Post on 21-Oct-2020
LesecretdesHarrington
IlesttempsdésormaispourlesHarringtond’entrerdanslalumière…Lorsquecesquatrehéritiersd’unechaîned’hôtelsauluxediscretetraffinésevoientproposerunrachatparleursexubérantsrivaux,lesdeuxfamillessedécouvrentennemies.Ainsicommencealorsunjeudepouvoirqui
bouleverseraàjamaisleurdestinàtous…Maisnulnesaitque,dansl’ombre,unactionnairesecretalepouvoirdedécideràluiseuldel’issue
decetteguerresansmerci.PourlesHarrington,leslieuxdevillégiaturelesplusluxueuxdelaplanètesesonttransformésen
champsdebataille.Leurbut?Lepouvoir.Leurrêve?Lapassion…
1.
Indifférent auxmagnifiques paysages de l’Algarve,CooperBrock arpentait furieusement la plageéblouissante en dévisageant les corps étendus au soleil. Le sable crissait sous les semelles de seschaussuresencuir,etsoncostumenoirrendaitlachaleurencoreplusintense,maisiln’yprêtaitaucuneattention.
Oùétait-elle?Lesmâchoiresserrées,ilscrutaungroupedejeunesfemmesquisebaignaientdanslesvagues.OùétaitSerenaDominguez,lacréaturequiletourmentaitdepuisunmois?Dèsl’instantoùill’avait rencontrée àLondres, lorsd’une soiréedegala,Cooper avait décidéde la conquérir.Mais cequ’elleavaitfaitaujourd’huichangeaitcomplètementladonne.
Il était fou de rage.Après deux ans de patience, alors qu’il était tout près de remporter enfin lemarchéquimanquaitàl’empireBrock,SerenaDominguezluiavaitravilavictoire.
Malgré ses efforts, son père n’était jamais parvenu à acquérir la propriété des Alves quireprésentait un énorme atout pour ses affaires.Cooper se réjouissait d’autant plus de sa réussite qu’ilavaitagidanslerespectdelastrictelégalité,prouvantainsiquesesméthodesvalaientmieuxquecellesd’AaronBrock.
Enluidéniantsonsuccès,Serenaleprivaitd’uneimmensesatisfaction.Il s’arrêta abruptement en reconnaissant son rire de gorge entrecoupé de bribes de conversation.
Instantanément, l’excitation se diffusa dans ses veines. Changeant de direction, il se dirigea d’un pasdécidéversleparasolbleud’oùvenaitlavoix.
Dèsqu’ilaperçutSerenaDominguez,sesépaulessevoûtèrentcommes’ilvenaitdeprendreuncoupdepoingdansl’estomac.Ilseforçaàrespirercalmementenmaudissantlesréactionsdesoncorps.Leseulfaitdelavoirproduisaittoujoursuneffetincroyablesurlui…
Pourmaîtrisersontrouble,ils’obligeaàgarderlesyeuxsursespieds.Elleavaitunechaîneenorautourdelacheville.Lecadeaud’unamantpossessif?sedemanda-t-ilmalgrélui.Ileutenviedelaluiarracher.
Son regard remonta le long de ses jambes fuselées, jusqu’au bikini blanc qui épousaitscandaleusementseshanches.Il fermalespaupièrespourrefoulerundésirviolent.Puis, résolument, ilposalesyeuxsurleprofildeSerenaquiachevaitsacommunication.
Malheureusement,degrosseslunettesnoirescachaientsonvisage.Avecsespommetteshautes,seslèvrespulpeusesetsonmentonbiendessiné,SerenaDominguezétaitplusquebelle.SagrâcesensuellefascinaitlittéralementCooper.
Aprèsavoirreposésonportable,ellelevalamainpourrejeterenarrièreseslongscheveuxbrunsetsefigeaenl’apercevant.
—Aquoijouez-vous,Serena?lançaCooperavecrudesse.
—Olá,monsieurBrock, répondit-elleavec sonaccentbrésilien si envoûtant.Qu’est-cequivousamèneauPortugal?
