une volonté dugouvernement de casser toujours plus le droit dutravail. Et les pressions scandaleuses exercées surl’inspection du travail, pour que ses agents évitentd’embêter les entreprises en faisant respecter laloi, achèvent de convaincre que ce gouvernementreste soumis aux désirs du Medef. n Romain Gény

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ECO/SOCIAL

Le pouvoir s’est déplacé des États vers les firmesmultinationales. Ces dernières ont opéré uneinternationalisation de la production reposant

sur le seul critère de la baisse des coûts du travailpour maximiser leur profit. Les filiales ateliersont prospéré notamment en Chine avec pour résul-tat la délocalisation de secteurs stratégiques, enparticulier la pharmacie. Le processus de désin-dustrialisation qui touche toutes les économiesdéveloppées s’en est trouvé accéléré avec pourconséquence leur dépendance vis-à-vis des payspossédant les ateliers du monde. À la seule excep-tion de l’Allemagne qui a connu une très forteindustrialisation grâce à sa place prépondérantedans les échanges mondiaux. Là se trouve l’ex-plication de sa capacité à gérer mieux que lesautres pays la crise sanitaire, à dépenses égales –environ 11 % du PIB – avec la France.La financiarisation de l’économie, avec dans sonsillage les critères de profit à court terme, a eucomme conséquence la baisse des investissementsproductifs et la création de nouveaux rentiers,riches de la spéculation sur les marchés finan-ciers.Le virus signe l’échec total de cette « globalisation ».Les interrogations sur sa pertinence existaient avantla pandémie. Le terme de « démondialisation », uti-lisé à tort, mettait l’accent sur les dangers de laperte de souveraineté des États. Les poussées « natio-nalistes » aux États-Unis, en Hongrie mais aussidans la plupart des autres pays avec le retour duconcept de « Nation » reflétaient une réaction déma-gogique face à ce monde devenu indéchiffrable.La crise sanitaire donne une nouvelle légitimitéaux services publics et à leur nécessité pour lebien-être des populations. Ceux-ci ont été dés-tructurés par la domination de l’idéologie de laprivatisation – selon laquelle le privé serait plusefficace et plus efficient pour satisfaire les besoinsdes populations – et par la volonté politique debaisser les dépenses publiques mais désormais,

le retour du non-marchand est devenu une prioritédans l’esprit du plus grand nombre.

Retour de L’État-NationDans ce nouveau contexte, il est question de « relo-calisations » et de retour de L’État-Nation. D’abord,pour les secteurs stratégiques, la prise de consciencede la nécessité pour chacune des économies natio-nales de les conserver est apparu brutalement.Quels sont exactement ces secteurs stratégiques ?Chaque pays devra les définir. Les nationalisationsdeviennent pertinentes pour permettre cette confi-guration, pour s’opposer aux multinationales. Cemouvement se fera au détriment de la Chine vidéede ses ateliers, sauf si le gouvernement chinoisaccélère la transformation de ce modèle de déve-loppement en l’orientant vers la construction d’unmarché intérieur. La baisse de la croissance y seraprofonde, comme partout dans le monde. La révolution du numérique en cours, « l’intelli-gence artificielle », rendra compétitive la réindus-trialisation en augmentant la productivité et enbaissant le coût du travail. Décomplexé, le pro-tectionnisme fait son retour. Le dogme du libre-échange s’écroule.L’échec de cette construction internationale peutouvrir la voie à des États forts, « illibéraux ». Latentation est grande de conserver les « états d’ur-gence », autant de remise en cause des libertésdémocratiques, pour restructurer plus facilement.La fermeture des frontières présentée comme uneconséquence de la pandémie pourrait aussi se tra-duire par le repli sur soi. L’Union Européennedoit faire la preuve qu’elle est capable de mettreen œuvre des politiques communes pour faire faceaux crises – économique, financière, sociale – et,ainsi, trouver une nouvelle crédibilité. Le mondese trouve à la croisée de ces chemins. Le futurn’est pas écrit et aucune tendance n’est inéluctabledans sa réalisation. Le champ des possibles estimmense. n Nicolas Béniès

COVID-19

La pandémie révèle l’échecd’une mondialisationLa crise sanitaire, mondiale, montre tous les travers de la forme de la mondialisation qui s’estfaçonnée ces vingt dernières années.

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PauvretéiJeunesse très touchéeDe nombreux jeunes sont dans unesituation très difficile dans la périodeactuelle, avec des difficultés à senourrir et des conditions indignes delogement. Cela met en lumière plusgénéralement la situation trèsprécaire de nombre d’étudiantsfrançais, et l’absence de filet desécurité pour les moins de 25 ans.Le 4 mai, le gouvernement a annoncéune aide exceptionnelle de 200 eurospour  400 000 étudiants qui ont« perdu leur travail ou leur stage » et« ultramarins isolés qui n’ont pas purentrer chez eux » et pour 415 000«  jeunes de moins de 25 ans précairesou modestes, qui touchent les aidespour le logement » et ne sont paséligibles aux autres aides. Il étaittemps, en effet, qu’une aide financièreleur soit accordée  ! Mais pourquoid’un montant si faible ?

États-UnisiLa gauche défend la concurrenceElizabeth Warren et AlexandriaOcasio-Cortez soutiennent uneproposition du président du comitésur la concurrence interdisant touteopération de fusion-acquisitionpendant la crise (un « Pandemic Anti-Monopoly Act »). La commission de laconcurrence a dit non maisl’écroulement de l’économie renforceles craintes d’une grandemonopolisation de l’économieaméricaine aux mains des GAFAM.

CO2iDes soucis pour l’économiecarbonée6 % de moins pour la consommationmondiale d’énergie cette annéeprévue par l’AIE (Agenceinternationale de l’énergie), reculhistorique, sept fois plus importantqu’en 2010 et dans un contexted’effondrement des prix. Lesémissions de CO2 devraient diminuerde 8 % en 2020 revenant à leurniveau de 2010. Le rendement del’action de la SHELL passe de 10 à 4 %.

55milliardsC’est le montant que les ménagesont accumulé en épargne depuis ledébut de la crise sanitaire. Cettesomme masque de grandesinégalités : certains ménages nesubissent aucune perte derevenus, ce n’est pas le cas detous.

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doSSIErDévelopper la recherche

Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - US MAGAZINE - 21

La crise sanitaire que

nous vivons, par sa

gravité, l’incertitude

quant à sa durée et

ses effets, pose de

redoutables questions

et nul ne conteste la

difficulté de gestion

d’une telle situation.

Dossier coordonné par V. Ponvert Ont participé à la rédaction : T. Ananou, T. Collin, C. Guiraud, H. Moreau, F. Rolet, N. Sueur (SNES-FSU) et G. Chaouat et B. Gralak (SNCS-FSU)

Cependant, l’opinion des Français traduit un manque de confiance dans leur gouvernementsupérieur à celui d’autres pays comparables : 62 % d’insatisfaits, selon les enquêtesCevipof et Ipsos-Sopra Steria, réalisées du 16 au 24 avril 2020. Les atermoiementspolitiques sur les mesures à prendre, les discours contradictoires et les effets d’annoncejustifient ce mauvais classement de l’exécutif.

Le feuilleton des masques, jugés inutiles, puis recommandés, puis rendus obligatoires ; le retardcumulé sur la question du dépistage ; les incertitudes du plan de déconfinement quant à la sécuritésanitaire dans les transports ou à l’école... Tout contribue à nourrir l’inquiétude. Cette gestionerratique trouve aussi ses racines dans des choix antérieurs en matière de santé publique : lesfermetures de lits d’hôpital, les coupes dans les crédits de la recherche, l’insuffisance des recru-tements, des politiques à court terme guidées par des logiques financières entravant les possibilitésd’anticiper, voire de répondre au plus vite aux épidémies.  Or la recherche est d’autant plus nécessaire que le virus se caractérise par sa grande viralité etson extension à de nombreux pays. La mondialisation libérale a conduit à des bouleversementsdes écosystèmes, aux délocalisations, au développement de mégalopoles, facteurs favorisant lacirculation épidémique. Cette menace sanitaire suppose des réactions coordonnées des États, lerenforcement des dispositifs de solidarité, le financement de la recherche fondamentale. La sortie durable de la crise doit être accompagnée d’analyses sur ses causes profondes, le coûthumain après des décennies de politiques néolibérales, et poser les enjeux écologiques.

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rPrévenir et répondre à la crise sanitaire

Un mal très répandu

« Ils ne mouraient pas tous, mais... »Les différentes époques ont toutes connu leur lot d’épidémies : elles impriment de leur marque morbide

les populations, et façonnent les sociétés.

32 MillionsNombre de décès générés par le VIH (virusde l’immunodéficience humaine). 37,9millions de personnes environ vivent avec levirus à la fin de 2018. 24,5 millions depersonnes ont accès à des traitementsantirétroviraux. Plus de 2/3 des personnesvivant avec le VIH se trouvent en Afriquesubsaharienne. Les inégalités d’accès auxtests, au traitement restent importantes.

L’épidémie, de l’adjectif grec épidemos,désigne l’apparition et la circulationrapide d’une maladie à l’échelle d’une

population. De la « peste » d’Athènes (430av JC) au Sida (1981-…) en passant par lapeste noire (1346-1353), le choléra (xIx

e siè-cle), la grippe espagnole (1918-1919) ou leSRAS, ces épidémies se sont mondialisées(pandémies). Elles suivent les marchands,les soldats, les voyageurs et désormais lestouristes et les travailleurs. L’accélérationdes échanges accroît leur vitesse de propa-gation. La deuxième pandémie de choléramorbus met quatre ans pour passer de la Rus-sie (1830) au midi de la France (1834). Décla-rée en décembre 2019 en Chine, l’épidémiede Covid 19 a gagné les différents continentsen 3 à 4 mois. Les épidémies tétanisent par les morts qu’elleslaissent sur leur passage. Au moment où nousécrivons le Covid 19 a déjà provoqué plusde 270 000 morts dans le monde. Les deuxvagues cholériques de 1832 et 1854 font prèsde 100 000 victimes à chacune de leur pas-sage en France. La grippe espagnole de 1918-1919 en aurait fait 240 000 en France et entre40 et 100 millions à l’échelle mondiale. Lesépidémies peuvent être sélectives socialement.La peste frappe plus durement les pauvresou les professions au contact des malades(moines, prêtres, notaires). Elles déroutentaussi parfois à l’image de la grippe espagnolequi touche principalement les 15-40 ans.Elles suscitent incompréhension et explica-tions diverses : complot, influence des astres,corruption de l’air, châtiment divin et,aujourd’hui, revanche de la nature. Onrecherche parfois des boucs émissaires (pau-vres, nomades, juifs, médecins). Les mesuresactuelles de confinement rappellent les qua-rantaines appliquées pour la première fois àDubrovnik (Raguse) en 1377. Le choléra de1832 voit s’affronter les contagionnistes (lamaladie est transmissible par l’homme) et

Pourquoi le Covid est-ilsi « virulent » ?

Les épidémies ont décimé les populations à travers l’histoire, on pensait cependantle phénomène relégué au passé. Aujourd’hui, l’inflation des pandémies est due aux

politiques libérales, et aux dégâts qu’elles infligent à l’environnement.

C’est parce que le virus est un être vivantque la préservation de l’environnementnaturel n’est pas sans incidence. Le

virus cohabite avec le monde animal (sansl’affecter) et se répand grâce à lui. La des-truction des habitats traditionnels de certainesespèces animales a donc des répercussionsimportantes sur le déplacement des virus :ainsi, la déforestation massive bouleverse lesécosystèmes, certaines espèces migrent, leschauve-souris par exemple se rapprochentdes villes, et donc des humains. En effet,l’augmentation des maladies infectieuses cor-respond à la croissance des taux de défores-tation tropicale (250 millions d’hectares ontdisparu en quarante ans). Et c’est sans comp-

ter avec les effets du dérèglement climatiquedans les années à venir : les chercheurs aler-tent en effet sur la « libération » des glacesde bactéries et virus oubliés, avec la fontedu permafrost, véritable menace sanitaire.La circulation du virus est aussi affaire de« culture » et d’hygiène de nos sociétés : lespays asiatiques, plus coutumiers des épidé-mies depuis le SRAS, ont adopté le port dumasque, quand tant d’autres peinent à adopterdes gestes barrières. La vitesse de commu-nication et de transport à travers le mondeest évidemment un facteur aggravant de lapropagation des épidémies, le capitalismemondialisé ayant des intérêts contraires à laprotection sanitaire des populations.

les partisans d’une cause environnementale(la maladie est produite par le milieu). Lanécessité de maintenir les relations commer-ciales penche parfois en faveur de ladeuxième hypothèse. En l’absence deremèdes efficaces on s’en remet à différentsmoyens : flagellation pendant la peste noire,quinine ou saignées pendant la grippe espa-gnole. Les progrès accomplis par la médecine,la biologie et la chimie à la fin du xIx

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e siècle permettent d’identifier plus rapi-dement les virus et les bactéries mais ne sau-raient les effacer. Notre savoir et notre tech-nique ne nous préservent pas des virus. À ladifférence du Moyen Âge, on sait qu’ils exis-tent. n

Quelqueschiffres :

89 780Morts de la rougeole en 2016 dont unemajorité d’enfants de moins de 5 ans.Avant que la vaccination ne soit introduiteen 1963 et qu’elle ne se généralise, onenregistrait tous les 2 ou 3 ansd’importantes épidémies (jusqu’à2,6 millions de décès par an). Plus de 95 %des décès surviennent dans des payspauvres.

400Décès dus à la grippe aviaire(H5N1, 2003-2004) qui a d’abordravagé les élevages de poulets àHong Kong avant de setransmettre à l’homme. L’annéeprécédente le SRAS (syndromerespiratoire aigu sévère) avaitcausé le décès d’environ 800personnes.

Les mesures actuelles deconfinement rappellent lesquarantaines

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L’apport des sciences humaines

Le coronavirus témoin de nos sociétésLa crise déclenchée par le coronavirus déstabilise et bouscule de nombreux repères.

Le besoin d’en comprendre les ressorts ouvre un champ de réflexion à l’ensemble des sciences humaines qui doivent pouvoir compléter les apports des sciences de la nature.

Différents champs disciplinaires nouspermettent d'appréhender les facettesde la pandémie, ses causes et ses

répercussions. Si la mise en perspectivehistorique est nécessaire, la dimensionanthropologique et sociale du coronavirusdoit également être observée.

Des causes anthropologiquesLes maladies infectieuses ne sont pas desphénomènes exlusivement naturels. Ellesont été provoquées par la promiscuité entrehumains et animaux domestiques depuisle néolithique. Leur diffusion a suivi lesmigrations et les déplacements. Dans lapériode la plus récente, de nouvelles zoo-noses sont apparues et se sont enchainéesà un rythme accéléré : VIH, grippe aviaire,H5N1, SARS, MERS et Ebola. Elles sontliées à la généralisation des logiquesconcurrentielles et productivistes typiquesdu capitalisme qui débouchent sur l’ex-pansion urbaine, la déforestation et l’arti-ficialisation et l’exploitation illimitée desmilieux naturels. Dans le cas du Covid-19, l’agent pathogèneest apparu et s’est répandu depuis une capi-tale mondiale de l’industrie automobile,fortement intégrée aux réseaux de transportsaériens dont les flux ont doublé ces quinzedernière années. Si le Covid n’est pas lapremière épidémie à s’être diffusée sur l’en-semble de la planète, elle est la première àl’avoir fait à la vitesse des avions et à avoirprovoqué un début d’effondrement écono-mique généralisé.

Une pensée capitaliste saisie parl’incalculableJusqu’à cette crise, les pays développéssont restés persuadés que la science et leprogrès technique permettent d’éradiquerles grandes incertitudes collectives. Sur leplan économique les fanatiques du tout mar-

ché imaginent un monde où les risques sontindividualisables, calculables et sources deprofits pour les assurances. Cette illusiond’un avenir maîtrisé techniquement et finan-cièrement est indispensable à la logiquecapitaliste. Mais cet imaginaire économiquene permet pas d’anticiper ni de gérer unrisque collectif et radical comme celui quenous vivons.Et c'est bien dans les pays les plus accrochésau néolibéralisme (États-Unis, Royaume-Uni) que l’ampleur de la catastrophe a étéla plus longtemps niée, et que l’on a pré-tendu lutter par l’immunité collective, nou-vel avatar du darwinisme social. Cette crise entraîne des bouleversements,elle révèle notamment un Occident qui hésiteet qui chute : démantèlement de l'hôpitalpublic, destruction des stocks et des usinesde masques, impéritie de certains ministreset hauts fonctionnaires et condescendanceenvers l’étranger (notamment l’Italie) sontdes facteurs qui se sont ajoutés à une histoiremédicale qui n’a pas permis de comprendre

l’épidémie lorsqu’elle a émergé. Alors queles nouveaux virus nécessitent une surveil-lance de leur apparition et le déploiementd’une politique de contention et d’atténua-tion de la maladie (par des mesures de pro-tection individuelles, des tests massifs etl’isolement des malades), la lutte contre lesmaladies en Occident et notamment enFrance est historiquement centrée sur la pré-vention par la vaccination et sur les traite-ments médicamenteux. Un certain ethno-centrisme a aggravé le manque de moyens.

Un ordre social en dangerUne fois le danger bien perçu, la réactiona été hors norme et surprend ceux qui lacomparent avec les moyens qu’il faudraitdéployer pour lutter contre d’autres causesde mortalité. Le confinement généralisé estbien évidemment essentiel faute de mieux,mais l’acceptation d’un blocage de l’éco-nomie par les élites montre aussi qu’ellesse sont senties particulièrement concernées.Par rapport à d’autres maladies infectieusescomme Ebola, le Covid a d’abord touchédes individus des classes dominantes mon-dialisées qui en ont été les premiers vec-teurs.Le choix du confinement et les premierspas du déconfinement tendent d’ailleurs àremettre le social en ordre puisque ceuxqui sont dans un deuxième temps les plusexposés sont les ouvriers et les employés– premiers de corvée – qui ne peuvent êtreprotégés par le télétravail. n

50 % Taux de létalité moyen du virusEbola. Identifié pour la premièrefois en 1976, ce virus adéclenché, entre fin 2013 et 2016,une épidémie de fièvrehémorragique en Afrique del’ouest.

3,95 Mds d’eurosMontant des dividendes versés par le groupe Sanofià ses actionnaires le 28 avril au titre d’un exercice2019 exceptionnel, avec 7,5 milliards de résultat net,en augmentation de 9,8 %. Le 20 avril, Sanofi avaitannoncé en grande pompe l’investissement de100 millions d’euros pour soutenir la solidariténationale, soit l’équivalent des montants perçus autitre du crédit impôt recherche (119 millions en 2019).

