AHJUCAF, Internationalisation Du Droit, Internationalisation de La Justice, 2010

download AHJUCAF, Internationalisation Du Droit, Internationalisation de La Justice, 2010

of 193

Transcript of AHJUCAF, Internationalisation Du Droit, Internationalisation de La Justice, 2010

  • 5, quai de lHorloge - 75001 PARIS FranceTlphone : 00 331 46 34 67 40 Tlcopie : 00 331 46 34 67 [email protected]

    Cr

    dits

    Phot

    os

    CSC

    / P

    hilip

    pe L

    andr

    evill

    e - 1

    1/20

    10

    ahjucaf

    ahjucaf

    www.ahjucaf.org

    ahjucafCOURS JUDICIAIRES SUPRMES FRANCOPHONES

    I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t ,i n te r na l i sa t ion de la j u s t i ce

    21-23 juin 2010 21-23 juin 2010 C o u r s u p r m e d u C a n a d a O t t a w a

    Inte

    rna

    lisa

    tio

    n d

    u d

    roit

    ,in

    tern

    ali

    sati

    on

    de

    la j

    usti

    ce21

    -23

    juin

    201

    0 C

    ou

    r su

    pr

    me

    du

    Ca

    na

    da

    Ott

    aw

    a

    3me

    3m

    e

    congrs de lAHJUCAF

    cong

    rs

    de l

    AH

    JUC

    AF

    couvExe+10Tranche.indd 1 22/11/10 15:21

  • ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 1 (Noir/Black film)

  • Les rapports entre juridictions nationales et tribunaux arbitraux internationaux . . . . . . . . .59

    I. Transformation des finalits de lintervention judiciaire . . . . . . . . . . . . . . .60

    II. Linternationalisation du cadre juridique de lintervention judiciaire . . . . . . . . .62

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Atelier II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66

    Les rapports entre les cours nationales . . . . . . . . . . . . .66

    Les approches des systmes de droit international priv et les conventions internationales . . . . . . . . . . .66

    I. Lobjet du Droit international priv . . . . . . . .66

    II. Lapproche conflictuelle traditionnelle et sa critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67

    III. Les intrts gouvernementaux. Notion de vrai ou faux conflit . . . . . . . . . . . .71

    IV. Rgles matrielles ou substantielles internationales uniformes principalement par voie de conventions internationales . . . . . .72

    V. Les conventions internationales de droit international priv . . . . . . . . . . . . . .73

    VI. La reconnaissance. Une approche limite. Lapproche de la reconnaissance des actes juridiques trangers . . . . . . . . . . . .73

    VII. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .74

    Projections du juge national a lextrieur de sa juridiction saisine effet de jugements dans des situations transnationales le refus dagir du juge les dessaisissements volontaires ou la rgle de forum non conveniens lexemple de lIle Maurice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75

    I. Projection du juge national a lextrieur de sa juridiction - saisine et effet de jugements dans des situations transnationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76

    II. Le refus dagir du juge, les dessaisissements volontaires (la rgle du forum nonconveniens) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .82

    III. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .86

    Dimanche 20 juin 2010 . . . . . . . . . . .6

    Rception la Cour suprmedu Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6

    Lundi 21 juin 2010 . . . . . . . . . . . . . . .7

    Ouverture et allocutions . . . . . . . . . . .7

    Rapport introductif . . . . . . . . . . . . . . .14

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Atelier I . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22

    Rapports juridictionnels entre les juridictions nationales et internationales . . . . . . . . . . . . . . . .22

    Autorit juridictionnelle des cours internationales lgard des cours nationales : le cas de la Cour deJustice de lUEMOA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22

    I. Les rapports horizontaux ou apparente horizontalit . . . . . . . . . . . . . .24

    II. Les rapports verticaux ou vritable verticalit . . . . . . . . . . . . . . . . .26

    Les mthodes de saisine des tribunaux internationaux . . . . . . . . . . . . . .29

    I. Juridiction internationale pnale . . . . . . . . . .29

    II. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36

    Leffet et lexcution des dcisions internationales . . . . . . . . . . . . . .37

    I. La Cour pnale internationale (CPI), juge de la violation du droit humanitaire international . . . . . . . . . . . . . . . .38

    II. Les procdures devant la Cour et l'approche du Bureau du Procureur . . . . . . . . . . . . . . . .41

    III. Enqutes prliminaires, situations en cours et dcisions rendues . . . . . . . . . . . .44

    IV. Cas particulier de lexcution par un tat non partie au Statut et la question des immunits . . . . . . . . . . . . .53

    V. Les techniques et des stratgies du BdP destines garantir la mise en oeuvre de ces dcisions et limpact du travail de la CPI . . . . . . . . . . . . . . . . . . .54

    VI. Conclusion gnrale . . . . . . . . . . . . . . . .59

    ahjucafS O M M A I R E

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 23/11/10 17:36 Page 2 (Noir/Black film)

  • La greffe juridique en droit compar . . . . . . . . .86

    I. Lcole des anti-greffes . . . . . . . . . . . . . . . .88

    II. Lcole des pro-greffes . . . . . . . . . . . . . . . .91

    III. Lcole de la greffe prudente et parcimonieuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .92

    La rception des dcisions trangres . . . . . . . .95

    I. Les raisons de la rception . . . . . . . . . . . . .96

    II. Les modalits de la rception . . . . . . . . . . .99

    III. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .103

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Atelier III . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104

    La rception du droit international par les droits nationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104

    Mthodes dintgration du droit international en droits internes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104

    I. Linternationalisation croissante des principes directeurs : mthodes constitutionnelles dintgration . . . .105

    II. Linternationalisation mesure de la pratique tatique : mthodes lgislatives de transposition .109

    III. Lintgration complte : leffort judiciaire dapplication et dinterprtation du droit international . . . . . . . . . . . . . . . . .113

    Lmergence du droit humanitaire et du droit pnal international . . . . . . . . . . . .115

    Rception l'Ambassade de France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .123

    Allocution de bienvenue . . . . . . . . . . . . . . . .123

    Allocution prononce lambassade de France au Canada . . . . . . .125

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Mardi 22 juin 2010 . . . . . . . . . . . . .126

    Atelier VI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .126

    La coopration et les cours nationales . . . . . . . . . . .126

    Laction de lOrganisation internationale de la Francophonie dans le monde judiciaire . .126

    I. Place centrale de la justice au sein des engagements francophones : principaux jalons de cette conscration . . . . .126

    II. Atouts de laction de lOIF dans le monde judiciaire . . . . . . . . . . . . . . . . . .127

    III. Rpondre lambition des engagements : clairage sur les missions conduites dans les secteurs du droit et de la justice . . . .129

    Lexprience de lAssociation Africaine des Hautes Juridictions Francophones dans la circulation entre les hautes Institutions judiciaires . . . . . . . . . . . . . . . . . .132

    I. LAA-HJF, un outil dintgration juridique et judiciaire au service de ltat de droit en Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .132

    II. La circulation ou linternationalisation du droit et de la justice par lAA-HJF . . . . . . .134

    III. Des difficults et des perspectives . . . . . . .137

    IV. Tableau synoptique des rencontres thmatiques de lAA-HJF depuis sa cration . .139

    Droit francophone et droit continental. . . . . . . .141

    I. Des droits introuvables ?. . . . . . . . . . . .141

    II. Et pourtant ils existent . . . . . . . . . . . . . . .143

    La rforme des systmes de scurit dans lespace francophone . . . . . . . . . . . . . .146

    I. Dfinition du concept de reforme du systme de scurit . . . . . . . . .146

    II. Contribution de lOIF la RSS . . . . . . . . .149

    LInstitut national de la magistrature et la coopration internationale . . . . . . . . . . .156

    I. La mission de lINM. . . . . . . . . . . . . . . . .156

    II. Valeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .157

    Prsentation du rapporteur gnral . . . . . . . . .159

    Rapport de synthse . . . . . . . . . . . . . . . . . . .160

    Allocutions de clture . . . . . . . . . . .171

    Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .174

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 23/11/10 17:36 Page 3 (Noir/Black film)

  • Dimanche 20 juin 2010

    Rception la Coursuprme du Canada

    Mot de bienvenueLa trs honorable Beverley McLachlin,juge en Chef du Canada

    Mesdames et messieurs, distingus invits, aunom de mes collgues de la Cour suprme duCanada et en mon nom personnel, je vous sou-haite la bienvenue au Canada et dans notregrande maison. Jespre que vous nen resterezpas votre premire impression ! On dit quauCanada, il y a deux saisons, lhiver et les tra-vaux. Nous avons choisi les travaux pour vousaccueillir ce soir!

    Vous vous trouvez nanmoins dans ce joyau dupatrimoine architectural canadien qui, depuis1947, loge la Cour suprme. Cest le grand ar-chitecte montralais Ernest Cormier qui a conucet difice jusque dans ses moindres dtails, duplancher aux plafonds, des meubles aux lumi-naires. Les deux seuls lments qui sont trangers la conception initiale se trouvent lextrieurde la Cour, de chaque ct de la faadequelque peu obstrue par les travaux. Les deuxstatues dont une petite exposition relate lhistoireici mme - la Justice et la Vrit, ont t ajoutesen 1970. Il est difficile de croire que, malgr leurtaille, ces statues ont t oublies de tous dans unentrept gouvernemental pendant plus de 40ans. La Justice et la Vrit, caches et oubliespendant si longtemps, voil une riche mtaphore.Elle nous rappelle quotidiennement le rle descours, dont la tche est de faire en sorte que Jus-tice et Vrit soient chaque jour exposes au re-gard de tous les citoyens.

    Vous pourrez constater lors de la visite qui vousest offerte au cours de la soire que, tout en res-pectant le patrimoine, la Cour suprme a russi intgrer les technologies modernes dans sa

    salle daudience. Des camras actives par lavoix servent notamment la tldiffusion desaudiences depuis le dbut des annes 90. Plusrcemment, en 2008, des ordinateurs y ont tinstalls pour permettre aux neuf juges et auxavocats de consulter la version lectronique desmmoires des parties laudience. Noussommes fiers de pouvoir prserver notre patri-moine tout en utilisant les outils que la technolo-gie met notre disposition.

