Au Riff
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7/27/2019 Au Riff
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N"68538'Anne.TomeCICIIIle'Janvier1927
MERCVRE
FRANCEParait le 1" et le 15 dn mois
DtMCTEUR A LF RE D V AL LE TT Z
CAMILLE MAucLAtn. C~aa
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MERCVRE DE FRANCE-i-I-iQ~a?i
AU RIFFCARNETDE ROUTE
Ce carnet de r oute n'est pas t 'ufre d'un crivain. Je n'ose-
rais mme aff irmer qu' il est crit en bon franais; mais je
puis dire qu'il a t rdig en toute sincrit et en toute
nonntet.
De mes deux voyages dans le Riff j'ai rapport des souve-
nirs vcus et il m'a paru utile de les faire connatre.
Je n'ai pas la prtention d'avoir fait de l'h is toire . Trs af-
/!rmaf
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d'organisation, de directives et de m thode qui carac-
trise une fdration.
Profondment unis, laissant de c t toutes questions
de doctrines, les anciens combattants allaient jouer un
rle considrable au Maroc dans les annes 1925 et 1926.
Ils commencrent par affirmer leur force et leur vo-
lont de travail fcond pour leur pays, lors du voyage au
Maroc du prsident du Conseil, Painlev, venu en avion
pour juger sur place de la situation. Ds sa descente
d'avion et malgr l'opposition des autorits du Protec-
torat, ils l ui remirent un rapport dont les 'termes, la
fois mesurs et nergiques, produisirent un effe t profond
sur le ministre.
Mais les mutils e t anciens combattants se devaient
encore d'autres tches; ils ne pouvaient oublier les
souffrances qu'ils avaient endures pendant de longues
annes sur le front franais. Ils tenaient essentiellement
ce que leurs cadets perdus dans le bled marocain
sentent autour d'eux une sympathie agissante qui les d-
fende contre le cafard, , encore plus impitoyable aux
colonies qu'en France.r
La Fdration Marocaine des Mutils et Anciens Com-
battants lanait donc un appel tous les Franais pour
l 'a ider dans la tche sacre qu'elle entreprenait et qu'elle
.voyait de la faon suivante aide aux blesss et malades
des hpitaux, mais aussi, et surtout, aide morale et ma-
trielle aux combattants de l'avant, mal nourris, mal ha-
bills, ne recevant pas leur correspondance, souffrant de
la soif et plus terriblement encore souffrant de l'isole-
ment.
Ds le dbut,l 'ini tia tive de la Fdrat ion trouvait un
chaleureux cho chez les Anciens Combattants de France
et la Croix-Rouge franaise. Aprs s ' tre mis d'accord
Paris sur les modalits de l'action entreprendre, des
dlgus de la Croix-Rouge et des Anciens Combattants
de France venaient, sous la direction du gnral Pau,
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prendre contact au Maroc avec la Fdration et la mar-
chale Lyautey, qui patronnait de nombreuses uvres de
bienfaisance.
La Fdration Marocaine assumait la charge de veiller
sur l es combattants de l'avant; chaque section de l'in-
trieur devant plus particulirement s'occuper des blesss
et malades hospitaliss dans la formation sanitaire lo-
cale.
Toute une organisation prenait corps. A l'Office Eco-
nomique de Casablanca, de jeunes soldats convalescents
confectionnaient des colis pour les units du front. Des
automobiles regorgeant de marchandises utiles et inutiles
(le superflu tant parfois indispensable aux soldats) par-
taient rgulirement sur les points les plus avancs de la
ligne de feu. Elles taient conduites par des mutils et
anciens combattants qui, avec le paquet de cigarettes et
le flacon d'alcool de menthe, dist ribuaient de cordia les
poignes de mains et d e prcieux encouragements ces
gosses de vingt ans enchants d e v oi r que les gens de
l'arrire faisaient des r andonnes toujours pnibles et
parfois dangereuses, pour les venir a ider moralement et
matriellement.
Quelques chiures donneront une ide de l'ampleur de
l'action entreprise. Du 15 juillet 1925 au 15 juillet 1926,
la Fdration a envoy sur Je front 1.495 colis de com-
pagnie 460 colis pour formations sanitaires; 506 colis
de bataillon; 74 colis de rgiment; 57 colis de brigade.
Le contenu de ces colis variait naturellement avec les
stocks dont la Fdration disposait, variait galement
avec les saisons, variait aussi avec la composition des
troupes auxquelles ils taient destins.
Quelques exemples prciseront davantage.
a) Le colis 303, adress le 7 septembre 1925 l a 3 C"
du 14' Tirailleurs algriens, tait compos de 100 pa-
quets de cigarettes; 30 cigares; 50 cartes-lettres; 3 f la-
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cons d'antsite; 2 bouteilles d'anis; 1 bote de fil et
aiguilles; 10 barres de savon;
b) Le colis adress le 19 novembre 1925 la 6' C" du
32' Gnie (n 917) tait compos de 100 paquets de ci-
garettes 25 pochettes de papier lettre; 25 savons;
6 flacons de menthe; 4 botes de lithins; 2 kilos de cho-
colat 18 paires de chaussettes; 6 cache-nez; 4 rasoirs et
24 lames; des livres;c) Le colis 1430, envoy le 4 fvrier 1926 la 8 bat ter ie
du 63 Rgiment d'artillerie, comprenait 100 paquets de
cigarettes; 10 savons; 25 pochettes de papier lettre;
2 flacons eau de cologne; 2 flacons menthe; 2 bouteilles
cinzano; 2 bouteilles anis; 1 bouteille quinquina; 12 pai-
res de chaussettes; 2 jeux de cartes; 2 paquets d e b ou -
gies 1 jeu de bilboquet; 50 paquets sels de Vichy; des
livres;
d) Le colis 2198, envoy le 12 mai 1926 la 6' C'e du
8" Sngalais, contenait 100 paquets de cigarettes; 100
cartes-lettres; 100 paquets tabac priser; 10 savons;
5 kilos de noix de kola; 1 ballon association; 3 flacons
antsite.
Il est bien vident que pour les colis d bataillon, r-
giment, brigade, la proportion tait observe.
Nous recherchions de plus tous les orphelins, pupillesde la Nation, pupilles de l'Assistance publique pour leur
envoyer le plus souvent possible des petits paquets pos-taux individuels.
Dans le mme laps de temps, 31 tournes sur le front
avaient t organises pour le p lu s g ra nd bien de nos
jeunes poilus. Un chiffre indiquera combien l'action de
la Fdration tait sensible tous nos militaires. J'aireu pendant plus d'un an une moyenne de cinquantelettres par jour manant de tous les coins du Maroc.
Il ne faut pas oublier en effet que si la grosse action
se passait sur le front Nord, les fronts secondaires,
comme le moyen Atlas et le Tadla, immobilisaient des
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troupes soumises aux mmes fatigues et qu'il importait
de ne pas ngliger.
La vrit m'oblige dire que si l'initiative de l a Fd-
ration suscita toujours l'enthousiasme des troupes, elle
fut regarde, au dbut, d'un assez mauvais il par l'Etat-
Major, l'Intendance et le Service de sant.