—Nefaitespasl’innocente.Jen’aipasdetempsàperdreàcespetitsjeux.—Vraiment?Jecroyais,aucontraire,quevousypreniezplaisir.Elleremontaseslunettessurlesommetdesoncrâne.Sesyeuxavaientdesrefletsdorés,commela
tequilagoldpréféréedeCooper.Elleavaittroquésesminespoliesetréservéescontreunlargesourireéclatant,maiscomplètementfactice.
— Je devais signer aujourd’hui l’acte de propriété des terres des Alves, énonça-t-il aussicalmementquepossible.Etjedécouvrequevousmelesavezvolées.
—Volées?Attentionàcequevousdites,cow-boy.Jenesuispasunevoleuse.CetonsupérieurdéplaisaitprofondémentàCooper.C’étaitellequin’avaitpasjouéfranc-jeu,pas
lui.—Commentavez-vousréussicecoup?Vousavezbeauêtreungéniedelafinance,vousn’avezni
l’argentnilesrelationspourarracherunenégociationdecetteimportance.Elleeutungesteévasif.—Jen’aipasbesoindecela.Ilmesuffitdesourireetdebattredescils.Et de porter un décolleté éloquent, ajouta Cooper intérieurement en contemplant sa poitrine
voluptueuse.Ilsegrattalagorgepours’éclaircirlavoix.—Vousvoustrompezlourdementsivouscroyezquejevaismelaisserfaireaussifacilement.Vous
nemeconnaissezpas.Ellecroisalesmainsderrièrelanuqueavecunenonchalanceaffectée.—J’ensaisdavantagesurvousquevousnelesoupçonnez.—Nejouezpasàcelaavecmoi,majolie.Quevoulez-vousaujuste?—Rien.Simplementvousbattreàplatecouture.Queleffetcelafait-ildenepasobtenircequ’on
souhaite?D’enêtrespolié…Vousdevezêtresacrémentennuyé.Elleesquissaunemoueboudeuseavantdeluidécocherunsourireéclatant.—Et,jevouspréviens,celaneferaqu’empirer!— Si vous cherchez à attirermon attention, ce n’est pas la peine d’en rajouter, je vous ai déjà
remarquée.Serenahaussalessourcils,l’airhautain.—Cen’estpasmonbut.—Ahbon?Jevousintéressepourtant,jel’aibienvu.—Nevousméprenezpassurmesintentions,répliqua-t-elleenprenantsoncocktaildejusdefruits
pourboireunegorgée.J’aisimplementapprisàmeméfierdesBrock,doncjevoussurveille.—Pourquoivousdonnez-voustantdemal?Vousavezforcémentuneidéederrièrelatête.Quand elle passa le bout de sa langue sur ses lèvres, il fut tellement troublé qu’il faillit ne pas
entendresaréponse.— Vous n’avez pas deviné ? Depuis un mois que vous me poursuivez, vous devriez en savoir
davantage.Ilcroisalesbrasenseredressantdetoutesahauteur.—J’aitouslesélémentsdontj’aibesoin.Vousêtesbelle,intelligente,etvousgardezvosdistances
parcequevousavezpeurdesémotionsquejepourraissusciterenvous.UneexpressionamuséesepeignitsurlevisagedeSerena.—Sicelavousrassure…Ellemarquaunepauseeninclinantlatêtesurlecôté.—C’esttoutcequevousavezapprissurmoi?
