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AMNESTY INTERNATIONAL 12 AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012 LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE

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  • AMNESTYINTERNATIONAL

    12AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE

  • AMNESTY INTERNATIONAL EN BREFAmnesty International est un mouvement mondial regroupant plus de trois millions de sympathisants, membres et militants qui se mobilisent pour le respect et la protection des droits humains universellement reconnus. La vision dAmnesty International est celle dun monde o chacun peut se prvaloir de tous les droits noncs dans la Dclaration universelle des droits de lhomme et dans dautres instruments internationaux relatifs aux droits humains.

    La mission dAmnesty International consiste mener des recherches et des actions en vue de prvenir et de faire cesser les graves atteintes portes tous les droits humains, quils soient civils, politiques, sociaux, culturels ou conomiques. De la libert dexpression et dassociation lintgrit physique et mentale, en passant par la protection contre les discriminations ou le droit au logement, les droits fondamentaux de la personne sont indivisibles.

    Amnesty International est finance essentiellement par ses membres et par les dons de particuliers. Elle ne cherche obtenir ni naccepte aucune subvention daucun gouvernement pour mener bien ses recherches et ses campagnes contre les atteintes aux droits humains. Amnesty International est indpendante de tout gouvernement, de toute idologie politique, de tout intrt conomique et de toute religion.

    Amnesty International est un mouvement dmocratique. Les principales dcisions politiques sont prises par un Conseil international (CI) qui se runit tous les deux ans et qui est compos de reprsentants de toutes les sections nationales. Le CI lit un Comit excutif international (CEI) charg de mettre en uvre ses dcisions et dont la composition est la suivante : Pietro Antonioli (Italie, prsident), Rune Arctander (Norvge), Nicole Bieske (Australie), Euntae Go (Core du Sud), Zuzanna Kulinska (Pologne), Sandra S. Lutchman (Pays-Bas), Guadalupe Rivas (Mexique, vice-prsidente), Bernard Sintobin (Belgique nerlandophone, trsorier international) et Julio Torales (Paraguay).

    Unis contre linjustice, nous uvrons ensemble pour les droits humains.

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    Sur la place Tahrir, au Caire (gypte), la foule allume des fuses clairantes pour fter lannonce de la dmission dHosni Moubarak, le 11 fvrier 2011.

  • amnesty.org

    AILRC-FR, 2012 Amnesty International Centre de ressources linguistiques Unit charge de la langue franaise, www.amnesty.org/fr

    DIFFUSION Ce livre est en vente auprs des sections et groupes dAmnesty International (voir adresses p. 406-409). Il est galement en vente en librairie.

    IMPRESSION CLAES-printing St Pieters-Leeuw, Belgique

    Version originale anglaise : Amnesty International Publications 2012, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni.

    Index AI : POL 10/001/2012

    Tous droits de reproduction rservs. Il est interdit de reproduire intgralement ou partiellement le prsent ouvrage sur quelque support que ce soit sans autorisation des diteurs.

    ISBN : 978-2-8766-6187-5

  • 12AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LE MONDE

    Ce rapport couvre la priode allant de janvier dcembre 2011

    AMNESTYINTERNATIONAL

  • Des journalistes interviewent lartiste militant Ai Weiwei devant chez lui, Pkin (Chine), aprs sa libration le 22juin2011.

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  • VIII Amnesty International - Rapport 2012

    PRFACE, XI

    CHAPITRE IRsums rgionauxAfrique, XXIAmriques, XXXIAsie-Pacifique, XLIEurope et Asie centrale, LIMoyen-Orient et Afrique du Nord, LXI

    CHAPITRE IIPaysAfghanistan, 1Afrique du Sud, 5Albanie, 9Algrie, 11Allemagne, 14Angola, 16Arabie saoudite, 19Argentine, 23Armnie, 25Australie, 26Autorit palestinienne, 27Autriche, 30Azerbadjan, 32Bahamas, 34Bahren, 35Bangladesh, 39Blarus, 41Belgique, 44Bnin, 45Bolivie, 46Bosnie-Herzgovine, 47Brsil, 51Bulgarie, 56Burkina Faso, 57Burundi, 58Cambodge, 61Cameroun, 64Canada, 66Chili, 68Chine, 70Chypre, 75Colombie, 76Congo, 81

    Core du Nord, 82Core du Sud, 85Cte dIvoire, 86Croatie, 89Cuba, 92Danemark, 94gypte, 96mirats arabes unis, 101quateur, 103rythre, 105Espagne, 107tats-Unis, 111thiopie, 115Fidji, 119Finlande, 120France, 121Gambie, 124Gorgie, 125Ghana, 127Grce, 128Guatemala, 131Guine, 133Guine-Bissau, 135Guine quatoriale, 136Guyana, 139Hati, 140Honduras, 142Hongrie, 143Inde, 146Indonsie, 150Irak, 153Iran, 157Irlande, 162Isral et territoires palestiniens occups, 164Italie, 169Jamaque, 177Japon, 175Jordanie, 176Kazakhstan, 179Kenya, 182Kirghizistan, 185Kowet, 188Laos, 190Liban, 191Liberia, 194

  • SOMMAIRERAPPORT 2012

    Amnesty International - Rapport 2012 IX

    Libye, 196Lituanie, 202Macdoine, 203Madagascar, 206Malaisie, 207Malawi, 209Maldives, 211Mali, 212Malte, 213Maroc et Sahara occidental, 214Mauritanie, 217Mexique, 219Moldavie, 224Mongolie, 226Montngro, 227Mozambique, 229Myanmar, 231Namibie, 235Npal, 236Nicaragua, 238Niger, 239Nigeria, 240Norvge, 245Nouvelle-Zlande, 246Oman, 247Ouganda, 248Ouzbkistan, 254Pakistan, 252Panama, 258Paraguay, 259Pays-Bas, 261Prou, 262Philippines, 263Pologne, 266Porto Rico, 268Portugal, 268Qatar, 269Rpublique centrafricaine, 270Rpublique dmocratique du Congo, 273Rpublique dominicaine, 278Rpublique tchque, 280Roumanie, 282Royaume-Uni, 284Russie, 288Rwanda, 293

    Salvador, 297Sngal, 298Serbie, 299Sierra Leone, 304Singapour, 307Slovaquie, 308Slovnie, 310Somalie, 312Soudan, 316Soudan du Sud, 320Sri Lanka, 322Sude, 325Suisse, 326Swaziland, 327Syrie, 330Tadjikistan, 336Taiwan, 337Tanzanie, 338Tchad, 340Thalande, 343Timor-Leste, 346Togo, 347Trinit-et-Tobago, 348Tunisie, 349Turkmnistan, 353Turquie, 354Ukraine, 359Uruguay, 362Venezuela, 363Vit-Nam, 365Ymen, 367Zimbabwe, 372

    CHAPITRE IIItat des ratifications de certainstraits relatifs aux droits humains, 379Traits internationaux, 386Traits rgionaux, 396

    CHAPITRE IVAdresses, 406Index, 414

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    Des femmes et des filles, des hommes et des garons manifestent au Nicaragua le 28 septembre 2011, loccasion de la Journe pour la dpnalisation de lavortement en Amrique latine et dans les Carabes.

    Le papillon symbolise pour nous le dsir de raliser nos rves, de dployer nos ailes [et] de dfendre avec force nos droits. Martha Mungua, de lAlliance des centres nicaraguayens pour les femmes

  • Amnesty International - Rapport 2012 XI

    PRFACE

    SI qUELqUE CHOSE MARRIvE, SACHEz qUE LE RgIME NE CRAINT PAS LES PRISONNIERS MAIS PLUTT CEUx PARMI vOUS qUI NE LES OUbLIENT PAS. Razan Ghazzawi, blogueuse syrienne dtenue pendant 15 jours en Syrie en dcembre 2011

    Le Rapport 2012 dAmnesty International rend compte de la situation des droits humains dans le monde en 2011. travers cinq rsums rgionaux et une tude au

    cas par cas de 155 pays et territoires, il se fait lcho des appels exigeant le respect

    des droits humains qui nont cess de rsonner dans le monde entier.

    Des millions de personnes sont descendues dans la rue, soulevant une gigantesque

    vague despoir de libert et de justice. Mme la plus brutale des rpressions semblait

    incapable dtouffer les revendications de plus en plus pressantes de populations qui

    ntaient plus prtes supporter des systmes politiques ignorant les idaux dgalit

    tout autant que les principes de la responsabilit, de la justice et de la transparence.

    La rsistance contre linjustice et la rpression a pris bien des formes et sest plus dune fois incarne dans des actes dmontrant un courage et une dtermination

    immenses de la part dhommes, de femmes et de groupes de personnes confronts

    des obstacles qui semblaient insurmontables. Malgr lindiffrence, les menaces

    et les attaques, les dfenseurs des droits humains ont men des actions en justice

    aux niveaux national et international, pour faire reculer une impunit et une

    discrimination profondment enracines.

    Ce rapport reflte lapproche dAmnesty International qui, dans son combat contre les violations des droits humains, examine les problmes poss et les possibilits de

    changement dans un pays ou une rgion donns. lheure o Amnesty International

    vient de franchir le cap de son 50e anniversaire, ce rapport tmoigne non seulement

    du sort rserv toutes ces femmes et tous ces hommes dont lexistence est

    marque par les atteintes aux droits humains, mais galement de laction de celles et

    ceux qui continuent de se mobiliser au nom du principe de la dignit humaine.

  • XII Amnesty International - Rapport 2012

    Les donnes figurant au dbut de chaque entre pays proviennent des sources indiques ci-aprs.

    Les chiffres sur lesprance de vie et le taux dalphabtisation des adultes sont tirs du Rapport sur le dveloppement humain 2011 du Programme des Nations unies pour le dveloppement (PNUD), disponible ladresse http://hdr.undp.org/fr/rapports/mondial/rdh2011.

    Les derniers chiffres disponibles concernent lesprance de vie la naissance (pour 2011) et le taux dalphabtisation des adultes (en pourcentage de la population de 15 ans et plus, pour la priode 2005-2010). Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du PNUD ou sur celui de lInstitut de statistique de lUNESCO (www.uis.unesco.org).

    Le PNUD a plac certains pays ayant un taux dalphabtisation de 99 % dans la catgorie des pays dveloppement humain lev . Dans ces cas, nous navons pas jug utile de prciser ce chiffre.

    Les chiffres concernant la population portent sur lanne 2011 et ceux qui concernent le taux de mortalit des enfants de moins de cinq ans sur lanne 2009. Ils proviennent tous du rapport tat de la population mondiale2011 du FNUAP, disponible ladresse http://foweb.unfpa.org/SWP2011/reports/FR-SWOP2011.pdf.

