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CONSTRUCTION DES COMPETENCES LANGAGIERES ET REPERAGE DES DIFFICULTES APPROCHES THEORIQUES COLLABORATIONS PROFESSIONNELLES BIBLIOGRAPHIE

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CONSTRUCTION DES COMPETENCES LANGAGIERES ET REPERAGE DES DIFFICULTES

APPROCHES THEORIQUES

COLLABORATIONS PROFESSIONNELLES

BIBLIOGRAPHIE

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PREVENTION DES TROUBLES D’APPRENTISSAGE EVALUATION DES COMPETENCES LANGAGIERES

Ce dossier est constitué d’un ensemble de documents ressources destinés aux professionnels de l’enseignement et de la santé. Il constitue une base de références communes pour enrichir la réflexion, favoriser la collaboration et contribuer à la cohérence et la complémentarité des actions conduites au bénéfice des jeunes enfants. Il peut également être utilisé dans le cadre d’actions de formation et d’information (département, circonscriptions, secteurs). MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL : Monsieur BERCHER Henri – IEN AIS Madame BONAVENTURE – Médecin PMI Madame CAVILLAC Colette – Directrice École Maternelle Monsieur COUSTILLAS Jean-Louis – Formateur AIS Monsieur GAILLARD Alain – Conseiller Pédagogique AIS Madame GUIONNEAU Marie-Josée – Psychologue Scolaire Madame LACOMBE Michèle – Infirmière Conseillère Technique Madame LAFAYE Martine – Médecin Responsable Départemental Madame LAMAURELLE Marylène – Enseignante Spécialisée RASED Madame LUDMAN Ghislaine – Enseignante C.P. Madame MAYEUX Hélène – Médecin Éducation Nationale Madame NEVERS-BUGUET Nathalie – Directrice École Maternelle Monsieur SERGENT Alain – Enseignant Spécialisé RASED

INTRODUCTION

Un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage a été présenté le 21 mars 2001 par le ministre de l’éducation nationale, le ministre délégué à la santé et la secrétaire d’état aux personnes âgées et aux personnes handicapées.

Il a fait l’objet de la circulaire n° 2002-024 du 31.01.2002 (BO n° 6 du 7.02.2002) intitulée « mise en œuvre d’un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit ».

Ce plan prend en compte la spécificité d’un trouble du langage qui peut générer une souffrance pour certains élèves et leur famille, trouble distinct de la difficulté d’apprentissage.

PREVENTION DES TROUBLES D’APPRENTISSAGE EVALUATION DES COMPETENCES LANGAGIERES

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Cette reconnaissance engage à développer la collaboration des professionnels de santé

et d’enseignement ainsi que la complémentarité éducative avec les familles, sans aboutir à une médicalisation prématurée des réponses.

Les actions pédagogiques préconisées s’inscrivent explicitement dans une perspective de prévention pour tous les enfants, c’est à dire à fortiori pour ceux présentant des risques de difficulté ou des symptômes de troubles du langage. Ces actions sont dans le champ de responsabilité des enseignants et des RASED (CF – circulaire du 27.07.01. BOEN n°31 du 30.08.01 et circulaire du 30.04.02. BO n°19 du 9.05.02).

Pour la grande majorité des élèves concernés, il est rappelé que la prise en charge s’effectuera dans le cadre d’une scolarisation ordinaire, qu’elle donne lieu ou non à des interventions spécialisées.

Le principe est en effet d’apporter, au-delà de tout débat sur l’étiologie des troubles, les re-médiations adéquates sans perdre de vue le choix de la non-discrimination et de la non-stigmatisation inscrit dans le texte de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989.

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CONSTRUCTION DES

COMPETENCES LANGAGIERES ET

REPERAGE DES DIFFICULTES

1- Langage oral à l’école maternelle page 5 2- Compétences à acquérir à l’école maternelle page 6 3- Processus d’évaluation : quelques repères page 8

- l’oral - des outils - évolution selon l’âge

4- Retard – trouble – prévention : page 15 Extrait du rapport de Jc Ringard et précisions sur les termes et les démarches 5- Comment repérer les difficultés langagières d’un enfant

page 36 6- Recommandations page 41 7- Batteries de dépistage à l’usage exclusif des professionnels

de la santé page 43 8- Eléments de diagnostic des troubles spécifiques du

langage : dysphasie, dyslexie page 46

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1- LANGAGE ORAL A L’ECOLE MATERNELLE

DOCUMENTS DE REFERENCE

- B.O n° 1 du 14.02.02 « HORAIRES ET PROGRAMMES D’ENSEIGNEMENT

DE L’ECOLE PRIMAIRE »

- B.O. Hors série n° 8 du 21 octobre 1999 Instruction du 8 octobre 1999

« LES LANGAGES, PRIORITE DE L’ECOLE MATERNELLE »

- Dossier Ministère Education nationale – septembre 2001 / CDROM octobre02 « EVALUATION ET AIDE AUX APPRENTISSAGES EN GRANDE SECTION DE MATERNELLE ET EN COURS PREPARATOIRE . »

- Circulaire n° 2001-148 du 27 juillet 2001

B.O. n°31 du 30 août 2001

Le langage au cœur des apprentissages

Dans l’appropriation active du langage oral se développent des compétences décisives pour tous les apprentissages : comprendre la parole de l’autre et se faire comprendre, se construire et se protéger, agir dans le monde physique et humain, explorer les univers imaginaires… En s’ouvrant ainsi aux usages et fonctions du langage, l’enfant acquiert une langue, le français, qui lui permet non seulement de communiquer avec ceux qui l’entourent, mais aussi d’accéder à la culture dont la langue nationale est le vecteur, une langue qui lui permet d’apprendre et de comprendre le monde dans lequel il vit.

Le langage s’exerce d’abord, à travers l’expérience quotidienne, mais ses fonctions plus complexes se découvrent aussi dans des situations organisées qui permettent à chacun de découvrir, de structurer des manières neuves de comprendre la parole d’autrui ou de se faire comprendre. L’accent mis à l’école maternelle sur les usages oraux du langage n’interdit pas, bien au contraire, d’accéder à de multiples visages des cultures écrites. Cela n’empêche pas non plus l’enfant de commencer à concevoir comment fonctionne le code alphabétique et comment il permet de lire ou d’écrire. C’est en effet dans l’activité orale que l’écrit est rencontré à l’école maternelle. De la qualité de ce premier et nécessaire abord dépend en grande partie l’aisance des apprentissages ultérieurs.

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2- COMPETENCES A ACQUERIR A L’ ECOLE MATERNELLE (extraits programmes 2002)

1. Compétences de communication Etre capable de :

répondre aux sollicitations de l’adulte en se faisant comprendre dès la fin de la première année de scolarité (à 3 ou 4 ans),

prendre l’initiative d’un échange et le conduire au-delà de la première réponse, participer à un échange collectif en acceptant d’écouter autrui, en attendant son tour de parole et en restant dans le propos de l’échange.

2. Compétences concernant le langage d’accompagnement de l’action (langage en situation)

Etre capable de :

comprendre les consignes ordinaires de la classe, dire ce que l’on fait ou ce que fait un camarade (dans une activité, un atelier…), prêter sa voix à une marionnette.

3. Compétences concernant le langage d’évocation Etre capable de :

Rappeler, en se faisant comprendre, un événement qui a été vécu collectivement (sortie, activité scolaire, incident…),

Comprendre une histoire adaptée à son âge et le manifester en reformulant dans ses propres mots la trame narrative de l’histoire,

Identifier les personnages d’une histoire, les caractériser physiquement et moralement, les dessiner,

Raconter un conte déjà connu en s’appuyant sur la succession des illustrations,

Inventer une courte histoire dans laquelle les acteurs seront correctement posés, où il y aura au moins un évènement et une clôture,

Dire ou chanter chaque année au moins une dizaine de comptines ou de jeux de doigts et au moins une dizaine de chansons et de poésies,

Reformuler dans ses propres mots un passage lu par l’enseignant,

Raconter brièvement l’histoire de quelques personnages de fiction rencontrés dans les albums ou dans les contes découverts en classe.

4. Découverte des réalités sonores du langage Etre capable de :

rythmer un texte en en scandant les syllabes orales,

reconnaître une même syllabe dans plusieurs énoncés (en fin d’énoncé, en début d’énoncé, en milieu d’énoncé),

produire des assonances ou des rimes

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PROCESSUS D’EVALUATION : QUELQUES REPERES

- L’ORAL - DES OUTILS - EVOLUTION SELON L’AGE

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3- PROCESSUS D’EVALUATION : QUELQUES REPERES

Selon les nouveaux programmes mis en œuvre dès la rentrée 2002, la réussite de tous

« passe par un renforcement des évaluations des apprentissages (…) qui ne doit pas conduire à stigmatiser, à classer, à enfermer les élèves dans des catégories (…).

Il en est ainsi également des outils pour mesurer le progrès en langage des élèves à la fin de l’école maternelle et au début de l’école élémentaire. Plus que jamais, la seule règle est le regard positif porté sur l’enfant, même en extrême difficulté. Les maîtres doivent donc veiller à mettre en valeur les résultats déjà atteints plutôt que les manques, mesurer des évolutions plutôt que des niveaux, en déduire des stratégies pour assurer la réussite de chacun des élèves. (…)

Si le regard porté sur chaque élève est individualisé, il ne doit pas être unique.

L’accompagnement des élèves fragiles suppose le travail en réseau, avec l’école maternelle voisine comme avec le collège. Cette prise en charge est de la responsabilité des équipes d’école ou de cycle, même lorsqu’un appui est demandé aux membres du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficultés (RASED). » L’ORAL

L’évaluation du langage oral est une chose particulièrement délicate. Elle repose sur une observation quotidienne. Il est utile à cet égard que l’enseignant tienne un journal de bord dans lequel il note, lorsqu’ils se produisent, les phénomènes marquants qui concernent les progrès ou les régressions de chaque élève. Les évaluations des apprentissages mis en œuvre viennent compléter ce dispositif et permettent de contrôler l’efficacité des actions engagées.

Des instruments d’évaluation plus précis (grilles d’observation ou épreuves de

langage) sont à la disposition des enseignants. Ils concernent des étapes caractéristiques de l’évolution du langage de l’enfant (début de la dernière année d’école maternelle, début de cours préparatoire…). Ils permettent de prendre la mesure du travail fait et de celui qui reste à faire, et de mieux doser l’effort en direction de tel ou tel élève. En effet, les progrès en langage sont liés à de multiples facteurs, et l’hétérogénéité des classes reste la règle dans ce domaine.

Parallèlement, lors de la visite médicale des 5 ans, le médecin scolaire peut être amené

à identifier des problèmes spécifiques de langage pouvant conduire à un apprentissage difficile de la lecture et de l’écriture. A cet âge, il ne s’agit pas d’un diagnostic de dyslexie qui ne peut, en tout état de cause, être porté qu’après la phase d’apprentissage de la lecture (c’est à dire à la fin du cycle 2). Les enfants concernés doivent faire l’objet d’une surveillance plus précise et de bilans réguliers. L’équipe pédagogique, en liaison avec le RASED et l’équipe de santé scolaire, pourra être amenée, selon les difficultés constatées, à proposer des activités spécifiques pour ces élèves.

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DES OUTILS

Depuis de la rentrée 2001, sont proposés par le ministère de l’Education nationale

des outils d’évaluation et d’aide aux apprentissages pour la grande section de maternelle et le cours préparatoire.

L’évaluation comme outil pédagogique et réflexif permet à l’enseignant(e) de savoir où chaque élève en est et d’adapter au mieux ses dispositifs.

– En début d’année scolaire, elle contribue à l’organisation de la progressivité des apprentissages en fonction des besoins des enfants.

– Des prises d’informations complémentaires sont réalisées en cours d’année :

pour aider à préciser la nature des difficultés repérées et des compétences acquises, pour apprécier les évolutions.

– Les élèves sont informés sur les exercices proposés et leur finalité. Ils sont

rassurés et encouragés pendant les situations d’observation.

– Les conclusions et les choix que l’enseignant(e) tire de l’analyse des résultats leur sont communiqués. Un dialogue personnalisé pourra aider ceux qui en ont besoin à gagner en confiance en eux.

Pour certains enfants, l’année des cinq ans est souvent nécessaire pour renforcer des

compétences encore fragiles. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui sont confrontés à un environnement difficile, pour ceux dont la scolarisation a été trop réduite faute d’une fréquentation régulière ou à cause d’une inscription tardive ou encore pour certains enfants nés en fin d’année et qui se retrouvent les plus jeunes de leur classe.

Le dispositif d’évaluation peut servir dans certains cas d’outil de repérage de certaines

difficultés importantes et permettre alors un dialogue avec le RASED en vue d’explorations plus précises qui pourront, si nécessaire, déboucher sur une aide spécialisée complémentaire de l’aide apportée en classe.

« Mais il ne saurait être assimilé à des tests psychologiques qui sont construits sur

d’autres bases et en référence à des théories particulières de développement, notamment intellectuel, et qui permettent de situer les résultats d’un enfant par rapport à ceux de sa classe d’âge ». (1)

Comme pour les autres activités de la classe, une information sur ces évaluations est

apportée aux parents d’élèves. Elle fait partie du dialogue entre l’enseignant et chaque famille.

OUTILS D’EVALUATION ET D’AIDE AUX APPRENTISSAGES http://www.banqoutils.education.gouv.fr/

(1) Circulaire n° 2001 – 48 du 27.07.2001. BO n° 31 du 30/08/2001

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LE LANGAGE : EVOLUTION SELON L’AGE

AGES Perception / compréhension Production / expression

De la naissance à

1 mois

Réagit à la voix Discrimination catégorielle des contrastes de la parole Discrimination et préférence pour la langue maternelle et pour la voix de sa mère

Cris Pleurs Sons végétatifs (confort et inconfort)

de 2 à

3 mois

Réagit à la présence : - porte qu’on ouvre, - préparatifs du biberon Capacités de catégorisation des sons

Début des vocalisations et vocalisation réponses Imite les mimiques avec ouverture ou fermeture de la bouche, tire la langue Sourire intentionnel à une réponse (entre 2 et 5 mois)

Le renforcement social augmente les vocalisations

de 3 à

4 mois

Réactions aux différentes intonations de la voix maternelle Regarde du coté d’où vient la voix

Premiers rires et petits cris de joie Premiers « areu » avec sons glottaux

de 4 à

5 mois

Cesse de pleurer quand on lui parle Début d’épisode d’attention conjointe Réagit à son prénom

Gazouillis ou babil Sons vocaliques Reproduction des vocalisations avec la notion de plaisir

de 5 à

6 mois

Comprend les intonations Réagit au « non » Reconnaît « papa, maman » Catégorise les voyelles de la langue maternelle

Rit aux éclats Répond à son prénom par des vocalisations Imite et varie les intonations

Etape exploratoire caractérisée par la capacité extraordinaire de l’enfant à jouer avec sa voix

de 6 à

7 mois

Regarde attentivement une personne qui parle Possibilité d’établir des correspondances entre voyelles et mouvements de bouche

Babillage canonique : productions répétitives avec alternances de consonnes et de voyelles Vocalise face à son image ou face à ses jouets

de 7 à 8 mois

Donne un objet sur demande verbale

Poursuite du babillage canonique Chantonne Rire adapté à la situation

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AGES

Perception / compréhension

Production / expression

de 8 à

9 mois

Comprend bien : non, bravo, au revoir Détection des frontières de syntagmes

Babillage : séquences variées de syllabes Imitation de sons produits par l’entourage Intonation influencée par la langue maternelle

de 9 à

10 mois

Début de la compréhension des mots familiers en contexte (noms de personnes, de jouets et de vêtements)

Fait non avec la tête Commence à faire des gestes au revoir, coucou, bravo Intonation influencée par la langue maternelle

de 10 à

11 mois

Reconnaissance de mots connus en dehors du contexte Détection des frontières des mots Réorganisation des catégories perceptives en fonction de la langue maternelle

Babillage varié en séquences longues et internées Babillage varié en séquences consonnes et de syllabes adaptées à la langue maternelle

de 11 à

12 mois

Compréhension de 30 mots en contexte Apprentissage de mots en association à des référents

Apparition des premiers mots Présence de formes stables en relation avec stimulation

de 12 à

18 mois

De 100 à 150 mots De courtes phrases en situation Répond à des consignes simples

Production stables : 50 mots Persévérance de babillage avec intonation de phrases Ebauches de mots - phrases (holophrase)

de 18 à

24 mois

Plus de 200 mots Montre du doigt des objets, puis peut désigner sur des images des objets, des animaux… Obéit à des consignes à 1 où 2 éléments, sans gestes De l’ordre syntaxique des mots de plus en plus complexe

Répond « non » Répétition et imitation de mots De 50 à 170 mots Petites phrases agrammatiques Augmentation rapide du vocabulaire (150 à 300 mots) Acquisition du genre et du nombre Dit son nom Réorganisation de la prononciation des mots mais retard de parole : absence de finales et des groupes consonantiques

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AGES

compréhension

Production / expression

De 2 à

3 ans

Les notions spatiales et temporelles : haut, bas, dedans, dehors, sur, dans, avant, après… Il commence à comprendre le « quand ». Il différencie gros, grand, petit… Il connaît quelques couleurs et les parties principales du corps. Il oppose présent, passé, futur. Il obéit aux ordres complexes. Accès à la communication linguistique avec le développement spectaculaire du vocabulaire, le développement de la syntaxe, les questions à l’adulte sur la règle et le fonctionnement de la langue apparaissent.

Fait des phrases de 3 ou 4 mots avec verbes et adjectifs. L’ordre des mots, la structure de la phrase suit progressivement le langage de l’entourage (phrases avec articles, pronoms, prépositions et adverbes. Il utilise « toi, lui, moi, puis, je »

De 3 à

4 ans

Substantifs abstrait et adjectifs de dimension Notions grammaticales comparatives Question : où, pourquoi Termes relatifs au temps : hier, ce soir, bientôt, demain, quand ?

Expression : 400 à 900 mots Se nomme Utilise les pronoms : tu, il, elle, on. Varie les temps Phrases de 6 mots et plus Coordonne les phrases avec « et » Raconte ce qu’il fait

L’enfant devient acteur et s’approprie son propre langage

De 4 à

5 ans

Aux questions : quand, comment Les termes : entre, au milieu, autour de Notions de nombre et de différence Obéit à des consignes impliquant des objets non présents

Passé, futur Les relatives Accord nom et adjectif Joue avec les mots, en invente Adapte son discours à son interlocuteur Parle de son imaginaire Tous les sons de la langue sont acquis sauf la différence entre s, z et ch, j

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AGES

compréhension

Production / expression

De 5 à

6 ans

Tout le langage est compris, même les principaux mots abstraits. Il discrimine des sons proches Il souhaite apprendre à lire

Phrases complexes avec expansion et concordance des temps. Conjugue les verbes irréguliers, Utilise toutes les notions relatives à l’espace et au temps Dit : son nom, son âge et son adresse Peut définir et expliquer des mots Raconte de façon claire et ordonnée Après 6 ans, l’affinement phonologique se précise mais certains aspects phonétiques comme le x peuvent persister. L’articulation est semblable à celle de l’adulte vers 6 ou 7 ans

Octobre 2003

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RETARD – TROUBLE –PREVENTION :

EXTRAIT DU RAPPORT de Jc Ringard et PRECISION SUR LES TERMES ET LES DEMARCHES

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Rapport présenté par Jean-Charles RINGARD Inspecteur d’Académie Février 2000 Extrait pages 11 à 26

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ESSAI DE DÉFINITION Les troubles « dyslexiques » et « dysphasiques » sont parmi les plus popularisés et en même temps parmi les moins connus. Si on s’accorde sur l’idée que la dyslexie et la dysphasie participent des troubles d’apprentissage, on épouse plutôt la conception bio-médicale, voire aujourd’hui neuro-médicale, qui pose dès la fin du XIXème siècle l’hypothèse d’un lien entre difficulté à lire et lésion cérébrale, entre fonction intellectuelle et maladie (« cécité verbale »). Elle donne aussi naissance à l’éventualité d’une détermination génétique notamment de la dyslexie ou de l’existence d’un dysfonctionnement cérébral minime pour expliquer l’origine des difficultés et/ou des troubles. Du côté des psychanalystes, on assure que les difficultés d’apprentissage scolaire ne sont que les symptômes de troubles affectifs. Bruno BETTELHEIM insistait sur des exemples du « refus d’apprendre » d’origine psychologique : défi à l’autorité, culpabilité de dépasser ses parents, résistance à leurs exigences. En revanche, si l’on accepte que ces déficiences relèvent d’hypothèses médicales pour expliquer des faits pédagogiques, alors on peut observer que, tel courant psychopédagogue se réfère à la thèse du « handicap socio-culturel » : la proportion de mauvais lecteurs ou de mauvais parleurs va croissant quand le niveau socio-culturel s’abaisse. Tel autre met au banc des accusés les méthodes de lecture, notamment la méthode « globale » dénoncée par les partisans des méthodes analytiques. Force est de constater que la définition, la classification, la nature, voire l’existence même de ces troubles sont parmi les sujets les plus controversés du développement de l’enfant et de l’adolescent (singulièrement pour la dyslexie). A chaque courant de pensée sa vérité, à chaque protagoniste ses intérêts, y compris pour certains marchands. Essayons cependant d’établir, par analyse d’une bonne cinquantaine de définitions de la dyslexie et d’une dizaine concernant la dysphasie, une synthèse des données scientifiques et conventionnelles actuellement utilisées.

I – Remarque préalable autour des mots : trouble – retard – langage Par trouble, il est convenu d’entendre syndrome de désorganisation d’une fonction, liée à un défaut structurel dans l’apparition, l’installation d’un ou de plusieurs éléments constitutifs du langage. Par exemple, on pourrait assurer qu’il existe une véritable dysharmonie chronologique entre les différentes compétences élémentaires nécessaires à la genèse du langage. Le trouble est par nature durable dans le temps, résistant pour partie aux remédiations, divers dans ses formes et dans les signes associés, variable par sa gravité et par les incapacités générées. Il se distingue d’un retard du langage par les délais de récupération, par les conséquences occasionnées et souvent par l’inexistence de signe associé.

Le langage est une entité abstraite qu’on ne peut découvrir qu’à travers ses utilisations et quand on parle de troubles du langage, il s’agit bien d’une perturbation d’un outil au service de la communication. L’outil se révèle par le biais de la parole ou l’écriture, la

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lecture ou la compréhension du langage émis par un tiers, c’est-à-dire qu’on n’appréhende le langage qu’à travers ses conséquences sociales ou personnelles mais jamais en tant que tel. II – Essai de définition de la dysphasie

a) Synthèse scientifique : La dysphasie doit être inscrite dans l’ensemble des perturbations développementales qui gênent l’enfant dans se construction d’un être social et affectif. La particularité de la dysphasie tient au fait que les obstacles majeurs qui s’opposent à cette construction résident dans la qualité de l’équipement linguistique qui empêche le langage de jouer ses rôles de médiateur privilégié de la relation et de support de la pensée. Certains chercheurs parlent de déviance linguistique : le sujet ne parle pas moins, ni comme un sujet plus jeune ; il parle différemment. Du fait des délais normaux de mise en place des fonctions linguistiques chez l’enfant, le diagnostic de ces troubles n’est pas possible avant l’âge de 3-4 ans. Il n’existe pas encore de consensus sur la physio-pathologie des différentes dysphasies, leurs étiologies, les limites de leurs définitions. On s’accorde, semble-t-il, sur les différents symptômes. Ainsi on distingue essentiellement des dysphasies d’expression (le trouble prédomine sur les voies de « sortie »), et des dysphasies de réception (le trouble prédomine sur les voies de la compréhension, les voies « d’entrée » du message linguistique). Les dysphasies d’expression se traduisent par des difficultés qui touchent les trois grandes fonctions expressives :

- la recherche et la récupération des mots en mémoire (indisponibilité ponctuelle des mots) ;

- l’organisation automatique des mots en phrase (parler « style télégraphique », réduction linguistique) ;

- la mise en sons des mots, la programmation puis la réalisation des différents sons nécessaires à la production sonore de l’énoncé (suite séquentielle des sons du langage rendant inintelligible la parole de l’enfant).

Le prototype des dysphasies de l’enfant est souvent considéré comme la combinaison de l’altération des deux dernières fonctions précitées. Cette dysphasie, outre le trouble expressif oral majeur, induit toujours des troubles encore plus marqués en langage écrit (du fait des exigences particulières de l’écrit en matière de syntaxe et de phonologie), engendrant des échecs scolaires précoces (début du primaire) et massifs. Aussi, outre la rééducation visant à l’amélioration des capacités communicationnelles, des stratégies spécifiques d’apprentissage de la lecture/écriture doivent être mises en œuvre, sous peine d’aboutir à un « illettrisme » (illettrisme structurel d’origine linguistique). D’autres troubles spécifiques sont souvent associés, qui font partie intégrante de la pathologie dysphasique, par exemple : un déficit des activités séquentielles autres que phonologiques (rythmes, notions de temps), ou un déficit de la mémoire de travail (mémoire à court terme, empan mnésique).

