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1 AMNESTY INTERNATIONAL PUBLIC EUR 13/004/00 Section Française SF 00 CO 260 76, Bd de la Villette 75940 PARIS CEDEX 19 AUTRICHE ALLEGATIONS DE MAUVAIS TRAITEMENTS SUR DES PRISONNIERS En novembre 1999, le Comité des Nations Unies contre la Torture a examiné à Genève le second Rapport Périodique de l'Autriche décrivant les mesures prises par ce pays pour mettre en application ses obligations au titre de la Convention contre la Torture et autres Traitements ou Châtiments Cruels, Inhumains ou Dégradants (Convention contre la Torture). Après étude du rapport soumis par l'Autriche, le Comité contre la Torture a exprimé un certain nombre de préoccupations qui reflètent certaines des craintes émises par Amnesty International concernant les allégations de mauvais traitements dans ce pays. Parmi ses préoccupations, le Comité contre la Torture a noté le fait qu'en Autriche des allégations de mauvais traitements par la police sont encore signalées. Devant la poursuite de ces allégations, le Comité contre la Torture a recommandé que des instructions

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AMNESTY INTERNATIONAL

PUBLIC EUR

13/004/00

Section Française

SF 00 CO 260

76, Bd de la Villette

75940 PARIS CEDEX 19

AUTRICHE

ALLEGATIONS DE MAUVAIS TRAITEMENTS

SUR DES PRISONNIERS

En novembre 1999, le Comité des Nations Unies contre la Torture a

examiné à Genève le second Rapport Périodique de l'Autriche décrivant les

mesures prises par ce pays pour mettre en application ses obligations au

titre de la Convention contre la Torture et autres Traitements ou

Châtiments Cruels, Inhumains ou Dégradants (Convention contre la Torture).

Après étude du rapport soumis par l'Autriche, le Comité contre la Torture a

exprimé un certain nombre de préoccupations qui reflètent certaines des

craintes émises par Amnesty International concernant les allégations de

mauvais traitements dans ce pays. Parmi ses préoccupations, le Comité

contre la Torture a noté le fait qu'en Autriche des allégations de mauvais

traitements par la police sont encore signalées. Devant la poursuite de ces

allégations, le Comité contre la Torture a recommandé que des instructions

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claires soient données à la police par les autorités compétentes pour que les

agents de police évitent tout recours aux mauvais traitements. Ces

instructions devraient souligner que les mauvais traitements de la part des

responsables de l'application des lois ne seront pas tolérés, qu'ils feront sans

retard l'objet d'une enquête, et seront punis en cas d'abus comme l'exige la

loi.

Outre la Convention contre la Torture, l'Autriche a aussi ratifié les autres traités

internationaux interdisant la torture et les traitements ou châtiments cruels, inhumains ou

dégradants, dont le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) en

1978 et la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés

Fondamentales (Convention Européenne) en 1989. Depuis qu'elle a ratifié le PIDCP,

l'Autriche a soumis des rapports périodiques au Comité des Droits de l'Homme. Le

gouvernement autrichien a également autorisé la publication des rapports du Comité

Européen pour la Prévention de la Torture (CPT) après ses visites dans les lieux de détention

et prisons d'Autriche en 1990 et 1994, ainsi que les réponses du gouvernement aux

questions et recommandations avancées par le CPT. Suite à sa visite de 1990 dans divers

lieux de détention, le CPT déclarait dans le résumé de ses principales conclusions : Prenant

aussi en compte les faiblesses sur certaines des garanties essentielles contre les mauvais

traitements qui ont été notées au cours de la visite, le CPT est parvenu à la conclusion qu'il

existe, pour les détenus, de sérieux risques de mauvais traitements quand ils sont sous la

garde de la police. En 1994, le CPT est retourné en Autriche, et dans son rapport au

gouvernement autrichien publié en octobre 1996, il a signalé avoir relevé, au cours de sa

visite, "un nombre considérable d'allégations de mauvais traitements sur des personnes par

la police, qui dans certains cas "s'apparentent à la torture". Le CPT a repris la

principale conclusion de son précédent rapport, publié en 1991, selon

laquelle les personnes détenues par la police couraient de sérieux risques de

mauvais traitements, et a fait des recommandations pour remédier à ces

abus.

En septembre 1999, le CPT est revenu pour une visite de 12 jours, la

Rapport d'Amnesty International, p.75

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troisième de ses visites périodiques en Autriche, dont les conclusions n'ont

pas encore été rendues publiques. Mais, au cours des délibérations du Comité

contre la Torture à Genève le 11 Novembre 1999, le Directeur Général du

Ministère de l'Intérieur Szymanski a déclaré, en réponse à une question d'un

membre du Comité, qui demandait si le troisième rapport du CPT

contiendrait encore la phrase : il existe un risque sérieux de mauvais

traitements pour les détenus sous la garde de la police : j'ai l'impression que

c'était le sentiment de tous ceux qui étaient en contact avec le Comité que le

rapport concernant la troisième visite ne contiendrait plus cette 'fameuse

phrase. Amnesty International attend avec beaucoup d'intérêt la publication

du rapport du CPT sur sa visite de 1999 en Autriche.

