Post on 27-Mar-2021
Responsable de la collection : Frédérique Guillard
© Éditions Nathan (Paris-France), 1998.
J A C Q U E S L I N D E C K E R
MORT SUBITE AU STADE
I l lus t ra t ions de David Scrima
NATHAN
J 'avais gagné, grâce à un concours, le droit d'être l'un des ramasseurs de balle de la rencontre.
1 12 JUILLET, 21 HEURES : COUP D'ENVOI
E étais ! Enfin, la fête allait com- mencer. J'avais l'impression que le bruit me soulevait de terre. 80 000 personnes qui hur- laient à pleins poumons, quel raffut ! Des yeux, je fis le tour des tribunes du stade : plus une place de libre. Des dizaines de caméras retransmettaient l'événement en direct sur toute la planète. Le monde entier me regar- dait, oui moi. Le monde entier retenait son souffle : la finale de la Coupe du Monde de foot allait commencer... et j'y étais, petit bon- homme au bord de la pelouse. J'avais gagné, grâce à un concours, le droit d'être l'un des ramasseurs de balle de la rencontre. Aux pre- mières loges qu' il était le p'tit père Jérôme, et bien décidé à ne pas perdre une miette du spectacle.
Une seule idée en tête...
Les joueurs étaient alignés au milieu de la
pelouse, les Brésiliens en jaune et vert, les
Français en bleu, blanc, rouge. Entre les deux
équipes, trois hommes en noir : l'arbitre et ses
deux juges de touche. Les joueurs venaient de
serrer la main de plusieurs types en costume-
cravate. Parmi eux, j'avais reconnu le président
de la République et Michel Platini. Nous, les
ramasseurs, on se tenait au garde-à-vous près
de la ligne de touche.
Et puis les messieurs en cravate ont regagné
la tribune officielle, mais ils ne se sont pas assis.
Au contraire, tout le stade s'est levé pour écou-
ter les hymnes nationaux. L'hymne brésilien,
l'hymne français. Les joueurs ouvraient grand
la bouche pour chanter, mais les paroles, ils ne
s'en souvenaient pas trop. Pas grave, je sentais
qu'ils étaient comme moi, qu'ils avaient des
milliards de fourmis dans les jambes ; une seule
idée en tête : courir, frapper dans le ballon, jouer
ce sacré match. Et gagner ! Et remporter la
coupe, si proche et si lointaine à la fois.
À la fin des hymnes, la fanfare quitta la
pelouse. Lentement, trop lentement, une,
deux, une, deux, j'avais envie de les pousser
pour qu'ils aillent plus vite.
« Allez la France ! »
Monsieur Éric, le responsable des ramas-
seurs, une véritable armoire à glace, frappa
deux fois dans ses grosses paluches. Ce qui
signifiait : à vos postes, les gaillards ! Je pris
la place qu'on m'avait attribuée au bord du
terrain, non loin du but brésilien. « Allez la
France ! » me disais-je entre les dents. Je ne
voulais pas que monsieur Éric m'entende.
Une demi-heure avant le début du match,
il nous avait pris à part : « Hyper-sérieux, les
p'tits gars, avait-il claironné. Pas de favori-
tisme et silence absolu dans les rangs. Le
premier qui l'ouvre ou qui fait une conne-
rie : viré ! » Il me fichait la trouille, celui-là,
mais bon, dans le fond, il n'avait pas tort.
Croyez-moi, je n'allais pas gâcher la chance
que j' avais d'assister à la finale de la Coupe du Monde.
Les joueurs des deux équipes se mirent en
place. Les deux capitaines se serrèrent la main.
Il y eut un immense silence, ce silence qui
allait bien au-delà du stade, qui disait que des
millions de gens retenaient ensemble leur
souffle. Enfin apparut David Bago. David
Bago, le seigneur du dribble, le meilleur
buteur du championnat pendant cinq années
de suite, la très, très grande classe. D'après
moi le plus grand joueur de tous les temps.
David Bago, mon idole.
Il aurait eu sa place dans n'importe quelle
équipe au monde, mais cet imbécile de Blaise
Coriat, l'entraîneur de son pays, de mon pays,
de la France, ne l'avait pas sélectionné. « Trop
individualiste, trop star », avait dit Blaise Coriat. Pfff !