49,5 Mds d’eurosC’est le montant que la France consacre à la recherche, soit2,2 % de son PIB. Professeurs, chercheurs, ingénieurs,techniciens et personnels d’appui, la recherche emploieaujourd’hui près de 431 000 personnes. Ils mènent leurstravaux dans différentes institutions (universités, grandesécoles, organismes publics, entreprises). Emmanuel Macronannonce investir 5 milliards d’euros dans la recherche sur10 ans, soit 500 millions d’euros par an.

Les nouveaux virus nécessitentune surveillance de leurapparition et le déploiementd’une politique de contention

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rPrévenir et répondre à la crise sanitaire

Quelles politiques de recherche ?

Le désarmement sanitaireLes virus COVID touchent l’homme dès 2002 avec le SARS-1 (Severe Acute Respiratory Syndrome),

puis en 2015  avec le MERS (Middle East Respiratory Syndrome).

Venu de la chauve-souris, comme sontvenus du singe le virus Ebola, puis leVIH en Afrique, ou encore du poulet

la grippe H1N1 au Mexique, il atteintl’homme après hybridation chez le pangolin. Le virus arrive en France en janvier 2020 :le système de santé et de recherches est« désarmé », à bout : pour preuve, la mani-festation supérieur-recherche du 5 marsregroupe15 000 personnes à Paris.Après les mesures prises sous De Gaulle(doublement du budget du CNRS de 1959à 1962, INSERM créée en 1964) et l’élandonné par Mitterrand/Chevènement (accrois-sement massif du budget, fonctionnarisationdes chercheurs contractuels, création desétablissements publics à caractère scientifiqueet technologique – EPST), depuis, le systèmede santé n’a cessé de se dégrader. Les gouvernements successifs ont rognél’outil, malgré le coup d’arrêt des mobilisa-tions sous Fillon des syndicats et « SauvonsLa Recherche ». Chirac, Sarkozy et Hollande ont procédé entrois points : réduction des crédits récurrents,financement sur projets (Agence Nationalepour la Recherche [ANR], projets Européens)et financements caritatifs (ARC, LNFFC,FRMF,1 Téléthons et Sidactions avec pourslogan : « la recherche ne doit pas vivre de

la charité publique » et des legs : InstitutsCurie, Pasteur). Une partie du « budget recherche » est partieau privé : c’est le Crédit Impôt recherche,véritable cadeau. La Cour des comptes ditque « l’efficacité du CIR paraît cependant

difficile à établir ». Pour rappel, c’est 6,2 Md€en 2018 et 6,5 Md€ en 2019. Soit une aug-mentation de 4,8 % (4,4 Md€ en 2009). Ce sous-financement des crédits d’État defonctionnement directs, dits « crédits récur-

rents » (environ 30 % d’un labo bioINSERM et 20 % au CNRS) et la stagnation,puis la diminution des recrutements créentun système basé sur la recherche sur projetset la précarité des jeunes (bourses, finance-ments sur lesdits projets). Les  « appels d’offres » comme ceux del’ANR sont très souvent déterminés par l’in-térêt économique immédiat et/ou la faisabilitérapide, niant le rôle du hasard dans la décou-verte, et beaucoup de projets nouveaux, ori-ginaux, donc « hors mode, hors norme ». Face au risque d’un troisième Corona, DidierSicard2 a dû se battre pour obtenir le renou-

vellement d’un poste de virologue à PasteurLaos, car analyser les virus des chauves-souris n’est pas « rentable ». Pourtant,  onaurait peut-être pu avoir déjà un vaccin. Bruno Canard3 a déclaré, après le SRASCOV 1 « comment anticiper le comporte-

ment d’un virus que l’on ne connaît pas ?

Eh bien, simplement en étudiant l’ensemble

des virus connus pour disposer de connais-

sances transposables aux nouveaux virus.

Un projet européen lancé à cette fin à

l’époque a été suivi d’autres programmes.

[...] En 2006, l’intérêt pour le SARS-CoV

avait disparu, on ignorait s’il allait revenir.

Nous avons alors eu du mal à financer nos

recherches. L’Europe s’est dégagée de ces

grands projets d’anticipation au nom de la

satisfaction du contribuable ».Le Sras-Cov 1 ne représente « que » 8 096cas et 774 décès : c’est ce qui explique leretard pris au début de l’année 2020 dans laperception de la gravité de Covid-19.Nul ne peut assurer que le « plan vaccin »de B. Canard aurait abouti, ni que de nou-veaux antirétroviraux seraient disponibles.Mais ça aurait mieux valu qu’un « crash

program » en mars 2020...C’est donc une politique à courte vue quenous avons subie. Parallèle édifiant, la Corée : en 2015, leCorona MERS, venu d’Arabie, ne représente« que » 1 154 cas confirmés, dont 434 mor-tels, il s’agit donc d’une seconde alerte faible.

Pourtant, la Corée a jugé inévitable un troi-sième Corona, elle a privilégié la prévention :en 2020, elle effectue plus de 10 000 testspar jour, met en place plus de 40 cliniquesambulantes ; puis elle procède à l’isolementdes foyers, à la diffusion massive demasques, de gants...En France, nous subissons une politique deflux tendus : plus de 12 000 lits ont été sup-primés (nous en avons beaucoup moins parhabitant que l’Allemagne), les stocks demasques ont été liquidés.Quant aux tests, leur absence s’ajoute auxpénuries de traitements (J.-F. Delfraissy4).La recherche, comme les infrastructures hos-pitalières, sont des investissements sur l’ave-nir, et ne relèvent pas du court terme, deflux tendus, avec un personnel précarisé,pour engranger des profits immédiats. Cettepolitique, disons-le, et on le voit à chaquecrise, est criminelle. n

1 Association de Recherches sur le Cancer, LigueNationale Française contre le Cancer, Fondationpour la Recherche Médicale Française, etc.

2 Président du Comité consultatif national d’éthique(CCNE) jusqu’en 2008, et professeur émérite àl’université Paris-Descartes

3 Le Monde du 29 février 2020

4 Jean-François Delfraissy (Le Monde,  20 mars) :« Si nous disposions de médicaments à l’efficacitédémontrée, il serait possible d’appliquer en Franceune politique testant et traitant immédiatementtoutes les personnes chez lesquelles l’infection estdécouverte. »

La recherche, comme les infrastructures hospitalières, sont des investissements sur l’avenir

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Prévenir et répondre à la crise sanitaire

Quelle issue ?

Une gestion hasardeuse de la crisePourquoi la France figure-t-elle parmi les pays les plus touchés par le virus  ? Tout a-t-il été fait pour une sortie rapide

de la pandémie  ? Des questions qui se posent et qui ne vont pas manquer de se poser dans le débat politique. Il y a déjà des actions en justice intentées contre certains ministres.

Santé, attention dangers !La crise passée, tout sera possible, y compris le pire…

Des éléments de réponses sont nom-breux, à commencer par le manqueévident d’anticipation. On apprend par

exemple qu’en Allemagne, un test est dis-ponible le 16 janvier à Berlin, un premiercas de COVID est diagnostiqué le 27 janvieren Bavière et le 1er février, une détectionmassive dans toute la région par les médecinsde ville est déclenchée. La propagation estcontenue.Le cas de Prato est également exemplaire.Cette ville de Lombardie de 250 000 habitantsne compte que 29 morts du Covid. La raisontient aux 25 % de chinois qui composent lapopulation et qui très tôt ont su mettre enplace des mesures de confinement et montrerl’exemple au reste de la population.La question des moyens devra évidemmentêtre également posée. Dans les hôpitaux biensûr où la pénurie de lits de réanimation aobligé les autorités à demander le maintien

à domicile des patients, y compris les per-sonnes âgées dans les Ephad, lieu de confi-nement et de contamination.

Testez, testez, testez…Les lenteurs de l’État en matière de test sontaccablantes pour le pouvoir. À la mi-avril,le taux français de dépistage est le tiers decelui observé en Allemagne. La mise à l’écartdes laboratoires publics est incompréhensible.Alors que O. Veran se félicite le 24 avrild’une capacité de 300 000 tests par semaine,le CNRS estime la capacité de ces labora-toires à 100 000 par jour, en grande partieinexploitée. Dans le même temps, on apprendque le pilotage de la stratégie de dépistagea été confié à un cabinet privé depuis la finmars.Mediapart, Libération et d’autres médias ontamplement montré les carences de la Franceen matière de fourniture de masques.

Dans un sondage Ipsos réalisé en Europe,les Français sont les plus insatisfaits de lagestion du dossier Covid par le gouverne-ment. Est-ce vraiment étonnant ? n

La mise à l’écart deslaboratoires publics estincompréhensible

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Le libéralisme s’est imposé au cours desdernières décennies, consacrant le rôledu marché, considéré comme plus effi-

cace que l’État pour produire la grande majo-rité des biens et services. En application decette doctrine, les entreprises publiques ontété méthodiquement privatisées, le droit estdevenu de plus en plus accommodant avec

le business, et beaucoup de nos servicespublics s’organisent désormais sur le modèlemarchand, en recherchant davantage l’effi-cacité que l’équité. Cette logique s’est éten-due à tous les domaines sans exception, ycompris celui de la fourniture de soins et lafourniture de médicaments et autres dispo-sitifs médicaux. Avec les conséquencesdésastreuses que nous connaissonsaujourd’hui, ce qui semble ébranler les cer-titudes, même dans les esprits où elles étaientles plus ancrées. Le président de la Répu-blique lui-même déclarait le 12 mars dernierau sujet de la santé : « Il est des biens et des

services qui doivent être placés en dehors

des lois du marché ». Mais ne nous réjouissons pas trop vite, nesous-estimons pas l’entêtement de la penséenéolibérale. Pour les défenseurs de cettelogique, la tentation sera grande d’en ren-forcer encore la portée, en considérant que

si elle s’avère bien moins efficace que cequ’ils en espéraient, c’est parce qu’elle n’apas été poussée assez loin. Une récente note de la Caisse des dépôts etconsignations sur l’hôpital laisse craindrele pire de ce point de vue. Celle-ci préconiseen effet de renforcer la privatisation du sec-teur hospitalier, en ayant un recours massifà des partenariats public-privé, autrementdit à la sous-traitance de certaines activitésà des entreprises privées, au nom de leurplus grande efficacité supposée.Les dangers ne sont pas écartés, ils pour-raient même être bien plus présents. Si lasanté de tous n’est pas enfin conçue commeun bien public, les dérives vont se poursui-vre, voire se renforcer. Les médicaments etles dispositifs médicaux seront plus encorelivrés au jeu de la concurrence et de la spé-culation et les hôpitaux soumis à des impé-ratifs d’efficacité. Avec des conséquencespotentiellement graves car même lorsque lavague de propagation du coronavirus serapassée, notre système de soins devra resterpleinement mobilisé pour faire face auxsuites de la crise. Il faudra reprogrammerles nombreux soins non-urgents qui ont étéreportés et aussi sans doute, malheureuse-ment, prendre en charge les pathologiescréées par le confinement. n

Nos services publics s’organisentdésormais sur le modèle marchand©

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rPrévenir et répondre à la crise sanitaire

L’US Mag : Est-il souhaitable d'autant médiatiser unpotentiel «  remède  » comme la chloroquine ? Boris Gralak : Tout le monde souhaite qu’un traitement à laCovid-19 soit trouvé le plus rapidement possible. Mais je penseque les déclarations du professeur Raoult sont dommageablesquand il exprime, au mépris de la démarche scientifique, descertitudes à partir d’études qui se situent plus au stade deshypothèses que des résultats scientifiques. Ces déclarations ajoutent de la confusion à une situation déjàanxiogène et ont engendré dans la population des comportementsplus guidés par l’affectif que la raison. Si malheureusement ilse confirme qu’il n’y a pas de bilan bénéfice-risque positif dela chloroquine, il faudra alors beaucoup d’efforts et de pédagogiede la part des scientifiques pour assurer la confiance du grandpublic envers les chercheurs.

L’US Mag : En quoi la recherche, toutes disciplinesconfondues, est-elle indispensable pour répondre à lacrise ? Boris Gralak : Si dans cette phase de pandémie l’urgence estla recherche médicale, la microbiologie et la biologie pour lestraitements, vaccins et autres tests, d’autres recherches sontindispensables : l’épidémiologie et les mathématiques pourmodéliser l’évolution de la pandémie, la physique pour lesappareils de microscopie et d’analyse, et la chimie pour lasynthèse de molécules médicamenteuses. La généralisation des activités digitales avec le télétravail etle téléenseignement nécessite de développer les réseaux detélécommunication, le mobile à haut débit, le stockage de don-nées, la puissance de calcul, la sécurité numérique, l’intelligenceartificielle, tout cela avec sobriété énergétique. Les recherches en sciences humaines et sociales sont convoquéessur bien d’autres fronts encore : questions continues sur le tra-vail, l’éducation, les inégalités, les modes de production, lesmodèles économiques, le genre, le soin et l’hygiène, les consé-quences du confinement, les menaces sur la vie privée, lesquestions éthiques, fake news... Enfin, cette crise sanitaire trouve sa source dans l’anthropisationde la terre avec le bouleversement du climat, de l’environne-ment, des écosystèmes, de l’agriculture, de l’élevage et de l’in-dustrie agroalimentaire qui augmentent les passerelles de trans-mission des virus entre la faune sauvage, les animauxdomestiques et l’homme. Seul un investissement massif dans toutes les recherches, indé-pendamment de leur utilité, permettra de faire face aux pro-chaines crises. n

Entretien

L’US Mag : Le grand public ne s'est jamais autant intéresséaux travaux des scientifiques qu'en ces temps d'épidémie.Quel rapport entre la société et les scientifiques cela révèle-t-il ? Boris Gralak : La recherche et les scientifiques sont directementmobilisés depuis le début de la crise sanitaire à plusieurs niveaux :étude de l’origine et du mode de transmission du virus SARS-CoV-2, modélisation de la propagation de la pandémie, recherched’un traitement, mise au point d’un vaccin... Ils ont organisé lariposte en fabriquant du gel, des respirateurs, des visières et enfaisant don de matériel (masques, gants, fluides) aux CHU. Lesscientifiques jouent également un rôle important d’expertise,notamment au sein du Conseil scientifique COVID-19 qui proposedes avis au gouvernement. Mais cette nouvelle visibilité de larecherche révèle des incompréhensions entre les scientifiques etla société. Contrairement à ce que cette nouvelle visibilité semblemontrer, la valeur de la recherche ne doit pas être appréciée àson utilité directe : la recherche fondamentale doit être libre detoute finalité pour faire progresser toutes les connaissances etaffronter les prochaines crises, qu’elles soient sanitaires, clima-tiques, écologiques, sociales, économiques ou démocratiques.D’un autre côté, les attentes de la société sont immenses pourrépondre à la crise actuelle, alors que les connaissances scientifiquescomportent des incertitudes, évoluent et demandent du temps.

L’US Mag : Les chercheurs ne sont pas d'accord entre eux,les analyses scientifiques varient au fil des études  : comment gérer cela et où devraient se situer l'action etla parole politiques  ?Boris Gralak : La démarche scientifique repose sur des hypo-thèses et la confrontation des résultats obtenus à partir de dif-férentes hypothèses. Les débats sont donc intrinsèques à ladémarche scientifique : ils sont essentiels car ils permettentde faire émerger de nouvelles idées et progresser les connais-sances. Les résultats scientifiques doivent être appréciés dansle contexte des hypothèses sous-jacentes et des incertitudesqu’ils comportent, ces incertitudes devant être maîtrisées avecdes protocoles précis et des données de qualité. C’est pourquoila diffusion de la culture scientifique et de la démarche scien-tifique à tous les niveaux de la société est indispensable pourappréhender des situations complexes très anxiogènes. Lesexpertises scientifiques et techniques doivent éclairer l’actionet la parole politiques, mais ce sont les politiques et eux seulsqui doivent prendre les décisions et les assumer. Le gouver-nement n’a pas à s’affranchir de ses responsabilités au prétexteque les avis des scientifiques changent ou sont discordants.

La crise sanitaire révèle le rôleessentiel de la recherche etdes scientifiquesBoris Gralak (SNCS-FSU) est directeur de recherche au CNRS et effectue des recherches àMarseille en physique mathématique appliquée à l’électromagnétisme et aux métamatériaux.©

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Enjeux de pouvoir : la confiance en jeu

Politique et médical, qui décide ?Il est sans doute trop tôt pour dresser un bilan de la gestion politique et sanitaire de la crise du Covid-19.

Le rôle joué par les diverses autorités sanitaires et leur relation avec l’État seront au centre de l’analyse qu’il faudra mener. Quelques pistes et questions.

Alors que la crise est déjà évidente, leprésident de la République, le 5 mars,demande la constitution d’un « conseil

scientifique ». Cette instance, constituéed’experts de champs disciplinaires différentsjoue un rôle clé. Réputé « indépendant », ildonne des avis scientifiques sur lesquelsvont s’appuyer des décisions politiques,comme le maintien des élections munici-pales.

Un conseil sous surveillance  ?Très tôt pourtant son pouvoir et son indé-pendance seront interrogés. Il existe d’autresinstitutions : Santé publique France, la HauteAutorité de santé, le Haut Conseil de la santépublique, INSERM... Qu’est-ce qui justifiela création de ce « conseil scientifique » dontla base légale est très discutable ? Le gou-vernement semble se conformer à ses avis,comme le passage à l’état d’urgence instituéle 23 mars, mais s’en libère quand il s’agitde la réouverture des établissements scolairesque ce même conseil avait préconisée pourseptembre dans une « note » du 20 avril.Une « note », et non un « avis », saura-t-onplus tard quand il faudra expliquer pourquoicelle-ci n’a pas immédiatement été renduepublique, conformément à la transparencequ’elle revendique, ce qui laisse planer undoute sur son indépendance.