    Mais par del les installations physiques, il y adabord et avant tout les personnes. Nouscomptons parmi nous plusieurs invits demarque, et il serait trop long de les prsentertous. Je me dois toutefois de souligner la pr-sence de personnalits canadiennes: le juge enchef du Qubec, lhonorable Michel Robert etle juge en chef du Nouveau-Brunswick, lhono-rable Ernest Drapeau, le juge en chef de laCour fdrale, lhonorable Allan Lutfy et lhono-rable Gilles Ltourneau, juge la Cour dappelfdrale. Nous sommes galement trs honorspar la prsence de lhonorable Kathleen Veil,ministre de la Justice du Qubec et de lhonora-ble Kelly Lamrock, Procureur gnral du Nou-veau-Brunswick. Enfin, je suis trs heureuse desouligner la prsence de monsieur GhalebGhanem, premier prsident de la Cour de cas-sation du Liban et prsident de lAHJUCAF.

    Cette soire na pas pour objectif de faire delong discours. Elle vise nous rassembler dansce cadre symbolique pour nous permettre defraterniser et de renouer des liens que les dis-tances rendent moins tangibles. Merci dtre iciet bonne soire tous.

    6I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 6 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a7

    Lundi 21 juin 2010

    Ouverture et allocutionsPropos douvertureLa trs honorable Beverley McLachlin,juge en Chef du Canada

    Bonjour tous,

    Quel plaisir de vous retrouver tous runis cematin en cette sance douverture du Troisimecongrs de lAHJUCAF alors que vous abordezla premire longue journe de travail sur lethme choisi : internationalisation de la justice,internationalisation du droit.

    Comme le disait Madame Mireille Delmas-Marty, titulaire de la chaire tudes juridiquescomparatives et internationalisation du droit auCollge de France, dans sa Leon inaugurale :

    En dpit des apparences, il nest plus possibleaujourdhui de mconnatre la superposition denormes, nationales, rgionales et mondiales, ni lasurabondance dinstitutions et de juges, natio-naux et internationaux, comptence largie .

    Je suis tout fait convaincue que, si les jugesqui sigeaient il y a quelque trente ans reve-naient aujourdhui, ils seraient probablementsurpris de constater combien nos rgimes juri-diques sinfluencent mutuellement. Ce nestdonc pas un hasard si lAHJUCAF nous runitmaintenant pour dbattre de ce sujet. Nousvoulons essayer de trouver des rponses juri-diques adaptes nos interrogations face lamondialisation et au rle respectif des tribunauxnationaux et des instances internationales defaon pouvoir rpondre au questionnementde nos concitoyens. Les donnes rassembles la suite des questionnaires prparatoires aucongrs offrent un panorama des pratiques sui-vies par les cours de diffrents pays. La r-flexion que nous allons mener pendant les deuxjours qui viennent nous permettra de mieux cer-ner ce thme complexe et de comprendre lvo-

    lution des pays de la francophonie qui, pour laplupart, ont des racines juridiques communes.

    Je voudrais ce matin souligner tout particulire-ment le travail extraordinaire de mon collguelhonorable Louis LeBel, qui sest investi dans laprparation du congrs. Le thme dinternatio-nalisation de la justice et du droit concordebien avec son intrt pour les dbats juridiqueset son ouverture sur le monde. On peut penserquavec votre aide tous, le juge LeBel vise remdier la situation dcrite par notre an-cienne collgue la Cour suprme du Ca-nada, la juge Bertha Wilson quand elle disaitCe qui reoit souvent une moindre attentiondans le monde juridique, cest comment la mon-dialisation touche aussi la fonction des juges etdes avocats, et comment le dveloppement desliens internationaux a un effet sur les dcisionsjudiciaires et les transforme, tout particulire-ment dans le cas des cours dappel de dernireinstance travers le monde. Voici qui nous in-cite partager nos expriences au sein delAHJUCAF, qui se veut lendroit privilgi o ledialogue des juges peut seffectuer en toutefranchise afin damliorer terme lorganisationet le fonctionnement des cours suprmes et laqualit de leurs arrts.

    La solidarit au sein de lAHJUCAF prend toutesa dimension face la terrible catastrophe na-turelle qui sest abattue sur lun de nos paysmembres, Hati. Je tiens saluer ici la prsencede Matre Georges Mose, vice-prsident de laCour de cassation hatienne. Cette institution etses membres ont t profondment traumatiss.Nous voulons au sein de notre association par-ticiper la construction de lavenir avec Hati,au sein dune Francophonie solidaire.

    Permettez-moi donc, mesdames et messieurs lesmembres de lAssociation des Hautes juridic-tions de cassation des pays ayant en partagelusage du franais, distingus invits, chersamis, de vous souhaiter nouveau la plus cor-

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 7 (Noir/Black film)

  • diale des bienvenues, ainsi que des changesenrichissants tout au long de ces deux jours. Leprogramme social vous offrira, je lespre, loc-casion de profiter un peu de la belle rgion dela capitale du Canada tout en continuant vosdiscussions avec vos collgues.

    Ce matin, nous avons le plaisir davoir parminous plusieurs personnalits qui vont vous adres-ser la parole. Monsieur Yves Ct, sous-ministredlgu la Justice vient vous souhaiter la bien-venue au nom du ministre de la Justice du Ca-nada, lhonorable Rob Nicholson.

    Monsieur Ct, je vous invite dire quelquesmots.

    Propos douvertureMatre Yves Ct, Sous-ministre dlgu la Justice, Ministre de la Justice duCanada

    Madame la Juge en chef, Monsieur le Prsident de lAHJUCAF, Monsieur le Dlgu la paix, la dmocratie et aux Droits de lHomme,Mesdames et Messieurs les juges de la Coursuprme, Mesdames et Messieurs les Prsidents, Juges en chef et Juges, Distingus dlgus,

    Au nom de lhonorable Rob Nicholson, ministrede la Justice et procureur gnral du Canada,jai lhonneur et le grand plaisir de vous souhaiterla plus cordiale des bienvenues au Canada.Lemploi du temps de notre ministre ne lui permet-tait malheureusement pas de se joindre nousce matin. Il vous prie de bien vouloir len excuser.

    Le thme de la confrence cette anne : Inter-nationalisation du droit et internationalisation dela justice revt une importance plus grandeque jamais. Les diffrences persistantes entre lessystmes juridiques demeurent un obstacle ma-

    jeur ce que justice soit rendue au niveau inter-national. Si lAssociation des Hautes Juridictionsde cassation des pays ayant en partagelusage du franais navait pas t cre en2001, il manquerait aujourdhui la franco-phonie et la justice internationale, un rseauinstitutionnel de toute premire importance, cardes organismes comme le vtre ont plac lacoopration juridique au cur de leur action.Ces organismes visent lamlioration de la col-laboration et ltablissement dobjectifs com-muns entre les institutions judiciaires de nospays, ce qui nous permet de surmonter ces obs-tacles et de trouver des solutions les mieuxadaptes aux diffrentes problmatiques pou-vant survenir.

    Comme nous le savons tous, la plupart des rglesinternationales ne peuvent sappliquer sans le sou-tien et la collaboration continue des systmes ju-diciaires nationaux. Lefficacit dun systmejudiciaire national procure des avantages aumonde entier. A cette fin, le ministre de la Justicedu Canada, notre ministre, sefforce de prser-ver un cadre juridique national qui reflte la dua-lit linguistique de nos citoyens ainsi que nostraditions canadiennes bien ancre de commonlaw et de droit civil. Le ministre est aussi chargde veiller ce que le systme de justice au Ca-nada demeure quitable, pertinent, accessible etquil reflte les valeurs canadiennes.

    Pays rput pour sa stabilit et son engagement lgard de la primaut du droit, le Canadaconsidre quil a lobligation dtablir, avec sespartenaires du monde, un dialogue sur les ques-tions de droit et de gouvernance. Le ministre dela Justice honore cette obligation en sefforantdtablir et de renforcer la capacit juridique deplusieurs tats fragiles et mergents. Cest pournous un aspect important de notre rle.

    8I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 8 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a9

    Permettez-moi, en terminant, de ritrer com-bien nous sommes honors de vous accueillirchez nous. Jajoute ma voix celle du ministrede la Justice pour vous souhaiter un congrsfructueux, qui soit la hauteur de vos attentes.Vos dlibrations et vos changes renforcentcette cruciale solidarit quil est essentiel demaintenir et renforcent aussi les liens qui nousunissent tous de manire ce que linternationa-lisation du droit et de la justice continue de fairedes progrs et devienne une ralit toujours plusprsente.

    Je vous remercie.

    Mot de bienvenueMonsieur Hugo SADA, Dlgu la paix, la dmocratie et aux droits de lHommede lOrganisation internationale de laFrancophonie

    Madame la Juge en Chef du Canada, Mon-sieur le Sous-ministre dlgu la Justice,Monsieur le Prsident de lAssociation deshautes juridictions de cassation des pays ayanten pa tage lusage du franais (AHJUCAF),Premier Prsident de la Cour de cassation duLiban, Mesdames et Messieurs les Prsidents etmembres des hautes juridictions francophones,Mesdames et Messieurs,

    Je suis heureux, et honor, dtre vos cts, loccasion de cette crmonie douverture dutroisime Congrs de lAssociation des hautesjuridictions de cassation des pays ayant en par-tage lusage du franais (AHJUCAF), consacr la problmatique de linternationalisation dudroit et de la justice.

    Je me dois tout dabord de vous transmettre leschaleureuses salutations de S.E. MonsieurAbdou Diouf, Secrtaire gnral de la Franco-phonie, qui se rjouit de la tenue de ce

    Congrs, ici Ottawa, en cette anne 2010pendant laquelle la Francophonie institutionnelleclbre le quarantime anniversaire de sa fonda-tion.

    Je voudrais souligner, en son nom, limportancepour la Francophonie du travail ralis parvotre Association, ainsi que la capacit exem-plaire de mobilisation de lAHJUCAF - dont t-moigne lassemble runie aujourdhui Ottawa -, qui est dabord le reflet de lengage-ment constant de la prsidence et du secrtariatgnral de lAssociation.

    La prsence francophone, en faveur dune jus-tice indpendante, efficace et accessible, a tsans cesse confirme depuis le lancement, audbut des annes 1990, des premiers pro-grammes de coopration francophones dansles secteurs du droit et de la justice. Cet enga-gement a t confort en fvrier 2008 locca-sion de la IVme Confrence des Ministresfrancophones de la justice qui a adopt unenouvelle feuille de route, qui reste la rfrenceprincipale de la programmation de lOIF dansle domaine du droit et de la justice. Ce do-maine a, de fait, toujours occup une placecentrale dans nos actions en faveur de ltat dedroit et de la dmocratie, telles quelles sont d-finies par la Dclaration de Bamako, adopteil y a exactement dix ans.

    Lexistence de ce corpus ne saurait toutefois r-pondre lui seul nos attentes. Cest bien lamise en uvre, sur le terrain, de ce mandat quinous invite uvrer au dveloppement de par-tenariats diversifis avec les professionnels dudroit et de la justice.