David ne pouvait être complètement absent
de cette finale. C'est à lui qu'on avait demandé
de donner le coup d'envoi de la rencontre. Lui
aussi était en costard, mais sans cravate. Il
attendait le coup de sifflet de l'arbitre pour
taper le premier dans le ballon du bout de ses souliers vernis.
L'arbitre consulta sa montre. Je jetai un coup
d'œil rapide au tableau d'affichage du stade : il
était pile 21 heures ! L'arbitre siffla, David fit
la première passe puis partit s'asseoir dans la
tribune d'honneur. Le match pouvait commen- cer !
Aussi sec, les spectateurs se remirent à hur-
ler comme s'il y avait le feu sous leur siège.
Pas de danger pour les fesses. La bataille se
livrait sur la pelouse et elle promettait d'être acharnée...
Chaque équipe essaya aussitôt d'installer son
jeu, de monopoliser le ballon, de mettre l'adver-
saire en difficulté. Les contacts étaient rugueux.
On ne se faisait pas de cadeau. Les Brésiliens
étaient les favoris mais, pour le moment, les
Français faisaient jeu égal avec eux.
Un amateur aurait trouvé ça parfait. Moi
non. Moi, je jouais au foot, j'étais un connais-
seur, un pro du ballon rond. Très vite, j'eus le
sentiment que quelque chose ne tournait pas
rond. On aurait dit que le jeu se pratiquait au
ralenti. Une sensation bizarre. C'était peut-
être chez moi que ça clochait : l'importance
du match me donnait-elle le vertige ?
N'empêche, chaque fois qu'un joueur tou-
chait le ballon, il faisait la grimace et regar-
dait vers son entraîneur avec de grands yeux
ronds. Et quand, pour la première fois, un
joueur français prit le ballon de la tête, il se
retrouva au sol de manière inexplicable : il
s'était en quelque sorte assommé tout seul.
De plus en plus étrange !
Des spectateurs se mirent à huer les
joueurs. Je n'avais donc pas la berlue ! Eux
accusaient les footballeurs ; moi, je ne savais
pas. Si mon père avait été là, il m'aurait glissé
la solution à l'oreille. Mais il n'y avait pas la
moindre chance qu'il le fasse. Papa... Quatre
ans qu'il était parti. Il devait regarder le
match du haut de son nuage, là-haut dans le
ciel. Quatre années auparavant, il jouait dans
l'équipe de France. Quand j'avais appris que
j'assisterais à la finale, j'avais pensé à lui. Ça m'avait fait pleurer, en cachette.
Maman aussi devait pleurer en cachette.
Elle n'avait pas voulu de la deuxième place
que j'avais gagnée pour la finale. Le foot, il
ne faut plus trop lui en parler. Elle aussi, elle essaie d'oublier.
J'avais
offert la place à Sarah...
Alors, j'avais offert la place à Sarah, ma
meilleure amie. Le foot, c'est pas non plus
son truc, mais comme elle répète partout
qu'elle veut devenir journaliste, je m'étais dit
qu'elle ne passerait pas à côté d'une pareille occasion.
Je ne m'étais pas trompé. Elle avait accepté
sans hésiter. En prime, elle m'avait sauté au
cou et m'avait embrassé sur les deux joues.
Heureusement, la scène s'était déroulée dans
la cage d'escalier de notre immeuble (nous
sommes voisins !), en toute intimité, sans le
moindre copain à l'horizon...
Sarah, c'est tout le contraire de moi, elle
rigole, elle n'a peur de rien, elle parle avec tout
le monde. Tenez, là, au stade, elle n'avait qu'à
venir avec moi et regarder, rien d'autre. Elle
avait une place réservée dans les tribunes, point
final. Mais non, elle avait trouvé le moyen de
faire le plus beau sourire de l'univers à je ne
sais plus qui d'important dans l'organisation...
et la voilà qui était chargée de veiller aux bois-
sons fraîches pour les joueurs français !
Comme ça, comme dans un rêve, facile !
