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Canadian Journal of Learning and Technology / La revue canadienne de l’apprentissage et de la
technologie, V33(2) Spring / printemps, 2007
Canadian Journal of Learning and Technology
Volume 33(2) Spring / printemps 2007
Un nouveau regard sur les profils des enseignants à l’égard de l’intégration des TIC
Martine Leclerc
Auteur
Martine Leclerc Ph.D., Professeure, Université du Québec en Outaouais, Gatineau, QC. Adresse courriel :
Résumé: Cette étude de cas trace le profil des enseignants d’une école élémentaire francophone de l’Ontario à
partir de trois modèles : les représentations des enseignants face à leurs compétences avec les TIC (Desjardins,
2005), les catégories d’adoptants à partir des traits de personnalité (Rogers, 1995) ainsi que l’évolution des
préoccupations et de l’utilisation de l’innovation (Hall & Hord, 1987). Elle met en évidence six
regroupements : les initiateurs, les collaborateurs, les observateurs, les apprentis, les hésitants et les
réfractaires. Ces profils constituent un moyen pour mieux comprendre les enseignants face au changement
qu’ils vivent en regard de l’intégration des TIC et ainsi permettre aux décideurs de mieux intervenir.
Abstract: (A new perspective on teacher profiles with regards to their integration of ICTs) This case study
highlights the profiles of teachers in a francophone elementary school of Ontario using three models: the
representations of the teachers’ competencies in regards to ICT’s (Desjardins, 2005), the categories of adopters
based on personality traits (Rogers, 1995) as well as the evolution of preoccupations and use of innovation
(Hall & Hord, 1987). This study focuses on six profiles: the initiators, the collaborators, the observers, the
apprentices, the hesitant and the refractory. These profiles constitute a way of better understanding teachers’
adjustment as a result of the changes they are currently facing regarding the integration of ICT’s and thus
allows school administrators to better intervene.
Introduction
Même si les discours sociétaux et politiques prêchent en faveur de l’intégration des TIC à l’école, plusieurs
enseignants ne les exploitent encore que très peu à des fins d’apprentissage (Larose, Grenon, Pearson, Morin &
Lenoir, 2004). L’intégration des TIC peut donc être vue sous l’angle d’une innovation dont l’implantation reste
à faire (Adamczewski, 1996). En s’inspirant de la grille d’inventaire des compétences pour l’usage des TIC
(Desjardins, 2005) jumelée à la typologie de Rogers (1995) et au modèle de Hall et Hord (1987), la présente
étude fait ressortir six profils d’enseignants : les initiateurs, les collaborateurs, les observateurs, les apprentis,
les hésitants et les réfractaires. Ces profils constituent un moyen pour mieux comprendre les enseignants face
au changement qu’ils vivent en regard de l’intégration des TIC et ainsi permettre aux décideurs de mieux
intervenir.
Quelques modèles permettant de situer les enseignants à
l’égard des TIC
Plusieurs recherches examinent l’appropriation technologies selon un processus évolutif. Deux regroupements
sont ici présentés, soit les principales recherches qui montrent l’intégration des TIC sous l’angle de
l’implantation d’une innovation et celles qui font ressortir différents stades d’appropriation selon un processus
évolutif.
