À propos d'une possible isoglosse étrusco-carienne suthi tombeau

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    YVES DUHOUX

    LE VOCABULAIRE CARIEN DE LA TOMBE

    propos dune possible isoglosse trusco-carienne

    (sui/ui, tombeau ~ carien si/sii, tombe)0. Cet article est parti dune ressemblance qui ma paru (peut-tre tort, on va le voir) frappante. Ltrusque connat un nom du tom-beau sui/ui, tandis que le carien a une forme si/sii demploisimilaire. Ces similitudes smantique et formelle ne semblent pasavoir t releves jusquici1. Or, elles pourraient tre intressantes2.En effet, le carien est une langue indo-europenne du groupe anato-lien3, alors que lon discute depuis longtemps des rapports possiblesentre ltrusque et lanatolien4. Le rapprochement de sui/ui et si/sii est-il toutefois lgitime ? Cest ce que nous commencerons parexaminer ( 1).

    Il aurait cependant t artificielet dommageable de sparer si/sii

    des autres membres du champ lexical funraire carien. Cest pour-quoi jexaminerai aussi jas/as, upe/wpe/upa, ue et la glose soanqui apparaissent dans des contextes comparables ceux de si/sii

    1 Bien que Bertoldi 1948, 7 ait rapproch sui de la glose carienne soan (sur laquellevoir 2.1.4). Dans les citations qui suivent, lemploi des italiques est conforme celui des auteurs reproduits.

    2 Dans larticle qui a pos les fondements du dchiffrement du carien, Ray 1981,159 avait dj voqu une similitude trusco-carienne possible: une finale carienneprsume verbale en -m-t-a-k(?)-j quil comparait aux prtrits trusques en -ce.Toutefois, la lecture carienne actuelle de cette squence na plus aucun rapportperceptible avec le -ce trusque. Voir aussi 1.4.

    3 Il est, plus prcisment, membre du sous-groupe des parlers dits louvites (louvitecuniforme et hiroglyphique, lycien, milyen et probablement sidte et pisidien):Adiego 2007, 345347. Voir Melchert 2003, 175177 propos des relations entre

    ces divers parlers. Sur le terme lycien sidi qui na aucun rapport perceptible avecle carien si/sii, voir 3.1.

    4 Les truscologues sont gnralement sceptiques sur ce point. Un truscologuecomme Steinbauer 1999, 357389, plutt enclin admettre des isoglosses trusco-anatoliennes, conclut que ces ressemblances excluent de pures concidences, mais nese prononce pas sur la nature de la parent implique (gntique ou arale). Pourune position totalement favorable une parent gntique, voir Adrados 2005.

    Kadmos Bd. 46, S. 53107 WALTERDE GRUYTER 2007ISSN 0022-7498 DOI 10.1515/KADMOS.2007.005

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    ( 2). En conclusion de ltude, je prsenterai des essais dtymologiede tous les termes examins ( 3).

    Dans ces recherches, jai essay de dterminer non pas tant la ou lessignification(s) des termes tudis que leur(s) rfrent(s)5. Dans deslangues comme le carien ou ltrusque, ce nest en effet que grce sonrfrent que lon peut esprer sapprocher du sens dun mot et de sontymologie ventuelle. Pour identifier ces rfrents, jai tenu comptede lensemble des faits permettant dinterprter les inscriptions, cest--dire non seulement de leurs textes, mais aussi de leurs supports etde leurs diffrents environnements (pigraphique, archologique,

    gographique, linguistique, chronologique ). Les remarquablesprogrs effectus dans les tudes cariennes permettent dsormaisdaccorder ces lments toute lattention quils mritent.

    Mes manuels de rfrence principaux ont t: (a) pour ltrusque,Pfiffig 1969 et Steinbauer 1999; (b) pour le carien, le volume, relle-ment admirable, dAdiego 2007 cest cet ouvrage que jai reprisla plupart des donnes cariennes utilises.

    Dans ce qui suit, je distinguerai conventionnellement la tombe,qui est la fosse o a t dpos le corps dun dfunt, du tombeau,que je comprendrai comme un btiment englobant une tombe etcommmorant le souvenir dun ou de plusieurs morts. Jentendraipar stle un monolithe non incorpor un tombeau et plac enposition verticale.

    1. trusque sui/ui et carien si/sii

    1.1. Les rfrents de sui/ui et si/sii1.1.1. Rfrent deltrusque sui/uiLtrusque sui/ui est attest plusieurs dizaines de fois et semploiedans des formules funraires. Il est exclu que le mot dsigne unestle ( 0), puisquil peut figurer sur des parois dun tombeau one se trouvait aucune stle. Ainsi:

    (a) TLE2 566 (= CIE 3754; seconde moiti du IIe s.); inscription lintrieur du tombeau familial des Volumni Prouse. Texte:arn lar velimnaarznealhusiursuiacilhece, Arnth (et) Larth

    Velimna, les descendants dArzni, ralisrent (?) le sui (et son)travail (?).6

    5 Rappelons quun rfrent est la ralit extra-linguistique laquelle renvoie unterme.

    6 Pfiffig 1969, 222 (fac-simil); Pfiffig 1972, 29; Steinbauer 1999, 241243.

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    Il peut se faire que sui/ui soit grav sur une stle funraire, maisil peut alors renvoyer autre chose que cette stle, comme dans:

    (b) TLE2 315 (= CIE 5321; IVeIIIe s.); Vulci. Texte: eca : uic :velus : ezpus clensi :cerinu, Ceci [eca] et [-c] le ui (sont) de VelEzpurigs par (son) fils.7 Il est clair que la stle dsigne par ledmonstratifeca est distincte de la tombe ou du tombeau, sui.

    Les inscriptions (a) et (b) laissent pour sui/ui le choix entretombe et tombeau. La plupart des autres emplois sont ambigusde ce point de vue, mais certains documents imposent de reconna-tre que sui/ui dsigne proprement le tombeau. Cest le cas de

    CIE 6213, qui figure sur le pilier central dun tombeau comportant9 emplacements funraires et qui donne lidentit des constructeursdu ui8: ce ui ne peut donc tre que la construction qui abrite lestombes. De mme, linscription TLE2 135 (CIE 5470) est crite surle couvercle dun sarcophage trouv dans un tombeau et voque unui o peuvent tre dposes 20 urnes9.

    Cest ds lors le tombeau, cest--dire la construction qui recou-vre ou englobe la tombe, qui doit tre le rfrent de sui/ui. Ce termesoppose dautres dsignations funraires trusques plus prcisescomme la chambre funraire, tamera10; la pierre tombale, la pierrecommmorative, le souvenir, ma(n)11; le sarcophage, mut(a)na12;le sarcophage, lurne, capra13 et mur-/murs14;

    Le substantifsui/ui a un driv suina/uina quidsigne lemobilier funraire dpos dans une spulture. Ce mot tait inscritsur des objets dont on voulait viter tout dtournement15. Ainsi:

    (g) TLE2 291 (entre le IVe et le Ier s.); linscription figure sur quatreobjets diffrents dun mme tombeau (un candlabre et trois vasesen bronze). Texte commun:ania lucini uina, Tania Lucini,mobilier funraire16.

    Ltrusque connat aussi des formes verbales su, suiu et suivenaattestes dans le texte de la momie de Zagreb (TLE2 1) et dans laTabula Cortonensis. Ce verbe signifie visiblement dposer vel7 Pfiffig 1972, 1516 dcrit lobjet comme une stle funraire, conformment la

    notice du CIE; Steinbauer 1999, 240241 le dcrit comme un autel funraire.8 Pfiffig 1972, 2021 (Caere; IVe s.); Steinbauer 1999, 243244.9 Pfiffig 1972, 2325 (Tarquinia; IIIe s. [?]).10 Steinbauer 1999, 473.11 Steinbauer 1999, 378379, 440.12 Steinbauer 1999, 447.13 Steinbauer 1999, 247, 404.14 Steinbauer 1999, 446.15 Fontaine 1995; Pfiffig 1969, 303; Steinbauer 1999, 472.16 Pfiffig 1969, 255. Pour cette analyse, voir 1.1.2.3.

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    sim.17 Si sui/ui tait un dverbatif de su18, il signifierait alorstymologiquement lendroit o lon dpose le dfunt.

    1.1.2. Rfrent du carien si/siiJe commencerai par tudier le texte des cinq inscriptions o figuresi/sii ( 1.1.2.12), aprs quoi je tenterai dtablir son rfrent etsa syntaxe ( 1.1.2.3).

    1.1.2.1. Les attestations de si/siiLes cinq exemples connus de si/sii se rpartissent comme suit du

    nord au sud de lAsie Mineure19: au nord du Mandre, frontire tra-ditionnelle entre la Carie et la Lydie, et donc en dehors de la Carieproprement dite, Tralles et dans sa rgion (deux attestations); enCarie mme, dans la rgion dAlabanda et Caunos; au sud de laCarie proprement dite, Krya. La prsentation ci-dessous suivra cetordre gographique. La datation de ces documents est inconnue, maisles rares inscriptions cariennes dAsie Mineure dates avec prcision sesituent au milieu ou la fin du IVe s.20 Il semble donc assez plausiblede situer cette poque les cinq inscriptions qui nous intressent.

    Texte (A)Trouv quelques kilomtres au nord du Mandre, et donc endehors de la Carie au sens strict, Tralles (C.Tr 1) 21: Plaque de

    calcaire dcouverte parmi les ruines de lAcropole de Tralles vers 1888 Date inconnue.22 Toute linscription est sinistroverse,ce qui est une caractristique unique dans les textes cariens dAsieMineure23. Loriginal est perdu, mais lon en possde un estampageet une copie faite daprs loriginal. Mon dition diffre lgrementde celle dAdiego 2007.

    si am[-] pau art{ }mon[-]

    Le dessus et la partie droite de la pierre seraient complets, mais sapartie gauche est mutile: il y manquerait environ 5 cm. Daprs le

    17 Adiego 2005, 1517; Steinbauer 1999, 237238, 472; Wylin 2002, 221223.18 Ainsi, Steinbauer 1999, 472.19 Voir la carte dAdiego 2007, 521.20 Adiego 2007, 23; Robert 1950, 19.21 Adiego 2007, 130, 292, 452.22 Deroy 1955, 307.23 Adiego 2007, 206.

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    fac-simil de Kubitschek reproduit par Adiego (voir 1.1.2.2, fig. 2),il me semble quune seule lettre pourrait avoir figur dans la lacunede am[-] (Adiego lit am[). la l. 3, large blanc entre artet mon[-].Adiego lit mon, mais la dernire lettre est la limite dune brisure;il nest pas sr que le mot soit incomplet, mais il ne pourrait y avoireu quune seule lettre dans la lacune. Jdite donc mon[-]. La ligne1 est crite en scriptio continua et sa segmentation nest pas assureaux yeux dAdiego. Pour une segmentation et une analyse diffrentesde celles adoptes ci-dessous, voir 1.1.2.2.

    Adiego commente trs brivement mais ne traduit pas le texte.

    Tous les autres emplois de si montrent que le terme apparatdans des pitaphes (voir les inscriptions [G, D, E] ci-dessous). Sil entait de mme ici, il faudrait admettre lexistence dune spulture surune acropole, ce qui ne susciterait pas de difficult particulire uneplaque de calcaire serait elle aussi compatible avec une tombe (notreinscription pourrait parfaitement tre une stle funraire). Labsencede contexte prcis connu empche cependant daller plus loin dansla dtermination du rfrent de si dans ce texte.

    am[-] (si telle est bien la segmentation) est un hapax dont Adiegone donne aucune interprtation: serait-ce le dbut du nom du dfunt ?Un - (gnitif) ou un possessif en -s ( 2.1.1[b]) disparu dans labrisure (am[]/am[s]) serait en tout cas compatible avec lampleurapparente de la lacune.pauest le gnitif de lanthroponymepau24,et il est tentant den faire un patronyme qualifiant am[-]25. Le dbutdu texte se comprendrait donc comme suit: si de/appartenant Am[-], (fils) de Pau.