... une place réservée dans les tribunes.
J'aurais bien aimé savoir ce qu'elle pensait
de ce match qui avançait à deux à l'heure.
Mais j'étais trop loin d'elle pour espérer
l'approcher sans être accusé de désertion par
monsieur Éric. Brrr, rien que de penser à ce
gorille, j'en avais la chair de poule... Soudain, tout s'accéléra. Le tir d'un atta-
quant français fut dévié par un défenseur bré-
silien. La balle s'échappa derrière les buts. C'était mon territoire ! C'était à moi de la
récupérer au pied des tribunes. Quand je me
saisis du ballon, je compris enfin ce qui se
passait : il était lourd, beaucoup plus lourd
que d'habitude. Ce ballon ressemblait à un
vrai ballon de foot, mais ça n'en était pas un :
c'était un faux ballon, un ballon trafiqué !
Quelqu'un essayait-il de saboter la finale de
la Coupe du Monde ?
Je pris alors l'initiative la plus folle de ma
vie. Je décidai de faire disparaître ce ballon de
malheur. Au lieu de le déposer au coin de cor-
ner, là où l'arbitre l'exigeait, je fis demi-tour
et le lançai dans les gradins. Aussi fort, aussi
loin que je le pus. Le ballon passa de main en
main... et, comme je l'avais espéré, ne revint
jamais sur le terrain. Un souvenir comme
celui-là, pas question de le rendre, devait se
dire le spectateur qui l'avait récupéré !
Aussitôt, un nouveau ballon fut donné aux
joueurs. Le match pouvait repartir dans de
bonnes conditions. Grâce à qui ? Grâce à Jérôme !
Dans sa folie, Bago avait oublié que l'allumette se consumait.
1 0 MORT SUBITE, 3 : 2 !
A LIEU de partir tout de suite, ce bavard de Bago continua de délirer devant nous.
- Ah, un dernier petit détail, ajouta-t-il. Une
bombe explosera dans le vestiaire des joueurs
français après la fin du match. Boum ! Une
belle petite bombe de ma fabrication. Ça fera
un véritable carnage. Je ne veux pas de survi-
vant. Je ne veux pas que ces demi-portions de
joueurs continuent de faire les fiers sur un ter- rain de football. Le football est un art, et
l'artiste, c'est moi !... Tu comprends ?! Je suis le... Aïe !!
L'allumette.
Dans sa folie, Bago avait oublié que l'allu-
mette se consumait, que la petite flamme
atteignait ses doigts. Il venait de se brûler, l'allumette s'était éteinte. Nous étions à nou-
veau plongés dans le noir complet.
Il y eut autre chose.
Je l'entendis remettre la main sur sa boîte...
Qu'est-ce qu'on fait dans ces cas-là? On
ferme les yeux en guettant la mort ? On crie
(même sous le bâillon) pour appeler les
secours ? On se secoue dans tous les sens pour
tenter de défaire ses liens (dans les films, à la
télé, ça marche toujours) ? Moi, je ne savais
pas, je n'avais qu'une seule expérience de la
mort, celle de mon papa, mais je ne m'étais
pas rendu compte qu'il était en train de mou-
rir. Ça ne me servait à rien, je ne connaissais
rien de ma propre mort...
Je ne bougeais pas et, ma foi, Sarah non
plus. Nous attendions la lumière. La deuxième
allumette. Le dernier regard de Bago. Le der-
nier regard que je jetterais à Sarah. Nos larmes
peut-être.
Mais le plan de Bago ne se déroula pas
comme prévu. Il y eut autre chose. Quelque
chose d'inouï. Quelque chose d'extraordi- naire.
Il faut le répéter : extraordinaire.
L'ombre
de Jojo.
Oui, la flamme de la deuxième allumette
revint danser sous nos narines. Oui, Bago riait
encore, mais il n'en avait plus pour long-
temps. Oui, quelque chose avait changé.
Quelque chose se déplaçait. Quelque chose venait nous sauver. Une ombre, une ombre
lente, gigantesque, le fantôme d'une ombre,
nos yeux s'écarquillaient, immenses étaient
nos yeux, immense était notre espoir, immense était l'ombre...
