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RAPPORT SUR LE COMMERCE MONDIAL 2010 72 Cette section examine les principaux aspects du commerce des ressources naturelles du point de vue théorique. Le commerce est-il un mécanisme efficace pour assurer l’accès aux ressources naturelles ? Quel est son impact sur des ressources finies ou épuisables, notamment dans des conditions de « libre accès » lorsque la propriété d’une ressource naturelle, et l’accès à cette ressource, sont communs ? Y a-t-il une relation entre le commerce et son impact sur l’environnement ? Est-ce que le commerce renforce ou atténue les problèmes liés à la prépondérance des ressources naturelles dans certaines économies ? Et comment influe-t-il sur la volatilité des prix des ressources ? L’examen de ces grandes questions s’appuie sur la littérature théorique consacrée à l’analyse des déterminants et des effets du commerce des ressources naturelles. C. Théorie du commerce international et ressources naturelles

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Cette section examine les principaux aspects du commerce des ressources naturelles du point de vue théorique. Le commerce est-il un mécanisme efficace pour assurer l’accès aux ressources naturelles ? Quel est son impact sur des ressources finies ou épuisables, notamment dans des conditions de « libre accès » lorsque la propriété d’une ressource naturelle, et l’accès à cette ressource, sont communs ? Y a-t-il une relation entre le commerce et son impact sur l’environnement ? Est-ce que le commerce renforce ou atténue les problèmes liés à la prépondérance des ressources naturelles dans certaines économies ? Et comment influe-t-il sur la volatilité des prix des ressources ? L’examen de ces grandes questions s’appuie sur la littérature théorique consacrée à l’analyse des déterminants et des effets du commerce des ressources naturelles.

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sommaire 1. Théorieducommerceinternationaletrépartitiondesressources 74

2. Théorieducommerceetcaractèreépuisabledesressources:leproblèmedesressourcesfinies 75

3. Théorieducommerceinternationaletcaractèreépuisabledesressources:leproblèmedulibreaccès 81

4. Lesressourcesnaturellesetleproblèmedesexternalitésenvironnementales 87

5. Lamalédictiondesressourcesnaturelles 91

6. Ressourcesnaturellesetvolatilitédesprix 97

7. Conclusions 107

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1. Théorieducommerceinternationaletrépartitiondesressources

Lesdifférencesdedotationenressourcesnaturellesentrelespaysetlarépartitiongéographiqueinégaledecesressourcessont deux éléments essentiels pour expliquer le commerceinternational.Lathéorieclassiqueducommercemetl’accentsurlefaitquelesdifférencesdedotationenfacteursincitentles pays à se spécialiser et à exporter certains biens etservicespourlesquelsilspossèdentunavantagecomparatif.Ce processus permet la répartition plus efficace desressources, qui contribue elle‑même à l’amélioration dubien‑être social mondial – ce sont les «gains tirés ducommerce».

Lesdifférencesdedotationenressourcesentrelespayssontun élément clé de la théorie classique du commerceinternationaldeHeckscher‑Ohlin.Seloncettethéorie,unpaysexportera le bien dont la production nécessite l’utilisationintensive du facteur qui est relativement abondant dans lepays (et donc bon marché) et importera le bien dont laproductionnécessite l’utilisation intensivedu facteurquiestrelativement rare (et donc cher). Cela englobe les cas danslesquels la ressource naturelle est directement exportée(après avoir subi une transformation minime) au lieu d’êtreutilisée comme intrant dans la productiond’unautreproduitvenduensuitesurlemarchéinternational.

Par conséquent, la dotation en ressources naturellesimmobiles et rares peut offrir un avantage comparatif quiinflue sur la structure du commerce international.Conformémentàcette théorie,Leamer (1984)constatequel’abondance relative de pétrole conduit à des exportationsnettes de pétrole brut et que l’abondance de charbon et de

minéraux conduit à des exportations nettes de matièrespremières. Trefler (1995) arrive à des résultats analoguespour lecommercedesbiensàforte intensitéderessources.Bien que l’essentiel du Rapport soit consacré au commercedesressourcesnaturelles,l’encadré4donneunexempledesgains statiques associés au commerce de biens quiincorporentuneressource(l’eau).

La théorie d’Heckscher‑Ohlin a été modifiée et élargie parl’introductiondefacteursautresqueladotationenressources,comme lescoûtsde transport, leséconomiesd’échelleet lapolitiquepublique1,quiinfluentaussisurl’avantagecomparatif.Parexemple, l’éloignementdesmarchésmondiauxpeutêtreun facteur décisif lorsque la ressource considérée estvolumineuse, comme le gaz naturel, et que les coûts detransport sont élevés. Les facteurs de productioncomplémentaires, comme la technologie, le capital et lamain‑d’œuvre qualifiée, sont également importants lorsquel’extraction de la ressource est difficile ou techniquementcomplexe.

Des variables comme l’éducation, l’infrastructure et lesinstitutions influent aussi sur la structure sectorielle ducommercedesressourcesnaturelles(LedermanetXu,2007).C’estseulementlorsquecesautresdéterminantsdel’avantagecomparatifsontprésentsqu’unpayspossédantuneressourceen abondance aura tendance à l’exporter vers les paysrelativementrichesencapitaletenmain‑d’œuvrequalifiéeetà importerenéchangedesbiensàforte intensitédecapital(Davis,2009).Enunmot,ladotationenressourcesnaturellespeutêtreuneconditionnécessairemaispassuffisantepourproduire et exporter des ressources ou des biens à forteintensitéderessources.

Encadré4: le commerce de l’eau virtuelle

Le commerce peut aider à résoudre les problèmes liés à la répartition géographique inégale d’une ressource naturellelorsquecesontlesproduitsincorporantcetteressourcequisontéchangés,etnonlaressourceelle‑même–commec’estlecaspourlecommercedel’«eauvirtuelle».

Laculturedeplantesvivrièresdanslesrégionsoùl’eauestabondanteetlaventedesproduitsauxrégionsquimanquentd’eaudoucepeutéconomiserl’eauetéviterdenouveauxinvestissementsdansdesbarrages,descanaux,dessystèmesdepurification,desusinesdedésalinisationetd’autres infrastructureshydrauliques.Lathéoriedel’avantagecomparatifdeRicardoaétéélargiepourexpliquerl’effetdeladisponibilitéd’eausurlecommerceinternational(Wichelns,2004).Cettethéoriedu«commercedel’eauvirtuelle»tendàmontrerquel’importationd’unproduitàforteintensitéd’eauestintéressantesilecoûtd’opportunitédelaproductiondeceproduitestcomparativementélevéenraisondumanqued’eaudouceoudelafaibleproductivitédel’eau.Demême,l’exportationdecesproduitsestintéressantelorsquelesréserveseneaudoucesontabondantesouquelaproductivitéestélevée.

Ils’ensuitquelespaysquiontpeud’eaudoucedevraientimporterdesproduitsnécessitantbeaucoupd’eauetexporterdesproduitsquinécessitentmoinsd’eau.Ilspeuventainsiéconomiserleureaudouceetl’utiliserpourproduiredesproduitsàforteintensitéd’eauoffrantunavantagemarginalplusélevé.Étantdonnéquel’agriculturereprésenteprèsde90pourcentdel’utilisationtotaled’eaudouce,lecommerceinternationaldesproduitsdebaseagricolespourraitcontribuergrandementàlasolutionduproblèmedelararetédel’eau.

Lesdonnéesempiriquesmontrentclairementquelecommercedesproduitsnécessitantbeaucoupd’eauéconomisel’eaudouce(Hoekstra,2010).D’aprèsuneétudetrèscomplètesurlaquestion,lecommercedesproduitsagricolespermetdéjàd’économiserchaqueannéequelque352milliardsdem3d’eau(Chapagainet al. ,2006).LetableauAmontreleséconomiesnettesd’eauréaliséesgrâceaucommercedel’eauvirtuelledanscertainspays.LeJapon,quiétaitleplusgrosimportateurnet de produits à forte intensité d’eau durant la période 1997‑2001, a pu économiser près de quatre fois et demie saconsommationd’eaugrâceaucommercedel’eauvirtuelle(Hoekstra,2010).

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2. Théorieducommerceetcaractèreépuisabledesressources:leproblèmedesressourcesfinies

Unecaractéristiqueessentielledesressourcesnaturellesnonrenouvelablesestqu’ellessontdisponiblesenquantitésfinies– et que leur extraction et leur consommation présentesaffectent irréversiblement les possibilités d’extraction et deconsommationdesgénérationsfutures.Lemodèleclassiqueducommercementionnéci‑dessusn’abordepasdirectementle problème du caractère épuisable des ressources et desarbitrages intertemporels qu’il implique. Pour comprendrecommentlecommerceinfluesurl’exploitationdesressourcesnaturellesnon renouvelables, il fautallerau‑delàdumodèleclassique d’Heckscher‑Ohlin et adopter une approchedynamiquequitientcomptedel’évolutiondansletempsdeladisponibilitéd’uneressourcefinie.

(a) L’extractionefficientedesressources:larègledeHotelling

Danssestravauxd’avant‑gardesurl’économiedesressourcesépuisables, Hotelling (1931) a élaboré un modèle prédisantl’évolutiondesprixetdusentierd’extractioncomptetenudesarbitrages intertemporels – ou du «coût d’opportunité del’épuisement».2Ilrépondaitainsiàdeuxquestionsessentielles:commentuneressourcedevrait‑elleêtreextraiteaucoursdutempspourmaximiserlebien‑êtredesgénérationsactuellesetfutures?Et laconcurrenceéconomiquepeut‑ellesoutenirleniveaud’extractioncorrespondantàl’optimumsocial?Bienque Hotelling ait utilisé un modèle d’économie fermée, sesrésultatsserventde référencepourcomprendrecomment lecommerce influesur les ressourcesnon renouvelablesdansuneéconomieouverte.

Pourrépondreàlapremièrequestion,examinonslecasd’unplanificateur social qui choisit un taux d’extraction d’uneressource permettant de maximiser le bien‑être desgénérationsactuelleset futures. Il comprendque,comme laquantitédelaressourcedisponibleestfixe,toutemodificationdu taux d’extraction au cours d’une période provoquera uneffet inverse dans une période ultérieure, avec desconséquences négatives pour le bien‑être des générationsfutures(autrementdit,uneaugmentationdelaconsommationde la ressource aujourd’hui peut profiter à la générationactuelle mais elle réduira les possibilités de consommationd’unegénérationfuture).SelonlarègledeHotelling,l’optimumsocial est atteint lorsque le prix de la ressource, déductionfaitedescoûtsd’extraction,augmented’untauxégalautauxd’intérêt. Cela détermine le sentier d’extraction efficient. Ensubstance, lorsque lavaleuractuelled’uneunitéextraiteestégale pendant toutes les périodes, l’augmentation ou ladiminution de la quantité de ressource disponible pendantchaque période ne procure aucun gain social (Devarajan etFisher,1981).

La seconde question est de savoir si le taux d’extractionsusmentionné est comparable à celui d’un entrepreneurcompétitif qui recherche le profit. En d’autres termes, faut‑ilsupposerque la concurrenceentraîne la surexploitationdesressources naturelles non renouvelables? Pour répondre àcette question, supposons que le monde comporte deuxpériodes:aujourd’huietdemain.Supposonsaussiquelecoûtmarginaletlecoûtmoyendel’extractiondelaressourcesontnégligeables,desortequ’onpeutleuraffecterlavaleurzéro.Danscescénario,lepropriétairedelaressourceestconfrontéaudilemmesuivant:extrairetoutelaressourceaujourd’hui,oudemain, ou répartir l’extraction entre les deux périodes. Sadécisionfinaledépendraduprixdelaressourceaucoursdesdeuxpériodes:plusleprixseraélevédemain,pluslesprofitsd’uneextractionfutureserontélevésetmoinsilauraintérêtàexploiterlaressourceaujourd’hui.

Toutefois,lecommercedel’eauvirtuellepeutaussiavoiruneffetnégatifsurlaconservationdel’eaulorsquelastructuredesincitationsestinappropriée.Parexemple,selonHoekstraetChapagain(2008a),laThaïlandeconnaîtdespénuriesd’eauenpartieparcequ’elleutilisetropd’eaupourirriguerlesculturesderizdestinéàl’exportation.Demême,leKenyaépuiselesressourceseneauautourdulacNaivashapourcultiverdesfleursdestinéesàl’exportation.Dansuneautreétude,NascimentoetBecker(2008)constatentquelesexportateursdefruitsdelarégiondufleuveSãoFranciscoauBrésilconnaissent laprospéritéenpartiegrâceàunsystèmedetarificationdel’eauartificiellementbonmarché.Ensomme,lecommercedel’eauvirtuelle peut aggraver les problèmes de rareté de l’eau au lieu de les atténuer, sauf si les pays exportateurs tiennentpleinement compte des coûts d’opportunité de l’utilisation d’eau douce et remédient aux effets négatifs potentiels surl’environnement.Labonnegestiondusecteurdel’eauestessentiellepourquelecommercedel’eauvirtuellemaximiselaproductivitédecetteressourcepeuabondante–pointquiseraétudiéendétaildanslessectionsC.3etC.4.

Tableau A: exemples de pays ayant réalisé des économies nettes d’eau grâce au commerce international des produits agricoles, 1997-2001

Country

Utilisationtotaledesressourcesnationaleseneaudanslesecteuragricole1(109m3/an)

Économiesd’eaurésultantdel’importation

deproduitsagricoles2

(109m3/an)

Pertesd’eaurésultantdel’exportationdeproduitsagricoles2

(109m3/an)

Économiesnettesd’eaurésultantducommercedesproduitsagricoles2

(109m3/an)

Économiesnettesd’eauparrapportàl’utilisation

d’eaunationale(pourcentage)

Chine 733 79 23 56 8

Mexique 94 83 18 65 69

Maroc 37 29 1.6 27 73

Italie 60 87 28 59 98

Algérie 23 46 0.5 45 196

Japon 21 96 1.9 94 448

1Source: HoekstraetChapagain(2008a).2Source: Chapagainetal.(2006).Lesproduitsagricolescomprennentlesproduitsvégétauxetlesproduitsdel’élevage.

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Lafigure12illustreledilemmeduchoixdumomentoùilfautextraire les ressources. L’abscisse représente la quantitétotaledelaressource.Laconsommationpendantlapériode1estmesuréedegaucheàdroite,tandisquelaconsommationpendant la période 2 est mesurée de droite à gauche. Lesdeux ordonnées mesurent le prix de la ressource: celle degauchemesureleprixpendantlapériode1etcellededroiteleprixpendantlapériode2actualiséparrapportàlapremièrepériode(c’est‑à‑direlavaleuractuelleduprixfutur).Enfin,lesdeux lignes représentent les courbes de demande de laressource pendant les deux périodes qui, comme il se doit,sontdescendantespuisquelaquantitédemandéeaugmenteàmesurequeleprixbaisse.

L’équilibre se situe au point E, où les deux courbes dedemandesecoupentetoùilestindifférentqueleproducteur

vendeuneunitéderessourcesupplémentaireaucoursdelapremièreoudelasecondepériode.Leprixd’équilibrepEesttel que p1= p2/(1+r), r étant le taux d’intérêt, tandis que laconsommation(et l’extraction)d’équilibredesdeuxpériodessontreprésentéesrespectivementparlessegments(O1‑QE)pour la période 1 et (O2‑QE) pour la période 2. Il estintéressantdecomprendrepourquoi l’équilibreconcurrentielestceluiquicorrespondàlarègledeHotelling.Sip2estplusgrandque(1+r)p1,ilseraplusrentablepourlepropriétairedela ressource de l’extraire demain et non aujourd’hui, ce quiréduira le prix de la ressource demain et l’augmenteraaujourd’huijusqu’aupointoùl’égalitéserarétablie;maissip2est plus petit que (1+r)p1, il sera préférable d’augmenterl’extraction de la ressource aujourd’hui, ce qui aura l’effetinversesurlesprix.

Dansunenvironnementconcurrentiel,leprixestgénéralementégal au coût de production marginal. Mais, dans le cadrechoisiici, leprixestsupérieurparcequelepropriétairedelaressourcetientcompteducoûtd’opportunitédel’épuisementenplusducoûtdeproductionmarginal (c’est‑à‑direducoûtd’extraction).S’ilnetenaitpascompteducoûtd’opportunitéde l’épuisement, les profits actuels seraient réalisés audétriment des profits futurs, ce qui est incompatible avec lecomportement des entrepreneurs compétitifs visant àmaximiser leprofit.Commelesproducteurstiennentcomptedu coût d’opportunité de l’épuisement, le résultat compétitifsera égal à l’optimum social. Hotelling a démontré ensubstance qu’un producteur compétitif se comporte commeunplanificateursocial,ettientcomptedesconséquencesdel’épuisement des ressources en réduisant l’extractionaujourd’hui.

Toutefois, on a constaté dans la pratique que la règle deHotellingnepermetpasdeprédireavecexactitudel’évolutionobservéedesprixdesressourcesnonrenouvelables.Seloncemodèle,lesprixdesressourcesnonrenouvelablesauraientdûaugmenteraucoursdutemps,alorsqu’enfaitleurévolutionaétéirrégulière.CelatientengrandepartieàcequelemodèledeHotellingnetientpascompted’autresfacteursimportantsqui influent sur l’évolution des prix, comme le fait que lastructure du marché des ressources non renouvelables est

caractériséeparuneconcurrenceplusimparfaite(producteursmonopolistes ou oligopolistiques) que parfaite, que leschangements technologiques en cours influent sur lesincitationsàextrairedesressources,quelecoûtd’extractiona tendanceàaugmenteravec le temps (il faut,parexemple,creuserdesminesplusprofondes)(Hotelling,1931;Peterson,1975;WeinsteinetZeckhauser,1975),etquel’incertitudeausujetdel’offreetdelademandefuturesinfluesurlesdécisions(ArrowetChang,1978;Hoel,1978;DevarajanetFisher,1981;Weinstein et Zeckhauser, 1975).3 Plusieurs de ces pointsparticuliersserontanalysésci‑après.

(b) LemodèleHeckscher‑Ohlindanslecontextedesressourcesnaturelles

LesprincipalesprédictionsdelathéoriedeHeckscher‑Ohlinrestent‑elles valables lorsque des ressources naturellesépuisables sont utilisées comme facteur de production – ycomprisdanslecasoùellessontvenduesdirectementsurlesmarchésinternationaux?

Lestroisscénariossuivantsontétéexaminésdansuneétudepour vérifier la validité de la théorie (Kemp et Long, 1984).Dans le premier scénario (défini comme l’antimodèleHeckscher‑Ohlin),chaquebienfinalestproduitaumoyendeseulement deux ressources épuisables. Dans le deuxième

Figure12:Concurrence parfaite et règle de Hotelling

p1

p2

/(1+r)

pE

D1

D 2

O1 Consommation période 1 QE Consommation période 2 O2

Stock total de la ressource

E

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scénario(appelémodèlehybride),l’unedesdeuxressourcesutilisées dans la production est épuisable (comme dans lepremiermodèle),alorsquel’autrenel’estpas(commedanslathéorie classique). Dans le troisième scénario, on supposeque laproductiondesbiensfinalsnécessite lacombinaisonde deux ressources non épuisables et d’une ressourceépuisable (modèle Heckscher‑Ohlin généralisé) (Kemp etLong,1980;KempetLong,1982).

On a constaté, dans chaque scénario4, qu’un pays qui, àl’origine, est relativement bien doté en une ressource nonrenouvelable se spécialisera dans le secteur de cetteressource–et/oudans laproductiondebiensutilisantuneassez grande quantité de cette ressource. Autrement dit,même dans le cas de ressources finies, la structure deséchanges (c’est‑à‑dire ce qu’un pays exporte et importe)s’expliqueencoreparl’avantagecomparatifquidécouledeladifférence de dotation en ressources.5 Et le commercepermet encore de réaliser des gains en bien‑être, car laspécialisationpermetlarépartitionefficientedesressourceslimitées.

Ilestimportantdenoterque,danscetenvironnement,iln’yapas de surexploitation de la ressource naturelle, puisquel’extractionestdéterminée(parunplanificateursocialoupardesproducteurscompétitifs)defaçonàmaximiserlebien‑êtresocialdesgénérationsactuellesetfutures.Celaneveutpasdirequelecommercen’entraînejamaislasurexploitationdesressourcesfinies,maiscelasignifieplutôtquelasurexploitationn’est liée à l’ouverture commerciale qu’en présence de

défaillancesdumarché(parexempleconcurrenceimparfaiteouexternalités)oudedéfaillancesd’économiepolitique(parexemplerecherchederenteoucorruption).6

(c) Marchésimparfaitementconcurrentiels

Jusqu’àprésent,l’analysenes’estpasécartéedeshypothèsesclassiques selon lesquelles les marchés sont parfaits, lesentreprisesontdes rendementsd’échelleconstantset touslesstadesde laproductionsont localisésaumêmeendroit.Avecceshypothèses, la littératureéconomiquemontrequeles prédictions de la théorie classique du commerce sevérifient–àsavoirqu’ensituationdelibre‑échange,lespaysse spécialisent en fonction de leur avantage comparatif etéchangentdesbiensdifférents.

Toutefois, plusieurs caractéristiques des marchés deressources naturelles font que ces marchés sontparticulièrement exposés à diverses formes d’emprise sur lemarché. Premièrement, le fait que les ressources naturellessont souvent concentrées dans quelques pays augmente lerisquedecollusionetlimitelespossibilitésd’établissementdemarchésparfaitementconcurrentiels.Deuxièmement,lararetérelativedenombreusesressourcesnaturellespermetd’extraireune «rente de rareté» (voir l’encadré 5), ce qui encouragela recherche de rente. Troisièmement, en raison des coûtsfixes élevés de l’extraction, de la production et du transportpour de nombreuses entreprises exploitant des ressources,les secteurs de ressources naturelles ont tendance àavoir des rendements d’échelle croissants7 – ce qui

Encadré5: qu’est-ce qu’une rente ?

Enéconomie,leconceptderenteéconomiqueéquivautàceluideprofitéconomique(positif)–ils’agitd’ungainsupérieurauprofitnormal,cedernierétantlegainqu’unentrepreneurdoitréaliserpourcouvrirlecoûtd’opportunitédel’exécutiond’uneactivitédonnéeplutôtquedelameilleurevariantepossible.Autrementdit,toutrevenuexcédantlescoûtstotauxycompris le coût d’opportunité (ou profit normal) est une rente économique (ou profit économique) (McConnell et Brue,2005).

Leséconomistesdistinguentgénéralementtroistypesderentes:

1. La rente différentielle ou rente de Ricardo

Lanotionclassiquederentedifférentielleconcernelaterre.L’idéeestqu’uneterreplusproductiveetdemeilleurequalité(parexempleplusfertile)rapporteunerentesupérieureetqu’uneterremarginalen’enrapportepas.Plusgénéralement,ilyaunerentedifférentiellelorsquedesentreprisesdeproductionopèrentdansdesconditionsdifférentes–c’est‑à‑diresurdeslieuxdeproductionquiprésententdescaractéristiquesplusoumoinsfavorables.Parexemple,ilpeutêtreplusfacileet moins coûteux d’extraire du pétrole ou des ressources minérales de certains gisements, de sorte que certainesentreprisesontdescoûtsplusoumoinsélevésqued’autresetréalisentdesgainsplusoumoinsimportantsqued’autres.

2. La rente de rareté

Il yaune rentede rareté lorsque la fournitured’une ressourcenaturelleestsoumiseàdes restrictions,desorteque lademandeestsupérieureàl’offre.Cesrestrictionspeuventêtrenaturellesoujuridiques.Leslimitationsnaturellessontduesau fait que les ressources sont généralement disponibles en quantité finie, alors que les limitations juridiques peuventdécoulerd’unerestrictionàl’exportationouàlaproduction.

3. La quasi‑rente

Lesquasi‑rentessontattribuablesauxtalentsd’entrepreneuretauxeffortsdegestion.Lesentreprisespeuventadopterdespratiquesnovatricesetréaliserdesinvestissementsstratégiquesdanslapublicité,laformation,etc.,cequileurpermetd’augmenterleursprix(parexemplegrâceàunemeilleureréputationouàuneplusforteproductivité)ouderéduireleurscoûts(parexemplegrâceàunemeilleuretechnologie).

Engénéral,larentederessourceestégaleàlasommedelarentedifférentielleetdelarentederareté.Lesquasi‑rentespeuventaussiêtredesrentesderessourcelorsqu’ellesproviennentderessourcesnaturelles.Ladifférencefondamentaleestque,s’ilpeutyavoirunerentedifférentielleetunerentederaretémêmesurunmarchécaractériséparunlibreaccèset une concurrence parfaite (car elles sont liées aux caractéristiques intrinsèques des ressources naturelles), lesquasi‑rentesdisparaissentàmesureque lesconcurrentsadoptentaussidesstratégies rentables (VanKootenetBulte,2000).

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peut entraîner une concurrence imparfaite. Enfin, certainsmarchés de ressources naturelles ont une structuremonopsonistique, c’est‑à‑dire qu’ils sont caractérisés parl’existence d’un acheteur dominant, ce qui constitue uneautreentorseàlaconcurrenceparfaite.

L’analyse qui suit examine le mode d’extraction optimal desressources naturelles finies en situation de concurrenceimparfaite,puisenexpliquelesimplicationspourlecommercedecetypedeproduits.Commelalittératuresurlecommercedes ressources naturelles en situation de concurrenceimparfaiteestfragmentaire,onnepeutrépondreàlaquestionde l’incidenceducommercesur ladurabilitédes ressourcesqu’enconsidérantdescirconstancesparticulières.

(i) Structure du marché et extraction optimale des ressources naturelles épuisables

Les cartels sont l’exemple le plus simple de concurrenceimparfaitepouvantêtreanalysédansunmodèleéconomiqueintertemporel–modèlequi,commeonl’aditplushaut,reflètele mieux le caractère épuisable des ressources naturellesnon renouvelables. Du fait que les autres formes deconcurrenceimparfaite,commelesduopolesetlesoligopoles,impliquent des interactions stratégiques entre les agents,elles introduisent des complexités analytiques qui limitentl’applicabilitéetlapertinencedumodèle.8

D’une manière générale, la théorie économique indiquequ’une structure de marché imparfaite produira un résultatdynamiquementinefficient,privilégiantlaconservationinitialedesressourcesnonrenouvelables–résultatquivautpourlesmonopoles, les structures de marché comportant uneentreprise dominante et une frange concurrentielle, lesoligopoles et les monopsones.9 Dans le cas d’un marchéentièrement cartellisé, l’intuition est la suivante: lorsqu’uncartel portant sur une ressource naturelle englobe tous lesproducteurs, il se comporte comme un monopole total.Comptetenudelademandemondialeduproduitcartellisé,lemonopoleurfixeratoujoursleprixaupointdelacourbedelademandequi correspondà la quantitépour laquelle le coûtmarginalestégalaurevenumarginal.Autrementdit,ilfixeratoujoursleprixàunniveausupérieuraucoûtmarginal.10

Parconséquent,commedanslathéoriestatiquedescartels,les cartels portant sur des ressources naturelles nonrenouvelables limiteront la production par rapport à celled’une industrie parfaitement concurrentielle (ouoligopolistique),afind’augmenterlesprixetlesprofits.Avecletemps,leprixoptimaletlemoded’extractionoptimaldelaressource pour le cartel seront définis selon la règled’arbitrage modifiée de Hotelling, selon laquelle le revenumarginal,etnonleprix,augmentedutauxd’intérêt.Eneffet,lorsque les coûts d’extraction sont négligeables11, la valeurpourlemonopoleurdel’extractiond’uneunitéduproduitàunmomentdonnédansl’avenirdoitêtreégaleàlasommequ’ilobtiendrait s’il l’extrayait maintenant et mettait l’argent enbanque.

Cela signifie que les prix – et donc l’épuisement –augmenterontplusviteouplus lentementqu’ensituationdeconcurrenceparfaite,enfonctiondel’évolutiondansletempsdelaréactivitédelademandeauxvariationsdeprix(élasticitédelademande).Lathéorieéconomiquesuggèreenparticulierqu’un monopole ralentira l’épuisement des ressources sil’élasticitédelademandeaugmenteavecleprixouaucoursdu temps, et il l’accélérera si l’élasticité de la demandediminue.Ensomme, il épuisera la ressourceexactementaumêmerythmequ’uneindustrieparfaitementconcurrentiellesil’élasticitéde lademandeestconstante (DasguptaetHeal,1979;Stiglitz,1976;Lewis,1976).