On paraissait craindie en effet une intrusion des an-
ciens combattants dans un domaine qui devai t leur rester
tranger. On craignait surtout que les anciens combat-
tants au courant, soit par leurs visites, soit par la cor-
respondance qu'ils recevaient, des multiples dfaillances
des diffrents services, ne se posent en redresseurs de
torts et n e f assent figure d' inspecteurs a ux a rme s
On s'aperut bien vite que si les anciens combattants
ne manquaient jamais de signaler les nombreuses dfec-
tuosits dont ils taient tmoins, ils le faisaient toujours
dans un esprit de loyale collaboration et non pour le
plaisir facile de dnigrer.
Il semble bien, en rsum, que l'action de la Fdration
a eu une trs heureuse influence sur le m oral de nos
soldats, qui apprciaient aussi t rs v ivement le rconfort
matriel qui leur tait apport.
La recherche du mieux-tre pour nos soldats devait
conduire la Fdration s'occuper d'une question an-
goissante au premier chef celle de nos prisonniers dans
le Riff.
Ce n'est un secret pour personne qu'entre mai et
aot 1925, au m oment de la rue ennemie sur notre front
Nord et du dpart en dissidence de tribus prcdemment
soumises ou rallies, nos a dversaires nous avaient pris de
nombreux postes.
Certaine avaient t enlevs d'assaut; d'autres s 'taient
fait sauter; d'autres, encercls, avaient t a cculs la
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reddition par un ennemi encore plus redoutable quele
Riffain la soif.
Il tai t vident que l'ennemi avait d nous faire des
prisonniers dans tous ces* postes; prisonniersdont le
nombre tait inconnu, puisqu'il tait impossible d'valuer
les pertes des garnisons ainsienleves.
Tous ceux qui avaient suivi le martyre des captifses-
pagnolsaprs le dsastre d'Annual se demandaient avec
angoisse quel sor t avai t t rserv nos malheureux
compatriotes. Les rcits des quelques rares prisonniers
qui avaient pu s'vader n'taient pas faits pour apaiser
les anxits.
Ds le mois de novembre, j'entrais en rapport avec le
contrleur civil Gabrielli. Gabrielli avait pu se rendre
dans le Rifi, mais il lui avait t impossible de voir nos
prisonniers, dont on l'avait systmatiquement cart. A
mes demandes de possibilit d'entente avec Abd el Krim.
en vue de secourir nos captifs, il rpondait avec un grand
scepticisme et, sans vouloirme dcourager, ne me laissait
gure d'espoir.Sur ces entrefaites, je reus en janvier, lors d'une ru-
nion de la Fdration Rabat, la visite de M. Richard,
rdacteur l'Echo du Maroc, m'informant qu'un de ses
amis de Tanger, M. Azancot, pensait pouvoir obtenir
d'Abd el Krim l'autorisation de ravitailler nos prison-
niers.
Je demandai immdiatement une audience M. Steeg,
rsident gnral. Je lui exposai les dmarches que j'avais
faites et celles que j'allais tenter. M. Steeg,. dont le grand
cur tai t extrmement sensible la situation de nos
prisonniers, me donna de prcieux conseils, tout en m'ex-
pliquant l'impossibilit absolue o il tait de m 'aider offi-
ciellement, ce que je comprenais du reste fort bien.
A la suite de cet entretien, je pris l'avion pour Tanger,
o M. Azancot avait l'amabilit de me prsenter un
cousin d'Abd el Krim, le Klamiich, lequel .affirmait pou-
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voir fai re porter une lettre de moi au sultan et se
disait sr d'obtenir une rponse satisfaisante.
Dans le bureau de M. Azancot, nous discutmes assez
longuement. Je me tenais sur une prudente rserve et
m'arrangeais de faon ne pas me poser en solliciteur,
mais en personnage qui a t pressenti pour une uvre
humanitaire par l'ennemi lui-mme.
Dans la discussion, je fis ressortir qu'il s'agissait des
prisonniers en gnral, sans distinction de nationalit;
mais le Khamlich, trs fermement, m'indiqua que, si je
voulais russir, il ne fallait parler que des prisonniers
franais (europens et indignes). Il ajoutait, du reste,
qu'il pensait qu'une fois pied d'oeuvre, j'obtiendrais
pour les captifs espagnols les mmes faveurs que pour nos compatriotes.
Je remis donc au K hamlich la lettre suivante qu'il s'en-
gageait transmettre au sultan du Riff par l'inter-
mdiaire du Jriro (ancien lieutenant du Raissouli passau service d 'Abd el Krim)
Monsieur Pierre PARENT, Prsident de la Fdrat ion Maro-caine des Mutils et Anciens Combattants, SI MouLAY ALIKHAMLICH.
Monsieur Azancot a mis la Fdration des Mutils et An-,ciens Combattants au courant des offres que Si MohamedBen Abd el Krim El Khetabi vous avait faites. Nous avonst trs sensibles cette preuve d'humanit de la part deSi Mohamed Ben Abd el Krim et nous sommes tout dcids porter nous-mmes nos prisonniers franais dans le Rifi,outre le rconfort moral de notre prsence, des mdicaments,des vtements, des vivres.
Vu le but purement humanitaire de notre mission, il nousest agrable de vous dire que nous remettrions Si MohamedBen Abd el Krim des mdicaments et
objetsde
pansementspour les malades et blesss indignes riffains.Nous vous serions donc t rs reconnaissants de bien vouloir
demander Si Mohamed Ben A bd el Krim la faon la plusrapide dont nous pourrions nous rendre auprs des prison-niers franais t de quelle manire il jugerait opportune notrearrive (par quelle voie, quand, etc.).
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En principe, la mission qui porterait ces objets aux pri-sonniers franais serait compose de
Monsieur Pierre PARENT, Prsident de la Fdration Maro-
caine des Mutils et .Anciens Combattants; Si MouLAY ALI
KHAMLICH, Monsieur AZANCOT.
Revenu Casablanca en avion, j'attendis immdiate-
ment le rsultat de mes dmarches aprs avoir mis
M. Steeg au courant de ce que j'avais fait.
C'est alors que je reus la v isite de Montagne, que je
ne connaissais pas, mais dont j'avais entendu parler
comme d'un ancien officier de marine ayant brillamment
obtenu, pendant la guerre, la croix d'Officier de la Lgion
d'Honneur.
.Montagne me faisait la stupfiante dclaration sui-
vante Il connaissait l'action si efficace de la Fd-
ration en faveur de nos soldats, il tai t vaguement au
courant des tractations que je menais en faveur de nos
prisonniers et il se mettait ma disposition, car, dans
cinq joursexactement, il serait chez Abd el Krim et ver-
rait nos captifs.
Assez sceptique, je rpondis Montagne que la Fd-
ration l'aiderait de tout son pouvoir, pcuniairement et
matriellement. Comme il ne pouvait emporter dans son
expdition beaucoup de bagages, je lui confiai un peu de
tabac et de chocolat pour nos malheureux compatriotes
et le priai de demander pour moi-mme A bd el Krim
l'autorisation de franchir les lignes avec un convoi de
ravitaillement assez important.
