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Planète Co n se rv at i o n Bulletin UICN Numéro 1 2005 Congrès mondial de la nature Bangkok, 17–25 Novembre 2004 Nature et société un seul monde

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Planète Conservation

Bulletin UICN Numéro

12005

Congrès mondial de la natureBangkok, 17–25 Novembre 2004

Nature et sociétéun seul monde

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2 Planète Conservation 1/2005

Introduction

3 Un seul monde Achim Steiner

4 Ce qu’ils ont dit Esther Camac, William Karesh, Wilson Campos

5 Galerie de photos Bienvenue au Congrès

Forum mondial de la nature

6 Redéfinir l’agenda Steve Edwards

Gestion des écosystèmes7 Passerelle entre durabilité et productivité

Simon Rietbergen

8 Sur le front marin Claudio Campagna

8 Ce qu’ils ont dit André van der Zande, Nestor Windevoxhel

9 Maintenant ou jamais Sylvia Earle

Santé, pauvreté et conservation10 Relever le défi du bien-être humain Gonzalo Oviedo

12 Ce qu’ils ont dit Kerstin Mechlem, Raymond Forde, Dilys Roe,Krystyna Swiderska, Émile Frison, Anitry Ny Aina Ratsifandrihamanana, Solomon Zvanaka

13 Galerie de photos Le grand échange

Érosion de la biodiversité et extinction des espèces14 Gérer le risque dans un monde qui change Sue Mainka

16 Ce qu’ils ont dit Eric Chivian, Hugh Blackett

Marchés, entreprises et environnement17 Renforcer la loi, la politique et la responsabilité

sociale des entreprises Joshua Bishop

18 Ce qu’ils ont dit Kim Yeadon, S. E. Anand Panyarachun, Richard Sandbook, James Griffiths

20 Les publications du Congrès

Assemblée de travail des membres21 La conservation à visage humain Yolanda Kakabadse

Résolutions et recommandations22 L’Union décide Steve Edwards, Frederik Schutyser et

Sue Mainka

25 Galerie de photos Mot clé : partenariat

Programme de l’UICN 2005-200826 Là où nous allons Bill Jackson

27 Ce qu’ils ont dit Jan Cerovsky, David Brackett, Wren Green

Mandats des Commissions28 Agir à l’unisson Les Présidents des Commissions de

l’UICN

Entrevue avec le Président31 La conservation est l’affaire de tous Valli Moosa32 Galerie de photos Cérémonies et adieux

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La grande famille de l’UICN – membres, partenaires et personnel du secrétariat – s’est réunie à Bangkok, Thaïlande, du 17 au 25 novembre, pour la 3e Session du Congrès mondial de la nature. Plus de 4800 participants, dont

40 ministres, 1000 scientifiques, 150 hommes d’affaires et des centaines de représentants d’organisations non gouvernementales, ont pris part à plus de 500 séances et activités. Il s’agissait pour

eux d’établir l’ordre du jour futur de la conservation et de résoudre les problèmes relatifs à la gouvernance, à la

politique et au programme de l’Union.

Image graphique du Congrès réalisée par 124 Communications, Bangkok

www.iucn.org/congress/

© 2005 Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources. Volume 36, N°1, 2005. ISSN : 1027-0973

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l’objet de commerce tels que la protec-tion des bassins versants, le maintien de la biodiversité, le piégeage du carbone et les loisirs. De plus, en se concentrant sur l’aspect inclusif, les processus participatifs, la gouvernance et l’échelle, l’approche par écosystème rejoint, en différents points im-portants, le débat sur le développement.

La biodiversité : risque et fragilité

Le thème « Perte de la diversité biologique et extinction des espèces – gérer le risque dans un monde en évolution », tout en soulignant les menaces qui pèsent aujourd’hui, sur les espèces et les pressions exercées sur les écosystèmes à travers l’analyse de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées 2004 et l’examen préliminaire de l’Évaluation des écosystèmes en début de millénaire, a relié ces débats aux discours plus généraux qui portent sur le risque et la fragilité, pour la nature et la société, en indiquant comment, en investissant dans la nature, on peut atté-nuer le risque pour la société.

L’effet négatif des espèces exotiques envahissantes et des changements climati-ques sur les petites îles et les communautés vulnérables à l’échelle planétaire a été démontré, de même que l’importance de tourner nos regards vers les causes profon-des de l’érosion de la diversité biologique si nous voulons avoir une incidence réelle et durable sur la réduction de la perte de biodiversité.

Les moments magiques tiennent aussi à l’époque. En quatre ans, l’UICN a accom-pli de grandes choses : elle s’est repensée, réénergisée et repositionnée en réaction à l’évolution du monde, mais elle a aussi contribué à façonner l’avenir. Le Congrès a permis de mettre ce travail en lumière.

Quels sont les éléments du nouveau monde de la conservation ? Il me semble qu’on peut les observer à travers la lorgnette des quatre thèmes du Forum mondial de la nature qui ont cherché à combler le fossé entre la conservation et le développement et à dé-montrer la pertinence de nos connaissances, tant pour la société que pour la nature.

Les écosystèmes : cadre unificateur

Le thème « Gestion des écosystèmes – construire une passerelle entre durabilité et productivité » a aidé à donner à l’approche par écosystème la place de nouveau cadre unificateur et organisateur du mouvement de la conservation. Cette approche dépasse notre optique traditionnelle de la conser-vation : elle fait pénétrer la biodiversité dans d’autres secteurs de l’économie et contribue à la viabilité à long terme des aires protégées en mettant l’accent sur les liens au sein du paysage.

Elle ouvre aussi la porte à la réflexion sur la valeur des biens et services des éco-systèmes pour l’économie en général, et à la création de marchés pour des services environnementaux qui n’ont jamais fait

Introduction

Un seul mondeQuels sont les résultats de Bangkok

pour la nature et la société?

La pauvreté : faire notre part

Le thème « Santé, pauvreté et conservation – relever le défi du bien-être humain » a aidé notre communauté à énoncer une nouvelle relation avec l’agenda mondial de l’huma- nité. Nous avons démontré que la bio-diversité est essentielle pour maintenir les moyens d’existence des populations rurales pauvres et que la gestion durable des ressources naturelles peut jouer un rôle vital en réduisant la pauvreté. Nous savons aussi que ce sont les groupes les plus pauvres qui sont les plus vulnérables aux coûts des changements et des catastrophes écologiques.

Nous réalisons que la conservation n’a pas toujours accordé l’attention voulue à ses impacts sociaux et qu’elle ne peut ré-soudre tous les problèmes de la pauvreté ; en revanche, elle peut faire sa part pour réduire la pauvreté aujourd’hui. Les appro-ches basées sur les droits qui ont recours à des mécanismes juridiques pour promou-voir un accès équitable aux ressources et à l’information sont apparues au Congrès comme des moyens importants d’aborder

Achim Steiner

La 3e Session du Congrès mondial de la nature de l’UICN fut, à bien des égards, un rêve de directeur général. Ce n’est pas tous les jours que l’on vit des moments magiques et lorsque c’est le cas, on ne les oublie pas. En regardant cette marée humaine, depuis le podium de la salle des pléniè-res, j’ai été frappé par le talent, l’engagement et l’énergie exceptionnels et collectifs des membres et des partenaires. Ce fut comme un coup d’œil privilégié à l’intérieur de la puissance de notre Union.

Résumés quotidiens IISD www.iisd.ca/sd/iucn/wcc3/Sponsors et partenaires du Congrès :

ww.iucn.org/congress/general/partners.cfm

Son Altesse impériale la princesse Takamado du Japon, Présidente d’honneur de BirdLife International, remet une médaille d’or de l’UICN à Sa Majesté la reine Sirikit de Thaïlande pour ses efforts constants en faveur de la conservation de la nature.

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les relations entre la pauvreté et l’environ-nement. Plusieurs résolutions adoptées par l’Assemblée de travail des membres ont donné à l’UICN un nouveau mandat pour explorer ces liens plus à fond.

La place du marché : mettre sa puis-sance au service de la conservation

Enfin, le thème « Les marchés, le secteur privé et l’environnement – renforcer le droit, la politique et la responsabilité so-ciale des entreprises » a mis en évidence comment la place du marché agit sur les options de conservation de la biodiversité et a examiné le rôle du secteur privé en tant qu’acteur clé. Environ 50 activités avaient trait au secteur privé et plus de 150 acteurs du secteur privé ont assisté au Congrès, ce qui témoigne de l’importance du Congrès mondial de la nature comme plate-forme de dialogue.

Des discussions constructives avec des représentants du secteur privé, qui n’auraient jamais pu avoir lieu il y a

10 ans, ont cherché à déterminer, non plus « s’il faut » s’engager mais « comment » s’engager. Les modèles économiques qui fonctionnent pour les populations pauvres et l’environnement ont été explorés et de nouveaux mécanismes de renforcement des liens entre l’environnement, le secteur privé et le commerce ont été examinés, par exemple les marchés émergents pour les biens et services écosystémiques. Les marchés sont influencés par le choix des populations et nous devons chercher à in-fluencer ce choix pour mettre la puissance du marché au service de la conservation : tel était l’un des messages clés.

Pierre angulaire de la conservation

La 3e Session du Congrès mondial de la nature de l’UICN restera aussi en mémoire comme un événement organisé pour et par les membres. L’Union mondiale que nous sommes, à travers les ateliers sponsorisés, les plates-formes de la conservation, le marché aux connaissances, les groupes

de contact et les dialogues d’avenir, a réussi à ménager une place pour chacun de ses membres. L’UICN représentera tou-jours une vaste gamme de points de vue, d’intérêts et de valeurs. Certaines de nos discussions ont été très vives et intenses, mais le seuil au-delà duquel le débat finit par être monopolisé et par s’envenimer n’a jamais été franchi. Au cœur de toute cette diversité créative, le Congrès a été galvanisé par ce qui l’unifiait – et non par ce qui le divisait. Globalement, je pense que Bangkok a rendu à l’UICN sa place de pierre angulaire du mouvement de la conservation autour de laquelle il est pos-sible de travailler ensemble pour résoudre certaines des questions les plus urgentes de l’heure.

Un vote de remerciementLe Congrès n’aurait jamais pu avoir lieu sans l’appui généreux du pays hôte – le Royaume de Thaïlande – et mes remercie-ments les plus profonds vont à la famille royale de Thaïlande et au ministère des Res-sources naturelles et de l’Environnement qui nous ont offert un cadre superbe et qui ont collaboré avec nous à la réussite du Congrès. Les participants ont été charmés par la serviabilité, le travail et la bonne hu-meur de nos hôtes thaïlandais. Je souhaite, en particulier, remercier le ministre Suwit Khunkitti qui nous a accompagnés durant ces 10 jours de dur labeur avec humour, patience et perspicacité.

Je voudrais aussi remercier et féliciter les membres du nouveau Conseil de l’UICN qui ont accepté d’assumer ce rôle difficile et qui ont réussi à gagner la confiance de leurs collègues. Représentants élus de la communauté mondiale de la conservation, ils joueront un rôle insigne en pilotant, pendant quatre ans, la course de la con-servation et le positionnement stratégique de l’Union.

Enfin, mes remerciements vont aux centaines de personnes qui ont donné leur temps et leur énergie au Congrès du-rant de nombreux mois – beaucoup sont restés dans l’ombre, mais n’en ont pas moins joué un rôle vital pour tous ceux qui savent ce qu’il faut faire en coulisses pour assurer la réussite d’un congrès. Mes remerciements vont aussi aux « penseurs » et aux organisateurs qui étaient derrière la scène, aux équipes techniques et de logistique, aux principaux orateurs, par-ticipants aux tables rondes, bénévoles et, naturellement, à nos généreux sponsors. En résumé, ce fut un effort collectif monu-mental qui mérite notre reconnaissance pour avoir donné « le meilleur de tous les Congrès de l’UICN »!

Achim Steiner est Directeur général de l’UICN – Union mondiale pour la nature.

Réduire la pauvreté suppose à la fois de restaurer les écosystèmes et de renforcer les droits.

– Esther Camac, porte-parole des populations autochtones et tribales des forêts tropicales

Ce que nous ont appris le SRAS, la grippe aviaire, l’Ébola et d’autres maladies émergentes, c’est qu’il n’y a vraiment qu’une seule santé. Si nous voulons garantir l’avenir de la faune et de la flore sauvages, des populations et des animaux domes-tiques, nous devons, ensemble, résoudre ces problèmes de santé qui pourraient être catastrophiques.

– William Karesh de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN

Nous devrions tous ensemble construire une alliance solide pour la conservation qui défende le droit de chacun de ne plus avoir jamais faim.

– Wilson Campos, représentant de Via Campesina, le plus grand mouvement paysan

Ce qu’ils ont dit

Queen Sirikit National Convention Centre : un cadre superbe avec de vastes espaces pour les expositions, les réunions, les activités officielles et officieuses et les innombrables conversations.

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Au cours d’une cérémonie d’ouverture haute en couleur, Sa

Majesté la reine Sirikit de Thaïlande (au centre, à droite) a souhaité la

bienvenue aux participants. Le Premier Ministre de la Thaïlande, M. Thaksin Shinawatra (à droite) a ouvert officiellement les travaux et la Présidente de l’UICN, Yolanda Kakabadse a énuméré les défis

que l’Union doit relever.

Bienvenue au Congrès

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Redéfinir l’agenda

Le Congrès mondial de la nature a certainement été le plus grand événement de la conservation en 2004. Durant trois jours, la com-munauté mondiale de la conservation – y compris les gouverne-ments, la société civile et le secteur privé – s’est réunie, a pris des contacts, échangé des informations et partagé des connaissances. Le but n’était pas moins que d’évaluer l’état actuel de la biodiver-sité sur notre planète et d’explorer les relations entre la société, le développement et la conservation.

Le moment était crucial, en ces temps où l’environnement se sent forcé de se redéfinir dans un monde qui délaisse la conserva-tion des espèces et des écosystèmes au profit de l’autoprotection et de la survie de l’homme.

Confiance et vision

Les discussions énergiques et extrêmement variées du Forum ont débouché sur une vision du but que notre communauté – et l’Union mondiale pour la nature elle-même – devra avoir atteint dans 10 ans, si nous voulons réaliser la mission de l’Union. Le Forum a également fait un grand pas en avant vers la réalisation de cette vision, en déterminant les actions et les partenariats nécessaires pour parvenir à une intégration totale de la conservation dans le développement.

Et surtout, il nous a encouragés à aller de l’avant avec confiance en démontrant 1) que les idéaux de la durabilité, de la justice et de l’équité sont de plus en plus partagés par le secteur privé, les gouvernements, les ONG et les professionnels du développement, et 2) que la communauté de la conservation est un partenaire à part entière dans la poursuite de ces idéaux.

Un engagement sans précédent

Au Forum, le taux de participation des membres, des membres des Commissions et des partenaires à l’organisation et à la conduite de débats approfondis fut sans précédent. Des équipes se sont formées pour préparer des ateliers de synthèse mondiale dont le but était de recueillir la pensée la plus récente sur toute une gamme de problèmes de conservation, et elles ont organisé leurs propres ateliers, tables rondes, cours de formation, expositions et conférences de presse.

Résultat : environ 500 activités extrêmement productives ont nourri en continu l’Assemblée de travail des membres, permet-tant à ceux-ci de prendre des décisions en connaissance de cause concernant le Programme intersessions pour 2005-2008 et les 118 résolutions et recommandations qui influenceront le cours de l’Union pendant les quatre années à venir.

La mesure du succès

La première réaction des participants au Forum – d’après les répon-ses obtenues à un questionnaire général et, plus officieusement, d’après des commentaires anecdotiques et des dizaines de courriels – a été extraordinairement positive. Il ne fait aucun doute que le nouveau concept a permis efficacement aux participants de se consacrer, durant trois jours, aux questions brûlantes de la conservation. Le haut niveau de participation au Forum témoigne de l’engagement enthousiaste des membres et partenaires de l’Union à confronter les problè-mes de conservation les plus difficiles : aucun sujet n’a été considéré hors de portée et la controverse a été bien accueillie.