    De cette option dcoule la volont de lOrgani-sation internationale de la Francophonie (OIF)de nouer des cooprations cibles avec les r-seaux institutionnels et professionnels franco-phones - et je salue la participation de nombredentre eux ce Congrs -, de mme quavec

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 9 (Noir/Black film)

  • les organisations de la socit civile. La tenue dela Confrence francophone des OING Ge-nve, partir du 23 juin prochain, constitue dela mme faon un lment majeur de cette dyna-mique et il est prcieux que lAHJUCAF puisse as-sister, en qualit dobservateur, ces travaux.

    Lanne 2010 sera marque par la tenue duXIIIme Sommet des Chefs dtat et de gouverne-ment francophones programm Montreux du22 au 24 octobre 2010 qui reviendra sur lesprincipaux dfis auxquels la Francophonie poli-tique est confronte.

    Paralllement, la clbration, en 2010, dudixime anniversaire de la Dclaration de Ba-mako, texte normatif de rfrence pour lactionde lOIF en faveur de la promotion de la paix, dela dmocratie et des droits de lHomme, offre au-jourdhui lopportunit dun bilan. Un bilan desacquis de la mobilisation des acteurs franco-phones, de mme que des dfis poss notreespace alors que les efforts de consolidation deltat de droit et de la dmocratie se heurtent des difficults, des ruptures, des situations decrise de plus en plus proccupantes.

    Dans ce contexte, la rcurrence datteintes lindpendance de la justice est clairement ob-serve, notamment par votre rseau.

    Nous avons en effet mis en place les bases duneinteraction rgulire entre nos activits et il mesemble que ce troisime Congrs doit nous per-mettre de confirmer notre volont dagir deconcert pour la ralisation dun certain nombredobjectifs convergents, auxquels les mouvementsdinternationalisation du droit et de la justiceconfrent, mon sens, une nouvelle dimension.

    Quels sont ces objectifs prioritaires pour lOIF ?

    - Lobjectif tout dabord dune prsence renfor-ce des acteurs francophones aux grandesconcertations internationales ainsi que de la va-lorisation permanente de lexpertise franco-

    phone, gages dune participation quilibredes diffrents pays et systmes juridiques repr-sents au sein de la Francophonie.

    La rcente participation dune dlgation delOIF la premire Confrence de rvision duStatut de Rome portant cration de la Cour p-nale internationale (CPI) (Kampala, 31 mai - 11juin 2010) a bien soulign les efforts qui doiventtre conduits pour garantir notre prsence et notreinfluence au moment de ces rendez-vous signifi-catifs. La traduction en franais des travaux sestavre particulirement insuffisante, au dtrimentdes dlgations francophones.

    La promotion de lexpertise est sensiblement fa-cilite par le travail en rseaux et il nous revientdonc de btir des stratgies concertes sur lesgrands enjeux de la justice, quil sagisse delindpendance effective de la justice, de lalutte contre limpunit, du dveloppement de lajustice internationale et de son impact sur les ju-ridictions nationales, ou encore de la recons-truction des capacits institutionnelles etjuridictionnelles dans les pays en situation desortie de crise et de transition dmocratique.

    La nouvelle programmation quadriennale2010-2013 a bien confirm ces options etnous entendons, dans ce cadre, promouvoir lesralisations des rseaux francophones.

    Le plan daction de la Francophonie pour Hati,dpos suite au sisme sans prcdent qui afrapp le pays le 12 janvier dernier, vient ga-lement souligner la plus value de la contribu-tion, oprationnelle, des rseaux francophones.Et je voudrais, en saluant la participation de laCour de cassation dHati ce Congrs, direune nouvelle fois aux reprsentants hatienstoute la solidarit et la disponibilit de lOIFpour accompagner le renforcement des capaci-ts institutionnelles.

    10I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 10 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a11

    - Lobjectif ensuite du perfectionnement des com-ptences, notamment sur le plan du droit interna-tional et rgional. Les rseaux, et parmi euxlAHJUCAF travers le dispositif de formationpar les pairs qui a t conu, font la dmons-tration de la pertinence du recours au droit com-par au service du renforcement des institutions.

    Lvolution des espaces de coopration et din-tgration rgionales, associs un processusdharmonisation juridique, interpelle galementlespace francophone, linstar du processusdharmonisation du droit des affaires en Afriqueport par lOHADA que lOIF a encourag etsoutenu ds ses dbuts en 1993. Je me flicite cet gard de la participation de plusieursCours rgionales et communautaires aux tra-vaux de lAHJUCAF, alors que se pose la ques-tion dune meilleure prvention des conflits denormes et de comptences et dune plus largediffusion de la jurisprudence rgionale.

    - Lobjectif dune meilleure diffusion de linforma-tion juridique par ailleurs, lment de laccs la justice, en liaison avec les diffrents opra-teurs et partenaires impliqus, et parmi eux lerseau francophone de diffusion du droit.

    Le dveloppement des technologies de linfor-mation et de la communication lchelle mon-diale a renouvel cet enjeu et suppose desefforts croissants de rationalisation de mmeque linstauration de synergies prennes. Je vou-drais saluer la capacit de proposition et dac-tion de lAHJUCAF sur ce terrain galement,aux cts de lOIF, dans la redynamisation duportail droit francophone .

    - Lobjectif enfin du suivi de la situation effectivede lindpendance de la justice, la faveur dundialogue permanent entre nos organisations sti-mul par le partage de valeurs communes.

    Le Secrtaire gnral de la Francophonie aconstitu trs rcemment un panel de haut ni-veau sur lalerte prcoce et la prvention des

    conflits dans lespace francophone, panelcharg didentifier les moyens de renforcer lac-tion prventive de lOIF.

    Il y a l je pense des perspectives intressantesde travail en commun, dans le strict respect delindpendance et de lidentit de chaque struc-ture. La tenue du prcdent congrs de lAHJU-CAF sur lindpendance de la justice etladoption dune rsolution sur cette problma-tique, de mme que la contribution priodiquede lAssociation llaboration des rapports surltat des pratiques de la dmocratie, des droitset des liberts dans lespace francophone, re-oivent, comme vous le savez, la plus grandeattention de lOIF.

    De la cohrence dans le dploiement de nosactivits respectives dpend en effet galementlautorit des messages que nous portons.

    Jespre que ces axes de rflexion sauront ai-guiller lapprofondissement de la cooprationentre lOIF et lAHJUCAF, dont lvaluation au-jourdhui savre tout fait positive.

    Permettez-moi, en terminant mon propos, de re-mercier chaleureusement lAHJUCAF et la Coursuprme du Canada, pour lorganisation par-faite de cette rencontre.

    Je souhaite le plus grand succs vos changeset vous remercie de votre aimable attention.

    Mot de bienvenueMonsieur Ghaleb GHANEM, Premier pr-sident de la Cour de cassation du Liban,Prsident de LAHJUCAF

    Chers collgues, Mesdames, Messieurs,

    Jai le plaisir et lhonneur, en ma qualit de Prsi-dent de lAHJUCAF, de vous remercier chaleureu-sement davoir rpondu notre invitation, et dtreprsents pour notre troisime congrs qui a pour

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 11 (Noir/Black film)

  • thme Internationalisation du droit, internationa-lisation de la justice .

    Aprs Marrakech en 2004, puis Dakar en2007, loccasion nous est donne de dbattredes rapports entre les juridictions nationales etinternationales, des rapports entre les cours na-tionales, de la rception du droit internationalpar les droits nationaux et de la cooprationentre les cours suprmes.

    Partager nos connaissances et nos expriencesne peut que promouvoir la culture du droit dansle monde, ce droit qui doit voluer, mais voluerdune faon cohrente, non anarchique, pourfaire face tous les dfis que pose la mondiali-sation, et rgler les rapports qui mettent en pr-sence des intervenants du monde entier, des loisdivergentes et des systmes juridiques varis.

    Nous, prsidents et membres des cours su-prmes, avons pour devoir de tracer la voie dela bonne justice, de la guider, de partager unlangage juridique commun, de cultiver laconnaissance, de rapprocher les penses et dedvelopper le droit uniformment.

    Cest en fonction de ce qui prcde et en fonc-tion de notre souci dassurer lindpendance dela magistrature et lthique des juges, et de res-pecter les droits fondamentaux tels que le droitdes enfants et le droit de lenvironnement, quenous tiendrons le mardi aprs midi notre assem-ble gnrale, laquelle dterminera nos projetsdans les trois annes venir.

    Chers collgues,

    Mesdames, Messieurs,

    Il est une valeur laquelle notre associationdonne la plus grande importance : cest lergne du droit. Cette valeur pourra englober di-vers thmes qui seront, durant ce congrs, ouqui pourront tre lavenir, dans la sphre denotre attention et de nos dbats.

    Ce que je viens de suggrer reste naturellement

    le grand souci de la Cour de cassation fran-aise, et spcialement de son Premier prsidentMonsieur Vincent Lamanda qui aurait souhaittre parmi nous et quun empchement la re-tenu en France Il vous souhaite un grand suc-cs dans vos travaux.

    La Cour de cassation franaise, la ntre, et ensomme nous tous, partageons les satisfactionset les peines de notre association .

    Et sagissant des peines, tournons-nous, je vousen prie, louverture de nos travaux vers cetteterre dHati, terre de francophonie et, cetteanne, terre de douleur et de deuil pour tout unpeuple et pour ses institutions dont celles appar-tenant la famille judiciaire.

    Amis et collgues dHati, prsents ici ou ab-sents, dans la mesure permise par votre trag-die, dans vos juridictions sinistres, voussuscitez lmotion, la solidarit et ladmiration.Au-del de laide que vous mritez, vous alleztre pour tous, par vos efforts de reconstructiondj dploys, lexemple du devoir et de la fi-dlit nos valeurs, lexemple de llan vital dela justice et du droit.

    Honorons la mmoire de ceux qui, dans lef-froyable sisme du 12 janvier, nous ont quitts.Le Premier dentre eux, pour nous, reprsentantsdes juridictions de cassation, est Matre JacobJean-Baptiste, directeur administratif de la Courde cassation, grand juriste.

    Jespre que nos efforts continus seront couron-ns de succs. Je vous souhaite une session utile la mesure de vos attentes, de vos implica-tions, et, pourrai-je dire, de vos obligations.

    Par la justice et son outil le droit, nous pourronsbtir un monde meilleur.