Quelle place pour l’expertisemédicale  ?La réflexion sur les relations entre le pouvoirsanitaire et politique est ancienne. En 1919,Max Weber, un sociologue allemand, dis-tingue « le savant et le politique » dans deux

conférences célèbres. Le premier rechercheavec méthode une vérité indépendamment detout jugement de valeur, tandis que « l’homme

politique prend position », il a des convictionset doit trancher entre différentes options. Maispour M. Weber, la politique se limite aucontour de l’État et ne conçoit pas de liensentre le pouvoir et la science. À l’inverse, Michel Foucault consacrera unepartie de sa réflexion à la médecine de santépublique. Dans la société industrielle quinaît au xVIII

e siècle, il ne s’agit plus seulementpour le pouvoir de veiller à l’hygiène, cequ’il a toujours fait, mais de mettre en placeune véritable « police de la santé ». Pour Michel Foucault, la santé publique va

Pour un État responsable et protecteurPour faire face à l’épidémie de coronavirus, de multiples initiativescitoyennes et associatives ont vu le jour : mobilisation pour coudredes blouses et des masques, distributions alimentaires, maraudes,dons, soutien matériel et moral aux personnes isolées… qui n’ontpas attendu les exhortations du Président et du gouvernement à « lasolidarité », et à l’« esprit de responsabilité ».Ces appels répétés à la responsabilité tendent à dépolitiser et masquerles réels enjeux économiques et sociaux : l’épidémie a montré à quelpoint il était urgent de porter des réponses collectives en réinves-tissant dans les services publics et la lutte contre les inégalités.La surmortalité en Seine-Saint-Denis est une illustration cruelle del’imbrication des inégalités : difficulté d’accès aux soins, précaritéde l’emploi, emplois de « première ligne », logements trop petits,

comorbidité, se sont ici conjugués. Rien de vraiment nouveau puisqueles 5 % les plus riches vivent en moyenne 13 ans de plus que les5 % les plus pauvres (INSEE 2018) et 41 % des français affirmentavoir renoncé à des soins médicaux pour des raisons financières…mais c’est l’environnement de vie en général qui est déterminant :type de logement, attention portée au corps et à l’alimentation,inquiétude face à l’avenir, conditions et durée du travail. Par consé-quent, pour favoriser la santé de toutes et tous, il faut lutter contretoutes les formes d’inégalités et donc renforcer l’État protecteurdans toutes ses dimensions : extension de la couverture maladie,lutte contre les déserts médicaux, renforcement de la protectionsociale, et plus généralement amélioration des conditions de vie etde travail.

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Il ne s’agit plus seulement de veiller à l’hygiène, mais de mettreen place une véritable « police de la santé »

de pair avec la surveillance des individus.Cela atteste certes d’un « souci de la vie »mais aussi d’une volonté de contrôle et demoralisation : une médicalisation de lasociété où la parole du médecin s’imposedans tous les domaines y compris à la déci-sion politique.Dans l’affaire du COVID, il faudra aussi sesouvenir de la rencontre, très médiatisée,d’Emmanuel Macron avec le professeurRaoult, où le chef d’État semblait aller cher-cher une légitimité auprès d’un médecin qui,un moment, contre le pouvoir médical repré-senté, est apparu comme le détenteur de lavérité ; et continuer à s’interroger sur le rap-port du politique et du médical. n

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métier

RÉMUNÉRATIONS. Traitement, indemnités, jours de grève et de carence,le point sur les salaires pendant le confinement.

Dès le début de la crise Covid, le SNES-FSU a multiplié les interventions auprèsdu ministère des Affaires étrangères

afin que celui-ci apporte une aide financièreaux parents d’élèves boursiers et à l’agence.Outre 70 millions d’euros pour l’accompa-gnement des postes diplomatiques, saluonsl'enveloppe de 50 millions d’euros débloquéepour l’aide à la scolarité. Celle-ci, pilotéepar l’AEFE, s’appuiera sur les critèressociaux (bourses).

Un choix politique L’AEFE, quant à elle, ne disposera que d’uneavance France trésor de 100 millions. Quidit avance dit obligation de rembourser, cequi fait craindre un nouveau plan d’écono-mies. Rappelons qu’à l’été 2017, une annu-lation de crédit de 10 % de sa dotation aentraîné un plan de réduction des dépenseset la suppression de 10 % des postes de déta-chés. Par ailleurs, cette avance est destinée à l’en-semble des établissements, y compris ceuxtotalement privés, hors réseau de l’AEFE.En tordant ainsi le bras aux règles de comp-tabilité publique et aux missions de service

public, le gouvernement renforce son choixpolitique de préférence au «  tout privé  ».Ainsi, le plan de doublement des effectifsélèves et de privatisation accrue imposé,peut être financé ! L’opérateur public s’im-posera sans doute de nouvelles économiesdont son réseau historique fera les frais. Pouréviter que l'AEFE ne devienne le responsablede sa propre disparition, le SNES-FSUdemande que cette avance soit transforméeen dotation budgétaire. Ce ne serait qu’undébut ! n Patrick Soldat

Le traitement indiciaire et les indemnités(supplément familial de traitement,indemnité de résidence, HSA, ISOE part

fixe et part modulable, indemnités REP + ouREP) sont conservés et versés en mai pourles mêmes montants que ceux retenus en mars2020 tout comme la NBI qui continue d’êtreversée. En revanche, les indemnités de juryou de formation, ISSR, HSE, heures de khôllequalifiées de non-permanentes par le ministèreet donc en attente de paiement doivent êtresaisies dans les rectorats pour pouvoir êtrerégularisées sur les prochaines payes. Celapeut nécessiter un certain temps tout commeles changements d’échelon prévus à partird’avril.

De l’investissmentLe SNES-FSU est intervenu auprès du cabinetdu ministre pour qu’instruction soit donnéeaux recteurs pour que les retenues pour faitde grève et de journée de carence, dont leSNES avec la FSU continue de demander leretrait, ne s’appliquent pas. Dans le contexteactuel, les collègues s’investissent auprès deleurs élèves pour qu’ils conservent un lienavec les apprentissages – certains se sontportés volontaires pour l'accueil des enfantsdes personnels soignants – ce n’est surementpas le moment de les sanctionner pour avoirdéfendu le service public.Les collègues ont, durant cette période, utiliséleur matériel personnel. Cela renforce l’exi-

gence par le SNES-FSU d’une indemnitéd’équipement informatique aussi bien lors del’entrée dans le métier que tout au long de lacarrière. n Erick Staëlen

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Salaires non confinés

AEFE. L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger est financée au1/3 par l’État, 2/3 restant à la charge des familles (frais de scolarité). Sasurvie, déjà fortement compromise par des coupes budgétaires, estaujourd’hui menacée.

Un soutien à doubletranchant

MOUVEMENT INTRAVÉRIFICATION DES VŒUX

ET BARÈMESC’est une étape à ne pas prendre à la légère.Si vous participez à l’intra, vous avez accèsà vos vœux et au barème lié à chacun d’euxsur I-Prof pendant une quinzaine de jours.La période d’affichage des vœux et barèmesvarie d’une académie à l’autre. Contactez la section académique du SNES-FSU*, non seulement pour connaître lecalendrier, mais aussi pour obtenir l’aidedes militants et élus du SNES lors de cetteopération qui revêt une importance capi-tale. Pour chacun des vœux formulés, vousdevrez, avec le SNES-FSU, vérifier que lebarème n’est pas erroné. Vous pourrez endemander la correction auprès du rectoratle cas échéant. Attention  : une fois le délaiéchu, il ne vous sera plus possible d’inter-venir sur vos barèmes. Un oubli de pointspeut vous faire rater le poste que vousespérez. Il s’agit parfois simplement d’unepièce justificative à ajouter à votre dossierou d’une erreur de saisie à rattraper. Le regard des élus du SNES-FSU peut vouséviter bien des erreurs. Eux seuls ont à lafois l’expertise du mouvement et uneconnaissance fine des établissements del’académie (ils y sont en poste).

* Prenez contact avec la section acadé-mique SNES-FSU de l’académie danslaquelle vous participez à l’intra.

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COLLÈGE. Le ministère propose pour la réouverture des établissements une série de fiches Eduscol précisant lesattendus de fin d’année dans les différentes disciplines.

Déconfiner ? Oui, mais avec lucidité  !E

n 2016, les programmes ont été conçussur l’ensemble du cycle 4, avec peuvoire pas de repères annuels selon les

disciplines. Quelques précisions ont pu êtreapportées par la suite. La collection de fichesministérielles présente cette fois, pour chaqueprogramme d’enseignement, les thèmes et/oucompétences identifiés « pour faciliter la

reprise et le travail de fin d’année ». Le problème est que ces consignes ne sem-

blent pas avoir pris la mesure des contraintessanitaires s’appliquant dans les classes. Rap-pelons que les salles spécialisées ne serontgénéralement pas accessibles : pas de matérielpour les enseignements artistiques, la tech-nologie, les sciences expérimentales, les acti-vités nécessitant des constructions en mathé-matiques... Comment par ailleurs réaliser letravail collaboratif préconisé en languesvivantes tout en respectant les gestes bar-

rière ? Certaines inspections générales – enéducation musicale et en arts plastiques parexemple – envoient d’ailleurs aux professeursd’autres propositions, qui ont le mérite derespecter scrupuleusement le protocole sani-taire national.

Rester maître de ses choixpédagogiquesEn sciences physiques et en SVT, il est proposéde doter les élèves d’un portfolio indiquantle programme traité cette année à l’intentiondu professeur de l’année prochaine. Cette pro-position redondante avec le cahier de texte dela classe et le travail en équipe pédagogiquene doit pas se transformer en dossier scolairebis. Il y a bien autre chose à faire avec lesélèves dans le peu de temps imparti !Les priorités suggérées par Éduscol sont doncà relativiser. Il convient de s’en saisir quandelles constituent une aide, mais de ne passuivre des préconisations inadéquates. Lesconditions du retour en classe ne permettentpas d’enseigner comme avant. Chacun feracomme il pourra. Les professionnels quenous sommes ont fait avec le confinement ;ils feront avec le déconfinement. n

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STAGIAIRES ET CONCOURS. Depuis mars, le SNES et la FSU font tout pour que la titularisation et l'affectationdes stagiaires fasse l’objet de la plus grande bienveillance de l’institution et qu’elle prenne effet le 1er septembrepour toutes et tous.

Des avancées et des incertitudes

Dans la plupart des INSPE, les évaluationsont été allégées, les soutenances oralesde mémoire annulées ou organisées en

visio-conférence. Les rumeurs sur le reportde la titularisation au premier trimestre del’année 2020-2021, colportées par les plushautes instances dans certaines académies,ont angoissé les stagiaires. Le ministre, inter-pellé par le SNES et la FSU, a écarté cetteéventualité. Pas de report généralisé des titu-larisations en décembre donc – y comprispour les stagiaires agrégés ou en renouvelle-ment qui doivent subir une inspection pourêtre titularisés. Le SNES-FSU demande qu’ily ait enfin une publication officielle de cesdécisions.La FSU continue par ailleurs de demanderque tous les stagiaires qui devraient être placésen renouvellement de stage l’an prochainsoient affectés en prolongation de stage aucours du premier trimestre, puisqu’ils n’ont

pas pu montrer qu’ils avaient progressé pen-dant la durée du confinement.

Concours du combattantLes concours externes écrits ou oraux se tien-dront de la mi-juin à fin juillet. Les affectationsauraient lieu à la mi-août, ce qui va rendredifficile le déménagement de stagiaire dansune période où les changements de domicileseront nombreux. Le SNES-FSU demandeque l’affectation sur le premier vœu soit pri-vilégiée et que des aides au logement soientprévues. La semaine de prérentrée pour lesfuturs stagiaires, prévue pour les derniersjours d’août, devrait être reportée début sep-tembre.Pour ce qui est des concours internes, le minis-tère ne veut toujours pas déplacer les orauxprévus en septembre, ni déclarer admis tousles admissibles dans le cadre d’un collectifbudgétaire. Le SNES-FSU invite toutes les

personnes concernées à écrire au ministèrepour témoigner des problèmes posés par cettedécision. n Alain Billate

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CATÉGORIES

Le retour des équipes de Psy-ÉN, despersonnels administratifs et des DCIOne peut pas être improvisé, tout comme

la réouverture progressive des CIO aupublic. Avant tout, il faut vérifier que lesconditions sanitaires de sécurité sont garan-ties par notre administration. Très souvent,les DCIO sont en responsabilité et l’enjeupour eux est de ne pas rester seuls ! Lescollectifs de travail, toujours à distance,sont plus que jamais nécessaires pourassurer les conditions de sécurité de cettereprise au CIO et dans les établissementsdu secteur.

À distance mais sur le terrainDeux mois de confinement et un retour àl’école incertain auront créé des situationsdifficiles pour les élèves. À cela vonts’ajouter les impératifs d’un calendrier serréde l’orientation et de l’affectation, malgréles demandes d’assouplissement du SNES-

FSU. La petite chanson d’une urgence àtenir les opérations de gestion de l’orientationse fait entendre ici et là. Mais il faut raisongarder ! Réussir le retour au CIO et à l’école,c’est y offrir d’abord un cadre sécurisantpour les élèves comme pour les adultes quiy travaillent. Certains élèves, certains parentssont dans des situations sociales et psycho-logiques qui ne leur permettent pas d’abordersereinement ce retour ni des choix d’orien-tation. Il faut le prendre en compte et éviterles décisions aux conséquences irréversibles.Le travail des Psy-ÉN sera donc essentielauprès des professeurs, CPE et équipes pluri-professionnelles. Le collectif du SNES-FSU, durant cesdernières semaines, a publié sur le site duSNES de nombreux articles. Une réunion àdistance de nos responsables académiquesa permis de mesurer l’importance du travailréalisé sur le terrain par les Psy-ÉN en dépitde la communication pitoyable du ministère.

Continuons à revendiquer des moyens pourtravailler correctement et faire valoir toutel’importance des CIO et de la psychologiedans l’école. n Géraldine Duriez

La règle qui veut que les agents non titu-laires ne puissent pas prétendre à un CDIs’ils ont accumulé plus de 4 mois d’in-

terruption entre deux contrats est particuliè-rement pénalisante dans la période actuelle.C’est la raison pour laquelle la FSU en ademandé à plusieurs reprises la suspension

et a été entendue. Olivier Dussopt, secrétaired’État, semble en effet avoir bien comprisles conséquences très négatives de cetterègle puisqu’il en a inscrit la suspensiondans la loi Urgence sanitaire 2 qui est endiscussion à la mi-mai. C’est là une avancéecertaine, à mettre au seul actif des syndicats

de la FSU, mais elle ne couvre que lapériode allant du 16 mars à la fin de l’ur-gence sanitaire. C’est un peu court : dès le18 mars, la FSU réclamait une période desuspension jusqu’à « la date  de reprise del’activité ordinaire des services, des écoleset  établissements ». Donc à la rentrée deseptembre, et non à la fin du confinement.

Nouveaux besoins en remplacementLa fin du confinement doit être synonyme derégularisation de tous les CDD qui n’ont puêtre signés ou récupérés du fait des fermeturesd’établissements. D’ailleurs, comme l’a exigéla FSU, une majorité de contrats courtsauraient dû être renouvelés ou prolongés dansla mesure où le comité médical n’a pas pu seréunir pour statuer sur la reprise du travaildes titulaires en congé longue maladie ou delongue durée. Les besoins en remplacement sont réels :collègues ayant développé des pathologiesdiverses pendant la période de confinement,collègues en congé maladie ainsi que ceuxbénéficiant d’ASA et pour lesquels le travailà distance n’est pas possible. Faute de titulairesremplaçants en nombre suffisant, les contrac-tuels devront continuer d’assurer cette mission,que ce soit à distance ou en présentiel. n

Nadine Krantz et Jocelyne François

NON-TITULAIRES. Dans la période actuelle, les non-titulaires ont plus que jamais besoin du soutien de leursreprésentants syndicaux.

De l’auxiliariat en temps de crise

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CIO. Grands oubliés du protocole, les CIO doivent maintenant s’adapter aux nouvelles conditions sanitaires.

Retour au CIO et ailleurs

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Si la catastrophe en EHPAD éclate augrand jour, le silence persiste sur lesquelques 700 000 personnes âgées en

perte d’autonomie à domicile. Elles sont lesvictimes invisibles d’un État qui relègue touteune population et ne connaît que la logiquecomptable. Les décès sont probablementnombreux.

Ces personnes sont encore plus isolées qu’entemps normal et, du fait de la baisse notabledes intervenants, elles souffrent moralementet physiquement. Pourtant, les auxiliaires devie et aides à domicile jouent un rôle encoreplus fondamental, aujourd’hui. « Près de90 % de nos missions  sont autour d’actesessentiels », déclare la responsable d’uneassociation d’aide à domicile, qui ajoute quela livraison de moyens de protection a tardéet que les masques manquent encore cruel-lement. « Nous passons  toujours après  lesautres. » 

Aider les aidantsAlors, beaucoup de personnels sont intervenusla peur au ventre, car les gestes barrières sontpeu aisés : les personnes concernées nepeuvent parfois ni manger seules, ni faire leurtoilette. Les soignants ont été nombreux àtravailler dans des conditions rendues encore

plus difficiles notamment à cause de raisonsfamiliales. Les autres intervenants (orthopho-nistes, kinés, etc.) n’ont pas eu le droit devenir pour assurer des soins destinés à freinerla dégradation physique. Et que dire de lasolitude éprouvée quand on a l’impressiond’être enfermé et coupé du monde alors qu’unaccompagnement psychologique et psychiqueserait indispensable ! Alors, plus que jamais,l’essentiel repose sur les aidants qui viventaussi la crise, plus ou moins « facilement »,actifs ou retraités.La pandémie va-t-elle changer l’image de laprofession des aides à domicile ? La questionde la rémunération, des conditions de travail,est au centre de leurs revendications. Il esttemps de reconnaître l’utilité publique de cespersonnels. L’État prône le maintien à domi-cile sans se donner les moyens de sa poli-tique : l’urgence d’une loi autonomie n’estplus à démontrer. n Marylène Cahouet

PERTE D’AUTONOMIE. La crise sanitaire que nous vivons et le manque d'aidants contribuent à fragiliserdavantage une population qui n'en avait pas besoin.

Les grands oubliés de la crise

Rappelons tout d’abord que les AED etles AESH, comme l’ensemble despersonnels peuvent faire valoir leur

situation à risque ou celle d’un proche, ouencore l’obligation de garder un enfant pourne pas être contraints de retourner en établis-sement. De plus, la vérification du strictrespect du protocole sanitaire doit s’étendre,en dehors des classes, à toutes les situationsconcernant ces personnels souvent fragilesvis-à-vis de la direction. Le SNES-FSU yveillera !

AED  : pour un renouvellementexceptionnelPour tenir compte des difficultés causéespar la situation actuelle pour les AED quiarrivent à la fin de leur engagement de sixans à préparer leur transition professionnelle,et limiter le turnover dans les vies scolairesà la rentrée de septembre, le SNES-FSUdemande qu’il leur soit permis d’effectuer,à titre exceptionnel, une septième année.