Le Forum a réussi à produire un nouvel ensemble d’objectifs– résumés dans les pages qui suivent – pour la conservation, pour l’Union et pour le monde entier. Il a souligné le rôle clair de la con-servation dans le débat sur le développement et présenté plus d’une preuve des progrès que le mouvement de la conservation peut faire s’il s’engage pleinement aux côtés de ses partenaires et s’il a la volonté de collaborer de façon fructueuse et respectueuse avec d’autres secteurs et d’autres acteurs.

Steve Edwards est Conseiller principal de l’UICN, Congrès mondial de la nature.

Forum mondial de la nature

Steve Edwards

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Dans son discours à la séance d’ouverture du Forum, M. Anand Panyarachun, ancien Premier Ministre de Thaïlande, a parlé avec éloquence de la nécessité de démontrer que le développement peut se faire sans détruire la nature.

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Gestion des écosystèmes

Passerelle entre durabilité et productivitéSimon Rietbergen

Ce n’est pas seulement pour la conserva-tion de la biodiversité que la gestion des écosystèmes est essentielle, c’est aussi pour le maintien des biens et services dont dé-pendent les sociétés humaines. La séance plénière de clôture, consacrée au thème de la gestion des écosystèmes, et les ateliers sur l’agriculture et l’urbanisation, la pê-che et l’aquaculture ont fourni de solides arguments en faveur de l’application de la gestion des écosystèmes non seulement aux parcs mais aussi à toutes les formes d’exploitation des ressources naturelles par l’homme.

La gestion des écosystèmes repose sur le concept simple selon lequel à moins de mieux gérer les pressions anthropiques, qui ne cessent de s’amplifier sur les éco-systèmes de la planète, la capacité de ces derniers de fournir les biens et services dont nous sommes tributaires sera grave-ment compromise et la biodiversité sera irrémédiablement perdue.

Optimisme empreint de réalisme

Tout en livrant un message globalement optimiste – « oui, c’est possible » –, l’ate-lier sur la gestion des écosystèmes a dit clairement que les problèmes auxquels les écosystèmes de la planète sont confrontés ne cessent de s’aggraver. Il fallait le dire au moment où la conservation ne semble plus être une grande priorité politique et où le débat mondial est de plus en plus monopolisé par des lectures extrêmement sélectives des preuves scientifiques.

Lors de la plénière consacrée à la gestion des écosystèmes, l’historien John Robert McNeil a expliqué qu’en 100 ans, l’impact anthropique sur les écosystèmes de la Terre a augmenté d’un ordre de grandeur.

Les ateliers sur l’agriculture, la pêche, l’aquaculture et le développement urbain ont aussi donné des exemples très par-lants de la manière dont les pratiques non durables, dans ces secteurs, ne font pas simplement tort à la diversité biologique, mais aussi au bien-être de l’homme – fai-sant ainsi écho à des messages semblables communiqués au Congrès par l’Évaluation des écosystèmes en début de millénaire

(voir encadré sur cette page) et la Liste rouge mise à jour par la Commission de la sauvegarde des espèces.

Trouver des solutions

La plupart des ateliers se sont, toutefois, concentrés sur les solutions en matière de gestion des écosystèmes plutôt que sur les

Les participants aux activités d’éco-agriculture ont examiné les moyens d’améliorer la productivité agricole et les moyens d’existence ruraux tout en renforçant la biodiversité et les services écosystémiques.

Hillary Masundire, Président de la Commission de la gestion des écosystèmes de l’UICN, inaugure l’Atelier de synthèse mondiale sur la gestion des écosystèmes.

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Évaluation des écosystèmes en début de millénaire

Depuis 2001, des milliers de scienti-fiques et de décideurs politiques de premier plan examinent l’état des éco-systèmes de la planète et son impact sur le bien-être humain.

L’Évaluation des écosystèmes en début de millénaire est la première et la plus grande étude de ce genre. Les résultats seront publiés à partir de mars 2005, mais le Congrès a pu prendre connaissance de ces résultats en primeur, lors d’une conférence de presse et d’un atelier.

Parmi les premiers résultats : seuls quatre des 22 services écosystémiques évalués, par exemple l’épuration de l’eau, ont été améliorés par l’action de l’homme. Plus de la moitié ont été dégradés.

www.millenniumassessment.org/

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8 Planète Conservation 1/2005

problèmes. Les débats consacrés aux solutions ne peuvent être fructueux que si l’on s’assure de la présence des principaux grou-pes concernés et d’excellents médiateurs. D’ou l’importance du pouvoir rassembleur de l’Union qui peut attirer des représentants influents du secteur privé et des gouvernements, des ONG et des scientifiques. La médiation, elle, était assurée par des profession-nels de la Commission de l’éducation et de la communication. On peut citer en exemple l’un des ateliers sur le milieu marin où une assemblée d’acteurs divers est parvenue à un accord sur quelques principes et critères importants d’aquaculture durable, ainsi que sur la nécessité de définir des indicateurs de durabilité pour des pratiques spécifiques, dans différentes régions. C’est ainsi que plusieurs cadres régionaux sur la durabilité pourraient être mis au point qui intéresseront certainement le secteur privé.

La conservation à la ville

Dans le domaine de la gestion des écosystèmes, comme partout, crise égale aussi opportunité. L’atelier sur l’éco-agriculture a mon-tré comment les questions que l’on se pose sur la production de nos aliments ont ouvert de nouveaux canaux de marketing pour

Les ateliers du Congrès sur le milieu marin ont attiré beaucoup de monde.

Sur le front marin

Claudio Campagna

Au Congrès, le milieu marin a eu la vedette, témoin l’adoption de 12 motions qui traitent de la question – de l’extinction des espèces marines à la pêche en haute mer. En bref, le Congrès a mis au défi la communauté de la conservation marine de prendre des mesures dans quatre domaines généraux :

Menaces sur la haute mer. Les menaces qui pèsent sur la riche bio-diversité des écosystèmes des fonds marins, y compris des monts sous-marins et des récifs coralliens d’eau froide, appellent, de toute urgence, notre attention. Il faut mettre en place une gouvernance des océans améliorée, ainsi que des mécanismes juridiques plus rigoureux pour protéger les eaux internationales – en particulier contre le chalutage de fond en haute mer – et créer un réseau mon-dial d’aires protégées de la haute mer. Deux résolutions essentielles ont été adoptées par le Congrès à ce sujet (voir page 22).

Les aires protégées marines (APM) sont un instrument important pour soutenir la biodiversité et les ressources marines mais doi-vent être rendues plus efficaces et plus durables à long terme. Le Congrès a adopté une recommandation qui félicite l’Australie pour les efforts déployés en vue d’accroître le nombre et la superficie totale des zones interdites à la pêche dans le Parc marin du récif de la Grande-Barrière et un autre texte qui prie toutes les Parties au Protocole au Traité sur l’Antarctique concernant la protection de

les agriculteurs – qui sont en outre encouragés par les débouchés de marchés émergents pour les services des écosystèmes. Si la croissance rapide des villes est souvent considérée préoccupante, l’atelier sur le milieu urbain a montré que grâce à des mécanismes novateurs, des fonds sont transférés des consommateurs citadins vers les gestionnaires des écosystèmes dont les citadins dépendent pour leur eau potable et leurs loisirs.

Il est encourageant de constater que le concept autrefois con-troversé de l’approche par écosystème appliquée à la gestion de l’environnement est aujourd’hui universellement accepté. Et cette acceptation ne s’arrête pas au concept lui-même – de nouveaux outils de gestion des écosystèmes tels que les réseaux écologiques reliant les aires protégées à des utilisations des terres favorables à la biodiversité ont été traduits dans la réalité et de plus en plus, des acteurs clés qui n’appartiennent pas à la communauté de la conservation de la nature, reprennent à leur compte les enseignements tirés.

Simon Rietbergen est Coordonnateur par intérim, Programme de l’UICN pour la gestion des écosystèmes.

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Cinq étapes simples

L’approche par écosystème de la gestion des ressources naturelles – qui cherche l’équilibre entre la demande de l’homme et celle de la nature dans les écosystèmes pour conserver la biodiversité et améliorer les moyens d’existence – est aujourd’hui un principe généralement accepté. Cet ouvrage offre une aide pratique. À commander au IUCN Bookstore.

Les réseaux écologiques ne sont pas simplement un outil permettant de relier les aires protégées; ils sont aussi un mécanisme essentiel pour intégrer la conservation de la biodiversité dans d’autres secteurs tels que l’agriculture.

– André van der Zande, Directeur général, ministère de l’Agriculture, Pays-Bas

Il est essentiel de consentir un investissement important dans la communication si l’on veut que la gestion des res-sources naturelles bénéficie totalement des connaissances scientifiques et locales.

– Nestor Windevoxhel, The Nature Conservancy, Vice-président régional de la CGE pour la Méso-Amérique

Ce qu’ils ont dit

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l’environnement de mettre sur pied un réseau d’APM, y compris dans la mer de Ross.

Utilisation durable. Notant le déclin gravissime des populations de pois-sons sauvages, le Congrès s’est penché sur le pour et le contre d’une compensation de la perte de protéines par l’aquaculture, compte tenu de l’impact potentiel sur le milieu marin du déversement de déchets et de la propagation de maladies et d’espèces exotiques.

Les avantages d’une approche par écosystème pour la gestion des ressources marines et d’une approche verticale « de la base au sommet » pour la gestion des grands écosystèmes marins ont été débattus et une résolution appelant l’Union à promouvoir la par-ticipation de tous les acteurs à la gestion des pêches a été adoptée.

La perte d’espèces marines a des incidences gigantesques sur la biodiversité mondiale et l’intégrité des écosystèmes, ainsi que sur les communautés côtières et autres usagers des ressources mari-nes. Un groupe d’experts a discuté de l’extinction en mer, réfutant quelques « mythes » persistants et enracinés sur la résistance des espèces marines à la pêche et à d’autres pressions. Une nouvelle évaluation mondiale quinquennale des espèces marines portera sur l’état de quelque 20 000 espèces marines.

Plusieurs motions portaient sur les moteurs de la perte d’espè-ces tels que la mortalité incidente dans les pêcheries à la palangre, le commerce des poissons de récifs vivants et la pollution acousti-que sous-marine – ainsi que sur les moyens d’améliorer la gestion et la conservation d’espèces ou de groupes d’espèces comme les esturgeons et les baleines grises occidentales.

Le Programme mondial de l’UICN pour le milieu marin est ressorti du Congrès encouragé, renforcé, doté d’un mandat clair. Il ne pourra, cependant, relever les multiples défis qu’en forgeant de nou-veaux partenariats et en travaillant en étroite colla-boration avec les membres et collègues de l’Union, dans la communauté marine mondiale.

Claudio Campagna est chercheur au Conseil de la recherche nationale, Argentine (CONICET) et Directeur du Sea and Sky Project (Wildlife

Conservation Society et CONICET). Pour en savoir plus, voir Planète Conservation

1/2004, Redécouvrir la Planète Océan.

Maintenant ou jamais

Lorsque les astronautes ont vu la Terre depuis l’espace, ils ont compris que la vie était où était l’eau. Les océans sont la clé de notre survie. Nous devons donc apprendre à valoriser la vie ma-rine moins comme un bien de consommation que comme une partie du monde naturel dont nous dépendons.

Nous avons exploité les mers sans aucun plan, en prenant tout ce qu’il y avait à prendre. Si nous voulons maintenir le fonctionne-ment de la Terre, nous devons, de toute urgence, adopter de nou-velles formes de gouvernance des océans. Or, nous ne protégeons aujourd’hui que moins d’un pour cent de nos océans : si nous ne créons pas d’aires intégralement protégées dans de vastes régions de notre planète bleue, nous risquons de perdre cette possibilité, bientôt et pour toujours.

Dans ce débat, l’UICN peut jouer un rôle important. Par exem-ple, la politique des États-Unis concernant l’exploitation minière des fonds marins applique quasi mot pour mot une recomman-dation adoptée par l’Assemblée générale de l’UICN à Ashkabad, il y a très longtemps.

À Bangkok, les discussions entre scientifiques, fonctionnaires gouvernementaux et autres ont fait naître de nombreuses idées sur les moyens d’améliorer les mécanismes juridiques de protection de la haute mer et le Congrès a adopté une résolution importante sur la pratique destructrice du chalutage de fond en haute mer qui appelle l’Assemblée générale des Nations Unies à prononcer un moratoire.

Naturellement, les résolutions de l’UICN ne sont que des tex-tes. Nous devons les faire nôtres, les prendre à cœur et veiller à ce qu’elles soient appliquées. Dans la prochaine décennie, nous avons l’occasion de redoubler d’efforts et de faire changer les choses.

L’heure est venue d’agir : c’est maintenant ou jamais.

– Sylvia Earle, Directrice exécutive de la Division des ressources marines mondiales de Conservation International et exploratrice

résidente à la National Geographic Society

Pour en savoir plus sur la haute mer et les récifs coralliens

Le chalutage de fond en haute mer et son impact sur la biodiversité des écosystèmes vulnérables des fonds marins : possibilités d’action interna-tionale. (Gianni, 2004. ISBN 2-8317-0824-9)

Les APM sur papier Plusieurs ouvrages ont été présentés à Bangkok qui sont des outils utiles pour les responsables des APM. Parmi eux, Managing Marine Protected Areas, a toolkit for the Western Indian Ocean (ISBN 2-8317-0773-0), est publié par les partenaires du Projet UICN/NORAD pour la conservation de la biodiversité marine dans la région (www.wiomsa.org\mpa-toolkit.htm).

How is your MPA doing? A Guidebook of Natural and Social Indicators for Eva-luating Marine Protected Area Manage-

ment Effectiveness (Pomeroy et al., 2004. ISBN 2-8317-0735-8), est disponible sur commande au IUCN Bookstore. www.iucn.org/themes/marine/www.iucn.org/themes/marine/

L’édition 2004 de Status of Coral Reefs of the World, présentée au Congrès, décrit les progrès réalisés en matière de suivi et dans l’état des récifs co-ralliens, en une décennie. (Wilkinson, 2004. ISBN 1447-6185) Roger McMagnus de Ocean

Conservancy et Sylvia Earle devant l’exposition « Defying Ocean’s End ».

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Santé, pauvreté et conservation

Relever le défi du bien-être humainGonzalo Oviedo

Dans les semaines qui ont suivi le Congrès mondial de la nature, deux événements ont démontré la pertinence fondamentale de nos débats à Bangkok sur la santé, la pauvreté et la conservation.

En Asie du Sud, le tsunami catastrophique de décembre 2004 a donné une preuve éclatante de la vulnérabilité des plus pauvres aux catastrophes naturelles et laissé entrevoir à quel point leurs moyens d’existence dépendent des écosystèmes. En janvier 2005, la Réunion internationale des petits États insulaires en dévelop-pement qui a eu lieu à l’île Maurice a mis fortement l’accent sur le fait que ces pays « se trouvent dans des régions qui sont parmi les plus vulnérables du monde du point de vue de l’intensité et de la fréquence des catastrophes naturelles et écologiques et de leur impact croissant » - en particulier sur les moyens d’existence des populations démunies.

Il est donc tout à fait opportun que le Congrès de 2004 ait offert aux membres la toute première occasion de discuter des liens entre la santé, la pauvreté et la conservation de manière systématique, au sein de l’UICN. Confortée par les messages de conférences telles

Mubaan communautaire

Les populations autochtones, les groupes communautaires locaux et les ONG partenaires locales avaient leur propre espace pour présenter leurs préoccupations au Congrès. Le « Mubaan communautaire » a rassemblé des représentants du monde en développement, notam-ment les finalistes du Prix Équateur, des organisations de populations autochtones et des communautés thaïlandaises.