Lafigure13représentel’évolutiondesprixetdelaproductionlorsque la réactivité de la demande à la variation des prix(c’est‑à‑dire son élasticité) augmente dans le temps. Onconsidèregénéralementquec’estlescénarioleplusréalistecar,lorsqueleprixaugmenteavecletemps,unsubstitutdelaressource peut devenir disponible – et les consommateursabandonnerontplusfacilementleproduitinitial(DevarajanetFisher, 1981; Teece et al. , 1993). Dans ce cas, un cartelmonopolisteappauvriralesressourcespluslentementqu’uneindustrieparfaitementconcurrentielle (voirdans l’encadré6une analyse des raisons pour lesquelles les ressourcesnaturelles se prêtent à la cartellisation). L’intuition est que,sachant que l’élasticité de la demande augmentera avec letemps,unmonopoleurprofiteradelapossibilitéd’obtenirunerenteplusimportanteaujourd’hui,pendantquel’élasticitéestfaible,enlimitantl’extractionetenfixantdesprixélevés,defaçonàpréserverlaressourcepluslongtemps.

Figure13:évolution de la production et des prix en situation de concurrence parfaite et de monopole

Prix de monopole

Temps Temps

ProductionPrix

Production de monopole

Production concurrentielle

Prix concurrentiel

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Il importe de souligner les limites de la théorie économiquelorsqu’il s’agit de décrire un élément aussi complexe,stratégiquement,quelesdécisionsconcernantl’extractionderessourcesépuisablesensituationdeconcurrenceimparfaite.Dansuncadreintertemporel, lesdécisionssontprisessurlabasedesattentes, notammentau sujetdesactionsd’autresagents.Leshypothèsessurlamanièredontlesattentessontformulées sont donc décisives pour déterminer le résultat.Une hypothèse courante est que les prix futurs seront«annoncés» au début et que les agents ne s’en écarterontpas. Autrement dit, les producteurs et les consommateursprennentleursdécisionsd’extractionetdeconsommationenfonctiondeleurschoixstratégiquesrespectifsaudébutdelapériode.Celarevientàsupposerl’existencedemarchésfutursfonctionnant bien. En leur absence, les engagementsconcernant l’évolution des prix ne seront généralement pascrédiblescar,àunstadeultérieur,lechoixoptimaldel’unedes

parties, à supposer que toutes les autres se comportentcomme prévu, pourrait être différent du choix envisagéinitialement(Newbery,1981b;Ulph,1982).12

(ii) Concurrence imparfaite et commerce des ressources naturelles

Les effets de l’ouverture du commerce sur les ressourcesnaturellesépuisablesensituationdeconcurrenceimparfaitesont encore peu étudiés dans la littérature économique. Eneffet, le caractère épuisable des ressources naturelles et laconcurrence imparfaite introduisent des considérationsdynamiques et stratégiques qui compliquent singulièrementles comparaisons de bien‑être. La littérature existante aidecependantàrévélerquelquesschémasgénéraux.

Encadré6:Pourquoi les ressources naturelles se prêtent-elles à la cartellisation ?

Le cas général

Uncarteldeproducteursconsisteenunecoordinationmonopolistevisantàréduirel’offreouaugmenterlesprixdemanièreàaccroîtrelesrevenusdugroupe.Lesconditionsdeformationetdeduréedescartelssontmalconnues,maislathéorieéconomiquepeutapporterquelqueséclairagesutiles.Ilyaunintérêtmanifesteàconstitueruncartellorsquelesgainstirésdelafixationd’unprixdemonopoleexcèdentlescoûtsliésàlamiseenplaceetàl’exécutiondel’accorddecartel.Celaaplus de chances de se produire lorsque le cartel contrôle une part importante de l’offre mondiale et que la demandemondialeetlafourniturehorscartelduproduitcartellisénesontpastropsensiblesàlavariationdesprix(Radetzki,2008).

Pourréussir,uncarteldoitsurmontertroisproblèmesmajeurs.Ildoitd’aborddéterminerleniveaudeproductionoptimaletlesrèglesderépartitiondelaproductionentresesmembres,cequipeutêtresourcededésaccordentreeux,carilsn’ontpas lesmêmes technologies, lesmêmes rabaisni lesmêmesprévisionsde lademande.Demême, lorsqu’uncartelestconstituéentredespays,lesintérêtsdivergentsdeleursgouvernementsetlescontextespolitiquesetsociauxdifférentsdanslesquelsilsagissentpeuventrendreunaccordplusdifficile.

Ensuite,une foisquedesdécisionsontétéprisesausujetde laproduction, il yaun risqueque lesmembresducartelreviennent sur l’accord et vendent plus pour réaliser plus de profits. La tentation de déroger à l’accord est influencéepositivementparl’élasticité‑prixdelademande:silademanderéagitbienàuneréductiondeprixofferteparleproducteur,celui‑ciseradavantagetentédefairedéfection.Maisceladépendaussidelaprobabilitéqueladéfectionsoitdétectéeetsanctionnée:plusilestfacilededétecterunmanquementauxengagementsprisdanslecadreducartel,moinslesmembresrisquentdefairedéfection.

Enfin, lecarteldoitpouvoirempêcher l’entréed’autresentreprisessur lemarché.Eneffet, l’arrivéed’autresentreprises,attiréesparlaperspectivedeprofitsélevés,risquedeperturberlesobjectifsducartelenmatièredeproductionetdeprix.

Le cas des ressources naturelles

Danslecasdesressourcesnaturellesépuisables,ilestparticulièrementdifficiledes’entendresurlesniveauxdeproductionet de prix et sur les conditions de partage des revenus en raison des prévisions différentes concernant le volume desréservesetleurvaleurstratégique.

Les ressources naturelles ont cependant des caractéristiques qui font que les marchés de ces produits se prêtentparticulièrement à la cartellisation. Premièrement, elles sont généralement concentrées dans quelques pays, de sortequ’unegrandepartiedel’approvisionnementmondialestentrelesmainsdequelquesproducteurs.Celaréduit,lescoûtsdenégociationetd’exécutionauseinducartelcarilsuffitd’unpetitnombredeproducteurspourcouvrirunegrandepartiedelaproductionmondiale.

Deuxièmement, lescoûtsfixesd’extractiondesressourcesnaturellessontgénéralementélevés.Celaréduitlerisquededissolutiond’uncartelparl’arrivéedenouvellesentreprises,car,enraisondescoûtsélevés,ilestdifficileauxproducteursextérieursdesedoterdesmoyensdeproductionnécessairespourentrersurlemarché.

Troisièmement, comme les ressources naturelles sont généralement assez homogènes, les entreprises sont davantageincitéesàfairedéfection,carlaréactivitéauxvariationsestd’autantplusgrandequelesproduitssontmoinsdifférenciés.Cependant,lenon‑respectd’unaccorddecartelestplusfacileàdécelerlorsquelesproduitssontsimilairesquelorsqu’ilssontdifférenciés(danscederniercas,ilestplusfaciledecontournerl’accordenmodifiantlaqualité,parexemple).

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Dans la mesure où une ressource naturelle estgéographiquementconcentréedansunpaysoucontrôléeparuncartel,ilestévidentquecepaysoucecartelpossèdeunavantage comparatif (ainsi qu’un avantage absolu) dans laproductiondecetteressourceetqu’ill’exportera.Enoutre,enl’absence d’obstacles au commerce, le sentier d’extractionchoisipar lemonopoleurdépendraseulementde l’évolutiondans le temps de la demande mondiale (étrangère plusintérieure)pourlaressource.Parconséquent,l’attenteselonlaquellelaconcurrenceimparfaiteaboutitàuneexploitationplusparcimonieusequelaconcurrenceparfaiteestconfirmée(Bergstrom,1982).

Encequiconcernelastructuredeséchangesensituationdeconcurrenceimparfaite,lathéorieéconomiqueindiquequelaprédiction du théorème classique de Heckscher‑Ohlin –selonlaquellelespaysexporterontlesproduitsquiutilisentlefacteur dont ils sont relativement mieux dotés – se vérifieégalement (Lahiri et Ono, 1995; Shimomura, 1998). Celaexpliquepourquoilespaysrichesenminérauxonttendanceàexporterdesproduitsminérauxetà importerdesproduitsàforteintensitémanufacturièreenprovenancedespaysrichesen capital. Il convient cependant de noter que, dans le casdes produits entièrement cartellisés, le volume desexportations de chaque pays dépendra des quotas deproduction convenus par les membres du cartel. Desconsidérations autres que l’avantage comparatif peuventinfluer sur lesdécisionsde répartitiondesquotasentre lesmembres du cartel, si bien que, dans ces circonstances, lastructure des échanges peut s’éloigner de l’avantagecomparatif.

Par ailleurs, la concurrence imparfaite peut aussi aider àexpliquer le commerce réciproque (ou commerce intra‑industriel) de la même ressource naturelle.13 D’après desdonnées basées sur l’indice de Grubel‑Loyd, ce type decommerce est relativement courant pour certainesressources (voir la section B). L’explication classique ducommerceréciproquesurunmarchédonnéestquelespayséchangent des variétés différentes du même produit(Krugman, 1979).14 Cette explication ne s’applique pasaisément au commerce des ressources naturelles, étantdonnélasimilaritédecesproduits.Iln’yapasbeaucoupdevariétés de minerai de fer ou de cuivre, par exemple. Lecommerceintra‑industrieldesressourcesnaturellesnepeutpasnonpluss’expliquerentièremententermesdeproduitsdifférenciés – c’est‑à‑dire d’échange réciproque d’uneressource à différents stades du processus de productionpour tirer parti de l’avantage comparatif des pays ouaugmenter les rendements d’échelle. En effet, le coût detransportdesmarchandisespondéreuseslimitelapossibilitéde créer des chaînes de production géographiquementfragmentées. D’ailleurs, de nombreuses ressourcesnaturelles ne sont même pas vendables tant qu’elles n’ontpassubiunecertainetransformation.

Par contre, le commerce intra‑industriel des ressourcesnaturellespeuts’expliquerparl’existenced’uneconcurrenceimparfaite sur ces marchés et le phénomène de dumpingréciproque. Lorsque les marchés sont suffisammentsegmentés, les entreprises peuvent pratiquer avec succèsunediscriminationpar lesprixentre lesmarchésétrangerset le marché intérieur, ce qui leur permet d’exporter à basprixpouraccroîtreleursventes(BranderetKrugman,1983).Laraisonestlasuivante:supposonsquelamêmeressourcenaturelle est produite par un monopoleur dans deux paysidentiques. Si l’entreprise monopolistique de chaque paysappliquelemêmeprix,iln’yaurapasd’échangeinternational.Mais si le marché étranger et le marché intérieur peuventêtre segmentés, les nationaux ne pourront pas acheter

facilement les produits destinés à l’exportation, et chaquemonopoleur pourra faire une discrimination par les prix –c’est‑à‑dire vendre à l’étranger à un prix plus bas sur lemarchéintérieur.15

En vendant à l’étranger, chaque entreprise augmente sesventes et donc ses profits (même si le prix à l’étranger estinférieurauprixintérieur),etilenrésulteuncommerceintra‑industriel.UneétudedeVásquezCordano(2006)expliquelecommerceintra‑industrieldugazdepétroleliquéfié(GPL)auPérou par la présence d’un groupe dominant de raffineriesexposé à la concurrence internationale et d’une franged’importateursdeGPL.Silegroupedominantcontrôleaussil’offredeGPLdanslepaysets’ilpeutpratiquerdesprixplusélevésdans lepaysqu’à l’étranger, lafrangeconcurrentielledevraimporterduGPLpourpouvoirproduireleproduitraffinéàunprixcompétitif.

(d) Durabilité,technologieetcommerce

L’utilisation excessive des ressources épuisables par lesgénérations actuelles peut‑elle nuire au potentiel decroissance économique future? Le commerce ouvertfacilitera‑t‑ilouentravera‑t‑il lacroissancedurable?DanslerapportBrundtlandsurl’environnementet ledéveloppement(ONU, 1987), la croissance durable était définie comme un«développement qui permet aux générations actuelles desatisfaire leurs besoins sans pour autant compromettre lacapacitédesgénérations futuresà répondreaux leurs». Ici,l’accent est mis surtout sur les forces économiquessusceptibles de compenser le caractère épuisable desressources finies et sur leur interaction avec le commerceinternational.

Dupointdevueéconomique,ledébatportesurlaquestiondesavoirsilemondedanssonensemblepeutsoutenirlerythmeactueldecroissancedelaproductionfaceàladiminutiondustock de ressources non renouvelables indispensables auprocessusdeproduction.Selonderécentesétudespolitiqueset universitaires, les limitesde la croissance sont duesnonseulementaucaractèrefinides ressourcesnaturelles,maisaussiàla«capacitélimitéedelanatured’éliminerlesdéchetsdel’homme»(TayloretBrock,2005).Encesens,lacroissancedurable dépend de l’impact des sous‑produits de l’activitééconomique(polluantssolides,produitschimiquestoxiques,émissionsdeCO2)surlaqualitédel’environnement.Bienquelesdeuxinterprétationsdelacroissancedurablesoientliées– dans la mesure où l’environnement est lui‑même uneressource naturelle rare –, l’analyse qui suit met davantagel’accentsurlalimitationdesressourcesquesurlescontraintesenvironnementales.16

Denombreuxéconomistesfontvaloirquelespronostics lesplus pessimistes concernant la durabilité de la croissanceéconomiquenetiennentpassuffisammentcomptedesforcesqui peuvent compenser les limitations des ressourcesnaturelles, à savoir le progrès technologique et leremplacementdesressourcesnaturellespardesfacteursdeproduction créés par l’homme (capital) (Dasgupta et Heal,1974). Ils ont tenté en particulier d’identifier les conditionsdans lesquelles le capital peut offrir une alternative àl’épuisement des ressources non renouvelables et dedéterminer comment la technologie peut garantir unecroissancesoutenuedelaproductionetdelaconsommationdansletemps.Unaspectessentieldecedébatestlaquestionde savoir comment le commerce international s’insère dansceprocessusetdansquellemesure lesfluxdebiensetdeservices peuvent favoriser une croissance économiquedurable.

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Solow(1974a)montrequ’uneconsommationconstantepeutêtre soutenue par un profil adéquat d’accumulation ducapital, malgré la diminution des flux de ressources. Celan’estpossibleques’ilyauncertaindegrédesubstituabilitéentre le capital et la ressource naturelle considérée et sicettedernièreestunintrantnonessentiel.17Cetteintuitionaété traduite en règle de politique générale par Hartwick(1977), qui a dit que la rente tirée de l’extraction d’uneressourcedevraitêtreinvestiedanslaconstitutiondustockde capital (englobant, en gros, l’infrastructure, le capitalphysique et l’éducation) nécessaire pour garantir uneconsommationconstantedansletemps.

Le progrès technologique peut aussi aider de diversesmanièresàremédierauxproblèmesliésà l’épuisementdesressources.Lesinventionsquiéconomisentdesressourcespermettentde réduire lesbesoinsenressourcesnaturellesparunitédeproductionréelle(Solow,1974b).Lesnouvellestechnologies peuvent aussi avoir un effet de substitution,augmentant la demande de ressources de remplacement.Par exemple, lorsque le moteur à combustion aprogressivement éclipsé la machine à vapeur au début duXXesiècle,celaaentraînéuneaugmentationdelademandede pétrole, qui constituait de fait un substitut du charbon.Enfin,l’améliorationdelatechnologiepeutréduirelescoûtsd’extraction ou faciliter l’exploration, ce qui augmente ladisponibilitéd’une ressourcedonnée.Prenons le casd’uneressourcenon renouvelabledont le coûtd’extraction vaenaugmentant.Silesprixmontenttrop,lademandedisparaîtra,entraînantun«épuisementéconomique»,mêmes’ilrestedelaressourcedanslesol.Or,l’effetd’augmentationdescoûtsdû à l’épuisement de la ressource peut être largementcompenséparl’effetderéductiondescoûtsdûauxnouvellestechnologiesetàladécouvertedenouveauxgisements.

Deuxautresconsidérationsconcernant la technologieet lecaractère épuisable entrent en ligne de compte.Premièrement,latechnologiepeutavoiruneinfluencesurle«caractèreépuisable»d’une ressource.Supposonsque, aurythme de consommation actuel, une ressource nonrenouvelable sera entièrement épuisée à un moment T. Ondispose alors d’une nouvelle technologie, qui permet soitd’accroître l’offre de ressource (par exemple grâce à desinnovations,àl’améliorationdesméthodesderecyclage)soitderéduirelademande(grâceàlasubstitutionouàdesgainsd’efficacité),cequiapoureffetdedifférer l’épuisementdumoment T au moment (T+n). En conséquence, un progrèstechnologique continu reporte le point d’épuisementindéfiniment et, de ce fait, la ressource non renouvelables’apparenteàuneressourcerenouvelable.

Deuxièmement, si l’on considère généralement que latechnologieatténueleproblèmeducaractèreépuisabledesressources,onnepeutexclure l’effet inverse.Parexemple,unetechnologiequiaccroîtlaproductivitédanslesecteurdel’extractionpeutaussiaccélérerl’épuisementdesressources(CopelandetTaylor,2009).18

Un dernier point à souligner dans tout examen de latechnologieetdesressourcesnonrenouvelablesestlerôledu commerce international, qui facilite le transfert desnouvellestechnologiesàtraverslesfrontièresetstimulelesactivitésde recherche‑développement (R‑D)entre lespays(OMC, 2008). Des études récentes ont montré que lesimportations en provenance de pays où le niveau desconnaissancesestélevéontdesretombéestechnologiquesplus importantes (Coe et Helpman, 1995) et que, dans lespays en développement, la productivité totale des facteursest corrélée positivement à l’activité de R‑D de leurspartenaires commerciaux (Coe et al. , 1997). Il s’agit là des

«retombées directes». Mais les pays bénéficient aussi de«retombées indirectes» – c’est‑à‑dire qu’un pays peutprofiterdesconnaissancesd’unautrepaysmêmesilesdeuxne commercent pas directement entre eux, pourvu qu’ilscommercent tous deux avec le même pays tiers(Lumenga‑Neso et al. , 2005). Les données empiriquestendentàmontrerquecequiimporteleplus,c’estlaquantitédeconnaissancesauxquellesunpayspeutaccéder–etqu’ilpeut absorber – à travers l’ensemble de ses relationscommerciales mondiales. Par conséquent, le commerceinternationalpeutaideràgarantirunecroissancesoutenuedanslamesureoùilfavoriseladiffusiondetechnologiesquicompensentl’épuisementdesressourcesnaturelles.

3. Théorieducommerceinternationaletcaractèreépuisabledesressources:leproblèmedulibreaccès

Dans la section précédente, on a étudié l’impact ducommerce sur les ressources naturelles finies et on aexaminécommentlesmarchéspouvaientaideràpromouvoirla gestion des ressources et des modes d’extraction et deconsommationdurables.Danslaprésentesection,onétudieles problèmes spécifiques liés au «libre accès» – situationdanslaquellelapropriétécommuned’uneressourcenaturelleet l’accès commun à cette ressource peuvent entraîner sasurexploitation et, à terme, son épuisement. On examineaussi comment cela influe sur la structure du commerceinternational,sur lesprixdes facteursetsur lesgains tirésdu commerce. Dans certaines conditions, en raison del’existencededroitsdepropriétémaldéfinis(voirl’encadré7pour une analyse plus détaillée des droits de propriété enéconomie),ilsepeutquelepaysexportateurderessourcesnaturelles soit perdant du fait du libre‑échange car, parrapportàl’autarcie,lelibre‑échangeentraîneuneréductionpermanentedesonstockderessourcesnaturelles.

Celasembleinfirmerlerésultatclassiqueentermesdebien‑êtredelathéorieducommerceinternational,quiaffirmequelespaystirentdesgainsdulibre‑échange.Ilenestpeut‑êtreainsi, mais ce n’est pas le seul résultat probable, même sil’accèsàlaressourcenaturelleestlibre.Eneffet,beaucoupd’autresélémentsentrenten lignedecompte.Lastructurede la demande, la pression démographique, la capacitétechnologiqued’exploiterlaressourceetlasoliditédurégimede droits de propriété interagissent de manière complexepourdéterminer lerésultatfinal.Lesdroitsdepropriété,enparticulier, ne sont ni binaires ni exogènes. Au lieu d’êtretotalementparfaitoutotalementabsent,lerégimededroitsdepropriétéd’unpayss’inscritdansuncontinuum.Lesdroitsde propriété sur les ressources naturelles peuvent êtrerenforcésavecuncommerceplusouvert,maisceladépendde la façon dont les autres éléments qui déterminent ladéfinitionetlerespectdesdroitsdepropriétésontaffectés.19

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(a) Leproblèmedulibreaccès

Lelibreaccèsposeproblèmelorsquelapropriétécollectived’une ressource naturelle – et l’accès collectif à cetteressource–peutconduireàsasurexploitationetfinalementàsonépuisement.Prenons lecasd’un lacpoissonneuxquin’appartientàpersonne.Enl’absencededroitsdepropriétédéfinis, trop de personnes pêcheront dans le lac, ce quiappauvrira le stock de poissons et réduira l’efficacité del’effortdepêche.C’estévidemmentunproblèmeéconomiqueainsi qu’un problème environnemental. En effet, chaquepêcheur réduit la productivité de tous les autres. Aucunpêcheurne tientcomptede l’impactnégatifdesonactivitésurlaproductivitédesautres.Enfait,lespêcheursfonttropd’effortpourcapturertroppeudepoissons.

Le résultat d’un trop large accès est que la prise totalecouvreàpeinelecoûtdel’effortdepêche.Lamesuredanslaquelle la rente – différence entre le revenu total tiré desprises et le coût total de celles‑ci – est dissipée constituedonc une mesure de l’inefficacité due à l’accès incontrôlé(voirdansl’encadré8lesestimationsdesprofitséconomiquesquipourraientdécoulerd’unegestionplusefficacedustockderessourcesnaturelles).

La priorité donnée à l’efficacité économique n’est pasincompatibleavec ledésirenvironnementaldeconserver lestock de poissons du lac. On pourrait dire que les intérêtséconomiques et environnementaux coïncident dans ce cascar,commeonleverra,lasolutionpréféréedel’économiste–renforcerlesdroitsdepropriétésurlaressourcenaturelle–rationnel’accèsdespêcheursauxpoissonsdulacetréduitlasurpêche,cequiproduitunrésultatconformeà l’objectifdel’écologiste.20

Commelelibreaccèsestunecaractéristiqueimportantedecertainesressourcesnaturelles,ilfautexpliquerceconceptplus en détail. La ressource renouvelable s’accroît à unrythmequidépendpositivementdelatailledustockactuel.21Sachantquelaressourcepeutsereconstituerd’elle‑même,l’homme peut l’exploiter de telle façon que la taille de lapopulation reste stationnaire. Cette exploitation «durable»estpossiblesilacaptureporteuniquementsurlacroissancedechaquepériode,sanstoucheraurestedustock.Leterme«durable» équivaut ici à ce que les économistes appellentl’équilibreà l’étatstable,desorteque lesdeuxexpressionsserontutiliséesdemanièreinterchangeable.22

Encadré7: que sont les droits de propriété ?

Unensemblecompletdedroitsdepropriétésurunbiendonnéconfèreaupropriétaireledroit:a)d’utiliserlebiencommeill’entend,àconditionquecetteutilisationn’empiètepassurledroitdepropriétéd’uneautrepersonne;b)d’empêcherautruid’utiliserlebien;c)detirerunrevenudubien;d)delevendre;ete)delelégueràlapersonnedesonchoix(Alstonet al. ,2009).

Demsetz(1967)aprésentél’unedespremièresanalyseséconomiquesdesdroitsdepropriété,expliquantleurapparitionetlescaractéristiquesdesdifférentsrégimesdedroits.Selonlui,c’estlaprésenced’externalités,positivesounégatives,quiexpliquel’apparitiondesdroitsdepropriété.L’attributiondedroitsdepropriétépermetauxagentséconomiquesdetenircomptedesavantagesoudescoûts.L’auteurciteunexempleclassique:l’instaurationdedroitsdepropriétéparmiles IndiensMontagnaisauQuébecet ledéveloppementducommercede la fourrureà la finduXVIIesiècle.Avant ledéveloppementdececommerce,lapropriétéprivéedelaterren’existaitpaschezlesIndiensMontagnais.Mais,parsuite,avec la commercialisation de la fourrure, la possibilité de chasser sur les terres où vivaient les animaux à fourrure aacquis une valeur économique croissante. Au début du XVIIIe siècle, les Indiens Montagnais avaient pour coutumed’attribuer à chaquegroupeune terre sur laquelle il avait le droit exclusif de chasser.Cette coutumeaévoluéenunsystèmederépartitionsaisonnièredesterres.

Lesnotionsextrêmesdedroitsdepropriétéparfaitsetd’absencededroitsdepropriété (c’est‑à‑dire la tragédiedesbienscommuns)(Hardin,1968)peuventêtreutilesthéoriquement,maisilestpeuprobablequ’ellesdécriventlaréalité.Il est sans doute préférable de décrire le régime de droits de propriété applicable à une ressource naturelle commes’inscrivant dans un continuum (c’est‑à‑dire une série de cas intermédiaires). Ostrom (1990), par exemple, a mis enévidenceladiversitédesarrangementsinstitutionnelsaumoyendesquelslescommunautéslocalesontréussiàgérerlesressourcescommunes.Cesarrangementsnecomprennentpaslesdeuxextrêmesquesontlaprivatisationcomplèteetlecontrôletotalparl’État.CopelandetTaylor(2009)estimentquel’onpeutpensercecontinuumdupointdevuedela difficulté pour un gouvernement ou une autorité de réglementation de surveiller et de faire respecter les règlesrégissantl’accèsàlaressourcenaturelle.

La surveillanceétant imparfaite, il y aurauneexploitationnonautoriséede la ressource,mais, dansbiendescas, lasurveillance est suffisamment efficace pour décourager un tel comportement. Alston et al. (2009) suivent une voiedifférenteensedemandantquifaitrespecterlesdroitsdepropriété.Ilsfontunedistinctionentrelesdroitsdepropriétéde jure ,dontlerespectestassuréparl’État,etlesdroitsdepropriétéde facto,dontlerespectestassuréparlepropriétairedelaressource,seulouenallianceavecungroupe,parexempleunetribu,unecommunauté,etc.Onsupposequel’Étatpossèdel’avantagecomparatifenmatièrederespectdesdroits,quel’individualeplusfaibleavantageetquelegroupesesitueentrelesdeux.Laquestiondesavoirsilerégimededroitsdepropriétéestde factooude juredépenddudegréd’occupationdescommunauxdufaitdel’empiétementd’autrui.Silaressourcecommuneapeud’utilisateurs,larenteparutilisateurestélevéeet l’individupeutdéfendre lui‑mêmesesdroitsdepropriété.Maissi l’empiétementaugmente, larentesedissipeetilestavantageuxdes’associerpourexclurelesautresdelaressourceourechercherlaprotectionde juredel’État.

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Laquantitécapturéedépenddelaquantitédemain‑d’œuvreemployéeetdelatailledustock.Plusilyadepoissonsdanslelac,plusilestfaciled’encapturer.Audébut,lorsquel’effortaugmente, levolumedelacapturedurableaugmenteaussi.Parcontre,aufildutemps,si l’effortcontinued’augmenter,le volume de la capture durable finit par diminuer. Cettebaisse de productivité est due à la relation négative entre

l’effortet lestockde la ressourcenaturellequidécouledel’étatstable.Plusl’effortestgrand,pluslestockd’équilibredes ressources naturelles est réduit.23 Mais, plus le stockd’équilibre de la ressource est réduit, plus il est difficiled’exploiter ou de capturer une quantité donnée. À terme,l’impact de la diminution du stock d’équilibre l’emporte surl’impactdel’effortadditionnel.