AESH  : le retour en établissementquasi-impossibleLes conditions de retour en établissementimposées par le protocole sanitaire nepermettent pas à la quasi-totalité des élèvesen situation de handicap de reprendre lechemin de leur établissement. Dans la plupartdes cas, la proximité entre l’élève et l’AESH

qui l’accompagne rend impossible le respectdes gestes barrières, et ce, quels que soientles équipements de protection individuels.L’AESH est souvent obligé de toucherl’élève ou de lui tenir tel ou tel matériel.Cela ne signifie pas qu’aucun travail d’ac-compagnement n’est possible. D’ailleurs, des AESH ont pu accompagnerd’une façon ou d’une autre les élèves dontils ont la charge depuis le début du confi-

nement. En revanche, cela signifie qu’ilrevient à l’institution de mettre en place lesmoyens du développement de cet accompa-gnement à distance lorsqu’il est possible etrendu nécessaire par les impératifs de sécuritésanitaire. La mise en œuvre de ces moyens doit s’ap-puyer sur la consultation des personnels (élusCCP, CHSCT, CTSD...). n Emmanuel Séchet

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AED – AESH. Souvent peu considérés, ils ont nénamoins des droits qu'il faut continuer à défendre.

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32 - us MaGaZine - Supplément au no 797 du 25 avril 2020

Pourtant le confinement avait bien maldébuté du fait de la cacophonie minis-térielle. Comme les autres personnels,

les CPE se sont retrouvés en difficulté faceaux priorités changeantes du ministre quiont conforté certains chefs d’établissementà exiger la présence des CPE dans leurs éta-blissements, sans manquer d'inventivité pour

les détourner de leurs missions. Le SNES-FSU est intervenu pour faire cesser ces pres-sions et dérives.

Un confinement qui atteintl’exercice du métierChacun s’est efforcé d’assurer la soi-disant« continuité pédagogique » martelée par leministre. Mais comment exercer à distanceun métier qui repose sur la relation ? Com-ment concevoir un travail en distanciel etl’exercer sans outils adaptés ? Malgré lapression de l’urgence, les CPE ont su prendrele temps de la réflexion, s’organiser, agiravec sérénité et faire au mieux avec lesmoyens du bord.Ce travail à distance a conduit à retravailler,en coordination avec les équipes de profes-seurs, la relation à l’élève et à sa famillepour maintenir le lien éducatif et pédago-gique. Les fondamentaux du métier sont res-tés les mêmes : être aux côtés des professeurset de l’ensemble de la communauté éduca-tive. Plus que « pointer une absence numé-rique », c’est bien faire du lien qui a été lapriorité : s’inscrire dans un suivi de l’élèvepar des contacts téléphoniques ou numériques

afin de rassurer élèves et familles, les accom-pagner, adapter les quantités et le rythme detravail par une coordination d'équipe ren-forcée, éviter que le fil ne soit rompu. Pource faire, les CPE ont pu s’appuyer aussi surles AED, si précieux.Pour autant, l’école à distance ne peut rem-plir les mêmes objectifs que la classe et la

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DEPUIS LA FERMETURE DES ÉTABLISSEMENTS, les CPE ont dû travailler autrement, avec les élèves, les familles etl’ensemble des personnels. Ils ont su s’adapter à une situation inédite venue bousculer leur métier et interrogerposture et gestes professionnels.

Face aux défis de la crise sanitaire,le rôle des CPE

LA VIE SCOLAIRE

En totale incohérence avec les consignes nationaleset les ordres de la hiérarchie, mon chef d’établissementa fait partie de ceux qui ont jugé indispensable defaire déplacer les assistants d’éducation pour effectuerdes permanences chacun leur tour, sans que les mis-sions ne soient clairement définies. Je m’étonne encored’avoir été l’une des seuls à refuser de me plier à cetteinjonction contradictoire dans mon lycée et du manquede compréhension dont a fait preuve la direction. Quelintérêt, dans un tel contexte, de mettre le personneldans une situation très inconfortable et de faire peserune pression inutile sur les individus et les équipesdans un moment où l’on a déjà choisi de faire régnerla peur, suite à la déclaration de guerre de E. Macron ?

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Page 33: COUV 797 797 19/05/20 11:44 Pa1 - SNES...Le lundi 23 mars, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dite aussi loi d’urgence sanitaire a été publiée au

vie dans l’établissement scolaire. Tous lesélèves ne disposent pas du matériel ni dela connexion pour tirer profit du travail deséquipes pédagogiques, n’ont pas la mêmeautonomie ni les mêmes facultés d’appren-tissage. Les parents ne sont pas des pro-fesseurs et ne doivent pas « remplacerl’école ».Les CPE savent combien l’école est unrepère pour beaucoup de jeunes mais aussicombien cette crise sanitaire creuse encoreles inégalités. Malgré les efforts deséquipes, une part non négligeable d’élèvesne donne plus signe de vie, notamment enlycée professionnel et en zone d’éducationprioritaire : le risque d’exacerbation destensions intrafamiliales engage les CPE àtrouver les moyens de rester des interlo-cuteurs recours pour les élèves en dangeren lien avec les personnels médico-sociaux(maltraitance, mineur isolé, primo arrivant,jeune relevant de la sauvegarde à l'en-fance...).Les CPE ont été également nombreux encollège à se porter volontaires pour encadrerles enfants des personnels soignants au plusfort de la pandémie.

Construire la reprise en équipepluriprofessionnelleLa réouverture des établissements, mêmeprogressive, soulève des questions trèsconcrètes. Elle met en lumière les enjeuxsanitaire, organisationnel, éducatif et péda-gogique. Le défi est de taille pour les espacesvie scolaire : demi-pension, sanitaires, cou-loirs, cour de récréation, salle FSE et maisondes lycéens, internat (enjeu majeur de lareprise), bureau d’accueil des élèves... Idempour la gestion des flux et des personnes,les entrées et sorties d'établissements, lestransports scolaires... L’impératif de santé et de sécurité est unpréalable à tout retour dans les établisse-ments. Loin d’exempter l’institution de sesresponsabilités, les CPE entendent penseren équipe les conditions d’accueil. Définir collectivement des objectifs à cettereprise, organiser la prise en charge (édu-cative, sociale, psychologique, médicale,sanitaire) des élèves sont des impératifs.

Personne ne sortira de cette crise comme ily est entré et la rentrée de septembre seconstruit dès aujourd'hui. Pour les CPE, lesuivi éducatif des élèves reste la missionprioritaire, notamment pour ceux qui auront

été les plus fragilisés. Cette crise sanitaireet économique doit être l’occasion demoyens supplémentaires en CPE, AED, per-sonnels médico-sociaux, dans le cadre d’unplan de relance pour la rentrée 2020. n

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À la veille de la « rentrée », je ne peux que m’inquiéterde ce qui point derrière tout ce raffut. L’assistantd’éducation est à l’évidence sous-payé, bien souventpeu considéré et ses missions sont parfois méconnuesdu chef d’établissement lui-même (sans parler de notrecher ministre qui semble avoir tout juste découvertnotre existence). Alors même que le sens de sa vie, comme celui debien d'autres salariés précaires, ne repose pas sur letravail, et que tout ce à quoi il aspire s’écroule, fau-drait-il qu'il sacrifie ce qui lui donne envie de vivre,ses projets, sa vie sociale, ses rêves, pour obéir à cequi s'apparente de près ou de loin à la devise « travail– famille (très réduite) – patrie » ?

Pascale Balestrat, CPE au lycée Marcelin Berthelotde Châtellerault (86)

Trois questions à...

L’US Mag : Dans ta situation particulière de « personnel logé parNAS (nécessité absolue de service) », quelles ont été tes premièrespriorités de CPE ?

Pascale Balestrat : À partir du 17 mars, ma fonction de CPE a complè-tement changé. Le chef d’établissement était présent ainsi que les person-

nels logés. Nous avons d’abord convenu de mettre en place des permanences téléphoniquespar roulement pour que parents, élèves et personnels puissent joindre le lycée. Les enseignantsont été informés qu’ils pouvaient me solliciter pour que j’appelle les élèves qui ne rendraientpas les travaux demandés ou leurs parents, afin de les soulager d’une partie de leur suivipour le moins fastidieux. Les enseignants m’ont signalé de nombreux élèves peu « connectés » ou en difficulté àl’être et mes journées ont été bien remplies : mails, appels, messages, rappels, réponses,trace des échanges dans l’onglet « vie scolaire-mémo » de Pronote et aides apportées auxélèves et aux enseignants.

L’US Mag : Quelles sont les difficultés que tu as pu relever ?

P. B. : Au début, les problèmes des élèves étaient techniques : connexion, encombrement,codes. Lors de mes appels, j’ai cherché à maintenir le lien dans une relation de confiance,en demandant s’ils avaient des soucis d’ordre matériel ou organisationnel, même si, lesconnaissant bien, je savais que certains, déjà peu motivés en présentiel ne faisaient sansdoute pas tous les efforts pour travailler à distance. Certains travaillaient en fait avec leurtéléphone et ne s’en sortaient pas. Nous avons prêté autant d’ordinateurs que demandés,avec l’accord de la Région, mais je reste persuadée que nous n’avons pas eu connaissancede tous les besoins. Pour les quelques élèves sans connexion internet (ou avec un forfaittrès limité), il a été nécessaire de récupérer et imprimer tous les cours pour les remettre auxfamilles sur rendez-vous. Ce travail est très chronophage, et je n’ose imaginer ce qu’il a pureprésenter pour les collègues dans les zones peu connectées. J’ai dû rassurer plusieursparents, submergés par la double journée de télétravail pour eux et d’école à domicile pourleurs enfants. Au fil du temps, les enseignants, vivant eux-mêmes ces situations, ont d’ailleurs réduitleurs signalements, mesurant les difficultés d’ordre familial que la pression mise sur lesélèves pouvait engendrer.J’ai travaillé avec l’infirmière pour appeler des élèves qu’elle savait fragiles, avec l’assistantesociale pour lui demander des conseils quant aux situations qu’elle suivait avant la fermeturedu lycée. Toutes les deux sont très inquiètes de l’impact de cet enfermement pour desenfants qui subissaient déjà des carences éducatives, voire des violences physiques oupsychologiques.

L’US Mag : Quel premier bilan en tires-tu et quelles réflexions pour la suite ?

P. B. : J’espère que les tenants du tout numérique et les fétichistes de la technologie aurontmis un peu d’eau dans leur vin ! Si certains se sont fait plaisir à expérimenter de nombreuxsupports ou autres plates-formes d’enseignement à distance, ils ont bien été obligés deconstater qu’en visioconférence ils ne touchaient parfois qu’un tiers de la classe et que lesélèves étaient perdus avec les outils différents utilisés d’un professeur à l’autre.Le positif sera peut-être la prise de conscience par les parents et les élèves de la nécessitéde l’école, de la précarité d’internet et de l’aide indispensable qu’apporte l’enseignant. Entant que CPE, pendant ce temps particulier, j’ai pu constater combien des élèves plus oumoins décrocheurs, avec qui je pouvais avoir auparavant des relations parfois houleuses,étaient touchés par mes appels et me remerciaient de ne pas les laisser tomber. Ce sontsurtout ces élèves-là avec qui j’ai été en contact.On ne mesure pas à quel point cette période aura creusé les écarts, non seulement dans lesapprentissages, mais dans l’équilibre et l’épanouissement personnel des élèves. Je réfute lechiffre des 5 à 8 % de « perdus de vue », balancé par le ministre et repris à l’envi par les jour-nalistes. Et ça veut dire quoi « perdu » ? Il y a des élèves que j’ai pu joindre plusieurs fois etce n’est pas pour ça, hélas, qu’ils ont raccroché. Je suis très inquiète quant à la rentrée deseptembre. Sur le plan sanitaire rien n’aura changé, or il est important que les élèves reviennentà l’école. Quels moyens pour compenser l’absence d’untrimestre pour les plus fragiles ?

Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - us MaGaZine - 33

Rubrique réalisée par Olivier Raluy

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bateau ou à marcher dans le froid et la boue.De l’Iran à la Turquie, de la Grèce à laSuède en passant par l’Autriche et l’Alle-magne. Comme beaucoup, il a connu l’hor-reur et la peur. Les exilés ont souvent vuou vécu des violences sur la route migratoire.

Rebondir en FranceDeux mois d’un long calvaire pour repartirencore et encore sur les routes. « En Suède,

au bout de trois ans, ma demande d’asile a

été refusée. J’ai décidé de venir en France. »

Provoqué par les conflits, les crises écono-miques ou le changement climatique, lephénomène migratoire est voué à

perdurer. Aujourd’hui, 3 % de la populationmondiale vit en dehors de son pays de nais-sance. Selon le Haut Commissariat aux réfu-giés, plus de 70 millions de personnes sonten situation de déplacement forcé et 85 %des réfugiés s’installent dans les pays en déve-loppement.En 2018, la France a enregistré 123 000demandeurs d’asile, fuyant leur pays du faitde guerres, de conflits ethniques ou politiques,de persécutions. Elle est devenue ce que lesspécialistes appellent un « pays rebond » pourles demandeurs d’asile qui ont vu leurdemande rejetée dans un autre pays d’Europeet qui tentent à nouveau leur chance.C’est l’histoire d’Omid, un jeune réfugiéafghan de 22 ans, aujourd’hui confiné dansun ancien hôtel Formule 1 dans les Deux-Sèvres. Son parcours ne se résume pas à unlong fleuve tranquille. Un chemin de plu-sieurs milliers de kilomètres avec au boutl’espoir d'une vie meilleure. « J’ai quitté mon pays en proie à la guerre.

Je ne pouvais pas rester plus longtemps sur

cette terre gangrénée par Daesh et les Tali-

bans. » Comme beaucoup, il a quasimenttraversé deux continents. En camion, par

Depuis sept mois, entre les campements pari-siens et ce centre d'hébergement, il compteles jours en espérant « obtenir des papiers

et commencer une nouvelle vie ».Il déclare sa flamme « au pays des droits de

l’homme » et à sa langue. « Je veux appren-

dre, étudier le français. » Vissé sur son écrande téléphone, il apprend la langue de Molièrevia Google. Il passe le temps. Un temps quis’écoule trop lentement et fait basculer les92 réfugiés de ce centre d’hébergement dansle spleen. Omid n’échappe pas à ce décou-ragement qui envahit tout migrant. « Ma

famille me manque. Et l’attente est longue.

J’aimerais enfin trouver une stabilité, pouvoir

m’installer, trouver un travail. Vivre norma-

lement. »

Comment rester insensible à cette détresse ?C’est dans ce contexte que l’associationAccueil  et  solidarité propose des solutionsd’aide au quotidien et d’accompagnementaux migrants. « Heureusement qu’ils sont là.

Ici, on est pas battus et on s’occupe de nous

et surtout de nos papiers » poursuit Omid.« Une évidence » pour Jean-Pierre Ledoux,coprésident de la structure, passée d’unevingtaine d’adhérents à 130 aujourd’hui. « On

ne pouvait pas rester là, à deux kilomètres,

à bien vivre confortablement installés dans

nos fauteuils. On fait quoi alors ? On déploie

BIEN QUE L’EUROPE AIT ESSAYÉ DE TARIR LES FLUX D’IMMIGRATION, de nombreux migrants fuyant les conflits locauxou à la recherche de perspectives économiques, continuent d’arriver. Ils se retrouvent dans des situations précaires.En France, des associations et des citoyens se mobilisent pour permettre un accueil digne et fraternel.

Des passeurs d’espoir

Les migrants en France

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a notamment mis à leur diposition des vélos« pour qu'ils soient le plus mobiles possible

et pour  rompre  leur  isolement ». Le plusimportant des soutiens, « le plus complexe »,

consiste à les accompagner dans leur demanded’asile. « Il  faut être  formé pour ça. Nous

sommes accompagnés par  la CIMADE, et

nous leur fournissons l’appui d’avocats pour

les recours à la CNDA. »

Dire que leur arrivée a suscité l’enthou-siasme des locaux relève de l’euphémisme.Pourtant après l’inquiétude initiale, « avec

un rejet de principe lors de la première réu-

nion  des  habitants », l’idée « qu’on  peut

vivre  ensemble  a  fini  par  l’emporter »

explique Jean-Pierre Ledoux. « Ils viennent

dans le centre du bourg tous les jours pour

acheter  du  pain  ou  leurs  cigarettes. Cela

ne pose aucun problème. Certains partici-

pent activement à la vie associative. » L’ac-tion de l’association facilite énormémentcette intégration et a profondément changéle regard des locaux sur les migrants. « C’est

une autre forme de victoire. » Le plus durreste les départs forcés de ceux qui n’ontpas obtenu leurs papiers. n

une banderole hostile au gouvernement et à

sa politique migratoire puis on s’en va ! Non.

Nous voulions agir. »

Le centre Prahda (Programme national d’ac-cueil et d’hébergement des demandeursd’asile) est géré par une société privée àlaquelle l’État délègue la prise en charge desmigrants. Logés par deux dans des chambresde 9 m2, il s’agit majoritairement de jeuneshommes, âgés de 18 à 25 ans (60 %). Depuisson ouverture, il a accueilli 162 personneset trente et une nationalités différentes. Lesplus nombreux sont les Afghans, les Souda-nais et les Guinéens (30 %) mais il y a aussides Russes, Ethiopiens, Irakiens, Nigériens,Tchadiens... En moyenne, les séjours à LaCrèche durent six mois.

Un bout de route avec les migrantsCe centre compte trois salariés à temps com-plet (deux intervenantes sociales et un agentpolyvalent) qui apportent un accompagne-ment pour toutes les formalités administra-tives, pour leurs rendez-vous médicaux, leursactivités et leur insertion pour ceux qui ontobtenu le droit d’asile. Avec seulement troisintervenants pour près d’une centaine dejeunes hébergés, l’accompagnement est deloin insuffisant. L’association prend alors le relais pour unsoutien au quotidien. Distribution alimentaire,fourniture de vêtements, chaussures, vélos,équipement de base en urgence (vaisselle,produits d’hygiène...), accompagnement, sor-ties, temps de discussions en français... lesbénévoles sont sur tous les fronts. « Nous ne

sommes qu’une petite rustine dans un dispositif

pas  très humanitaire... Mais on doit mettre

de côté ce qu’on en pense. On œuvre, pour

se rendre utile », confie le président. « Certains

arrivent en tongues et en tee-shirt, il faut leur

fournir des vêtements chauds. On organise

aussi des soirées et des concerts pour partager

et ainsi faciliter leur intégration. Nous avons

beaucoup à apprendre les uns et des autres.

