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courant alternatif COURANT ALTERNATIF MENSUEL ANARCHISTE-COMMUNISTE N° 288 MARS 2019 3 APPELS CONTRE LE G7 DE BIARRITZ FRANÇAFRIQUE: LES MASQUES TOMBENT DOSSIER GILETS JAUNES CA 288 Couv Mars 19:CA 25/02/19 18:28 Page 1

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MENSUEL ANARCHISTE-COMMUNISTE N° 288 MARS 2019 3€

APPELS CONTRE LE G7DE BIARRITZ

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DOSSIER GILETS JAUNES

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courant alternatif - n° 288 Mars 20192

COMMENT FONCTIONNECOURANT ALTERNATIF?

SOMMAIRE

ÉDITO � PAGE 3

SOCIAL

�PAGE 4, 5 Attaques violentes contre les chômeur.e.s

DOSSIER GILETS JAUNES�PAGE 5, 6, 7 Une actualité dérangeante pour le pouvoir

�PAGE 8,9 Ce que le mouvement dit de notre époque

�PAGE 10 Première assemblée des assemblées à Commercy

SOLIDARITÉS CONTRE LA RÉPRESSION

�PAGE 11, 12 Au Pays Basque, solidarité à géométrie variable

�PAGE 12 ,13 A Lille, une legal team permanente et efficace

�PAGE 14, 15 A Lyon et Caen, auto-défense collective

�PAGE 15, 16, 17 Grand débat: le guide des poncifs

L’MOUVEMENT

�PAGE 17 Atomic Tour contre CIGEO et le nuc

RÉPRESSION

�PAGE 18 ,19 Projet de loi sur le maintien de l’ordre lors des manifs

BIG BROTHER� PAGES 20, 21

SOLIDARITÉ

�PAGE 22 Marche des solidarités

VERTEMENT ÉCOLO�PAGE 23

G7 PAYS BASQUE

�PAGE 24, 25, 26 ,27 Le G7 et son monde mortifère - Ni à Biarritz, ni ailleurs

QUI SOMMES-NOUS?�PAGE 28

FRANÇAFRIQUE

�PAGE 29, 30, 31 Politique africaine de Macron: les masques tombent�PAGE 31 Encart Mali,Niger, Libye

INTERNATIONAL

�PAGE 32, 33, 34, 35, 36 Mexique:il y a 25 ans, la rebéllion indigène. Gran-deur et limites de l’expérience zapatiste

OCL c/o EgregoreBP 81213- 51058 Reims [email protected]

COURANT ALTERNATIFmars 2019

Mensuel anarchiste-communiste

COM. PAR. 0620G86750

Pour les seules obligations légales

DIR. PUBLICATION

Nathalie Federico

Imprimerie des moissons, ReimsImprimé sur papier recyclé

CONTACTER LOCALEMENTl’Organisation Communiste Libertaire

Un week-end par mois, une Com-mission-Journal (CJ), est organiséedans une ville différente, pour pré-parer le numéro suivant. Peuventy participer des sympathisant-e-sintéressé-e-s au même titre queles militant-e-s OCL de la ville enquestion et que des représentant-e-s des autres groupes de l’OCL.Chaque CJ a pour tâche de criti-quer le numéro précédent, de dis-cuter les articles proposés par desgens présents ou non ; d’en susci-ter d’autres en fonction des évé-nements et des souhaits émis parles groupes ou des individu-e-s. Enoutre, chaque CJ débute par unediscussion sur un sujet d’actualité,ce qui permet la prise de déci-

sions concernant les activités del’OCL, si nécessaire. Le collectif or-ganisateur rédige, immédiatementaprès la CJ, un compte rendu poli-tique et technique le plus précispossible, puis, pendant les deuxsemaines à venir, assure le suivi dece qui a été décidé pour le journal(liaisons, contacts, etc.) ; et c’est luiqui écrit l’édito en fonction de ladiscussion dans la CJ ou d’événe-ments qui se produisent après.

Si vous souhaitez assister et parti-ciper à l’une de ces réunions depréparation et de discussion sur lejournal (elles sont largement ou-vertes), écrivez à OCL/Égrégore –BP 81213 – 51058 Reims cedex,afin de pouvoir vous y rendre.

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éditorial

3courant alternatif - n° 288 - mars 2019

La vie en Jaune !Sous des formes différentes, la lutte de classe s’affirme,

en Europe et dans le monde, contre les «réformes» des gou-vernants et possédants et contre leurs conséquences. Lestravailleurs et les couches sociales exploitées et oppriméesse rassemblent ou cherchent à se rassembler contre capita-listes et oligarques, tous aux commandes des mêmes plansd’austérité, quels qu’en soient les auteurs : Macron enFrance ou Salvini en Italie. Ainsi, début février, l’Italiecomme la France était le théâtre de grandes manifestationsanti-gouvernementales. Ce qui montre, par ailleurs, que lesétiquettes opposant "progressistes" et "populistes", tellesqu'utilisées par Macron dans ses discours sur l'Europe n'ontguère de pertinence quand il s'agit de juger des politiqueséconomiques et sociales des gouvernements ; tous se re-trouvent confrontés aux résistances de classe. Dès no-vembre, en Belgique des Gilets Jaunes manifestent contre lecarnage social, en Bulgarie en vêtement bleu et quelquesgilets jaunes contre la flambée des prix du carburant et destaxes, en décembre à la Haye, à Maastricht sur les difficultésà boucler les fins de mois, en Grèce des Gilets Jaunes soli-daires des GJ français et en Catalogne pour le blocage dupays ... Manifs contre le pouvoir en place en Serbie (Belgrade)et en Hongrie, notamment à Budapest contre une loi sur lesheures supplémentaires, appelée loi esclavagiste ... Mais lecapitalisme ne connaît pas de frontières, on peut en toutetranquillité continuer à exploiter le continent africain aunom des nouvelles technologies, du progrès mais aussi d'unmépris colonial pour les peuples africains.

Le capitalisme a toujours eu deux visages. Le libéralismeabsolu pour les uns, les propriétaires des moyens de pro-duction et du capital, et l'ordre pour les autres de ne pas en-traver la marche d'accumulation et de concentration desrichesses produites par les travailleurs. Le capitalisme necraint pas les contradictions avec un Etat à son service parle mensonge, les fausses promesses et la répression pourmater la masse sociale productive et laisser toute liberté auxcapitaux. Le pouvoir de l'Etat dans les régimes dictatoriauxindustriels est l'instrument régalien de répression, contrôle,discrimination, exclusion, domination de classe. L'arme fa-tale dont il dispose est la loi, moyen efficace pour mettre«hors-la-loi» toute tentative d'insurrection, de révolte etd'insoumission. La légalité face à la légitimité. On peut tuer,tirer sur les manifestants car c'est légal mais on ne doit passecourir des travailleurs immigrés qui risquent de mourirde froid ou de noyade, là c'est illégal.

Mais que valent les lois quand la légitimité du régime estcontestée ?

Le pouvoir suprême en Vème République n'a de sensqu'appuyé par les grands commis de l'Etat, les très hautsfonctionnaires -hauts, non pas par leur compétences maispar leurs salaires et pouvoirs à la tête des administrationspubliques-. Ils sont en place dès leur sortie des grandesécoles et restent à ces fonctions dirigeantes à vie, passantd'un pôle administratif à l'autre avec quelques passages augouvernement. Serviles, ils sont trop bien payés pour ne pasl'être, tant et si bien que Hollande a dû faire voter un pla-fonnement à ne pas dépasser de 450 000€ par an, on ne sait

si c'est avec ou sans primes ! En tout cas leur salaire médianest de 150 000€ par an, soit 12 500€ par mois. Leur rôle estde gérer les finances publiques, les politiques sociales, lesadministrations d'Etat et les agences affiliées : cela va de laSNCF, à Pôle Emploi, à la formation professionnelle, laBanque de France, les impôts, etc. Et ce sont bien eux quiélaborent les économies à faire sur le dos des plus nom-breux, des moins riches, ces pôvres qui coûtent «un pognonde dingue», ces «bénéficiaires» de l'aumône publique !

D'un côté le libéralisme le plus sauvage, féroce, et d'unautre la répression et le contrôle de plus en plus musclésafin de faire entrer dans les clous la population insurgée parla restriction des libertés individuelles et collectives. L'Etatne tolère pas l'opposition, ni les débats contradictoires etc'est donc lui qui organise et gère ce fameux grand débatpour encadrer les quelques voix qui ne veulent pas se taire.Reste à dénigrer l'ensemble du mouvement des GiletsJaunes qui ont été traités de fachos, d'homophobes, desexistes, racistes, casseurs, anti-démocratiques et dernière-ment d'antisémites. Et cela avec l'appui efficace des médiascar, comme le disent clairement l'économiste Elie Cohen etle politologue Gérard Grunberg :« Les journalistes doivent serappeler qu'ils ne sont pas de simples observateurs maisqu'ils font partie des élites dont le rôle est aussi de préser-ver le pays du chaos. » En effet quand les classes populairesinvestissent l'espace public et ne désarment pas après plusde trois mois d'actions et manifs en tout genre et en touslieux, le risque du chaos semble réel et la peur change alorsde camp.

Mais que veulent-ils donc, que veut le peuple ? Et d'abordc'est quoi, c'est qui le peuple ? Tout dépend qui le nomme.C'est l'inverse de l'élite bourgeoise mais on le reconnaît ai-sément à son compte bancaire qui se vide à chaque fin demois. Pour être premier de cordée, dirigeant d'entreprisespubliques, politicien au pouvoir, il faut tout d'abord être dubon côté, celui des riches. C'est une définition assez basiquemais celle-là ne trompe pas !

Condamné à la mal-bouffe, aux dépenses obligatoirescomme internet et smartphone à cause de la disparition desservices de base de la Poste, des impôts, CAF, Pôle Emploi,etc., ce peuple en a assez de trop courber l'échine à comp-ter ses maigres sous quand, par la magie des infos diffuséessur le net, il connaît la fortune et les bénéfices engrangéspar ces «aristocrates» qui gouvernent et dirigent. On lenomme aussi la majorité silencieuse, invisible, d'où émer-gent beaucoup de femmes qui se disent en colère, précari-sées, discriminées et révoltées et qui se singularisent aumilieu du mouvement des GJ et mènent des manifs spéci-fiques à Paris,Agen, Nice, Nîmes, Caen, Lyon, St Etienne,Tou-louse , …

La révolte, il n'y a que cela, debout, dehors dans la rue ettout en jaune pour que tout le monde voie bien que la colèreest grande et diffuse. Hors des habituelles rhétoriques poli-ticiennes, l'exigence d'unmieux vivre semble plus que légi-time dans un pays riche, trop riche.Mais le partage équitablene fait pas partie de l'ADN du capitalisme, alors changeonsde système !

CJ Sud Ouest, 23/02/2019

Le mouvement des GJ « rassemble diverses composantes de ce que le pouvoir nomme la « majorité silencieuse » au nom delaquelle il prétend s'exprimer et dont il n'attend d'autre mobilisation que le vote. » Laurent Bonelli, Le Monde Diplo, janvier 2019« Un pays pauvre est d'abord un pays qui n'a plus de riches » Nicolas Doze, BFM TV, 05/12/2018

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social

courant alternatif - n° 288 - mars 20194

"Inciter à reprendre le travail"

Macron, lors de son allocution du 31décembre 2018, a déclaré sans scrupule :"Le gouvernement dans les prochainsmois devra poursuivre ce travail pourchanger en profondeur les règles de l'in-demnisation du chômage afin d'inciterdavantage à reprendre le travail". Il ex-pose ainsi clairement sa vision des sans-emploi et ses objectifs : ce sont desfraudeurs (2) et des tire-au-flanc, qu'ils'agit de contrôler de plus près et de re-mettre au turbin, coûte que coûte.

La veille, le 30 décembre, le gouver-nement avait formalisé ses intentions àtravers un décret d’application de la loi« pour la liberté de choisir son avenirprofessionnel » (encore un exemple denovlangue !) - votée cet été et promul-guée le 5 septembre-. Ce décret, publiéau Journal officiel, vise à renforcer le fli-cage des chômeurs.ses et à durcir en-

core les sanctions à l'encontre deceux.celles qui manqueraient à leursobligations. Un décret concocté en toutediscrétion, sans aucun débat et de façonautoritaire, et alors même que le mou-vement des gilets jaunes continuait àbattre son plein contre la vie chère et lesinjustices sociales.

Obligationset sanctions renforcées

Dorénavant les chômeurs.ses ontleurs droits suspendus (radiation et sup-pression des indemnités) pendant unmois (3) s'ils.elles manquent un seulrendez-vous avec Pôle Emploi, pendantdeux mois au bout de deux manque-ments et quatre mois au troisième casd'absence constaté.

En cas de "manquement aux obliga-tions de recherche d’emploi", les droitsne sont pas suspendus mais carrément

« supprimes ». On perd donc l’acces auxdroits et il faut reussir a retravailler unpeu pour pouvoir les ouvrir de nouveau.

Le refus de deux "offres raison-nables" d’emploi entraine egalement lasuppression des droits. Une "offre rai-sonnable d’emploi" était jusqu'ici cen-sée correspondre au profil dudemandeur d’emploi, défini dans sonprojet personnalisé d’aide à l’emploi(PPAE) : y étaient fixés le secteur d’acti-vité, la rémunération attendue, la dis-tance entre le lieu de travail et ledomicile, ou encore le type de contrat.Jusqu’alors, le demandeur pouvait refu-ser un emploi pour lequel il était moinspayé qu’auparavant.

Or, dans le "raisonnable" nouvelle-ment défini, sont exclues les possibilitésde refuser une offre d'emploi au motifque le salaire est inférieur à celui dudernier emploi ou que les conditions detravail ne conviennent pas. Et si on re-

Les négociations sur l'indemnisation des deman-deur.ses d'emploi, lancées en novembre 2018, se poursui-vent entre patrons - Medef, CPME et U2P (1) – et syndicatspour élaborer une nouvelle "convention" pour l'Unédic.L'objectif du gouvernement est de realiser de 3 a 4 mil-

liards d’euros d’economies supplementaires sur 3 ans...évidemment sur le dos des chomeurs-euses. Et en guised'avant-goût de cette convention Unédic, au tout début del'année 2019, ont été décrétées des mesures qui stigmati-sent les chômeurs et les attaquent violemment.

ATTAQUES VIOLENTESCONTRE LES CHÔMEUR.SES

1- Union des entre-prises de proximité

2- Selon une étudemise en ligne cet étépar Pôle Emploi, apeine 0,5% deschomeurs-euses in-demnise-es ont tra-fique leur dossier etseulement 8% chez lesbénéficiaires de l'assu-rance-chômage nechercheraient pas vrai-ment de boulot. Etquand ils et elles sontindemnisé.es, c’estseulement a 900euros/mois enmoyenne …De plus,hors RSA et AllocationSpecifique de Solida-rite (environ 500euros/mois dans les 2cas), les chômeurs.ses,dans plus de 40% descas, ne sont pas in-demnisé.es.

3- Dans la premièreversion du texte envi-sagé par l'exécutif, ilétait prévu de ne plusle sanctionner que de15 jours de radiation.

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fuse deux "offres" au salaire nette-ment inferieur qu’avant, ou auxconditions dégueulasses, on n'a plusdroit a rien... Il s'agit par là de forcerles gens, sous peine de se voir pure-ment et simplement supprimer touteallocation, à accepter des boulots pré-caires pour des paies misérables, sou-vent à temps partiel. C'est unecondamnation à la misère et une hu-miliation de plus. Et c'est un encoura-gement fait au patronat à ne pasaugmenter les salaires ni à ameliorerles conditions de travail.

L’idee est de contraindre les gensa accepter ce qu’on leur donne et demettre à la disposition des patronsune main d'oeuvre docile et àmoindre coût. Mais ce decret repres-sif, sous pretexte de lutter contre lafraude, va aussi permettre d’operer denombreuses radiations, utiles pourfaire baisser artificiellement un peules chiffres du chomage et pour reali-ser des economies budgetaires sur ledos des chomeurs-euses.

Contrôles accrus

C'est Pôle Emploi qui décide dé-sormais seul du contrôle et des sanc-tions des chômeurs.ses. Jusque-là, ce"service public" n'avait que le pouvoirde suspendre l'indemnisation en casd'absences aux convocations, la sup-pression du revenu des indemnitéschômage nécessitant une saisine du

Préfet. C'est dorénavant laissé à l’ap-préciation des agents de Pôle Emploiqui auront tout pouvoir. Ceux-cid'ailleurs n'apprécient guère ce rôlede sanction qui leur est octroyé et quin'améliorera pas les relations déjàsouvent tendues entre eux.elles et lesdemandeur.ses d'emploi.

Pour "tracer" le comportement deschômeur.ses, le nombre de contrô-leur.ses va augmenter. Généralisé en2015 sous Hollande, le contrôle de larecherche d’emploi mobilise à présent600 agents, soit trois fois plus qu’il y aun an. 1000 personnes devraient àterme travailler dans ce service. Etcette augmentation du nombre decontrôleur.ses se fait à effectifsconstants ; ce sont des conseiller.esqui changent de postes, ce qui réduitla capacité des agents à aider les per-sonnes en recherche d’emploi.

Enfin, les chômeurs.ses devronttenir un "journal de bord numé-rique" ; c'est par lui notamment ques'effectuera leur contrôle. Ils.elles de-vront noter tous les mois, à l’occasiondu renouvellement de leur inscrip-tion, sur un site internet, leurs actesde recherche d'emploi (Il faudraqu'ils.elles justifient de 35 heures derecherche active) ce qui permettra aPole Emploi d’evaluer s’il y a "man-quement" aux obligations de re-cherche... pouvant entraîner laradiation definitive. A partir de mi-2019, ce dispositif sera expérimenté

pendant un an dans deux ou trois ré-gions. De quoi compliquer toujoursplus la vie les personnes sans emploiqui ne sont pas autonomes vis à visdu système informatique et qui vontse retrouver de plus en plus précari-sées. De quoi aussi les stigmatiser enleur faisant porter la responsabilité deleur condition – voire leur auto-contrôle-, sans que soient remises encause les politiques économiques etsociales. C'est ainsi que sont organi-sés à la fois la montée du chômage etle flicage des personnes privées d'em-plois !

Le gouvernement joue son rôle duvalet du capital à la perfection :il continue de s'en prendre aux plusprécaires, aux privé.es d'emplois dansun système qui, de toute façon, n'encrée que très peu et est en incapacitéd'en "offrir" à tous.tes.... Dans lemême temps, les patrons voient tou-jours leurs pouvoirs augmenter, entermes d'incitation aumaintien de sa-laires bas, d'aides faramineuses, defraudes financières encouragées,d'exemptions de cotisations sociales,de faveurs procurées par la loi Travailde 2016 et par les ordonnances de2017, en particulier pour licencier plusfacilement et sans motif .

Kris, le 17 février

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social

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Dossier Gilets Jaunes

courant alternatif - n° 288 - mars 20196

Comment désamorcerun mouvement social

La question du gouvernement n'estpas comment répondre aux revendica-tions des Gilets Jaunes mais tout sim-plement comment arrêter cemouvement. Et pour cela il use de tousles stratagèmes dont le fameux « 10milliards sur la table » dont bien peud'entre nous ont vu la couleur. Diviser,dénigrer, chercher des têtes et/ou descollaborateurs, dénoncer les dérives, enfaire unmouvement réactionnaire, vio-lent ; tout cela pour ne rien céder surl'essentiel : la redistribution des ri-chesses.

Et bien sûr jouer la diversion et letemps avec un grand débat national quidevrait s'achever devant les urnes euro-péennes.

Il s'agit d'abord de continuer à dé-grader l'image du mouvement GJ chezles démocrates à gauche et à droite, in-tellectuels et journalistes sur le mode"y'a pas de fumée sans feu", après laviolence sur les braves flics, la casse despetits et grands commerces, du tou-risme parisien et de l'économie de notrebeau pays, l'incapacité à se comporter"rationnellement" en désignant desporte-paroles, des candidats aux élec-tions et des revendications chiffrables,discutables ou simplement raison-nables, le mépris de nos institutions(Champs Elysées, Arc de Triomphe, Sol-dat Inconnu,Assemblée nationale) dontla plus sacrée qui est la personne duprésident, voici le "marteau pilon" dufascisme islamique et de l'anti-sémi-tisme - abomination morale ultime etdélit de notre république des droits del'homme (qui a beaucoup à faire oubliersur ce chapitre).Cette dernière accusa-tion a vu le jour de façon tonitruante,lors de l'incident, diffusé en boucle surcertaines chaînes de télé, des propos in-sultants de quelques individus, enmarge de la manif du 16 février, àl'adresse de Finkielkraut.

Le gouvernement, relayé par la plu-part des médias, tombe à bras raccour-cis sur les GJ, leur reprochant de laisserfaire, voire d'alimenter les violences etappelant à ce qu'ils arrêtent leur mou-vement.

Même si, comme le serinent à l'en-vie les médias, les manifestations sonteffectivement moins fournies, tout aumoins dans les grandes cités qui sontsous le feu des projecteurs, il n'em-pêche que partout elles se poursuivent,jusque dans les petites villes. Et la ré-

pression n'en finit pas de s'abattre, avecdes interpellations, des GAV et des in-culpations massives, et des blessésgraves. Sans compter le projet d'une loi"anti-casseurs" qui restreint toujoursplus les libertés. Le gouvernement enest bien conscient : la force du mouve-ment ne réside pas tant dans le nombreque dans la détermination de ses ac-teurs.trices et dans le soutien de l'opi-nion. Et c'est cette détermination dansla durée et ce soutien que le pouvoirveut saper, pour mieux étouffer le mou-vement. D'où l'intention de maintenirun bras de fer, de diviser, de désignerdes éléments perturbateurs et de mul-tiplier les condamnations judiciaires.

Même s'il a un peu repris la main àforce de matraquer le mouvement desGJ dans tous les sens du terme, Macronest loin d'être sorti de la crise politico-sociale dans laquelle l'a plongé, entreautres, ce mouvement.

Le grand débat

Un vaste leurre organisé par le pou-voir pour tenter de reprendre la main :invoquant le terme très à la mode de lalibération de la parole, Macron prétendoffrir des espaces pour qu'elle s'ex-prime alors que les GJ l'ont prise, la pa-role, sans qu'ils aient eu besoin de lamoindre autorisation et ont annoncédepuis belle lurette quels étaient leursaxes de lutte : tous sur le thème del'égalité avec unmeilleur partage des ri-chesses, des mesures concrètes de jus-tice sociale, et plus de démocratiedirecte. Un moyen pour le gouverne-ment non seulement de faire croirequ'il s'est intéressé subitement à lacontestation sociale, mais surtout unetactique pour la canaliser, et l'affaiblir.Mais là, il ne joue pas le jeu car il existedéjà une Commission National duDébat Public (CNDP), autorité adminis-trative indépendante de 25 membres.Elle a pour rôle de mettre en place desprocédures de démocratie participative,faire exprimer les citoyens sur les pro-jets et politiques publics à fort impactsocio-économique et environnemental.Macron s'en passe et nomme deux mi-nistres en charge de son débat,membres du gouvernement, juges etparties, le cadre est posé et les ques-tions déjà listées, circulez il n'y a riend'autre à dire !

Ainsi, il essaie de démontrer qu'il ya les bons citoyens qui se prêtent aucadre que l'Etat impose et les séditieuxet violents qui manifestent dans les

rues. Le gouvernement et les médiascherchent à créer des clivages au seindes classes populaires qui montrent,dans le mouvement des GJ, qu'elles ontun sens du collectif, un fort sentimentd'appartenance au groupe.

Un moyen aussi pour Macron defaire son "grand oral", son cinéma, enbras de chemise, comme un meneur dejeux ou un bateleur de foire, devant unpublic sage et déjà quasi conquis. C'estlui qui mène les choses, laissant parlerou questionner son auditoire et répon-dant ensuite, sans laisser place à lamoindre discussion (et encore moins àla délibération) et en montrant qu'ilmaîtrise tout, ce qui est d'autant plusaisé que les questions ont été trans-mises à l'avance. Un très long mono-logue, en quelque sorte, en guise de"débat". De toute façon, si les règles dujeu n'ont pas été formulées au départ(et restent encore très nébuleuses alorsqu'on approche de la date limite du 15mars), à savoir ce que vont devenir tousces échanges, toutes ces revendications... et comment ils seront traduits enactes, une chose était affichée d'em-blée clairement : c'est le gouvernementet lui seul qui tranchera et il ne chan-gera pas de cap quant à sa stratégie éco-nomique et sociale. Aucune mesure deredistribution ne sera prise. Rien nebougera sur le terrain du SMIC, de l'ISF(qui coûte 4,6 milliards/an), du CICE (en-viron 40 milliards d'aide aux patrons),du pouvoir d'achat, de la justice fiscale,des retraites,(pourtant très souvent in-voquées dès les premières semaines dumouvement) ; et on peut s'attendre àdes modifications minimes parexemple sur la limitation de vitesse à 80km/h, et sur quelques matières institu-tionnelles qui étaient déjà dans les car-tons du président (vote blanc, réductiondu nombre de députés, vote obligatoire,...)

La propagande tend à faire croirequ'il y a une grande participation auxdébats, mais il y a des différences entredébats officiels organisés en ville avecsécurité policière renforcée et réuniondans des salles municipales en Pro-vince ; quand on compare avec les AGdes GJ départementales qui réunissent100 à 200 personnes le compte n'y estpas du côté du débat gouvernemental !De plus, très peu de jeunes participent àces réunions, et elles se déroulent bienplus dans les villes, là où se concentrela population, que dans les villages oubourgs ruraux. Sont absents aussi leshabitant.es, jeunes et moins jeunes, des

Le mouvement des Gilets Jaunesune actualité dérangeante

pour le pouvoir

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Dossier Gilets Jaunes

7courant alternatif - n° 288 - mars 2019

quartiers populaires. Les GJ ne sont pasdupes ; le sentiment général est que cedébat est une mascarade, que Macroncherche juste à protéger sa ligne deconduite et les mesures engagées etqu'il compte mettre en place, une ma-nière de faire disparaître les GJ etd'étouffer leurs voix.

D'autant que, dans le temps du"débat", on apprend des hausses de ta-rifs de toutes sortes (denrées alimen-taires, autoroutes, électricité,assurances, mutuelles...), qui ne fontqu'entamer toujours plus le pouvoird'achat. De plus, le gouvernement pour-suit le rythme de ses réformes et de sapolitique : privatisations -aéroport deParis, Française des jeux- ; bouleverse-ments dans l'éducation – après Parcour-sup et la réforme des lycées et du bac,l'"Ecole de la confiance" dans le cycle pri-maire-secondaire ; réforme de l'hôpi-tal avec le Plan Santé ; économies surles allocations chômage ; suppressionsde postes, salaires au mérite et recoursaccru aux vacataires dans la fonctionpublique ; projet de l'instauration d'uneretraite par points... Tout ceci, bien en-tendu, sans le moindre souci de justicesociale.