A. Sous l’angle de l’implantation d’une innovation
La tentative de compréhension de l’innovation que constituent les applications pédagogiques de l’informatique
ne date pas d’hier. Déjà, en 1987, Chomienne voyait des possibilités d’innover en intégrant l’informatique. Sa
recherche avait pour but d’étudier le processus relié à l’enracinement des applications pédagogiques de
l’ordinateur, qu’elle définit comme l’intégration de la micro-informatique à l’école ou, plus spécifiquement, la
façon dont l’enseignant utilise l’ordinateur dans sa tâche scolaire. Le principal apport de cette étude a été de
permettre l’élaboration d’un modèle descriptif sur l’enracinement des applications pédagogiques de
l’ordinateur à partir du modèle de la carte des niveaux d’utilisation d’une innovation (Hall, Loucks &
Rutherford, 1975). Plus récemment, la recherche de Lefebvre, Deaudelin, Lafortune et Loiselle (2003) classe
les pratiques d’utilisation des enseignants selon les stades du modèle de Hall et Hord (1987), appelé CBAM
1
, qui constitue une version plus récente du modèle de Hall et al. (1975). Ces deux recherches sont importantes
en permettant de situer chaque enseignant par rapport à l’utilisation des TIC mais elles ne présentent des
exemples que pour certains stades des recherches de Hall et al. (1975) et de Hall et Hord (1987), puisque dans
les deux cas, l’échantillon n’a pu couvrir tous les stades. On peut dès lors s’interroger sur les discours des
enseignants qui pourraient se trouver dans les autres stades.
B. Sous l’angle d’une progression dans le temps
D’autres études décrivent l’appropriation des TIC en précisant la progression des enseignants à travers les
étapes successives : le programme Apple Classroom of Tomorrow (ACOT) de Sandholtz, Ringstaff et Owyer
(1997), le « LoTi » de Moersch (1995), le modèle de Sherry (2000) ainsi que celui de Daele, Houart et Charlier
(2000). Les deux premières sont davantage centrées sur l’enseignant et sur ses pratiques en salle de classe,
tandis que les deux autres cherchent à mettre en évidence les moyens de perfectionnement et
d’accompagnement des enseignants selon les stades où ils sont rendus.En somme, ces études ont ouvert la voie
à la possibilité de situer l’enseignant dans un processus de développement graduel au fur et à mesure qu’il
s’approprie les TIC. Toutefois, il convient de chercher un modèle qui situerait les enseignants selon non
seulement leurs caractéristiques face à l’innovation mais qui tiendrait compte de leurs représentations face à
leur propre compétence. Le but de notre étude est donc de préciser un tel profil des enseignants.
Méthodologie
Pour explorer les profils des enseignants face à l’intégration des TIC, il nous fallait cibler une école où ceux-ci
vivaient un tel changement. Afin de délimiter l’école cible, nous avons consulté le programme RESCOL2. Ce
programme souligne les efforts des écoles qui intègrent les TIC pour améliorer l’apprentissage des élèves en
leur offrant une reconnaissance explicite. Ceci a permis de trouver une école élémentaire francophone de
l’Ontario où l’intégration des TIC est bien implantée puisqu’elle avait reçu la reconnaissance d’être
innovatrice3 en matière d’intégration des TIC.
Au moment du choix de l’école comme terrain d’enquête, celle-ci comptait environ 450 élèves allant de la
maternelle à la huitième année. Quinze participants se sont portés volontaires, soit treize enseignants, la
coordonnatrice en informatique qui occupe également un poste de titulaire en huitième année ainsi que la
directrice de l’école. Ceux-ci, oeuvrant du préscolaire à la huitième année, couvraient différents âges, soit de 29
à plus de 50 ans et démontraient une grande variété d’expérience dans l’enseignement. Deux instruments
principaux ont été utilisés pour la collecte de données : le profil de compétence de Desjardins (2005) et
l’entrevue semi-dirigée
A. L’inventaire des compétences en matière de l’usage des TIC de Desjardins
(2005)
Cette grille comprend 60 énoncés où l’on demande à l’individu d’indiquer son degré d’accord ou de désaccord
vis-à-vis chacune des propositions. Elle se divise en deux parties: l’une s’intéresse aux représentations des
compétences face aux TIC et l’autre constitue une échelle d’attitude. Quatre regroupements d’indicateurs
permettent de tracer le profil selon quatre ordres de compétence : 1) l’ordre technique, soit l’apprentissage des
opérations de base en informatique comme le fonctionnement de l’ordinateur et des logiciels; 2) l’ordre
informationnel, soit ce qui se rapporte à la capacité de rechercher l’information spécifique de façon variée à
l’aide d’un moteur de recherche sur le Web; 3) l’ordre social, qui combine l’usage des outils de communication
synchrone et asynchrone, pour interagir avec d’autres individus de façon éthique, sécuritaire et profitable; et 4)
l’ordre épistémologique rattaché à la capacité d’utiliser les ordinateurs pour résoudre des problèmes, évaluer
des idées ou dresser des analogies.