    En loccasion, je me permets dappeler cettetribune Matre Georges Mose, reprsentant dela Cour de cassation dHati, qui poursuit aveccourage une prsidence intrimaire commen-

    12I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 12 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a13

    ce en 2004.(Sadressant Matre MO SE quiprend place la tribune) Ds le mois de fvrier,sous votre direction, dans les locaux de Lcolenationale de la magistrature, sans costumesdaudience rests dans les dcombres de lacour dtruite, sans matriel ou presque, dansun mobilier sommaire, a t repris le travail dela juridiction. Justice est ainsi, tout de mme,rendue. Ctait bien un devoir pour nous tous icide faire prcder par cet hommage notre troi-sime congrs, et nous vous prions de louvrir.Merci.

    Ouverture du congrsMatre Georges Mose, vice-prsident,prsident par intrim de la Cour decassation dHati

    Honorable Madame la Juge en chef de laCour Suprme du Canada, Monsieur le Sous-ministre de la Justice, Monsieur le Prsident de lAHJUCAF, Chers collgues, Mesdames, Messieurs.

    Vous allez mexcuser de faire un accroc au pro-gramme. Ce ntait pas prvu, mais jai senti lancessit de dire quelques mots avant de proc-der louverture des travaux.

    Jai t trs touch de lhommage rendu laCour de cassation dHati, en particulier et engnral aux magistrats hatiens et aussi Hati.Je vous en remercie tant en mon nom personnelquau nom de mes collgues. Je profite de loc-casion et me fais un devoir de remercier particu-lirement les diffrentes Cours suprmes et decassation, membres de lAHJUCAF qui, ds lanouvelle de la catastrophe qui sest abattue surHati, se sont empresses par des messages desympathie et de solidarit de partager mes dou-leurs et mes peines.

    A ce moment-l, javais bien besoin de ces motsde rconfort. Ils mont aid me retenir sur lapente de la dpression vers laquelle je glissaisdangereusement. En effet, il fallait avoir un sacrcourage pour supporter la vue horrible de ces mil-liers de cadavres qui jonchaient les trottoirs desrues de la capitale, des centaines de btimentsimportants effondrs. Je frmis encore lideque si le sisme avait eu lieu deux heures plustt, jaurais t enfoui sous le tas de gravats au-quel a t rduit notre Palais de Justice qui abritaitla Cour de cassation et deux autres juridictions.

    Il est effrayant, le bilan du sisme qui a dvastPort-au-Prince et les agglomrations voisines surplus dune centaine de kilomtres. Prs de 300000 morts et disparus, autant de blesss, envi-ron 125 000 maisons dtruites ou endomma-ges, incluant presque tous les difices publics et80% des locaux scolaires. Plus dun million depersonnes vivant dans les rues et sur les placespubliques, dans des abris prcaires.

    Des milliers de gens ont t ruins en lespace de35 secondes. Le travail de toute une vie a t r-duit nant en ce court laps de temps. Beau-coup de larmes ont coul car chacun avait perduau moins un parent, un ami cher ou un collabo-rateur prcieux. Des magistrats, des avocats, desmembres du personnel judiciaire ont pri sous lesdcombres. Nous ne cesserons pas de sitt depleurer Matre Jacob Jean-Baptiste, ancien greffieren chef des cas administratifs de la Cour de cas-sation, correspondant national de lAHJUCAF,dont le corps na t dgag des ruines du Palaisque deux mois plus tard. Sa fille unique, gedune anne peine, mourrait de son ct lamme minute que son pre au domicile de cedernier. Je remercie lAHJUCAF de lhommagepublic quil lui a rendu par la voie de linternet.

    Un rude coup a t assen la justice de la r-gion mtropolitaine de Port-au-Prince, o prati-quement se concentre toute lactivit judiciaire.La situation est dautant plus tragique quau mo-

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 13 (Noir/Black film)

  • ment o la terre tremblait, des gardiens effraysou corrompus ont ouvert les portes du pniten-cier national do se sont vads plus de4 000 dtenus qui sy trouvaient, parmi les-quels de dangereux bandits qui ont vite reprisleurs pratiques de vols main arme, de kid-nappings et dassassinats.

    La Police fait de son mieux pour les reprendre,mais la justice nest pas au rendez-vous pourles juger. Les tribunaux des zones touches fonc-tionnent au ralenti. Le tribunal de premire ins-tance de Port-au-Prince est rduit au strictminimum : une Chambre Correctionnelle hber-ge sous une tente et la Chambre des Rfrs.La Cour dappel qui dessert quatre juridictionsde premire instance est galement en dysfonc-tionnement, faute de local.

    Quant la Cour de cassation, le moins quonpuisse dire est quelle vgte, dpourvue deson mobilier disparu dans les ruines du Palaisde Justice, avec les trois quarts de ses archiveset dossiers en cours de traitement. Je profite deloccasion pour, au nom de la Cour, remercierlOrganisation Internationale de la Francopho-nie (OIF), qui est venue notre secours en nousfournissant quelques quipements, quelques or-dinateurs et imprimantes, classeurs mtalliques,machines crire, ventilateurs, fontaines.

    Nous esprons recevoir du matriel supplmen-taire. Le pays a reu la suite du dsastre dessecours humanitaires de nombreux pays amis,parmi lesquels le Canada et la France, cettedernire soit seule, soit travers lUnion Euro-penne. Nous leurs en sommes reconnaissants.Des promesses ont t faites. Des engagementsont t pris pour aider la reconstructiondHati, mais comme toujours ces promesses tar-dent se concrtiser.

    Pendant ce temps, lconomie nationale conti-nue stioler. Les rfugis dans les camps sontbattus par la pluie diluvienne, la merci des

    inondations et leur cortge de maladies etdpidmies, tout en priant Dieu dpargner aupays les cyclones dvastateurs dont la saisonvient de dbuter.

    Chers collgues, Mesdames et Messieurs, excu-sez-moi de vous importuner avec mes jr-miades. Je sais que vous avez hte decommencer vos travaux. Aussi, sans plus tarder,au nom de la Cour de cassation dHati et envertu des privilges qui mont t accords parles organisateurs, je dclare ouverts les travauxdu troisime congrs de lAHJUCAF. Merci.

    Rapport introductifMatre Daniel JUTRAS, doyen de la facultde droit de l'Universit McGill

    Madame la Juge en chef McLachlin, Mesdames et Messieurs les Prsidents, Jugesen chef, Mesdames, Messieurs les Juges, Distingus invits, Collgues universitaires.

    Introduction

    Le thme de ce troisime congrs est celui delinternationalisation de la justice et de linterna-tionalisation du droit. Il est expos sans pointdinterrogation, mais on aurait pu en ajouter un.Ce rapport introductif sera donc en forme din-terrogation : quelle est la porte de cette inter-nationalisation de la justice et de cetteinternationalisation du droit ?

    Le dcoupage du thme, tel que nous lavionsenvisag dans le questionnaire distribu auxrapporteurs nationaux, sappuyait sur deuxconstats. Premier constat : le phnomne de lin-ternationalisation touche la fois les institutionsjudiciaires et la rgle juridique elle-mme. Onassiste aujourdhui lmergence et laccrois-sement de juridictions internationales, rgio-nales, communautaires, qui sloignent dunmodle dordre judiciaire rattach un tat na-

    14I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 14 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a15

    tion : internationalisation de la justice, dira-t-on.On assiste aussi lmergence de rgles juri-diques qui ne sont plus exclusivement rattaches un systme juridique national, ainsi qu undialogue continu des traditions juridiques : inter-nationalisation du droit, dira-t-on. Puis, undeuxime constat : linternationalisation se d-ploie la fois sur le terrain supranational, endehors des institutions nationales proprementdites, mais aussi dans la ncessaire coordina-tion des juridictions et des normes nationaleselles-mmes. En dautres termes, linternationa-lisation se manifeste non seulement dans laconstruction possible dun ordre juridique inter-national, mais aussi dans la rgulation deschanges entre les cours nationales elles-mmes.

    Cest un vaste thme, que les rapporteurs natio-naux ont trait avec beaucoup de gnrosit etdintelligence, examinant les rapports croiss quirsultent de ces deux constats : internationalisa-tion de la rgle et des institutions, la fois sur leterrain supranational et sur le terrain national. Jene souhaite pas, dans ce rapport introductif,faire la synthse de ce riche travail effectu parles rapporteurs nationaux. Je me contenterai icide souligner quelques enjeux fondamentaux surtrois terrains prcis, enjeux qui sont voqus demanire rcurrente dans chacun des rapports na-tionaux et dans chacune des interventions pr-sentes lors du colloque lui-mme.

    Jexaminerai donc dabord lentrelacement desespaces juridiques international et nationaux,puis la question du contentieux transnational,pour enfin ajouter quelques mots sur la mobilitdu droit.

    I. Un ordre juridique supranational ?

    Existe-t-il un ordre juridique supranational ? Sedirige-t-on vers une espce dordre juridiqueglobalis maintenant quon connat de plus en

    plus dinstitutions supranationales, communau-taires et rgionales, dont la juridiction sajoute celle des juridictions nationales ? La questiondoit tre envisage tant du point de vue des ins-titutions que du point de vue des normes.

    A. Linternationalisation des institutionsjudiciaires

    Quant aux institutions, on constate que lon estassez loin en fait dun ordre judiciaire suprana-tional. Il ny a pas un systme judiciaire hirar-chiquement organis lchelle internationale,ni de pyramide des institutions judiciaires oudordres de juridiction superposs. Il y a pluttun entrelacement des juridictions nationales, r-gionales, internationales, transnationales, pri-ves et publiques dailleurs, conduisant toutes un accroissement du partage de lactivit ju-ridictionnelle assez caractristique de lre desrseaux au milieu de laquelle nous vivons. Maissil ny a pas de vritable ordre judiciaire su-pranational, les institutions de justice nen sontpas moins internationalises.

    Linternationalisation des institutions judiciairesse manifeste dabord par linsertion de juridic-tions nationales dans un ordre rgional ou com-munautaire. Ici, on discerne trois modesdinsertion, reproduits un peu partout au sein dela francophonie.

    Premier mode, celui de la Cour commune dejustice et darbitrage de lOHADA qui com-porte un vritable recours en cassation des d-cisions des juridictions nationales. La CCJA delOHADA rend des arrts qui ont une porteobligatoire dans toutes les affaires soulevantdes questions relatives lapplication des actesuniformes et des rglements prvus au trait delOHADA. En ce sens, il sagit dans ce cas v-ritablement dun quatrime ordre de juridiction.