    La population nest indique que pour donner une ide du nombre de personnes concernes par les sujets que nous traitons. Amnesty International reconnat que ce type dinformation a une utilit limite, et ne prend pas position sur des questions telles que la dlimitation de territoires litigieux ou la prise en compte ou non de certains groupes dans le dcompte de la population.

    Certaines entres de ce rapport ne mentionnent quune partie de ces lments. Diffrentes raisons expliquent ces omissions, notamment labsence de telles informations dans les tableaux des Nations unies voqus plus haut.

    Les chiffres indiqus sont les derniers disponibles lheure de la mise sous presse et leur seul objectif est de situer le pays dans son contexte. Toute comparaison entre pays doit tre faite avec la plus grande prcaution, compte tenu des diffrences de mthodologie et du caractre temporaire des donnes fournies.

    LES REPRES CONCERNANT LES PAYS

  • Amnesty International - Rapport 2012 XIII

    ANASEAssociation des Nations de lAsie du Sud-Est

    CIAAgence centrale du renseignement des tats-Unis

    CEDEAOCommunaut conomique des tats de lAfrique de lOuest

    CICRComit international de la Croix-Rouge

    DESCDroits conomiques, sociaux et culturels

    FNUAPFonds des Nations unies pour la population

    OEAOrganisation des tats amricains

    OITOrganisation internationale du travail

    OMSOrganisation mondiale de la sant

    ONgOrganisation non gouvernementale

    ONUOrganisation des Nations unies

    OTANOrganisation du trait de lAtlantique nord

    PIDCPPacte international relatif aux droits civils et politiques

    PIDESCPacte international relatif aux droits conomiques, sociaux et culturels

    UNESCOOrganisation des Nations unies pour lducation, la science et la culture

    UNICEFFonds des Nations unies pour lenfance

    Comit europen pour la prvention de la tortureComit europen pour la prvention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dgradants

    Comit sur les travailleurs migrants Comit pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

    Convention contre la torture Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants

    Convention contre les disparitions forces Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forces

    Convention europenne des droits de lhommeConvention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales

    Convention sur la discrimination raciale Convention internationale sur llimination de toutes les formes de discrimination raciale

    Convention sur la protection des travailleurs migrants Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

    Convention sur les femmes Convention sur llimination de toutes les formes de discrimination lgard des femmes

    Convention n 169 de lOITConvention n 169 de lOIT relative aux peuples indignes et tribaux

    Deuxime Protocole facultatif se rapportant au PIDCPDeuxime protocole facultatif se rapportant au PIDCP, visant abolir la peine de mort

    Protocole la Charte portant cration dune Cour africaine des droits de lhomme et des peuplesProtocole la Charte africaine des droits de lhomme et des peuples portant cration dune Cour africaine des droits de lhomme et des peuples

    Protocole facultatif la Convention contre la tortureProtocole facultatif se rapportant la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants

    Protocole facultatif la Convention relative aux droits de lenfantProtocole facultatif se rapportant la Convention relative aux droits de lenfant, concernant limplication denfants dans les conflits armsRapporteur spcial des Nations unies sur la tortureRapporteur spcial des Nations unies sur la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dgradants

    Rapporteur spcial des Nations unies sur le racismeRapporteur spcial des Nations unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xnophobie et de lintolrance qui y est associe

    Rapporteur spcial des Nations unies sur les populations autochtonesRapporteur spcial des Nations unies sur la situation des droits de lhomme et des liberts fondamentales des populations autochtones

    Rapporteuse spciale des Nations unies sur la violence contre les femmesRapporteuse spciale des Nations unies charge de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses consquences

    SIgLES ET AbRvIATIONS

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    La police du Malawi poursuit des manifestants. Des mouvements de protestation contre la mauvaise gouvernance, les pnuries de carburant et les atteintes aux droits humains ont eu lieu dans plusieurs villes du pays le 22juillet 2011. Lors de ces manifestations, la police a tir balles relles, tuant au moins 19 personnes et en blessant des dizaines dautres, dont des mineurs.

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    Des migrants sont secourus par des garde-ctes italiens au large de lle de Pantelleria (Italie), le 13 avril 2011.

  • 12AMNESTYINTERNATIONAL

    AMNESTY INTERNATIONAL - RAPPORT 2012CHAPITRE I - RSUMS RgIONAUx

  • Soudan, aot 2011. Un homme observe des avions militaires qui traversent le ciel de Kurchi (Kordofan mridional). Un conflit a clat dans la rgion en juin et, plusieurs reprises, le gouvernement soudanais a bless et tu des civils dans des bombardements ariens aveugles.

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  • RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXI

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    Cette anne pourrait tre celle o la libert dexpression et dassociation sera respecte. [] Celle o les thiopiens ne seront plus incarcrs en raison de leurs convictions politiques.

    Le journaliste et ancien prisonnier dopinion thiopien Eskinder Nega, dans un discours sur la libert de la presse prononc en septembre 2011 la veille du Nouvel An thiopien. Eskinder Nega a t arrt quelques jours plus tard et inculp de trahison et dinfractions lies au terrorisme.

    Les mouvements populaires qui ont dferl en Afrique du Nord ont trouv un cho chez les populations dAfrique sub-saharienne, en particulier dans les pays dirigs par des gouvernements rpressifs. Syndicalistes, tudiants et figures de lopposition politique se sont mobiliss pour organiser des mani-festations. Mus par leurs aspirations politiques, leur qute dune plus grande libert et un profond sentiment de frustration n dune vie marque par le dnuement, des hommes et des femmes sont descendus dans la rue pour dnoncer laugmentation du cot de la vie et protester contre leur situation conomique et sociale dsespre.

    Beaucoup des facteurs sous-jacents qui ont conduit aux soulve-ments en Afrique du Nord et au Moyen-Orient existent galement dans dautres rgions dAfrique. Cest notamment le cas des dirigeants auto-ritaires qui se maintiennent au pouvoir depuis plusieurs dcennies en sappuyant sur leurs services de scurit pour rprimer la dissidence. En outre, la pauvret et la corruption sont trs rpandues, les liberts les plus lmentaires font dfaut et de vastes catgories de population sont

  • XXII Amnesty International - Rapport 2012

    souvent tenues lcart du reste de la socit. En rprimant avec bruta-lit les manifestations de 2011, les responsables politiques de la rgion ont montr quils nont pas su tirer les leons de ce qui est arriv leurs homologues du nord.

    PauvretAu cours de la dernire dcennie, les taux de pauvret ont progressivement diminu en Afrique et des avances ont t enregistres dans la ralisation des Objectifs du millnaire pour le dveloppement. Il nen demeure pas moins que plusieurs millions de personnes vivent toujours dans la pauvret, prives des services essentiels que sont une eau propre, des installations sanitaires, laccs aux soins et lducation.

    Du fait de la rapidit de lurbanisation, de nombreux Africains nont pas de logement dcent ; ils sont nombreux vivre dans des bidonvilles, o les installations les plus lmentaires font dfaut et o ils risquent tout moment dtre expulss de force par les autorits. Bien souvent, les personnes expul-ses perdent leurs biens lorsque leurs habitations sont dmolies. Beaucoup perdent galement leurs moyens de subsistance, ce qui les entrane encore davantage dans la spirale de la misre. Les expulsions forces massives qui ont eu lieu dans au moins cinq zones dimplantation sauvage de Nairobi (Kenya) ont touch plusieurs milliers de personnes. Des centaines dautres ont t chasses dun campement du Territoire de la capitale fdrale, au Nigeria. NDjamena (Tchad) et dans diffrentes rgions dAngola, les expul-sions forces se sont poursuivies.

    Le fort taux de chmage et le niveau lev de pauvret ont t en partie lorigine de certaines violences, y compris lors de manifestations antigou-vernementales. Les mesures de lutte contre la corruption ont t souvent rduites nant parce quelles ne bnficiaient daucun soutien politique. Au Nigeria, par exemple, le chef de ltat a limog la prsidente de la Commission des crimes conomiques et financiers six mois avant la fin de son mandat, sans fournir la moindre explication.

    Rpression politiqueGalvaniss par les vnements en Afrique du Nord, des manifestants antigouvernementaux sont descendus, partir de la fin janvier, dans les rues de Khartoum et dautres villes du Soudan. Ils ont subi les coups des forces de scurit et de trs nombreux militants et tudiants ont t arrts et dtenus arbitrairement. Beaucoup auraient t torturs en dtention. En Ouganda, des personnalits de lopposition ont appel la population reproduire les mouvements de protestation gyptiens en descendant dans la rue, mais les rassemblements ont t marqus par des violences. En fvrier, le gouvernement ougandais a interdit toute manifestation. La police et larme ont recouru une force excessive contre les manifes-tants et le dirigeant de lopposition Kizza Besigye a t harcel et arrt. Au Zimbabwe, une quarantaine de militants ont t arrts en fvrier pour la seule raison quils avaient discut des vnements dAfrique du Nord. Six dentre eux ont dans un premier temps t accuss de trahison. En avril, les autorits du Swaziland ont rprim des manifestations similaires avec une force excessive.

    En rprimant avec brutalit les manifestations de 2011, les responsables politiques de la rgion ont montr quils nont pas su tirer les leons de ce qui est arriv leurs homologues du nord.

  • RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXIII

    Les forces de scurit ont tir balles relles contre des manifestants anti-gouvernementaux en Angola, au Burkina Faso, en Guine, au Liberia, au Malawi, en Mauritanie, au Nigeria, au Sngal, en Sierra Leone et au Soudan du Sud, ce qui a fait de nombreuses victimes. Les autorits nouvraient en gnral pas denqute sur lutilisation excessive de la force et personne na t amen rendre des comptes sur les homicides.

    Dans la plupart des pays dAfrique, des dfenseurs des droits humains, des journalistes et des opposants ont, cette anne encore, t victimes darrestations et de placements en dtention arbitraires ; certains ont t passs tabac, menacs, intimids; certains ont t tus par des groupes arms ou par les forces de scurit gouvernementales. Les enqutes ouvertes au Burundi sur le meurtre, en 2009, du dfenseur des droits humains Ernest Manirumva nont pas enregistr de vritables avances. En Rpublique dmocratique du Congo (RDC), cinq policiers ont t reconnus coupables, en juin, de lassassinat en 2010 du militant des droits fondamentaux Floribert Chebeya. Mais aucune enqute navait t mene sur certaines personnes qui semblaient pourtant avoir eu un rle dans ce meurtre.