Organisé par le PNUD, en partenariat avec l’UICN, le Mubaan communautaire a mis en scène les efforts de développement durable à l’échelle communautaire et les difficultés; il a favorisé le dialogue sur la mise en place d’un milieu porteur encourageant la participation des communautés à la conservation de la diversité biologique. Le Mubaan a démontré que les membres des communautés, souvent en parte-nariat avec les organisations locales, nationales et internationales, agissent de plus en plus pour défendre leurs droits et satisfaire leurs besoins de base tout en préservant les ressources biologiques dont leur avenir – et le nôtre – dépend.

que le Sommet mondial de Johannesburg pour le développement durable et le Congrès mondial sur les parcs de Durban, cette initia-tive s’est vue renforcée par l’engagement général envers les Objectifs de développement du millénaire (ODM), l’engagement actif d’un grand nombre de membres dans la lutte contre la pauvreté, les agendas de nombre de nos partenaires et la place que se taillent rapidement, au sein de l’Union, les intérêts des communautés autochtones et locales.

À la question de savoir si l’Union devait traiter les problèmes de la pauvreté la réponse a été extrêmement positive. Mais, à dire vrai, l’optique, l’approche, l’étendue, le niveau, l’échelle et les ressources n’ont pas fait l’unanimité. Certains ont prôné une participation active des organisations de conservation à la réduction de la pau-vreté, d’autres ont exprimé la nécessité d’agir avec prudence et de garder la mesure, en prenant soin d’inscrire toute action dans la mission de l’Union.

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Quelques fils conducteurs

Qu’avons-nous appris du Forum mondial de la nature sur les liens entre la santé, la pauvreté et la conservation ? Voici quelques fils conducteurs qui illustrent la richesse du dialogue.

La conservation concerne tous les ODM – mais nous sommes encore loin du but. Si l’on veut réaliser les ODM dans les délais, il faut comprendre que l’environnement ne doit pas être confiné à l’ODM7 (« Assurer un environnement durable »). À court terme, il s’agit de démontrer dans quelle mesure la biodiversité et les services des écosystèmes contribuent à faire reculer la faim, à amélio-rer la santé et à réduire la pauvreté, en bref, à tous les ODM, et de soutenir le principe de partage équitable des coûts et avantages des interventions de conservation.

Faire face aux changements climati-ques. Les changements climatiques, entre autres, induisent des catastrophes naturel-les et des phénomènes climatiques extrêmes de plus en plus fréquents et dévastateurs. Les populations pauvres sont celles qui en souffrent le plus, car elles perdent leurs moyens d’existence et voient leur santé se détériorer. En 10 ans, 94% des catastrophes naturelles se sont produites dans les pays en développement – une tendance qui, selon les scientifiques, ne peut qu’augmenter. La communauté de la conservation peut faire la différence en améliorant sa manière de traiter les points vulnérables écologiques et sociaux, en soutenant les efforts de préparation, en contribuant aux mesures d’atténuation et de restauration écologique et en construisant des partenariats avec le secteur humanitaire, entre autres.

La conservation et les droits. D’une part, 96 pays ont inscrit le droit des êtres humains à un environnement sain dans leur constitution nationale. D’autre part, le bien-être humain est un droit pour tous comme l’énonce la Charte internationale sur les droits de l’homme. Un nouvel agenda a été proposé où les droits de l’homme se-raient le point de rencontre entre les ODM et l’objectif de 2010 pour la biodiversité.

La conservation de la biodiversité peut aider à garantir une alimentation suffisante et adéquate pour tous. Chaque année, la faim tue 10 millions de personnes dans le monde. Environ 95% des 842 millions de per-sonnes pauvres et affamées vivent en zone rurale et dépendent de la productivité des écosystèmes pour leurs moyens d’existence. Il faut prendre des mesures pour rompre le cercle vicieux de l’insécurité alimentaire et de la dégradation environnementale. Il faut un nouvel objectif et de nouvelles alliances pour mettre la contribution de la conserva-tion au service de l’élimination définitive de la faim grâce aux services de la biodiversité et des écosystèmes.

La santé humaine dépend de la santé des écosystèmes et vice versa. Malheureuse-ment, c’est la souffrance et le décès préma-turé d’êtres humains qui nous apprennent à quel point la santé de l’homme dépend de celle de l’environnement, et en particulier la santé des plus pauvres. Un quart de toutes les maladies qui pourraient être prévenues sont dues à des facteurs environnementaux. Chaque année, le paludisme tue un million de personnes. Dans les maisons des plus pauvres, la fumée de la cuisine et les autres pollutions de l’air à l’intérieur tuent, quant à elles, 2,5 millions de personnes par an. Pour prendre un autre exemple, toute perte de biodiversité équivaut à la perte d’une occa-sion de trouver de nouveaux médicaments et d’apprendre de la recherche médicale.

La parité hommes-femmes peut faire la différence. En Thaïlande, 60 jardins pota-gers gérés par des femmes contiennent 230 légumes enregistrés et espèces semblables, beaucoup ayant été sauvés dans les forêts voisines avant que celles-ci ne soient défri-chées. L’agrobiodiversité est, bien souvent, dans les mains des femmes qui sont les gardiennes de variétés permettant l’auto-suffisance et l’amélioration de la nutrition. Mais les femmes ont besoin que leurs droits de propriété et d’accès soient garantis. Elles ont besoin d’être soutenues activement et d’avoir les moyens d’agir.

La société, l’environnement et le secteur privé ont besoin d’une bonne gouvernance

et d’un dialogue ouvert. La mauvaise gouvernance, la corruption et l’absence d’application des lois touchent surtout les plus pauvres et les sans-pouvoir. Elles découragent aussi les entreprises d’agir en faveur de la réduction de la pauvreté, de la conservation, de la bonne gestion environnementale, de la transparence et de la responsabilité sociale. Le Congrès a souligné la nécessité d’établir l’état de droit et la transparence pour permettre aux entreprises d’investir dans des domaines favorables à l’environnement et d’assumer leur responsabilité sociale.

Mobiliser le pouvoir intérieur. Systè-mes de croyance, coutumes spirituelles des populations autochtones et traditionnelles ou religions institutionnalisées sont des moyens puissants de préserver l’environ-nement. Ils servent aussi de cadres éthiques plus vastes pour de bonnes pratiques, des informations, des connaissances et des aptitudes. En outre, ils s’intéressent géné-ralement à l’homme et, en particulier, aux pauvres et aux plus vulnérables. La com-munauté de la conservation peut améliorer ses performances en collaborant avec les différentes confessions et en recherchant des objectifs communs centrés sur les valeurs morales qui tiennent compte de la nature et de la dignité humaine.

Culture et tradition. Les modes de vie traditionnels sont souvent plus sains et meilleurs pour la terre que les régimes imposés; ils sont enrichissants sur le plan culturel et spirituel. Ces moyens tradi-tionnels d’existence sont menacés, ce qui entraîne non seulement une utilisation des terres non durable mais aussi la dé-térioration de la santé et la disparition de la culture. La restauration des systèmes traditionnels d’occupation des sols ou des droits coutumiers pourrait être un élément de solution.

La gestion de l’eau pour les écosystè-mes et pour la société. L’eau est l’élément fondamental de la vie – ainsi que la clé permettant de réduire la pauvreté et de satisfaire aux besoins de santé. La sécurité alimentaire dépend de l’eau disponible. Les maladies portées par l’eau ont beaucoup augmenté, en partie en raison d’une mau-vaise gestion des ressources d’eau et de la transformation des écosystèmes naturels. Contribuer à la gestion rationnelle de l’eau pour les écosystèmes, la biodiversité et le bien-être de l’homme est un devoir essen-tiel de la communauté de la conservation.

Gonzalo Oviedo est Conseiller de l’UICN pour les politiques sociales.

Cette nouvelle publication présentée au Congrès explore les possibilités et les moyens de conduire la gestion participative des aires protégées au succès en associant effectivement les populations autochtones et les communautés locales en tant que partenaires de la conservation.

IUCN Best Practice Protected Area Guidelines No 11. ISBN 2-8317-0675-0, 2004. xvii + 112 p. ill., £15. Bon de commande No B1180.

Communautés autochtones et locales et aires protégées : vers l’équité et une conservation renforcée.

Rapports des séances du Forum : www.iucn.org/congress/

forumreports.htm

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Quand frappe la catastropheEn associant les ressources de la Fédération internationale des sociétés de la Croix- Rouge et du Croissant Rouge et de l’UICN, nous veillerons à garantir que les gouverne-ments comprennent l’importance d’établir des liens solides et réels avec les communau-tés qui vivent dans la pauvreté, le désespoir et la dégradation écologique. La région des Caraïbes, tourmentée par des ouragans qui ont le pouvoir de détruire tout l’équilibre écologique de nos îles en est un exemple.

La Croix-Rouge doit collaborer avec la communauté de la conservation afin de forger des alliances entre l’humanité et la nature au bénéfice non seulement des populations aujourd’hui dans le besoin, mais aussi des générations à venir.

– Raymond Forde, membre du Conseil d’administration de la Fédération

internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge et Président de la société de la Croix-Rouge de la Barbade

Ce qu’ils ont dit

Le droit à l’alimentationLe droit à une nourriture adéquate est re-connu dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels : « chacun a le droit fondamental de ne pas souffrir de la faim ». Or, dans le monde entier, plus de 852 millions de personnes ont faim et bien davantage pré-sentent des carences alimentaires.

La pauvreté et l’insécurité alimentaire sont une conséquence et une cause de la dégradation de l’environnement qui forcent les populations à abandonner des pratiques traditionnelles durables pour des pratiques non durables.

– Kerstin Mechlem, Juriste à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et

l’agriculture (FAO)

Groupe d’apprentissage pour la conservation et la réduction de la pauvreté

Beaucoup d’organismes de conservation restent sceptiques quant à leur rôle vis-à-vis de la réduction de la pauvreté, arguant que des initiatives telles que la création d’aires protégées ont déjà suffisamment à faire pour se financer elles-mêmes, sans parler de générer des bénéfices pour les populations locales. De leur côté, beau-coup d’organismes de développement ne sont pas convaincus que la conservation puisse faire grand-chose pour contribuer à leurs objectifs.

L’IIED a saisi l’occasion du Congrès mondial de la nature pour lancer un « Grou-pe d’apprentissage » international soutenu par la Fondation Ford afin de combler le fossé entre les praticiens de la conservation et ceux du développement.

– Dilys Roe et Krystyna Swiderska, Institut international pour l’environnement et le

développement (IIED)

Analyse de la conservation des forêts sous l’angle de l’équité entre les sexes

Les forêts épineuses du sud-ouest de Ma-dagascar abritent des milliers d’espèces uniques et rares. Fin 2002, le WWF a lancé un projet d’éducation à l’environnement dans cinq villages le long de la forêt de Mikea, qui dépendent fortement des res-sources forestières.

En intégrant des analyses participatives sur l’équité entre les sexes dans le concept du projet, le WWF a pu apporter aux villa-geoises de nouvelles capacités d’utilisation des ressources naturelles et de santé de la reproduction. Les femmes apprennent à mobiliser les ressources pour de petites acti-vités rémunératrices telles que la couture et l’élevage de volaille et défendent aujourd’hui fermement la conservation dans leurs foyers et dans leurs communautés.

– Anitry Ny Aina Ratsifandrihamanana, Directrice de la conservation, WWF

Madagascar et Bureau du Programme des Îles de l’océan Indien occidental

S’attaquer à « la faim cachée »

Pour s’attaquer à la faim, il ne suffit pas de produire suffisamment d’aliments, il faut aussi que ces aliments soient de bonne de qualité. Des aliments peu nutritifs peuvent causer un problème de « faim cachée ». Au Tamil Nadu, certaines variétés de millet qui réussissent à pousser dans des conditions difficiles et ont un contenu nutritionnel élevé ont disparu, remplacées par d’autres variétés. L’Afrique a des centaines d’espè-ces de légumes-feuilles qui sont souvent beaucoup plus nutritifs que des légumes populaires tels que le chou.

Il y a de nombreuses possibilités d’amé-liorer les moyens d’existence en exploitant

Soigner la terre

L’église locale avait déterminé que le site du projet environnemental de Gomana, dans le sud du Zimbabwe était la terre la plus dégradée de la localité. Pratiquement tous les arbres avaient été coupés, la couche superficielle du sol était érodée, il y avait des ravines, les sources d’eau s’étaient assé-chées et les terres étaient nues et stériles.

Aujourd’hui, la terre se remet, grâce à la plantation d’arbres dans le cadre de céré-monies chrétiennes. Hommes et femmes, habillés de vêtements liturgiques colorés, prient puis plantent les arbustes dans ce qu’ils appellent l’Arpent du Bon Dieu, creusant des rigoles le long des courbes de niveau pour minimiser l’érosion des sols et construisant des structures pour capter l’eau de pluie. La restauration de notre en-vironnement est devenue une des principa-les préoccupations de la vie de notre église locale et de la spiritualité du village.

– Solomon Zvanaka, Directeur de l’Institut zimbabwéen de la recherche religieuse et

de la conservation écologique

Page Web de la politique sociale de l’UICN : www.iucn.org/themes/spg/themes.html

Réaction au tsunamiQuelques semaines après le Congrès, la Thaïlande était l’un des pays dévas-tés par le tsunami de l’océan Indien. L’Union a rapidement mobilisé son vaste réseau, ses membres et les experts des Commissions, pour participer aux efforts de sauvetage et a récemment signé un accord avec le Gouvernement suisse pour un projet de remise en état post-tsunami. Pour en savoir plus sur les travaux de l’UICN concernant le tsunami, consultez

www.iucn.org/tsunami/

des espèces négligées ou sous-utilisées, ainsi que des cultures importantes au niveau local.

– Émile Frison, Directeur général de l’Institut international des ressources

phytogénétiques

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Le Forum mondial de la nature a largement donné l’occasion aux participants d’échanger des idées et leur expérience avec leurs collègues.

Messages vidéoWangari Maathai, prix Nobel de la paix 2004, s’est adressée par vidéo aux participants au Congrès pour les inviter à partager sa récompense et a transmis un message sur l’importance d’une gestion durable de l’environnement, de la bonne gouvernance et de l’équité pour la paix.

Nelson Mandela, ancien Président de l’Afrique du Sud a fait trois requêtes au Congrès, appelant les participants à ne pas « tourner le dos » aux économies rurales; à équilibrer les besoins du développement et ceux de l’environnement; et « à maintenir la puissance et la majesté de la nature ».

Le chanteur Sting a envoyé un bref film qui soulignait la responsabilité des humains envers les espèces et les générations futures.

Le grand échange

Tables rondes de haut niveauDes ministres et des représentants du secteur privé et des ONG ont discuté de toute une gamme de questions, des services de la conservation dans la région Asie-Pacifique aux affaires et à l’environnement, de la coopération au développement et de la gouvernance internationale de l’environnement.

Dialogues d’avenir de l’UICNAu centre de presse, des dialogues de haut niveau ont eu lieu sur les futurs systèmes d’énergie, la technologie de l’information et la biotechnologie, et sur la gouvernance internationale de l’environnement (en photo : Emil Salim d’Indonésie).

Réseau mondial d’apprentissage pour la conservationLe Réseau mondial d’apprentissage pour la conservation a été inauguré au Congrès. Il s’agit d’un partenariat mondial entre des instituts pédagogiques et la communauté internationale en vue de renforcer la capacité des professionnels de remplir les objectifs de la conservation et du développement durable.

Garder le contactLes participants ont fait bon usage de la zone Internet et du Centre d’affaires des membres.

ExpositionsLe Gouvernement thaïlandais, les sponsors du Congrès et les membres, partenaires, programmes, projets et Commissions de l’UICN ont décoré le Centre des conventions avec plus de 120 expositions. Illustrée ici : l’exposition de Conservation International.

Le Marché aux connaissancesPlusieurs tables rondes, organisées par les membres de l’UICN et ses partenaires ont offert une possibilité de discuter des sujets relatifs aux thèmes du Forum.

Plates-formes de la conservationOn y a décrit des programmes et des initiatives régionaux, présenté des ouvrages et annoncé des alliances. Photographiée ici, la plate-forme de la campagne Compte à rebours 2010 (voir page 16).