Cette expérience a changé ma vision des

choses, j’ai fait de belles rencontres. Il n’y a

pas de gloire à en tirer, c’est  juste normal.

Parfois la pelouse n’est pas tondue chez moi

mais il y a des jeunes à aider. » L’association

Rubrique réalisée par Thierry Pétrault

Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - us MAGAZIne - 35

Louis Barda, coordinateur général de Médecins du monde. Louis Barda gère le programme d’accès aux soins des exilés à Paris.Notamment, la veille sanitaire mobile pour les personnes contraintes devivre à la rue, faute de solutions d’accueil dignes.

Trois questions à...

« Une réelle volonté de les rendre invisibles »L’US Mag : Quelles sont vos missions ?

Louis Barda : Je travaille pour le centre d’accueil, d’orientation et d’accompagnement deParis et sur l’action « Aller vers », une mission mobile de veille sanitaire auprès des personnesréfugiées à la rue. Près de 80 migrants arrivent chaque jour à Paris. Ils se regroupent sur descampements informels. Avec notre camion, nous allons à leur rencontre trois fois par semaineavec un médecin, un infirmier, un interprète. Les demandes de consultations sont trèsnombreuses bien que beaucoup fuient, se cachent de peur d’être contrôlés. Nous devons aussinous adapter au contexte extrêmement précaire des installations et des expulsions avec lesdémantèlements successifs. Nous tenons bon pour soigner et témoigner 

L’US Mag : Quelle est actuellement la situation des migrants dans ces campements ?

L. B. : Après les souffrances endurées dans leur pays, puis celles du périple, au bout duparcours, en France, ces personnes se retrouvent à dormir sous le périphérique et sont dansune impasse administrative. Cette vie en France est un peu comme une troisième violence,celle du non-accueil, celle du rejet dans ce qu’ils considéraient comme le pays des Droits del’Homme censé les protéger. Leurs conditions de vie sont particulièrement précaires, scan-daleuses et indignes. Les campements de rue dégradent encore plus leur état physique etmental et la pression qui règne aux abords du centre humanitaire saturé est très forte. Lesrécits que font les gens au sein de notre permanence de la porte de La Chapelle sont glaçants,ils n’ont plus d’espoir. Heureusement, il y a un travail interassociatif important et des comitésde riverains qui s’organisent pour leur venir en aide.

L’US Mag : Vous avez fait une journée de grève pour protester contre la politique

menée par les autorités.

L. B. : Par cette grève nous avions symboliquement voulu dénoncer un cycle infernal dansle Nord-Est de Paris, fait de campements, de démantèlements, de dispersions et de harcèlementspoliciers. Il s’agit ni plus ni moins que d’une consternante stratégie d’invisibilisation desréfugiés. C’était un « coup de gueule ». La sixième puissance économique traite ces réfugiéscomme des criminels. Il n’y a aucune volonté politique d’aider ces gens. Bien au contraire.On leur oppose une présence policière très dure avec des tentes lacérées, leurs affaires per-sonnelles envoyées à la benne pour leur pourrir la vie ! On veut des actes forts de mises àl’abri. Que l’on sécurise au moins les campements. Sur ces lieux, il n y a que les collectifscitoyens qui agissent, en substitution complète des pouvoirs publics. C’est un peu comme sion mettait des pansements là où l’État ne va plus.

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CULTURE L iv res/Revues

À LIRENotre sélection◗ EFFONDREMENT

Lorsque le 5 novembre 2018deux immeubles s’effondrentà Marseille en faisant huitmorts, c’est tout un appareilpolitique qui se trouve misen faillite. L’ouvrage est lachronique de cette décom-position et de ses effets.

Marseille y apparaît comme une villesous tutelle, où les services de l’Étatassument le quotidien d’une gouver-nance à laquelle les acteurs politiqueslocaux semblent avoir renoncé. À cette léthargie s’oppose une révoltepopulaire qui vient de loin, ancrée dansl’humus social d’une jeunesse préca-risée mais créative, portée par le dyna-misme des industries culturelles et lessolidarités populaires, soutenue enfinpar une expérience militante acquisede longue date. La résistance s’organisecomme l’utopie d’une ville où lesmondes populaires n’ont pas encorerenoncé à l’urbanité. Stéphane Rio• Marseille en résistance. Fin de règne et

luttes urbaines, de M. Peraldi et M. Samson,La Découverte, 2020.

◗ UNE BIO AUTO-BIO  ?Que sait-on de l’enfance et lajeunesse d’un génie du XX

e siè-cle, Louis Armstrong en l’oc-currence  ? Peu de choses envérité. Les sources manquentsauf celles de Louis lui-même

qui se raconte souvent sans tenircompte d’un minimum de chronologie.Il fallait donc combler les trous. ClaireJulliard, dans « Little Louis », le faitavec un minimum d’empathie. Le mys-tère reste pourtant entier. La Nou-velle-Orléans est une ville stratifiée,les Blancs, les Créoles et les Noirs nevivent pas dans les mêmes quartiers.La vie est dure. C’est, peut-être, cequi manque  : la réalité de ce temps.L’auteure rend compte des sentimentsde Satchmo, son pseudo, de sa réalité.Que demander de plus ? N. B.• Little Louis, Claire Julliard, Le Mot et le Reste.

◗ LAMBEAUX D’ARCHIVESArlette Farge, historienne, adécidé de dresser un « anec-dotaire » – un mot inventé –,signifiant raconter ce qui n’apas encore été raconté pourun travail de mémoire à tra-

vers des Vies oubliées. Surgissent despersonnages dignes de devenir desfigures d’un roman en train de s’écrirepour la première partie, la secondefait la part belle aux rapports de policequi dévoilent les violences de la sociétédu XVIII

e siècle, notamment celles faitesaux femmes. Une galerie qui se visiteau hasard de ces rencontres qui nelaissent jamais indifférent. N. B.• Vies oubliées. Au cœur du XVIIIe, ArletteFarge, La Découverte/À la source.

36 - US MAGAZINE - Supplément au no 797 du 25 avril 2020

Inspiré de faits réels, le récit à la première per-sonne qu’a imaginé l’auteure irlandaise EdnaO’Brien dans son dernier roman, Girl, évoque

l’effrayant destin de son héroïne Maryam. En 2014,avec d’autres lycéennes nigérianes, elle a été arra-chée à son école par des djihadistes de Boko Haram.Les douze premiers chapitres du livre racontentsur plusieurs mois les événements dans le campdes bourreaux : la terreur permanente, les violscollectifs – en musique et le canon d'une arme dansles narines – le « spectacle » particulièrement éprou-vant d'une lapidation mortelle que subit une époused’émir accusée d'adultère. Sans oublier l’absenced’hygiène, l'épuisement physique et moral, le déses-poir, avec malgré tout la volonté de tenir : « chacune

cherchait un coin pour s’isoler car même si on

n’était que des salopes pour eux et qu’on se trouvait

répugnantes, on s’accrochait aux derniers lam-

beaux de dignité ». Maryam est offerte en mariageà un combattant méritant, Mahmoud, heureusementdifférent de ses congénères puisqu’il s’est enrôlépour que sa mère ne meure pas de faim ; il a reçul’ordre d’égorger son cousin lors d’une attaque deson propre village, de sorte qu’il est lui aussi unevictime. Bientôt, Maryam met au monde – momentterrible que cet accouchement – une petite fillequ’elle prénomme Babby. Quand un jour un raidaérien de l'armée régulière attaque le camp et leplonge dans le chaos, Maryam, Babby sur le dos,parvient à s’enfuir avec son amie Buki, en courantjusqu’à épuisement. Dès lors, une longue marchecommence, avec son lot d’embûches, de malheurs,de brefs moments de répit, jusqu'au retour dans la

famille qui ne sepasse pascomme prévu. Le roman estparfois cru etsouvent d’un réa-lisme glaçant,avant tout parce que la voix que fait entendre l’au-teure est d'une puissance incroyable. Tour à tournaïf, émouvant, étonnamment lucide, le monologuede Maryam permet de comprendre de l’intérieurles états d’âme successifs d’une jeune fille confron-tée, comme tant d’autres, à la cruauté gratuite maisaussi aux préjugés dévastateurs de son entourage.Edna O’Brien, elle-même victime d’intolérance etd’obscurantisme dans sa jeunesse, a su traduire ledésarroi de son héroïne tout en lui donnant uneénergie, une ténacité, une foi en la vie extraordi-naires, de celles qui donnent la force de se battresans lâcher prise et conduisent à la résilience. Eneffet, au milieu des horreurs qu’elle traverse,Maryam sait aussi entendre le gazouillis d’unoiseau, admirer l’écorce d'un arbre ou retrouver lebonheur d’un coucher de soleil. Mise à l’honneur en 2019 par le Prix Femina Spé-cial pour l’ensemble de son œuvre, Edna O’Brien,à bientôt quatre-vingt-dix ans, continue d’être, avecGirl, une romancière profondément attachée àdéfendre les femmes, attentive à leurs émotions etau sort souvent injuste que leur réserve la sociétécontemporaine. n

Brigitte Cacheux & Geneviève Chourreu

• Girl, Edna O’Brien, Sabine Wespieser Éditeur, sept. 2019

L’Amérique de TrumpCurieuse histoire que raconte FrédéricAndrei dans La reine des putes, un

titre qui attire l’attentionmais aussi la détourne.Une histoire de SanFrancisco, de cesanciens hippies quiatteignent la cinquan-taine et ne veulent pas

abandonner les rêves de leur adoles-cence tout en tombant, une foisencore, dans l’amour. Une autre tra-jectoire rencontrera la précédente delaissés pour compte de cette sociétéinégalitaire. La révolte est drainéepar ces sociétés pétrolières qui exploi-tent le gaz de schiste responsables dedégâts durables sur l’environnement.Le prix à payer est énorme, non seu-lement sur les terres arables maisaussi sur la population.

Parme et son commissaireValerio Varesi, on le sait, a créé unpersonnage de commissaire, FrancoSoneri, habité par l’histoire de sa ville,

Parme. Il la voit mêmedans la brume la plusépaisse. Il lui arrivemême de la rêver. Or,encens et poussière tientdans des personnagesqui incarnent des typesd’humanité, une histoire d’assassinatd’une femme-caméléon capable deplaire à n’importe quel homme enrépondant à ses fantasmes. En arrière-fond, la place des Tsiganes dans cettesociété, coupables, forcément coupa-bles de tous les mauvais coups. Quel-quefois réellement ! Et de celle del’Église comme de l’appât du gain.Les pourris des deux côtés se donnentla main. Le commissaire résout l’af-faire... mais une deuxième fin sur-prendra le lecteur. La vie sentimentaledu commissaire sert de fil conducteurà l’enquête. Ironie, humour tiennentleur place et le hasard qui fait bien etmal les choses…

L’Amérique de 1950Thomas Mullen a commencé la sagade la première escouade de 8 policiersNoirs à Atlanta, ville raciste s’il enfut, dans « Darktown », nom du ghetto

noir. Pour Temps noirs, on retrouveles deux protagonistes principaux,Lucius Boggs – fils de pasteur, édu-cation bourgeoise – et Tommy Smith,un nom qui dit son appartenance auxfins de cordée, confrontés au trafic dedrogue et aux flics blancs ripoux.Comment mener l’enquête ? Com-ment éviter les pogroms ? Commentlutter pour la justice ? Les personnagessont vus comme des personnes avecleur spiritualité et leurs tares, ni fon-damentalement bon ou mauvais. À

juste raison, l’auteurrefuse la dichotomie deswesterns pour brosserdes portraits complexesdes courages et lâchetés,attributs des êtreshumains. Celui de Jere-

miah qui tient beaucoup d’un Jésus,est une réussite. On en redemande. n N. B.

• L’histoire de la reine des putes, FrédéricAndrei, Albin Michel ; Or, encens et pous-sière, Valerio Varesi, traduit par FlorenceRigollet, Agullo Noir ; Temps Noirs, Tho-mas Mullen, traduit par Anne-Marie Car-rière, Rivages/Noir.

Le coin du polar

LES FEMMES PREMIÈRES VICTIMES

La barbarie en marche

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◗ UN POLAR POUR DULCIE Chloé Bourgeade, une privéevit avec son copain, sur unepéniche amarrée à l’Arsenal.Un voisin, Joseph W est re-trouvé mort, tué par balle. Lepolicier chargé de l’enquêtese rappelle ses débuts, enmars 1988, au moment de l’assassi-nat de Dulcie September, la repré-sentante de l’ANC. Chloé veut en sa-voir plus. Elle découvre alors JosephWilliamson, marchand d’armes, JeanPaul Guerrier, assassin présumé deDulcie qui travaille maintenant pourSalthé, une compagnie d’armement,comme Samuel Khanyile, alias SollySmith, successeur de Dulcie et agentdouble. Les trois hommes sont tuéspar balles. Par qui  ? On ne sait pas.L’Ange Exterminateur peut-être.Quand il n’y a pas de volonté politiquepour rendre justice, quelqu’un doitle faire. Jacqueline Dérens• September Crime d’États, de Gérard

Streiff, Ed. La déviation.

◗ VOYAGESÀ l’heure de faire votre bagage,êtes-vous plutôt valise à rou-lettes ou sac à dos ? « Maxima-liste » ou « minimaliste » ?Hélène Honnorat, en convoquantde grands noms de la littérature etde la science, nous fait découvrir denombreux compagnons de route —de Claude Lévi-Strauss à Albert Camus— qui surprennent et transportent lelecteur... Stéphane Rio• Sois sage ô mon bagage..., d’Hélène

Honnorat, Ed. Yovana, 2020.

L’enfant qui ne voulaitpas être roi Cet adorable petit livreraconte l’histoire d'unenfant malicieux.Dans son pays, chacunporte un prénom unique.Dans son pays, en devenantmajeur, chacun devient roide ce qu'il veut et se voitadjoindre une charge d’utilitépublique par le Grand Conseil, forméde grognons coriaces.Aujourd’hui, Cornélius devient roimais de quoi ? Que désire-t-il vrai-ment faire ? Et surtout, commentréussira-t-il à convaincre le GrandConseil ?Histoire espiègle, où il est questionde choisir par et pour soi-même. Demagnifiques illustrations noir etblanc, parfois pleine page, apportentpoésie et vivacité à un texte quin’en manque pas.À lire à voix haute !Pour les 8/10 ans

Catie Pillé• Cornélius 1er, D. Perichon, ill. J.Barbanègre,Ed. Rouergue, coll. Dacodac, 2020

FOR THE KIDS

NOS COLLÈGUES PUBLIENT

Comment raconter l’histoiredes langues, ou plutôt le fais-ceau d’histoires des langues,

depuis ses débuts obscurs, situésavant même la naissance del’écriture dans le pays de Sumeret en Égypte, il y a environ 5 000ans, jusqu’à nos jours ? Commentrendre compte de chaque langueen tant que fait social qui concourtà l’histoire générale des peuplesqui la parlent ? Comment saisirles langues alors même que leursfrontières sont si poreuses lesunes aux autres et qu’elles ne ces-sent de se mouvoir, se heurter,s’influencer, s’éteindre et serecréer ? Avec le même espritque celui qui prévalait à sa sériedes Atlas des peuples, Jean Sellierréussit avec son Histoire des

langues et des peuples qui les

parlent un pari ambitieux : opérerun tour du monde des langues àtravers les âges pour restituer lecontexte de leur apparition et deleur évolution. L’ouvrage s’organise selon deuxaxes, l’un historique qui distingue« Avant l’écriture », « Avantl’imprimerie », « Les languesmodernes » et l’autre géogra-

phique avec plus de soixante-dixcartes et de nombreux tableaux.Chaque partie explore les diffé-rents continents. Le tout formeune mine de connaissancessavamment ordonnées, compo-sées de « modules » qui permet-tent au lecteur de suivre des iti-néraires variés selon le principeencyclopédique. Il ou elle pourraà sa guise redécouvrir les clas-siques (l’hébreu, le grec, le latin,le sanskrit, le persan...), explorerle javanais, le breton, le yiddish,le swahili, le quechua, des pidginsmélanésiens ou bien découvrirdes langues peu communes. Ainsile sorabe, une langue slave appa-rentée au polonais et au tchèque,parlée en Lusace, province his-torique à cheval sur les Länderallemands de Saxe et de Brande-bourg par 30 000 locuteurs ainsique par 5 000 autres au sud-ouestde la Pologne. Ou encore legagaouze, du groupe oghouz deslangues turques, encore parlé dansune région autonome du sud dela Moldavie. L’exploration de ces trésors sur-prenants nous permet de mesurerl’extraordinaire variété des

langues parlées dans le monde,et leur richesse. Dans le mêmetemps, elle nous alerte sur lesmenaces qui pèsent sur un grandnombre d’entre elles – vingt-cinqdisparaissent chaque année, selonl’UNESCO –, menaces souventconcomitantes avec la perte debiodiversité, en particulier dansles régions tropicales. Gageons,avec Jean Sellier, que les proces-sus spontanés de création linguis-tique, si féconds dans le passé,continueront d’élever notre tourde Babel. n

Cécile Exbrayat

• Histoire des langues et des peuples

qui les parlent, Jean Sellier, ÉditionsLa Découverte.

André Rouillé, dans La photo-graphie (Folio), l’avait quali-fiée « d’art moyen » pour

signifier ses liens avec la technologieen la situant « entre document et artcontemporain », une situation peuenviable lorsqu’il s’agit de définirune esthétique. Dominique de Font-Réaulx dans ce Beau Livre : Pein-ture et photographie. Les enjeuxd’une rencontre 1839-1914 en retra-çant les prolégomènes de la décou-verte donne une explication onto-logique. Les bouleversementsartistiques du début du xIx

e qui tou-chent toutes les disciplines, etd’abord le théâtre avec la découvertede Shakespeare mais aussi la littérature comme lesrapports étroits entre arts, science et philosophie –Kant en particulier mais aussi Goethe – construisentun contexte favorable à la naissance de nouveauxdomaines artistiques. Contexte révolutionnaire quise heurte de plein fouet à la réaction politique, sociale,artistique via les différentes académies devenues deschantres du passé et de la sécheresse de la monarchiede Juillet. Font-Réaulx voit dans cet antagonisme laraison de l’impossibilité d’un débat ouvert sur l’im-portance artistique de cette découverte.Pourtant l’invention de Daguerre, le daguerréotype,avait encore quelque chose de la peinture : il n’était

possible d’en tirer qu’un seul exem-plaire. Paradoxalement, signe destemps, prévalèrent les discussionssur la machine et non la place de laphoto dans le domaine des arts. Ilfaudra attendre les peintres, Ingresen particulier qui pratiquait, on ledécouvre, la photographie à sesheures, pour faire pénétrer la pho-tographie dans les définitions del’art. Niepce, pour en revenir aux pre-miers temps, allait commencer parreproduire les œuvres des peintres.Une dimension, dit l’auteure, sou-vent oubliée des historiens de laphotographie. C’est dommage car

les peintres, plus tard, lui rendraient la politesse ense servant de la photographie et en étant influencéspar ses images. La nécessité se faisait sentir de trouverde nouvelles formes pour que la peinture puisse conti-nuer à forger des œuvres d’art. Il faudrait citer tous les photographes de ce temps, àcommencer par Nadar, pour apprécier la place de lanouvelle discipline. Ce livre permet de comprendreet d’analyser la force de cette invention. Et, peut-être, de contester la notion d’art moyen. n

N. B.

• Peinture et photographie. Les enjeux d’une rencontre,1839-1914

Le coin de l’image Esthétique de la photographie ?