    Au Burundi, en thiopie, en Gambie, en Guine, en Guine-Bissau, en Guine quatoriale, au Liberia, Madagascar, en Ouganda, en RDC, en Somalie et au Soudan, les autorits cherchaient garder le contrle des infor-mations destines au public. Elles ont impos des restrictions sur la couver-ture de certains vnements, ferm ou suspendu des stations de radio, bloqu des sites Internet spcifiques ou interdit la publication de journaux. Le Rwanda sest engag dans une srie de rformes en vue daccrotre la libert des mdias, mais certains organes de presse ferms par les autorits en 2010 navaient toujours pas repris leurs activits. Deux journalistes ont par ailleurs t condamns de lourdes peines demprisonnement.

    Les assembles nationales dAfrique du Sud et dAngola ont examin des projets de loi susceptibles de restreindre fortement la libert dexpression et laccs linformation. Un point positif est cependant noter : au Nigeria, le prsident Goodluck Jonathan a enfin promulgu la Loi relative la libert de linformation.

    ConflitsLes violences politiques qui avaient clat en Cte dIvoire en novembre 2010, la suite de llection prsidentielle, ont dgnr en conflit arm durant la premire moiti de lanne 2011. Les forces allies Alassane Ouattara ont reu le soutien dune force franaise et de la mission de maintien de la paix des Nations unies. Elles ont pris le contrle du pays la fin du mois davril et ont arrt lancien prsident Laurent Gbagbo, ainsi quun grand nombre de ses sympathisants. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont t dplaces par le conflit ; beaucoup se sont rfugies dans des pays voisins, en particulier au Liberia. Des milliers de civils ont t tus ou blesss dans la capitale conomique, Abidjan, et dans louest du pays. En mars et en avril, les deux parties au conflit ont tu en toute illgalit plusieurs centaines de civils Dukou (ouest du pays) et dans des villages alentour o les gens taient pris pour cible en raison de leur origine ethnique ou de leur affiliation poli-tique suppose. La mission de maintien de la paix de lONU na pas protg efficacement la population civile Dukou. Les forces des deux camps en

    Les forces de scurit ont tir balles relles contre des manifestants antigouvernementaux, ce qui a fait de nombreuses victimes.

  • XXIV Amnesty International - Rapport 2012

    prsence se sont galement rendues coupables de violences sexuelles, y compris de viols, et en octobre la Cour pnale internationale (CPI) a auto-ris louverture dune enqute sur les crimes de guerre et les crimes contre lhumanit commis par les deux parties au conflit. Sous le coup dun mandat darrt mis par la CPI, Laurent Gbagbo a t transfr aux Pays-Bas et remis la Cour en novembre. Pour prserver sa crdibilit, la CPI doit veiller ce que les crimes commis par les forces fidles au prsident Ouattara fassent eux aussi lobjet dune enqute et que les responsables prsums soient poursuivis. La CPI doit aussi enquter sur les crimes de guerre et les crimes contre lhumanit perptrs avant llection prsidentielle de novembre 2010, dans la mesure o, ce jour, lappareil judiciaire ivoirien na pas eu la capa-cit ou la volont de le faire.

    Les Sud-Soudanais se sont prononcs, de faon crasante, en faveur de lindpendance du Soudan du Sud lors du rfrendum de janvier sur lauto-dtermination. Une fois la date de lindpendance fixe (au 9 juillet), les tensions se sont accrues dans les zones de transition que sont la rgion dAbyei et les tats du Kordofan mridional et du Nil bleu. Un autre rf-rendum prvu en janvier, concernant Abyei, na finalement pas eu lieu. Un conflit a clat en mai dans la rgion : soutenues par des milices, les Forces armes soudanaises ont pris le contrle dAbyei, obligeant plusieurs dizaines de milliers de membres du groupe des Dinkas Ngoks se rfugier au Soudan du Sud. Dans la ville dAbyei, des habitations ont t pilles et dtruites. L encore, la mission de maintien de la paix de lONU, dploye Abyei, na pas pris de mesures significatives pour empcher les attaques et protger la population civile. la fin de lanne, aucune solution navait t trouve concernant le statut dAbyei.

    En raison de dissensions sur des questions de scurit et sur lissue des lections au Kordofan mridional, la situation dans cet tat a dgnr en conflit arm entre le Mouvement populaire de libration du Soudan-Nord (MPLS-Nord) et les Forces armes soudanaises. Des centaines de milliers de personnes ont t dplaces par le conflit et par le climat gnral din-scurit. Les troupes gouvernementales ont procd des bombardements ariens aveugles qui ont fait de nombreuses victimes civiles. Les Nations unies et diverses autres organisations, dont Amnesty International, ont recueilli des informations sur ces attaques menes sans discrimination et ces homicides illgaux. Angelo al Sir, un agriculteur, a ainsi dcrit la mort de son pouse, qui tait enceinte, de deux de leurs enfants et de deux autres parents, tus le 19 juin lors du bombardement dUm Sirdeeba, un village lest de Kadugli.

    En septembre, le conflit au Kordofan mridional stait tendu ltat du Nil bleu, contraignant plusieurs dizaines de milliers de personnes se rfu-gier au Soudan du Sud et en thiopie. En refusant laccs aux organisations humanitaires indpendantes et aux observateurs, des droits humains entre autres, le gouvernement soudanais a de fait ferm les tats du Kordofan mri-dional et du Nil bleu au monde extrieur. Le Conseil de paix et de scurit de lUnion africaine et le Conseil de scurit des Nations unies nont pris aucune mesure concrte face cette situation. Ils se sont notamment abstenus de condamner les obstacles opposs aux organisations humanitaires et la pour-suite des atteintes aux droits humains.

    Rares sont les personnes qui ont t amenes rendre des comptes pour des atteintes aux droits fondamentaux. Cest pourquoi dans beaucoup de pays de la rgion, la population na plus confiance dans les organes chargs de faire appliquer la loi ni dans lappareil judiciaire.

  • RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXV

    Le conflit au Darfour (Soudan) sest poursuivi sans relche et le nombre dhabitants contraints de quitter leur foyer a encore augment. Les auto-rits soudanaises sen sont prises aux personnes qui vivaient dj dans des camps de dplacs car elles les considraient comme soutenant les groupes dopposition arms. De nouveaux cas de viol et dautres formes de violences sexuelles ont t signals. Le Soudan refusait toujours de cooprer avec la CPI. Le procureur de la CPI a requis la dlivrance dun mandat darrt contre le ministre de la Dfense, Abdelrahim Mohamed Hussein, pour des crimes de guerre et des crimes contre lhumanit commis au Darfour.

    En Somalie, les combats qui se poursuivaient contre le groupe arm isla-miste Al Shabab ont pris une dimension rgionale lorsque des soldats kenyans et thiopiens sont intervenus directement dans les combats. Plusieurs milliers de civils ont t blesss ou tus au cours dattaques menes sans discerne-ment par diffrentes parties en prsence, essentiellement Mogadiscio. Des centaines de milliers de personnes ne pouvaient toujours pas rentrer chez elles en raison du conflit et de linscurit. La scheresse qui svissait dans la sous-rgion a aggrav une situation humanitaire dj catastrophique et ltat de famine a t dclar dans certaines parties de la Somalie. Les organisa-tions humanitaires avaient dimmenses difficults accder aux populations pour leur apporter une aide durgence.

    Le conflit qui dchirait lest de la RDC semblait lui aussi sans issue. Les violences sexuelles, dont le viol, constituaient une pratique gnralise tant des forces de scurit gouvernementales que des groupes dopposition arms. Dautres atteintes aux droits humains homicides illgaux, pillages, enlvements se poursuivaient galement, essentiellement imputables aux groupes arms. Lappareil judiciaire de la RDC ntait pas en mesure de traiter les nombreuses affaires de violations des droits fondamentaux commises au cours du conflit. Cette anne encore, des enfants ont t recruts et utiliss comme soldats, notamment en Rpublique centrafricaine, en RDC et en Somalie.

    Certains gouvernements africains taient toujours peu disposs faire en sorte que les responsables de crimes de droit international rendent compte de leurs actes. Ainsi, le Sngal refusait toujours de poursuivre ou dextrader Hissne Habr, lancien prsident du Tchad. Le gouvernement burundais, quant lui, a examin en fin danne une proposition de rvision de la loi visant mettre en place une commission de vrit et de rconciliation, mais manquait manifestement de la volont politique ncessaire pour crer un tribunal spcial, ainsi que les Nations unies lavaient recommand en 2005.

    Justice et impunitNombre daffaires de violations commises par les forces de scurit ou les forces de lordre ntaient pas traites. Les autorits nouvraient presque jamais denqute indpendante et impartiale sur les arrestations et les dten-tions arbitraires, les actes de torture et les autres mauvais traitements, les homicides illgaux (y compris les excutions extrajudiciaires) ou les dispari-tions forces qui leur taient signals. Rares sont les personnes qui ont t amenes rendre des comptes pour des atteintes aux droits fondamentaux. Cest pourquoi dans beaucoup de pays de la rgion, la population na plus

  • XXVI Amnesty International - Rapport 2012

    confiance dans les organes chargs de faire appliquer la loi ni dans lappa-reil judiciaire. Ceux qui tentent de saisir la justice officielle, notamment les victimes datteintes aux droits humains, se voient par ailleurs confronts un autre obstacle, celui du cot.

    Limpunit pour les violations des droits humains perptres par des agents de la force publique tait gnralise au Burundi, au Cameroun, au Congo, en rythre, en thiopie, en Gambie, en Guine, en Guine-Bissau, au Kenya, Madagascar, au Malawi, au Mozambique, au Nigeria, en RDC, au Sngal, au Soudan, au Swaziland, en Tanzanie et au Zimbabwe. La commission denqute sur les excutions extrajudiciaires mise en place par le gouvernement burundais na pas publi ses conclu-sions. Les autorits burundaises nont pas non plus ouvert denqute sur les informations selon lesquelles des membres du Service national de renseignement (SNR) se seraient rendus coupables de torture en 2010. Autre exemple flagrant du caractre institutionnalis de limpunit : au cours de lExamen priodique universel du Soudan par le Conseil des droits de lhomme [ONU], en septembre, ce pays a rejet les recomman-dations qui lui taient faites de rexaminer sa Loi de 2010 relative la scurit nationale et de rformer le Service national de la sret et du renseignement (NISS). De ce fait, les agents du NISS demeurent labri de toute poursuite et de toute sanction disciplinaire pour les violations des droits humains quils ont commises.