    Reste alors interprter lhapax artmon[-]. Plusieurs interprta-tions sont possibles. (1) Selon Adiego, ce serait un anthroponymeau nominatif26 il en rapproche lanthroponyme grec Artmvndocument en Carie. Un nominatif semble cependant incompatiblesyntaxiquement avec le reste de linscription. Pour contourner lobs-tacle, il faudrait par exemple supposer que ce nominatif serait le nomde la personne responsable de la spulture (?). En ce cas, on traduiraitsi de/appartenant am[-], (fils) de Pau. Artmon[-] (le/me fit velsim.). Il nest toutefois pas entirement satisfaisant de postuler quun

    lment aussi spcifique que la mention de la construction auraitt sous-entendu alors que le nom de la tombe vel sim. fait partie24 Adiego 2007, 395. Sur le gnitif en -, voir Adiego 2007, 313314.25 Pour un exemple dpitaphe avec le nom du dfunt au gnitif suivi de son patro-

    nyme au gnitif et associ un des noms de la tombe vel sim. (ue), voir Adiego2007, 267 (E.Me 51: arli|psikroue).

    26 Adiego 2007, 357.

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    de lnonc. (2) Cette difficult invite se rappeler que artmon[-]nest quune correction. En effet, le texte de linscription est artmon[-], avec un large blanc entre les deux squences. Il faut donc sedemander si lespace vacant entre artet mon[-] ne pourrait pas tredlibr et correct. Les deux mots qui rsulteraient de cette lecturesont des hapax27. Le premier, art, pourrait tre compris hypothti-quement comme un verbe comportant la dsinence -tde troisimepersonne du singulier du prtrit que lon reconnat en carien28. Sonradical pourrait tre *ar-, lever, qui a fourni une srie de formesdans les langues anatoliennes29. Lhapax mon[-] pourrait peut-tre

    reprsenter un anthroponyme au nominatif, comparable pour la lon-gueur lanthroponyme assur moi30. On pourrait donc imaginer unetraduction du genre de si de/appartenant Amt[-], (fils) de Pau.Mon[-] (l/m)leva [= art]. Il sagit cependant dune interprtationextrmement hypothtique. (3) Je me demande ds lors si une lectureartmon[-] ne serait pas acceptable la condition de lire artmon[]ou artmon[s] (gnitif ou bien possessif en -s: voir ci-dessus). Ceslectures autoriseraient plusieurs analyses. (3a) Un gnitifartmon[]pourrait tre compris de deux faons. (3a1) Un anthroponyme (cf.Artmvn cit plus haut) qualifiantpauet livrant le papponyme dudfunt31: si de/appartenant Amt[-], (fils) de Pau, (fils) dArtmon.Ce serait une structure trs naturelle et conomique. (3a2) Un nomde fonction, prtre dArtmis appos pau. Rappelons que lenom dArtmis pourrait tre attest en carien sous la forme dunanthroponyme possible artmi32 (voir texte [B] ci-dessous) cf. aussiles noms lydien et lycien de la desse, artimuet ertemi. Il ny auraitpas de difficult particulire supposer quune suffixation en -onaurait pu marquer un nom de fonction: il existe au moins un nom defonction carien finale -on, le nom de linterprte, armon33. En cecas, on aurait la traduction suivante: si de/appartenant Amt[-],(fils) de Pau, prtre dArtmis (?). (3b) Un possessif en -sartmon[s]27 Il existe une squence art en C.Ka 2.2 (aKmnnartnyr).28 Adiego 2007, 321. Sur les formes verbales cariennes, voir Adiego 2007, 321

    325.29 GamkrelidzeIvanov 1995, I, 591. Pour le lycien, voir Neumann 2007, 25 (aruwti),

    70 (erma-), 73 (eruwe-). Un terme lycien spcialement intressant pourrait tre

    arawazi-, qui correspond au terme funraire grec mnma (Neumann 2007, 19).30 Adiego 2007, 384.31 Pour des exemples de nom du dfunt + patronyme + papponyme, voir E.Me 34

    et 41 (ce dernier texte comporte wpe aprs le nom du dfunt): Adiego 2007,268271.

    32 Adiego 2007, 289290, 356.33 Adiego 2007, 355.

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    devrait ncessairement saccorder avec Am[s] et donc tre un nomde fonction (prtre dArtmis [?]). Cette solution est thoriquementpossible, mais syntaxiquement plus difficile, parce que artmon[s] nejouxte pas Am[s] auquel il est cens tre appos.

    Texte (B)Trouv quelques kilomtres au nord du Mandre, et donc en dehorsde la Carie au sens strict, dans la rgion de Tralles (C.Tr 2)34: Pierrequadrangulaire dcouverte en 1871 dans une vigne prs du villagede Kemer, au nord-ouest de Tralles Date inconnue.35 Ce texte

    nest connu que par des fac-simils (voir 1.1.2.2, fig. 3). Toutelinscription est dextroverse et crite en scriptio continua. Pour unesegmentation et une analyse diffrentes de celles adoptes ci-dessous la l. 1, voir 1.1.2.2. Mon dition diffre lgrement (l. 3) de celledAdiego 2007.

    an sii a-rtmi pauparaZ

    La dernire lettre de lhapax paraZ, l. 3, fait difficult36. Adiegolitparaq?, mais signale la lectureparade Schrr. En dehors denotre texte, on ne trouve le trac Z qu Caunos: il sagit visible-ment dune variante locale du signe z utilis partout ailleurs avec

    la valeur 37

    . Ceci pourrait suggrer une lecture para. Toutefois,notre texte contient un exemple indubitable de avec un autre trac:il figure danspau(l. 2) avec la forme z ou q (les fac-simils livrentdeux versions diffrentes du signe). Le trac z ne fait pas problme:il sagit de la forme la plus courante de la lettre, dailleurs attestedans le seul autre document carien de Tralles, C.Tr 1. En revanche,q est embarrassant, parce quil a partout ailleurs la valeur q, ce quidonnerait une lecture **pauq aberrante38. Il semble donc raisonnablede considrer le fac-simil q comme une erreur et dadopter celui enz. Notre texte contiendrait ds lors, avecpau, un exemple de quiaurait la forme canoniquez. Il deviendrait alors gnant de supposerque, la ligne suivante,paraZ contiendrait une variante Z de ce34 Adiego 2007, 131, 254, 289291, 452.35 Deroy 1955, 308.36 Pour tout ce qui suit, voir Adiego 2007, 131, 206219, 289291.37 Le tableau dAdiego 2007, 217 suggre que, Iasos, le signe z vaudrait en C.Ia

    3 (dans siyklo), mais i en C.Ia 6. Il sagit dune erreur: Adiego 2007, 149 lit zcomme en C.Ia 6 ([...]?e).

    38 Rappelons quepauest attest dans lautre inscription de Tralles, C.Tr 1 (texte[A] ci-dessus).

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    mme signe. Il serait bien plus vraisemblable queZ note autre choseque . Parmi les variantes de lettres connues, on sintressera touteforme de cercle avec (si possible) addition dun segment de droite39.Les alphabets cariens connaissent plusieurs tracs de ce type: \, valant; q et Q, valant q; t, valant t. Il existe aussi z, valant , mais quisemble difficile pour la raison expose linstant. Restent donc , qet t, qui donneraientpara,paraq (la lecture dAdiego) etparat.Il me parat impossible de choisir pigraphiquement entre ces troispossibilits. Chacune serait dailleurs compatible avec la place de ,q et t, que lon trouve rgulirement en finale absolue de mot. On ne

    peut toutefois compltement exclure queZ ait une valeur phontiqueinconnue par ailleurs.

    Traduction dAdiego: This tomb (acc.) Artmi, (son) of Pau, Imade.

    Le contexte archologique du document est compltement inconnu.Toutefois, une pierre quadrangulaire pourrait avoir servi indiquerlemplacement dune tombe ou dun tombeau (voir le parallle pr-sent 2.1.1[b] propos de C.Eu 1), sans quil soit possible dallerplus loin dans la dtermination du rfrent de sii.

    sii est prcd par an, qui pourrait tre un dmonstratif40.pauest le gnitif dun anthroponyme (voir texte [A] ci-dessus).

    artmi est un hapax; Adiego le comprend comme un anthroponymede cas ambigu (nominatif ou datif ?) quil interprte soit comme unereprise du nom de la desse Artemiw, soit comme une variante delanthroponyme carien Artimhw41. Un nominatif me parat cepen-dant difficile car il impliquerait soit que le nom du dfunt ne seraitpas donn, soit que le constructeur serait le dfunt et que le texteemploierait une expression extrmement elliptique (voir cependant 1.1.2.3). Un datif en -i me semble donc prfrable42. Comprendrealors Ce sii (est) pour Artmi, (fils) de Pau.

    Comme cette inscription provient de la mme rgion que le texte (A)ci-dessus, on doit se demander sil nexisterait pas un rapport entrecet artmi et la squence art mon[-] ou artmon[-] qui figure en (A)43.

    39 Ceci exclut le o, valant o.40 Adiego 2007, 320, 352. Le mot, qui pourrait reposer sur *eno-, napparat que

    deux fois dans le corpus carien, ici et en C.Ka 3, o ann est prcd et suivi parun hapax en -(anthroponyme au gnitif ?).

    41 Adiego 2007, 356357.42 Sur cette forme, voir Adiego 2007, 290, 317318.43 Noter cependant que certaines formes de lettres de ces deux textes diffrent

    significativement, de mme que la direction de leur criture (voir Adiego 2007,206207).

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    La segmentation art mon[-] prsente linstant a t interprtetrs hypothtiquement comme Mon[-] [anthroponyme] (l/m)leva[= art]. Sur ce modle, on pourrait segmenter artmi en art mi, desorte que le texte signifierait Ce sii, Mi [anthroponyme (??)], (fils)de Pau, (l)leva [= art(??)] pour (??) paraZ. Toutefois, le nomdu dfunt suivrait ici son verbe prsum, alors quil le prcderaitdans le texte (A).

    Reste expliquerparaZ. Cet hapax est interprtable de plusieursfaons44, dont aucune nest satisfaisante la lecture incertaine de ladernire lettre du mot ne facilite pas la tche. (a)paraZ pourrait

    tre le papponyme du dfunt. Ceci serait bon du point de vue dela structure (Artmi, [fils] de Pau, [fils] de Para), mais supposeune lecture para (?) que nous avons trouve difficile. (b) Avecla mme lecture et la mme objection, para (?) pourrait tre unnom de fonction ou un ethnique au gnitif, appos pau: on auraitdonc Artmi, (fils) de Pau, lepara (?). (c) Selon Adiego,paraq?(?) serait un verbe signifiant je construisis, dont le complmentserait laccusatifan sii ceci aboutit toutefois une pitaphe sansnom de dfunt, ce qui est embarrassant. (d)parat(?) livrerait uneforme verbale similaire paraq? (?), mais avec la dsinence -tdetroisime personne du singulier carienne du prtrit (voir texte [A]ci-dessus), il fit: ceci laisse cependant intacte la difficult de lab-sence du nom du dfunt. (e)paraZ serait le nominatif du nom duconstructeur de la tombe ce type dinterprtation a dj t proposdans le texte (A) attestant s(i)i, mais labsence de tout terme relatif la construction est gnante. (f)paraZ pourrait tre un appos mi, sujet hypothtique du verbe (??) art: Mi (??), (fils) de Pau, leparaZ (?), lleva (??).