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Mais dans tous ces cas, la compréhension linguistique est préservée, et l’enfant cherche à établir la communication par tous les moyens possibles (gestes naturels, regards, démonstrations, attitudes, mimiques, dessins…). Les dysphasies de réception sont plus rares mais aussi beaucoup plus graves puisqu’elles touchent les capacités de décodage des sons à valeur linguistique : elles compromettent donc la compréhension du langage et la constitution même de la langue : par voie de conséquence, ces enfants sont généralement sans expression orale. Par ailleurs, il arrive que les enfants soient atteints simultanément de divers troubles : ces associations ne sont probablement pas fortuites, mais leur étiologie reste souvent inconnue. Chacune constitue de fait une configuration rare, qui nécessite un inventaire précis des compétences et incompétences de chaque enfant, et qui motive une adaptation très individualisée du projet et des modalités de prise en charge. On peut citer :

- dysphasie et dyspraxies (troubles de la conception et de la réalisation du geste, d’origine cérébrale, sans paralysie ni trouble moteur périphérique) ;

- troubles mnésiques dans toutes les modalités auditivo-verbales et visuelles ; - troubles neurovisuels graves (agnosie visuelle) ; - surdité.

b) Définitions conventionnelles :

Les dysphasies, jamais ainsi dénommées, sont répertoriées dans trois systèmes communément admis de classification des troubles. L’Organisation Mondiale de la Santé dans la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes (10ème révision : C.I.M. 10) retient les troubles spécifiques de la parole et du langage comme des troubles dans lesquels « les modalités normales » d’acquisition du langage sont altérées dès les premiers stades du développement. Ces troubles ne sont pas directement attribuables à des anomalies neurologiques, des anomalies anatomiques de l’appareil phonatoire, des altérations sensorielles, un retard mental ou des facteurs de l’environnement. Les troubles spécifiques du développement de la parole et du langage s’accompagnent souvent de problèmes associés tels des difficultés de lecture et d’orthographe, une perturbation des relations interpersonnelles, des troubles émotionnels et des troubles du comportement. Ils incluent, entre autres, le trouble spécifique de l’acquisition de l’articulation, le trouble de l’acquisition du langage de type expressif, le trouble de l’acquisition de type réceptif. L’association de psychiatrie américaine dans le D.S.M. IV regroupe sous la rubrique de la section du trouble du développement, les troubles du langage et de la parole : articulation, langage expressif, langage réceptif. En France, la nomenclature des déficiences, incapacités et désavantages, inspirée étroitement de la classification internationale des handicapés proposée par l’O.M.S. retient la définition des déficiences du langage et de la parole comme une déficience du mode de communication lorsqu’elle n’est pas due à une déficience intellectuelle. Ainsi, un trouble du langage est une déficience qui peut être responsable d’une incapacité, l’incapacité de communication, pouvant entraîner un désavantage (traduction de handicap en anglais) tel une situation de non-intégration sociale.

c) Ce qu’il faut retenir :

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- Au-delà de l’inexistence d’un consensus scientifique sur l’étiologie, la physio-pathologie, les définitions des différentes dysphasies, il semble qu’un accord se dégage sur les symptômes permettant de distinguer deux grands types de dysphasie : réception-expression.

- Chez chaque enfant et chez un enfant à différents âges, il existe de multiples

combinaisons des atteintes phonologiques lexicales ou syntaxiques en compréhension ou en production, constituant un tableau propre à l’enfant et conduisant à des solutions rééducatives et pédagogiques différentes.

- Il semble admis que la dysphasie soit un trouble structurel et que le retard de

langage soit un trouble fonctionnel susceptible de s’amender grâce à une optimisation des conditions de stimulation.

III – Essai de définition de la dyslexie

a) Synthèse scientifique : Du début du siècle à aujourd’hui, on relève sans difficulté une bonne cinquantaine de définitions de la

dyslexie. Force est de constater qu’il n’y a pas d’unanimité scientifique, pour au moins deux raisons :

- La première est de nature sémantique : tantôt les définitions couvrent soit le champ étiologique, soit le champ sémiologique, soit les deux à la fois.

- - La seconde est de nature conceptuelle, voire idéologique : ici on considère la dyslexie comme un trouble neurologique, là comme un trouble spécifique de l’apprentissage de la lecture ou du langage écrit ou encore on met en doute l’existence de ce trouble et la notion même de dyslexie.

On peut essayer, au risque d’être schématique, de dégager deux champs de définition nettement distincts :

* La dyslexie : trouble spécifique du langage écrit. On désigne ici sous le terme « dyslexiques » les enfants qui présentent un échec massif et persistant en lecture en dépit de l’absence des facteurs pénalisants (univers familial, retard mental, troubles affectifs, troubles sensoriels).

On désigne ici sous le terme « dyslexie » un trouble spécifique et durable de l’acquisition puis de l’utilisation du langage écrit. Lors de l’évolution, on observe, non pas un simple décalage dans les acquisitions, mais une déviance. Le trouble induit une désorganisation du processus du langage écrit (lecture et orthographe) mais elles ont également des composantes cognitives, linguistiques et psychologiques. Par ailleurs, une mauvaise maîtrise du langage oral (retard de langage ou dysphasie) est également souvent mentionnée comme ayant précédé ou accompagné les difficultés de lecture.

Le déficit chez les dyslexiques se définit par une incapacité à identifier correctement les mots écrits. Alors qu’ils identifient correctement les stimuli visuels, qu’ils accèdent facilement au sens des mots s’ils leur sont présentés oralement, ils sont dans l’incapacité d’établir un système de reconnaissance de mots. Chez le lecteur expert, la reconnaissance de mots est extrêmement rapide, de telle sorte que le sujet n’a pas conscience de lire, mais seulement conscience du produit de sa lecture. Au cours de l’apprentissage de la lecture, l’enfant devient capable d’identifier rapidement de plus en plus de mots et de plus en plus rapidement. C’est cette étape de traitement que ne parviennent pas à mettre en place

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les enfants dyslexiques, ce qui pénalise alors la suite des traitements impliqués dans l’activité de lecture.

Les partisans de cette définition distinguent deux types de dyslexie :

=> La dyslexie phonologique est la plus fréquente et se traduit par de grandes difficultés dans les conversions grapho-phonémiques. On observe :

- une méconnaissance des règles de conversion ; - des erreurs d’ordonnancement avec des inversions, des ajouts, des omissions ; - des substitutions de graphèmes visuellement proches : b/d – u/n… ; - des confusions entre phonèmes sourds et sonores : p/b – t/d… ; - des substitutions de mots graphiquement proches.

La lecture de l’enfant repose essentiellement sur sa capacité à reconnaître le mot globalement sans qu’il puisse en analyser les éléments constitutifs. Cette capacité de mémorisation globale de mots nouveaux est cependant handicapée par les faibles capacités de déchiffrage grapho-phonémique nécessaires à la découverte autonome de nouveaux mots écrits. De ce fait, l’enfant peut lire les mots connus (réguliers et irréguliers) mais ne lit pas, ou mal, les mots inconnus pour lesquels il se contente alors d’une approximation par ressemblance visuelle. => La dyslexie de surface (dyséidétique) se traduit par un accès perturbé au sens. On observe :

- un bon déchiffrage de mots réguliers et de pseudo-mots ; - un faible lexique de mots reconnus globalement ; - une incapacité à lire les mots irréguliers. La lecture est très coûteuse en effort cognitif puisqu’elle repose entièrement sur un déchiffrage grapho-phonémique systématique. L’attention est entièrement consacrée au décodage. Le rythme de lecture est donc très lent et les problèmes de compréhension sont majeurs.

Ces deux types de dyslexie représentent des extrêmes. Dans les faits, les manifestations des troubles lexiques sont souvent plus confuses et moins tranchées. Il n’existe pas de preuve formelle attestant qu’il s’agisse de deux troubles dont l’origine est fondamentalement distincte. A l’heure actuelle, il est plus prudent de considérer ces variations comme des manifestations différentes des troubles sans invoquer ni de rupture qualitative dans les manifestations des troubles ni d’origine distincte pour ces « types ».

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Enfin, il convient d’indiquer que pour la communauté scientifique qui épouse la thèse « du trouble spécifique du langage écrit », les difficultés d’analyse phonologiques sont reconnues comme étant à l’origine des troubles. Le cerveau présente des particularités dans sa morphologie, liées à l’intensité du déficit phonologique et une activation des zones cérébrales différente dans l’espace et dans le temps de celles activées sur un cerveau de sujet non dyslexique. * La dyslexie : « la mal lecture ». De nombreuses recherches dans le domaine psycho-pédagogique ont essayé de mieux comprendre les

difficultés de lecture (ou spécificités de la lecture) et ont abouti à ce que ces chercheurs nient l’existence de la dyslexie ou pour le moins la considèrent comme une notion douteuse

Ils caractérisent les mauvais lecteurs par trois sortes de déficits :

- au niveau technique : ils sont à la fois mauvais décodeurs de mots, mauvais explorateurs de textes ;

- au niveau stratégique : ils n’ont pas bien saisi la double nature de l’acte de lire => décoder-

identifer des mots et explorer-questionner le contenu des phrases et des textes. Ils ne savent pas combiner ces deux opérations contrastées ;

- au niveau culturel : ils expriment une vision essentiellement utilitariste de la lecture et ne

semblent pas avoir intégré sa dimension symbolique.

Ils démontrent par ailleurs qu’il n’existe quasiment pas de « vrais dyslexiques » si l’on retire les enfants en échec en lecture qui ont : - un âge mental légèrement inférieur à 6 ans l’entrée du C.P. ; - une intelligence verbale plus ou moins insuffisante ; - des difficultés cognitives dans des tâches particulières ; - une élaboration du langage incertaine ; - des difficultés psychologiques légères (affectives, relationnelles) ; - un environnement socio-culturel assez peu stimulant ; - des conditions pédagogiques plutôt médiocres.

La quasi-totalité des enfants présumés « vrais dyslexiques » (ou dyslexiques phonologiques,

spécifiques, développementaux…) présentent une association de plusieurs de ces sept caractères.

Ces chercheurs ajoutent au débat que, dans la plupart des cas, l’état de « non-lecture » est lié à la

qualité de l’environnement éducatif et de l’intervention pédagogique et didactique. En effet, ils constatent que :

- un enfant d’ouvrier peu qualifié et un enfant de cadre supérieur peuvent tous les deux vivre

dans des « conditions socio-culturelles normales », mais le premier a quatre fois plus de risques de ne pas apprendre à lire au C.P. que le second ;

- en Z.E.P., avec le même type de public, la réussite en lecture au C.P. peut varier, selon les

classes, de 80% à 20%, alors que les conditions d’enseignement semblent « normales » ;

- il existe des écoles et des classes de C.P. où, année après année, grâce à une action pédagogique de qualité, on ne relève pas d’échec en lecture, sauf cas exceptionnels. Voici 40 ans, un chercheur en psychologie de l’éducation notait déjà que « lorsque les conditions

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pédagogiques normales sont réunies, il reste une proportion infime de dyslexie » (B. ANDREY, 1958).

b) Définitions conventionnelles :

Comme pour les dysphasies, les trois systèmes de classification les plus utilisés servent de

référence. L’Organisation mondiale de la Santé classe dans la section des troubles du langage oral et/ou écrit

les troubles spécifiques du développement des acquisitions scolaires. Ils sont discutés comme des troubles dans lesquels « les modalités » habituelles d’apprentissage sont altérées dès les premiers stades du développement. L’altération n’est pas seulement la conséquence d’un manque d’occasion d’apprentissage ou d’un retard mental et elle n’est pas due à un traumatisme cérébral ou à une atteinte cérébrale acquise. Ces troubles comprennent les troubles spécifiques de la lecture, de l’acquisition de l’orthographe, de l’acquisition de l’arithmétique et le trouble mixte des acquisitions scolaires dans lequel il existe à la fois une altération significative du calcul et de la lecture ou de l’orthographe, non imputable exclusivement à un retard mental global ou à une scolarisation inadéquate.

La nosographie américaine du DSM IV ne retient pas le terme de dyslexie. Elle parle de troubles

spécifiques du langage écrit et met sur le même plan les facteurs cognitifs, linguistiques, socio-environnementaux et psychologiques.

La nomenclature française, dans le cadre des différences du langage et de parole, comprend les

troubles du langage écrit et oral comportant les déficiences de l’expression verbale, de la compréhension du langage écrit et verbal, de l’utilisation verbale, voire gestuelle, et la déficience de l’apprentissage du langage écrit et parlé.

On remarque aisément que les définitions conventionnelles d’inspiration médicale ne retiennent

pas le terme de dyslexie.

c) Ce qu’il faut retenir : - Les nomenclatures utilisées ont recours, pour discriminer les enfants atteints d’un trouble

spécifique du langage écrit, à un critère de discrépance : les performances aux tests ad hoc doivent être nettement au-dessous du niveau escompté. La C.I.M. 10 indique que les résultats obtenus à l’aide de tests standardisés doivent être significativement inférieurs au niveau attendu, à savoir inférieurs de deux écarts-types ou plus à la moyenne, compte tenu de l’âge et de l’intelligence de l’enfant. Or de nombreuses expériences ont démontré la non-pertinence de ce critère. En d’autres termes, s’il est possible d’identifier les enfants ayant des difficultés spécifiques d’apprentissage, le critère de discrépance qui est central aux systèmes de classification n’est pas ce qui les distingue systématiquement d’autres enfants fonctionnant normalement. Sans remettre en cause la validité des classifications, observons que s’agissant de la « dyslexie », elles ne permettent pas totalement de cerner la nature du problème posé.

- Aucun système de classification n’emploie les termes de « enfant dyslexique » et de

« dyslexie ». Ils sont abandonnés principalement au profit de « enfant présentant une déficience du langage écrit » et de « trouble spécifique du langage écrit ».

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- Les polémiques restent vives entre les diverses écoles ou courants de pensée. Personne ne

nie cependant que des enfants, des adolescents et des adultes manifestent des difficultés de lecture et d’écriture considérables et souvent inattendues au vu de leurs capacités intellectuelles.

IV. – Ampleur du problème

En supposant que les dyslexies et les dysphasies sont des troubles spécifiques du langage oral et

écrit et qu'ils sont identifiables, au moins par le système de classification de l’O.M.S. internationalement utilisé, on peut essayer de s'aventurer sur le terrain de la proportion d'élèves concernés.

Les comparaisons internationales effectuées sur 21 pays par l’O.C.D.E. en 1995 montrent que la

prévalence de ces troubles va de valeurs très faibles : - de 1 % en Irlande et aux Pays-Bas à des valeurs très élevées, autour de 25 % aux États-Unis et en Finlande, la plupart se situant entre 3 et 5 %. En France, 1,1 % des élèves en 1994-1995 relevant de la catégorie « déficiences de la parole et du langage » ont été affectés dans des classes, des écoles ou des établissements spécialisés. Pour apprécier ces pourcentages, il faut tenir compte des faits suivants :

- des 1,1 % il est nécessaire d'extraire ceux qui ont des troubles particuliers de la parole ; - à l'inverse, des enfants intégrés en classe ordinaire s'ajoutent au pourcentage précédent ; - ces troubles sont sans doute insuffisamment ou mal diagnostiqués en France. On peut au moins déjà dire que le chiffre de 10 % de dyslexiques souvent avancé est peu

plausible. S'agissant plus précisément de la maîtrise du langage écrit, dans le but d'étudier d'une manière

précise les problèmes rencontrés par les élèves en difficulté en lecture, une épreuve spécifique a été bâtie, à la demande de l'Observatoire National de la Lecture, en complément de l'Evaluation Nationale en Français en classe de 6ème à la rentrée 1997. Cette étude a permis de faire apparaître, parmi l'ensemble des élèves en difficulté de lecture (14,9 % en 1997), trois grands groupes d'élèves : - 4,3 % de l'ensemble des élèves en 6ème peuvent être considérés comme en grande

difficulté de lecture. Ils commettant nettement plus d'erreurs dans l’identification des mots par voie directe au indirecte, en orthographe, et dans la capacité à comprendre des énoncés... .

- 7,8 % sont en difficulté car ils sont handicapés par une extrême lenteur ; - 2,8 % tout en étant en difficulté sont dans une situation moins préoccupante. Ils semblent

avoir mieux acquis les apprentissages fondamentaux mis en œuvre dans l'acte de lire, mais achoppent sur des compétences qu'on pourrait qualifier de "haut niveau".

On peut oser émettre l'hypothèse que 4,3 % d'élèves en grande difficulté présentent des erreurs

équivalentes dans leur nature à celles des enfants présentant une dyslexie quelle soit phonologique ou de surface.

Cette proportion est, dans une certaine mesure, confirmée par certains travaux de pyscho-

pédagogues contestant la notion de dyslexie et s'attachant au concept de mauvais lecteur (en particulier S. SYLVANISE et G. CHAUVEAU en 1993 et 1997). En effet, selon leurs grilles d'analyse et d'évaluation, ils, observent : - 4 à 5 % en CE2 et en 6ème très mauvais lecteurs ; - 10 à 15 % en C.P. apprentis lecteurs en difficulté ; - 10 à 15 % en G.S. apprentis lecteurs fragiles.

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Ils constatent aussi que moins de 1 % de la population scolaire dite « normale » vers 9-10 ans

(surtout les garçons) présentent des phénomènes persistants de « non-lecture ». S'agissant du langage oral et en se référant à certaines études épidémiologiques, STEVENSION

et RICHMAN évaluent les troubles du langage oral à 0,57 % à 3 ans, DRILLIEN et DRUMOND à 0,42 % à 5 ans, Christophe-Loïc GERARD en 1991 parle de 1 %.

En définitive, quels que soient les présupposés étiologiques, on peut admettre que : - environ 1 % des enfants présente des difficultés sévères du langage oral ; - environ 4 à 5 % présentent des grandes difficultés du langage écrit (notamment en lecture) dont

moins de 1 % sont des « non-lecteurs ». En d'autres termes, selon la nomenclature française, environ 5 % des enfants présenteraient une

déficience du langage et de la parole, soit 1 enfant sur 20, dont moins de 1 % une déficience sévère.

Il importe de souligner enfin : - qu 'un diagnostic précipité d'un trouble peut entraîner un pronostic de déficience induisant

souvent un « marquage » social, scolaire et médical pour l'enfant ; - que ces déficiences pour être avérées (distinctes du retard) requièrent une confrontation

éprouvée de l'enfant avec la langue orale et écrite. Evitons de parler de trouble spécifique du langage oral avant 5 ans, et de trouble spécifique du langage écrit avant 8 ans.

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RETARD

C’est un terme « prudent » qui réserve le diagnostic. Il correspond à un constat : l’évolution langagière est en décalage avec celle des enfants du même âge.

On n’interprète pas ce décalage et on reste prudent pour deux raisons : - la variabilité des rythmes de développement - le risque des effets d’un « étiquetage » précoce.

Il est possible de comparer les conduites langagières actuelles d’un enfant à celles qui

devraient normalement être présentes compte tenu de son âge. Mais il est difficile de distinguer entre un écart pathologique et un écart qui ne l’est pas. En effet, nous n’avons pas de référence suffisamment précise sur ce qui constitue des conduites langagières normales à un âge donné, simplement parce qu’il existe des variations interindividuelles importantes dans l’utilisation du langage et dans son rythme d’acquisition. D’autre part, lorsque les dysfonctionnements observés n’ont pas une origine organique identifiée, les explications pourront varier considérablement selon les époques et les options théoriques privilégiées dans les domaines sociologique, psychologique, neurologique. RETARD DE PAROLE Il affecte l’EMISSION du langage (mise en mots de la langue, actualisation, réalisation orale), au niveau :

- de l’articulation - ou de la prononciation pour certaines catégories de sons - ou encore de la fluence.

Souvent, la difficulté est mixte, articulation et fluence. Il s’agit donc d’une altération de la chaîne parlée constatée dans les productions verbales à partir de 4 ans. Le retard de parole se manifeste principalement par des simplifications de mots semblables à celles rencontrées dans les productions orales du petit enfant. RETARD DE LANGAGE Dans ce cas, c’est la STRUCTURE INTERNE du langage qui est affectée :

perturbation dans la construction syntaxique, énoncés agrammaticaux avec par exemple le verbe à l’infinitif. bagage lexical réduit, utilisation de termes génériques.

Le retard de langage correspond donc à des acquisitions un peu plus tardives que la

« norme ».

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En général, la compréhension semble meilleure que la production mais des difficultés peuvent se manifester :

- dans la compréhension des notions spatiales ou temporelles - dans la répétition de mots et surtout de phrases.

Retard simple du langage : décalage dans le temps de l’apparition des premières

productions verbales et de la réalisation des différentes étapes de développement du langage oral.

Les retards simples de langage ont la plupart du temps des causes multiples : - facteurs environnementaux - facteurs socioculturels - facteurs affectifs - facteurs relationnels.

Comment interpréter ces retards ?

Tout d’abord, se méfier des explications trop simples ou univoques. Aucune cause unique ne peut prétendre expliquer un retard de langage. « Mieux vaut apprendre à se poser des questions que posséder des idées toutes faites

qui prétendent tout expliquer ».

Après l’énoncé de ce principe, Paule AIMARD (les débuts du langage chez l’enfant – DUNOD – 1996) propose quelques facteurs explicatifs :

« des otites fréquentes ont pu entraîner des périodes d’hypoacousie plus ou moins longues et souvent méconnues à l’âge où les acquisitions de langage sont normalement plus denses ;

un petit retard global : l’enfant progresse lentement dans tous les domaines, chaque acquisition est laborieuse. Il ne s’agit pas à proprement parler de déficit intellectuel mais on trouve là ces enfants « limite » dont les progrès sont fragiles et remis en question par les aléas de la vie qui chez d’autres n’ont pas les même répercussions sur les acquisitions essentielles ;

une fragilité somatique ou les retombées de problèmes de santé sévères. C’est le cas de certains prématurés ou d’enfants qui ont été soignés pour une maladie grave dans la petite enfance. Non seulement ils sont l’objet de soins exceptionnels, ont souvent à subir des hospitalisations, des investigations ou des soins douloureux, mais la gravité de leur état est au premier plan des préoccupations de tous, si bien que les questions toutes simples concernant le langage et d’autres acquisitions passent au second plan et ne sont évoquées que bien plus tardivement, et souvent trop tard, alors qu’un certain retard s’est constitué ;

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l’enfant peut être élevé dans un milieu particulièrement pauvre linguistiquement, ou plus globalement dans une atmosphère de sous-stimulation qui va jusqu’à des carences plus ou moins manifestes (insuffisance de soins, d’affection, de communication, de modèles linguistique). Les carences graves entraînent plutôt des déficits linguistiques plus sévères ;

à l’opposé, les retards simples sont souvent en relation avec une immaturité générale chez des enfants surprotégés, trop dépendants de leur entourage. Ils restent « bébé » pour parler comme dans leurs habitudes alimentaires, leurs jeux, leurs comportements. Leur inappétence à parler et à grandir se retrouve parfois au sens propre dans des conflits alimentaires dont on trouve souvent le souvenir dans leurs antécédents ».

TROUBLE

Ce terme appartient au vocabulaire médical ou paramédical. Avec l’expression « trouble du langage », on sort du champ de la seule prise en charge scolaire.

Les divers apprentissages scolaires peuvent être concernés : troubles du langage oral ou écrit, du calcul, troubles associés (déficit de l’attention, troubles de la coordination, troubles psychomoteurs spécifiques, enfants intellectuellement précoces). Le trouble signifie qu’il y a désorganisation d’une fonction en l’espèce de la fonction langagière. Il est par nature durable, résistant et variable. Le terme « spécifique » est justifié par le fait que les différents troubles d’apprentissage dont il est question partagent le critère général d’absence de déficit intellectuel (mesurable par les méthodes classiques d’évaluation du quotient intellectuel). Extraits de la circulaire n°2002-024 du 31.01.02 « Mise en œuvre d’un plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage oral ou écrit » :

« DEFINITION DES TROUBLES SPECIFIQUES DU LANGAGE ORAL OU ECRIT »

Les troubles spécifiques du langage oral ou écrit (dysphasie, dyslexies) qui font l’objet de cette circulaire sont à situer dans l’ensemble plus vaste des troubles spécifiques des apprentissages qui comportent aussi les dyscalculies (troubles des fonctions logico-mathématiques), les dyspraxies (troubles de l’acquisition de la coordination) et les troubles attentionnels avec ou sans hyperactivité. On estime à environ 4 à 6 % les enfants d’une classe d’âge, concernés par ces troubles pris dans leur ensemble, dont moins de 1 % présentent une déficience sévère.

Leur originalité tient à ce que ceux-ci ne peuvent être mis en rapport direct avec des anomalies neurologiques ou des anomalies anatomiques de l’organe phonatoire, pas plus

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qu’avec une déficience auditive grave, un retard mental ou un trouble sévère du comportement et de la communication. Ces troubles sont considérés comme primaires, c’est à dire que leur origine est supposée développementale, indépendante de l’environnement socioculturel d’une part, et d’une déficience… »

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Prévenir sans stigmatiser En milieu scolaire, le repérage est rendu complexe par le fait que, dans une première approche, les manifestations de ces troubles, sauf dans les cas très sévères d’atteinte du langage oral, ne sont pas radicalement différentes de celles qui peuvent se présenter chez nombre d’élèves. En effet, la nature et la forme des difficultés relatives au langage oral ou écrit sont multiples, leur intensité variable, leurs origines souvent incertaines. Nombre d’entre elles sont transitoires, en lien avec la situation scolaire qui confronte l’enfant à un contexte social nouveau, plus ou moins éloigné de celui qu’il vit dans sa famille ainsi qu’à ces apprentissages dont il peut, à certains moments, mal percevoir le sens et la finalité parce qu’ils sont différents de ceux qu’il a pu effectuer de manière spontanée ; L’identification des troubles spécifiques du langage n’est pas aisée parce que les difficultés observées dans le domaine de la maîtrise de la langue orale et écrite, peuvent revêtir une pluralité de significations. C’est pourquoi l’école doit se garder d’un double écueil, celui de la banalisation comme celui de la stigmatisation. Les réponses ne peuvent être trouvées que dans la réflexion menée par l’équipe éducative, associant nécessairement à l’enseignant les personnels des réseaux d’aides spécialisées, le médecin et l’infirmière de l’éducation nationale, ainsi que les parents de l’élève ».

DYSPHASIE

C’est un trouble du développement du langage oral, sévère, spécifique, structurel,

durable perdurant bien au delà de 6 ans. Critères de diagnostic :

Déficit du langage oral Spécifiques :

pas de déficience mentale (QIP > 80)

pas de trouble de la communication

pas de trouble massif du comportement

pas de malformation ou paralysie oro-buccale

pas de surdité Sévère et durable

Constants :

trouble de la production phonologique

trouble de la production syntaxique

trouble de la conscience phonologique

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PREVENTION

Dans le domaine de la santé publique on distingue trois niveaux de prévention :

- la prévention primaire : intervention qui vise à réduire autant que possible le

risque, sa survenue ou ses conséquences ; - la prévention secondaire : intervention qui cherche à révéler l’atteinte pour

prévenir l’aggravation de la maladie, par des soins précoces : c’est le dépistage ; - la prévention tertiaire : intervention qui vise à éviter les rechutes ou les

complications. Elle consiste en une réadaptation à la situation créée par la maladie ou ses séquelles.