    Deuxime mode, qui sloigne de lide dun

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 15 (Noir/Black film)

  • quatrime ordre de juridiction : celui que lontrouve, par exemple, la Cour de justice descommunauts europennes ou la Cour de jus-tice de lUnion conomique et montaire ouest-africaine (UEMOA). Dans lun et lautre cas, onaperoit une forme dinsertion dans un ordre r-gional ou communautaire qui prvoit des ren-vois sur les questions prjudicielles, enparticulier pour prciser les points dinterprta-tion du droit communautaire ou du droit rgio-nal, non plus en forme de cassation, dans cecas, mais en forme dinterprtation contrai-gnante dun droit communautaire. Les arrts ren-dus par la Cour de Justice sont contraignants,en ce sens que les juridictions nationales desti-nataires sont lies par les interprtations du textecommunautaire ou rgional retenu par la Courde justice. On pourrait aller plus loin et affirmer,comme certains des rapports nationaux le font,que ces jugements ont un caractre jurispruden-tiel contraignant pour les juridictions nationalesnon seulement dans les dossiers o les dci-sions sont rendues, mais pour toutes les juridic-tions nationales et dans tous les tats membres il sagirait alors dune espce de case lawselon certains rapporteurs. Le mme mcanismeopre la Cour de Justice de lUnion cono-mique et montaire ouest-africaine, comme lex-pose dailleurs Monsieur Zinzindohoue dansson texte sur lUEMOA.

    Troisime mode dinsertion, celui de la Cour Eu-ropenne des Droits de lHomme, qui rsulte delarticle 46 de la Convention europenne desauvegarde des Droits de lHomme et des liber-ts fondamentales. Ici, ni cassation, ni renvoiprjudiciel, ni non plus un quatrime degr dejuridiction. Plutt une requte dpose par unindividu pour violation de la Convention euro-penne des Droits de lHomme, conditionbien sr de lpuisement des recours. Larrt estrendu contre ltat, une partie contractante quisengage se conformer aux dispositions de

    laccord international auquel elle est partie. Ilsagit darrts dclaratoires, non pas cassa-toires, comme ce que lon constatait ci-dessus lgard de la Cour commune de justice et dar-bitrage de lOHADA. Ces arrts nont pas for-mellement dincidence directe en droit interneet ne constituent pas la rformation dun juge-ment de juridiction nationale, mais de facto, surle terrain, ces arrts ont une influence trs nettesur la jurisprudence des Cours de cassation eu-ropennes et les tats prennent les mesures pourse conformer ces arrts.

    Ces trois modes dinsertion dans un ordre r-gional ou transnational obligent les Cours natio-nales interagir de manire trs frquente avecdes ordres juridictionnels supranationaux ou r-gionaux, non pas dans un cadre hirarchique,mais dans un cadre essentiellement horizontal.Cest un phnomne qui nest pas trs rcent,mais le rle de ces juridictions rgionales ettransnationales est en croissance et leur pr-sence se fait sentir de manire tout fait signi-ficative.

    Linternationalisation des institutions judiciairesse manifeste aussi, bien entendu, dans lappa-rition de nouvelles juridictions internationales.On songe par exemple au tribunal pnal inter-national pour la Yougoslavie, ou pour leRwanda - lun et lautre tabli par le Conseil descurit de lONU - et plus rcemment, lacration de la Cour pnale internationale par leTrait de Rome du 17 juillet 1998. La Courpnale internationale nintervient en principeque lorsque les juridictions nationales se mon-trent incapables dintervenir et dapporter unesolution au problme pos. On peut se deman-der si ce principe de complmentarit ne de-viendra pas la source dune normeinternationale dquit procdurale, de pra-tique approprie et donc un laboratoire vrita-ble de culture juridique mixte ou pluraliste ? Pluslargement, et compte tenu de leur composition,

    16I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 16 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a17

    peut-on imaginer que ces cours internationalesdeviennent des lieux ou la conception mme dela justice et du processus judiciaire sinternatio-nalise ? Le tribunal pnal international pour laYougoslavie, pour le Rwanda, sont-ils des labo-ratoires de mixit ou de pluralisme juridique ?Ou faut-il craindre au contraire, comme lvo-quent certains rapporteurs, que ltablissementde ces cours internationales ne soit la manifes-tation des rapports de force et des rivalits quisubsistent lchelle internationale ?

    Et puis, finalement, comment parler dinternatio-nalisation de la justice sans constater laccl-ration marque du phnomne de larbitragecommercial international qui opre en marge,dans ce cas, des juridictions nationales et inter-nationales ? Les juges nationaux devraient-ilstre proccups par cette marginalisation de lajustice tatique au profit dune justice prive in-ternationale ? A linverse, si la marginalisationpossible de la justice tatique nest pas une me-nace, dans quelle mesure les juridictions natio-nales devraient-elles apporter leur soutien larbitrage commercial international par lexa-men et le respect des clauses compromissoires,par lexcution des sentences, par lacceptationdun cadre normatif globalis ? Le rapport duProfesseur Bachand jette un clairage fort utilesur ces questions.

    Autant de questions souleves par lmergencedun grand nombre de Cours rgionales, inter-nationales, transnationales, publiques, privesqui acclrent lentrelacement des institutions etdes normes et contribuent linternationalisationde la justice et des institutions de justice. Se d-veloppe videmment en mme temps un ac-croissement des manifestations du droitinternational ou transnational matriel, c'est--dire de la dimension substantielle du droit, enparticulier en matire conomique, mais aussiplus rcemment en matire de droit delHomme. Quel est limpact de ce droit interna-

    tional en croissance sur la configuration du droitnational ?

    B. Linternationalisation du droit substantiel

    videmment, le droit international simpose lordre interne. Les rponses au questionnairetransmises par les rapporteurs montrent les dif-frentes modalits de cette intgration des r-gles internationales en droit national, qui vontde la ratification la transposition par voie l-gislative. Plusieurs distinctions fondamentalessimposent : il y a dune part les rgles qui d-coulent des traits, lesquelles sont assujetties des processus formels dintgration, et dautrepart, les rgles du droit international dcoulantde la coutume ou des principes gnraux quinont pas, normalement, tre intgrs formel-lement dans lordre interne. On voqueraaussi lanalyse distincte qui est requise lgarddes rgles particulires propres certains en-sembles rgionaux, quil sagisse par exemplede lintgration automatique du droit commu-nautaire driv, des rglements et directives quiont force de loi dans la Communaut euro-penne sans autre formalit, des mcanismesanalogues pour les actes uniformes delOHADA, ou encore des rgles mergeant dela communaut conomique des tats delAfrique de lOuest, de la Communaut cono-mique et montaire de lAfrique centrale ou delUnion conomique et montaire ouest-afri-caine.

    Lensemble de ces rgles internationales entreventuellement dans lordre juridique domes-tique et les pouvoirs excutif et lgislatif sont lespremiers moteurs de cette intgration. Cela dit,un rle trs important est aussi confi aux jugesnationaux dans la mise en uvre et linterprta-tion de ce droit international dans lespace do-mestique. On verra par exemple dans lerapport de Madame Taxil une discussion des

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 17 (Noir/Black film)

  • effets assez tardifs et parfois partiels de lint-gration par lexcutif et le lgislatif des normesinternationales dans le droit interne, et de la n-cessit que ces checs soient corrigs par uneaction plus vigoureuse et une interprtation judi-ciaire plus effective. De mme, comme le sou-ligne le rapport de Monsieur Ba, les juridictionsnationales sont des partenaires essentiels desjuridictions internationales dans la mise enuvre des dcisions rendues par ces dernires,comme le montre lexprience de la Cour p-nale internationale.

    Par ailleurs, de manire peut-tre plus radicale,les juridictions nationales jouent un rle danslinterprtation et la mise en uvre du droit in-ternational en droit domestique dans les cas olon accepte la comptence ou juridiction uni-verselle, en particulier en matire de crimecontre lhumanit, datteinte aux droits fonda-mentaux de la personne humaine, de crimescontre les enfants, etc. La version la plus radi-cale de cette comptence ou juridiction univer-selle sest manifeste dans la lgislation belgede 1993, aujourdhui battue en retraite, et dontMonsieur Goethals traite en dtail dans sonrapport. LAlien Tort Claims Act aux USA donnelieu lui aussi une forme de juridiction univer-selle par laquelle les tribunaux amricains sat-tribuent la comptence de traiter de questionsqui nont pas vraiment de facteurs de rattache-ment ou de motifs de rattachement troits avecla juridiction amricaine.

    En dehors de ces cas assez troits mais nan-moins trs significatifs de juridiction universelle,les juridictions nationales, en matire civile, enparticulier commerciale, recherchent des fac-teurs de rattachement rels entre les litiges et lefor et restreignent donc leur intervention vis--visdes affaires et litiges extrieurs leur espaceterritorial. Les principes du droit internationalpriv servent ainsi grer un contentieux trans-national qui est lui aussi en croissance. Cest le

    deuxime thme rcurrent dans les rapports na-tionaux, qui mrite quon sy arrte un instant.Sur ce terrain, on sloigne des juridictions su-pranationales, rgionales, communautairespour sintresser au rapport qui existe lhori-zontale, entre les juridictions nationales, attri-buable aux nouveaux flux et changestransfrontaliers et la circulation accrue desbiens et personnes.

    II. Un contentieux transnational

    Le droit international priv nest pas nouveau. Ilexiste des litiges transfrontaliers depuis trs long-temps, mais on constate videmment un ac-croissement de ce contentieux transnationaldans toutes les juridictions, y compris celles dela Francophonie. videmment, ce contentieuxoffre des occasions de collaboration entre lesjuridictions nationales, mais gnre aussi poten-tiellement un espace de comptition entre cesjuridictions nationales. Dans les rapports pr-sents en rponse au questionnaire prpara-toire, on traite de manire assez tendue de lareconnaissance et de lexcution du jugementtranger, des procdures dexequatur et desnormes particulires qui prvoient, dans cer-tains ensembles rgionaux ou accords bilat-raux, la mise en uvre automatique, sans autreformalit ou avec des formalits trs rduites,des dcisions rendues dans des juridictionstrangres. Quon pense par exemple, lchelle europenne, au rglement Bruxelles 1qui favorise la libre circulation des jugementsen matire civile et commerciale au sein de laCommunaut europenne, ou encore la col-laboration judiciaire en matire pnale, lchelle internationale, en particulier le rempla-cement des procdures dextradition par unmandat darrt europen et par la confiance l-gitime rciproque que soffrent les pays de laCommunaut Europenne.

    18I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 18 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a19

    Que dire de ce contentieux transnational ?Quelques pistes se dgagent, ici encore enforme dinterrogations.