On devine dans quel tat d'anxit je passai les quel-
ques jours qui suivirent. De Tanger, M. Azancot m'cri-
vait qu'il avait de bonnes nouvelles et me demandait de
prvoir un voyage par mer. A l'tude, ce voyage se pr-
sentait pratiquement impossible, tant donn surtout la
situation internationale toute spciale o se trouvait
Tanger, point de dpart obligatoire de l'expdition.
Brusquement la situation s'claircit avec l'arrive d'unet
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lettre de Montagne, lettre parvenue par rekkas (cou-
reur indigne). Montagne avait pass les lignes, avait vu
Abd el Krim et avait pu visiter tous nos prisonniers fran-
ais europens, ainsi qu'une part ie des prisonniers indi-
gnes et espagnols. Il m'annonait en mme temps
qu'Abd el Krim m'attendait et que je pourrais passer les
lignes un endroit fix, avec un convoi de ravitaillement.Il me demandait galement de prvoir une organisation
complte, avec l'appui des autorits, organisation suscep-
tible de faire parvenir rgulirement des envois impor-
)tants nos captifs..
Malheureusement, comme je l'ai dj indiqu, aucun
appui offic ie l ne pouvait nous tre donn en l'tat ctuel
de' la situation politique, et je ne pus organiser qu'une
expdition fort rduite.
Quelque temps aprs, du reste, Montagne rentrait du
Riff, ramenant avec lui deux grands blesss franais
qu'Abd el Krim avait librs en gage de sympathie pour
la France. Un jeune parent loign d'Abd el Krim, Si
Bou Tahar, l'accompagnait. Ce jeune Riff in devai t m'tre
attach lors de mon voyage dans le Riff.
A la nouvelle du retour de Montagne dans nos lignes,
je partis immdiatement. Depuis plusieurs jours dj,
j'avais achemin sur Taza de nombreux colis dont une
partie avait dj t rexpdie sur Dar Cad Medboh
par un homme dvou, M. Bildgen. Montagne m'attendait
au passage Mekns; il me donnait tous renseignements
utiles et j'arrivais Taza le 17 mars au soir par une
pluie diluvienne.
Pour laclart de mon expos, je crois plus simple de
transcrire ici les notes du c arnet de'route que je tins ds
mon arrive Taza.
~7 mars ~926. Aprs un bel accident d'auto dont
n'ont souffert que quelques paquets de cigarettes, je suis
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arriv Taza 19 heures par une pluie battante. La ville
(si tant est que Taza puisse tre appel ville ~) est
bonde de troupes et d'officiers; aucune chambre dispo-
nible nulle part. Je rencontre fort heureusement un Ca-
sablancais, M. Juillard, qui arrive me dnicher un
petit coin la gare du tortillard . J'y dors du reste
f or t b ie n.
18 mars. Je me rveille de bon matin avec la pluie.
Je suis navr. Au contraire, les colons de la rgion, tout
joyeux, bnissent cette eau tombant aprs une grande
scheresse.
Si Bou Tahar, le cousin d'Abd el Krim, est venu jusqu'
Taza o il loge chez le nab des Habous en compagnie
d'un indigne de Fez, le chrif Chbihi, qui doi t lui aussi
m'accompagner dans le Riff.
Avant d'aller les voir, je me rends au bureau des Ren-
seignements, o je suis fort aimablement reu par le
capitaine Je vois ensuite le colonel, chef de la Rgion,
que j'ai connu Rabat comme chef des Renseignements.
A 10 heures, je me rends chez le nab des Habous, o
je fais connaissance de Si Bou Tahar et du chrif Chbihi.
Un peu de dsillusion. Si Bou Tahar est un gamin de 18
20 ans, timide, l'air irrsolu et dsorient. Rien du fa-
rouche Riffain que je voyais en imagination. D'une ex-
quise politesse, il est vtu d'une faon extrmement
simple. Il porte une djellaba de laine brune sans orne-
ments ses pieds sont nus dans des b abouches trs ordi-
naires. Le chrif Chbihi est un grand vieillard d'un ge
incertain dont la physionomie respire l'nergie et la d-cision. Aprs nous tre copieusement congratuls, nous
dcidons que nous attendrons jusqu'au lendemain Bild-
gen qui doit venir Taza.
Si Bou Tahar me recommande d'emporter un stock
important .de quinine; il m'affirme que beaucoup de pri-
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sonniers ont la fivre , sans pouvoir prciser davan-
tage.
Je profite de l'aprs-midi pour visiter, toujours sous la
pluie et dans une boue gluante, quelques jeunes orphelins
auxquels nous avons l'habitude d'envoyer des colis et
qui se trouvent pour le m oment ' Taza.
Je dist ribue aux diffrents corps environ 1 .500 paquets
de cigarettes que j'ai apports avec moi et des sommes
assez rondelettes pour amliorer les ordinaires.
?9 mars. Toujours la pluie. Si Bou Tahar et Chbihi
s'impatientent, car nous sommes toujours sans nouvelles
de Bildgen. Je leur promets de louer aujourd'hui mme,
sans attendre davantage, des vhicules pour transporter
Dar Cad Medboh les colis rests Taza et nous-mmes.
J'ai bien peur par la suite de ne pouvoir tenir ma pro-
messe, car ce n 'est qu'avec de multiples difficults que je
puis m'assurer une camionnette et une Ford.
Je passe sous silence le prix que je suis obl ig d'ac-
cepter. On me prdit du reste que, ni moi, ni mes colis
ne passerons, les oueds tant transforms en torrents. la
route impraticable. que sais-je encore?
20 mars. Il ne pleut plus. Le ciel est gris et me-
naant, mais il ne tombe plus d'eau, c'est un fait. La
camionnette arrive l'heure dite; j'y fais charger les colis
et c 'est avec plaisir que je la vois prendre la route de
Kiffane. La F ord est galement l'heure en route pour
Dar Cad Medboh.
Contrairement tous les pronostics, la route est rela-
tivement bonne; nous traversons les oueds sans diffi-cults.
Tout au dbut, un incident. Je s uis arrt par les gen-
darmes, car je n'ai pas le permis de circuler rgulier.
Un coup de tlphone au colonel commandant Taza et
nous repartons aprs avoir perdu 3/4 d'heure.
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Pendant le trajet, Chbihi me raconte la visite chez le
nab des Habous du fils d'Amar d'Hamidou et d'un ami
du cad Medboh. Le cad Medboh et Amar d'Hamidou
sont, parat-il, deux excellents baroudeurs comman-
dant nos forces suppltives de la rgion. Le premier a
tenu tout autour de Kiffane; le second a reconquis les
territoires des Marnissa, dont il avait t chass par Abd
el Krim.
Evidemment la prsence Taza de Si Bou Tahar
n'avait pu rester secrte et avait intrigu les deux chefs
indignes qui avaient envoy aux'renseignements, sous
couleur d'une visite de courtoisie au naib.