RICHESSE DES LANGUES

Tour de Babel

Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - US MAGAZINE - 37

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CLASSIQUE

Il ne reste que le NetFestival international d’art lyriqued’Aix-en-Provence En streaming libre accès.Comme souvent, la programmationdu grand festival d’Aix s’annonçaitde haut niveau. Comme tous les grands festivals, iln’aura pas lieu...En guise de consolation, pendant lapériode de confinement, les opérasdu Festival d’Aix-en-Provence sontproposés en streaming et en intégra-lité.Une occasion unique de retrouverles grands succès des années précé-dentes comme le « Tosca » de Puc-cini dans la mise en scène troublantede Christophe Honoré (2019), le« Requiem » de Mozart dans la miseen scène bouleversante de RomeoCastellucci (2019), ou encore le« Songe d’une nuit d’été » de Brittendans la mise en scène magistrale deRobert Carsen (2015).

Stéphane Rio• https://festival-aix.com/fr

SÉRIEHumour et petites robesComédie pétillante qui commenceau moment où Annie, jeune femmeen surpoids, décide de s’accepter etde s’affirmer telle qu’elle est, malgréle jugement que les gens posent surson physique.Elle s’efforce de mener à bien tousses projets tout en éduquant sonpetit ami.L’actrice Aidy Bryant rayonne dansson rôle de fille intelligente et biendans sa peau, arborant des robesbranchées créées spécialement pourelle. Tonique. Catie Pillé• Shrill, USA, div. réalisateurs, Hulu, 2019

MUSIQUES❱ ROCKAu fémininLes trois Lyonnaises de Tôle Froidereviennent avec leur second LPconstruit et articulé sur un trio synthé/basse/batterie sorti en février. Lerecours à la langue française leurpermet une immédiateté, une proxi-mité qui offre à leur musique no

wave/lo fi unécrin tantôtféministe mili-tant, tantôt poli-tique mais sansjamais sedépartir de l’hu-mour. Le superbe artwork de lapochette résume parfaitement ceredoutable album : trois fleurs incan-descentes, une pop music vénéneusequi débarque ce printemps sur nosplatines anglaises, ou pas.

Éric Loizeau• TÔLE FROIDE, La Redoute, Labels : Et Mon Cul C’est du Tofu ? / Kakakidsrecords / Le Turc Mecanique / Abrecords

❱ JAZZConcert chez soiLes festivals de jazz comme tousles autres sont annulés. Survivront,peut-être, les petits. Une nouvelleconfiguration devrait se mettre enplace, comme dans les autresdomaines de la vie collective. L’in-tervention de l’État et des collecti-vités territoriales sera nécessaire,vitale pour que la culture puisseavoir les moyens de rester un ser-

vice public etpermettre lacréation sansréférence aumarché. Pourl’heure entreconfinement et

déconfinement, le concert de RayCharles au Palais des Sports, à Paris,les 21 et 22 octobre 1961 est ungrand moment. Le coffret de troisCD, Ray Charles The Complete1961 Paris Recordings permet dele revivre. Le « genius » est àl’orgue, une rareté dans sa produc-tion qui permet des liens avec legospel et la soul music. À écouterfort avec ses voisins.

N. B.• Ray Charles, The Complete 1961 ParisRecordings, livret de Joël Dufour, Frémeauxet associés

Travail de mémoireAlain Goraguer ? Ce nom ne vousdit peut-être rien mais si vous avezécouté Boris Vian, en cette annéede son centenaire, vous avez entendusoit les compositions soit les arran-gements de cepianis te/chefd’orchestre. Undisque sous sonnom comman-dité par Boris quifera les notes depochette, Go, Go, Goraguer mon-trera l’étendue de son talent. Lemonde instrumental d’Alain Gora-guer, jazz et musique de films 1956-1962 permet de le retrouver. Neratez pas ce rendez-vous. N. B.• Coffret de trois CD, Frémeaux etassociés, livret de Olivier Julien

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Pas plus loin qu’il y a deux mois, la chose était simple. On achetaitun billet, on entrait dans une salle et bien installé dans sonfauteuil, on regardait le film de son choix...

Aujourd’hui, les six mille salles de cinéma en France sont fermées...Mais plus on avance dans le temps et plus on est amené à penserque les dégâts liés au confinement risquent de ne pas se limiter à lafermeture momentanée des salles, aux pertes sèches que connaissentles exploitants et leurs équipes.Ce désagrément qui prive les amateurs de cinéma n’est que la partieémergée de l’iceberg.L’arrêt subit des projections pour un temps indéfini laisse sur leflanc toutes les professions liées à la fabrication et à l’exploitationdes films, très peu protégées.L’arrêt des tournages, dont on ne sait s’ils pourront reprendre unjour tant le montage d’un projet est fragile, touche non seulementun réalisateur, les comédiens engagés mais tous ceux qui participentdans l’ombre à l’entreprise, les techniciens intermittents du spectacledont la situation a toujours été reconnue fragile.

Aujourd’hui l’avenir du cinéma est incertain

Parmi les victimes collatérales, les attachés de presse, une professioninconnue du grand public, relais essentiel entre artistes, journalistes,médias, les metteurs en scène, les salles, les festivals qui se retrouventdu jour au lendemain sans emploi et sans revenus, qui ne ne bénéficientd’aucune protection et qui sont le seul métier non représenté dansles commissions du CNC.

Autres victimes ellesaussi non protégées,les distributeurs éga-lement maillonsd’une chaîne fragile.Or, ces menaces, quipèsent sur le cinémaqui sont bien réelleset qui mettent en danger un art populaire en relative bonne santé, nesont pas prises au sérieux, peut-être parce que le septième art continued’apparaître comme un luxe, le superflu et d’appartenir à un milieuprivilégié.Mais ce qu’on oublie c’est que le septième art qui a quasimentdisparu des discours et des préoccupations actuelles. Il est, derrièreses aspects clinquants et les paillettes dont on le pare, l’affaire d’unmonde ouvrier sans cesse exposé à la précarité.Que sera devenu le cinéma à la fin du confinement ? Si le publiccinéphile se montre impatient de voir les salles rouvrir, le publicplus occasionnel n’aura-t-il pas découvert, pendant ces semaines(ces mois) de privation, que les occasions sont nombreuses devisionner des films depuis le canapé de son salon et pour peu quecelui-ci se découvre peu exigeant sur les conditions de visionnage,il aura peut-être du mal à reprendre le chemin des salles de cinéma.Les complexes auront certes des difficultés à retrouver le bon rythmemais qu’en sera-t-il des salles indépendantes et du cinéma d’auteurqu’elles défendent... n Francis Dubois

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CULTURE Cinéma/Théât re/Spectac le

QUE SERA LE CINÉMA DEMAIN ?

Un virus mortel

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L’US Mag : Comment l’actuelle pandémie a-t-elle affecté le théâtre ?Catherine Guizard et Pascal Zelcer : Le 14 marstous les établissements culturels de France ontbaissé le rideau, éteint les lumières. Les spectaclesont été annulés et les festivals ont suivi. Cet arrêttotal touche toutes les professions artistiques : lesartistes, les techniciens, décorateurs, costumiers,les directeurs de théâtre et tout leur personnel, lesprogrammateurs, graphistes, éditeurs de pro-grammes et d’affiches tout comme nous, les atta-ché.e.s de presse. Tout s’est figé dans un silenceassourdissant nous laissant hébétés. P. Z. : En outrela situation est anxiogène, les déclarations minis-térielles sont floues. Quid des « petits festivals »qui pourraient se tenir, selon une déclaration deFranck Riester il y a quelques jours ? On ne saitpas où on va.

L’US Mag : Quels sont les impacts de cette situa-tion pour vous ?C. G. : Nous n’avons plus de travail, plus de spec-tacles à défendre auprès de journalistes. Tous lescontrats s’annulent au fur et à mesure. À La Stradaet Cies, ils fournissent le volume d’argent nécessaireà l’établissement de deux salaires, celui de monadministratrice et le mien, et le paiement de toutesles charges. Nous avons donc été obligées de faireune demande de chômage partiel  jusqu’à ce quenous puissions faire rentrer des contrats pour noussalarier à nouveau. Jusqu’à quand ? P. Z. : Je n’aiplus aucune rentrée depuis le 1er avril. J’avais quatregros projets, les Molières, le Festival Mise en cap-

sules, Avignon et Grignan. Les trois premiers sontannulés. Pour Grignan, sur lequel je travaille avecCatherine, c’est l’incertitude. Retardé, annulé, auto-risé en petite jauge ? On le saura fin juin. MaisGrignan, c’est 800 places. Jouer pour 100 personnesserait difficile compte tenu des frais.

L’US Mag : Cette épidémie a fait naître desréflexions sur de nombreux sujets de société.Pensez-vous que le théâtre pourrait en sortirchangé ?P. Z. : Le théâtre s’en sortira mais pour moi la ques-tion c’est que va-t-il se passer à la fin du confine-ment ? Les gens auront besoin de s’évader, leurpriorité risque d’être de sortir, d’aller boire un verreen terrasse plutôt que de s’enfermer dans des salles.Il y a un côté obsessionnel et très anxiogène danscette épidémie. C’est comme si elle avait arrêté unemanière de vivre. C. G. : Avec cette épidémie laconscience que notre monde doit changer a progresséet le théâtre et la culture ont un rôle important àjouer. Déjà avant cette situation, je m’engageais surdes projets artistiques en cohérence avec ma conditionde citoyenne. Je pense que les interrogations surnos sociétés feront naître des créations fortes. On asouvent remarqué qu’après des situations drama-tiques, les créateurs explosaient d’idées. J’observecombien, en ces temps où nous vivons inquiets etconfinés, une lettre lue à la radio, un journal duconfinement sur un site ou une pianiste au pied d’unimmeuble nous émeuvent. Je crois en l’énergie descréateurs, des auteurs, des artistes. n

Propos recueillis par Micheline Rousselet

ENTRETIEN. Le spectacle vivant ne peut vivre que grâce à despetites mains comme les attaché.e.s de presse, qui assurentl’information des journalistes et leur lien avec les salles, lescompagnies, les comédiens et les festivals. Deux d’entre eux,Catherine Guizard et Pascal Zelcer ont répondu à nos questions

Le théâtre dans la tourmente 

FAIRE VIVRE LES REVUESUne revue, « Futuribles »Ce numéro (435), daté demars-avril 2020 risque dedisparaître dans la pandémieactuelle. Ce serait dommage.Le défi de la transition éco-logique devrait rester au pre-mier plan de nos préoccupa-tions. La revue propose desdonnées et un sondage surla prise de conscience des mutationsclimatiques. Complété par l’avenir du mécénat unsujet actuel en ces temps de possiblemort des activités culturelles.

N. B.• https://www.futuribles.com/fr/revue/435/

Mouvement ouvrierCréé dans lesannées 50, « LeMaitron » estun ensemble dedictionnairesbiographiques dédiés au mouvementsocial et ouvrier. Encyclopédie de réfé-rence, fondée par Jean Maitron, elleest maintenant consultable en ligne. Plus de 186 000 notices enrichissentcette œuvre collective qui s’étend de1789 à 1968 et compte plus de cinqmille contributeurs depuis la parutiondu premier volume en 1964. Le site internet du « Maitron » estaujourd’hui d’une grande richesse avecses cartes, articles et conférencesd’une qualité unique. Toutes les décou-vertes sont permises avec par exempleun matériau considérable sur le syn-dicalisme enseignant.Un outil très précieux  ! Stéphane Rio• https://maitron.fr/

DANS LA CLASSE

Allez au musée  !

En mars, le Louvre a explosé sesrecords d’affluence, mais... en ligne.Il faut dire que le célèbre musée a

su parfaitement s’adapter en perfection-nant son site extrêmement bien fait,convivial et riche : des œuvres commen-tées, des visites virtuelles, des confé-rences. Il n’a pas été le seul, le CentrePompidou, par exemple, propose la visitecomplète virtuelle de toutes ses exposi-tions programmées ce printemps. D’au-tres institutions culturelles ont fait deschoix divers pour maintenir le lien avecleur public et tenter même de l’élargir.On peut regretter (gageons qu’eux-mêmes le regrettent) que bien des musées et centres d’art ne disposentpas de site indépendant de celui de la collectivité locale de ratta-chement, et donc, qu’ils ont du mal à proposer autre chose que lerappel de leur programmation et l’annonce de leur fermeture... Ilfaudra être particulièrement vigilant pour qu’au moment de leurréouverture, ils ne subissent pas les effets de l’éloignement d’avecleur public. Pour autant, bien des institutions rivalisent d’imagination

pour continuer à vivre. Ainsi, certainesutilisent les réseaux sociaux, comme lesAbattoirs de Toulouse, ou le MacVal deVitry qui propose tous les jours de lasemaine à 13 heures « un rendez-vousd’art contemporain ». Plusieurs muséesprésentent leurs collections en ligne, leMucem de Marseille propose des actionsinteractives autour des « objets du confi-nement ». Le musée Granet d’Aix enProvence vise les enfants avec des ani-mations autour des œuvres « Mon muséeà la maison ». À noter le travail intéres-sant de la Piscine, centre d’art contem-porain de Roubaix et le « Bureau des

confiné.e.s », une œuvre commentée offerte tous les jours par LePlateau, FRAC Île-de-France. Nous ne pourrions citer toutes lesinitiatives. Derrière cet acharnement à rester visible, on sent lacrainte que la culture passe au second plan derrière les préoccupationssanitaires et économiques. Et pourtant, c’est dans ces temps difficilesqu’elle est le plus indispensable. Alors allez au musée, même sic’est derrière votre écran ! n Sylvie Chardon

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ENTRETIEN

déterminée par un marché ou des contraintesfinancières fictives.

L’US Mag : Que nous dit-elle également surl’État néolibéral que vous décrivez dans « Laguerre sociale en France » ?R. G. : Dans mon livre, je me suis efforcéde préciser ce qu’est le néolibéralisme quiest souvent considéré comme un simplelibéralisme extrême ou une domination dumarché. En réalité, le néolibéralismes’appuie profondément sur l’État qu’ilinstrumentalise en faveur de lamarchandisation de toute la sphère sociale.Le néolibéralisme n’est donc pas le retraitde l’État stricto sensu, c’estl’instrumentalisation de l’État pour lesintérêts du capital. Dès lors, il ne faut pas

RomaRic Godin

L’US Mag : Quelles sont les premièresleçons de cette crise ?Romaric Godin : Il est difficile detirer des leçons solides d’unesituation qui évolue beaucoup.Mais on peut d’ores et déjà en tirerune première leçon. Il est possiblede stopper brutalement et surdécision politique l’économiemarchande et de se donner lesmoyens, néanmoins, de pouvoirsatisfaire un certain nombre debesoins. Ceci ne signifie pas que lasituation de confinement doit êtreune sorte de référence, parcequ’elle répond à une urgencesanitaire précise. Cela ne signifiepas non plus qu’il n’existe pas dela détresse sociale dans cette crise,bien au contraire. Mais iln’empêche : on remarque que lesautorités ont les moyens d’assurerle bien-être de la population sansque la course folle àl’accumulation du capital n’en soitune condition. Tous les revenusont été assurés directement ouindirectement par l’État et par labanque centrale qui soutient lemarché de sa dette. Dès lors, ce momentouvre des perspectives intéressantes dans lamesure où une société basée sur uneredéfinition complète des besoins nepasserait pas nécessairement par une mise àl’arrêt d’une telle ampleur. Le manque demoyens pour les services publics et lesactivités essentielles se révèle donc pour cequ’il est vraiment : un choix politique. L’autre grande leçon est celle de la valeurdu travail. L’arrêt de l’économie marchandea dévoilé l’imposture du fonctionnement dumarché du travail. Les métiers qui se sontrévélés indispensable au maintien du bien-être de la population sont aussi ceux qui,traditionnellement, sont les plus malvalorisés par ce marché. Immanquablement,la situation nous amène à nous interroger surla pertinence d’une valeur salariale

être surpris de voir l’État venir à larescousse de la sphère privée. Pourle coup, on a pu même constaterque l’État s’était intégralementsubstitué à l’économie marchande,prenant en charge une grandepartie du chiffre d’affaires et dessalaires. Le tout, sans contrepartie.En France, plus qu’ailleurs, cetteabsence de contrepartie estflagrante : le gouvernement amême renoncé en une journée à unengagement pourtant faible de nepas aider des entreprises ayant desfiliales dans les paradis fiscaux.Pour moi, il ne s’agit nullementd’une rupture mais bien del’action typique d’un Étatnéolibéral.

L’US Mag : Le président de laRépublique a évoqué « les joursheureux », référence au programmedu CNR, s’agit-il d'une simple posture,d'un appel à l’Union nationale, oud'une prise de conscience réelle dupouvoir de l’impossibilité d’un retourau mode de développement des 30 ou40 dernières années ?

R. G. : Face à l’urgence et à l’évidence desconséquences de l’austérité sanitaire de cesdernières années, Emmanuel Macron nepouvait pas agir autrement qu’en faisant desconcessions à l’opinion publique. Commesouvent avec lui, de la réforme des retraitesaux Gilets jaunes, les mots n’ont souventpas la même saveur que les actes. Et lesactes, eux, comme je l’ai signalé, ne disentrien d’autre qu’une volonté de poursuivre lemême schéma idéologique néolibéral. Sans doute devra-t-il faire des concessionsde court terme, mais il faut toujoursdistinguer les paroles au cœur de la crisedes intentions réelles sur le long terme. Orde ce point de vue, les intentions présentéessupposent un tel changement de cap qu’on adû mal à imaginer le président de laRépublique aller dans cette voie. Et dans ce

« L’État est mis au service d’une classe  : tout ce qui résiste, d’une manière ou d’une

autre, à la liberté du commerce et del’industrie nie la réalité, relève de l’illusion et

doit être combattu de manière radicale. »

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« Le néolibéralisme, c’est l’instrumentalisation de l’État pour

les intérêts du capital » Après avoir été brièvement enseignant, Romaric Godin est devenu journaliste économique

à La Tribune en 2002, où il a été correspondant en Allemagne de 2008 à 2011, puis à Mediapart depuis 2017.