—C’estlargementsuffisant.—Cela nem’étonne pas de vous.Vous prenez vos décisions sans réfléchir, viscéralement, sans
jamaisdouterdeparveniràvosfins.—Cettestratégiem’atoujoursréussi.—Etsidesobstaclessurgissentlejeun’endevientqueplusintéressant.Cooperplissalesyeux.—Pourquoivousêtes-vousmiseentraversdemaroute?—J’aiapprisbeaucoupdechosessurvous…—Jesuisflatté.UnegouttedecondensationtombaduverresurlapoitrinedeSerenaet,fasciné,illaregardaglisser
sursapeaubronzée,entresesseins.—Vousauriezpum’interrogerdirectement,aulieudevousrenseigneràdroiteàgauche,murmura-t-
il.—Vousnem’auriezprobablementpas toutdit.M’auriez-vousparlé,parexemple,ducontrat très
lucratifquevousvenezdeconclureaveclaplusgrossecompagnieminièred’Australie?Cooperréprimaunmouvementdesurprise.—Commentêtes-vousaucourant?Cen’estpasencoreofficiel.—OudevosnégociationssecrètesavecleconglomératdestélécommunicationsdeZürich?C’est
unparirisqué,maisvouslegagnerezhautlamain,commed’habitude.Cooperfronçalessourcils.—D’oùsortez-vouscesinformations?Ellehaussalesépaules.— J’aimes sources…Vous n’auriez pas ébruité non plus, j’imagine, le tournoi de poker engagé
contrelesChatsfieldl’andernieràLasVegas.Cooperpinçaleslèvres.—Personnen’estaucourant…— Vous avez gagné les vingt-cinq pour cent du capital Harrington détenus jusque-là par John
HarringtonJr.Maissoyezsansinquiétude,jeresteraimuette.CooperdévisageaSerenad’unair consterné.Personnene savait.Absolumentpersonne. De plus,
John Jr. n’avait pas intérêt à ce que cela se sache. Comment Serena avait-elle percé le secret ? Ellen’avaittoutdemêmepasapprispourquoiilavaitbesoindecesactions?
Ill’avaitsous-estimée.Qu’allait-ellefairedeceséléments?Poursuivait-elleunbutprécis?—Pourquoivousêtes-vousrenseignéesurmoi?Ellebâillaens’étirant.—Vousmefascinez.Quellechancevousavezeuedegrandirdansunmilieufortunéetprivilégié!—Serena…Unecolèresourdeassombritbrusquementleregarddelajeunefemme.—Finalement,vousavezmenélaviequej’auraisdûavoir.—Qu’est-cequevousracontez?— Demandez donc à votre père, lança-t-elle rageusement. Posez-lui des questions sur Felipe
Dominguez.AaronBrockaruinémafamille,ilyaquatorzeans.La peau de Cooper se hérissa, et une désagréable sensation de froid l’envahit. Le nom ne lui
rappelaitrien,maissonpèreétaittoutàfaitcapabled’unechosepareille.—Cettehistoiren’arienàvoiravecmoi.—Mêmesivousn’êtespascomplice,vousenavezrecueillilesbénéfices.Cooperpassaunemainnerveusesursescheveuxcoupéstrèscourt.—QuelrapportaveclapropriétédesAlves?
— Je vous en dirai davantage ce soir, répliqua-t-elle platement. Rendez-vous à 20 heures aurestaurantduHarrington.Aquelhôtelêtes-vousdescendu?
Il secoua lentement la tête. Il n’était pas question de se laisser mener par le bout du nez.Promptement,ilavançad’unpasetposalesmainssurlesaccoudoirsdelachaiselongue.
Serenanebronchapas,mêmelorsqu’ilsepenchatoutprèsavecuneexpressionmenaçante.—Jenevaispasattendrejusqu’àcesoir.Dites-le-moimaintenant.Manifestement,ilenfallaitdavantagepourintimiderSerena.—Jenesuispasdisponible.Ellesecomportaitenprincessetropgâtée,commesielleétaitaucentredumonde.Cooperrefréna
unefurieuseenviedel’agripperparlesépaulespourlasecouer.—Serena,jevousjure…—Vousn’avezpaslechoix,coupa-t-elle.—Jen’aipasdetempsàperdre.Elles’esclaffa.—Cow-boy,j’attendscemomentdepuisquatorzeans.Certes,j’auraispréférédiscuteravecvotre
père,maisvousferezl’affaire.Ileutenviedel’étrangleretseredressaens’efforçantdesecalmer.—Commentosez-vousmeparlersurceton…?Denouveau,ellel’interrompit.—Nous reprendrons cette conversation ce soir. J’espèrequevous avez l’estomacbien accroché
poursupportermesrévélationsconcernantAaronBrock.Nuln’avaitledroitdetraitersafamilleainsi!Mêmepaslaséduisantetentatricequiavaitenvahi
sesrêves…—Monpèreestunhommed’affairesrespectédanslemondeentier.Personnenesepermettraitde
ternirsaréputation.—Parcequ’onapeurdelui!Nousenreparleronsaudîner.Luttantcontre la sensationdésagréableet inhabituelled’êtreacculé,Cooper se résigna. Iln’avait
malheureusementpaslesmoyensderiposter.Ilrendaitgénéralementcouppourcoup,mais il luifallaitd’abordsavoirsiSerenabluffaitousielledétenaitréellementdesinformationscompromettantes.