Je ne puis m'empcher de rire quand Chbihi me mime
l'insolence de l'un des visiteurs qui, au bout de quelques
instants, dclara en renif lant que cela sentait le Rif-
fain . Sans se dmonter, Chbihi prsenta Si Bou Tahar
et, trs crment, lcha aux deux aptres
Maintenant que vous~-a-vez rempli votre mtier d'es-
pion, on ne vous retient plus.
Bien qu'approuvant pleinement au fond Chbihi, je lui
affirme qu'il a eu tort d'tre aussi catgorique dans la
forme.
A dix heures, nous sommes Dar Cad Medboh, simple
camp militaire, domin par une btisse de peu d'impor-tance la maison du cad. Tous les col is sont l, mais pasd'auto pour les transporter Dar Ca Mohand qui doit
tre le vritable point de dpart de l'expdition. La ca-
mionnette qui les a amens jusqu' Dar Cad Medboh ne
peut, parat-il, aller plus loin. Je vais donc tlphoner
Taza.
Je m'aperois bien vite qu'il.y,a loin de l'intention
l'excution et que les lignes militaires n'ont rien envier
au rseau civil marocain. Au lieu de Taza, on me donne
d'abord deux ou trois autres postes, puis on prend le
parti de ne plus me rpondre. Je suis d'autant plus vex
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MERCVRE DE FRANCEt.I-iga?38
que Si Bou Tahar, qui me regarde d'un air narquois, me
dit en souriant
Quand tu tlphoneras chez nous, cela i ra plus vite.
Je parviens cependant mes fins et une camionnette
m'est promise, mais seulement pour le surlendemain.
Si Bou Tahar est log dans une tente avec Chbihi et je
couche dans une baraque o, trs aimablement, le lieu-
tenant du gnie a bien voulu m'accueillir.
Au cours de la soire, j'ai t tonn par les a llures de
quelques indignes qui nous suivent et paraissent curieux
de nos moindres gestes. Cela m'intrigue et je charge un
jeune Arabe du Souss, boy d'un entrepreneur de travaux
que je connais, de s'enqurir. Son patron m'affirme qu'il
est remarquablement dbrouillard .
Il-A-
21 mars. J'ai pass une trs mauvaise nuit sur ma
paillasse vraiment peu lastique. J'en ai l'explication au
rveil en constatantque cette paillasse tait en grande
partie rembourre avec des haricots. C'est, parat-il, une
rserve en cas de ravitail lement impossible.Mon informateur soussi vient me donner des ex-
plications. Les gens qui nous surveillent sont au service
du cad Medboh. Dcidment ce brave cad a une policenombreuse et nous devons lui paratre suspects.
Si Bou Tahar manifeste une certaine inquitude. Je
lui rpte qu'il est ici sur la foi de l parole donne et
qu'il n'a absolument rien craindre. Il me rpond qu'ilsait parfaitement n'avoir rien redouter des Franais,mais qu'il es t loin d'avoir la mme certitude en ce qui
concerne le cad. Pour le tranquilliser, je dcide queChbihi prendra mon revolver pour la nuit prochaine et
que le jeune soussi , arm lui aussi, couchera sous
leur tente.
Dans la journe, je tlphone Dar Cad Mohand pourtre sr d'avoir des mulets le lendemain.
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Je visite toutes les u nits au repos a Dar Cad Medboh.
Toutes ont dj reu des colis de la Fdration.
Comme Taza, je distribue quelque argent pour l'am-
lioration de l'ordinaire. Aux orphelins je don ne de quoi
faire quelques achats chez le soukier.
22 marx. Nous chargeons de bonne heure la camion-
nette enfin arrive, mais tous nos colis ne peuvent y
trouver place. Nous nous entendons heureusement avec
le patron de la baraque hospitalire du lieu, qui,
moyennant cinq francs du kilomtre, veut bien nous
transporter Dar Cad Mohand dans sa propre voiture.
Comme par hasard, au moment du dpart, la pluie se met
tomber.
Nous arrivons sans incident Dar Cad Mohand. A
partir de Kiffane, nous avons eu comme route le lit de
l'oued. Je me prsente au bureau des renseignements o.
je suis reu par le capitaine G* L'accueil est extr-
mement rserv . On m'indique une salle o je pourraicoucher avec Bildgen et une autre o coucheront Si Bou
Tahar, Chbihi et Moulay Hamed, un jeune schleuh que
Bildgen me demande d'emmener avec moi comme garde
du corps de toute confiance.
Je fais c onnaissance avec les Riffains que Si Bou Tahar
avait laisss Dar Cad Mohand, deux gaillards bien
plants, nerveux, sans un atome de graisse. L'un peut
avoir dix-huit ans et l'autre trente-cinq. Tous deux vien-
nent crmonieusement me baiser la main.
Le capitaine S* vient m'inviter pour le dner et me
prsente le lieutenant G"* du goum, qui me remercie
des envois faits par la F dration son unit.
Je profite du temps disponible avant l'heure du repas
pour aller visiter tirailleurs et troupes du gnie , qui cam-
pent proximit. Tous ont reu des colis de la Fd-
ration, et tous je laisse quelque argent au nom de cette
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mme Fdration qui, dcidment, a une bonne presse
parmi les troupiers.
Au dner, nos htes sont beaucoup plus cordiaux qu'
l'arrive, bien que l'on sente encore une rticence trs
net te. Tous les sujets sont abords, tat-major, renseigne-
ments, autonomie de l'Alsace-Lorraine. Les oreilles de
quelques lgumes doivent tinter de b elle faon. Un
trs bon phonographe nous permet ensuite d'apprcier
les derniers tangos.
En principe, quinze mulets de la t ribu des Gzennaia
avec leurs conducteurs doivent t re prts demain 8 heu-
res. Si Bou Tahar a avec lui deux chevaux et deux mulets
appartenant au Maghzen rinain et qui ont ramen dans
les lignes franaises Montagne et les deux grands blesss
librs. Je prendrai pour moi-mme un des chevaux
d'Abd el Krim et je demande au capitaine des renseigne-ments un cheval pour Chbihi, au moins jusqu'aux lignesr iffaines. I l m'es t rpondu que les instructions sont telles
qu'aucun cheval ne peut m'tre prt. Chbihi ira donc
pied. Je ne puism'empcher
deremarquer
inpetto qu'ilest fort heureux qu'un cheval riffain soit l, sinon j'eusse
t oblig de faire comme Chbihi. J'avoue que ces r-
flexions me laissent quelque amertume.
23 mars. A 7 heures, je suis prt et j'attends les
mulets.
A 10 heures, toujours rien les premiers n'arrivent qu'midi trente. Je trpigne, mais il parat qu'il n~y a rien
faire.
La pluie se met tomber , v iolente. Heureusement
Bildgen a un vtement de cuir, que trs obligeamment ilmet ma disposition, puisqu'il va retourner Dar Cad
Medboh.