    Premire question, soit celle de linternationali-sation du droit international priv. videmment,les rgimes de droit international priv sont desrgimes juridiques nationaux, labors lint-rieur de chacune des juridictions. Il y a aussi, lgard du droit international priv, une fortetendance lharmonisation des rgimes menepar les organisations internationales. A-t-on at-teint un degr de convergence suffisant ou entout cas de coordination suffisante du droit inter-national priv et de ses modles pour assurerune juste rsolution des conflits de loi dans les-pace ? Cest lobjet du rapport de MonsieurCastel.

    Deuxime question qui rsulte de lmergencede ce contentieux transnational : assistera-t-onen mme temps lmergence dun marchdes ordres juridiques ? Les institutions judi-ciaires sont-elles une commodity, comme on diten anglais, un bien de consommation quonpeut choisir ? Des clauses dlection de for,videmment, existent en droit internationalpriv. Sont-elles maintenant le vhicule par le-quel les parties choisiraient les juridictions oil fait bon vivre et o il est juste de dposer lesrecours ? Entre-t-on dans une priode de forumshopping, ou mme de lex shopping, c'est--dire ce choix que lon peut faire du forum et ducadre juridique le plus appropri au traitementdun litige en particulier ? Les parties choisis-sent dj, on la dit, des forums darbitrage endroit commercial international, et rien nexclutla possibilit dun forum shopping lgarddes juridiction nationale. Sur ce terrain, onconnait les controverses qui ont merg durapport Doing Business mis par banque mon-diale, qui a fait couler beaucoup dencre dansles pays de droit civil.

    Quant au forum shopping, les rponses aux

    questionnaires sont assez minces, mais cestdabord en raison de limpossibilit de mesurervritablement le phnomne. Personne nestvraiment assez confiant pour affirmer que sa ju-ridiction est dlibrment choisie par les partiesen litige et inversement, personne nest assezmalheureux pour affirmer que sa juridiction estboude par les parties un litige. Par ailleurs,videmment, quelques rgles ponctuelles assu-rent la comptence exclusive des juridictions na-tionales en certaines matires, mais il sagit deterrains ou de champs assez restrictifs qui po-sent la question de cette ouverture des tribunauxet de ce march des ordres juridiques. Ontrouve nanmoins quelques exemples qui mon-trent lattractivit relative des certaines juridic-tion. Au Canada, par exemple, il y a unmarch des ordres juridiques dans la mise enuvre des recours collectifs lchelle provin-ciale, qui conduit un choix stratgique des ju-ridictions parmi les diffrentes provinces pourdposer les recours collectifs. Verra-t-on, plusgrande chelle, les juridictions europennes etafricaines se doter de rgimes de recours col-lectifs, par crainte de voir les litiges dmnagervers lAmrique du Nord ?

    Troisime question qui rsulte de laccroisse-ment du contentieux transnational : la questiondes conflits de valeurs, qui revient sans cessedans la discussion des processus de reconnais-sance et dexcution des jugements trangers.En effet, lune des conditions rcurrentes de lareconnaissance du jugement rendu ltrangeret leur excution dans lespace national estcelle de sa conformit une notion dordre pu-blic. Ce dernier est formul de manire variabledans le temps et dans lespace. Pour beaucoupde juridictions, cest lordre public national quicompte. Pour certaines juridictions, cest unordre public international qui reste dfinir, etdont le contenu nest pas tout fait dterminau moment o les parties envisagent la recon-

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 19 (Noir/Black film)

  • naissance du jugement. Que faire de cesconflits de valeur ? Dans quelle mesure etjusqu quel point les juridictions nationalessont-elles prtes faire fi de ce qui apparatcomme essentiel leur ordre public national,pour assurer la courtoisie et lexcution lchelle internationale de dcisions qui ne heur-tent pas ce que lon pourrait qualifier dordrepublic international ? Les rapports nationauxmontrent des perspectives assez divergentes surcette question.

    III. La mobilit du droit

    Il est indubitable que, de bon gr ou malgreux, les juges nationaux sont au cur du ph-nomne dinternationalisation du droit et de lajustice. Certains affirment mme que les jugesnationaux sont des agents de la mondialisation.On constate, dailleurs, le passage de jugesdes ordres nationaux vers lordre international etinversement, de telle sorte que les groupes semlangent, quon a dsormais une classe judi-ciaire internationale qui, potentiellement, seraitau cur de ce phnomne dinternationalisa-tion. Mais mme les juges nationaux partici-pent la mobilit du droit. Il sagit ici non plusde la mobilit des parties ou de la mobilit ducontentieux ou mme de la cration dinstitu-tions internationales qui conduisent limposi-tion de normes internationales dans lordreinterne, mais plutt de la mobilit du droit lui-mme, des valeurs et des modles juridiques, etde lapparition dun espace de dialogue entreles juges et les juristes.

    Que dire de cette conversation continue desjuges lchelle mondiale, de ce commercedes juges , pour reprendre lexpression dAn-toine Garapon ? Jvoque ici trois enjeux, tou-jours en forme dinterrogation.

    Se pose dabord la question de la place dudroit compar et des greffes de normes formu-

    les ltranger lintrieur dun ordre interne.Ici, curieusement, peu de rapports nationaux in-diquent que leur juridiction accorde une impor-tance significative au droit compar ou quellerecourt au droit tranger dans la rsolution deslitiges en droit national. Le Canada, comptetenu de son histoire juridique et de sa traditionmixte, fait exception. LIle Maurice aussi, pourdes motifs analogues. Les rapports de Mada-gascar, du Mali, de la Suisse et du Tchad mon-trent aussi un certain intrt pour le droitcompar. Sil faut admettre que le commercedes juges ne peut que saccentuer, lchellemondiale, les questions de mthode du droitcompar se poseront trs certainement. Com-ment, en effet, utiliser le savoir qui rsulte deces changes acclrs que nous avons les unsavec les autres ? quelles conditions peut-onfaire usage des normes dveloppes ltran-ger ? A quelles fins, pour quoi faire ? Les rap-ports des professeurs Hourquebie et Valckesoulignent avec justesse toutes les embches,mais aussi tous les bnfices, du droit compar.

    Le deuxime enjeu est celui de la formation desjuges. Sil est vrai que les juges nationaux sontconfronts au quotidien au phnomne dinter-nationalisation du droit et de la justice, quellesconsquences cela emporte-t-il pour la forma-tion des juges ? Doit-on mieux former les jugessur les pratiques, principes, modalits du droitinternational ? Doit-on mieux former les juger surles principes, pratiques, orientations du droitcompar ? Doit-on favoriser des changes din-formations, des cadres formels pour le dia-logue, des rgimes internationaux quiserviraient cette croissance dune classe judi-caire internationale ?

    Le troisime enjeu est celui de la culture juri-dique civiliste. Sil est vrai que les juges natio-naux sont au cur dun phnomnedinternationalisation du droit et de la justice,quelles sont les consquences particulires de

    20I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 20 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a21

    ce phnomne pour la Francophonie ? Quellessont les consquences particulires de ce ph-nomne pour les traditions de droit civil qui sontdominantes au sein de la Francophonie ? Dau-cuns affirment que les juridictions nationales dela Francophonie sont la croise des chemins,quelles sont maintenant confrontes ce choixde linternationalisation et de la place accruedu droit compar dans llaboration desnormes dans la qute des meilleures solutions.Les juges civilistes se distinguent-ils cet gardde leurs collgues des juridictions de CommonLaw o le juge se dfinit moins par son rapport la nation, son pays que par son rapport la tradition de Common Law ? Faut-il admettreau contraire que les juges civilistes ont un ratta-chement identitaire beaucoup plus serr aveclordre national au sein duquel ils oprent, etquils ont, de ce fait, un chemin plus ardu franchir pour parvenir cet effort dinternationa-lisation de la justice et du droit ?

    Conclusion

    Jen arrive, au terme de ce bref rapport intro-ductif, la question la plus fondamentale : Lin-ternationalisation du droit, de la justice, est-elleun tat de fait ou une aspiration ? Souhaite-t-onune internationalisation accrue des institutionsde justice, une internationalisation accrue dudroit ? A quelles fins ? Sur ce terrain, on trouvedans les rapports nationaux, en filigrane, lafois un certain enthousiasme cosmopolitique,mais aussi une certaine dfense souverainiste,une certaine conception des ordres juridiquesqui est relativement impermable, du moins surle plan formel, linfluence du reste du monde,du droit international, et du droit compar.

    Il faut nanmoins poser cette question des fina-lits de linternationalisation de la justice, au-del de lexotisme et de la fausse modernit dudialogue entre les juges. La finalit premire

    serait peut-tre dassurer que les institutions dejustice, nationales et internationales, servent v-ritablement la coopration et la gouvernance lchelle globale pour mieux rpondre auxgrands enjeux mondiaux: la sant et la scuritdes habitants de cette plante, le respect deleur dignit dtres humains, la gouvernance d-mocratique, la prservation des cosystmes,le dveloppement durable, lradication de lapauvret, le partage de la richesse lchelleplantaire. La justice internationalise doit r-pondre ces grands enjeux internationaux,sinon, elle na pas de sens long terme.

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 21 (Noir/Black film)

  • Atelier IRapports juridictionnelsentre les juridictions nationales et internationales

    Prsident de sance :Monsieur Ndongo FALLprsident de la Cour commune de justiceet d'arbitrage de l'Ohada

    Autorit juridictionnelle des cours interna-tionales lgard des cours nationales : le cas de la Cour de Justice de lUEMOA.Monsieur Abraham D. ZINZINDOHOUE,ancien Ministre, ancien Prsident de laCour Suprme du Bnin et de la Cour deJustice de lUnion conomique et Montaire Ouest Africaine (UEMOA)

    LUnion conomique et Montaire Ouest Africaine(UEMOA) a t cre par le Trait de Dakar du10 janvier 1994 et regroupait lorigine les septpays de lAfrique de lOuest ayant en communlusage du Franc CFA (Bnin, Burkina Faso, CtedIvoire, Mali, Niger, Sngal et Togo).

    Le Trait est entr en vigueur le 1er aot 1994,aprs sa ratification par les tats membres.

    La Guine-Bissau est devenue le 8e tat mem-bre de lUnion, le 02 mai 1997 en conformitdun accord dadhsion.