La deuxième partie du questionnaire formée de 40 énoncés constitue une échelle d’attitude et comprend quatre
facteurs : 1) l’affectif, soit la sérénité ou, au contraire, l’anxiété ou la peur reliée à l’utilisation des
technologies; 2) le confort, soit le degré de sentiment de confiance face aux TIC; 3) le plaisir qui est associé au
contentement ou à l’amusement lors de leur utilisation; et 4) l’utilité de l’emploi des TIC pour résoudre des
problèmes de la vie courante ou à son utilisation à des fins professionnelles. En plus de questionnaire, la
chercheure a utilisé l’entrevue semi-dirigée comme instrument principal.
B. L’entrevue semi-dirigée
L’entrevue semi-dirigée était d’une durée d’environ une heure et suivait un schéma précisant les thèmes à
explorer et prévoyait certaines questions. Ce schéma d’entrevue était structuré selon le modèle de Seidman
(1998). Celui-ci comprend trois parties essentielles. La première partie est consacrée à établir le contexte de
l’expérience du participant, ce que nous avons fait à l’aide de la première question. Celle-ci, tel que suggéré par
Seidman, incite le participant à parler le plus possible de son expérience vécue depuis les toutes premières
tentatives d’intégration des TIC jusqu’à ce jour. La deuxième partie du questionnaire permet de reconstruire les
détails de l’expérience du participant avec les TIC; elle est constituée des questions de dix questions amenant
les participants à élaborer par exemple sur les activités concrètes d’intégration des TIC, les rôles qu’ils ont
joués, les changements qu’ils ont vécus. Selon Seidman, c’est à partir de ces détails remis en contexte que la
chercheure pourra reconstituer l’opinion de celui-ci face à l’expérience vécue. Enfin, l’entrevue se termine par
une question principale se rapportant à la réflexion du participant sur la signification de son expérience, de
façon à lui permettre d’exprimer le sens qu’il lui donne ou de connaître l’avenir qu’il entrevoit sur le sujet.
Cette dernière question permet d’établir des connexions intellectuelles et émotionnelles qui informent sur la
consistance des propos du répondant. La chercheure peut ainsi constater s’il y a cohérence dans les propos et en
valider les interprétations.
Un profil d’intégration des TIC défini à l’aide de trois outils
La grille d’inventaire des compétences pour l’usage des technologies de l’information et de la communication
en éducation (Desjardins, 2005) permet de préciser les représentations des enseignants face à leur propres
compétences avec les TIC. Toutefois, pour répondre au besoin de situer les enseignants face à l’innovation, la
typologie des adoptants de Rogers (1995) est tout indiquée puisqu’elle nous invite à classer chacun de ces
derniers dans une catégorie à partir des traits de leur personnalité. Pour encore mieux étayer les profils, le
modèle de Hall et Hord (1987) permet de situer les préoccupations des enseignants concernant l’intégration des
TIC et de préciser l’utilisation pédagogique qu’ils en font. Aussi, à partir de ces trois modèles, peut-on arriver à
dresser un profil plus global et plus complet de chaque enseignant, tel qu’illustré à la figure 1.