Le pays du sourireNotre pays hôte a accueilli les délégués avec une superbe réception, un grand buffet et un spectacle théâtral éblouissant.

Institute@iucn Bangkok Des cours de formation pratique ont été proposés par le partenariat Smithsonian-PNUD pour renforcer les capacités des décideurs politiques, des gouvernements et de la société civile afin de concevoir et appliquer le développement durable et de réaliser les Objectifs de développement du millénaire.

Conférences de presseLes membres et partenaires ont pu, au Centre de presse, annoncer des initiatives, remettre des prix et lancer des publications. Le Congrès a attiré 578 représentants de la presse.

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Érosion de la biodiversité et extinction des espèces

Gérer le risque dans un monde qui changeSue Mainka

Les activités humaines, y compris celles qui influencent les chan-gements climatiques mondiaux, sont le moteur de l’érosion de la biodiversité et du rythme de destruction sans précédent des écosystèmes. La preuve se trouve dans des documents clés tels que la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées 2004 présentée à Bangkok et l’Évaluation des écosystèmes en début de millénaire – la plus grande évaluation jamais réalisée sur l’état des connaissances sur la vie terrestre.

Ensemble, ces études ont servi de base, pour une grande partie, aux débats des ateliers du Congrès sur « L’érosion de la biodiversité et l’extinction des espèces – gérer le risque dans un monde qui change » au cours desquels les participants ont déterminé certaines des solutions et priorités d’action.

Bonne nouvelle : il y a de l’espoir. Les gens commencent à réaliser que la diversité biologique est importante pour leur propre bien-être. Les gouvernements se sont engagés à réduire considéra-blement le taux de perte de la biodiversité avant 2010 et ont adopté les Objectifs de développement du millénaire qui comprennent « un environnement durable ».

Durant le Forum, nous avons concentré collectivement nos énergies aux moyens de lutter contre l’escalade du problème des espèces exotiques envahissantes, l’utilisation non durable des espèces médicinales et les changements climatiques. Pour la première fois, nous avons assez d’informations à notre disposition pour concevoir des stratégies de conservation efficaces.

Les participants se sont vu proposer différentes actions suscep-tibles d’atténuer les changements négatifs dans les écosystèmes : correction des insuffisances du marché ; élimination des subventions qui encouragent un usage excessif

de certains services écosystémiques ; renforcement de la transparence et de la responsabilité dans

les décisions gouvernementales relatives aux écosystèmes, notamment par une plus grande participation des acteurs concernés ; et

accent mis plus fortement sur la gestion adaptative.

Prévention des invasions

Pour lutter contre des problèmes tels que la propagation des espè-ces exotiques envahissantes, il faut proclamer qu’il est beaucoup plus facile et moins coûteux d’empêcher les invasions biologiques que de se débarrasser des espèces envahissantes une fois qu’elles ont pris pied. Lutter contre les invasions établies exige la coopé-ration entre tous les secteurs de la société, y compris le gouverne-ment et le secteur privé, ainsi que le partage de l’information et des enseignements acquis.

La facture de l’éradication des espèces atteint déjà des milliards et l’une des tactiques innovantes énoncées durant le Forum serait de faire participer le secteur des assurances en lui démontrant que la société devra supporter les coûts des espèces envahissantes si personne d’autre ne se déclare responsable.

Parmi les autres recommandations, il a été proposé d’obtenir une participation réelle de l’Organisation mondiale du commerce pour aider à réduire les impacts de la libéralisation du commerce en matière de propagation des espèces envahissantes. La promotion du recours à des espèces indigènes plutôt qu’à des espèces intro-duites pour le contrôle biologique, l’aquaculture et l’horticulture,

est essentielle.

Pour que cesse l’utilisation excessive

Les idées n’ont pas manqué sur les moyens de lutter contre l’utilisation non durable des espèces sauvages qui sont la source de nombreux médicaments utilisés aujourd’hui.

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La Liste rouge de l’UICN 2004Le Congrès s’est ouvert sur le constat d’une crise mondiale de l’extinction des espèces en accélération. Le lancement de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées 2004, au début de la conférence, a révélé que 15 589 espèces, dont plus de la moitié sont des plantes, sont menacées d’extinction.

2004 IUCN Red List of Threatened Species: A Global Species Assessment (ISBN 2-8317-0826-5) est l’évaluation la plus complète jamais entreprise sur l’état de la biodiversité mondiale. Elle comprend l’Index de la Liste rouge, un nouvel outil d’importance critique qui permet de retracer chronologiquement les changements au sein des groupes taxonomiques.

www.iucnredlist.org

En haut à gauche : un des mammifères les plus rares d’Amérique du Nord, le furet à pieds noirs Mustela nigripes. Ci-dessus : un escargot d’Afrique du Sud, Trachycystis clifdeni, En danger critique d’extinction.

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Cette surutilisation exerce des pressions énormes sur l’aptitude de l’humanité à maintenir la population en bonne santé et met en péril les futurs médicaments dérivés de plantes – et d’animaux – qui ne sont pas encore découverts. Cela fait courir un risque non seulement aux moyens d’existence de base de millions de personnes mais aussi au profit des entreprises privées elles-mêmes.

Les ateliers du Forum ont mis en lumière plusieurs signes positifs indiquant que les moteurs politiques et économiques peuvent être mis à contribution pour aider à résoudre des ensembles souvent complexes de problèmes. De nouvelles initiatives, telles que les engagements régionaux de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pour le commerce de la faune sauvage sont porteuses d’espoir. Le fait que le secteur privé s’intéresse de plus en plus aux nor-mes de certification et à l’exploitation durable commence aussi à porter ses fruits. Il convient de mettre davantage l’accent sur la connaissance des raisons pour lesquelles « les consommateurs consomment » afin d’orienter des in-terventions novatrices qui changeront les modes de consommation.

Pour renverser la tendance à la surexploitation, la participation de

Oracle valorise l’information sur la biodiversitéOracle Corporation a fait don de USD 3 millions au Service d’information sur les espèces (SIS), une initiative de l’UICN et de sa Commission de la sauvegarde des espèces. Le SIS devrait transformer le processus décisionnel en matière d’environne-ment par un accès universel aux informations les plus récentes sur la biodiversité et publie des produits scientifiques tels que la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées.

tous les acteurs est nécessaire de même que l’intégration des connaissances et des systèmes de gestion locaux. Il faut, pour cela, établir des liens entre différents secteurs de la société tels que les scientifiques, les économistes, le secteur privé et les praticiens de la médecine traditionnelle et de la médecine classique, et créer des incitations pour encourager les communautés et la société civile à participer à la gestion de ressources dont elles reçoivent des avantages tangibles.

Adaptation à une Terre plus chaude

Les changements climatiques sont un des principaux moteurs directs du changement pour les espèces, les écosystèmes et leurs services. Les changements dans la température et le régime des précipitations modifieront la bioproductivité. L’élévation du niveau des mers inondera des terres qui servent à la production alimentaire et menacera les mangroves et autres formations vé-gétales qui protègent les littoraux. Les changements climatiques devraient augmenter la difficulté de satisfaire les besoins en eau

Important Bird Areas in Asia, publié par un membre de l’UICN, BirdLife Internatio-nal, est le premier inventaire complet des sites les plus importants d’Asie pour les oiseaux et la biodiversité.

P r é sen t é au Congrès par la Pré-sidente d’honneur de BirdLife, Son Altesse impériale la princesse Takamado du Japon (photographiée ici avec Noritaka Ichida, Directeur de la Division Asie de BirdLife International), le rapport révèle que plus de la moitié des sites asiatiques pour l’avifaune ne sont pas légalement protégés et ne sont que partiellement protégés par la loi et ajoute qu’un sur huit des 2700 oiseaux de la région restera menacé d’extinction tant que ces zones ne seront pas protégées et gérées de manière adéquate.

The Directory of Important Bird Areas in the Kingdom of Thailand a été présenté simultanément.

BirdLife, membre de l’UICN est l’autorité pour la Liste rouge de l’UICN, pour les oiseaux.

www.birdlife.org www.oracle.com/corporate/press/2004_nov/iucn.html

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Prix du reportage sur la biodiversité

Les lauréats du Prix 2004 du reportage sur la biodiversité ont été présentés au Congrès. Le prix a été créé en 1999 pour récompenser un reportage exceptionnel sur l’environnement dans les pays riches en biodiversité que sont la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Guyana, Madagascar et le Pérou. Le prix est organisé par Conservation International, l’International Center for Journalists et l’International Federation of Environmental Journalists. Les sept lauréats de 2004 sont Erick Ortega, Bolivie, Carlos Enrique Fioravanti et Liana John, Brésil, Luis Fernando Molina Prieto, Colombie, Nicosia Smith, Guyana, Hajasoa Raoeliarivelo, Madagascar et Marienella Ortiz Ramírez, Pérou.

www.biodiversityreporting.org/

Les oiseaux sous les projecteurs

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Une grande alliance entre des gouvernements européens et des ONG qui a pour but de mettre un terme à la perte de biodiversité avant 2010. L’Initiative Compte à rebours 2010 a fait l’objet d’une plate-forme de la conservation de haut niveau et d’un des ateliers de synthèse mondiale du Forum mondial de la nature.

Le Bureau régional de l’UICN pour l’Europe sert de se-crétariat à l’Initiative.

Compte à rebours 2010 en Europe est une réponse à l’objectif mondial de la Convention sur la diversité biologique, à savoir « d’assurer d’ici à 2010 une forte réduction du rythme actuel de perte de diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national à titre de contribution à l’atténuation de la pauvreté et au profit de toutes les formes de vie sur la planète ».

Dans le contexte de la campagne Compte à rebours 2010, les membres européens ont sponsorisé une excursion pré-Congrès dans le Parc national de Khao Yai, en Thaïlande, durant laquelle le parc a reçu un don en équipement (photo de gauche).

Zoom sur les espèces envahissantesUn des événements les plus photogéniques du Forum fut le concours « Zoom sur les espèces envahissantes » organisé par l’UICN et Fujifilm. Le but était de mettre en évidence l’impact des espèces envahissantes sur la biodiversité et les moyens d’existence et d’attirer l’attention sur les principaux résultats des discussions du Forum sur le thème « Lutter contre les espèces exotiques ».

www.sur.iucn.org/competition/ concurso_about.htm

Ce qu’ils ont dit

Éduquer le public

Il faut protéger la biodiversité si nous voulons nous proté-ger. Notre mission est d’éduquer les autres, en particulier le public, afin de les aider à comprendre que leur santé dépend en fin de compte de la santé de l’environnement mondial.

– Eric Chivian, Directeur, Center for Health and Global Environment, Harvard Medical School

Améliorer les sources de bois d’œuvre

L’intérêt que montrent les acheteurs responsables de l’UE est une incitation puissante à participer à l’achat de bois d’œuvre durable – pour une compagnie indonésienne, cela s’est traduit par la multiplication par quatre de ses exportations de meubles, dès qu’elle a amélioré de manière irréfutable ses sources d’approvisionnement.

– Hugh Blackett, Tropical Forest Trust

www.countdown2010.net/Tamas Marghescu, Directeur général du Bureau Europe de l’Union et des responsables du parc inaugurent les aménagements nouvellement équipés du Parc national de Khao Yai en Thaïlande.

UIC

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propre, énergie et aliments et accélérer la perte de biodiversité. Une fois encore, ce sont les communautés les plus pauvres et les plus vulnérables qui seront le plus durement touchées.

Bien que les gouvernements et les entreprises soient en train d’assumer la responsabilité de leurs émissions de gaz à effet de serre, nous avons dépassé le point où le réchauffement de l’at-mosphère de la Terre aurait pu être évité. L’accent est donc mis sur l’adaptation. Certes, des réductions d’émissions plus agressives sont nécessaires, mais le développement durable effectif dépend de l’intégration de l’adaptation aux changements climatiques dans la planification des ressources naturelles.

De toute évidence, la route sera longue jusqu’à la réalisation des objectifs mondiaux pour la diversité biologique et la communauté de la conservation doit redoubler d’efforts pour prouver les liens fondamentaux qui unissent la gestion efficace des écosystèmes et le bien-être humain. Le message commence à filtrer du côté des décideurs et le Programme de l’UICN peut aider à tracer la voie vers un avenir plus durable.

Sue Mainka est Coordonnatrice principale, Programme mondial de l’UICN

Halte à la perte de biodiversité

COMPTE À REBOURS

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Planète Conservation 1/2005 17

Marchés, entreprises et environnement

Renforcer la loi, la politique et la responsabilité sociale des entreprises

Tout au long du Congrès de Bangkok, un thème n’a cessé de revenir : la nécessité pour le secteur de la conservation de collaborer de toute urgence avec le secteur privé. Le plus surprenant fut peut-être de constater que le secteur privé était tout à fait prêt à aider la communauté de la conservation à faire en sorte que les marchés travaillent pour la biodiversité.

Toutes sortes d’entreprises – des multinationales aux petites entreprises – étaient représentées au Congrès, ont partagé leur expé-rience et leur savoir-faire et se sont mises en devoir de communiquer les unes avec les autres et avec l’ensemble de la famille de l’UICN.

Nous avons discuté, à Bangkok, de différents outils qui per-mettront aux entreprises d’améliorer leur comportement vis-à-vis de l’environnement :

1. La certification

La certification volontaire du comportement environnemental et social couvre de plus en plus de biens et de services, du bois et de l’alimentation au coton et au tourisme. Cependant, la certification n’a de sens que si les entreprises comprennent et soutiennent la durabilité et si les ONG comprennent et acceptent que ces activités doivent contribuer à la rentabilité des entreprises.

La notion de certification est en train de s’élargir avec des initiatives récentes telles que le développement de marchés pour de nouveaux produits et services « verts », le « verdissement » des marchés classiques et le ciblage d’acteurs du marché autres que le consommateur final.

La communauté de l’UICN peut aider à adapter les initiatives de certification aux pays en développement, par exemple en réduisant les coûts; s’efforcer d’améliorer la compréhension des relations entre les normes volontaires et les normes obligatoires; encourager le renforcement du suivi et de l’application; et promouvoir une participation plus large à la gouvernance de la certification.

2. Investissements socialement responsables

Certaines institutions financières internationales commencent à inclure des considérations environnementales et sociales dans leurs décisions d’investissement et à fixer des normes de durabilité pour le financement des projets.

Kerry ten Kate, qui dirige le service « Responsabilité de l’in-vestisseur » à Insight Investment, une fiduciaire du Royaume-Uni, nous a déclaré : « Les marchés de capitaux peuvent être un levier important pour la conservation en encourageant la responsabilité de l’investisseur, en internalisant les coûts et en allant dans le sens d’investissements à long terme. »

Les institutions financières du secteur privé réalisent de plus en plus que la durabilité est une des clés déterminant le succès des investissements dans les petites et moyennes entreprises (PME). La communauté de l’UICN peut et doit collaborer avec les banques, les compagnies d’assurance et les fonds de pension pour s’assurer de la rigueur des politiques pour la biodiversité et communiquer l’importance des entreprises pour la biodiversité. La communauté de la conservation est aussi bien placée pour promouvoir des

Joshua Bishop

PME responsables et identifier des possibilités d’investissements socialement responsables.

3. Partenariats pour la biodiversité

Les partenariats pour la biodiversité entre le secteur privé et les spécialistes de la conservation sont nombreux et fonctionnent bien. Apprendre à se connaître est essentiel pour leur succès mais leur engagement réel nécessite clarté et consensus quant aux principes, aux objectifs et aux indicateurs.

Le Congrès a demandé aux membres de l’UICN et à ses parte-naires du secteur privé d’échanger leur expérience, de renforcer la capacité des ONG de prendre en considération les politiques insti-tutionnelles au niveau le plus haut et les actions institutionnelles au niveau opérationnel et de mettre au point des lignes directrices effectives pour les ONG de la conservation qui cherchent à obtenir des fonds du secteur privé sans compromettre leur intégrité ni leur indépendance.