    Le nombre de personnes en dtention provisoire demeurait trs lev car, dans la plupart des pays, lappareil judiciaire ntait pas en mesure de garantir un procs quitable dans un dlai raisonnable. Beaucoup de personnes ne pouvaient pas bnficier des services dun avocat aprs leur arrestation. Dans de nombreux pays, les conditions de dtention taient pouvantables: la surpopulation et la pnurie de personnel pnitentiaire semblaient tre la rgle, tout comme le manque de soins, deau, de nourriture et dquipements sanitaires de base pour les dtenus. Bien souvent, elles ne rpondaient pas aux critres minimaux fixs par les normes internationales et sapparentaient une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dgradant. Dans une affaire particulirement horrible intervenue en septembre, neuf hommes sont morts asphyxis dans les locaux de la gendarmerie nationale de Lr (Tchad) o ils taient entasss.

    La tendance vers labolition de la peine de mort sest poursuivie. LAssemble nationale du Bnin a vot en faveur de la ratification du Deuxime Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, confirmant ainsi son intention dabolir la sentence capitale. Au Ghana, labolition de cette peine a t recommande par la Commission de rvision de la Constitution. En octobre, le procureur gnral fdral et ministre de la Justice du Nigeria a inform une dlgation dAmnesty International que le gouvernement avait instaur un moratoire officiel sur les excutions. Le gouvernement de Sierra Leone avait fait une dclaration similaire en septembre. loppos de ces volutions encoura-geantes, la Somalie, le Soudan et le Soudan du Sud figuraient parmi les derniers pays dAfrique sub-saharienne procder encore des excu-tions, souvent lissue de procs contraires aux rgles dquit les plus lmentaires.

  • RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXVII

    MarginalisationDans de nombreux pays, rfugis et migrants taient plus que dautres victimes datteintes aux droits fondamentaux. Des Congolais ont, cette anne encore, t en butte des violences sexuelles au moment o ils taient expulss dAngola. En Mauritanie, les autorits ont arrt arbitrairement plusieurs milliers de migrants avant de les renvoyer vers des pays voisins. Au Mozambique aussi, des rfugis et des migrants ont t victimes de violations de leurs droits fondamentaux. Des homicides illgaux commis par des agents de la force publique ont notamment t signals. Les rfugis et des migrants en Afrique du Sud continuaient dtre la cible de violences et de destructions de biens. En dcembre, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les rfugis (HCR) a recommand que les pays daccueil prennent des mesures pour mettre un terme au statut de rfugi accord jusque-l la plupart des Rwandais prsents sur leur territoire. Les rfugis et les organisations de dfense des droits humains se sont mus du fait que le HCR navait pas vritablement expos le fondement de cette recommandation, ainsi que du fait que sa mise en uvre par les tats risquait dexposer au risque de renvoi forc vers le Rwanda un grand nombre de personnes ayant toujours besoin dune protection.

    Plusieurs dizaines de milliers de Sud-Soudanais ont dcid de quitter le Soudan pour le Soudan du Sud, car ils risquaient de perdre leurs droits la nationalit soudanaise aprs la dclaration dindpendance de la partie mri-dionale du pays. En butte de nombreuses difficults, ils ont notamment t harcels avant et pendant leur priple ; une fois arrivs au Soudan du Sud, ils ont t confronts une situation humanitaire dramatique.

    Les violences et les discriminations lgard des femmes demeuraient trs rpandues dans de nombreux pays, notamment en raison de certaines tradi-tions et normes culturelles. Dans certains tats, la lgislation en vigueur insti-tutionnalisait la discrimination envers les femmes. Celle-ci pesait galement sur laccs des femmes aux services de sant.

    Des femmes et des filles ont, cette anne encore, t victimes de viol ou dautres svices sexuels dans plusieurs pays en conflit ou dans des rgions comptant un nombre lev de rfugis ou de personnes dplaces, notam-ment lest du Tchad, la Cte dIvoire, lest de la RDC, la Rpublique centrafri-caine et le Soudan (en particulier le Darfour). Ces violences taient souvent le fait de membres des forces de scurit gouvernementales ; dans la plupart des cas, aucune enqute ntait ouverte.

    DiscriminationLa discrimination fonde sur lorientation sexuelle ou sur lidentit de genre, relle ou suppose, sest aggrave. Non seulement les responsables poli-tiques ne protgeaient pas le droit ne pas subir de discrimination, mais souvent ils se servaient de dclarations et de mesures pour inciter la discrimination et aux perscutions fondes sur une orientation sexuelle suppose.

    Au Cameroun, des personnes souponnes dentretenir une relation homosexuelle ont t perscutes. Un grand nombre ont t arrtes et certaines, dont Jean-Claude Roger Mbede, condamnes de lourdes peines demprisonnement. Le gouvernement camerounais a galement

    La discrimination fonde sur lorientation sexuelle ou sur lidentit de genre, relle ou suppose, sest aggrave. Les responsables politiques se servaient de dclarations et de mesures pour inciter la discrimination et aux perscutions fondes sur une orientation sexuelle suppose.

  • XXVIII Amnesty International - Rapport 2012

    propos de modifier le Code pnal en vue dalourdir les peines dempri-sonnement et les amendes pour les personnes reconnues coupables de relations homosexuelles. Au Malawi, en Mauritanie et au Zimbabwe gale-ment, des hommes ont t arrts et poursuivis en raison de leur orientation sexuelle suppose. Au Malawi, le gouvernement a adopt une loi rigeant en infraction les relations sexuelles entre femmes et, lors dun rassemble-ment politique, le prsident Bingu wa Mutharika a dclar que les gays taient pires que des chiens . Au Nigeria, le Snat a adopt un projet de loi rigeant en infraction les relations entre personnes du mme sexe. Au Ghana, le ministre charg de la Rgion occidentale a ordonn aux forces de scurit darrter tous les gays et toutes les lesbiennes vivant dans louest du pays.

    En Ouganda, la proposition de loi relative la lutte contre lhomosexualit na pas t examine par le Parlement, mais na pas non plus t retire. David Kato, minent dfenseur des droits humains en gnral et des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles ou transgenres en particulier, a t assassin son domicile en janvier. Un homme a t arrt et condamn, en novembre, 30 ans de rclusion pour ce meurtre. En Afrique du Sud, la socit civile a fait pression auprs des autorits pour quelles sattaquent au problme des violences contre les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles ou transgenres en particulier contre les lesbiennes. la suite de ces actions, les pouvoirs publics ont mis en place un groupe de travail charg de la prvention des violences fondes sur lorientation sexuelle suppose.

    En rythre, les perccutions fondes sur des motifs religieux se sont pour-suivies. Un trs grand nombre de personnes ont t arrtes arbitrairement et auraient t maltraites en dtention.

    Scurit et droits humainsLAfrique est, de plus en plus, expose des actes de terrorisme commis par divers groupes arms islamistes, dont AlQada au Maghreb islamique (AQMI), actif dans plusieurs pays du Sahel ; le groupe religieux Boko Haram, qui a multipli les attentats lexplosif au Nigeria tout au long de lanne ; et le groupe arm Al Shabab, qui opre au Kenya et en Somalie. Ces formations ont commis de nombreuses atteintes aux droits humains, dont des attaques aveugles, des homicides illgaux, des enlvements et des actes de torture.

    En raction ces violences, certains gouvernements ont accru leur coopration militaire, notamment au Sahel, et des pays voisins sont inter-venus militairement. Le Nigeria a mis en place une Force dintervention conjointe (JTF) pour lutter contre Boko Haram dans certains tats. Lorsque les forces de scurit gouvernementales tentaient de contrer les groupes arms, elles commettaient souvent elles-mmes des violations des droits humains. En Mauritanie, 14 dtenus condamns pour des infractions lies au terrorisme ont t victimes de disparition force au cours dun transfert. Au Nigeria, les forces de scurit ont rpondu lescalade des violences dans certains tats en procdant des centaines darrestations et de dtentions arbitraires, des disparitions forces et des excutions extrajudiciaires.

    Toute la question est de savoir si les dirigeants dAfrique adhreront ces changements, ou sils les considreront comme une menace leur maintien au pouvoir. voir la faon dont ils ont ragi aux manifestations et la dissidence, on peut dire que la plupart des responsables politiques faisaient partie en 2011 non pas de la solution, mais bien du problme.

  • RSUMSRgIONAUx

    AFRIqUE

    Amnesty International - Rapport 2012 XXIX

    Lheure du changementSans doute lAfrique sub-saharienne ne connatra-t-elle pas une amliora-tion du respect et de la protection des droits fondamentaux aussi rapide et spectaculaire que lAfrique du Nord. Par endroits, il se pourrait mme que la situation empire. Cependant, certains facteurs une croissance conomique durable, les pressions en faveur dune meilleure gouvernance, lmergence dune classe moyenne, une socit civile plus puissante, un meilleur accs aux technologies de linformation et de la communication vont peu peu contribuer amliorer la situation des droits humains. Toute la question est de savoir si les dirigeants dAfrique adhreront ces changements, ou sils les considreront comme une menace leur maintien au pouvoir. voir la faon dont ils ont ragi aux manifestations et la dissidence, on peut dire que la plupart des responsables politiques faisaient partie en 2011 non pas de la solution, mais bien du problme.

  • Martina Correia fixe la prison au moment prcis o son frre, Troy Davis, est excut alors que de nombreux doutes planent sur sa culpabilit (Gorgie, tats-Unis, 21septembre 2011). Martina Correia est elle-mme dcde deux mois plus tard des suites dune longue maladie.

    Le combat pour la justice ne sarrte pas avec moi. Cette lutte vaut pour tous les Troy Davis qui mont prcd et tous ceux qui viendront aprs moi. Troy Davis, excut aprs avoir pass 20ans dans le couloir de la mort

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  • Amnesty International - Rapport 2012 XXXI

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUESAMRIqUES

    [Cest] un affront la dmocratie [et] un affront ltat de droit.

    Marcelo Freixo, dput de ltat de Rio de Janeiro (Brsil), voquant lassassinat de la juge Patrcia Acioli. Il a lui-mme reu de nombreuses menaces de mort pour avoir men des investigations sur les bandes criminelles et dnonc leurs agissements.

    Le 11 aot 2011, la juge Patrcia Acioli est morte devant son domicile, Niteri, dans ltat de Rio de Janeiro, atteinte de 21 balles tires par des agents de la police militaire brsilienne. Sa longue exprience en matire pnale dans des affaires concernant des policiers impliqus dans des viola-tions des droits humains lui avaient dj valu de nombreuses menaces de mort. En octobre, 11 policiers, dont un commandant, ont t arrts et inculps. Selon certaines informations, lorsquelle a t assassine Patrcia Acioli dirigeait une enqute sur limplication prsume de ces policiers dans des excutions extrajudiciaires et des activits criminelles. Sa mort a port un coup dur au mouvement brsilien de dfense des droits humains, mais son inlassable qute de justice reste un exemple pour toutes celles et tous ceux qui, comme elle, refusent que les atteintes aux liberts fondamentales soient passes sous silence.