Amnesty International continue à recevoir des informations faisant état

d'allégations de mauvais traitements de détenus aux mains de la police

autrichienne, dans bien des cas au cours de leur arrestation. Une grande

majorité de ces allégations proviennent d'Autrichiens qui ne sont pas de race

blanche et de ressortissants étrangers. La plupart indiquent qu'ils ont été

soumis, à plusieurs reprises, à des coups de pied, de poing, et de genou,

battus avec des matraques et aspergés de gaz poivre après avoir été

immobilisés. Dans bien des cas, les allégations de mauvais traitements ont

été confirmées par des certificats médicaux. Au cours de leur premier séjour

en garde à vue, certains prisonniers ont été conduits par les policiers qui les

avaient arrêtés dans un centre médical pour y recevoir des soins. Les

policiers auraient également tenu des propos racistes dans certains cas.

Amnesty International est préoccupée du fait que lorsque des plaintes ont

été dûment déposées et que des enquêtes ont été ouvertes sur des allégations

de mauvais traitements par la police, ces opérations se sont révélées lentes,

incomplètes, et souvent vaines. Ce document évoque aussi bien les problèmes

soulevés par les mauvais traitements en Autriche qu'un certain nombre de

cas d'allégations de mauvais traitements, et présente les recommandations

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d'Amnesty International.

Insuffisances dans les enquêtes sur des allégations de mauvais traitements

Les articles 12, 13 et 16 de la Convention de l'ONU contre la Torture

exigent de chaque Etat qu'il diligente une enquête impartiale chaque fois

qu'il existe de bonnes raisons de penser qu'un acte de torture ou un autre

traitement cruel, inhumain ou dégradant a été commis. Ces dernières

années, Amnesty International a exprimé à plusieurs reprises sa

préoccupation devant le fait que, lorsque des plaintes ont été dûment

déposées et que des enquêtes judiciaires ont été ouvertes sur des allégations

de mauvais traitements par la police, elles ont été lentes, souvent

incomplètes et vaines. L'impartialité d'un certain nombre d'enquêtes

criminelles sur des allégations de mauvais traitements a également été mise

en cause, et l'on signale que le Parquet considère souvent les preuves

présentées en faveur d'un policier soupçonné comme plus crédibles que celles

qui vont dans le sens de la victime. Amnesty International ne connaît que

très peu d'enquêtes judiciaires sur des allégations de mauvais traitements qui

ont été suivies de poursuites contre les policiers. En réponse à une question

d'un parlementaire en juillet 1999, l'ex-ministre de l'Intérieur, Karl Schlögl,

aurait admis qu'en 1997 il n'y a pas eu une seule poursuite sur 343 plaintes

enregistrées pour mauvais traitements par la police et les gendarmes, et en

1998 un seul cas de poursuite pour 356 plaintes enregistrées, même si dans

un très petit nombre de cas on attend encore une décision. De plus, dans un

certain nombre de cas connus de l'Organisation, où les officiers ont été

reconnus coupables de mauvais traitements sur des détenus, les sentences

prononcées contre les policiers coupables ont été symboliques.

Les allégations de mauvais traitements sur Mohammed Ali Visila par la

police.

Amnesty International a exprimé sa préoccupation concernant une agression

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qui aurait été commise par des officiers de police contre un citoyen français

d'origine africaine, Mohammed Ali Visila. Ces allégations de mauvais

traitements exercées par la police sur la personne de Mohammed Ali Visila

ont été largement rapportées par les médias autrichiens. Les faits se sont

produits juste avant minuit le 3 mars 1999 à la station de métro de

Schottenring à Vienne. Selon les déclarations de témoins oculaires et la

couverture de l'incident par la presse autrichienne, Mohammed Ali Visila a

été poussé dans la salle de contrôle de la station et attaqué par deux officiers

de police. Les témoins oculaires ont déclaré avoir vu les deux policiers donner

des coups de poing, des coups de pieds, et battre l'homme avec des

matraques en caoutchouc pendant qu'il gisait au sol dans la salle de contrôle.

De plus il a été aspergé de gaz poivre, mais seulement après qu'on l'ait

forcé à se coucher et battu. Finalement d'autres policiers sont arrivés et le

blessé a été emporté sur un brancard à l'hôpital Lorenz Boehler où ses

blessures ont été soignées.

Amnesty International a trouvé inquiétantes les allégations selon lesquelles les

deux policiers auraient tenu des propos racistes. Des témoins ont rapporté

que les officiers de police ont insulté la victime, le traitant de "putain de sale

nègre" ( Du dreckige Negersau) et de "putain de négro" ( Negersau). De

plus, les policiers auraient continué à utiliser un langage raciste lorsqu'ils ont

eu affaire à la foule des gens qui avaient été témoins de cette agression. L'un

des policiers aurait demandé à une femme qui avait vu la scène pourquoi elle

s'inquiétait tant au sujet d'un "négro"? (Wie ist das so mit einem Neger ?).