Les mobilisations des GJ

Toujours autant de diversité de si-tuations. Mais, pour beaucoup reste laconscience que l'action doit continuer,malgré parfois la fatigue et une ten-dance à vouloir se doter de lieux fixespour pouvoir se retrouver et s'organi-ser ; d'autant que les occupations desronds-points ont été balayées par flicsou gendarmes, que des cabanes ont étéconstruites ou des bâtiments squattésparfois dans des endroits manquant devisibilité. Un cheminement vers unestructuration, une communicationentre les groupes, qui se fait au rythmede chacun. Et pour donner un nouveausouffle à la contestation, il y a cette vo-lonté que la dynamique s'élargisse, quedes liens se créent avec des salarié.esen lutte sur leur lieu de travail. Des ten-tatives ont lieu pour mener des actionsen semaine, entr' autre avec l'appel à lagrève du 5 février, ce qui a permis d'unefaçon plus générale d'entreprendre desactions communes dans la rue, sur letemps de travail, aux côtés de syndicats.Cependant on est très loin d'une dyna-mique suffisante pour enclencher lagrève générale illimitée souhaitée. Fairegrève est très difficile quand on vit dansla précarité, qu'on travaille dans des pe-tites entreprises et qu'on a épuisé soncompte en banque avant la fin dumois.La convergence des luttes pour le mo-ment ne prend pas globalement. Et desréticences à ce qu'elle se concrétiseexistent du côté de certains syndicats etde certains GJ. Mais des solidaritésconcrètes existent à l'échelon local,avec des actions et échanges entre sa-larié-es des hôpitaux comme à Foix, St

Girons et ailleurs pour soutenir leur re-vendication face aux manques de per-sonnel, aux menaces de fermeture,partout on trouvera des Gilets Jaunes ;ce sont parfois les mêmes qui manifes-tent le samedi depuis trois mois et aussides proches car toutes et tousconcerné.es par le délitement des ser-vices publics notamment dans le sec-teur de la Santé.

La solidarité avec les personnes in-culpées est aussi une réalité avec desmanifestations qui font un détour de-vant la prison ou le commissariat pourdénoncer la répression ; des tracts par-tout en France sont distribués lors desgrandesmanifestations du samedi pourdonner des conseils en cas d'arrestationet des concerts de soutien ont lieu pourcollecter de l'argent afin d'aider les per-sonnes condamnées. Par ailleurs, cer-tain.es mettent l'accent sur larevendication du RIC, portée en parti-culier par les marcheurs.ses parti.es desPyrénées-Orientales (Boulou), puis deMarseille, Nimes, Avignon, ... depuis le16 février pour rejoindre Paris le 17mars (avec un appel qui circule natio-nalement pour manifester à Paris), parétapes de 25 à 35km avec acccueil pardes GJ tout au long du parcours. « Nousvoulons un RIC sans restriction. Nousnous battons pour une justice fiscale etsociale, l'écologie et apporter notre sou-tien auxmanifestant.es victimes de vio-lences policières et de décisions dejustice abusives. » déclare l'une desmarcheuses.

Il faudrait aussi savoir répondre auxdifférentes accusations mensongèrescomme le fait que ce ne sont pas dutout les GJ qui ont fait baisser le chiffred'affaire des commerces par suite desmanifs du samedi en centre ville oudans les zones commerciales,mais sim-plement la baisse du moral des mé-nages, perceptible dès février 2018, auplus bas en septembre -retour à avril2016-, qui laissait prévoir un coup defrein en fin d'année alors que le gou-vernement tablait sur une remontée dece même moral avec l'exonération decotises des salariés du privé et la baissede la taxe d'habitation prévue en oc-tobre, ainsi que les commerçants quiconstituaient des stocks pour un noëlen fanfare...(in Lemonde, suppl. Eco-En-treprises 22/02/2019).

Evolution du mouvement

Le mouvement des GJ est un mou-vement très politique, une réappropria-tion du politique (repolitisation de sonquotidien, sa vie) en même tempsqu'une disqualification de la politiqueofficielle, institutionnelle. Etre solidairesavec les GJ, c'est agir avec eux.ellesdans le sens de la justice et de l'éman-cipation, en étant conscient.es que desforces sont à l'oeuvre pour entraînervers une évolution inverse au bénéficede l'extrême-droite. L'objectif est que le

mouvement continue à vivre : qu'il aillevers plus de mobilisations, plus d'ac-tions, vers la grève... plutot que vers leRIC, la participation au "grand debat",les élections europeennes. Avec tout cepotentiel de gens en mouvement, toutecette energie collective, des actions desolidarite pourraient etre mises en pra-tique sur les thèmes du logement, duchomage (actions sur Pole emploi,comme à Rennes et ailleurs), des mi-grants ; il pourrait y avoir, comme cela aété fait dans des entreprises en lutte oupas, des marques de solidarité avec lessalarié.es. Quand il y a des blocagesd'entreprises ou de dépots, les salarie.essur place sont ravi.es de gagnerquelques heures de suspension de tra-vail ainsi "forcé", d'autant que les GJdégagent toujours un potentiel impor-tant de sympathie. Une proposition àavancer pourrait être autour de la gra-tuité : on arrête de payer le gaz, l'elec-tricité, les transports collectifs ... Deplus, le patronat reste globalement mé-nagé et à l'écart de la vindicte des GJ,avec néanmoins quelques exceptions :banques, grande distribution, sociétésd'autoroutes, quelques multinationalescomme Amazon. La subordination dessalarié.es dans l'entreprise, la luttecontre l'exploitation salariale et la re-mise en cause de la propriété desmoyens de production ne sont pas àl'ordre du jour... mais peuvent très bieny être discutés.

Une stratégie intéressante a étécelle entamée à Commercy (Meuse),avec l'appel à uneAG desAG qui a réuniune centaine de délégations de GJ finjanvier et une invitation à se retrouverles 6,7,8 avril à St Nazaire pour discuterde leurs revendications et de leurs ac-tions. (Voir CR dans ce numéro) Cetteinitiative permet de lutter contre lestentatives de division du mouvement,de lister tout ce qui nous rassemble etde poursuivre ce mouvement solidaire.

Quant à la force des GJ, elle résidedans le besoin et la nécessité de resterun mouvement sans chef, de tenir desréunions publiques avec un souci de dé-mocratie réelle, de discuter de toutes lesactions et le refus de se faire enfermerdans des cases politiciennes.

CJ Sud-Ouest , le 23/02/2019

Le mouvement des GJ, "c'est une révolte

de notre temps. Ce n'est pas une simple pro-

testation contre la pauvreté ou la dureté des

conditions d'existence, c'est une protestation

contre l'imposture d'une société où le dis-

cours moral est omniprésent mais qui ne

semble révérer que l'argent, la réussite, la

compétition, organisés par des pouvoir dont

les grands mots ne dissimulent plus leur in-

capacité d'agir sur les choses" ( F. Sureau,

avocat et écrivain, proche de Macron, Le

Monde du 5.02)

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Personne n'avait vu venir Mai 68,comme personne ne pensait en 1936que l'agitation sociale gagnerait le paystout entier, y compris les secteurs lesmoins coutumiers de l’action syndi-cale. Pour certains, les mouvementsspontanés n'existent pas car il y a tou-jours eu des luttes, des soubresauts,des signes précurseurs... Evidemment!Mais on a beau préparer soigneuse-ment les masses à un mouvementd'ampleur, ce sont elles qui décident a

un moment donné de se mettre en ac-tion.

Il en est de même avec l’actuelmouvement des gilets jaunes. Per-sonne ne pouvait penser qu’un appel a

agir lancé sur les réseaux sociaux par-

viendrait à mettre dans la rue et du-rant des mois des dizaines de milliersde personnes. Personne ne pouvaitimaginer que les revendications ini-tiales (sur les 80 km/h et les taxes surles carburants) seraient noyées aussirapidement dans un flot de revendica-tions centrées sur la justice fiscale, lajustice sociale et la réforme de la dé-mocratie représentative.

Socialement, les trois quarts des Gi-lets jaunes sont des travailleurs en ac-tivite. Financierement, les trois quartsdes Gilets jaunes ont un revenu in-ferieur au revenu median (soit 2500 €

pour un couple). Ils font donc partie dela fraction inferieure des classesmoyennes, ce que certains sociologuesappellent les « petits moyens ». Politi-quement, 60% d’entre eux refusent dese positionner selon l'axe classiquegauche/droite. Un axe d’analyse qui aperdu beaucoup de sa pertinencepuisque la plupart des gens consi-derent que les politiques menees parla droite ou la gauche de gouverne-ment ne divergent qu’ala marge, tantelles s’accommodent de la doxa neoli-

bérale en vogue depuis plusieurs dé-cennies. On pourrait trouver cepourcentage elevé mais rappelons-nous que, si l’on en croit les sondages,la moitié des citoyens francais s'inté-resse peu, assez peu ou pas du tout a

la politique : les Gilets jaunes ne se dis-tinguent pas de la societé francaise dece point de vue-là.

Chez les Gilets jaunes, on note

aussi de tres nombreux primo-mani-festants, et pas forcement parmi lesplus jeunes. Nous avons donc affaire a

des gens pour qui l’intervention dansla citen’est pas culturellement ancree,pour qui manifester, s’exprimer publi-quement ne va pas de soi. C’est dire a

quel point leur implication dans lemouvement et leur pugnacitesont lesigne d’un profond ras-le-bol.

Sur la question de l’immigration, ilssont 60% atrouver qu'il y a trop d'im-migration en France. Pour certains ana-lystes, on tient la la preuve que lemouvement des gilets jaunes est po-puliste et droitier. Mais quand, laen-core, on sonde les Francais, horsperiodes tumultueuses, sur cette ques-

tion, on obtient les mêmes resultats :bref, ce ne sont pas les Gilets jaunesqui ont une tendance xénophobe, c’estla societé francaise !

Trés rapidement, les Gilets jaunesont mis au cœur de leurs revendica-tions la justice sociale et la justice fis-cale. En decembre 2018, ils ont faitparaître une liste de leurs revendica-

Dossier Gilets Jaunes

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Ce que le mouvement des Giletsjaunes nous dit de notre époque

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tions essentielles. Parmi celles-ci,hausse du SMIC et des retraites, in-dexation sur l'inflation, zéro SDF, refusdes politiques d'austerite, defense duferroutage, controle des loyers, contreles rentes (peages etc), mais aussidefense du petit commerce, fin duRSI... en revanche, rien sur l'Islam etsur l'immigration. Cela ne veut pas direque des personnes xenophobes nesont pas dans le mouvement,mais quela stigmatisation de tel ou tel groupesocial n’est un element ni central niperipherique de la mobilisation. Dansles cahiers de doleances, laencore l'ac-cent est mis sur la justice sociale, lanecessite d'augmenter le pouvoird'achat et de reformer profondementle systeme politique. Rien sur l'Islam,le mariage pour tous etc., et quand lesGilets jaunes parlent de limiter lenombre de fonctionnaires (qui, commevous le savez, coutent cher, travaillentpeu, font greve, sont malades tout letemps...), ils visent les hauts fonction-naires.

Les Gilets jaunes ont le sentimentque leur situation sociale est de plusen plus precaire. Est-ce justifie ? Ilsemble que ce soit le cas. Les etudessoulignent une baisse du revenu dis-ponible pour les classes moyennes in-ferieures et la fragilisation de lasituation de nombreux retraites. Ellesnotent que la rente est moins taxeeque le travail, ce qui est quand memestupefiant de la part d’un gouverne-ment qui met en avant la valeur tra-vail....

Certains considerent que notre so-ciete est gangrenee par l’individua-lisme, le chacun pour soi. Or, lemouvement des Gilets jaunes nousmontre que rien n’est redhibitoire. Lespersonnes impliquees dans cette luttesoulignent la joie d’etre ensemble, departager des moments conviviaux. Cemouvement a permis abeaucoup derompre l’isolement qu’ils subissaient,arefaire societe, apartager des colereset des idees au-deladu cercle amicaltraditionnel.

Ce mouvement a remis au centredu debat la question sociale alorsqu'on nous harcele avec les questionsidentitaires. Les ronds-points sont de-venus des lieux de politisation commele sont les universites occupees par lesetudiants, les lieux de travail occupes

par les travailleurs, les rues et lesplaces lors des rassemblements.

Les gens n'adherent plus ala doxaneoliberale. Ils ont compris que tra-vailler ne garantit pas contre la preca-rite, que la guerre de tous contre tousfait trop de victimes. Comment etreoptimiste dans un univers faconneparle chomage de masse, le creusementdes inegalites et la generalisation de laprecarite ? Comment etre optimistepour soi et ses enfants ?

Certains regardent les Gilets jaunescomme ils regardaient jadis ceux quivoterent contre le traitede Maastricht.Il faut se souvenir du mepris dont ilsfirent l’objet. Les opposants etaient desbeaufs, des reactionnaires, certaine-ment racistes, des nationalistes al’es-prit etroit, pas tres eduques, pas trescultives, incapables de se mettre dansle sens de l’Histoire ; et les grandsmedias ont joueun role fondamentaldans le discrédit des sentiments popu-laires.

Avec le suffrage universel, tous lescitoyens quel que soit leur sexe, leurtravail ou leur niveau d'education de-venaient egaux devant l’urne. Maiscela ne veut pas dire que cette egalite

soit acceptee par tous : nous nesommes pas egaux dans l’arene poli-tique, et les classes populaires ne sontpas jugees legitimes as’exprimer aumeme titre que les autres. Le peuplegrogne, son vote est protestataire, ilagit d’instinct... Meprisesocialement,ce peuple est egalement depuis troplongtemps stigmatisepolitiquement, ycompris par les classes moyennes in-tellectuelles.

Beaucoup de salaries, et donc de Gi-lets jaunes, ne savent rien de l’histoiredu syndicalisme, de sa fragmentationorganisationnelle, des raisons qui ren-dent si difficiles la realisation de sonunite; en ce sens, ils ne se distinguentpas de la plupart de leurs concitoyens.Ils voient le monde syndical comme ilsvoient le monde des partis politiques :des arrivistes qui se chamaillent pourle pouvoir et qui se fichent de leursvies de galere. Sans le savoir, ils suiventd’une certaine facon les analyses po-sees jadis par un vieux sociologue alle-mand, Robert Michels, qui avant 1914parlait de la loi d’airain de l’oligarchiepour pointer du doigt la bureaucratisa-tion du mouvement ouvrier allemand.

Beaucoup de Gilets jaunes ont une vi-sion caricaturale du syndicalisme quiest alimentee par certains faits qui ontdefrayela chronique (anciens respon-sables syndicaux recases par l’Etat,querelles de succession, financementpar fonds publics, gestion de la forma-tion) et par les discours portes jadis parun Francois de Closets sur la soi-disanttoute puissance des syndicats ; ce quiest une vieille antienne du liberalisme,prealable a la remise en question dudroit syndical.

Dans la mise adistance des syndi-cats, il y a la nette volontede ne pas sefaire voler son expression publique, lerefus de se mettre sous la tutelle d’uneorganisation. Ils ne veulent plus d’in-termediaires entre leur colere et legouvernement. Ils ne veulent pas etrerecuperes par des professionnels de laquestion politique et sociale en qui ilsn’accordent plus aucune confiance, ilsne veulent plus que certains negocientdans leur dos et les trahissent. Ils neveulent pas que les syndicats, prenantle train en marche, s’installent dans lacabine de pilotage.

Mais heureusement beaucoup refu-sent de se soumettre. Lorsque l'on faitgreve, on ne defend pas seulement sonbifteck, on cree et on s'approprie un es-pace collectif de parole. Lorsqu’ons’engage, on devient acteur de sa vie etnon une victime. On grandit, on murit,on apprend a se connaitre et a

connaitre celles et ceux que l'on cotoie.Et il faut etre fort et convaincu pour

resister aux discours stigmatisant lesfaux chomeurs, les faux malades, quinous obligeraient arationaliser l’em-ploi des depenses sociales. LesFrancais opposent encore une resis-tance tres forte aune remise en causeradicale de notre protection sociale. Ilsont conscience que la degradation desservices publics est un choix politiquedes decideurs pour faciliter le transfertau privedes activites les plus lucra-tives (hopitaux, transports...).

La question qui me semble incon-tournable aujourd’hui est la suivante :combien de temps parviendrons-nousane pas courber totalement l’echine ?

Extraits du texte de PatsyIntervention, mardi 5 fevrier 2019

Dossier Gilets Jaunes

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Dossier Gilets Jaunes

courant alternatif - n° 288 - mars 201910

Première Assembléedes Assemblées à Commercy

A Commercy, les 26 et 27 janvier 2019 a eu lieu une première Assemblée des Assemblées en présence

d'environ 400/500 personnes. Ce texte est un copié /collé du CR d'une délégation présente à Commercy.

Soixante quinze groupes locaux deGilets Jaunes étaient représentés pardes mandaté.e.s, un homme et unefemme par groupe normalement, soit150mandaté.e.s. La première journée oùseul.es les personnes mandatées pou-vaient s'exprimer est consacrée à la pré-sentation des groupes et à l'étude desréponses au questionnaire envoyé aupréalable concernant d'une part les re-vendications, d'autre part les proposi-tions stratégiques. Le lendemain se sonttenus des petits groupes thématiques,ouverts à tout le monde. Les médias au-diovisuels n'étaient autorisés que jus-qu'à 15h le premier jour sachant quel'ensemble des rencontres était filmé etdiffusé par les GJ de Commercy en directsur internet.

Présentation des groupes présents

Les groupes de province sont en gé-néral nés le 17 novembre. Ils ont d'abordoccupé des rond-points et des barrièresde péage et mené des actions assezdures de blocage économique. Vers lami-décembre, la plupart ont été expul-sés, ont vu leurs cabanes détruites, etc.; après en général quelques tentatives(parfois fructueuses) de réinstallation,c'est le moment où la plupart desgroupes se sont mis à se structurer enassemblées. C'est aussi le moment oùsont nés les groupes parisiens. Cesgroupes tiennent des points fixes dansles quartiers populaires historiques (Bel-leville, Montreuil, Pantin...) et mènentdes actions de blocage, par exemple àRungis ; ils soutiennent aussi les conflitsdu travail locaux (comme à Géodis). Cesgroupes d'Île-de-France insistent sur lesquestions des violences policières et dulogement. Ailleurs en France, des as-semblées se mettent progressivementen place, parfois à la suite du premierappel de Commercy (fin novembre), demanière plus ou moins «horizontale»selon les groupes. Le groupe de Saint-Nazaire tient une AG quotidienne dansla Maison du Peuple où vivent 20 per-sonnes ; ils bloquent régulièrement laraffinerie et/ou le port.A Strasbourg de-puis le 1er décembre c'est une assem-blée hebdomadaire de 200 à 400personnes qui a lieu sur la place de laRépublique. Nantes, les gilets nantaisont une AG hebdomadaire et une autreconsacrée aux actions pour lesquelles

ils se sont associés aux syndicats. Lesgroupes de l'Est sont assez variés maisse regroupent chaque samedi en une«marée jaune» qui déferle sur une ville«surprise» différente à chaque fois. Desfemmes ont créé les «Amajaunes» et or-ganisent des manifs le dimanche. Anoter qu'on retrouvera cette idée degroupes de femmes et manifs à Bou-logne/mer, àToulouse, Paris, etc.A Com-mercy sont aussi présents des groupesinter professionnels : GJ-chômeurs-intermittents, GJ-enseignants.

Dans sa présentation, le groupe deCommercy qui tient des AG depuis le 17novembre, d'abord quotidiennes puis àprésent quatre par semaine, nous ex-plique que l'horizontalité serait néed'une panne de micro qui les auraitcontraints à se mettre en cercle et à êtreplus attentifs à la circulation de la pa-role.

Revendications

1 600 revendications ont été recen-sées, regroupées en 173 points. Le débatinterroge le concept de revendications,fait valoir que c'est avant tout ce contrequoi on est qui nous rassemble mais ilest acté qu'on ne doit pas se séparersans dire quelque chose. Il est décidé deproduire un appel, un petit groupe seforme pour rédiger cet appel qui re-prendra les grands thèmes des revendi-cations.

Sachant que la principale revendica-tion concerne la question des inégalités,de la pauvreté et du pouvoir d’achat, etune demande de redistribution de la ri-chesse.

Propositions d'actions

Les synthèses des réponses reçues àCommercy sont distribuées à tout lemonde. Des tendances ont été dégagées,sur les six axes proposés : actions (sur-tout la grève générale, les blocages, lesoccupations) ; organisation locale (as-semblées, occupations, fédérations) ; so-lidarité et autonomie (cagnottes,équipes médicales, juridiques, amnis-tie...) ; pertinence de présenter des listesaux élections (« non » largement majo-ritaire) ; rapport au « Grand débat » (boy-cott quasi-unanime, appels à perturber)

et élargissement du mouvement («convergence des luttes », coordination,grève générale...).

L'organisation démocratique

La fatigue est grande mais les dis-cussions se poursuivent ; assez peu demonde a quitté la salle malgré le faitque l'assemblée dure depuis près deneuf heures, dans une discipline assezimpressionnante. Les groupes locauxayant fait remonter la nécessité quasi-unanime de s'organiser à la base par desassemblées générales égalitaires et ho-rizontales, il est proposé que la synthèsesoit simplement annexée au compte-rendu.

Les délégués prennent la parole pourinsister sur les points auxquels ils sontle plus attachés : bloquer la justice(Ariège, Belleville), grève générale (Nan-terre, Poitiers, Strasbourg...), mais aussiboycotter les banques, planter desarbres, exiger l'annulation du granddébat...

On évoque alors la suite : les man-datés de Saint-Nazaire font valoir qu'ilssont mandatés pour proposer une As-semblée des Assemblées dans deuxmois à Saint-Nazaire. Cette propositionest adoptée.

Le lendemain

Sept groupes se mettent en place de10h30 à 12h30 environ sur les thèmessuivants: Revendications et programme; Actions et rapport de force ; Organisa-tion locale ; Solidarités, médias, justiceet autonomie ; Elections ; Démocratie àtoutes échelles ; Extension du mouve-ment.

Le groupe rédacteur de l'appel en litun premier jet, ovationné d'abord. Puisc'est l'avalanche des propositionsd'amendements (désolidarisationd'avec les fachos, amnistie, etc.). Legroupe se réunit à nouveau pour tenircompte des amendements les plusconsensuels. (1)La prochaine Assemblée des As-semblées se tiendra à Saint Na-zaire les 5,6,7 avril 2019. Pours’inscrire: [email protected]

1) Adresse pour envoir plus:(https://www.you-tube.com/watch?v=gJI5_us3RJI)

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Il est difficile d'évaluer avec préci-sion les formes que prend la solidaritéau sein du mouvement des giletsjaunes, que ce soit contre les violencespolicières ou l'arbitraire judiciaire. Eneffet, ces manifestations de solidarités'expriment surtout lieu par lieu, dansun environnement de proximité où lesgens se connaissent, selon des moyenstrès variés et sans forcément unegrande visibilité.

Des formes très variées

Ce peut être par le biais de caissesde solidarité, de collectes financièresaux ronds-points ou aux blocages desautoroutes ou à l'occasion des mani-festations du samedi, par des stands

sur les marchés, par la fabrication et lavente d'objets, par l'organisation deconcerts et de fêtes, par le soutien po-litico-juridique de commissions anti-répression (comme à Caen) et/ou decollectifs d'avocat.es, par des rassem-blements devant les commissariats oules gendarmeries lors des interpella-tions, voire devant les prisons (1), oupar la présence aidante lors des procès.

Lors d'une émission "actualité desluttes" du 22 janvier, l'avocat RaphaëlKempf déclarait : "Des petits collectifsexistent pour défendre des manifes-tant.es interpellés, des legal teams quiproposent des numéros de téléphone,des avocat.es dédiés capables de dé-fendre les interpellé.es dans de moinsmauvaises conditions. Ces collectifs

ont été créés par des activistesmêmes ; ils viennent de la base : c'estde l'auto-organisation des manifes-tant.es qui s'approprient le savoir juri-dique et qui discutent avec lesavocat.es ; en effet, il est important quel'avocat.e ne soit pas dans la positiondominante du sachant ; c'est aux ma-nifestant.es de décider de la nature duprocès qu'ils vont subir."

Voici ci-dessous quelques ré-flexions sur la façon dont la solidarités'est exprimée, ou non, au sein dumouvement des gilets jaunes au PaysBasque. Il ne s'agit que d'un exemplelocal, qui n'a pas valeur de généraliténi d'analyse close et définitive....

Dossier Gilets Jaunes

11courant alternatif - n° 288 - mars 2019

Solidarité avec les victimesdes violences policières

A Bayonne (les 15 et 22 décembre- cfphoto), et à Biarritz (30 décembre) ont eulieu des manifestations de solidarité enfaveur de deux jeunes basques griève-ment blessés - qui ont tous deux portéplainte à l'Inspection générale de la po-lice nationale (IGPN)- , avec pour bande-roles et slogans : "Plus jamais ça ! ""Stop aux violences policières", "on veutvivre, pas survivre".

L'un des jeunes, Antoine, au coursd'unemanifestation à Bordeaux le 8 dé-cembre, a eu la main arrachée par unegrenade GLI-F4 contenant duTNT, qui aexplosé au moment où il cherchait à laramasser, croyant qu'il s'agissait d'unegrenade lacrymogène.

Quant à Lola, jeune étudiante àl’école supérieure d’art du Pays basque,elle a été blessée à la mâchoire par untir de flash-ball (LBD) alors que s'ache-vait une manifestation contre la venuede Le Drian à Biarritz, le 18 décembre,pour préparer le G7 d'août en présencede 150 diplomates. Des centaines de gi-lets jaunes, militants abertzale et alter-mondialistes attendaient le ministrepacifiquement,mais les forces de l'ordreont répliqué à coups de gaz lacrymo-gène et de flashball.

Solidarité entre victimesde violences policières

Les deux jeunes basques, Lola et An-toine, très sérieusement blessés par despoliciers (cf. ci-dessus) ont porté plainteet exigent l'interdiction de ces armes,grenades et LBD. Ils ont prévu de se ras-sembler avec d'autres personnes bles-sées, de discuter de la suite à donner àleur action pour avoir plus de poids, etaussi pour trouver ensemble du courageet des perspectives. "Si nous restonschacun de notre côté, ils peuvent nous

dire que c'est anecdotique ou que c'estun accident, mais si nous sommes suf-fisamment nombreux, - et malheureu-sement nombreux sont les blessé.es -,suffisamment unis, ils ne pourront pasnier qu'effectivement il y a un problèmede fond dans la gestion de la sécuritédans les manifestations. D'ailleurs, cesarmes ne sont que des outils d'une po-litique clairement répressive même s'ilsemploient le mot "sécurité".

...mais malheureusement pas(encore) avec ceux.celles qui tom-bent entre les mains de la justice.

La solidarité des gilets jaunes auPays Basque ne semble vouloir s'expri-mer que lorsque certain.es des leurssont victimes des violences policières. Etelle s'arrête aux portes du tribunalquand desmanifestant.es y sont traînéspour prétendue violence à l'encontredes policiers.