4. Marketing des services des écosystèmes

Le financement de la conservation de la biodiversité a stagné alors même que l’importance de la biodiversité pour soutenir l’économie et les moyens d’existence est beaucoup mieux comprise. « L’aide

www.biodiversityeconomics.org

Les finalistes des prix Seed au Mubaan communautaire.

Les prix Seed

Les 12 finalistes des premiers prix Seed décernés tous les deux ans, choisis parmi 260 candidats de 66 pays, ont présenté les projets gagnants au Congrès.

Seed (Supporting Entrepreneurs for Environment and Development, Soutenir les entrepreneurs : actions en matière d’environnement et de développement) est une initiative sou-tenue par les gouvernements, de l’UICN, du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui vise à inspirer et soutenir de nouveaux partenariats d’entreprises au niveau local pour le développement durable.

Le nom des cinq lauréats sera annoncé à l’occasion de la 13e session de la Commission du développement durable (ONU) en avril 2005.

www.seedinit.org

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publique à la conservation est en crise et nous devons réfléchir à des moyens créatifs de financer la conservation de la biodiversité » a fait remarquer Michael Jenkins, Président de Forest Trends, dans les discussions de Bangkok.

Les marchés pour la protection des bassins versants, le piégeage du carbone et les services de la biodiversité peuvent offrir des incita-tions puissantes à la conservation en créant de nouvelles opportu-nités financières pour les propriétaires et les communautés locales. L’atténuation des changements climatiques est le nouveau marché qui émerge le plus rapidement au moyen de paiements pour la ré-duction des émissions de CO2 dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Toutefois, avec ou sans paiements, le secteur privé a souvent intérêt à réduire les impacts écologiques. À Bangkok, nous savons appris que BP a économisé USD 650 millions tout en réduisant ses émissions de CO2 de 10% par rapport aux niveaux de 1990.

Quel pourrait être le rôle de l’UICN ? Nous devrions chercher à renforcer la gouvernance et l’accès à l’information sur les mar-chés de services des écosystèmes afin d’édifier la confiance et de faciliter la participation des pays en développement et des petits usagers des ressources. Piloter des plans d’incitation économique et partager des expériences, tout en surveillant étroitement leurs impacts sociaux, environnementaux et économiques, sont d’autres priorités. Les spécialistes de la conservation peuvent aussi expli-quer comment les pratiques de gestion des ressources affectent la qualité et la quantité des services des écosystèmes, ce qui est une information essentielle pour la conception de marchés efficaces.

5. Le commerce international et la biodiversité

Le commerce est un moteur clé de la croissance économique et des investissements dans le secteur privé; l’enjeu consiste

à le rendre plus inoffensif pour l’environnement. Le Congrès a montré que l’UICN a un pou-voir rassembleur indéniable et

peut apporter des connaissances de manière très crédible dans le débat sur le commerce.

La communauté de la conservation doit définir plus clairement les liens entre le commerce et la biodiversité en tenant compte des préoccupations particulières du Sud.

Éliminer les subventions qui en-couragent la surexploitation des res-sources – en particulier en agriculture et dans la pêche – est une autre prio-

rité. L’UICN devrait aussi se concentrer sur le renforcement de la cohérence entre

les régimes du commerce et de l’environne-ment et la protection d’un « espace politique » pour

l’environnement. Cela nécessite le renforcement des capacités, une meilleure intégration politique et l’autonomisation de ceux qui sont actuellement exclus du débat sur le commerce.

Certes, le rôle du secteur privé pour la conservation de la biodi-versité est important et le devient de plus en plus, mais une petite proportion seulement des entreprises intègrent des critères sociaux et environnementaux dans leur processus décisionnel. Il faudra d’autres changements dans le comportement des entreprises et des consommateurs, obtenus grâce à un mélange de règlements et d’approches volontaristes.

Joshua Bishop est Conseiller principal, Économie et environnement, à l’UICN.

Cet article a été préparé en collaboration avec le personnel de l’UICN et des participants au Congrès.

Crédits carbone : une formidable incitation au reboisement

Il existe une relation naissante entre les objectifs de la politique publique, le besoin mondial de résoudre les problèmes environ-nementaux et sociaux et la possibilité d’utiliser les marchés de capitaux dans notre recherche des solutions les plus pertinentes.

En 1998, l’Australie a procédé à son premier échange de car-bone, entre les forêts d’État de Nouvelle-Galles du Sud, l’agence forestière du gouvernement et Pacific Power, un producteur d’électricité. Nous avons vendu les crédits carbone d’une région d’un millier d’hectares où le gouvernement finance des plantations depuis dix ans. La transaction a été largement médiatisée et nous avons compris que cela pouvait fournir une nouvelle et formidable incitation à l’investissement privé pour le reboisement.

Les acheteurs de ce marché essentiellement naissant des servi-ces de la biodiversité comprennent des entreprises, des organisa-tions à but non lucratif, des instituts de recherche, des donateurs, des gouvernements et des personnes privées.

Nous continuerons, quand à nous, de démontrer les avantages de ce type d’investissement et de les diffuser auprès d’investisseurs potentiels.

– Kim Yeadon, membre du Parlement de Nouvelle-Galles du Sud et ancien ministre des Forêts, Australie

Un des grands sujets de débat du Congrès a été l’interaction entre l’UICN et le secteur privé. Ici en photo : Juan Carlos Bonilla de Conservation International résume les discussions du groupe de contact sur une résolution consacrée à ce thème.IIS

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Ce qu’ils ont dit

Le Marché des écosystèmes

Une des solutions à la crise du financement de la conservation est proposée par le Marché des écosystèmes du Groupe Katoomba.

Cherchant à promouvoir et soutenir les marchés de ser-vices écosystémiques, le Marché des écosystèmes est un mécanisme d’échange de l’information qui rassemble des informations sur de nouveaux marchés des écosystèmes, no-tamment les marchés de services écosystémiques du carbone, de l’eau et des bassins versants, de la biodiversité, des zones humides et des espèces en danger.

Le Marché des écosystèmes a été inauguré au Congrès par Forest Trends, une ONG américaine qui se spécialise dans les stratégies de conservation durable basées sur le marché.

www.ecosystemmarketplace.com

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Trouver un langage commun

Une fois encore, nous sommes à la croisée des chemins pour l’UICN et le monde de la conservation. Ayant énoncé une vision impara-ble pour un avenir durable, l’Union doit adopter une optique plus réaliste si elle veut que cette vision se concrétise. Elle devra, pour cela, faire appel à toute la créativité et à toute l’énergie dont elle dispose.

L’UICN devra aussi sortir des frontières confortables de la communauté verte pour comprendre et influencer de nouveaux cercles. Pour ce faire, elle devra trouver un langage commun avec le secteur privé et les organisations qui mettent en place les règles de base du comportement international que ce soit entre États ou entre partenaires économiques.

L’intérêt de la biodiversité pour le secteur privé est indiscutable. Les entreprises et les marchés ne peuvent fonctionner si les écosys-tèmes et leurs services – l’eau, les fibres, les aliments, par exemple – sont sapés et déstabilisés. Les entreprises qui comprennent et gèrent leurs impacts sur la biodiversité sont mieux en mesure d’obtenir leur autorisation de fonctionnement, de renforcer leurs chaînes d’approvisionnement, de faire appel à des clients et des investisseurs sensibles à la conservation et de trouver de nouveaux débouchés.

La communauté de l’environnement a tout aussi intérêt à travailler avec les entreprises. On ne peut plus se contenter de s’en remettre aux gouvernements pour assurer la conservation. En collaborant avec les entreprises, en profitant des capacités du secteur privé d’obtenir des ressources, les compétences et le savoir-faire pour appliquer le changement en faveur de la biodiversité, l’UICN peut mettre en œuvre une nouvelle stratégie de conservation très puissante.

– S. E. Anand Panyarachun, ancien Premier Ministre de Thaïlande et Président du Business Council for

Sustainable Development – Thaïlande

Au travail !

Il est clair pour presque tout le monde que le secteur privé est le groupe clé de l’économie formelle celui qui apporte réellement ce dont les gens ont besoin – ou du moins qui approvisionne des intermédiaires pour ce faire. Les ONG du développement ne fabri-quent pas de tuyaux, ne raffinent pas d’énergie, n’emballent pas de savon, par exemple.

Il s’ensuit que le secteur, dans toute son hétérogénéité, est un pan vital du développement. Or, il y a peu encore, il n’était pas réellement reconnu officiellement comme un élément de l’équa-tion du développement – en particulier lorsque l’objectif était de réduire la pauvreté. Ils ne sont guère nombreux, ceux qui dirigent des organismes d’aide et des ONG, à considérer qu’un dialogue avec les acteurs commerciaux est une priorité. Mais cela change, et c’est tant mieux.

Lorsqu’on en vient à la famille de l’UICN, il est doublement vital que la partie environnement de l’équation développement soit bien mise en valeur dans le débat élargi. Une fois encore, nous voyons « la croissance » à n’importe quel prix portée aux nues – plutôt que la croissance écologiquement et socialement responsable. Il y a donc encore beaucoup à faire.

Mais nous ne pouvons progresser en partant du principe que le seul moyen d’avancer consiste à réglementer le secteur privé. Il est clair qu’une réglementation appliquée est nécessaire. Un règlement juste du commerce est également vital. Mais il y a tellement plus à faire au mi-croniveau pour garantir que le développement commercial ne ruine pas les progrès de la planète. C’est là un rôle pour

Partenariats : les principes d’un mariage heureux Pourquoi les entreprises et les ONG devraient-elles collaborer ? Pour répondre à cette question, dix experts d’entreprises et d’ONG parties prenantes de partenariats existants ont discuté des tenants et des aboutissants des relations de collaboration. Ils représentaient de nombreuses régions du monde et différents secteurs, notamment le pétrole et le gaz, la foresterie, les mines, les agrégats, les services et le tourisme.

Les conférenciers ont décrit avec passion l’intérêt de leurs colla-borations respectives – confirmant que ces partenariats aboutissent à des avantages renforcés pour la biodiversité et les entreprises et sont importants pour les stratégies de durabilité. Pour réussir à cours et à long terme, il importe de se connaître avant de s’engager officiellement. Le financement et l’appui aux partenariats sont aussi des problèmes quoique gérables.

Les entreprises qui s’intéressent directement à la biodiversité ont jugé que le rôle positif des ONG du point de vue pédagogique et comme force qui influence la réflexion des entreprises et leur action est important. Le partage des connaissances entre les organisations est aussi un avantage très important. La mobilisation créative de ressources est également évidente, sachant que les ONG peuvent participer à des initiatives de renforcement des capacités et de for-mation dans les entreprises partenaires sur des thèmes tels que la planification, la gestion des biens, la santé et la sécurité.

Le scepticisme n’est pas totalement dissipé mais il est clair que l’idée des partenariats secteur privé-ONG a fait son chemin. Les partenariats auxquels ont participé des organismes publics se sont révélés utiles en permettant d’établir clairement et équitablement les « règles de base » de l’engagement, conformément à d’autres formes de partenariats – y compris le mariage! car dans de telles unions, il est utile de tirer les leçons de l’expérience.

– James Griffiths, World Business Council for Sustainable Development

l’UICN. L’Union peut apporter de meilleures pratiques aux commu-nautés, le renforcement des capacités au niveau local, l’évaluation d’un investissement écologiquement sain, et ainsi de suite.

Les résolutions adoptées à Bangkok n’ont pas rejeté la coopé-ration avec le secteur privé mais elles l’ont quelque peu maltraitée. Et ce n’est que justice si l’on considère les méfaits de certaines en-treprises à travers l’histoire. Cependant, s’assurer que les valeurs de l’Union ne soient pas bradées est une chose – invoquer la doctrine de la pureté verte pour empêcher un dialogue sensé et bien nécessaire en vue de trouver des solutions durables au développement est tout à fait autre chose.

Au travail !

– Richard Sandbook, ancien Conseiller de l’UICN pour l’Europe de l’Ouest est actuellement Conseiller principal au PNUD

IISD

L’Atelier de synthèse mondiale sur les marchés, les entreprises et l’environnement a résumé les discussions sur la responsabilité institutionnelle, le commerce, l’investissement, la certification et les partenariats.

www.wbcsd.org/web/projects/ecosystems/ iucnworldcongress.pdf

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Water as a Human Right?John Scanlon, Angela Cassar et Noémi Nemes

Reconnaître officiellement que l’eau est un droit de l’humanité pourrait encourager la communauté internationale et les gouvernements à redoubler d’efforts pour satisfaire les besoins humains de base et remplir les Objectifs de développement du millénaire. Cette publication présente clairement et rigoureusement les différents arguments concurrents et les enjeux.

IUCN Environmental Policy and Law Paper No 51. ISBN 2- 8317-0785-4, 2004, 240 x 165mm, ix + 53 p., £8,50. Bon de commande No B2060

Can Protected Areas contribute to Poverty Reduction? Opportunities and Limitations

Lea M. Scherl, Alison Wilson, Robert Wild, Jill Blockhus, Phil Franks, Jeffrey A. McNeely et Thomas O. McShane

Cet ouvrage présente une perspective équilibrée sur le rôle des aires protégées vis-à-vis de la pauvreté, tant sur le plan positif que négatif, d’après un vaste consensus des principales organisations qui travaillent dans les domaines de la conservation et du développement.

ISBN 2-8317-0830-3, 2004, 210 x 150mm, viii + 68 p., figures, photos couleur, £10.50. Bon de commande

No B2095

Exposition du World Conservation Bookstore au Congrès.

De nouveaux ouvrages, rapports, stratégies et guides ont été dévoilés au Congrès, témoins de la productivité de l’Union et de ses membres. Voici une petite sélection :

Managing Mountain Protected Areas: Challenges and Responses for the 21st Century

Édition : David Harmon et Graeme Worboys

Compilation des résultats d’un atelier du Ve Congrès mondial sur les parcs de l’UICN en 2003, cet ouvrage offre des avis experts sur la gestion des changements climatiques et autres questions, y compris la fragmentation des habitats, la disparition des espèces montagnardes, la participation communautaire et les valeurs culturelles et spirituelles des sites naturels, en particulier des montagnes du patrimoine mondial.ISBN 88-86728-98-0, 2004, 432 p.

Les publications du Congrès

Guidelines for Planning and Managing Mountain Protected AreasSynopsis et édition de Lawrence Hamilton et Linda McMillan

Nouvelle édition du manuel de 1992 qui contenait des principes et lignes directrices pratiques dans le but de conserver le riche patrimoine naturel et culturel des montagnes de notre planète. Elle s’adresse à ceux qui ont un rôle à jouer dans la gestion des aires protégées de montagne.

ISBN 2-8317-0777-3, 2004, 239 x 164mm, xi + 83 p., photos noir et blanc, £11,50. Bon de commande No B2055

Le temps des montagnes

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Greame Worboys, vice-président de la CMAP pour les montagnes (à gauche) et Frederico Cinquepalmi, du ministère de l’Environnement de l’Italie au lancement de « Managing Mountain Protected Areas », une publication soutenue techniquement et financièrement par le Gouvernement italien.

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Le catalogue est disponible :

World Conservation Bookstore 2005Le World Conservation Bookstore compile les titres disponibles de l’UICN – Union mondiale pour la nature, de la CITES – Con-vention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, de la Convention de Ramsar sur les zones humides, de TRAFFIC – le programme de suivi du commerce de la faune et de la flore sauvages de l’UICN et du WWF, et du Centre de surveillance continue de la conservation de la nature du PNUE – il comprend aussi des titres publiés par des membres de l’UICN, entre autres, et ac-cepte les commandes en ligne :

www.iucn.org/bookstore/

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Yolanda Kakabadse

Quel Congrès formidable !En remettant la présidence de l’Union mondiale pour la nature

à mon illustre successeur, Valli Moosa, je pense avec émotion aux huit années que je viens de passer avec l’Union dans mon rôle de Présidente et à nos nombreuses réalisations qui ont culminé avec l’Assemblée de travail des membres du présent Congrès.