Figure 1. Profil général
A. Les représentations des compétences en matière d’usage des TIC (Desjardins, 2005)
La figure 2 présente le score obtenu dans chaque ordre de compétence pour chaque enseignant de notre étude;
il permet de constater que les enseignants ont une représentation très variée de leurs compétences. En effet,
pour chaque ordre de compétences, les sujets ont des scores passant de très hauts (23, 24 ou 25 points) à très
bas (5 ou 6 points), le score maximum pour un ordre de compétences étant de 25 et le score minimum étant de
5 points. Soulignons l’exclusion de la répondante S10, qui est la directrice de l’école, pour dresser un portrait
plus réaliste des enseignants. Figure
2. Scores obtenus dans chaque ordre de compétences pour chaque enseignant
Figure 3. Regroupement des
profils de compétences
B. Les catégories d’adoptants à partir des traits de personnalité
La typologie d’adoptants de Rogers (1995) permet de situer chaque enseignant en fonction de l’adoption de
l’innovation en question, qui est, dans notre cas, l’intégration des TIC, et de mettre en évidence le degré de
résistance au changement. Pour associer individuellement les enseignants à une catégorie d’adoptants, nous
avons relu de façon transversale tout le verbatim et déterminé où se situait chaque enseignant en fonction de
l’adoption ou du rejet de l’intégration des TIC. Ceux dont les propos montraient qu’ils avaient adopté
l’innovation ont été associé à l’une des catégories suivantes : innovateurs, adoptants précoces ou majorité
précoce. Les autres, exprimant leur désaccord ou leur peu de conviction, ont été classés dans les deux autres
catégories : majorité tardive ou réfractaires. Le tableau 1 illustre le classement des énoncés à l’une des
catégories. Tableau 1. Exemples d’énoncés illustrant les caractéristiques du modèle de Rogers (1995)
C. L’évolution des préoccupations et de l’utilisation de l’innovation
À l’aide des propos tenus par les répondants, nous pouvons identifier à quel niveau chacun se situe dans le
modèle de Hall et Hord (1987)
4
. Pour ce faire, il a fallu, suite à la lecture du verbatim, identifier chaque énoncé se rapportant aux
préoccupations des enseignants face aux TIC ou à leur utilisation. Nous avons ensuite jumelé chaque énoncé
répertorié avec le niveau de préoccupation ou d’utilisation qui semblait le plus approprié comme l’illustre le
tableau 2.
Tableau 2. Exemples d’énoncés démontrant les préoccupations et la maîtrise de l’innovation des enseignants de
l’étude selon le modèle de Hall et Hord (1987)
Les profils des enseignants de l’étude face à l’intégration des TIC
Pour mieux comprendre où se situe chaque enseignant de notre étude dans l’intégration des TIC, nous
présentons un regroupement qui tient compte du portrait général de chacun au regard des trois modèles cités
plus haut (Desjardins, 2005; Hall et Hord, 1987; Rogers, 1995) tel qu’illustré au tableau 3.
Tableau 3.
Sommaire du profil des enseignants par catégorie
A. Les initiateurs
Les
initiateurs
se représentent leurs compétences de manière très positive dans l’utilisation des TIC. À l’affût de toute idée nouvelle, ils savent utiliser celles-ci en expérimentant des projets complexes, repoussant constamment les
limites de leurs connaissances, innovant non seulement au niveau de l’école mais du système scolaire. Ilsexercent un pouvoir d’influence sur leurs collègues en exposant ces derniers à de nouvelles idées de projets eten parlant ouvertement des approches favorisées (pédagogie du projet, approche par problèmes, intégration desmatières, approche coopérative) ainsi que de leur croyance ferme en l’apport pédagogique des TIC. Plus àl’aise que les autres dans l’ordre de compétences technologique, ils n’hésitent pas à leur faire profiter de leurexpertise. Les initiateurs s’apparentent à ce que Sherry (2000) nomme les
leaders
en ce sens qu’ils analysent leur pratique et exportent leur expertise. Ce sont des autodidactes qui investissent
beaucoup de temps pour développer leurs compétences et sont également de grands passionnés des TIC,
émerveillés par le potentiel de ces dernières. Pour répondre à leurs préoccupations, il convient de les amener à
découvrir de nouvelles façons de faire avec les TIC en participant à des colloques nationaux et internationaux
(Hall & Hord, 1987).