Cinq manifestant.es (*), accusé.es

d'avoir fait, lors de la manifestation noc-turne des gilets jaunes du 2 février,quelques dégradations sur les locaux ducommissariat de Bayonne (tags, jets decailloux, détérioration d'interphone etd'une caméra de surveillance), ont étéinterpellé.es, gardé.es à vue 48h, mis.esen détention en attente de leur compa-rution devant la "justice" puis déféré.esdevant le tribunal correctionnel deBayonne le 5 février. Ils.elle sont ac-cusé.es de "dégradation de biens publicsen réunion". Alors que ce même 5 fé-vrier, les gilets jaunes menaient des ac-tions dans la ville avec la CGT, aucunappel à la solidarité n'a été lancé poursoutenir les inculpé.es au moment deleur comparution devant la justice. Pasde gilets jaunes devant le tribunal nidans dans la salle. En revanche, étaientprésent.es quelques militant.es abert-zale et libertaires chez qui est fortementancré le gène de l'anti-répression. Parmiles inculpé.es, il y avait une jeune mili-tante italienne ; elle a pu bénéficier du

Solidarités contre la répression.

Au Pays Basque, une solidarité à géométrie variable

1-Le 19 janvier, àDijon, une cin-quantaine de GJont pénétré dansl'enceinte de laprison pour de-

mander la libéra-tion de leurs

camarades, avantde repartir d'eux-

mêmes.

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soutien de ses camarades résidant dans lavallée de la Roya et venu.es avec elle auPays Basque pour échanger sur les pra-tiques de solidarité avec les migrant.es. Elleseule a refusé la comparution immédiate etfait la demande d'un placement souscontrôle judiciaire en attente de son procès.Demande qui ne lui a pas été accordée ; elleest repartie, menottée, pour la prison, for-tement ovationnée par ses camarades. Sonprocès aura lieu le 26 février.

Parmi les quatre autres interpellés, unmineur a subi 48 heures de garde à vue trèséprouvantes et a été confronté au juge desenfants ; il devra s'acquitter d'une répara-tion pénale. Et les trois autres jeunes giletsjaunes, qui ont accepté la comparution im-médiate, ont dû subir les remarques humi-liantes et moralisatrices de la juge et de laprocureure.

Ces personnes, toutes prolétaires, n’ontjamais eu affaire à la justice et ignorenttout ou presque de son fonctionnement.Chacun a essayé de faire profil bas, s’est ex-cusé, a regretté… ce qui n'a évidemmentpas suffi pour se défendre.

Les magistrates s'en sont donné à coeurjoie pour bien souligner le fossé qui sépareles "bons" gilets jaunes, pacifiques et res-pectueux des autorités, et les "méchants"gilets jaunes, transformés en "casseurs",auteurs de "grandes violences" contre l'ins-titution intouchable que représente uncommissariat.

Les trois prévenus ont été déclarés cou-pables. Le plus âgé (43 ans) a écopé de 8mois de prison dont 4 avec sursis, parceque considéré comme "meneur" ; le Ger-sois, âgé de 20 ans, a été condamné à 6mois dont 4 avec sursis (il a reconnu le jetd'un caillou...) et le Bayonnais, âgé de 22ans, à 6 mois avec sursis (pour avoir tagué"GJ" sur un mur du commissariat). De plus,ils devront indemniser un policier et lecommissariat (qui s'étaient constitués par-tie civile) à hauteur de 5000 euros et ont in-terdiction de se rendre dans lesPyrénées-Atlantiques, pour deux d'entreeux qui n'y vivent pas.

Encore un procès où on voit vraiment lefonctionnement abject de la justice declasse et comment celle-ci est au service dela police…

Ce qui apparaît grave aussi, c'est quedonnait raison aux magistrates l'absencedes gilets jaunes à ce procès expéditif,eux.elles qui, le 2 février, avaient appelé àmanifester contre "les violences policières"et à se retrouver partout en France devantles commissariats. En nemarquant aucunesolidarité avec les inculpé.es, quoi qu'onpuisse penser de la pertinence des actionsde ces derniers, est entretenue l'idée que la"justice" a raison de différencier "le bongrain" de l'"ivraie"..

Pays Basque, le 6 février

Dossier Gilets Jaunes

courant alternatif - n° 288 - mars 201912

Le CLAJ (collectif lillois d'autodé-fense juridique) prend forme en 2016,lors du mouvement contre la loi Tra-vail. Il s’organise sur l’idée que lesquestions de répression doivent êtrepleinement envisagées dans les luttes,par celles et ceux qui luttent. Grâce àl'engagement d'une avocate lilloisequi, depuis de nombreuses années,défendait déjà des militants (1) etaussi par l'existence du CRIME (col-lectif contre la répression des indivi-dus et des mouvementsd'émancipation) qui travaillait depuisle mouvement des retraites en 2010sur l'antirépression et aussi sur lesviolences et crimes policiers, le CLAJs’est rapidement constitué de ma-nière efficace.

Le collectif peut aujourd’huicompter sur un pool de 6 avocat-esqui adhèrent à la démarche du CLAJ.Ce nombre leur permet de se répartirle travail et notamment d'être tou-jours en mesure d’assister les mani-festant-es en garde à vue,auditionné-es ou convoqué-es devantle tribunal. Ces avocat-es participentaussi ponctuellement aux séancesd’infos et de formation antirépressionproposées par le CLAJ. Dans ces for-mations sont rappelés les conseils encas d’arrestation, de garde à vue, de

procès, de blessures, etc., mais aussiles principes de l'autodéfense juri-dique : ne pas alimenter la distinctionentre prétendus bons et mauvais ma-nifestants, ne pas se désolidariser dumouvement, se donner collective-ment les moyens de défendre tous lesinculpés.

Durant toutes les périodes deluttes sociales, depuis trois ans le CLAJassure une permanence téléphoniquepour recueillir les témoignages d'ar-restations et de violences policières aumoment des manifs, mais aussi endehors de ces moments pour accom-pagner les personnes qui doivent pas-ser en procès, les aider à trouver un-eavocat-e, les aider à assumer les fraisliés au procès. Ce numéro ne sert pasquand on est en garde à vue (dans cecas-là, on ne peut donner qu’un nomd’avocat-e). Quand on est isolé-e aucommissariat, on ne peut pas com-muniquer avec ses proches. C’estpourquoi le CLAJ encourage à prépa-rer des garanties de représentation(des fiches de paie, un bail, des di-plômes, un livret de famille, etc.) quipuissent être facilement récupérablesau cas où on passe en comparutionimmédiate, pour éviter la détentionprovisoire. Des rassemblements sontorganisés devant le tribunal, toujours

Anti-répression à Lille :une legal team

permanente et efficace

L'ONU dénoncela restriction des

libertés enFrance et la loianti casseurs !

L'info a fait un peu letour de la presse bour-geoise. L'initiative estvenue de plusieurs avo-cat.es militant.es dontcelle de Lille qui sontallé.es en Suisse pourrencontrer des expertsonusiens spécialisésdans les droits del'Homme et leur re-mettre un rapport surce qui se passe en cemoment avec le mouve-ment des GJ. Ainsi lesexperts indépendantsdéclarent (3): « Depuisle début du mouvementde contestation (…),plus de 1.700 per-sonnes auraient étéblessées à la suite desmanifestations danstout le pays (…). Lesrestrictions imposées

aux droits ont égale-ment entraîné unnombre élevé d'interpel-lations et de gardes àvue, des fouilles etconfiscations de maté-riel de manifestants,ainsi que des blessuresgraves causées par unusage disproportionnéd’armes dites ‘non-lé-tales’, telles que les gre-nades et les lanceurs deballes de défense ou fla-shballs ». Et au sujet dela loi anti-casseurs :« La proposition d’inter-diction administrativede manifester, l'établis-sement de mesures decontrôle supplémen-taire et l’imposition delourdes sanctionsconstituent de sévèresrestrictions à la libertéde manifester. Ces dis-positions pourraientêtre appliquées de ma-nière arbitraire etconduire à des dérivesextrêmement graves ».

Ces déclarationsn'empêcheront sûre-ment pas la répressionpolicière et judiciaire encours mais ça permetaux avocats d'avoir unargument supplémen-taire et de taille pour dé-fendre des prévenus.Reste que l’État resteinflexible avec son arse-nal d'armes et de loisqui éborgnent de plusen plus nos mouve-ments sociaux. Il fautbien évidemment lecombattre mais aussis'organiser pour résis-ter à ce rouleau com-presseur qui vise àindividualiser les gens.L'anti répression resteun défi pour le mouve-ment des gilets jaunes ;à Lille, des passerellesavec le monde militantplus averti sur ces ques-tions permet un vrai tra-vail et osons l'espérerpermet un certaincontre-pouvoir.

1 – Dernière-ment, elle avaitdéfendu plu-sieurs personnesqui s'étaient re-trouvées assi-gnées àrésidence àcause de l'étatd'urgence

2 – Et l'outragedes agents vis àvis des manifes-tant-es, on n'enparle jamais.Mais les témoi-gnages se multi-plient, d'insultessouvent sexistesdes flics qui« abusent » deleur pouvoir.

3 – Voir le sitedes Nations-unies pourconsulter le dos-sier complet.

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en accord avec les inculpé-es, et unecaisse de solidarité est alimentée pardes concerts de soutien, des collectes,des dons.

Au sujet de la répressiondes Gilets jaunes

Les chiffres officiels donnés par lepremier ministre (et donc à vérifier)sont déjà hallucinants ! Près de 1800condamnations (en date du 12 février)et environ 1 500 personnes sont en at-tente de jugement. Plus de 1 300 com-parutions immédiates ont étéorganisées et 316 personnes ont été pla-cées sous mandat de dépôt autrementdit la prison. Les peines de ferme pleu-vent pour insultes ou jets de projectilesenvers les flics, la justice de classe est àl’œuvre.

Dans le Nord et le Pas-de-Calais, de-puis le début du mouvement des GJ, oncompte une petite centaine de per-sonnes poursuivies. Une quarantained’audiences ont eu lieu, en comparu-tion immédiate pour la plupart. Lespeines prononcées vont de 100 eurosd’amende à 15 mois de prison, peinesassorties de sursis ou non. S’y ajoutentparfois des indemnités aux flics de 200à 700 euros, des travaux d’intérêt géné-ral, etc. Des procès sont encore à venircar, d'ici le mois de mai, une quinzainesont planifiés. Les deux endroits où il ya le plus de procès prévus sont à Bou-logne-sur-Mer et à Valenciennes alorsqu'à Lille, qui est pourtant la ville où seconcentrent les gens pour les manifes-

tations du samedi, il y a « seulement » 6procès. Ce constat renvoie aussi à la na-ture même du mouvement des GJ quis'exprime le plus souvent en périphériedes grandes métropoles avec les blo-cages par exemple. La répression estaussi patronale car deux salariésd'Amazon près de Douai ont été licen-ciés pour avoir soutenu les gilets jauneset appelé à bloquer leur entreprise.Cette dernière a fait valoir « le devoir defidélité » de ses salariés pour les éjecter,les syndicats sont sur le coup pour ré-intégrer les deux personnes.

Concernant les poursuites, ellestournent beaucoup autour des thèmesclassiques pour briser les mouvementssociaux : la rébellion et l’outrage àagent sont les accusations favorites desflics car souvent invérifiables ; c'est lebon moyen de poursuivre arbitraire-ment une personne (2); les dégradationset violences qui commencent avec unfeu de palette sur les ronds points ; en-trave à la circulation qui peut vous tom-ber dessus si vous traversez à piedl'autoroute qui est pourtant bloquée pardes camarades ; enfin la participation àun attroupement dans le cadre d'unemanifestation non déclarée quand onne déguerpit pas assez rapidementaprès des sommations qu'au passage,on n'entend jamais …. Bref l'éventail ré-pressif est vaste.

Finalement, la garde à vue est deve-nue en soi un outil répressif car elle per-met sans trop de justifications de lapart des flics de priver une personne de

sa liberté pendant plusieurs heures etsans passer par la case justice. De nom-breuses GAV se terminent sans suitesou avec un rappel à la loi. Comme parexemple à Lille, le samedi 13 janvier, sur16 manifestants qui ont été placés engarde à vue, 14 sont sortis le dimanchesans poursuites. Idem à Calais le 8 dé-cembre, 18 personnes ont été interpel-lées de façon « préventive », 11relâchées sans rien. Face à ces abus,quelques manifestant-es ont déposéplainte et le CLAJ leur vient en aide pourles démarches. Des dépôts de plainteont aussi eu lieu pour des violences po-licières. Dernièrement, lors de la grèvedu 5 février, un jeune s'est fait tabasserpar des agents de la BAC ( brigade anti-criminalité). Il recherche des témoi-gnages pour étoffer sa plainte. Celarenvoie aussi aux centaines de plaintesdéposées à l'IGPN (autrement appelé lapolice des polices) pour les blessuresaux LBD, coups de matraques, insultessur manifestant-es, etc. On verra bienoù cela aboutit mais on y met peu d'es-poir quand on voit comment l'institu-tion couvre les agissements de sesfonctionnaires, il suffit d'écouter les dé-clarations du ministre de l'IntérieurCastaner qui sous-évalue sciemment lenombre de blessés.

Écrit à Lille en collaboration avec le CLAJ,19 février 2019

Dossier Gilets Jaunes

13courant alternatif - n° 288 - mars 2019

À Lille, le 5février desCRS char-gent desgamins

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Extrême droite à Caen :Que s’est-il passépendant l’acte 13 ?

Lors de la manif du 9 février à Caen,des militants d’ultra-droite ont frappé àplusieurs reprises un étudiant giletjaune aux opinions visiblement trop « àgauche » à leur goût. Le gars s’est dé-fendu comme il a pu avant que d’autresgilets jaunes ne s’interposent pour leprotéger.

Les responsables de cette agressionfaisaient partie d’une bande d’environ20 fachos liés à des groupusculescomme le Parti De la France, GénérationIdentitaire, Dissidence Française etDeus Vult. Ce n’est pas la première foisque, de temps en temps, des militant-e-s d’extrême droite viennent à desma-nifs caennaises de gilets jaunes pourprovoquer, photographier des giletsjaunes opposé-e-s à leurs idées hai-neuses, tenter de faire parler d’eux surle dos du mouvement. Ce jour-là, ils etelles étaient un peu plus nombreux-sesque les autres fois car ils avaient faitvenir quelques renforts de la région (deRouen et du Havre probablement) pourjouer les « gros bras ». C’est le Parti De laFrance local qui semblait diriger cegroupe.

Au-delà de cette agression physique,les fachos n’ont pas cessé de se placerau premier rang de la manifestation desgilets jaunes, donnant des consignes,des directives, gesticulant et criant desslogans aux relents nationalistes afinde se faire voir et d’apparaître commeles meneurs de la manif. Un belexemple de manœuvre de récupérationbassement politicienne !

Beaucoup de gilets jaunes ne se sont

rendus compte de rien car ils neconnaissent pas les têtes de ces fachos.Mais France 3 ne s’y est pas trompé et asouligné leur présence à la tête de lamanif dès le départ de celle-ci. Dès lelendemain, le Parti De la France repre-nait ce morceau de reportage à la têtede la manif pour faire son auto-promo-tion sur les réseaux sociaux…

Soyons clairs : quand on dit que cesont des fachos, on n’est pas en train dedire qu’ils votent Marine Le Pen. Onparle de militant-e-s qui sont dans desgroupuscules violemment anti-immi-gré-e-s, qui prônent la haine raciale etun régime dictatorial, ouvertement an-tisémites, homophobes, souvent catho-liques intégristes, nostalgiques dePétain, de Mussolini, quand c’est pascarrément d’Hitler… Du lourd !

Et évidemment leur présence entête de manif est tout sauf positif, pourl’image des gilets jaunes ! Rien de telpour dissuader plein de gens de re-joindre le mouvement. Rien de tel pouralimenter le mensonge macronien etmédiatique selon lequel les giletsjaunes seraient un mouvement « de ra-cistes, d’antisémites et d’homo-phobes », alors que les gilets jauness’adressent à tout le monde avec leursrevendications sociales et démocra-tiques. Mais de tout ça, les fachos s’enfoutent bien. Ils viennent juste un coupde temps en temps en manif pour faireleur petite pub et tenter d’apeurer lesgens hostiles à leurs idées merdeuses.

Face à cela, le mouvement des giletsjaunes doit prendre ses responsabilitéset contrôler désormais lui-même lestêtes de manif afin d’éviter que qui-conque fasse de la récupération politi-cienne. Et en réponse à l’agression par

les fachos d’un jeune gilet jaune, désor-mais les gilets jaunes antiracistes se re-grouperont systématiquement enmanif pour bien faire comprendre auxfachos qu’ils ne feront pas régner lapeur dans les manifs, qu’ils ne sont pasles bienvenu-e-s et que nous sommes,dans toute notre diversité, bien plusnombreux-ses qu’eux.

Gilets jaunes :fâché-e-smais pas fachos !

Et à Lyon ?

Une vidéo montrant une grosse ba-garre entre deux groupes de giletsjaunes à Lyon lors de l’acte 13 a beau-coup circulé sur les réseaux sociaux. En-core une énième bagarre entre bandesde fachos et d’« antifas » ? Ou bien c’estun peu plus compliqué que ça ?

Il faut savoir que Lyon est une villeoù l’ultra-droite violente est bien im-plantée. Les violences des fachos sesont multipliées ces dernières annéescontre leurs cibles traditionnelles : lesgens de couleur, les gens de gauche oud’extrême gauche, les syndicalistes, lesantiracistes, les homosexuel-le-s, lesgrévistes. Il y a eu pas mal de blessé-e-s. Les fachos, alliés à des hooligans defoot nationalistes, sont capables deconstituer facilement des groupes vio-lents de 40 à 50 personnes. Pour les« grandes occasions », ils peuventmême être 60 à 80. Beaucoup d’entreeux pratiquent des sports de combat etont une véritable fascination pour laviolence de rue.

Depuis le début du mouvement desgilets jaunes à Lyon, ils ont participé àpresque toutes les manifs du samedi età chaque fois, ils y ont agressé des per-

Dossier Gilets Jaunes

courant alternatif - n° 288 - mars 201914

Les deux textes ci-dessous sont tirés du n°15 du 16-02-2019 du bulletin « Convergences » : unefeuille d'info a-périodique de Caen.Le premier est une « adresse » aux gilets jaunes de Caen. Le second, centré sur Lyon. Leurpoint commun, les violentes attaques de l'extrême droite contre le « pôle social » qui se ma-nifeste dans ce mouvement et les formes collectives d'auto-défense que celui-ci se donne.

OCL Caen .

Face aux attaquesauto-défense collective

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Dossier Gilets Jaunes

15courant alternatif - n° 288 - mars 2019

Premier poncif:la France est l'un des

pays les plus égalitairesdu monde

On s'appuie généralement sur lecoefficient de Gini, je vous passe les dé-tails techniques (qui ne sont pourtantpas sans intérêt). Plus il est proche de 1,plus les inégalités sont fortes, plus il estproche de 0, plus on se rapproche del'égalité. En 2015, on était 37ème sur 154pays, et si nous nous comparons à l'Eu-rope, derrière la Finlande, la Norvège, laBelgique, le Danemark, les Pays Bas, laSuède, Malte, l'Autriche et l'Allemagne.Il n'y a pas de quoi pavoiser...

Les inégalités seraient en baisse enFrance. Euh... de 2011 à 2016, oui. Saufqu'elles ont augmenté de 1999 à 2010,alors que jusque là on observait sur desdécennies une réduction lente maiscontinue des inégalités. Et même aprèscette baisse, on reste au dessus du ni-

veau des années 90.

En fait, du point de vue des revenus,on est pour un pays développé moyen-nement égalitaires ou inégalitaires,comme on veut, il n'y a pas de cocoricoà pousser. Ce qui fait de nous un paysplutôt plus égalitaire que la moyenne, cene sont pas les écarts de revenus, c'estl'importance de nos services publics,notamment l'accès généralisé aux soins,et l'accès à peu de frais y compris àl'éducation supérieure. C'est justementce à quoi Macron est en train de mettrebon ordre.

Deuxième poncif:la dette

Déjà, il faudrait arrêter de tout mé-langer. La dette publique, c'est ce quel'état doit en tout. Effectivement, elle aatteint 99% du PIB en 2018, en nette aug-mentation. Mais ça ne signifie pas quel'état doit rembourser 2300 milliardsd'euros en 2019. Une famille qui achèteun logement de 200000 euros avec unapport de 50000 est endettée de 150000

euros, ce qui si elle gagne 36000 eurospar an représente 417% de son revenuannuel, ce qui est bien plus énorme quel'état français. Et pourtant, ce n'est pasla catastrophe, car elle n'a pas 150000euros à rembourser dès la 1ère année.En ce qui concerne l'état français, onpeut penser que ses remboursementsen 2019 devraient être de l'ordre de 230milliards (je n'ai pas trouvé de chiffreplus récent que 2016), ce qui doit êtredans ses capacités. Et bien sûr, il y aaussi les intérêts à payer, 41 milliards en2018. Ces intérêts sont en baisse depuisplusieurs années malgré l'augmenta-tion de la dette. C'est que les marchés fi-nanciers sont tellement convaincus dela capacité de la France à rembourserque les taux d'intérêt proposés ont di-minué. Tous ces chiffres relativisent unpeu les 10 milliards d'euros que coûte-raient ce qui a été lâché aux giletsjaunes et alourdiraient la charge de ladette.

On peut remarquer aussi que ceuxqui nous parlent de la dette oublienttoujours dans les dépenses l'aide auxentreprises, le soutien aux exportations

A l'occasion du grand débat national, plusieursponcifs sont alignés par les medias dominants, as-sénés, comme des vérités incontestables. La modeétant à la dénonciation des fake news, toute opi-nion contraire est qualifiée de fake news. Ces me-dias feraient pourtant mieux de revoir leurs

chiffres. Ici, nous nous appuyons sur un article dujournal Le Point de janvier dernier, qui est unconcentré des poncifs qu'on nous serine au nomde la dénonciation des fake news, bien sûr, et de laconfiance aux experts qui seraient neutres.

Grand débat : le guide des poncifs

sonnes. Ils sont responsables depuis 3 mois deplusieurs dizaines de blessé-es dans les mani-festations de gilets jaunes. Pour tenter de seprotéger face à ces agressions, les gilets jaunesde gauche, d’extrême gauche ou simplementantiracistes ont parfois essayé de se regrouperpour faire nombre. Mais les fachos lyonnaiss’en foutent et ils attaquent à plusieurs di-zaines, souvent avec des matraques, des barresde fer etc. tous les groupes qui n’ont pas l’airde leur bord. Lors des actes 11 et 12, ils ont at-taqué et mis en fuite des groupes plus nom-breux qu’eux mais moins violents, moinsorganisés et moins « équipés » qu’eux.

Alors des tas de gens à Lyon en ont eu vrai-ment marre et se sont rencontrés,malgré leursdifférences, pour protéger leur droit à manifes-ter. À l’acte 13, un cortège de gilets jaunes an-tiracistes, réunissant des gens sansappartenance politique ou syndicale, des gensde gauche, des syndicalistes, des écolos, des fé-ministes, des révolutionnaires, des homo-sexuel-le-s, des jeunes de quartier issus del’immigration etc. a rassemblé plusieurs cen-taines de personnes. Peu après le début de lamanif, un groupe d’une soixantaine de fachos aattaqué ce cortège. Mais cette fois-ci, les gens,excédé-e-s, se sont défendu-e-s avec acharne-

ment et ont mis les fachos en fuite. Ceux-ci sesont regroupés et ont tenté d’attaquer encoreplusieurs fois mais ils ont à chaque fois été re-poussés par la foule. Ils ont fini protégés par lapolice anti-émeute et se sont dispersés.

Voilà le contexte exact de ce qui s’est passéà Lyon.

Des centaines de personnes n’ont plusd’autre choix que de se battre physiquementpour défendre leur liberté de manifester face àla violence systématique et la politique de ter-reur de l’ultra-droite lyonnaise.

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Dossier Gilets Jaunes

courant alternatif - n° 288 - mars 201916

militaires, le gouffre financier que re-présentent les partenariats public-privé... Il paraît qu'il ne faut pas toucherà la compétitivité des entreprises souspeine d'appauvrissement général. Fai-sons semblant de l'admettre. Qu'est-ceque ce système capitaliste qui prétendque l'Etat ne doit pas intervenir, ne doitpas faire de dépenses sociales, maisdans lequel les entreprises ne sauraientsurvivre sans béquilles financières éta-tiques?

Notamment, aucun ne remet encause la mesure qui fâche: le CICE. Desdizaines de milliards offerts aux entre-prises soi-disant pour soutenir la com-pétitivité et l'emploi. On n'arrive pastrop pour le moment à mesurer lescréations d'emplois que ça a permis,mais ce n'est pas très brillant. Et ça faittrès très cher de l'emploi créé.

Enfin, rappelons que c'est le choixde l'Europe que d'interdire aux Etats dese financer autrement que par l'em-prunt sur les marchés financiers, c'est-à-dire en fait de remettre les choix dedépenses à leur appréciation politique.

Troisième poncif:la France s'appauvrità cause des 35 heures

Effectivement, nous ne sommesplus que la 7ème puissance mondiale,et la 3ème puissance européenne... Ilme semble que ça laisse encore un peude marge. Certes, en PIB par habitant,on n'est que 29ème sur 192.

Mais venons en au fait: c'est parceque les français ne travaillent pas assezque le pays s'appauvrit. Tout ça à causedes 35 heures, des congés payés et desjours fériés, et puis on s'arrête de tra-vailler trop jeunes et puis on fait tropd'études et on commence à travaillertrop tard... Commençons par les 35h.Parce que personne ne fait d'heures sup

et personne ne travaille à temps partiel?En temps de travail annuel moyen,

on travaille déjà plus que les Allemandset les Danois qui nous sont pourtant sisouvent cités en exemple (une centained'heures en plus). Ceux qui travaillentle plus sont les Grecs, on peut constatercomme ça les a enrichis... Peut-êtred'ailleurs que le temps de travail élevédes Grecs et des Français a un rapportavec leur taux de chômage? Enfin, en cequi concerne la durée moyenne de vieau travail, les prévisions de l'Union Eu-ropéenne sont de 36 ans, pour 35,2 ansen France...

Quatrième poncif:il faut baisser le SMIC

Le SMIC français serait le plus élevédes pays de l'OCDE. Peut-être. Déjà, il ya beaucoup de pays où il n'y a pas de sa-laire minimum officiel. Cela ne veut pasdire qu'ils démarrent à 0 euro del'heure. Dans beaucoup de pays, les sa-laires minimums ne sont pas fixés parla loi, mais par des conventions debranches. L'existence d'un SMIC est uneprotection, mais globalement le niveaudes salaires dépend du rapport deforces entre salariés et patronat.

Et pourquoi le SMIC serait-il respon-sable du chômage? Parce que un patronn'embauche un salarié que s'il lui rap-porte plus qu'il ne lui coûte. Le postulatde ce genre de poncifs, c'est qu'un sala-rié non qualifié est peu productif. Etdonc qu'un salaire minimum est unobstable à l'embauche. Déjà, il faudraitprouver que le SMIC est au-dessus de laproductivité de ces salariés. Personnene l'a encore fait. Oui, certains emploisdisparaissent quand le salaire monte,tous les emplois de travail à domicilenotamment. Il s'agit surtout d'emploisqui ne rapportent pas de profit, maisdes emplois qui relèvent de la domesti-

cité.