    Sans prjudice des objectifs dfinis dans leTrait de lUnion Montaire Ouest Africaine(UMOA), lUEMOA poursuit, dans les condi-tions tablies par le Trait de Dakar, la ralisa-tion des objectifs ci-aprs :

    - Renforcer la comptitivit des activits cono-miques et financires des tats membres dansle cadre dun march ouvert et concurrentiel etdun environnement juridique rationalis et har-monis ;

    - Assurer la convergence des performances etdes politiques conomiques des tats membrespar linstitution dune procdure de surveillancemultilatrale ;

    - Crer entre tats membres un march communbas sur la libre circulation des personnes, desbiens, des services, des capitaux et le droit dta-blissement des personnes exerant une activit in-dpendante ou salarie, ainsi que sur un tarifextrieur commun et une politique commerciale ;

    - Instituer une coordination des politiques secto-rielles nationales, par la mise en uvre dactionscommunes et ventuellement de politiques com-munes notamment dans les domaines suivants :ressources humaines, amnagement du territoire,transports et tlcommunications, environnement,agriculture, nergie, industrie et mines ;

    - Harmoniser, dans la mesure ncessaire au bonfonctionnement du march commun, les lgisla-tions des tats membres et particulirement lergime de la fiscalit.

    Pour atteindre ces objectifs, le Trait delUEMOA1 a mis en place un certain nombredOrganes qui agissent dans la limite des attri-butions qui leur sont confres et dans les condi-tions prvues par les Traits de lUMOA et delUEMOA. Il sagit de :

    - la confrence des Chefs dtat et de Gouver-nement qui dfinit les grandes orientations de lapolitique de lUnion ;

    - du Conseil des Ministres, dont le rle est dassu-rer la mise en uvre des orientations gnralesdfinies par la Confrence des Chefs dtat et deGouvernement. Il peut, dans ce domaine, dl-guer la Commission ladoption des rglementsdexcution des actes quil dicte.

    - de la Commission, qui joue un rle centraldans le dispositif institutionnel de lUnion car,politiquement indpendante des gouvernementsnationaux, elle sert de trait dunion entre

    22I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 22 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a23

    lUnion, les tats membres, les tats tiers et au-tres Organisations internationales dans un sys-tme o, les tats membres restent des payssouverains et indpendants mais exercent unepartie de leur souverainet en commun, afindacqurir sur le plan conomique une situationet une influence quaucun dentre eux ne pour-rait possder seul.

    - Mais au-del de ce rle, la Commission sestvue reconnatre de larges pouvoirs sur lesquelselle doit sappuyer pour faire atteindre lUE-MOA, les objectifs quelle sest fixe. Cestainsi que larticle 26 du Trait lui confre, envue du bon fonctionnement et de lintrt gn-ral de lUnion, des pouvoirs propres qui sontcomplts par dautres attributions manant soitdu mme Trait (Droit primaire), soit du droit d-riv UEMOA (Rglements, Directives, Dci-sions, etc.).

    - Au total, la Commission de lUEMOA disposede comptences diverses regroupes, de manirenon exhaustive, dans les domaines de lexcutionet de la gestion, de la coopration internationale,de limpulsion de la construction communautaire etde lapplication du droit communautaire.

    - de la Cour des Comptes dont la mission estdassurer le contrle de lensemble des comptesdes organes de lUnion, tant du point de vuede la rgularit que de lefficacit de lutilisationdes ressources ;

    - de la Cour de Justice qui, aux termes des dis-positions de larticle 1er du Protocole addition-nel n I, est charge de veiller au respect dudroit quant linterprtation et lapplicationdu Trait de lUnion. Le poids de la Cour deJustice dans larchitecture institutionnelle et lerle quelle doit jouer dans latteinte des objec-tifs de lUnion sont donc considrables. En effet,si la violation des normes adoptes doit restersans sanction, on peut affirmer sans se tromperquil ny aura point dintgration effective. La

    Cour de Justice de lUEMOA exerce sa mission lintrieur dun systme juridique propre cetespace, sur la base dune comptence dattri-bution dcoulant des dispositions des articles38 du Trait, 1er, 5 17 du Protocole addi-tionnel n1 relatif aux organes de contrle etdes textes subsquents, conformment uneprocdure spcifique et en collaboration avecles tribunaux des tats membres dans le cadredun dispositif qui intgre les deux systmes qui,quoique diffrents, ont tous les caractres duneorganisation juridictionnelle interne.

    A ct de ces Organes, le Trait a galementcr au sein de lUnion, un Comit Interparle-mentaire (Organe de contrle parlementaire,en attendant la cration dun Parlement delUnion), des organes consultatifs et des institu-tions spcialises autonomes (BCEAO etBOAD) qui concourent galement la ralisa-tion des objectifs de lUnion.

    La mise en uvre dun processus dintgrationconomique ncessite toujours, au-del duTrait qui en constitue le socle, la production etlapplication de normes juridiques destines la poursuite dobjectifs prdfinis.

    Des structures ayant vocation lintgration co-nomique ou lharmonisation juridique existent enAfrique. On peut en citer la Communaut cono-mique des tats de lAfrique de lOuest (CE-DEAO), la Communaut conomique etMontaire de lAfrique Centrale (CEMAC), lOr-ganisation pour lHarmonisation en Afrique duDroit des Affaires (OHADA), lUnion conomiqueet Montaire Ouest Africaine (UEMOA) Au-cune delle na chapp la rgle consistant produire ses propres normes, lesquelles normespriment sur les droits nationaux.

    En effet, le principe de primaut a t pos parla Cour de Justice des Communauts Euro-pennes sur la base dune interprtation glo-bale du systme communautaire et eu gard

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 23 (Noir/Black film)

  • labsence dune clause gnrale de supriorit dudroit communautaire sur les droits nationaux dansles traits constitutifs dont elle a pour mission das-surer linterprtation et lapplication uniforme2.

    Le principe de primaut est celui selon lequel len-semble du droit communautaire prime sur lensem-ble du droit national. Cela signifie quen cas decontradiction entre une norme communautaire etune norme nationale, il conviendra toujoursdcarter la seconde au profit de la premire.

    Ce principe de primaut est repris dans les Trai-ts instituant les Organisations africaines prci-tes, notamment article 6 du Trait UEMOA.Il rsulte de cet article 6 que Les actes arrtspar les organes de l'Union pour la ralisationdes objectifs du prsent Trait et conformmentaux rgles et procdures institues par celui-ci,sont appliqus dans chaque tat membre no-nobstant toute lgislation nationale contraire,antrieure ou postrieure.

    Ce principe permet donc lui seul dentrevoirla manifestation dune certaine autorit juridic-tionnelle des Cours communautaires lgarddes Cours nationales.

    Dans lespace couvert par lUnion conomique etMontaire Ouest Africaine, {o nous allons cir-conscrire notre intervention} cette autorit juridic-tionnelle de la Cour communautaire lgard desCours nationales se manifeste dans la nature ho-rizontale ou verticale de la relation existante entrela Cour communautaire et les Cours nationales.

    Ainsi, lautorit juridictionnelle qui dcoule de larelation horizontale se manifeste travers le m-canisme mis en place pour permettre la Courde Justice de lUEMOA de veiller au respect dudroit quant linterprtation et lapplicationdu droit communautaire, le recours prjudiciel,tandis que celle dcoulant de la relation verti-cale se manifeste travers la force attacheaux dcisions de la Cour de Justice commu-nautaire.

    Faut-il le rappeler, la Cour est comptente,selon larticle 15, du Rglement n01/96/CMportant rglements de procdure de la Cour deJustice de lUEMOA, pour connatre :

    - du recours en manquement ;

    - du recours en apprciation de lgalit (ou enannulation) ;

    - du plein contentieux de la concurrence ;

    - du recours du personnel de lUnion,

    - du recours en responsabilit (non contrac-tuelle) ;

    - du recours prjudiciel ;

    - des avis, des recommandations ;

    - des clauses darbitrage.

    De tous ces recours, cest le recours prjudicielqui nous permet de mettre en exergue les rap-ports horizontaux (I) dune part et les rapportsverticaux (II) dautre part, entre la Cour com-munautaire de lUEMOA et les juridictions natio-nales des pays membres de lUnion.

    I. Les rapports horizontaux ou apparentehorizontalit

    Le mcanisme du recours prjudiciel est le sym-bole de la relation horizontale entre la Cour deJustice de lUEMOA et les Cours nationales et lamanifestation de lapparence dabsence dauto-rit juridictionnelle de la Cour communautaire.

    Le recours prjudiciel est une procdure par la-quelle une juridiction nationale ou une autorit fonction juridictionnelle pose la Cour de Jus-tice une question portant sur linterprtation oulapprciation de la lgalit, c'est--dire la vali-dit dune norme communautaire, dans un litigedont elle est saisie.

    24I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 24 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a25

    Cest le procd technique choisi par le lgis-lateur communautaire pour assurer lapplicationuniforme du droit communautaire, plus exacte-ment pour assurer en toutes circonstances, cedroit, le mme effet dans tous les tats membresde lUnion.

    Ainsi, il apparat comme dialogue de juge juge, c'est--dire quil constitue un mcanismede coopration judiciaire au service des tatsmembres. Comme tel, il permet aux juridictionsdes tats membres qui sont appeles appli-quer le droit communautaire aux litiges portsdevant elles, de prononcer le sursis statuer etdinterroger la Cour de Justice sur linterprtationou la validit de la norme communautaire.

    A. Le recours prjudiciel en interprtation

    Linterprtation demande peut porter sur len-semble du droit communautaire de lUnion. Elleest ncessaire pour garantir linterprtation etlapprciation uniforme du droit communautaireUEMOA.

    Toutefois, la Cour de Justice interprte sans pourautant appliquer, parce que linterprtation don-ne par la Cour de Justice ne doit pas compor-ter une application du droit communautaire une affaire donne ; la Cour de Justice ntantpas appele trancher directement le cas sou-mis au juge national.

    Lutilisation de linterprtation donne par laCour de Justice relve toujours et exclusivementdu juge national.

    Linterprtation donne par la Cour de Justicedoit tre suffisamment concrte pour tre utile la juridiction de renvoi, c'est--dire que la Courde Justice doit se borner fournir au juge natio-nal les lments dapprciation qui lui sont n-cessaires en lclairant sur le sens et la portedu droit communautaire.

    B. Le recours prjudiciel en validit

    Le recours prjudiciel vise galement appr-cier la validit c'est--dire la lgalit des actesnumrs plus haut mais rsultant du droit d-riv. En effet, aux termes de larticle 12 du Pro-tocole Additionnel N1 la Cour de Justicestatue titre prjudiciel, sur linterprtation duTrait de lUnion , Ce qui exclut de lappr-ciation de validit, le Trait, les Protocoles Ad-ditionnels et Actes additionnels pris par laConfrence des Chefs dtat et de Gouverne-ment.