Dans le domaine scolaire la difficulté n’est assimilable ni à une maladie, ni à un

handicap, dont l’enfant serait porteur ou qu’il risquerait de contracter. La difficulté est inhérente au processus même d’apprentissage. C’est dans le cadre

spécifique de l’école et des PROCESSUS d’apprentissage que les enseignants peuvent envisager la PREVENTION

- d’un point de vue PEDAGOGIQUE - et d’un point de vue RELATIONNEL

Autrement dit, faire la prévention à l’école, ce n’est pas chercher à détecter

précocement ce qui dysfonctionne chez un sujet comme s’il s’agissait de diagnostiquer et traiter une déficience (1).

Ce serait plutôt conduire des actions intégrées aux situations de vie et de travail dont le principe de base est la prise en compte de la diversité des BESOINS des élèves, pour construire des REPONSES pédagogiques elles-mêmes diversifiées. Dans le domaine du langage, plutôt que de se focaliser très précocement sur d’éventuels déficits, l’effort doit porter en priorité sur l’aménagement de situations et de contextes les plus favorables possible à la communication. Dans le champ pédagogique, le premier principe de la prévention des difficultés langagières est en effet :

PRIORITE A LA COMMUNICATION

Ce principe est basé sur quelques considérations simples et de bon sens : la plus grande motivation pour apprendre à parler c’est sans doute le plaisir d’être :

ENTENDU – COMPRIS – RECONNU.

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(1) Lire l’article de Paul FERNANDEZ : « pratiques de prévention pour tous à l’école maternelle » NOUVELLE REVUE DE L’AIS N° 16 – 4ème trimestre 2001.

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Pour tous les élèves – mais surtout pour les plus fragiles ou les plus en retard – la fonction de COMMUNICATION doit primer sur la qualité formelle de l’expression ; autrement dit, bien parler ne doit pas être perçu par ces élèves comme un préalable ou une condition au fait d’être écouté.

Les enfants les plus fragiles ou les plus en retard ont plus besoin d’être SECURISES.

Cela peut passer notamment par trois modalités : se référer à ce que l’enfant connaît déjà, c’est-à-dire à tout ce qu’il peut rattacher,

de près ou de loin, à son environnement immédiat dédramatiser les échecs ou les erreurs structurer l’espace et le temps

Les ritualisations ont notamment pour fonction de rendre la vie en classe non-

ambiguë et prévisible.

Quand on parle de structurer l’espace et le temps, on fait aussi référence à la pratique de projets ou de mini-projets qui permettent à l’enfant de s’inscrire dans une continuité, de donner du sens aux situations, de se représenter un résultat à atteindre, de se sentir capable, de se faire confiance pour y parvenir. Et surtout, dans la réalisation « programmée » et « racontée » des tâches qu’implique le projet, le langage peut être utilisé pour s’exprimer ; communiquer et agir ; donc un outil qui se construit parce qu’on s’en sert, qu’on l’expérimente dans des situations de communication. Les pratiques de prévention sont donc à mettre en œuvre au plus près du fonctionnement habituel de l’école, voire organisées au sein même de la classe. En effet :

la prévention ne repose pas sur la mise en œuvre de nouveaux supports ou techniques sophistiquées ; elle n’est pas essentiellement une question de contenus ou d’outils qui

présenteraient des qualités supérieures.

En fait, il faudrait pouvoir résister à deux dérives :

la première est la tentation de la précocité qui peut conduire à vouloir que l’enfant apprenne toujours plus, plus vite et plus tôt ; la seconde est le mythe des outils « hautement spécialisés et

scientifiquement labellisés, applicables de façon systématique et généralisée, qui seraient de nature à déceler et traiter la difficulté avant même qu’elle se fasse jour » (P. FERNANDEZ).

Du point de vue relationnel, les autres mots clés de la prévention sont le regard et la

confiance.

Ce qu’on appelle communément la motivation d’un enfant est liée (entre autres choses) : à sa conviction d’être capable de réaliser ce qu’on attend de lui à la conviction aussi d’être reconnu capable de …

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De ce point de vue, insister sur « ce qui va bien » plutôt que sur « ce qui va mal »

aidera à construire une image de soi positive et permettra de développer certaines capacités qui serviront de soutien au langage.

La démarche préventive se construit principalement dans le regard et les représentations des professionnels qui côtoient l’enfant au quotidien. De ce point de vue, faire de la prévention signifie être prévenant à l’égard des besoins de certains enfants, c’est-à-dire porter attention à l’adaptation de l’enfant, et à la construction de ses apprentissages. En termes pédagogiques, cela suppose –entre autres choses – que soient identifiés des critères de réussite et de difficulté scolaire qui servent au quotidien dans un processus d’observation – évaluation en continu.

Ce processus d’observation – évaluation en continu se distingue des pratiques dites de dépistage. Pour être plus précis, voici ce qu’écrit un professeur-formateur du CNEFEI – Patrice COUTERET – dans un rapport intitulé « DEFINITIONS ET APPROCHES PEDAGOGIQUES DES DYSPHASIES ». « [….] de nombreux auteurs ont fait remarquer que [….] les situations de tests ou de diagnostic (le plus souvent en enfant seul, avec un adulte qu’il ne connaît pas ou mal, pendant un temps très court) ne peuvent pas être considérées comme des situations « naturelles ». Par conséquent leurs conclusions doivent être corrélées avec les évaluations qui peuvent être faites avec la famille et … les enseignants (qui sont avec les enfants 6 heures par jour pendant au moins un an !…). Il faut, disent ces auteurs, « transcontextualiser » l’évaluation car « seule la consistance des performances au travers de différents contextes peut être prise comme un indicateur valide d’un niveau de compétences » ». Il est donc très important que des repères construits à partir des objectifs et programmes nationaux – construits autant que possible par les enseignants et applicables à une diversité de contextes et situations scolaires permettent de rendre lisibles la réussite et la difficulté scolaire, lisible pour que, collectivement, une compréhension qui ne soit pas réductrice puisse s’élaborer. Pour demeurer ouverte et dynamique, cette compréhension doit reposer sur le principe de la confrontation des points de vue et des conceptions et de l’échange de compétences et de connaissances entre différents professionnels qui ont collaboré pour mobiliser les ressources et les aides adaptées. Cela renvoie concrètement à la question d’évaluation : « [….] chacun a, plus ou moins explicitement ou implicitement, des repères par rapport auxquels il situe chaque enfant. De nombreux travaux attestent d’ailleurs que les jugements des enseignants, fondés sur des impressions quotidiennes et traduisant une intuition globale, sont de bons prédicteurs de la réussite scolaire. C’est intéressant mais insuffisant parce que le rôle de l’école est justement de contrecarrer le mouvement spontané de la difficulté quand elle existe au départ : on n’est pas là pour témoigner d’un destin mais

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pour « l’infléchir » : pour agir de manière adaptée, il faut savoir sur quoi donc affiner son observation, clarifier ses repères ». Viviane BOUYSSE – Congrès AGIEM CARCASSONNE 2001 – in CDROM AGIEN « le langage à l’école maternelle ».

Les dispositifs de prévention se fondent donc sur « une action et une réflexion communes de l’ensemble des personnels de l’école, centrées sur l’évaluation des conduites et des compétences de l’enfant et sur les réponses à apporter aux difficultés potentielles que peut manifester chaque enfant dans ses processus d’adaptation et d’apprentissage scolaires ».

Ils ont aussi pour objectif de « développer les relations entre l’école et les familles pour

établir un meilleur climat de confiance et de collaboration entre les parents et les enseignants ». (Paul FERNANDEZ).

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COMMENT REPERER LES DIFFICULTES LANGAGIERES

D’UN ENFANT

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RECOMMANDATIONS

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D’APRES L’OUVRAGE “ NEUROPSYCHOLOGIE DE L’ENFANT

TROUBLES DEVELOPPEMENTAUX ET DE L’APPRENTISSAGE ”

Francine LUSSIER Janine FLESSAS Editions DUNOD

Recommandations pour une meilleure intervention auprès de l’enfant ayant des difficultés avec la langue

1)Problème au niveau du langage réceptif

Attirer l’attention de l’enfant quand on lui adresse un message - nommer l’enfant - s’assurer d’un contact visuel et même physique (épaule, main…) - mimer le message quand c’est possible

Ajuster la complexité du message verbal selon le niveau de compréhension de l’enfant - diminuer la quantité d’informations à traiter pour une consigne donnée - ne donner qu’une consigne à la fois - utiliser des mots de vocabulaire connus de l’enfant - favoriser la communication à travers des éléments concrets - ralentir le débit verbal

Reformuler le même message - utiliser la redondance, la répétition, le rephrasage (sans surcharge inutile) - reproduire le message par écrit, par dessins, par pictogrammes

Vérifier la compréhension verbale de l’enfant - permettre à l’enfant de répéter le message entendu - ajouter les éléments qui manquent - poser des questions sur le message

1)Problème au niveau du langage expressif

- rendre disponible des aides visuelles pour faciliter la communication - inciter à produire des gestes de communication non verbales - vérifier la compréhension du message de l’enfant par une demande de reformulation - amener l’élève à illustrer son message, son raisonnement, sa démarche - développer ses habilités métaphonologiques ( nombre de syllabes du mot à évoquer, phénomène initial, terminaison) - sensibiliser l’enfant aux règles morphologiques de formation des mots (radical et terminaison, suffixe et préfixe)

1)Organisation fonctionnelle de la classe

- établir une routine très simple au début - planifier de façon détaillée les évènements de la routine - complexifier la routine très progressivement - illustrer la routine par des images, des pictogrammes - prévoir un support visuel pour signaler les évènements spéciaux - se référer à un calendrier (horaire) pour toute gestion du temps - établir des règles claires de communication

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- ne tolérer qu’un seul élève parle à la fois - être consistant dans ses demandes, constant dans ses exigences - être persévérant dans l’application d’un plan d’intervention ; le plan trop élaboré dès le départ risque d’être rigide et difficile d’application ; il vaut mieux rajouter des éléments progressivement au plan que d’en retrancher - varier le type d’activités sur un même thème - prévoir des activités de courte durée - alterner les activités verbales et celles impliquant de la manipulation

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7- BATTERIES DE DEPISTAGE A L’USAGE EXCLUSIF DES PROFESSIONNELS DE LA SANTE

• EPREUVES DE REPERAGE DES TROUBLES DU LANGAGE : ERTL4. (B.ROY , Com-Médic, Les NATIONS, 54500 Vandoeuvre)

Age concerné : 3 ans 9 mois à 4 ans 6 mois.

Objectifs : repérer les troubles du langage afin de proposer une évaluation standardisée par une orthophoniste

Contenu : il explore de façon globale la production et la compréhension du langage en 5 à 10 minutes.

Validation : il a été étalonné sous forme de la normalisation d’un score global sur 370 enfants. Sa validation a comporté la mesure de sa sensibilité et de la spécificité par la comparaison au bilan d’une orthophoniste chez 370 enfants.

• EPREUVES DE REPERAGE DES TROUBLES DU LANGAGE ET DES

APPRENTISSAGES : ERTL6. (B.ROY , Com-Médic, Les NATIONS, 54500 Vandoeuvre 2000)

Age concerné : 6 ans

Objectifs : repérer les troubles du langage et des apprentissages avec en particulier une évaluation des « pré-requis »de l’acquisition du langage écrit.

Contenu : les différentes épreuves (15 à 20 minutes) testent la capacité de repérage spatial et temporel, d’empan de chiffres, de discrimination de sons, de rimes, de répétitions phonologiques et de rythmes, de soustraction syllabique et de mémorisation des mots.

Validation : il a été étalonné chez 371 enfants âgés de 5 ans 1 mois à 6 ans 10 mois, sous la simple forme d’un score échoué ou réussi pour chaque sub-test.

• BATTERIE RAPIDE D’EVALUATION DES FONCTIONS COGNITIVES : BREV

(C.BILLARD et collaborateurs, Kiosque Productions, 69 bd Saint-Marcel, 75013 Paris www.labrev.com)

Age concerné : 4 ans inclus à 9 ans exclus

Objectifs : permettre en 15 à 30 minutes (version abrégée ou version complète) l’examen neuro-psychologique de l’enfant en référence à son développement normal ,afin de dépister les enfants porteurs d’un déficit des fonctions cognitives ,et d’en préciser le profil et l’orientation.

Contenu : la BREV évalue les fonctions verbales et non verbales. Elle comporte 18 subtests dans la version complète et 15 dans la version abrégée explorant le langage oral (répétition

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de logatomes, évocation lexicale, expression syntaxique, conscience phonologique),les fonctions non verbales (graphisme, discrimination visuelle, raisonnement spatial, planification), l’attention visuelle et sélective, la mémoire de chiffres, verbale et visuelle, les apprentissages en lecture, orthographe et calcul.

Validation : sa validation a été effectuée chez 500 enfants âgés de 4 ans à 9 ans (9 ans exclus) .Il donne les moyennes et écart type de chaque subtest, dans chacune de 10 tranches d’âge.

• BILAN DE SANTE EVALUATION DU DEVELOPPEMENT POUR LA SCOLARITE 5 A 6 ANS : BSEDS (M.ZORMAN ,M.JACQUIER-ROUX et collaborateurs - Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages, IUFM, 30 avenue Marcellin-Berthelot - 38100 Grenoble)

Age concerné : 6 ans.

Objectif : permettre en 30 minutes de réaliser une évaluation neuro-psychologique et développementale de l’enfant, centrée sur le langage oral et les habiletés nécessaires à l’apprentissage de la lecture.

Il permet de :

- repérer les enfants présentant des retards et pouvant bénéficier d’une guidance pédagogique adaptée (entraînement phonologique, visuel, langage oral…)

- suspecter les enfants pouvant présenter un déficit cognitif nécessitant un bilan complémentaire et une prise en charge thérapeutique.

Contenu : elle réunit différentes parties de tests existants et différentes épreuves originales. Il teste le langage oral (répétition de logatomes, évocation lexicale, compréhension lexicale et syntaxique, discrimination phonémique et la conscience phonologique),la perception, attention et reconnaissance visuelles, la mémoire de chiffres, de mots et visuelle.

Validation : elle a été étalonnée sur 1076 enfants entre 59 et 71 mois scolarisés en grande section de maternelle. Elle donne pour chaque sub-test la moyenne et l’écart type par tranche d’âge de quatre mois.

Extraits : le dépistage des troubles du langage chez l’enfant. Une contribution à la prévention de l’illettrisme. C. BILLARD.

ODEDYS IUFM - Académie de Grenoble.

• OUTIL de DEPISTAGE des DYSLEXIES ODEDYS (M.ZORMAN , M.JACQUIER-ROUX et collaborateurs - Laboratoire Cogni-Sciences et Apprentissages, IUFM, 30 avenue Marcellin-Berthelot - 38100 Grenoble)

Age concerné : du CE1 au CM2

Objectif : permettre d’évaluer le niveau de lecture et d’orthographe des enfants du CE1 au CM2.

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Contenu : il utilise un nombre restreint d’épreuves :

- une épreuve donnant l’âge lexique

- une épreuve de lecture et d’orthographe,

- deux épreuves métaparologiques,

- une épreuve de mémoire verbale à court terme,

- deux épreuves de traitement visuel.

Il ne propose pas l’évaluation du niveau de langage oral ou de la compréhension écrite.

Un bilan plus complet est absolument nécessaire.

Il a été élaboré sur :

- 143 élèves en CE1,

- 127 élèves de CE2,

- 116 élèves de CM1,

- 150 élèves de CM2.

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ELEMENTS DE DIAGNOSTIC DES TROUBLES

SPECIFIQUES DU LANGAGE : DYSPHASIE DYSLEXIE

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DYSPHASIE

C’est un trouble du développement du langage oral, sévère, spécifique, structurel, durable perdurant bien au delà de 6 ans. Critères de diagnostic :

Déficit du langage oral

Spécifiques :

pas de déficience mentale (QIP > 80)

pas de trouble de la communication

pas de trouble massif du comportement

pas de malformation ou paralysie oro-buccale

pas de surdité Sévère et durable

Constants :

trouble de la production phonologique

trouble de la production syntaxique

trouble de la conscience phonologique

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DYSLEXIE

Critères de l’O.M.S. permettant de faire le diagnostic de dyslexie :

« A – L’un des deux points suivants doit être présent :

1) un score de capacités de lecture et/ou de compréhension se situant au moins, 2 erreurs standard en dessous du niveau attendu sur la base de l’âge chronologique et l’intelligence générale de l’enfant, les aptitudes de lecture de même que le Q.I. étant évalué sur un test administré individuellement et standardisé par rapport au niveau culturel et au système éducatif de l’enfant.

2) Un antécédent de difficultés sévères de lecture, ou des scores aux tests satisfaisant au critères A (1) à un plus jeune âge, plus un score à un test d’orthographe se situant, au moins, deux erreurs standard en dessous du niveau attendu sur la base de l’âge chronologique et du Q.I. de l’enfant.

B – Le trouble, décrit au critère A, interfère de façon significative avec la réussite scolaire et

les activités de la vie quotidienne nécessitant des aptitudes de lecture. C – Le trouble n’est pas la conséquence directe d’un déficit d’acuité visuelle ou auditive, ou

d’une affection neurologique. D – Les expériences scolaires sont dans la moyenne de ce que l’on peut attendre (c’est à dire

qu’il n’y a pas eu d’inadéquation majeure dans la scolarisation). E – Critère d’exclusion très habituellement utilisé : Q.I. inférieur à 70 sur un test standardisé

individuellement. »

Le cerveau singulier – M. HABIB

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APPROCHES THEORIQUES

1- Le développement – apprentissage du langage page 50

2- Langage, parole, activité langagière – l’acquisition du langage page 54

3- Savoir parler ? c’est … page 57

4- Est-ce que la langue joue un rôle dans la formation de la

pensée ? page 58

5- Le premier principe de « prog » ou « le langage d’abord et toujours » page 62

6- Les apports de la neurologie page 67

7- Analyses, réflexions, débats à propos du plan d’action :

Dyslexie : le retour page 75

Plans de recherche et plans d’action, quels rapports ?

page 84

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1- LE DEVELOPPEMENT – APPRENTISSAGE DU LANGAGE

Avant d’arriver à maîtriser le langage, l’enfant passe par de nombreuses étapes. Selon les psychologues, l’apprentissage du langage commence dès la fin de la vie fœtale, donc bien avant l’émergence de la parole. Une réflexion sur l’acquisition du langage chez l’enfant doit considérer ses deux facettes : la perception et la production, et aussi prendre en compte les aspects du développement liés à la communication ainsi que ceux liés à la cognition. DU COTE DE LA PERCEPTION Déjà dans le ventre de sa mère, le fœtus distingue la parole humaine des bruits environnants. Ensuite, dès la naissance, il est très sensible aux variations prosodiques de la parole et préfère la voix de sa mère à une autre, ainsi que la langue maternelle à une langue étrangère. De 1 mois jusqu’à 8 mois, le bébé va ensuite apprendre à distinguer les syllabes ([ba] et [pa], par exemple), puis les mots, jusqu’à la première compréhension de mots dans leur contexte. C’est à ce moment aussi qu’il commence à reconnaître son prénom. A partir de 10 mois, le bébé commence à comprendre les mots isolés, et son « vocabulaire passif » se développe. L’UNIVERS COMMUNICATIF DU BEBE Les petits êtres humains sont beaucoup plus interactifs que n’importe quel autre être d’une autre espèce et le nouveau-né développe tout de suite une activité très sociale et axée sur la communication. Il y a très tôt avec sa mère transmission et réception d’informations. il est sensible dès sa naissance non seulement à la voix de sa mère mais aussi aux visages auxquels il réagit en fonction de leur expression.

Aux alentours de la quatrième semaine, le bébé commence à rechercher systématiquement le regard de sa mère. Ce comportement de recherche du regard par le regard permet l’apparition de conduites de réciprocité. Aux cours de celles-ci vont apparaître des conduites d’imitation et de jeu. Une de ces conduites appelée le « turn-taking », le « chacun son tour » et qui apparaît, vers le 3ème mois, sous la forme de vocalisations alternées entre la mère et l’enfant donne l’impression d’une conversation. A cinq mois, l’enfant repère des correspondances entre des paroles et des mouvements de la bouche.

Vers six mois, il suit la direction du regard de sa mère à condition que l’objet fixé par celle-ci soit bien en vue. Cette capacité va s’affiner au fil des mois et se combiner avec le geste de pointer. Se développe alors l’attention partagée vers le monde extérieur très importante pour l’acquisition du langage.

Les productions vocales des premiers mois se règlent à celles des interlocuteurs : la voix du bébé est plus haute quand il est avec sa mère que quand il est avec son père.

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Le babillage entre 6 et 10 mois reflète les caractéristiques de la langue de l’environnement.

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LES ASPECTS COGNITIFS

Le nouveau-né dispose de la capacité à soutenir des activités orientées vers un but,

c’est-à-dire qu’il est capable dans une série d’actions qui se répètent de repérer une structure et donc de prévoir ce qui va se passer, il est capable d’anticiper sur ce qui va se produire.

Il témoigne dans sa sphère d’action d’un degré très élevé d’ordre et de systématisation

et il désire explorer systématiquement tout ce qui l’entoure. Il dispose d’une capacité à l’abstraction qui lui permet, par exemple, dès deux mois,

de détecter des équivalences entre le toucher et la vue : il peut ainsi reconnaître visuellement un objet qu’il a eu auparavant dans la main sans le voir.

Il dispose ainsi de capacités cognitives qui lui permettent d’acquérir des connaissances

naturelles sur le découpage du monde à partir du réel bien avant d’apprendre les signaux linguistiques qui vont y correspondre. Il peut faire des prédictions sur le monde et le découper en catégories d’objets et en catégories d’actions.

DU COTE DE LA PRODUCTION D’un point de vue physiologique, l’exercice de la parole exige une coordination des

muscles extrêmement complexe. Au cours de la première année, s’opère chez le nouveau-né un processus de maturation et de remodelage des organes de la parole et ce n’est pas avant l’âge de cinq – six ans que le contrôle de tous les muscles articulateurs devient possible. Certains groupes de sons offrant des difficultés particulières peuvent encore être difficilement prononcés par certains enfants, au-delà de cet âge.

Après les « arheu » des premiers mois, l’enfant apprend à maîtriser sa voix. Entre 6 et 10 mois, il se met à babiller, c’est-à-dire à répéter des suites de syllabes

rythmées (mamama, gagaga). Le babillage, qui peut paraître complètement désordonné, permettrait à l’enfant de comprendre comment il faut bouger tel ou tel muscle pour provoquer un changement de son. Après la simple maîtrise de la voix, il apprendrait donc à maîtriser la production de sons. Jusqu’à 10 mois, il se spécialise ensuite dans les consonances de sa langue maternelle, et c’est entre le 11ème et le 14ème mois que les premiers mots sont entendus par les adultes.

A 16 mois, il utilise en moyenne 50 mots, mêlés à du babillage avec intonation. Son

vocabulaire est généralement constitué de noms de personnes proches et d’objets (papa, dou-dou), de termes sociaux (coucou, allô), d’adverbe (encore) et parfois de verbes (tombé). Si l’acquisition des 50 premiers mots est très lente, on assiste, vers 18 mois et jusqu’à 3 ans, à une véritable explosion du vocabulaire. L’enfant apprend alors plusieurs mots par jour, à une vitesse étonnante.

L’AGE DES PREMIERES PHRASES Après les mots, l’enfant apprend à faire des phrases. Vers 18-20 mois, il produit deux

mots à la suite, exprimant ainsi différentes relations de sens : l’existence (auto ça), la récurrence (encore lait), l’attribution (auto papa), la localisation (maman travail), etc.

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Très tôt, les enfants sont sensibles à la grammaire de leur langue maternelle. Et dès 2

ans, ils disposent de connaissances grammaticales importantes. Vers trois ans et demi, ils commencent à conjuguer les verbes, avec des généralisations incorrectes du style « tu feseras » ou « j’ai ouvri la porte ». mais ces incorrections prouvent qu’ils ont compris une règle.

Le vocabulaire continue à s’enrichir, avec l’augmentation du nombre de mots connus,

mais aussi avec une capacité de plus en plus grande à donner du sens aux mots. Dès le départ, l’enfant utilise le langage dans sa fonction instrumentale, c’est-à-dire

pour obtenir ce qu’il désire (boire lait). Il sait aussi exprimer ses sentiments (veux pas) et entrer en relation avec les autres (au revoir, coucou). Mais ce n’est que plus tard qu’il utilisera la fonction heuristique du langage comme outil de découverte du monde (dis, pourquoi la mer est bleue ?), la fonction imaginative, en inventant une histoire, et la fonction informative, en échangeant des informations avec les autres. L’enfant mettra également du temps à adapter les formes du langage qu’il utilise à la situation.

LES DIFFERENCES ENTRE ENFANTS Tous les enfants ne disent pas leur premier mot au même âge, ni ne peuvent

comprendre ou produire le même nombre de mots à l’age de 1, 5 ou 10 ans. Dès 8 – 10 mois, certains bébés vocalisent plus que d’autres : généralement ceux à qui la mère s’adresse le plus souvent.

Il semble que dans l’acquisition du vocabulaire, l’entourage et la culture exercent une

influence importante. De nombreuses études descriptives sur le vocabulaire des enfants s’intéressent à

l’aspect quantitatif de cette acquisition et montrent que, à 20 mois, l’enfant possède environ 100 mots, 300 à deux ans, 1000 à trois ans. Mais il faut signaler des variations interindividuelles importantes : 500 mots pour certains enfants à 24 mois, une centaine seulement pour d’autres.

Il est cependant très hasardeux de tirer des conclusions de ces observations pour

l’instant à cause des variations sur la définition de la notion de mot adopté par les différentes études et parce qu’il y a une distinction à faire, d’une part, entre étendue du vocabulaire et qualité de celui-ci, et d’autre part, entre vocabulaire en compréhension et vocabulaire en production.

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2- LANGAGE, PAROLE, ACTIVITE LANGAGIERE – L’ACQUISITION DU LANGAGE

I – LANGAGE, PAROLE, ACTIVITE LANGAGIERE Définitions provisoires : « le langage, instrument et créateur de culture, est un moyen systématique de communiquer avec autrui, d’affecter son comportement mais aussi le notre, de partager et de créer des réalités auxquelles nous adhérons ensuite ». (J. BRUNER) La fonction langagière suppose :

un système de conventions et de règles, la langue, qui spécifie la manière dont le matériel verbal doit être utilisé pour symboliser la réalité extérieure (correspondance entre les signifiés transmis et les signifiants). la matérialisation de ce système en actes concrets de parole. On ne peut faire la

théorie du langage humain sans inclure les conditions de son utilisation. Se limiter à une approche formelle du langage (le code) reviendrait à négliger sa dimension fonctionnelle et interactionnelle.