Cette réunion périodique de la famille de l’UICN montre toujours l’Union sous son meilleur jour. À Bangkok, après de longues heures, des discussions passionnées et très focalisées, les membres ont :

adopté 118 résolutions et recommandations qui donnent des orientations claires sur les politiques générales relatives au Programme intersessions de l’UICN 2005-2008 et sur des questions fondamentales de la conservation, d’importance mondiale ;

approuvé le Programme 2005-2008 et les mandats des Com-missions ;

examiné les finances de l’Union et les rapports des vérificateurs et approuvé un nouveau plan financier ;

entendu et assimilé des évaluations indépendantes de l’Union et de ses Commissions ;

étudié les rapports des comités régionaux et des forums ;

examiné des modifications aux Statuts et aux Règles de procédure ;

élu un Président, un Trésorier, six Présidents de Commissions et 24 Conseillers régionaux ;

accueilli 29 nouveaux membres dans la famille de l’UICN (admis par le Conseil juste avant le Congrès) ;

honoré et récompensé plusieurs champions de l’UICN, parmi les plus dévoués.

En remplissant leur devoir, les membres ne se sont pas conten-tés de s’occuper des formalités indispensables. Ils ont fixé l’agenda de l’Union et de la communauté de la conservation pour les quatre prochaines années et au-delà. Cet agenda, qui s’exprime à travers le Programme unifié de l’Union, gagne chaque jour en ambition et en portée. En huit ans, l’Union a reconnu pleinement les liens entre la conservation de la diversité biologique et les questions sociales telles que les droits de l’homme, la réduction de la pauvreté et l’équité. Cette transformation est visible dans le Programme, ainsi que dans les ateliers et les résolutions du Congrès. Grâce à l’UICN, la conservation devient plus proche de toutes les branches de la famille humaine.

À l’Assemblée, les membres ont également choisi ceux qui guideront et appliqueront l’agenda de l’Union en tant qu’organe directeur de l’Union. Il me semble que nous sous-estimons parfois l’importance de cet acte.

Prenez les Présidents des Commissions. Les six Commissions de l’Union ont ensemble plus de 10 000 membres – des scientifi-ques et des praticiens de la conservation bénévoles qui provien-nent des disciplines et des cultures les plus variées. Les Présidents sont chargés de faire en sorte que ces experts se retrouvent afin de faire la synthèse des connaissances et de l’information les plus pointues et de les diffuser à travers le réseau mondial de l’Union et bien au-delà. Leur travail passe parfois inaperçu, il est toujours difficile et nous avons envers eux une dette immense.

Élargissement du rôle du Conseil

Pour ce qui est de la gouvernance de l’Union, j’estime qu’une de nos grandes réussites, sous ma présidence, a été de renforcer le profil et le rôle du Conseil. Cela n’avait que trop tardé. Le Conseil est un des principaux liens de l’Union avec le monde en général et les communautés de la conservation de chaque continent. Nous devons utiliser le plus possible l’expertise et la grande influence des Conseillers dans leurs régions respectives et les aider à diffuser le message de l’Union.

En échange, les Conseillers doivent être plus responsa-bles devant les membres de leurs propres régions et par-ticiper plus étroitement aux efforts de décentralisation et de régionalisation de l’Union.

Pour terminer, je remercie une fois encore les organisa-teurs du Congrès, nos hôtes thaïlandais, et en particulier les membres du Secrétariat de l’UICN qui ont travaillé sans relâche pour faire du Congrès un succès. J’espère qu’ensemble nous avons aidé à donner au monde de la conser-vation un visage plus humain.

Yolanda Kakabadse a été Présidente de l’UICN de 1996 à 2004.

Assemblée de travail des membres

La conservation à visagehumain

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22 Planète Conservation 1/2005

Au total, 118 résolutions et recom-mandations ont été adoptées au 3e Con-grès mondial de l’UICN, à Bangkok, en novembre 2004 (voir encadré 1 pour des statistiques sur les décisions). Elles vien-nent s’ajouter à la somme des orientations politiques de l’UICN (788 résolutions et recommandations de Congrès et d’Assem-blées générales précédents) qui doivent être prises en compte pour appliquer le Programme de l’UICN 2005-2008. Les motions adoptées à Bangkok ne modifient pas le cadre global fourni par le Programme 2005-2008 mais offrent des orientations concernant les approches de la conser-vation et/ou des mesures spécifiques qui peuvent être prises par le Secrétariat et les Commissions sur une vaste gamme de thè-mes. Enfin, certaines résolutions traitent de changements dans la gouvernance de l’Union. La liste complète des résolutions et recommandations adoptées se trouve sur le site Web de l’UICN.

Les résolutions qui ont trait à la gou-vernance fournissent des orientations spécifiques sur l’application d’une clause de précédence dans la mise en œuvre de la politique de l’UICN. Ce point est parti-culièrement important car les paradigmes

de la conservation sont variables et les besoins changent. À partir de maintenant, lorsque l’UICN aura adopté deux décla-rations de politique contenant des avis contradictoires, c’est la plus récente qui prévaudra. D’autres résolutions relatives à la gouvernance concernent les questions de transparence et de langues.

Pour ce qui est de l’approche de l’UICN à la conservation, plusieurs motions ont été adoptées qui concernent l’intégration des idées relatives aux droits de l’homme, à la réduction de la pauvreté et le recours à des mesures basées sur l’approche par écosystème ou à l’échelle du paysage. Ces résolutions démontrent que l’Union recon-naît le rôle clé que jouent les populations humaines dans la conservation et dans le développement durable et renforcent la focalisation du Programme sur les causes profondes de l’érosion de la biodiversité.

Résolutions et recommandations

L’Union décide

La technologie a beaucoup amélioré la procédure de vote du Congrès.

IISD

IISD

Steve Edwards, Frederik Schutyser et Sue Mainka

À chaque Congrès mondial de la nature, les membres de l’Union font connaître leur opinion sur l’avenir de la conservation de la nature. Les résolutions et recommanda-tions adoptées par les membres de l’UICN à Bangkok seront le cadre d’action pour l’application du Programme et de la Stra-tégie mondiale de la conservation.

Le nouveau Programme de l’UICN pour 2005-2008 adopte fermement l’idée qu’il faut s’attaquer aux causes profondes de l’érosion de la diversité biologique. Un des aspects clés de ce travail consiste à rejoin-dre la communauté mondiale qui s’efforce de réaliser les Objectifs de développement du millénaire, ainsi que les objectifs fixés dans le Plan d’application de Johannesburg et l’Objectif de 2010 pour la biodiversité fixé par la Convention sur la diversité biologi-que. L’UICN estime que la conservation de la nature a un rôle central à jouer à cet égard car l’état de l’environnement dans lequel vit la population et les services fournis par ce même environnement influenceront grandement le bien-être à long terme de l’humanité.

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Dans l’ensemble des résolutions adop-tées à Bangkok, plusieurs thèmes et do-maines de travail peuvent être distingués, notamment la question du milieu marin, la gestion des aires protégées, la collaboration avec le secteur privé, les relations entre la réduction de la pauvreté et la conservation de la biodiversité et les organismes généti-quement modifiés (OGM).

Pêcheries marines et biodiversité

Aux dires de Carl Gustaf Lundin, Chef du Programme mondial de l’UICN pour le milieu marin « il y a eu deux thèmes dominants : la nécessité d’adopter de toute urgence des mesures de contrôle rigoureux des pêches en haute mer et celle d’améliorer la conservation de la biodiver-sité marine ». Ensemble, ces résolutions et recommandations sont le signe que l’Union est de plus en plus préoccupée par l’absence de réglementations efficaces pour contrôler et, le cas échéant, empê-cher les pratiques de pêche destructrices en haute mer, et en particulier l’impact du chalutage de fond non durable en haute mer.

Les membres ont tout particulière-ment demandé à l’Assemblée générale des Nations Unies de faire cesser le chalutage de fond dans les zones qui ne sont pas couvertes par des organisations régionales de gestion des pêches ou d’autres accords de gestion, jusqu’à ce que soient en place des régimes de protection de la biodiver-sité compatibles avec les cadres juridiques établis tels que la Convention du droit de la mer des Nations Unies.

Aires protégées : déplacer l’accent

Plus de dix résolutions et recomman-dations adoptées concernent les aires protégées, mais l’accent est mis sur de nouvelles préoccupations. Il s’agit notam-ment de s’attaquer à plusieurs lacunes dans la couverture des aires protégées, particulièrement les aires protégées d’eau douce et marines, mais aussi de lancer un appel explicite en faveur d’une intégration des aires protégées dans le paysage en général et de gérer les aires protégées de manière à assurer la liaison, et à coopérer plus étroitement, avec les communautés locales. L’UICN garde son rôle de chef de file, s’appuyant sur les débats, à l’exemple

de ceux Ve Congrès mondial sur les parcs, qui déterminent l’avenir du concept et de la pratique des aires protégées.

Collaborer avec le secteur privé

Dans les deux résolutions qui concernent les relations de l’UICN avec le secteur privé (3.060, Influencer les activités du secteur privé en faveur de la biodiversité, et 3.061, Interaction de l’UICN avec le secteur privé) il ressort clairement que, pour les membres, l’engagement du secteur privé est essentiel pour réussir la conservation de la diversité biologique. Les deux résolutions deman-dent la préparation de lignes directrices pour promouvoir la transparence dans les relations avec le secteur privé, le principe de « consentement libre, préalable et en connaissance de cause » dans les rapports avec les différents acteurs et la nécessité de conserver la diversité biologique. Un plan de travail complet sera disponible vers la fin de 2005 et la priorité sera donnée à « la coopération avec le secteur privé dans des domaines qui s’attaquent aux causes de la perte de biodiversité, là où l’action sera le plus efficace ».

Relations entre la réduction de la pauvreté et la conservation de la biodiversité

L’un des débats clés de Bangkok était centré sur une série de motions qui définissaient le rôle de la conservation vis-à-vis de la réduction de la pauvreté et de la sécurité alimentaire, et qui notait également que la force principale de l’UICN et son motif profond restent la conservation de la bio-diversité. Les deux concepts ne s’excluent pas mutuellement et, en réalité, le nouveau Programme montre clairement que le suc-cès de l’un dépend du succès de l’autre.

Trois résolutions concernent le rôle des travaux de l’UICN vis-à-vis de la réduction

Projets de motion soumis au Congrès 127

Projets de motion fusionnés avec d’autres projets par le Groupe de travail sur les résolutions ou rejetés - 13

Nombre total de motions approuvées et présentées pour examen au Congrès 114

Nouvelles motions soumises au Congrès + 17

Nombre total de motions gérées au Congrès 131

Nouvelles motions n’ayant pas reçu un appui suffisant ou rejetées par le Comité des résolutions du Congrès - 6

Motions retirées au Congrès - 3

Motions fusionnées avec d’autres motions - 2

Nombre total de motions mises au vote 120

Motions non approuvées - 2

Nombre total de motions adoptées : 80 Résolutions et 38 Recommandations 118

Nombre de motions examinées et adoptées à Bangkok

Groupe de contact sur la conservation et la gestion durable de la biodiversité de la haute mer.

IISD

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de la pauvreté (3.014, 3.015 et 3.016), et une (3.017) prône « la souverai-neté alimentaire pour conserver la biodiversité et éliminer la faim ». Ces résolutions renforcent le concept selon lequel, la mission et les valeurs centrales de l’UICN tiennent compte du fait que la réduction de la pauvreté est souvent étroitement liée à notre aptitude de réaliser nos propres ob-jectifs de conservation. En particulier, les Commissions de l’UICN sont ap-pelées à « faire en sorte que les actions de réduction de la pauvreté favorisent l’utilisation durable des ressources naturelles et la conservation de la diversité biologique ».

Les OGM

Les OGM restent une question épineuse pour les membres de l’UICN, ne serait-ce qu’en raison des nombreuses incertitudes qui planent sur leur utilisation. Les membres ont demandé que l’UICN conduise des travaux de fond afin de mieux comprendre les relations entre les OGM et la bio-diversité et diffuse ces connaissances aux membres et différents acteurs. La Résolution 3.007 demande un « moratoire sur les futures libérations d’OGM dans l’environnement jusqu’à ce que l’on ait la preuve quasi certaine que les OGM sont sans danger pour la diversité biologique et la santé humaine et animale ». En

outre, la Résolution 3.007, comme la Résolution 3.008, Organismes génétiquement modifiés (OGM) et diversité biologique, demande la compilation et la communication d’informations aux membres de l’UICN sur les risques que représentent les OGM.

Et maintenant ?

Ce nouvel ensemble de résolutions et de recommandations offre des orientations supplémentaires pour appliquer le Programme de l’UICN. Sachant que toutes les motions ont été adoptées sous

réserve de ressources disponibles, chacune sera sui-vie et appliquée et la mise en œuvre décrite chaque année. Des informations à jour seront disponibles sur le site Web de l’UICN à la fin de chaque année.

Outre la supervision de la mise en œuvre de ces résolutions, une question plus stratégique est apparue clairement à Bangkok. Un nombre ex-trêmement important de motions (voir encadré) a été traité au Congrès en trois jours seulement. D’ailleurs, l’une des rares inquiétudes signalées par les participants au Secrétariat concernait le nombre de motions traitées durant l’Assemblée des membres et la capacité de l’Union d’examiner de manière équitable le contenu et les consé-quences de chacune. Il est peut-être temps de prendre du recul et de revoir de manière critique la motivation du processus des résolutions. Y a-t-il d’autres procédures qui permettraient de satisfaire le besoin des membres de faire reconnaître au ni-veau international des problèmes et/ou questions locaux tout en préservant le rôle du processus des résolutions qui est d’établir les politiques ? Il faudra répondre à cette question lorsque nous préparerons la 4e Session du Congrès mondial de la nature de l’UICN.

Steve Edwards est Conseiller principal de l’UICN pour le Congrès mondial de la nature.

Frederik Schutyser est Responsable de programme, Programme mondial de l’UICN.

Sue Mainka est Coordonnatrice principale, Programme mondial de l’UICN.

Groupe de contact sur les aires conservées par les communautés.

IISD

Le texte de toutes les motions est disponible à l’adresse : www.iucn.org/

congress/members/motions.htmGroupe de contact sur les résolutions relatives à la pauvreté.

La gouvernance environnementale a fait l’objet de deux motions du Congrès ainsi que de discussions lors d’une table ronde de haut niveau.

IISD

IISD

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The Reuters Foundation and IUCN held a Global awards Cere-mony for the winners of 2004 Environmental Media Awards

Le Congrès a fourni l’occasion de créer, de renouveler et de ren-forcer plusieurs partenariats et accords pour la conservation.

La NASA et l’UICN ont signé une déclaration conjointe pour l’utilisation des données satellites de la NASA en appui aux efforts mondiaux de conservation.

Une coalition d’organisations a présenté le « Patrimoine commun de la nature » créé en mai 2004 pour échanger, de manière différente, des données, des informations et des connaissances sur la conservation.

L’UICN et la Banque asiatique de développement (BAsD) ont signé un mémorandum de collaboration pour la réduction de la pauvreté et le développement durable. L’UICN a également signé des accords avec l’Inde, le Pakistan, la Suisse et le Viet Nam.

Le Viet Nam et la RDP lao ont convenu de faire alliance contre le commerce illicite de la faune sauvage de part et d’autre de leurs frontières.

L’UICN et l’UNESCO ont annoncé un partenariat pour déve-lopper des indicateurs d’évaluation des progrès en éducation pour le développement durable.

Oracle a fait un don de USD 3 millions au Service d’informa-tion sur les espèces (voir page 15).

Un nouveau mémorandum d’accord a été signé entre Ramsar, l’UICN, le WWF, BirdLife International et Wetlands International.

Le réassureur suisse Swiss Re a remis USD 75 000 à un projet de réforme agraire au Viet Nam pour l’utilisation rationnelle et la gestion des bassins versants.

Des entreprises, des ONG, le WWF, BioRegional et Pelicano ont présenté l’initiative One Planet Living pour créer des communautés durables tout en conservant et restaurant les zones boisées et les habitats des espèces sauvages.