    Texte (G)Trouv en Carie, dans la rgion dAlabanda (C.Al 1)45: Inscrip-tion aux caractres relativement grands dcouverte sur unrocher au sommet duquel est creuse une tombe rectangulaire. Dateinconnue.46 Linscription est dextroverse et crite en scriptio conti-nua (mais avec un dcalage de hauteur pour les trois dernires lettresdu texte: voir ci-dessous). Mon dition diffre de celle dAdiego47,

    44 Pour (a) et (c), voir Adiego 2007, 289291, 393.45 Adiego 2007, 132, 292, 452.46 Deroy 1955, 319.47 Je me fonde sur les photos de lestampage (effectu par L. Robert) encore coll sur

    linscription (Robert 1950, pl. VIII.2, XXI.2).

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    qui lit si a[-]mob[. Pour une segmentation et une analyse diffrentesde celles adoptes ci-dessous, voir 1.1.2.2.

    si anmob

    L. Robert semble tre le seul avoir autopsi le document. Sesphotos montrent quaucun des fac-simils disponibles actuellement(pas mme le sien ) ne reproduit correctement la disposition du mob final, qui est crit quelques centimtres plus haut que toutce qui prcde (cet tagement se conforme trs clairement au profildu rocher48; les lettres de linscription ont de 8 10 centimtres de

    hauteur). La fig. 1 donne le fac-simil de Robert 1950, 17, rectifipar mes soins daprs ses propres photos.

    Fig. 1. Inscription funraire carienne rupestre C.Al 1(fac-simil de Robert 1950, 17, rectifi par mes soins)

    Le signe qui figure entre a et m comportait une haste verticale dontle bas est conserv, mais son dessus est mutil. Schrr 2001, 109n. 12 y voit un sparateur de mots ou une lettre indterminable[.]. Un sparateur serait matriellement possible et sharmoniseraitexcellemment avec le dcalage vers le haut de mob: il faudrait donclire sia |mob. Toutefois, une squence sia parat injustifiable avecun lexme si mais elle serait excellente pour un lexme sia: voir 1.1.2.2. Une autre segmentation possible serait si a |mob, maiscomment interprter le a ? Une abrviation a est sans parallle connuet une forme a de pronom dmonstratif serait difficile49. Ce qui mesemble concevable en revanche serait une forme an, avec un n qui peutavoir la forme N en carien. La forme an du dmonstratif se trouveprcisment associe sii dans le texte (B) ci-dessus, mais avec unordre des mots invers: ansii. Cette diffrence ne susciterait pasde difficult majeure, tant donn quun autre pronom carien, san,

    peut avoir une place variable: ainsi, orkn tn snn, ce rcipient(C.Ha 1) ~ snn orkn, ce rcipient (C.xx 1). Comprendre donc sianpar cesi.

    48 Voir la photo de Robert 1950, pl. II.1.49 Les seules formes pronominales point trop incompatibles sont an/ann. Sur ces

    pronoms, voir Adiego 2007, 319320, 352.

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    Ni les clichs, ni le fac-simil, ni la description de L. Robert nedonnent limpression dune lacune lextrme droite du texte: ily a juste une zone abme sous la dernire lettre pas sa droite.Linscription semble ds lors se terminer par mob.

    Le contexte est clairement funraire: linscription identifiait len-droit o tait enseveli un dfunt. Le rocher sur lequel a t grav notretexte exclut lexistence dun monument ou dune stle et impose doncque si renvoie la tombe. Aprs si an,cesi, on attend le nomdu dfunt, qui ne peut tre que lhapax mob. Ceci nest pas difficileen soi50, mais est syntaxiquement embarrassant: on sattend une

    construction du genre du gnitif en -, du possessif en -s, du datif ,de manire assurer une liaison syntaxique avec si (voir cependant 1.1.2.3). La lecture mob[ dAdiego rsout ce problme, puisquelon peut restituer mob[/s], mais elle ne me semble pas conforme auxdonnes pigraphiques disponibles. Il serait bien intressant de faireune nouvelle autopsie de ce texte ou den revoir lestampage.

    Texte (D)Trouv en Carie, aux environs de Caunos (C.Ka 1)51: Inscriptionapparemment complte sur un linteau de pierre bris provenantdun tombeau dmoli.52 La datation est inconnue. Toute linscriptionest dextroverse et comporte trois interponctions.

    sis : sisa-s : psuomal: mno

    Traduction dAdiego: These (are) the burials/These burials are thoseof Psuol (son) of Mal (and) the son. Voir toutefois la discussiondAdiego qui suit sa traduction.

    Le contexte est clairement funraire: linscription identifiait untombeau.

    La squencepsuomalconstitue une formule onomastique avecdeux gnitifs anthroponymiques (un patronyme et un papponyme).Aprs quoi figure le gnitif du nom carien du fils, mno. Lensembledepsuomalmnoest explicable de deux manires: de Psuol,fils de Mal ou bien (?) de Psuol, (fils de) Mal (et) de (son) fils.

    Le dbut du texte, avec sis : sisas :, contient une forme de si,mais lanalyse de la squence est difficile. Adiego y voit trois pluriels50 C.Eu 2 pourrait comporter une forme omob (Adiego 2007, 308309), peut-tre

    anthroponyme.51 Adiego 2007, 151, 291292, 318, 453.52 Deroy 1955, 319320.

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    en -s, ce qui nest peut-tre pas impossible, mais semble incompatibleavec lhypothse mise par lui que la marque du nominatif ou accusa-tif pluriels serait plutt -53. Ce mme auteur comprend lhapax siscomme une forme du dmonstratif carien avr sa (sa, san et snn)54.Cette analyse est syntaxiquement plausible, puisque si est prcdpar un dmonstratif dans le texte (B) ci-dessus. Lemploi de -- danssis contraste cependant avec celui de -n- dans san/snn55. Lhapax(mais voir ci-aprs) sisas serait pour Adiego un nominatif plurielen -s de si (sis), qui serait suivi par un autre pluriel a-s dont il nedonne toutefois pas dinterprtation. Selon lui, cette analyse pourrait

    recevoir lappui de sisas?dans le texte (E) ci-dessous. Il faut toutefoissignaler quil nest pas sr que cette dernire lecture soit la bonne.Dautre part, on ne dispose daucune information prouvant que letombeau de linscription comportait plusieurs spultures.

    Dautres interprtations sont thoriquement possibles, mais diffi-ciles. En voici un exemple.

    Lhapax sis pourrait reprsenter un anthroponyme. Pour lordredes mots anthroponyme + nom de la tombe vel sim., voir peut-tre le texte (E) ci-dessous et en tout cas les parallles dupe/wpe/upa( 2.1.23). Le cas de sis ne peut pas tre le gnitif, o lon attend -(voir dailleurs, dans ce texte, le gnitifpau). Par contre, il pourraittre en thorie un nominatif ou un possessif en -s. Un nominatif seraitmorphologiquement possible, mais syntaxiquement difficile: commentlarticuler avec la forme de si qui suit (voir cependant 1.1.2.3) ?Un possessif en -s serait syntaxiquement meilleur (si appartenant Si) et morphologiquement dfendable. Ici, tout comme en C.Eu1 ( 2.1.1[b]), il serait trs satisfaisant davoir des mots en -s et en-de fonctions diffrentes. Pour un autre exemple possible (?) de cetemploi du possessif en -s, voir le texte (E) ci-dessous.

    On devrait ensuite segmenter sisas en si sas. Le texte pourraittre compris comme suit si appartenant Si, sas de Psuol, filsde Mal. Il resterait alors rendre compte de sas. Plusieurs possi-bilits me paraissent envisageables. Les voici par ordre croissant devraisemblance. (1) Un rapprochement avec le nom carien du signefunraire ou, moins probablement, de la tombe/du tombeau,

    jas/as ( 2.1.1) serait extrmement difficile. Il faudrait dabordsupposer un flottement orthographique sas ~ as. Ensuite, on devrait

    53 Adiego 2007, 318.54 Cf. le dmonstratif louvite za-, rpondant au hittite ka- < *Ko- (Adiego 2007,

    410).55 Sur la diffrence entre ~ n, voir Adiego 2007, 249250.

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    Le vocabulaire carien de la tombe 65

    imaginer lassociation de deux lments architecturaux funraires,le si appartenant Si et le sas [= jas/as (??)] de Psuol, filsde Mal. Enfin, il faudrait admettre une ellipse de la conjonction decoordination et mais ce phnomne est attest ailleurs en carien56.(2) On ne peut pas non plus faire de sas un nominatif singulier dupronom dmonstratif carien sa, puisque ce cas ne comporte pas dedsinence -s57. (3) On pourrait supposer que sas serait un terme appos sis nom de fonction, de parent, exprimant un rapport social,ethnique Lide est videmment compatible avec la finale en -s desas, mais comment comprendre le mot ? On nose imaginer un nom

    de lami reposant sur *k!-, aimer58, avec une volution identiqueau traitement apparemment inconditionn carien *K > s (??)59.

    Texte (E)Trouv au sud de la Carie proprement dite, Krya (C.Kr 1)60: Audessus de la porte dun tombeau en forme de temple ionien, tailldans le roc Date inconnue.61 Le tombeau comporte trois cham-bres spulcrales62. Toute linscription est dextroverse et est crite enscriptio continua.

    qo2omu sisa-s?noubrsbmnoknornoril?ams

    Adiego signale les lectures alternatives suivantes:l. 2: m?nl. 4: norim?ams

    Traduction dAdiego: Qot2omu. These tombs (are) of him, ofodubr, and of the son Il signale toutefois honntement queson interpretation is more a desideratum than a fact based on solidevidence.

    Le contexte est clairement funraire: linscription identifiait letombeau de plusieurs dfunts. Dans ces conditions, il semble exclu

    56 Voir par exemple Adiego 2007, 275.57 Adiego 2007, 312, 319320, 410.58 Pokorny 1959, 515.59 Adiego 2007, 259. Ce traitement est srement attest pour le dmonstratif *Ko- >

    sa.60 Adiego 2007, 158159, 291292, 318, 454.61 Deroy 1955, 320.62 Adiego 2007, 292.

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    que si renvoie une stle, mais il nest pas possible daller plus loindans ltablissement de son rfrent.

    La squence sbmnocomporte la conjonction de coordinationcarienne sb63, et ainsi que le gnitif singulier du nom carien dufils, mno. Lhapax oubr est considr comme un anthropo-nyme64. Comprendre donc de odubretde (son) fils.

    Lextrme fin du texte, avec les hapax knor et noril?ams/norim?ams,semble actuellement impntrable.

    Au dbut de linscription, sisam?n/sisas?ncontient une formede si, mais lanalyse et la segmentation de la squence sont difficiles.

    Adiego lit sisas?et y voit le pluriel sis (?) de si suivi par un plurielas?, qui reste inexpliqu, mais semble traduit comme un dmonstratif(these tombs ). Ceci est contextuellement compatible avec lestrois chambres funraires du tombeau, mais est morphologiquementdifficile cause du mystrieux as?et de la morphologie du nominatifpluriel (voir [D] ci-dessus). sisas? serait alors suivi par un hapax nbien embarrassant et qui reste unexplained, mais quAdiego voitcomme a resumptive pronoun referring to Qot2omu (??). Lhapaxqo2omu est dinterprtation incertaine Adiego le prend pour unanthroponyme possible, visiblement au nominatif, mais sa relationavec la suite du document fait difficult du point de vue syntaxique(voir cependant 1.1.2.3). Je me demande si lon ne pourrait pascontourner ce dernier obstacle par une analyse lgrement diffrentedu dbut du texte. qo2omusi (rappelons que linscription estcrite en scriptio continua) serait trs hypothtiquement compriscomme une squence *qo2omussi ,avec simplification graphiquede la suite de deux s cette notation serait parallle celles quattes-tent les inscriptions grecques contemporaines65. Le cas de *qo2omusserait le possessif en -s,dont la dsinence sopposerait clairementdans le texte au -(pour dautres exemples, voir texte [D] ci-dessus).*qo2omus aurait la mme construction et le mme ordre des motsque linscription (D) ci-dessus et serait le nom du dfunt qualifiantsi: si appartenant Qot2omu. La suite est plus difficile, maisil est tentant de trouver dans sam?n/sas?nle pronom dmonstratifsa. On pourrait alors comprendre comme suit: si appartenant

    Qot2omu. Celui-ci [sa] (est) le m?

    n/s?

    nde odubretde (son) fils. Il63 Cf., avec le mme sens, le lycien se et le milyen sebe peut-tre issus de *Ke (cf. levnte ke: Adiego 2007, 411; Neumann 2007, 311312).