Il convient alors de préciser les notions d’énonciation, d’actes de langage, de situations

langagières. Enonciation : « mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation … l’acte au cours duquel s’actualisent les énoncés émis par un locuteur particulier en direction d’un interlocuteur, dans un contexte spatial et temporel précis ». Acte de langage : tout énoncé est un acte d’énonciation, un acte propositionnel (référence, prédiction) et présente un aspect illocutoire (affirmer, poser une question, ordonner, promettre, etc…), acte de discours qui équivaut à l’acte social posé intentionnellement par le locuteur lors de l’énonciation du message. L’acte perlocutoire se définit par la notion d’effet produit par le dire sur les locuteurs. Cette fonction opératoire du langage revêt un caractère important dans la plupart des relations sociales. Utiliser le langage ce n’est pas seulement dire quelque chose, c’est agir, co-agir dans des situations d’interlocution. Dès lors, communiquer est un processus interactif de construction du sens à l’intérieur de situations et de contextes qui engagent les acteurs dans trois types d’activités différentes et complémentaires :

- une activité de construction de la relation - une activité de construction identitaire - une activité cognitive

La situation d’interaction ne se limite pas aux rituels langagiers et aux règles

conversationnelles : elles génèrent le processus dynamique où se fondent à la fois l’identité

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des interlocuteurs, les significations qu’ils partagent (intersubjectivité) et la communication (notion de contrat, de méta contrat…). Dès lors, le contexte n’est pas simplement une réalité extérieure au sujet parlant mais il est constitutif de son activité psychologique. Sont alors à reformuler les approches qui dans l’analyse du langage minoreraient (au seul profit du code) les dimensions pragmatiques, motivationnelles et identitaires.

Concernant ce langage, de même que pour tout autre fonction psychologique, il ne saurait être question d’isoler les facteurs cognitifs, affectifs et sociaux. C’est pourquoi la notion d’activité langagière proposée par PROG peut être retenue. Notre objectif étant d’éviter tout réductionnisme concernant l’étude du langage, son acquisition par l’enfant, son évaluation. I – L’ACQUISITION DU LANGAGE

« La seule manière d’apprendre l’usage du langage c’est de l’utiliser pour communiquer ». Deux aspects sont à distinguer :

- le développement de la communication (au sens large) - l’apprentissage du code linguistique

A noter : la communication précède le langage. L’enfant ne s’intéresse au langage et ne se l’appropriera que dans la mesure où il reconnaît le langage comme moyen privilégié de la communication.

Il convient alors de s’intéresser au développement d’une interaction langagière incluse dans l’ensemble des interactions de communication de l’enfant avec son entourage.

rôle des interactions précoces du point de vue communicationnel, affectif… rôle de l’adulte (étayage, format, mise en place des scénarios comme modèle

d’interaction standardisée) ; caractéristiques de l’attitude favorable de la mère (et plus largement de l’entourage) écoute sensible ajustement de sa conduite : adaptabilité, régularité, feed back ajusté anticipation des possibilités communicatives du bébé. Toute l’activité de

celui-ci est reçue comme si elle était chargée d’une intention de communication la communication préverbale est riche d’une multiplicité de canaux :

communication poly sensorielle c’est à partir de l’activité de l’enfant que la mère structure sa propre activité dialogue qui s’instaure dans une atmosphère de jeu et de plaisir partagé

entre la mère et l’enfant dans des échanges hautement ritualisés les pré-requis communicationnels

Les activités partagées conjointement par l’enfant et son entourage préfigurent le

dialogue et fournissent une assise des conduites verbales et des structures linguistiques ultérieures.

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Concernant cette étape pré-linguistique, de même que pour les étapes ultérieures, l’accent est mis à nouveau sur le rôle des interactions sociales, des médiations et des contextes.

Les conceptions innéistes (théorie des dons) et seulement maturationnelles limitent voire occultent l’importance de ces facteurs. Apprendre à parler et à comprendre, c’est apprendre autre chose (voir I) que du lexique et de structures grammaticales : c’est entrer dans différents « jeux de langage » tant par rapport à la réalité que par rapport au discours de l’autre ou par rapport à soi. Cet apprentissage implique l’acquisition de plusieurs compétences :

- une compétence linguistique - une méta-compétence - une compétence pragmatique et rhétorique - une compétence culturelle et sociale - une compétence cognitive.

Des aspects cognitifs, psychologiques et sociaux sont donc présents dans cet

apprentissage.

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3- SAVOIR PARLER C’EST « SAVOIR PRODUIRE ET COMPRENDRE DES DISCOURS VARIES DANS DES

SITUATIONS DE COMMUNICATION VARIEES »

COMPETENCES COMMUNICATIONNELLES ET DISCURSIVES

D’a

SAVOIR ANALYSER LE CONTEXTE, LA SITUATION DE COMMUNICATION Identifier les attentes de l’autre : faire des hypothèses sur ce que sait l’autre et

ce dont il a besoin

SAVOIRCONNAI

près Mr RE

SAVOIR CHOISIR ET UTILISER LE TYPE DE DISCOURS ADAPTE ACETTE SITUATION ET QUI CORRESPOND A L’INTENTION DISCURSIVE Types de discours majoritairement utilisés à l’oral : - narratif

- informatif - argumentatif - prescriptif

UTSS

BIE

SAVOIR READAPTER SANS CESSE LE DISCOURS EN FONCTION DE CE QUI SE PASSE DANS LA SITUATION DE COMMUNICATION SANS PERDRE L’INTENTION DISCURSIVE

ILISEANT

RE – IU

SAVOIR MAÎTRISER LES PHENOMENES DE L’ENONCIATION - S’impliquer et impliquer l’autre : intonation, marques non-verbales,

marques linguistiques

- Mettre à distance ce que l’on dit : capacité de décentration, de mise à modalisation du discours distance par rapport au discours

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COMPETENCES LINGUISTIQUES

R LES FAITS DE LANGUE, FAIRE FONCTIONNER LA LANGUE EN LES PARTICULARITES DU CODE LINGUISTIQUE

Savoir-faire phonologiques, lexicaux, syntaxiques

FM BORDEAUX

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EST-CE QUE LA LANGUE JOUE UN ROLE

DANS LA FORMATION DE LA PENSEE ?

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LE PREMIER PRINCIPE DE « PROG »

ou « LE LANGAGE D’ABORD ET TOUJOURS »

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1. Le premier principe de PROG ou «le langage d'abord,

et touj ours >>

Quand on parle du langage quoi parle-t-on? ............................................14 Les quatre domaines pour travailler le langage écrit ............................. ..21 La progressivité des apprentissages' . ..........................................: ........27

Lorsque le langage est considéré comme ce qu'il y a de plus précieux dans une classe, il ne faut pas longtemps à un visiteur extérieur pour s'en rendre compte: confiance, respect et ambiance de travail règnent. Ce résultat s'obtient à partir du moment où le maître choisit de considérer que c'est là que se joue la totalité des activités intelligentes des enfants, et que tous en sont capables.

Quand on parle du langage, de quoi parle-t-on? a C'est dans et par le langage que l'homme se constitue comme sujet; parce que le langage seul fonde en réalité, dans sa réalité qui est celle de l'être, le concept d'ego. » (Émile Benveniste)

Définition Cette question est extrêmement complexe, et des choix ont été faits pour cet ouvrage, afin d'offrir des outils conceptuels clairs aux maîtres. On n'ouvrira donc pas de débat ici, on n'évoquera pas les différentes tendances théoriques, on ne renverra pas à une histoire des idées en la matière. On posera seulement que la définition proposée est un outil de travail opératoire en didactique. Le langage est un concept, on ne peut pas le recueillir, pas l'observer, pas le décrire. On fait l'hypothèse de son existence pour définir l'homme, par opposition à l'animal.

Quand on dira «langage » on renverra à une « activité psychologique d'un sujet au moyen d'une langue et qui slgnlfie " Les cinq mots-clés sont ici: • « activité » veut dire fonctionnement psychique, Interne. rendu possible grâce à ,,activité neuronale cérébrale mis "en oeuvre dans une tension vers un but. On ne confondre pas "activité langagière» et " produit langagier» (par exemple, un

énoncé que quelqu'un vient de produire). On ne confondra pas « l'activité langagière» et cc l'outil du langage» qu'est une langue. La définition que donne Smirnov (1966) de l'activité est très opératoire: « la connaissance de l'homme représente un type particulier d'activité, orientée vers un but, déterminée par des motifs et comprenant une grande variété d'opérations intellectuelles, de moyens ou de procédés d'atteindre le but qu'on s'est fixé, de résoudre les tâches qu'on s'est posées ». Ainsi, nous considérons qu'il y a « activité langagière» lorsqu'il y a tension d'un sujet vers un but ou en raison de motifs. . « psychologique » veut dire que le langage est en étroite relation avec l'esprit, la pensée, l'intelligence, les représentations mentales. On ne confondra donc pas l'activité langagière avec le langage, tel qu'il peut être considéré de manière étroite par certains linguistes, c'est-à-dire comme synonyme de cc langue naturelle ». Notre parti pris est plus risqué, puisque parler du langage nous conduira à côtoyer de très nombreuses données de sciences humaines et sociales (la psychologie cognitive, la psychologie clinique, la linguistique, la psycholinguistique, la sociolinguistique, la psychanalyse). . « d'un sujet » veut dire d'une personne psychologique, d'un être particulier considéré en tant que support d'une histoire, d'une culture, d'un affect, d'une vie psychique propre. L'activité langagière est donc toujours un processus singulier, propre à chacun de nous. C'est ce qui, théoriquement, devrait rendre totalement impossible une compréhension entre deux personnes utilisant le langage. En fait, la compréhension est rendue possible parce que l'outil linguistique qu'est la langue est socialement partagé et que certains contextes sociaux sont, eux aussi, codés. • ce au moyen d'une langue» veut dire qu'on limitera le langage à l'activité ayant support linguistique. Une langue est un objet social, ensemble de signes régi par des régularités: on peut recueillir une langue (en enregistrant ceux.qui la parlent, en étudiant des écrits), l'observer et la décrire. Le langage est ce qu'en font les hommes qui l'utilisent. Dans cet ouvrage le mot u

langage » sera toujours synonyme d'activité langagière. • « et qui signifie » renvoie à la nature de l'activité langagière qui permet de construire a du sens» et que ne possèdent pas les animaux, même s'ils peuvent, dans une certaine mesure, communiquer. Ce qui rend difficile une telle conception du langage est le fait qu'il s'agit d'une activité cc

naturelle » au sens de non consciente, non volontaire, non contrôlée. On ne peut pas s'empêcher d'être en langage; par exemple, lors d'une insomnie, lorsqu'on s'oblige à ne penser à rien, on n'y arrive pas. Et nous sommes tous en langage tout le temps. Mais alors, dira-t-on, pourquoi en faire un objet de travail à l'école? D'une part, parce que le langage s'acquiert et que cette acquisition est encore à ses débuts lorsque nous accueillons les élèves en maternelle. D'autre part, parce que selon l'histoire et le milieu où vit l'enfant, cette activité va prendre des formes diverses qui vont lui permettre un peu, beaucoup, parfois très peu, d'avoir prise sur le monde et sur les relations aux autres. On pose ici qu'on n'a jamais fini d'apprendre à utiliser le langage et qu'un tel apprentissage infini s'appelle compétence.

Les formes du langageLa définition large que nous avons choisie du langage nous conduit à considérer qu'il. peut prendre deux formes

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• une forme dite de langage intérieur, qui est le cas le plus fréquent, quand on écoute,

quand on lit, quand on réfléchit sur un texte, quand on réfléchit à quelque chose qu'on

va écrire, quand on rédige en doublant d'une voix intérieure, quand on pensé dans sa tête

avec des mots. Lors de toutes ces activités, le langage n'aboutit pas à une énonciation;

pourtant il existe et il est «habité» : sur le plan affectif, il est le support des « sentiments

* du sujet, et sur le plan cognitif, il permet les représentations.

• une forme dite de langage extériorisé, lorsque l'activité langagière a pour effet un

produit que l'on peut recueillir (objet empirique) et qu'on appelle texte. Un texte est le

produit linguistique résultat d'une activité de langage extériorisée. Il peut être oral ou

écrit, il peut être adressé à quelqu'un (dans le discours) ou à soi (dans le cas du

pense-bête ou de la prise de notes). Lorsqu'on parle de cette forme extériorisée du

langage, en prenant en compte celui qui la produit et la totalité des paramètres de la

situation (intention du locuteur, statut de l'interlocuteur, lieu social, époque, etc.), on dit

qu'il s'agit d'activité discursive. De ce po nt de vue, le produit langagier est un discours.

On parle aussi d'énonciation pour désigner «cette mise en fonctionnement de la langue

par un acte individuel d'utilisation» (Benveniste).

Les formes d'activité langagière orale et écrite s'opposent, selon un autre critère que

celui du type d'activité. L'oral et l'écrit s'opposent pour ce qui est des situations dans

lesquelles ils se produisent. Toutes leurs différences découlent de cette opposition.

L'orat se définit par sa forme extériorisée et en présence d'un interlocuteur. L'écrit se définit par sa forme écrite et soit hors présence du destinataire (quelqu'un d'autre), soit pour être lu par soi à un autre moment (cas du pense-bête). Dans PROG, on parle de a destinataire pas là, pas maintenant » pour renvoyer à ce décalage particulier. C'est lui qui induit les différences dans l'activité langagière ellemême (par exemple, la rapidité des échanges oraux, par opposition au lent travail d'écriture, ratures, réécriture de l'écrit) et dans les traces qu'on en a dans le produit (par exemple le fait qu'à l'oral on peut souvent thématiser pour dire d'abord de quoi on va parler, puis en dire quelque chose, ce qui donne des énoncés comme «moi, la maternelle, j'y ai beaucoup travaillé », alors qu'à l'écrit le thème est posé en début de paragraphe et que l'on doit s'y tenir). On peut donc parler de langage oral et de tangage écrit, qu'on ne confondra pas avec les supports physiques du recueil de leurs traces. On dira ccun écrit/ des écrits » quand on voudra parler de document(s) comportant de

• un message laissé par un membre de la famille à un autre membre de la famille, de

type « ne donnez pas à manger au chat, c'est fait » est un écrit. Mais, dans la mesure où il n'y a

ni date ni signature parce que le contexte va être évident au destinataire, on est

davantage dans l'oral que dans l'écrit. En revanche, si la maison est habitée par plusieurs

personnes et que le message est «vous pouvez manger tout ce que j'ai laissé au congélateur parce

que je ne rentre que le 30 juin, tata Jeanine " on se rapproche de l'écrit, parce qu'il y a mention

explicite de ce qu'on appelle un ancrage énonciatif (qui parle? à quel moment, et d'où

énonce-t-il?);

• une lecture à voix haute adressée à quelqu'un de présent est un message oralisé, mais

il s'agit soit de langage oral si le texte lu est en langage oral («je vais dehors, maman/ oui

mon poussin mais fais attention à... »), soit de langage écrit si le texte lu est en langage écrit

(«Natacha était une petite fille blonde très coquine qui vivait... »).

Dans PROG, un des axiomes de travail est de partir de ce que savent très bien faire les

enfants. On va donc utiliser leurs capacités orales pour les faire aller vers l'écrit. Nous

considérons que certaines situations d'oral Sup se rapprochent de celles de l'écrit. Et

nous travaillerons dans cette zone intermédiaire dite ZOÉ (zone oral-écrit). En

revanche, nous éviterons toujours de travailler dans des zones de langage écrit qui

présenteraient les caractéristiques de celles de l'oral. Par exemple, écrire à quelqu'un

qui est là et'qui est au courant de ce qu'on va lui écrire.

Il est fréquent à l'école, surtout maternelle, de considérer le langage

comme synonyme de l'oral. Cette question est très importante. Ce qui

est vrai est le fait que c'est avant tout la forme extériorisée qu'est l'oral qui

nous renseigne sur le fait qu'un enfant développe véritablement une acti

vité langagière et qu'il fait l'effort d'entrer dans l'échange par le verbal:

Or, on sait que l'équilibre d'un enfant en dépend. S'il 'ne parle pas du

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Les représentations de représentations sont infinies et c'est ce qui fait la richesse de la capacité à communiquer. Un maître peut voir progresser un enfant en langage, lorsqu'il le voit peu à peu développer ces capacités. Voici un exemple avec des énoncés d'Hannah • Petite Section décembre - maîtresse il l'a tapé (sans qu'on sache qui a tapé qui? février- moi/aujourd'hui/moi/hier/un jour/ avant de partir à l'école /je suis allée chez François et après on est re-allé /heu/j'étais fatiguée et les grands i m'ont embêtée

• Moyenne Section septembre - moi je vais emmener Grignote (cochon d'Inde de la classe) chez moi et on mettra sa cage dans la salle de bains parce que chez moi y'a une salle de bains , janvier - je vais te dire pourquoi je sais pas dessiner le cheval parce que j'en ai jamais dessiné mai - ber je peux t'expliquer ce qu'elles mangent les chenilles /parce que je l'ai vu/elles mangent les feuilles des bananes • Grande Section septembre - moi à la récréation j'ai pas joué parce que j'aime pas jouer/ j'aime que travailler la maîtresse - et moi je crois que des fois quand tu joues tu travailles Hannah - et non / tu te trompes /pour travailler je travaille je joue pas novembre - (la maîtresse demande aux enfants s'ils préfèrent qu'elle raconte ou qu'elle lise l'histoire du grand cerf) Hannah - moi je préfère que tu racontes parce qu'en écoutant je peux mieux imaginer mars - (Hannah est avec une copine dans le coin-bibliothèque, elles regardent un livre ensemble et Hannah dit l'histoire) la maîtresse -'qu'est-ce que vous faites les fille? Hannah - on fait semblant de lira parte qu'on sait pas encore

On voit tous les progrès d'Hannah qui commence par rechercher un ancrage énonciatif (hier un jour), devient de plus en plus explicite, prend en compte le savoir et le non-savoir de son interlocuteur et finit par parler de sa propre activité langagière («en écoutant je peux mieux imaginer., non fait semblant de lire »). Cette compétence qui consiste à utiliser le langage pour parler du langage s'appelle compétence métalangagière. On aborde là la question des dimensions du langage.

I-I Les dimensions du langage

On a dit qu'une activité langagière engage un sujet. De manière empirique, il est important pour un maître s'intéressant au langage de ses élèves de pouvoir * décoder », interpréter l'intention du locuteur enfant qui, comme tout être de langage, «dit plus qu'il ne dit». Il faut savoir aller au-delà des mots produits par un enfant pour le comprendre. C'est d'autant plus précieux pour le maître que cela lui permettra aussi parfois de comprendre pourquoi l'enfant ne comprend pas. On propose ici un outil pour le maître en terme de filtres d'interprétation de ce langage. En s'inspirant d'une proposition de Danon-Boileau (1995), on pourra considérer qu'une activité langagière peut s'inscrire dans sa dimension symbolique, cognitive ou «méta,). • La dimension symbolique C'est un concept psychanalytique. C'est le moyen pour un enfant de «dire » (sans le dire) à un adulte que celui-ci se trompe ou ne se trompe pas dans ce qu'il pense pour lui. C'est une manière d'envoyer un message à l'adulte de type «oui tu as raison, ça c'est bon pour moi», ou «non tu te trompes, ça ce n'est pas bon pour moi ». Cette dimension est très souvent présente dans les attitudes langagières des enfants jeunes, encore faut-il le savoir et le comprendre. Voici deux comportements de maîtresses de Moyenne Section dans une situation analogue.

Maîtresse.l M - alors tout le inonde écoute bien. Je vais vous

raconter une histoire de loup Sarah - (se lève et s'en va vers le fond de la classe)

M - reviens Sarah je vais raconter une histoire il

faut que tu l'écoutes, on t'attend Sarah - moi je

vais m'en raconter une de balançoire (prend un

livre en même temps)

M - non celle-là ça sera une autre fois,

aujourd'hui c'est moi qui choisis, viensvite

(va la chercher en la prenant par lamain)

Maîtresse 2 M est en train de raconter l'histoire d'un renard qui mange successivement une poule, un lièvre, un cochon et qui se fait manger par le loup. Elle arrive à la fin de l'histoire M - ... alors il lui saute dessus et le mange!!! Laurence - (se bouche les oreilles et se retourne en tournant le dos) je veux pas M - oh Laurence tu as eu un peu peur, c'est normal cette histoire fait un peu peur, niais c'est une histoire et tu n'es pas obligée de l'aimer. Demain je te demanderai de choisir l'histoire, tu m'y feras penser

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La maîtresse 1 a, avant tout, le souci de garder tout son groupe; elle n'entend pas le message de Sarah. La maîtresse 2 sait que les apprentissages dépendent du bien-être des enfants et de leur tranquillité d'esprit. Elle remédie à la peur de Laurence. On remarquera également que, dans les deux cas, le langage est accompagné de comportements non verbaux (déplacement, rotation du corps) qui ont également valeur symbolique.

La dimension cognitive

C'est une manière pour un enfant de montrer ou de dire qu'il sait, qu'il connaît. Il renvoie ainsi à ses connaissances du monde, des choses, des objets et de ce qu'on en fait, etc. C'est la dimension qu'essaient de mobiliser les maîtres en permanence, puisque l'école est lieu de savoirs. On' voit, dans l'exemple qui suit, comment la maîtresse interprète différemment l'intervention de Paul et celle de Gil. Dans les deux cas, c'est une manière de montrer aux enfants qu'on les comprend bien et qu'on les prend tels qu'ils sont, là où ils en sont.

Extraits de la séquence

Moyenne Section, regroupement, jeudi matin 5

décembre. M 1 - je vais lire sur la liste le nom de l'enfant qui va mettre h jour le calendrier Paul - aujourd'hui on est le 5 M2 - c'est vrai, bravo Paul, ut sais qu'on est le 5! Mais c'est Alice qui doit faire le travail, c'est écrit que c'est son tour . Alice - i faut barrer des jours

Gil - ben i faut en barrer 2 parce qu'à Noël je pars 2 jours M3 - ah Gil !u parles de ce que tu vas faire quand on sera là (montre la période des vacances sur le calendrier) parce que ça t'intéresse beaucoup, mais voilà, on n'y est pas encore, on est le 5 décembre et il faut qu'on barre le jour qu'on vient de passer, hier, et il faut le trouver sur le calendrier.

La dimension cc méta »

C iM donne une valeur cognitive à

l'énoncé de Paul en lui disant a tu

sais u.

M donne une valeur symbolique à l'énoncé de Gil en lui disant «ça l'intéresse y. Elle ne lui dit pas que ce n'est pas de ça qu'on parle.

Avec une abréviation qui permet de référer aussi bien à une dimension métalangagière

(renvoyant à (activité de langage elle-même, comme lorsque Hannah dit ton fait semblant

de lire»), ou métalinguistique (renvoyant à un phénomène de langue, comme lorsque

Arjuna dit "c'est sûr qu'i faut O parce que j'entends CO »), ou métadiscursive (renvoyant à

l'activité de discours, comme lorsque Arthur s'écrie "Grignote elle veut téléphoner! elle veut

dimension (,méta » ; en revanche, ils ont tout intérêt à être sensibles à son existence. En

effet, les remarques d'ordre ci méta u, spontanées, des enfants, sont des traces d'un bon

cheminement vers les apprentissages de l'écrit. Il faut les valoriser, et, comme on le

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LES APPORTS DE LA NEUROLOGIE

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BASES BIOLOGIQUES DE LA MATURATION CEREBRALE

La formation du système nerveux central débute dès la troisième semaine de gestation. Dès l’embryogénèse, deux facteurs interviennent de façon importante : le capital génétique et l’interaction avec l’environnement. La construction du système nerveux est sous la dépendance des gènes du développement et se déroule en une succession de phases qui vont se chevaucher dans le temps. Ceci aboutit à un patron général de maturation qui reste cependant très dépendant de l’environnement.

L’EMBRYOGENESE :

Elle se déroule pendant les 20 premières semaines de grossesse et aboutit à la formation du cerveau. Elle comporte 3 phases :

l’induction neuronale :à la fin de la 4ème semaine. la formation du film terminale entre la 4ème et la 7ème semaine. l’organisation du tube neural.

ORGANISATION CORTICALE :

Le tube neural est constitué de cellules qui ont deux particularités : elles sont toutes semblables et sont en phase de prolifération.

1) La multiplication des cellules souches de la 5ème semaine de grossesse à la 20ème semaine. Elle contrôle le nombre de neurones qui vont former le cerveau avec un rôle capital des facteurs génétiques mais aussi de l’environnement cellulaire. Ces neurones vont se regrouper autour de la cavité centrale du télencéphale. Ultérieurement toute modification de nombre des neurones ne pourra se faire que dans le sens de la diminution.

2) La migration neuronale, jusqu’à la 20ème semaine de vie intra-utérine environ.

Les neurones vont migrer en 6 phases successives, le long des prolongements radiaires des cellules gliales, qui vont jouer vis à vis du neurone un rôle nutritif et de défense immunitaire. Chaque couche successive traverse les précédentes pour se fixer dessus, le cortex se formant de dedans en dehors. Cette phase est capitale puisque la phase suivante ne pourra se réaliser que si les neurones sont « bien en place ».

2) La synaptogénèse, vers la 23ème semaine de gestation. On passe de la notion de

construction à la notion de fonction. L’axone de chaque neurone s’étend à distance du corps cellulaire pour assurer la transmission de l’influx vers d’autres neurones cibles. Cette croissance des neurones est en partie génétiquement déterminée, et en partie liée à l’environnement cérébral. C’est de ce réseau de circuits et de contacts que va dépendre le fonctionnement cognitif. La surabondance des neurones aboutit à une compétition ; les circuits les plus utilisés seront prioritaires par rapport à ceux qui ne sont pas encore actifs.