    En 2011, les revendications en matire de droits humains se sont fait entendre travers toute la rgion, tant devant les tribunaux nationaux que dans le systme interamricain de protection de ces droits et dans la rue. Les appels la justice lancs par de simples citoyens, des dfenseurs des droits humains, des organisations de la socit civile et des peuples indignes ont pris de lampleur, et plusieurs ont dbouch sur une confrontation directe avec de puissants intrts conomiques et politiques. Ces conflits taient

  • XXXII Amnesty International - Rapport 2012

    pour beaucoup provoqus par des politiques de dveloppement conomique qui exposaient nombre dhabitants en particulier les plus dmunis et les populations marginalises un risque accru de subir des violations et dtre exploits.

    Exiger la justice et la fin de limpunitNombre daffaires de droits humains ne progressaient que lentement, frei-nes par une justice difficilement accessible, par le manque dindpendance du pouvoir judiciaire et par la volont de certains milieux de protger des intrts politiques, conomiques et judiciaires et de recourir des mesures extrmes pour ne pas avoir rendre des comptes. Dans certains pays comme le Brsil, la Colombie, Cuba, le Guatemala, Hati, le Honduras et le Venezuela il tait dautant plus difficile de faire respecter ces droits que leurs dfen-seurs, les tmoins, les avocats, les procureurs et les juges taient frquem-ment menacs, voire tus. Les journalistes qui tentaient de dnoncer les abus de pouvoir, les atteintes aux droits fondamentaux et la corruption taient eux aussi souvent pris pour cibles en Amrique latine et dans les Carabes.

    Dans certains pays, toutefois, malgr les obstacles et de frquents revers, des avances non ngligeables ont t enregistres dans les enqutes et les poursuites portant sur les violations des droits humains commises dans le pass. Un certain nombre danciens dirigeants militaires de facto et doffi-ciers suprieurs de larme ont t reconnus coupables et condamns des peines demprisonnement.

    En Argentine, lancien gnral Reynaldo Bignone et lhomme politique et ex-policier Luis Abelardo Patti ont t condamns en avril la rclusion perptuit pour plusieurs meurtres, enlvements et actes de torture commis dans la ville dEscobar pendant les annes 1970. En octobre, lex-capitaine de la marine Alfredo Astiz et 15 autres militaires ont t condamns des peines demprisonnement allant de 18 ans la perptuit pour leur impli-cation dans 86 crimes contre lhumanit commis dans les annes 1970. Leurs victimes avaient t enleves puis dtenues dans le centre de dten-tion secrte install au sein de lcole suprieure de mcanique de la Marine (ESMA), Buenos Aires, o certaines sont mortes sous la torture ou aprs avoir t jetes dun avion en plein vol. Parmi les personnes tues se trou-vaient les deux religieuses franaises Lonie Duquet et Alice Domon, les mili-tantes des droits humains Azucena Villaflor, Mara Bianco et Esther Careaga, co-fondatrices du mouvement des Mres de la place de Mai, et lcrivain et journaliste Rodolfo Walsh.

    En Bolivie, la Cour suprme a dclar coupables sept anciens hauts responsables, militaires et civils, pour leur implication dans les vnements dits d octobre noir , qui ont fait 67 morts et plus de 400 blesss au cours de manifestations survenues en 2003 El Alto, prs de La Paz. Il sagissait du premier procs de responsables militaires accuss de violations des droits humains se concluant devant un tribunal civil bolivien. Cinq anciens officiers de larme se sont vu infliger des peines allant de 10 15 ans de rclusion. Deux anciens ministres ont t condamns trois annes demprisonne-ment, assorties par la suite du sursis.

    Au Brsil, la prsidente Dilma Rousseff a promulgu une loi portant cra-tion dune commission vrit charge denquter sur les violations des droits

    Le capitaine de la marine Alfredo Astiz et 15 autres militaires ont t condamns des peines demprisonnement allant de 18 ans la perptuit pour leur implication dans 86 crimes contre lhumanit commis dans les annes 1970.

  • Amnesty International - Rapport 2012 XXXIII

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    humains commises entre 1946 et 1988. Au Chili, le nombre de violations faisant lobjet dune instruction judiciaire est parvenu un niveau jamais atteint, avec louverture de 726 nouvelles affaires pnales et le dpt de plus dun millier de plaintes, constitues au fil des ans par les proches de personnes excutes pour des motifs politiques sous le rgime militaire du gnral Augusto Pinochet.

    Aprs presque 25 ans dexil en France, Jean-Claude Duvalier, ancien prsident dHati, a regagn le pays et a immdiatement fait lobjet dune enqute pnale pour de graves violations des droits humains, la suite de plaintes dposes par des victimes et des proches de victimes. En Colombie, le gnral la retraite Jess Armando Arias Cabrales a t condamn en avril 35 ans demprisonnement pour son implication dans la disparition force de 11 personnes en novembre 1985 ; celles-ci avaient t enleves aprs que larme eut pris dassaut le palais de justice o des lments du mouve-ment de gurilla M-19 retenaient des otages. En septembre, Jorge Noguera, ancien directeur du Dpartement administratif de scurit (DAS) colombien, a t condamn 25 annes demprisonnement pour lassassinat en 2004 du professeur duniversit Alfredo Correa de Andreis et pour ses liens avec des groupes paramilitaires.

    Si importantes que soient ces affaires, elles constituaient des exceptions et limpunit tait la norme. Ainsi, en Colombie, lancienne directrice du DAS Mara del Pilar Hurtado continuait dchapper la justice alors quelle tait implique dans un scandale li des coutes et des oprations de surveillance illgales, ainsi qu des menaces contre des opposants de lex-prsident colombien, Alvaro Uribe. Elle stait vu accorder lasile au Panama en 2010.

    Au Mexique, les actions en justice intentes contre les auteurs de graves violations des droits humains commises dans les annes 1960, 1970 et 1980 taient au point mort. La Cour suprme a toutefois conclu que les arrts de la Cour interamricaine des droits de lhomme sur le Mexique taient contrai-gnants, notamment lobligation de transfrer la justice civile les affaires de militaires impliqus dans des violations des droits humains.

    Dans le domaine de la justice internationale les avances ont t ingales. Ainsi, en octobre, les autorits canadiennes nont pas arrt lancien prsident des tats-Unis George W. Bush, en dplacement en Colombie-Britannique, en dpit dlments probants attestant sa responsabilit dans des crimes de droit international, notamment des actes de torture. En revanche, la France a extrad en dcembre lancien chef dtat de facto du Panama, Manuel Noriega, vers son pays, o il avait t reconnu coupable par contumace du meurtre dopposants politiques, entre autres crimes.

    Le systme interamricain de protection des droits fondamentauxAu cours de lanne, le systme interamricain, en particulier la Commission interamricaine des droits de lhomme, a t la cible dattaques virulentes de la part de plusieurs tats. Les autorits brsiliennes ont ainsi rappel leur ambassadeur auprs de lOEA, en raction aux mesures ordonnes par la Commission sur le projet damnagement hydrolectrique de Belo Monte. La Commission avait demand la suspension du projet tant que les commu-nauts indignes concernes nauraient pas t dment consultes. Plus

    Au Brsil, les agents de la force publique avaient toujours recours des pratiques marques par la discrimination, les atteintes aux droits humains et la corruption ; certaines de leurs oprations taient de vritables interventions militaires.

  • XXXIV Amnesty International - Rapport 2012

    inquitant encore, le secrtaire gnral de lOEA, Jos Miguel Insulza, a ouvertement soutenu la position brsilienne et publiquement demand la Commission de rexaminer sa dcision dans laffaire Belo Monte. La Commission a, par la suite, modifi les mesures conservatoires ordonnes dans cette affaire, nexigeant plus du Brsil que le projet soit suspendu dans lattente de la consultation des populations concernes.

    Lquateur, le Prou et le Venezuela ont galement critiqu la Commission interamricaine des droits de lhomme, lui reprochant doutrepasser son mandat et de porter atteinte leurs droits souverains. Les critiques formu-les par lquateur et le Venezuela concernaient essentiellement le Bureau du rapporteur spcial pour la libert dexpression. Quant au Prou, il repro-chait vivement la Commission sa dcision ordonnant le renvoi devant la Cour interamricaine des droits de lhomme dune affaire relative des excutions extrajudiciaires qui auraient t perptres en 1997, au moment de la libration de 71 otages (dans le cadre de lopration appele Chavn de Huntar).

    Au cours du second semestre de 2011, les tats membres de lOEA ont continu de dbattre dventuelles rformes du systme interamricain de protection des droits fondamentaux. lissue de ces discussions, un rapport a t remis au Conseil permanent de lOEA, qui devait lexaminer dbut 2012. Bien que les recommandations nonces dans ce document aient t prsentes comme ayant pour objectif de renforcer le systme, certaines des mesures proposes risquaient en ralit de compromettre son indpen-dance et son efficacit et davoir dimportantes rpercussions sur laction de la Commission et de ses rapporteurs.

    Scurit publique et droits humainsLes tats ont, cette anne encore, tir profit de proccupations lgitimes au sujet de la scurit publique et du taux lev de criminalit pour justifier ou feindre dignorer les violations des droits humains perptres par leurs forces de scurit lorsquelles combattaient les activits criminelles ou les groupes arms.

    Tandis quil poursuivait sa campagne contre les cartels de la drogue, le gouvernement mexicain a ferm les yeux sur les nombreuses informations faisant tat de torture, de disparitions forces, dhomicides illgaux et de recours excessif la force imputables larme de terre et, de plus en plus, la marine. Plus de 12 000 personnes ont t tues dans des violences attri-bues aux organisations criminelles et 50 000 soldats de larme de terre et de la marine taient toujours dploys par le chef de ltat, Felipe Caldern, pour assurer le maintien de lordre. Certains lments attestaient de la collusion entre agents de police ou des forces de scurit et associations criminelles, notamment travers lenlvement et lassassinat de membres prsums dautres organisations criminelles. Le gouvernement maintenait que ces violations taient exceptionnelles et que leurs auteurs taient amens rendre des comptes mais, au cours de lanne, une seule affaire a entran la comparution en justice de militaires.

    Dans une moindre mesure, larme a t utilise pour assurer le maintien de lordre dans un certain nombre dautres pays de la rgion, dont le Guatemala, le Honduras, la Rpublique dominicaine, le Salvador et le Venezuela, o le

    Il y avait lieu de penser que, dans un certain nombre de cas, la police dominicaine avait recouru des pratiques dlibrment meurtrires au lieu de chercher arrter des suspects non arms.