    64 Tout comme kudtubren E.Th 9 (Adiego 2007, 376, 419).65 Voir par exemple pour lattique, Threatte 1980, 511546 (aprs lpoque archa-

    que, examples of simplification occur sporadically at all periods and even indecrees, although the majority are on sep. monuments: 514).

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    faut exclure un rapprochement de m?navec le nom carien du fils,mno/mnos: un gnitif en -ne saccorderait pas avec le dmonstratifau nominatifsa dont m?n serait attribut; de plus, mnofigure entoutes lettres plus loin dans le texte. m?n/s?npourrait plutt tre unterme du vocabulaire social, rapprocher peut-tre dune squencesn (entre diviseurs) dans le graffiti dAbou Simbel E.AS 866 maislinterprtation de sny est inconnue.

    1.1.2.2. Et si lon segmentait sia/siia dans les textes (A), (B) et(G) ?

    Jai jusquici suivi Adiego 2007 et ai lu si/sii dans les cinq textesen cause. Toutefois, si lon reprend ce petit corpus sans a priori, onse rend compte que, sur cinq formes, on nen a pas moins de trois osi/sii est directement suivi par a: siam[-] (texte [A]), ansiiartmi(texte [B]) et sianmob (texte [G]). Ceci suggre la possibilit dadop-ter une autre segmentation, sia/siia, ainsi que la fait Schrr 2001,109 n. 12. Dans quelle mesure cette analyse est-elle fonde ? Cestce que nous allons examiner dsormais.

    Texte (A): segmentation alternative

    sia m[-] pau art{ }mon[-]

    Fig. 2. Inscription funraire carienne sur plaque de calcaire C.Tr 1(fac-simil de W. Kubitschek reproduit par Adiego 2007, 130)

    66 Adiego 2007, 118119.

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    Ce dcoupage trouve un minuscule petit appui pigraphique danslespace qui spare sia de m[-]: il est un peu plus grand que lesautres, ce qui pourrait peut-tre (?) fournir un indice de sparationdes mots (mais il faut reconnatre quil est bien fragile). Rappelonsque cette inscription nest connue que par un estampage et un fac-simil de W. Kubitschek (voir fig. 2).

    Dans cette nouvelle segmentation, le nom de la tombe vel sim.serait sia et le dfunt se nommerait m[-], ce qui constitue un hapaxexactement comme am[-]. Pour la suite, on pourrait reprendre lana-lyse du 1.1.2.1, en observant quun anthroponyme m[-] pourrait

    peut-tre rpondre lanthroponyme carien Matiw67.

    Texte (B): segmentation alternative

    an siiartmi pauparaZ

    Fig. 3. Inscription funraire carienne sur pierre quadrangulaire C.Tr 2(fac-simil de M. Pappakonstantinou reproduit par Adiego 2007, 131)

    L. 12: Adiego lit an sii artmi, tout en en signalant la possibilit desegmenter siia rtmi68. Il me semble que ce dernier choix pourraittre le bon parce que la l. 1 comporte un espace vacant suffisantpour crire une lettre, ce qui donne limpression que siia est unmot complet (voir fig. 3). Rappelons que ce texte nest connu quepar des fac-simils.

    Si lon adoptait cette interprtation, le nom de la tombe vel sim.serait donc siia et le dfunt se nommerait rtmi, rapprocher peut-

    67 Rfrence dans Adiego 2007, 461.68 Adiego 2007, 254, 289 n. 17.

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    Le vocabulaire carien de la tombe 69

    tre de lanthroponyme rtim69. Pour la suite, on pourrait reprendrelanalyse du 1.1.2.1.

    Texte (G): segmentation alternative

    sia |mob

    Cette lecture, reprise Schrr 2001, est pigraphiquement excel-lente, puisque mob est dcal par rapport au dbut de la ligne (voirle fac-simil du texte [G], 1.1.2.1, fig. 1). Le nom de la tombevel sim. deviendrait donc sia. Le dfunt se nommerait mob, exac-

    tement comme dans la lecture initiale, avec la mme analyse quau 1.1.2.1.

    Conclusion de la segmentation alternativeLe nouvel examen ci-dessus montre quil existe dans ces trois textesdes lments pigraphiques en faveur dune segmentation sia/siia.Il est bien vrai quaucun de ces indices nest irrfutable et quils sontparfois bien fragiles, mais ils nous rappellent opportunment quenous pouvons facilement nous tromper en segmentant la scriptiocontinua carienne.

    Il nexiste pas dobjection de principe lexistence dune squenceia en carien, ni sa prsence en fin de mot, cf. par exemple [...]alia (suivi par un sparateur) ou naria(entre sparateurs).

    Si lon admet titre dhypothse une segmentation sia/siia, ilfaut rendre compte des formes o s(i)ia est exclu: sisas, entre divi-seurs, dans le texte (D), et qo2omusisas?nou qo2omusisam?ndans le texte (E).

    Une premire possibilit dexplication est livre par le nombre dedfunts: les trois inscriptions susceptibles de comporter s(i)ia nenmentionnent chaque fois quun seul. En revanche, le texte (E), avecsis, figure au dessus de lentre dun tombeau qui abritait troischambres spulcrales. Le contexte archologique du texte (D), avecsis, est insuffisant pour juger et linscription est ambigu de cepoint de vue. Tout ceci suggrerait que s(i)ia pourrait tre un sin-gulier, alors que, en tout cas en (E), sis serait un pluriel. Unealternance singulier -ia ~ pluriel -is semble toutefois incompatible avec

    lide que lon se fait des dclinaisons anatoliennes de sorte que cetteinterprtation doit tre abandonne (mais voir ci-dessous).

    Ceci invite chercher dans une direction non pas morphologi-que, mais graphique ou phontique. Les formes s(i)ia constituent

    69 Adiego 2007, 410.

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    la majorit de notre petit corpus. Cest donc partir delles quilfaudrait tenter dexpliquer ()sis Or, lorthographe carienne secaractrise par de frquentes omissions de voyelles, cf. par exemplesan ~ snn70. On pourrait donc justifier ()sis par une omissionde a dans une squence *()sias Existerait-il un argument quitayerait cette hypothse ? Peut-tre. Car lune des trois formes ena est atteste dans le texte (B). Or, (B) est prcisment le seulde notre corpus crire sii, et non pas si: il tmoignedonc dune notation explicite de la premire voyelle du nom de latombe vel sim. (voir 1.2.2). Lintrt de comprendre ()sis

    comme une graphie pour *()sias serait de fournir un appui lide dune alternance singulier ~ pluriel qui vient d'tre voque.On pourrait en effet avoir singulier -ia ~ pluriel *-ias > -is. Cetteanalyse nest toutefois pas compatible avec lide que la marque dunominatif ou accusatif pluriels serait -( 1.1.2.1[D]).

    Il existe par consquent certains arguments en faveur dune seg-mentation sia/siia la place de si/sii. Il faut toutefois reconnatrequils ne permettent pas dexclure totalement si/sii, qui reste cejour la plus conomique. La dcouverte dune nouvelle squences(i)ia de prfrence entre sparateurs indiscutables devraitpermettre de trancher la question.

    Par souci de simplicit, je me rfrerai conventionnellementpresque toujours aux seules formes si/sii dans ce qui suit. Cecinimplique nullement que jlimine la possibilit dune segmentationsia/siia.

    1.1.2.3. Carien si/sii: rfrent et syntaxeRfrent: Adiego 2007, 412 commente comme suit si/sii: Nounused in funerary contexts (therefore tomb, stela or sim.). Lecontexte funraire de si/sii est effectivement indubitable. Chaquefois que lenvironnement archologique est connu, le mot apparatdans des documents associs des tombes (textes [G], [D] et [E]) etles inscriptions sans contexte connu sont compatibles avec cette ana-lyse. De plus, si/sii figure deux fois sur cinq linitiale absolue desinscriptions et il en est le deuxime mot ailleurs, ce qui indique quil

    sagit dun mot-vedette, en rapport direct avec la spulture. Enfin, si/sii peut tre immdiatement prcd (un exemple assur) ou suivi (unexemple possible) par un dmonstratif (an/an), ce qui tmoigne de ceque le mot renvoie directement la spulture telle que lon pouvait

    70 Adiego 2007, 319320, 410, 413. Pour dautres exemples, voir Adiego 2007,238242.

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    Le vocabulaire carien de la tombe 71

    la voir. si/sii ne peut pas dsigner une stle funraire, puisque letexte (G) est grav sur un rocher au sommet duquel est creuse unetombe rectangulaire et que (E) se trouve au dessus de la porte duntombeau en forme de temple ionien. si/sii doit ds lors renvoyer une tombe ou un tombeau. Il peut cependant difficilement se rfrerau btiment que constitue un tombeau. Il est vrai que cette ideest compatible avec le texte (D), provenant dun tombeau dmoli,de mme quavec linscription (E), qui est associe des chambresspulcrales. Toutefois, elle est inconciliable avec le document (G),inscrit sur un rocher dans lequel est creuse une tombe. Dans ces

    conditions, linterprtation la plus plausible est que si/sii renvoie une tombe et non pas un tombeau. Sur les formes de si/sii et leur tymologie possible, voir 1.2.2, 3.1. Sur le lycien sidi,voir 3.1. Rappelons que si/sii nest pas lunique forme possibledu lexme carien: on pourrait avoir sia/siia ( 1.1.2.2).

    Syntaxe: si/sii est plac trois fois en deuxime position et deuxfois linitiale de son texte; il peut tre immdiatement prcd (unexemple assur) ou suivi (un exemple possible) par un dmonstratif(an/an). Ces donnes changeraient si lon substituait sia/siia si/sii ( 1.1.2.2). Les cinq anthroponymes prsums auxquels si/siiest associ sont les suivants: am[-], artmi, mob, sis (?) et qo2omu.Quel est le cas de ces formes ? Dans lanalyse que jai donne dechacun de ces textes ( 1.1.2.1), jai rgulirement voqu la diffi-cult syntaxique que prsenterait un nominatif du nom du dfuntassoci au nom de la tombe. On attend, ai-je argument, non pasun nominatif, mais un cas rattachant explicitement si/sii au nomdu dfunt (gnitif, possessif en -s, datif ). Il est toutefois frappantque les quatre formes compltes de noms de dfunts prsums soienttoutes compatibles avec un nominatif et que, la vrit, mob etqo2omu rendent une autre analyse difficile. Se pourrait-il alors quelon ait une construction asyndtique avec un Tel [nominatif]: tombe[si/sii]71 ? Lide est peut-tre sduisante72, mais provoque unecomplication en tout cas dans linscription (B), avec son dbut ce

    71 Je ne mentionne que pour mmoire la possibilit dun vocatif du nom du dfunt, qui

    est attest dans des pitaphes grecques (voir par exemple Guarducci 19751978,III, 169170, 190191; le nom de Xnophantos est lui aussi au vocatif dans lastle voque 2.1.1[a]).

    72 Des inscriptions trusques commeTLE2 291 livrent cette construction avec anialucini uina, Tania Lucini, mobilier funraire ( 1.1.1). Pfiffig 1969, 255propose de transformer les nominatifs ania lucini en gnitifs **anias lucinial,**mobilier funraire de Tania Lucini. Cette correction me semble toutefois

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    72 Yves Duhoux

    sii, directement suivi par le nom du dfunt (qui se termine par -i).Dans ce texte en tout cas, il faudrait admettre une autre constructionquun nominatif asyndtique. La syntaxe des formules funrairescomportant si/sii pourrait donc avoir t variable, mais avoir ignorle gnitif en -; le possessif en -s semble exclu dans plusieurs cas.