Encadré8: rente et libre accès

Dansl’encadré5,nousavonsprésentéplusieursdéfinitionsdelarente(rentedifférentielle,rentederaretéetquasi‑rente)etnousavonsexpliquéquelarentedanslesecteurdesressourcesnaturellesdevaitêtreconsidéréecommelasommedelarentedifférentielle(lorsquelesentreprisesproductricesopèrentdansdesconditionsdifférentes)etdelarentederareté (lorsque la fourniture d’une ressource naturelle est soumise à des restrictions). Dans le cas des ressourcesnaturellesquisouffrentdulibreaccès,iln’estpaspossibled’empêcherautruid’utiliserlaressource,desortequelarentedevientnulleparcequ’enpratique,laressourcen’estpasrare.

Commeonl’avuplushaut,lamesuredanslaquellelarenteestdissipéeestunindicateurimportantdelafaçondontlelibre accès réduit l’efficacité de l’exploitation d’une ressource naturelle. La privatisation de la ressource ou sonappropriationetsa réglementationpar l’Étatsontdeux façonsdifférentesde tenterde résoudre leproblèmedu libreaccès.Danslesdeuxcas,l’accèsàlaressourceestrestreint,quoiquesansdoutepourdesraisonsdifférentes.Danslepremier cas, et à supposer que le propriétaire de la ressource ait un taux d’escompte nul, l’accès est limité afin demaximiserlarentequirevientaupropriétaire(voirl’analysepluscomplètefigurantci‑après).Danslesecond,larestrictionpeuttrèsbienavoirpourbutlamaximisationdelarente,maisellepeutaussiavoird’autresobjectifs,parexempled’ordrebiologiqueouenvironnemental,commeassurerlerendementdurablemaximal.

Pouréviter lasurpêche,onutilisecourammentdesquotas individuelstransférables(QIT),quiautorisentàpêcherunecertainequantitédepoisson.Letotaldescapturesautorisées(TCA)dansunepêcherieestdéterminéparunorganismede réglementation, qui fixe la quantité chaqueannéesur labasedeconsidérationséconomiquesouécologiques.Engénéral,lespêcheursreçoiventunpermisquilesautoriseàpêcherunepartduTCA.Cespermisétanttransférables,letitulaire d’un permis peut le vendre à un autre pêcheur, qui obtient ainsi une part du TCA. La somme de ces parts,convertieenquantitédepoissons,estégaleauTCAfixéparl’organismederéglementation.SileTCAestnotablementinférieuraurésultatenlibreaccès,celagénèreunerente,etlesQITcorrespondentàlavaleuractuelledelarentefuture.SileTCAn’estpasnotablementinférieuraurésultatenlibreaccès,lesQITsontsansvaleur(ilyadissipationdelarente).

Desétudessurl’expériencedespaysdel’OCDEquiontrecoursauxQITpermettentdedisposerdedonnéessurleprixdes quotas. C’est sans doute l’Islande qui offre l’exemple le plus frappant des rentes générées par la gestion deressources halieutiques. Arnason (2008) estime qu’entre 1997 et 2002, la valeur des QIT a représenté en moyenneenviron40pourcentduPIBdel’Islandeet20pourcentdelavaleurmarchandedesoncapitalphysique.LaNouvelle‑Zélandeestl’undespremierspaysàavoiradoptélesystèmedesQIT.Àpartirdedonnéesportantsurprèsde15années,Newellet al.(2002)ontexaminélarelationd’arbitrageentrelerendementdesQITetceluid’autresactifsfinanciers.Leurraisonnementétaitque,si lesQITsontdesinstrumentsefficacesdegestiondespêcheries, ilsdevaientrapporterauxdétenteursdequotasunrendementcomparableàceluidesautresactifsfinanciersdansl’économienéo‑zélandaise.Etc’esteffectivementcequ’ilsonttrouvé: letauxderendementdesQITétaitprochedutauxd’intérêtglobaldumarchénéo‑zélandais.

Sil’onsupposequeleprixdelaressourcenaturelleestégalàun,lacourbederendementestaussilacourbederevenu,c’est‑à‑direquelerevenu=leprixmultipliéparlerendement(voir la figure14).Lacourbede revenumontrecomment lerevenu total varie avec la quantité de travail employé pourexploiter la ressource naturelle. Supposons que le coûtd’exploitation de la ressource naturelle est linéaire enfonctiondel’effort,c’est‑à‑direqueC=c*E,oùcestlecoûtunitairedel’effort.Larenteouleprofitobtenuestégalàladifférence entre la courbe de revenu et la courbe de coût,c’est‑à‑dire que la rente est égale à la distance verticaleentrelacourbederevenuetlecoûtlinéaire.

En situation de libre accès, chaque travailleur cherchera àobtenir la rente générée par l’exploitation de la ressourcenaturelle. Il y aura entrée de travailleurs jusqu’à ce que ladernière unité d’effort épuise la rente restante. Cela seproduitauniveauE*,oùlerevenutotalestégalaucoûttotal.Parcontre,silapropriétédustockdepoissonsestattribuéeà un seul pêcheur et si celui‑ci n’escompte pas le futur, ilauraintérêtàmaximiserlarentedurablequ’ilpeuttirerdelapropriété de la ressource. Il limitera l’accès au stock depoissons du lac et ne permettra aux autres pêcheurs defourniruneffortque jusqu’àceque le revenumarginalsoitégalaucoûtmarginal.CelaseproduiraauniveauE**,oùla

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(b) Structuresducommerce

Quel est l’impact du commerce international sur lesressources naturelles en libre accès? Pour illustrer lesprincipes en jeu, imaginons deux pays qui possèdent uneressourcenaturelleenquantitéégale,etquiontlesmêmestechnologiesetdesgoûts identiques,maisquidiffèrentdupointdevuedesdroitsdepropriété.Dans lepremierpays,l’accès à la ressource naturelle est parfaitement contrôlé,tandis que, dans le second, il est libre. On peut supposerqu’en autarcie, le second pays exploitera une plus grandequantité de la ressource naturelle – à un prix relativementplus bas – que le premier. Si le commerce est ouvert, lesecondpaysexporteralaressourcenaturelleverslepremier.

Selonlathéorieclassiqueducommerce,lespaysquiontdesgoûts, des dotations et des technologies identiques n’ontaucuneraisondecommercerensemble.Maisdesdifférencesdans lasoliditédurégimededroitsdepropriétédechaquepayscréé lesbasesd’uncommerce,mêmesi lespayssontidentiques à tous les autres égards. Cela veut dire qu’unrégimededroitsdepropriétépeutconstituerlabasede factod’un avantage comparatif – conclusion étayée par lalittérature économique sur le sujet (Chichilnisky, 1994;BranderetTaylor,1997;BranderetTaylor,1998;Karpet al. ,2001).

Supposonsmaintenantquelespaysdiffèrentégalementparlatailledeleurstockderessourcesnaturellesetquec’estlepaysqui a un régime de droits de propriété solide qui possède le

pentedelacourbederevenuestégaleàlapentedelalignedecoûtetoù la rentedurableestaumaximum.Àcepointd’efficacitééconomique,lestockd’équilibreestsupérieuraustock correspondant au libre accès. Une autre façond’interpréter le niveau d’effort E** est que ce serait laquantité d’effort fournie dans le secteur des ressourcesnaturelles qui aurait été choisie par un organisme deréglementationdont l’objectifestdemaximiser lebien‑êtresocial.

Enrevanche,silepropriétairedustockdepoissonsescomptelesrevenusfuturs,ilchoisiraunétatstabledustockquiestinférieur à celui qui maximise la rente. Il pourra le faire enpermettant une pêche supérieure au niveau E**, ce quiréduira le stock existant mais lui rapportera un revenusupplémentaire. Ce revenu supplémentaire sera obtenu auprix d’une diminution de la rente future, car le stock d’étatstable sera plus faible. Mais un taux d’escompte positifsignifiequelaréductiondelarentefutureamoinsdevaleur,ce qui incite le propriétaire de la ressource à exploiterdavantagelestockexistant.Commeletauxd’escomptetendvers l’infini, le propriétaire exploitera la totalité aujourd’hui,mêmesicelaentraînel’extinctiondelaressource.Eneffet,untauxd’escompteinfinisignifiequelepropriétairen’attacheaucunevaleurauxrevenusfuturs. 24

Bien que ce modèle simple offre une illustration utile desproblèmesliésauxressourcesenlibreaccès,lagestiondesressourcesdanslemonderéelestgénéralementbeaucouppluscomplexe.Parexemple,denombreusespêcheriessontsoumises à diverses réglementations gouvernementales,limitant,parexemple,lesenginsetleszonesdepêcheoulapériode de pêche. Cela a amené certains économistes àélaborerunautremodèle,celuidu«libreaccèsréglementé»,pouranalyserlessystèmesderessourcesdanslesquelslesautorités peuvent faire respecter effectivement laréglementationmaisl’accèsdespêcheursestlibre,desortequelesrentessontentièrementdissipées(HomansetWilen,1997).Cesystèmesesituequelquepartentrelelibreaccèsàuneextrémitéetlamaximisationdelarenteàl’autre.Ilsepeut très bien que la plupart des pêcheries des paysdéveloppés figurent dans cette catégorie intermédiaire.Comme on suppose que la réglementation est effective, lestockdelaressourcenaturelleseraplusimportantdansunéquilibreà long termeaveccesystèmequedans lecasdulibre accès, de sorte que la quantité de poissons capturésserasupérieurepuisquelapêcherieestplusproductive.Lessimulations réalisées par Homans et Wilen (1997) pour lapêcheriedemorueduPacifiqueNord25–qu’ilsconsidèrentcommeunexempledesystèmedelibreaccèsréglementé–tendentàmontrerqueladifférencedesniveauxdestocketde capture par rapport au modèle de libre accès pur peutêtreconsidérable.

Figure14:libre accès et exploitation optimale des ressources naturelles

A

Dollars

Effort de travail

E* – niveau d'effort en libre accèsE** – niveau d'effort qui maximise la renteAB – rente

Revenu

Coût total

B

E** E*

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ii – le COMMerCe des ressOurCes NaTurelles

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C. TH

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du

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stockleplusabondant.Onpourraitpenserquelelibre‑échangeamènerait le paysoù la ressourcenaturelle est abondanteàexportercelle‑civerslepaysoùelleestpeuabondante.Maislasoliditérelativedesrégimesdedroitsdepropriétédesdeuxpays exerce une influence indépendante sur l’avantagecomparatif,etdoncsur lastructuredeséchanges. Il sepeutque le pays où la ressource naturelle est moins abondantefinisseparl’exporterverslepaysoùelleestabondante,sisonrégimededroitsdepropriétéestsuffisammentfaible.

Bienentendu,d’autresélémentsentrentenlignedecompte.En particulier, les prédictions relatives à la structure deséchangesdépendrontausside lastructurede lademande.S’appuyant sur les travaux de Brander et Taylor, Emami etJohnston (2000) montrent que, si la demande pour laressource naturelle est relativement forte, le pays où lesdroits de propriété sont faibles finira par importer plutôtqu’exporter la ressource (voir l’encadré 9). Cela peuts’expliquerdelafaçonsuivante: lacombinaisond’unefortedemande et de droits de propriété faibles conduit àl’épuisement massif du stock, même en autarcie, et à unefaiblecapture.Parconséquent,silecommerceestouvert,lepays où les droits de propriété sont faibles épuiserarapidementsonstocketfiniraparimporterleproduit.

(c) Gainstirésducommerce

Lorsqu’un secteur de ressources naturelles souffre deproblèmes liés au libre accès ou à un fonds commun, lerésultat de base concernant les «gains tirés du commerce»est en principe amoindri. Si le bien‑être à long terme (étatstable) du pays qui importe la ressource augmente avec lecommerce,ildiminuepourlepaysquil’exporte.Intuitivement,celatientàcequelelibre‑échangeaccentuel’exploitationde

laressource,desortequelestockàl’étatstableestplusbasqu’enautarcie (BranderetTaylor,1998).Comme la tailledustock de la ressource naturelle influe sur la productivité dutravail, leniveauplusbasdustockàl’étatstablesignifiequel’économieexploiteraunepluspetitequantitédelaressourceen situation de libre‑échange. Pour comprendre pourquoi latailledustockinfluesurlebien‑être,onpeutconsidéreraussiqu’ilreprésenteuncapital(enl’occurrencenaturel)aumoyenduquel l’économie peut obtenir des revenus futurs. Plus lestockest réduit, plus lescaptures futuresseront faibles.Lefaitquelacombinaisond’uncommerceouvertetd’unrégimededroitsdepropriétéfaiblepeutentraînerlaquasi‑extinctiond’une ressource naturelle et une perte de bien‑être pourl’exportateurestillustréparl’exempledumassacredesbufflesdesGrandesPlainesauXIXesiècle(Taylor,2007).

Toutefois, l’introduction de caractéristiques supplémentairesdans ce modèle simplifié peut produire un résultat trèsdifférent. Si la demande pour une ressource naturelle estrelativement forte, les gains du commerce seront les gainsnormaux (voir l’encadré 9), et le libre‑échange améliorera lebien‑êtredupaysimportateuretdupaysexportateur(Emamiet Johnston, 2000). Comme on l’a expliqué précédemment,quandlademandeestforte,lepaysquiaunrégimededroitsde propriété solide exporte la ressource naturelle vers celuiquiadesdroitsdepropriétéfaibles.Ils’ensuitquelestockàlongtermedelaressourcenaturelledupaysoùlesdroitsdepropriétésontfaiblesseraenfaitplusélevéqu’enautarcie,desortequ’ilyauraungaindebien‑être.Lebien‑êtredupaysoùlesdroitsdepropriétésontsolidesaugmenteraaussi,puisquesaressourcenaturelleestgéréedefaçonoptimale(leprixestégalaucoûtmarginal).Autrementdit,mêmedans lecasdulibreaccèsauxressources,lelibre‑échangepeutaméliorerlebien‑êtredesdeuxpays.

Encadré9:le rôle de la demande

Pourmieuxexpliquerlerôledelademande,prenonsl’exemplededeuxpaysquiproduisentdesarticlesmanufacturésetexploitentuneressourcenaturelleavecdelamain‑d’œuvre.Laseuledifférenceentrecesdeuxpaysestleurrégimededroitsdepropriété, la structurede lademandeétant identiquedans lesdeuxcas.Nousexaminerons la structuredeséchangesquirésultedupassagedel’autarcieaulibre‑échange.Lerésultatdémontreque,mêmesilerégimededroitsdepropriétédéterminedefaçonessentiellelastructuredeséchangesetl’existenceounondegainsdebien‑êtredécoulantducommerce,l’intensitédelademandepourlaressourcenaturellepeutmodifierconsidérablementlesrésultats.

L’undesdeuxpaysadesdroitsdepropriétési faiblesqu’ilpâtitdu libreaccès.Dansdesconditionsde libreaccès, lacourbe de l’offre relative (Sw) de la ressource s’infléchit vers la gauche, ce qui signifie que, si le prix de la ressourcenaturelleaugmente,laquantitéexploitéediminue.Cetteformenonconventionnelledelacourbedel’offreestdueaufaitque,quandleprixdelaressourcenaturelleaugmente, lesecteuremploieplusdemain‑d’œuvre.Cetaccroissementdel’effort réduit le stock de la ressource, ce qui fait baisser la productivité des travailleurs. Si le prix atteint un niveausuffisammentélevé,labaissedeproductivitépeutentraînerunediminution,etnonuneaugmentation,delaquantitétotaleexploitée,bienquelesecteuremploieplusdemain‑d’œuvre.

Pour le pays qui a un régime de droits de propriété solide, la courbe de l’offre relative de la ressource aura la formeconventionnelle, c’est‑à‑dire une pente positive (Ss), qui correspond à la courbe du coût marginal d’exploitation de laressource. En effet, le propriétaire de la ressource (ou l’organisme de réglementation) n’autorise l’exploitation de laressourcequejusqu’aupointoùlerevenumarginalestégalaucoûtmarginal.Enfait,l’externalitéimposéeauxautresparl’exploitant individuel (sonexploitation réduit lapossibilitépour lesautresd’exploiterdavantage)est internaliséepar lepropriétaire unique de la ressource ou par l’organisme de réglementation. En revanche, lorsqu’il y a libre accès auxressources,lacourbedel’offrecorrespondàlacourbeducoûtmoyencarl’effortd’exploitationsepoursuitjusqu’àcequelerevenutotalsoitégalaucoûttotal.

Que se passe‑t‑il lorsque les deux pays s’ouvrent au commerce? Deux scénarios sont possibles. Dans le premier, lademanderelativepourlaressourceestfaible,desortequelacourbedelademandecroiselapartiedescourbesdel’offredesdeuxpaysdontlapenteestpositive.Danslesecondscénario,lademandepourlaressourceestforte,desortequelacourbede lademande relativecroise lapartie concavede la courbede l’offredupaysoù lesdroitsdepropriété sontfaibles.Lastructuredeséchangesetlesgainstirésducommerceserontdifférentsdanschaquecas.

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Lademanderelativepourlaressourceestfaible(voirlafigureA)

LademanderelativedanslesdeuxpaysestreprésentéeparDL.Danscecas,leprixd’autarciedupaysoùlesdroitsdepropriétésontfaiblesestreprésentéparPW,laproductionsesituantàOE.Leprixd’autarciedupaysoùlesdroitsdepropriété sont solides est représenté par PS, la production se situant à OB. Si le commerce est ouvert, le prix delibre‑échange P s’établira entre les deux prix d’autarcie. Le pays où les droits de propriété sont faibles exportera laressource naturelle vers l’autre pays, appauvrissant ainsi son stock. Ses exportations (CF) sont représentées par ladistancehorizontaleauprixmondialentrelacourbedelademandeetsacourbedel’offre.Demanièrecorrespondante,les importations (AC) du pays où les droits de propriété sont solides sont égales à la distance entre la courbe de lademande et sa courbe de l’offre. La conséquence de cette structure des échanges est que le pays où les droits depropriétésontfaiblesauraunstockàl’étatstableplusréduitetsubiraunepertedebien‑être.Lepaysoùlesdroitsdepropriétésontsolidestireralesgainsnormauxducommerce,puisqu’ilnesouffred’aucunedistorsioninterne.

FigureA:le libre-échange lorsque la demande relative pour une ressource naturelle est faible

A BO C E F

SW SS

DL

P* – prix mondial

AC – Importations de la ressource naturelle par le pays où les droits de propriété sont solides

CF – Exportations de la ressource naturelle par le pays où les droits depropriété sont faibles

Quantité exploitée/produits manufacturés

Prixrelatif

PS

PW

P*

Lademanderelativepourlaressourceestforte(voirlafigureB)

Si,enautarcie,lademanderelativepourlaressourcenaturelle(DH)estfortedanslesdeuxpays,lepaysoùlesdroitsdepropriétésontfaiblesouinexistantsopéreradanslaportiondesacourbed’offrequis’infléchitverslagauche, lecoûtmoyend’exploitationde la ressourceétant trèsélevé.Comme lademandeest forte, le secteuremploiebeaucoupdemain‑d’œuvre,desortequelestocktombeàunniveautrèsbas.Commelatailledustockinfluesurlaproductivitédelamain‑d’œuvre,laquantitéexploitéeserafaibledanslepaysoùlesdroitsdepropriétésontfaibles.Leprixd’autarciedecepaysseraPW,etlaproductionsesitueraàOA.Danslepaysoùlesdroitsdepropriétésontsolides,leprixd’autarcieseraPS,etlaproductionsesitueraàOE.Silecommerceestouvert,lepaysoùlesdroitsdepropriétésontsolidesfiniraparexporterlaressourcenaturelle(exportationségalesàCF)verslespaysoùlesdroitsdepropriétésontfaibles.Iltireralesgainsnormauxducommerce,puisqu’ilnesouffred’aucunedistorsioninterne.Lestockderessourcesnaturellesenrégimede libre‑échangeseraplusélevéqu’enautarciedans lepaysoù lesdroitsdepropriétésontfaibles,et lepaystireraaussidesgainsducommerce.

FigureB: le libre-échange lorsque la demande relative pour une ressource naturelle est forte

SWSS

DH

P* – prix mondial

BC – Importations de la ressource naturelle par le pays où les droits de propriété sont faibles

CF – Exportations de la ressource naturelle par le pays où les droits de propriété sont solides

A BO C E F Quantité exploitée/produits manufacturés

Prixrelatif

PS

PW

P*

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ii – le COMMerCe des ressOurCes NaTurelles

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(d) Prixdesfacteurs

Selon la théorie de Heckscher‑Ohlin, le commerceinternationalentraînel’égalisationdesprixdesfacteurs.End’autres termes, le commerce des biens se substitue aumouvement des facteurs de production. Dans la littératuresur le commerce des ressources naturelles renouvelables,lesseulsfacteursdeproductionsontletravailetlestockderessourcesnaturelles.Danspresquetouslescas, lesalaireréeldutravailestlemêmedanstouslespays.

Toutefois, les prix des facteurs dans le secteur desressources naturelles ne seront pas égalisés. Prenonsl’exempleleplussimpledanslequellespaysnediffèrentquepar les droits de propriété. En autarcie, des rentes serontgénérées par l’utilisation optimale de la ressource dans lepaysoù lesdroits depropriété sont solides, tandis que lesrentestendrontverszérodanslepaysoùiln’yapasdedroitsde propriété. Avec le libre‑échange, les rentes resterontnullesdanslepaysoùl’accèsestlibre,qu’ilimporteouqu’ilexportelaressourcenaturelle.Sisonpartenairecommercialadesdroitsdepropriétéplussolides,lesrentessubsisterontenrégimedelibre‑échange.Lerésultatobtenuici–lesprixdes facteurs ne sont pas égalisés par le commerce – n’apeut‑être rien d’étonnant vu qu’il y a une défaillance dumarché.

(e) Influenceducommercesurlesdroitsdepropriété

Quesepasse‑t‑il lorsque le régimedesdroitsdepropriétéestendogène–c’est‑à‑direquel’ouvertureducommerceetlesprixrelatifsinfluentsurlacapacitédugouvernementdefaire respecter les droits de propriété (Copeland et Taylor,2009)? La réponse à cette question est contrastée. Lasolidité d’un régime de droits de propriété dépend deplusieurs facteurs, tels que la capacité de surveiller etd’empêcher la fraude, la capacité d’extraire ou d’exploiterune ressource, et l’incitation économique à épuiser laressource. Une hausse du prix de la ressource due aulibre‑échange peut influer de différentes manières surchacun de ces facteurs. Par exemple, elle peut inciter àexploiter davantage la ressource, mais elle peut aussidécourager l’exploitation illicite si la sanction est la pertedéfinitivedel’accèsàlaressourcedésormaispluschère.Unprix plus élevé peut encourager les investissements dansl’extraction de la ressource, mais il peut aussi renforcer lacapacitéderéglementation,favorisantainsilatransitionversunegestionplusefficacedelaressource.

Le caractère endogène du régime de droits de propriétésignifie que l’ouverture commerciale peut produire desrésultats divers. En particulier, les pays exportateurs deressources peuvent tirer un gain du libre‑échange. Pourcertaines économies, lorsque le prix d’autarcie de laressourceétaitfaibleaudépart,l’augmentationduprixrelatifdécoulantdu libre‑échangepeut favoriser la transitionversunegestionplusefficace.Ceséconomiesontsuffisammentdemoyensdefairerespecterlaloi,desortequedesrentessontgénéréesàunprixsuffisammentélevédelaressource.Il est vrai cependant que, pour certaines économies, lepassage au libre‑échange entraînera l’épuisement de laressourceetdespertesréellesdebien‑être.Ceséconomiessont celles où la ressource naturelle se reconstituelentement, où les agents économiques ont une préférencemarquéepourlaconsommationprésente,oùlasurexploitation

estdifficileàdétecter,oùlestechniquesd’exploitationsontplus productives et où de nombreux agents ont accès à laressource.

Soulignant la diversité des résultats possibles, Copeland etTaylor (2009) donnent plusieurs exemples dans lesquelsl’ouverture du commerce a tantôt favorisé une meilleuregestion des ressources naturelles, tantôt entraîné unesurexploitation.Commeexemplede réussite, ils citent lecasdelapêcheriedepanope26enColombiebritannique,qui,aprèsavoirétéenlibreaccès,estdevenueunepêcheriebiengérée,avec des quotas de prise individuels, en raison surtout de lademanded’exportationenAsie.Ilscitentaussiunexempledesurexploitation,celuidubuffled’AmériqueduNordévoquéplushaut,etaussiceluide lapêcheriecôtièred’Estoniequiaétéouverte à l’exportation dans les années 1990, ce qui acontribuéàl’épuisementrapidedesstocksdepoissons.

(f) Évolutiondémographiqueettechnologique

L’accroissementdelapopulationpousse‑t‑ilautomatiquementà contourner les droits de propriété pour exploiter lesressources naturelles? Une étude du couvert forestier enInde, réalisée par Foster et Rosenzweig (2003), montre defaçon empirique que la croissance démographique etéconomique peut en fait encourager, dans certainescirconstances,àmieuxgérer les ressources.Lacroissancedémographique a deux effets contradictoires: d’une part,elleaugmente lacapacitéd’exploitation, cequicontribueàl’épuisement de la ressource. Et, d’autre part, elle entraîneuneaugmentationduprixintérieurdelaressource,enraisonde l’accroissementde lademande,cequigénèreunerentedans ce secteur et renforce les incitations à mieuxréglementeretgérerlaressource.

Laquestionessentielleestdesavoirsil’augmentationdelademande pour la ressource entraîne une hausse de prixsuffisantepourcompenserlacapacitéd’exploitationaccrue.Si lepaysquiconnaîtune fortecroissancedémographiqueest petit par rapport au marché mondial et ne peut pasinfluencerleprixmondialdelaressource,larelationnégativeentre la taille de la population et le stock de ressource semaintiendra. Mais, si le pays est grand par rapport àl’économie mondiale – de sorte que l’accroissement de lapopulationprovoqueunehausseduprixdelaressource–ilsepeutquelagestiondelaressources’améliore.

Demême,lesprogrèstechnologiquespeuventavoiruneffetmitigé sur le respect des droits de propriété et surl’épuisement de la ressource naturelle. Par exemple,l’améliorationdestechniquesdesurveillancepeutfaciliterladétectiondesbancsdepoissons,cequiaccentuelapressionsur la ressource; mais elle peut aussi aider les autorités àmieux détecter la pêche illégale, ce qui conduit à unemeilleuregestiondelaressource.

4. Lesressourcesnaturellesetleproblèmedesexternalitésenvironnementales

Jusqu’àprésent,deuxtypesd’effetsnégatifsontétéanalysésdans le contextedes ressourcesépuisables. Lepremier eststrictement lié au fait que certaines ressources naturelles

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sont finies. Dans ce cas, si le producteur ou le planificateursocialnetientpascomptedeceproblèmelorsqu’ildécidedelaquantitéàextraireaujourd’hui,desniveauxdeconsommationactuels supérieurs à l’optimum social impliquent uneconsommation moindre pour les générations futures. Lesecondeffetestliéauproblèmedulibreaccèsauxressourcesépuisables, la propriété collective d’une ressource pouvantentraînersasurexploitationetsonépuisement.

L’utilisationdesressourcesépuisablespourlaproductionetlaconsommationpeutavoiruntroisièmeeffetnégatifquisemanifesteàtraverslamodificationdel’environnement.Danslecasdescombustiblesfossiles,parexemple,l’extractiondupétrole et du charbon provoque l’acidification des mers etproduitduCO2atmosphérique.Danslecasdel’exploitationforestière, l’abattageexcessifdeboisentraîne lapertedeshabitatsnaturelsd’espècesvégétalesetanimalesenraisondeladiminutiondelafertilitédusoletdelamodificationdescyclesclimatiquesetbiogéochimiques.Enfin,danslecasdelapêche,lasurexploitationd’uneespècepeutavoiruneffetnégatifsurlesautresespèces,etdoncsurlabiodiversité.

Ce troisième type d’effet – que les économistes appellentexternalité environnementale – est le sujet de la présentesous‑section. L’externalité d’une activité économique estl’impact de cette activité sur un tiers qui n’y participe pasdirectement.Enpareilcas,leprixnereflètepasentièrementles coûts ou les avantages de la production ou de laconsommationd’unproduitoud’unservice.Commeexempled’externalitéenvironnementale,onpeutciter le faitque lesproducteurs de pétrole ne tiennent pas nécessairementcomptedelatotalitédescoûtsquel’extractionetl’utilisationdecette ressource imposent (auxgénérations futuresmaisaussiactuelles)enraisondelapollution.Celaveutdirequeleprixdupétrolenereflètepassonimpactenvironnemental.Ladestructiondedauphinsaucoursdelapêcheauthonestun autre exemple d’externalité environnementale. Dans cecas,leprixmarchandduthonnetientpascomptedel’effetnégatifdelapêchesurlabiodiversité.