Enfin, depuis des décennies, pourréduire le coût du travail non qualifié,l'Etat multiplie les allègements decharges au voisinage du SMIC, au pointqu'il n'y a quasiment plus de chargespatronales à ce niveau. Avec le résultatmerveilleux au niveau du chômage quenous connaissons.

Si la compétitivité française reposevraiment sur des bas salaires, ça veutdire que la France a pour politique de semettre en concurrence avec les pays dutiers-monde plutôt qu'avec les pays àtechnologie avancée. Si c'est sur les bassalaires qu'on compte et non sur latechnologie, il va falloir nous aligner surles rémunérations asiatiques et afri-caines. Chouette perspective!

Cinquième poncif :les riches sont écrasés

d'impôts

Si on prend en compte toutes lessortes d'impôts y compris la TVA et lescotisations sociales, et pas seulementl'impôt sur les revenus, les 0,1% les plusriches ont le même taux d'impositionque les 10% les plus pauvres. En fait, àpartir des 20% les plus riches, le tauxd'imposition cesse d'augmenter, et ildécroit à partir des 5% les plus riches.La France est un des pays d'Europe oùles riches sont les plus riches, et un despays qui compte le plus de million-naires rapporté au nombre d'habitants.Bien loin donc de l'exil fiscal maintesfois dénoncé par les medias.

Pour appuyer leur argumentation,les medias qui divulguent ce poncifs'appuie sur l'amélioration des revenusaprès redistribution qui contribueraitpour les 2/3 à la réduction des inégali-tés.

C'est tout à fait vrai, ils oublientjuste que ça vient des prestations so-ciales, et que les prestations socialessont financées par les cotisations so-ciales, lesquelles sont proportionnellesau revenu salarié, et pas du tout pro-gressives. C'est en fait une solidaritéentre salariés à laquelle échappent lesrevenus du capital.

Ils s'appuient aussi sur un autreponcif, la «théorie du ruissellement». Engros, si on laisse les riches s'enrichirsans les embêter avec toute idée de so-lidarité nationale, ils vont consommeret investir tout plein, et du coup lesautres vont s'enrichir à leur tour. Saufque cette théorie n'a jamais été démon-trée, par contre, elle est contredite parles statistiques, au point que même leFMI (grand divulgateur autrefois decette théorie) explique maintenant quetrop d'inégalités tue la croissance.

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Dossier Gilets Jaunes

17courant alternatif - n° 288 - mars 2019

Enfin, il y a des polémiques autourdu coût de l'évasion fiscale. Evidem-ment, par définition, on ne la connaîtpas, on ne peut que l'estimer. Donc, for-cément, les estimations du syndicatSud-impôts et celles de Bercy ne vontpas être les mêmes... Bercy a pris unprincipe simple, si je diminue le nombrede fonctionnaires des impôts, je vaistrouver moins de fraude fiscale.

Mais de toutes façons, la frontièreentre fraude fiscale et optimisation fis-cale est très fragile. L'optimisation fis-cale, je respecte formellement la loi,mais me débrouille à l'utiliser pourpayer le moins d'impôts possibles.

Et on peut faire confiance à Macronet ses amis pour donner un maximumde possibilités de ce côté là. C'est pourça que quand le gouvernement tape dupoing, c'est juste pour le spectacle.

On fait des lois qui permettent l'éva-sion fiscale et ensuite on dit que lesfraudeurs seront sanctionnés.

Mais les fraudeurs, ce sont les mal-adroits, les petites mains, ou alors de

temps en temps ceux qui ont tellementl'habitude de l'impunité qu'ils passentde l'optimisation à la fraude sansmêmes'en apercevoir (n'est ce pas CarlosGhosn?).

Sixième poncif:le pouvoir d'achat

progresse

En moyenne, oui. Mais c'est unemoyenne. En fait, le problème, c'est quec'est le pouvoir d'achat des ménagesmodestes (donc pas exactement lesplus pauvres) qui a diminué, pendantque celui des riches augmentait.

Ce poncif s'accompagne de polé-miques autour de l'inflation. Elle esttrès faible pendant que les couches po-pulaires, ces ignares, dénoncent l'aug-mentation du coût de la vie. En fait,l'inflation n'existe pas

Elle est calculée sur la base d'un pa-nier moyen de biens qui comprend labaguette qu'on achète tous les jours et

l'ordinateur qu'on achète le moins sou-vent possible. Le prix d'un ordinateur àperformances égales baisse pendantque celui de la baguette s'envole. Enréalité, l'inflation est différente selon letype de consommation, elle n'est pas lamême pour les ménages modestes etles ménages très riches. C'est le prix desdenrées quotidiennes qui augmente,mais surtout, ce qui a le plus augmenté,c'est les loyers, les assurances, les abon-nements divers. Ce qu'on appelle lesdépenses contraintes car on doit lespayer tous les mois sans pouvoir agirsur leur niveau, ou difficilement.

Comme ces dépenses ont beaucoupaugmenté, il reste moins pour lesachats quotidiens, et la population de-vient plus sensible aux variations deprix de ce type d'achats. A juste titred'ailleurs. Donc, non, l'INSEE ne trafiquepas ses chiffres, mais oui, malgré untaux d'inflation officiel très faible lecoût de la vie augmente pour la majo-rité des gens.

Sylvie

SORTONS DES CADRESFace auxdébats bidonsde laCNDP

des débats auto-organisés partout

La Commission Nationale du Débat Pu-blic (CNDP) organise un débat qui parti-cipera à la validation du Plan Nationalde Gestion des Matières et Déchets Ra-dioactifs (PNGMDR).Ce plan qui prévoit la gestion de l'avalde l'énergie nucléaire induit directe-ment l'amont de la filière : en préten-dant gérer les déchets de cette industrie,il permettra surtout de continuer à enproduire. Ainsi, il aura pour consé-quence la fuite en avant du programmenucléaire français, civil et militaire, pourles 30 prochaines années.De nombreuses organisations anti-nu-cléaires, notamment en Meuse, appel-lent à déserter ces instances et auboycott total.Elles dénoncent une méthode pseudo-démocratique où la participation du pu-blic vient seulement cautionner etvalider des choix déjà faits par l'en-semble de l'industrie nucléaire, appuyéepar les gouvernements successifs, no-tamment le duo Macron/Philippe à latête de la France actuellement (dont lesecond est l'ancien directeur de com-munication d'Areva, ce n'est tout demême pas anodin).D'autres organisations comptent, quantà elles, participer à ce débat, à leur ma-

nière, même si elles n'ont aucune illu-sion sur son poids démocratique maiselles veulent ainsi tenter d'informer lapopulation et inscrire dans le marbred'une consultation publique les ques-tionnements, les analyses des oppo-sant-es au nucléaire et à sa filière dedéchets.Cependant, toutes ensemble, ces asso-ciations appellent à organiser nospropres débats partout en France, horsdes cadres imposés, en dépassant leseul sujet des déchets du nucléaire et enquestionnant plus largement le nu-cléaire et le rapport que nous avons àcette énergie quinous est imposée.Cet appel fait écho à celui lancé le 16juin 2018 lors de la manifestation à Bar-le-Duc.Face à ces constats, nous, une petiteéquipe de militant-es issu-es de la luttecontre le projet d'immense poubelle nu-cléaire à Bure, avons décidé de proposerl’alternative suivante pour nous ré-ap-proprier notre liberté de débattre et denous interroger ensemble tout au longde : L' ATOMIK TOUR 2019 !

Nous avons pensé et organisé cette ca-ravane qui, au cours de 50 étapes de jan-vier à août 2019, à travers toute laFrance, va relayer les initiatives de boy-cott et (re)tisser du lien entre tous lesgroupes qui résistent localement contre

le nucléaire, les GPII – grands projets in-utiles imposés- et leur monde (sans le-quel ils ne pourraient exister).

Nous appelons toutes les organisations,qu'elles participent ou boycottent cedébat officiel, à relayer cet appel à dé-bats auto-organisés, ainsi qu'à souteniret à participer à la caravane. Celle-ci adéjà fait des étapes dans l'Est et le Nord.

Que nous soyons en dehors ou en de-dans du débat public, retrouvons-nouset donnons en chœur toute notre voixcontre le nucléaire !

Sortons des cadres !Débats auto-organisés partout !

L'équipe de l'Atomik Tour

Pour suivre les étapes d'Atomik Tour :http://atomik-tour.org/

Contact : o6 47 42 74 73 / atomik-tourarobase riseup.net

Liste d’info et discussions : inscriptionen envoyant un mail à [email protected]

APPEL À SOUTENIR ET RELAYERL’ATOMIK TOUR 2019

L’ M O U V E M E N T

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La loi « anticasseurs »de 1970 à 1981

La loi « tendant à réprimer certainesformes nouvelles de délinquance », dite« loi anticasseurs », a été promulguée le8 juin 1970 sous le gouvernement deJacques Chaban-Delmas (Georges Pom-pidou étant Président), deux ans seule-ment après Mai 68.

Les organisateurs d’un rassemble-ment interdit ou illicite pouvaient éco-per de 6 mois à 3 ans de prison s’ilsn’avaient pas donné l’ordre de disloca-tion de la manifestation au moment oùdes violences ou des voies de faitétaient commises. C’est ainsi, parexemple, vers les années 79-80, quedans la lutte antinucléaire de Choozdans les Ardennes, le comité de ce vil-lage annonçait toujours la dislocation

de la manif juste avant … le saccaged’un local EDF exposant la maquette duprojet de la future centrale nucléaire oules affrontements avec « les bleus ».Cette loi prévoyait une série de sanc-tions tendant à préserver ou à restaurerl’ordre public, comme les manifs de ruemais aussi l’occupation de locaux ad-ministratifs (préfectures, rectorats, …),les violences contre la police et les sé-questrations de patrons ou de déci-deurs. Elle instituait le principe ducasseur-payeur, elle prévoyait une res-ponsabilité collective civile et pénaledes auteurs de violence, mais aussi desimples manifestants étrangers à cesviolences. Léo Hamon, porte-parole dece gouvernement annonçait à la télévi-sion : « Les participants qui sciemment,après le commencement des désordres,ne se seront pas retirés, seront punis

d’un mois à deux ans de prison ». C’estainsi que cette loi fut appliquée aprèsles incidents du 23 mars 1979 à Paris oùles sidérurgistes de Lorraine s'étaientrendus dans la capitale pour manifes-ter contre les restructurations de leursecteur. Trente-cinq manifestants oupassants furent condamnés à la suitedes violences commises place del'Opéra. Leur procès mit une nouvellefois en lumière la redoutable efficacitéde la loi anticasseurs lorsqu'elle estcouplée avec la procédure des flagrantsdélits. Des procédures expéditives fu-rent aussi engagées contre les manifes-tants antinucléaires de Creys-Malvilleet de Plogoff. On vit même les musi-ciens anglais d'un groupe punk, lesStranglers, condamnés parce qu'un deleurs concerts avait dégénéré à Nice. Les" flags " privèrent les prévenus du bé-

Répression

courant alternatif - n° 288 - mars 201918

Projet de loisur le maintien de l’ordre public

lors des manifestationsCe projet a été voté en première lecture par les députés le 5 février. La loi ne sera définitive que dans quelques mois. Ce pro-jet a déjà fait beaucoup de bruit et a été désigné « loi anticasseurs », célèbre surnom dans « l’après 68 ».

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19courant alternatif - n° 288 - mars 2019

Répression

néfice d'une instruction, donc d'investi-gations comme aujourd’hui la procé-dure de « comparution immédiate » quia la particularité d’impliquer un juge-ment dans les 72 heures maximumaprès la garde à vue.

Cette loi " scélérate " - ainsi fut qua-lifiée la législation anti-anarchistes de1893 – disparaîtra fin 1981. Subsistera lalégislation de 1960 sur les attroupe-ments qui permet d'infliger jusqu'àdouze mois d'emprisonnement ausimple manifestant qui n'aurait pas dé-guerpi à la première sommation poli-cière, ce qui aux yeux des socialistes etdes communistes au pouvoir en 1981 est« bien assez » !...

Le projet de loi « anticasseurs »en 2019

La droite,majoritaire au Sénat, a faitvoter dans cet hémicycle le 23 octobre2018 une proposition de loi visant à pré-venir et sanctionner les violences lorsdes manifestations. Ce projet est né enréaction aux affrontements et aux dé-gradations qui avaient eu lieu lors du1er mai 2018. Lorsque les macronistesont parlé d’une nouvelle loi pour « ga-rantir et maintenir l’ordre public lorsdes manifestations », c’est tout naturel-lement que ce projet de loi du Sénat estdevenu le document de travail pour sonélaboration. Signalons déjà deuxchoses importantes :

1/ Ces projets de la Droite et des ma-cronistes en marche ne s’attaquentqu’aux manifestations de rue. Plus be-soin de réprimer les occupations delieux institutionnels et les séquestra-tions de patrons et de décideurs. Celanous replonge dans la réalité de labaisse actuelle de la lutte anticapita-liste et même anti-étatique !

2/ Même au niveau de la répressiondes manifestations de rue, le projet dela Droite avait opté pour une responsa-bilité collective, civile et non pas pénale,enmatière de dommages causés par lesmanifestants violents. Cette dispositiona d’ailleurs été retirée dans le projet deloi actuel.

Ce projet de loi à ce jour tourne au-tour de quelques points :

Fouilles aux abords des manifs

Sur le terrain, les forces de l’ordre ré-publicain pourront inspecter sur leslieux d’unemanifestation sur la voie pu-blique et à ses abords immédiats (notiontrès floue) les bagages des personnes,les fouiller, perquisitionner leurs véhi-cules. Tout ceci devra se faire sur réqui-sitions écrites du Procureur de laRépublique. Pas besoin d’ordre d’un Pré-fet puisque les procureurs de la Répu-blique prennent régulièrement ce typede réquisitions. Nous pouvons nous de-mander tout de même si c’est une nou-veauté lorsque nous savons que, le 8décembre, acte IX des GJ, à Paris, le pro-cureur avait autorisé les flics à vérifier

l’identité de toute personne sur la villede 6h à minuit. Ce procureur s’appuyaitsur l’article 78-2-2 du code de procédurepénale issue d’une loi de 2001 conçueinitialement pour lutter contre le terro-risme ! A noter, comme le dit si bienl’avocat Raphaël Kempf : « l’usageconcret au quotidien de cet article 78-2-2 permet d’interpeller des étrangers ensituation irrégulière, de les envoyer dansun centre de rétention administrative,puis de les reconduire à la frontière… ».

Concrètement, l’ordre républicains’est donné, depuis des décennies, tousles moyens juridiques pour rafler léga-lement des milliers de personnes le jourd’une manifestation afin de les empê-cher de manifester. C’est incroyable lenombre d’articles de lois sécuritaires –dont toutes celles qui concernent l’anti-terrorisme -, qui peuvent être utiliséspour empêcher les gens de manifester,les mettre en garde à vue… Le but ul-time de l’Etat est de foutre la trouille àtoutes ces personnes désireuses de ma-nifester leur colère. Comme le dit R.Kempf ; « Il ne faut pas sous-estimer laviolence et le traumatisme que repré-sentent les gardes à vue : être enfermé.e,humilié.e, dans des conditions infectes ;subir des interrogatoires destinés à inti-mider, à faire peur… Cela est dur à vivreet ces GAV ont tendance à se banaliser. »

Les interdictions administrativesde manifester

Les préfets pourront prononcer desinterdictions de manifester à l’encontrede certaines personnes, ce que, jusque-là, seul le juge judiciaire pouvait faire,dans le cadre d’une peine complémen-taire à une condamnation (issue d’uneloi Pasqua de 1995). Selon la versionadoptée par les députés, pourra être in-terdite de manifester toute personnequi « constitue unemenace d’une parti-culière gravité pour l’ordre public » enraison de « ses agissements » lors demanifestations « ayant donné lieu à desatteintes graves à l’intégrité physiquedes personnes ainsi que des dommagesimportants aux biens » ou de « la com-mission d’un acte violent à l’occasion del’une de ces manifestations », même sielle n’a pas été condamnée par cet acte.Les préfets pourront, selon les cas, in-terdire les personnes concernées dema-nifester sur l’ensemble du territoire etpour une durée allant jusqu’à un mois.Elles en seront averties et elles pourrontcontester cette décision devant un jugeavant sa date d’entrée en vigueur.

Si une personne interdite demanif yparticipe tout de même, elle encourtune peine de 6mois d’emprisonnementet de 7500 € d’amende. Si une personneinterdite de manifestation ne se rendpas aux convocation de toute autoritéaumoment desmanifs, elle encourt unepeine de 3 mois d’emprisonnement etde 3750 € d’amende.

Dissimulation du visage

« Est puni d’un an d’emprisonne-ment et de 15 000 € d’amende le faitpour une personne, au sein ou auxabords immédiats d’une manifestationsur la voie publique, au cours ou à l’is-sue de laquelle des troubles à l’ordre pu-blic sont commis ou risquent d’êtrecommis, de dissimuler volontairementtout ou partie de son visage sans motiflégitime. »

Cette dissimulation risque de deve-nir un délit alors qu’auparavant la per-sonne n’avait droit qu’à unecontravention.

Comme dirait un élu « en marche »qui n’a évidemment aucun vécu dansles manifs depuis des années : « Cettedisposition n’emporte aucune atteinte àla liberté demanifester, car unmanifes-tant pacifique n’a évidemment pas be-soin de se cacher le visage ». Notons quesi, au cours d’une fouille, les flics dé-couvrent dans vos affaires unmasque etdu sérum physiologique, c’est déjà lagarde à vue assurée. En plus, avec cettenouvelle loi, si vous vous protégez le vi-sage de l’asphyxie par un tissu, c’est undélit et vous risquez de passer par lacase prison !

Pour terminer avec cette loi, les sé-nateurs souhaitaient créer un fichiernational regroupant toutes les per-sonnes interdites de manifestation. Fi-nalement pas besoin de créer unnouveau fichier puisqu’il existe déjà leFichier des Personnes Recherchées (FPR)qui fera l’affaire.

Le pire et le meilleurnous attendent

Contrairement à ce qu’a dit le dé-puté de Droite Charles-Amédée DuBuisson De Courson, nous sommes en-core loin (et heureusement) du régimede Vichy où il était interdit de manifes-ter et où les opposants à ce régime ris-quaient la déportation et la mort. Nouspouvons nous demander pourquoi cedéputé a fait le buzz à l’Assemblée Na-tionale. Certains expliquent sa prise deposition pour des considérations fami-liales (père résistant, grand-père députéayant refusé de voter les pleins pouvoirà Pétain). En fait, sa permanence de dé-puté est … proche d’un rond-point !

Néanmoins, la fonction première decette loi dite « anticasseurs » comme lesmilliers de gardes à vue et de blesséssubis par ce mouvement des GJ est dedécourager les personnes de se rendreen manif, de leur foutre la trouille à ja-mais. Les gestionnaires de l’Etat veulentdes défilés déclarés en Préfecture, paci-fiques, « saucisses-merguez » à l’arri-vée !

Vive la Chienlit !

Denis, OCL Reims le 10 février

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courant alternatif - n° 288 - mars 2019

BigBrother

20

BigBrother

chroniques

du contrôle

et de la répression BigViolences policières et grèves de la faim dans descentres de rétention administrative (CRA)

Au 30 juin 2018, le parc des centres derétention administrative (CRA) étaitconstitué de 25 centres (dont 21 en

métropole et 4 en outre-mer), représentantune capacité de 1 564 places en métropoleet 227 en outre-mer. Le taux d’occupations'établissait à près de 80 % enmoyenne surle premier semestre 2018 (contre 68 % surl'ensemble de l'année 2017). En une annéele nombre de sans papiers séjournant dansles CRA dépasse maintenant en métropoleles 26 000 personnes dont plus de 200 mi-neurs accompagnants. La durée moyennede rétention était en 2018 de 14 jours enmétropole.

Ces chiffres vont être pulvérisés en 2019car la loi « asile immigration intégration »du 10 septembre 2018 double la duréemaximale de rétention (de 45 à 90 jours,voire jusqu'à 135 jours dans certains cas).Cette disposition est entrée en vigueur le1er janvier 2019. C’est ainsi que le Projet deLoi de Finances pour 2019 comporte descrédits d'investissement immobilier enforte hausse destinés à financer la rénova-tion des bâtiments actuels et la construc-tion de nouveaux locaux en vue del'aménagement en 2019 de 450 nouvellesplaces, soit une hausse de capacité de prèsde 30 %.

À l’écart des regards, dans le silence poli-tique et médiatique, la répression des sans-papiers s’est durcie. Dans les CRA,violences et humiliations sont le quotidiende ces hommes et femmes enfermés fauted’avoir les bons papiers. Après une pre-mière mobilisation mi-décembre, le 3 jan-vier, réagissant à une série de déportationsviolentes et cachées, une quarantaine deretenus repartaient en grève de la faim

pour dénoncer leurs conditions de réten-tion et exiger leur libération. « Il y a eu descopains tabassés puis déportés en étantcasqués, bâillonnés et scotchés. Il y a eudes copains drogués qui se sont réveillés deretour dans un pays où ils ne connaissaientplus grand monde », expliquaient-ils dansleur communiqué.

Le 7 janvier, un rassemblement était orga-nisé en solidarité de l’extérieur, pendantque les retenus manifestaient dans les bâ-timents A2 et B2 du CRA deVincennes. Desslogans appelant à la liberté ont été scan-dés de l’intérieur et de l’extérieur enmêmetemps !

La lutte s’est étendue : le soir du 8 janvier,les prisonniers du CRA 2 de Mesnil-Amelotsemettaient en grève de la faim quasimentà l’unanimité ! Le 11 janvier, c’est au tourdes retenus du CRA de Oissel (Rouen) departir en grève de la faim. Ces infos, vouspouvez les retrouver sur le blog : abasles-cra.noblogs.org

Dans la semaine du 14 au 20 janvier, lesgrèves de la faim ont peu à peu cessé. Lesprisonniers des centres de rétention deVincennes, Mesnil Amelot CRA2 et Oisselont fait sortir des communiqués. Le com-muniqué du CRA 2 de Mesnil Amelot datédu 25 janvier dénonçait des problèmesdont voici quelques extraits :

- Le tribunal et les avocats

« Ici il y a l’annexe du Tribunal de GrandeInstance de Meaux. Le centre de rétentiona un tribunal à l’intérieur, c’est tellementfacile comme ça ! Dès que tu es resté unjour ici, tu es sûr que tu vas rester pour aumoins 28 jours.(..). L’avocat d’office, dansune journée il aura dix cas, il ne sert à rien.

Parfois on te donne à signer des papiers, tune comprendsmême pas ce que c’est, et ilsne donnent pas à tout le monde les inter-prètes dont ils auraient besoin (..) Les rete-nus qui ont la possibilité de payer un bonavocat sont vite libérés, parce que si tu asun vrai avocat il va signaler un vice de pro-cédure. Dans quasiment tous les cas il y ades vices de procédure, ils ne respectentpas leurs propres règlements.

- Les papiers d’autres pays européens et lesvisas ne sont pas pris en compte.

Il y a tout le temps des gens qui ont destitres de séjour européens qu’on ne veutpas prendre en compte. Juste ces derniersjours, des personnes qui ont montré destitres italiens ou hongrois, on a quandmême essayé de les renvoyer direct dansleur pays d’origine, alors que selon la loi ilsdevraient pouvoir rester en Europe. Soit oncalcule pas ces titres de séjour, soit parfoisles flics te les prennent et on te les rendplus jamais.(..)

- Les intimidations et les provocations

Les flics nous provoquent tout le temps, ilscherchent tous les prétextes pour nousfaire réagir, pour ensuite invoquer n’im-porte quel règlement et nous sanctionner.Les règles changent tout le temps, et à l’in-térieur et pour les parloirs, rien n’est clair,c’est fait exprès pour que tu pètes lesplombs. (..)

Sources : lesenat.fr (pour les données chif-frées), resistons.lautre.net et paris-luttes.info.