—Ehbienàcesoir,conclut-ilàcontrecœur.Sivousnevenezpas,jesauraivousretrouver.—Pourquoimedéroberais-jealorsquejesuisenpositiondeforce?railla-t-ellequandil tourna
lestalons.SonrirerésonnaauxoreillesdeCoopertandisqu’ils’éloignait.Iln’avaitquequelquesheurespour
se renseigner et découvrir comment Aaron Brock avait provoqué la ruine de Felipe Dominguez. Unhorriblepressentimentl’envahit.Sonpèreétaitnonseulementimpitoyable,maiscapabledupire.
***
Serenaregardalasilhouettesombreetmenaçantedisparaîtreauboutdelaplage.Lesdoigtsserrésautourdesonverre,elles’autorisaàexhalerunlongsoupir.Ellefrissonnaitmalgrélachaleuretavaitdescrampesd’estomac.
LedépartdeCoopernelasoulageapaspourautantdesonanxiété.Mêmesielleavaitprévucetteconfrontation,sonennemil’avaitsurpriseensurgissantà l’improviste.Lesnouvellescirculaientvite…Entoutcas,elleavaitfaitdesonmieuxpourgarderl’avantage.Sesparentsluiavaientenseignétrèstôtàsauverlesapparences.Dissimulersesémotionsétaitdevenupourelleunesecondenature.
Ellesoignaitsonimagedemondaineetentretenaitsavammentlemythedanslesmédiasenexhibantses bijoux, cachée derrière ses lunettes noires et ses sourires hautains. Son armure la protégeait et
empêchaitlesautresdepercevoirsespeursetsavulnérabilité.Laprochainefoisqu’ellerencontreraitCooper,elleneseraitpasenpositiondefaiblesse,allongée
ausoleilàmoitiénue.Ellemaîtriserait lasituation, l’affronteraitd’égalàégaletpartirait fièrement latêtehauteàlafin.
Sonportablevibra, et elle le récupérad’unemain tremblante.Heureusement,Coopern’avait pasremarquésontrouble.Sinon,ilenauraitprofitésanspitié.
—Estou?lança-t-elleavecunefausseinsouciance.—Serena?LavoixmasculineavaitdesinflexionsbritanniquestrèséloignéesdufortaccenttexandeCooper.—SpencerChatsfield.Jeviensauxnouvelles.Ellepinçaleslèvresavecunegrimaceirritée.Quecraignait-il?Ellel’avaitpourtantconvaincude
lasoliditédesonprojet,dontellecontrôlaitparfaitementledéroulement.MaispourSpencerilyavaitbeaucoupd’argentenjeu…
—Toutsepassecommeprévu,annonça-t-elled’untonsuprêmementconfiant.J’aiacquislesterresdesAlves avec la somme que vousm’avez donnée et j’ai déjà organisé un rendez-vous avecCooperBrock.Jeluiprésenteraimapropositiondèscesoir.Quandilm’aurasignifiésonaccord, jemettrai letitredepropriétéàsonnomenéchangedesactionsHarringtonàvotreintention.