Cettesous‑sectionexaminelescaractéristiquesetlanaturedes externalités environnementales engendrées parl’extraction et l’utilisation de ressources épuisables. Leseffets du commerce sur l’environnement sont illustréscompte tenu de leur interaction avec les autres typesd’externalitésanalysésdansceRapport.27

(a) Combustiblesfossiles,pollutionetcommerce

Pour comprendre les effets de l’utilisation des ressourcesénergétiquessur l’environnement, il estutiledeclasser lesexternalités environnementales en deux catégories: lesexternalités de flux et les externalités de stock.28 Lesexternalités de flux représentent les atteintes àl’environnement causées par l’extraction ou l’utilisationactuelle de la ressource, par exemple la pollutionatmosphérique causée par l’utilisation d’énergie dansl’extractiondepétroleoul’industrieminière.Lesexternalitésdestockseproduisentlorsquelesatteintesàl’environnementsontfonctiondesémissionscumulées.Ils’agit,parexemple,del’accumulationdedioxydedecarbonedansl’atmosphèreet de ses effets sur le climat mondial, de la contaminationdes eaux souterraines par l’extraction de pétrole ou decharbonquin’estinverséequelentementparlesprocessusnaturels,etdesdommagesirréversiblescausésauxpaysagesnaturelsparlesminesàcielouvert.

Il ressort généralement des études29 sur les externalitésenvironnementales que la solution optimale est de différeraujourd’hui l’extractiondesressources–defaçonàréduireles émissions polluantes. Dans le cas des externalités deflux,lefaitquelesressourcessontépuisablescompenseenpartie leproblème.Selon la règledeHotelling30, lahaussedes prix qui reflète la rareté croissante des combustiblesfossiles finis remédie implicitement à tout ou partie desatteintesà l’environnementcauséespar l’extractiondecesressources.Enoutre,lemarchépeutréagiràl’augmentationdes prix en développant des technologies énergétiquesalternativesquipeuventaussiaideràremédierauxatteintesà l’environnement causées par l’extraction et l’utilisationactuellesdelaressource.

Danslecasdesexternalitésdestock,letauxd’épuisementdéterminépar lemarchéesttropélevé.DesétudescommecelledeBabuet al.(1997)montrentqu’unerègledeHotellingmodifiée,intégrantlescoûtsliésauxdommagescausésparl’accumulationdestocksdepollution, ralentirait l’extractionaujourd’huietassureraitdoncunoptimumsocial.Alorsque,selonlarègleoriginaledeHotelling,uneunitéadditionnellederessourcen’estconservéequesi leprixde la ressourceaugmenteplusvitequeletauxd’intérêtdumarché,selonlarègle modifiée, une unité additionnelle de ressource estconservée même si le prix d’équilibre de la ressourceaugmentemoinsvitequeletauxd’intérêt.Celavientdufaitqu’un accroissement de la consommation de ressourcesaujourd’hui augmentera le stock de pollution demain. Pourchaque période ultérieure, il y aura une désutilitésupplémentaire(c’est‑à‑direunepertedebien‑être)causéepar l’augmentationdustockdepollutioncrééaucoursdespériodesantérieures.Enl’occurrence,uneunitéadditionnellede ressource serait conservée pendant la période actuelleafin d’éviter une désutilité plus grande durant les périodesfutures, même si le prix de la ressource augmente pluslentementqueletauxd’intérêtdumarché.

Quelle est la relation entre le commerce des combustiblesfossilesetlesexternalitésenvironnementales?Uneréponsepartielle à cette question est apportée par une série demodèlesdans lesquels l’existenced’uncommerceentre lespaysestimplicitementpriseencompte.Danscesétudes,onsupposeque lesressourcessontconsomméespar tous lespays, exportateurs ou importateurs – hypothèse réalisteétantdonnéquelaplupartdesressourcesénergétiquesnonrenouvelablesontunerépartitiongéographiqueinégale(voirla section B.1) et que l’économie mondiale est trèsdépendantedescombustiblesfossiles.31Parconséquent,sila demande des pays non producteurs coïncide avec leursimportations,larelationentrelecommerceetlesexternalitésenvironnementales dépendra d’une série de facteurs,analysés ci‑dessous, qui influent directement sur le tauxoptimald’extractionoud’utilisationdesressources.

Certainsdecesfacteurspeuventaccélérerlaconsommationderessourcesparrapportàl’optimumsocialetaccroîtreleseffetsnégatifssurl’environnementquisontliésdirectementà l’extraction et à l’utilisation des combustibles fossiles.Premièrement,l’asymétriedel’informationsurladisponibilitédes ressources peut encourager les exportateurs et lesimportateurs à adopter un comportement stratégique. Parexemple,lesimportateurspeuventavoirintérêtàannoncerlamise au point d’une technologie d’appui32 afin d’accroîtreleur pouvoir de négociation et de faire baisser le prix desressources,tandisquelesexportateurspeuventêtretentés

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d’exagérerlesstocksexistantspourretarderlamiseaupointdesubstituts.33Danslesdeuxcas,letauxd’extractiondelaressourceserasupérieuràl’optimumsocial,etlesatteintesà l’environnement augmenteront. Dans le premier cas, lesexportateursréagirontàlamenaced’unetechnologied’appuienaugmentantletauxd’extractionetenabaissantleprixdela ressource.Dans le secondcas, ilsadopterontunsentierd’extractionplusrapidecompatibleaveclasurestimationdeleurs stocks, afin de rendre crédible leur exagération desréservesdisponibles.

Deuxièmement,lestechnologiesquiréduisentlescoûtsonttendanceàavoiruneffetnégatifsur leprixdesressourcesen réduisant le coût marginal de l’extraction. L’effet globalsur le taux d’extraction, et partant sur les atteintes àl’environnement, dépendra de l’arbitrage entre le progrèstechnologiqueetlecaractèreépuisabledelaressource.Lesétudes de André et Smulders (2004), Farzin (1992) etKrautkraemer (1985) montrent que, à court terme, ladiminution des coûts due au progrès technologique atendance à compenser l’augmentation des coûts due àl’accroissement de la valeur in situ de la ressource. Unebaisse des prix entraînera une augmentation de laconsommation, et donc plus de pollution. À long termecependant, la valeur croissante de la ressource in situl’emporterasur lecoûtdécroissantde l’extraction,desortequelesprixaugmenterontdenouveau.Lapollutiongénéréeàcourttermepersisteradansletemps,desorteque,mêmesi letauxd’extractiondelaressourcediminuedansl’avenir,l’effetnégatifsurl’environnementsubsistera.

Troisièmement, ladécouvertedenouvellesressourcespeutavoiruneffetsimilaireàceluidestechnologiesréductricesde coûts.34 Étant donné que les nouvelles découvertessignifientgénéralementquel’extractiondevientplusfacileetmoins coûteuse, les prix baissent et la consommationaugmente–cequiadeseffetsnégatifssurl’environnement.À long terme cependant, les possibilités d’exploration seheurteront à la baisse des rendements, et le prix desressources augmentera de nouveau.35 L’effet global surl’environnementdépendrade laduréedepersistancede lapollutionsupplémentairegénéréeàcourtterme.

Enfin, comme on l’a vu dans la section C.4, les droits depropriétédanscertainssecteursderessourcesnaturellesnesontpasbiendéfinisniprotégés.Considéronsuncasdanslequeluneconcessionpourl’exploitationd’uneressourceestaccordéeparungouvernement corrompuou faible.Faceàl’incertitudepolitique, lespropriétairesdelaressourcesontincités à accélérer l’extraction au‑delà de l’optimum socialafindegarantirleursprofits–audétrimentdel’environnement.

Parcontre, lesnouvelles technologiespeuventaussiaideràlimiter leseffetsnégatifssur l’environnement–parexemple,lorsqu’une technologie limite le CO2 produit par l’extractiond’une ressource (Welsh et Stähler, 1990; Tahvonen, 1997;Grimaudet al. ,2009).Autrementdit,s’ilexisteunetechnologiede réductionde lapollutionet si soncoûtest suffisammentbas,letauxoptimald’extractiondelaressourceaugmenteetlescontraintesenvironnementaless’atténuentenpartie–cequiréduitlesacrificedelagénérationactuelle.Enoutre,silatechnologie de réduction aide à réduire l’effet surl’environnement des émissions cumulées, les émissionstotales à long terme diminueront également. On peut doncconsidérerqu’unetechnologiederéductiondelapollutionestunmoyen«pluspropre»d’extrairedesressourcespolluantes.36

Il convient de souligner le rôle du commerce dans ceprocessus. Quand les ressources énergétiques sontfortementsubstituablesetqueleurteneurenpollutionpeutêtre clairement différenciée, le commerce peut aider àatténuercertainesdesexternalitésenvironnementalesliéesàl’utilisationdecombustiblesfossiles.Parexemple,lespaysquiutilisentlepétroleoulecharboncommeprincipalesourced’énergie peuvent choisir d’importer du gaz naturel – lecombustible fossile «lepluspropre»en termesd’émissionsde dioxyde de carbone37 –, de sorte qu’ils ralentissentl’accumulation de polluants et nuisent moins àl’environnement.

(b) Biensrenouvelables,biodiversitéetcommerce

L’exploitationderessourcesnaturellescommelepoissonetles forêts peut aussi être à l’origine d’externalitésenvironnementales.L’analyseci‑aprèsportesurleseffetsducommercedesressourcesépuisablessurlabiodiversité.

(i) Destruction des habitats naturels et commerce

Comme la production de bois et la production agricolenécessitentl’utilisationdeterres,l’expansiondecesactivitéséconomiques peut contribuer directement à la destructiondes habitats naturels. La destruction des habitats est unecausemajeuredeladiminutiondunombred’espèces–c’est‑à‑diredelaréductiondelabiodiversité–,carelleintensifiela concurrence entre les espèces pour des ressources debase comme la nourriture et l’eau et rend leur survie plusdifficile.38Diversesétudes39ontanalysél’effetducommercesurlesstructuresdeproductiondansdifférentspays,surladestructiondeshabitatsetsurlabiodiversité.Laconclusiongénéraleestquelesgainsclassiquesrésultantdel’ouverturecommerciale peuvent disparaître, si l’on tient compte deseffetsnégatifsliésàladiminutiondelabiodiversité.40

Pour comprendre les effets du commerce des ressourcesnaturelles sur la biodiversité, considérons deux paysidentiques, unpaysnational et unpaysétranger, qui ont lamêmequantitéfixededeuxtypesd’habitatnaturel, laforêtet la prairie (Polasky et al. , 2004). Le nombre d’espècesdifférentes qui y habitent représente la productivitéécologique de chaque type d’habitat. En outre, unagrandissement de l’habitat augmentera le nombred’espèces. Toutefois, la productivité écologique marginalebaisseparrapportàlatailledel’habitat.41Autrementdit,plusl’habitat existant est grand, moins il y aura d’espècessupplémentaires en cas d’augmentation marginale de latailledel’habitat.

Enl’absencedecommerce,lesdeuxpaysproduisentduboiset des céréales. La production de bois nécessite laconversion des zones boisées, alors que la production decéréalesnécessitelaconversiondesprairies.Unefoisquelaterreestconvertiepourunusageproductif,ellenepeutplusfairevivrelesespècesbiologiquesnatives.Silepaysnationalpossèdeunavantagecomparatifdanslaproductiondeboisetlepaysétrangerdanslaproductiondecéréales,l’ouvertureau commerce conduira à un équilibre dans lequel le paysnational se spécialisera dans la production de bois etimportera des céréales. L’inverse se produira pour le paysétranger.Enoutre,laspécialisationcomplètedelaproduction

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entraîneraunespécialisationcomplètedanslaconservationde l’habitat naturel. Dans le pays national, par exemple, laspécialisationdanslaproductiondeboisamèneralepaysàsespécialiserdanslaconservationdesprairiesauxdépensdesforêts.Quelestalorsl’impactdel’ouverturecommercialesurlabiodiversitédespays?

L’effetducommercesurlabiodiversitédépendradelarelationentre la productivité écologique de chaque habitat. Pourmieuxcomprendrecerésultat,considéronslafigure15danslaquelle laproductivitéécologiquedesprairiesparrapportàcelle des zones forestières (d) dans le pays national estreprésentée en abscisse. Les lignes A et B illustrentrespectivement la biodiversité locale du pays en situationd’autarcieetensituationde libre‑échange.Ellessecroisentaupoint

˜ d > 1parcequelaproductionécologiquemarginaledechaquehabitatestpositivemaisdiminueaveclasuperficiedesterres.

Si l’habitat forestier et l’habitat de prairie ont la mêmeproductivité écologique (

d = 1) et si le pays nationalcommenceàsespécialiserdanslaproductiondebois,l’effetnégatif du recul des zones forestières sera supérieur àl’avantage découlant d’une extension des prairies. Lecommerceduboisn’aurauneffetpositifsurlabiodiversitédupaysnationalquesilaproductivitéécologiquedesprairiesparrapport à celle des forêts est assez élevée (

d = 1) pourcompenser le dommage causé à l’habitat par le recul deszonesforestières.

L’impact de l’ouverture commerciale sur la biodiversitémondiale dépendra de la mesure dans laquelle les espècessont spécifiques à un pays.42 Plus précisément, si chaqueespèceestspécifiqueàchaquepays,leseffetsducommercesur labiodiversitéglobalecoïnciderontavec leseffetssur labiodiversitédechaquepays.Toutefois,si,avantl’ouvertureaucommerce, lesmêmesespècesviventdans tous lespays, lecommercepourraêtreavantageux,mêmesilesdeuxpaysontla même productivité écologique. Dans ce dernier cas,l’ouverturecommercialeentraîneraunediminutionlocaledesespèces dans le secteur qui se spécialise, mais aussi uneaugmentation des espèces dans le secteur importateur.Commechaquepayssespécialisedansunproduitdifférent,lechevauchement des espèces sera réduit (les espèces quiexistaientdansplusieurspaysn’existentplusdésormaisquedansunseul),maislabiodiversitémondialeaugmentera.43

(ii) Libre accès, interaction biologique des espèces et commerce

Lesétudessurlarelationentrelecommerce,lesproblèmesdelibreaccèsetlabiodiversitésontgénéralementaxéessurla pêche.44 Elles tendent à montrer que le résultat dépendbeaucoup de la nature de la relation biologique entre lesespèces faisant l’objet d’échanges (voir le tableau 6). Cesrelationspeuventêtreclasséesentroiscatégories:relationpositiveousymbiotique (les stocksdesdeuxespècessontmutuellementbénéfiques); relationnégative (lestockd’uneespèce [par exemple les parasites du poisson] réduit laproductivité ou les possibilités de survie de l’autre); etrelationasymétrique (lapremièreespècesertdeproieà laseconde).

Considérons une situation dans laquelle il n’y a pas decommerce entre deux pays et il y a un problème d’accèscommun à une ressource transfrontalière, les deux payspêchant dans les mêmes eaux (Fischer et Mirman, 1996).Supposons en outre que les deux pays capturent etconsomment deux espèces – et se préoccupent donc deseffets biologiques croisésentreelles.Dans ce scénario, leproblème de la surexploitation sera atténué si la relationbiologique entre les espèces est positive et si le taux dereproductiond’uneespèceestplusgrandque l’effetcroiséentre les deux espèces. Comme la capture de la premièreespèceréduitlestock,etdonclaconsommationtotale,delaseconde,lasolutionoptimaleconsisteraàréduirelacapturetotaledelapremièreespèce.Si larelationbiologiqueentrelesespècesestnégative, leproblèmede la surexploitations’accentue.Plusprécisément, le faitque la réductiond’uneespèce implique l’augmentation du stock de l’autre espèceentraîne en soi une surexploitation. Enfin, dans le casasymétrique, il y aura une capture encore plus grande dupoissonprédateur, tandisque lasurexploitationdesaproieseraréduite.

Considéronsmaintenantunesituationdanslaquellelesdeuxpays peuvent commercer et chacun se spécialise dans lacapture de l’une des espèces et importe l’autre (Datta etMirman, 1999). S’ils considèrent les prix internationauxcomme donnés45, le fait qu’un pays épuise sa propreressource ne se répercutera pas sur le prix de l’autreressource. Plus précisément, les agents ne se soucieront

Figure15: biodiversité, productivité écologique et commerce

A(Autarcie)

La biodiversité diminue avec le commerce

La biodiversité augmente avec le commerce

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B(Libre-échange)

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pasdel’effetbiologiquecroiséqu’ilscréerontencapturantlaressourcedesorteque,enprésenced’unerelationbiologiquepositiveentrelesespèces,lespayscapturerontplusquecequi serait optimal au niveau mondial. En revanche, si larelationbiologiqueentre lesespècesestnégative, ilyaurasous‑exploitation. Dans ce cas, les deux pays pourrontcapturerplus,car ladiminutiond’uneespèceestbénéfiquepourl’autre,etinversement.

Àmesurequelenombredepaysexploitantchaqueespèceaugmenteetquelecommerces’accroît,onnepeutpasdireclairement si le problème de la ressource communes’accentue ou s’atténue en présence d’interactionsbiologiquesentreespèces.Lefaitqu’ilyasurexploitationousous‑exploitation dépendra de divers facteurs tels que lenombre de pays, l’effet prix, les préférences desconsommateurs et le type de relation biologique entre lesespèces.

5. Lamalédictiondesressourcesnaturelles

Denombreusesressourcesnaturellesontunecaractéristiqueparticulière: au lieu d’être dispersées géographiquement,elles sont concentrées dans quelques lieux. Cela aide àcomprendrepourquoilesressourcesnaturellesreprésententsouvent une part disproportionnée de la production et desexportationsdecertainspays.46Parexemple,danslespaysrichesenpétroleetenminéraux, les ressourcesnaturellesreprésentent souvent une part très importante desexportationsdemarchandisesetduPIB.Onditsouventquel’abondance de ressources ne contribue pas toujours à lacroissance économique et au développement des paysconcernésetqu’ellepeutmêmeavoir l’effet inverse–c’estce que l’on appelle la «malédiction des ressources» ou le«paradoxe de l’abondance». La section suivante passe enrevue la littérature théorique et empirique qui analyse lesmécanismes par lesquels s’opère la malédiction desressourcesnaturellesettentedetirerquelquesconclusionsgénéralessurlapertinencedecephénomène.

(a) Lesyndromehollandais

Un accroissement des revenus tirés des ressourcesnaturellespeutentraînerladésindustrialisationd’unpaysenprovoquantunehaussedutauxdechangeréelquiréduitparconséquentlacompétitivitédusecteurmanufacturier.Cettetendanceàladésindustrialisationaétéappelée«syndromehollandais».47

Un boom des ressources naturelles peut entraîner unedésindustrialisation directe ou indirecte.48 Ladésindustrialisation directe, ou «effet de réallocation desfacteurs»,résultedelaréorientationdelaproductionversle

secteur des ressources naturelles. Dans une économiecomportant trois secteurs – les ressources naturelles,l’industriemanufacturièreetunsecteurproduisantdesbiensnon échangés –, l’expansion du secteur des ressourcesnaturellesdétourneralesfacteursdeproduction(ycomprisla main‑d’œuvre) du reste de l’économie. Cela crée unedemande excédentaire de biens non échangeables dont leprix relatif augmente par conséquent. Si l’économie est depetite taille, de sorte que le prix des biens échangés estdéterminé sur les marchés mondiaux, cela équivaut à uneappréciation du taux de change réel, qui rend le secteurmanufacturiermoinscompétitif.

La désindustrialisation indirecte, ou «effet de dépense»,tient au fait que les dépenses additionnelles résultant del’augmentation des revenus tirés des ressources naturellescontribuent à la hausse du taux de change réel. Plusprécisément, les revenus supplémentaires générés parl’expansion des exportations de ressources naturellesaugmentent le revenu intérieur ainsi que la demandeintérieure de tous les biens. Comme le prix des bienséchangeablesestdéterminésur lesmarchésmondiaux, lesdépensesadditionnellesfontmonterleprixrelatifdesbiensnon échangeables, d’où une appréciation encore plusimportantedutauxdechangeréel.49

Dans une économie caractérisée par une concurrenceparfaitesur lesmarchésdebiensetdefacteursetpardesrendementsd’échelleconstants(«économienéoclassique»),le déclin du secteur des biens échangés, lié au syndromehollandais,nedevraitpasêtreconsidérécommeunproblèmeetencoremoinscommeune«malédiction»,carilestoptimalpour les pays de se spécialiser dans les secteurs où ilspossèdentunavantagecomparatif.Lesyndromehollandaisdevientunproblèmesilesecteurmanufacturierenpertedevitesse est caractérisé par des retombées positives sur lerestedel’économie(vanWijnbergen,1984;SachsetWarner,1995). Krugman (1987) examine le cas dans lequel laproductivité du secteur manufacturier augmente avec laproduction(apprentissageparlapratique).Àcourtterme,unboom des ressources naturelles entraîne une hausse dusalairedanslepaysconcernéparrapportaupaysétranger.Comme cette augmentation du salaire relatif réduit lacompétitivité du secteur manufacturier, la production decertains biens produits dans ce secteur est délocalisée àl’étranger et les bénéfices tirés de l’apprentissage par lapratiquesontperdus.Laproductivitérelativedupaysdiminuedans ces secteurs avec le temps, de sorte que lorsque letransfertprendfin,lapartdemarchédupaysetsonsalairerelatifaurontdiminuédefaçonpermanente(voirl’encadré10pouruneanalyseplusapprofondiedumodèledeKrugman).

Tableau6:effets du commerce sur le problème de l’accès commun (le cas des petits pays)

RELATIONENTRELESESPÈCES AUTARCIE COMMERCE

Relationpositive Sous‑exploitation Surexploitation

Relationnégative Surexploitation Sous‑exploitation

Relationproie‑prédateurPrédateur:SurexploitationProie: Sous‑exploitation

Prédateur: Sous‑exploitationProie: Surexploitation

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Si, en raison d’externalités de production, de rendementsd’échellecroissantsoudel’apprentissageparlapratique,lesecteur manufacturier exportateur est le «moteur» de lacroissance économique d’un pays (Lewis, 1954), unecontraction de sa production sous l’effet du syndromehollandais risquede réduireson tauxdecroissance,cequiaura des effets négatifs permanents sur le niveau desrevenus.Cepointest illustrépar la figure16.50Supposonsdeuxéconomiesidentiquesayantaudépartlemêmetauxdecroissance,desortequel’évolutionduPIBsuitlalignedroitecompriseentrelepointOetlepointA.Supposonsmaintenantque l’une des deux économies connaît un boom desressourcesnaturellesaumomentT0,desortequesonPIBaugmente immédiatement jusqu’au point B. À court terme,cetteéconomieauraunPIBplusélevé.Toutefois,sileboomdesressourcesentraîneunralentissementdelacroissanceparce qu’il détourne des ressources du secteur qui tire lacroissance, le PIB de l’économie qui connaît le boomtombera,àterme,endeçàduPIBdel’autreéconomie.Mêmesi la première retrouve ensuite son taux de croissanced’avantleboom,ilsepeutquesonPIBresteenpermanenceinférieuràceluidel’autreéconomie.51

Lesyndromehollandaisetseseffetsnégatifspotentielssurleniveaudesrevenusnepeuventseproduirequesi letaux

dechangeréels’apprécieàlasuited’unboomdesressourcesnaturelles.Maisilsepeutaussique,danscescirconstances,le taux de change réel se déprécie, au lieu de s’apprécier,pourdiversesraisons.Parexemple,ilpeutsedépréciersilesecteurnonexportateurestpluscapitalistiquequelesecteurexportateur et s’il faut de la main‑d’œuvre pour obtenir lesrevenusexceptionnelsprovenantdes ressourcesnaturelles(Corden et Neary, 1982).52 Une dépréciation réelle peutaussi se produire en présence de retombées del’apprentissage par la pratique et de l’apprentissageintersectoriel. Torvik (2001) montre que, dans un modèleintégrantcesdeuxéléments,l’apportdedevisesentraîneladépréciationàlongtermedutauxdechangeréel,enraisond’un déplacement de la productivité relative en état stableentrelesecteurexportateuretlesecteurnonexportateur.Àladifférencedesmodèlesclassiquesdusyndromehollandais,la production et la productivité dans les deux secteurspeuventaugmenteroudiminuer.

La prise en compte d’une dépréciation du taux de changeréelrenverselefondementthéoriquedusyndromehollandais.Commeiln’yapasd’étudesempiriquesindiquantsileboomdesressourcesnaturelless’accompagned’uneappréciationou d’une dépréciation du taux de change réel, il est plusdifficile d’appréhender le lien entre le boom et la

Encadré10:le modèle du syndrome hollandais de Krugman avec apprentissage par la pratique

Krugman (1987) élargit le modèle ricardien à continuum de biens de Dornbusch et al. (1977) en supposant que lesbesoins unitaires de main‑d’œuvre évoluent avec le temps. Le besoin unitaire de main‑d’œuvre dans le secteur z aumomenttestégalàa(z,t)danslepaysnationaletàa*(z,t)danslepaysétranger.Commelemontrelafigureci‑dessous,lacourbedesproductivitésrelativesA(z,t)=a(z,t)/a*(z,t)estunefonctionàécheloncarlesschémasdespécialisations’enracinentavecl’apprentissageparlapratique.Danslemodèle,l’équilibreestobtenuàl’intersectionentrelafonctiondeproductivitérelativeA(z,t)etl’étatd’équilibredelabalancedespaiements,BP.Unboomdesressourcesnaturelles,modélisécommeunsimple transfertTdupaysétrangervers lepaysnational, faitdévier lacourbeBPvers l’intérieur(l’équilibrepassedeAàB).Parconséquent,àcourtterme,letransfert(boomdesressources)entraîneuneaugmentationdusalaire relatifdans lepaysnationalbénéficiaire (économieenexpansion), quipassede ω0àω1.Lepaysnationalpossèdeunavantagecomparatifdanslesecteurdesbiensexportables,z,tantquesonsalairerelatifestinférieuràsaproductivitérelative.Siletransfertestimportant,l’augmentationdeωestsuffisantepourcontrebalancerl’avantagedeproductivitédupays,desortequecertainssecteurssedélocalisentàl’étrangeretz tombedez0 àz1.

Enraisondelapertedel’apprentissageparlapratique, ledéplacementdelaproductiondupaysnationalverslepaysétrangerentraîneavecletempsunebaissedelaproductivitérelativedupaysnationaldanslessecteurssituésentrez0etz1.Sousformegraphique, lafonctionA(z,t)développeunéchelonmoyenquisecreuseavecletemps(sur lafigure,flèchesorientéesverslebas).Àlongterme,siletransfertduresuffisammentlongtemps,cessecteursrestentàl’étrangermêmelorsqueletransfertprendfin.Autrementdit,lessecteursexportateursdeproduitsmanufacturés,touchésparlaperte de compétitivité due au boom des ressources naturelles, ne peuvent pas se redresser quand les ressourcess’épuisent.Lebien‑êtreàlongtermedupaysnationals’entrouveamoindridefaçonpermanente.