Fichage desGilets jaunesblessés

Lors des manifestations du 8et 15 décembre,marqués parla forte répression policière,

les gilets jaunes blessés ont été fi-chés par les hôpitaux. Ce fichierest depuis à disposition de la po-lice. Cette collaboration entre lesservices de santé et la police a étérendue possible grâce à un dispo-sitif créé pour… les victimes d’at-tentats. L’Association desmédecins urgentistes de Francedénonce le fait que « le personnelde santé se transforme peu à peuen auxiliaire de police ».Source : Médiapart

En voulant apporter sa pierre au fameuxdébat national, un retraité du Val d’Oises’est retrouvé… interrogé par les ser-

vices de renseignement. Ce retraité n’en re-vient pas. « Cela donne à réfléchir sur le fond», s’interroge le septuagénaire. « Ils disent quele débat est ouvert à tous,mais derrière on estfliqué… »C’est une simple lettre adressée au préfet duVal-d’Oise qui a tout déclenché. Noussommes en décembre et le retraité a envie defaire remonter une synthèse des « doléances» d’un groupe, « les gilets jaunes solidaires duVal-d’Oise ».« A l’époque, la mairie n’avait pas encore misde cahier à disposition, explique-t-il. Je mesuis dit qu’il n’y avait qu’un seul moyen offi-ciel de s’exprimer, en transmettant directe-ment à la préfecture. »Quelques jours après, ce retraité reçoit unappel émanant du service départemental durenseignement territorial. « Ils m’ont de-

mandé de venir me présenter à leur bureau», explique-t-il « Ou alors m’ont dit qu’ils pou-vaient venir à mon domicile. »Le retraité reçoit donc la visite de deux agentsqui sont restés… une heure et demie. « Ilsm’ont posé beaucoup de questions, mais nem’ont jamais dit pourquoi. » Qui sont lesmembres de son groupe, a-t-il fait partie d’unparti politique… A noter que ce retraité n’ajamais manifesté sur les ronds-points.A la préfecture, on considère cette démarchecomme « normale ». « A partir dumoment oùce monsieur se présente comme un GiletJaune, il est normal qu’on le contacte. Ces do-léances émanaient d’un groupe que nous neconnaissions pas du tout, on se pose logique-ment des questions. Comme tout mouve-ment sociétal, il est suivi par lesrenseignements. »Finalement ce retraité n’a même pas été in-vité à un débat.Source : leparisien.fr

Flicage au grand débat national

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Brother

En marge de la marche des solidaritésdu 16 mars 2019 (voir article dans ce

numéro)

Souriez ou pas, vous êtes filmés

Le fichier des mineurs isolés étrangers est surles rails

La loi asile-immigration-intégration du 10septembre 2018 prévoit la mise en placed'un fichier biométrique des « mineurs

non accompagnés » (MNA) appelés aussi« mineurs isolés étrangers » (MIE). Le décretcréant ce fichier "Appui à l'Evaluation de laMinorité" est attendu très prochainement(avant le 1er mars selon la loi), mais sesgrandes lignes sont déjà connues.Concrètement, un département pourra en-voyer en préfecture le jeune demandant uneévaluation, afin que son identité soit prise etcomparée avec les données du fichier. S'il sol-licite l'aide de l'Etat, le département devra enéchange lui transmettre le résultat de sonévaluation pour mettre à jour le fichier.Dès la parution du décret, au moins 4 dépar-tements (Haute-Garonne, Isère, Essonne etBas-Rhin) vont expérimenter ce fichier. Aumoins 4, car l’Indre-et-Loire voudrait lui aussicette expérimentation. La généralisation estattendue en avril 2019. Ce fichier interdiradonc à un jeune de tenter sa chance dans plu-sieurs départements. Il faut dire que la déter-mination ou non de sa minorité estscandaleuse.Dans certains départements, lesactes de naissance de ces jeunes sont tou-jours des faux papiers sans preuve avancée.Les entretiens menés par les Aides Sociales àl’Enfance ne prouvent formellement rien.Quant aux examens radiologiques osseux, quine devraient être demandés par les procu-reurs de la République qu’en dernier recours,ils sont quasiment généralisés dans certainsdépartements. Ces examens sont d’ailleursdes scandalesmédicaux, scientifiques !Alors,les départements ne devraient pas s’étonnerqu’un jeune dont la minorité est refusée iciou là essaie de changer de département, sur-tout qu’à la clé il y a peut être, plus tard, l’ob-tention d’une carte de séjour en France ou …la reconduite à la frontière.D’ailleurs certainsde ces jeunes se sont vus débouter de leur de-mande de prise en charge dans tel ou tel dé-partement (après décision de la cour d’appeldu tribunal des enfants) puis reconnus mi-neurs dans un département voisin.Sources : AFP et Franceinfo

Deux journalistes du siteBastamag ont actualiséleur recensement des

décès au contact des forces del’ordre pour l’année 2018. 26personnes sont décédées dessuites d’une intervention poli-cière. Parmi elles, sept étaientarmées. Les forces de l’ordreétaient en situation de ripostedans trois cas, face notam-ment aux auteurs d’attaqueterroriste à Trèbes et sur lemarché deNoël de Strasbourg.Les 19 autres personnes tuéesn’étaient pas armées.Parmi ces décès, quinze ontété tués par balle, suite à l’ou-verture du feu par un policierou par un gendarme. Huit deces personnes n’étaient pasarmées.Taser et grenade sont mis encause dans deux décès.Les armes dites non létales -Taser, LBD, Grenade -, actuel-lement au cœur d’une contro-verse pour celles qui sontutilisées lors d’opérations demaintien de l’ordre contre lesmanifestations de giletsjaunes, sont mises en causedans deux affaires. Le 1er dé-cembre, lors de l’Acte II des gi-lets jaunes, Zineb Redouaneest touchée au visage par unéclat de grenade lacrymogènelancée par des CRS qui enca-drent unemanifestation. L’oc-togénaire refermait ses voletsau moment où le cortège pas-sait au bas de son immeublequand elle a reçu le projectile.La vieille dame s’est éteinte lelendemain durant son opéra-tion chirurgicale à l’hôpital.

Selon notre décompte, ZinebRedouane est la sixième per-sonne tuée dans une opéra-tion de maintien de l’ordreencadrant une manifestationdepuis 1977.La seconde victime, MadhiBouhalouan, a succombé le 9juillet après avoir reçu troisdécharges de pistolet à impul-sions électriques (Taser) lorsde son arrestation. L’hommeatteint de schizophrénie, au-rait tambouriné muni d’unbâton sur des pancartes, aprèsavoir tenté de s’introduiredans unemaison dans l’Aisne.Trois personnes sont décédéesen fuyant à pied.Parmi les 26 morts de 2018,trois personnes son décédéesen fuyant à pied les forces del’ordre, en chutant d’un im-meuble ou en se noyant. C’estle cas d’une réfugiée nigé-riane, Blessing Matthew, quis’est noyée dans la Durance le7 mai 2018, à la frontièrefranco-italienne (Hautes-Alpes) après avoir tentéd’échapper aux patrouilles depolice ciblant les migrants.Autre affaire trouble : celle deBakary S., retrouvé sans viedans l’étang du Bois de Bou-logne (Paris) après une course-poursuite avec la police. Destraces de sang sont cependantretrouvées sur le corps du dé-funt.Fait notable par rapport auxautres années, 2018 est mar-quée par l’absence de mortpar « asphyxie » ou «malaise »lors d’une interpellationmus-clée ou d’une détention en

garde à vue au commissariat.Cependant, le décès d’IsmaëlDeh, Sénégalais démuni detitre de séjour, pourrait avoireu lieu alors qu’il était entreles mains de la police lors deson arrestation, sur le parvisdu Château deVersailles, le 30avril. Selon les autorités, levendeur ambulant aurait étérenversé par un véhicule depolice venu en renfort. Des té-moins affirment que l’hommede 58 ans a été roué de coupspar les fonctionnaires. Pen-dant les cinq dernières an-nées, depuis 2014, enmoyenne entre 26 et 27 per-sonnes sont décédées aucontact des forces de l’ordre.C’est davantage que dans lesannées 2000, durant lesquellesles interventions policièresont été mortelles dans dix àquinze affaires.Qu’en sera-t-il en 2019 ?Basta ! poursuit son travail derecensement de ces décès liésà l’action des forces de l’ordre,afin de remédier à unmanqued’information officielle sur cesquestions.Depuis l’année der-nière, l’IGPN tente égalementde combler cette lacune en re-censant pour la première foiscertains morts et blessés. La« police des polices » devraitrendre publics ses propreschiffres d’ici l’été prochain.Auvu du nombre de blessuresgraves signalées pendant lemouvement des gilets jaunes,ce rapport risque d’êtreconsistant.Source : Bastamag.net

La start-upmessineTwo-i a mis au pointun logiciel capable d'analyser, à partird'images vidéo, jusqu'à 10 000 visages

en une seconde et de déterminer si ces per-sonnes sont heureuses, surprises, effrayéesou en colère !On se doute que les applications concrètesde ce type de matériel peuvent être de typesécuritaire.C’est ainsi que lamétropole deNice (toujourselle) envisage de tester ce logiciel dans sestramways à des fins sécuritaires et ainsi an-ticiper des mouvements de foule ou des ré-actions dangereuses.Les fondateurs de Two-i, assurent toutefois

que leur technologie est " 100% anonymisée.La caméra traite le flux mais n'enregistre ja-mais la vidéo ". Ce détail, qui est un problèmepour tous les sécuritaires, pourra être facile-ment résolu, soyons en sûr !Ce logiciel serait déjà testé dans plusieursstades pour anticiper d'éventuels déborde-ments. Et la métropole du Grand Nancy aprévu une expérimentation dans l'un de sescampus universitaires.Pour nous rassurer, les créateurs de ce logi-ciel précisent que leur technologie a biend’autres objectifs. Les algorithmes de Two-ipeuvent aussi comptabiliser une foule avecune exactitude " de 95 % ". Fini la guéguerre

des chiffres lors desmanifestations dumou-vement social.Les clients potentiels peuvent être aussi descentres commerciaux qui évalueraient ainsil'état d'esprit des consommateurs, sans ou-blier les collectivités territoriales dans leurgestion de l’espace urbain.Créée en 2017, Two-i compte actuellementquinze salariés et de nombreux projets àl'étranger où " les réseaux de caméras et decâbles sont plus développés ".Source : Ouest-France des 19 et 20 janvier2019.

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Solidarité

Le 15 mars est la journée internatio-nale contre les violences policières, le 21la journée internationale contre le ra-cisme. Le samedi entre les deux, depuismaintenant plus d’une dizaine d’an-nées, a lieu une marche qui relie les

deux phénomènes.Cette marche annuelle a permis

d’année en année de construire une au-tonomie politique des collectifs de vic-times de violences policières et descollectifs de victimes du racisme. Untemps marche de la dignité, aujourd’huimarche des solidarités, elle est mainte-nant organisée par des collectifs de vic-times de violences policières, descollectifs de sans-papiers, et des collec-tifs de lutte de l’immigration sur le lo-gement. La marche des solidarités aréussi à faire le pont entre ces trois axes,à organiser un véritable réseau où cesont les collectifs eux-mêmes qui déci-dent, et non les soutiens divers et variés.

La réussite de la marche (cf. le texted'appel ci-dessous) cette année a aumoins deux enjeux politiques très im-portants.

Les revendications portées par l’as-semblée des blessé(e)s et le collectifDésarmons la police sur l’usage desflash-ball et des grenades sont enfin surla place publique, maintenant que cesarmes ont été utilisées massivementcontre les gilets jaunes. Il est importantde maintenir la pression, mais il est im-portant aussi politiquement de dénon-cer les violences policières dans leur

ensemble, de ne pas séparer cette ques-tion de celle des techniques létales et del’usage des armes dans le maintien del’ordre dans les quartiers populaires. Ilfaut être très vigilant sur un discoursqui dénoncerait leur usage contre des"manifestants pacifiques", ce qui, sansautre précision, signifierait que pourcertaines catégories d’individus il seraitjustifié.

La dénonciation du racisme d’Etatrevêt une importance toute particulièredans le contexte politique actuel. Divi-ser pour mieux régner est bien la tac-tique principale du gouvernement quicherche d’ores et déjà à remettre sur letapis les questions identitaires et la luttecontre l’immigration pour échapper auxrevendications sociales. La technique dubouc émissaire est de nouveau au pre-mier plan. Et c’est sur une base socialeque peut s’élaborer une réponse anti-ra-ciste efficace. Cette base sociale, ce sontles collectifs auto-organisés d’immigré-e-s et des populations discriminées quisont le mieux à même de l’apporter. Larépression massive contre les lycéens debanlieue pendant l’hiver a montré àquel point le gouvernement a peur decette jonction.

OCL Paris, 7 février

Marche des solidaritésle 16 mars 2019

Ensemble face à l’Oppressionet la Répression Riposte popu-laire !

Nous, familles des victimestuées, violées, mutilées, blesséespar la police ;

Nous, migrant.e-s chassé.e-s,torturé.e-s, traumatisé.e-s, persé-cuté.e-s par l’Etat et le systèmedes frontières ;

Nous, habitant.e-s des quar-tiers populaires harcelé.e-s et hu-milié.e-s au quotidien par lesforces de police et ciblé-e-s par leracisme d’Etat ;

Soutenu.e-s par des collectifs,des associations, des syndicats etdes partis politiques ;

Nous marcherons ensemble,contre le racisme d’Etat et les vio-lences policières Samedi 16 mars2019 à 13h Place de la Madeleineà Paris.

Dans un contexte où les vio-lences policières, d’abord princi-palement exercées dans lesquartiers populaires, s’étendentde plus en plus à toute la société.

Dans un contexte d’état d’ur-gence constitutionnalisé, élargis-sant des politiques mises enplace depuis longtemps dans nosquartiers, nos libertés reculent etles violences d’Etat gagnent duterrain contre l’ensemble de lapopulation, avec notamment de-puis le 17 novembre plus de 1000condamnations, près de 3000blessé.e-s, dont une centaine gra-vement, et plus de 20 mutilé.e-s.

Dans un contexte où le ra-cisme progresse, nous proteste-rons, contre la logique ducapitalisme qui divise pour mieuxrégner et briser le tissu social,contre l’apologie de la haine del’autre, contre le délit de solida-rité, contre toutes les formes dediscriminations qui privent sesvictimes de leurs droits à l’em-bauche, au logement, à la santé,à l’éducation.

Nous protesterons contrel’impunité policière et pour la mé-moire de celles et ceux mortssous les coups des violences po-

licières et du système des fron-tières ;

Nous manifesterons pour ledroit d’exister et de protester ;

Pour le droit d’être ce quenous sommes et pour le droitd’exprimer publiquement nos opi-nions politiques.

Nous manifesterons pourconstruire une société égalitairefondée sur la justice, la vérité etla dignité de chacun.e.

Ensemble, pour exiger unautre modèle de société :

- Vérité et Justice pour toutesles victimes de violences poli-cières et du système des fron-tières

- Interdiction de la Clé d’étran-glement, du Pliage et du Plaquageventral (Techniques d’immobili-sation mortelles utilisées par lapolice) et des contrôles au faciès

- Retrait des LBD, des Flash-ball, de tous les types de gre-nades et du pistolet à impulsionélectrique

- Régularisation de tous lessans-papiers

- Liberté de circulation etd’installation et fermeture descentres de rétention

- Abrogation de toutes les loisxénophobes et racistes

- Égalité des droits dans l’ac-cès au logement avec ou sans pa-piers, l’emploi, la retraite, laformation et la santé

- Droit des résidents desfoyers à un logement décent etstable, qu’il soit individuel ou col-lectif

- Droit à la vie privée, droitd’héberger, droit de maintenir sespratiques culturelles de solidaritéet d’entraide dans les foyers.

P.S. La marche des solidaritésa une page facebook et un blogsur mediapart. On peut aussi lacontacter par mail :marche.des.solidarites chezgmail.com

http://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article2205

Contre le racisme d’Etat et les violences policières

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Vertement écolo

« À bouère, à bouère… »suite des magouillesgargantuesques de

Nestlé

CA de décembre 2018 relatait les mésa-ventures des habitants de Vittel et Contrexe-ville, bientôt privés de l’accès à l’eau de lanappe phréatique par l’action combinée dela Préfecture et des vampires de l’eau enbouteille.

Le collectif Eau 88 qui ferraille depuis unan contre la multinationale rappelle queNestlé surexploite la nappe depuis les an-nées soixante-dix avec l’appui des pouvoirspublics. Un million de m3 prennent la direc-tion de l’Allemagne et le label « Vittel BonneSource »… est exonéré de la surtaxe sur leseaux minérales et ne rapporte pas un cen-time au territoire.1 ».

Nestlé, par le rituel chantage à l’emploi,essaie d’effrayer les populations locales. Las,de « 4500 emplois au début des années 90,on est tombé … à un peu plus de 1000, dontprès de 200 précaires, en raison de l’auto-matisation, et le pire est à venir... ». Les as-sociations dénoncent aussi « les relationsincestueuses » que la CLE (Commission Lo-cale de l’Eau) entretient avec Nestlé par lebiais de la Vigie de l’eau. Cette association,financée par Nestlé, est « la porteuse duSAGE2 avec l’accord du ministère de l’envi-ronnement. Une première en France, où lesstructures porteuses sont d’ordinaire des as-semblées d’élus. »

La présidente de la CLE est adjointe aumaire de Vittel et son mari, ancien cadre deNestlé, était le président de la Vigie de l’eau.Une plainte a été déposée et l’enquête dé-paysée à Nancy a mis au jour des « faits deprise illégale d’intérêt ». Le préfet appelle,lui, « à ne pas faire le procès des industriels »tandis que les ineffables de la CNDP s’agi-tent pour apaiser le débat.

Face à la privatisation d’un bien com-mun et vital par Nestlé, la Confédérationpaysanne rappelle que « On doit tous refuserque Nestlé Waters cofinance quelque projetque ce soit, car on a vu comment ça s’estpassé à Bure : on arrose (financièrement) eton impose des décisions... »

Earth, Wind and Fire

Camp Fire, le récent et interminable(plus de 3 semaines en novembre 2018) in-cendie qui a ravagé la Californie a démarrésous des pylônes haute-tension de la PacificGas and Electric Company. On soupçonneun mauvais entretien de la végétation parPGE sous les pylônes.

Attisé par un vent violent dans une zonesoumise à une sécheresse d’une durée in-connue jusque-là, le feu a dévoré 620 km²,détruit 13 500 maisons, une ville et tué 85personnes. En 2018, 6587 km² sont partis enfumée en Californie du fait du dérèglementclimatique.

Mais, ces incendies ne font pas que desmalheureux. Un des principaux bénéfi-ciaires est l’État de Californie. Son adminis-tration pénitentiaire gère « 44 camps deconservation3 » qui fournissent aux pom-piers des détenus officiellement « volon-

taires », formés au feu et envoyés en pre-mière ligne avec les pompiers. Plus de 3000ont été déployés contre Camp Fire.

Pour 24 heures d’intervention, les déte-nus touchent royalement 26 $, plus 2 joursde remise de peine. Pour l’ACLU, associationde protection des droits civiques « ils sontune force de travail singulièrement vulné-rable. Les détenus sont privés des protec-tions légales dont bénéficient les autrestravailleurs. » Certains parlent même de« travail d’esclave ».

Faut comprendre la Californie. Le re-cours à cette main d’oeuvre semi-servile luipermet d’économiser 90 à 100 millions de $par an. L’Etat s’est même opposé à un projetd’extension du régime de liberté semi-conditionnelle qui « aurait de sévères consé-quences sur la participation aux camps » deconservation.

Ainsi, la lutte contre les incendies dusau dérèglement climatique provoqué par lecapitalisme s’appuie sur des victimes de cesystème, devenues par ailleurs indispen-sables à l’industrie du goulag américain4 caril alimente en main d’oeuvre servile despans entiers du système économique et éta-tique Étasunien.

« Société de confiance » ou société

de connivence ?

La loi du 10 août 2018 « Pour un État auservice d’une société de confiance » étaitcensée redonner la voix aux citoyens.Voyons comme cela marche trop bien pourles industriels de tous poils.

Le décret du 4 octobre supprime l’en-quête d’utilité publique en cas de change-ment dans les Schémas d’Aménagement deGestion de l’Eau (SGADE/SAGE), celui du 1erdécembre « supprime l’enquête d’utilité pu-blique pour les demandes de dérogationsdes installations classées les plus pol-luantes.5 »

En fin d’année, le ministère de de Rugylançait une grande consultation par Internet(forcément) pour proposer « d’expérimenterpendant trois ans.. (en) Bretagne et lesHauts-de-France, la suppression des en-quêtes d’utilité publique sur les projetsayant un impact environnemental. »

Malgré les commentaires très largementnégatifs, ce sera joie et bonheur pour lesporcheries bretonnes et les parcs éoliensgéants du Nord. Puanteurs et nuisancespour les autres.

Un autre exemple : lors de la consulta-tion en ligne concernant l’extension de lapériode de chasse des oies cendrées migra-trices, la majorité des commentaires étaitnégative. Le ministère a donc autorisé cetteextension et, malgré l’annulation de l’arrêtépar le Conseil d’État a incité ses services àne pas verbaliser les chasseurs.

Ailleurs, des moyens plus directs sontmis en œuvre pour redonner le sourire auxinvestisseurs.

C’est ce qui vient d’arriver à Gabriel Ull-mann. Ce commissaire-enquêteur6 iséroisavait émis un avis négatif sur le projet deCenter Parcs de Roybon et a aggravé son casen rendant un nouvel avis négatif en juilletpour le projet Inspira, « ...très gros projet deZAC industrielle de 250 ha dans le nord-

Isère, dont de nombreuses activités Seveso,à proximité immédiate de riverains, en par-tie en zone inondable et dans des zones na-turelles patrimoniales... Les conclusionsdéfavorables unanimes de la commissionont été rendues le 27 juillet 2018.7 »

Dès mai 2018, Jean-Pierre Barbier prési-dent LR du département prend les abeilleset essaie sans succès de faire exclure Ull-man de l’enquête sur Inspira. Faut le com-prendre, il préside la société Elegia quicontrôle Isère-Aménagement, la sociétémaître d’ouvrage du projet Inspira.

Le préfet prend le relais et demande le1er juin la radiation d’Ullmann de la com-mission d’aptitude des commissaires-en-quêteurs dont le préfet contrôle 4 des 9membres. Pour le reste, la commission estbien Coigné, pardon soignée. Christian Coi-gné vice-président du département et PDGd’Isère-Aménagement (voir ci-dessus) ysiège. Le directeur du CAUE de l’Isère y par-ticipe aussi, et son président est Coigné. LeCoigné-vous ? C’est lui qui vice-préside l’as-sociation des maires de l’Isère siégeantaussi à la commission.

La coignée préfectorale s’est donc abat-tue et a retranché l'olibrius qui prétendaitfaire correctement son travail (si, si il enexiste quelques-uns).

Société de confiance, disent- ils ? Démo-cratie participative, couinent-ils ? Granddébat, clament-ils ?

Enfumage généralisé plutôt. La réalitétoute nue du macronisme et de l’État est là :cynisme, connivence, autoritarisme,contournement, détricotage ou suppressiondes lois et règlements qui entravent la libreactivité des capitalistes pollueurs…

Freux et Eugene the Jeep

1SOURCES:1 - A Vittel, la population souhaite garder

son eau. Patricia Jolly. Le Monde 08/01/20192 Le Schéma d’Aménagement et de Ges-

tion de l’Eau (SAGE) « est un outil de planifica-tion, institué par la loi sur l'eau de 1992, visantla gestion équilibrée et durable de la ressource eneau… Il vise à concilier la satisfaction et le déve-loppement des différents usages (eau potable, in-dustrie, agriculture, ...) et la protection desmilieux aquatiques, en tenant compte des spéci-ficités d'un territoire. » Plus d’informations sur :http://www.gesteau.fr/

3 Des détenus des pénitenciers aux bra-siers. F. A. et Annie Butkiewicz. Libération 17 et18/ 11/ 2018

4 En 2011, aux États-Unis, on comptait743 détenus pour 100 000 habitants soit 2 292133 prisonniers pour 308 millions d’habitants.Les EU avec 23 % de la population carcérale mon-diale sont au premier rang. Source : Liste despays par population carcérale. Wikipédia.org.Voir aussi « Le goulag américain ». Laurent La-niel. Drugstrat. <http://laniel.free.fr>

5 Un petit clic, une bonne claque. Pr. C.Le Canard Enchaîné 12/12/ 2018

6 Celui-ci, « ou la commission d’en-quête conduit l’enquête de manière à permettreau public de disposer d’une information complètesur le projet, plan ou programme, et de partici-per effectivement au processus de décision (L123-13 du code de l’environnement) »

7 Radiation d’un commissaire enquê-teur pour avoir trop bien informé le public durantdes enquêtes publiques ! 12/01/2019.http://www.ades-grenoble.org/

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Pays Basque

Une plate-forme des anti G7

Dès juillet, les abertzale de gauchedu Pays Basque nord et sud prenaientl'initiative d'appeler à une réunion ou-verte à des militant.es de groupes poli-tiques, de syndicats, d'associations, decollectifs de lutte. L'objectif : faire an-nuler ou, à défaut, perturber le G7, enle mettant sous pression ; promouvoirun autre monde, un projet tel qu'es-quissé dans une plate-forme com-mune, des alternatives etl'autogestion ; mobiliser la populationau Pays Basque tout en souhaitant ren-forcer les forces anticapitalistes pourl'avenir.

Une plate-forme s'est donc consti-tuée, sur la base d'un manifeste poli-tique (cf. texte en encart) résumant lesraisons de s'opposer au G7, les orien-tations de ce sommet et leur dénon-ciation, ainsi que les axes prioritairescommuns aux signataires. Ce mani-feste est à la fois la base d'un travailcommun entre plusieurs structures enPays Basque et se veut un référent im-portant dans l'organisation des mobi-lisations diverses à l'occasion du G7pour tous les réseaux, mouvements,délégations extérieures qui feront ledéplacement, ainsi que pour les mé-dias. Le collectif a vocation à fonction-ner comme un réseau où des actionssont organisées en commun mais où

les participant.es ont la liberté deprendre leurs propres initiatives ("dansle respect des autres et en évitant lesconcurrences stériles"). Il travailleradans un deuxième temps de concertavec les réseaux français, espagnols eteuropéens qui voudront se mobiliser àcette occasion.

Si "la rupture avec la logique capi-taliste basée sur l’exploitation" est lepremier des axes de lutte cités dans laplate-forme, le manifeste inclut la di-mension "Pays Basque" et le droit despeuples à l'autodétermination. Lancerdu Pays Basque même la dynamiquede l'opposition au G7 permettra demettre en évidence et de faireconnaître largement les probléma-tiques, les réflexions, les luttes et lesréalisations alternatives qui s'y déve-loppent. Ici les mobilisations et projetsauto-organisés en vue de changer demodèle existent depuis de longues an-nées et se sont multipliés : pour frei-ner le changement climatique, enfaveur de la liberté de circuler, pour ladéfense des intérêts des travailleur.ses,contre les dominations de genre, pourla diversité culturelle et linguistique,contre la guerre et en faveur de lapaix.... Mais la volonté est aussi de per-mettre aux forces extérieures qui lesouhaitent de rejoindre la plate-formeet/ou d'apporter de leur côté leurs ini-tiatives et leurs contributions.

Des élus et personnalitéorganisatrices du G7 ravis

Dès l'annonce officielle de l'organi-sation du sommet à Biarritz, MichelVeunac, le maire de la ville, inféodé àMacron, ne se sent pas de joie : "C’estun grand honneur qui est fait à Biar-ritz, et plus largement au Pays Basque.Nous ressentons à la fois fierté et re-connaissance devant la décision duprésident de la République". L'édile dela cité impériale se réjouit donc queBiarritz, ville des élites mondiales du-rant le Second-Empire, devienne à pré-sent celle des pays affichant leur toutepuissance et leur domination sur lemonde. Pour lui, ce prochain sommetdes pays les plus riches de la planètesera l’occasion de contribuer au rayon-nement de sa ville et du Pays Basque,ajoutant à "leur notoriété et leur at-tractivité". Il ne considère que le pres-tige et les intérêts commerciauxespérés : "Le G7 est un produitconsommable" … Le maire vend le G7comme une chance pour mieux vendrele Pays-Basque...

Pour ce faire, le 14 décembre, di-verses personnalités se sont réuniespour créer une "association de valori-sation du territoire" (Pays Basque = va-leur ajoutée ?). Cette association estcomposée de la Région, du Départe-ment, de la CAPB (1) , de la Ville de

LE G7 ET SON MONDE MORTIFERENI A BIARRITZ NI AILLEURS

Cet article présente les premiers mois de l'organisation des acteurs.trices politiques et sociaux au Pays Basque (nord et sud) mobilisés contrela tenue du G7, prévue du 24 au 26 août prochain, à Biarritz. D'autres articles suivront, d'une part pour présenter le programme-foutagede gueule concocté par les Etats du sommet estival, d'autre part pour suivre l'évolution de la mobilisation anti G7 au Pays Basque etailleurs.

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25courant alternatif - n° 288 - mars 2019

Pays basque

La plateforme “G7 Ez / Non auG7”, regroupant 34 organisa-tions* associatives, syndicales etpolitiques, a été présentée offi-ciellement le 28 novembre 2018.Elle s’oppose à la tenue à Biar-ritz, les 24, 25 et 26 août 2019,du prochain sommet internatio-nal. Le collectif défend des valeurs dejustice sociale, solidaire et cli-matique aux antipodes de cellessymbolisées par le G7.

Pour rappel :qu'est-ce que le G7 ?

Le G7 regroupe 7 puissances éco-nomiques occidentales (États-Unis, Japon, Allemagne, France,Royaume-Uni, Italie, Canada). Ilétablit une hiérarchie entre lespays, qui distingue ceux qui sontpuissants, idéologiquement bienalignés, et rejette ceux qui ne lesont pas. Dès le départ, le G7 estremis en cause pour son illégiti-mité. En soutenant le libre-échange, la déréglementation,l’austérité budgétaire, les pays duG7 ont contribué à ce que les in-égalités sociales soient en crois-sance constante et à un niveaujamais atteint depuis près de centans.

