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  • CINQUIME SECTION

    AFFAIRE SOROS c. FRANCE

    (Requte no 50425/06)

    ARRT

    STRASBOURG

    6 octobre 2011

    Cet arrt deviendra dfinitif dans les conditions dfinies larticle 44 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

  • ARRT SOROS c. FRANCE 1

    En laffaire Soros c. France, La Cour europenne des droits de lhomme (cinquime section), sigeant

    en une chambre compose de : Dean Spielmann, prsident, Jean-Paul Costa, Karel Jungwiert, Mark Villiger, Isabelle Berro-Lefvre, Ganna Yudkivska, Angelika Nuberger, juges, et de Claudia Westerdiek, greffire de section,

    Aprs en avoir dlibr en chambre du conseil le 30 aot 2011, Rend larrt que voici, adopt cette date :

    PROCDURE

    1. A lorigine de laffaire se trouve une requte (no 50425/06) dirige contre la Rpublique franaise et dont un ressortissant amricain, M. George Soros ( le requrant ), a saisi la Cour le 13 dcembre 2006 en vertu de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales ( la Convention ).

    2. Le requrant est reprsent par Me R. Soffer, avocat Paris, New York et en Isral. Le gouvernement franais ( le Gouvernement ) est reprsent par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministre des Affaires trangres.

    3. Le requrant allguait en particulier une violation de larticle 7 de la Convention en raison de limprcision des textes ayant servi de fondement sa condamnation pnale.

    4. Le 9 fvrier 2009, le prsident de la section a dcid de communiquer la requte au Gouvernement. En vertu de larticle 29 1 de la Convention, il a t dcid que seraient examins en mme temps la recevabilit et le fond de laffaire.

    5. Par une dcision du 31 aot 2010, la chambre a dclar la requte partiellement recevable et a dcid de mettre fin lapplication de larticle 29 1 de la Convention.

    6. Tant le requrant que le Gouvernement ont dpos des observations crites sur le fond de laffaire (article 59 1 du rglement).

  • 2 ARRT SOROS c. FRANCE

    EN FAIT

    I. LES CIRCONSTANCES DE LESPCE

    7. Le requrant est n en 1930 et rside New York. 8. Le requrant fonda en 1988 la socit Q. F., un important fonds

    dinvestissement intervenant sur les marchs boursiers amricains, europens et asiatiques. Le 12 septembre 1988, le requrant tint une runion New York avec plusieurs investisseurs. A lissue de celle-ci, un banquier suisse, M., demanda au requrant sil souhaitait rencontrer P. qui envisageait, avec dautres investisseurs, dacqurir des titres dune grande banque franaise, S., afin den prendre le contrle.

    9. Le requrant mandata lun de ses conseillers, T., afin dtudier cette proposition. Le 14 septembre 1988, T. rencontra B., une collaboratrice de P., ainsi que P. lui-mme, qui lui prsentrent le projet envisag sous ses diffrentes branches et les objectifs poursuivis par P., savoir lacquisition de 35 % des parts de la banque S. Il fut prcis T. que cette opration avait reu lappui du gouvernement. Aucune lettre de confidentialit de ce projet ne fut signe entre les participants cette runion, bien que le projet nait pas t port la connaissance du grand public. A loccasion de contacts qui se poursuivirent pendant une dizaine de jours, T. reut par tlcopie des projets daccord de la part de B. Le requrant dcida cependant de ne pas participer la prise de contrle de la banque S. car les explications donnes quant la stratgie dinvestissement et la gestion ultrieure de la banque taient vagues et le projet manquait, selon lui, de srieux.

    10. Le 19 septembre 1988, aprs avoir refus loffre de P., le requrant dcida de faire acqurir par sa socit Q. F. un bouquet dactions de quatre socits franaises rcemment privatises, dont la banque S., pour un montant global de 50 millions de dollars. Il laissa ses traders le soin de dterminer le lieu dachat et les proportions entre les socits. Ainsi, Q. F. acquit, entre le 22 septembre et le 17 octobre 1988, 160 000 actions de la banque S. pour un montant de 11,4 millions de dollars. Sur cette somme, 7 millions de dollars furent investis sur le march franais et 4,4 sur le march de la bourse de Londres.

    11. Entre le 19 et le 27 octobre 1988, cest--dire quelques jours aprs les avoir acquises, la socit Q. F. dcida de vendre une partie des actions de la banque S., soit 95 000 dentre elles. Les 65 000 restantes furent cdes un mois plus tard, le 21 novembre 1988. Q. F. ralisa un profit approximatif de 2,28 millions de dollars en achetant et en revendant rapidement ces actions, dont 1,1 million de dollars sur le march franais.

    12. La tentative de prise de contrle de la banque fut rvle au grand public le 28 octobre 1988 par un article de presse. Elle choua en raison dune stratgie de dfense de la banque.