Mes caisses sont bien fermes et il faudrait qu'il pleuvevraiment longtemps pour que leur contenu puisse s'ab-
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mer. Il est entendu que mes conducteurs auront 20 francs
par jour et par mulet et qu'ils devront assurer la nour-
riture de leurs btes. Ils t ouchent tous une avance de cent
francs.
Nous partons vers 14 heures sous une pluie battante,
bien entendu. Au bout de dix minutes, tous mes com-
pagnons de r oute sont tremps; quant moi, mes jam-
bires forment des gout tires parfa ites , auxquel les mes
chaussures servent de rservoirs. Le vent souffle violent;
nous sommes pris dans des rafales de neige fondue. J'ai
l es l vr es to ut es geres.
Nous suivons un moment le lit de l'oued, puis abordons
franchement la montagne. Le sol est dtremp dans
une monte assez rapide, mon cheval glisse des quatre
fers et je me retrouve par terre fort sale, mais sans aucun
mal. Le pays que nous traversons est vraiment farouche
et trs accident. Des schistes et toujours des schistes
couverts d'arbustes rabougris qui tonnent, car on se de-
mande vraiment o ils peuvent puiser leur nourriture.
En cours de route quelques-uns des conducteurs vien-nent me trouver pour m'affirmer qu'on leur a promis
25 francs par jour et non 20 francs. C'est le coup clas-
sique.
Je les envoie Chbihi qui a vite fait de l es mater avec
quelques paroles plus qu'nergiques.
La pluie ne cesse pas. Vers 19 heures, nous arrivons
en vue de quelques mechtas o nous devons passer
la nuit et qui forment, parat-il, le village de Brarhed. Les
colis sont mis en ma prsence dans une sorte de sou-
terrain et nous nous acheminons vers la mechta o nous
allons passer la nuit.
la
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AU RIFF 4:
des pluies de la veille. Nous devons donc passer par Tizi
Ouzli et Sidi Ali Bou Rokba. Nous cheminons travers
un paysage semblable celui que nous avons parcouru
la veille.
Vers les dix heures, nous passons devant le bureau des
renseignements de Tiz i Ouzli, puis, un peu plus loin,
nous laissons le poste notre droite, pour nous engager
dans de vritables sentiers de chvres, que des tirailleurssont en train d'amnager fort judicieusement.
A peine avons-nous parcouru quelques mtres d'une
piste rocailleuse, que nous entendons des appels et
voyons derrire nous sur une crte un cavalier qui nous
fai t des signaux et s'poumonne nous crier de nous ar-
rter. Ds qu'il nous a rejoints, il me tend un pli du ca-
pitaine des Renseignements de Dar Cad Mohand
Cher Monsieur,Bien vite ce mot pour vous dire de ne pas passer les
lignes; rentrez de s uite Dar Cad Mohand avec votre convoi
en attendant des instructions.
Agrez mes salutations.
Je me demande le pourquoi de ce billet dont le laco-
nisme et la scheresse m'tonnent un peu. La perspective
de rejoindre Dar Cad Mohand ne m'enchante gure et je
prends le parti de revenir jusqu'aux renseignements
de Tizi Ouzl i d'o je tcherai d'avoir par tlphone des
prcisions.
Je suis reu de faon charmante par le lieutenant com-
mandant le bureau, mais j'essaie vainement de tl-
phoner Taza. Je puis cependant avoir au bout du fil le
capitaine de Dar Cad Mohand, qui ne peut me donner
aucune explication; il m'a transmis les ordres qu'il avaitlui-mme reus de Taza. Je lui indique que plutt que de
retourner Mohand, je prfre attendre Tizi Ouzli le
contre-ordre qui ne peut manquer de m'tre adress.
Le lieutenant m'indique une mechta o mes
compagnons indignes pourront loger. Je demanderai d
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MEHCVRE DE FRANCE-i-I-ig~44
mon ct l'hospitalit au poste o je suis accueilli par les
officiers du 35 tirailleurs avec une bonne grce et une
cordialit qui me touchent profondment.
Mais je sens que Si Bou Tahar est fort inquiet de notre
brusque arrt. Je dcide donc de prendre mes repas au
poste, mais de rester la nuit avec mes compagnons de
route pour les tranquilliser. Je n'en mourrai pas pour
quelques nuits passes sur une natte. Je fais de suiteacheter pour notre hte indigne, qui est un tout jeune
homme, un. mouton et une chvre.
25-26 mars. Je reste au poste dans la journe et re-
tourne le soir, escort de Mqghazeni (car le pays n'est
pas sr), la mechta o m'attendent mes indignes.
J'envoie messages sur messages Taza, demandant ex-
plications et instructions; aucune rponse ne m'est faite.
,-A-
27 ~nars. Perdant patience, j'ai demand ce matin
par message qu'une auto vienne ( mes frais bien en-
tendu) m'attendre Mohand, que je vais regagner sur
le cheval d'Abd el Krim.
Je fais quelques distributions aux troupes du poste et
je palabre longuement avec mes compagnons de route
qui comprennent de moins en moins notre arrt pro-
long et s'tonnent de mon dpart. Je leur donne toutes
les bonnes raisons qui me passent par la tte et je leur
promets formellement d'tre de retour dans les 48 heures.
Au moment o je vais les quitter, une femme se pros-terne
mes pieds, invoquant mon appui. C'est la mre denotre hte indigne. Au milieu des cris, des pleurs et des
explications de toute la famille, je finis par comprendre
que la jeune sur du m atre du logis a t enleve sur
l'ordre du c ad Medboh et qu'elle est destine devenir,
contre son gr et celui de sa famille, l'pouse d'un ds
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khalifas du cad. On a eu beau invoquer le jeune ge de
la fiance malgr elle , le cad Medboh a envoy un
moghazeni et il a bien fallu lui remettre la jeune fille.
Je promets solennement de saisir de l'incident le lieu-
tenant des Renseignements , ce que je fais aussitt.
J'ai l'assurance qu'on va procder immdiatement une
enqute.
Arriv Mohand, je ne trouve personne aux rensei-
gnements , mais l'auto m'attend. A mon passage
Kiffane, on me signale que Montagne est dans la rgion,
mais je ne puis obtenir d'autres prcisions.
Sitt Taza, je bondis -chez le colonel commandant la
Rgion, fort ennuy de me voir l, car il venait justementde recevoir l'autorisation pour moi de passer les lignes.
Impossible du reste de savoir le motif de l'interdiction
momentane gui m'avait t signifie.
Sur ma demande, le colonel Huot veut bien donner
Mohand' des ordres prcis pour que des chevaux soient
mis ma disposition le cas chant.Je retrouve Montagne, qui a l'amabilit de vouloir m'ac-
compagner jusqu'aux lignes riffaines, et il est entendu
que nous partirons le lendemain matin la premire
heure.
Mon premier soin est ensuite d'aller prendre un bain,
au cours duquel j'extermine quelques familles de ces
charmantes petites btes si connues des poilus des
tranches.