B

Z1 Z0

ω1

ω0 A

BP

BP'

Salaire relatif du pays

Nombre de secteurs non exportateurs dans le pays

Fonction de productivitéà échelon due à des schémas de spécialisation bien établis

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désindustrialisation. La situation macro‑économique peutinfluenceraussilaprobabilitéd’unedésindustrialisationaprèsun boom des ressources naturelles. En situation de pleinemploi, la réponse globale à une forte augmentation de ladépense se heurte généralement à des rendementsdécroissants,cequiréduitlavaleurdeladépense(Collieret al.,2009). L’intuition est que la dépense se traduit par unehaussedesprixetévinced’autresactivités,aulieud’ameneràutiliserplusderessources.Lahaussedesprixintérieurssemanifestecommeuneappréciationréelledelamonnaie,quiestlabasedeseffetsdusyndromehollandais.Toutefois,s’ilyadesressourcessous‑utilisées(«économiekeynésienne»),ceteffetd’évictionpeutnepassematérialiser.Danscecas,ilestpossiblederépondreàlademandesupplémentaireenfaisant usage des ressources sous‑utilisées. En raison deseffetsmultiplicateurs,l’augmentationfinaledesrevenusestsupérieureà l’augmentationdelademande.L’augmentationdes revenussepoursuivra jusqu’àcequ’ellesoitégaleà laquantitésupplémentairededevisesprovenantdesbénéficesexceptionnels,diviséeparlapropensionmarginaleàimporter(Collieret al.,2009).53

Lesprédictionsthéoriquesconcernantlesyndromehollandaisont été vérifiées au moyen de simulations et d’analyseséconométriques qui montrent la pertinence empirique duphénomène. Plusieurs études ont mesuré l’effet net del’expansion du secteur énergétique sur la production desautres secteurs exportateurs échangeables. À l’aide d’unmodèle simulant une économie ouverte multisectorielle,BrunoetSachs(1982)montrentqueceteffetestnégatifetquesonampleurdépenddelapolitiquebudgétaireconcernantla redistribution des recettes fiscales pétrolières au secteurprivé.D’autresétudesutilisentuneapprocheéconométriquepour examiner l’incidence d’un boom énergétique sur lesecteur manufacturier. Dans une étude transnationalecomprenant la Norvège, les Pays‑Bas et le Royaume‑Uni,Hutchison (1994) trouve peu d’éléments empiriques étayantl’hypothèse selon laquelle un secteur énergétique en forteexpansion détourne des ressources des secteursmanufacturiers (la Norvège étant la seule exception, et leseffetsnégatifsontétédecourtedurée).Cependant,Brunstadet Dyrstad (1992) expliquent que l’analyse de Hutchisonpermetsurtoutdesaisirleseffetsquisemanifestentàtraversla dépense. Dans une étude fondée sur des donnéesnorvégiennes, ils constatent que le boom énergétique avaitaffecté les industries manufacturières par l’effet deréallocationdesressourcesplutôtqueparl’effetdedépense.54

D’autresétudesontexaminé,àl’aidededonnéesprovenantdenombreuxpays, leseffetsdel’abondancederessourcesnaturelles sur la croissance du secteur manufacturier. Àpartird’unéchantillonde52pays,SachsetWarner (1995)montrent que, dans les pays riches en ressources, lesexportationsdeproduitsmanufacturésontaugmentémoinsrapidement, leur part des exportations totales étant restéeconstante au début.55 Le modèle gravitationnel de Stijns(2003), qui évalue l’impact d’un boom des ressourcesnaturelles sur les exportations réelles de produitsmanufacturés, permet de vérifier directement les effets dusyndrome hollandais. L’auteur constate que l’hypothèse dusyndrome hollandais est empiriquement pertinente. Engénéral, un boom énergétique induit par les prix nuitsystématiquement au commerce réel de produitsmanufacturés des pays exportateurs d’énergie. Uneaugmentation de 1 pour cent des exportations nettesd’énergie du pays et une hausse de 1 pour cent du prixmondial de l’énergie sont associées à une réduction ducommerceréeldeproduitsmanufacturésde0,47pourcentet0,08pourcent,respectivement.

(b) Affaiblissementdesinstitutions

Ilsemblequelamalédictiondesressourcesnaturellesopèredanscertainscontextespolitiquesmaispasdansd’autresetqu’elleestétroitementliéeàcertainssecteursderessourcesnaturelles,tandisqued’autressontlargementépargnés.Pourtenterd’expliquercesdifférences,ons’appuiedeplusenplussurlesthéoriesquiprivilégientlesconsidérationsd’économiepolitique, comme la recherche de rente (Deacon et Mueller,2004).

On a montré que les institutions, par exemple les systèmesjuridiques,étaientundéterminantessentielde lacroissanceetdudéveloppement(Acemogluet al.(2001)etRodriket al.(2004)). La prépondérance des ressources naturellesexerceradoncuneffetindirectsurlacroissanceéconomiqueàtraverslesinstitutions–au‑delàdetouteffetdirectàtraversla désindustrialisation. Elle peut entraver la croissance enprésence d’institutions faibles (mécanisme de recherche derente), ou bien elle peut contribuer elle‑même àl’affaiblissementdesinstitutions.

Premièrement, l’abondance de ressources entrave lacroissance économique en présence d’institutions faibles –parexemple,régimededroitsdepropriétémaldéfini,mauvais

Figure16:réduction permanente du Pib à la suite d’un boom des ressources naturelles

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fonctionnementdusystème juridique, faible respectdudroitet autocratie. Selon Bulte et Damania (2008), en régimeautocratique,lespolitiquessontdictéesparledésirdesoutirerdel’argentauxentreprisesplutôtquepardesconsidérationsdebien‑être.56Lorsqu’ilyaunboomdesressources,lavaleurdu soutien gouvernemental au secteur des ressourcesaugmente,etavecelle l’incitationàcorrompre lesdirigeantsen place. Les politiques de soutien sectorielles privilégientdavantagelesecteurdesressources,audétrimentdusecteurmanufacturier. Si ce dernier bénéficie d’effets de réseau etd’autres retombées, le fait qu’il reçoit un soutien inférieur àl’optimumsocialnuitàlacroissanceéconomique.

Deuxièmement, un boom des ressources naturelles peutcontribueràl’affaiblissementdesinstitutionsenfavorisantlarecherchederente.Ducôtédelademande,lesagentssontincitésà rechercherune rentepour s’approprierunepartiedu revenudes ressourcesdisponibleauseinde l’économie(c’est l’effet dit de «voracité», décrit par Tornell et Lane(1999)).Ducôtédel’offre,unboomdesressourcesnaturellespeut favoriser la corruption parmi les bureaucrates et lesresponsables politiques qui répartissent la rente tirée del’exploitation et de l’exportation des ressources naturelles.Lorsque les agents passent d’une activité économiquegénératricedeprofitsàuneactivitéderecherchederente,celaadeseffetsnégatifsquiserenforcentd’eux‑mêmesetannulentlerevenuadditionneltirédesressourcesnaturelles,réduisantainsilebien‑êtresocial.

Dansleurétudeempiriquenovatrice,SachsetWarner(1995)fontvaloirqueleséconomiesrichesenressourcesnaturellesenregistrentgénéralementunecroissancepluslente.Ilsontconstatéque,dans lespaysoù leratiodesexportationsderessources naturelles au PIB était élevé en 1970, lacroissance annuelle moyenne du PIB réel est restée faiblependant les deux décennies suivantes.57 Cette corrélationnégative reste forte après la prise en compte d’autresdéterminantsclassiquesde lacroissance,comme leniveaude revenu initial, l’ouverture commerciale, le tauxd’investissement et la qualité des institutions (voir aussiTorvik (2009)).Cette conclusiongénérale a cependant étécontestée par plusieurs études ultérieures. Par exemple,Papyrakis etGerlagh (2004) constatent que, si la richesseenressources(mesuréeparlapartdelaproductionminéraledans le PIB) semble freiner la croissance économique, lecoefficient de cette mesure de l’abondance de ressourcesest négligeable – et devient même positif – si l’on tientcomptede facteurs telsque lacorruption, l’investissement,l’ouverture,lestermesdel’échangeetlascolarisation.

Sala‑i‑MartinetSubramanian (2003)utilisentunestratégieempiriqueendeuxétapespourdémontrerquelesressourcesnaturelles ont des effets négatifs forts et robustes sur lacroissanceàlongterme,maisseulementdemanièreindirecte,àtraversleureffetpréjudiciablesurlesinstitutionspolitiqueset sociales.58 Une fois que les institutions sont prises encompte dans les régressions de croissance, les ressourcesnaturelles ont peu d’effets négatifs résiduels ou ont mêmedes effets bénéfiques. Mais cette conclusion est contestéepar Alexeev et Conrad (2009), qui affirment que lescoefficients négatifs statistiquement significatifs de larichesseen ressources (pétrole)dans les régressionsde laqualité institutionnelle présentées dans Sala‑i‑Martin etSubramanian(2003)résultentengrandepartiedulienpositifentrelePIBetlepétrole,plutôtqued’uneinfluencenégativeimportantedeladotationenpétrolesurlesinstitutions.

Enfin, certaines études vérifient l’hypothèse selon laquellel’abondancedesressourcesinfluedemanièrenégativesurlacroissance économique en présence d’institutionsdéfavorables à la croissance, en incluant des effetsd’interactionentre l’abondancedesressourceset laqualitédes institutions. Mehlum et al. (2006) constatent uneinteractionpositiveetsignificative,quidonneàpenserquedanslespaysoùlesinstitutionssontdequalitésuffisante,iln’y a pas de malédiction des ressources naturelles. Cerésultat a été contesté, lui aussi, par Alexeev et Conrad(2009), qui affirment que l’abondance des ressources n’apas d’effet négatif indirect sur la qualité des institutionslorsqu’on prend comme variable dépendante le PIB parhabitant plutôt que le taux de croissance moyen sur unepériode donnée.59 Ils en concluent que les pays dotés debonnesinstitutionsquiauraientétérichesdetoutemanièrebénéficient généralement moins de l’effet positif desressourcesnaturelles,tandisquelespaysdontlesinstitutionssont faibles et qui auraient été pauvres en l’absenced’abondantes ressources naturelles tirent des avantagesrelativementimportantsdeleursrichessesnaturelles.

(c) Conflits

Lapiremanifestationdelamalédictiondesressourcesestledéclenchement, ou la poursuite, d’un conflit civil. Deuxfacteurs sont souvent cités pour expliquer comment lesressources naturelles peuvent causer des conflits: le«pillage»(oula«prédation»)etle«mécontentement»(Collieret Hoeffler, 2004; Ross, 2004). Dans le premier cas, lesproduits primaires offrent des possibilités de gain à desgroupes rebelles, qui peuvent se procurer des fonds enexploitant et en vendant la ressource directement ou enextorquantdel’argentàceuxquieffectuentcesopérations.Enpermettantàcesgroupesdefinancerleursactivités,lesressourcesnaturellesaugmentent laprobabilitédeguerresciviles.Dans ledeuxièmecas, l’exploitationdes ressourcessuscite un mécontentement dans la population locale, quiestime qu’elle n’est pas suffisamment indemnisée pourl’expropriationdesterres,ladégradationdel’environnement,les possibilités d’emploi insuffisantes et les perturbationssociales provoquées par la migration des travailleurs. Cemécontentementconduitluiaussiàlaguerrecivile.

Le lienentre l’abondancedesressourceset lesconflitsestparticulièrement fortdans lecasdes ressourcesnaturellestrès concentrées, dont l’appropriation est aisée, comme lepétroleet lesminéraux–à ladifférencedelaforêt,quiestuneressourceplusdiffusedansl’économie.Cesressourcessuscitentunerecherchederenteplusintenseparcequ’ilestfacile de s’approprier les revenus et la rente.60 En outre,comme l’expliquentDeaconetMueller (2004), lespaysquiont des ressources concentrées en abondance auronttendance à établir des structures de gouvernance fondéessurlacentralisationdupouvoirpourcontrôlercesressources,et leur histoire sera jalonnée de luttes pour conserver cecontrôle.61

La littératureempiriquesur lesconflitsaétudié le rôledesdivisions ethniques dans la genèse des guerres civiles(Montalvo et Reynal‑Querol, 2005). Par ailleurs, lesressources naturelles sont souvent réparties de manièreinégaleà l’intérieurdespays: c’est lecas,parexemple, auNigéria,oùlarégiondudeltaduNigerregorgedepétrole,ouau Congo, où les minéraux abondent dans le sud‑est duKatanga. Morelli et Rohner (2009) ont élaboré un modèle

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théoriquedans lequel unconflit civil est provoquéà la foispar la répartition inégaledes ressourcesnaturellesdans lepays et par des conflits d’intérêts à caractère ethnique.Considéronsqu’ilyadeuxgroupesethniques,legroupej,quitientlesrênesdupouvoir,etlegroupei,quiestdominé.Lesdeuxgroupesdoivents’entendresurl’undesquatrerésultatssuivants: deux pacifiques (paix ou sécession acceptée) etdeux conflictuels (conflit sécessionniste ou centriste).62 Lapréférence donnée à l’un des résultats dépendessentiellementde l’accordsur lepartagedesexcédents–c’est‑à‑diresurlapartdel’excédenttotaldelaproductionderessourcesnaturellesquirevientaugroupeidéfavorisé.

S’il n’y avait qu’une forme de conflit (conflit centriste), lanégociationetletransfertpourraienttoujoursassurerlapaix,car les ravagesde laguerregénèrent desdividendesde lapaixqu’ilfautrépartir.Or,enprésencedeformesdeconflitsmultiples, iln’estpastoujourspossibledetrouverunaccordquiassurelapaix,carilpeutyavoirundividendedelaguerrequifaitéchouerlanégociationmêmes’ilexistedestransfertscrédibles. L’échec de la négociation est plus probable dansdeux conditions. La première existe quand le volume desressourcesnaturellesextraitesdanslarégionoùlegroupeidominéestleplusnombreux(r1)estimportant.Ladeuxièmeconditionexistequandlaprobabilitéd’unevictoiredugroupeidansunconflitsécessionnisteestimportante,parrapportàla probabilité d’une victoire de ce groupe dans un conflitcentriste(pS/pC).Intuitivement,sir1oupS/pCestfaible,unconflit sécessionniste est moins attrayant, et la situationressemble à celle dans laquelle il n’y a qu’une forme demenaceimportante(c’est‑à‑direleconflitcentriste).

Les données empiriques sur le lien entre les ressourcesnaturelles et les conflits civils sont contrastées et parfoiscontradictoires. D’une part, Collier et Hoeffler (2004)constatent que les pays fortement tributaires desexportationsdeproduitsprimairessontconfrontésàunplusgrand risque de guerre civile que les pays pauvres enressources,etquecelavautpourtouslestypesdeproduitsprimaires–ycomprislepétrole,lesminérauxetlesproduitsagricoles.D’autrepart,desétudesultérieuresontcontestél’affirmationselonlaquellelesressourcesnaturellessontunfacteur de conflit civil. Brunnschweiler et Bulte (2008)constatent que la guerre civile crée une dépendance àl’égarddesexportationsdeproduitsprimaires,maisl’inversen’estpasvrai,etquel’abondancederessourcesestassociéeà une probabilité de guerre moins importante. D’autresauteurs ont indiqué que la relation entre l’abondance desressources naturelles et le déclenchement d’une guerredépenddutypederessourceenquestion.

DeSoysa(2002)etFearonetLaitin(2003)estimentquelelien entre l’abondance des ressources et une plus grandeprobabilitédeguerren’existequedanslecasdupétrole.Enrevanche, Humphreys (2005) souligne que c’est ladépendance à l’égard de la production agricole qui estdéterminante.S’appuyantsurdesarticlesdepressefaisantétat de violents affrontements dans 950 municipalitéscolombiennesentre1988et2005,DubeetVargas (2006)constatent que la violence était corrélée négativement auprix du café dans les localités où une grande partie desterresétaitconsacréeàlacaféiculture.End’autrestermes,ily avait plus de violences lorsque le prix du café était bas.L’inverseétaitvraipourlepétrole:c’estlahaussedesprixquiavait intensifié le conflit dans les régions où il y avait despuitsdepétroleproductifsoudesoléoducs.63

Lesétudescentréessurladuréedesconflitsnefontpasnonplusl’unanimité.DoyleetSambanis(2000)montrentqu’ilestplus difficile de mettre fin à une guerre civile lorsqu’ellesurvient dans un pays qui dépend des exportations deproduitsprimaires.Enrevanche,Collieret al.(2004)montrentque les produits primaires n’ont aucune influence sur laduréedesconflits.Leschémaleplusconstantidentifiédanscette littérature est que les produits «pillables» qui seprêtentàlacontrebande,commelespierresprécieusesetladrogue,ontun lienavec laduréedesconflits.Parexemple,Fearon (2004) constate que les guerres ont tendance àdurerpluslongtempslorsqu’ilyadespierresprécieusesoudeladrogueenjeu.64

(d) Lamalédictiondesressourcesnaturellesest‑elleempiriquementpertinente?

Commecelaadéjàétédit,aprèslestravauxdeSachsetWarner(1995), l’affirmation selon laquelle les économies riches enressources ont généralement une croissance plus lente a étécontestée et nuancée dans des travaux empiriques. Plusieursétudes récentes ont aussi mis en doute la validité desprécédentes vérifications empiriques de l’hypothèse de lamalédictiondesressourcesnaturellesaumotifquelesmesuresde l’abondancedesressourcesétaientsujettesàcaution,quedesvariablesadditionnellesliéesàl’abondancedesressourcesn’avaient pas été prises en compte dans les régressionstransnationales et que l’on avait pas évalué l’impact del’épuisementdesressourcespendantlapérioded’observation.

La première critique porte sur le degré de sensibilité de lamalédiction des ressources à la mesure de l’abondance.LedermanetMaloney(2007)utilisentlesexportationsnettesde ressources naturelles par travailleur pour mesurerl’abondancedesressources,etilsconstatentqu’elleauneffetpositif sur lacroissance.Touteffetnégatifsur lacroissanceestliéàlaforteconcentrationdesexportationsquicaractériselespaysexportateursderessources.Parailleurs,Rambaldiet al. (2006) et Brunnschweiler et Bulte (2008) préconisentd’autres mesures de l’abondance des ressources pourremplacer les variables usuelles liées à la production et àl’exportation,quisontsujettesàdesproblèmesd’endogénéitéetquipeuvent fausser lesestimations.L’endogénéitéestunproblème économétrique qui peut se poser lorsque, parexemple,ilexisteunerelationàdoublesensentrelacroissanceéconomique d’un pays et ses exportations de ressourcesnaturelles.Lesauteursproposent,respectivement,d’utiliserlarente de ressource (non renouvelable) par habitant et lecapitalnatureltotal,oulesavoirsenressourcesminérales,endollarsEUparhabitant.Aveccesmesures,larelationnégativeentrel’abondancedesressourcesetlacroissanceéconomiquenetientplus.Rambaldiet al.(2006)netrouventpasdepreuvedirecte ou indirecte de l’existence d’une malédiction desressources.BrunnschweileretBulte(2008)montrentqu’ilyaunecorrélationsignificativeentrel’abondancedesressources,lacroissanceéconomiqueetlaqualitédesinstitutionsetque,contrairementauxprédictionsdel’hypothèsedelamalédictiondesressources,uneplusgrandeabondancesetraduitpardemeilleuresinstitutionsetunecroissanceplusrapide.65

Lasecondecritiqueatraitàlaquestiondesvariablesomises.Manzano et Rigobon (2007) constatent que l’influencenégative de la production de ressources sur la croissanceéconomique est confirmée dans le cadre transversal deSachsetWarner(1995),maisquelerésultatdisparaîtdans

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les régressions sur panel à effets fixes. Cela dénotel’omission d’une ou plusieurs variables corrélées àl’abondance des ressources, qui fausse les coefficients derégression dans le cadre transversal. Selon Manzano etRigobon(2007),lavariableomiseestleratiodette/PNB,quiest corrélé positivement à l’abondance des ressources. Sil’on inclut le ratio dette/PNB dans les estimationstransversales, il n’y a plus de malédiction des ressources.Comme l’a souligné Davis (2008), cela signifie que leproblèmerésidenonpasdans l’abondancedesressources,mais dans l’existence d’une dette publique importante etdanslagestioninappropriéedesrisques.

Enfin,Davis(2006)etAlexeevetConrad(2009)notentque,même si la littérature empirique dit vrai, il se peut quel’abondancederessourcesengendredestauxdecroissanceélevésaudébutdel’extractionetquelacroissancediminueàmesurequelesressourcess’épuisent.66Davis(2006)montreque, si l’on tient compte des variations du niveau de laproductionderessourcespendantlapérioded’observation,lamalédictiondesressourcesdisparaît: leséconomiesdontlaproduction minière s’amenuise enregistrent une croissanceplus lente, tandis que celles dont la production minièreaugmente affichent une croissance plus rapide. Cetteobservation permet peut‑être aussi d’expliquer pourquoicertaines études concluent à l’existence d’une malédictiondesressourcesetd’autrespas.Engénéral,lefaitdemesurerleniveaudelaproductionminièreuniquementaudébutdelapériodedecroissancepermetd’identifierlespaysproducteurs

dontlesressourcesrisquentdes’épuiser,maispasceuxquisont exposés à une faible croissance. De même, le fait demesurerleniveaudelaproductionminièreenfindepériodepermet d’identifier les pays producteurs dont la productionminières’estaccruependant lapérioded’observation.C’estpourquoi les études qui mesurent la production minière (oules réserves) vers la fin de la période d’observation netrouventaucunepreuvedel’existenced’unemalédictiondesressources (Brunnschweiler et Bulte (2008), par exemple),contrairementàSachsetWarner(1995)etàd’autresauteursquimesurentlaproductionendébutdepériode.

Pour tenir compte de l’effet de l’épuisement des ressources,AlexeevetConrad(2009)mesurentlacroissanceàlongtermeaumoyenduPIBparhabitant,plutôtqu’encalculant lestauxde croissance sur une période donnée. Leur conclusion estque lespaysdotésde ressourcespétrolièresont tendanceàavoirunPIBrelativementélevé,cequiporteàcroireque lesressourcesnaturellesrenforcentlacroissanceàlongterme.

Enconclusion, il n’yapasdeconsensusdans la littératureempirique sur la question de savoir si l’abondance deressources naturelles contribue au ralentissement ou àl’accélérationdelacroissance.Cequisembleclair,c’estquela littérature s’est progressivement éloignée du consensusinitial sur l’existence d’une «malédiction des ressources»pours’orienterversuneperceptionpluspositivedel’effetdel’abondance de ressources sur la croissance économique(voirl’exempleprésentédansl’encadré11).

Encadré11:Comment le botswana a conjuré la malédiction des ressources

AuBotswana,lesecteurminier–largementdominéparl’industriedudiamantet,dansunemoindremesure,parcelleducuivre et du nickel – contribue grandement à la production économique, aux recettes publiques et aux recettesd’exportation.LapartdesminérauxdanslePIBtotal,danslesrecettespubliquesetdanslesrecettesd’exportation,quiétaitpresquenulleen1966(annéedeladécouvertedelapremièreminedediamants),aatteintenviron50pourcent,60pourcentet90pourcent, respectivement,en1989(SarrafetJiwanji,2001).Ledéveloppementde laproductionminièreaconduitàdesrésultatséconomiquesexceptionnels.LePIBaenregistréunecroissanceannuellemoyennede13,9pourcentpendant lapériode1965‑1980,de11,3pourcentpendant lapériode1980‑1989etde4,75pourcentpendantlapériode1990‑1998(SarrafetJiwanji,2001).

La raison sous‑jacente du succès du pays réside dans la façon dont il a géré le boom minier des années 1970. LeBotswanaaconjurélamalédictiondesressourcesnaturellesgrâceàdespolitiquesmacro‑économiquessainesetunegestionprudentedelamanneminière(Modise,1999).Legouvernementadécidé,pourl’essentiel,denepasaccroîtrelesdépensespubliquesquandlesrecettesminièresaugmentaient,préférantfonderlesdépensesenpériodedeboomsurlesanticipationsàlongtermedesrecettesd’exportation.Cecomportementestassezinhabitueldansuneéconomieenpleineexpansion,quiauraitplutôttendanceàengagerdesdépensesexcessivesenpériodefaste(voirlasectionD.5).Aucontraire,lesrecettesexcédentairesontserviàconstituerdesréservesdechangeetàaccroîtrel’épargnepubliqueet lesexcédentsbudgétaires.Cesressourcesontétéutiliséesdurant lesannéesdevachesmaigres,cequiapermisd’éviterune forte réductiondesdépenseset/ouune forteaugmentationde l’empruntpublicetde ladetteextérieurelorsquelesrecettesd’exportationontcommencéàdiminuer.Cettepolitiqueaétéunpuissantfacteurdestabilisation;elleapermisd’enrayerlestensionsinflationnistes,depréserverl’équilibredesfinancespubliquesetd’engagerl’économiesurlavoied’unecroissancedurable.

Le Botswana a aussi échappé au «syndrome hollandais» grâce à l’accumulation de réserves internationales qui ontstérilisé l’impact monétaire de l’envolée des exportations de minéraux et empêché une trop forte appréciation de lamonnaie nationale. La maîtrise du taux de change nominal a permis de préserver la compétitivité des autres bienséchangeables(àsavoir lesproduitsmanufacturés)sur lesmarchésmondiaux,cequiaencouragéladiversificationdel’économie.Lemaintiendel’emploidanslessecteursautresqueminiers,notammentlesservices,oùlacréationd’emploisaétéencouragée,aététrèsbénéfique,étantdonnéquelesbesoinsdemain‑d’œuvredusecteurminiersontlimitésparlanaturecapitalistiquedesopérationsd’extraction (SarrafetJiwanji,2001).Ainsi,grâceàsa richesseminière,àdesinstitutions politiques solides et à une bonne gestion macro‑économique, le Botswana a assuré l’expansion de laproductionetlacroissancedel’emploi.

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6. Ressourcesnaturellesetvolatilitédesprix

La section B.1 e) évoque une caractéristique importante desressourcesnaturelles:lavolatilitédeleursprixpendantcertainespériodes.Danslepassé, lesfluctuationsdesprixétaientduesprincipalement aux variations de l’offre, souvent liées à desévénements géopolitiques – comme les chocs pétroliers dudébut et de la fin des années 1970. Plus récemment, desfacteurs liés à la demande, comme l’augmentation rapidedesrevenusdanslesgrandspaysémergents,ontaussiexercéuneinfluence sur les prix des ressources (Kilian, 2009b). Celaexplique,enparticulier,lerécentboomdesproduitsdebase–l’undesplusimportantsetdespluslongsdel’histoire,concernantunlargeéventaildeproduits–danslequellaflambéedesprixetleur baisse ultérieure n’ont pas une cause unique et directe.

Cepointest important, car les incidenceséconomiquesde lavolatilité peuvent varier en fonction des facteurs sous‑jacentsquiprovoquent lesbrusquesfluctuationsdesprixdesproduitsde base. L’encadré 12 examine cet argument dans le cas dupétrole.

Entre 2003 et le début de 2008, les prix de nombreuxproduits de base ont fortement augmenté sur une longuepériode. Vers le milieu de 2008, les prix en dollars del’énergieavaientaugmentéde320pourcentpar rapportàjanvier2003,etceuxdesproduitsminiersde296pourcent.Mais en novembre 2008, les prix de tous les produits debaseétaientorientésàlabaisse,leprixendollarsdupétrolebrutayantchutédeplusde60pourcent(Banquemondiale,2009).Cettefortevolatilitéestillustréeparlafigure17,quiprésentelestendancesdesprixpourlesprincipauxgroupes

Figure17: Prix réels de certains produits de base, janvier 2000-août 2009 (Indice,moyennedel’année2000=100)

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Note : Lesprixsontcorrigésdel’IPCmondial;moyennedel’année2000=100.Danscettebasededonnées,lacatégoriedes«métaux»comprenddesminéraux,commelemineraidefer.Source : FMI,Statistiquesfinancièresinternationales.

Encadré12:implications économiques du changement de nature des chocs des prix pétroliers

Lesforteshaussesduprixdupétroleprovoquéesparlaguerreisraélo‑arabeen1973etparlarévolutioniranienneen1979ontgénéralementétéaccompagnéesd’unefaiblecroissance,d’unchômageimportantetd’uneforteinflationdanslaplupartdespaysindustrialisés.Depuislafindesannées1990,l’économiemondialeaconnudeuxpériodesdevolatilitédes prix du pétrole d’une ampleur comparable à celle des années 1970 mais, à la différence des années 1970, lacroissanceduPIBetl’inflationsontrestéesrelativementstablesdansunegrandepartiedumondeindustrialisé.

Ilaétéditquel’améliorationdespolitiquesmonétaires,l’absencedechocsconcomitants,lapartplusfaibledupétroledanslaproductionetlaflexibilitéaccruedesmarchésdutravailexpliquaientdansunelargemesurepourquoilarécentehausseduprixdupétroleavaiteudeseffetsmodéréssurl’inflationetsurl’activitééconomique(BlanchardetGali,2007).Maisiln’yapasdeconsensussurcepointdanslalittérature.