Les résultats du projet « Des partenariats pour la conservation et la gestion des forêts en Russie », effort conjoint du Bureau de l’UICN à Moscou, de l’Agence canadienne de développe-ment international (ACDI), d’organisations partenaires russes et de communautés locales, ont été annoncés.

Des satellites pour la nature : grâce à un nouveau partenariat, les données satellites, les images et l’expertise technique de la NASA seront utilisées par l’UICN, en particulier le Service d’information sur les espèces (SIS), le Réseau d’apprentissage pour les aires protégées (PALNet) et la Base de données mondiale sur les aires protégées (WDPA).

Au Congrès, des accords et partenariats ont pu être officialisés. M. Pham Khoi Nguyen et Achim Steiner signent un mémorandum d’accord entre l’UICN et le Viet Nam.

Mot clé : partenariat

Prix Reuters-UICN de la presse pour l’environnement 2004 Son Altesse impériale la princesse Takamado du Japon, Présidente d’honneur de BirdLife International, a remis le Prix mondial Reuters-UICN 2004 d’excellence pour le reportage dans le domaine environnemental à Tom Knudson des États-Unis d’Amérique (à gauche). L’article de M. Knudson intitulé « State of Denial », publié dans The Sacramento Bee, est une étude des modes de consommation californiens et de l’empreinte qu’ils laissent sur l’environnement d’autres régions du monde. L’article a été sélectionné par un jury mondial parmi six articles venant d’Amérique latine, d’Amérique du Nord et d’Océanie, d’Europe, d’Asie, d’Afrique anglophone et du Moyen-Orient et d’Afrique francophone. Les lauréats régionaux (avec Knudson, en haut à gauche) : Massoud Ansari, Tomás H. Guevara, Jean-Valère Ngoubangoyi, Leon Marshall et Duncan Graham-Rowe.

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Déclaration conjointe sur le climat

Claude Martin, Directeur général du WWF, a fait une déclaration au nom de huit grands grou-pes de la conservation reconnaissant que les changements climatiques sapent leurs travaux de lutte contre l’érosion de la biodiversité. La déclaration conjointe émanait du WWF, BirdLife International, Conservation International, Flora and Fauna International, l’UICN, The Nature Conservancy, Wetlands International, the World Conservation Society et le World Resources Institute. Cette déclaration a suivi la projection de The Great Warming, un nouveau documentaire sur les effets des changements climatiques, sponsorisé par Swiss Re (en photo).

www.swissre.com

www.iucn.org/reuters/2004

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Le Programme de l’UICN 2005-2008 est le premier grand pro-gramme de conservation de l’Union rédigé dans le cadre d’un processus consultatif mondial depuis la publication de Sauver la Planète, en 1991. Il est le produit de 18 mois de travail des membres, des Commissions, du Secrétariat et des partenaires de l’UICN dans plus de 70 pays.

L’Assemblée a approuvé le Programme plus ou moins à l’unanimité (nous espérons que le seul vote négatif est dû à une pression sur le mauvais bouton!). L’Assemblée a également adopté un ensemble de résolutions qui viennent compléter le Programme et fournissent une indication claire de l’appui sur lequel le Pro-gramme peut compter. Les incidences sont profondes, tant pour la conservation que pour l’avenir de l’UICN.

En gros, le Programme se concentre sur les liens qui unissent la santé de l’environnement et les systèmes économiques et so-ciaux. L’importance de deux de ces liens est apparue clairement lors des débats du Forum mondial de la nature : les relations entre les moyens d’existence humains et la santé des écosystèmes, ainsi que la contribution éventuelle du secteur privé à un milieu naturel en bonne santé.

Une des tâches majeures du nouveau Programme consistera à traiter les causes profondes de la dégradation, poursuivant le travail déjà entamé à cet égard.

Le Congrès a confirmé que l’UICN, forte de son « pouvoir de rassembleur » bien établi, en mesure d’amener à la même ta-ble des groupes disparates, doit élargir son dialogue politique au-delà de la communauté de l’environnement – pour inclure les ministres des fi-nances et du commerce, des chefs d’entreprises et des politiciens, ainsi que des organisations locales.

Le point de rencontre

Toutes ces idées trouvent leur expression dans l’approche par écosystème. Le Programme établit clairement l’importance de l’environnement pour les politiques économiques et so-ciales et aide la communauté environnementale à compren-dre les zones de pression qui affectent le monde économique et social.

Le Programme est guidé par la mission et la vision de l’UICN et conçu pour soutenir les Objectifs de développement du

millénaire – pas seulement l’Objectif 7 qui est l’objectif environnemental – mais les sept autres ODM également. Nous démontrerons que la conservation peut contri-buer, et contribue en réalité, à l’élimination définitive de la pauvreté extrême et de la faim, à l’éducation, à l’égalité entre les hommes et les fem-mes, à l’autonomisation des femmes, et à la santé.

Cela signifie que l’UICN utilisera ses connaissan-ces et son expertise pour influer sur la gouvernance, les politiques et les actions des domaines économique et social au même titre que

Là où nous allons

Un cadre pour l’action

Programme de l’UICN 2005-2008

Bill Jackson

Objectifs de développement du millénaire

Le Programme de l’Union pour 2005-2008 prolonge les Objectifs de développement du millénaire en établissant le lien entre la conservation et l’élimination définitive de la pauvreté extrême et de la faim.

Le Congrès a entendu un rapport « décoiffant » sur le Projet du Millénaire de la bouche de son Directeur, le pro-fesseur Jeffrey Sachs de l’université de Columbia (à droite). Les 265 membres de l’équipe du Projet sont chargés d’établir un plan pour réaliser les Objectifs de développement du millénaire avant 2015.

Le professeur Sachs a estimé que 2005 était une année critique pour les ODM et a fait un exposé passionné sur le besoin de paix, d’annulation de la dette et d’augmentation considérable de l’aide publique au développement.

www.unmillenniumproject.org

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Nous ne pouvons nous permettre, dans le monde d’au-jourd’hui, de séparer la conservation des êtres humains. Les femmes comprennent ce lien, reflété dans le thème du Congrès « Nature et société – un seul monde ». Il est donc très important que l’UICN renforce son programme sur la parité hommes-femmes. Pour la première fois à ce Congrès, j’ai pu constater une très forte intégration de la perspective de parité dans les nombreuses activités et les problèmes abordés. La réunion des femmes a été remarquable : des femmes du monde entier ont assisté aux ateliers pour s’assurer de la prise en compte de leur opinion.

Il reste cependant une difficulté : comment faire en sorte que cette opinion soit totalement intégrée dans le Programme et les résolutions du Congrès.

– Maria Suarez, Radia Internacional Feminista, Costa Rica et Womenspeak Press Team

Je suis étonné et ravi de ce qui se passe au Congrès, le dixième auquel j’assiste. À la toute première session, il y avait quelques centaines de scientifiques et de spécialistes de la conservation, alors qu’aujourd’hui il y a tant de monde, de tant de domaines différents qui travaillent ensemble.

Trop longtemps, les spécialistes de la conservation ont été isolés, mais ils collaborent aujourd’hui avec d’autres secteurs et partenaires – et même avec les entreprises et l’industrie!

– Jan Cerovsky, membre d’honneur de l’UICN, République tchèque, membre et ancien Président

de la Commission de l’UICN de l’éducation et de la communication

Le programme unifié est une belle occasion pour l’UICN de renforcer encore son influence en mettant au travail des experts de toute l’Union. L’UICN est surtout efficace lorsqu’elle travaille à l’unisson.

– David Brackett, Président de la CSE, 1996-2004

L’approche « Un seul Programme » est un événement que nous devrions célébrer sans pour autant faire de l’autosatisfaction. Notre prochain défi consiste à réviser l’ensemble des politiques qui permet de donner forme au Programme. Il reste encore des lacunes importantes malgré la pléthore de motions qui émergent de chaque Congrès. Il est temps que le Conseil prenne une initiative dans ce sens. Les motions qui seront proposées par le Conseil à la 4e Session du Congrès mondial de la nature de l’UICN en témoigneront.

– Wren Green, Président du Comité du Programme et des politiques du Conseil de l’UICN,

2000-2004

Ce qu’ils ont dit

Bill Jackson, Directeur du Programme mondial de l’UICN, en compagnie de Yolanda Kakabadse.

IISD Le Programme de l’UICN 2005-2008 :

www.iucn.org/ourwork/ppet/

du domaine environnemental. Nous savons que le commerce et la croissance économique sont des conditions préalables à un monde équitable mais, comme le souligne le Programme, s’ils se font aux dépens de l’environnement, il n’y aura pas d’avenir pour la vie sur notre planète.

Stratégie pour un programme unifié

Un des résultats de cette focalisation stratégique plus large est le modèle du programme unifié. Cette initiative est venue des six Présidents des Commissions eux-mêmes qui ont reconnu par là la nécessité pour les Commissions, les membres et le Secrétariat de travailler de manière plus intégrée à l’intérieur de nos systèmes d’évaluation, de renforcement des capacités et de nos efforts pour influencer la politique.

Cela conduira le Secrétariat à changer à deux égards : nous de-vons 1) améliorer notre capacité régionale de collaboration avec nos membres et 2) collaborer plus étroitement avec nos Commissions pour profiter de leur expertise.

Plusieurs changements ont récemment été apportés à la structure de direction du Secrétariat, dans le but de relever les deux défis.

Mobiliser l’action à l’échelle de l’Union

Nous avons pu utiliser ce nouveau cadre d’action presque immé-diatement lorsque le tsunami a frappé l’Asie du Sud et l’Afrique de l’Est, quelques semaines après le Congrès. Nous avons pu mobiliser immédiatement notre personnel, les Commissions et les membres.

Toutefois, cette catastrophe a également mis en lumière une préoccupation déjà identifiée dans le Programme : la nature chan-geante du risque – et notre manière de traiter ce risque – que nous discutions de changements climatiques, de destruction des habitats ou de surexploitation. Il faut travailler davantage, non seulement pour définir les risques, mais aussi pour comprendre et communi-quer comment les politiques, les institutions et les pratiques doivent être adaptées pour tenir compte du risque.

La résolution qui a approuvé le Programme a fixé un agenda à notre communauté de la conservation et à ses 1000 membres. Les autres résolutions contiennent différentes propositions d’actions qui donnent à l’UICN et au monde en général une indication claire des questions de conservation importantes auxquelles nous som-mes aujourd’hui confrontés.

Cependant, le Programme n’est lui-même qu’un cadre, un plan de travail. Il nous faut encore appliquer les propositions avec nos membres et partenaires. Or, nous n’avons jamais eu d’appui aussi large. Dans nos activités de Programme, nous redéfinissons la com-munauté avec laquelle nous sommes en contact, du secteur privé à la communauté de l’éducation. Bangkok a permis de rassembler cette communauté.

Bill Jackson est Directeur, Programme mondial.

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Mandats des Commissions

Agir à l’unisson

Le Congrès a approuvé les nouveaux mandats de ses six Commissions d’experts.

De gauche à droite, en haut : Denise Hamú, Taghi Farvar, Sheila Abed, en bas : Hillary Masundire, Holly Dublin, Nikita Lopoukhine

Le Congrès a élu les Présidents des Commissions : trois nouveaux et trois réélus. Voici ce qu’ils disent de leur mandat et de leurs futurs plans.

la sécurité humaine tout en préservant la biodiversité.

Ce sont des tâches immenses mais nous sommes encouragés par l’intérêt montré par la famille de l’UICN à Bangkok pour les questions sociales.

Certes, la justice sociale n’est peut-être pas l’objectif central de la conservation, mais elle a été reconnue comme une force motrice et une obligation fondamentale. De sorte que l’adoption du nouveau pro-gramme unifié de l’Union est particulière-ment stimulante pour la CPEES. Il est clair que, comme toujours, une partie de la tâche confiée à la CPEES peut être controversée : les questions de politique sociale le sont toujours! Mais si le passé doit servir de gui-de pour l’avenir, nous savons que la CPEES aide le mouvement de la conservation à po-ser des jalons destinés à survivre par-delà les modes et les tocades de la conservation, qui montrent le chemin vers des moyens concrets de parvenir à la justice sociale, à la conservation et à l’utilisation durable de la nature tout à la fois. Si par le passé, la nature et la société étaient des concepts contradictoires pour l’Establishment de la conservation, nous savons aujourd’hui, mieux que jamais, qu’ensemble elles doi-vent nager ou couler.

– Taghi Farvar, Président, CPEES/UICN

CDDE : domaine de pointe

Je souhaite faire progresser le nouveau mandat de la Commission du droit de l’environnement (CDDE) de différentes manières. Avant tout, nous avons beau-coup de membres – plus de 1000. Je veux qu’ils participent plus activement à notre programme mondial et à l’application des résolutions du Congrès – celles qui inter-pellent directement la CDDE et celles qui posent à l’Union de nouveaux défis dans des domaines de pointe tels que les droits de l’homme, la santé et le commerce. Ma

programmes mondiaux et régionaux de l’Union.

Notre troisième priorité a trait aux con-ventions de l’environnement. Nous nous efforcerons de nous poser en défenseur et source de connaissances et de motivation pour soutenir un programme pour la com-munication, l’éducation, la participation et la sensibilisation (CESP) qui relie les principales conventions avec les accords régionaux et la Décennie de l’éducation en vue du développement durable.

Les résolutions du Congrès qui con-cernent la CEC comprennent un appel à soutenir la Décennie et à ancrer l’éducation en vue du développement durable dans le Programme de l’UICN.

– Denise Hamú, Présidente, CEC/UICN

CPEES : équité dans la conservation

Le nouveau mandat de la CPEES renforce les principes fondamentaux de notre travail basé sur le partage équitable des coûts et avantages de la conservation à tous les niveaux, dans le respect des droits de l’homme. Mais il pointe plusieurs direc-tions à la fois : il nous enjoint de porter le message de la conservation de la biodi-versité à la communauté économique de façon que la politique économique et le commerce, les dynamiques du marché et la conservation de la biodiversité se ren-forcent mutuellement. Il nous dit de mieux intégrer la conservation de la biodiversité dans la lutte contre la pauvreté et pour des moyens d’existence durables et de resser-rer les liens entre la diversité culturelle et biologique. Il nous donne instruction de promouvoir la responsabilité des entrepri-ses dans le domaine de l’environnement et sur le plan social.

La sécurité est un sujet majeur, où que se porte notre regard, et notre mandat appelle à mettre au point des méthodes et des outils concrets pour contribuer à

CEC : nouvelles possibilités d’apprentissage

La Commission de l’éducation et de la communication (CEC) de l’UICN entre dans cette période 2005-2008 avec une nouvelle grande priorité. Il s’agit de pilo-ter la planification et le développement du réseau mondial d’apprentissage pour la conservation (WCLN). Cette initiative à l’échelle de l’UICN est reliée à d’autres initiatives de l’Union sur les connaissances (y compris PALNet sur les aires protégées, ECOLEX sur le droit et SIS sur l’information concernant les espèces)

Le WCLN fournira des possibilités d’apprentissage pour les professionnels

des ressources naturelles et du déve-loppement. Il donnera à l’UICN les

moyens de partager ses connais-sances avec des universités et

en retour offrira aux univer-sités une plate-forme pour interagir avec la commu-

nauté de la conservation et du développement. Grâce à ce nouveau partenariat, la CEC

élargira l’accès au renforcement des capacités pour les profession-

nels, à l’échelle mondiale. Notre deuxième prio-

rité sera de renforcer les capacités en commu-

nication et éducation. Durant 2005-2008, nous aiderons à four-nir les compétences et le savoir-faire en matière d’éducation et de communica-tion nécessaires pour soutenir les

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propre organisation travaille depuis long-temps aux questions de droit et de com-merce et fut l’une des premières à évaluer les accords commerciaux sous l’angle de la durabilité.

Je prévois aussi de promouvoir une méthode de travail beaucoup plus dé-centralisée dans laquelle nos experts ju-ridiques collaboreront avec les membres aux niveaux national et régional afin de répondre aux besoins de ces derniers, en partie en améliorant l’accès à l’information et la participation du public.