Les sommets du G7 symbolisentla domination des principalespuissances occidentales, ils ser-vent à passer les compromis lesplus favorables aux intérêts du ca-pitalisme. C’est dans le cadre deces compromis que se décidentles politiques économiques et fi-nancières qui seront imposéesaux peuples du monde.Le prochain sommet aura aussiune spécificité : il se déroulera auPays Basque sur un territoire où larésistance à l’exploitation capita-liste, à l’oppression impérialiste ethétéro-patriarcale est enracinée etvivace ainsi que la solidarité et lavolonté de construire un autremonde.

Le monde du G7

L’objectif des sommets du G7 alongtemps été de colmater aumieux les crises successives ducapitalisme en imposant aumonde le carcan néolibéral. Il

s’agit aujourd’hui pour les partici-pants de sauver le système desconséquences des politiquesadoptées par eux-mêmes depuisplus de quarante ans. Pour autantl’efficacité à laquelle ils préten-dent est mise à mal par l’instabi-lité internationale, les multiplescrises enchevêtrées, la puissancesdes intérêts capitalistes et les me-sures adoptées qui ne traitent ja-mais le mal à la racine. Cessommets organisés à grands fraisse réduisent à des opérations decommunication.

L’état du monde symbolisé par leG7 est aujourd’hui profondémentmortifère. Ses aspects néfastessont évidents et incontestables :dérèglement climatique, empoi-sonnement de l’environnement etréduction de la biodiversité, aug-mentation des inégalités entre lespays et les classes sociales au seinde chacun d’entre eux, guerresimpérialistes, conflits attisés etpauvreté pour des millions degens, migrations forcées et ferme-ture des pays riches, montée del’autoritarisme, du fondamenta-lisme religieux et des idées ra-cistes, augmentation de laviolence de genre alimentée parles politiques néolibérales, dépos-session des citoyen-ne-s, despeuples et des territoires par latoute-puissance des transnatio-nales.Une bonne partie de l’humanitéest privée des droits élémentairescontenus dans la déclaration uni-verselle des droits humains. Despeuples sont toujours niés ou vio-lemment opprimés et leur droit àl’autodétermination, toujours re-fusé, y compris au cœur de l’Eu-rope. Au sein même des pays duG7 les politiques d’austérité en-traînent la dégradation des condi-tions de vie et de travail.Nous sommes dans une situationde crise systémique multidimen-sionnelle : sociale, politique, en-vironnementale, géopolitique…mettant en jeu les conditions dela vie sur terre.

Quelles serontles thématiques

mises en avant en 2019 ?

Chaque année, dans un souci derépondre aux critiques sur sonillégitimité, le G7 met en avant desthèmes d’actualité et invite des

acteurs de la société civile à dé-battre. La réalité est que le G7 n’ajamais tenu ses engagements. Sesdéclarations finales sont une listede bonnes intentions jamais sui-vies de mesures concrètes oucontraignantes : aide au dévelop-pement (en Écosse en 2005), para-dis fiscaux (en 2013 en Irlande) ousur les droits des réfugié-e-s (Italie2017), les exemples abondent.

La réunion du G7pour le territoire concerné

La réunion du G7 sur le territoireconcerné implique enfin une im-portante limitation des libertéspubliques de circulation ou demanifester. Elle impose un véri-table état de siège et une occupa-tion policière étouffante.

Pourquoi devrions nousaccepter tout celasans réagir ?

L’utilité du G7, personne n’y croitplus. Le G7, personne n’en veutplus. C’est un gaspillage d’argentpublic et la meilleure solution estsa dissolution pure et simple.

Du Pays Basque aussiconstruire un autre monde

Nous nous mobiliserons à l’occa-sion du G7 d’août 2019 au PaysBasque parce que le monde qu’ilincarne doit changer profondé-ment et dès maintenant.Construire un autre monde estpossible et urgent ; et depuis lePays Basque nous devons égale-ment y prendre part. Ici aussi lesmobilisations et projets en vue dechanger de modèle se sont multi-pliées : pour freiner le change-ment climatique, en faveur de laliberté de circuler, pour la défensedes intérêts des travailleurs/euses,contre les dominations de genre,pour la diversité culturelle et lin-guistique, contre la guerre et enfaveur de la paix, pour divers pro-jets auto-organisés.C’est pourquoi, en même tempsque nous refusons le G7, nousvoulons renforcer nos luttes pourle changement social.Nous nous mobiliserons pour dé-fendre et construire d’autres mo-dèles, ouvrir d’autres voies pourun monde où justice sociale, soli-darité et égalité sont des exi-

gences et des réalités concrètes.Un monde déjà à l’œuvre dans lesluttes aux quatre coins de la pla-nète pour : la rupture avec la lo-gique capitaliste basée surl’exploitation ; la fin du patriarcatet de la division sexuée du travail; l’action déterminée contre le dé-règlement climatique et en faveurde modes de vie respectant et pré-servant les écosystèmes ; unmonde basé sur la solidarité entreles peuples, l’anti-impérialisme etl’internationalisme ; des relationsinternationales démilitarisées ; lepouvoir de décider démocratique-ment de toute l’organisation de lavie en commun ainsi que le droit àl’autodétermination pour tous lespeuples ; la défense de la diver-sité culturelle et linguistique ;l’égalité réelle des populationssoumises au racisme ; les mêmesdroits pour tou-te-s les habitant-e-s de la planète.

Nous invitons toutes les entités enaccord avec cet appel à rejoindrela plateforme. Nous appelons tousles personnes d’ici ou d’ailleursqui partagent cette vision à semobiliser pour rassembler lemaximum de forces lors du G7d’août 2019 à Biarritz.

G7 EZ !

Plateforme Pays Basque non auG7, pour un autre monde

Les 34 premières organisations si-gnataires : Amankomunak, ELB, Ait-zina, Askapena, ESK, Antikapitalistak(IV. Internazionaleko kidea), Associa-tion PAF ! Elkartea, (Pour une Alter-native Féministe !), Etxalde, EELVPays Basque, ATTAC Pays Basque,HIRU, EH Bai, Bake Ekintza Antimili-tarista, LAB, EH Bildu, Bilgune Femi-nista, STEILAS, Ensemble PaysBasque, Eleak Libre, Union SyndicaleSolidaires, Ernai, GENEPI Bayonne,Euskadiko Partidu Komunista, IkasleEkintza, Ezker Anitza, IpEH Anti-faxista, Gazte Komunistak, Komite In-ternazionalistak, Indar Beltza, OngiEtorri Errefuxiatuak, Les Insoumis-e-s, Zutik / collectif contre les violencessexistes, NPA Pays Basque, Sortu.adresse du site web : g7ez.eus

Appel à la mobilisationcontre le G7 et son monde

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Pays Basque

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Biarritz, du Conseil de Développementde la Communauté d'Agglomération(baptisé récemment CODEVA) (2), deschambres consulaires et de personnes"qualifiées" issues de l'entreprise, du

sport, de la culture. Au menu, diversesopérations commerciales et de commu-nication pour faire venir un maximumde visiteurs et "promouvoir" le territoireavant les dates du sommet. En utilisant

les médias, l'espoir de tous ces élus etpatrons est de transformer l'image et leterritoire du Pays basque en monnaiesonnante et trébuchante... "Faire abs-traction de ce que représente politique-ment ce sommet annuel ainsi que soncoût faramineux (il a fallu dépenserentre 500 et 600 millions de dollars en2018) pour ne retenir que les rentréesd'argent ou la promotion touristique deBiarritz relève d'une vision étroite, mes-quine et égoïste" dénonçait la coalitionabertzale EH Bai, le 22 juin 2018.

Le maire de Biarritz se fait fort demener préparatifs et tenue du sommet"dans la concertation et la transpa-rence". Et c'est benoitement qu'il af-firme qu'il saura, avec les services del’Etat, "gérer au mieux la sécurité et laliberté de circulation".

"Biarritz ne sera pas bunkérisé"...

Quelques informations ont ététransmises par le sous-préfet sur lethème de la protection du sommet : il aprésenté les différentes zones de sécu-rité ("sécurité renforcée" et "zone deprotection") et les strictes conditionsd’accès aux résidents et professionnelssur présentation de badges et de docu-

Appel d’Aman Komunak *

Le G7 et son monde au bûcher !

"Vous l’avez sûrement entendu, le conseil de l’inquisition suprême doit se réunir à Biarritz fin août2019. Ils viendront écrabouiller le monde qu’ils sont en train de détruire, protégés par des armes etdes barrières. Ils veulent nous clouer sur la croix de l’argent et de l’arrogance (...)En joignant toutes nos forces, on va leur faire la fête : nous allons leur préparer une énorme nouba,car nous en avons ras les miches de leurs mensonges, guerres, profits, injustices. Ensemble et cha-cun-e à sa manière, empoisonnons le banquet ! (...) Que ce sommet du G7 à Biarritz soit l’enfer ducapitalisme et le sabbat de la révolution. Et le lendemain, continuons de semer la résistance et laconstruction aux quatre vents, dans la joie et la diversité.

Terre et liberté !

27-01-2019

* Le réseau Aman Komunak a vu le jour en juin 2017, suite aux rencontres effectuées entre des collectifs et despersonnes de tout le Pays Basque venues soutenir la ZAD, en participant notamment à la construction de l’Am-bazada.Ce réseau veut être un outil de rassemblement des nombreux projets d’autogestion qui existent au Pays Basque,en prenant en compte les différentes expériences et envies de chacun-e. Nous voulons favoriser l’inter connais-sance afin de structurer des dynamiques d’avenir, en respectant la spécificité de chaque projet et en offrant desmoyens adéquats pour la construction et la résistance communes. La transparence, l’horizontalité et l’inclusi-vité sont nos bases de fonctionnement, convaincu-e-s que la diversité nous rendra plus fortes et plus belles. Fixerdes perspectives ensemble est l’un de nos objectifs et c’est ce à quoi nous travaillons, en pratique et en théorie.

Première interven-tion anti G7 à Biar-ritz, le 16 février:une parodie du G7Fan Club avec desgilets jaunes survol-tés (cf vidéo)

1- CAPB = com-munauté d'ag-glomérationPays Basque,qui réunit les233 déléguésdes communesdu Pays Basquenord)2 - Le CODEVArassemble lasociété civile or-ganisée avecplus de 100structuresmembres quisont elles-mêmes repré-sentatives deleurs secteursd’activités

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Pays basque

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ments d'identité. En gros, sera dégainél'arsenal de mesures de contrôle et derépression extraordinaires, mais habi-tuelles en période de sommet desgrands de ce monde, et durcies à causede la proximité de la frontière. Mais lemaire rassure : Biarritz ne sera pas «bunkérisée » et « jusqu’au 18 août lesactivités se dérouleront normalement»... Si les effectifs de la flicaille n'ont pasété officiellement dévoilés, il sembleque ce sont 15.000 gendarmes et poli-ciers qui seront mobilisés, positionnéssur des périmètres de contrôles sur"plusieurs dizaines de kilomètres, voiredans un rayon dépassant les 100 kilo-mètres"...

Face à ces mesures, les anti G7 ontprotesté par voie de communiqué, s'op-posant à cette "véritable prise en otagede la population" : "Au nom d'un forumde discussions, qui n'a aucune légiti-mité, qui n'est reconnu par aucune or-ganisation internationale et qui n'ajamais amélioré le bien-être des peuplesdu monde, notre territoire va devoir en-durer des restrictions sans précédent.Afin de protéger le spectacle dequelques personnes qui veulent dirigerle monde, l'Etat va oppresser des di-zaines de milliers de personnes et la po-pulation du Pays-Basque va subir unvéritable régime d'occupation (…) Il seratout simplement interdit de circuler surl'espace public.(...) Alors que la liberté demanifester est un droit constitutionnelmartelé à longueur de journée par lesdirigeants, plusieurs sources évoquentune interdiction de manifester danstout le département des Pyrénées-At-lantiques et dans le sud des Landes.Cette interdiction démesurée ne per-mettra pas l’organisation d'une mani-festation sécurisée et, de ce fait,favorisera les conditions d'un troublebien plus grand. Cette mesure est uneattaque en règle aux principes de la dé-mocratie. (…) La réponse sécuritaire aumouvement pacifique des gilets jaunesaugure d'une répression terrible et sanslimite des forces de police. Combien demains arrachées et d'yeux crevés serontcomptabilisés au soir du 26 août ? Voirepire..."

Le maire, lui, parle de "quelquesdésagréments" pour les habitant.es etrésident.es, il minimise ces mesures de"sécurité", en osant les comparer àcelles occasionnées par le passage duTour de France "qui change aussi noshabitudes, les accès, la circulation", oubien par les fêtes de Bayonne et de Biar-ritz "qui soumettent à des contraintesde sécurité et d’accès"... Même la vio-lence policière qui s'est exprimée le 18décembre n'a pas altéré les propos béatsde Veunac. Ce jour-là, une manifestationétait appelée par les membres de la pla-teforme contre le G7, des gilets jaunes,des altermondialistes, des syndicalistes,afin de protester contre la présence àBiarritz du ministre des affaires étran-

gères Y-M. Le Drian, venu, en remplace-ment de Macron, accueillir 150 ambas-sadeurs dans le cadre d'une réunion depréparation du G7. La cité balnéaires’était alors transformée en ville occu-pée, d'une façon disproportionnée au vudu nombre assez faible de manifes-tant.es. Le dispositif d'hommes armésjusqu'au dents, en uniforme, en civil,sur les toits..., et la brutalité de leurs in-terventions (charges, tirs de grenades la-crymogènes et de flash-balls,occasionnant une grave blessure à lamâchoire d'une jeune manifestante)était un avant-goût de la mobilisationpolicière et armée qui se déploiera cetété. Un galop d'essai, en somme, avecl'intention d'intimider et de dissuaderde manifester.

...mais il faut quand mêmerassurer les habitant.es

Tout est tenté par les autorités pourrépondre aux inquiétudes des commer-çant.es biarrots : ils craignent une pertede leur chiffre d'affaires en pleine sai-son touristique (un jour au mois d'aoûtfait rentrer 4000 euros dans les caisses).Le maire et le sous-préfet leur promet-tent que les commerces resteront ou-verts, que tout le gratin qui débarqueraà Biarritz pour le G7 (3 à 4000 journa-listes du monde entier sont attendus, etautant de représentants des déléga-tions, soit plus de 7000 personnes) seruera dans leurs commerces ,"dès lorsque des initiatives seront prises pourqu'ils aient envie de consommer"....Mais des opposants au maire rétor-quent : et s'il y a des manifestationscomme lors de chaque G7, si le sommetse déroule dans une atmosphère vio-lente comme lors de la venue de LeDrian le 18-01, si des systèmes de sécu-rité devaient être mis en place 10 ou 15jours avant, si la ville se retrouvait ca-denassée comme pour un état de siège? …

Les habitant.es aussi sont inquiets.Pour les rassurer, la mairie de Biarritz ainstallé un Point info dans ses locaux,destiné à accueillir le public dans sesdémarches et répondre aux questionsdes usager.es sur l’impact qu’aura lesommet sur leur quotidien ; et ça nedésemplit pas. Il faut dire que dans lesdeux périmètres qui seront sécurisés, ily a 15 000 logements. Entre les habi-tant.es à l’année, les résidences secon-daires, et les touristes, il est difficile dedire combien de personnes cela repré-sentera pour l’heure. Une ligne télépho-nique a aussi été ouverte et troispersonnes se relaient au bout du fil.

Imitant les accents macroniens, Veu-nac s'empêtre dans les antagonismesdu "en même temps" : il dit avoir la"double obligation de protéger les invi-tés du G7 et de respecter les habitantsde Biarritz et ceux qui veulent s'expri-mer."

Les premières actions des anti G7

Peu à peu, au fil des réunions entretous les acteurs de la plate-forme et descoordinations avec les organisations duPays Basque Sud, se mettent en place lesdifférents axes de travail et tâches, et seprécise un calendrier pour les anima-tions et initiatives avant le G7 (cara-vanes d'infos/marches à travers lePays-Basque, réunions publiques, expo-sitions itinérantes, semaines théma-tiques, manifestations...), pendant puisaprès le sommet.

Quelques démarches et étapesà signaler déjà :

Aussitôt connues les mesures de"sécurité", demande a été faite d'un ren-dez-vous avec le maire de Biarritz, pourfaire avec lui le bilan du 18 décembre etde la violence des policiers, lui faire me-surer l'aberration d'organiser un G7 àBiarritz, en plein été, dans un lieu hypertouristifié (la population double en étéet atteint 50 000 personnes, qu'il s'agirade recenser et de contrôler...), trans-formé pour l'occasion en bunker pourles habitants. Le G7 coûtera cher à la po-pulation, tant d’un point de vue écono-mique avec ses dépenses à même lesfonds publics qu’en terme de violationde droits fondamentaux, comme celuide manifester ou de vivre sanscontrainte.

Il a été tenté aussi, par un argumen-taire, de dissuader les acteurs écono-miques, politiques, sociaux et culturels," membres de la société civile" qui siè-gent au Conseil de développement duPays basque (2) de cautionner le G7, etde les inviter à refuser leur "participa-tion citoyenne" au « comité de valorisa-tion » . Mais il fallait s'y attendre ; cefut en vain : beaucoup de participant.esà ces structures sont des décideurs etdes entrepreneurs, qui surfent évidem-ment sur le capitalisme néo-libéral....

Le 16 février, un rendez-vous a étéfixé au centre-ville de Biarritz par legroupe "G7 Fan club", parodie de comitéde soutien au G7, impulsé par le réseauAman Komunak (Encart), pour partici-per à un "grand meeting" traité sur lemode de l'ironie. Des pastiches de dis-cours à la gloire du G7 tenus par des "ac-teurs-imitateurs" représentant despersonnalités (élus locaux et régionaux,militant macronien, riche habitante deBiarritz, président de la chambre decommerce et d'industrie...) ont réjoui etgalvanisé l'assistance (3). Ce fut unebelle réussite : environ 400 personnesse sont rassemblées, des gilets jaunesqui venaient de manifester dans la villecôtoyant des membres de la plate-formeanti-G7.

(à suivre) Pays Basque, 17.02

3- Vidéo du

"grand meeting" :

https://www.you-

tube.com/watch?v=qH

tBvwvJYWU

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Le capitalisme domine encoreplus largement le monde au-jourd’hui qu’hier. Ce système

économique a bien montré, tout au longdu XXe siècle, son incapacité à suppri-mer les inégalités, la misère et l’exploi-tation. Au contraire, il s’en nourrit et lesengendre : guerres, massacres, faminesse sont multipliés sur la planète commejamais ; des années de colonialisme etde néocolonialisme ont accéléré lepillage des ressources des peuples duSud au même rythme que l’extermina-tion de populations entières ; le déve-loppement technologique conçu commepourvoyeur de profits a entraîné unelente et inexorable destruction de l’éco-système de la planète. Partout, l’exploi-tation des prolétaires par une minoritéde nantis au service de la bourgeoisiequi achète à bas prix les services d’ar-mées de travailleurs précaires, soumisà la flexibilité et sans cesse menacéspar le chômage, se fait plus pressante.

Ce système capitaliste, nous voulonsle détruire. Il n’est ni éternel ni lemeilleur des mondes possibles, contrai-rement à ce que veulent nous fairecroire ses défenseurs, de quelque bordsoient-ils.

COMMUNISTES...

Nous luttons pour une société dans la-quelle les moyens de production etd’échanges seront gérés non par leurs pro-priétaires « légaux » actuels ou par des bu-reaucrates de l’Etat, mais directement parles gens concernés au premier plan, c’est-à-dire les producteurs. Une gestion assuréepar des assemblées de base des conseilsd’usine, de quartier, de village, de ville et derégion, composés de celles et ceux qui y vi-vent et y travaillent, et qui ont ainsi la pos-sibilité de se fédérer librement pourdéterminer la quantité, la qualité et l’usagede la production. Une société dans laquellele principe de base sera « De chacun-e selonses possibilités à chacun-e selon ses be-soins » : une société économiquement com-muniste, sans classes et sans Etat.

Partis et syndicats ne pourront être lesgérants de cette nouvelle forme d’organisa-tion de la production et de la répartition,mais seulement des forces de proposition.Dans ces nouvelles structures, toutes lesformes permanentes de délégation de pou-voir sans mandat précis ni révocation pos-sible à tout moment, de Parti-guide, deParlement, de structures étatiques, serontécartées pour laisser la place à l’auto-orga-nisation des prolétaires.

Les modalités d’application du commu-nisme libertaire ne sont pas à déterminer àl’avance : elles dépendront des situations gé-nérales et particulières, des formes localesde culture, des possibilités et des désirs.

Pour autant, le communisme libertaire n’estpas qu’une vague utopie. L’histoire des ré-voltes et des tentatives de révolution four-mille d’exemples de l’application concrète denotre projet anarchiste révolutionnaire,adapté aux situations particulières d’uneépoque ou d’un lieu — la Commune de Paris,les soviets dans la Russie de 1917, l’insur-rection makhnoviste en Ukraine de 1918 à1921, les collectivisations dans l’Espagne de1936, les conseils ouvriers en Hongrie en1956, etc.

Notre projet communiste libertaire estaux antipodes du communisme étatique quidominait les pays de l’Est. Ce dernier s’esteffondré, et nous ne pouvons que nous enréjouir ! Cela faisait plus de quatre-vingtsans que le courant libertaire dénonçait cespays dits communistes comme étant desdictatures sanglantes, qui pratiquaient uncapitalisme d’Etat ayant substitué à la formeclassique de la propriété privée la domina-tion d’une classe bureaucratique dirigeantla production et les échanges pour sonpropre compte.

Le modèle social-démocrate, qui enten-dait parvenir au socialisme par une succes-sion de réformes en s’emparant du pouvoird’Etat par les élections, s’est heurté à latoute-puissance du modèle capitaliste, quijoue tour à tour de la répression et de l’in-tégration. Il y a bien longtemps que les « so-cialistes » ont renoncé à se battre pour unesociété égalitaire et sans exploitation.

... ET LIBERTAIRES

Mais l’oppression que nous voulons sup-primer ne se cantonne pas à une sphèrestrictement économique. Elle touche à tousles rapports de pouvoir. Nous voulons unesociété politiquement libertaire sans domi-nation d’aucune sorte.

Nous luttons contre toutes les sortesd’uniformisation (des modes de vie, des cul-tures, de la production et de la consomma-tion) imposées par le développementcapitaliste.

Nous luttons pour de nouveaux rapportsentre les hommes et les femmes, où la valo-risation de la virilité et la soumission n’au-ront plus lieu d’être. Car une société sansclasses ne mène pas forcément à l’éradica-tion du patriarcat (système de domination

des hommes sur les femmes) : celui-ci mé-rite une lutte spécifique, parce qu’il traversel’ensemble des classes sociales et préexisteau capitalisme. La lutte contre le patriarcatest une lutte pour la déconstruction desgenres masculin et féminin modelés et im-posés par l’ensemble des sociétés préexis-tantes. Se réapproprier nos identitéspersonnelles, c’est refuser d’intégrer un sta-tut social lié à notre sexe et c’est refuser queles normes actuelles (hétérosexualité, mo-nogamie...) soient des codes de notre vie.Nous voulons vivre librement notre corps etnos désirs.

Nous ne voulons plus d’une société où letravail n’est pas une activité humaine parta-gée en fonction de besoins librement déci-dés, mais un esclavage salarié destiné àproduire n’importe quoi, du moment que çase vend et que les capitalistes peuvent réali-ser, par ce biais, des profits. Il nous fauttordre le cou aux « vieilles croyances » quesont la nécessité de la croissance, du pro-ductivisme, de la prépondérance de l’« éco-nomie ».

De très nombreux courants socialistesont lié la possibilité du communisme à uneréalisation de l’abondance. Mais I’idéologiede la croissance, économique et démogra-phique, est une course perdue d’avance : ellene fait que renforcer les inégalités entre lesgens et abaisser la qualité de la vie ; notreplanète ne peut permettre à toute la popula-tion mondiale d’accéder aux modes deconsommation des classes supérieures despays riches.

Les alternatives locales aux modes deconsommation et de production qui tententun peu partout de se mettre en place nousparaissent révélatrices du besoin de réap-propriation collective de l’espace de nos viesque restreignent de plus en plus les pro-ductivistes. Même si ces alternatives, enl’absence d’une lutte globale contre le sys-tème et d’un projet politique, restent limi-tées quant à leur possibilité de changerréellement la vie.

Dans la mesure où notre projet politiques’est historiquement construit au fil et aucoeur des mouvements sociaux, des révolteset des tentatives d’établir des rapports so-ciaux égalitaires, c’est dans ces mouve-ments qu’il faut combattre, y compris ens’élevant contre certains de leurs aspectsqui chercheraient à reproduire un ordre an-cien (ou à en créer un nouveau) de domina-tion. Ce sont dans les contradictions et lesconflits actuels de la société que plongentles racines d’une autre forme d’organisationsociale dont l’ébauche jaillit parfois sponta-nément, dans certaines situations. Nouspensons que c’est lorsque les gens sont « enmouvement », dans des moments partiels derupture, qu’ils sont porteurs d’idées et depratiques correspondant le mieux à nos as-pirations.

Qui

sommes

nous?

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Faire du neuf avec duvieux : l'instrumentali-sation de la restitutiondes œuvres d'art afri-cain pillées pendant la

période coloniale.

Dans la lignée du discours deOuagadougou, où il avait an-noncé « des restitutions tem-poraires ou definitives dupatrimoine africain enAfrique », Macron a chargédeux personnalités, Béné-dicte Savoy et Felwine Sarr,d'une mission chargée de ré-diger un rapport sur la faisa-bilité de cette mesure. Lesdeux sont des universitaires,l'une est française, l'autre estsénégalais. Le second estl'auteur d'un essai « Afroto-

pia » qui a été un succès delibrairie, que l'on peut trou-ver sympathique dans la li-gnée de la penséepostcoloniale qui réclameune remise en cause desconcepts imposés à l'Afriquepar l'Occident au nom de la« mission civilisatrice » colo-niale, puis du « développe-ment » après lesindépendances... Fort bien,sauf que l'on n'y trouveguère de réponses concrètespar rapport aux problèmespolitiques et économiques

notamment qui se posent denos jours aux Africains. Iciaussi, cette histoire de resti-tution des œuvres d'art afri-cains, même si au passage,cela a engendré une polé-mique — ce qui montrequ'en France, dans le milieudes conservateurs de mu-sées la nostalgie impérialeest toujours bien présente —, apparaît un peu commeune sorte de diversion, pourne pas dire un os à rongerque l'on donne à l'intelli-gentsia africaine alors quepour le reste, rien n'est remisen cause. Ainsi on peuts'étonner (ou ne pas s'éton-ner !) que le même FelwineSarr qui est aussi écono-miste et qui tenait des pro-pos carrément hostiles au

maintien du franc CFA(« L'Afrique n'est toujourspas décolonisée » cf inter-view a Jeune Afrique, 8 mars2016) alors que le franc CFAfait encore plus débat cesdernières semaines, semblenettement plus discret sur lesujet...