B. Les collaborateurs
Les collaborateurs ont une représentation positive de leurs compétences dans tous les ordres de compétences du
questionnaire de Desjardins (2005). Ils mettent en valeur les idées qui leur semblent significatives par rapport à
l’utilisation des TIC, ces idées étant en grande partie générées par les initiateurs. Les collaborateurs sont
capables de traiter l’incertitude découlant de l’usage des TIC en faisant face à différents problèmes de façon
positive et en recherchant constamment les défis. Très portés vers la collaboration, tant entre les élèves qu’entre
les enseignants eux-mêmes, ils influencent leurs collègues en faisant la promotion du potentiel des TIC dans la
salle de classe et en accordant à leurs pairs un solide appui dans l’élaboration de leurs projets et dans la solution
de problèmes d’ordre technique. L’intégration des TIC est pour eux chose courante, comme en fait foi la
réalisation simultanée de plusieurs projets. Les initiateurs se rapprochent de ce que Sherry (2000) appelle les
enseignants affirmés, par la grande conscience qu’ils possèdent des travaux réalisables avec les TIC et leur rôle
de diffuseur d’une telle innovation en publicisant des pratiques exemplaires d’intégration des TIC. Selon ces
participants, la direction doit mettre en place les structures pour répondre aux besoins de ceux qui démontrent,
tels les collaborateurs, des préoccupations orientées vers la collaboration car si elle n’encourage ou ne favorise
pas, sous une forme ou une autre, la collaboration entre les enseignants, ceux-ci seront plus portés à travailler
individuellement (Hall & Hord, 1987). Mentionnons également que les collaborateurs, tout comme les
initiateurs, considèrent les TIC comme un objet essentiel dans le rapport au savoir, tel que le conçoit Rinaudo
(2002).
C. Les observateurs
Les
observateurs
offrent comme les initiateurs et les collaborateurs des représentations positives dans tous les ordres de compétences de l’utilisation des TIC. Toutefois, leurs représentations des compétences techniques, contrairement aux deux autres groupes, arrivent au dernier rang, suggérant que la technologie les limite dans l’utilisation des TIC en salle de classe. Les observateurs profitent d’ailleurs de l’expertise technique des initiateurs et des collaborateurs.
Ils sont davantage à l’aise avec les ordres de compétences informationnel et social. Ilsemploient en salle de classe les TIC de façon régulière et peuvent adapter ces outils à leursbesoins pédagogiques pour favoriser l’apprentissage de l’élève. Ils accordent une grandeimportance à la collaboration des élèves au sein de la classe et jouent le rôle de guide auprèsde ces derniers. Tout comme dans le programme ACOT (Sandholz et al., 1997), lesenseignants de ce groupe soutiennent qu’intégrer les TIC a modifié non seulement leurpropre rôle mais également celui de l’élève : les modes d’interactions sont transformés demême que les produits d’apprentissage. Puisque les observateurs privilégient lesconséquences des TIC sur les apprentissages, ils bénéficient surtout d’ateliers portant surles stratégies pédagogiques favorisant les TIC (Sherry, 2000). Si des mesures ne sont pasprises pour mettre en évidence l’impact de l’innovation sur les élèves et si les observateursne sont pas encouragés en ce sens, il devient difficile pour les enseignants de maintenireux-mêmes les préoccupations de ce niveau (Hall & Hord, 1987).