Mohammed Ali Visila a été traduit en justice en avril 1999, accusé de

résistance à l'arrestation et de blessures physiques sur les policiers. Amnesty

International ne connaît pas la nature des blessures que ces derniers auraient

reçues. Mohammed Ali Visila a été condamné à une peine de prison de neuf

mois, dont huit avec sursis. Pendant le procès Mohammed Ali Visila a

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déclaré qu'il ne se souvenait pas des détails de l'incident. Le juge lui aurait

demandé s'il avait frappé les officiers de police à l'aide d'un poteau de

signalisation en bois. Il a répondu "Peut-être, je ne sais pas". Quand le juge

lui a demandé si les policiers l'avaient battu de sorte qu'il avait eu besoin de

soins à l'hôpital, il a répondu "Peut-être". Depuis son arrestation le 3 mars

1999, le détenu avait déjà passé près d'un mois en détention en Autriche.

Peu après le procès il a été autorisé à retourner à Hanovre en Allemagne où

il habite et travaille.

Amnesty International a écrit au Ministre de l'Intérieur en avril 1999,

demandant à être informée d'une éventuelle enquête sur les allégations de

mauvais traitements et pour savoir si des mesures disciplinaires avaient été

prises contre les officiers de police concernés. Amnesty International a

également exprimé sa préoccupation concernant les allégations d'utilisation

de propos racistes par les policiers et a demandé quelles mesures les

autorités prenaient pour s'attaquer au racisme dans les forces de police

autrichiennes. En décembre 1999 Amnesty International a reçu une réponse

des autorités autrichiennes indiquant qu'après avoir étudié les preuves

disponibles le Procureur de l'Etat avait considéré qu'un verdict de culpabilité

concernant les deux officiers de police accusés de mauvais traitements n'était

pas envisageable et qu'aucune nouvelle action ne serait entreprise contre les

deux officiers de police.

Au cours de ses investigations sur ces allégations de mauvais traitements,

Amnesty International s'est trouvée préoccupée par les commentaires qui

auraient été faits par des représentants haut placés de la police concernant

la fiabilité des cinq témoins oculaires. Bien que les mauvais traitements se

soient produits le 3 mars, les cinq témoins oculaires n'ont été interrogés par

les autorités que le 23 mars, et pendant ce temps Mohamed Ali Visila était

maintenu en détention. Le 19 mars le plus haut gradé de la police

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viennoise, l'Inspecteur Chef Franz Schnabl, aurait mis en cause la fiabilité des

déclarations des témoins oculaires aux médias avant que les interrogatoires

officiels de ces témoins n'aient eu lieu. Amnesty International est préoccupée

du fait que cette déclaration visait peut-être à discréditer les cinq témoins

oculaires. Les commentaires faits par le dirigeant du syndicat de la police

(Freiheitliche Polizeigewerkschaft), l'Inspecteur de District Joseph Kleindienst,

à peu près au même moment, ont peut-être également constitué une

violation de l'article 13 de la Convention contre la Torture selon laquelle les

témoins oculaires doivent être protégés de toute espèce de mauvais

traitement ou intimidation. Il aurait déclaré à une agence de presse

autrichienne : "Je me prépare à intenter une action en justice contre ces

témoins oculaires pour divers délits passibles de sanctions. On ne peut pas

admettre que des officiers de police soient professionnellement et

personnellement mis en cause par des allégations inexactes" ( Ich bereite

gegen diese Zeugen ine Anzeige wegen diverser strafbarer Handlungen vor.

Es kann nicht sein, dass Polizisteb durch unwahre Behauptungen dienstliche

und private Nachteile erleiden.).Il aurait également déclaré que : "Ils [les

témoins oculaires] veulent seulement protéger des africains noirs

trafiquants de drogue de la police et non pas le contraire, protéger les

parents et les enfants contre ce genre de criminels" (Diese wollen ja nur die

drogendealenden Schwarzafrikaner vor der Polizei schützen un nicht,

umgekehrt, Eltern und Kinder vor derartigen Kriminellen).

Les allégations de mauvais traitements sur le Dr C par la police

En avril 1999, Amnesty International a écrit à l'ex-Ministre de l'Intérieur,

Karl Schlögl, pour exprimer sa préoccupation devant le traitement

apparemment raciste infligé à un détenu par la police autrichienne. En

novembre 1998, un citoyen autrichien noir aurait été maltraité par des

officiers de police. La victime a été citée très souvent par les médias

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autrichiens sous le nom de docteur C. Le soir du premier novembre 1998, le

docteur C et sa famille quittaient la maison d'un ami dans le 22ème district

de Vienne. Après avoir fait marche arrière dans une rue en sens unique, le

docteur C a vu approcher un véhicule de police. L'un des policiers de la

voiture aurait baissé sa vitre et crié : "Pourquoi roules-tu en sens interdit,

Négro ? Sors de ta voiture tout de suite ! C'est un contrôle ! Si tu ne

montres pas ton passeport avant que j'aie compté jusqu'à 3, tu finis dans le

canal" (Warum fährst du gegen die Einabhn, du Niggerant ? Stieg sofort

aus ! Das ist eine Razzia ! Ich zähel bis drei, wenn du dann nicht den Paß

hervorgeholt hast, landest du in Kanal !). Un des officiers de police aurait

encore insulté le docteur C lorsqu'il s'est avéré qu'il ne pouvait présenter son

passeport : "C'est malheureux que tu sois un Négro ! Les Négros sont des

trafiquants de drogue !" (Ein Pech, dass du ein Nigger bist ! Nigger sind

Drogendealer !). Selon les déclarations des témoins, pendant ce temps les

officiers ont poussé le docteur C dans un buisson de ronces et l'ont battu

jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Pendant que le docteur C gisait sur le sol

inconscient, la police lui a passé les menottes, en continuant à le battre

jusqu'à ce qu'il reprenne conscience. La femme du docteur C déclare que

pendant cette agression l'un des officiers de police criait à son collègue,

"Casse-le pour qu'il ne puisse plus marcher !" (Machts ihn lahm, bis er

nicht mehr gehen kann !) et "Brise-lui les articulations pour qu'il ne puisse

plus marcher !" (Bearbeitet seine Gelenke, dass er nicht mehr gehen kann !).