    1.2. Les formes de ltrusque sui/ui et du carien si/sii1.2.1. Formes deltrusque sui/uiLa flexion de sui/ui se rattache la premire dclinaison desthmes en -i73.

    La seule alternance non grammaticale documente dans lesexemples de sui/ui est s ~ . Ces formes sopposent par leur lettreinitiale, qui reprsente chaque fois une sifflante, /s/ pour s, et peut-tre (sa valeur prcise est discute) // pour 74. Lemploi de ce couplede sifflantes oppose de faon complexe ltrurie du nord ~ du sud.Ces prfrences rgionales constituent clairement des particularitsdialectales de ltrusque dItalie.

    La lettre transcrit vraisemblablement une occlusive dentale,mais sa valeur prcise est discute ainsi, sourde palatalise /t/75 ousourde aspire /th/76.

    La lettre u rend lunique voyelle vlaire trusque, /u/77. Labsencedopposition /o/ ~ /u/ en trusque fait que lon ne peut exclure (maisquil est impossible de prouver) que la premire syllabe duprototypede sui/ui ait comport un *-o- ceci suppose videmment que leproto-trusque ait connu ce timbre vocalique, ce qui est actuellementindmontrable.

    Le i trusque note lune des deux voyelles fermes de la langue,/i/78. Ce i peut alterner dans certaines conditions avec e79, mais cecinapparat jamais dans sui/ui.

    Sur cette base, on peut supposer que les graphies sui ~ uidevaient noter respectivement /suti/ ou /suthi/ ~ /uti/ (?) ou /uthi/(?).

    difficile admettre tant donn que linscription figure sur pas moins de quatreobjets diffrents dun mme tombeau.

    73 Steinbauer 1999, 74.74 Pfiffig 1969, 17, 27, 4648; Steinbauer 1999, 2425, 27.75 Steinbauer 1999, 2426.76 Pfiffig 1969, 3840.77 Pfiffig 1969, 2729, 34; Steinbauer 1999, 23, 3233.78 Pfiffig 1969, 27; Steinbauer 1999, 2324, 3032.79 Pfiffig 1969, 2931; Steinbauer 1999, 45.

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    Le vocabulaire carien de la tombe 73

    1.2.2. Formes du carien si/siiLes formes si/sii sont clairement des nominatifs (et accusatif [??]80)singuliers; sis a t compris comme un nominatif pluriel, maiscette interprtation nest pas assure( 1.1.2.1[D]; voir cependant 1.1.2.2).

    Dans si/sii, la lettre s note lune des trois fricatives du carien,reprsentant probablement /s/81. Le phonme rendu par est denature discute82. Dans plusieurs cas (dont ne fait pas partie si/sii), son tymologie semble claire: il proviendrait de *nd. Dautresvaleurs phonologiques sont toutefois possibles, ce qui donne lventail

    suivant: /nd/ [groupe consonantique], /nd/ [dentale prnasalise] ou/d/ [occlusive dentale], /d/ tant peut-tre susceptible de se raliseren // [fricative dentale] (?) en position intervocalique. Quant lalettre i, elle note /i/ elle est utilise pour rendre le igrec et rcipro-quement83.

    L o si/sii diffrent, cest par la prsence ~ absence de la voyellequi suit le s- initial. Comment en rendre compte ? Il est clair que si estla forme la plus frquente (quatre occurrences), alors que sii est unhapax. Il faudrait pouvoir tablir leur chronologie relative, mais unedatation prcise des inscriptions en cause est actuellement hors de por-te. Comme Tralles et sa rgion attestent la fois si et sii, il paratdifficile dexpliquer lalternance par une diffrence locale encoreque la plaine du Mandre ait eu une population linguistiquementdiversifie: Lydiens, Cariens, Ioniens et oliens (Strabon XIV, 648).Il est probablement plus conomique dexpliquer labsence de voyelledans la premire syllabe de si par une particularit de lorthographeet de la phontique cariennes. On observe en effet un nombre levdomissions de ce type en carien ainsi, lanthroponymepismak ~psmak84. Quoi quil en soit, Adiego 2007, 241 propose de rendrecompte de si/sii comme suit: sii = /sindi/ ou /s^di/ (avec voyellenasale); si = /sdi/ (avec sonante-voyelle). Il me semble que dans lecadre des valeurs phontiques avances linstant pour , dautrespossibilits thoriques devraient tre ajoutes pour sii: /sindi/, /sidi/et /sii/ (?). Une lecture supplmentaire pourrait dailleurs encore treenvisage. En effet, lorsque les graphies avocaliques cariennes ont des

    correspondants grecs, les voyelles manquantes peuvent tre de timbresvaris: a (ksolb~ Ksvlaba), e (kbjom~ Kbivmow), i(dquq ~80 Voir 1.1.2.1(B).81 Adiego 2007, 250251.82 Voir Adiego 2007, 245247.83 Adiego 2007, 236.84 Adiego 2007, 398, 403. Davantage de formes dans Adiego 2007, 238239.

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    dagugow), o (pmnn ~ Pnmoonnow), u (qlai~ Klaldiw) cesexemples ont t dlibrment choisis parce que lalternance voyelle~ y apparat en syllabe initiale de mot. De plus, il peut y avoirdes flottements de timbres vocaliques en cette position, comme dansKlaldiw~ Klaldiw ou Ktbelhmow ~ Ktbelhmiw (rpondant qtblem). Ne pourrait-on pas imaginer alors que le timbre de lavoyelle prcdant le de si ait pu varier et que lhapax sii nenait donn quune des ralisations possibles ? Une telle suppositionserait en accord avec lune des possibilits invoques pour expliquerla notation dfective des voyelles cariennes, savoir la prsence de

    voyelles darticulation faible, comparables au schwa85. Dans ce cas,on pourrait peut-tre supposer un prototype *si (??). Il ne fautcependant pas se dissimuler que cette hypothse est extrmementfragile. Ce qui rsulte de ces interprtations, cest que la voyelle dela premire syllabe de si/sii devait tre de timbre /i/ ou, peut-tre,

    // (??). Pour ltymologie possible du mot, voir 3.1.Lanalyse ci-dessus changerait si lon substituait sia/siia si/

    sii ( 1.1.2.2).

    1.3. Les rfrents et les formes de ltrusque sui/ui et du cariensi/sii sont-ils compatibles ?1.3.1. Les rfrentssui/ui et si/sii sont des termes du vocabulaire de larchitecturefunraire et ont les mmes emplois. Leurs rfrents se recouvrent assezlargement, mais ne sont toutefois pas rigoureusement identiques:sui/ui dsigne le tombeau, tandis que si/sii semble renvoyer la tombe. sui/ui et si/sii sopposent plusieurs autres lmentsdes lexiques architecturaux funraires trusque et carien.

    1.3.2. Les formestrusque: /suti/ ou /suthi/ et /uti/ (?) ou /uthi/ (?).Carien: /sindi/, /sindi/, /s^di/, /sdi/, /sidi/, /sii/ (?), /sdi/ (??), /si/(???). Bien entendu, lanalyse changerait si lon substituait sia/siia si/sii ( 1.1.2.2).

    Les premier et dernier phonmes des deux termes semblent iden-

    tiques (/si/), mais les deux autres ne le sont pas (trusque /ut/ ou/uth/ ~ carien /ind/, /ind/, /^d/, /d/, /id/, /i/ [?], /d/ [??], // [???]).

    85 Adiego 2007, 240241 oppose nettement des voyelles brves non accentues auschwa. Je prfre ne pas me prononcer sur la nature du phnomne et utiliserconventionnellement le symbole pour noter toute voyelle darticulation faible,quelle soit une brve non accentue ou bien un schwa.

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    Est-il possible de concilier ces deux diffrences ? Voici les possi-bilits que jentrevois:

    (a) trusque ~ carien Ce couple met en jeu deux consonnes dont larticulation doit com-porter une dentale, ce qui livre une correspondance acceptable. Lapaire la plus sduisante me parat tre trusque = /th/ ~ carien =

    /d/ ou // (?).

    (b) trusque u ~ carien /i

    Cette correspondance pourrait recouvrir: trusque /u/ ~ carien /i/, /^/,//, // (??). Voici les couples qui me semblent envisageables.(b1) Je ne mentionne que pour mmoire lide dun emprunt fait

    conjointement par ltrusque et le carien une troisime langue.On aurait bien entendu ainsi un magnifique ventail dalternancesvocaliques possibles par exemple, dans les emprunts de ltrusqueau grec, un u trusque figurant en syllabe initiale peut rpondre o,u et v, tandis quen autres positions il peut correspondre , ai, e,eo, eu, o, oi, ou (qui notait une diphtongue /ow/), u, uo, v86 Avecce scnario, nous entrons toutefois dans de la linguistique-fictionpure.

    (b2) Une oscillation trusque entre /u/ ~ /i/ est peu plausible: dansles mots proprement trusques, la voyelle /u/ est remarquablementstable en syllabe initiale de mot tonique87.

    (b3) Une oscillation carienne entre /u/ ~ /i/ parat elle aussi difficile,parce que non atteste88.

    (b4) Une dissimilation trusque de */ii/ en /ui/ ou bien uneassimilation carienne de */ui/ en /ii/ sont elles aussi concevables.Ce phnomne ne semble quasiment pas document en trusque89,mais une assimilation de ce type est connue en carien dans le nom delAthnien, otonosn, provenant sans doute de *atono-, lui-mmeissu de *at!n!-90.

    (b5) Un / / (??) carien rpondant au /u/ trusque serait phon-tiquement excellent, mais il faut rappeler que cette hypothse esthasardeuse.

    (b6) Une explication combinant morphologie et phontiquepourrait partir dune alternance indo-europenne *-e/o-. Il faudrait86 Voir de Simone 19681970, II, 18, 21, 33, 38, 4247, 7980.87 Steinbauer 1999, 3233.88 Adiego 2007, 234242.89 Steinbauer 1999, 6567.90 Adiego 2007, 259, 392.

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    supposer que ltrusque aurait adopt *-o-, alors que le carien auraitchoisi *-e-. Ensuite, ces deux voyelles devraient stre fermes aussibien en trusque quen carien do trusque *-o- > -u- et carien*-e- > -i-. Une fermeture *-e- > -i- ne semble pas incompatible avecles donnes cariennes, o lon a *#> %/i91, alors que le louvite ignore*e mais connat i92. Le couple carien lKse/lKsipourrait mme offrirun exemple de flottement e ~ i, mais il nest pas sr que les deuxmots appartiennent au mme lemme93. Observer aussi que, Caunos(dont provient C.Ka 1: si), lalphabet local ignorait la lettre e, ce quiimplique que le *e hrit avait chang de timbre94. Les trois autres

    sites o si/sii est attest sont infiniment moins riches en documents,mais cest un fait que la lettre e y est inconnue ce jour ce doit trsprobablement tre un accident. Il nest donc pas impensable que *sed-soit devenu *sid- ou *sd- (??) en tout cas Caunos. Une fermeture*-o- > -u- pourrait tre imaginable en trusque la condition quesa situation historique, avec une seule voyelle vlaire ( 1.2.1), aitt prcde par un stade o il en connaissait deux. Resterait alors trouver une racine indo-europenne convenant cette hypothse. Cecinest pas trop difficile. Je propose par exemple *sed-, (s)asseoir,qui a donn une srie de termes impliquant le sjour, la paix, lecoucher du soleil, etc.95 noter ainsi le vieil irlandais s%d, dsignantlAu-del o vivent les dfunts96. On pourrait admettre sans tropde difficults que cette racine se soit prte exprimer la tombe,sjour de repos des morts. Cette analyse serait compatible avec lideque sui/ui serait un dverbatif du verbe su signifiant dposervel sim. ( 1.1.1). Elle impliquerait videmment une volution de *d> /th/ ou /t/ en trusque. Il est clair que tout ceci est extrmementhypothtique et suppose notamment que ltrusque serait une langueindo-europenne, ce qui na pas encore t dmontr.