D. Les apprentis
Les apprentis ont des représentations mixtes à l’égard des TIC. Ils se jugent de façon positive dans certains
ordres de compétences tandis que dans d’autres, ils ont une représentation négative. Ils ont hésité plus
longtemps que les enseignants de la catégorie précédente à faire usage des TIC dans leur classe. Ils sont
principalement influencés par les innovateurs et par les collaborateurs qui diffusent leurs projets, les invitent à
collaborer en leur offrant de l’appui pour rendre à terme leurs idées d’intégration des TIC. Ils sont plus craintifs
que les observateurs et moins ambitieux. Ils en sont à leurs premières véritables tentatives de projets
d’intégration des TIC et emploient souvent les logiciels exerciseurs. Ils font un usage irrégulier de ces
technologies dans leur classe, celles-ci n’étant pas encore ancrées dans leur pratique pédagogique, constituant
souvent des exercices supplémentaires aux leçons. Ils font preuve d’une ouverture d’esprit face aux
changements occasionnés par les TIC mais considèrent que celles-ci leur créent une surcharge de travail. Ils ne
sont pas naturellement portés à les utiliser et sont principalement centrés sur le programme à couvrir. Ils
déploient beaucoup d’énergie à résoudre quotidiennement des problèmes techniques, principalement de gestion
de temps et d’horaire. On peut croire que les TIC les ramèneraient tout comme le soutiennent Sandholz et al.
(1997) à une époque où, débutants, ils étaient déroutés par des questions comme la gestion de classe, la
discipline, la définition des rôles et la préparation des leçons. Les apprentis ne profitent pas nécessairement de
longues journées de formation mais plutôt de l’appui rapide et ponctuel en fonction de leurs préoccupations;
celles-ci évoluent constamment avec les problèmes de gestion qui subviennent. Par conséquent, ils profiteraient
de l’accessibilité aux conseils d’un expert maison leur fournissant des conseils dans l’emploi de l’innovation
(Hall & Hord, 1987). Comme l’avait souligné Sherry (2000), pour ce genre d’enseignants centrés sur des
problèmes de gestion, l’appui technique et le soutien des pairs sont critiques.
E. Les hésitants
Les hésitants ont une représentation négative dans tous les ordres de
compétences de l’utilisation des TIC. Ils acceptent les TIC en salle de classe
davantage à cause des pressions qui sont exercées que par conviction. Ils
démontrent une certaine curiosité face aux TIC, voient peu d’avantages à les
utiliser, les emploient rarement et ne sont pas convaincus que ce changement
est réellement positif pour les élèves. Les hésitants avouent un certain
conformisme, se tournant vers le passé. Leur faible compétence technique
semble être une barrière à l’évolution des autres compétences liées à
l’utilisation des TIC. On peut croire qu’à ce stade, il serait davantage bénéfique
de profiter de l’aide d’un pair plus expérimenté que de suivre un atelier (Sherry,
2000).
F. Les réfractaires
Les réfractaires ont, eux aussi, une représentation très négative dans tous les ordres de compétences en TIC et
ne font aucune tentative pour combler leur lacune en ce sens. Ils ont une personnalité autoritaire et dogmatique
étant, encore plus que les hésitants, tournés vers les traditions du passé. Ils résistent farouchement à
l’intégration des TIC qu’ils perçoivent comme étant sérieusement dommageables pour l’élève. Ils restent
insensibles à la pression du groupe, considérant les collègues mal renseignés face aux conséquences néfastes
des TIC. Ils refusent le changement, ne voyant aucun avantage relié à l’expérience pédagogique des TIC et
jugeant celles-ci en quelque sorte comme un fardeau inutile pour l’enseignant. Les enseignants réfractaires
voient d’un œil très négatif les TIC au point de les concevoir comme une drogue (Rinaudo, 2002).