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La spécialisation hémisphérique (hémisphère gauche – langage / hémisphère droit -fonctions visuo-spatiales) va se construire à partir de ce phénomène de sélection et s’objective par des asymétries cérébrales physiologiques. Par exemple, le planum temporalé (qui fait partie du cortex auditif primaire) a une taille plus importante à gauche.

MATURATION CEREBRALE POSTNATALE : Le cerveau à la naissance a les mêmes caractéristiques morphologiques que le cerveau adulte. On le considère cependant comme immature d’un point de vue microscopique. Pendant l’enfance le cerveau continue à se développer sur un plan biologique :

1) les axones se myélinisent, ce qui permet d’augmenter la vitesse de conduction de l’influx nerveux et sa propagation d’une région à l’autre.

2) il va y avoir une phase de prolifération dendritique et une réorganisation.

L’important est que cette maturation se fasse dans le bon ordre, d’arrière en avant, le cortex frontal étant le dernier à arriver à maturation.

SPECIALISATION HEMISPHERIQUE ET DOMINANCE CEREBRALE : S’il existe une spécialisation hémisphérique, il existe aussi une plasticité cérébrale permettant une collaboration fonctionnelle entre les deux hémisphères. Par exemple, une hémisphèrectomie gauche chez l’enfant jeune, n’entraîne pas toujours une aphasie.

L’ESSENTIEL A RETENIR 2 facteurs principaux : le capital génétique et l’environnement Développement et maturation : des premières semaines de grossesse à plusieurs

années après la naissance.

Développement des fonctions cognitives lié au développement cérébral.

Notion de spécialisation fonctionnelle hémisphérique.

Résumé « Bases biologiques de la maturation cérébrale » C. BRASSELET, J. MOTTE. CHU de REIMS

« Dyslexie : le cerveau singulier » M. HABIB

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BASES NEUROLOGIQUES DES TROUBLES SPECIFIQUES DES APPRENTISSAGES

Les études anatomiques de Geschwind et Callaburda, et les études en IRM ont montré

des résultats contradictoires quant à la symétrie ou la dissymétrie du planum temporal ; mais elles aboutissent aux mêmes conclusions : les résultats différents chez les dyslexiques et les témoins évoquent une anomalie dans la maturation cérébrale. LES ETUDES MICROSCOPIQUES ONT MIS EN EVIDENCE :

Chez les dyslexiques la présence d’ « ectopies », amas de cellules nerveuses ayant migré en position aberrante, véritables « verrues corticales ». Ces ectopies sont plus nombreuses dans l’hémisphère gauche, prédominent sur les régions sylviennes ou « aires du langage », et établissent des connections à distance entre les deux hémisphères.

Il existe aussi des anomalies au niveau des noyaux relais thalamiques des voies visuelles (noyau géniculé latéral) et auditives (noyau géniculé médian) ; ainsi que des anomalies concernant les voies auditives au niveau du noyau géniculé médian. Ce corps genouillés joue un rôle essentiel dans la transmission des informations visuelles et auditives. L’IMAGERIE PAR RESONANCE MAGNETIQUE (I.R.M.) A MIS EN EVIDENCE :

Au niveau du corps calleux ,chez les dyslexiques une augmentation de taille de la substance blanche, dans sa partie médiane. Ce corps calleux joue un rôle important dans la connexion inter hémisphérique. L’IMAGERIE FONCTIONNELLE MET EN EVIDENCE:

Lors de la lecture de mots, l’activation de la région de Broca, de la zone temporale inféro-postérieure gauche (près de la zone visuelle), la zone frontale postérieure, et de la zone temporale supérieure.

Chez le dyslexique ,la zone de Broca peut être suractivée, par contre la zone inféro-temporale est systématiquement sous activée. Dans les dyslexies phonologiques comme dans les dysphasies, les retards articulatoires, les faiblesses du vocabulaire ou de la fluence verbale, on observe des difficultés de type métaphonologique, dont le système se situe d’une part dans l’aire de Broca (zone frontale antérieure) et d’autre part dans la région pariétale inférieure de l’hémisphère gauche.

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Dans les dyslexies visuelles, plus rares, les enfants ont des difficultés dans la

focalisation de l’attention visuelle, à fixer leur attention sur les aspects perceptifs de la lecture. La zone incriminée se situe dans l’hémisphère droit, dans la zone fronto-pariétale.

Les mécanismes cérébraux du calcul mental font appel à deux circuits distincts :

pour le calcul approximatif entre les deux régions pariétales et le cervelet pour le calcul exact dans l’hémisphère gauche.

Mais on ne peut en aucun cas affirmer une dyslexie sur l’image I.R.M.

Extrait de : « Bases neurologiques des troubles spécifiques d’apprentissage »

revue réadaptation – n° 486 de janvier 2002.

- « Dyslexie : le cerveau singulier » M. HABIB

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THEORIES NEUROLOGIQUES DES TROUBLES DES APPRENTISSAGES

Plusieurs théories s’affrontent : THEORIE PHONOLOGIQUE :

Les tests de potentiels auditifs évoqués aux EEG,suggérent que les déficits de discrimination observés chez certains prennent leur origine dans les voies auditives avant l’étape de perception consciente, par déficit structurel du système auditif central.

THEORIE TEMPORELLE :

Les dyslexiques sont moins performants dans la reproduction de la succession de deux consonnes. Le fait d’interposer un intervalle(voyelle) n’améliore pas les résultats. Par contre en ralentissant artificiellement la durée des consonnes, leurs performances sont les mêmes que les témoins.

Des jeux vidéos ont ainsi été utilisés pour un entraînement adaptatif. L’enfant va être

conditionné à répondre à divers types de sons dont la variable temporelle va se modifier, devenant de plus en plus courte. THEORIE MOTRICE :

L’enfant dyslexique a souvent du mal à écrire, à retenir, ce qui évoque une participation du cervelet. Ce déficit au niveau du cervelet serait à l’origine d’un déficit des aptitudes articulatoires, altérant la conscience phonologique et la mémoire phonologique.

Cette théorie rejoint la constatation de l’imagerie fonctionnelle, l’aire de Broca (qui

joue un rôle crucial dans la phase préalable de la réalisation motrice de la parole) présente des différences chez le dyslexique et le sujet témoin.

L’entraînement articulatoire dans les déficits d’apprentissage des dyslexiques peut être utilisé. THEORIE VISUELLE : La voie magno-cellulaire qui part des cellules ganglionnaires de la rétine vers le cortex visuel primaire, après un relais dans le corps genouillé latéral, ne paraît pas activée en IRM chez les dyslexiques.

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Mais deux théories s’affrontent :

- l’une considérant qu’il y a atteinte de cette voie chez le dyslexique. - l’autre considérant que, chez le dyslexique, cette voie n’est pas mise en stimulation.

De plus le dyslexique aurait un élargissement du champ visuel, avec une perception simultanée des mots situés au delà du mot entrain d’être lu.

Ce qui a amené certains auteurs à utiliser une « remédiation » consistant à des exercices quotidiens destinés à améliorer la focalisation de la vision. THEORIE DE LA LATERALISATION ANORMALE :

Chez le sujet classique l’apprentissage de la lecture fait intervenir successivement les capacités de traitement visuel et spatial de l’hémisphère droit, puis phonologique et syntaxique de l’hémisphère gauche.

L’apprentissage de la lecture serait, chez les dyslexiques perturbé par un développement atypique de l’intervention successive des deux hémisphères.

D’où l’utilisation par l’équipe de Dirk Bakker d’une stimulation différentielle de chaque hémisphère selon le type de dyslexie. Extrait de : « Bases neurologiques des troubles spécifiques d’apprentissage » . M. HABIB

revue réadaptation – n° 486 de Janvier 2002.

« Dyslexie : le cerveau singulier » M . HABIB

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ANALYSES, REFLEXIONS, DEBATS

A PROPOS DU PLAN D’ACTION :

DYSLEXIE : LE RETOUR - J. FIJALKOW PLANS DE RECHERCHE ET PLANS D’ACTIONS, QUELS RAPPORTS ? C. MELJAC

M.KUGLER Dr E. LENOBLE

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BIBLIOGRAPHIE

BESSE J.M., « De l'écriture productive à la psychogenèse de la langue écrite »,

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DYSLEXIE : LE RETOUR

Jacques Fijalkow

EURED-CREFI, Maison de la recherche. Université de Toulouse-le Mirail. Allée Antonio Machado -31058 Toulouse Cedex

RÉSUMÉ La publication interministérielle d'un « Plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage » comporte des risques. Après un bref historique des débats relatifs à la dyslexie, les raisons invoquées sont analysées et discutées. On procède ensuite à un examen du contexte politique, en s'inté-ressant d'abord aux forces favorables à une approche organiciste (psychologie cognitive fonctionnal iste, milieux médicaux et paramédicaux, association de parents d'enfants dyslexiques, médias, politique du Ministère de l'Éducation nationale et du gouvernement) et aux forces favorables à une approche mettant l'accent sur des facteurs sociaux et pédagogiques (INRP, mouvements pédagogiques, syndicats d'enseignants, enseignants, parents d'élèves, partis politiques de gauche). La conclusion montre que le problème concerne la lecture en général et est international, elle indique d'autres voies de solution, et distingue, sur une base sociologique, deux catégories de mauvais lecteurs dont l'origine des difficultés est différente. Mots clés : dyslexie, mauvais lecteurs, langage écrit, lecture, politique éducative, ABSTRACT Interdépartemental publication of a "Plan of action for children suffering from spécifie language disorders" entails several risks. After a brief history of the debates over dyslexia, the reasons given to promote this plan are analyzed and discussed. The author then proceeds to a study of the French political context, focussing primarily on groups favoring an organicist approach on the one hand (functional cognitive psychology, médical and paramedical fields, association of dyslexie children's parents, the media, Ministry of Education and Government policy) and on the other hand groups in favor of an approach centered around social and pedagogical factors (National Institute of Research for Pedagogy, pedagogical movements, teachers' unions, teachers, parents, left-wing political parties). The conclusion shows that the problem concerns reading in general and is international, points to other means of solving it, and distinguishes, on a sociolo-gical basis, between two categories of bad readers, whose difficultés stem from différent origins. Keywords : dyslexia, bad readers, written language, educational policy.

Psychologie & Éducation n° 47, pp. 111-128, 2001

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e 21 mars 2001, un « Plan d'action pour les enfants atteints d'un trouble spécifique du langage » a été présenté par le ministre de l'Éducation nationale, le ministre délégué à la Santé, et le secrétaire d'État aux

personnes âgées et aux personnes handicapées. Ce texte officialise l'existence de la dyslexie dans le cadre éducatif. À l'intention de ceux qui se demandent quelle est la portée de ce plan, il suffit de rapporter que ce texte vise 4 à 5 % des enfants, dont 1 % présentant des troubles sévères (p. 5), ce que les auteurs qualifient eux-mêmes d'« affaire d'État » (p. 7). Sans vouloir dramatiser outre mesure cette question, ces précisions devraient suffire pour que les personnes concernées par l'entrée dans l'écrit des enfants en France ne la considèrent pas comme négligeable.

Ce plan d'action nous paraît porteur de quatre risques majeurs : 1. Un risque relatif aux enfants visés par ces mesures : rien ne dit en

effet que le fait de caractériser les enfants mauvais lecteurs de « dys lexiques » permette de résoudre le problème qu'ils posent. On peut même craindre que la stigmatisation ainsi opérée et la ségrégation qu'elle porte en germe ne l'aggravent.

2. Un risque relatif aux enseignants dans les classes desquels sont sco larisés ces enfants. Le fait de considérer ces enfants comme « autres », et relevant donc d'une expertise non strictement pédagogique, peut inciter les enseignants à adopter une attitude de déresponsabilisation par rapport à eux et, par suite, aux difficultés scolaires. A l'acharnement pédagogique, qui est une des caractéristiques remarquables des ensei gnants français et une des raisons de leur efficacité auprès des élèves les plus faibles, on risque donc de voir se substituer une attitude d'aban don des élèves en difficulté.

3. Un risque relatif à l'école publique. Dans un contexte politique où l'école publique est confrontée à de fortes poussées libérales, on peut craindre que confier certains élèves à des personnels extérieurs à l'Edu cation nationale ne renforce le processus en cours.

4. Un risque relatif aux inégalités scolaires. Il a été maintes fois véri fié en effet qu'une différenciation opérée dans une sous-population scolaire au bénéfice présumé d'une population à risque a pour consé quence, non pas de réduire les difficultés de ceux en faveur desquels elle a été instituée, mais de permettre aux autres de progresser plus vite et donc d'accroître l'écart entre le groupe que l'on a déclaré vouloir favo riser et le reste de la population.

Ce plan d'action constitue l'aboutissement de mesures préparées par des ministères précédents, à partir au moins de celui de François Bay-rou. Il n'est donc ni de gauche ni de droite, du moins si on considère la couleur affichée des ministères successifs qui ont travaillé sur ce dossier. Indépendamment donc de toute politique politicienne, ce qui doit

retenir l'attention c'est que ce plan constitue une importante victoire dans le cadre d'une de ces guerres de cent ans dont la lecture est le terrain, guerre qui, en l'occurrence, a effectivement commencé, il y a environ un siècle. Sans vouloir faire ici à nouveau le récit et l'analyse de ce siècle de batailles (Fijalkow, 1996), rappelons-en néanmoins quelques moments forts. BREF RAPPEL HISTORIQUE

L'affaire a débuté à la fin du XIXe siècle quand, au lendemain de l'instauration de la scolarité obligatoire, il est apparu que des enfants soumis à l'obligation scolaire qui venait juste d'être instaurée, éprouvaient des difficultés à apprendre à lire. Si l'on se replace dans l'état de la division du savoir de l'époque, et à l'absence alors de l'armée de « pédago » et de « psy » dont on dispose aujourd'hui, on comprend aisément que l'instituteur et/ou les parents désemparés n'aient trouvé d'autre solution que de faire appel au médecin pour examiner ces enfants résistant à l'obligation d'apprendre. La médecine, de son côté, venait de découvrir l'aphasie, c'est-à-dire le fait qu'une blessure cérébrale puisse provoquer des troubles du langage parlé. Du langage parlé perturbé chez l'adulte au langage écrit à apprendre par l'enfant le pas a été vite franchi et de nombreux médecins, s'appuyant sur leur science toute fraîche, ont formulé l'hypothèse que l'enfant mauvais lecteur avait sans doute une lésion cérébrale comparable à celle de l'adulte au cerveau blessé et qui avait des difficultés de communication verbale. La dyslexie était née.

Cette hypothèse n'a cependant pas fait l'unanimité et nombreux ont été les pédagogues, puis les psychologues, à ne pas s'en satisfaire. Les psychologues scolaires, apparus après la 2e Guerre mondiale dans la mouvance de Wallon et regroupés autour de Zazzo, ont été les plus vigoureux à contester l'origine organique de ces difficultés et la compétence des médecins à faire face aux problèmes de lecture apparus dès lors que l'école était devenue obligatoire. De multiples recherches ont alors été effectuées en milieu médical afin de vérifier l'hypothèse avancée par les premiers auteurs, sans que les résultats obtenus aient jamais permis de vérifier de façon irréfutable cette hypothèse, tandis que, de leur côté, les sciences humaines et sociales en plein développement s'efforçaient d'identifier d'autres facteurs que les facteurs organiques énoncés par les premiers auteurs.

Comme dans le cas de la Guerre de cent ans, l'histoire de ces recherches et celle de ces batailles entre les camps en présence fait apparaître une succession de violents combats et de périodes d'acalmie. Au cours des années soixante, le combat pour la dyslexie a été mené par le

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Dr Debray-Ritzen, tandis que le CRESAS, un centre de recherches de l'INRP, défendait des hypothèses inspirées par les sciences humaines et sociales. C'est ainsi, par exemple, que le colloque intitulé « La dyslexie en question » publié par le CRESAS en 1972 a constitué un point fort de ces discussions. Par la suite, au cours des décennies suivantes, l'habitude a été prise d'éviter de parler d'enfants « dyslexiques » et de lui préférer l'expression sans connotation médicale de « mauvais lecteurs », puis le terme de « dyslexie » est revenu, jusqu'à ce que l'Éducation nationale reprenne à son compte et le mot et la chose.

Que s'est-il produit pour que, quelque trente ans après ces batailles pour et contre la dyslexie, le Ministère de l'Éducation nationale ait décidé de rendre raison à son adversaire traditionnel en la matière, le Ministère de la Santé, en décidant en quelque sorte de tirer contre son camp ? C'est à cette question que ce texte est consacré. On peut y répondre de deux façons, l'une pessimiste et l'autre optimiste.

DES REPONSES PEU CONVAINCANTES

La réponse pessimiste consiste à dire que, depuis 30 ans, l'Éducation nationale a tout essayé, que tout a échoué, et que si l'on veut résoudre le problème que pose l'existence de difficultés d'entrée dans l'écrit, il faut donc résolument changer de cap. Si l'Éducation nationale n'y est pas parvenue, c'est que le problème n'est pas de sa compétence et il vaut mieux alors qu'elle laisse la place à la Santé. À ce discours pessimiste, on peut répondre de plusieurs façons.

Premièrement, on peut dire que l'on a tout essayé, mais il est plus difficile d'énoncer précisément quoi. En matière de lecture en général, s'il est vrai que, au cours de cette période, on a beaucoup parlé, plus que jamais sans doute, il est tout aussi vrai que l'on a peu fait. On ne voit pas en particulier ce qui aurait été fait de façon spécifique à l'intention des enfants ayant des difficultés à apprendre à lire.

Deuxièmement, si, bien des innovations intéressantes, dont certaines couronnées de succès, ont été développées dans des classes, ces innovations n'ont pas diffusé au-delà du lieu où elles sont nées. Les derniers ministères se sont certes doté d'une cellule d'innovation, qui s'est peu à peu étoffée, mais son rôle demeure modeste. Plutôt que de dire que tout a échoué, il paraît donc plus juste de dire que les réussites n'ont pas été soutenues. Sur ce point, il y a d'ailleurs accord entre le ministère et les innovateurs pédagogiques.

La réponse optimiste pour expliquer ce changement de cap relatif aux difficultés dans l'écrit est que la recherche, après avoir longtemps piétiné, a marqué des points décisifs au cours des trente dernières années.

Si on prend la peine d'examiner la production scientifique concernant les enfants mauvais lecteurs, les changements que l'on observe par rapport à la période précédente ne confirment pourtant pas ce point de vue optimiste.

Il est vrai que les difficultés d'apprentissage de la lecture ont donné lieu à des recherches plus nombreuses que jamais. Celles-ci, et c'est un fait nouveau, sont maintenant effectuées essentiellement par des psychologues et très rarement par des médecins. Le rapport entre médecins et psychologues s'est donc inversé : les hypothèses de recherche, les concepts, les théories, et la plupart des travaux proviennent aujourd'hui des psychologues cognitivistes. Jusqu'à la 2e Guerre mondiale, ce sont les médecins qui s'occupaient de la question et les premiers psychologues suivaient, alors que, depuis l'après-guerre, la relation s'est inversée : ce sont les médecins qui suivent maintenant dans une très large mesure les psychologues, du moins en ce qui concerne les aspects cognitifs de la lecture.

Qu'apportent donc de nouveau les recherches effectuées au cours des trente dernières années ? Sur le plan théorique, la notion très yague de « dyslexie » a éclaté, chez certains auteurs (Ellis, 1989), faisant place à des formes multiples de dyslexie. Une analyse précise de la littérature fait toutefois apparaître que les formes cliniques proposées sont plus souvent des modèles théoriques élaborés à partir de quelques cas cliniques que le résultat d'études empiriques menées sur des populations conséquentes. À ces propositions théoriques, il manque donc une validation empirique.

Sur le plan conceptuel, le succès exceptionnel qu'a rencontré la notion de « conscience phonologique » interroge. Plus qu'une explication scientifique universelle, qui nous semble éminemment discutable (Fijalkow, 1999), ce succès pourrait bien refléter l'imaginaire mystifié de certains chercheurs croyant avoir enfin trouvé LA réponse à un problème très présent dans l'espace public. Il témoigne se faisant d'une conception simpliste de l'explication scientifique consistant à penser qu'une cause unique puisse rendre compte d'un problème dont les déterminants ne sauraient qu'être multiples et exiger la construction de chaînes causales plurielles à élaborer.

Sur le plan technique, il semble que le développement récent des techniques d'imagerie cérébrale permettant d'observer « en direct » l'activité cérébrale d'une activité intellectuelle donnée, par exemple la lecture, soit à l'origine de ce regain d'intérêt pour l'étiologie organiciste. L'histoire de la recherche en ce domaine montre en effet que, chaque fois qu'apparaissent de nouvelles techniques médicales, l'intérêt pour la lecture refait surface dans la sphère médicale, l'espoir renaissant alors de pouvoir enfin mettre en évidence-les bases physiologiques de la dys-

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lexie. Les nouvelles techniques d'observation, il est vrai fascinantes, semblent ainsi avoir eu pour effet de réanimer en milieu médical l'hypothèse maintenant centenaire d'un dysfonctionnement cérébral spécifique dont on n'avait pas jusqu'ici eu les moyens techniques d'établir véritablement l'existence.

S'il fallait une raison de plus de l'erreur qu'il y aurait à croire que la recherche médicale a progressé de façon décisive en la matière, on la trouverait en examinant l'outil d'évaluation utilisé dans une étude en cours par des médecins et des orthophonistes de Gironde pour détecter à l'âge de 4 ans les enfants à risque de dyslexie. Le ERTL4, qui est utilisé dans une expérimentation portant sur environ 1500 enfants, intitulée « Dépistage et soins précoces du langage en Gironde », repose en effet sur l'hypothèse que la maîtrise du langage oral conditionne celle du langage écrit. Or cette importance déterminante conférée à l'excellence du langage oral, bien compréhensible de la part d'orthophonistes (ou, pour la même raison, de linguistes), n'est pourtant pas confirmée sur un plan général, c'est-à-dire sur des groupes importants de mauvais lecteurs, ni par les recherches anciennes qui ont examiné cette hypothèse, ni par des recherches récentes qui n'existent pas, cette hypothèse ayant été considérée comme non vérifiée par les chercheurs dans les années cinquante.

Si les explications à l'emporte-pièce du type, « on a tout essayé » ou du type « les extraordinaires découvertes de la recherche scientifique » ne permettent donc pas d'expliquer pourquoi la dyslexie a gagné cette bataille, force est alors d'aller chercher la réponse dans d'autres directions. Le plan d'action adopté ne reposant pas sur des bases scientifiques mais bien politiques, c'est donc à une analyse politique, au sens large du terme, qu'il faut se livrer pour tenter de répondre à la question posée. Ceci revient à s'interroger sur les facteurs qui, dans la société française, peuvent expliquer la décision prise.

Dans le rapport de forces qui oppose ceux pour qui les difficultés d'entrée dans l'écrit sont fondamentalement de nature organique et ceux pour qui elles sont fondamentalement de nature sociale, le renversement de position de l'Éducation nationale peut s'interpréter alors comme le résultat d'un renforcement des premiers et/ou d'un affaiblissement des seconds, et donc comme l'expression dans ce domaine d'un contexte politique d'ensemble.

LES FORCES FAVORABLES A LA DYSLEXIE

En ce qui concerne les forces favorables à la dyslexie, leur renforcement est en effet apparent depuis plusieurs années. On le constate sur plusieurs fronts.

Sur le front de la recherche, on assiste au développement massif et

exceptionnel dans les universités françaises d'un courant de recherche qui se présente en termes de « psychologie cognitive » ou de « sciences cognitives », véritable raz-de-marée qui a pour conséquence, par exemple, une quasi disparition de la psychologie de l'enfant. Ce courant, construit sur le modèle des sciences de la nature, postule que l'explication des conduites humaines repose en dernière instance sur des déterminants de nature biologique, les facteurs sociaux n'étant source que de variations de surface. L'hypothèse que les difficultés d'entrée dans l'écrit renvoient à des facteurs de type biologique, dont la dyslexie est la manifestation, trouve ses fondements, dans ce contexte épistémologique.

Ce courant est par ailleurs un courant fonctionnaliste, c'est-à-dire un courant fort ancien et très discuté en psychologie, qui se représente la vie mentale comme un ensemble de fonctions, dont le langage. On ne s'étonnera donc pas que les difficultés d'entrée dans l'écrit soient présentées dans le plan d'action comme « l'expression de la désorganisation d'une fonction » (p. 10). Ce même texte indique d'ailleurs, de façon étonnamment précise, qu'« il convient d'éviter tout déterminisme scolaire et social » (p. 6).

Ce courant de recherche se caractérise également par une position scientiste concernant les rapports de la recherche et de la pratique, en vertu de laquelle il revient à la recherche de piloter étroitement la pratique. Cette position, à laquelle on peut préférer une position plus modeste et plus interactive, se traduit alors par un applicationnisme dont le rapport de l'ONL (1998) sur l'entrée dans l'écrit constitue une illustration exemplaire.

Il existe pourtant en recherche cognitive d'autres courants que le courant fonctionnaliste, mais ces courants, constructiviste et socio-constructiviste, largement dominés en France, parviennent difficilement à se faire entendre et à trouver les moyens de se maintenir et de se développer.

Ajoutons que cette domination du courant cognitiviste fonctionna-liste renvoie à un facteur géopolitique, dans la mesure où la recherche conduite en France dans ce secteur est fondamentalement dépendante de celle qui domine aux Etats-Unis. Les pistes de recherche suivies en France se situent en effet pour l'essentiel dans la filiation des pistes que suivent les chercheurs américains. Le courant qui, aux Etats-Unis, est favorable à une perception des difficultés d'entrée dans l'écrit en termes de dyslexie, étant aujourd'hui très puissant, c'est en termes de dyslexie que travaillent les chercheurs français soumis à cette influence et soucieux de reconnaissance internationale. Si demain les chercheurs américains changeaient d'orientation, il ne fait guère de doute que les chercheurs français en changeraient également. Ce que l'on appelle

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« mondialisation », et qui est dans une large mesure la manifestation de l'empire de la puissance américaine, n'est plus une menace dans ce secteur de la recherche, c'est une réalité. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater que, dans ce secteur de recherche, les références bibliographiques sont presque exclusivement en anglais.