Au sein de l’UICN, je souhaite favoriser l’avènement d’une nouvelle coopération entre les Commissions et entre elles et le Secrétariat. Je considère que les program-mes intercommissions sont un défi et une possibilité majeure d’ouvrir de nouvelles voies. Enfin, je souhaite un programme fusionné pour la Commission et le Centre du droit de l’environnement. Nous avons beaucoup de possibilités de mieux tra-vailler en harmonie, en tant qu’Union.

– Sheila Abed, Présidente, CDDE/UICN; Directrice exécutive de l’Institut du droit

et de l’économie de l’environnement (IDEA), Paraguay

CGE : continuité et innovation

Si les membres de la CGE étaient satisfaits des nouvelles directions prises par la Com-mission de la gestion des écosystèmes ces dernières années, ils ont présenté deux demandes claires au Congrès. La première était de participer plus activement aux travaux de l’Union et l’un des moyens de le faire est de donner le pouvoir aux vice-pré-sidents régionaux de la CGE de mobiliser plus activement les membres de la Com-mission et de renforcer les liens au sein du Secrétariat de l’UICN dans les régions.

La deuxième concernait le traitement de nouvelles questions – telles que la gestion des grands écosystèmes marins, l’impact des grands systèmes urbains au sein des paysages et la valorisation des biens et services des écosystèmes. Il s’agit de questions interdisciplinaires qui nous demanderont de travailler de plus en plus à l’échelle de l’Union, dans le respect de l’approche « Un seul programme ».

Par ailleurs, la continuité est à l’hon-neur. Le succès de notre stratégie de croissance grâce à des partenariats avec des organisations telles que la Society for Ecological Restoration International, le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales et semi-arides (ICRI-SAT) et la Society for Conservation Biology a été confirmé.

En outre, les quatre priorités intersec-torielles de la CGE – l’approche par éco-système, la restauration des écosystèmes, les indicateurs de l’état des écosystèmes et les outils de gestion des écosystèmes – res-teront les mêmes. Elles ont été « testées et approuvées » si l’on considère le fait que ces quatre priorités n’ont cessé d’être abordées dans différents forums – pas seulement le nôtre. Il convient également de noter que tous ces thèmes sont au cœur des efforts de réhabilitation des zones qui, en Asie et en Afrique de l’Est, ont été dévastées par le tsunami de décembre 2004.

– Hillary Masundire, Président, CGE/UICN; Département des sciences biologiques,

université du Botswana

appliquer un unique programme. Cela signifie qu’il faut concentrer les efforts de la CSE sur des objectifs mesurables, ce qui n’est pas rien si l’on considère nos complexités et la gamme énorme de travail réalisé par nos membres.

Le mandat de la CSE a été réapprouvé à Bangkok tout comme le plan stratégique de la CSE (2001 à 2010), la lanterne qui nous guide. Nous continuerons de développer la Liste rouge, de l’intégrer totalement au SIS et de galvaniser les appels de fonds pour ces deux initiatives afin qu’elles puissent donner leur plein potentiel dans les années à venir.

– Holly Dublin, Présidente, CSE/UICN

CMAP : en avant toute

La Commission mondiale des aires pro-tégées de l’UICN est apparue, à Bangkok, dans toute sa puissance. Avec le Congrès mondial sur les parcs de Durban en 2003, le Congrès mondial de la nature nous a donné un mandat clair pour les quatre prochaines années et un modèle sous forme de Plan d’action de Durban et de Programme de travail pour les aires protégées de la Con-vention sur la diversité biologique (CDB).

La grande nouvelle, c’est que la CDB reconnaît désormais – et suit même par-fois! – notre avis. Cela nous donne une possibilité immense d’influencer l’agenda mondial de la conservation. Dans les an-nées qui viennent, la CMAP se donnera les moyens de fournir des avis aux Parties à la CDB sur l’amélioration de la gestion et du financement des aires protégées, la parti-cipation des populations autochtones et des communautés locales, la construction de l’appui du public, l’établissement d’un réseau mondial représentatif d’aires pro-tégées et la confrontation des impacts des changements mondiaux tels que la propa-gation des espèces envahissantes.

Le Réseau d’apprentissage pour les aires protégées (PALNet) sera une contribution importante à la conservation mondiale. Cet outil interactif, basé sur Internet, donnera un accès facile aux connaissances mon-diales sur les aires protégées et complétera d’autres efforts importants de l’UICN tels que le SIS et ECOLEX.

Beaucoup de participants ont été sur-pris par la force avec laquelle les membres ont demandé que nous associions davan-tage de jeunes gens à la conservation des aires protégées et que nous les aidions à faire progresser leur carrière. Il est clair que nous les ferons participer aux travaux de la CMAP, notamment aux activités de recherche et de formation.

– Nikita Lopoukhine, Président, CMAP/UICN

CSE : voiles au vent

Le Congrès a marqué une nouvelle étape pour la Commission de la sauvegarde des espèces (CSE) de l’UICN et pour l’Union dans son ensemble. On y a appris que 15 589 espèces sont menacées d’extinc-tion, comme on le voit dans la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées 2004 et comme le montrent les conclusions dé-vastatrices de la récente Évaluation mon-diale des espèces. Et pourtant, tandis que le taux d’extinction s’accélère, le Congrès a démontré comment des informations fiables et les connaissances des experts, la passion des espèces sous toutes leurs formes et la collaboration avec tous les secteurs de la société pouvaient permettre d’améliorer l’état de la biodiversité et la vie des personnes qui en dépendent.

La réunion de deux jours, spécifique-ment dédiée à la CSE a pu prendre connais-sance des travaux de nombreux groupes de spécialistes et examiner comment les outils et les produits de la CSE influencent les décideurs à l’échelle mondiale. Les mem-bres ont appris comment la politique est formulée et adoptée à l’UICN et comment eux-mêmes, en tant qu’experts peuvent influencer les politiques qui permettent de préparer les efforts mondiaux de conserva-tion. Ce sentiment de pouvoir est essentiel pour les 8000 spécialistes qui donnent leur temps et leur expertise en vue de l’applica-tion de la vision de la CSE « Un monde qui valorise et conserve la biodiversité ».

À mon avis, le plus grand défi jeté par le Congrès est la décision de voir toutes les Commissions joindre leurs forces à celles d’autres éléments de l’Union pour

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Pourquoi avez-vous décidé de vous porter candidat à la présidence de l’Union mon-diale pour la nature ?

L’Union mondiale pour la nature est une organisation importante. Son partenariat unique entre la société civile et les gou-vernements et sa capacité de combler le fossé Nord-Sud sont le signe qu’elle peut accomplir de grandes choses, j’espère servir cette cause.

En outre, j’ai le plus grand respect pour le Secrétariat de l’Union qui travaille sans relâche et pour son talentueux Directeur général, Achim Steiner, que je connais depuis de nombreuses années. Les com-pétences d’Achim, son intelligence et ses capacités de dirigeant sont telles qu’il m’a semblé que ce serait un privilège de tra-vailler à ses côtés.

Que pensez-vous pouvoir apporter à l’Union ?

En tant que vétéran de la lutte anti-apar-theid en Afrique du Sud, j’espère pouvoir amener une certaine combativité, tem-pérée par la patience que l’on acquiert lorsque l’on négocie des changements de société (ou de politique). Cela m’a préparé à devenir un environnementaliste dans le contexte d’aujourd’hui : nous devons faire face à des assauts sur notre existence même qui, parfois, semblent insurmontables, mais nous n’avons pas le droit de perdre l’espoir ni la volonté de lutter. Les enjeux sont trop immenses.

Vous avez fait vos débuts en science, n’est-ce pas ?

Oui. J’ai une licence en mathématiques et physique mais c’est aussi lorsque j’étais étudiant que j’ai goûté pour la première fois à la politique en devenant membre de

différentes organisations politiques. J’y ai appris comment contester l’autorité. Cette expérience m’est utile aujourd’hui : la protection de l’environnement est

devenue une question politique brû-lante, compte tenu, en particulier, des menaces telles que le réchauffement planétaire qui nécessitent une action des gouvernements.

Comment voyez-vous la place de l’Union mondiale pour la nature dans le monde ?

Le rôle essentiel de l’Union est d’illuminer les coins sombres de la conservation – de porter les

connaissances et l’expertise sur le monde naturel à ceux qui décident de l’utilisation de la nature, du niveau local jusqu’aux cercles du pouvoir. La science est une fondation solide sur laquelle est construite l’Union et la source du respect qu’elle mé-rite à l’échelle mondiale.

Cependant l’expertise ne suffit pas et il est temps que la communauté de la conser-vation sorte de sa coquille. Si le savoir est no-tre force, il ne sert à rien, à moins que nous ne persuadions nos partenaires anciens et nouveaux de l’instiller dans leurs politiques et leurs pratiques. Il faut que nous cessions de nous parler à nous-mêmes.

Quels nouveaux partenaires avez-vous en tête ?

Le plus nouveau, du point de vue des relations de l’Union, est le secteur privé. Beaucoup de nos membres, à ces mots, craignent l’influence des multinationales, mais la plupart sont en train de réaliser que les entreprises ont des milliers d’employés et des ventes qui se chiffrent en milliards et que leur influence – sur l’environnement comme sur l’économie – ne saurait être ignorée. L’Union n’a rien à craindre à contacter le sec-teur privé comme éventuel partenaire. Elle le fait en position de force et d’autorité.

Il ne faut pas non plus oublier que le secteur privé est tout simplement consti-tué de chaque être qui cherche à gagner sa vie – pêcheur ou femme, vannier ou paysan – la plupart d’entre nous, en réalité. Nous essayons tous de survivre et nous dépendons tous des biens et services de l’environnement.

La conservation de la nature, c’est l’affaire de tous.

Une entrevue avec Valli Moosa, nouveau Président de l’UICN – Union mondiale pour la nature

et ancien ministre des Affaires environnementales et du Tourisme d’Afrique du Sud

Entrevue avec le Président

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La conservation est l’affaire de

tous

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La communauté internationale du dé-veloppement est un autre partenaire relati-vement neuf. Nous devons faire face à l’idée erronée et répandue selon laquelle l’accent mis sur la conservation de la nature compro-met la lutte contre la pauvreté. Toutes deux sont intimement liées. La preuve en est les efforts de restauration de l’environnement entrepris par l’Union dans le sillage du tsu-nami, en Asie. Restaurer les économies de ces régions dévastées dépend de la restau-ration de leurs ressources naturelles et de la renaissance de leur biodiversité.

Quel est votre principal message à ces nouveaux partenaires ?

Il faut nous répéter comme un mantra que nous sommes des organismes naturels, dépendants de la nature et de sa biodiver-sité. Nous devons apprendre à contrôler notre appétit vorace, à cesser de penser que notre destin est de consommer toutes les ressources jusqu’à épuisement. Nous devons cesser de présumer que nous avons le droit d’occuper chaque recoin de chaque écosystème de la Terre et commencer à faire preuve de retenue et de sagesse dans les habitats que nous occupons déjà.

Comment l’attitude et le comportement des gens peuvent-ils changer de manière aussi radicale ?

Un des moyens, je pense, est l’incitation. Nous devons créer, cibler et communiquer des mesures d’incitation en faveur de moyens d’existence écologiquement justi-fiés et durables. Ce congrès nous a donné quelques outils de persuasion sous forme d’incitations économiques, politiques, juridiques et éthiques.

Un autre moyen serait l’éducation, la sensibilisation et la mobilisation des ci-toyens du monde. Les gens – en particulier lorsqu’ils sont informés et vigilants – sont notre arme la plus puissante dans la lutte pour la protection de la nature. Si nous ne les associons pas, notre cause est perdue.

Quelles mesures souhaiteriez-vous que l’Union prenne au début de votre mandat ?

Nous devons terminer le travail commencé : celui qui consiste à inscrire la conservation de la nature au cœur des processus déci-sionnels politiques et de développement, à tous les niveaux.

En particulier, je souhaite vivement que nous utilisions les comités nationaux pour obtenir un consensus national sur les prio-rités et les actions de conservation. Cela si-gnifie, naturellement, qu’il faut leur donner des infrastructures et des ressources.

Nos comités nationaux devraient collaborer avec les non-membres – et pas seulement avec les organisations de con-servation, mais aussi avec les personnalités religieuses, sportives ou du secteur des affaires – tous ceux qui veulent collaborer avec l’Union et ses membres pour faire progresser la conservation.

Enfin, je voudrais renforcer nos mem-bres. Cette union n’est forte que par ses membres. Nous devons recruter de nou-veaux membres parmi les ONG et recruter chacun des gouvernements qui n’étaient pas représentés à ce Congrès. Nous devons aussi mieux répondre à nos membres.

Nos Commissions sont l’oxygène que respire l’Union. Il est grand temps qu’el-les soient soutenues comme il se doit et

intégrées aux activités des membres et du Secrétariat; cela devrait être une priorité pour l’Union.

Nous devons aussi être plus agressifs et plus sûrs de nous dans l’arène mondiale. L’Union mondiale pour la nature est la seule organisation de la communauté de l’en-vironnement qui puisse faire entendre sa voix aux Nations Unies. Nous devons mieux exploiter notre potentiel à ce niveau.

Nous pouvons faire beaucoup de choses simplement en appliquant – et en finançant correctement – les accords multilatéraux existants. Si nous mobilisons nos membres et nos bureaux dans le monde entier autour de cet effort, nous pourrons contribuer à donner un élan irrésistible.

Enfin, je veux que l’Union s’approche de manière plus décisive des citoyens de ce monde. Nous devons éduquer, sensibiliser et engendrer partout un esprit de bénévo-lat en mettant en particulier l’accent sur l’éducation et la sensibilisation des jeunes gens. Je suis convaincu que la nouvelle génération ne sera pas aussi timide que la nôtre!

Tout cela est-il possible ?

Mais bien sûr, si nous le voulons. Nos membres souhaitent porter l’Union vers de nouveaux sommets et dans un sens, vers une nouvelle génération d’activités et nous devons faire tout notre possible pour répondre à leurs attentes.

L’Union est comme un animal vigou-reux qui grandit en grâce, en force et en résolution. Il est temps de le libérer pour faire face aux plus grands enjeux qui se soient jamais posés à la sécurité mondiale dans l’histoire de l’humanité.

Valli Moosa rencontre le nouveau Conseil, y compris le Président de la CGE, Hillary Masundire et la Présidente de la CSE, Holly Dublin (à gauche).

Nous devons faire face à l’idée erronée

et répandue selon laquelle l’accent mis

sur la conservation de la nature compromet

la lutte contre la pauvreté. Toutes deux sont intimement liées.

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Cérémonies et adieuxw

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Son Excellence Suwit Khunkitti, ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement de Thaïlande a remercié le Congrès d’avoir honoré la reine Sirikit et donné l’occasion aux chercheurs et ONG de Thaïlande de rencontrer des experts du monde entier.

Les Conseillers, nouveaux et sortants, se sont rencontrés pour la première fois.

Les Conseillers sortants ont été remerciés pour leur travail et leurs accomplissements.

Luc Hoffmann a reçu la Médaille John C. Phillips pour excellence dans le domaine de la conservation des mains de Yolanda Kakabadse. Il a déclaré au Congrès : « On peut considérer que l’UICN est la voix légitime d’une société civile profondément concernée par l’état de notre planète. »

Adrian Phillips (à gauche) a reçu le titre de membre d’honneur de l’UICN, de même que Marshall Murphree et Yolanda Kakabadse.

Les participants ont pu admirer un spectacle de danse classique thaïlandaise.

Le Président élu, Valli Moosa, remercie Parvez Hassan pour de longues

années de services dévoués à l’Union

(ci-contre) et reçoit les félicitations d’une

déléguée (à droite). Dans son discours au Congrès,

Valli Moosa a également rendu hommage à la Présidente sortante,

Yolanda Kakabadse, louant son esprit de leader et

la remerciant pour avoir laissé derrière elle une

institution qui « tient bon la route ».

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