Conclusion
L’école est souvent partagée entre ceux qui vont de l’avant, qui manifestent une foi totale envers les TIC et qui
en tirent de grands bénéfices. D’autres y adhèrent avec réserve, tout au plus par nécessité, se sentant obligés,
tiraillés entre leurs valeurs personnelles et les pressions sociales environnantes. Entre ces deux pôles, il a
plusieurs nuances. Le modèle présenté, issu des trois modèles de Desjardins (2005), Rogers (1995) et Hall et
Hord (1987), permet de décrire les profils des enseignants, constitués d’
initiateurs
, de
collaborateurs
, d’
observateurs
, d’
apprentis
, d’
hésitants
et de
réfractaires
. Il ne fait aucun doute qu’une direction qui situe chaque membre de l’équipe-école à l’aide d’un tel modèle est
davantage en mesure de respecter le rythme de chacun face à l’intégration des TIC et de trouver les moyens
facilitant l’adoption d’une telle innovation. Ainsi, les directions d’école, dans un souci de différenciation de
leur intervention, pourraient mettre à profit leurs connaissances des profils des enseignants afin de cibler les
actions permettant de les appuyer dans leur démarche d’appropriation des TIC.
Il va de soi que cette classification n’est valide que pour la présente recherche car elle est étroitement reliée au
contexte particulier de l’étude. En effet, celle-ci présente une limite indéniable du fait que ces profils ne
découlent que des participants d’une seule école. Par conséquent, d’autres recherches pourraient permettre
l’expérimentation dans d’autres situations pour vérifier jusqu’à quel point les regroupements et les
particularités énumérés s’y retrouvent. Il serait aussi profitable de reprendre la description des profils que nous
avons développée et de raffiner notre modèle pour qu’ils conviennent à de nouveaux contextes. Ces profils
pourraient être mis à profit pour mieux comprendre par exemple, pourquoi certaines écoles progressent plus
facilement dans l’appropriation des TIC alors que d’autres se montrent incapables d’une telle progression. À
cet égard, et sachant le rôle fondamental joué par la formation initiale, ces mêmes profils pourraient être
utilisés au début et à la fin du cursus des étudiants pour suivre leur progression.
Références
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Quels savoirs? Quelle pédagogie? (pp. 59–81). Saint–Nicolas (Québec) : Les Presses de l’Université Laval.
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octobre 2002. Adresse URL : http://carbon.cudenver.edu/~lsherry/pubs/THEadopt.htm
1
CBAM : Concerns-Baded Adoption Model est largement utilisé dans l’implantation d’une innovation que nous
décrirons plus loin. Ce modèle prend en considération le point de vue de l’enseignant et ses préoccupations
face aux processus de changement.
2 Le programme RESCOL d'Industrie Canada est le fruit d'une collaboration entre les gouvernements, les
organismes sans but lucratif et le secteur privé et fait la promotion de l'utilisation des technologies de
l'information et des communications dans le contexte de l'apprentissage.
3 Sur le site web de RESCOL, on y indique que les écoles innovatrices sont prêtes à relever les défis que pose
l’intégration des TIC dans le programme d’études et à saisir les possibilités qui découlent du partage des
pratiques innovatrices de l’utilisation des TIC dans la salle de classe. Adresse URL:
http://www.schoolnet.ca/nis-rei/f/apropos.asp
4 Nous avons respecté le même ordre que Hall et Hord (1987) pour la description des niveaux. Ceux-ci vont du
niveau le plus bas (éveil) au niveau le plus élevé (synthèse) contrairement aux modèles de Rogers (1995) et
Desjardins (2005), que nous avons décrits du niveau le plus élevé au niveau le plus bas.
5 Les lettres indiquent le profil des enseignants. Par exemple I-S-T-E signifie que les compétences se
rapportant à l’ordre informationnel se révèlent les plus fortes et celles se rapportant à l’ordre épistémologique,
les plus faibles. Dans le cas du profil T-I-S-E, les scores pour les compétences des ordres technique et
informationnel se sont avérés égaux, ce qui signifie que le répondant se représente comme ayant autant de
compétences dans l’ordre technique que dans l’ordre informationnel.
© Canadian Journal of Learning and Technology
ISSN: 1499-6685