Beer Game
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RIRL 2010 - Bordeaux September 30th & October 1st, 2010
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RIRL 2010 The 8th International Conference on Logistics and SCM Research
BEM Bordeaux Management School September 29, 30 and October 1st 2010
Apprentissage expérientiel en gestion des chaînes logistiques : Exploitation des simulateurs participatifs tels que le XBeerGame
Edith Brotherton Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le
transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada [email protected]
Benoit Montreuil
Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada
Rémy Glardon Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT), École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Lausanne, Suisse
Salma Naccache Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d'entreprise, la logistique et le
transport (CIRRELT), Université Laval, Québec, Canada [email protected]
Résumé La gestion des chaînes logistiques est un domaine stimulant de par la diversité et la complexité des réseaux globaux qui les composent, mais aussi fondamentalement par la nature dynamique des relations et des phénomènes qui s’y retrouvent. Cet article présente un nouveau cadre expérimental générique qui permet de conceptualiser, développer et expérimenter à l’aide d’un simulateur participatif, tel que le XBeerGame, des scénarios pédagogiques de formation expérientielle plus évolués. Un exemple d’utilisation sur une semaine est présenté afin de démontrer le potentiel d’apprentissage progressif des multiples facettes de la gestion des chaînes d’approvisionnement à travers une programmation structurée de simulations ciblées. Mots clés: Pilotage de chaîne logistique, Simulations participatives et immersives, Jeux d’affaires, Apprentissage expérientiel, Effet coup de fouet
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INTRODUCTION
La gestion des opérations, de la logistique et des chaînes d’approvisionnement sont des
domaines très importants sur le plan économique. Ils intéressent aussi fortement les
chercheurs et les enseignants en raison de la diversité et de la complexité des phénomènes
dynamiques qui gouvernent les réseaux globaux qui les composent. Le jeu d’affaires le plus
connu permettant d’illustrer ces relations est le Beer Game développé dans les années 1960 au
Massachusetts Institute of Technology (MIT) et basé sur la théorie de la dynamique des
systèmes de Forrester (1958). Le Beer Game est un jeu de table qui permet à des équipes de
quatre joueurs de prendre en charge le pilotage opérationnel d’une chaîne logistique à quatre
centres en série, comme illustré à la Figure 1. L’objectif est de répondre efficacement aux
demandes du marché en réduisant les inventaires ainsi que les ruptures de stocks de manière à
minimiser les coûts globaux encourus par la chaîne logistique.
Figure 1: Chaîne logistique du Beer Game
Dans une démarche pédagogique conventionnelle, le Beer Game est utilisé sur une période
d’au plus quelques heures afin de démontrer les effets systémiques dans les chaînes
logistiques, dont l’effet coup de fouet ou bullwhip effect observé par Forrester (1961). Au
cours des dernières années, notre équipe de recherche a conçu et développé le XBeerGame
(Montreuil et al, 2009), un simulateur de pilotage de chaînes logistiques inspiré du Beer
Game, mais offrant des fonctionnalités et un potentiel expérimental largement supérieurs. Il
permet en particulier aux participants d’expérimenter de nombreux aspects liés au
comportement dynamique de ces chaînes, allant bien au-delà de l’effet coup de fouet.
La recherche rapportée dans cet article investigue le potentiel d’exploitation d’un simulateur
tel que le XBeerGame pour favoriser un intensif apprentissage expérientiel de multiples
facettes de la gestion des chaînes logistiques à travers un programme structuré de simulations
ciblées. Après une brève revue de littérature, l’article décrit l’espace d’apprentissage du
XBeerGame et catégorise les paramètres permettant de configurer des expériences. Ceci
permet de décrire le cadre expérimental générique qui sert à élaborer et à réaliser une
programmation d’apprentissage expérientiel. L’article décrit ensuite les résultats et les
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apprentissages tirés d’une expérience réalisée auprès des étudiants de l’Executive Master in
Global Supply Chain Management (EMGSC) de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne
(EPFL). Finalement des conclusions et des perspectives de recherche sont élaborées.
REVUE DE LA LITTERATURE
Malgré la simplicité du Beer Game, il s’agit de l’un des jeux de simulation d’affaire les plus
utilisés pour l’apprentissage et la compréhension des effets en cascade dans les chaînes
logistiques (Sterman, 1992; Lee et al. 1997a; Lee et al. 2004). Longtemps joué sur table, le
Beer Game est maintenant disponible en versions informatisées sur quelques sites web pour
des utilisations limitées, tel que celle développée par Jacobs (2000). À ce jour, plusieurs
groupes de recherche et organisations d’enseignement ont créé un ensemble de versions
informatisées, dont: Massachusetts Institute of Technology (http://beergame.mit.edu/),
Indiana University (http://jacobs.indiana.edu/beer/index.htm) et Swiss Federal Institute of
Technology (http://www.beergame.lim.ethz.ch/).
Plusieurs auteurs ont souligné les avantages de l’utilisation de jeux éducatifs, dont Gee (2003)
qui mentionne que les jeux offrent aux joueurs un environnement immersif les invitant à
penser de manière approfondie et les incitant à résoudre des problèmes d’un niveau élevé de
complexité. Selon Shaffer (2005), ces jeux permettent de développer une compréhension
contextuelle, pour explorer de nouvelles identités, créer des communautés de pratique et
appuyer l’apprentissage par l’action. Les jeux consolident aussi le transfert de connaissances
vers d’autres contextes (Oblinger, 2004). Dans le cas des chaînes logistiques, les simulations
ont pour but principal d’aider les étudiants dans leur apprentissage de l’impact global de
configurations alternatives des chaînes logistiques, de stratégies de gestion des chaînes,
d’approches collaboratives ou d’algorithmes de décision et d’heuristiques (Chen et al. 2000).