  • ARRT SOROS c. FRANCE 3

    13. Le 1er fvrier 1989, la Commission des oprations de bourse (COB) dcida denquter sur lactivit des titres de la banque S. entre le 1er juin et le 21 dcembre 1988 afin dexaminer si certaines transactions taient conscutives un dlit diniti. Lenqute porta sur trois points distincts : le montage et les oprations effectues par P., le comportement de plusieurs personnes physiques informes de lopration projete par P. ou susceptibles de lavoir t, ainsi que le comportement de la banque S. elle-mme.

    14. Au cours de son enqute, la COB interrogea par crit le requrant et T. propos du droulement des faits litigieux. Le 31 juillet 1989, aprs que son enqute eut t acheve, la COB prit une dlibration dont les passages pertinents concernant le comportement des personnes physiques informes de lopration projete par P., dont le requrant, se lisent comme suit :

    (...)

    a. Il nexiste, en jurisprudence, aucun prcdent applicable des situations analogues, que le dveloppement des pratiques et des structures financires rend de plus en plus frquentes ;

    b. Au regard de ces pratiques et de ces structures, lactuelle rdaction de larticle 10-1 [de lordonnance no 67-833 du 28 septembre 1967], ne permet pas, ses yeux, de tracer, avec certitude, une frontire prcise entre le licite et lillicite ;

    c. Il est donc indispensable que les dispositions de larticle 10-1 soient prcises, par toute voie approprie pour ce faire, de manire lever, pour lavenir, toute ambigut en pareilles matires (...)

    15. A lissue de sa dlibration, la COB, qui avait relev certaines infractions, notamment un manquement de la banque S. dans ses obligations de dclaration de certaines transactions, dcida de communiquer au parquet lintgralit de son rapport denqute.

    16. Par un courrier du 5 septembre 1989, le parquet demanda de plus amples prcisions la COB sur la commission, par le requrant, dun dlit diniti au sens de larticle 10-1 de lordonnance no 67-833 du 28 septembre 1967 alors applicable. Par un courrier du 12 septembre 1989, le prsident de la COB rpondit comme suit :

    Je ne puis ainsi que vous confirmer, que, sagissant des oprations effectues par quatre personnes physiques [dont le requrant], ayant expressment t invites par [P.] sassocier la ralisation de son projet, la COB a estim quen labsence dune rgle crite, dun usage reconnu en jurisprudence ou dune dontologie admise par la profession, dont la violation aurait t tablie, le faisceau dlments apports par lenqute ne lui permettait pas, aux cas despce, de tracer avec certitude une frontire prcise entre le licite et lillicite.

    17. A cette poque, le ministre des Finances, M. Brgovoy, prit des mesures dans le but dapporter plus de lisibilit aux oprations boursires. Il cra notamment une commission de dontologie boursire charge de

  • 4 ARRT SOROS c. FRANCE

    prciser les limites entre les pratiques licites et illicites. Cette commission dposa son rapport le 10 janvier 1990 (paragraphes 33 et 34 ci-dessous).

    18. A lissue des travaux de cette commission, le ministre des Finances prit un arrt le 17 juillet 1990 portant homologation du rglement no 90/08 de la COB relatif lutilisation dune information privilgie (paragraphe 35 ci-dessous). Ce rglement visait prciser les diffrentes catgories dinitis ainsi que les comportements qui pouvaient leur tre reprochs. Selon le requrant, ladoption de ce texte serait conscutive la prsente affaire.

    19. Par ailleurs, le Conseil des Communauts europennes adopta une directive le 13 novembre 1989 destine prciser et harmoniser au niveau des Etats membres les notions d information privilgie et d initi (paragraphe 38 ci-dessous).

    20. Dans un courrier du 15 dcembre 1989, le requrant rpondit aux questions poses dans le cadre de lenqute mene par la COB et tenta de justifier son investissement.

    21. Une procdure dinstruction fut ouverte en 1990 lencontre de plusieurs personnes, dont le requrant, suspectes davoir commis un dlit diniti en profitant dune information privilgie pour intervenir sur le march boursier. Le requrant, ainsi que deux autres conculps, fut renvoy devant le tribunal correctionnel de Paris le 20 dcembre 2000 pour avoir acquis des titres de la banque S. alors quil disposait, de par ses fonctions, dune information privilgie sur lvolution de ces titres. Lordonnance de renvoi se fondait notamment sur les dclarations de M. et de T.

    22. Devant le tribunal de grande instance de Paris, le requrant souleva une exception dillgalit de la poursuite tire du manque de prvisibilit de la loi applicable au dlit diniti. Il fit notamment valoir quil navait jamais entretenu de relations professionnelles avec la banque S. contrairement ce quexigerait le libell de larticle 10-1 de lordonnance du 28 septembre 1967.

    23. Sur le fond, il soutint que le projet de P. lui avait t prsent dans des termes trs vagues, qu aucun moment il ne lui avait t prcis que ce projet tait confidentiel et, quen consquence, il navait jamais con