    Toutefois, dans le cadre du contentieux de laFonction Publique Communautaire, un recoursen annulation ou apprciation en lgalit dunActe Additionnel (recours direct) a pu prosprerdans une clbre affaire : Eugne YA contre laConfrence des Chefs dtat et de Gouverne-ment de lUEMOA.

    Cette affaire na connu son pilogue quauterme de trois arrts : Arrts n3/2005 du 27avril 2005 ; n 01/2006 du 05 avril 2006 etArrt n01/2008 du 30 avril 2008. Tousconfirment la comptence de la Cour qui faitainsi uvre jurisprudentielle et qui fait une dis-tinction fondamentale au plan de la doctrineentre Acte additionnel de porte gnrale LesActes additionnels au Trait de lUnion qui lecompltent sans pour autant le modifier et Acte Additionnel porte individuelle qui estsusceptible de faire grief .

    Les premiers analyss comme Actes de gouver-nement sont inattaquables devant la Cour etjouissent de limmunit de juridiction, alors quele second est susceptible de recours en annula-tion ou apprciation de lgalit.

    Lapprciation en validit, dans le cadre dunrecours prjudiciel, est en ralit une apprcia-tion en lgalit. Cest pourquoi, lorsquelle sta-tue, la Cour de Justice linstar de la Cour deJustice des Communauts Europennes (CJCE),

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 25 (Noir/Black film)

  • se borne mentionner dans son dispositif ditpour droit ou lacte vis est invalide .

    La Cour de Justice ne peut prononcer lannula-tion de lacte dclar invalide. Cette facult ap-partient linstitution ou lorgane dont il mane.

    Les autorits nationales doivent rapporter lesactes pris sur le fondement ou en applicationde lacte dclar invalide .

    La consquence est que les juridictions natio-nales sont habilites donner suite lexcep-tion dillgalit qui a motiv le renvoi encartant lapplication de lacte dans laffairedont elles sont saisies au principal.

    En consquence de ce qui prcde, on peut direquen apparence, le mcanisme du recours pr-judiciel napparat pas comme la manifestationde lautorit juridictionnelle de la Cour commu-nautaire lgard des Cours nationales.

    En ralit, mme en labsence dun rapport hi-rarchique parfait, lapparence sus-dcrite esttrompeuse. En effet, le mcanisme du recoursprjudiciel doit obligatoirement tre usit parles Cours nationales dans certains cas (A) et lecontenu des arrts rendus dans ce domainesimpose aux Cours nationales (B), ce quiconstitue la manifestation dune autorit hirar-chique. Le mcanisme dexcution des arrts dela Cour de Justice de lUEMOA (C) en est uneautre manifestation.

    II. Les rapports verticaux ou vritable verticalit

    Le recours prjudiciel consacre les manifesta-tions de lautorit juridictionnelle de la Cour deJustice de lUEMOA lgard des Cours natio-nales dans le cadre dune relation verticale.

    A. Lobligation pour les cours nationales derecourir au mcanisme du recours prjudiciel

    Aux termes de larticle 12 du Protocole Addition-nel n1, la Cour statue titre prjudiciel sur linter-prtation du Trait de lUnion, sur la lgalit etlinterprtation des actes pris par les Organes delUnion, sur la lgalit et linterprtation des statutsdes organismes crs par un acte du Conseilquand une juridiction nationale ou une autorit fonction juridictionnelle est appele en connatre loccasion dun litige.

    Les juridictions nationales statuant en dernier res-sort sont tenues de saisir la Cour de Justice. Pources juridictions donc, le recours prjudiciel est uneobligation, si et seulement, se pose une questiondinterprtation ou dapprciation de validit dunacte de droit communautaire leur niveau.

    La saisine de la Cour de Justice par les autresjuridictions nationales ou les autorits fonctionjuridictionnelle est facultative.

    Limportance du recours prjudiciel comme m-canisme de coopration entre la Cour de jus-tice de lUEMOA et les juridictions des tatsmembres est raffirme par larticle 14 du Pro-tocole Additionnel n1.

    En effet, cet article dispose que Si la re-qute de la Commission, la Cour de Justiceconstate que, dans un tat membre, le fonction-nement insuffisant de la procdure de recoursprjudiciel permet la mise en uvre dinterpr-tations errones du Trait de lUnion, des actespris par les Organes de lUnion ou des statutsdes organismes crs par un acte du Conseil,elle notifie la juridiction suprieure de ltatmembre, un arrt tablissant des interprtationsexactes. Ces interprtations simposent toutesles autorits administratives et juridictionnellesdans ltat concern .

    26I n t e r n a l i s a t i o n d u d r o i t , i n t e r n a l i s a t i o n d e l a j u s t i c e

    ahjucaf

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 26 (Noir/Black film)

  • 21-23 juin 2010 C o u r S u p r m e d u C a n a d a O t t a w a27

    En consquence de ce qui prcde, un tatmembre dont les juridictions ne respectent paslobligation de recourir au mcanisme du re-cours prjudiciel pourrait se voir rappeler lor-dre ou condamner pour manquement sesobligations sur poursuites inities par la Com-mission.

    Il existe cependant des dispenses par rapport lobligation dutiliser le mcanisme du recoursprjudiciel. Il en est ainsi dans le cas de ce queles thoriciens du droit ont appel la thoriede lacte clair .

    En effet, pour les Cours nationales, lobligationdutiliser le mcanisme du recours prjudiciel dis-parat au cas o lapplication correcte du droitcommunautaire peut simposer avec une videncetelle quelle ne laisse aucun doute raisonnable surla manire de rsoudre la question pose.

    La CJCE dans une affaire CILFIT du 6-10-1982,Affaire 283/81- Recueil page 314, a gale-ment pos les bases dune autre dispense enjugeant en ces termes le juge national est dis-pens de lobligation de saisir la Cour dunequestion matriellement identique une ques-tion ayant dj fait lobjet dune dcision titreprjudiciel3.

    B. Lobligation pour les cours nationales derespecter le contenu des arrts rendus surrenvoi prjudiciel

    Cette obligation se manifeste travers la forceobligatoire et la porte gnrale de larrtrendu sur renvoi prjudiciel.

    La force obligatoire signifie que la dcision dela Cour de Justice donne une rponse obliga-toire la question qui lui a t pose dans lecadre du litige principal et que la juridiction na-tionale est lie par la rponse donne par laCour de Justice.

    La Cour de Justice des Communauts Euro-pennes a prcis cette force obligatoire desdcisions prjudicielles en disposant que larrtprjudiciel lie le juge national pour la solutiondu litige au principal, et a lautorit de la chosejuge (CJCE ord.5 mars 1986 Aff. Wunsche.69/85 Rec. 947).

    Cependant le juge national peut toujours rinter-roger la Cour de Justice avant de trancher le litigelorsquil se heurte des difficults de comprhen-sion ou dapplication de larrt ; lorsquil pose la Cour une nouvelle question de droit ou lorsquillui soumet de nouveaux lments dapprciationsusceptibles de conduire la Cour rpondre dif-fremment une question dj pose.

    La porte gnrale signifie que larrt prjudi-ciel a des effets, au-del des juridictions natio-nales saisies du litige principal, lgard desparties dautres litiges similaires devant nim-porte quelle juridiction de lensemble des tatsmembres de lUnion.

    Par exemple linterprtation donne par la Courde Justice dans un arrt prjudiciel simpose lensemble des juridictions des tats membresqui doivent lappliquer scrupuleusement len-semble des affaires dans lesquelles le texteconcern est invoqu.

    Si la Cour de Justice dclare invalide un acte,larrt en apprciation de validit va avoir uneporte gnrale parce que tous les juges destats membres auront lobligation de refuserden faire application chaque fois quune ex-ception dillgalit est souleve.

    Aux termes de larticle 13 du Protocole Addi-tionnel n 1, les interprtations formules parla Cour de Justice dans le cadre de la proc-dure de recours prjudiciel, simposent toutesles autorits administratives et juridictionnellesdans lensemble des tats membres. Linobser-vation de ces interprtations peut donner lieu un recours en manquement.

    ahjucaf_01_fin19_11.qxd:01 22/11/10 12:24 Page 27 (Noir/Black film)

  • C. Le mcanisme dexcution des arrts dela Cour de Justice de lUEMOA

    Dans le cadre de la mise en uvre des normescommunautaires UEMOA, il tait absolument n-cessaire daccorder une place importante lex-cution effective des arrts rendus par la Cour deJustice lencontre des auteurs de violations. Eneffet, linexcution de ces arrts peut rendre ledroit communautaire inoprant et illusoire au pr-judice des objectifs de la communaut et partant,de lconomie des tats membres.

    Le lgislateur UEMOA a plus ou moins fait decette question, une proccupation majeure. La so-lution quil a propose ncarte pas cependantles possibilits dinterprtation.

    En effet, si les arrts de la Cour de Justice sontobligatoires en vertu des articles 20 du Protocoleadditionnel n 1 et 57 du Rglement de proc-dures4, la question se pose de savoir si ces dispo-sitions suffisent permettre leur excution dans lestats membres sans la formalit de lexquatur.

    Loccasion na pas encore est donne la Courde Justice de se prononcer sur la question. Maisnous pensons que lintervention du principe deprimaut du droit communautaire sur le droit na-tional des tats permet daller dans le sens delexcution sans exquatur et par applicationdes procdures nationales.

    La pertinence juridique de cette position sap-puie galement sur larticle 46 du Trait qui pr-cise que les dcisions du Conseil des Ministresou de la Commission de lUEMOA qui compor-tent, la charge des personnes autres que lestats, une obligation pcuniaire forment titreexcutoire, et qui ajoute que :

    - si lexcution force de ces titres est rgie par lesrgles de procdure civile en vigueur dans l'tatsur le territoire duquel elle a lieu, la formule ex-cutoire est appose, sans autre contrle que celuide la vrification de l'authenticit du titre, par l'au-

    torit nationale que le Gouvernement de chacundes tats membres dsignera cet effet ;

    - aprs l'accomplissement de ces formalits,l'excution force peut tre poursuivie en saisis-sant directement l'organe comptent selon la l-gislation nationale ;

    - l'excution force ne peut tre suspenduequ'en vertu d'une dcision de la Cour de Justicede lUEMOA et non de ltat membre dans le-quel elle a lieu...

    Il rsulte de ce qui prcde que dans ce do-maine, les Cours nationales nont aucun moyende contrler la rgularit des titres excutoiresdorigine communautaire et doivent tout simple-ment en assurer lexcution effective selon lesprocdures nationales.

    Il sy ajoute, pour le cas particulier de lexcu-tion des arrts re