Un troisième officier de police est arrivé sur les lieux et les policiers ont

arrêté le docteur C et l'ont conduit au poste de police. À son arrivée au

poste la victime a été incapable de sortir de la voiture de police en raison

de ses blessures. Les trois officiers de police auraient jeté le docteur C hors de

la voiture et l'auraient entraîné dans le poste de police. Là, les policiers ont

d'abord refusé au docteur C des soins médicaux. Cependant, ses blessures

étaient si graves qu'ils ont finalement appelé un auxiliaire médical de

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l'hôpital local qui a ordonné d'hospitaliser immédiatement le docteur C. Il a

été conduit à l'hôpital Ost SMZ où il a été soigné. Le médecin chef de

l'hôpital a déclaré qu'il y avait "des signes clairs de mauvais traitements" sur

la victime. En raison de ses blessures aux articulations le docteur C a passé

11 jours à l'hôpital, souffrant des genoux et des coudes. Ses bras et ses

jambes ont été plâtrés et on lui a donné des médicaments pour fluidifier le

sang et prévenir la thrombose. Après cet incident le docteur C a dû utiliser

des béquilles pendant deux semaines. En plus de ses blessures aux genoux et

aux coudes, le docteur C souffrait de commotion cérébrale sévère et

d'ecchymoses sur les parties génitales suite aux coups de pieds reçus de l'un

des policiers.

Amnesty International a écrit au Ministre de l'Intérieur pour demander à

être informée des mesures prises pour enquêter sur ces allégations de

mauvais traitements et pour savoir si des mesures disciplinaires avaient été

prises contre les officiers de police concernés. Amnesty International

demandait aussi quelles mesures le Ministère de l'Intérieur prenait pour

s'attaquer aux comportements racistes de la part des officiers de police.

Amnesty International a appris que le docteur C avait été accusé de

résistance à l'arrestation et de blessures physiques sur des officiers de police.

Amnesty International ne connaît pas la nature des blessures que les officiers

de police auraient reçues. La plainte du docteur C concernant l'agression

physique des deux officiers de police et la demande reconventionnelle suivant

laquelle il avait résisté à l'arrestation et agressé physiquement les policiers

ont fait l'objet d'une audience au tribunal (Straflandesgericht) en août. Le

juge qui présidait l'audience a rejeté la demande reconventionnelle des deux

officiers de police selon laquelle le docteur C les aurait physiquement agressés

mais a admis l'accusation de résistance à l'arrestation, le condamnant à

une peine de prison conditionnelle de quatre mois. Le juge a déclaré les deux

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officiers de police coupables de blessures volontaires sur le docteur C et les a

condamnés à des peines de prison conditionnelles de six mois. Cependant ces

jugements ne sont pas définitifs et peuvent faire l'objet d'appels. Amnesty

International a aussi appris qu'une procédure disciplinaire avait été lancée

contre les deux officiers de police. En octobre 1999 un Tribunal

Administratif Indépendant (Unabhängiger Verwaltungssenat) a déclaré les

officiers de police coupables d'avoir eu recours à une force excessive contre le

détenu et les a réprimandés pour usage de propos racistes.

DEMANDES RECONVENTIONNELLES

Amnesty International a exprimé sa préoccupation devant le fait que ceux

qui déposent plainte pour mauvais traitements contre la police courent le

risque de demandes reconventionnelles, telles que diffamation, résistance à

l'arrestation ou agression physique. Le Comité Contre la Torture a aussi

exprimé la même préoccupation : "Des plaintes éventuelles contre les abus

commis par les autorités policières risquent d'être découragées par les

dispositions qui permettent aux policiers d'accuser de diffamation la

personne qui dépose plainte contre eux". Le rapport du CPT de 1991

exprimait aussi une inquiétude sur le fait que les demandes

reconventionnelles pour diffamation de la part d'officiers de police risquaient

de dissuader des gens de déposer une plainte authentique pour mauvais

traitements, et précisait "le recours d'officiers de police à des procédures de

diffamation contre les personnes qui les accusent de mauvais traitements

devrait être revu dans le but de faire en sorte qu'il y ait un équilibre correct

entre les intérêts rivaux qui sont en jeu".