  • Amnesty International - Rapport 2012 XXXV

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    prsident Hugo Chvez a ordonn le dploiement dans les rues de soldats de la Garde nationale pour lutter contre la multiplication des crimes violents.

    Confronts un niveau trs lev de criminalit violente dans le pays, les agents de la force publique brsilienne avaient toujours recours des pratiques marques par la discrimination, les atteintes aux droits fondamen-taux et la corruption. Certaines de leurs oprations taient de vritables inter-ventions militaires. Si quelques projets en matire de scurit publique ont favoris, dans une certaine mesure, une baisse des niveaux de violence, les rformes promises dans ce domaine par les autorits fdrales ont t mises mal par dimportantes coupes budgtaires et le manque de dtermina-tion politique. Cette anne encore, des quartiers dfavoriss ont t pris en tau entre les violences des gangs et des mthodes policires abusives, les habitants tant souvent traits comme des dlinquants. Rio de Janeiro, le pouvoir des milices sest encore accru. Ces bandes criminelles, composes dagents ou dex-agents des forces de lordre, ont renforc leur mainmise sur un grand nombre des communauts les plus pauvres de la ville, recourant aux violences et lextorsion de fonds et sappuyant sur des activits finan-cires illicites et sur la mise en place dappuis politiques. Lassassinat de la juge Patrcia Acioli a mis en lumire linfluence et lassurance de ces gangs.

    Adoptant une approche radicale dans sa lutte contre la criminalit, la police dominicaine sest rendue coupable de dtentions arbitraires, de torture et dautres traitements cruels, inhumains ou dgradants, dhomicides illgaux et de disparitions, entre autres graves violations des droits humains. Il y avait lieu de penser que, dans un certain nombre de cas, elle avait recouru des pratiques dlibrment meurtrires au lieu de chercher arrter les suspects qui, pour beaucoup, ntaient pas arms.

    Conflit armLe conflit arm qui dchire de longue date la Colombie infligeait toujours dindicibles souffrances aux populations civiles de lensemble du pays. Les affrontements avaient des consquences en matire de droits humains parti-culirement graves pour les habitants des zones rurales, en particulier les communauts indignes, afro-colombiennes et paysannes. Plusieurs milliers dentre eux ont t contraints de fuir leur foyer. Des mouvements de gurilla et des paramilitaires se sont rendus coupables de graves exactions, dont des violations du droit international humanitaire, dans certains cas avec la collu-sion des forces de scurit.

    Certaines des mesures lgislatives adoptes par les autorits ont marqu des tapes importantes. La loi sur les victimes et la restitution de terres recon-naissait notamment les droits rparation de certaines victimes et prvoyait la restitution dune partie des millions dhectares de terres drobes au cours du conflit. Ce texte excluait toutefois de nombreuses victimes ; une vague dhomicides et de menaces visant les dfenseurs des droits humains, en particulier ceux qui uvraient en faveur de la restitution des terres, susci-tait des doutes quant la capacit des autorits restituer les terres leurs propritaires lgitimes, comme elles sy taient engages.

    La dtermination du gouvernement colombien protger les droits humains et lutter contre limpunit a t remise en question par les mesures visant largir la comptence des juridictions militaires, susceptibles de permettre

    Le conflit arm qui dchire de longue date la Colombie infligeait toujours dindicibles souffrances aux populations civiles de lensemble du pays.

  • XXXVI Amnesty International - Rapport 2012

    aux membres des forces de scurit souponns de violations des droits humains dchapper la justice. Le prsident Juan Manuel Santos et le chef dtat-major des forces armes ont, par ailleurs, critiqu la condamna-tion pour violations des droits humains de plusieurs hauts responsables de larme.

    Lutte contre le terrorisme et scurit la fin de lanne, prs de deux ans aprs lexpiration du dlai fix par le prsident des tats-Unis Barack Obama pour la fermeture du centre de dtention de Guantnamo, plus de 150 hommes y taient toujours dtenus.

    Lespoir que le gouvernement amricain respecte sa propre dclaration de 2009, selon laquelle cinq de ces hommes, accuss de participation aux attentats du 11 septembre 2001, comparatraient devant une juridiction fd-rale ordinaire, a t ananti lorsque le ministre de la Justice a annonc en avril quils seraient jugs par une commission militaire. Les autorits nont pas cach leur intention de requrir la peine de mort contre les cinq prisonniers. Dans une autre affaire juge par une commission militaire, le Saoudien Abd al Rahim al Nashiri a t renvoy devant la justice en septembre. Il risque dtre condamn mort sil est dclar coupable.

    Les responsables prsums des violations des droits humains perptres dans le cadre du programme de dtentions secrtes de la CIA, mis en place par le gouvernement prcdent, jouissaient toujours dune parfaite impunit. En juin, le ministre de la Justice a annonc que, hormis dans deux cas de morts en dtention, il ne garantissait pas de nouvelles investigations sur ces dtentions, alors que la torture et la disparition force faisaient partie int-grante du programme secret et quau nombre des victimes figuraient des dtenus faisant actuellement lobjet dun procs inique devant une commis-sion militaire et risquant dtre excuts, sils taient dclars coupables.

    Peuples indignesMalgr quelques volutions encourageantes, les violations des droits des peuples indignes constituaient toujours un motif de proccupation majeur.

    Bien souvent, les peuples indignes ont t privs de leur droit dtre consults en bonne et due forme et de donner un consentement libre, pra-lable et clair au sujet de vastes projets de dveloppement les concernant, y compris dans le secteur des industries extractives. Le Prou a adopt cette anne une loi historique, qui a rendu obligatoire la consultation des popula-tions autochtones avant la mise en place de tout projet de dveloppement sur des terres ancestrales. De telles dispositions demeuraient toutefois exception-nelles. Bien que tous les tats de la rgion aient approuv la Dclaration sur les droits des peuples autochtones [ONU, 2007], les droits noncs dans ce texte taient encore loin dtre respects.

    Le non-respect des droits des peuples indignes avait des rpercussions ngatives non seulement sur leurs moyens de subsistance, mais aussi sur ces communauts elles-mmes, qui taient menaces, harceles, expul-ses ou dplaces de force, attaques ou tues, mesure que lexploita-tion des ressources sintensifiait dans les rgions o elles vivaient. Au Brsil, en Colombie, au Guatemala et au Mexique, des indignes ont t chasss de leurs terres, souvent par la violence. En Bolivie et au Prou, les

    Prs de deux ans aprs lexpiration du dlai fix par le prsident des tats-Unis Barack Obama pour la fermeture du centre de dtention de Guantnamo, plus de 150 hommes y taient toujours dtenus.

  • Amnesty International - Rapport 2012 XXXVII

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    informations recueillies ont fait tat dun recours excessif la force len-contre de personnes qui manifestaient en faveur des droits de ces habitants et dnonaient des projets damnagement. Les motifs fallacieux invoqus pour poursuivre des dirigeants indignes taient un motif de proccupation en quateur et au Mexique.

    Comme les annes prcdentes, il y avait lieu de penser que les tats ne prenaient pas au srieux les droits des peuples indignes ou naffichaient pas la volont politique ncessaire pour mettre fin la discrimination qui svissait depuis de nombreuses dcennies. En avril, la Commission interamricaine des droits de lhomme a exhort le Brsil suspendre la construction du barrage de Belo Monte tant que les communauts indignes nauraient pas t pleinement et dment consultes et en particulier tant quelles nau-raient pas eu accs dans les langues appropries une valuation exhaus-tive des consquences sociales et environnementales du projet , et que des mesures nauraient pas t mises en uvre pour protger les communauts volontairement isoles. Le Brsil sest farouchement oppos ces mesures conservatoires, que la Commission a par la suite allges.

    En Bolivie, aprs plusieurs semaines de manifestations au cours desquelles de trs nombreuses personnes ont t blesses, les forces de scurit ayant utilis du gaz lacrymogne et des matraques pour disperser les occupants dun campement de fortune, le prsident Morales a dcid dannuler le projet damnagement dune route traversant le Territoire indigne et parc national Isiboro-Scure (TIPNIS). Les manifestants indignes considraient que ce projet avait t planifi en violation des garanties constitutionnelles relatives la consultation pralable et des lois en matire de prservation de lenvironnement.

    Au Canada, daprs un audit fdral rendu public en aot, 39 % des systmes dapprovisionnement en eau des Premires nations comportaient de graves dfaillances, et 73 % des rseaux deau potable et 65 % des circuits dvacuation des eaux uses prsentaient un risque moyen ou lev pour la sant.

    Droits des femmes et des fillesLes tats de la rgion nont pas donn la priorit sur le plan politique la protection des femmes et des filles contre le viol, les menaces et les homi-cides. La mise en uvre des lois visant combattre les violences lies au genre constituait toujours un sujet de proccupation majeur. De plus, devant le manque de ressources disponibles pour ouvrir des enqutes et engager des poursuites en lien avec ces crimes, on sinterrogeait sur lexistence dune volont vritable, de la part des pouvoirs publics, de sattaquer au problme. Dans de nombreux pays, le manque de dtermination traduire en justice les responsables de ces crimes contribuait perptuer limpunit pour les auteurs de violences lies au genre et favorisait un climat de tolrance envers les violences faites aux femmes et aux filles.

    Les violations des droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles demeuraient monnaie courante et avaient des consquences effroyables sur leur vie et leur sant. Le Chili, le Nicaragua et le Salvador interdisaient toujours toute forme davortement, y compris pour les jeunes filles et les femmes enceintes la suite dun viol ou dont la poursuite de la grossesse

    Au Brsil, en Colombie, au Guatemala et au Mexique, des indignes ont t chasss de leurs terres, souvent par la violence.

  • XXXVIII Amnesty International - Rapport 2012

    mettait la vie en pril. Quiconque pratiquait ou sollicitait une interruption de grossesse sexposait une lourde peine demprisonnement.

    Dans dautres pays, laccs des services davortement srs tait garanti par la loi mais refus dans la pratique, des procdures judiciaires intermi-nables le rendant quasiment impossible en particulier pour les femmes nayant pas les moyens de recourir des structures prives. Laccs la contraception et linformation sur les questions lies la sexualit et la procration demeurait un motif de proccupation, en particulier pour les femmes et les filles les plus marginalises de la rgion.

    Migrants : des victimes visibles, des droits invisiblesDans un certain nombre de pays, plusieurs centaines de milliers de migrants, en situation rgulire et irrgulire, nont pas t protgs par la loi.