Dans la soire, plusieurs ordres et contre-ordres me
sont transmis sans que finalement la situation en s oit
modifie,et
jem'endors
exaspr,me demandant
si, ouiou non, nos malheureux prisonniers verront un jour les
colis qui m'attendent Tizi Ouzli. Bien entendu, pendanttout ce temps, mes muletiers touchent 20 francs par jour
ne rien faire.A
,Avant de m'endormir, j'ai eu le plaisir de recevoir
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une bonne visite, celle de camarades de Rabat en tourne
de distribution sur le front.
28 mars. Je pars avec Montagne ds que le jour pa-
rat. Sur la route, la 1" C"* de sapeurs pionniers de la
Lgion tient acclamer la Fdration en ma personne.
Nous arrivons Mohand o le capitaine Schmidt nous
retient djeuner et nous fournit des chevaux pour ga-
gner Tizi Ouzli.
C'est avec joie que mes indignes me revoient accom-
pagn de Montagne. Je leur annonce notre dpart pour le
Riff pour le lendemain matin. Si Bou Tahar reste scepti-
que et me dit
Les Franais ne savent jamais exactement ce qu'ils
veulent; depuis longtemps nous devrions tre dans le
Riff.
Nanmoins, il expdie un rekkas qui sera charg d'aller
jusqu'aux lignes riffaines prvenir de notre passage pourle lendemain.
29 mars. Montagne a couch avec moi dans la mechta
des indignes. Avant le jour, je suis debout pour prparer
le dpart. Nous passons au poste prendre une lgre colla-
tion et faire nos adieux ceux qui nous ont si bien re-
us puis en route pour Sidi Ali Bou Rokba. Le lieute-
nant des Renseignements nous donne un moghazeni
charg de nous convoyer jusqu'aux lignes tenus par nos
partisans.
Nous arrivons sans incident Sidi Ali Bou Rokba
quelques coups de feu, mais assez lointains, sur notre
gauche. Nous ne rencontrons personne; c'est le vide le
plus absolu et n ou s no us engageons dans une grande
plaine parseme de petits groupes de buissons. Nous fai-
sons halte pour prendre quelque nourriture, mais nous
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AU RIFF 47
mangeons seuls, Montagne et moi, car nous sommes
maintenant en priode de Rhamadam.
Nous repartons bientt, toujours sans voir personne.
Nos conducteurs paraissent quelque peu inquiets et l 'un
d'eux m'affirme qu'il ne faut pas aller plus loin. Le
moghazeni qui nous accompagne toujours n'a lui-mme
pas l'air d'tre trs rassur.
Soudain, quelques centaines de mtres devant nous,
j'aperois des silhouettes qui peu peu se prcisent. Ce
sont deux rguliers riffains, l'un arm d'un lebel et l'au-
t re d 'un fusi l mitrai lleur .
Ils nous font signe d'avancer. Montagne nous prcde
dj, arm d'un appareil photographique.
Derrire quelques buissons, le petit poste r iffain nous
apparat une trentaine d'hommes sont l, bien aligns
et nous prsentant les armes la manire espagnole.
Nous passons devant eux en les saluant et je remarque
que presque tous sont arms de mausers , sauf un
ou deux qui ont des mousquetons Saint-Etienne. Un peu
plus haut, dans une sorte de rduit en pierres sches,
deux mitrailleuses sont braques sur nous, les bandes
de cartouches toutes prtes. Les servants sont deux gos-
ses dont l' an n 'a cer ta inement pas seize ans tous
deux, figs derrire leur mitrailleuse, paraissent des sta-
tues.
Echange de salutations. Notre moghazeni est berlu
et ne sa it vraiment pas quelle contenance adopter . Aprs
quelques photos prises par Montagne qui va retourner
Tizi Ouzli avec le moghazeni, nous nous sparons. Mon
convoi et moi-mme, nous nous dirigeons sur une ma-
hakma (poste de commandement), situe deux outrois kilomtres de l. Deux soldats riffains nous accom-
pagnent.
J'avoue que je me sens alors le cur plus lger; jus-
qu' prsent j'ai chemin avec la hantise de v oir sou-
dain apparatre un cavalier porteur d'instructions m'en-
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MERCVRE DE FRANCE-.i-I-ia~48
joignant de revenir sur mes pas. Maintenant, je suis
protg contre les o rdres et les contre-ordres par 30 fusils
riffains les prisonniers seront secourus.
Nous arrivons la mahakma exactement 1 h. 15.
Je suis reu par un vieux cad qui connat fort bien
Si Bou Tahar. Une cinquantaine d'hommes sont l, qui
nous prsentent les armes de faon impeccable. J'entre
dans une petite pice trs propre, toute badigeonne de
chaux, e t l 'on m'invite m'asseoir. sur une chaise, s'il
vous plat.
Un.tlphone de campagne est install dans un coin.
Le cad sonne et resonne pendant dix minutes sans le
moindre rsultat. Je regarde Si B ou Tahar en souriant
ironiquement c'est ma revanche de Dar Cad Medboh.
Enfin une conversation s'engage, mais en berbre~ ce qui
fait que je n'en saisis pas le moindre mot.
Nous remontons cheval, salus aussi crmonieuse-
ment qu' l'arrive, e t nous commenons grimper par
des sentiers plus que raides un massif qui, parat-il, nous
spare de l 'Oued Nkor .
Un moment Si Bou Tahar m'arrte et me m ontre dans
le lointain une sorte de cuvette. Souk es Sebt, me dit-il.
Les Riffains ont, d~tprs lui, bouscul l une de nos co-
lonnes et nous ont pris deux canons de 75 qui se
cassent en six morceaux . Je prsume qu' il s'agit de
canons de montagne, tout nouveau modle. L'un d'eux,
me dit Si Bou Tahar, a clat, tuant les servants riffains
qui voulaient le mettre en batterie; quant l'autre, il
bombarde Ttouan.
Arriv au sommet du massif, un panorama merveilleux
se dveloppe mes yeux. Au loin, la Mditerrane, d'unbleu sombre, et,.plus prs, une succession de gorges et
de ravins qui sont certes splendides, mais par lesquels il
faudra descendre pour rejoindre le lit de l'oued Nkor
qui coule tout en bas.
Sous prtexte d'admirer le paysage, je descends de
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cheval, bien rsolu n'y remonter qu'une fois arriv
l'oued. Et la descente commence. Pendant plus d'une
heure, c'est un vrai supplice; un des soldats riffains a
l'amabilit de me passer la c anne ferre qu'ils ont tous
et cela m'aide un peu.
Patatras! une mule dgringole. Elle peut s'arrter heu-
reusement au bout de quelques mtres, mais son char-
gement est projet dans un petit ruisseau au f ond d'un
ravin. La pauvre bte est srieusement blesse, mais le
plus navrant de l'affaire, c'est qu'une bonne partie de
ma provision de quinine est perdue. J'ai heureusement
pris la prcaution de la rpartir en plusieurs charges,
mais ce qui me reste va se t rouver insuffisant.
Enfin, nous arrivons l'oued, dont nous suivons le
lit pendant quelques kilomtres, pour parvenir une
mahakma garde par six hommes. C'est l que nous
passerons la nuit. On me sert du th et des ufs cuits
l'huile. huile rance bien entendu.