SelonEdelsteinetKilian(2009)etKilianetLewis(2009),iln’estpasprouvédemanièreirréfutablequelamoindreimportancedelavolatilitédesprixdupétroles’expliqueparl’évolutiondelapartdel’énergiedanslesdépensesdeconsommationoudanslavaleurajoutée,par ladiminutiondelavolatilitédesprixdel’énergieetdel’ampleurdeschocsenrésultant,par laréduction des rigidités salariales réelles ou par de meilleures politiques monétaires. Une explication possible de cephénomèneestquelesfluctuationsdesprixdupétroleontchangédenature.Parexemple,silarécenteflambéeduprixdupétrolen’apascauséderécessionmajeuremêmeaprèsdesannéesdehaussedesprix,c’estenpartieparcequ’elleaétéduedansune largemesure, à la différencedupassé, à unedemandemondialedeproduits industriels à la fois forteetinattendue(Hamilton,2009a).67Ceschocsdelademandemondialeonteuàlafoisuneffetstimulantetuneffetdéfavorablesurlacroissanceéconomique,lesecondsemanifestantparlahaussedesprixdupétroleetdesproduitsdebase.Selondesestimationsempiriquesconcernantl’économiedesÉtats‑Unis,leseffetspositifssontsuffisammentimportantspoursoutenirlacroissanceàcourtterme,carlesprixmondiauxdesproduitsdebaseréagissentlentementetl’économiemondialeestenforteexpansion.C’estplustardquelePIBréeldesÉtats‑Unisdiminueprogressivement,àmesurequelahaussedesprixdel’énergies’accélèreetquel’effetstimulantdel’accroissementdelademandemondiales’estompe(Kilian,2009c).Ontrouveraci‑aprèsuneanalyseplusdétailléedescausesdelavolatilitérécentedesprixdesproduitsdebase.

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deproduits.La figure18décrituncycleanaloguede fortehausseet de fortebaissedesprix pour différentsproduitsénergétiques, catégorie caractérisée par la plus fortevolatilité.Lafigure19retrace l’évolutionduprixd’unmétal,en la comparant à celle des prix du contreplaqué (produitforestier) et du poisson. La flambée des prix de certainsproduitsdebaseàcompterde2006aamenéàpenserque,outre les facteurs économiques fondamentaux, les prixétaient poussés à la hausse par une «bulle spéculative»(TalleyetMeyer,2008).

Laprésentesous‑sectionexaminelesexplicationspossiblesde la volatilité des prix des produits de base observée cesdernierstempsenabordantd’abordlaquestioncontroverséedu rôle des «spéculateurs» (investisseurs non traditionnelspariant sur les variations des cours sans s’intéresser àl’acquisitionphysiqueduproduitsous‑jacent)danslahaussedes prix. Elle analyse ensuite le rôle des facteurséconomiquesfondamentauxdanslavolatilitédescoursdesproduits de base. Enfin, elle examine brièvement certaines

des conséquences de cette volatilité pour les paysimportateursetpourlespaysexportateurs.

(a) Spéculationsurlesmarchésdeproduitsdebase

(i) Définition de la spéculation

La«spéculation»estsouventdéfiniecommelefaitd’assumerunrisquedeperteenéchangedelapossibilitéincertained’ungain (Robles et al., 2009). Cela suppose, d’ordinaire,l’acquisitiond’unactifpourlerevendreetnonpourl’utiliser,oula cession temporaire d’un actif emprunté en vue de sonrachatàunedateultérieuredansl’espoirderéaliserunprofitsi le prix évolue dans l’intervalle. En d’autres termes, lespéculateurpeutprendreunepositionlongueouunepositioncourte dans une transaction, c’est‑à‑dire qu’il peut,respectivement, acheter un actif en espérant que sa valeuraugmentera,ouvendreunactifempruntéenespérantquesavaleur diminuera. La spéculation peut être motivée par des

Figure19:Prix réels du nickel, du contreplaqué et du poisson, janvier 2000-juillet 2009 (Indice,moyennedel’année2000=100)

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Nickel (Canada)

Contreplaqué philippin (Japon)

Poisson (Norvège)

Note : Lesprixsontcorrigésdel’IPCmondial;moyennedel’année2000=100.Source : FMI,Statistiquesfinancièresinternationales

Figure18: Prix réels des produits énergétiques: pétrole, gaz naturel et charbon, janvier 2000-août 2009 (Indice,moyennedel’année2000=100)

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Gaz naturel (Russie)

Pétrole (Brent Royaume-Uni)

Charbon (Australie)

Note : Lesprixsontcorrigésdel’IPCmondial;moyennedel’année2000=100.Source : FMI,Statistiquesfinancièresinternationales

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anticipations concernant la demande et l’offre futures, quireprésentent les fondamentaux du marché, ou par desanticipations autoréalisatrices, qui sont à l’origine de bullesspéculatives.

(ii) Théorie de la spéculation

Dansunarticlefondateur,Fama(1970)aénoncél’«hypothèsedel’efficiencedumarché»(HEM),selonlaquellelesprixsonttoujours conformes aux fondamentaux du marché. Leraisonnement sous‑jacent est que, dans l’hypothèsed’anticipations rationnelles et d’une information parfaite (parexemplesurlemarchéboursier), lesprixreflètentpleinementtoutes les informations connues, ce qui signifie que leurvariationdemainrefléteraseulementlesnouvellesdedemainetseraindépendantedeleurvariationaujourd’hui.Maiscommel’information est par définition imprévisible, les variations deprix en résultant sont forcément imprévisibles elles aussi.68Dans ce contexte, les prix peuvent varier par suite d’uneinformation sur la demande ou l’offre future qui modifie lesanticipations des participants au marché. Les chocs«spéculatifs»ontcependantleuroriginedanslesfondamentauxdumarchéetsontconformesàl’hypothèsedel’efficiencedumarché.Celatientàcequelesanticipationsprospectivesdesopérateurs sont incorporées dans leurs actions d’aujourd’huiet,partant,sontprisesencomptedanslesprixactuels.

Aufildutemps,ladominationintellectuelledel’hypothèsedel’efficiencedumarchés’estaffaibliedufait,notamment,del’apparition de l’«économie comportementale», qui affirmeque la psychologie rend les prix partiellement prévisibles(DeLong et al., 1990; Shleifer et Vishny, 1997; Abreu etBrunnermeier,2003;Miller,1997;HarrisonetKreps,1978;Scheinkman et Xiong, 2003). Cette école met l’accent surl’effet de «réaction en chaîne», d’«entraînement» ou de«mimétisme»quidénotel’«exubéranceirrationnelle»(Shiller,2000)desparticipantsaumarché,donnantnaissanceàdesbullesspéculativesautoréalisatrices.69Cettedivergencedesprixparrapportauxvaleursfondamentalespeuts’expliquerdelamanièresuivante.Quandlesprixmontent,celasusciteun enthousiasme contagieux qui renforce les anticipationsde nouvelles hausses. En conséquence, la demande desopérateurs augmente, ce qui génère une nouvelle série dehausses.Si cette réactionenchaînen’estpas interrompuependant un certain temps, elle crée une bulle spéculativedans laquelle les fortesanticipationsdenouvelleshaussessoutiennentleniveauélevédesprix.

Cependant,àterme,cesprixélevésnesontplussoutenablescar ils sont dus seulement aux anticipations de nouvelleshausses, et à la forte hausse succède une forte baisse(Stiglitz, 1990; Brunnermeier, 2008). L’emballement etl’effondrementdumarchéboursierdanslesannées1980,labulle technologique de la fin des années 1990 et lasurréactiondestauxdechangeenRépubliquedeCoréeeten Thaïlande en 1997 sont quelques exemples empiriquesde bulles spéculatives autoréalisatrices (Flood et Hodrick,1990).

(iii) Spéculation sur les marchés de produits de base : le rôle des investisseurs non traditionnels

Le débat concernant la spéculation sur les marchés deproduitsdebaseestcentrésurlerôledesinvestisseursnontraditionnels, comme les fonds indiciels70 ou les fonds decouverture,quin’ontaucun intérêtàacheterouàvendre lesproduits réels sous‑jacents (Masters, 2008; Robles et al.,2009). Étant donné que la livraison physique du produit n’apas lieu, ces investisseurs non traditionnels participent auxmarchés à terme, mais pas aux marchés au comptant, surlesquels la livraison physique des produits est organiséeimmédiatement. Ilsfontdesopérationsàtermepourréaliserunprofitenanticipantconvenablement l’évolutiondescours(Conférence des Nations Unies sur le commerce et ledéveloppement (CNUCED), 2001). Par exemple, unspéculateur peut acheter aujourd’hui un contrat à terme enpensantqu’àsonéchéance,danssixmois,illerevendraàunprixplusélevé.Lespéculateurpermetainsilesopérationsdecouvertureenassumant lerisquedont lesautresopérateursveulentsedébarrasser(voirl’encadré13).

Plusieurs facteurs expliquent l’importance croissante desinvestisseursnontraditionnelssurlesmarchésdeproduitsdebasedepuisquelquesannées.Premièrement, lesressourcesnaturelles sont devenues une nouvelle «classe d’actifs» quipermetauxinvestisseursdemieuxdiversifierleurportefeuilleglobal. En effet, les produits de base sont négativementcorrélésauxautresclassesd’actifs,commelesactionsetlesobligations,maispositivementcorrélésàl’inflation(GortonetRouwenhorst,2004).71Deuxièmement, la faiblessedes tauxd’intérêtnominauxcombinéeàl’inflationpeutrendrel’argentsibonmarché72que les investisseurspeuventaccroître leurdemandedeproduitsdebaseparunsimpleeffetde revenu(Larson, 2008). Troisièmement, la création d’instruments

Encadré13: l’investissement dans les contrats à terme sur produits de base : une forme d’assurance

Prenantl’exempledumarchédubétail,Greer(2005)décritlerôlecrucialquelesinvestisseursdanslescontratsàtermepeuventjouerdanslaprotectiondesprix.Supposonsqu’unéleveurvavendredubétailsurlemarchédanssixmois,etcequelquesoitleprix.Detouteévidence,ildevracouvrirsescoûtsunitairesdeproductions’ilveutresterenactivité.Sil’ons’attendgénéralement(àsupposerquelesmarchéssoientefficients)àcequeleprixàcettedatefuturesoitsupérieurauxcoûts de 10 pour cent, le producteur aura intérêt à bloquer le prix avec son client au niveau d’aujourd’hui. Mais letransformateur(acheteur)neserapeut‑êtrepasenclinàfairecettetransaction:s’ilvendauprixdumarchéunecertainequantitédeviandetransformée,parexempleàunrestaurant,iln’apasbesoindelamêmeprotectiondesprixquel’éleveur.

Enfait,siletransformateurbloquaitleprixdel’intrantsansavoirlui‑mêmeunprixdeventegarantipourleproduitfinal,ilaugmenteraitsonrisquecommercial.Parcontre,uninvestisseursurcontratsàtermepeutêtredisposéàassumerlerisquedeprixduproducteur,mêmeavecunedécote(«primed’assurance»).Ainsi,leproducteurestsûrdevendresonbétailavecunbénéfice,quoiqueàunprixlégèrementinférieurauprixanticipéactuellement.Lesdeuxpartiessont«gagnantes»(àladifférencedesmarchésàtermed’instrumentsfinanciers,quisontsouventconsidéréscommeun«jeuàsommenulle»),carlesobjectifsdesproducteurssurlemarchéàtermedesproduitssontdifférentsdeceuxdesinvestisseurs.

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Outrelaprimederisque,unautreélémentdurendementtotalestspécifiqueàl’investissementdanslescontratsàtermesur produits de base et a trait à la consommation de produits par rapport aux stocks. En gardant l’exemple précédent,supposonsqu’àl’approchedeladatedelivraison,l’offredebovinsestmoinsimportantequeprévu(enraisond’unemaladie,par exemple). Le transformateur voudra peut‑être faire en sorte d’honorer son engagement contractuel de fournir unecertaine quantité de viande au restaurant et d’utiliser pleinement les capacités de transformation. Il peut donc déciderd’acheter lecontratàtermequiarriveraàéchéance,cequi luipermetdeprendrelivraisondubétailàplusieursendroitsdésignésetd’êtrecertaind’avoirsuffisammentd’animauxàtransformer.Enmêmetemps,silapénurieanticipéedebovinsfaitencoremonterlesprix,letransformateurpeututiliserleproduitdesapositionlonguepourfinancerl’achatdesbovinspluschers.

Leprixducontratàtermedontl’échéanceestprochepeutdoncaugmentersilestransformateurssontprêtsàpayerpouravoirla«commodité»desavoirqu’ilsaurontsuffisammentd’animauxàtransformer.Enfonctiondela«précarité»etdelavolatilitédumarché,cerendementde«commodité»peutêtreunesourcederevenuassezimportantepourlesinvestisseurs(Lewis,2005).C’estcequis’estpassé,parexemple,surlemarchépétrolier,oùlafermetureetleredémarragedesraffineriescoûtentcheretoùlademandeest inélastique(c’est‑à‑diren’estpasliéeauxfluctuationsdeprix).Surd’autresmarchés,commeceluidel’or,oùlesstockssontimportantsparrapportàlaconsommation,lerendementdecommoditéestfaible.Mais,plusrécemment,lerendementdecommoditépourcertainsmétauxindustrielsnonferreuxaétépositifenraisondelafortebaissedesstocks,dueenparticulieràlademandedespaysémergents.

indexés sur des produits de base, comme les certificatsindiciels,arenducegenredeplacementaccessibleàunplusgrandnombredepersonnes(Greer,2005).

En résumé, l’importance croissante des marchés financiersliésauxproduitsdebasecréeàlafoisdenouvellespossibilitéset de nouveaux défis. D’une part, les marchés financierspeuventaccroîtrelaliquiditédestransactionssurproduitsdebase,faciliterleprocessusdedécouvertedesprix(c’est‑à‑direla détermination des prix du marché) et contribuer à larépartitionefficientedesrisques.D’autrepart,l’augmentationsimultanéedesprixetde l’intérêtdesspéculateurspour lesmarchés à terme de produits pourrait amplifier l’impact desdéséquilibres offre‑demande sur les prix. Certains ont faitvaloirquel’intenseactivitédesinvestisseursnontraditionnelsarenforcélavolatilitédesprixenlespoussantau‑dessusdesniveaux justifiés par les fondamentaux du marché. Cesargumentsetcontre‑argumentsetlesobservationsempiriquespertinentessontexaminésci‑après.

(iv) Le rôle de la spéculation dans le récent cycle de hausse et de baisse des prix des produits de base

L’argument selon lequel les marchés de produits de basesont caractérisés par la spéculation repose principalementsurlefaitquelesplacementsconsidérablesdesinvestisseursfinanciers non traditionnels, qui prennent des positionslongues sur les marchés à terme (marchés organisés etmarchés de gré à gré), ont exercé une forte pression à lahaussesurlesprix.73C’estpeut‑êtrerévélateurdel’effetde«réactionenchaîne»oude«mimétisme»évoquéplushaut,car il se peut que les prix des contrats à terme aient étéélevéssimplementparcequelesinvestisseurss’attendaientà une hausse à une date ultérieure, alors que les facteurs«fondamentaux» ne semblaient pas justifier une telleanticipation, d’où les bulles spéculatives. Mais cela peutaussi refléter les anticipations des participants basées surles fondamentaux de l’économie. Supposons, par exemple,quelesmarchéss’attendentàunecatastrophenaturelleouàunévénement géopolitique qui aurait deseffets négatifssur la capacité de production, suscitant la crainte d’unepénuriedans l’avenir.Celapourrait constituerunevéritableincitation à augmenter les stocks, ce qui ferait monter lesprix (Costello, 2008). Dans ce contexte, Kilian (2009c)

considèrequel’invasionduKoweïtparl’Iraqen1990estuntrèsbonexemple.

SelonKilian,sileprixdupétrolebrutafortementaugmentéaumilieudesannées1990,cen’estpasseulementàcausede labaissedeproductionen IraqetauKoweït,maisc’estaussi parce que l’on craignait que l’Iraq envahisse aussil’Arabie saoudite, ce qui perturberait encore plusl’approvisionnementenpétrole.Empiriquement,ilestdifficiledefaireunedistinctionentrelesdeuxsourcesdespéculation.Mais,commelesinvestisseursnontraditionnelsconsidèrentlesproduitsdebasecommeun investissement financieretne connaissent pas nécessairement les rouages ducommerce de ces produits, leur comportement sur cesmarchéspeutêtreassociéàuneffetdemimétisme.

En guise de preuve, les tenants de l’hypothèse de laspéculation soulignent l’activité accrue des investisseursnon traditionnels sur lesmarchésdeproduits debase.Parexemple,Büyüksahinet al.(2008)signalentque,entre2004et2008,lapartdesopérateursfinancierssurlemarchéàtermedupétroleestpasséede33à50pourcent,tandisquecelledesopérateurstraditionnels,commelesproducteurs,lesraffineursetlesgrossistes,esttombéede31à15pourcent.74Enoutre,comme le montre la figure 20 pour un échantillon de paysavancés, lenombredecontratssurproduitsdebasenégociésdegréàgréaaugmentéaupremiersemestrede2008.Commeils’agitdemarchéslargementnonréglementés,onafaitvaloirque ce regain d’activité témoignait peut‑être du rôle de laspéculation dans la récente hausse des prix des produits debase(Masters,2008).

Il yapeud’étudesempiriquesconsacréesà l’analysede larelationentrelesfluxmonétairesspéculatifsetlesprixdesproduitsdebase.Robleset al.(2009)montrentquecertainsindicateurs de l’activité spéculative peuvent aider à prévoirles fluctuationsdesprixaucomptant,maisd’autresétudesprésentent seulement des données fragmentaires ou desimplescorrélationsentrelesinvestissementssurcontratsàterme et les prix des produits de base (Masters, 2008).Certaines études semblent partir de l’hypothèse que lesspéculateurs ont un impact indésirable sur les prix dumarché.Parexemple,ChevillonetRifflart(2009),CifarellietPaladino(2009)etSornetteet al.(2009)fontvaloirque,surcertains marchés de produits de base, l’évolution desfondamentaux de l’offre et de la demande ne peut pasexpliqueràelleseulelarécenteflambéedesprix,etquecesontcertainementlesplacementsmassifssurdespositions

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longues qui ont porté les prix à des niveaux extrêmementélevés.Celaconduitàunautrecourantde la littératurequifaitvaloirquetouteslesétudessusmentionnéesignorentlacomplexité intrinsèque de la détermination des prix sur lesmarchés de produits de base et que souvent, elles nereposentpassurdesméthodesstatistiquesrigoureuses.

(v) La spéculation ne serait pas en cause, après tout ?

Plusieurs auteurs contestent la thèse selon laquelle les«spéculateurs»ontjouéunrôlemajeurdanslerécentcycledehausse et de baisse des prix des produits de base. Ils fontvaloir,avanttout,quelesfluxmonétairessurlesmarchésdecontratsàtermenedevraientpasêtrecomparésàlademandedeproduitsphysiques,carlescontratsàtermesontréglésenespèces (Hieronymus, 1977). Il s’agit de marchés à sommenulle où les achats des investisseurs non traditionnels

constituentune«nouvelledemande»,toutcommelesventescorrespondantes des opérateurs en couverture constituentune «nouvelle offre». Deuxièmement, la classification rigidedes investisseurs traditionnels comme agents hostiles aurisqueetdesinvestisseursnontraditionnelscommepreneursderisquesouspéculateursn’estpeut‑êtrepasnécessairementjuste.Eneffet,denombreuxopérateurstraditionnelsfontdelaspéculation(Stultz,1996)etdenombreuxinvestisseursnontraditionnelsfontdesventesàdécouvertenanticipationd’unebaissefuturedesprixd’équilibre(Frankel,2008).

Troisièmement, la participation des opérateurs financiers estlimitée aux marchés de contrats à terme, qui consistent entransactionspurementfinancières.Mêmesil’achatd’uncontratàtermeentraîneunehaussedeprix,laventeultérieureducontratannuleleurpositionlongue,etleurcompteestfermé.Iln’yapasdelivraisonphysiqueduproduitdesortequecesopérateursneparticipentpasaumarchéaucomptant,oùsontdéterminéslesprix d’équilibre à long terme (Smith, 2009; Garbade et

Figure20:encours notionnel des dérivés sur produits de base traités de gré à gré, juin 1998-juin 2009 (enmilliardsdedollars)

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Total des contrats sur produits de baseautres que l'or et les métaux précieux

Note :Lespayscouvertssontl’Allemagne,laBelgique,leCanada,lesÉtats‑Unis,laFrance,l’Italie,leJapon,lesPays‑Bas,leRoyaume‑Uni,laSuèdeetlaSuisse.Source : Banquedesrèglementsinternationaux,rapporttrimestriel.

Figure21:Gaz naturel : positions longues/courtes par catégorie d’investisseurs, juin 2006-juillet 2009 (Ratioetprixendollars)

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Note :Axedegauche:positionslonguesetcourtesenunitéscontractuellesde10milliardsdeBtu.Axededroite:prixnominalaucomptant,HenryHub,Louisiane,États‑Unisd’Amérique.Lesgestionnairesdefondscomprennentlesconseillersenopérationssurproduitsdebase,lesfondsindicielsetlesfondsdecouverture.Source : UnitedStatesCommodityFuturesTradingCommissionetFMI,Statistiquesfinancièresinternationales.

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Figure22:Cuivre : positions longues/courtes par catégorie d’investisseurs, juin 2006-août 2009 (Ratioetprixendollars)

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Ratio positions longues/courtes des producteurs/négociants/transformateurs/utilisateurs (axe de gauche) Ratio positions longues/courtes des gestionnaires de fonds (axe de gauche)Prix (axe de droite)

Note :Axedegauche:positionslonguesetcourtesenunitéscontractuellesde25000livres,NYMEX,États‑Unisd’Amérique.Axededroite:prix nominal au comptant en dollars EU par tonne métrique, Bourse des métaux de Londres, Royaume‑Uni (données mensuelles initialesinterpoléeslinéairementpourobtenirdesdonnéeshebdomadaires).Source : UnitedStatesCommodityFuturesTradingCommissionetFMI,Statistiquesfinancièresinternationales.

Figure23:états-unis: stocks pétroliers mensuels et prix du pétrole, janvier 1986-août 2009 (Dizainesdemillionsdebarilsetprixendollarsparbaril)

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Stocks de pétrole brut en fin de période (à l'exclusion des réserves stratégiques) (axe de gauche)

Prix au comptant f.a.b. du pétrole brut WTI (axe de droite)

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Note : LesigleWTIdésignelaWestTexasIntermediateExchange.Source : USEnergyInformationAgency.

Silber,1983).Lestransactionsspéculativesnepeuvententraînerune hausse des prix au comptant que si elles amènent lesopérateurs du marché physique à retenir des produits hors dumarchépourconstituerdesstocks(«thésaurisation»).

Des observations empiriques donnent à penser que lasituationactuellesurlesmarchésdeproduitsestincompatibleavec l’argument de la bulle spéculative. Premièrement,l’accroissement de la spéculation «longue» n’a pas étéexcessif par rapport à l’accroissement de la couverture«courte»(Irwinet al.,2009).Deuxièmement,lesspéculateursont souvent étédes vendeurs «courts» netsplutôt quedesacheteurs«longs».Parconséquent,ilsontpeut‑êtreretardéoulimitéleshaussesdeprixaulieudelesdéclencheroudelesaccentuer(Banquemondiale,2009).Cesdeuxfaitssontillustréspar la figure21, qui établit unecorrélationentre leratio des positions longues/courtes, par catégorie departicipants,etlesprixdugaznaturelauNYMEX(NewYorkMercantile Exchange). Cette figure montre qu’au premiersemestrede2008,alorsque lesprixaugmentaient, le ratio

étaitplutôtneutrepourlesgestionnairesdefonds(fondsdeplacement).Cetteabsencedecorrélationn’esttoutefoispasaussiévidentesurcertainsmarchésdeproduits.Lafigure22présentelecasducuivre.

Troisièmement, Irwin et Good (2009a) montrent que, entre2006et2008,onaobservédesprixélevéspourdesproduitsdépourvusdemarchéà terme.Enoutre, les forteshaussesdeprixétaientconcentréessurlesmarchésdeproduitsoùlaparticipationdesfondsindicielsétait limitée,tandisque,surlesmarchésoùlespositionsdesfondsindicielsétaienttrèsconcentrées, les hausses de prix ont été modestes, voirenulles (Irwin et al., 2009). Quatrièmement, les donnéesindiquentque,pendantlapériode2005‑2008,lesstocksdepétrole brut, par exemple, sont restés assez stables tandisqueceuxdeplusieursautresproduitsontfortementdiminué(Smith,2009;Krugman,2008).Commelemontrelafigure23dans le cas des stocks de pétrole des États‑Unis, on n’aaucune preuve claire qu’il y a eu «thésaurisation», enparticulierquandlesprixontflambéen2008.

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Consommation de pétrole (axe de gauche)

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Note : Lesréservesprouvéessontlesquantitésquipeuventêtreextraiteséconomiquementdesgisementsconnusauxprixenvigueuretaveclatechnologiedisponible.Source : BritishPetroleumStatisticalReviewofWorldEnergy2009.

Plusieurs études récentes utilisent diverses méthodeséconométriquessophistiquéespourévaluerdemanièreplusformellelerôledelaspéculationdanslarécenteenvoléedesprixdesproduitsdebase(Sanderset al.,2004;Sanderset al.,2008;Sanderset al.,2009;SandersetIrwin,2009;Bryant,et al.,2006).Parexemple,àpartirdedonnéespubliquessurles positions de différents groupes d’opérateurs auxÉtats‑Unis,Sanderset al.(2008)constatentquelesmesuresdu changement de position ont un effet statistiquementsignificatif sur les prix des contrats à terme sur produits debasedansseulementcinqcassur30.Enrevanche,l’inversiondu test de causalité indique qu’elles ont une significationstatistiquedanstouslescas,sauftrois.

En somme, les données empiriques semblent indiquer quel’augmentationspectaculairedesprixdesproduitsdebaseaucoursdesdernièresannéesestdueprincipalementàdiversfacteurs fondamentaux du marché plus qu’à la spéculation.Cesfacteurssontanalysésdanslasectionsuivante.

(b) Lerôledesfondamentauxéconomiquesdanslavolatilitédesprixdesproduitsdebase

Larécenteflambéedesprixdesproduitsdebaseapeut‑êtreété influencée par plusieurs facteurs fondamentaux dumarché concernant l’offre et la demande (Irwin et Good,2009b;Hamilton,2008;HeadeyetFan,2008).Cesfacteurssont notamment la vigueur de la croissance économiquemondiale, les limites de l’accroissement à court terme de lacapacité de production, les prix relatifs des produits deremplacementetlespolitiquesgouvernementales.Làencore,la plupart des études portent sur le marché pétrolier, quiservirad’illustrationàplusieursreprises,maiselless’appliquentaussiauxautresressourcesnaturelles(Davis,2009).

(i) Demande

Enrythmeannuel, laconsommationmondialedesprincipauxproduitsdebaseaplusaugmentéentre2002et2007quedans lesannées1980et1990 (Helblinget al., 2008).Celas’explique en grande partie par la forte augmentation desrevenus dans certaines grandes économies émergentes

(CheungetMorin,2007).Parexemple,pendantcettepériode,lademandedelaChine,del’IndeetduMoyen‑Orientaétéàl’origine de plus de la moitié de l’augmentation de laconsommationmondialedepétrole.LaChineareprésentéàelle seule environ 90 pour cent de l’augmentation de laconsommationmondialedecuivre (Helblinget al.,2008),cequi peut s’expliquer par l’industrialisation et l’urbanisationrapides, car, aux premiers stades du développement, lacroissance s’accompagne d’une forte consommation demétaux(Banquemondiale,2009).Parailleurs,lachutebrutaledesprixdesproduitsdebasedepuislemilieude2008peuts’expliquer en partie par la contraction de la demandemondiale due au ralentissement de la croissance du PIBdurantlarécession.Lafigure24montrel’augmentationdelademande mondiale de pétrole qui, selon Kilian (2009c),résulte de la croissance inattendue des économiesémergentesasiatiques,conjuguéeàunecroissancesoutenuedanslespaysdel’OCDE.