Le franc CFA : la Francede plus en plus isolée

pour le maintiende sa « monnaie colo-

niale »

Le franc CFA estclairement issu de la coloni-sation. Nul ne peut le nier. Ilimplique une tutelle moné-taire sur les pays qui fontpartie de cette zone avec no-tamment l'obligation de dé-poser la moitié des réservesde change sur un compted'opération auprès du Trésorfrançais et surtout empêcheles Etats de la zone francd'avoir un taux de changecorrespondant à leurs éco-nomies réelles (voir l'ou-vrage de Fanny Pigeaud etNdongo Sylla, le franc CFA,l'arme secrète de la França-frique). C'est une situationqui n'existe nulle partailleurs. C'est pourquoi, faitinédit aussi, des respon-sables d'un parti au pouvoirdans un autre Etat membrede l'Union européenne sesont permis de critiquer avecun certain sens de la provo-cation, cet état de fait : levice-président du Conseilitalien Luigi de Maio a accuséla France de « n'avoir jamaiscessé de coloniser des di-zaines de pays africains », cequi expliquerait le blocagedu développement écono-mique et les migrations versl'Europe. Un député du« Cinq étoiles » Di Battista amême déchiré en public unbillet de 10 000 F CFA. Le pro-blème évidemment aveccette prise de position, c'estque le parti Cinq Etoiles estdans un gouvernement enalliance avec l'extrême-droite de Salvini qui a fait deson discours anti-migrants,une réalité en interdisantl'accès à ses ports des ba-teaux qui leur portent se-cours. Et de plus, le lien entrele CFA et la migration nepeut pas être direct, contrai-rement aux interventionsmilitaires menées par les Oc-cidentaux qui ont pu favori-ser des crises humanitaires

comme ça a été le cas enLibye. Il y a donc ici un pro-blème quand on se prétendavoir inspiré de tels actes oude tels propos en se présen-tant comme un militant afri-cain de la cause anti-CFAcomme Semi Kaba le fait.Mais, un autre enseignementqui apparaît, c'est le splen-dide isolement de la France.Un des arguments superfi-ciels utilisés pour dire que lefranc CFA n'est plus unemonnaie coloniale, c'est quedésormais c'est à l'euro etnon plus au franc que le CFAest relié. Mais n'eut été la vo-lonté de la France, le CFAn'aurait pas été rattaché àl'euro. Et d'ailleurs on n'apris la peine de consulter lesEtats africains, lors du pas-sage du franc français àl'euro, comme cela aurait duêtre formellement le cas... Or,aujourd'hui, on voit qu'au-cun Etat, aucune autorité eu-ropéenne n'est venue enrenfort de l'Etat français àl'occasion de cette chargeanti-CFA par des représen-tants de l'Etat italien, commesi finalement, à part laFrance, personne dans lazone euro, ne tenait aumaintien du rattachementdu franc CFA. En fait, la question n'estdonc pas tant si le CFA doitdisparaître : à terme, sansdoute d'ici quelques années,voire une décennie, il finirapar disparaître, en tout cas,sous sa forme actuelle. Doncles vraies questions à seposer c'est plutôt de quellemanière on va mettre fin auCFA et par quoi on va leremplacer ? S'agit-il pourchaque pays africain d'avoirchacun sa propre monnaieen se concurrençant par desdévaluations compétitives ?S'agit-il de répliquer la zoneeuro, par exemple au seind'un projet de monnaieunique pour les pays

Françafrique

29courant alternatif - n° 288 - mars 2019

La politique africaine de Macron :les masques tombent !

En arrivant aux affaires, Macron avait tenu un certainnombre de propos (à Alger et à Ouagadougou) pourfaire croire à une rupture avec l'héritage colonial de laFrance en Afrique. Mais cette tentative de ravalementde façade (cf. la Françafrique relookée, CA de février2018) sombre dans la caricature, symbolisée par les es-

capades françafricaines de Benalla. Le système frança-fricain fait eau de toute part mais les gouvernantscomme Macron sont bien incapables de le réformer, auprix d'une aggravation des crises actuelles et à venirdans les différents pays africains où la France exercesa tutelle.

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Françafrique

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d'Afrique de l'Ouest (CE-DEAO) où les plus faibles de-vront s'aligner sur les plusforts, ce qui aboutira à unscenario similaire à la crisede la zone euro qui perduredepuis une décennie ? Quiplus est, en Afrique, l'intégra-tion économique a d'autres

priorités, à commencer parles voies de communicationqui sont toujours un héritagede la colonisation, destinéesà drainer les ressources mi-nières et agricoles vers lesports et non à relier les diffé-rents territoires. Mais en at-tendant, sur cette questionqui a aussi une dimensionsymbolique, ce ne sera pasavec Macron qu'il faut s'at-tendre à du changement, tel-lement ce pouvoir manquede perspectives à plus longterme. Mais c'est dans un autre do-maine où la politique fran-çaise s'enfonce encore plusdans le sable et où l'échec estencore plus patent : celui del'autre pilier principal de laFrançafrique, celui de l'inter-ventionnisme militaire.

L'enlisement des inter-ventions françaises (et

occidentales)en Afrique

En février 2018, uncollectif de chercheurs asigné un appel pour remettreen cause « le primat a ete

donne a la lutte antiterro-riste » au Mali (Le Monde du21 février 2018). En effet, plusde cinq ans après l'interven-tion française (Serval puis

Barkhane), les groupes armésn'opèrent plus seulement ausud mais aussi au centre dupays. Les opérations d'élimi-nations physiques plus oumoins ciblées sur de présu-més « jihadistes », l'utilisa-tion de certains groupesarmés contre d'autres en sui-

vant des lignes de clivagesclaniques ou ethniques(selon une tactique déjàéprouvée dans les guerres co-loniales), ont eu pour résultatde multiplier les vocationscombattantes, voire les can-didats à des opérations kami-kaze. La perspective d'uneguerre sans fin est bien là. Le pays voisin, le BurkinaFaso, est en train de prendrele même chemin. Les at-taques se multiplient contreles représentants de l'Etatqu'ils soient civils ou mili-taires. On commence à y voiraussi à des massacres à ca-ractère ethnique en repré-sailles à des communautésassociés à tort ou à raison auphénomène jihadistes(comme les Peuls au nord dupays). Mais il n'est pas ques-tion de remettre en causecette stratégie. Le G5 Sahelqui devait faire reposer lesopérations de « sécurité » surles Etats africains (Maurita-nie, Mali, Burkina Faso, NigerTchad) ne prend pas vrai-ment le relais. Il a été symbo-liquement visé par unattentat suicide en mai der-nier. Il apparaît surtoutcomme une initiative de laFrance et n'arrive pas vrai-ment à fonctionner. Le retour de l'intervention-

nisme militaire direct de laFrance en Afrique qui s'estproduit au début de la décen-nie (Licorne en Côte d'Ivoireen 2011, Serval au Mali etSangaris en Centrafrique en2013) a pu faire illusionquelque temps. Mais de ma-nière significative, dans cedernier pays dont la Franceavait fait une sorte de protec-torat militaire après l'évic-tion de Bokassa en 1979,bloquant toute évolution versun « transition démocra-tique » au début des années1990, l'armée française a pliébagages et les négociationsde paix entre le régime et lesgroupes armés qui tiennentune partie importante dupays se déroulent à Khar-toum, au Soudan, tandis quela coopération militaire russea pris le relais de celle desFrançais. Quand les militairesfrançais quittent un payscomme la Centrafrique, c'estaussi souvent parce qu'il neprésente plus d'intérêt stra-tégique et aussi parce que laguerre civile y est apparue ets'y est installée après des dé-cennies de corruption et deviolences gouvernementalessur les populations. Unexemple à méditer lorsqu'onvoit tout le soutien que l'Etatfrançais continue d'apporterau régime criminel d'IdrissDéby, au nom de son implica-tion dans la lutte contre le ji-hadisme.

Macron et Benalla auTchad : une caricature

françafricaine

Début décembre,selon la Lettre du Continent,Alexandre Benalla accompa-gné par Philippe Hababou Sa-lomon, un affairistefrançafricain notoire, s'estrendu à N'djamena où il arencontré le frère d'IdrissDéby (ou le chef de l'Etat lui-même, selon les versions).Quelque temps après,lorsque Macron s'est renduaussi au Tchad, la successionde ces deux visites est de-venu un sujet médiatiqueavec l'utilisation des diffé-rents passeports diploma-tiques de Benalla. Lorsqu'il aété interrogé par la commis-sion d'enquête du Sénat, leministre des affaires étran-gères, Le Drian a prétenduqu'il n'avait pas été informépar son ambassadeur. Cen'est vraisemblablement,

qu'un mensonge de plus dela part de gens perchés ausommet de l'appareil d'Etat,qui peuvent prêter sermentdevant une assemblée parle-mentaire et raconterquelques minutes après deshistoires à dormir debout ouqui se contredisent entreelles. Mais qu'allait faire Be-nalla au Tchad comme auCongo-Brazzaville ou au Ca-meroun ? Evidemment, de ladiplomatie barbouzardecomme tous ces intermé-diaires interlopes qui agis-sent au nom d'unediplomatie parallèle maissurtout pour leurs propres in-térêts. Mais la question, c'estpourquoi avoir laissé le jeuneprodige Benalla, encore sousle feu de l'actualité média-tique, se lancer si vite dansce type d'activités ? C'estsans doute un indice du ni-veau de décomposition fran-çafricain au sommet de l'Etatmacronien qui ruine désor-mais tous les efforts de com-munication pour donnerl'image d'une présidence« moderne » qui auraitrompu les amarres avec l'hé-ritage colonial.

En ce qui concernele Tchad, Idriss Deby et sonclan après avoir siphonnél'argent du pétrole pendantdes années, a conduit sonpays à la banqueroute, si bienqu'il n'arrivait plus à payerses fonctionnaires ce qui luia valu une grève générale degrande ampleur en 2018.Aussi, en décembre dernier,la France est venu apporterune rallonge qui lui a permisde payer les fonctionnairestchadiens. Plus encore, aunom du soutien à ce régime« ami », pilier de la lutte« anti-terroriste », on va,comme au début du mois defévrier, bombarder les co-lonnes de rebelles de l'Uniondes forces de la résistance(UFR), qui sont eux-mêmesdes militaires liés à on clan,ayant fait défection il y a unedizaine d'années. En fait, labase sociale du régime Débyest extrêmement faible et ilne peut subsister qu'aumoyen d'une politique deterreur criminelle bienconnue et évidemment grâceau soutien inconditionnel del'armée française. Lorsque lerégime Deby prendra fin unjour, d'une manière ou d'uneautre, ce sera un autre piliersécuritaire de la Françafrique

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qui tombera avec peut-êtreun nouveau scénario duchaos à la centrafricaine...

La Françafrique en voiede déliquescence

En attendant, lesautres piliers de cette França-frique sont aussi de plus enplus branlants. Le Gabon estdirigé par un Ali Bongo dontl'état de santé fait l'objet detoutes les supputations et quia été le prétexte d'une tenta-tive de coup d'Etat. Le Came-roun de Paul Biya, est un paysencore plus dans la tour-mente avec au nord l'activitéde Boko Haram et l'entrée enrébellion armée de partisansde l'Ambazonie, dans la par-tie anglophone du pays etpour terminer avec l'arresta-tion du leader de l'oppositionMaurice Kamto qui reven-dique la victoire aux der-nières élections.La Côte d'Ivoire n'est tou-jours pas vraiment sortie desconséquences de la crise desuccession de Houphouët-Boigny dans les années 1990et de la guerre civile dans lesannées 2000. L'année derièrece sont des militaires quisont entrés en rébellion pourobtenir des espèces son-nantes et trébuchantes. Maispour conforter son pouvoir,Alassane Ouattara fort del'appui des Français a depuisdes années chercher à ver-rouiller toute opposition encréant une sorte de nouveauparti unique le Rassemble-ment des Houphouëtistespour la démocratie et pour lapaix (RHDP). Mais, son projettend à fédérer contre luitoutes les oppositions, cellesde Bédié son vieux rival à lasuccession d'Houphouët,mais aussi son jeune rivalSoro l'ancien rebelle du Nordet ancien président de l'As-semblée nationale et peut-être Gbagbo dontl'acquittement vient d'êtreprononcé à la CPI. Là aussi, lescenario d'un nouveau re-bondissement de la criseivoirienne n'est pas exclu.

Le reflux de la vague« démocratique » en

Afrique

Même dans les paysfrancophones, l'alternanceau pouvoir quand elle a eulieu ne signifie pas du toutqu'il y a une « institutionna-

lisation » de la démocratiemême au sens limité de ladémocratie représentative.D'une part parce que plusqu'ailleurs, les élections enAfrique se sont avérés desélections « sans choix », ausens où notamment les poli-tiques économiques et so-ciales sont préemptées parles institutions financièresinternationales et l'ajuste-ment structurel qu'ellescontinuent d'appliquer ; àcela s'ajoute dans le cas fran-çafricain, l'alignement diplo-matique sur la France qui estune figure imposée de cesjeux politiciens. Cela se ré-vèle notamment par le« deux poids, deux mesures »vis-à-vis de la régularité desélections : lorsqu'il s'agit depotentats françafricainscomme Déby ou Biya, laFrance reconnaît les yeux fer-més les résultats alors quelorsque on est en présenced'un Etat qui se situe en de-hors de cette orbite française,en s'appuyant notammentsur des puissances rivalescomme la Chine ou la Russie,alors la France remet encause plus facilement le ré-sultat des élections commecela s'est passé dans le cas dela République démocratiquedu Congo l'inénarrable LeDrian qui, par ailleurs, a qua-lifié Idriss Déby d' « ami per-sonnel », lors de sa dernièreinvestiture contestée en2016.

Même dans les casoù l'alternance s'est bien pro-duite, les anciens opposantsne tardent pas aussi à adop-

ter des attitudes françafri-caines en débauchant leursadversaires ou en les mettanthors jeu, en instrumentali-sant la justice pour éliminerles candidatures qui peuventremettre en cause leur ré-élection. C'est le cas notam-ment au Sénégal, où l'actuelprésident qui cajole les inté-rêts français encore plus queson prédécesseur AbdoulayeWade et qui par le jeu d'unsystème de parrainagesd'une part et d'autre partavec l'élimination de deuxcandidats du fait de condam-nations judiciaires (KarimWade le fils de l'ancien prési-dent et Khalifa Sall le mairede Dakar) se retrouve avecseulement quatre adver-saires. L'objectif de la ma-nœuvre est d'être élu dès lepremier tour et d'éviter de seretrouver au second tour faceà une coalition des autrescandidats en faveur dumieux placé, ce qui s'étaitproduit pour AbdoulayeWade, battu en 2012.

Conclusion :la Françafrique fait

naufrage de toute part

Mais elle n'en finit pas pourautant. Il n 'y a évidemmentrien à attendre des dirigeantsde l'Etat français (Macroncomme les autres) qui sesont succédé depuis décen-nies en faisant croire quel'Afrique de papa, c'est fini...alors qu'ils ont continué àutiliser toujours les mêmesficelles pour préserver leur

pré carré, soit dans le cadred'une stratégie d'influence etde présence maintenue, soitaussi parce qu'il y a des inté-rêts privés de type mafieuxqui prospèrent et dont finale-ment on s'accommode ouavec lesquels on s'acoquined'une manière ou d'uneautre. La classe politique dedroite comme de gauche etmaintenant, la Macroniecontinuent au fond à user lamême corde comme s'il yavait une sorte de fatalité,voire une nécessité à traiterles Africains de la sorte. Maispeut-être qu'un jour viendraoù le discrédit des Françaisdéjà bien sensible enAfrique, se transformera enune aversion systématiquecomme les « Yankis » enAmérique Latine... Et cela, laFrance ne l'aura pas volé !

Mali, Niger, Libye : exploitation des humains et des mines

L'intervention armée de la France et de l'Union Européenne pour garantir les provisions d'uranium du Niger,quatrième producteur mondial, nécessaires aux centrales atomiques françaises, est bien connue. Mais der-rière l'uranium se cachent les terres rares (1), là encore du lithium (2). Le secteur minier est très prospère pourles dirigeants du Mali, d'où des groupes armés qui voudraient une part du gâteau. La journaliste Heidi Vella sou-ligne dans Mining Technology (juillet 2017) que près de 1 million de Maliens dont 20 000 enfants sont exploi-tés dans des mines de toutes sortes. La Chine vient de conclure un accord pour des exploitations minières. Onne sait trop qui finance la guérilla qui mobilise les troupes françaises, mais là aussi les blocs mondiaux inté-ressés par la guerre des terres rares doivent être dans la course. Un article récent donne la mesure de l'ex-ploitation minière au Mali : Cadavres pas si rares en terres rares, (Front Nouveau Citoyen) in Le Reporter(30/08/2017) « sur le sable bruits de bottes, sous le sable les terres rares et les cadavres » , et des problèmesnotamment des relations avec la France et la Chine.Que vient faire la Libye qui est aussi l'antichambre de l'Europe pour les réfugiés d'Afrique, pourvoyeuse d'armesdepuis la chute de Khaddafi et aussi terrain d'affrontements autour des richesses pétrolières et minières dontles terres rares ? Pourquoi toutes les tendances politiques et guerrières libyennes se sont-elles réunies chezMacron (agissant au nom de la France et de l'Union Européenne) le 29 mai 2018 ? Pour parler migrants, élec-tions, pétrole mais surtout terres rares pour un éventuel partage du gâteau.

Extrait de Echanges et mouvement : Progrès et barbarie, Terres rares, lithium, cobalt : l'innovation capitaliste

tue, Mosin, sept 2018.

1- Terres dites rares car la quantité d'éléments trouvée dans le minerai est de l'ordre de 0,1%.2- « Mali : la mine Goulamina contient deux fois plus de ressources que prévu » (avril 2018). Cette mine est ex-ploitée par la société australienne Birimian, qui détient des mines d'or et de lithium au Mali.

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Un quart de siècle, unevie. Par où commencer ? Pardes souvenirs. Le 31 dé-cembre 1993, le Mexique étaitdisposé à inaugurer l'accordde libre-échange avec l'Amé-rique du Nord, signéquelques mois auparavantavec les États-Unis et le Ca-nada (Tlcan, ou Nafta en an-glais). J'y vivais depuis 1979et j'avais parcouru le pays enlong et en large, un peucomme un hippie et un peucomme un journaliste. J'étaisun fervent lecteur de Mal-colm Lowry, D. H. Lawrence etJack Kerouac et, comme eux,j'étais fasciné par la beautéde ces terres, mais aussi parles souffrances qui en trans-pirent.

Du Mexique, j'étais fas-ciné par les cultures indi-gènes et le passé : larévolution, les aventures deRicardo Flores Magón etl'épopée d'Emiliano Zapata,dont les anciens discutaientencore dans les villages. J'aiadoré le ciel dégagé de laSierra Madre, les somptueuxpaysages des tropiques et en-core plus la douceur du cli-mat du plateau ; j'ai mêmeété attiré par la ville deMexico, qui avait une dimen-sion humaine et n'était pas lamétropole monstrueused'aujourd'hui. Pour beaucoupd'entre nous, issus des follesannées soixante-dix, leMexique était une sorte d'oa-sis de liberté, un refuge quinous permettait de connaîtrede nouveaux horizons et,surtout, de rester à l'écart del'Italie, en proie à la dépres-

sion et à la repentance.

En même temps, je savaisbien que le pays correspon-dait encore à la descriptionlapidaire donnée par VictorSerge, le révolutionnairerusso-belge décédé ici en1947 : « Un pays bicolore,sans classe moyenne ou avecune classe moyenne insigni-fiante : en haut, la société dudollar ; en bas, la primitivitéet souvent la misère de l’In-dien (1). » Le même pays pro-fondément raciste que décritle réalisateur Alfonso Cuaróndans Rome, un film à succèsrécemment présenté au Fes-tival de Venise.

À contre-courant

Ce 31 décembre, les prin-cipaux quotidiens et jour-naux télévisés célébraientl'entrée imminente du paysdans le monde étincelant dela marchandise, avec desfoules de gens rassemblésdans les supermarchés pourle dîner du réveillon de laSaint-Sylvestre, appelé iciNoche Buena. Tandis que lePrésident Carlos Salinas deGortari, de l’inoxydable Par-tido Revolucionario Institu-cional (PRI), célébrait lesommet de sa carrière, trèsloin des lumières de la villedes milliers de miliciensd’une mystérieuse EjércitoZapatista de Liberación Na-cional (EZLN) progressaienttranquillement dans la nuit.Quelques heures plus tard, àl'aube, ils entrèrent dansl'Histoire en occupant mili-

tairement sept villes du Chia-pas : San Cristóbal de LasCasas, Las Margaritas, Alta-mirano, Oxchuc, Huixtán,Chanal et Ocosingo.

J'habitais à Tepoztlán, unvillage du Morelos, mais jeconnaissais bien le Sud-Est,car je travaillais pour Noticiasde Guatemala, une agence depresse, aujourd’hui disparue,qui suivait les luttes socialesde ce pays d'Amérique cen-trale martyrisé. Je faisais sou-vent des allers-retours,presque toujours en voitureou en bus, et, quand je lepouvais, je m'arrêtais pourdormir à San Cristóbal, uneétape et une jolie ville colo-niale. Je savais que le Chiapasressemblait beaucoup àl'Amérique centrale et j'avaisété plusieurs fois dans lajungle de Lacandon où, à côtédes populations mayas sinis-trées, survivaient des milliersde réfugiés guatémaltèques,qui étaient aussi en grandepartie des Mayas et quifuyaient une terrible guerred'extermination.

Le samedi 1er janvier,deux amis guatémaltèques,militants de l’Unidad Revolu-cionaria Nacional Guatemal-teca (URNG) (2),l’organisation de guérilla quiluttait depuis des décenniespour changer les conditionsde vie dans ce pays voisin,ont fêté le nouvel an chezmoi. Je me souviens encorede leur regard, entre per-plexité et excitation, quand,vers midi, un collègue jour-naliste m'a appelé de SanCristóbal pour m'avertir quela révolution avait éclaté...C'était l'époque où les gué-rillas centraméricaines bat-taient en retraite, et mêmel’URNG, encore solide sur leplan militaire mais sans pou-voir gagner, tentait deconclure dignement les épui-santes négociations de paixqui se déroulaient depuis desannées.

Le moment n'était pas fa-vorable. Après la fin honteusedu mal nommé « socialismeréel », les mouvements so-

Il y a vingt-cinq ansla rébellion indigène du MexiqueGrandeur et limites de l'expérience zapatisteLa célébration des 25 ans de la rébellion zapatiste s’est dérouléedans un bien étrange climat. Les élections mexicaines ont portéau pouvoir depuis trois mois un homme « de gauche », AndrésManuel López Obrador (AMLO) du Movimiento de Regeneración

Nacional (Morena) alors que l’EZLN n’a pas été en capacité deprésenter sa candidate. Le tournant auquel nous assistons en-traîne et nécessite de nombreux débats. Nous publions ici lacontribution de Claudio Albertani *

La conscience humaine ne meurt jamais.Elle s'endort, végète, tombe parfois dans un état léthargique, mais arrive le moment où elle se réveille et où, d’une certaine manière, elle récupère le temps perdu.Raoul Vaneigem

1. Victor Serge, «Lettres à AntoineBorie (1946-47) », Té-moins. Cahiers indé-pendants, 21,febbraio 1959, lettredu 21 août 1946, http://www.la-presse-anarchiste.net/spip.php?rubrique114

2. L' Unité révolu-tionnaire nationaleguatémaltèque estun ancien mouve-ment de guérilla quiapparut au Guate-mala en 1982. À lasuite du processus depaix mené par lesNations unies il dé-posa les armes en1996 et devint unparti politique légalen 1998.

* Deux articles de Claudio Albertani ont déjà été publiés dansCourant alternatif : « Le crime d’Iguala et l’insurrection quivient » (novembre 2014) et « Rêveurs et utopistes, RicardoFlores Magón et l’anarchisme au Mexique » (novembre 2017).

Trois autres textes récents sont à lire :

« Le combat des zapatistes est le combat universel de la viecontre la désertification de la terre », de Raoul Vaneigem :https://www.lavoiedujaguar.net/Le-combat-des-zapatistes-est-le-combat-universel-de-la-vie-contre-la

« Lettre internationale de solidarité et de soutien à la résis-tance et à l’autonomie zapatistes » (janvier 2019), signée par de nombreux intellectuels du mondeentier et dont il est question dans le texte d’Albertani :https://www.lavoiedujaguar.net/Lettre-internationale-de-solida-rite-et-de-soutien-a-la-resistance-et-l

« Amère célébration : Les vingt-cinq ans de l’expérience zapa-tiste », par Jérôme Baschethttps://lavoiedujaguar.net/Amere-celebration-Les-vingt-cinq-ans-de-l-experience-zapatiste

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ciaux semblaient s'être en-dormis, et les partis qui seproclamaient encore degauche traversaient une criseterminale. La pensée uniqueprévalait dans le monde en-tier, tandis que le capitalismenéolibéral était présentécomme le seul horizon pos-sible, l’aboutissement obliga-toire de chaque civilisation.Aux États-Unis, Francis Fu-kuyama proclamait triom-phalement la fin de l'Histoireet Margaret Thatcher en ra-joutait une couche : « There isno alternative » (TINA) – « Iln'y a pas d'alternative ».

Au Mexique, la situationn’était pas meilleure : lemouvement 500 Años de Re-sistencia Indígena, Negra yPopular se délitait après lecycle important de manifes-tations et de contre-célébra-tions du cinquièmecentenaire (1992) sur tout lecontinent. Bien sûr, les pro-testations et les manifesta-tions de mécontentement nemanquaient pas, notammenten raison des perpétuellesfraudes électorales, maisl'opposition était démorali-sée et désorganisée. Bienqu’il n’y ait aucune traced’un mouvement ouvrier in-dépendant, des groupes depaysans et de peuples au-tochtones continuaient derésister çà et là dans leszones rurales. Dans lescercles de gauche, on tentaitde rompre le cordon ombili-cal avec le modèle soviétiqueet certains anciens commu-nistes essayaient de se re-faire une virginité« néolibérale ». L'un d'entre

eux, le célèbre politologueJorge Castañeda, venait depublier un livre qui décrétaitla disparition de la guérilla(3)…

La fête, en ce quiconcerne le gouverne-

ment mexicain, est aussibelle que ruinée

S’ensuivirent des mo-ments de scepticisme, les ré-seaux sociaux n'existaientpas encore, et le 1er janvier àMexico, non seulement lesjournaux ne paraissent pas,mais même les informationsne sont pas diffusées à laradio et à la télévision. Néan-moins, on a vite compris quec’était la réalité et qu'il nes'agissait pas d'une révoltespontanée, mais d'un véri-table soulèvement armé, soi-gneusement préparé etplanifié pendant des années.