Un second facteur politique, national celui-ci, explique la domination du courant fonctionnaliste. Il s'agit du choix effectué par les responsables de la recherche au ministère de l'Éducation nationale d'apporter un soutien exclusif au développement de ce courant des « sciences cognitives ». Ce soutien, récent, tend alors à faire apparaître le courant fonctionnaliste, au sein duquel se trouvent les chercheurs favorables à l'hypothèse de la dyslexie, comme étant « la science » alors qu'elle n'en est qu'une des formes particulières.

Du côté de la recherche donc, le triomphe récent du courant fonctionnaliste dans les universités, s'appuyant sur la domination de ce courant dans la recherche américaine et soutenu par le ministère de l'Éducation nationale, confère dès lors une nouvelle jeunesse à l'hypothèse quelque peu défraîchie de l'hypothèse dyslexique.

À ce courant de recherche, auquel les psychologues cognitivistes fonctionnalistes donnent le ton, se rattachent les médecins et les orthophonistes qui s'intéressent à la lecture. Ces milieux médicaux et paramédicaux ont, en effet, entrepris au cours des dernières années une intense activité de lobbying.

L'offensive est venue à la fois de l'intérieur de l'éducation nationale, de médecins scolaires à la recherche d'une légitimité permettant leur survie dans l'éducation nationale, et de l'extérieur de celle-ci, du milieu associatif. Dans ce dernier cas, des associations de parents d'enfants dyslexiques, ainsi que des associations d'orthophonistes, ont été particulièrement actives.

Cette offensive s'est appuyée sur les milieux de la recherche précédemment cités, trouvant dans leurs énoncés la légitimité scientifique nécessaire à leurs revendications. On retrouve, en effet, les chercheurs du courant fonctionnaliste dans les listes d'adhérents de la principale association de parents d'élèves dyslexiques. L'adhésion de ces chercheurs s'explique sans doute, non seulement par les choix épistémolo-giques et idéologiques évoqués plus haut, mais aussi par leur espoir d'acquérir par ce moyen dans l'opinion une crédibilité scientifique et un crédit moral encore fragiles. L'écoute dont a bénéficié le lobby médical en question s'explique sans doute en partie par l'appui apporté par les chercheurs fonctionnalistes, mais plus encore par le crédit étonnant dont disposent tradi- 118 Psychologie & Éducation n° 47. décembre 2001

tionnellement les médecins en France. Il est clair en effet, au moins depuis Molière, qu'une proposition émise par un médecin apparaît à un non-médecin, par exemple à quelqu'un travaillant dans l'éducation nationale, comme une proposition indiscutable. Ainsi, toute phrase commençant par « du point de vue médical » dispose d'une crédibilité a priori à laquelle l'hypothèse centenaire de la dyslexie doit sans doute son exceptionnelle longévité.

Le succès de ce lobbying s'explique aussi sans doute par le désarroi d'un certain nombre de responsables de l'éducation nationale qui, las de se voir reprocher l'inefficacité de l'institution en matière de lecture, se sont laissés d'autant plus facilement convaincre par ces discours médicaux que leurs auteurs leur proposaient de reprendre à leur charge un problème qu'eux-mêmes ne savaient comment traiter, trop heureux de faire passer à d'autres « la patate chaude » des mauvais lecteurs.

L'intense travail de lobbying qui a été mené ces dernières années comportait nécessairement ce qu'il est convenu d'appeler un plan de communication. Il ne s'agit pas ici de tomber dans la thèse d'un complot savamment organisé par des officines occultes, mais de s'en tenir aux faits observables, c'est-à-dire à la multiplication ces dernières années des interventions dans la presse consacrées à « la dyslexie ». Oh a ainsi pu relever l'émergence soudaine, après des années de silence médiatique, d'articles et d'émissions de radio et de télévision traitant de cette question. C'est ainsi que l'on forge l'opinion.

La façon dont le sujet de la dyslexie est présenté dans la presse mériterait une étude spécifique. Dans l'attente de celle-ci, notons deux caractéristiques frappantes.

1. D'une part, le sujet est traité de façon unilatérale, comme si les idées émises étaient évidentes et n'admettaient pas de contradiction. Seul le point de vue médical est exprimé et le journaliste ne fait jamais apparaître qu'il existe d'autres façons d'expliquer les faits. La question traitée n'est donc pas celle des difficultés d'entrée dans l'écrit mais d'embléecelle de « la dyslexie ».

2. Il est présenté, d'autre part, sur le mode émotionnel, celui de l'appel aux bons sentiments qu'affectionnent aujourd'hui les journalistes. L'accent est donc mis sur la souffrance, celle des enfants et/ou celle des parents, tandis que l'incapacité de l'école à reconnaître l'existence de cette souffrance fait l'objet d'allusions discrètement accusatrices. La reconnaissance de la dyslexie apparaît alors comme une cause humanitaire, où les méchants sont dans l'école et les gentils hors de celle-ci,médecins et orthophonistes. Notons au passage qu'un traitement ana logue est infligé à bien d'autres sujets médiatiques, qu'il s'agisse des enfants « surdoués » ou autistes par exemple.

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Après avoir évoqué le rôle des chercheurs, des milieux médicaux et des médias, venons-en maintenant à celui de ceux qui ont en charge la responsabilité du système éducatif. Plusieurs aspects sont ici à évoquer, qui concernent certes différemment les responsables successifs de l'institution, mais dont les caractéristiques demeurent toutefois constantes au cours de la période récente.

Nous avons évoqué plus haut l'appui massif apporté par le ministère au courant le plus dur de la recherche en sciences humaines. Si des ministres successifs celui issu de la recherche a sans doute été le plus sensible aux sirènes scientistes, il serait toutefois erroné de réduire cette orientation à une question de personne car cette politique a commencé avant son arrivée et elle continue depuis son départ.

À l'aspect scientiste de la question s'ajoute un aspect communica-tionnel. L'analyse des pratiques politiques fait apparaître en effet un souci croissant des décideurs pour la communication. On retrouve donc dans la communication ministérielle destinée à l'électeur ce que l'on avait vu plus haut dans le cas des journalistes s'adressant au lecteur ou au spectateur, c'est-à-dire des messages moins préoccupés de faire appel à l'intelligence et à la liberté de jugement du destinataire que de toucher sa corde sensible en faisant appel à ses bons sentiments. Nombre des questions relatives à l'éducation traitées récemment apparaissent ainsi moins comme des questions prioritaires du point de vue social que comme des questions faisant apparaître le/la ministre comme le défenseur du jeune enfant, qu'il s'agisse du bizutage, de la pédophilie, ou de la dyslexie. Il est clair que quand la morale tient lieu de politique la communication emprunte les voies de la rhétorique du cœur plutôt que celles de la lutte contre les inégalités sociales.

Un troisième aspect de l'action politique est le développement d'une politique de différenciation qui contraste fortement avec la volonté d'homogénéité qui caractérise classiquement l'éducation nationale en France. C'est ainsi, par exemple, au niveau des établissements, que la création des ZEP a donné naissance, dans le premier degré, à deux types d'école, les écoles en ZEP et les écoles hors ZEP. Dans le 2e degré, la multiplication des dérogations à la carte scolaire a conduit également au développement d'établissements fréquentés par des populations sociologiquement différentes. Il en est de même dans l'enseignement supérieur, où la création de nouvelles universités et d'antennes dans les villes moyennes a accentué à son tour une différenciation sociale des établissements. C'est dans ce contexte que l'on peut penser que la dif-férenciation observable au niveau des établissements se prolonge maintenant au niveau des élèves, conduisant ainsi à considérer certains comme normo-lecteurs et les autres comme dyslexiques, ces derniers nécessitant dès lors des moyens supplémentaires. La politique d'origi- 120 Psychologie & Éducation n° 47, décembre 2001

ne américaine de discrimination positive (« affirmative action ») paraît donc trouver ici un nouveau terrain d'application.

Le dernier facteur concerne la politique libérale qui s'applique à l'ensemble des services publics, l'effacement de l'État devant le marché étant une des règles de la politique actuelle. Dans le cas considéré, on peut ainsi penser qu'il est peu probable que la prise en charge par la Santé des enfants en difficulté se traduise par la création de postes de médecins scolaires, mais plutôt par un glissement hors de l'école de cette prise en charge et/ou par l'intervention dans l'école de personnels de santé. En ce qui concerne les enfants mauvais lecteurs, l'instituteur et le professeur des écoles semblent dès lors appelés à s'effacer devant l'orthophoniste et les RASED, à faire une large place aux structures médicales. Les mesures administratives préconisées par le Plan d'action constituent en effet un quadrillage systématique par les réseaux de Santé de la population des mauvais lecteurs. Sa lecture attentive montre que ce qui est nouveau dans ce plan c'est le gigantesque investissement de la Santé dans ce qui était jusqu'ici une question de la seule compétence de l'École.

La médicalisation ici, comme la mondialisation plus haut, n'est donc plus une menace mais une réalité puisque à ce jour ce sont à trois acteurs - Éducation nationale, Santé et Secrétariat d'Etat aux personnes âgées et aux personnes handicapées - et non plus à un seul à qui revient la question des difficultés d'apprentissage de la lecture. L'Éducation nationale n'est plus seule maîtresse du jeu.

C'est ainsi que le Plan d'action, justifiant la participation de la secrétaire d'État aux personnes âgées et handicapées, parle de la population visée en termes d'« élèves handicapés » (pp. 15 et 29, par exemple). Il propose alors une « orientation en CLIS et en UPI pour des formes graves de dyslexie ou de dysphasie » (p. 48). Les intervenants prévus dans les actions préconisées prévoient, par exemple, « un suivi par les médecins de l'Éducation nationale ou des services de soins (SESSAD...) ou des professionnels libéraux en relation avec des réseaux de soins (orthophonistes, psychométriciens, médecins... » (p. 12). De même, l'action n° 8 consiste à : « Donner des recommandations aux DDASS afin qu'elles identifient, au sein de chaque département, un réseau de professionnels libéraux compétents pour l'élaboration de diagnostics et le suivi des prises en charge en lien avec les centres référents précités » (p. 27).

Il est donc clair que, dans le débat qui oppose de longue date les personnels d'éducation et de santé, les seconds viennent de prendre l'avantage sur les premiers. Les enfants mauvais lecteurs constituent une part de marché qui aiguise l'appétit des milieux de santé. Sur le modèle des banquiers disant hier « Votre argent m'intéresse », le mot d'ordre des pro-

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fessions de santé pourrait aujourd'hui être « Votre enfant m'intéresse ». Il serait candide de ne pas voir que, au-delà des discours scientifiques et humanitaires, les difficultés d'entrée dans l'écrit mobilisent des intérêts professionnels importants. Dans un monde promis au marché, le temps semble donc venu de « l'enfant économique ».

La cause étant entendue et la victoire acquise, le débat dans le monde médical est maintenant de savoir à qui revient ce marché. On en pren dra pour exemple les propos suivants d'un médecin bordelais publiés dans la page Horizons Débats du Monde du 6 janvier 2001 sous le titre alléchant « Dyslexie : attention aux confusions » : « Tous les enfants qui rencontrent des difficultés d'apprentissage de la lecture ne sont pas dyslexiques ou dysphasiques. Nombre d'entre eux sont atteints de troubles sensoriels, immatures, avec dysharmonie de la personnalité justifiant non pas l'intervention prioritaire (l'un orthophoniste mais plutôt celle d'un oto-rhino-laryngologiste, d'un pédopsychiatre, d'un pédiatre ou d'un médecin généraliste. »

Face à cette offensive de certains courants de la recherche, des milieux médicaux, des médias, et vu la position adoptée par les responsables du système éducatif, il importe maintenant de décrire les forces qui, traditionnellement, se retrouvent dans le camp opposé.

LES FORCES FAVORABLES A UNE APPROCHE SOCIALE ET PEDAGOGIQUE

Si les chercheurs favorables à d'autres types d'explication, nous l'avons dit, ne sont pas en position de faire entendre leur voix, les pédagogues ne paraissent pas davantage en mesure de croiser le fer avec leur adversaire traditionnel.

C'est ainsi que certains responsables du système éducatif, nous l'avons vu, paraissent avoir accueilli avec soulagement l'officialisation de la dyslexie par l'Éducation nationale.

L'INRP qui, avec le CRESAS, fut hier à la pointe de ces combats, ne paraît plus aujourd'hui mobilisé par cette question. En matière de lecture, les programmes qu'il subventionne et les recrutements qu'elle opère font plus de place au courant dominant de la psychologie fonc-tionnaliste qu'aux autres courants et la crise grave qu'elle vit actuellement l'absorbe entièrement. Les mouvements pédagogiques qui, comme l'ICEM, le GFEN, l'AFL, sont le fer de lance dans le paysage pédagogique français d'une conception de la lecture opposée à la conception organiciste, semblent opérer une traversée du désert qui, même si quelques rencontres récentes per- 122 .Psychologie & Éducation n° 47, décembre 2001

mettent de penser qu'elle ne durera pas quarante ans, ne leur permet pas à ce jour d'opposer un refus aussi clair et massif aux mesures en cours que ce fut le cas dans le passé. Certaines pages de Freinet, par exemple, mériteraient ainsi d'être remises en mémoire tant elles demeurent actuelles.

Les syndicats d'enseignants, autres défenseurs traditionnels d'une autre approche centrée sur la défense de l'école, ne semblent guère davantage capables de mobiliser leurs troupes sur cette question. L'heure ne semble pas propice aux prises de position radicales mais tout au plus à l'organisation de débats contradictoires, suivis de comptes rendus écrits sagement équilibrés, le syndicat se positionnant de la sorte plus en arbitre d'experts qu'en acteur à part entière.

Les enseignants eux-mêmes, si nous pouvons généraliser à partir de nos rencontres personnelles, semblent soit dépassés par ces mesures, considérant comme leurs syndicats qu'il s'agit de querelles d'experts dépassant leurs compétences professionnelles (cf. l'autorité du discours médical), soit, pour une minorité sans doute, penser que passer le relais à l'orthophoniste présente des avantages ergonomiques certains. L'avenir nous dira peut-être si l'accroissement soudain de clientèle dite « dyslexique », déjà remarquée et critiquée par une minorité d'orthophonistes scrupuleux et vigilants, constitue un phénomène général.

Hormis les parents d'enfants dyslexiques organisés en association, évidemment ravis de la victoire remportée, les autres parents, regroupés ou non en associations de parents d'élèves, ne semblent pas encore informés ou conscients des mesures en cours. Les parents constituent pourtant, l'épisode de la consommation de bœuf dans les cantines en témoigne, une force considérable, capable de faire changer une politique. Il est vrai toutefois que, au-delà de ce déficit d'information, certains parents trouvent confortable le changement qui est en train de s'opérer. Le fait de faire apparaître les difficultés que rencontre leur enfant comme un « trouble », délicat euphémisme inventé afin d'éviter le terme choquant de « maladie », présente en effet d'importants bénéfices psychologiques pour eux : tout d'abord, cette façon de présenter l'origine des problèmes estompe leur culpabilité, tandis que la prise en charge médicale présente une qualité d'accueil confortable et personnalisée inconnue à l'école.

En fait, seuls certains personnels des RASED, directement concernés, paraissent manifester des inquiétudes. Le temps n'est plus toutefois aux débats d'idées de l'après-guerre et des années soixante, opposant aux affirmations médicales la légitimité d'interventions menées dans le cadre de l'école par des psychologues scolaires et des rééducateurs. Les personnels des RASED se sont en effet éloignés d'une approche cogni-tive au bénéfice d'une position clinique sinon psychanalytique. Celle-

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ci toutefois les isole, à égale distance d'une psychologie fonctionnalis-te devenue l'alliée de leur adversaire et de courants cognitiviste, construc-tiviste et socio-constructiviste qui ne leur paraissent épouser que partiellement leurs préoccupations.

Il reste, pour compléter ce rapide panorama, à évoquer les partis politiques de gauche qui, traditionnellement, sont plus sensibles à une explication faisant appel à l'éducation et à la société qu'à d'hypothétiques facteurs organiques. À vrai dire, le renversement de position que l'on tente ici d'expliquer est parfois renversant pour l'observateur. C'est ainsi, par exemple, que les orientations prises par un ministre socialiste n'étant pas paru suffisantes à un parlementaire communiste, celui-ci a fait ajouter au projet de loi de modernisation sociale présenté devant l'Assemblée Nationale un amendement instaurant un dépistage systématique de la dyslexie ou de la dysorthographie chez tous les enfants, par le biais d'un test à l'occasion d'une visite médicale à l'entrée du CP. Cette disposition n'a toutefois pas été retenue lors de sa présentation au Sénat. Le fait est néanmoins stupéfiant pour qui a connaissance des positions adoptées par le Parti communiste dans le passé dans les débats à ce sujet.

En bref, le succès des forces favorables à la dyslexie s'explique tant par le regain de vigueur que leur a apporté la conjoncture que par l'effondrement des forces favorables à une autre analyse et à d'autres solutions, dans le contexte politique général.

CONCLUSION

Pour continuer avec la métaphore guerrière que nous avons utilisée tout du long, nous ne saurions conclure autrement qu'en rappelant que gagner une victoire n'est pas gagner la guerre. Pour faire avancer la question dans une autre direction, il nous paraît alors nécessaire de la reprendre sur d'autres bases.

En tout premier lieu, il faut souligner que la question des difficultés d'entrée dans l'écrit visée par le plan d'action discuté ici ne constitue pas un cas isolé, une sorte de dérapage politique concernant une question localisée, même si celle-ci vise quand même 4 à 5 % des enfants. On ne peut dire qu'il s'agit d'un cas isolé pour deux raisons :

1. D'une part, ce plan s'inscrit dans un contexte général de régression des politiques relatives à l'entrée dans l'écrit. La volonté d'un retour à un enseignement fondé sur les seules correspondances gra-pho-phonétiques en témoigne, reposant sur la peur que la didactique les ait exclues de l'enseignement, celle-ci résultant d'une confusion entre le discours et les faits. De cette grande peur que connaît la Fran- 124 Psychologie & Éducation n°47, décembre 2001

ce lettrée à propos de la lecture, la construction sociale de l'illettrisme témoigne également (Lahire, 1999). 2. D'autre part, le fait que nous nous soyons centrés sur la situation française ne signifie nullement que celle-ci soit unique. En fait, les mêmes problèmes, les mêmes débats et, surtout, les mêmes solutions sont en discussion dans les pays occidentaux, à commencer par les Etats-Unis. Il serait donc erroné de considérer que la situation française est originale, et plus encore qu'elle est exceptionnellement mauvaise. En fait, et contrairement à ce que déclare la cellule interministérielle, il n'y a pas en France « un retard par rapport aux pays anglo-saxons et à ceux du nord de l'Europe » (p. 7), du moins s'il s'agit du niveau en lecture. La comparaison internationale la plus valide, produite par l'OCDE, indique en effet que les enfants français de 9 ans sont en 4e position derrière la Finlande, les Etats-Unis et la Suède, et ceux de 14 ans en 2e position derrière la Finlande (Elley, 1992). S'il existe indiscutablement en France des enfants qui ont des difficultés à entrer dans l'écrit, les faits, qui sont têtus, indiquent au contraire que la situation française est une des meilleures du monde. Aux Etats-Unis, des chercheurs, étonnés puis indignés des discours négatifs tenus sur l'éducation dans leur pays, ont commencé à démonter les mécanismes de ce qu'ils appellent « une crise fabriquée » (Berliner et Briddle, 1995). Il serait souhaitable de procéder à un travail du même ordre en France.

Face à une théorie fonctionnaliste de la lecture qui tend à devenir pensée unique, il est nécessaire de rappeler qu'il existe des faits solides en faveur d'une autre approche théorique des difficultés dans cet apprentissage.

De ce point de vue, il importe d'abord de rappeler avec force que les mauvais lecteurs, contrairement à une approche qui ne connaît que des individus, se recrutent pour la plupart dans certains milieux sociaux, les milieux socialement défavorisés. C'est un fait statistique, mille fois vérifié, que l'échec scolaire en général, et au cycle 2 en particulier, est fondamentalement un fait sociologique. Ces jeunes, des garçons le plus souvent, se caractérisent par une histoire sociale et scolaire difficile, ce dont tous les enseignants sont parfaitement conscients, mais qui curieusement échappe aux praticiens de la santé. Les étiqueter « dyslexiques » quand ils sont en début de scolarité c'est masquer sous une étiquette médicale un problème social. À ce problème social, il y a des solutions. Il y a d'abord des solutions qui relèvent de l'action politique contre les inégalités sociales, mais celles-ci sont hors de notre champ. Il y a aussi, secondairement, des solutions pédagogiques. Ces solutions sont celles sur lesquelles repose

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le pari républicain de l'école pour tous. En mettant à l'écart, sous prétexte de mieux les prendre en charge, les enfants qui ont des difficultés à comprendre le sens de l'école et de ce qui y est enseigné, on peut craindre qu'on ne s'engage dans une voie dont l'expérience des tentatives analogues a montré qu'elle conduit à une impasse ou à une aggravation du problème. On peut penser, par exemple aux classes spéciales ou aux groupes de niveau. Par contre, encourager la recherche pédagogique en soutenant les innovations, en favorisant, après une évaluation rigoureuse leur généralisation contrôlée, permettrait sans doute de réduire le nombre des enfants en difficulté. De telles solutions existent (Le Bastard et Suchaut, 2000), mais demeurent sans lendemain, faute d'être prises en considération par l'Éducation nationale).

À côté des enfants de milieu défavorisé qui constituent la masse des mauvais lecteurs, il existe aussi, mais dans une faible proportion, un certain nombre d'enfants qui avaient tout pour réussir et qui pourtant piétinent au seuil de l'écrit. Ces enfants, peu nombreux, sont souvent issus des classes moyennes. Ce sont leurs parents qui animent ou soutiennent les associations de parents d'élèves dyslexiques. La causalité est ici toute différente. Dans le cas de ces enfants, une analyse clinique du contexte familial montre que ce n'est pas parce que la lecture n'a pas de sens pour l'enfant qu'il la refuse, mais, au contraire, que c'est parce qu'il a très bien compris quel sens elle revêt aux yeux de ses parents qu'il se refuse à son apprentissage. Dans ce second cas, la lecture constitue en fait non pas un terrain que l'enfant refuse mais, au contraire, le terrain qu'il choisit pour livrer bataille. Ce qui apparaît en effet, à l'étude des cas que nous avons rencontrés, c'est que l'enfant choisit le symptôme de la lecture pour faire pression sur ses parents, son refus d'apprentissage constituant alors, sur le mode général, un message à décrypter, mais dont la signification précise varie selon le contexte familial. Le fait que, à la tête des associations de parents militants de la dyslexie, on trouve nombre de psychologues, psychiatres^ enseignants, est ici particulièrement éloquent, car la lecture étant particulièrement valorisée par eux, la lecture apparaît bien comme un moyen particulièrement pertinent de les atteindre.

On comprend évidemment la souffrance des parents concernés, ainsi que le processus d'attribution externe qui les conduit à rechercher une origine des difficultés de leur enfant excluant tout facteur familial ou éducatif intolérable dans ce type de milieu. L'hypothèse d'un trouble organique fournit en effet la réponse anxieusement recherchée. Son caractère insaisissable même contribue à sa fonction. Paradoxalement, le fait d'exercer une profession où le livre occupe une place centrale, loin de constituer une arme pour identifier la source du problème, empêche d'identifier la causalité effective. De ceci' résulte que, seul un regard

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extérieur, un regard clinique attentif à ce qui se joue dans la famille, peut amener ce type de parente à identifier ce qui fait problème à leur enfant. Leur souffrance, aussi respectable soit-elle, ne saurait pourtant conduire à ce que les problèmes du plus grand nombre, problèmes d'origine sociale et pédagogique le plus souvent, soient masqués par un étiquetage médical qui ne correspond au bout du compte qu'à un nombre de cas extrêmement limité, tels qu'un praticien expérimenté les compte sur moins d'une seule main.

Le plan d'action présenté conduit donc à investir un maximum de moyens sur un minimum d'enfants. En concentrant ceux-ci sur les enfants des classes moyennes, il favorise des enfants déjà favorisés par leur naissance. En se désintéressant de ceux qui sont défavorisés par leur naissance et dont les difficultés ont une autre origine, il contribue à faire en sorte que ces derniers soient encore plus défavorisés. Accordant enfin sa confiance à des intervenants appartenant à ces mêmes classes moyennes plutôt qu'à ceux de l'école républicaine, il renforce encore le caractère ségrégatif de la ségrégation initiale.

Ainsi, selon nous, les difficultés d'entrée dans l'écrit renvoient, dans la majorité des cas, à des déterminants sociologiques et donc pédagogiques. Ils renvoient parfois, mais plus rarement, tout particulièrement pour des enfants de classe moyenne, à des déterminants psychologiques internes à la sphère familiale. Ils ne renvoient que de façon tout à fait exceptionnelle à des déterminants médicaux, mais, même dans ces cas rarissimes, ceci n'exige nullement que soit fait appel à la notion douteuse de « dyslexie » ou à son indéfinissable succédané appelé « trouble spécifique du langage ». De ceci résulte que le plan d'action mis en place ne saurait que susciter les craintes les plus vives.

BIBLIOGRAPHIE

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PUF (3e édition, revue et corrigée, traduit en espagnol et en grec). FIJALKOW }., Un coup pour

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8 - GERARD C, L. L'enfant dysphasique. Paris, Editions Universitaires, 1991. 9 - HABIB M. Dyslexie : Le cerveau singulier. 1997, Marseille : Solal.

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14 - VALDOIS S., « Les dyslexies développementales » in : Carbonel S., Gillet P., Martory. et Valdois S., Approche cognitive des troubles de la lecture et de l'écri-ture chez l'enfant et chez l'adulte, Marseille : Solal, 1996, pp. 137-152.

PLANS DE RECHERCHE ET PLANS D'ACTION

QUELS RAPPORTS?