Lafigure24montrequel’augmentationde laconsommationmondialedepétroleentre1980et2008,s’estaccompagnéed’une augmentation des réserves mondiales prouvées. Labaisseduratioconsommation/réservesprouvéesjusqu’àlafindesannées1980signifiequelesréservesontaugmentéplusrapidementquelaconsommationjusqu’àcemoment‑là.Parlasuite,leratioresteàpeuprèsconstantcarl’augmentationdesréserves prouvées va plus ou moins de pair avecl’accroissement de la consommation. L’augmentation moinsmarquéedesréservesprouvéesestpeut‑êtreattribuableauxproblèmestechnologiquesqueposel’exploitationdesitesnonconventionnelstelsquelesgisementsenmerprofondeetlessablesbitumineux.

(ii) Limites de l’accroissement à court terme de la capacité d’offre

Silesréservesprouvéesdeproduitsénergétiquescommelepétrole et le gaz naturel ont augmenté régulièrement, lescapacitésd’extraction,deproductionetderaffinagen’ontpassuivi, cequi s’est traduit parune réaction timidede l’offreàcourtterme,commeonl’avulorsdurécentboomdesproduitsdebase.L’insuffisancedel’investissementdansdenouvellescapacités s’explique en partie par l’accumulation d’unecapacité inutilisée dans plusieurs secteurs de ressources

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dans lesannées1980et1990,elle‑mêmedueauxfacteurssuivants. Premièrement, dans le cas du pétrole, la demandemondiale a fortement diminué après le choc pétrolier desannées 1980. Deuxièmement, dans le cas du pétrole, desmétauxetdesminéraux,lademandedespaysdel’ancienblocsoviétiqueareculédeprèsde50pourcentdanslesannées1990, car ces pays ont commencé à allouer les ressourcesd’une façon plus conforme au marché (Banque mondiale,2009;BorenszteinetReinhart,1994).

Cela a amené à puiser dans les stocks pour répondre à lademandeexcédentaire,etlesprixontaugmentélorsquetoutela capacité inutilisée a finalement été absorbée dans lapremièremoitiédesannées2000(Helblinget al.,2008).Lafigure25montrequedanslecasdupétrole,parexemple, lacapacité de raffinage a diminué ou est restée relativementconstanteentre1980etledébutdesannées1990,puiselleestalléeenaugmentant.Onconstatecependantqueleratioconsommation/raffinage est resté relativement constantentreledébutdesannées1990et2006,cequisignifiequelaconsommationaaugmentéapeuprèsaumêmerythme.Celarenforce la thèse selon laquelle la hausse importante etsoutenue des prix du pétrole après 2003 a été tiréeprincipalement par la demande, d’autant que la capacitéd’accroîtrelaproductionouleraffinagedansunprocheavenirestlimitée(Kilian,2009c).

La hausse des prix du pétrole ne stimule pas la productionmondiale dans l’immédiat parce que, l’élasticité‑prix à courttermedel’offredepétroleestquasimentnulle(autrementdit,l’offredepétroleréagitpeu,àcourt terme,auxvariationsdeprix)(Kilian,2009b).Parailleurs,danslecasdupétrole,rienn’indique que, du côté de l’offre, l’Organisation des paysexportateurs de pétrole (OPEP) ait tenté d’agir comme uncartelenréduisantlaproductionentre2004et2008(Smith,2009;Kilian,2009c).Parcontre,pendantleboom,lahaussedes prix des produits de base a probablement stimulél’investissement dans la capacité de production, atténuantainsi,dansunecertainemesure,lescontraintessurleplandel’offre. Avec la contraction de la demande mondiale, cela apeut‑êtrecontribuéàlafortebaissequiasuivileboom.

(iii) Liens entre produits de base

Lesliensentrelesdifférentsmarchésdeproduitsdebaseontjouéunrôledanslesrécenteshaussesdeprix.Parexemple,la

haussedesprixdupétroleaeuuneffetimportantsurd’autresproduits de base, non seulement par le jeu du mécanismetraditionneldepousséesurlescoûts,maisaussiàtraversleseffets de substitution; par exemple, le prix du caoutchoucnaturelaaugmentéparcequeleproduitderemplacement, lecaoutchouc synthétique, est à base de pétrole, et le prix ducharbon a augmenté parce que les compagnies d’électricitéont remplacé le pétrole, plus cher, par le charbon pour laproductiond’électricité(Helblinget al.,2008).

Enoutre,leprixélevédupétroleaentraînéuneaugmentationde l’utilisation de biocarburants pour le transport, ce qui adétournédel’alimentationunepartimportantedelaproductionde maïs, de colza et de sucre dans les principaux paysproducteurs(Helblinget al.,2008).Celaanaturellementfaitaugmenter le prix de certaines des principales denréesalimentaires. Ces liens peuvent donc expliquer en partie lacorrélationentre l’évolutiondesprixde l’énergieetcelledesprix des produits alimentaires, comme l’indique la figure 17.Parailleurs, lafortebaissequiasuivi lerécentemballementdes marchés pétroliers a peut‑être contribué à la baisseglobaledesprixdesproduitsdebaseenréduisantlademandede biocarburants. À long terme, le développement d’autressourcesd’énergie,commel’énergiesolaire,peutréduirelelienentre les marchés énergétiques et alimentaires (Banquemondiale,2009).

(iv) Dépréciation effective du dollar

Commelesprixdeplusieursproduitsdebasesontlibellésendollars EU, les fluctuations du taux de change du dollarpeuvent influer sur l’offre et la demande. La dépréciationeffectivedudollaraucoursdesdernièresannéesarenducesproduitsmoinscherspourlesconsommateursendehorsdelazonedollar,sibienquelademandeaaugmenté(Helblinget al.,2008). Du côté de l’offre, la diminution des bénéfices enmonnaielocaledesproducteursendehorsdelazonedollaraexercéunepressionsur lesprixdecesproduits(Helblinget al.,2008).

Considéronsuneentrepriseétrangèreproduisantunproduitdont le prix est libellé en dollars. La dépréciation du dollarsignifiequelesproducteursvontaugmenterlesprixcar,pourcompenser, ils doivent retirer plus de dollars de chaquevente. Anticipant cela, les investisseurs commencent àinvestirdel’argentdanslesproduitsconcernés,dontleprix

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Capacités de raffinage du pétrole (axe de gauche)

Consommation de pétrole (axe de gauche)

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Source : BritishPetroleum:StatisticalReviewofWorldEnergy2009.

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va augmenter. On peut donc dire que les investisseurs ontinjecté de l’argent dans le marché des produits pour seprotégercontreladépréciationdudollar.Mais,aveclacrisefinancière,cettesourceduboomdesproduitsdebases’esttarieet apeut‑êtremêmecontribuéà la chutebrutaledesprix au milieu de 2008. Cela s’explique par l’augmentationdes investissements «moins risqués» dans les bons duTrésor des États‑Unis, qui a entraîné une appréciation dudollarEUvis‑à‑visdesmonnaiesde laplupartdespaysendéveloppement.

Dansundiscoursprononcéenmars2009surlaréformedusystèmemonétaireinternational,legouverneurdelaBanquepopulairedeChineaproposéqu’unrôleplus importantsoitattribuéauxdroitsdetiragespéciaux(DTS)duFMIentantquemonnaiederéserve internationale (Zhou,2009).Cetteproposition vise, entre autres, à remédier à la volatilité desprix des produits de base exprimés dans une monnaienationale(engénéral, ledollarEU).Plusprécisément,Zhou(2009)afaitvaloirque,enrenforçantlerôledesDTSdanslecommerceinternationaletdansl’établissementdesprixdesproduits de base, on pourrait atténuer effectivement leursfluctuations par rapport à un système dans lequel ils sontexprimésdansuneseulemonnaienationale.75

(c) Conséquencesdelavolatilitédesprixpourlespaysimportateursetlespaysexportateurs

Du faitde laprépondérancedes ressourcesnaturellesdansl’économiedenombreuxexportateurset de leur importancestratégique pour la production des pays importateurs, lavolatilitédesprixdesproduitsdebaseasouventsuscitéunegrande inquiétude politique. Les effets de la volatilité sontanalysésci‑dessousdans l’optiquedespaysexportateursetdespaysimportateurs.

(i) Effets de la volatilité sur les exportateurs de ressources naturelles

Hausmann et Rigobon (2003) montrent que, dans uneéconomieoùuneressourceextractive(parexemplelepétrole)représenteenviron20pourcentduPIB,unchocdeprixauneffet important sur le PIB.76 Cette observation empiriquerappellequelavolatilitédesprixalongtempsétéconsidéréecomme un problème pour les exportateurs dont les revenusdépendentprincipalementdesressourcesnaturelles.D’aprèsla littérature, cela tient aux causes suivantes: aversion desconsommateurspourlerisque,incidencesbudgétairesetrôlede la volatilité comme expression de la malédiction desressourcesnaturelles.

Aversion des consommateurs pour le risque

Si les consommateurs ont une aversion pour le risque, lavolatilitépeutavoiruneffetnégatifdanslespaysexportateurs,car lesconsommateurssontdisposésàdépenserunepartiede leur revenu pour se prémunir contre le risque de fortefluctuation des prix des ressources. Selon Hausmann etRigobon(2003),l’effetnégatifsurlacroissanceéconomiqueseraprobablementfaibleenl’absenced’autresperturbationsdel’économie.77

Incidences budgétaires

Enseconcentrantsurlespaysexportateursdepétrole,Kilian(2009c) constate que la chute des prix peut mettre à rudeépreuveleuréquilibrebudgétaireetleurcapacitéàemprunteràl’étranger.Àl’inverse,lahaussedesprixestgénéralementfacileàgérercarellepermetdefinancerlesimportationsenprovenancedurestedumondeetderecyclerunepartiedesrecettespétrolièresadditionnellesdanslesystèmefinanciermondial.78 Toutefois, une augmentation soudaine de larichesseenressourcesnaturellespeutamenerlesdécideursàaccroître lesdépensespubliquesd’unemanière tellequ’ilseraimpossibledelesfinancerlorsquelesrecettesprovenantdesressourcesnaturellessetariront.

Parexemple,lorsquelesprixdupétroleétaientélevésdansles années 1970, les banques, considérant que lesproducteurs de pétrole étaient des emprunteurs solvables,leurontaccordédesprêtsimportants,quiontserviàfinancerl’accroissement des importations et de la consommationintérieure; mais il s’est avéré que c’était un mauvais calculcarlesprixpétroliersnesontpasrestésenpermanenceàunniveauélevé.Celaaconduit lespays richesenpétroleà lafaillite, ce qui a menacé la stabilité du système financierinternational(Kilian,2009c).Demême,aprèsladécouvertedegaznaturelauxPays‑Basetleschocspétroliersmondiauxdans les années 1970 et 1980, les gouvernementsnéerlandaissuccessifsontconsidérablementaugmenté lesdépensespubliquesetilaensuitefalludeuxdécenniespourremettrel’État‑providencesurlavoiedelaviabilitéfinancière(VanderPloeg,2006).

Volatilité et malédiction des ressources naturelles

HausmannetRigobon(2003)proposentuncadredanslequellavolatiliténaîtd’uneinteractionentrelaspécialisationetlesimperfections du marché financier et peut constituer unaspectdelamalédictiondesressources.79Ilsconsidèrentuneéconomie spécialisée dans le secteur des ressources (nonexportables), qui emploie pleinement une quantité fixe demain‑d’œuvre.Lesecteurnepeutaugmentersonoffrequ’enaugmentant le volume de capital par travailleur. Lamain‑d’œuvre étant fixe, cela signifie que la productivité dechaqueunitéadditionnelledecapitalvadiminuer.Or,ilfautducapitalpouratteindreletauxderendementinternational,d’oùla nécessité de relever le prix des biens non exportables. Ils’ensuit une hausse du taux de change réel. Dans le mêmetemps, l’augmentation du prix des biens non exportablesentraînelaréorientationdesdépensesdecesbiensdésormaisplus coûteux vers les biens échangeables dont le prixaugmente.Ils’ensuitunebaissedutauxdechangeréel.

À ladifférenced’uneéconomiediversifiée, qui aun tauxdechangeconstantparcequ’ellepeutabsorber leschocsdelademandeen réaffectant lamain‑d’œuvreentre lessecteurs,uneéconomiespécialiséeaurauntauxdechangeréelvolatil.Enoutre,sicetteéconomiespécialiséeestmarquéepardesimperfections du marché financier, les taux d’intérêt serontprobablementsensiblesàlavolatilitédutauxdechangeréel.Hausmann et Rigobon (2003) indiquent que, dans deshypothèses raisonnables, les taux d’intérêt augmententinévitablementàmesureques’accroît lavolatilitédutauxdechange réel, de sorte qu’il est encore plus difficile pourl’économie d’attirer des investissements dans le secteur«dynamique» desbiensexportables. Lesauteurs soulignentque cette forme de malédiction des ressources liée à lavolatilitéestpluscompatibleavecl’évolutionduPIBetdesprix

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observéedanscertaineséconomiesrichesenressourcesqueles explications concurrentes, telles que le syndromehollandaisoularecherchederente,examinéesplushaut.

Il existe une abondante littérature analysant les effetsnégatifsdelavolatilité(prixdesproduitsdebase,termesdel’échange, augmentation imprévue de la production oudépensespubliques)surlacroissance.80Uneétuderécente(VanderPloegetPoelhekke,2009)vérifieleseffetsdirectsde l’abondancedes ressourcesnaturellessur lacroissanceéconomique et ses effets indirects liés à la volatilité del’augmentation imprévue de la production.81 Les auteursconstatent que la malédiction des ressources n’existe quepourlespaysquisouffrentd’unefortevolatilité.L’abondancede ressources peut avoir un effet direct positif sur lacroissance,maisceteffetpeutêtreannuléparl’effetindirectnégatifdelavolatilité.L’abondancederessourcesnaturellespeut donc être une malédiction pour les pays affectés parunegrande volatilité (comme laZambieet plusieursautrespaysafricains),maisunemannepourceuxquilesontmoins(par exemple la Norvège et les Tigres asiatiques). Comptetenudecesrésultats,uneréductiondelavolatilitépeutêtresouhaitabledupointdevuedesexportateursderessources.

(ii) Effets de la volatilité sur les importateurs de ressources naturelles

La volatilité des prix est un problème majeur pour lesimportateurs de ressources naturelles comme pour lesexportateurs.Elle peut l’être, en principe, pour tout produitde base importé en grandes quantités, et elle l’a été enparticulier dans le cas du pétrole, en raison de son rôleimportantcomme facteurdeproductiondanspratiquementtous les secteurs. Depuis les années 1970, et au moinsjusqu’à une date récente, les macro‑économistes ontconsidéré les variationsduprix réeldupétrolecommeuneimportante source de fluctuations économiques («cycleéconomique») et comme un paradigme de choc mondialsusceptible d’affecter simultanément de nombreux paysimportateurs.82 Nous analysons ci‑dessous les différentsmécanismesdetransmissiondeschocsdusauprix réeldupétrole affectant les pays importateurs et la manière dontl’ampleurrelativedeceschocsaévoluédansletemps.

Le canal de l’offre

Du point de vue d’un pays importateur de pétrole,l’augmentationduprixréeldupétroleconstitueunchocdestermesde l’échange(c’est‑à‑direuneaugmentationduprixdes importations par rapport au prix des exportations). Onconsidère généralement qu’un tel choc affecte le paysimportateur à travers ses effets sur les décisions deproduction, le pétrole étant traité comme un intrantintermédiairedans laproduction intérieure.Onabeaucoupdiscuté,sanstrouverderéponse,delaquestiondesavoirsi,et dans quelle mesure, les variations des prix du pétrolepeuventexpliquerlesfluctuationsduPIBréelsurlabaseducoûtdecetintrantintermédiaire–«canaldel’offre».Certains(comme Backus et Crucini, 2000) font valoir que lesfluctuationsdes prix pétroliers ne sont pasun déterminantmajeur du cycle économique, tandis que d’autres estimentqu’ilsontuneffetconsidérablesurlePIBréel(parexempleRotemberg et Woodford, 1996; Atkeson et Kehoe, 1999;Finn, 2000). Toutefois, ces dernières études ne semblentguèretrouverunejustificationempirique.

Le canal de la demande

Selonunautrecourantde la littérature, lesfluctuationsdesprixpétroliersaffectent l’économieessentiellementàtraversla réduction des dépenses des consommateurs et desentreprises. Ce point de vue concorde avec les donnéesprovenantd’étudesrécentes(Hamilton,2009b)etdesourcessectorielles (Lee et Ni, 2002). Les fluctuations des prix del’énergieontdeseffetsdirectssurlesdépensesprivées.83Leseffetssurlesdépensesdeconsommationetd’investissemententraînent tous une réduction de la demande globale enréponseàuneaugmentation imprévuedesprixde l’énergie.Desdonnéesempiriquesrécentesconfirmentlaprédominancedeseffetsdedemandeparrapportaucanaldel’offre.84

Le canal de la politique monétaire

La politique monétaire est un autre canal de transmissionsusceptible d’amplifier les effets des fluctuations de prixpétrolierssurl’économieréelle.Lorsqu’elleestconfrontéeàdes tensions inflationnistes potentielles ou réellesprovoquéesparunchocdeprixpositif,unebanquecentralepeutréagirenrelevantlestauxd’intérêt,cequiaccentuelabaissedelaproductionréelleassociéeàlahaussedesprixdel’énergie.Diversmodèleséconométriquesontétéutilisés(Bernankeet al.,1997;HamiltonetHerrera,2004;LeducetSill, 2004; Carlstrom et Fuerst, 2006) pour estimer dansquellemesurelapolitiquemonétairecontribueàlabaissedelaproductionréelleàlasuited’unehausseduprixdupétrole.Mais les différentes estimations ainsi obtenues sontsensibles aux spécifications des modèles, de sorte que lafiabilitédesrésultatsestsujetteàcaution.Dansuneétuderécente,KilianetLewis (2009)ne trouvent aucunélémentindiquantquelesréactionsdepolitiquemonétaireauxchocsdes prix pétroliers étaient à l’origine des récessions desannées1970etdudébutdesannées1980.

(d) Résuméetliensentrelespolitiquespubliques

Cettesous‑sectionadécrit lescauseset lesconséquencesdelavolatilitédesprixdesressourcesnaturellesenmettantparticulièrementl’accentsurlerécentépisodedeflambéeetdebaissedesprix.

Les fluctuations des prix des produits de base sontdéterminées par une multitude de facteurs agissantsimultanément. Les fondamentaux économiques, comme leplafonnement des capacités de production, les liens entreproduitsdebase,ladépréciationeffectivedudollaretlafortedemandedespaysémergents, sontdes facteurs importantspourexpliquerleboomrécentdesproduitsdebase.Demême,lesfondamentauxdumarché,commeleralentissementdelacroissance des revenus dû à la récente crise financière etl’augmentationde lacapacitédeproductionaprès la longuepériodedeboom,sontdesfacteursimportantspourexpliquerlachutebrutaledesprixdecesproduitsaumilieudel’année2008. À court terme, cette chute peut s’expliquer aussi parl’anticipation d’un ralentissement de la croissance, lesconditionssous‑jacentesde l’offreetde lademanden’ayantprobablement pas changé instantanément. À long terme, leralentissement de la demande et le rattrapage de l’offredépendrontdelacroissancedémographique,delacroissanceéconomique mondiale, des politiques commerciales, del’évolution technologique et d’autres facteurs comme lechangementclimatique(Banquemondiale,2009).

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Lerécentcycledeflambéeetdebaissedesprixdesproduitsdebaseaaussiclairementmontréquelavolatilitéexcessivedes prix de l’énergie et d’autres ressources naturellesessentiellespeutgénérerd’importantstransfertsderevenusà l’intérieur des pays et entre eux. Les effets ont étéparticulièrementmarquésauseindespopulationsurbainespauvres et dans les pays qui avaient peu de ressourceslocalessusceptiblesderemplacerlesproduitsénergétiqueset alimentaires dont les prix ont enregistré les plus forteshausses(Banquemondiale,2009).Étantdonnéquecertainsproduits de base sont indispensables au bien‑être denombreusespopulationspauvresdanslemonde, lefaitquedes opérateurs qui n’avaient pas de lien avec ces produitsaientpuprovoquer lavolatilitéde leursprix(mêmesansenêtrelacauseprincipale)aétéunsujetdepréoccupation.Lesperturbations sociales causées par cet état de choses ontamenécertainspaysàadopterdesmesuresextrêmes,tellesque des prohibitions à l’exportation. Malgré leur effetmodérateurimmédiatsurlesprixintérieurs,cesmesuresontprobablement accentué et prolongé la hausse des prix surles marchés, notamment en réduisant les incitations àaccroîtrelaproduction.

Ces événements ont alimenté au moins deux débatsimportantssurlanécessitéd’unecoordinationinternationaledespolitiques.Premièrement,ils’agitdesavoirs’ilyaunlienentre les mesures à l’exportation et la volatilité des prixmondiaux des produits de base (voir la section D).Deuxièmement, on a souligné qu’il fallait s’attaquer à lasourceduproblèmede la volatilitédesprix, notammentenréglementantconvenablement lesmarchés financiers.Celasuppose, par exemple, que l’on renforce les obligations dedéclarationetd’enregistrementpourlenégocedegréàgrédesproduitsdérivéssurproduitsdebaseafind’accroîtrelatransparence et, partant, l’efficience des prix sur cesmarchés (Pace et al., 2008). Les questions relatives à lanécessité de renforcer la coordination internationale despolitiques et la coopération dans le domaine du commerceserontexaminéesplusendétaildanslasectionE.

7. Conclusions

Pourcomprendre leseffetsde l’ouverturecommerciale surl’exploitationdesressourcesnaturelles,ilfautuneapprochedynamiquequitiennecomptedel’arbitrageentrel’extractionaujourd’hui et l’extraction demain. Cela compliquegrandement l’analyse économique des marchés deressources naturelles. C’est pourquoi la littératureéconomique consacrée aux ressources naturelles estfragmentéeetn’exposepasendétailleseffetsducommercesur l’affectation des ressources et leur durabilité à longterme.

La théorieactuelleducommercedes ressourcesnaturellesmontrequelaprédictionclassiqueselonlaquellelecommercereflète l’avantage comparatif est valable aussi lorsque l’ontientexpressémentcomptedelacaractéristiqueparticulièredes ressourcesnaturelles,àsavoirqu’ellessontépuisables.Parcontre, leshypothèsesclassiquessur lesgainsglobauxducommercenesontvalablesquedanscertaineshypothèses,telles que l’absence d’externalités et une concurrenceimparfaite.Cesdéfaillancesdumarchésontempiriquementpertinentes dans les secteurs de ressources naturelles, quisontsouventcaractériséspardiversesformesd’emprisesurlemarché(commelescartels),parlafaiblessedesdroitsdepropriété et par des externalités environnementales. En

outre, la prépondérance des ressources naturelles dansl’économiedecertainspaysetl’existenced’unefortevolatilitédes prix imposent des limites aux anticipations classiquesconcernantlesgainsducommerce.

Premièrement, lorsque la structure imparfaitementconcurrentielledecertainsmarchésderessourcesnaturellesest prise en compte, la théorie économique prédit qu’engénéral, les ressources seront épuisées plus lentementqu’en situation de concurrence parfaite. Cependant, lalittérature existante n’indique pas dans quelle mesure cesrésultats sont valables dans un modèle de commerce plusgénéral,danslequellespayssontdotésdedifférentstypesde ressources naturelles. Elle n’explique pas non plusl’impactdecemarchémondialpluscomplexesur lesgainstirésducommerce.

Deuxièmement,lorsqueleproblèmedulibreaccèsassociéàlafaiblessedesdroitsdepropriétéestprisencompte,ilsepeutquecertainesdesprédictionsclassiquesde lathéoriedu commerce international concernant la structure deséchanges et les gains du commerce soient infirmées.Lorsquelesdroitsdepropriétésontmaldéfinis,lecommercepeut exacerber le problème de la surexploitation desressourcesetaggraverlasituationdupaysexportateur.Maiscen’estpaslaseuleissuepossible.Lerésultatfinaldépendrade la structure spécifique de la demande, de la pressiondémographiqueetdesméthodesd’exploitation.Plusencore,le commerce peut être bénéfique en aidant à renforcer lerégime de droits de propriété d’un pays. Le partage d’uneressourcenaturelleentredeuxpaysouplusestunesituationimportante qui n’a pas été abordée dans la littérature,situation dans laquelle le problème du libre accès estparticulièrementaigu.

Troisièmement,ilsepeutquelecommercenegénèrepasdesgainsglobauxlorsquel’ontientcomptedeseffetsnégatifsdel’extraction des ressources naturelles sur l’environnement.Par exemple, l’ouverture au commerce peut exacerber ouatténuerleproblèmedesressourcescommunes,enfonctiondelarelationentrelesespèces(àsavoirsilesstocksdedeuxespèces sont mutuellement bénéfiques ou si l’une desespèces réduit la probabilité de survie de l’autre) et dunombre de pays concernés. Bien que les modèleséconométriquesquiétudientleseffetsenvironnementauxdel’extractionetdel’utilisationdesressourcesnonrenouvelablesn’examinent généralement pas l’impact du commerce, lecommercepeutavoirunimpactpositifsurl’environnements’ilest associé au transfert de technologies réduisant lesémissions ou s’il permet l’accès à des ressources desubstitution(moinsnocivespourl’environnement).

Quatrièmement,lesétudesquiexaminentlaprépondérancedu secteur des ressources naturelles dans certaineséconomiessontdiviséessurlepointdesavoirsil’abondancedes ressources se traduit par une croissance économiqueplus rapide ou plus lente. Certaines soulignent les risquesliésàunesurspécialisationdanslesecteurdesressources,notamment le risque de désindustrialisation («syndromehollandais»)etlesproblèmesliésàlavolatilitéexcessivedesprix, à l’instabilité économique et aux conflits civils. Enrevanche, d’autres citent l’exemple des économies qui ontréussi à tirer parti de la spécialisation dans les ressourcespourstimulerlacroissanceéconomiqueetilsconcluentquedes facteurs autres que la dotationen ressources sont lesprincipauxdéterminantsdusuccèsoudel’échecéconomique.

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Enfin,lesétudesquiexaminentlescausesetleseffetsdelavolatilitédesprix sur lesmarchésde ressourcesnaturellesontsoulignélarelationàdoublesensentrelavolatilitéetlecommerce. D’une part, le commerce permet unediversification plus efficiente des sources d’intrants,réduisant ainsi la sensibilité des prix des ressourcesnaturellesauxchocsspécifiquesàdesproduitsparticuliers.D’autrepart,lavolatilitépeutaussiavoiruneffetnégatifsurl’ouverture d’un pays au commerce (déclenchant desréactions visant à restreindre les exportations) ou sur lamanièredont ilcommerce(parexemplemarchésorganisés

oucontratsbilatérauxà long terme).La littératuresouligneenoutrelerôleimportantdesinstrumentsfinanciersindexéssur des produits de base, qui peuvent constituer unmécanisme contre le risque de volatilité ou qui peuventcontribuer aux brusques fluctuations des prix par effet demimétisme. La littérature comporte cependant une lacune,dueau faitqu’elles’intéresseprincipalementauxvariationsdes prix du pétrole. Certaines observations sont certesapplicables à d’autres produits de base, mais l’absenced’étudedescausesetdesconséquencesdelavolatilitédansd’autressecteursderessourcesestregrettable.

Notes1 VoirOMC(2008)pouruneanalysedecesfacteurs.

2 Lecoûtd’opportunitéde l’épuisementestégalementappelécoûtd’usage,valeurin situourentederessource.

3 LalistedesextensionsdumodèledeHotellingn’estpasexhaustive.Pourunaperçurécentde la littérature théoriqueetempiriquesurl’économiedesressourcesnonrenouvelables,voirLivernois(2009)etKrautkraemer(1998).

4 Les modèles comportent plusieurs hypothèses sous‑jacentes.Premièrement,chaquepaysest relativementpetitpar rapportauxmarchésmondiauxetpeutvendreetacheterselondestermesdel’échange donnés et constants. Deuxièmement, les marchés sontparfaitement concurrentiels. Troisièmement, il n’existe aucunedistorsionéconomiqueoupolitique:leplanificateursocialchoisitlarépartitiondesressourcesquimaximiselebien‑êtresocialactueletfutur(c’est‑à‑direlavaleuractualiséedesfluxd’utilitésfuturs).

5 LeseulécartparrapportàlathéoriedeHeckscher‑Ohlin(danslescénario«hybride»)estqu’uneéconomiechangeraévidemmentdespécialisationsiletauxd’extractiondelaressourcetombeàzéroetsisonavantagecomparatifinitialdisparaît.