Il existe aussi des jeux logistiques qui permettent aux joueurs d’interagir avec des agents
logiciels qui implémentent des règles de décision simples (Nienhaus et al. 2006).
L’intégration d’agents logiciels qui simulent le comportement humain est abordée par
plusieurs auteurs dont Hall (2009) qui présente une vue prospective sur les courants
émergents dans la conception des jeux de simulation d’entreprise. Selon l’auteur, le
développement de jeux sérieux de simulation (Serious Game Movement) bénéficie de
l’utilisation de graphismes en trois dimensions, ainsi que d’agents qui interagissent avec le
joueur, afin de l’impliquer davantage dans le jeu et susciter son interaction. Smith (2010)
décrit l’évolution de la conception des jeux de simulation pour les militaires qui est similaire à
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l’évolution du jeu de la bière. L’auteur met l’accent sur les versions informatisées de cette
classe de jeux et insiste sur la nécessité d’investir plus d’efforts tant au niveau de la création
des données avant le jeu que lors de la collection et l’analyse des données après celui-ci.
Bien que l’utilisation des jeux de simulation dans les milieux pédagogiques semble
prometteuse, il existe plusieurs éléments qui doivent être pris en considération lors de leur
développement. Rieber (2005) a souligné qu’il arrive que les apprenants se concentrent
uniquement sur l’amélioration de leurs propres scores, sans s’engager dans une réelle
réflexion d’apprentissage. Il a aussi constaté que les apprenants doivent être guidés pendant le
jeu. Manske et Conati (2005) ont observé qu’il est difficile d’introduire des éléments
permettant aux étudiants de réfléchir par rapport au domaine de connaissances sans interférer
avec leur engagement dans le jeu. Par contre, Gentry et McGinnis (2008) s’inspirent de la
théorie de l’auto-détermination de Ryan et Deci (2000) pour proposer une idée innovatrice qui
consiste à impliquer les étudiants dans le processus de conception des scénarios de jeu afin de
stimuler d’avantage leur implication lors de leur participation au jeu. Mais selon Gentry et
McGinnis (2009), l’un des inconvénients de cette approche est que l’instructeur risque de
perdre le contrôle sur le contenu et les processus de la simulation.
Dobson et al. (2004) rapportent que les jeux de simulation d’entreprises sont des outils
efficaces d’apprentissage, cependant ils en énoncent quelques limites dont le manque de
rétroactions explicites directes par rapport aux étapes stratégiques du jeu. Aussi ils critiquent
la durée des jeux qui ne permet pas aux joueurs de se familiariser avec le jeu dans une
cadence convenable, et d’un autre côté, peut rendre difficile l’atteinte des objectifs de
l’entraînement. De plus, les jeux actuels affichent l’information sous des formes simplistes,
des tableurs par exemple, ce qui rend inintelligibles les informations fournies pendant le jeu.
Une autre limite rapportée par Dobson et al. (2004) est le manque de support technologique
lors du débriefing après le jeu. Il a été démontré qu’il existe plusieurs avenues de recherche
dans la conception des jeux de simulation d’affaire en général, et dans la conception des
versions informatisées du jeu de la bière. La conception de ces jeux se définit par plusieurs
aspects, dont la conception de l’environnement du jeu en lui-même, l’expérience de jeu ainsi
que la relation qu’entretient l’apprenant avec l’environnement du jeu.
XBEERGAME – ESPACE D’APPRENTISSAGE
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Le XBeerGame est simulateur immersif qui nous permet de reproduire le jeu classique d’une
chaîne logistique à 4 acteurs (Beer Game), mais également de concevoir des expériences
d’apprentissage plus complexes de pilotage des flux. Parmi les fonctionnalités que nous avons
développées afin de rendre les expériences plus pertinentes et réalistes, notons l’ajout d’un
ensemble d’outils d’analyse et de pilotage permettant à la fois de prendre en compte la
performance individuelle du joueur (ex: graphiques détaillés, revenus, coûts, profits et
niveaux de service), celle de ces partenaires d’affaires directs (ex: inventaire net, inventaire en
main et commandes en transit) ainsi que celle de toute la chaîne (ex: performance financière
et niveau de satisfaction). Une description de l’architecture de la plateforme
BusinessWebGame, sur laquelle le XBeerGame est bâti, des différents cockpits de gestion et
des paramètres de configuration est présentée dans Montreuil et al. (2009).
Au cours d’une simulation, chaque participant prend en charge le pilotage opérationnel de
l’un des centres d’une chaîne logistique. Son objectif est de répondre efficacement aux
demandes de son client en minimisant les inventaires et les ruptures de stocks. Il doit piloter
au mieux possible les flux de matières, les flux d’informations et les flux monétaires, entre le
centre et son fournisseur, ainsi qu’entre le centre et son client. La Figure 2 illustre ces flux.