Il est l’auteur de La Guerre Sociale en France aux éditions La Découverte (2019).

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Page 41: COUV 797 797 19/05/20 11:44 Pa1 - SNES...Le lundi 23 mars, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dite aussi loi d’urgence sanitaire a été publiée au

cas, immanquablement, la question de salégitimité se posera alors : sera-t-il le mieuxplacé pour faire ce qu’il a toujours combattudepuis son arrivée en politique en 2012 ?En réalité, il a bien confirmé que sapolitique restera sur les mêmes basesqu’auparavant. Et il n’est pas question dechanger, par exemple, de politique fiscale.L’attachement à l’impôt de solidarité sur lafortune et à la flat tax sur les revenus ducapital n’est pas qu’anecdotique, il révèleque le président de la République entend nepas changer de logique : il s’agit defavoriser absolument le capital et lesinvestisseurs sur le travail pour les attirer àl’avenir. Il s’agit donc de faire payer la notede la crise à d’autres et de conserver lamême priorité pour l’avenir. Or, cettepriorité donnée au capital n’est pascompatible avec la construction d’unealternative libérée de la croissance infinie etde l’accumulation du capital.

L’US Mag : Que doit-on attendre de l’après-Covid-19 ?R. G. : Il est d’autant plus difficile derépondre à cette question que la crise n’estpas terminée. Mais je pense qu’il faut segarder de tout optimisme. Le fait que la crisesanitaire ait pu valider les discours contrel’austérité et le désengagement des servicespublics ne conduira pas à une correction despolitiques économiques. Bien au contraire,la nécessité de la « reconstruction » et lapression du camp du capital pour restaurerses marges et l’accumulation vont conduireà une nouvelle phase de remise en cause dela protection du monde du travail. Même siprésenter une facture n’est pas nécessaire,elle sera néanmoins présentée pour pouvoirsauvegarder l’ordre social. Je pense quecette « Restauration du capital » quis’annonce sera d’autant plus violente qu’ilfaudra faire oublier les leçons de ce momentde suspension de l’économie marchande. Ilfaudra que ce moment apparaisse commeprofondément négatif pour passer l’envie derecommencer, en dehors de l’urgence. Lafacture devra donc être salée. Dès lors, si cette crise donne des moyens deréfléchir et de réaliser une alternative, rienne sera possible sans une résistance socialedéterminée. La guerre sociale n’a jamaisautant été d’actualité. n

Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - US MAGAZINE - 41

L’État néolibéral, accompagnant et soutenant le secteur privé,ressemble à s’y méprendre à l’État français du XIX

e siècle. L’exi-gence d’oublier la lutte des classes pour se soumettre auximpératifs de la concurrence fait écho à cette phrase d’AdolpheThiers  : «  La concurrence est la source de toute améliorationdans le sort des classes pauvres  », qui elle-même préfigure laproposition d’Edouard Philippe, en mars 2019, de favoriser la

concurrence, pour améliorer le sort des Français les plus vul-nérables .

Tout ceci ressemble à une fuite en avant. Car ni les grandesphrases alambiquées sur «  l’art d’être français » ni la répressiondes oppositions ne seront suffisantes pour faire accepter aupays un néolibéralisme qui le ramène dans un enfer qu’il avoulu oublier, celui de l’État au service du capital.

VERS LA DÉMOCRATIE AUTORITAIRE« Tout ceci ressemble à une fuite en avant. » L’expres-sion tirée de la conclusion de « La guerre sociale enFrance » sur la crise du néolibéralisme en France ditl’essentiel. Romaric Godin est un journaliste économique mais sonlivre est d’abord politique. Il est certes sous-titré « Auxsources économiques de la démocratie autoritaire »et l’auteur remonte aux origines du libéralisme macro-nien. Il décrit comment le modèle social français, néessentiellement dans l’entre-deux guerres et la Libé-ration, n’a cessé d’être attaqué. Le Gaullisme comportaitune forte composante libérale, que l’on se rappelle parexemple du plan de stabilisation de 1963 élaboré parun jeune ministre des Finances qui s’appelait ValéryGiscard d’Estaing... La vague libérale qui s’abat dansles années 70, avec Giscard maintenant président dela République et au début des années 80 trouvera, enFrance, des partisans engagés à gauche comme à droite,même si les positions ne se recouvrent pas, mais aussiune forte résistance qui aboutit entre 88 et 2008 à un compromis entre des élites gagnées au néolibéralismeet une population qui reste attachée au modèle social.R. Godin s’attache à décrire ce néolibéralisme. Ni l’ultralibéralisme qui limite l’intervention de l’État à la sur-veillance des conditions de la concurrence, ni un libéralisme anglo-saxon qui admet cette intervention quandle marché est défaillant mais un libéralisme « de combat » qui met l’État au service du capital, d’où une« guerre sociale » contre tous ceux qui voudraient protéger le travail du libre exercice de la concurrence.Le macronisme en est la pure expression. Il s’apparente au Directoire et au libéralisme français du XIXe siècle,jusqu’à la Troisième République. Le macronisme renoue avec le libéralisme forcené des élites françaises decette époque qui a conduit à une lutte des classes ultra violente, plus en France que partout ailleurs. Laconstruction de l’État social y est tardive. Il permettra, après la Première Guerre mondiale, de clore unepériode où l’État, « bras armé de la bourgeoisie », n’intervient plus directement dans les conflits par laforce armée pour briser les grèves comme en 1906.L’État, au moins jusqu’en 2008 se réclame, plus ou moins, du gaullisme, donc d’un État fort d’un point devue politique mais cherchant le compromis social et économique, un État, selon l’auteur, en relatif surplombdes luttes sociales. Le néolibéralisme que le macronisme va imposer après les tentatives précédentes se situe en rupture avecce positionnement. L’épisode des gilets jaunes est significatif et l’auteur aurait pu rappeler ce mot du préfetde police de Paris à un gilet jaune : « nous ne sommes pas dans le même camp ». On ne pouvait mieux dire laconception que ce haut fonctionnaire, et avec lui certainement une partie de la haute fonction publiquemacroniste, a de la neutralité de l’État…La macronisme se réclame de la vérité et n’admet comme contre-pouvoir que le monde des experts. Toutcorps intermédiaire mène le pays à la ruine et devient un ennemi. Toute forme de neutralité sociale et decompromis entre le capital et le travail est exclue. La crise que subit le néolibéralisme depuis la crise de 2008 radicalise les régimes qui s’en réclament,provoque une fuite en avant dans l’autoritarisme dont les débouchés sont évoqués dans la conclusion. À lire.

La guerre sociale en France. Romaric Godin. Édition de la Découverte. 2019. 18 €

EXTRAITS 

Entretien réalisé par Thierry Ananou

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Page 42: COUV 797 797 19/05/20 11:44 Pa1 - SNES...Le lundi 23 mars, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dite aussi loi d’urgence sanitaire a été publiée au

Depuis mai 2018, le Règlement général deprotection des données dans l’Union Euro-péenne (RGPD) est le texte qui régit les

droits des usagers et les responsabilités desentités qui pratiquent un traitement de ces don-nées à caractère personnel.

Le RGPD  concerne tout le mondeLe RGPD s’inscrit en France dans la continuitéde la loi française Informatique et Libertés de1978 et renforce le contrôle par les citoyensde l’utilisation qui peut être faite des donnéesles concernant. Elle assure des garanties auxpersonnes dont les données sont recueillies envue d’un traitement (voir ci-dessous). Cesgaranties créent de facto des responsabilitéspour les différents acteurs intervenant tout aulong de la vie des données : collecte, stockage,traitement et suppression. Si c’est l’employeur qui est, in fine, le respon-sable devant la loi des différents maillons decette chaîne (chef d’établissement pour lesEPLE, recteur/DASEN pour les écoles), lesautres personnels sont aussi concernés. En effet,les personnels sont usagers des services ouapplications nécessitant des traitements de don-nées à caractère personnel et doivent donc veil-ler à leur conformité, mais ils peuvent aussiêtre prescripteurs de services ou d’applicationauprès des élèves ou des autres personnels del’établissement.

Quelques cas concrets❱ Ouvrir un compte sur un réseau social

pour une classeSi un professeur ouvre un compte pour uneclasse sur un réseau social où sont diffusés lesprénoms ou des travaux d’élèves, le RGPDs’applique. Ce traitement doit être déclaré dansun registre tenu par l’EPLE ou l’académie etles représentants légaux des élèves doivent êtrementionnés.

Données personnelles i

Sont considérées comme des donnéespersonnelles, au sens du RGPD  : le nom, leprénom, la photographie du visage, ladate et le lieu de naissance, l'adresse dudomicile, l'adresse électronique, lepseudonyme ou le numéro de téléphoneet même l’adresse IP, qu'elle soit fixe oudynamique.

Bibliographiei

❱ Antonio A. Casilli (2019), En attendantles robots, Seuil, 400 p.❱ Marie David, Cédric Sauviat (2019),Intelligence artificielle, la nouvellebarbarie, Éditions du Rocher, 320 p.

Liens utilesi

❱ Le RGPD  :https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees

❱ 10 principes clés pour protéger lesdonnées de vos élèves  :https://www.education.gouv.fr/les-enjeux-de-la-protection-des-donnees-au-sein-de-l-education-7451

❱ Outils numériques et problématiquesjuridiques  : https://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p2_1657267/focus-outils-numeriques-et-problematiques-juridiques

❱ Faut-il suivre ses cours via Discord  ?https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-faut-il-suivre-ses-cours-discord-6788715

❱ Focus sur Discord  : https://ent2d.ac-bordeaux.fr/disciplines/systemesnumeriquesenlp/wp-content/uploads/sites/22/2020/04/RGPD_DISCORD.pdf

Garantiesi

Le RGPD garantit  :❱ un droit à l’oubli : données

personnelles totalement effacéessur simple demande ;

❱ un droit d'opposition au profilage :profilage autorisé mais très encadré(information sur le système detraitement utilisé et sa finalité).Explication obtenue sur demande etcontestation possible ;

❱ un droit à la limitation dutraitement : on peut demander que sesdonnées ne soient plus traitées, maisuniquement stockées. Transfert dedonnées d’une personne par uneentreprise sur autorisation ou, du moins,anonymisation ou pseudonymisation ;

❱ un droit à la portabilité des données :demande de transfert de nos donnéspersonnelles vers un autre opérateur.

chANGEr d’èrE

42 - US MAGAZINE - Supplément au no 797 du 25 avril 2020

ÉDUCATION ET RGPD

Protéger les données : une nécessitéLa démultiplication des usages numériques, et encore plus durant le confinement, a renducruciale la question de la protection des données personnelles, que ce soient celles desélèves ou celles des personnels.

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❱ Utiliser un outil de communication en« temps réel » avec des élèves

Un personnel qui utiliserait ce type d’outilde communication avec des élèves doit s’as-surer qu’il est conforme au RGPD mais passeulement  ! La mention de conformité nedédouane pas le personnel de sa responsabi-lité personnelle qui peut être engagée. Il fautdonc veiller à : la collecte des données per-sonnelles (identification par adresse de cour-riel sur les services des GAFAM – Facebook,Google, Office 365 –, Discord [voir ci-contre]..., la nature des traitements mis enœuvre (attention aux outils présentant deslogiciels espions « spywares » récoltant desdonnées à l’insu de l’utilisateur), et au devenirdes données collectées. Il est à noter que cestraitements doivent aussi être inscrits au regis-tre de l’EPLE/académie. Bref ... il vaut bienmieux utiliser les outils fournis par l’em-ployeur.❱ Copies et notes, données de vie scolaireLes notes d’examens, y compris des annota-tions portées sur les travaux des élèves (exa-men final), entrent dans le champ du RGPD.Elles ne doivent donc être collectées etstockées que par le biais des outils mis à dis-position par l’employeur (adresse de courrielprofessionnel, ENT...). Il en est de même pourles données liées à la vie scolaire.

Se faire aiderUn délégué à la protection des données (DPD)veille, dans chaque académie, au respect duRGPD pour les traitements mis en œuvre dansl'académie, les écoles ou les établissements.On peut donc l’interroger sur les bonnes pra-tiques à avoir dans son cadre professionnel.Mais s’il y a deux mots à retenir pour garantirla protection des données personnelles dansl’éducation : prudence et vigilance. n

Thomas Brissaire

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Page 43: COUV 797 797 19/05/20 11:44 Pa1 - SNES...Le lundi 23 mars, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dite aussi loi d’urgence sanitaire a été publiée au

dANS HORS lA clASSELecturei

EnquêteSous la directionde Bernard Lahire,une équipe de17 chercheurs ensociologie ontmené une enquêteauprès de 35enfants de grandesection de maternelle. Il montrel’ampleur des inégalités dans leursconditions concrètes d’existence,dans des domaines aussi différentsque le logement, les loisirs,l’alimentation, la santé, etc. pourconclure que « les enfants vivent aumême moment dans la mêmesociété mais ils ne vivent pas dans lemême monde ».

Enfances de classe, de l’inégalitéparmi les enfants, sous la directionde B. Lahire, le Seuil, 2019

Equipement numériquei

◗ Connexion à internet  :51 % des français privilégient lesmartphone en 2019 (+9 pointspar rapport à 2017) contre 31 %pour l’ordinateur (—7 points).

◗ Taux d'équipement  et niveaude revenus  :51 % des foyers les plus pauvresseulement sont multi-équipés(ordinateur et smartphone)contre 79 % chez les hautsrevenus.

Pour la moitié des familles les pluspauvres, seul le smartphone permetde se connecter : difficile dans cesconditions de faire la classe à lamaison...

Chiffres en Seine-St-Denisi

42�%des moins de 18 ans vivent dansun logement surpeuplé.

39 %vivent dans un ménage pauvre.

23 %vivent dans une famillemonoparentale.

37 %des enfants âgés de 6 à 17 ansvivent dans une famillemonoparentale dans laquelle leparent n’a aucun diplôme.

Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - US MAGAZINE - 43

«

La situation sociale en Seine-Saint-Denis estparticulièrement difficile et le confinementaggrave encore les choses. Certaines familles

sont actuellement dans une situation d’extrêmeprécarité, à tel point que le préfet a déclaré craindredes émeutes de la faim. Face aux défaillances del’État, des réseaux locaux de solidarité se consti-tuent. Dans plusieurs collèges du département, lesenseignants ont organisé des collectes et participéà des distributions alimentaires pour aider lesfamilles en grande difficulté.Dans ce contexte, la continuité pédagogique relèveseulement de la propagande du ministère. Le chiffreavancé de 5 à 8 % de décrocheurs est clairementfantaisiste. Dans mon collège, près d’un tiers desélèves ne donnent pas du tout de nouvelles. Lafracture numérique est énorme et certains élèvespassent de foyer en foyer ou sont logés à l’hôtel,et ne parviennent pas à suivre. Les élèves et leursfamilles sont souvent désemparés face aux outilsnumériques. En Seine-Saint-Denis, beaucoup de

parents sont absents la journée parce que contraintsd’aller travailler. Les enfants sont seuls face à leurécran, angoissent de ne pas réussir à suivre etdécrochent. Il y aussi les deuils suite aux décès deproches...Le plus important aujourd’hui pour les enseignants,c’est de maintenir le lien avec les élèves et leursfamilles pour assurer un soutien social. En nousfaisant reprendre en mai, le gouvernement veutnous faire jouer le rôle de garderie pour que lesparents aillent travailler, mais on voit mal commentnous pourrions avoir les garanties sanitaires néces-saires pour accueillir sereinement les élèves. Per-sonne n’est dupe : le gouvernement nous dit qu’ils’agit de lutter contre les inégalités alors qu’ils’est acharné à détruire ce qui restait du servicepublic. Ce qu’il faudrait, c’est surtout nous donnerles moyens suffisants pour rattraper le retard etpréparer la rentrée de septembre. » n

CONFINEMENT

Enfances inégalesQuand on doit rester à la maison, les conditions matériellesd’existence pèsent plus que jamais. Et les inégalités sont criantes…

Rubrique réalisée par Clarisse Guiraud

Les inégalités entre les enfants

pèsent plus que jamais quand

ils sont contraints de rester à

la maison. Pour beaucoup d’entre

eux, ces conditions sont difficiles.

Selon une récente publication de

l’INSEE, plus de 5 millions de

personnes vivent dans un loge-

ment suroccupé, c’est-à-dire dans

lequel où il n’y a pas au moins

une pièce de séjour partagée par

tous, une chambre pour le ou les

parents et une chambre pour cha-

cun des enfants de plus de 7 ans.

Mal-logementLes familles monoparentales

sont particulièrement touchées

par le mal-logement puisque près

d’un cinquième d’entre elles

vivent dans un logement trop

petit. C’est aussi le cas de 26 %

des ménages immigrés, de 17 %

des ouvriers et de 15 % des

employés. Pour les familles

concernées, cela signifie de

fortes contraintes pour organiser

le partage de l’espace, pour pré-

parer et partager les repas, pour

se reposer et dormir... et pour

les enfants, l’impossibilité d’ef-

fectuer leur travail scolaire dans

de bonnes conditions.

Par ailleurs, pour certains, ce

n’est pas seulement l’espace qui

manque mais aussi les équipe-

ments nécessaires pour assurer

un confort élémentaire. Il existe

encore des logements qui ne dis-

posent pas de l’eau courante ou

de WC à l’intérieur, où il n’y a

pas de machine à laver ou de

matériel pour cuisiner, ce qui

complique encore la vie quoti-

dienne, et cela encore plus quand

il n’est pas recommandé de sortir

de chez soi.

L’équipement informatique et

l’accès à Internet se sont large-

ment démocratisés, mais, selon

l’INSEE, 2 % des enfants de

moins de 17 ans ne disposent pas,

à leur domicile habituel, de

l’abonnement ou du matériel pour

se connecter à Internet. Cette part

s’élève à 3,5 % pour les enfants

des familles monoparentales.

Pour accompagner les devoirs,

tous les parents n’ont pas les

mêmes compétences et la même

disponibilité. Certains doivent

travailler à l’extérieur et c’est

beaucoup plus difficile de s’oc-

cuper de tous les enfants dans

une famille nombreuse ou encore

quand les parents n’ont eux-

mêmes aucun diplôme, voire ne

savent pas lire correctement le

français...