    1.4. Conclusion sur lisoglosse possible de ltrusque sui/ui ~ ducarien si/siiAu total, le dossier de sui/ui et si/sii livre des rsultats miti-gs.

    91 Adiego 2007, 257.92 Melchert 2004b, 580.93 Adiego 2007, 379380.94 Adiego 2007, 213214, 237.95 Pokorny 1959, 884887. Cette tymologie a dj t propose pour sui/ui (voir

    par exemple Steinbauer 1999, 238, qui lexclut).96 MalloryAdams 1997, 152.

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    Du point de vue de leurs rfrents, les emplois des deux termesse recouvrent substantiellement (bien que non parfaitement: tom-beau ~ tombe).

    Du point de vue de leurs formes, les trois quarts de leurs phonmesconcident assez exactement dans le cas de /si/ et approximati-vement pour la dentale mdiane (note par ltrusque ~ le carien).

    Ce qui est plus difficile, cest la voyelle de la premire syllabe, avecle couple trusque u ~ carien /i. Parmi les explications envisageables,plusieurs me semblent dfendables prototype carien en /s/ (??);

    assimilation carienne de */ui/ en /ii/; formes en *sed- (carien) ~*sod- (trusque). Nous avons toutefois vu que ces hypothses sontfragiles. On pourra srement attnuer cet obstacle en observant quenous ignorons ltymologie des mots en cause et que, de plus, le cariennest encore que trs imparfaitement connu (sa phontique histori-que, en particulier, est dans lenfance). Il nempche que la prudenceconseille de considrer que, dans ltat prsent de nos connaissances,sui/ui et si/sii, quoique de rfrents apparemment trs procheset de formes assez largement semblables, ne remontent pas unanctre commun dmontrable. Cette impression serait renforcesi lon substituait sia/siia si/sii ( 1.1.2.2). Tout ceci nexcluttoutefois ni que ces deux termes soient apparents, ni quils ne lesoient pas.

    Si lon envisageait cette dernire possibilit, comment pourrait-onexpliquer les ressemblances, malgr tout frappantes, entre sui/uiet si/sii ? Tout simplement par le jeu du hasard. En effet, on a pumontrer exprimentalement que des langues sans aucune parentgntique avre peuvent souvent possder environ 2 % de motsnon emprunts qui ont des sens et des formes similaires97. sui/uiet si/sii pourraient donc parfaitement avoir aussi peu de rapportstymologiques que, par exemple, le latin ita, ainsi et le hatti ita,ainsi98.

    Ce jugement pourrait videmment changer si lon disposait dautresisoglosses trusco-cariennes. J. D. Ray vient prcisment den pro-

    97 Voir Bender 1969. Sa dmonstration met en jeu une liste de 99 lexmes (lesemprunts connus en sont exclus) pris dans deux langues appartenant des famillesrputes diffrentes. Les comparaisons se faisaient deux deux parmi 21 langues(ainsi, anglais ~ mandarin; etc.). Il va sans dire que le pourcentage de ressemblancesaugmente considrablement si lon se contente de rapprocher des mots de formessimilaires, mais de sens diffrents. Sur ces problmes, voir aussi Ringe 1992.

    98 Pour le hatti, voir Soysal 2004, 282283.

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    poser deux99: (a) le gnitif singulier carien en -, qui remonteraittymologiquement un suffixe possessif100 ~ le gnitif trusqueen -s/-101; (b) la finale carienne -at, connue par un certain nombredanthroponymes ~ le suffixe trusque -atde noms dagent102. Il fauttoutefois observer que le sens exact du -atcarien est inconnu, cequi affaiblit considrablement la comparaison. Il serait cependantpossible dallonger la liste des correspondances trusco-cariennes.Ainsi, ltrusque a un pronominal dmonstratifsa103 auquel semblerpondre le pronominal lui aussi dmonstratif carien sa104. De mme,si lanalyse, trs hypothtique, du carien artcomme une forme verbale

    du prtrit signifiant il leva tait bien correcte dans le texte (A)du 1.1.2.1, on pourrait peut-tre avoir une nouvelle isoglosse avecle verbe trusque ar-, la condition quil signifie lever vel sim. etnon pas faire105. Il faudra pourtant bien dautres isoglosses, solideset exclusivement attestes en trusque et en carien, pour arriver unrapprochement trusco-carien acceptable.

    2. Les autres termes funraires cariens: jas/as, upe/wpe/upa, ue etsoan

    Adiego livre la liste connue ce jour du vocabulaire de larchitecturefunraire carienne. Il sagit de mots which refer to the funerary steleor, more generically, to the tomb: upe/wpe/upa, ue,jas/as, s(i)i.Il juge que no clear etymological connections can be establishedfor any of these words and it is impossible to specify the exactmeaning in each case106. On ajoutera cette liste la glose soan,traduite par tn tfon107.

    Malgr cet avis relativement pessimiste dAdiego, on a vu lins-tant quil est possible de dterminer le rfrent de si/sii, savoirla tombe. Ceci encourage tenter de mieux comprendre jas/as,upe/wpe/upa, ue et soan ( 2.12) grce une analyse contextuelletenant compte de lensemble des donnes disponibles ( 0).

    99 Ray 2006, 14721473.100 Adiego 2007, 313314, 346.101 Pfiffig 1969, 8283; Steinbauer 1999, 71.102 Steinbauer 1999, 128129, 401.103 Steinbauer 1999, 95, 383; Wylin 2004 (je dois cette dernire rfrence I. Adie-

    go).104 Adiego 2007, 319320, 410.105 Pfiffig 1972, 9 (faire); Steinbauer 1999, 252253, 399 (lever vel sim.).106 Adiego 2007, 326327.107 Adiego 2007, 8, 10, 455.

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    2.1. Rfrents du carienjas/as, upe/wpe/upa, ue et soan2.1.1. Rfrent du carienjas/asjas/as est attest dans deux inscriptions trouves lune en Grce etlautre en Carie; le mot y apparat chaque fois linitiale absoluedu texte.

    (a) Inscription bilingue grco-carienne dAthnes G 1108

    Ce document date des environs de 520109 et donne lquivalent grecde jas, savoir sma. Mon dition diffre de celle dAdiego110:

    Sma tde : Tur[-----]

    Karw t Skl[akow][]jas : san tur[-----]

    [A]ristoklw p[ohsen]

    Fig. 4. Inscription bilingue grco-carienne dAthnes G 1(fac-simil de Willemsen 1963, 126)

    Dans lvaluation du nombre de lettres perdues dans les lacunes, jaipostul que le texte se poursuivait jusquau bord droit de la base, demanire tre symtrique au ct gauche; le module des lettres deslacunes est cens tre conforme celui du dbut de chaque ligne.

    108 Adiego 2007, 164, 219, 288, 454; Jeffery 1962, 126127; Threpsiadis 1956, 6168;Willemsen 1963, 125129 et pl. 6364.1. Photo de lestampage dans Masson 1977,91.

    109 Je reprends la datation de Jeffery 1990, 432.110 Jai autopsi ce texte le 5 septembre 1987. Voici ldition dAdiego 2007, 164 (hlas

    entache de deux malheureuses erreurs): sma ma (sic) tde: (sic) Tur[ /Karw tSkl[akow] /jas: san tur /[A]ristoklw p[oh].

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    Ligne 1: Dans Tur[, la troisime lettre est mutile. Il en subsisteune haste verticale constituant le bas du caractre avec, mi hau-teur, ce qui semble tre le dpart dun trait obliquant vers le haut droite111. Ceci autorise un r, mais exclut le m dun gnitif du nomcarien hellnis Tmnhw, que lon a souvent restitu112 la longueurde la lacune (environ 5 lettres) exclut elle aussi cette forme. Lono-mastique grecque nest pas dpourvue danthroponymes en Turde longueur approprie113.

    Ligne 2: Il y a place pour environ 5 lettres dans la lacune. La resti-tution Skl[akow] est extrmement plausible, puisque ce nom bien

    grec a t port avec prdilection par des Cariens114.Ligne 3: Il ny a aucune lettre manquante en dbut de ligne. Toutesles ditions actuelles lisent tur[, avec la troisime lettre assure deforme . Lexamen de loriginal rvle que cette lettre semble com-porter un troisime trait oblique mdian ( , avec, donc, lecture y)dont la photo de Willemsen 1963, pl. 63.2 et lestampage de Masson1977, 91 montrent bien la prsence. Toutefois, ce troisime trait estsignificativement moins profond que tous les autres et doit donc treaccidentel. Observer que la lecture implique que lalphabet de cetexte est hybride, avec le signej caractristique de lcriture cariennedgypte et un autre, r, qui ne lest pas115. Il nexiste actuellementaucune squence carienne connue en tur Daprs le texte C.Eu 1(voir [b] ci-dessous) et les formules funraires cariennes les plus cou-rantes comportant un nom de la tombe vel sim., on sattendrait ceque le nom du dfunt ait t au gnitif en -ou au possessif en -s.

    Ligne 4: Il y a place pour environ 5 lettres dans la lacune. Adiegorestitue, aprs dautres, p[oh], avec un imparfait mettant en valeurtout le processus de la ralisation de luvre dart, ce qui peut setrouver dans certaines signatures dartiste. Toutefois, lampleur dela lacune demande une forme plus longue, de sorte que cest lin-dicatif aoriste p[ohsen], prsentant laction sous sa forme la plus111 Le commentaire de Masson 1977, 94 signale explicitement cette dernire caract-

    ristique (voir la photo de lestampage: 91).112 Voir par exemple Masson 1973, 199200.113 Ainsi, avec un gnitif en cinq ou quatre lettres aprs Tur[: Turvn, Turbaow,

    Trbasow, Turrkhow, Turtaow, Trtamow, Trvn La liste danthroponymes

    cariens attests en alphabet grec ne comporte aucun nom en Tur (Adiego 2007,459462).

    114 Masson 1973, 200 (cet auteur suppose que ce nom pourrait avoir t choisi causedune ressemblance phontique avec un nom indigne et se hasarde voquerlanthroponyme lycien Skkulija). Jeffery 1962, 126 restitue Skul[akow \uio?],mais ceci dpasse lespace disponible dans la lacune.

    115 Observation dAdiego 2007, 219.

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    condense, qui simpose. Ce choix se justifie dautant plus que lona une autre uvre du sculpteur de notre monument et provenant dumme endroit avec la signature intacte Aristoklw pohsen (voirci-dessous).

    Adiego ne traduit pas le texte carien, mais commente jas partomb, or similar116.

    Voici la traduction de la section grecque: Ce sma est de Tyr[-----],le carien, (fils) de Skyl[ax]. [A]ristocls (le) f[it]. Il est clair que laversion carienne est bien plus succincte que la grecque, dont elle nereprend que la premire ligne. Sma tde Tur[-----], avec la squence

    nom du rfrent funraire + dmonstratif + nom du dfunt, cor-respond exactement ( lordre des mots prs) jas + dmonstra-tifsan + nom du dfunt tur[-----]. Comprendre Ce jas (est) de/appartenant Tur[-----].

    Nous disposons de plusieurs indices pour dterminer le rfrentde jas.

    Le premier est archologique: linscription se trouve sur un soclede statue qui avait t rcupr avec toute une srie de monumentsfunraires archaques dans le cimetire du Cramique aprs 480pour construire en toute hte la porte du Pire dans le clbre murde Thmistocle. La statue qui surmontait notre bilingue a disparu.La nature mme du support de linscription impose une premireconclusion: il est compltement exclu que le rfrent de jas puissetre une stle funraire.