Figure 2: Flux d’un centre avec son fournisseur et son client
Par le biais de parcours de formation ciblés, les participants sont amenés à comprendre les
enjeux de la gestion des chaînes logistiques et du pilotage des flux. Les parcours de formation
proposés dans cet article sont définis par un ensemble de paramètres génériques, dont les
objectifs de performance, le scénario de jeu, les outils de pilotage, la stratégie et la
collaboration entre les participants qui permettent de faire vivre un cheminement d’une
complexité croissante dans l’espace d’apprentissage selon les objectifs pédagogiques
identifiés. Les sections qui suivent présentent l’ensemble des options de configuration
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proposées par rapport à chacun des paramètres qui sont classifiés, sur une échelle croissante
de la variante la plus simple à la plus évoluée.
Objectifs de performance
Au cours d’une simulation, les participants peuvent monitorer leur performance à l’aide du
tableau synthèse des performances présenté dans leur cockpit. Selon l’objectif de la joute, ils
doivent minimiser leurs coûts (transport, inventaire, approvisionnement, arrérage, etc.) et
maximiser leurs revenus (ventes, annulations, arrérages) pour générer le maximum de profits,
de façon individuelle ou par équipe pour l’entière chaîne. La Figure 3 présente les différentes
options possibles en termes d’objectifs et de degrés d’information sur la chaîne logistique.
Chaîne logistique • SC0 : Aucune SC (mode solo) • SC1 : Chaîne non-identifiée • SC2 : Chaîne avec rôles connus • SC3 : Chaîne identifiée
Objectif • O0 : Objectif individuel • O1 : Objectif de centre (rôle) • O2 : Objectif de chaîne (équipe)
Figure 3: Paramètres de configuration pour les objectifs de performance
Le niveau le plus simple est celui où il n’y a pas explicitement de chaîne logistique et chaque
participant est directement lié avec son marché. Ce mode à un joueur (solo) simule la situation
idéale d’une chaîne où le fournisseur a un inventaire illimité et qu’il est toujours fiable à
100% dans les délais promis de livraison des commandes. L’objectif visé ici est individuel et
chaque joueur doit maximiser sa performance. Dans le cas d’une chaîne logistique non-
identifiée où chaque rôle de la chaîne est pris en charge par un joueur individualiste, les
participants ont un objectif de performance soit individuel, soit de centre. L’objectif de centre
vise à trouver le meilleure gestionnaire de chaque rôle, à savoir la meilleure usine, le meilleur
distributeur, etc. parmi tous les participants des différentes chaînes. Une chaîne logistique
non-identifiée reproduit la notion d’un fournisseur qui n’est pas toujours fiable. Selon les
réactions individuelles, et ne sachant pas qu’ils sont dans des chaînes logistiques, il y aura des
effets en cascade de la propagation de la demande plus ou moins importante. Dans le cas
d’une chaîne logistique où les participants connaissent les rôles de leurs partenaires d’affaires,
il est possible de définir différents objectifs, dont la gestion de chaque centre comme une
entreprise individuelle autonome. Ceci correspond au niveau habituellement joué dans le Beer
Game où les différentes entreprises travaillent en silo afin d’atteindre des objectifs
individuels. Les niveaux suivants misent sur la visibilité de la chaîne complète et des objectifs
d’équipe. L’effet de propagation des demandes sera généralement moins important que dans
les scénarios précédents en particulier si les participants ont déjà vécus l’un des scénarios
simplifiés. Afin de focaliser sur la performance de l’équipe, qui vise à être meilleure que les
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autres équipes, les participants peuvent avoir accès aux performances détaillées de tous les
acteurs de leur chaîne comme montré à la Figure 4.
Figure 4: Performance individuelle et performance de la chaîne logistique
Scénario de jeu
Le scénario de jeu utilisé dans les simulations du Beer Game traditionnel considère un seul
produit avec un patron de demande simple et déterministe, correspondant à une demande
stable suivie d’un saut de palier en milieu de joute, puis d’une autre période stable. Dans le
cas du XBeerGame, il est possible de configurer des patrons plus complexes, et ce pour
plusieurs produits. Les autres options du scénario de jeu sont l’accès à un historique pré-joute,
la configuration des délais dans le réseau, de même que la capacité de production et
d’entreposage, tel que montré à la Figure 5.
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Patron de demande • D0 : Stable • D1 : Stable avec saut de palier • D2 : Saisonnière • D3 : Lancement nouveaux produits
Incertitude demande • I0 : Demande déterministe • I1 : Demande légèrement
incertaine • I2 : Demande à forte incertitude
Historique pré-joute • H0 : Aucun historique • H1 : Historique local • H2 : Historique du marché • H3 : Historique partenaires • H4 : Historique chaîne complète
Réseau • R0 : Réseau simplifié, avec délais
identiques entre tous les centres
• R1 : Réseau local, avec délais courts mais variables selon les centres
• R2 : Réseau outremer, l’usine a un long délai de livraison
• R3 : Réseau global, avec plusieurs des centres qui sont dispersés et de longs délais
Capacité de production • U0 : Capacité de production
illimitée • U1 : Capacité de production limitée
par une cadence journalière
Capacité d’entreposage • E0 : Capacité d’entreposage
illimitée • E2 : Capacité d’entreposage limitée
par un nombre d’unités total (entreposage partagé)
• E3 : Capacité d’entreposage limitée par produit (entreposage dédié)
Figure 5: Paramètres de configuration pour le scénario de jeu
Outre les demandes stables et celles avec saut de palier qui sont plus conventionnelles, nous
avons développé des scénarios de demandes saisonnières qui sont plus représentatives du
marché des biens de consommation. Une autre innovation dans l’approche d’apprentissage est
la demande de lancement de nouveaux produits pour laquelle les participants doivent lancer la
production et déployer le stock dans la chaîne logistique avant la date de mise en marché
anticipée. Au début de la simulation, les participants ont accès à des prévisions du marketing
pour chacun des produits ainsi que tous les coûts et délais afin de déployer la stratégie qu’ils
estiment la plus profitable. Pour tous les patrons de demande il est possible d’associer une
incertitude plus ou moins grande, et de donner accès à un historique pré-joute. L’historique
pré-joute peut être local et donner des informations sur le centre seulement, il peut cibler tous
les partenaires d’affaires (voisins dans la chaîne) ou être plus collaboratif et donner accès à
l’historique complet de tous les acteurs de la chaîne logistique. Des exemples de demandes
avec variabilité, incertitude et historique, sont illustrés à la Figure 6.