Enfances de classesPour saisir à quel point les condi-

tions d’existence pèsent sur les

enfants et leur scolarité, il faut

lire l’ouvrage dirigé par Bernard

Lahire, Enfances de classe, résul-

tat d’une enquête menée par une

équipe de sociologues auprès

d’enfants de grande section de

maternelle. Alors que certains

disposent de tous les atouts, des

livres à la maison, des parents

qui sont disponibles à la maison

pour des activités qui seront réin-

vesties à l’école, d’autres sont

démunis de tout, vivant dans une

grande précarité et des difficultés

matérielles permanentes. Hors

de l’école, les enfants  vivent

dans la même société au même

moment, mais ils ne vivent pas

dans le même monde. n

TÉMOIGNAGE

« Près d’un tiers des élèves ne donnent pas de nouvelles »Grégory Thuizat, cosecrétaire départemental du SNES-FSU en Seine-Saint-Denis, enseignele français au collège Henri Barbusse de Saint-Denis.©

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Page 44: COUV 797 797 19/05/20 11:44 Pa1 - SNES...Le lundi 23 mars, la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dite aussi loi d’urgence sanitaire a été publiée au

44 - US MAGAZINE - Supplément au no 797 du 25 avril 2020

INTERNATIONAL

Le SNES-FSU a publié sur son site unephotographie au 20 avril du confinementpour huit pays d’Europe, dont la Suède

qui fait figure d’exception.Le 15 avril, le Danemark (6 millions d’ha-bitants, confinés depuis le 13 mars) a été undes premiers pays à mettre en œuvre la réou-verture progressive des crèches et d’une par-tie des maternelles, même s’il était fortementconseillé aux parents de continuer à garderleurs enfants. Le 20  avril a commencé leretour partiel des élèves du primaire : deuxmètres entre chaque élève, activités en petitsgroupes et limite du nombre d’élèves parclasse déterminé par la superficie de la salle.Sauf dans les crèches, le port du masquen’était obligatoire ni pour les élèves, ni pourles personnels. D’après Dorte Lange, vice-présidente du syndicat DLF, les partenairessociaux ont été associés dans le cadre d’unevéritable concertation.

Le bon élève allemand ?L’éducation étant une prérogative des Län-der, chacun d’entre eux a défini ses modalitéspropres de déconfinement. Ils ont fait pres-

sion sur la chancelière, le 6 mai, pour accé-lérer les procédures, contre l’avis émis parl’Institut Robert Kock. Ces derniers jours,la crainte d’un rebond de l’épidémie gagnedu terrain.Marlis Tepe, la présidente de la GEW-DGB,que nous avons sollicitée le 23 avril, a pointécertains problèmes dont celui posé par laréouverture des lycées pour les classes àexamen. En effet, les épreuves écrites de

EUROPE. Depuis fin avril, plusieurs pays européens se sont engagés dans un déconfinement progressif. Quelqueséclairages sur le Danemark et l’Allemagne.

Déconfinement à géométrie variable

l’Abitur (l’équivalent du baccalauréat) ontcommencé dès la fin avril à Berlin et danssa région, puis la semaine du 4 mai pourd’autres Länder. Contrairement à ce que l’onaurait pu penser, aucune politique systéma-tique de dépistage des personnels n’a parailleurs été retenue. La région de Saxe s’yengagerait pour les enseignants volontaires,mais cela reste à confirmer. n

Odile Cordelier

BRÉSIL. La population doit faire face, non seulement au virus, mais aussi à un pouvoir en plein déni qui maintientle cap d’une orthodoxie libérale chaque jour plus criminelle.

Indécence et désespoirE dai? » (« et alors ? ») : c’est par ces

mots que Jair Bolsonaro a répondu le28 avril à un journaliste qui l’interro-

geait sur le nombre croissant de morts duCovid-19 au Brésil. Il a même osé plaisantersur son deuxième prénom, Messias, en lan-çant : « Je me nomme Messie mais je ne faispas de miracles ». Avec 210 millions d’habitants dont certainsdans une grande pauvreté, un système desanté publique affaibli et des mesures deconfinement prises par les gouverneurs deprovince et les maires contre l’avis mêmedu Président, le Brésil est en passe de devenirle pays du monde où l’épidémie progressele plus vite. Les quelques 12 000 morts et170 000 cas de contamination recensés au13 mai seraient, de l’avis des scientifiques,tout à fait sous-estimés. Ce serait rien demoins que 1,3 million de Brésiliens quiseraient contaminés, plus donc que de res-sortissants des États-Unis. Déjà, en Amazonie, et particulièrement danssa capitale, Manaus, le système de santé estcomplètement dépassé et les communautésindigènes sont tout particulièrement mena-

cées. Les tractopelles creusent des fossescommunes pour faire face au nombre demorts. Les hôpitaux manquent de masques,de respirateurs, de médecins.

Illussoire continuité pédagogiqueLa CNTE, principale confédération des syn-dicats de l’éducation au Brésil, dénonce « lenégationnisme de Bolsonaro face à la pan-démie » et « une politique calquée sur cellede Trump ». La plupart des écoles ont ferméà la mi-mars, sur décision locale. Mais leBrésil étant un État fédéral, des différencesexistent : parfois les enseignants ont étémaintenus sur place pour effectuer des tâchesadministratives ; par endroit, la fermeturedes écoles a servi de prétexte pour licencierdes personnels précaires des cantines, dunettoyage, ou encore des auxiliaires d’en-seignement.En ce qui concerne la « continuité pédago-gique » par voie numérique, elle est illusoire,selon nos camarades de la CNTE : « Nousavons encore beaucoup de localités etd’écoles qui ne peuvent pas accéder à inter-net, et beaucoup de nos élèves n’ont à leur

disposition ni ordinateur, ni tablette, ni aucunéquipement adéquat pour suivre des classesà distance ». Le syndicat brésilien dénonceaussi le désarroi, voire le désespoir des ensei-gnants qui ne peuvent suivre leurs élèves.Mais l’épidémie est telle que « le retour àl’école devra survenir au moment où nousserons assurés de la plus absolue sécuritépour les professionnels de l’éducation, lesélèves et les parents ». n

Elisabeth Jacquet

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Supplément au no 797 du 25 avril 2020 - US MAGAZINE - 45

Le Super Tuesday démocrate, lors duquel14 États tenaient des primaires, a eu lieule 3 mars, quelques jours avant l’irruption

de la pandémie. Joe Biden, sénateur du Dela-ware et vice-président de Barack Obama,l’a emporté dans dix d’entre eux et a dumême coup retrouvé le statut de favori qu’ilavait perdu après une série de défaites lorsdes premiers scrutins. La violence inouïe dela crise suscitée, outre-Atlantique, par leCovid-19 a finalement contraint Bernie San-ders, l’apôtre de la « Révolution politique »,– largement distancé par son adversaire cen-triste après cette date – à suspendre d’abordsa campagne puis à définitivement jeterl’éponge, le 8 avril.

Tout sauf Sanders  !Fin février, suite aux premiers succès dusénateur « radical » du Vermont, les cerclesdirigeants du Parti démocrate et les électeursmodérés se sont finalement rassemblésautour d’un candidat anti-Sanders unique.Les primaires de la Caroline du Sud, tenuestrois jours avant le Super Tuesday, ont pré-cipité cette recomposition d’ampleur dansle camp démocrate, puisque Biden y aobtenu presque 50 % des voix, largementdevant Sanders, en seconde position, qui ena recueilli à peine 20 %.Dans les trois jours qui suivirent, les candi-dats modérés Pete Buttigieg et Amy Klobu-char – qui avaient pourtant réalisé de bonsscores jusque-là –, ainsi que le milliardaireet ex-maire de New York Michael Bloom-berg, se sont en effet retirés de la course etont annoncé leur soutien à Biden. ElizabethWarren a elle aussi jeté l’éponge, sans expri-mer de préférence pour Sanders, alors qu’elleétait réputée proche de ses positions.

De Tuesday en TuesdayLes médias dominants, ouvertement hostilesà Bernie Sanders et effrayés par ses succèsinitiaux, se sont emparés des résultats de laCaroline du Sud pour construire un nouveaurécit centré sur la crédibilité de Biden. Lesélecteurs démocrates voulant à tout prix bat-tre Trump en novembre, ils se sont dès lorsmassivement ralliés à celui que l’on présen-tait à cor et à cri – et malgré les sondages –comme le seul « vote utile » possible.Les résultats furent sans appel dans nombred’États en jeu le  3 mars dernier. Bidenemporta par exemple l’Alabama avec plusde 63 % des voix (contre seulement 16,6 àSanders). Il franchit également la barre des50 % en Virginie et dépasse celle des 40 enCaroline du Nord, dans le Tennessee et enArkansas (contre 20 à 25 % pour Sanders).Ce dernier ne l’emporta que dans son fiefdu Vermont, ainsi que dans l’Utah, le Colo-

rado et, surtout, en Californie.Le mini-Super Tuesday du 10 mars aconfirmé la déferlante pro-Biden, puisquele candidat centriste a empoché l’Idaho, leMichigan, le Missouri, le Mississippi etmême l’État de Washington in extremis, tan-dis que Sanders devait se contenter duDakota du Nord.

Le coup de grâceBiden l’a emporté dans tous les scrutins ulté-rieurs. Il faut dire qu’à partir de là, le dueldémocrate – dont l’issue ne faisait de toutefaçon guère de doute  – n’intéressait plusgrande monde. L’arrêt de la production induit–  ici comme ailleurs – par le confinements’est conjugué aux États-Unis avec l’inexis-tence des dispositifs de chômage partiel etavec l’effondrement des industries extractivescausé par la baisse vertigineuse du prix deshydrocarbures pour mettre au chômage riende moins que 22 millions de personnes !C’est l’équivalent des emplois créés par dixans de croissance économique qui a été réduiten fumée en quelques semaines...Les ravages suscités par le coronavirus, maisaussi le besoin d’unité qui s’est propagéaussi sûrement que le virus dans le campprogressiste, ont donc eu raison d’un BernieSanders désabusé qui, depuis fin mars, restaiten lice avant tout pour ne pas décevoir sessupporters les plus fervents. Lucidement, letribun a affirmé, le 8 avril, à l’annonce deson retrait, qu’il n’existait « virtuellementpas de chemin vers la victoire ».

Les paradoxes d’un échecLa défaite électorale de Sanders s’accom-pagne paradoxalement d’une forme de vic-toire idéologique. Le 10 avril, soit trois jours

ÉTATS-UNIS. En février, Sanders semblait à même d’emporter haut la main les primaires démocrates. Début mars,le Super Tuesday avait largement rebattu les cartes. C’est finalement le Covid-19 qui a eu raison de « Bernie ».

L’étrange défaite de Bernie Sanders

avant le ralliement officiel du sénateur duVermont à sa candidature, Biden a en effetproposé de réduire à 60 ans l’âge d’éligibilitéau Medicare, ainsi que d’effacer la dette desétudiants pauvres et modestes lors de leurpremier cycle universitaire. À ces avancées programmatiques et à la vic-toire dans les États les plus dynamiques telsque la Californie, il faut également adjoindre« la bataille des générations » qui aurait étégagnée selon les mots du candidat malheu-reux à l’annonce de son retrait. Il est vraique sa popularité est extrêmement forte chezles jeunes qui lui ont massivement apportéleur soutien. C’est sans nul doute un bonprésage pour les héritiers politiques de « Ber-nie », dont une certaine Alexandria Ocasio-Cortez !Notons enfin que la crise inédite que tra-versent les États-Unis semble égalementdonner raison à Sanders et à ses soutiens.L’État fédéral et les États fédérés n’ont-ilpas mis sur la table 2 500 milliards de dol-lars, ces dernières semaines, pour soutenirl’économie, réarmer le système hospitalieret venir en aide aux les plus pauvres ? C’estdu jamais vu dans un pays dont le plan derelance de 2008, qui avait pourtant défrayéla chronique, n’était « que » de  700 mil-liards. Nombre d’économistes considèrentque ce qui a été mis en place empiriquementa beaucoup à voir avec le plan proposé parBernie Sanders. Comme le signale avecune pointe de malice Jean-Éric Branaa, spé-cialiste des États-Unis, « le paradoxe, c’estque c’est Donald Trump – celui qui juraitencore en février dernier qu’il ferait bar-rage au socialisme – qui se retrouve à lemettre en œuvre ». n

Jean-François Claudon

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Bernie Sanders devant ses soutiens àPhoenix (Arizona), le 5 mars, dans laperspective des primaires du 17

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IVG i

Délai rallongéAlors que les politiques d’austérité etles lois successives contre l’hôpitalont entraîné la fermeture de centresIVG et compliqué l’accès àl’avortement, la crise actuelle aggraveencore la situation. Plusieurs établissements hospitalierset centres de planification n’assurentplus leurs missions dans ce domainepour donner la priorité aux maladesdu Covid-19 et par manque dematériel ; cela met les femmes endifficulté pour respecter le délai dedouze semaines pour une IVG. Unamendement visant à allonger ce délailégal de deux semaines pendant leconfinement a été rejeté par le Sénat.Une pétition (https://bit.ly/34svcyG) aété lancée par le collectif féministe« Avortement, les femmes décident »dont la FSU est partie prenante.Grâce à cette mobilisation, depuis, ledélai pour une IVG médicamenteuse aété rallongé. Le SNES-FSU demande lapérennisation de l’allongement de cedélai.

Covid-19i

Centres de rétentionadministrativeLe Covid-19 se développe rapidementdans les centres de rétentionadministrative (CRA), ce qui n’a rien desurprenant vu les conditionssanitaires, d’entassement et desurpopulation déplorables qui yrègnent.Des solutions doivent être rapidementapportées. Le SNES-FSU demande lafermeture immédiate des CRA et larégularisation des sans-papiers pourleur permettre d’accéder aux droitsles plus élémentaires : à la santé, aulogement, à l’éducation et au travail.Il demande aussi que cesse leharcèlement que subissent lesassociations qui leur viennent en aide.

DROITS ET LIBERTÉS

Le gouvernement souhaite developper une appli-cation qui utilisera le traçage et la géolocali-sation pour repérer les malades du Covid-19.

Une démarche qui ne va pas sans poser de ques-tions, éthiques et politiques. Il en est ainsi de celles relatives à la santé. Pro-fitant des légitimes inquiétudes suscitées par ladégradation des services publics, dont témoi-gnent les mobilisations des services d’urgence,le gouvernement entonne l’air du «  tourismesanitaire » en établissant un délai de carence detrois mois pendant lesquels les demandeursd’asile n’auront plus droit à la protection maladieuniverselle, ni les migrants à l’aide médicaled’État, et en créant l’obligation d’accord préa-lable de la Sécu pour les actes « non urgents »(ce qui peut englober une grande partie dessoins).

Efficacité douteuse Seules les mesures barrières sont à même de pro-téger les personnes et d’empêcher une contami-nation, et aucune application ne peut y aider.Savoir a posteriori qu’on a peut-être croisé unepersonne malade peut être anxiogène, et dans lecas d’une pandémie c’est de toute façon quasicertain. D’où la nécessité d’une vigilance permanente etde matériel adéquat.Si aujourd'hui l'angle « sanitaire » semble légitimerabsolument tout (personne ne veut être malade,personne ne veut mourir), le fait de rendre de telsmoyens utilisables conduira inévitablement à ceque la question de leur réutilisation dans un autrecontexte se pose de façon périodique et lanci-nante.Le SNES-FSU s’alarme de la mise en place demoyens législatifs, réglementaires, policiers,techniques, et d'une expérimentation généraliséed'une surveillance massive de la population. Ilréaffirme la primauté absolue des droits indivi-

duels et collectifs et l’impératif que toute res-triction de ces droits soit strictement limitée.

Précédent et vigilance requiseDéjà en mars, l’opérateur téléphonique Orangeavait fourni les données de ses utilisateurs sansleur consentement. Le gouvernement a ainsi pusuivre leur déplacement géographique, permet-tant d’estimer le nombre de personnes ayantquitté l’île-de-France avant le début du confi-nement. Le SNES-FSU dénonce tout ce qui reviendrait àimposer une géolocalisation massive, notammentpar la pression au consentement, comme d'auto-riser des dérogations au confinement à celles etceux qui accepteraient d'être « volontaires » pourla géolocalisation.Au-delà, le SNES-FSU exige la protection desdonnées et le chiffrement de toutes les donnéesindividuelles recueillies par les opérateurs télé-phoniques et internet, de telle façon qu'il soitimpossible de lever l’anonymat, conformémentau règlement général sur la protection des données(RGPD). C’est avant tout par le respect des mesures d’hy-giène et de distanciation physique que passe lalutte contre la pandémie, pas par une nouvellerestriction des libertés individuelles. n

Aurelia Sarrasin

Dans la situation de crise sanitaire que nous tra-versons, priorité absolue doit être donnée à lasécurité sanitaire et à son corollaire de protection

sociale. Celle-ci révèle le dérèglement écologique,les carences du système public de santé, mais aussila fragilisation des plus précaires.Les personnes vulnérables, en situation de précarité,travailleuses et travailleurs pauvres, étudiantes,SDF, mal-logées, migrantes, de la communauté desgens du voyage subissent encore plus durement leseffets de la crise. Le SNES et la FSU demandentla mise en place d’un plan d’urgence sociale enréponse aux difficultés gravissimes accentuées parla crise, notamment en matière d’alimentation, delogement et de prestations sociales. Il faut envisager

un plan d’aide et un moratoire sur les loyers, surles crédits, le maintien intégral des salaires, la réqui-sition des logements vides, et la mise en place d’unrevenu minimum garanti pour les personnes quin’en ont pas. Pour le SNES-FSU, le gouvernement doit donnerune réponse sociale à la hauteur des difficultés gra-vissimes accentuées par la crise, notamment enmatière d’alimentation, de logement et de prestationssociales. Il ne peut pas renvoyer cette réponse auxassociations, au bénévolat ou à la philanthropie. Ildoit mener une politique protectrice des droitssociaux et environnementaux, dans laquelle les ser-vices publics jouent pleinement leur rôle. C’est uneurgence absolue. n Aurelia Sarrasin

COVID-19

Vigilance à tous les étages

PAUVRETÉ

Un plan d'urgence nécessaire

Vous êtes témoin ou victimede violences intrafamiliales  :n’attendez pas  !

Pour obtenir de l’aide, appelezimmédiatement le

11, le 3919 ou le 17Le confinement aggrave et peutgénérer des situations graves,et le silence tue.

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