Tout en reconnaissant que certaines plaintes pour mauvais traitements

infligées par des officiers de police sont peut-être exagérées ou inexactes et

en admettant que, comme tout un chacun, ces officiers ont droit à la

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protection de leur réputation ainsi qu'à être présumés innocents jusqu'à ce

que leur culpabilité soit démontrée, Amnesty International a exprimé sa

préoccupation sur le fait qu'intenter des actions en justice contre une forte

proportion de plaignants risquerait réellement de dissuader les victimes de

mauvais traitements de porter plainte. Dans la grande majorité des

allégations de mauvais traitements par la police qui ont été portées à la

connaissance d'Amnesty International dans la période 1998 -1999, les

plaignants étaient confrontés à des demandes reconventionnelles après avoir

signalé qu'ils avaient été maltraités par des officiers de police. Depuis un

certain nombre d'années l'Organisation appelle les autorités autrichiennes à

revoir les procédures de dépôt de plaintes en vigueur afin de faire en sorte

que les plaignants potentiels puissent recourir au moins à une possibilité

effective et impartiale de plainte qui n'expose pas le plaignant au risque de

demandes reconventionnelles†. De plus, l'organisation pense que des enquêtes

rapides, complètes et impartiales, dont les méthodes et les conclusions sont

rendues publiques, contribuent à protéger la réputation des agents

d'application des lois qui risquent d'être l'objet d'accusations infondées de

mauvais traitements, tout en garantissant les intérêts des véritables victimes

de mauvais traitements.

Les allégations de mauvais traitements sur la personne de Raymond Ayodeji

† Rapport d'Amnesty International : Autriche – Tortures et Mauvais

Traitements (Janvier 1990)

En août 1999, Amnesty International a été informée d'une allégation de

mauvais traitements sur un ressortissant nigérian par des officiers de police

de Saint-Pölten. Raymond Ayodeji aurait été aspergé de gaz poivre après

avoir été mis à terre et frappé à plusieurs reprises, à coups de poings et de

pieds, par des policiers.

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Le 3 juillet 1999 en début d'après-midi, Raymond Ayodeji, 41 ans, et son

épouse autrichienne, Daniela Ayodeji, ont emmené leurs trois enfants dans le

centre ville de Saint-Pölten. Daniela Ayodeji a déclaré qu'elle avait emmené

ses trois enfants faire un tour, pour leur faire plaisir, sur le petit train de

découverte de la ville, pendant que son mari attendait avec les poussettes

des enfants près de la voiture familiale. À son retour elle a découvert son

mari gisant à terre entouré de trois officiers de police. Elle prétend que les

policiers ont battu son mari en sa présence alors qu'il était à terre. Elle dit

qu'elle a demandé aux policiers d'arrêter de battre son mari mais soutient

qu'ils n'ont pas fait attention à elle. Elle a aussi déclaré qu'après que les

policiers lui aient passé les menottes l'un d'entre eux avait vaporisé du gaz

poivre dans les yeux de son mari à trois ou quatre reprises. Elle a également

déclaré qu'elle-même et son enfant de 7 ans avaient aussi été atteints par le

gaz poivre. Pendant ce temps d'autres officiers de police sont arrivés sur

les lieux de l'arrestation et ont placé Raymond Ayodeji dans un véhicule de

police pour l'emmener au commissariat principal de St.Pölten. Après cet

incident Daniela Ayodeji est restée seule avec les trois enfants et les

poussettes.

Amnesty International a reçu le témoignage d'un témoin oculaire qui

confirme les allégations de mauvais traitements. Ce témoin a déclaré qu'elle

se promenait avec une amie dans Saint-Pölten au cours de l'après-midi du

3 juillet. Elle a vu Raymond Ayodeji assis sur un banc près du centre

commercial de la Promenade, parlant avec un officier de police. Le témoin

et son amie sont entrés dans un grand magasin. A sa sortie, le témoin a vu

Raymond Ayodeji et le policier engagés dans une discussion animée. Elle

indique qu'elle a pu entendre une partie de la discussion. Raymond Ayodeji

expliquait aux policiers en anglais que ses papiers étaient dans sa voiture et

qu'il attendait que sa femme revienne avec les enfants. Elle a aussi indiqué

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que les deux poussettes se trouvaient près de Raymond Ayodeji.

Le témoin a déclaré que la situation avait empiré après qu'il eut demandé

au policier son numéro matricule. Le policier aurait appelé des renforts et

peu après trois autres officiers de police sont arrivés et ont immédiatement

agressé Raymond Ayodeji et se sont emparés de lui. Les policiers l'auraient

mis à terre de force et lui auraient donné des coups de poings et de pieds

sur tout le corps. Le témoin oculaire a déclaré que Daniela Ayodeji était

arrivée avec ses enfants et avait supplié les policiers de bien vouloir se

calmer. Les officiers de police n'auraient fait aucune attention à elle et

auraient continué à donner des coups de pied dans le corps et la tête de

Raymond Ayodeji alors qu'il gisait au sol. Lorsqu'il a essayé de se défendre

des coups, un policier aurait aspergé le prisonnier de gaz poivre, à plusieurs

reprises. Le témoin a confirmé que l'enfant de 7 ans, qui pleurait debout

près de son père, a aussi reçu une dose de ce produit. Raymond Ayodeji fut

ensuite emmené, menotté, par les policiers. Le témoin oculaire maintient

qu'elle a vu du sang du prisonnier sur les marques tracées sur la chaussée.