Figure 6: Exemples de demande a) par palier, sans historique, faible variabilité, faible incertitude
b) saisonnière, avec historique, grande variabilité et incertitude pour un produit
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Pour simuler la mondialisation des marchés et le dispersement géographique des entreprises,
il est possible de configurer les paramètres et les délais du réseau. Dans le Beer Game le
réseau est simplifié et le délai entre chacun des acteurs est fixe. Ce scénario peut être
reproduit avec le XBeerGame, de même qu’un réseau local où tous les acteurs sont à
proximité mais dans lequel les délais varient d’un centre à l’autre. Dans le cas d’un réseau
global où les fournisseurs et les clients sont géographiquement dispersés partout sur la
planète, certains avec des délais de transport longs (par exemple des conteneurs qui transitent
de l’Asie vers l’Amérique), le maître de jeu peut initialiser la simulation avec des commandes
en transit qui arriveront dans les prochains jours.
Finalement, le scénario de jeu permet également de configurer la capacité d’entreposage des
différents centres ainsi que la capacité de production de l’usine. Celle-ci peut être illimitée
dans les scénarios de base ou limitée selon une cadence maximale par jour. Selon les objectifs
d’apprentissage visés, la demande moyenne peut fluctuer au dessus et en dessous de la
capacité journalière de l’usine, ce qui exige une anticipation des participants. Cette situation
est représentative des produits ayant des demandes saisonnières et des évènements spéciaux
(fêtes ou autres congés) dans le contexte des produits de biens de consommation. Lorsque la
capacité d’entreposage est restreinte pour l’un des centres de la chaîne, les options de
configuration d’entreposage incluent l’entreposage partagé et l’entreposage dédié par produit.
Lorsque le centre atteint la capacité qui lui est allouée, le gestionnaire du centre doit rediriger
les produits excédentaires soit vers son client (si des commandes existent), soit vers un centre
de stockage externe (avec des coûts associés), soit se départir des produits (rebus).
Outils de pilotage
Divers outils de pilotage peuvent être mis à disposition des participants selon les objectifs
d’apprentissage et la complexité du scénario de jeu souhaité. Le niveau de base est le cockpit
transactionnel dont les deux seules actions permises sont la passation de commandes au
fournisseur et la livraison de produits au client. Dans ce mode, le joueur est en situation de
réaction et doit prendre manuellement chacune des décisions. Le cockpit opérationnel propose
un ensemble d’outils d’aide à la décision qui permettent au joueur de faire le suivi des
décisions associées à son centre.
Le cockpit de pilotage permet alternativement au joueur de prendre des décisions de
paramétrage de politiques de gestion. Dans ce mode tactique, le joueur est responsable du
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choix des politiques et des seuils de commandes et d’expédition qui vont s’effectuer
automatiquement selon les paramètres définis. En tout temps, il peut outrepasser le mode
automatique et gérer manuellement les transactions comme dans les modes précédents.
Pilotage • P0 : Cockpit transactionnel • P1 : Cockpit opérationnel avec outil
d’aide à la décision • P2 : Cockpit de pilotage avec des
politiques de gestion
Graphiques et inventaires • G0 : Aucun • G1 : Centre (rôle) • G2 : Partenaires • G3 : Chaîne complète
Visibilité de la coloration • V0 : Aucun • V1 : Commandes et livraisons • V2 : Inventaire net centre • V3 : Inventaire net partenaires • V4 : Inventaire net chaîne
Communication • C0 : Aucune • C1 : Clavardage avec partenaires
directs • C2 : Clarvadage chaîne • C3 : Appels avec partenaires directs
(par vidéo conférence de type skype)
• C4 : Appels avec chaîne • C5 : De vive voix en personne
Localisation des participants en salle • L0 : Aléatoire • L1 : Répartie • L2 : Adjacente pour une chaîne • L3 : Salle dédiée par équipe
Stratégie • S0 : Aucune • S1 : Solo sans réajustement • S2 : Solo avec réajustement • S3 : Stratégie d’équipe préalable à
la joute • S4 : Stratégie d’équipe préalable à
la joute, avec réajustement • S5 : Stratégie intégrée et évolutive
d’équipe collaborative
Figure 7: Paramètres de configuration pour les outils de pilotage et de collaboration
Afin d’améliorer le pilotage des flux, différents outils d’aide à la décision peuvent être
intégrés dans les cockpits opérationnel et de pilotage. Un ensemble de graphiques et de
statistiques, tels que l’inventaire net, l’inventaire en main, les jours de couvertures, ainsi que
l’historique des commandes reçues de son client depuis le début de la joute, peuvent être
rendus disponibles ou non. La coloration des indicateurs permet aux participants un repérage
plus rapide des zones qui sont hors contrôle, par exemple la coloration des commandes et des
livraisons permet respectivement d’identifier lorsque notre fournisseur est en retard dans les
produits qui lui ont été commandés et lorsque le joueur lui-même est en retard dans ses
livraisons face à son client. Une coloration blanc signifie qu’il n’y pas de retard actuellement,
une coloration jaune signifie que la commande aurait due être expédiée (retard anticipé), alors
qu’une coloration rouge indique que la date de livraison promise est atteinte (retard effectif).