    Deux autres indications prcieuses sont livres par le texte grec, savoir le nom du rfrent, sma, et celui de lartiste qui la ra-lis, Aristocls. Aristocls est un excellent sculpteur athnien de ladeuxime moiti du VIe s. Il a sign plusieurs monuments funrai-res dont la magnifique stle reprsentant Aristion (vers 510)117.Il est vident que Skyl[ax] devait tre un riche carien pour pouvoirsoffrir un des meilleurs sculpteurs athniens de lpoque. La statuequi surmontait notre socle devait le reprsenter en kouros ou (?) entenue carienne. En quoi consistait exactement le rfrent de sma,ici ? tymologiquement, sma est le signe marquant en contextefunraire lemplacement o repose un mort118 ce signe peut tre un

    tumulus ou un lment architectural servant identifier une spulture(colonne, statue, stle, urne ). Sma peut aussi dsigner globalementla tombe ou le tombeau. Comme exemple de statue funraire

    116 Adiego 2007, 414.117 Voir Jeffery 1962, 141; Richter 1961, 47, 170.118 Sur le sens de sma en contexte funraire, voir Eichler 1914.

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    associe sma on peut citer la belle statue de Phrasikleia, lgre-ment antrieure notre texte grco-carien et dont le socle porte uneinscription commenant par Sma Frasikleaw119: comme dans notrebilingue, sma sapplique lensemble constitu par la statue et sonsupport, qui signalent la tombe. Il existe cependant un paralllebien plus intressant encore: Aristocls, qui a ralis la sculpture denotre bilingue, est lauteur dun autre monument funraire, lui aussirutilis pour construire le mur de Thmistocle, la statue de Xno-phantos120. Or, le texte de sa base commence comme le ntre par [S]matde121 et comporte la signature de lartiste, Aristoklw pohsen.

    En raison des signatures, qui dclarent explicitement quAristoclsralisa le sma122, il faut conclure que, dans ces deux uvres, smadsigne spcifiquement lensemble de la statue et de son socle123.Daprs que la correspondance entre les textes grec et carien est plusou moins fidle, jas a donc chance dtre, par ordre de probabilitdcroissante, le nom carien: (1) du signe funraire constitu ici parla statue et son socle; (2) de la tombe ou du tombeau.

    (b) Linscription C.Eu 1 (Carie, Euromos124)Il sagit dun bloc de pierre rutilis, de date inconnue, qui contientas. Son texte est le suivant: as : ktais idyriK: mn[os?]. Adiego tra-duit Funerary monument for/of Ktai, son of IdyriK.

    Ce document na aucun contexte archologique direct connu.Toutefois, il me semble quil peut tre clair par au moins uneinscription grecque dont le caractre funraire est indiscutable125.Les deux textes en cause ont en commun dtre gravs sur un blocde pierre qui ne constituepas un socle. C.Eu 1 contient le terme as,alors que linscription grecque comporte le nom du signe fun-raire, sma (forme non ionienne-attique de sma), dont jas est la

    119 Jeffery 1990, 73, 78, 401 (qui date le texte des environs de 540); Guarducci III,19752, 124125 (qui le date des environs de 530525).

    120 Willemsen 1963, 136139. Cet auteur situe linscription vers 520.121 Il ny a place que pour une seule lettre dans la lacune, ce qui exclut une restitution

    **[Mn]ma.122 Il est exclu que le verbe poiv puisse avoir ici le sens factitif de faire faire, comme

    cest le cas lorsquil a comme sujets les parents du dfunt.123 Toutefois, la gravure du texte de notre bilingue na probablement pas t faite par

    Aristocls, mais par un artisan spcialis, le C de Jeffery 1962, 151 le textede la stle dAristion, sculpte par le mme Aristocls, a t grav par une maindiffrente, vraisemblablement le E1 (?) de Jeffery 1962, 152.

    124 Adiego 2007, 132133, 288289 (en 288, corriger as [sic] en as), 452. Bloc depierre encastr dans le mur dune cour Date inconnue (Deroy 1955, 309).

    125 Guarducci 197521978, I, 362363 (Mthana, fin du VIIe ou dbut du VIe s.).

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    traduction dans la bilingue grco-carienne G 1. Il me semble donctrs tentant de penser que: (1) C.Eu 1 et linscription grecque avaientla mme fonction, savoir lidentification dune spulture; (2)as,tout comme jas, tait bien le correspondant du grec sma/sma;(3)as doit dsigner le signe funraire ou, moins probablement,la tombe ou le tombeau.

    En C.Eu 1, as est directement suivi par un anthroponyme proba-ble, lhapax ktais, lui-mme suivi par le gnitif du patronyme idyriKet par une forme du nom du fils, mn[os?]. Comprendre ds lorsktais, le fi[ls] dIdyriK. Quel est le cas de ktais ? Un gnitif semble

    exclu, puisque, dans ce texte, comme ailleurs, la dsinence de gnitifsingulier est -(cf. idyriK). Un nominatif serait morphologiquementimpeccable car il existe des thmes cariens avrs en -s126, mais seraitcontextuellement difficile: comment sarticulerait syntaxiquement cenominatif avec as127 ? Une fois limins le gnitif et le nominatif,la seule solution restante consiste voir dans ktais une forme en-s, distincte du nominatif et du gnitif. Adiego prsente une bonneanalyse du dossier128: sa conclusion, fonde sur ltude des contexteset sur ltymologie possible de ce -s, est quaucune des formes en -snimpose dtre comprise comme datif, mais que toutes pourraienttre des gnitifs/possessifs. Cette analyse est taye entre autres parla stle funraire E.Me 35, o le nom du dfunt, lhapax ntokris, setermine par un -s qui a une chance dtre une marque casuelle129.Si lon admet ce point de vue, il se pose la question de la diffrencesyntaxique entre le gnitif en -~ la forme en -s. Un texte commeC.Eu 1 permet de prciser trs nettement leurs valeurs respectives.La forme en -s semploie propos du dfunt qui est explicitementprsent comme le titulaire/propritaire de la tombe vel sim.: as :ktais signifie littralement as appartenant ktai-. Le gnitifen -marque une relation moins spcifique avec le substantif quilqualifie et la notion de possession ny est pas explicite: idyriK :mn[os?] signifie fils dIdyriK. Comme souvent, le gnitif rpond la question de qui/quoi ?, sans ncessairement impliquer niexclure explicitement la possession. Il semble clair que la forme en-s est le terme marqu du couple quelle forme avec le gnitif en -.

    Comme lensemble des documents qui seront examins ici tmoigne126 Adiego 2007, 314.127 Il existe des pitaphes cariennes avec le nom du dfunt au nominatif (Adiego 2007,

    265266) mais elles ne comportent jamais de nom du tombeau vel sim. Voircependant 1.1.2.3.

    128 Adiego 2007, 288289, 314317.129 Adiego 2007, 61, 268, 314315, 389.

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    dune complmentarit fonctionnelle trs claire entre -~ -s et estcompatible avec linterprtation ci-dessus, jappellerai convention-nellement possessif en -s la forme en -s. Comprendre donc asappartenant Ktai, le fi[ls] dIdyriK. Sur lalternance j- ~ - dejas/as et sur ltymologie du mot, voir 3.2.

    2.1.2. Rfrent du carien upe/wpe/upaupe/wpe/upa est attest dix fois et restitu une fois, uniquement encarien dgypte (toujours Memphis), par des inscriptions funrairesde lpoque sate (sous la XXVIe dynastie: 672525) qui datent plus

    prcisment de la seconde moiti du VIe s.130 Dans les dix cas o letexte est suffisamment complet, upe/wpe/upa est toujours le deuximemot du document et il est chaque fois prcd par un anthroponymeau gnitif en -. upe/wpe/upa doit donc tre le mot-vedette li aulieu densevelissement dun dfunt. Dans un texte, upe est dailleursimmdiatement suivi par le dmonstratifsa131, tout comme []jas lestpar le dmonstratifsan en 2.1.1(a). Pour Adiego, it is clear thatupe/upa, independently of its precise meaning, makes reference to the130 Adiego 2007, 3031; Masson 1978, 67. On doit Kammerzell 1993 une bonne

    tude typologique des stles funraires cariennes dgypte. Je reproduis les data-tions absolues quil a donnes, mais il me semble clair que la plupart dentre ellesdoivent tre considres comme approximatives; elles peuvent, en revanche, utile-ment servir une datation relative. upa (hapax): E.Me 13 (Adiego 2007, 45, 268,

    271272, 444; Kammerzell 1993, 139145, 164 [vers 525500]; Masson 1978,2324, 7983, pl. V.1, XXXIII.2; aucune lgende hiroglyphique; le dfunt taitune femme); upe: E.Me 4 (Adiego 2007, 37, 276277, 443; Kammerzell 1993,123127, 164 [589 vers 580]; MassonYoyotte 1956, 1720, pl. I. Il sagitdune stle de donation que le texte gyptien permet de situer sous le rgne dupharaon Apris [589570]. Cette stle a visiblement t rutilise ensuite pour unespulture carienne) E.Me 9 (inscription bilingue, avec texte carien strictementcontemporain de son correspondant gyptien; le dfunt portait un nom carien quiest crit en alphabet carien et en hiroglyphes: Adiego 2007, 4142, 268, 443;Kammerzell 1993, 130133, 164 [vers 570]; Masson 1978, 2021, 5860, pl.I.1, II.1, XXXI.1) E.Me 17 (Adiego 2007, 4849, 274, 444; Kammerzell 1993,150151, 169 [vers 625590]; Masson 1978, 27, pl. VII.2, XXXV.3) E.Me22 (Adiego 2007, 52, 444; Kammerzell 1993, 159, 169 [vers 550520]; Masson1978, 30, pl. X.1) E.Me 26 (Adiego 2007, 55, 268, 444; Kammerzell 1993,162, 170 [vers 500470]; Masson 1978, 32, pl. XII.1) E.Me 38 (Adiego 2007,63, 273, 445; Kammerzell 1993, 162, 170 [vers 500470]; Masson 1978, 39, pl.

    XVIII.1) E.Me 43 (Adiego 2007, 6667, 275, 445; Kammerzell 1993, 162, 170[vers 500470]; Masson 1978, 4142, pl. XX.2); wpe: E.Me 36 (Adiego 2007, 62,268, 445; Kammerzell 1993, 159, 169 [vers 550520]; Masson 1978, 3738, pl.XVII.1) E.Me 41 (Adiego 2007, 65, 268, 445; Kammerzell 1993, 155157, 169[vers 580560]; Masson 1978, 40, pl. XIX.2); [u?]pe (Adiego) ou [w?]pe: E.Me 64(Adiego 2007, 78, 446; Masson 1978, 49). Voir aussi Adiego 2007, 429430.

    131 E.Me 26 (Adiego 2007, 319320).

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    Le vocabulaire carien de la tombe 85

    object where the inscription stands(funerary stela) or to its function(tomb)132.

    upe/wpe/upa apparat toujourssur des stles funraires: (1) dutype des fausses-portes (voir fig.5)133; (2) cintres dcores134; (3)cintres non dcores135; (4) unefois, provenant de la rutilisationdune stle doffrande136. Ce sup-

    port exclusif suggre que le motdsigne proprement une stlefunraire on ne peut toutefoiscompltement exclure quil renvoieoccasionnellement une tombe.La stle funraire bilingue gypto-carienne E.Me 9 ne permet pasde prciser davantage le rfrentde upe car le texte gyptien necorrespond que trs partiellementau carien137. Sur les alternances

    132

    Adiego 2007, 430.133 E.Me 22, 26, 36, 38, 41, 43. Sur les fausses-portes gyptiennes, voir Wiebach1981et Wiebach-Koepke 2001. La fausse-porte tait un lment architectural typiquedes tombes ou des temples funraires gyptiens. Il sagissait dune porte factice quele Ka du dfunt tait cens traverser, passant ainsi de lAu-del dans le monde desvivants pour simprgner de lnergie vitale des offrandes qui lui taient apportes.La fausse-porte place initialement lintrieur dun difice pour donner lillusiondun passage authentique donnera ensuite naissance une simple stle funraireportant une reprsentation de fausse-porte. Cest sur ce dernier type de stles quefigurent les inscriptions cariennes qui nous intressent. Les fausses-portes apparais-sent partir de lAncien Empire (ds 2650), mais elles ntaient plus courantessous la XXVIe dynastie dont nos stles cariennes sont contemporaines. Toutefois,il est manifeste que les Cariens de Memphis les affectionnaient spcialement, tantdonn les dizaines de fausses-portes inscrites en carien quils y ont riges (sur cesconsidrations statistiques, voir Masson 1978, 7).