À la suite de cet incident il a souffert d'un certain nombre de blessures, dont

un doigt fracturé et divers ligaments arrachés. Il a aussi indiqué qu'il avait

été l'objet de propos racistes au cours de cet incident, traité de "cochon de

Négro" (Negerschwein) par l'un des policiers et que l'on avait suggéré qu'il

était un trafiquant de drogue.

Amnesty International a appris que Raymond Ayodeji est resté en détention

jusqu'au 29 juillet 1999. Daniela Ayodeji a indiqué que son mari avait

mordu un des policiers qui aurait essayé de lui boucher le nez pour vaporiser

du gaz poivre dans sa bouche. En conséquence Raymond Ayodeji a été accusé

de résistance à l'arrestation, de blessures physiques et de détérioration de

biens. Amnesty International a reçu une réponse du Ministère de l'Intérieur

en octobre 1999 : celle-ci rejetait la version des faits de Raymond Ayodeji ,

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prétendant qu'il s'était montré agressif envers les policiers après qu'on lui eut

demandé ses papiers, et qu'il avait insulté et agressé les policiers, ce qui avait

entraîné son arrestation. Le Ministère de l'Intérieur a informé Amnesty

International que Raymond Ayodeji avait déposé plainte auprès d'un

Tribunal Administratif Indépendant, sans que l'on en connaisse les suites à ce

jour. Amnesty International a appris que Raymond Ayodeji avait écopé

d'une peine d'emprisonnement conditionnelle de 8 mois en novembre 1999.

Les allégations de mauvais traitements sur les personnes de He Xiuqin, He

Xiuzhen et Ni Tongjun aux mains de la police

En juillet 1998, Amnesty International a été informée de mauvais

traitements sur deux femmes d'origine chinoise et un ressortissant chinois au

cours de leur arrestation dans le restaurant où ils travaillaient. He Xiuzhen,

citoyenne autrichienne, et sa sœur He Xiuqin travaillaient comme serveuses à

la "Schöne Perle", un restaurant chinois de Vienne. Ni Tongjun travaillait là

comme cuisinier.

Selon ces déclarations, trois policiers sont entrés dans le restaurant peu

après 21 heures le 2 juillet 1998 et ont ordonné à He Xiuqin et à sa

soeur, He Xiuzhen, de présenter leurs papiers d'identité. Après qu'elles eurent

obtempéré, un des officiers de police a informé He Xiuzhen qu'elle était en

état d'arrestation sous prétexte que son passeport chinois était un faux. Sa

sœur a tenté sans succès de persuader la police que les documents étaient

valables, du fait qu'ils avaient été souvent examinés par les autorités

autrichiennes lors du renouvellement du permis de séjour de He Xiuqin.

D'autres employés du restaurant ont été fouillés, et il s'est avéré que le

cuisinier, Ni Tongjun, n'avait pas ses papiers d'identité sur lui. He Xuizhen a

proposé d'aller elle-même chercher les papiers à son domicile, qui n'était pas

loin, ou bien que tout le monde aille chez lui, mais la police a refusé. Un des

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policiers aurait dit : "Nous n'avons pas le temps d'aller nous promener avec

vous." (Wir haben keine Zeit für gemeinsame Spaziergänge). Ni Tongjun a

ensuite été placé en état d'arrestation et reçu l'ordre de suivre les policiers.

He Xiuzhen a demandé à Ni Tongjun d'aller d'abord éteindre le gaz dans la

cuisine, en donnant à la police les raisons de sa demande. Mais l'un des

policiers l'aurait suivi dans la cuisine, saisi à la gorge, frappé à coups de

poing au visage et lui aurait immobilisé la tête par une prise. Le personnel

et les convives l'ont apparemment entendu appeler à l'aide. Le policier

l'aurait traîné hors de la cuisine, toujours dans cette position, en continuant

à le frapper. Les deux sœurs sont intervenues auprès du policier pour

protéger Ni Tongjun et finalement il a relâché sa prise. Mais le policier a

ensuite saisi He Xiuzhen par l'épaule et l'a fait tomber. Il l'a saisie à la

poitrine, déchirant son soutien-gorge alors qu'elle tombait au sol. Il l'a

maintenue sur le sol, le pied sur son genou, et l'a frappée à nouveau à la

poitrine. Pour se défendre, elle a essayé de faire usage de sa chaussure, mais

il l'a frappée à plusieurs reprises avec son autre chaussure. Les autres

policiers n'ont pas essayé d'intervenir. L'un d'entre eux aurait quitté le

restaurant.

He Xiuqin a tenté de venir à l'aide de sa sœur, mais ils l'ont saisie et

menottée. Finalement,

ils ont également mis les menottes aux deux autres et les ont tirés tous les

trois hors du restaurant par les chaînes des menottes, ce qui, d'après leurs

dires, était très douloureux.

Ils ont été conduits dans un commissariat de Vienne et enfermés, toujours

menottés, dans des cellules individuelles. Ils ont déclaré que leur demande

d'être autorisés à aller aux toilettes était restée sans effet. Ils ont ensuite été

interrogés jusqu'à cinq heures le matin suivant, sans, insistent-ils, les

coupures statutaires exigées pendant l'interrogatoire dans ces circonstances,

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après quoi ils ont été remis en liberté.