Stratégie et collaboration
Divers degrés de collaboration et de stratégies sont permis selon les objectifs visés par le
cadre de formation. La collaboration entre les participants est favorisée par les outils de
visualisation des informations des partenaires et de la chaîne, mais elle se concrétise par les
relations entre les gestionnaires des centres. Dans le cas où le degré de communication est
inexistant, les participants sont en mode isolé face à leurs décisions d’approvisionnement et
de livraison, ils sont généralement peu conscients de leur environnement et la collaboration
est très limitée voire inexistante. Lorsque des outils de communication dont le clavardage
avec les partenaires directs dans le simulateur ou la téléconférence (ex: skype) sont autorisés,
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le pilotage sera souvent plus efficace, et ce même si les participants n’ont pas défini de
stratégies à priori. L’espace d’apprentissage définit également la stratégie que les participants
peuvent préparer en lien avec une simulation. Cette stratégie peut être faite seul ou en groupe,
préalablement à la joute (avec historiques ou prévisions marketing) ou en cours de joute. Des
réajustements de stratégie peuvent être autorisés en continu au cours de joute ou à des
moments préétablis du déroulement de la simulation. La collaboration totale s’expérimente
lorsque les participants d’une même équipe ont un temps de préparation stratégique
collective, suivi d’une simulation où ils sont localisés dans une même salle et peuvent
communiquer directement de vive voix afin de mettre en place une stratégie intégrée et
évolutive d’équipe collaborative.
Pour permettre aux participants de mieux gérer leurs flux de produits, réduire leurs arrérages
et leurs surplus d’inventaire dans la chaîne, sous certaines conditions les clients peuvent
annuler des commandes à leur fournisseur si celui-ci est en retard. Cette annulation de
commandes peut être avec ou sans pénalité selon les paramètres choisis par le maître de jeu.
Inversement un fournisseur peut refuser des commandes à son client si celui-ci ne respecte
pas les règles préalablement entendues, en particulier concernant la taille maximale des lots.
Lorsque les refus sont effectués durant le délai spécifié, il n’y a pas de coûts associés.
La configuration de l’ensemble de ces paramètres permet d’orchestrer des scénarios et des
expérimentations favorisant d’une part le développement de compétences individuelles et des
compétences collectives dans la gestion des chaînes logistiques.
CADRE EXPÉRIMENTAL
Lors d’une formation de grande envergure, un scénario pédagogique spécifiant des acquis
d’apprentissage progressifs doit préalablement être établi à l’aide d’un plan systématique. Le
défi consiste ensuite à concevoir des joutes ciblées qui exploitent des simulations de durée
variable, souvent de 30 à 90 minutes, et permettent de garantir l’apprentissage expérientiel
spécifié dans le scénario pédagogique. Chaque joute doit être validée de façon expérimentale,
calibrée et réajustée au besoin avant utilisation effective dans un programme de formation.
Les jeux de simulation en gestion des opérations des chaînes d’approvisionnement permettent
aux étudiants de prendre conscience de l’importance de la collaboration. Cette collaboration a
été classée dans la littérature selon différents axes. Par exemple, Holweg et al. (2005)
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identifient quatre différentes configurations des chaînes d’approvisionnement selon deux
dimensions: la planification collaborative et la collaboration en gestion de l’inventaire. Ovalle
et Marquez (2003) prônent l’utilisation des outils de e-collaboration pour la gestion des
chaînes d’approvisionnement et soulignent que la collaboration passe par le partage de
l’information. Pour mettre en place ces outils, les partenaires doivent passer par deux étapes à
partir de la non-collaboration, aux prévisions collaboratives, puis enfin à la planification
collaborative. Simatupang et Sridharan (2005) proposent un indice pour quantifier le niveau
de collaboration dans une chaîne d’approvisionnement. Ils le mesurent selon trois dimensions
inter-reliées: le partage de l’information, la synchronisation de la décision et l’alignement des
motivations qui est le degré avec lequel les partenaires de la chaîne partagent les coûts,
risques et bénéfices. Meca et Timmer (2008) précisent que la collaboration peut se faire de
manière verticale, entre client et fournisseur. Elle peut aussi bien se faire de manière
horizontale c'est-à-dire entre plusieurs fournisseurs au même niveau de la chaîne.