Malgr moi, mes yeux se ferment et je m'endors bien-
tt en dpit des puces, du manque de nattes, des sonne-ries du tlphone qui n'arrte pas et du bruit fait par
mes compagnons qui, s'ils ne mangent ni ne boivent pen-
dant la journe (c'est le carme), prennent de larges
compensations durant la nuit.
30 mars. Je suis rveill vers les 3 heures du matin
par un brui t confus. J'allume aussitt ma lampe lectri-
que, ce qui provoque la curiosit amuse des soldats
riffains prsents. Je sors de la pice o nous dormions
tous.
J'ai un moment d'inquitude en constatant que mon
convoi a disparu. Le cad de l a imahakma m'explique im-
mdiatement que, les mulets chargs ne pouvant emprun-
ter le chemin plus court, mais plus difficile que nous
prendrons nous-mmes, il a jug bon de les envoyer en
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MERCVRE DE FRANCEt-I-igay50
avant sous la garde de trois soldats riffains qui en ont
l'entire responsabilit.
J'avoue que j'aurais prfr ne pas lcher mon convoi.
Dsireux de partir au plus tt~ je ne me recouche pas.
Assis sur le talus qui borde l'oued presque sec, j'assiste
une circulation intense dans le lit de la r ivire qui sert
de piste pitons, cavaliers, btes de somme, tout cela
passe et repasse dans une activit fbrile.
Un moment, je puis identi fier des tubes de mitrai lleuses
qui sortent des chouaris; il y en a l au moins une di-
zaine.Nous partons 5 h. 1/2 e t, tant que nous sommes-dans
le lit de l'bued, j'active un peu l'allure, press que je suis
de revoir mes, mulets; mais il m e faut bientt ralentir,
car n ous avons vraiment des passages extrmement dan-
gereux.
Vers les 11 heures, je rejoins le convoi, qui dcidment
a bien march. Nous nous arrtons tous pour souffler un
peu. Temassint, o je dois me rendre, est en face de
nus 5 ou 6 kilomtres vol d'Oiseau, mais nous seronsObligs encore beaucoup d dtours pour y parvenir.
Je distingue trs nettement la baie d'AlhucemaS et le
penon d'AIhucemas.
Nous croisons de nombreuses lignes tlphoniques
allant un peu dans tous les s ens. Certaines sont poses
mme la terre; pour d'autres, le fil est enroul autour
d'utie grosse branche plante eh terre; d'autres lignes
enfin ont t montes suivant la technique moderne avec
isolateurs et poteaux spciaux.
Ces derniers proviennent, parat-il, du butin fait sur les
Espagnols.
A 1 heure 1/2, nous arrivons la mahakma de Temas-
sint. Si B ou Tahar se retrouve au milieu de ses amis,
puisqu'on temps ordinaire il est de s ervice cette mme
mahakma.
On m'apprend que je serai toge dans la maison du
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AUR)FF 5t
Sultan s. C'est l qu'a t galement log Montagne. Cette
maison est perche sur une colline assez leve et Si Bou
Tahar me donne un guide pour m'y conduire avec Chbihi
et Moulay Hamed.
Au moment o je quitte la mahakma de Temassint,
~e rencontre deux ou trois prisonniers espagnols, les
mains charges de fils t lphoniques . J'essaye de leur
parler, mais leur gardien
ne lepermet pas
et coupsde crosse les loigne de moi .
Un peu plus loin, je vois des indignes demi-nus et
d'une maigreur squelettique, qui creusent la terre pour
irriguer quelques plantations. Tous s'arrtent de tra-
vailler la v ue d'un Europen; mais des gardiens arms,
que je n'avais pas remarqus jusque-l, se prcipitent
pour les obliger reprendre leur tche. Je passe aussi prs
qu'il m'est possible, en essayant de voir si, parmi les lo-
ques qui les recouvrent, je reconnatrai des dbris d'uni-
formes. 0
Je ne puis rien voir et s uis assez perplexe, quand une
voix s 'lve parmi eux, disant trs nettement14 tirailleurs, 3' bataillon.
Je ne bronche pas sur Fe moment, mais une minute
aprs je me retourne et, ayant 'au* d'examiner le
paysage, je dis haute voix
Compris.
Une lueur d'espoir passe dans les yeux de ces malheu-
reux.
A mon arrive la maison, je suis immdiatement con-
duit dans une salle blanchie la chaux, dont le sol est re-
couvert de nattes d'alfa. Deux matelas sont allongs cte
cte sur les nattes; sur chaque matelas, deux grandes
couvertures de laine sont plies. Dans le coin de la pice,
une petite table de bois blanc sut: laquelle je retrouve des
papiers laisss par Montagne. Deux jeunes Riffains me
son' prsents; l'un est, parat-il, charg de me faire ma
cuisine et l'autre de me servir. On m'informe que je suis
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MERCVRE DE FRANCEi.I-fga?5a
l'hte du Sultan, et immditament on m'apporte de
quoi boire et manger.
Le tlphone existe dans la maison; je puis donc im-
mdiatement dire Si Bou Tahar, rest la mahakma
de Temassint, que je le prie de remercier de ma part
Abd el Krim et que je serais trs heureux d'tre reu
par lui le lendemain matin.
II y a bien une viei lle cada riffaine, parat-il, qui veut
que je me repose trois jours avant d't re reu par le
Sultan; mais Chbihi a manuvr d,e faon que Si Bou
Tahar puisse faire sans inconvnient une entorse au r-
glement.
En effet, dans la soire, un coup de tlphone m'in-
forme que Si Bou Tahar me prendra le lendemain matin
7 heures avec des chevaux pour me conduire chez le
Sultan~ qui n'est plus Tessamint, parat-il, mais
Sidi Abdallah Ben Youssef, o sont galement les pri-
sonniers franais.
Je demande immdiatement si je puis apporter quel-ques vivres pour les prisonniers ds le lendemain. Si Bou
Tahar me le dconseille et me dit
Tu t'arrangeras avec le Sultan; la seule chose que
tu .puisses faire, c'est d'emporter les lettres que tu as
pour eux et que tu remettras Abd el Krim lui-mme.
La n uit tombe assez vite; je sors de la maison et, sans
aucune surveillance, me promne dans les cactus qui
entourent l 'habitation.
Je ne puis croire que je suis au cur du petit pays
qui nous a obligs amener 100.000 hommes au Maroc.
De temps autre, un coup de canon sourd se fait enten-
dre dans la direction d'Ajdir. A part cela, tout est calme
et je ne rentre que lorsqu'on vient me prvenir que le
repas du soir est servi.
Je crois rver quand j'aperois le petit domestique
qui m'a t prsent mon arrive et qui m'apporte les
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AU RIFF 63
plats (pigeons rtis, ufs frits) revtu pour la circons-
tance d'un magnifique tablier blanc.
31 mars. J'ai pass une trs bonne nuit; les puces
ont t suffisamment discrtes.