ElleavaithâtedelireladéfaitedanslesyeuxgrisargentdeCooper.— Si la transaction était aussi simple, je l’aurais réalisée moi-même, observa Spencer. Et s’il
refuse?Elles’yattendait,biensûr…dansunpremiertemps.—Ilcédera.J’aiquelquechosedebeaucoupplusprécieuxàluioffrirenretour.—Méfiez-vous.C’estunBrock.Ilsontl’habitudedegagner.Ilsontceladanslesang.Serenaesquissaunsourire.Jusqu’ici,Coopers’étaitabritéderrièrelenomdesBrocketignoraitla
peur.Maiscetteépoqueétaitrévolue.Dorénavant,elleferaitplaneruneterriblemenaceau-dessusdesatête.Elleledépouilleraitdesatoute-puissance.
—Spencer,nousavonsdiscutédetoutcelaquandjesuisvenuevousvoiràLondres,dit-elledesavoix la plus charmeuse, à laquelle aucun homme ne résistait. Si vous ne me croyez pas capable denégocieravecCooperBrock,ilnefallaitpasm’avancerl’argent.
—Sitoutsedéroulenormalement,BrockaurasesterresetmoilesactionsHarrington.Maisvous,quegagnez-vousdanscettehistoire?Pourquoivousêtrelancéelà-dedans?
Naturellement, Spencer Chatsfield n’appréciait pas de ne pas disposer de toutes les cartes.L’explicationqu’elleluiavaitfournieluiavaitparusuffisantesurlemomentparcequ’elleavaitjouédesaséductionpourleconvaincre.Aprésent,cependant,ilseposaitdesquestions,auxquellesellen’avaitaucuneintentionderépondre!
—Cetteréussitevousprouveramacompétencepourdefuturesopérations,susurra-t-elleenrestantdélibérémentdanslevague.
—Serena,sivousneparvenezpasàmeprocurerlesactionsHarrington…—J’aimenédesrecherchespendantdesannéespourinstruiremondossier,coupa-t-ellevivement.
Vousn’avezaucuneinquiétudeàavoir.Vousaurezvotredûd’icilafindelasemaine.A ces mots, elle raccrocha abruptement et abaissa ses lunettes noires. Un sentiment nouveau
l’agitait.Cettefois-ci,ellepassaitàl’attaque.Ellenedoutaitpasdurésultat,maiselles’exposerait,alorsquejusqu’icielleétaitrestéeàcouvertpourseprotéger.
Elleinspiraprofondémentpourcalmersonappréhension.Ellesavaitcequ’ellefaisait.Sastratégieétaitimparable.Riennipersonnenesemettraitentraversdesonchemin.
Une impatience fébrile la gagna. Après des années de labeur, de sacrifices et de préparationminutieuse,elleétaitenfinprêteàsebattrecontreCooperBrock.D’icilafindelasemaine,savictoire
seraitconsommée,etelleseraitvengée.
2.
LebruitprécipitédeshautstalonsdeSerenasurlesoldemarbres’accordaitaurythmedesoncœur.Elles’immobilisaun instantsur leseuildurestaurantsoulignéparunearchedepierre.Dedélicieusesodeursd’épicesflottaientdans l’air.Lesmursblancsdécorésdecarreauxdecéramiquebleuecréaientuneatmosphèreexotiqueetaccueillante.Laplupartdes tablesétaientdéjàoccupées,certainespardescélébritésenvue.
Ellepassalamainsursescheveuxtirésenqueue-de-cheval.Elleavaitmisbeaucoupdetempsàleslisser,ainsiqu’àchoisirsatenueetàsemaquiller.Pourquoiétait-elleaussinerveuse?Toutsedéroulaitcommeprévu.Elleavaitrevêtusonarmureetn’avaitrienàcraindredanssaroberosedosnuimpeccableetsestalonsaiguillesàlanières.
Ellebaissalesyeuxsurlebraceletdediamantsquienserraitsonpoignet.D’innombrablessouvenirssepressèrentdanssonesprit,certainsagréables,d’autrespasdutout,commelejouroùsonpèreavaitoffertcebijouàsamère.