Conception expérientielle
Le scénario pédagogique proposé doit prévoir une progression de la complexité et des
objectifs d’apprentissage afin de permettre aux participants de comprendre et d’expérimenter
les techniques de base avant de s’engager dans des expériences plus évoluées misant sur la
visibilité, le partage d’information et la collaboration dans la chaîne logistique. Pour décrire
cette démarche de conception, nous expliquerons comment nous avons exploité les
paramètres de l’espace apprentissage afin de concevoir une semaine d’intégration en
logistique dans le cadre l’Executive Master in Global Supply Chain Management (EMGSC)
de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
Afin d’explorer l’espace d’apprentissage incluant différents niveaux de complexité, nous
avons élaboré et proposé un ensemble de treize expériences de simulations basé sur quatre
blocs, tel qu’illustré au Tableau 1. Le premier bloc focalise sur l’apprentissage individuel
dans un contexte simplifié d’une chaîne à un seul centre, où les approvisionnements sont
fiables. Un deuxième bloc introduit la dynamique des chaînes logistiques et vise à démontrer
les impacts de la non-disponibilité des stocks chez le(s) fournisseur(s). Dans le troisième bloc,
les participants sont introduits aux spécificités de chacun des rôles dans la chaîne logistique
ainsi qu’aux règles d’affaires qui régissent le système. Dans ce bloc les participants doivent
optimiser leur centre dans la chaîne afin d’être le meilleur pour leur type de centre.
Finalement un quatrième bloc introduit des outils de collaboration intégrée permettant aux
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membres de chaque équipe de travailler ensemble dans un objectif commun d’optimisation
des performances de la chaîne.
Le cheminement proposé dans le premier bloc met l’emphase sur les différents patrons de
demande et d’incertitude, les historiques, la visibilité ainsi que la localisation du réseau de
fournisseurs. Le bloc débute en 1.1 avec une demande stable (D0) et des fournisseurs locaux
(R1). Les fournisseurs outremer (R2) sont introduits en 1.2, alors qu’en 1.3 une demande
saisonnière (D2) est proposée en combinaison avec un fournisseur local et l’autre outremer
(R1 + R2). Bien que la demande est saisonnière dès le scénario 1.3 les participants n’en ont
aucune connaissance à priori (H0), et ce n’est qu’en 1.4 que les historiques de demandes (H1)
deviennent disponibles afin d’aider les participants dans le pilotage de leur centre.
Dans les scénarios du bloc 2, la chaîne passe à 4 acteurs et différents paramètres de demandes
sont exploités. En 2.1, un patron de demande simple avec saut de palier (D1) sans historique
(H0) est utilisé, alors qu’en 2.2 il s’agit d’une demande saisonnière (D2) avec historique local
(H1). Le détaillant est le seul acteur de la chaîne à connaitre l’historique du marché, alors que
les autres ont une information partielle sur les commandes reçues qui peuvent être, ou non,
une amplification de la demande réelle. En 2.3, tous les participants sont identifiés dans la
chaîne (SC2), mais ils n’ont aucun outil de communication (C0) leur permettant de collaborer.
Ils ont en plus de leur historique local (H1), une information générale sur le patron de la
demande au niveau du marché. Finalement en 2.4, les participants doivent gérer la chaîne
pour le lancement de deux nouveaux produits (D3) dans une chaîne identifiée mais non-
collaborative (SC2). Ils sont informés des phases possibles suite au lancement (croissance,
stabilité, maturité et déclin) par l’équipe marketing mais n’ont pas d’historique (H0) leur
permettant d’en estimer l’amplitude. L’annulation et le refus de commandes sont autorisés
entre les clients et les fournisseurs, sujet à des coûts de pénalité.
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Tableau 1: Paramètres des différents blocs
paramètre
code
Bloc 1 Individuel
Bloc 2 Individuel dans
une chaîne
Bloc 3 Rôle dans une chaîne
Bloc 4 Chaîne intégrée
1.1 1.2 1.3 1.4 2.1 2.2 2.3 2.4 3.1 3.2 4.1 4.2 4.3
Objectifs de performance
Objectif O 0 0 0 0 1 1 2 2 3 3 3 3 3
Chaîne logistique SC 0 0 1 1 0 0 1 1 1 1 2 2 2
Scénario de jeu
Patron de demande D 0 0 2 2 1 2 2 3 2 2 2 2 3
Incertitude demande I 0-1 0-2 1-2 1-2 0-2 1 1-2 0-2 0-1 1-2 1-2 1-2 0-1
Historique pré-joute H 0 0 0 1 0 1 1 0 0 0 2 2 0
Réseau R 1 2 1-2 1-2 1-2 1 1 1 1 2 1-2 3 2 Capacité de
production et d’entreposage
U + E 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Outils de pilotage et de collaboration
Pilotage P 0 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 1 1 Annulation et
refus --- n n n n n n n o o o o o o
Graphiques et inventaire G 0 0 1 1 0 1 1 1 2 2 3 3 3
Visibilité de la coloration V 0 0 1+2 1+2 1+2 1+2 1+2 1+2 1+3 1+3 1+4 1+4 1+4
Communication C - - - - 0 0 0 0 1 1 1 / 3 1 / 3 3 / 5Localisation participants L 0 0 0 0 1 1 1 1 1 1 1 2 3
Stratégie S 0 0 0 1 0 1 1 1 0 2 3 3 4
Dans le bloc trois, toutes les chaînes sont identifiées (SC3), les participants ont une visibilité
(V2) sur les demandes et les inventaires de leurs partenaires d’affaires directs (client et
fournisseur) et ils sont encouragés à collaborer par l’utilisation du clavardage (C1). En 3.1,
une demande saisonnière (D2) sans historique (H0), mais avec une connaissance générale du
patron est proposée, de plus tous les délais dans la chaîne sont courts et connus (R1). En 3.2,
les caractéristiques des demandes sont similaires, mais l’usine a un délai de livraison de 21
jours représentant une localisation outremer (R2). Le temps de réponse de la chaîne est plus
long et le déploiement stratégique des inventaires selon les délais peut faire la différence entre
une équipe performante et une équipe ayant constamment des arrérages.