Une organisation mili-taire, l'EZLN, déclarait laguerre à l'État mexicain etpubliait un manifeste, la Dé-claration de la forêt Lacan-don, qui, en se basant sur laConstitution mexicaine, re-vendiquait le droit du peupleà renverser le gouvernementen brandissant la lutte despeuples autochtones contrela pauvreté et l'inégalité. Aulieu du marxisme-léninisme,le document invoquait lesprincipes de base de la jus-tice sociale tels que le pain, lasanté, l'éducation, le loge-ment, la paix, la démocratie,la liberté... On y lisait entreautres : « Nous sommes leproduit de cinq cents ans de

luttes », « Nous mourons defaim et de maladies que l’onpourrait guérir (...) notre ac-tion est désespérée, maisjuste (4) ».

C'étaient des motssimples mais incisifs qui sai-sirent des millions de per-sonnes au Mexique et dans lemonde. « Je n’en crois pasmes yeux, écrivit GianniProiettis de San Cristóbal. Cesont deux petites filles avecde longues tresses noires, unprofil maya, carabine àl’épaule. Elles ajustent leurfoulard rouge autour de leurcou et me sourient. (...) Lafête, en ce qui concerne legouvernement mexicain, estaussi belle que ruinée (5). »Pendant ce temps, les mili-ciens EZLN avaient attaqué lacaserne de Rancho Nuevo,près de San Cristóbal, et sortiles prisonniers (sauf les trafi-quants de drogue) de la pri-son. À Las Margaritas, legénéral Absalón Castellanos,ancien gouverneur du Chia-pas, fut emprisonné, sousl’accusation d’avoir organisédes actes de torture, des en-lèvements et le meurtre demilitants indigènes. Ils le li-bérèrent le 16 février, en lecondamnant à passer le restede ses jours avec la honted'avoir été pardonné par lespersonnes à qui il avait faittant de mal.

Passé la première sur-prise, l'armée lança unecontre-offensive avec un dé-ploiement massif de forces etdes bombardements aériensintenses. En quelques jours, ily eut plus de 400 morts (nousne connaîtrons jamais les

chiffres réels), pour une partparmi les civils et pourl’autre à Ocosingo, où un ba-taillon de l'EZLN fut pris aupiège du 2 au 4 janvier. L'unedes pertes les plus fortes futle sous-commandant Pedro,chef d'état-major de l'EZLN,militant éprouvé d'origineurbaine. Il mourut à Las Mar-garitas, victime d'une balleperdue.

Bientôt, on sut que parmiles rebelles se trouvait unnommé Marcos, un jeunenon autochtone, dont l'imageavec sa pipe, sa cagoule et sacartouchière fit rapidementle tour du monde. De taillemoyenne, environ 35 à 40ans, Blanc aux yeux clairs,Marcos était doté d'un longnez, de capacités de commu-nication remarquables etd'une bonne dose d'autodéri-sion, une vertu peu com-mune dans les guérillaslatino-américaines. Il devintrapidement l'idole des jour-nalistes, qui se disputaientl’honneur de l’interviewer. Jeme souviens qu'un jour, à laquestion : « Vous appartenezà la théologie de la libéra-tion ? », il répondit plus oumoins : « Non. Nous nous li-bérons sans théologie. »

Halte au massacre

La presse réagit de ma-nière désordonnée. Certainsintellectuels (parmi lesquelsAntonio García de León, Car-los Montemayor, PabloGonzález Casanova, RodolfoStavenhagen et quelquesautres) se prononcèrent vitepour l'ouverture de pourpar-lers de paix. Mais il y eut éga-lement des avis en rienindulgents. Le 2 janvier, LaJornada – qui deviendra l'undes principaux canaux decommunication de l'EZLN –publia un article de fond trèsdur intitulé « Non à la vio-lence ».

Dans le même journal, lepoète Octavio Paz écrivit :« C’est une rébellion irréelle,condamnée à l’échec. Cela necorrespond pas à la situationdans notre pays, ni à ses be-soins et aspirations actuels(6). » Beaucoup se refusèrentà croire qu'une guérilla decette taille pourrait s'installerau Mexique. « Il semblait –écrivit plus tard l'historienEnrique Krauze – qu'une mé-téorite était tombée sur nous,

3. Jorge Cas-tañeda, La utopíadesarmada. Intri-

gas, dilemas ypromesas de la iz-

quierda en Amé-rica latina, 1993,Mexico, JoaquínMortiz/Planeta.

4. « Dichiarazionedella Selva Lacan-

dona », in PieroCoppo/Lelia Pisani(a cura di), Armiindiane. Rivolu-zione e profezie

maya nel Chiapasmessicano, Edi-

zioni Colibrì,Milan, 1994, pp.125-132. Publiéen février 1994,

ayant peu circulé,c’est le premier

livre sur la rébel-lion zapatiste pu-

blié en Italie.

5. Gianni Proiettis,« I miserabili

maya non pazien-tano più. Batta-

glia con l’esercitolungo la rotta delturismo d’oro »,

L’Unità, 3 janvier1994. Le gouver-nement mexicain

n’a jamais par-donné à Proiettis

d’avoir été le prin-cipal chroniqueuritalien de la rébel-lion zapatiste pen-dant dix-sept anset l’a expulsé duMexique le 15avril 2011.

6. La Jornada, 7janvier 1994.

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venant non pas de l'espacesidéral, mais du passé (7). »Or les insurgés n'étaient pasdes vestiges de l'Histoire,mais des hommes et desfemmes en chair et en os, leproduit absolument« contemporain » des catas-trophes causées par le capi-talisme.

Au même moment, lepeuple, ce que certains appe-laient la « société civile »,commença à s'organiserpour mettre fin à la guerre. Àpartir du 10 janvier, des cen-taines de milliers de per-sonnes manifestèrent àMexico et ailleurs. Ce fut uneréaction de masse sponta-née, et c'est l'un des plusbeaux souvenirs que jeconserve de ces jours agités.C’est ainsi que le 12 janvier,le gouvernement de Salinasdut céder à la pression popu-laire en décrétant le cessez-le-feu unilatéral. Le 15, lesparties acceptèrent la mé-diation de Samuel Ruiz,évêque de San Cristóbal, queles indigènes appelaient tatic(père en tzotzil) et qui béné-ficiait de leur confiance –mais pas de celle du gouver-nement qui, à tort, le consi-dérait comme le véritableinstigateur de la rébellion.

Je visitai les zones deconflit du 20 au 27 janvier entant que traducteur (anglais-espagnol) avec une déléga-tion internationaleautochtone présidée par Ri-goberta Menchú, lauréate duprix Nobel de la paix en 1992(8). Dans un petit bus louépour l'occasion et orné degrands panneaux pour lapaix, notre caravane parcou-rut des centaines de kilo-mètres dans les régions duconflit, de villages en campsde réfugiés. Nous entrâmeségalement dans une prisonoù étaient incarcérés des pri-sonniers zapatistes présu-més, dont la grande majoritése proclamaient innocents.Dans de nombreux endroits,nous reçûmes des informa-tions faisant état de cas detorture, d'enlèvements, demeurtres et de menaces àl'encontre d'organisations dedéfense des droits del'homme.

Bien que la trêve soit déjàen vigueur, les signes de laguerre étaient partout. Le bâ-timent de la municipalité de

San Cristóbal était toujoursoccupé par l'armée qui, avecdes véhicules blindés, empê-chait l'accès à la place prin-cipale. Il n'y avait pas detouristes et, partout, ungrand nombre de soldatsétaient présents. Dans lesrues, les postes de contrôlefaisaient penser à la Bosnieplutôt qu’au Mexique que jeconnaissais et que j'aimais.Les quelques véhicules nongouvernementaux qui circu-laient étaient ceux de jour-nalistes et portaient desdrapeaux blancs sur lesquelsétait écrit « presse ». Il y avaitbeaucoup de barrages rou-tiers avec des soldats entenue de guerre, des chars etdes mitrailleuses visant lespassants. Nous nous deman-dions : « Si de telles chosesse produisent au Mexique,comment cela finira-t-ildans le reste du monde ? »

Bilan provisoire

Vingt-cinq ans ont passé.Je ne dirais pas que leMexique a changé en mieux :en Amérique latine, il conti-nue d’être le pays quiconcentre le plus de ri-chesses, et le pillage despeuples indigènes n’a pascessé. Je suis cependant cer-tain que s’il n’y avait pas eules zapatistes la situation duMexique serait encore pire.Ils ont eu – et avant eux lesmouvements guatémal-tèques et sud-américains – lemérite non seulement de dé-noncer les conditions inac-ceptables de pauvreté danslesquelles se trouvent lespeuples d'origine, mais éga-lement de mettre en évi-dence la richesse de leurscultures, leurs cosmovisionset leurs conceptions de la re-lation entre l'être humain etla terre. Quoique le racismen'ait pas été éradiqué, êtreautochtone aujourd'hui estpréférable à être autochtoneà l’époque. Comme l'a écritHermann Bellinghausen, iln'y a pas un seul peuple au-tochtone du Mexique qui nesoit redevable envers les za-patistes (9).

Grâce au cycle historiquequi a commencé le 1er jan-vier 1994, il n’est pas possibleaujourd’hui de penser exclu-sivement aux droits indivi-duels : il faut admettre queles êtres humains vivent en

communauté et qu’ils ontdes caractéristiques cultu-relles, ethniques, linguis-tiques et religieusesspécifiques. En février 1996,l'EZLN et le gouvernementmexicain ont signé les ac-cords de San Andrés, unesérie d'engagements visant àassurer de nouvelles rela-tions entre l'État, la sociétéet les peuples autochtones. Ilest vrai que ces accordsn’ont jamais été respectés,mais ils continuent d’êtreune importante plate-formede lutte qui donne de la co-hésion au mouvement. Lamême année, en octobre, leszapatistes ont contribué à lafondation du Congreso Na-cional Indígena (CNI), la pre-mière organisation à portéenationale, indépendante del'État.

Depuis les années 2000,dans le contexte des vio-lences paramilitaires déclen-chées par l'État mexicaincontre des mouvements in-digènes (on se rappelle lesmassacres d'Acteal et d'ElBosque et, en dehors duChiapas, ceux d'Aguas Blan-cas et d'El Charco, entreautres), l’EZLN s'est retiréedans les territoires qu'ellecontrôle : une partie de LosAltos, une région monta-gneuse du centre du Chia-pas, et certaines parties de laforêt Lacandon. Loin des pro-jecteurs de la politique, elle amis en pratique un projetd’autonomie régionale, desconseils de « bonne gouver-nance » ou caracoles (NdT :Escargot en castillan. Nomdonné aux centres politico-culturels de chacune descinq grandes régions auto-nomes, où siègent notam-ment les conseils de bongouvernement) et où ont lieules principales activités etrencontres zapatistes., descollectivités fondées sur leprincipe de la rotation descharges, le soutien réci-proque et la propriété com-mune de la terre. Elle a créédes écoles alternatives, desinstitutions culturelles, et unsystème de santé efficace as-sociant médecine tradition-nelle et médecineoccidentale (10).

Mais il y a beaucoup plus.Les zapatistes ont forgé undiscours politique qui a re-nouvelé les luttes sociales auniveau planétaire et qui a

contribué à créer le premiergrand mouvement socialcontre la mondialisationnéolibérale. À une époquecaractérisée par la dictaturede l'argent, ils ont défendu« un style de vie fondé sur lasolidarité, la gratuité et lacréativité qui remplace letravail » (11). Ils ont donnénaissance à des réunions« intergalactiques » où,contrairement aux vieuxpartis communistes parexemple, ils n'ont jamaisprétendu offrir des solutionsvalables partout et pour tous,mais où ils ont posé lesquestions centrales de notreépoque : la fin de la civilisa-tion de l'argent, la redécou-verte de la communauté, ladémocratie directe, l'identitéet la différence, le pouvoir(12).

« Nous sommes seuls »

Les zapatistes ont faitcela et plus encore. Ils méri-tent donc le respect et la so-lidarité de tous ceux qui sebattent pour un mondemeilleur. Aujourd'hui, cepen-dant, ils se retrouvent seuls.« Je vais vous le dire clair etnet. Nous sommes seulsexactement comme il y avingt-cinq ans. (...) On nousignore », déclare amèrementle sous-commandant Moi-sés, actuel porte-parole del’EZLN (13). Comment l'expli-quer ? Il ne s’agit pas seule-ment de l’usure naturelled’un mouvement qui duredepuis un quart de sièclesans se rendre.

Au cours de ces années,des dizaines de milliers depersonnes originaires de di-zaines de pays et qui ontéchangé avec l’EZLN et lescommunautés en résistanceont défilé dans les mon-tagnes du sud-est duMexique. Cependant, les re-lations humaines nées dansles territoires libérés ne sesont pas toujours dévelop-pées au nom de la coopéra-tion et de la fraternité. À cetégard, il convient de lire lelivre susmentionné de Giu-seppe Martinelli, qui met enlumière la grandeur, maisaussi les limites de l'expé-rience zapatiste.

Moisés dit : « Si nousavons obtenu quelque chose,c’est seulement grâce à notretravail et si nous noussommes trompés, c’est

7. Enrique Krauze,Redentores. Ideas ypoder en Américalatina, Editorial De-bate, Mexico, 2011,p. 461.

8. Claudio Alber-tani, « La guerradelle formiche », inCoppo/Pisani, op.cit., pp. 99-110.9. Hermann Belin-ghausen, « Las vic-torias del EZLN »,La Jornada, 31 dé-cembre 2018.

10. Giuseppe Marti-nelli, Sempre stra-niero, le avventuredi un medico napo-letano nella SelvaLacandona, BFS,Pise, 2018.11. Raoul Vaneigem,« Zapatistas por lavida », La Jornada,20 janvier 2019.

12. Alessandro Si-moncini (a cura di),Percorsi di libera-zione. Dalla SelvaLacandona all’Eu-ropa. Itinerari, do-cumenti,testimonianze delSecondo Incontro In-tercontinentale perl’umanità e contro ilneoliberismo di Ma-drid, Edizioni dellabattaglia, Palerme,1997.

13. Parole del Sub-comandante Insur-gente Moisés, 31décembre 2018,http://enlacezapa-tista.ezln.org.mx/2019/01/04/parole-del-ccri-cg-dellezln-ai-popoli-zapatisti-nel-25-anniversario-dellinizio-della-guerra-contro-loblio/

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International

uniquement notre faute.(...) Certains auraient aiménous dire quoi faire et quoi nepas faire, quand parler etquand ne pas parler. Nous lesavons ignorés. » Ce ne sontpas que des mots. Cela faitlongtemps que l'attitude deszapatistes s'est durcie, ce qui

explique, du moins en partie,pourquoi bon nombre de per-sonnes et d'organisations ontchoisi de prendre de la dis-tance. Il serait utile de se de-mander, par exemple, ce quiest arrivé aux réseaux de soli-darité européens (14). Audébut de 1998, peu après lemassacre d'Acteal, nous avonspu organiser un rassemble-ment de protestation à Romeauquel environ 40 000 per-sonnes ont participé. Combienparticiperaient maintenant, siquelque chose comme cela sereproduisait ?

Il est vrai que l'EZLN,comme toutes les armées, aune structure militaire hiérar-chique et autoritaire. C’estpeut-être pour cette raisonque ses dirigeants préfèrents’entourer de loyalistes plutôtque d’accepter la critique fra-ternelle des personnes soli-

daires mais qui pensent aussi.Une chose est sûre : au coursde ces années, ceux qui ontosé exprimer des doutes surles nombreux développe-ments politiques souvent dis-cutables du commandementzapatiste ont été chassés,presque toujours accusés de

fautes extravagantes.

Je précise que je ne fais pasallusion aux partis de gaucheou de droite avec lesquelsl’EZLN a été trop clément,puisqu’en 1994 il a appelé àvoter pour Cuauhtémoc Cárde-nas du Partido de la RevoluciónDemocrática, et en 2000 a faitbénéficier du doute VicenteFox du Partido Acción Nacional(PAN). Je fais plutôt référenceaux collectifs autonomes etaux nombreux camarades quiont été exclus sans raisonsclaires. C’est ainsi que l'en-thousiasme initial a disparu etque sont restés surtout des« compagnons de route », cer-tainement généreux mais pastoujours efficaces et souventsectaires. Le résultat est quepeu à peu les zapatistes ontperdu les capacités de com-munication qui avaient faitleur fortune au début.

Le gouvernementd'AMLO

Depuis le 1er décembre del'année dernière, le Mexique aun gouvernement de gauchequi prétend être l'héritier desgrands mouvements sociauxdu passé. Le Président AndrésManuel López Obrador(AMLO), du Movimiento de Re-generación Nacional (Morena),affime vouloir lancer la qua-trième transformation dupays après la guerre d'indé-pendance (1810-1821), laguerre de réforme (1858-1861)et la révolution (1910-1917). Ilpromet de changer les chosesen s’attaquant à la racine. Iljure d’en finir avec la corrup-tion et avec les trente annéesde libéralisation sauvage quiont rendu les pauvres pluspauvres et les riches plusriches. Il se targue de repré-senter les intérêts des uns etdes autres et prétend êtrel'ami de tous les hommes debonne volonté.

Cela sera-t-il vrai ? Il fautdire que les quelque 30 mil-lions de Mexicains qui ontvoté pour AMLO n’appartien-nent pas tous à Morena et necroient pas forcément en sespromesses. Ce sont simple-ment des citoyens qui ont ex-primé par la voie électoraleleur rejet des gouvernementsprécédents. Il est utile d'exa-miner rapidement ce que lenouveau gouvernement a faitau cours de ces premiersmois. Il a annulé la construc-tion d'un aéroport litigieuxprès d'Atenco, le village de labanlieue de Mexico qui, pen-dant des années, a été unsymbole de résistance pour ladéfense du territoire. Il a aug-menté le salaire minimum etles prix minimums garantisaux produits paysans ; il a in-terdit la fracturation, unetechnique particulièrementtoxique pour l'extraction desgaz du sous-sol.

Il a également lancé unecampagne (difficile) contre lacorruption, en particulier àPemex, le secteur pétrolier pa-rapublic qui avait été systé-matiquement pillé pendantdes années par ses propres di-rigeants et par le syndicat. Ilest revenu à l'indépendancetraditionnelle de la politiqueétrangère mexicaine et nes’est pas prêté à la manœuvrede Trump contre le gouverne-ment vénézuélien. Sur le front

des droits de l’homme, il a li-béré une douzaine de prison-niers politiques (parmienviron 500, enseignants pourla plupart), il a nommé desjournalistes réputés intègrespour diriger les agences d’in-formation et la radio publique.Enfin, il a créé une commis-sion spéciale chargée de re-trouver les étudiants disparusd'Ayotzinapa en 2014.

Mais tout ce qui brille n'estpas d'or. Parmi les nom-breuses initiatives controver-sées – souvent justifiées parun discours « indigéniste » –, ily a tout d'abord le « trainmaya » (MAL), une ligne dechemin de fer qui traverseracinq Etats du Sud-Est : Ta-basco, Quintana Roo, Yucatán,Campeche et Chiapas. S’il estlouable de donner une nou-velle vie aux chemins de fermexicains dévastés, le pro-blème est qu'AMLO n'a pasconsulté les populations lo-cales, contrairement à ce qu'ilaurait dû faire conformémentà la Convention 169 de l'Orga-nisation internationale du tra-vail. Selon Carlos Navarrete,un anthropologue de renomspécialisé dans la culturemaya, ce projet causera degraves dommages écolo-giques, sociaux et archéolo-giques à la région, tandis queles bénéfices ne seront profi-tables qu'aux entrepreneursdu tourisme (15 et 16).

Les environnementalistescontestent également le projetde corridor interocéanique del'isthme de Tehuantepec quiaurait des effets désastreuxsur l'écologie locale ; ilscontestent aussi le projet deplanter un million d'arbres àdes fins commerciales qui estl’œuvre d’Alfonso Romo, ar-chitecte en chef d'AMLO, ainsiqu'un entrepreneur contro-versé dans le secteur agro-in-dustriel. On parle aussi deprivatiser l’eau, l’énergie éo-lienne, l’éducation et la biodi-versité. Le Président aégalement proposé à Nestlé(17), l'une des multinationalesles plus détestées au monde,de construire une usine decafé soluble à Veracruz, ce quia provoqué la juste indigna-tion des agriculteurs locaux.Sur d'autres sujets, tels queles mines à ciel ouvert quicausent des dommages trèsgraves et sont à l'origine deconflits sanglants, le silenced'AMLO est suspect (18).

14. Guiomar Ro-vira, Zapatistas sinfronteras. Las redesde solidaridad conChiapas y el alter-mundismo, Mexico,2009, ERA e Clau-

dio Albertani,« Pain it black, Bloc-

chi Neri, TuteBianche e Zapatistinel movimento an-tiglobalizazione »,varie edizioni, dis-ponible sur le site :http://www.ecn.org/contropotere/down

load.htm

15. Giovanna Gas-parello, « Los mega-

proyectos y elinalterable discurso

indigenista »,http://ojarasca.jor-nada.com.mx/2019/01/11/los-mega-

proyectos-y-el-inal-terable-discurso-indigenista-7560.html

16. Judith AmadorTello, « El Tren

Maya y su impactoen las

comunidades », Pro-ceso n° 2203, 27novembre 2018.

17. « Cafetaleros re-chazan instalaciónde planta procesa-dora de Nestlé en

Veracruz » :https://desinforme-monos.org/cafetale-ros-rechazan-instalacion-planta-proce-sadora-nestle-vera-

cruz/

18. Francisco LópezBárcenas, « El ex-

tractivismo y las lu-chas

socioambientales »,La Jornada, 28 dé-

cembre 2018.

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L’initiative la plus pernicieuseest la création d’un corps militaire,la Guardia Nacional, qui légalisel’ingérence de l’armée dans lesquestions d’ordre public, ce qui si-gnifie un renforcement du proces-sus de militarisation engagé parles gouvernements précédents.L'armée n'est pas moins corrom-pue que la police, et il ne faut pasoublier que certains des cartels dedrogue les plus sanglants (lesZetas, par exemple) ont été crééspar d'anciens militaires. Les orga-nisations de défense des droits del'homme soulignent que l'arméemexicaine, en plus d'être impli-quée dans divers cas de trafic dedrogue, est responsable des pirescrimes d'injustice de l'histoire duMexique : du massacre de Tlate-lolco (1968) à celle d’Iguala (2014)en passant par les politiques de laterre brûlée au Guerrero, au Chia-pas, à Oaxaca et dans d’autreszones rurales.

Et les zapatistes ?

Dans cette situation, l'EZLN,qui a toujours manifesté une anti-pathie particulière envers AMLO, adurci ses positions. Je cite encoreMoisés : « Celui qui est au pouvoirdétruit le peuple mexicain, maissurtout les peuples indigènes ;c'est contre nous, et spécialementcontre nous, de l'Armée zapatiste

de libération nationale. Pourquoi ?Parce qu'on lui dit qu'on n'a paspeur. » Plus tard, il ajoute : « Nousne le croyons pas. La Terre Mère neparle pas, sinon elle lui dirait “va tefaire foutre ” ! Si elle parlait elle luidirait “non, va au diable !” (...) Nousne craignons pas sa Guardia Na-cional. » Enfin, il s’en prend à ceuxqui ont voté pour AMLO : « 30 mil-lions de personnes qui ne com-prennent pas l'espagnol croientcelui qui dit tous ces mensonges(19). »

Ce sont des mots extrêmementdurs que l’EZLN n’avait pas utiliséscontre des gouvernements précé-dents. Sont-ils justifiés ? Je diraisnon, et pas parce que je crois auxpromesses d'AMLO. Il ne me sem-ble pas judicieux d'offenser 30 mil-lions de personnes quisympathisent avec le nouveaugouvernement, mais qui ont égale-ment, pour la plupart, soutenu leszapatistes pendant vingt-cinq ansen ne les laissent pas « seuls ».Pour critiquable que soit AMLO – etil l’est ! –, il faut reconnaître que sil'un de ses adversaires avait gagné,cela aurait été bien pire. Je noteque María de Jesús Patricio, Mari-chuy, la candidate de l’EZLN et duCNI, n'a pas été en mesure de re-cueillir le nombre de signaturesnécessaire pour figurer sur les bul-letins de vote.

Insulter n'est pas une politique

intelligente et ne mène pas loin.Beaucoup plus raisonnable mesemble, par exemple, l'attitude desétudiants survivants du massacred'Ayotzinapa qui a eu lieu en 2014à Iguala, et des membres de leursfamilles, qui ne sont certaine-ment ni naïfs ni modérés (20) :eux qui ont donné vie à l’un desmouvements sociaux les plus im-portants de ces dernières annéespréfèrent permettre au gouverne-ment d’AMLO de faire la clarté surle sort de leurs proches disparus.Et cela ne signifie évidemmentpas lui donner un chèque enblanc.

Je ne suis pas d'accord avec laLettre de solidarité et de soutien àla résistance et à l'autonomie za-patistes qui circule dans les ré-seaux sociaux depuis lami-janvier et qui a engagé descentaines de personnes, parmilesquelles nombre de mes amis,quand elle dit : « Nous dénonçonspar avance toute agression contreles communautés zapatistes, soitdirectement de l'Etat, soit par l'in-termédiaire d'organisations ou degroupes civils ou armés (21). »Comme l’a observé Armando Bar-tra, on dénonce « d'avance »quelque chose qui va se passeralors que rien de tout cela n'est envue pour le moment (22). Il estclair que le gouvernement deLópez Obrador, comme tout autregouvernement, ne répond pas auxintérêts des communautés re-belles, mais il est tout aussi évi-dent qu'il n'a aucun intérêt àreprendre la guerre, du moins àprésent. Lorsque le danger n'est

pas réel, ce type de dénonciationpeut être contre-productif.

Dans cette situation, on peut sedemander ce que les zapatistesvont faire. Malgré les erreurs, leurhéritage continue d'être positif. Lalutte pour la défense de la cultureet des droits des autochtones estplus valable que jamais. L'EZLNpeut exiger le respect des accordsde San Andrés, reprendre les négo-ciations avec le gouvernement,s'emparer de nouvelles conces-sions et se transformer ainsi enune caisse de résonance des mou-vements indigènes opposés auxméga-projets. Enfin, nous ne pou-vons pas oublier que les zapatistessont, avec les instituteurs organi-sés dans la CENTE (Coordinationnationale des travailleurs de l’édu-cation), les principales bases d’op-position organisées au Mexique etl’une des références mondiales desmouvements anticapitalistes. Leuravenir compte pour tous ceux quise soucient de la cause humaine.

Claudio AlbertaniMexico, 25 janvier 2019

Traduction de l’Italien (JPD)

19. Paroles du Subcomandante InsurgenteMoisés, 31 décembre 2018, cit

20. Claudio Albertani/Manuel Aguilar Mora(coordinadores), La Noche de Iguala y el Des-pertar de México, Juan Pablos Editor, Mexico,

2015.

21. http://unitierraoax.org/carta-internacio-nal-de-solidaridad-y-apoyo-a-la-resistencia-

y-autonomia-zapatista/

21. Armando Bartra, « No afilemos cu-chillos », Correo ilustrado, La Jornada, 18

janvier 2019.

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