Il ne s’agissait pasd’uneoccasionparticulière.FelipeDominguezn’avait pasbesoinde fêtesoud’anniversairespourcouvrirsafemmedecadeaux.Longtemps,Serenaavaitinterprétécesgestescommedesgagesd’amouréternel.Plus tard,engrandissant,elleavaitcomprisque leursignificationétait toutautre.Sonpères’assuraitlecontrôledelasituationenrécompensantl’indulgencedesonépousepoursesécartsdeconduite.
Serenasesouvenaitavecprécisiondumélangedesurpriseetdeplaisirquis’étaitpeintsurlebeauvisagedesamèrelorsqu’elleavaitouvertl’écrintapissédevelours.Sonpèreguettaitsesréactionsavecunorgueiltrèsmasculin.C’étaitl’unedesdernièresfoisqu’elleassistaitàcegenredescène.
Toutencontinuantàcontemplerlebracelet,Serenaserappelaavecqueldéchirementsamèreavaitétéobligéederevendretoussesbijouxquandlesaffairesdesonmariavaientpériclité.Al’époque,elles’étaitjuréd’avoirunjourassezd’argentpourlesracheter.
Illuiavaitfalluplusieursannéespourrécupérerlebracelet.Lorsqu’ellel’avaitrestituéàsamèreenlui promettant que le reste suivrait bientôt, Beatriz Dominguez n’en avait pas voulu. Ces diamantssymbolisaientpourelleunbonheurrévolu,untempsoùsonmariageétaitsolideetoùilsformaienttouslestroisunefamilleunie.
Serenarefoulasonamertume.Malgrélesréactionsdesamère,elleétaitalléejusqu’auboutdelamissionqu’elles’étaitfixéeetavaitreconstituélepetittrésorfamilial,jusqu’àlamoindrebague.
C’étaitlesseulsbijouxqu’ellepossédaitetqu’elleportait.Ce soir, elle arborait le bracelet comme un talisman, pour lui rappeler d’où elle venait, quelles
épreuves elle avait traversées et pourquoi elle s’était lancée dans cette entreprise. Cela l’aidait à seconcentrersurlebutfinalalorsquesesparentsavaientpréférétoutoublier.
—Boanoite,senhoraDominguez,dit lemaîtred’hôtelens’inclinant.Votre invitévousattendaubar.
Surprise,ellehésita.CooperBrockétaitdéjàlà?Avantelle?Ellen’avaitpasprévucela…—Obrigada,répondit-elledoucementensuivantladirectionqu’onluiindiquait.Généralement,elle s’arrangeaitpourarriver lapremièresur le terraindesopérations.Cooper lui
ôtaitceprivilège.Soitilavaithâted’enfinir,soitilreconnaissaitenelleunadversairedevaleuretsepréparaitàl’affrontement.
Ellel’aperçutimmédiatement,accoudénonchalammentaubar.Soncostumegrisclairetsachemiseblanche à col ouvert accentuaient son allure décontractée et athlétique. Elle s’accorda un instant pourétudiersaproietandisqu’ilobservaitpensivementsonverre.
CooperBrockévoquaitpourSerenalescow-boysmythiquesdel’Ouestsauvage.Pourtant,ellenel’avaitjamaisvuavecunstetson.Cethommequisuivaitsonproprecoded’honneurauraitprobablementtoutrisquépourprotégersonpatrimoineetsafamille.Ilnesecontentaitpasd’êtrel’héritierd’unvasteempirefinancier,ilavaittotalementendossélerôlequiluiétaitéchupourserendremaîtredesondestin.
Ses traits taillés à la serpe exprimaient un caractère opiniâtre. Ses yeux argentés dominaientcomplètementsonvisageacéré.Tantôtrieurs,tantôtféroces,ilsétaientsingulièrementexpressifs.
Cooper se redressabrusquement, et lecœurdeSerenabonditviolemmentquand leurs regards secroisèrent.Soninstinctluicommandaitdereleverledéfisilencieuxqu’illuilançait,maisellel’ignoraetbaissa lesyeuxens’avançantvers lui.Conscientedelasoiequiglissaitsurseshanchesetses jambesnues,ellefrissonnasoussonregard.Avait-ellebienchoisisarobe?