Claire Meljac*, Marie Kugler**, Dr Evelyne Lenoble***

* Psychologue, Docteur en psychologie, Unité de Psychopathologie de l'Enfant et de l'Adoles-cent, Centre Hospitalier Ste-Anne ** Orthophoniste, Lin-guiste, Laboratoire d'Etu-de sur l'Acquisition et la Pathologie du Langage chez l'Enfant (LEAPLE), UMR 8606, CNRS *** Praticien Hospitalier, Responsable de l'Unité de Psychopathologie de l'En-ant et de l'Adolescent, Service de Psychologie et de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent (Dr Y. Du Pasquier), Centre Hospitalier Ste-Anne, 7, rue Cabanis, 75006 Paris

RÉSUME Cet article présente quelques réflexions inspirées par le projet d'action unissant trois instances ministé-rielles autour des problèmes posés par les troubles spé-cifiques du langage (oral ou écrit). Ces réflexions ont pour fondement le résultat de travaux antérieurs menés depuis plusieurs années par l'Unité de Psychopathologie de l'Enfant et de l'Adolescent du Centre Hospitalier Ste-Anne : étude sur les enfants hors du lire, sur les différences entre filles et garçons dans les cas d'échecs graves en lecture, et sur les prédictions opérées en fin de maternelle quant au destin scolaire ultérieur d'enfants en difficultés impor-tantes, opposés à d'autres dont la réussite en lectu-re semble certaine. Il paraît encourageant de voir enfin reconnus des troubles qui méritent l'attention. Des malentendus risquent toutefois, d'advenir si tous les aspects impli-qués dans l'acte de lire ne sont pas suffisamment pris en compte. Mots clés : Plan d'action ministériel - lecture -troubles spécifiques du langage - échec scolaire - pré-dictions - garçons et filles

ABSTRACT This article was motivated by a plan of action brin-ging together three government departments over the problems caused by specifie written language and speech disorders. Our present contribution is based on the results of pre-vious works carried out by the Unit of Child and Adolescent Psychopathology of Sainte Anne hospi-tal in Paris. Thèse studies involved non-reading chil-dren (non-readers). We were specifically interested in différences between girls and boys in severe rea-ding failure cases and we also made comparisons, in the last year of kindergarden, between predictions regarding future academie results of children sho-wing serious disabilities as opposed to others more assured to become suceessful readers. Indeed, it appears encouraging to witness, at last, the officiai recognition of these language-learning problems. Nevertheless, misunderstandings may arise if ail the différent aspects involved in the act of rea-ding are not sufficiently taken into account. Keywords : Government action-plan - reading - lan-guage disabilities in oral and written performance -schooling failures - prédictions - boys and girls

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Alors que trois instances ministérielles se sont réunies pour décider de l'aide à apporter aux enfants présentant des troubles spécifiques de l'apprentissage (en particulier dysphasies et dyslexies) et que ces nouvelles instructions se sont vu accorder une large publicité (conférences de presse, articles dans les journaux etc.), il nous a semblé utile, tant pour nous que pour le public de professionnels impliqués dans ces nouvelles mesures, d'opérer un point rapide sur les recherches menées par notre unité sur ce thème depuis de très longues années (voir entre autres les travaux de Ajuriaguerra1) et d'examiner les rapports entre les résultats de celles-ci et les actuelles propositions ministérielles.

Au lieu d'utiliser un canevas « bateau » universitaire, nous avons pensé plus stimulant pour le lecteur que cette réflexion soit conduite selon l'organisation musicale d'une suite française, composition en l'honneur à l'époque baroque. Le choix de cette formule nationale ne renvoie-t-il pas à notre position dans le débat, intimement liée à l'histoire de la psychologie et de la neuropsychiatrie pratiquées dans notre pays ?

Notre discussion se déroulera donc en six étapes : le Prélude présentera l'historique des premières recherches et nos options générales qui n'ont pas fondamentalement varié à travers les années. La deuxième partie, Courante, synthétisera les principaux résultats recueillis dans un groupe rassemblant essentiellement des garçons. La Sarabande fera incursion dans une nouvelle population constituée de filles. Le Menuet illustrera une recherche sur les prédictions de réussite en lecture, réalisée à partir des pronostics formulés par les enseignant(e)s de Grande Section maternelle. Enfin, une Gigue, que nous espérons animée, posera la question de savoir de quelle façon nos recherches nous préparent à examiner l'actuel plan d'action ministériel. Nos conclusions, enfin, seront conduites au rythme ample d'une Chacone.

Musique...

I. PRELUDE

Notre unité s'est intéressée depuis les années cinquante aux divers troubles de l'apprentissage. Les nombreuses publications de J. de Ajuriaguerra et de son équipe ont toujours refusé les positions réduction-nistes, qu'il s'agisse d'une inféodation de ces troubles à des « maladies » neurologiques ou à des expressions d'un conflit interne dont seule la psychanalyse pourrait rendre compte. Dans cette tradition, tout obstacle dans l'apprentissage doit être examiné sous divers angles, dans sa genèse et son expression actuelle. On ne s'étonnera pas que de tels choix

aient déterminé plusieurs domaines de recherche parmi lesquels l'abord de la lecture, dans ses aspects de développement naturel ou empêché, a joué un rôle prédominant. La notoriété des travaux de ce qui s'appelait alors l'Hôpital Henri Rousselle a très tôt poussé nos nombreux correspondants (enseignants, pédiatres, psychologues, orthophonistes, responsables de l'Education nationale, etc.) à nous adresser des enfants ou des adolescents en échec spectaculaire d'apprentissage lexique.

Nous trouvons dans les archives de l'Unité de nombreux dossiers regroupés, dès les années soixante, sous le nom générique d'« alexiques ».

L'hypothèse était alors faite de liens étroits entre les tableaux d'alexie acquise observés chez l'adulte et le non accès complet à l'écrit noté chez quelques enfants. Ces dossiers comportent un grand nombre de des-criptions et d'analyses de cas sévères d'incompétence lexique.

J. Berges, à la tête de l'Unité après J. de Ajuriaguerra, se questionne à juste titre, dans les années quatre-vingts, sur les raisons qui peuvent rendre compte de la permanence de troubles graves chez des enfants, par ailleurs en rééducation orthophonique depuis longtemps et bénéficiant, de plus, de mesures psychothérapiques diverses. L'idée vient alors de rassembler, autour du thème de l'échec persistant en lecture, des spécialistes sans parti pris et provenant d'horizons théoriques et professionnels très divers : linguistes, pédagogues, experts du développement psychomoteur, chercheurs CNRS, psychologues, psychanalystes, etc. Une demande de contrat de trois ans est acceptée par l'INSERM et sera ensuite renouvelée. Notre démarche et nos résultats seront exposés dans plusieurs publications2. Notre recherche a bénéficié, d'autre part, de plusieurs soutiens complémentaires à celui de l'INSERM (Éducation nationale, CNRS, Fondation de France et par la suite GPLI, etc.).

Nous avons toujours été écoutés avec une attention polie par les autorités scientifiques et financières, de même d'ailleurs que d'autres équipes poursuivant des recherches d'orientations parfois différentes sur le même thème. Jamais nos propos n'ont toutefois mobilisé nos partenaires et, malgré nos recommandations, la possibilité de mesures de grande envergure n'a pas été évoquée. On peut se demander ce qui s'est passé récemment pour qu'un problème aussi connu soit devenu brusquement une urgence nationale. Certains chercheurs ont étudié les raisons d'un tel revirement (voir ce numéro).

1. Ajuriaguerra J. et Al. 1964. 2. Par exemple : Préneron C, Meljac C. et Netchine S., 1994.

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II. COURANTE

Nous résumerons ici, comme nous l'avons annoncé, les principaux résultats recueillis lors de nos premières études, à l'origine de notre publication princeps3. Rappelons que nous avons appelé « non-lecteurs » les enfants que nous décrivons tout au long de cet ouvrage.

Pour faire" partie du groupe des non-lecteurs, les sujets devaient présenter les caractéristiques suivantes :

- être âgés de 9 ans au moins au moment du premier contact, - avoir accompli leur scolarité en français à partir de la maternelle,

- ne pas être atteints de troubles psychopathologiques invalidants tels que psychoses, ni de troubles évidents du langage de type dysphasie, ni de signe patent d'atteinte du système nerveux central,

- faire preuve d'aptitudes normales à l'une au moins des deux échelles du WISC (WISC-R à l'époque) Q.I. = ou > 85 à l'échelle verba le ou performance,

- ne pas appartenir à une famille particulièrement défavorisée ou pathogène de manière évidente,

- et, - last, but not least - se trouver gravement infériorisés dans leurs activités de lecture.

L'évaluation des acquisitions en lecture à été faite à partir du décodage et de l'oralisation d'un court texte intitulé Notre lapin. Les enfants du groupe des non-lecteurs ne dépassaient pas, à 9 ans et au-delà, un niveau d'acquisition présent, habituellement, dès la première année de scolarité : ils ne pouvaient produire qu'une lente oralisation du texte proposé, ne permettant guère de saisir autre chose que des lettres ou des syllabes juxtaposées. Ils ne repéraient que quelques mots, voire aucun, et ne pouvaient donc donner de sens au récit, à moins de l'inventer à partir de quelques indices. Précisons que les enfants totalement inopérants dans l'activité de lecture (notés : lecture impossible) faisaient évi-demment partie de notre population.

Tous les sujets devaient respecter l'ensemble des critères. Si une des conditions relative à l'incompétence en lecture n'était pas totalement observée, l'enfant était placé (dans les tableaux récapitulatifs et seulement à cet égard bien évidemment) dans un ensemble réunissant les « mauvais lecteurs ». Ces derniers, par définition, font preuve d'une meilleure efficience, absolue ou relative, en lecture (rendement supérieur à celui des non-lecteurs et/ou retard moindre). Nous avons ainsi déterminé un deuxième échantillon un peu plus performant et donc plus proche de la population habituellement retenue dans ce type d'études.

3. Préneron et al., op. cit.

Par ailleurs, nous avons considéré séparément des enfants présentant des graves troubles de la personnalité ou bien encore provenant de familles très défavorisées. Quarante quatre enfants, au total, ont été sélectionnés comme répondant à l'ensemble des critères fondant la « non-lecture ». Sur ces 44 enfants, 43 étaient des garçons et ce constat n'a pas fini de nous interroger. Il sera d'ailleurs à l'origine (voir plus bas) d'une nouvelle recherche. Nous résumerons rapidement les caractéristiques générales de ce premier groupe de non-lecteurs, quasi exclusivement masculin :

- origine sociologique et culturelle : l'échantillon est représentatif des couches sociales moyennes de la population. On compte quelques familles appartenant à la catégorie des ouvriers peu qualifiés, mais aussi des enfants provenant de milieux instruits : cadres, enseignants, etc. C'est un point sur lequel nous aimerions insister. La non-lecture comme certains aimeraient le faire croire ne se retrouve pas unique-ment dans les couches défavorisées de notre société. On ne peut la considérer comme la conséquence quasi mécanique d'une déprivation culturelle puisque un certain nombre de normo-lecteurs ou de bons lecteurs proviennent justement de milieux extrêmement carences : autant de contre-exemples. Pour en revenir à nos non-lecteurs, signalons un fait intéressant, propice aux interprétations de toutes sortes : le niveau d'étude atteint par les pères des non-lecteurs figurant dans notre groupe est fréquemment inférieur à celui des mères.

- anamnèses des enfants : rien n'est signalé dans le premier dévelop pement mais la période des apprentissages a coïncidé dans un certain nombre de cas avec des événements particulièrement traumatiques (par exemple, mort du père ou levée de secrets familiaux : mort d'un jumeau à la naissance, existence de frères et soeurs placés à la DASS, sus picion de maladie génétique atteignant l'enfant, etc.). L'inscription dans le cadre social de l'école a précipité les révélations.

-structure de la personnalité : par définition même de notre popula tion, aucun trouble psychopathologique caractérisé ne peut être repé ré, mais il s'agit souvent d'enfants très inhibés, à l'imaginaire réduit.

- langage oral : on ne note pas de trouble dans la conversation. Des examens plus approfondis montrent cependant un manque d'aisance dans tous les « jeux de langage », en particulier dans les conduites de récit, et une faible aptitude dans tout ce qui relève des aspects méta- linguistiques, ceux-ci tenant peut-être, comme le suggèrent certains auteurs, un rôle important dans l'apprentissage de la lecture (voir plus bas). - aspects cognitifs : les non-lecteurs se caractérisent par un traitement très particulier de l'information : parcellisation, isolation, mauvaise hié-

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rarchisation des éléments de la connaissance, surtout si ceux-ci sont présentés à travers le langage. On a souvent l'impression que le sujet se précipite dans la mise en acte et ne se donne aucune latitude pour formuler des hypothèses et les examiner. Ces procédures par isolation frappent particulièrement dans l'activité de lecture, chaque lettre étant énoncée séparément, sans possibilité de fusion phonématique. Le défaut d'hypothèse paralyse aussi la recherche d'un sens global du texte.

- évolution, remédiations et pronostic : nous avons mis au point dans notre Unité des procédures particulières de prises en charge inspirées de la « lecture en couleurs ». Bien que ce type d'approche, le plus souvent associé à une psychothérapie adaptée à ces troubles, apporte des bénéfices incontestables, l'évolution est toujours très lente. La mauvaise lecture, puis la transcription déficiente, succèdent le plus souvent à la non-lecture.

Pour ces enfants qui ne savent pas du tout lire à 9 ans, il semble chimérique d'espérer que la lecture devienne un jour source d'intérêt et de véritable plaisir. Le suivi longitudinal du groupe a cependant montré que de réels progrès étaient envisageables et que, tout du moins dans la période au cours de laquelle cette enquête a été effectuée, et compte tenu de l'âge de notre échantillon, les difficultés lexiques ne semblaient , pas barrer la porte ouvrant sur le monde du travail.

I I I . SARABANDE

Le fait que le premier échantillon étudié ait été composé essentiellement de garçons; nous a poussés à entamer une seconde recherche sur les échecs dans l'apprentissage de la lecture dans une population que nous voulions exclusivement composée de filles. Notre expérience nous suggérait quelques idées selon lesquelles le profil des filles serait différent de celui des garçons, tel qu'il apparaissait à l'issue de notre travail : les filles apprendraient à lire, même mal, plus vite (tableaux de non-lecture moins permanents, troubles plus diffus) et elles se recruteraient dans des milieux où le poids du handicap culturel se trouverait plus marqué. Les impossibilités en lecture des filles seraient peut-être moins typiquement et rigidement liées à des procédures de prises d'information - et de production - particulières.

Une longue étude préparatoire portant sur l'ensemble des publications traitant des différences entre garçons et filles dans l'apprentissage lexique nous a semblé indispensable avant la constitution même d'un échantillon de filles non-lectrices. Les auteurs, principalement américains, qui se sont attachés à ce problème d'abord différentiel des genres en matière de performances scolaires sont relativement nom-

breux. Cependant, on note aussi, à l'opposé, dans quantité de travaux expérimentaux, une absence totale de préoccupation quant au sexe des individus étudiés. Les comportements recueillis ne proviennent d'aucun individu précis corporellement défini et l'activité de lecture est alors directement assimilée aux procédures d'un ordinateur confronté à la reconnaissance d'un texte écrit.

Il nous parait paradoxal que les travaux de type biologique - qui reposent pourtant en général sur un nombre plutôt restreint de sujets éventuellement pathologiques - visent à nous éclairer sur les permanences de l'esprit humain, tandis qu'en revanche les sociologues et psychopédagogues (travaillant sur des ensembles plus importants, avec des individus considérés comme ordinaires) affirment assez fréquemment leur ambition de nous sensibiliser aux figures de la différence entre les groupes et les individus.

Après beaucoup d'efforts et une démarche active de repérage des filles non-lectrices, nous avons pu rassembler 29 filles ayant pris contact avec nous pour « non-lecture » durant les quinze mois impartis à notre recherche sur le terrain. Seules 11 d'entre elles, cependant, correspondaient à nos critères. Ceux-ci avaient été légèrement assouplis par rapport à ceux de la recherche précédente puisque, d'une part, la limite d'âge a été abaissée à 8 ans (au lieu de 9) et que, d'autre part, nos exigences psychométriques ont été quelque peu « adoucies ».

Nous avons défini à l'intérieur du groupe large de 29 filles plusieurs sous-ensembles : les non-lectrices, les mauvaises lectrices, les filles présentant un retard général d'efficience et un groupe d'enfants hors population (lectrices, ou bien encore mauvaise connaissance du français, parfois traits psychotiques) :

- origine sociologique et culturelle : les familles de nos filles non-lectrices ne sont pas essentiellement différentes de celles des garçons non-lecteurs. Cependant l'ensemble des marqueurs sociaux est décalé vers le bas. On ne trouve plus ici de familles d'enseignants ni de cadres supérieurs. Il s'agit plutôt d'ouvriers et d'employés dont les lacunes culturelles ne sont pas dramatiques mais qui rencontrent souvent des problèmes linguistiques. A cet égard, dans une proportion remarquable de cas, la situation de nos filles non-lectrices est complexe : tiraillements entre plusieurs langues, l'une représentant « l'avant », l'autre « l'après », ou bien encore parents utilisant des langues différentes pour communiquer (langue de la mère, langue du père).

La plupart des études effectuées auprès d'enfants en difficulté d'apprentissage ne portent pas spécifiquement sur ces aspects des échanges verbaux. Le critère retenu par tous (et aussi par nous) est celui d'une scolarisation dans les écoles où l'enseignement s'effectue en

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français (ou en anglais, bien entendu, s'il s'agit de travaux anglo-saxons). En effet, un enfant qui fréquente l'école depuis l'âge de 3 ans, a eu amplement l'occasion de maîtriser le type de communication verbale en usage dans le pays où il vit. Encore convient-il que cette acquisition ne soit pas à l'origine de conflits non-résolus et d'embarras constants. Il semble qu'il n'en soit pas ainsi chez une bonne partie des filles venant consulter pour non-lecture. Elles se sentent partagées entre différents mondes d'appartenance et leur malaise est évident. Il est probable que l'entrée brutale dans l'écrit au cours de leur première année de cours pré-paratoire a été pour elles une expérience extrêmement douloureuse. - anamnèse des filles : les éléments recueillis dans les premiers entre

tiens effectués avec les familles font ressortir, comme chez les garçons non-lecteurs, la fréquence de situations conjugales complexes et d'inci dents traumatiques (séparations, décès, ruptures) au moment des pre miers apprentissages. Il semble que ces filles ont eu à effectuer des deuils amers, très tôt. Quelles en ont été les conséquences ? On soulignera que plusieurs parents utilisent l'adjectif « déprimée » pour caractériser leur fille. Cependant, il ne semble pas que ces familles soient, à l'instar de celles des garçons, ligotées par des secrets impossibles à énoncer. L'entourage des filles s'exprime : tout peut se dire, et les traumatismes font partie des événements dont on parle. Les parents d'une fille non- lectrice paraissent plus libres dans leur discours et sont à même d'asso cier sur les difficultés qu'elle présente, de dépasser le cadre et le symp tôme scolaire. Si le C.P. est toujours décrit par eux comme un moment difficile pour la fillette (séparations, naissance, deuils, rivalité mère/maî tresse autour du savoir) et si les aides (orthophoniques notamment) sont assimilées à autant d'échecs, ces parents paraissent moins angois sés, moins obsédés par la (non-) lecture que ceux des garçons qui, dans des cas identiques, se présentent comme obnubilés, immobilisés, presque terrassés par l'ampleur du trouble qui occupe la place et envahit le dis cours. Les parents de filles décrivent, au contraire, la non-lecture comme une difficulté parmi d'autres.

Soulignons enfin, (il en était de même pour les garçons non-lecteurs) la confirmation, quasi générale dans le discours des parents, de l'absence de pathologie néo-natale lourde, de retard de développement important ou d'atteinte ophtalmologique particulière. Notons toutefois - indice intéressant - une fréquence élevée de latéralisations à gauche, comme chez les garçons. On sait que, selon les différentes perspectives adoptées par les auteurs, la fréquence des latéralisations à gauche peut être interprétée différemment. - structure de la personnalité : on ne note aucune réticence, aucune oppo sition, aucune agitation, aucun trouble inquiétant dans l'échange avec l'interlocuteur au cours des différents examens. Même si certaines filles 66 Psychologie & Education n°47 décembre 2001

sont peu à l'aise, toutes apparaissent en mesure d'expliquer leur difficulté à lire, leur parcours scolaire, leurs rapports avec la maîtresse, et plus généralement d'évoquer leur famille et leurs problèmes. On ne retrouve pas avec elles le « verrouillage » des garçons qui se sont montrés incapables d'évoquer leurs intérêts et leurs préoccupations et qui, dépassant mal le thème scolaire, se retranchaient toujours derrière la toute-puissance de leur mère : « c'est ma mère qui sait ». Chez les filles, le savoir ne semble pas dévolu à l'autre de façon aussi systématique : elles peuvent parler d'elles, sinon en leur nom, du moins plus librement que leurs homologues masculins. Bref, les filles que nous avons vues se caractérisent par une appréhension moins morcelée et moins rigide de la réalité que les garçons non-lecteurs qui sont pris dans des systèmes d'isolation obsessionnels et présentent un « symptôme non-lecture » cliniquement plus spécifique. On note chez elles une prévalence de l'imaginaire qui charrie les conflits oedipiens : la lecture semble n'être qu'une difficulté parmi d'autres. Cette hypertrophie de l'imaginaire met le groupe de filles non-lectrices du côté de processus défensifs névrotiques plutôt phobiques : questionnement autour de l'identité sexuelle (lapsus masculin-féminin fréquents) et du thème de la naissance. Dans leurs réponses aux tests projectifs, les théories sexuelles infantiles abondent, beaucoup plus que dans les propos des garçons où elles sont comme interdites dans la grande majorité des cas. Le rapport au savoir (sexuel), celui de l'autre (notamment de la mère), s'il est conflictuel, ne paraît pas barré. La proposition d'une psychothérapie semble d'autant plus nécessaire et justifiée. - langage oral : malgré l'existence de « tiraillements » linguistiques (évoqués plus haut) dans quelques cas, le discours « libre » des non-lectrices n'est pas significativement différent de celui des filles venant consulter pour difficultés autres dans le service. Si on y relève, comme chez les garçons non-lecteurs, quelques maladresses (grammaticales, syntaxiques, lexicales), le langage spontané, plus riche, plus axé sur le quotidien et les intérêts en général est moins restrictif que celui des « homologues » garçons. Mais la maîtrise de l'oral ne se limite pas à l'exercice de la conversation, elle suppose la possibilité d'utiliser un certain nombre d'éléments linguistiques et métalinguistiques pour entrer dans divers « jeux de langage » : questionner, répondre, argumenter, comparer, raconter, etc. Parmi ces types de discours nous avons choisi d'analyser le récit, fait d'après des BD ou à partir d'une histoire lue au préalable. Les filles ne montrent guère de réticences à raconter alors que les garçons non-lecteurs pouvaient rester quasi-pétrifiés face à cette tâche.

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Soulignons que raconter une histoire à partir d'images, impose au narrateur de deviner ce qui n'est pas représenté. Pour inférer une cause, au vu de sa conséquence, il doit faire jouer des hypothèses et les vérifier.

Filles et garçons se séparent nettement dans leurs capacités à émettre des hypothèses, spontanées ou sollicitées par des questions. Les filles osent, s'y risquent, inventent le contenu d'une bulle qu'elle ne peuvent pas lire. Les garçons restent cois le plus souvent, dans une sorte de devoir de réserve. De même, face aux troubles d'évocation des noms propres (fréquents chez les non-lecteurs), les filles proposent immédiatement un nom de substitution, alors que les garçons interrogent l'adulte : « c'est qui celui-là ? ».

Ce point nous paraît extrêmement important : pouvoir faire des hypothèses est central dans l'acte de lire. Cette évidence est telle qu'aucun des auteurs « classiques » ne pense à le souligner. En cela, une fois encore, non-lecteurs et non-lectrices nous auront mis sur la piste d'une dimension méconnue ou négligée.

Ainsi, pour résumer, les filles non-lectrices se révèlent meilleures narratrices que les garçons non-lecteurs, grâce surtout au plaisir qu'elles manifestent à raconter, et grâce aussi à une meilleure prise en compte de l'adulte interlocuteur. Mais si, dans les récits des filles, la cohérence textuelle est mieux préservée et les failles relevées moins nombreuses, les outils linguistiques adaptés ne sont pas toujours employés. Les har-rations produites restent encore très en-deça de celles d'enfants tout venant du même âge.

- aspects cognitifs : de façon générale, nous l'avons déjà annoncé plus haut, les filles non-lectrices obtiennent en moyenne des résultats aux différentes échelles les situant dans des zones dites « limites », inférieures à la moyenne, ce qui n'était pas le cas des garçons au profil beaucoup plus hétérogène. Cette supériorité intellectuelle des garçons en difficulté de lecture, par rapport aux filles, également en échec, a été remarquée maintes fois dans la littérature. Cependant, les filles présentent des démarches d'appréhension et de traitement de l'information, notamment aux épreuves piagétiennes, beaucoup moins morcelées que celles des garçons dans la même situation scolaire.

Il nous semble important de conclure en insistant sur le fait que, chez les filles comme chez les garçons, l'espace et les relations infralo-giques, au sens de Piaget, ne sont pas directement en cause dans les échecs massifs en lecture : aucun de ces enfants ne rencontre d'obstacle insurmontable à construire des rapports entre les objets et à poser une origine aux actions. Ces réussites relatives n'impliquent évidemment pas une construction achevée de l'espace graphique qui obéit très probablement à ses lois propres. Notre étude menée sur des enfants présen- 68 Psychologie & Education n°41 décembre 2001

tant des incapacités de lecture, voire des impossibilités au moins transitoires, confirme la non-validité d'une hypothèse longtemps à la mode : celle du rôle joué dans de tels tableaux par les désorientations spatiales. La plupart des récentes études menées sur le sujet confirment d'ailleurs nos constats.