    Au Mexique, plusieurs centaines de corps ont t dcouverts dans des fosses communes. Certains ont t identifis comme les cadavres de migrants victimes denlvement. Les familles de migrants dAmrique centrale disparus ont organis des manifestations travers le pays pour que leurs proches soient localiss et pour attirer lattention sur le sort subi par de nombreux migrants. Ceux-ci taient plusieurs dizaines de milliers, originaires dAm-rique centrale, traverser chaque anne le Mexique. Certains taient enlevs, torturs, viols, voire tus par des bandes criminelles, qui opraient souvent avec la complicit de reprsentants de ltat. Par crainte de reprsailles ou de mesures dexpulsion, les migrants sans papiers taient rarement mme de dnoncer les graves violations dont ils taient victimes.

    Au Mexique, les dfenseurs des droits des migrants, en particulier ceux qui uvraient au sein du rseau de centres daccueil assurant une aide huma-nitaire ces personnes, ont t pris pour cible comme jamais auparavant.

    Dans le sud-ouest des tats-Unis, le long de la frontire mexicaine, des migrants en situation rgulire et irrgulire ont t victimes de discrimi-nation et de profilage aux mains dagents de la force publique, lchelle locale, fdrale et des tats. En butte des pratiques discriminatoires lorsquils tentaient de se tourner vers la justice et de demander une protec-tion, ils se heurtaient aussi des obstacles les empchant daccder lducation et aux soins mdicaux. Ils faisaient, par exemple, lobjet de politiques visant surveiller plus troitement les migrants par rapport au reste de la population, ou risquaient dtre dnoncs aux services de limmigration. la suite de nouvelles propositions de lois contre limmi-gration, certains lves ont abandonn leur scolarit par crainte que leurs parents ne soient arrts. Des textes lgislatifs contre limmigration adopts par la Caroline du Sud, la Gorgie, lUtah et lIndiana ont t contests devant la justice fdrale.

    En Rpublique dominicaine, des migrants hatiens en situation rgulire et irrgulire ont t victimes de violations de leurs droits humains, dont des expulsions massives, illgales et violentes, au cours desquelles des Dominicains dorigine hatienne ont, comme les annes prcdentes, t privs de leur droit la nationalit dominicaine. Au cours des oprations dexpulsion, certains migrants auraient t battus et des enfants auraient t spars de leurs parents. Plusieurs pays, dont les Bahamas, nont pas tenu compte des appels lancs par lONU pour que cessent, pour des motifs

    Les familles de migrants disparus ont organis des manifestations travers le pays pour que leurs proches soient localiss.

  • Amnesty International - Rapport 2012 XXXIX

    RSUMSRgIONAUx

    AMRIqUES

    humanitaires, les expulsions vers Hati compte tenu de la crise que traverse le pays depuis le sisme de 2010 et lpidmie de cholra.

    Peine de mortQuarante-trois hommes ont t excuts aux tats-Unis au cours de lanne, tous par injection ltale. Ce chiffre portait 1 277 le nombre total de prison-niers excuts depuis que la Cour suprme amricaine a lev le moratoire sur la peine de mort en 1976. Deux points positifs sont cependant noter : lIllinois est devenu en mars le 16e tat abolitionniste des tats-Unis et, en novembre, le gouverneur de lOregon a impos un moratoire sur les excu-tions et prconis une rflexion sur la peine de mort.

    Au nombre des personnes excutes en 2011 figurait Troy Davis. Il a t mis mort en Gorgie en septembre, alors que de srieux doutes planaient toujours sur la fiabilit de sa condamnation. Martina Correia, sa sur, qui a milit courageusement et sans relche contre la peine capitale jusqu son dcs en dcembre 2011, demeure une source dinspiration pour tous ceux qui dfendent haut et fort la dignit humaine et la justice dans lensemble de la rgion et dans le reste du monde.

    Elle a dclar : La peine de mort est une abomination, une ngation de la dignit humaine. Elle nest pas seulement fonde sur la couleur et la race, mais sur la capacit affronter le systme. Jessaye dtre une voix pour les sans-voix. Je ne me considre pas comme quelquun de spcial, je suis simplement persuade que ma communaut ne se limite pas mes voisins de quartier elle englobe le monde entier. Lorsque quelquun est excut en Chine, en Ouganda, au Nigeria, en Gorgie ou au Texas, cest un peu chacun de nous qui meurt.

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    Su Su Nway, militante des droits du travail, son arrive laroport de Yangon (Myanmar) le 16 octobre 2011. Elle avait t condamne 12 ans et six mois de rclusion mais a t libre la faveur dune amnistie accorde le 12octobre2011 par le gouvernement environ 240prisonniers politiques.

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  • Amnesty International - Rapport 2012 XLI

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    ASIE-PACIFIqUEASIE-PACIFIqUE

    Il est temps, peuple de Chine ! Il est temps. La Chine appartient tous. Il est temps de choisir vous-mme ce que deviendra la Chine.

    Zhu Yufu, dissident chinois

    Sentant le vent du changement politique souffler depuis le Moyen-Orient et lAfrique du Nord, plusieurs gouvernements de la rgion Asie-Pacifique ont ragi en accentuant, dans leurs efforts pour se maintenir au pouvoir, la rpression des revendications relatives aux droits humains et la dignit. Paralllement, le succs des soulvements en Tunisie et en gypte a incit les dfenseurs des droits humains, les militants et les journalistes en Asie faire entendre eux aussi leur voix, en utilisant la fois les nouvelles technologies et des mthodes militantes plus classiques pour dnoncer les violations de leurs droits.

    Zhu Yufu, lauteur du pome cit plus haut, a t arrt en mars par les autorits chinoises. Le procureur a cit ce pome comme principal lment charge pour tayer linculpation d incitation la subversion du pouvoir de ltat . Cet homme, qui avait dj pass prs de neuf ans en prison au cours des 13 dernires annes pour avoir rclam une plus grande libert politique, tait au nombre des dizaines de dtracteurs, militants et dissidents qui ont t arrts et harcels partir de fvrier par les autorits chinoises, dans le cadre de lune des pires campagnes de rpression politique qui ait t mene depuis les manifestations de

  • XLII Amnesty International - Rapport 2012

    Le succs des soulvements en Tunisie et en gypte a incit les dfenseurs des droits humains, les militants et les journalistes en Asie faire entendre eux aussi leur voix, en utilisant la fois les nouvelles technologies et des mthodes militantes plus classiques pour dnoncer les violations de leurs droits.

    la place Tiananmen en 1989. Outre Zhu Yufu, sur la longue liste des personnes arrtes, assignes domicile de manire illgale ou victimes de disparition force figuraient Liu Xia, lpouse de Liu Xiaobo, laurat du prix Nobel de la paix, ainsi que Gao Zhisheng, juriste, et Ai Weiwei, artiste de renomme mondiale. Dans plusieurs cas, les autorits chinoises ont tortur des prisonniers pour leur arracher des aveux et leur faire promettre de ne pas parler des mauvais traitements quils avaient subis sur les rseaux sociaux ni des journalistes ou toute autre personne.

    La duret de la rpression a montr quel point le gouvernement chinois tait proccup par les messages anonymes lancs sur Internet partir de fvrier en faveur dune rvolution de jasmin . Ces messages appelaient les citoyens chinois qui en avaient assez de la corruption, de la mauvaise gouvernance et de la rpression politique se rassembler pacifiquement et simplement dambuler dans un certain nombre de lieux publics dsigns, dans plusieurs villes. Aussi inoffensifs quaient t ces appels, le gouvernement chinois a ragi en interdisant plusieurs fois au cours de lanne les recherches des mots jasmin et gypte sur Internet. Des dizaines de milliers de manifestations ont toutefois eu lieu dans tout le pays, les protestataires rclamant une meilleure protection de leurs droits fondamentaux civils, politiques, conomiques, sociaux et culturels.

    Les revendications dynamiques des citoyens chinois en faveur de leurs droits ont contrast avec la situation dans la Rpublique populaire dmo-cratique de Core (Core du Nord) voisine. Rien nindiquait une amlio-ration de la situation catastrophique des droits humains dans le pays aprs laccession au pouvoir, le 17 dcembre, de Kim Jong-un, g d peine 30 ans, qui a succd son pre comme matre absolu du pays. Il semblait plutt que les autorits aient arrt des agents de ltat soup-onns dtre susceptibles de contester ou de remettre en cause une transition en douceur. Il est craindre que ces dtenus ne soient alls rejoindre les centaines de milliers de personnes soumises la dtention arbitraire, au travail forc, une excution publique et la torture ou dautres mauvais traitements dans les nombreux camps de prisonniers politiques du pays.

    Rpression de la dissidencePeu de gouvernements de la rgion ont touff la voix de leur propre peuple avec autant de brutalit que le rgime nord-coren, mais les viola-tions du droit dexprimer et de recevoir librement des opinions se sont poursuivies dans toute la rgion. Plusieurs gouvernements ont dlibr-ment cras toute opinion dissidente. En Core du Nord, les personnes qui scartaient de lidologie officielle risquaient de passer le restant de leur vie dans un camp de prisonniers politiques sinistre et isol. Le Vit-Nam et le Myanmar ont rig en infraction pnale la libre expression dopinions dissidentes et disposent de services de renseignement spci-fiquement chargs dintimider les dtracteurs du gouvernement et de les rduire au silence.

    Dautres pays ont galement musel les dissidents, en recourant toute-fois des moyens moins ouvertement violents. Singapour, qui ntait

  • Amnesty International - Rapport 2012 XLIII

    RSUMSRgIONAUx

    ASIE-PACIFIqUE

    toujours pas dispos respecter les normes internationales relatives la protection de la libert dexpression, a plac en dtention pour une courte priode Alan Shandrake, crivain britannique de 76 ans, inculp doutrage lautorit de la justice pour avoir critiqu lusage de la peine de mort par le pouvoir judiciaire.

    En Inde, pays fier de son pass de libert de parole et du dynamisme de ses mdias, le gouvernement a tent dimposer de nouvelles restrictions aux rseaux sociaux, notamment aux services de messagerie instantane. Les mdias sur Internet ont galement continu de faire lobjet de pres-sions en Malaisie, o ils taient toutefois moins entravs que la presse, la radio et la tlvision, soumises une censure stricte.

    En Thalande, le gouvernement nouvellement lu de Yingluck Shinawatra sur de lancien Premier ministre Thaksin Shinawatra na pas mis fin lapplication trs svre de la loi particulirement problmatique sur le crime de lse-majest, qui prohibe toute critique de la famille royale. Bon nombre des personnes qui ont t prises pour cible avaient mis en ligne des crits jugs rprhensibles par le parquet ; Ampon Tangnoppakul, un grand-pre de 61 ans, a quant lui t condamn 20 ans demprison-nement pour avoir envoy des SMS considrs comme insultants.