Vers les 4 heures, je suis rveill par l'entre dans la
chambre d'un indigne que je ne connais pas et qui
pousse de vritables cris lorsque je dirige le faisceau lu-
mineux de ma lampe lectrique sur son visage.
Il se prsente dans un franais correct c'es t AMel-
kader Tazi, fils de l'ancien nab du Sultan Tanger, qui
s'es t enfui de cet te dernire ville avec ses deux frres
pour venir dans le Riff.
Il est albinos et la lumire lectrique que je lui ai
projete en plein visage lui a caus une vritable souf-
france.
Je le fais immdiatement causer; il parle assez cou-
ramment le franais et j'arrive rapidement connatre
son odysse. Il est venu, dit-il, dans le Riff pour jouer
un bon tour son pre qui a refus de le laisser pouser
une de ses cousines, dont il tait fort amoureux. Ses deux
jeunes frres n'ont pas voulu le laisser partir seul e t l 'ont
accompagn.
Il se trouve, d'aprs ses dires, fort malheureux dans le
Riff, et la privation qui lui cote le plus est celle du
whisky. C'est un malade, un nvros, mais qui para t
intelligent. Je juge immdiatement qu'i l peut m'tre fort
utile, condition que je ne le compromette pas aux yeux
des Riffains.
Je n'ai pas de peine lui faire avouer que cesderniers
me l'ont envoy en principe pour me servir d'interprte,
mais en ralit pour me surveiller et savoir exactement ce
que je pense.
Il est persuad, dit-il, que les Riffains ne demandent
qu' s'entendre avec les Franais et ajoute qu' ils ont en
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MERCVRE DE FRANCEt-I-tga?64
trs grande estime M. Steeg, qui a ici une rputation bien
tablie de droiture et d'quit.
Tazi m'affirme qu'il est et a toujours t francophile,
et s'inquite du sort qui lui serait rserv s'il pouvait
rentrer en zone franaise, avec ses frres.
Je lui promets mon appui, s i cet te .dernire ~ventua-
lit se produisait. Il est prt, dit-il, crire une lettre
au'Gouvernement du Protectorat, s'en remettant sa
discrtion.
Il m'annonce pour plus tard des rvlations sensation-
nelles, car nous voyons apparatre Si Bou Tahar suivi de
chevaux et de mulets.
Notre petite 'caravane :se met ,en route -elle se compose
de Si Bou Tahar, Chbihi, Moulay Hamed, Tazi et moi-
mme.
Si Bou Tahar seul possde un fusil. J 'a i laiss inten-
tionnellement mon r evolver sur la table de la chambre,
bien en vidence.
Il est environ 8 h.1/2 quand
nouspartons.
Le ,chemin
n'est pas trs dur, mais il es t nanmoins impossible
d'al ler vi te . Nous traversons ~ne rgion trs cultive,
mais o la rcolte est bien compromise, sinon totale-
ment perdue. Si Bou Tahar m'informe qu 'i l n'a pas plu
de tout cet hiver; les champs desschs que nous avons
devant nous en sont la preuve.
Au bout de deux heures, nous arrivons A Sidi Abdallah
ben Youssef. Si Bou Tahar me demande d'attendre quel-
ques minutes dans le lit de l'oued, tandis que lui-mme
va prendre des instructions au poste de commandement.
Nous descendons de cheval et nous nous asseyons
l'ombre de lauriers-roses. Tazi voudrait bien boire , mais ,comme nous sommes en Rhamadam, il n'ose le faire de-
vant ses coreligionnaires et se plaint moi de leur obs-
curantisme .
Si Bou Tahar nous appelle. Nous arrivons prs d'une
garde riffaine d'une c.entaiue d'hommes, portant tous
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un emblme vert au turban. L,es soldats entourent une
tente assez semblable celles dont les cads se servent
lors des moussems dans le bled marocain . Personne
dans la t ente.
Nous continuons toujours pied et nous montons une
pente assez raide qui nous conduit en face d'une mechta
entirement camoufle. Des plantes grimpantes, des her-
bes sches sont rpandues un peu partout sur les murset sur les toits, et il doit tre trs difficile aux, avions
de la reprer.
Une voix irrite se fait entendre; des repart ies assez
vives sont changes en berbre entre un inconnu rest
l'intrieur de la maison et Si Bou Tahar. Ce dernier
nous fait redescendre rapidement la cte en nous disant
qu'il s'est tromp et qu'il ne devait pas nous mener jus-
qu' cette mechta.
En redescendant, je croise quelques prisonniers espa-
gnols, qui ont l'air de se porter bien et sont enchants de
voir un Europen. Je rassemble les quelques mots d'espa-
gnol que je connais pour leur faire comprendre que'
j'irai sous peu les voir et Jeur faire des distributions.
Un peu plus loin, je vois un autre groupe d'une ving-taine de prisonniers, galement espagnols, qui font bouil-
lir de l'eau.
Je n'ai pas le temps de leur adresser la parole, Si Bou
Tahar me faisant signe de me presser.
Nous sommes revenus dans le lit de l'oued. Si Bou
Tahar nous a de nouveau quitts et nous attendons un
bon quart d'heure.
Un soldat riffain vient ensuite nous chercher et nous
conduit un petit bosquet distant d'une centaine de m-
tres de la tente dont il a t dj question et o Si Bou
Tahar me prsente un personnage ventripotent qu'il
m'annonce comme tant Si Mohamed Azerkane, ministre
de la Guerre d'Abd el Krim.
Aprs les salamalecs d'usage, Si Mohamed Azerkane
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m'indique des chaises et me prie de m'asseoir. En mme
temps, mon grand tonnement, il tire de sa choukara
une lettre qu'il me tend. Je lis sur l'enveloppe Moniteur
PARENT, au Rift.
C'est un petit mot de Gabrielli, chez lequel Azerkane
s'est rendu il y a quelques jours pour une entrevue avec
legnral Mougin.
Gabrielli me donne d'excellents encou-
ragements et me conseille la prudence.
Nous causons quelques instants et, bien videmmeht,
la question de la guerre vient immdiatement sur les
lvres.
Azerkane m'affirme que les Riffains n'ont jamais
voulu la guerre avec les Franais, qu 'i ls sont profond-
ment navrs de ce qui est arriv et qu'ils ne demandent
qu'une chose trouver un moyen de rtablir une situa-
tion amicale entre la France et le Riff.
Je lui rponds que si les Riffains sont dans d'aussi
bonnes dispositions, il est certain qu'il sera facile de les,
faire connatre aux Franais, qui, eux aussi, ne deman-dent qu'une chose la paix.
Au beau milieu de cette conversation, nous entendons
du brouhaha. C'est toute la garde riffaine qui prsente
les armes. Le Sultan vient d'entrer dans la tente.
Si Mohamed Azerkane me demande de bien vouloir le
suivre et j'arrive la tente, sur le seuil de laquelle se
tient un homme petit, assez gros, qui s'incline et me
souhaite la bienvenue c'est Abd el Krim.
PIERRE PARENT.
(A suivre.)