Finalement le bloc 4 mise sur les stratégies d’équipe (S3 et S4) afin de créer des chaînes
logistiques performantes peu importe la complexité du scénario de jeu (D2-D3, I0-I2, H0-H2,
R1-R3). Pour ce bloc, l’objectif devient la performance de la chaîne (SC4) par rapport aux
autres chaînes, la Figure 9 montre les outils supplémentaires qui sont disponibles. Dans le
scénario 4.1 l’usine est localisée outremer (physiquement au Québec) et les joueurs sur le
même site sont physiquement ensemble (distributeur, grossiste et détaillant en Suisse). Avant
de démarrer cette joute, les membres de sites différents communiquent par Skype et ils ont
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généralement de 20 à 50 minutes pour établir collectivement une stratégie d’équipe. Tous
connaissent l’historique de demande du marché (H2) dont le patron est saisonnier (D2). En
4.2, le réseau devient global (R3) avec l’usine en Asie, le distributeur en Europe, le grossiste
et le détaillant en Amérique. Les joueurs ont jusqu’au lendemain pour établir leur stratégie. Le
match 4.3 propose un scénario de lancement de nouveaux produits (D3) pour lequel
l’historique est remplacé par une prévision large bande du marketing pour les deux produits.
L’usine est localisée en Asie (R2) et les participants ont 50 minutes pour établir une stratégie
d’équipe (S4).
Tel que montré par l’exemple des ateliers du EMGSC, le programme d’apprentissage élaboré
doit prévoir une introduction graduelle des différents outils de pilotage. La Figure 8 montre
l’évolution des différents cockpits de gestion à partir du cockpit transactionnel du premier
bloc jusqu’au cockpit collaboratif du quatrième bloc.
Figure 8: Interface du cockpit de gestion individuel (a) sans identification du réseau - scénario 1.1 et 1.2
(b) avec visibilité du réseau et outils avancés - bloc 4
Validation
Afin de s’assurer que les paramètres choisis et que la progression dans l’espace
d’apprentissage permettent d’atteindre les objectifs fixés de l’expérience d’apprentissage, il
est important de valider chacun des scénarios de façon expérimentale. Ceci permet de calibrer
et de réajuster au besoin un ou plusieurs des paramètres de scénarios. Le mode de validation
le plus simple à mettre en place est celui de la simulation par des agents virtuels. Les agents
virtuels peuvent reproduire des comportements typiques de joueurs ou appliquer les
techniques mondialement reconnues afin de générer des comparatifs de performances. Le
scénario peut également être mis à l’épreuve par une équipe experte de joueurs humains.
Ceux-ci ont l’avantage de pouvoir communiquer directement de façon verbale ou écrite afin
de s’échanger des messages contenant divers types d’informations permettant une meilleure
prise de décision collaborative au sein de l’équipe. La validation idéale consiste à utiliser un
groupe de joueurs humains qui ont les mêmes connaissances et compétences que le groupe
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ciblé lors de l’expérience. Ceci permet d’anticiper les résultats et de s’assurer que les objectifs
visés seront réellement atteints par le groupe. Toutefois cette approche de validation est plus
difficile à mettre en place.
Figure 9: Interfaces et outils des participants – bloc 4
RÉSULTATS ET EXPÉRIENCES ACQUISES
Afin de s’assurer de l’atteinte des objectifs par les participants, un mode d’évaluation hybride
a été mis en place dans le cadre des ateliers EMGSC. D’un part la performance obtenue
(profits ou pertes) est compilée, basé sur l’objectif de la simulation qui peut être soit
individuel, de centre ou de chaîne. D’autre part les participants sont évalués sur leur
comportement et leur participation individuelle ou au sein de leur équipe. Finalement des
rapports de stratégies et d’apprentissage sont produits afin de synthétiser les leçons apprises.
L’utilisation d’un simulateur participatif tel que le XBeerGame, dans le cadre d’un
programme d’apprentissage structuré, basé sur l’introduction progressive des notions en
gestion des chaînes logistiques, permet aux participants d’expérimenter et d’améliorer leurs
techniques de gestion des approvisionnements et des stocks lors des premières joutes, mais
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également de réaliser les impacts des décisions individuelles sur l’ensemble d’une chaîne ou
d’une entreprise lors des simulations suivantes.
Nous avons réussi avec le premier bloc à montrer le compromis entre la satisfaction des
consommateurs et le niveau d’inventaire requis pour répondre à la demande. En vivant les
effets des surplus d’inventaire et ceux des arrérages dans une chaîne toujours fiable, un des
participants nous a confié avoir compris en temps réel ce compromis crucial dans les
entreprises. « Il faut faire des compromis pour atteindre les objectifs et savoir s’adapter en
fonction de l’évolution du marché et des ressources disponibles ».