L'ombre de Jojo.
Jojo, en chair et en os, Jojo ressuscité,
réveillé, débouchait derrière Bago... et Bago
ne le sentait pas, ne le devinait pas...
Soudain, Bago porta ses mains à son cou.
Jojo venait de lui mettre une corde autour du
cou, et il serrait, il serrait, c'est incroyable comme il serrait fort. L'allumette était tombée
par terre, le feu s'amusait à nous envahir.
Jojo serrait, serrait. Bago étouffait. Bago se
débattait. Bago était à genoux. Mais Bago
n'était pas battu. Il était plus fort que Jojo. Il l'entraîna dans sa culbute. Les deux hommes
roulèrent sur le sol, ça faisait un drôle de
numéro de cirque au milieu des flammes.
Deux acrobates, deux contorsionnistes, deux
tigres. Mais ça n'était pas du cirque, c'était une lutte à mort.
Je comptais les points sans pouvoir interve-
nir. Impuissant. La chaleur devenait insuppor-
table. Vite, que Jojo et Bago arrêtent de se
battre ! Vite, qu'on nous délivre !
Je commençais à suffoquer. Je n'avais que
le nez pour respirer. Je me mis à tousser, mes
poumons tentaient de recracher la fumée que
j'avalais. Je respirais de plus en plus vite, je
n'y arrivais plus, je m'asphyxiais, je pani-
quais, je pleurais. Les flammes me léchaient.
Je les repoussai du bout des pieds, je me
défendais comme je pouvais.
Dans le tourbillon des flammes, la mau-
vaise nouvelle nous arriva dans un grand rire,
un éclat de rire venu droit de l'enfer. Bago
avait retourné Jojo sur le ventre et lui tordait le bras dans le dos.
- Arrête ! criait Jojo. Tu vas me le casser !
- Qu'est-ce que ça peut faire, rigolait Bago,
puisque tu vas finir en cendres avec les deux mômes...
J'avais tant admiré la puissance de David
Bago... et voilà ce qu'il en faisait ! Il y eut un
craquement sinistre. Un craquement suivi
d'un cri affreux. Bago venait de casser le bras
de Jojo.
- Et maintenant, s'exclama Bago, on va fêter ma victoire !
Pendant que Jojo se redressait péniblement en
se tenant le bras et en gémissant, Bago s'éloi-
gna vers le fond de la pièce. Il en revint rapide-
ment, avec une autre des bouteilles de Jojo. - À la vôtre ! dit-il en la levant vers nous.
Au plaisir, enfin, de ne plus jamais vous voir.
Il but tellement vite que le whisky dégou-
lina le long de ses mâchoires, le long de son
cou, le long de son costume...
On aurait dit que Bago avait oublié le feu.
Le feu, lui, ne l'avait pas oublié.
Une flamme vint soudain le caresser et,
d'un bond, d'un ricochet, d'une cabriole, elle
remonta le long de ses jambes, le long de son
torse, le long de ses bras, le long de son
visage.
David Bago brûlait. L'ennemi brûlait.
L'ennemi se cognait aux murs, se tordait de
douleur, hurlait au secours, demandait de
l'eau. Une torche vivante.
Jojo en profita pour se traîner jusqu'à la
porte. La douleur se lisait sur son visage, mais
sa volonté de s'en sortir, de nous en sortir était
plus forte. Dans un dernier effort, il parvint à
crier d'une voix désespérée « A l'aide ! A
l'aide ! », avant de s'écrouler.
Nos vies ne tenaient plus qu'à un fil. Des
secondes à attendre les pompiers.
Mais, déjà, ils étaient là. Ils avaient été aler-
tés, dès les premières flammes, par l'un des
milliers de détecteurs de feu qui équipaient le
L'ennemi brûlait.
stade. Le temps de sauter dans leurs camions,
de filer sur la VDI, de repérer le bon couloir, la
bonne porte... et nous étions recouverts, Jojo,
Bago, Sarah et moi, de neige carbonique.
Un être casqué et entièrement vêtu de cuir
noir se pencha vers nous :
- Ça va ? nous demanda-t-il.