Amnesty International est intervenue auprès des autorités autrichiennes

pour qu'une enquête complète et impartiale soit menée sans retard sur les

allégations de mauvais traitements et pour que toute personne coupable de

mauvais traitements sur des détenus soit traduite en justice. L'Organisation

a aussi demandé à être informée du résultat d'une éventuelle enquête. Elle a

également sollicité des autorités des renseignements concernant la formation

reçue par les policiers de Vienne sur l'utilisation de la force au cours de

l'arrestation et de la mise hors d'état de nuire des prisonniers, et l'assurance

que les notes de service et les programmes de formation des officiers de

Vienne sont bien conformes aux obligations inscrites dans les instruments

internationaux, notamment les Principes de Base des Nations Unies sur le

Recours à la Force et l'Utilisation des Armes à Feu par les Responsables de

l'Application des Lois.

En août 1998, He Xiuqin a déposé plainte, mais celle-ci a été rejetée par le

procureur de l'Etat en septembre 1998. Les officiers de police ont déposé

plainte pour agression et résistance à l'arrestation. On ignore si ces

accusations ont été portées la nuit de leur arrestation ou après que He

Xiuqin eut déposé sa plainte. L'un des policiers a prétendu qu'elle lui avait

donné des coups de pied dans le bas-ventre avec ses talons hauts et qu'il

souffrait en conséquence de douleurs abdominales. En décembre 1998 le

tribunal a condamné He Xiuzhen à une peine de sept mois

d'emprisonnement avec sursis pour avoir résisté à un policier dans

l'exécution de son devoir et pour agression. Sa sœur et le cuisinier ont été

condamnés à trois mois de prison avec sursis pour avoir résisté à

l'arrestation. De plus, He Xiuzhen a été condamnée à payer des dommages

intérêts aux policiers.

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He Xiuqin, He Xiuzhen et Ni Tongjun ont fait appel de cette décision auprès

d'un Tribunal Administratif Indépendant, déclarant qu'ils avaient été

maltraités par les officiers de police. Amnesty International n'a pas encore

été informée du résultat ni d'aucune décision prise par cette institution.

Les allégations de mauvais traitements sur la personne de Johannes G. par la

police, et le refus de le laisser voir un avocat.

Les médias autrichiens ont relaté un cas d'allégations de mauvais

traitements commis à Vienne par la police sur un citoyen autrichien désigné

sous le nom de Johannes G. Il déclare que plusieurs policiers l'ont

volontairement frappé à coups de poings au visage, près des yeux alors qu'il

se trouvait en garde à vue le soir du 6 novembre 1999. A la suite des

mauvais traitements qu'il aurait subis, Johannes G. a passé 12 jours à

l'hôpital, souffrant de diverses blessures aux yeux. Il déclare qu'on lui a refusé

la possibilité de voir un avocat durant sa garde à vue.

Selon Amnesty International, l'expérience montre que les détenus courent

les plus grands risques de sévices physiques et d'intimidation dans la période

qui suit immédiatement la privation de liberté. La possibilité pour les gens

qui ont été privés de leur liberté de voir un avocat pendant cette période

peut constituer une importante garantie contre les mauvais traitements et

la présence d'un avocat aurait un effet dissuasif sur les agents qui

risqueraient d'être tentés de maltraiter des prisonniers. La présence d'un

avocat est particulièrement nécessaire lors de l'interrogatoire, au cours

duquel un détenu peut-être soumis à des pressions verbales et physiques

excessives de la part des officiers de police. Amnesty International pense

également que l'accès immédiat à un avocat permet aux détenus d'obtenir

l'aide pratique nécessaire aussitôt après la mise en détention, notamment

une estimation d'une éventuelle violation de ses droits et de la manière d'y

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remédier.

Johannes G. aurait déclaré que deux policiers l'ont trouvé couché devant la

porte d'entrée de sa maison le soir du 6 novembre 1999. Il a soutenu qu'il

avait été mis à terre de force par un inconnu et qu'il avait demandé aux

policiers de l'aider. Lorsque ces derniers lui ont refusé leur aide, une

discussion s'est ensuivie et a entraîné son arrestation. Selon nos informations,

les deux officiers de police soutiennent que Johannes G. était ivre, qu'il les

avait insultés puis agressés. Les deux policiers ont passé les menottes à

Johannes G. et l'ont conduit dans un commissariat de Vienne, sur la

Boltzmangasse. D'après Johannes G., après qu'il a été mis en cellule au

commissariat, plusieurs officiers de police l'ont frappé à plusieurs reprises au

visage avec leurs poings. Johannes G. a déclaré qu'à la suite de ces coups il a

perdu connaissance et a dû être conduit à l'hôpital pour y être soigné. Les

policiers ont déclaré dans leur rapport à l'hôpital que les blessures affectant

respectivement l'œil gauche et l'œil droit s'étaient produites parce que son

visage avaient heurté l'interphone d'une maison lors de son arrestation et

qu'il était tombé d'une chaise au commissariat. Après avoir reçu des soins

médicaux superficiels à l'hôpital il a été ramené au commissariat et détenu

jusqu'au lendemain.

Johannes G. s'est plaint que les policiers avaient refusé de l'autoriser à passer

un coup de téléphone après qu'ils furent revenus de l'hôpital au

commissariat. Selon un certain nombre de traités internationaux concernant

les droits humains, dont l'Autriche est Etat-partie, les prisonniers

devraient pouvoir rapidement contacter un avocat de leur choix et être

autorisés à informer des membres de leur famille de leur arrestation.