Figure 10: Profits individuels par joueur - bloc 1
Cet effet de compromis est particulièrement ressenti au cours de la joute 1.1 où les
participants n’avaient aucune information sur le volume de la demande et devaient réagir aux
commandes passées par leur client. Leur défi était d’interpréter correctement les informations
à disposition pour en extraire une stratégie flexible permettant d’optimiser la gestion du centre
de façon à maximiser le niveau de service et minimiser les coûts. Par la suite, lorsque des
informations sur la demande ont été rendues disponibles (ex: historique à la joute 1.4), une
stratégie individuelle a pu être élaborée et les performances se sont améliorées, tel que montré
sur la Figure 10. Les résultats montrent clairement une amélioration dans le premier bloc
entre les joutes 1.1 et 1.4, dont la médiane des profits grimpe de -179 123$ à 412 390$, ce qui
est attribuable principalement par l’accès à des informations supplémentaires de pilotage dont
les graphiques locaux et l’historique de demande.
Le deuxième bloc a introduit les participants dans des chaînes non-collaboratives et a permis
de démontrer les impacts de la non-disponibilité des stocks chez les fournisseurs en amont
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dans cette chaîne. Chaque participant devait maximiser son profit individuel ou de centre,
ainsi certains d’entre eux ont fait du profit au détriment de leurs collègues en misant sur des
commandes impossibles à satisfaire qui ont engendré des revenus d’arrérage élevés. Les
étudiants ont ainsi appris que, peu importe leur stratégie, ils sont toujours dépendants des
comportements des autres acteurs dans la chaîne, de leur interprétation de la demande, des
prévisions et des règles du jeu. Même une stratégie parfaite ne peut pas atteindre les résultats
anticipés si le fournisseur est lourdement en retard ou que le client commande des lots hors-
normes sans avertissement. Les participants ont compris les enjeux de chacun des différents
rôles de la chaîne logistique et l’importance d’adapter leur stratégie de pilotage au centre dont
ils sont responsables, selon les paramètres de revenus et de coûts associés (voir Figure 11). De
plus, au travers l’expérience ils ont réalisé de façon concrète que tous les acteurs peuvent
influencer le succès ou l’échec de la chaîne de par les interrelations de leur comportement.
Figure 11: Coûts et revenus par centre - bloc 2
Dans les chaînes logistiques collaboratives d’entreprises indépendantes du bloc 3, les
participants ont réalisé l’importance de viser des buts communs malgré les objectifs
individuels, et d’avoir une communication efficace. Ils ont pu échanger avec leurs partenaires
d’affaires (client, fournisseur) par l’interface de clavardage intégrée au jeu, mais dans certains
cas l’information ne s’est pas propagée dans la chaîne, ou s’est propagée avec un délai tel que
l’information transmise était désuète. De plus, il a été difficile pour plusieurs joueurs de
définir une stratégie commune au sein de leur équipe, certains joueurs ne faisant preuve
d’aucune souplesse, ce qui a créé des conflits et des tensions au sein de certaines chaînes.
L’objectif du bloc 4 a été d’apprendre aux participants à travailler en collaboration dans un
objectif commun de maximiser la performance de la chaîne. Pour la joute finale (4.3), chaque
2.1 2.2
2.3 2.4
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équipe a été installée dans une salle distincte, ce qui leur a permis de discuter directement
entre eux. Cette proximité des coéquipiers, le partage d’information et le réajustement de
stratégie en cours de simulation s’est effectué de façon plus efficace que dans les blocs
précédents. Ils ont réalisé l’importance de prévoir des plans de contingence en cas
d’évènements hors des zones de prévision et de faire preuve de flexibilité.
SYNTHÈSE ET CONCLUSION
L’exploitation de simulateurs participatifs pour la formation en gestion des chaînes
logistiques offre un potentiel d’innovation pédagogique et d’amélioration d’efficacité
d’enseignement. Nous avons proposé une nouvelle approche d’apprentissage basée sur une
progression structurée des participants dans un espace rigoureusement défini. Le cadre
expérimental présenté permet aux participants de vivre des parcours de formation basés sur
des scénarios pédagogiques préalablement établis, plutôt que de simples expériences
ponctuelles. Nous avons montré comment concevoir, exploiter et valider ce cadre
expérimental en utilisant en exemple la semaine d’intégration de l’Executive Master in Global
Supply Chain Management de l’EPFL. L’ensemble des simulations XBeerGame réalisées au
cours de ce parcours de formation ont été présentées afin de démontrer le potentiel de
l’apprentissage expérientiel et de l’impact des différents paramètres sur le pilotage des flux et
la performance de gestion des chaînes logistiques.
Dans une société de savoir, où l’esprit des gens est l’un des facteurs différenciateur pour les
entreprises, le succès de ces ateliers a permis de réaffirmer une motivation conjointe entre
l’Université Laval et l’EPFL de poursuivre le développement et l’exploitation des simulations
pour la formation des gestionnaires. Au cours des prochaines années, l’espace d’apprentissage
sera enrichi par l’introduction de nouvelles fonctionnalités telles que la variabilité de la
demande du marché en fonction des performances de service de la chaîne logistique. De plus
les scénarios pédagogiques seront renforcés en fonction des expériences acquises et des
évaluations des formations expérientielles réalisées.
REMERCIEMENTS
Les auteurs remercient la Chaire de Recherche du Canada en Ingénierie d’Entreprise, le Fonds
APTIC de l’Université Laval pour le support financier des recherches, ainsi que la Fondation
Canadienne de l’Innovation pour le financement d’infrastructure des laboratoires. Les auteurs
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remercient également Anne-Sylvie Borter, Marc Matthey, Souleiman Naciri de l’EPFL ainsi
qu’Alexandre Morneau de l’Université Laval pour leur implication lors des ateliers EMGSC.
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