- Mmmm, mmmmm, fut notre seule
réponse.
Le pompier releva la visière de son casque. Il souriait.
- Excusez-moi, dit-il, j'oubliais que vous
aviez un petit problème pour parler...
Il nous arracha d'un coup sec le scotch qui recouvrait nos bouches. HAAAAAAAAAA ! La
brute ! Ça faisait au moins aussi mal qu'une
brûlure ! Enfin... nous n'allions pas nous mettre en colère contre notre sauveur. Surtout
qu'il était en train de défaire nos liens.
- On va vous soigner, dit-il encore. On va vous mettre sur ces civières et on va vous
emmener à l'hôpital.
- Oh non ! Pas encore ! s'exclama Sarah.
Le pompier a fait la tête de celui qui a avalé
un sabre et qui ne ne sait pas comment le recracher.
- Quoi ?? fit-il.
Le pauvre, il ne se rendait pas compte. Il
n'avait pas idée de la soirée que nous venions
de vivre. Il ne savait pas à qui il avait affaire...
Et il n'était pas au bout de ses surprises...
Je jetai un rapide coup d'œil à Sarah. Juste
pour vérifier qu'elle était sur la même lon-
gueur d'onde que moi. Impeccable. En un
éclair, nous fûmes sur nos jambes.
Dans un coin, deux autres pompiers soi-
gnaient David Bago. Il n'était pas beau à voir.
Tant pis pour lui. Sarah se jeta sur lui, le
secoua en rugissant : - La bombe ! La bombe ! Où tu l'as mise
exactement, ta bombe ?!
Les pompiers écartèrent brutalement Sarah.
Ils devaient penser qu'elle n'avait plus toute
sa tête avec ce qui venait de lui arriver.
-N.. . Non... Non... Laissez-la...
La voix de David n'était plus qu'un mur-
mure. Il releva un peu la tête, il voulait parler :
- Y a... Y a... jamais... eu de bombe... jamais.
Je voulais pas, je voulais pas, je voulais pas... Les infirmiers l'emmenèrent. Il continuait
de répéter : « Je voulais pas, je voulais pas. »
Il était bon pour l'asile ou pour quelques
années de prison. Les pompiers décidèrent
malgré tout d'aller inspecter les vestiaires...
Jojo avait pu être soigné sur place. Ses brû-
lures étaient superficielles, comme les nôtres.
Un énorme plâtre recouvrait son bras gauche,
la marque de sa douleur, la marque de son
courage. C'est bizarre à dire, mais, avec tout
ça, Jojo avait l'air heureux. Transformé.
- Il y a de quoi vous dégoûter de l'alcool
quand on voit ses effets, nous murmura-t-il en
regardant tout autour de lui, dans cette pièce
qu'il connaissait si bien, et dont il ne restait
presque rien.
- Vous croyez que Bago a réellement posé
cette bombe dont il parlait ? le questionnai-je.
Il haussa les épaules. Une voix que nous
connaissions répondit à sa place.
- Il y a une bombe, mais pas dans les ves- tiaires.
Gervais se tenait juste derrière nous. Il nous
prit, Sarah et moi, par les épaules. Il avait l'air
soulagé. Et il parlait de bombe ?!?
- Elle est où alors, la bombe ? s'inquiéta Sarah.
- Sur le terrain, ma chère. Sur le terrain.
Une incroyable bombe sportive. La France
vient de marquer le troisième but. C'est la
mort subite pour les Brésiliens ! Pour la pre-
mière fois de son histoire, la France remporte
la Coupe du Monde de football ! !
Sarah devint toute blanche, comme ça, d'un
coup. Et elle s'évanouit.
Allongée devant moi, elle me rappelait la
pauvre Coquette... On aurait dit que Sarah ne
respirait plus. Était-elle morte ?
Gervais, qui s'était penché vers elle, me ras- sura :
- C'est juste un petit malaise. Je crois,
tout simplement, que Sarah est tombée dans
les pommes de bonheur. Ça te dirait de la réveiller ?
- Ben... oui, mais comment ?
- Eh bien, je pense qu'un petit bisou de toi
ferait parfaitement l'affaire...