    Les autorits de la Rpublique de Core (Core du Sud) ont utilis de plus en plus souvent la Loi relative la scurit nationale pour harceler les opposants prsums la politique mene par le gouvernement lgard de la Core du Nord. Cela sest parfois traduit par une application absurde de la loi, par exemple dans le cas de Park Jeonggeun, qui a t plac en dtention et a fait lobjet de poursuites pour avoir mis en ligne des versions parodiques de la propagande nord-corenne.

    Des personnes qui critiquaient les autorits et rclamaient le respect des droits humains et de la dignit dans la rgion se sont heurtes une rpression encore plus dure et, dans certains cas, ont pay de leur vie le fait davoir lev la voix. Les journalistes pakistanais sont parvenus prserver un environnement mdiatique anim et parfois critique en dpit de la raction violente du gouvernement, ainsi que de partis politiques et de groupes insurgs, comme les talibans pakistanais. Neuf journalistes au moins ont t tus au cours de lanne, dont Saleem Shahzad, un cyber-journaliste qui avait critiqu ouvertement larme et les services de rensei-gnement tout-puissants. Dautres journalistes ont dclar Amnesty International quils avaient subi de graves menaces de la part des puis-sants et mystrieux services de renseignement, ainsi que des forces de scurit, de partis politiques ou de groupes extrmistes.

    Les journalistes nont pas t les seuls tre attaqus cause de leurs opinions au Pakistan. Deux hommes politiques de premier plan ont t assassins pour avoir dnonc lutilisation des lois trs problmatiques sur le blasphme : Salman Taseer, gouverneur du Pendjab connu pour son franc-parler, et Shahbaz Bhatti, ministre des Minorits (et seul chr-tien du gouvernement).

    Minorits linstar de nombreux autres pays de la rgion Asie-Pacifique, le Pakistan a t marqu par une discrimination persistante et grave envers

    En Core du Nord, les personnes qui scartaient de lidologie officielle risquaient de passer le restant de leur vie dans un camp de prisonniers politiques sinistre et isol.

  • XLIV Amnesty International - Rapport 2012

    les minorits religieuses et ethniques. Les membres des minorits ont souvent t marginaliss et, dans bien des cas, ils ont t victimes dun harclement exerc directement par le gouvernement. Souvent, les gouvernements nont pas respect leur obligation de protger les droits des membres des minorits. Cette discrimination bien ancre a aggrav la pauvret, ralenti le dveloppement et attis la violence dans de nombreux pays.

    Dans la province pakistanaise du Baloutchistan, riche en ressources naturelles, les forces de scurit, ainsi que certains groupes insurgs, ont t impliqus dans des atteintes aux droits humains, notamment des disparitions forces, des actes de torture et des excutions extra-judiciaires. Le gouvernement na pas tenu toutes ses promesses de rpondre aux revendications exprimes de longue date par la commu-naut baloutche propos de la distribution des revenus issus des prin-cipaux projets de lindustrie extractive et dinfrastructure. La province a galement t le thtre de plusieurs attaques violentes visant la commu-naut chiite, et tout particulirement les Hazaras chiites vivant Quetta, capitale du Baloutchistan, dont un certain nombre sont dorigine afghane. Des groupes religieux extrmistes ont appel ouvertement la violence contre les chiites et nont pas t empchs de mener leurs activits ni de perptrer des violences, par exemple lexcution de 26 plerins chiites le 20 septembre. Des groupes extrmistes pakistanais ont revendiqu des attaques contre les chiites perptres jusquen Afghanistan, o deux attentats-suicides simultans ont tu quelque 70 chiites qui participaient aux processions religieuses de lAchoura Kaboul et Mazar-e-Charif.

    La communaut ahmadiyya, groupe religieux essentiellement bas en Asie et qui se dfinit comme musulman, a t lobjet de discrimi-nation systmatique au Pakistan et en Indonsie. Au Pakistan, o la loi interdit aux ahmadis de se dire musulmans, la communaut a subi un harclement constant de la part de responsables gouvernementaux et, faute de protection et de soutien suffisants, a t prise pour cible par des groupes extrmistes religieux. En Indonsie, la police a t critique pour navoir pas empch une foule de 1 500 personnes dattaquer des ahmadis en fvrier dans le sous-district de Cikeusik ; trois personnes ont t tues et beaucoup dautres blesses. Le gouvernement central a permis que des rglements locaux restreignant les activits des ahmadis restent en vigueur. Les ahmadis ont galement t victimes de discri-mination cause de leurs croyances religieuses dans dautres pays majorit musulmane de la rgion Asie-Pacifique, tels que le Bangladesh et la Malaisie. Leurs enfants ont notamment t empchs de frquenter certaines coles et leur droit dexercer librement leur culte a t soumis de svres restrictions.

    Les musulmans sunnites ont t victimes de discrimination en Chine: la population oughoure, essentiellement musulmane et ethniquement distincte, a en effet continu dtre confronte la rpression et la discri-mination dans la rgion autonome oughoure du Xinjiang. Le gouverne-ment chinois a invoqu la vague menace du terrorisme et de linsurrection pour restreindre les droits civils et politiques et empcher les pratiques religieuses des Oughours. Lafflux de migrants chinois de lethnie han

    En Indonsie, la police a t critique pour navoir pas empch une foule de 1 500personnes dattaquer des ahmadis en fvrier; trois personnes ont t tues et beaucoup dautres blesses.

  • Amnesty International - Rapport 2012 XLV

    RSUMSRgIONAUx

    ASIE-PACIFIqUE

    et la discrimination en leur faveur faisaient en outre des Oughours des citoyens de seconde zone dans les domaines culturel, conomique et social.

    Dautres minorits ethniques ont aussi rencontr des difficults en Chine. Au moins une douzaine de religieuses, de moines et danciens moines tibtains se sont immols par le feu six dentre eux seraient morts pour protester contre les restrictions aux pratiques religieuses et culturelles, qui ont accentu le sentiment dalination des Tibtains et renforc leurs griefs. Les tensions ethniques ont t fortes galement en Mongolie intrieure. Des manifestations de grande ampleur ont clat dans toute la rgion aprs le meurtre prsum dun berger mongol par un Chinois han qui conduisait un camion transportant du charbon.

    Conflits arms et insurrectionsLa discrimination ethnique et religieuse et les griefs politiques et cono-miques qui en dcoulent ont t lorigine dune grande partie des nombreux conflits arms et insurrections sans fin qui ont touch des centaines de milliers de personnes dans la rgion.

    Les conflits qui opposaient depuis des dcennies le gouvernement du Myanmar et diffrents groupes ethniques arms ont connu une recrudes-cence. Les forces gouvernementales ont combattu les insurgs karen, chan et kachin, dplaant des dizaines de milliers de civils et commettant des atteintes aux droits humains et des violations du droit international humanitaire constitutives de crimes contre lhumanit ou de crimes de guerre.

    En Afghanistan, les talibans et dautres groupes insurgs ont lanc des attaques gnralises et systmatiques contre des civils et, selon les Nations unies, ont t lorigine de 77 % des pertes civiles dans le cadre du conflit. Amnesty International a de nouveau demand que la Cour pnale internationale (CPI) mne une enqute sur la situation, alors mme que les forces internationales qui aidaient le gouverne-ment afghan commenaient transfrer la responsabilit de la scu-rit aux forces gouvernementales afghanes. De nombreux groupes de la socit civile afghane, tout particulirement des groupes de femmes, ont exprim leur inquitude dtre exclus des ngociations avec les groupes insurgs, en dpit de la rsolution 1325 du Conseil de scurit de lONU, qui demande que les femmes participent de manire signifi-cative aux pourparlers de paix et soient suffisamment reprsentes dans ce type de processus.

    Des conflits de faible intensit se sont poursuivis sur lle de Mindanao, aux Philippines, ainsi que dans le sud de la Thalande deux rgions o les minorits musulmanes ont t historiquement prives de leurs droits et confrontes un faible dveloppement conomique. Lespoir tait permis aux Philippines, o les parties ont sembl rechercher la paix malgr une brve flambe de violence. En revanche, la situation tait complexe dans le sud de la Thalande, o les insurgs ont continu de prendre les civils pour cible dans le but dintimider la population locale et de dplacer les bouddhistes et dautres habitants considrs comme fidles au gouver-nement central. Ce dernier na pas respect ses engagements dobliger

    Les conflits qui opposaient depuis des dcennies le gouvernement du Myanmar et diffrents groupes ethniques arms ont connu une recrudescence. Les forces gouvernementales ont combattu les insurgs, dplaant des dizaines de milliers de civils et commettant des violations constitutives de crimes de guerre.

  • XLVI Amnesty International - Rapport 2012

    les membres des forces de scurit responsables de violations des droits humains rendre compte de leurs actes ni dapporter une rponse stra-tgique et prenne aux revendications en faveur dun meilleur dveloppe-ment politique et conomique de la rgion.

    Le dveloppement conomique relativement faible, tout particulire-ment en ce qui concerne les adivasis (aborignes), ainsi que la mauvaise gouvernance, ont aliment des insurrections dans plusieurs tats du centre et de lest de lInde. Quelque 250 personnes ont trouv la mort dans des affrontements entre des groupes arms maostes et les forces de scurit. Les insurgs ont eu recours des prises dotages et des attaques menes sans discrimination, tandis que les forces gouver-nementales violaient rgulirement les droits des populations locales quelles taient censes protger. Reconnaissant les problmes poss par la stratgie gouvernementale, la Cour suprme a ordonn le dmant-lement des groupes paramilitaires soutenus par ltat du Chhattisgarh, qui se seraient rendus coupables de graves atteintes aux droits humains. Cette juridiction a galement autoris la remise en libert sous caution de Binayak Sen en attendant quil soit statu sur son appel. Ce prisonnier dopinion avait t condamn la dtention perptuit en 2010 par un tribunal de district du Chhattisgarh, qui lavait dclar coupable de sdi-tion et de collaboration avec des combattants maostes.

    Les forces indiennes ont de nouveau t accuses de violations des droits humains dans ltat de Jammu-et-Cachemire. Aprs la publication par Amnesty International, en mars, dun rapport consacr lutilisation abusive de la dtention administrative en vertu de la Loi relative la scu-rit publique (PSA), les autorits locales se sont engages modifier cette loi. En septembre, la commission des droits humains de ltat a dcouvert plus de 2 700 tombes anonymes et a identifi 574 corps comme tant ceux dhabitants de la rgion qui avaient disparu, contredisant les all-gations des forces de scurit selon lesquelles ces