6 CesquestionsserontanalyséesdanslessectionsC.3etC.4.

7 Lescoûtsfixessontlescoûtsquelesentreprisesdoiventsupporterpour certains biens ou services, indépendamment de la quantitéqu’elles produiront à terme. À mesure que le volume global de laproductionaugmente,lescoûtsfixessontrépartissurunplusgrandnombre d’unités, de sorte que les coûts de production moyensdiminuent.

8 Enparticulier, la littérature théoriqueasuivideuxapprochespourmodéliser une industrie partiellement cartellisée avec une frangeconcurrentielle. Certains ont modélisé la concurrence en tantqu’équilibre de Cournot‑Nash, dans lequel chaque producteur estsupposé choisir la production qui maximise ses profits, enconsidérant comme donnés les programmes de production desautres(Salant,1976;Pindyck,1978;UlphetFolie,1980;LewisetSchmalensee,1980).D’autresontconsidéré lecartelcommeuneentreprisedominantedansunjeuditdeStackelberg,oùlecartelfaitfonctiondeleader.Lafrangeconcurrentielledevraaccepterleprixfixéparlecartel,maislecarteldevrafixerleprixentenantcomptede la production des producteurs concurrentiels (Gilbert, 1978;Newbery,1981b;Ulph,1982;Grootet al.,1992;Grootet al.,2003).

9 Pour une analyse du rôle possible des opérations à terme dansl’allocationdesressourcesensituationdeconcurrenceimparfaite,voirLiskietMontero(2008).

10 À tout moment, il y aura une marge entre les prix et les coûtsmarginaux.Cettemargedépendradel’élasticité‑prixdelademande(dontelleestlaréciproque).Enparticulier,pluslademandemondialeestrigide,pluslamargeducartelestélevée.

11 Dans le modèle plus simple envisagé par Hotelling, les coûtsmarginauxsontnégligeables.Lorsqu’ilsnelesontpas, larègledeHotelling s’applique en termes de prix (pour une économieparfaitement concurrentielle) et de revenu marginal (pour unmonopoleur)déductionfaitedescoûtsmarginaux.

12 La théorieéconomiqueamontréque,en l’absencedemoyensdefairerespecterlesengagementsàlongterme,ilexistedeséquilibresde cohérence temporelle dans des conditions très limitées(Newbery,1981a;UlphetFolie,1980;MaskinetNewbery,1990).

13 RappelonsquelethéorèmedeHecksher‑Ohlinexpliqueseulementle commerce interindustriel, c’est‑à‑dire l’échange de produitsdifférents entre deux pays différents. Dans un cadre deHeckscher‑Ohlin, le commerce a lieu parce que les pays sontdifférentsetdonc ilsn’ontaucuneraisond’échangerdesproduitsidentiques.

14 Lecommerceréciproquedeproduitshorizontalementdifférenciéss’explique,danslathéorieéconomique,parlathéorieducommercedite «nouvelle». Selon cette théorie, les rendements d’échellecroissants favorisent la spécialisation de chaque pays dans unnombre limité de variétés, et l’attirance du consommateur pour lavariété assure la consommation des variétés étrangères etnationales d’un même produit. Le modèle suppose que lesentreprises opèrent dans des conditions de concurrencemonopolistique. Toutefois, cette hypothèse est la conséquencenécessaire de rendements d’échelle croissants, et non ledéterminantducommerce.

15 L’entrepriseprendracettedécisionsielleconsidèrequesesventesàl’étrangersontplussensiblesauxbaissesdeprixquesesventessurlemarchéintérieur.

16 Pourunexamenapprofondidelalittératureéconomiquesurlelienentrecroissanceetenvironnement,voirTayloretBrock(2005).

17 Plus précisément, si l’élasticité de substitution entre la ressourcenonrenouvelableetlesautresintrantsestsupérieureouégaleàun,etsil’élasticitédelaproductionparrapportàlaressourcenaturelleest inférieureà l’élasticitéde laproductionpar rapport aucapitalphysique, il est possible de garantir un profil de consommationconstant avec une population croissante (Stiglitz, 1974; Solow,1974b;Solow,1974a).

18 D’unecertainefaçon,cesrésultatssontparallèlesauxconclusionsde la littérature sur la qualité de l’environnement: le progrèstechnologique peut avoir des effets opposés sur l’environnementselon les secteurs concernés. En effet, l’évolution technologiquedanslaproductiondebiensaun«effetd’échelle»quiaugmentelesémissions,tandisqueleprogrèstechnologiquedanslesecteurdelaréduction des émissions fait baisser ces dernières par un simple«effettechnique»(TayloretBrock,2005).

19 Ilestimportantdesignalerunelacunedanslalittératureexaminéedanscettesous‑section.Lesétudesenvisagenttoutesunesituationdans laquelle lestockde ressourcesnaturellesn’estexploitéqueparlesressortissantsdupaysetnetiennentpascomptedescasoùla ressourceestpartagéepardeuxpaysouplus.Or,certainsdesproblèmes les plus graves liés au libre accès sont de naturetransfrontalière,commedanslecasdesstocksdepoissonenhautemer, qui ne relèvent d’aucun pays en particulier, ou des stocksmigratoires/chevauchants,quipassentd’unejuridictionàl’autre.Ontrouverauneanalysecomplètedesproblèmestransfrontaliers liésaux ressources naturelles dans la section D sur les accordsrégionauxetdanslasectionEduprésentRapport.

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20 Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Premièrement,l’écologistepeutavoirpourobjectiflatailledustockcorrespondantaurendementdurablemaximal.Or, latailledustockderessourcenaturelle correspondant à la rente maximale est généralementinférieure. Deuxièmement, si le taux d’escompte est supérieur autaux de croissance maximal de la ressource, la décisionéconomiquementefficaceseral’extinctiondustock.

21 Lafonctiondecroissanceest,oùestletauxdevariationdustock,rletauxdecroissancebiologiquemaximalpossibledelaressource,S(t)latailledustockactuelquidépenddutemps,etKlacapacitédecharge environnementale de la ressource. La solution de cetteéquationdifférentielledupremierdegréestunefonctionlogistique.La relation est souvent appelée courbe de Schaefer, du nom dubiologiste des pêcheries Schaefer (1957), qui en a fait un largeusagedanssestravaux.

22 La condition d’état stable est donnée par , où est la capture. Lacapturedépendpositivementdel’effort(E)etdustockderessourcesnaturelles(S).Aumoyendecetterelationetdutauxdecroissance,ilestpossiblederedistribuerlestermesdel’équationpourobtenirlestockcomme fonctionde l’effortetdesubstituer le résultatdansl’équationdelacapture,cequidonnefinalementlacapture(oulesrevenus)commefonctiondel’effortdanslafigure14.

23 Au moyen de la fonction de croissance et de la condition d’étatstable,ilestpossibledemontrerqu’ilyaunerelationnégativeentrelestocketl’effortàl’étatstable.

24 Pouruneanalyseplusapprofondiedurôledutauxd’escompte,voirleschapitres2et3deClark(1990).

25 CettepêcherieestsituéedansleseauxduPacifiqueNord‑OuestduCanadaetdesÉtats‑Unis.

26 Lapanopeestuneespècedepalourdegéanteoriginairedelacôtenord‑ouestduCanadaetdesÉtats‑Unis.

27 Le présent Rapport est consacré au commerce des ressourcesnaturelles.Iln’examinedoncpaslalittératurequitraitedel’effetducommerce sur l’environnement lorsque les externalitésenvironnementalessontgénéréesprincipalementdanslessecteursde production (par exemple la pollution industrielle). Pour unedescription et une analyse de cette littérature, voir OMC‑PNUE(2009).

28 Cette classification vaut également pour les ressourcesrenouvelables.L’exploitationforestièreestunexempled’externalitésde flux. Les externalités de stock de cette activité sont ladéforestation, l’érosion du sol, l’extinction d’espèces etl’augmentationdelaconcentrationdecarbonedansl’atmosphère.

29 DesmodèlescommeceuxdeSinclair(1994),UlphetUlph(1994),Withagen (1994), Hoel et Kverndokk (1996), Kolstad etKrautkraemer(1993),Babuet al.(1997)etWelshetStähler(1990)considèrentlesexternalitésdansuncadred’équilibrepartiel,tandisque Stollery (1998), Schou (2000) et (2002), Grimaud et Rougé(2005)et(2008),GrothetSchou(2007)etAcemogluet al.(2009)utilisentdesmodèlesd’équilibregénéral.

30 LarègledeHotellingestexpliquéedanslasectionC.1.

31 Lesdonnéesmontrentque87pourcentdelaconsommationtotaled’énergieen2000consistaitencombustiblesfossiles, telsque lepétrole(40pourcent),lecharbon(25,7pourcent)etlegaznaturel(22pourcent).VoirKronenberg(2008).

32 La notion de technologie d’appui, formulée par Nordhaus (1974),désigneunmoyendeproductiondesubstitutionquin’utilisepasderessources épuisables. C’est par exemple l’énergie solaire ouéoliennedanslecasdelaproductiond’électricité.

33 Lespaysdel’OPEPontaussiintérêtàsurestimerleursréserves,carleurs quotas d’exportation dépendent du volume total de leursréserves.VoirCampbelletLaherrère(1998).

34 Voir,parexemple,Krautkraemer(1998).

35 Onsupposeque laprobabilitéd’unenouvelledécouvertediminueavecletemps.

36 Cette option technologique est prometteuse aujourd’hui pourl’extraction des énergies fossiles. En effet, on a démontrérécemmentqu’il était possibleet viabledecaptureretdestockerune partie du dioxyde de carbone émis par la combustion descombustibles fossiles. Ce procédé, souvent dénommé capture etstockageduCO2(CSC),consisteàséparerledioxydedecarbonedes autres gaz de flux au cours du processus de production del’énergie; une fois capturés, les gaz sont stockés dans différentsréservoirs.

37 Alorsquelacombustiondugaznaturelémet53070kgdedioxydedecarboneparmilliarddeBtud’intranténergétique(kg/Btu),41,7kg/Btud’oxydesd’azoteet0,45kg/Btudedioxydesdesoufre,lacombustiondupétroleetducharbonproduitrespectivement74370et94330kg/Btudedioxydedecarbone,203et207kg/Btud’oxydesd’azoteet509et1175kg/Btudedioxydesdesoufre(AIE,1998).

38 SelonBarbieretRauscher(1994)etSwallow(1990),ladestructiondeshabitatsestl’undesobstaclesàlaviabilitéàlongtermedeplusde50pourcentdesespècesactuellementmenacéesd’extinction.

39 Barbier et Schulz (1997), Smulders et al. (2004) et Polasky et al.(2004)illustrentl’effetducommercedesressourcesnaturellessurlabiodiversitéàtraverssoneffetsurleshabitatsnaturels.Brocket al.(2007)analysentl’effetsurlabiodiversitédel’invasionbiologiquedueaucommerce

40 L’analyse faite ici sera limitée à des pays identiques. En général,cependant,lalittératuretientcomptedufaitquelespaysdiffèrentparlataille,laproductivitéetlesgoûtsetmontreque,danscescas,l’effetdel’ouverturecommercialesurlabiodiversitén’estpasclairetdépenddemultiplesfacteurstelsquelessecteursdanslesquelslespayssespécialisent,lataillerelativedel’habitatdesespècesoulesdifférencesd’écosystèmeentrelespays.

41 Cettedescriptiondela«courbeaire‑espèces»,extraitedeMacArthuretWilson(1967),esttrèsutiliséedanslathéorieécologique.

42 VoirPolaskyet al.(2004).

43 Leseffetsducommercesurlebien‑êtredépendentdelafaçondontlabiodiversité influesur l’utilitédesconsommateurs.Considérons,par exemple, qu’une espèce donnée rend des services à lapopulation.L’impactducommercesur lebien‑êtredépendrade laquestiondesavoirsil’espècedoitsetrouverdanslemêmepaysquele consommateur (par exemple les espèces de carex qui serventsurtoutàfiltrerl’eaudanslesécosystèmeshumides)pouravoiruneffetpositifsursonutilitéousilelieuoùsetrouvel’espèceestsansimportance(parexempledesespècescommelechimpanzédontonveutéviterl’extinctionauniveaumondial).

44 Leurs résultats peuvent cependant être étendus à l’exploitationd’autresressourcesnaturellescommel’exploitationforestièreetlachassedesanimauxsauvages.

45 Si des pays ont une emprise sur le marché et si les goûts sontidentiques, l’effetsur lesprixcompensel’externalitébiologique,etunniveaudecaptureefficaceseraatteint.

46 Laconcentrationdesressourcesestuneconditionsuffisante,maispasnécessaire,pourquelastructuredeséchangessoitconcentrée.Selon la «nouvelle théorie du commerce», une concentrationextrêmepeutexistermêmeentredespaysdisposantdedotationsanalogues.Deplus,mêmesic’étaitlarépartitiongéographiquedeladotationenfacteursquiengendraitcettestructuredeséchanges,une concentration extrême du commerce pourrait résulter de laconcentration géographique du capital ou de la main‑d’œuvrequalifiée.Pourlesbesoinsdel’analysefaiteici,ilsuffitdenoterqueles ressources représententunepartprépondérantedesactivitésdeproductionetd’exportationdequelquespays richementdotés,quellequesoitlacausesous‑jacente.

47 Cette expression a été forgée par The Economist en 1977 pourdécrire le déclin du secteurmanufacturier auxPays‑Bas après ladécouverted’unvastegisementdegaznaturelen1959.

48 VoirCordenetNeary(1982)etCorden(1984).

49 Ilsepeutquelesecteurdesressourcesnaturellesn’utilisepasunfacteur qui est mobile entre les secteurs et constitue de fait uneenclavedansl’économie.Danscecas,ilyaseulementuneffetdedépense car il n’y a pas de réallocation intersectorielle desressourcesproductives.

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50 ReprisedeSachsetWarner(1995).

51 Plusieurs mises en garde s’imposent. Premièrement, l’existenced’économiesexternesdanslesecteurmanufacturiern’apasencoreétédéterminée.SachsetWarner(1995)disenteux‑mêmesque«lelienentreceseffetsdusyndromehollandaisetlaperted’externalitésde production reste cependant spéculatif et n’a pas encore étéprouvé». Deuxièmement, l’existence d’économies externes justifielesubventionnementparl’Étatdusecteurquitirelacroissance.Latrajectoire de croissance plus basse BCD dans la figure 16 peutdoncs’expliquerparunedéfaillancedel’Étatplutôtqueparleboomdesressourcesnaturellesensoi.Troisièmement,lamêmetrajectoiredecroissanceBCDpourraitêtredueàl’épuisementdesressourcesqui,commel’ontmontré,entreautres,Nordhaus(1992)etBoyceetEmery (2006), constitue un frein à la croissance économiquelorsqu’il n’est pas compensé par le progrès technologique.Quatrièmement,AlexeevetConrad (2009), qui étudient l’effet del’abondancedepétrolesurlePIB,n’onttrouvéaucunpaysexploitantdesressourcessituésurlesegmentCDdelafigure16.CespayssesituenttoussurlesegmentBC,etl’onnesaitpassiCDvaexister.

52 Selon le théorème de Rybczynski, le secteur capitalistique nonexportateurestenexpansion,etlesecteurexportateursecontracte;il en résulte une augmentation de l’offre relative de biens nonexportés, qui entraîne une dépréciation du taux de change réel.D’autrescassontexaminésdansVanderPloeg(2006:15).

53 Collier et al. (2009) font observer qu’il s’agit là d’une possibilitéthéorique. Toutefois, dans la pratique, même en présence deressourcessous‑utilisées,lesréactionsdel’offresontatténuées,cequisetraduitparunehaussedessalairesetuneaugmentationduprix de la production intérieure par rapport au prix des produitsétrangers,d’oùuneappréciationréelledelamonnaie.

54 Brunstad et Dyrstad (1992) constatent que les catégoriesprofessionnellesdans lesdomainesprochesdusecteurenpleineexpansionquin’ontpasenregistréd’effetpositifsurlademandeontvuleurssalairesréelsbaisserparsuiteduboompétrolier.

55 Sachs et Warner (1995) montrent également que, dans les paysrichesenressources, leratioentre laproductiondeserviceset laproduction manufacturière est plus élevé. Cela concorde avec laprédiction des modèles de syndrome hollandais selon laquelle leratio entre la production non exportée et la production exportée(autreque les ressources)estplusélevédans lespays richesenressources,lesservicesétantlavariablereprésentativedusecteurnon exportateur et les produits manufacturés la variablereprésentativedusecteurexportateur(horsressources).

56 En revanche, quand il y a plus de concurrence politique, legouvernement,désireuxdeconserverlepouvoir,peutêtreobligédedépenserdavantagepourfournirdesbienspublicsetpromouvoirlacroissance. Bhattacharyya et Hodler (2009) formulent une idéeanalogueendisantquelarelationentrel’abondancedesressourcesnaturelles et la corruption dépend de la qualité des institutionsdémocratiques:cetterelationn’estpositivequedanslespaysayantunfaibleindicedémocratique.

57 Ilyaunproblèmepotentield’endogénéitéliéàlacausalitéinverseentre la croissance économique et la dotation en ressources.D’aprèsSachsetWarner(1995), larelationrésisteàl’introductiond’uneautremesuredel’abondancedesressourcesnaturelles–lasuperficie des terres arables rapportée à la population – qui estrelativement moins endogène que le ratio des exportations deressourcesnaturellesauPIB.

58 Pourlapériode1970‑1998,ilseffectuentunerégressiondecroissanceincluant la qualité des institutions et l’abondance des ressourcesnaturellesdanslasériedevariablesexplicatives.Ilsutilisent,pourlesinstitutions, des variables instrumentales qui n’affectent pas lacroissance entre 1970 et 1998 – à savoir le taux de mortalité descolons, comme dans Acemoglu et al. (2001), et la fraction de lapopulationparlant l’anglaisetd’autres langueseuropéennes,commedansHalletJones(1999).Lesrésultatsdelarégressiondepremièreétapepermettentdevérifier l’effet indirectdesressourcesnaturellessurlacroissanceàtraversleurincidencesurlaqualitédesinstitutions.

59 Lesauteursexpliquentqu’ilsontprisencompteleniveauduPIBparhabitant,plutôtquesontauxdecroissance,parceque,siunpaysaunPIBparhabitantplusélevéqu’unautre,ildoitavoirenregistré,surlelongterme,unecroissanceplusrapidequel’autrepays.

60 Pour des raisons analogues, la probabilité d’un conflit est plusgrandedanslecasdesressourcesàforteintensitédecapitalquedansceluidesressourcesàforteintensitédemain‑d’œuvre(DubeetVargas,2006).

61 Dans la mesure où elles provoquent une recherche de rente, lesressources concentrées contribuent aussi, généralement, àl’affaiblissementdes institutions (et,partant,de lacroissance),enplusdeleureffetsurlaprobabilitéd’unconflit,commeleconfirmelalittératureempirique.Parexemple,Ishamet al.(2003)montrentquela prépondérance des ressources naturelles concentrées et desculturesdeplantationdestinéesàl’exportationestétroitementliéeà la faiblesse des institutions publiques et des indicateurs degouvernancequiréduitelle‑mêmelacapacitéderéactionauxchocset freine, à terme, la croissanceéconomique–à ladifférencederessourcesnaturellesplusdiffusescommelesproduitsagricoles.Ilsembledoncquec’est letypederessourcesnaturellesexportéesquifaitdecesressourcesunemalédictionouunebénédiction(pourune étude basée sur un modèle économétrique utilisant desdonnéesdepanel,voirMurshed(2004)).

62 Onentendparconflitsécessionnisteuneguerredéclenchéedanslebutdeséparerunerégiond’unpaysetd’enfaireunÉtatautonome,tandisqu’unconflitcentristeviseaucontrôledupaystoutentier.

63 Fisman et Miguel (2008) proposent de réorienter en partie l’aideinternationaleaudéveloppementenremplaçantlesinvestissementsàlongtermeparuneaided’urgenceàcourttermedestinéeauxpaystouchésparl’effondrementdesprixdesproduitsàforteintensitédemain‑d’œuvrecommelecafé.Cetteaideseraitaccordéedèsquelesprixbaissent,cequipourraitéviterlasurvenued’unconflitviolent.

64 VoiraussiRoss(2004).

65 Demême,dansuneanalysecomparativeantérieure,Davis(1995)n’a trouvé aucune preuve d’une malédiction des ressources. Parrapport à des économies non minières, les économies minièresobservéesontobtenudebonsrésultats,voiredemeilleursrésultats,au regard de certains indicateurs de développement pendant lamêmepériode.

66 Rodriguez et Sachs (1999) examinent une thèse voisine selonlaquelle,avecuneproductionderessourcesconstanteouenbaisseet une croissance exogène, le PIB par habitant se rapproche defaçonasymptotique,deceluid’uneéconomienonminière,affichantainsiunecroissancenégativependantlatransitionversl’étatstable.

67 Selon Kilian (2009a), cette interprétation ne concorde paspleinementaveclesnombreuxélémentsmontrantquelademandede pétrole a joué un rôle central dans tous les chocs pétrolierssurvenus depuis 1972, à l’exception de celui qu’a provoqué ledéclenchementdelaguerreIran‑Iraqàlafinde1980.

68 Cela est associé à l’idée d’une «marche aléatoire», expressionutiliséedemanièreassezvaguedansla littératurefinancièrepourcaractériser une série de prix dans laquelle toutes les variationsultérieuresdesprixreprésententdesécartsaléatoiresparrapportaux prix antérieurs. Cela signifie que les experts ne peuvent passystématiquement fairemieuxque les investisseursnon informés,saufparl’effetdelachance.

69 L’idéedu «mimétisme»desmarchésfinanciers trouve sonoriginedans le concept keynésien de «concours de beauté». Keynes adécritlecomportementdesopérateursàl’aided’uneanalogieavecun concours de journaux. Selon lui, les acteurs des marchésboursiersanticipentceàquois’attendl’opinionmoyenne,aulieudeseconcentrersurlesfondamentauxdumarché(Keynes,1936).

70 Cesfondsplacentleursactifsdansdescontratsàtermedeproduitssurlabased’indicescourants,commel’indiceStandard&Poor’soul’indiceGoldmanSachs.

71 Lesproduitsdebasepermettentdediversifierlesportefeuillesdeplacement pour au moins deux raisons. Premièrement, ils sontsoumis à des facteurs, tels que les conditions climatiques ou lesgrèves de mineurs, qui n’ont rien ou presque rien à voir avec lesanticipations concernant les marchés d’actions ou d’obligations.Deuxièmement, si, par exemple, on s’attend généralement à unehausse de l’inflation, les prix des obligations baisseront avec lahaussedestauxd’intérêt,etlesmarchésd’actionspourraients’enressentireuxaussi.Enrevanche,comme lesplacementsdans lesproduitsdebasereflètentdesanticipationsdehaussedesprixdesproduits «réels», il faut s’attendre à ce que leurs prix montentlorsquel’onanticipeunehaussedel’inflation(Greer,2005).

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72 End’autrestermes,letauxd’intérêtréelpeutêtrenégatif.

73 Onafaitvaloirquelespressionsàlahaussesurlesprixàtermedesproduitsdebaseexercéesparlesspéculateursserépercutentsurlesmarchésaucomptantetsurl’économieréellecarengénéral,lesopérateurs au comptant fondent leurs décisions d’offre et dedemande,dumoinsenpartie,surlesvariationsdeprixattenduessurlemarchéàterme(Masters,2008;Hamilton,2008).

74 Leresteestreprésentépar lescourtiersenswaps,quieffectuentdesopérationspourrépondreauxbesoinsd’entitéscommerciales.

75 Letextedecediscoursestdisponibleàl’adressesuivante(enanglais):http://www.pbc.gov.cn/english/detail.asp?col=6500&id=178.

76 Plus précisément, Hausmann et Rigobon (2003) montrent qu’unchoc de prix d’un écart type de 1 représente un choc de revenuéquivalantà6pourcentduPIB.

77 HausmannetRigobon(2003)supposentque,dansuneéconomiedanslaquellelepétrolereprésente30pourcentdurevenunationaletprésenteunécarttyped’environ30pourcentparan,étantdonnéunefonctiond’utilitéCRRA(aversionrelativeaurisqueconstante)avecuncoefficientd’aversionaurisquerelativementélevéde3,unconsommateurtypiqueseraitdisposéàsacrifier4,05pourcentdurevenu national pour rendre les recettes pétrolières parfaitementcertaines.

78 Commelesproducteursdepétroleontprobablementunecapacitélimitée d’absorber les entrées de capitaux, ils investissentinévitablementdanslespaysimportateursdepétrolelesrevenusquine peuvent pas être investis localement. Les fonds souverainsdétenuspardenombreuxpaysproducteursdepétroleensontunbonexemple(Kilian,2009c).Enraisondecetransfertderichessefinancièredesexportateursauximportateursdepétrole,leschocspositifsdelademandedepétroleouleschocsnégatifsdel’offredepétrole devraient s’accompagner d’un gain en capital temporairedans lespays importateurs.C’estcequ’onappelle le«canalde lavalorisation»danslatransmissiondeschocsdeprixpétroliersentreles pays. Cette transmission se fait aussi par le «canal ducommerce»,c’est‑à‑direàtraverslesvariationsdesquantitésetdesprixdesproduitsexportésetimportésetlaréactiondelabalancecommerciale. Selon Kilian (2009c), en faisant monter le prix dupétrole, les perturbations de l’offre génèrent un excédent de labalancecommercialepétrolièredel’exportateuretundéficitdesabalancecommercialehorspétrole(exportationsnettesdeproduitsnon pétroliers). Par construction, la réaction de l’économie

importatriceseral’inversedecelledel’économieexportatrice.Leschocsdelademande–associés,parexemple,àuneaméliorationdelaproductivitédanslepaysimportateurdepétrolequientraîneuneaugmentationdelademandedepétrolebrut,maisaussidetouslesautresproduitsindustriels–ontdeuxeffetsopposés.D’unepart,ilsfontmonterleprixdupétrole,cequisetraduitparunexcédentdelabalancecommercialepétrolièredupaysexportateuretparundéficitdesabalancecommercialehorspétrole.D’autrepart,ilsconstituentunstimulantàcourttermepourlepaysimportateurdepétrole,cequi se traduit généralement par un excédent du commerce horspétrole de l’exportateur. Les recherches empiriques de Kilian(2009b)etdeKilianetPark(2009)surl’économiedesÉtats‑Unis(importateur net de pétrole) portent à croire que ce second effetdomineàcourttermetandisquelepremierdomineauboutd’unan.

79 Voir la section C.4 pour un examen des autres formes de lamalédictiondesressourcesnaturelles.

80 Voir,entreautres,Aghionetal.(2009)etRameyetRamey(1995).

81 Les auteurs élaborent un modèle théorique qui montre que lavolatilitédesrecettesprovenantdesressourcesnaturelles,liéeàlavolatilité des prix des produits de base, freine la croissance deséconomies dont le système financier fonctionne mal. CetteprédictionestanalogueàcelledeHausmannetRigobon(2003).

82 Blanchard et Gali (2007). Cependant, depuis la fin des années1980,leschocsdusauprixréeldupétroleontdeseffetsnettementmoindres sur les pays importateurs. Cette question est examinéedansl’encadré12.

83 Ces effets sont au nombre de quatre: i) l’effet de revenudiscrétionnaire,c’est‑à‑dire laréductiondurevenudisponiblepourlesdépensesnonessentiellesdueàlahaussedesprixdel’énergie,les consommateurs ayant moins d’argent à dépenser après avoirpayéleursfacturesénergétiques;ii)l’effetd’incertitude,c’est‑à‑direle report des achats irréversibles de biens de consommationdurables quand les fluctuations des prix de l’énergie créent desincertitudesquantàl’évolutionfuturedesprix;iii)l’effetd’épargnede précaution, c’est‑à‑dire l’augmentation de la composante del’épargneliéeàl’incertitude,etlabaissedelaconsommationquienrésulte,enréponseauxchocsdesprixdel’énergie;etiv)l’effetdescoûts de fonctionnement, c’est‑à‑dire le report ou l’annulation del’achatdebiensdurablesénergivores,dont laconsommationauratendanceàdiminuerencoreplusquecelledesautresbiens.

84 VoirHamilton(2008)etKilianetPark(2009).