    134 E.Me 9, 13.135 E.Me 17; y ajouter peut-tre le fragment E.Me 64 sil contient bien [u?]pe ou

    [w?]pe.136 E.Me 4.137 Texte gyptien (avec traduction) dans Kammerzell 1993, 130132. Les lments

    bilingues consistent en des adaptations gyptiennes de noms cariens: carien arli>gyptienJr(); carien arlio[m]> gyptienJrym(je reprends les lectures dAdiego2007, 42).

    Fig. 5. Stle funraire carienne du typedes fausses-portes gyptiennes

    (E.Me 43, daprs Adiego 2007, 66)

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    upa ~ upe ~ wp, ltymologie de ces formes et leurs rapports avecue, voir 3.3.

    2.1.3. Rfrent du carien ueue est attest cinq fois (et restitu une fois), uniquement en cariendgypte (toujours Memphis), dans des inscriptions funrairesdatant elles aussi de la seconde moiti du VIe s.138 Lorsque le documentest suffisamment complet, ue figure quatre fois sur cinq en deuximeposition du texte, prcd par un anthroponyme au gnitif en -. EnE.Me 51, ue est crit sous le premier mot, qui est prcisment un

    anthroponyme au gnitif (arli): ue pourrait ventuellement tre uneaddition la premire ligne, dont il complterait le dbut. Toutefois,la place que ue est cens occuper par rapport arline peut tretablie avec certitude139. Comme upe/wpe/upa, ue doit donc tre unedsignation directement lie au lieu densevelissement dun dfunt.Adiego le commente par funerary stela, or similar. It seems to besimilar or correspondent to upe/upa, but the precise relationshipbetween the words (if it indeed exists) is not clear.140

    ue apparat toujours sur des stles funraires: (1) du type des faus-ses-portes141; (2) cintres non dcores142; (3) rectangulaire dcore143.Comme dans le cas de upe/wpe/upa ( 2.1.2), ce support exclusifsuggre que ue renvoie spcifiquement une stle funraire (moinsprobablement une tombe). La bilingue gypto-carienne E.Me 5 nepermet pas de prciser davantage le rfrent de ue, tant donn que

    138 Adiego 2007, 3031. Pour les datations de Kammerzell 1993, voir note 130. E.Me3 (Adiego 2007, 36, 268, 443; Kammerzell 1993, 145146, 165 [vers 660620];MassonYoyotte 1956, 910, pl. IX) E.Me 5 (inscription bilingue dont les textescarien et gyptien ont sans doute t inscrits indpendamment de la ralisation dela stle et de son dcor: Adiego 2007, 38, 277, 443; Kammerzell 1993, 123127,164 [vers 610589]; MassonYoyotte 1956, 2027, pl. II [fin de lpoque sate oude la premire domination perse, partir de 525]) E.Me 28 (Adiego 2007, 5657,444; Kammerzell 1993, 155157, 169 [vers 580560]; Masson 1978, 3334, pl.XIII.1, XXXVI.2) E.Me 42 (Adiego 2007, 66, 445; Kammerzell 1993, 157158,169 [vers 585550]; Masson 1978, 41, pl. XX.1, XXXVI.4) E.Me 51 (Adiego2007, 7172, 267, 445; Kammerzell 1993, 148150, 169 [vers 660620]; Masson1978, 46, pl. XXIV.1, XXXVII.5). La restitution [ue] figure en E.Me 29 (Adiego

    2007, 57, 268, 444; Kammerzell 1993, 159, 169 [vers 550520]; Masson 1978,34, pl. XIII.2). Voir aussi Adiego 2007, 426.

    139 Adiego 2007, 7172.140 Adiego 2007, 426.141 E.Me 28, 42; dans le fragment E.Me 29, on restitue [ue].142 E.Me 3, 51.143 E.Me 5.

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    Le vocabulaire carien de la tombe 87

    le texte gyptien ne correspond que trs partiellement au carien144.Pour ltymologie de ue et ses rapports avec upe/wpe/upa, voir

    3.3.

    2.1.4. Rfrent du cariensoanPour tre complet, il convient dajouter aux formes livres par la tra-dition directe une glose grecque transmise par tienne de Byzance145:Souggela, pliw Karaw, nya tfow n to Karw, w dhloka tonoma. kalosi gr ofl Krew soan tn tfon, glan d tnbasila, Souggela, ville de Carie o se trouvait le tfow de Car,

    ainsi que le montre aussi son nom. En effet, les Cariens appellentsoan le tfow, et glan le roi. Il rsulte de ce texte quil devaitexister un mot carien ressemblant soan et quivalant tfow engrec. Le sens prcis de tfow nest malheureusement pas donn dansla glose, de sorte que lon peut thoriquement hsiter entre tombeet tombeau (mais on doit exclure la signification de crmoniefunbre). Pour une tymologie possible de soan, voir 3.4.

    2.2. Carienjas/as, upe/wpe/upa et ue: rfrents et syntaxesRfrents: La varit de formes, de supports et de contextes de jas/as, upe/wpe/upa et ue suggre que chacun deux dsigne unobjet spcifique relatif la spulture. Voici les emplois quils pour-raient avoir:

    (a) jas/as, se rfre, par ordre de probabilit dcroissante, :(1) un signe funraire; (2) une tombe ou un tombeau. Il estexclu quejas/as renvoie une stle funraire ( 2.1.1[a]) et peuplausible quil dsigne la tombe, rendue par si/sii ( 1.1.2.3).Cest donc le sens de signe funraire qui parat le plus probablepour jas/as.

    (b) Lanalyse contextuelle dupe/wpe/upa et ue a montr quilsse rfraient la stle funraire (moins probablement, unetombe): 2.1.23. Ici aussi, le rfrent de si/sii ( 1.1.2.3)fournit un argument pour carter tombe. Cest donc le sens destle funraire qui simpose. upe/wpe/upa et ue semblent tre

    144 Texte gyptien (avec traduction) dans Kammerzell 1993, 124126. Les lmentsbilingues consistent en des quivalences onomastiques (je reprends les lecturesdAdiego 2007, 38): il y est question dun Psmtk-wj-Njt (= psmkwneit), filsde W-jb-r-[....], qui correspond en carien naria(patronyme, avec, peut-tre,double dnomination, diffrente en gyptien et en carien ? moins quil ne sagissedun qualificatif du dfunt. Voir Adiego 2007, 387).

    145 Adiego 2007, 455; MassonYoyotte 1956, 26.

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    deux termes interchangeables: il faudra tablir sils ne sont pas desvariantes ( 3.3.2).

    Si ces identifications sont exactes, nous ignorerions le nom cariendu tombeau: on pourrait donc sattendre voir le apparatre unjour.

    Syntaxe:(a) jas/as (deux ex.) figure toujours en tte de texte; il est immdiate-ment suivi soit par un dmonstratif (san) + anthroponyme, soit par unanthroponyme. Dans linscription dont lanthroponyme est complet,

    ce dernier nest pas au gnitif en -, mais au possessif en -s.(b) upe/wpe/upa (une dizaine dex.) est toujours en deuximeposition; il nest jamais associ un dmonstratif; il suit toujours unanthroponyme au gnitif en -.

    (c) ue (cinq ex.) a les mmes caractristiques que upe/wpe/upa dansles cas o le texte nest pas ambigu.

    3. tymologie du carien si/sii, jas/as, upe/wpe/upa, ue et soan

    3.1. tymologie du carien si/siisi/sii semble avoir dsign la tombe ( 1.1.2.3). Plusieurs possi-bilits tymologiques sont thoriquement envisageables.

    (a) Selon Adiego, le mot pourrait reposer sur la racine indo-euro-penne *Kei-, tre couch146: si/sii signifierait donc lendroit o ledfunt gt. Phontiquement, lhypothse ne suscite aucune difficult,puisque *Ki- devrait avoir donn si- en raison du traitement apparem-ment inconditionn *K > s en carien ( 1.1.2.1[D]) son correspon-dant louvite est z%-147. Smantiquement, lide est excellente. En effet,*Kei- semble avoir donn en lycien sij\ni, il est couch, employprcisment en contexte funraire148 le verbe grec correspondant,kemai, peut avoir le mme emploi (sans compter plusieurs formesnominales qui appartiennent au lexique funraire: cimetire, etc.).Morphologiquement, il faudrait supposer un suffixe -i apparem-ment non attest ailleurs mais ceci ne constitue pas une objectionrellement srieuse tant donn nos ignorances cariennes. Si jas/as

    tait rattach *Kei- ( 3.2), on devrait bien entendu chercher uneautre origine si/sii mais on verra que cette tymologie est trs

    peu plausible.

    146 Adiego 2007, 412.147 Melchert 2003, 178.148 Neumann 2007, 325326.

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    (b) On pourrait songer rattacher si/sii *sed-, (s)asseoir.Smantiquement, le rapprochement est dfendable ( 1.3.2); mor-phologiquement, le -- ferait partie de la racine, ce qui serait trssatisfaisant. Quen est-il du point de vue phontique ? Les seulesformes reconstitues pour si/sii rapprochables de *sed- sont*sid- ou *sd- (??): 1.2.2. *sd- (??) serait compatible avec *sed-;*sid- impliquerait une fermeture *sed- > *sid-, ce qui est possible ettrs plausible, maisnon document avec une parfaite certitude (voir 1.3.2.b6). Au total, une tymologie par *sed- est acceptable, maiselle est lexicalement moins sduisante que celle en *Kei-.

    Si lon substituait sia/siia si/sii ( 1.1.2.2), les analysesci-dessus ne changeraient quau niveau du suffixe.Il existe en lycien une forme sidi dont la ressemblance formelle

    avec si/sii est remarquable. Ces deux termes ne semblent toutefoisavoir aucun rapport dmontrable, tant donn que sidi pourrait treun nom de parent149.

    3.2. tymologie du carien jas/asNotre examen a conclu que jas/as devrait probablement dsignerle signe funraire ( 2.2).

    Comment se prononait jas/as ? Pour la lettre carienne , Adiegohsite entre une fricative palatale // et une affrique /ts/, tout en pr-frant //150. Cette hsitation est lgitime, car les notations cariennesde noms gyptiens livrent des indications contradictoires.

    La graphie jas comporte une squence j- apparemment inconnueailleurs en carien. Comment interprter ce j- et son alternance avecle - de as ? Deux possibilits me semblent envisageables. (a) Le-j- pourrait noter une voyelle /i/, comme on en a de bons exemplesailleurs151. Il faudrait supposer en ce cas que dans as ce /i/ nauraitpas t not (voir les parallles cits 1.2.2) ou se serait amu (??).(b) Le -j- pourrait constituer une tentative de rendre un phonmeperu comme non adquatement rendu par la seule lettre . Il sagiraitdune graphie analytique dcomposant en deux lments un phonmesenti comme complexe.

    La premire possibilit prsente lavantage de la simplicit appa-

    rente. La seconde implique une complication phontique sous-jacente149 Melchert 2004a, 5758 le traduit par son-in-law (?); Gusmani 1994 le com-prend littralement par homme (cf. le louvite ziti-