Amnesty International a demandé à être informée des raisons pour

lesquelles Johannes G. n'aurait pas été autorisé à contacter rapidement un

avocat ni à entrer en communication avec des membres de sa famille.

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Johannes G. aurait été libéré le lendemain matin. Aussitôt après son

élargissement, un médecin de la police lui a conseillé de se rendre à l'hôpital

Krankenanstalt Rudolfstiftung de Vienne, s'étant rendu compte de la gravité

des blessures à l'œil du prisonnier. Les médecins de l'hôpital Krankenanstalt

Rudolfstiftung , où il a été soigné pendant douze jours, auraient déposé

plainte contre les policiers en raison des blessures subies par leur patient. Le

diagnostic sur Johannes G. a montré qu'il souffrait d'hémorragie

cérébrale, que son nerf optique droit était sectionné et qu'il y avait des

coupures autour de l'œil sur son visage. Les blessures à l'œil droit de Johannes

G. auraient eu pour conséquence la cécité de ce côté, et on ignore si cet état

est permanent ou temporaire.

Amnesty International a lancé un appel aux autorités autrichiennes pour

qu'elles déclenchent immédiatement une enquête complète et impartiale

sur les allégations de mauvais traitements de Johannes G., et a demandé à

être informée de ses conclusions. Amnesty International a aussi exprimé sa

préoccupation devant le fait que depuis l'arrestation et l'hospitalisation

consécutive de cet homme, les officiers de police qui l'avaient arrêté ont

déposé plainte contre lui pour agression physique et comportement violent.

Les recommandations d'Amnesty International :

Selon Amnesty International, l'expérience montre que l'impunité est l'un des

facteurs les plus importants qui contribuent à la pratique de la torture et

des mauvais traitements. Les auteurs de violations des droits humains

risquent fort de prendre d'autant plus d'assurance qu'ils n'ont pas de

comptes à rendre devant la loi. Amnesty International est très préoccupée

du fait que, bien que l'Autriche ait créé une structure pour enquêter sur les

allégations de torture et de mauvais traitements, cela n'a pas eu d'effet sur

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la prévention des sévices aux détenus. L'Organisation est également

préoccupée par le fait que, quelles que soient les garanties existantes mises en

place contre les mauvais traitements, souvent sur les recommandations du

Comité Contre la Torture et du CPT, elle continue de recevoir un nombre

important d'allégations de mauvais traitements sur des prisonniers aux

mains de la police, dont certaines se sont révélées très graves. A.I. pense que

les autorités autrichiennes sont certainement en mesure de prévenir les

mauvais traitements de détenus par la police et d'assurer une meilleure

protection des droits des citoyens autrichiens comme des ressortissants

étrangers. Amnesty International recommande en priorité aux autorités de :

- informer de leurs droits toutes les personnes privées de leur liberté, et en

particulier du droit de se plaindre aux autorités en cas de mauvais

traitements ;

- faire en sorte que toutes les personnes en état d'arrestation soient

rapidement informées de l'accusation ou des accusations pesant sur elles

dans une langue qu'elles comprennent, et qu'elles puissent faire appel à un

avocat de leur choix dès le début de leur détention ou pendant leur

interrogatoire ;

- s'assurer que tous les détenus puissent faire appel à un médecin de leur

choix ;

- ouvrir sans retard une enquête impartiale et complète sur toutes les

plaintes de torture et de mauvais traitements de prisonniers, ainsi que

lorsqu'il existe de bonnes raisons de penser que torture ou mauvais

traitements il y a eu, même si aucune plainte n'a été déposée ;

- initier des lois et des procédures qui garantissent des enquêtes rapides,

impartiales et complètes;

- revoir les procédures de plaintes en vigueur afin de faire en sorte que les

plaignants puissent au moins recourir effectivement à une voie impartiale

pour déposer leur plainte sans être exposés au risque de demandes

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La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par

Amnesty International , Secrétariat International, 1 Easton Street, Londres

WC1X 0DW, Royaume Uni,

sous le titre Austria : The alleged ill-treatment of detainees. Seule la version

anglaise fait foi.

La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et

au Secrétariat International par le service des Coordinations de la Section

française d'Amnesty International_ juin 2000.

reconventionnelles ;

- traduire en justice, dans le cadre une procédure équitable, les personnes

soupçonnées d'être responsables de tortures ou de mauvais traitements sur

des prisonniers ;

- les officiers supérieurs de la police devraient indiquer clairement à leurs

subordonnés que la torture ou les mauvais traitements sur les prisonniers

sont inacceptables dans tous les cas et feront l'objet de sanctions sévères, et

que le recours à la force doit se limiter à ce qui est proportionné et

strictement nécessaire ;

- l'esprit et le programme de la formation des policiers devraient être revus

afin d'y intégrer un enseignement des normes et instruments internationaux

en matière de droits humains, notamment ceux qui concernent l'interdiction

de la torture et des mauvais traitements en toute circonstance ;

- prendre des mesures pour s'attaquer aux attitudes et comportements

discriminatoires parmi les officiers de police.