Auderniermoment,elleavaitfailliopterpourunetenuemoinséchancréeàmancheslongues,maiselle avait aussitôt écarté l’idée.Ellen’avait aucune raisond’adopter un styledifférent à causede lui.CooperBrockneluidicteraitpassafaçondes’habiller.
Malgré tout, elle comprenait maintenant pourquoi elle avait hésité. Habituée à l’admiration deshommes,ellesavaitutiliserleurdésiràsonavantage.Mais,avecCooper,c’étaitimpossible.Sielleleprovoquait, la luttequis’engagerait risquaitde ladéstabiliser.Sasensualitése retourneraitcontreellepourlafrappercommeunboomerang.
IlnefallaitpasplaisanteravecunhommetelqueCooperBrock,quinefaisaitpasmystèredesonintentionde laséduire.Acettepensée,unesensationdebrûlure intense, totalement inopportune,courutsursonventre.C’étaitcomplètementfâcheux…
—Serena,ditCooperavantdefairesigneaubarman.Elledemandaunverredechardonnay,puisdaignaluiaccordersonattention.—Vousêtesenavance,observa-t-elled’unevoixvolontairementdésinvolte.—Jen’aiaucunmérite.J’aiunechambreici,auHarrington.Sagorgesenoua.ElleauraitpréférémettreplusdedistanceentreCooperBrocketellelorsquela
soiréeseraitterminée.Néanmoins,elledemeuraimpassible.Cooperterminasatequilagoldd’untrait.—Bien,Serena.Quevoulez-vousenéchangedesterresdesAlves?Elleémitunpetitrirependantquelebarmanlaservait.—Vousautres,Américains!Toujourstellementabruptsetagressifs!—Jen’aimepasperdremontemps.—Détendez-vous.Vousdevriezêtreplussociable.Elleposalescoudessurlecomptoiretplantasonregarddanslesien.—Découvrezlesgensquevousavezenfacedevous.Apprenezquelquesmotsdeleurlangue.—Jefaisdesaffairesdanslemondeentier.C’estquasimentimpossible.—Alorsnesoyezpassurprissijem’interposedetempsàautredansvosnégociations.
Combiendecontratsdevrait-elleluidéroberpourleplongerdanslaprécaritéqu’elleavaitconnuependant dix ans ? Se débattrait-il un jour contre le même sentiment d’insécurité, la même peurparalysante?
—Jenevouslaisseraipasfaire,coupa-t-il impatiemment.Venons-enaufait.Quevoulez-vousdemoi?
—JeconsensàvouscéderlapropriétédesAlves,déclara-t-elle.Illascrutalonguement,encherchantsansdouteàcomprendrelepiègequ’elleluitendait.—Vousmultipliezleprixparcombien?—Jenel’augmentepas.Elleavaitjouéuninstantavecl’idée,maisl’avaitabandonnée.Mêmesielleaimaitlasécuritéque
luiprocuraitl’argent,ellevoulaitseconcentrersursonobjectifprincipal.—Jeveuxautrechoseàlaplace,reprit-elle.Ilplissalesyeuxd’unairsoupçonneuxpendantqu’ellebuvaittranquillementunegorgéedevin.—Quoi?—LesactionsHarrington.LeriretonitruantdeCooperBrockretentitdansl’atmosphèrefeutrée.—Jamaisdelavie.—Danscecas,nousn’avonsplusrienànousdire.Serenareposasonverreetramassasapochette.Cooperlaretintenl’attrapantparlepoignet.Elleseraiditenluttantdetoutessesforcescontreles
vibrations traîtresses qui l’envahissaient. Heureusement, la colère l’emporta. Il avait la main sur sonbracelet,etcelaluiétaitinsupportable.
—Pourquoipartez-vous?demandaCooperd’unevoixcaressante,presqueintime.Nousvenonsàpeinedecommencernotrediscussion.
—Jenesuispasicipourmarchander,répondit-ellefroidement,imperméableàsoncharme.Jevousaidonnémonprix.