- évolution, remédiations et pronostics : chez les filles, les empêchements dans la langue écrite semblent davantage susceptibles de remaniements que chez les garçons. Qu'elles aient moins tendance à procéder par isolation constitue sans nul doute un élément favorable. L'inscription des troubles dans la globalité d'un tableau tiré vers le bas paraît en revanche plus inquiétante : la non-lecture a eu probablement des conséquences générales importantes dans le développement global de la pensée. Ce qui, paradoxalement, peut faire espérer que l'accession au langage écrit entraînera, réciproquement, des remaniements béné-1 fiques: Le déroulement des prises en charge montre cependant que ces améliorations rapides constituent justement, dans certains cas, un danger. Il est très fréquent de voir des filles et leur famille se présenter de façon extrêmement irrégulière aux rendez-vous proposés ou bien encore interrompre brusquement toute procédure d'aide et de thérapie dès que le moindre progrès a été accompli. Tout se passe comme si la famille se contentait d'une petite amélioration. Aller plus loin représente-t-il une menace ? On est fréquemment amené à supposer que l'enfant, comme la famille, se trouve dans l'impossibilité de supporter des chan-gements en profondeur. On peut souvent parler d'un travail en pointillé. Nous avons peu de recul (étude récente) quant au devenir des filles non-lectrices à un moment de leur itinéraire. Signalons cependant que la consultation d'archives anciennes nous a montré que quelques filles dans ce cas ont pu devenir des lectrices acharnées, une fois parvenues à la grande adolescence ou à l'âge adulte. Cet exercice aurait-il eu alors valeur de fuite et de refuge dans un monde imaginaire comme cela avait peut-être été le rôle de la non-lecture ? A notre connaissance, une telle issue ne s'est jamais vue pour aucun des garçons suivis : pas un seul d'entre eux ne s'est transformé en lecteur passionné.

Nous voudrions insister en résumé sur quelques points qui semblent essentiels : - les impossibilités lexiques de ces enfants portent sur la combinaison des règles, à la

fois stables et variables, des éléments du code écrit. Pour les débutants qui le demeurent, malgré le passage des années, ces éléments ne sont pas détachables de leur présence formelle. La lettre dans le mot, puis le mot dans la phrase, étant dépourvus d'une nature et d'une fonction séparés, les axes paradigmatique (axe du choix lexical) et syntag-matique (axe syntaxique de la place) ne sont pas acquis. Chaque lettre a le nom et la place qu'elle a, ici et jnaintenanf, dans ce mot-ci. D'où le

recours à la reconnaissance globale et au devinement comme stratégies les plus élaborées de « lecture » - il faudrait dire de « perception ». Les éléments signifiants ne sont ni descriptibles objectivement - c'est-à-dire séparément - ni, a fortiori, « manipulables » ou

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combinables dans un répertoire identifié et en fonction du contenant. Ils restent fixés dans un co-texte visuel qui ne devient jamais un contexte intellectualisable.

- alors que le garçon non-lecteur fige les lettres en les épelant (en les appelant ?) itérativement, dans l'incapacité où il est d'en faire tomber (en effet, on n'oralise pas toutes les lettres présentes dans un mot) ou d'en ajouter (dans la transcription doivent être présentes des lettres non repérables à l'oral), les filles, elles, ne rencontrent pas les mêmes obstacles. Plus souples, elles jouent avec le code et parfois même s'en jouent, inventant, transformant : c'est leur façon bien à elles de neutraliser les contraintes grâce à des combinaisons locales empêchant justement la constitution de permanences repérables et stables. Entre ces deux extrêmes, il est bien évident qu'existe une multiplicité de positions intermédiaires, tant chez les filles que chez les garçons.

- de même, là où le garçon non-lecteur se trouve dans l'impossibi lité de faire des hypothèses, d'abstraire les éléments signifiants de leur présence effective, la fille non-lectrice ose. Ses hypothèses ne lui servent, dans un premier temps, qu'à tester une théorie du langage erronée : la nature des lettres reste attachée à leur forme dans un système où le signe écrit a valeur de hiéroglyphe, chargé de désigner l'objet du monde qu'il représente, consubstantiel de cet objet et de son graveur. Mais, la souplesse de pensée de la fille, sa place de sujet moins fragile, moins ins tallé dans la passion de la méconnaissance, lui permettent de saisir, à des degrés divers, les moyens qui lui sont proposés pour se dégager de cette ornière.

- si la plupart des auteurs mentionnent dans leurs études l'existen ce de différences d'acquisitions lexiques (ou de non-acquisition) entre filles et garçons, ainsi que de sex-ratios contrastés (les troubles attei gnant plus particulièrement les sujets masculins) nous avons vu que leurs constats étaient souvent contradictoires et que les résultats exposés, très « locaux », dépendaient tant de l'endroit où ils avaient été recueillis que des vues générales adoptées par ceux qui les publiaient. Notre tra vail met, lui aussi, en évidence l'existence d'écarts entre sujets mascu lins et féminins dans le domaine de la lecture. C'est la coupe opérée dans le continuum allant des très bons lecteurs aux non-lecteurs qui, pour nous, rend compte des variations relevées dans les sex-ratios. Plus les déficits sont sévères, plus la proportion des garçons s'élève, les troubles considérables et peu modifiables s'observant chez les sujets masculins.

Quelle(s) théorie(s) avancer pour interpréter ces observations? La plupart des auteurs travaillant dans ce champ en fournissent à foison, 70

même s'ils ne disposent que de rares éléments pour étayer leurs intuitions. Nous estimons, quant à nous, avoir rassemblé des faits plus riches - même s'ils se rapportent à une population réduite - que d'autres chercheurs travaillant sur/des grands nombres. Nous avouons toutefois sans hésiter que nous ne disposons pas, pour l'instant, d'un modèle pertinent, exhaustif, suffisant pour articuler l'épaisse documentation dont nous disposons. Les débats continuent dans notre propre équipe.

Quant au praticien qui s'assigne pour tâche de sortir un enfant de son état de non-lecture, il doit d'abord bien comprendre que l'aventure dans laquelle il s'embarque n'est pas mince : il lui faudra déployer des qualités hors pair et tenir constamment en mémoire le fait que ne-pas-savoir-lire (après plusieurs mois d'apprentissage systématique, voire des années) est, autant - ou plus - qu'un déficit, une manière d'exister signifiante. Toute proposition d'évolution sera, en conséquence, d'abord considérée par l'apprenti « en panne » comme une agression, même si elle s'accompagne des meilleures intentions du monde. Aucun sujet n'est une « table rase ». C'est avec le poids de son passé et de sa souffrance que le non-lecteur, la non-lectrice, évaluera celui qui prétend lui apporter un « savoir-lire ».

IV. MENUET

Les considérations qui précèdent nous ont directement introduits à une réflexion sur les possibilités d'anticipation et de prédiction des réussites et des échecs en lecture. L'école est-elle en mesure de savoir, un an à l'avance, quels enfants seront spécifiquement en « danger » de ne pas profiter des apports du cours préparatoire ? On voit l'importance de la question car si, en effet, l'école est en état de disposer d'informations fiables, il ne lui reste plus qu'à agir en conséquence. Si, en revanche, comme on l'a longtemps cru, à la suite de travaux conduits à partir d'indices partiels ou particuliers (comme les signalements effectués en maternelle ou les catégorisations brutales des familles par classes socioprofessionnelles), l'école ne peut utiliser que des données incohérentes ou contradictoires, la partie devrait être très difficile à mener. Elle exigerait alors, par exemple, une intervention lourde et systématique de la part d'« experts » extérieurs mieux (pré)disants.

L'ensemble d'une recherche menée dans notre Unité et portant sur les prédictions, les prévisions et les anticipations formulées par les enseignants et les psychologues à la fin d'une année de Grande Section de Maternelle a été exposé dans plusieurs documents4. Nous n'en donnerons ici qu'un très bref aperçu.

4. Meljac C. et al., 1999,2000,2201. Plans de recherche et plans d'action quels rapports ? 71

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Le travail s'est poursuivi sur deux ans dans un certain nombre d'écoles

que nous avions choisies, à dessein, défavorisées. Quelques mots sur la méthodologie : à l'issue de la Grande Section de

Maternelle, nous avons demandé aux enseignants (et aux psychologues chargés d'évaluer les compétences des enfants) de désigner parmi les élèves, ceux qu'ils pensaient devoir réussir l'année suivante dans leur apprentissage de la lecture, versus ceux qu'ils croyaient être en situation délicate.

Ces prédictions ont été rigoureusement tenues secrètes jusqu'à la fin de la recherche.

A l'issue du C.P., nous avons procédé à des contrôles de lecture sur la population « prédite », soit 101 enfants. Parmi ceux-ci, nous avons pu estimer les apprentissages de 91 enfants. Dans ce groupe, 37 avaient bénéficié de l'ensemble du protocole : efficience aux tests, étude de la composition et de l'organisation du milieu familial, etc.

Parmi tous les indices que nous avions mis en concurrence pour en évaluer la valeur prédictrice, ceux qui ont paru particulièrement fiables (cf. publications citées plus haut) sont, d'une part, les prédictions des enseignants qui ont bénéficié de plusieurs mois de familiarisation avec l'enfant et, d'autre part, venant des psychologues, des avis basés sur l'utilisation intensive (deux jours d'examen environ) d'instruments dûment étalonnés et validés.

En conclusion, il nous semble clair que l'école (enseignants et RASED réunis) est tout à fait à même, hormis quelques cas douteux, complexes, sur lesquels il convient de s'interroger, de distinguer pour mieux s'en occuper, les enfants risquant de rencontrer des obstacles sur le chemin de la lecture. Demeure, évidemment, une question d'importance : quels moyens aura-t-elle pour les prendre efficacement en charge avec l'aide éventuelle de professionnels se situant dans un champ sortant de la pédagogie stricto sensu (psychologues, orthophonistes, équipes hospitalières, etc.). Sans doute, l'état actuel de relatif dénuement qui caractérise le plus souvent l'institution scolaire est-il à l'origine de quelques cas « d'oublis » (d'enfants en difficulté évidente) qui seraient autrement inexplicables.

V. GIGUE

Ces travaux nous permettent d'aborder, dans des conditions que nous pensons éclairées, l'étude du plan d'action en faveur de la prévention des « troubles spécifiques du langage » proposé par les ministères partenaires. 72 Psychologie & Education n°47 décembre 2001

Dans le cadre du présent article nous n'insisterons que sur quelques points qui nous semblerit particulièrement importants et qui se trouvent en rapport avec les recherches que nous venons d'exposer.

Après tant d'années, au cours desquelles les graves troubles affectant le développement du langage et/ou l'acquisition de la lecture ont été un peu négligés, au moins officiellement, (car il n'en a pas toujours été de même sur le terrain), il nous paraît extrêmement prometteur de voir trois directions ministérielles s'unir pour essayer d'agir en concertation en vue d'améliorer la prise en charge, quelle qu'elle soit, d'enfants et de familles trop rarement soutenus.

De même peut-on se féliciter que certains pôles d'excellence aient été nommément désignés pour organiser l'accueil et coordonner les mesures en faveur de telles populations. Les enseignants, comme les parents, devraient recevoir des renseignements précis et des adresses où se rendre. Ils seront sûrs de rencontrer dans ces lieux des interlocuteurs compétents et attentifs (connus d'ailleurs des écoles depuis longtemps).

Nous voudrions cependant insister sur certains dangers risquant de conduire à des dérives éventuelles.

Ces dérives nous semblent de trois ordres : flou théorique, dilution des efforts, découragement des enseignants.

- Science ou approximation ? A la suite de la publication et de la vulgarisation de certains travaux dont les assises idéologiques n'ont pas toujours été contrôlées, il apparaît qu'une confusion risque de s'installer entre le très vaste ensemble d'enfants présentant des troubles du langage (l'origine, la gravité et les manifestations de tels troubles sont extrêmement variées) et le pourcentage réduit de sujets, inclus dans cet ensemble, pour lesquels des facteurs biologiques repérés (génétiques, accidentels etc.) peuvent être évoqués, au moins à titre d'hypothèse. Il est évident que mêler, dans un tout indistinct, des débutants dont le langage demeure approximatif, des apprentis en panne dont les familles ne parlent pas (ou mal) le français, des enfants présentant un retard intellectuel, des écoliers relevant de maladies graves, des « hyperactifs » incapables de se concentrer sur une activité quelconque, des phobiques manifestant des réactions de peur devant toute trace écrite, peut satisfaire momentanément un expert épris de chiffres et de statistiques. Mais est-ce suffisant sur le plan scientifique ? Aller encore plus loin et avancer, dans un second temps, que le grand fédérateur de cette réunion hétéroclite demeure, dans tous les cas, l'atteinte organique, relèverait, nous semble-t-il, de la pirouette épistémologique bien plutôt que d'une démarche rigoureuse. Quelques indices peuvent cependant faire redouter la présence dans certains discours de tels amalgames. - Des démarches bien trop coûteuses

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Une partie des promoteurs du projet d'action plaide pour un repérage systématique mis en œuvre dès la maternelle chez tous les enfants. Une brève séance avec une infirmière suffirait pour séparer le bon grain de l'ivraie, ceux qui sont destinés à bien apprendre et ceux qui se trouvent en péril. De telles façons de procéder nous paraissent extraordi-nairement réductrices et surtout inutilement dispendieuses. Les meilleurs prédicteurs jusqu'à présent semblent être les membres du corps enseignant. Ces derniers auraient maintes fois l'occasion de le prouver à partir du moment où ils seraient soutenus dans leurs démarches. Les psychologues, dont c'est le métier, interviendraient dès lors qu'il s'agirait de cas difficiles ou ambigus. Nous ne voyons pas en quoi la délégation de problèmes d'apprentissage, sur le lieu de l'école, à des personnels tra-ditionnellement peu formés pour l'abord de tels troubles, peut faire avancer la cause d'enfants rencontrant des obstacles spécifiques dans l'acquisition du langage. Ces personnels, médecins scolaires et infirmières, puisqu'il s'agit d'eux, ont en revanche sous leur responsabilité de nombreux autres champs où leurs activités s'avèrent absolument irremplaçables. S'ils sont absorbés par des tâches supplémentaires, ils se trouveront empêchés d'exercer leur propre spécialité. - Des pédagogues dépossédés

Les deux glissements que nous venons d'évoquer - interprétations glo-balistes des types et des facteurs d'échec, déplacement des responsabilités et des compétences - risquent de provoquer, à brève, moyenne ou longue échéance, des sentiments complexes chez les enseignants, voire même des ressentiments. On peut certes, sur le moment, se trouver stimulé par telle ou telle proposition de soutien, il n'en reste pas moins que l'expérience d'un tutorat qu'ils n'ont pas explicitement réclamé est susceptible de transformer certains enseignants en plantes fragiles.

Comme l'ensemble du dispositif du plan d'action exige, pour être appliqué, la collaboration active de tous les partenaires, il est légitime de poser ici la question-clé : les enseignants sont-ils prêts à participer pleinement - sans attribution des moyens qu'ils réclament, par ailleurs - à l'entreprise qu'on leur a proposée et à se reconnaître dans les modèles qui ont été élaborés ? - VI. CHACONNE OU CHACONE?

Le nom de cette danse s'écrit-il avec un ou deux n ? Tout dépend des dictionnaires : certains ouvrages préfèrent une forme plutôt que l'autre, à moins qu'ils ne présentent les deux. Voilà qui nous introduit directe-

Psychologie & Éducation n°47, décembre 2001

ment aux mystères de l'écrit et plus largement a ceux du langage et à ses conventions, à la fois rationnelles et arbitraires. Système symbolique, régi par un code, le langage (oral ou écrit) impose au lecteur les lois qui le constituent. Seule l'acceptation de ces règles permet au sujet parlant - plus tard apprenti-lecteur - de s'inscrire dans le discours, de se faire reconnaître et d'accéder, enfin, à toutes les formes de la connaissance. Les fourches caudines de l'apprentissage de la lecture répètent le premier forçage constitué par l'entrée dans la langue orale, comme les enjeux de l'adolescence reprennent ceux de l'enfance. Ce qui, toutefois complexifie la question du passage à l'écrit, c'est le fait que se rajoute à la partie déjà engagée la question de la matérialité des lettres et de leur trace écrite. La règle est de connaître ces composantes, non pour les figer dans la possession, mais pour les faire jouer entre elles et glisser dans ce qui constitue le dispositif même de la lecture. Les lettres en elles-mêmes n'ont aucun sens. Ce qui produit du sens c'est leur arrangement dans une organisation qui aboutit au mot puis à la phrase.

Ainsi, celui qui travaille sur l'accès à la lecture se trouve, d'une façon ou d'une autre, sommé de s'intéresser à la façon dont un sujet inscrit sa place et son désir à l'intérieur d'un système dont chaque signifiant renvoie toujours à un autre : ballet ininterrompu où chacune des figures n'a de valeur que par rapport aux autres.

Si le plan d'action mis en place par les ministères a l'audace, dans ses dispositifs ultimes, de tenir compte de cet aspect (à la base même de toute théorie linguistique) nous pourrons légitimement estimer qu'une énorme avancée aura été accomplie. Si, en revanche, ce plan est détourné pour ne servir qu'à des actions d'entraînement à court terme, des réserves inquiètes risquent de s'exprimer.

BIBLIOGRAPHIE

AJURIAGUERRA ]., AUZIAS M., BERGES ]., L'HERITEAU D., STAMBAK M., « Les dys-praxies chez l'enfant », La Psychiatrie de l'Enfant, VII, fasc. 2,1964, pp: 381-496.

PRENERON C, MELJAC C. et NETCHINE S., Des enfants hors du lire, 1994, Paris, Bayard Païdos /INSERM/CTNERHI.

MELJAC C, KUGLER M. et J-L MOCENET, Genèse et fabrique des difficultés en lecture : chronique d'un échec annoncé, Rapport de recherche remis à la FEN, 1999. Plans de recherche et plans d'action quels rapports ? 75

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COLLABORATIONS PROFESSIONNELLES

1- Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté page 94

2- Missions des médecins de l’Education Nationale

page 96

3- Missions du médecin de P.M.I. page 97

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1- RESEAUX D’AIDES SPECIALISEES AUX ELEVES EN DIFFICULTE

« Le réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) constitue un dispositif –

ressource complémentaire pour accroître les possibilités des équipes pédagogiques de mettre en œuvre une différenciation des réponses pédagogiques adaptée à la variété des besoins des élèves » (Circulaire 2002 – 113).

DOCUMENT DE REFERENCE

• Circulaire n° 2002-113 B.O. n° 19 du 09 mai 2002

« ADAPTATION ET INTEGRATION SCOLAIRES – Les dispositifs de l’adaptation et de l’intégration scolaires dans le 1er degré »

• Dossier départemental RASED

(site internet I.A.24 –AIS http://www2.ac-bordeaux.fr/ia24/accueil.htm)

Deux missions pour les personnels des RASED

Le dispositif d’aides spécialisées contribue à assurer, avec les équipes pédagogiques, d’une part, la prévention des difficultés préjudiciables à la progression dans le cursus scolaire ou à une bonne insertion dans la vie collective et, d’autre part, la remédiation quand des difficultés s’avèrent durables et se traduisent par des écarts d’acquisition nets avec les acquisitions attendues ou par un défaut durable d’adaptation à l’école et à son fonctionnement particulier.

La collaboration enseignants - RASED a pour objectif de mieux interpréter les faits, de mieux différencier et ajuster les actions pédagogiques et éducatives afin d’éviter que des difficultés parfois mineures ne s’accentuent et deviennent durables.

En dehors des cas où elle s’impose d’emblée comme une évidence, l’aide spécialisée intervient lorsque les réponses pédagogiques (classe, cycle) sont jugées non efficientes

Dans le domaine du langage et à l’école maternelle tout particulièrement , le RASED participe à la compensation des inégalités ; il contribue à la mobilisation collective autour des difficultés de l’enfant et au refus de tout fatalisme.

Il met en œuvre des situations qui favorisent l’accès à un langage de représentation, véhicule de l’imaginaire, vecteur des apprentissages.

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LE MAITRE « E »

Les actions d’aide spécialisées à dominante pédagogique

Les maîtres « E » sont des enseignants spécialisés, responsables de l’Aide Spécialisée à Dominante Pédagogique. Ils exercent au sein des écoles maternelles et élémentaires, majoritairement dans une même école. L’A.S.D.P. est une démarche pédagogique éclairée par l’approche psychologique. Elle peut inclure les actions de prévention dès le cycle 1. Les A.S.D.P. peuvent être organisées : - en classe d’adaptation

- en regroupement d’adaptation.

Elles s’adressent : - aux élèves qui ont des difficultés à apprendre et à comprendre mais ont l’investissement du

savoir présent et actif ou réactivable. - Aux élèves qui ont une représentation erronée ou insuffisante de la tâche scolaire, des

apprentissages et du « métier d’élève ».

LE MAITRE « G »

Les actions d’aides spécialisées à dominante rééducative

Les rééducateurs sont des enseignants spécialisés exerçant principalement dans les RASED au sein d’écoles maternelles et élémentaires, mais aussi dans les CMPP et les établissements spécialisés. Ils sont chargés des actions d’aide à dominante rééducative et d’actions de prévention.

Ces aides sont en particulier indiquées quand il faut faire évoluer les rapports de l’enfant à l’exigence scolaire, restaurer l’investissement scolaire ou aider à son instauration.

Du fait des conditions sociales et culturelles de leur vie ou du fait de leur histoire particulière, certains élèves ne peuvent en effet satisfaire aux exigences scolaires ou ne s’en croient pas capables, ou ne peuvent se mobiliser pour faire face aux attentes (du maître, de la famille, etc…).

Les difficultés peuvent également s’exprimer par des conduites d’immaturité, d’instabilité, d’inhibition, par des problèmes de communication.

LE PSYCHOLOGUE SCOLAIRE

Le psychologue scolaire accompagne les enfants dans leur développement, de la maternelle à leur entrée au collège. Il agit au sein d’une équipe éducative, sur un secteur scolaire.

Il observe directement la vie scolaire, les difficultés passagères des enfants, les causes d’échec…

Il analyse le comportement des enfants, et favorise les conditions de leur développement optimum.

Il favorise la réussite en recherchant avec les directeurs d’écoles, rééducateurs, assistantes sociales, médecins scolaires, psychothérapeutes, intervenants des centres de soins et plus spécialement les enseignants, des solutions répondant aux besoins spécifiques de chaque enfant.

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2- MISSIONS DES MEDECINS DE L’EDUCATION NATIONALE

dans le cadre du plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage

Conformément à la circulaire n° 2001-13 du 12/01/01, les médecins ont pour rôle :

- de veiller au bien être des élèves, - de contribuer à leur réussite, - spécifique de repérage, de diagnostic, d’évaluation des situations pathologiques aussi bien

d’ordre somatique, que psychique et d’orientation vers les structures de prise en charge adaptées.

Plus spécifiquement dans le cadre du plan d’action pour les enfants atteints d’un trouble spécifique du langage, les médecins contribuent à la détection précoce des difficultés lors de la visite médicale obligatoire entre 5 et 6 ans.

Ce bilan de santé de la 6ème année permet d’apprécier l’état de santé globale de l’enfant ainsi que les compétences langagières. Il vise à dépister les difficultés susceptibles d’entraver la scolarité de l’élève. Il s’effectue en GS de maternelle ou en CP, en présence des parents et en exploitant le bilan médical effectué par la PMI. Il comporte : * une évaluation des conditions de vie,

* un examen sensoriel : vision, audition, * les mensurations : poids, taille, * un examen somatique, * un examen psychomoteur :

- motricité globale et fine, - orientation temporo spatiale, - la latéralité, - le schéma corporel, - expression orale : compréhension , articulation, parole,

* le comportement de l’enfant pendant l’examen, à l’école, à la maison. Pour chaque élève repéré dans le cadre d’une concertation préalable entre les partenaires, un

dépistage spécifique des troubles du langage sera réalisé. Actuellement, dans le service, un outil est utilisé : la B.R.E.V. (Batterie Rapide d’Evaluation des fonctions cognitives).

La B.R.E.V. explore : - le langage oral dans les versants expressif et réceptif, - les fonctions non verbales, - l’attention et la mémoire, - les principaux apprentissages scolaires.

Elle constitue pour les professionnel de santé un outil clinique étalonné qui permet aussi bien de dépister un trouble spécifique ou non du développement cognitif que d’apprécier les conséquences cognitives d’une pathologie neurologique.

D’autres outils sont disponibles : - ERTL 6 - BSEDS : Bilan de Santé Evaluation du Développement pour la Scolarité 5 à 6 ans.

Ce bilan permet aux médecins de l’Education nationale de : - poser un diagnostic médical, - prescrire les aides adéquates,

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- assurer le suivi, - conseiller les équipes éducatives.

3- MISSIONS DU MEDECIN DE PMI

Le médecin de PMI a pour objectif de :

- dépister les handicaps et participer au projet d’intégration des enfants handicapés dans les écoles maternelles,

- mettre en place avec les personnels paramédicaux ( puéricultrices, orthoptistes) les bilans

de santé en école maternelle et s’assurer des suites réservées aux situations détectées.

En Dordogne, ces bilans médicaux sont effectués lors de la scolarisation en MS de maternelle. Ces examens réalisés en présence des parents comportent :

- un interrogatoire relevant les antécédents de l’enfant, son mode de vie… - un examen clinique : biométrie, examen somatique, dépistage sensoriel,

- un examen psychomoteur avec une épreuve de repérage de trouble du langage. Le test

actuellement utilisé ERTL 4 n’est pas un outil de diagnostic.

- une appréciation du comportement de l’enfant (classe, maison, consultation) Ces bilans permettent :

- de proposer des prises en charge adaptées, - de participer aux équipes éducatives du cycle I,

- d’assurer la liaison avec le médecin de l’Education nationale pour le bilan de la 6ème année.

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BIBLIOGRAPHIE

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BIBLIOGRAPHIE

1 - Liste très complète proposée par le ministère de l’Education Nationale sur le site http://www.banqoutils.education.gouv.fr/ 2 - SELECTION : FLORIN, A., (1999) Le développement du langage Paris : DUNOD, les Topos CHARMEUX, E., (1997) Apprendre la parole Paris : Sedrap éducation LENTIN, L., (1994) Apprendre à parler à l’enfant de moins de six ans (Tomes 1 et 2) Paris : E.S.F. 11ème édition BRUNER, J., (1987) Comment les enfants apprennent à parler Paris : RETZ Pédagogie CDROM AGEM Le langage à l’école maternelle Collection école maternelle : les outils de l’AGEM HABIB, M. (1997) Dyslexie : le cerveau singulier Marseille : Solal GILLET, P., HOMMET C., Neuropsychologie de l’enfant : une introduction Solal BILLARD C., LUSSIER, F., FLESSAS, J. Neuropsychologie de l’enfant Paris : DUNOD XXIIème Colloque du SNAMSPEN : parler, lire, écrire, compter « quel défi pour l’enfant » Réadaptation, n° 486 Dyslexie et dysphasie de janvier 2002 Psychologie et éducation, n° 47, décembre 2001 Document vidéo : « le cerveau impensable » Fondation IPSEN