—Pourquoiaccepterais-je?lança-t-il,incrédule.Vousnelisezpaslesjournaux?—Biensûrquesi.Elley consacraitmêmebeaucoupde temps.C’est ainsiqu’elle avait bâti sa fortuneetqu’elle la
préservait.—C’estlepiremomentpourmeséparerdecesactions.LarivalitéquiopposelesChatsfieldaux
Harringtonestàsoncomble.Grâceàlapublicitédesmédias,lesréservationsmontentenflèche,lacotedesHarringtonaussi.
Serenasedégagea,maissapeaucontinuaàlapicoter.—Eneffet.Jetiensàéclaircirtoutdesuitelasituation.Jenesuispasentraindeposerlesbases
d’unenégociation.JevousdissimplementcequejeveuxenéchangedelapropriétédesAlves.—Alorsnotreconversationestterminée.Iln’estpasquestionquejemeséparedemesactions.Coopermitlesmainsdanssespochesetinclinasèchementlatête.—Celaaétéunplaisirdevousvoir,Serena.Commetoujours.Elleseremitàparleraumomentoùiltournalestalons.—J’imaginequevousavezappelévotrepèrecetaprès-midi.Coopers’immobilisaetjetaunregardpar-dessussonépaule.—Evidemment.—IlsesouvientdeFelipeDominguez?—Oui.—Hum…Unsonétranglésortitdesagorge,etelleduts’interrompre.
—Qu’a-t-ildit?CooperBrockrevintsursespas.—Jenepeuxpasrépétersesproposdevantunefemme.Serenalevalesyeuxauciel.Malheureusement,elleenavaitentendudetouteslescouleursdansle
voisinage sordide où elle avait grandi, et les gens n’étaient pas forcément très polis non plus dans lemondedesaffaires.
—Quelleexcusea-t-ildonnéepoursejustifier?UnsourireironiqueétiraleslèvresdeCooper.—Monpèren’estpasdugenreàs’excuser.—Celanemesurprendpas,murmura-t-elle.— Apparemment, ils faisaient équipe pour négocier un contrat à Rio de Janeiro, mais Felipe
Dominguezl’adoublé,etmonpères’estvengé.Certes,lasituationpouvaitserésumerainsi.Toutefois,Coopern’imaginaitpaslestressintolérable
auquelAaronBrock avait soumis Felipe. Le père de Serena n’était pas de taille à supporter pareilleagressivité.Ilavaitpeuàpeuperdutoutesabonhomiepourdevenircrueletdistant.Ellenes’étaitjamaisremiseduchangement.
CooperignoraitégalementtoutdulongdéclinetdessouffrancesdelafamilledeSerena.—AaronBrockadétruittoutcequemonpèrepossédait.—Ilprotégeaitsonbien,rétorquaCooper.—Sanssesoucierdesdommagescollatérauxpourunemèreetsonenfant,lâcha-t-elle.LaragequiavaitaccompagnéSerenatoutaulongdesonenfancerefaisaitsurface.C’estseulement
après le divorce douloureux de ses parents que Serena avait remarqué la fragilité de sa mère,brusquement désertée par son entrain et sa vivacité. Accablée par son propre chagrin, elle avaitmalheureusementperçutroptardlessignesd’unegravedépression.Ensuite,BeatrizDominguezn’avaitplus jamaisété lamême.Serenaavaitparfois l’impressiond’avoir échangé les rôles.Elleveillait surBeatriz avec un sens aigu de ses responsabilités et se reprochait souvent de ne pasmieux s’occuperd’elle.
—Votrepèren’a-t-ilpas trahi sesengagements?demandaCooper.Vousenavezvous-mêmeététémoin.Qu’avez-vousvu?Quevousa-t-ilditdecettehistoire?
Serenacilla.Enfait,onneluiavaitjamaisrienraconté.Cequ’ellesavaitluivenaitdesessouvenirsetdesesrecherches.FelipeDominguez, lechefdefamillecenséprotéger lessiensetsubvenirà leursbesoins,étaitincapabledesemesureràAaronBrock.Serenaadmettaitplusdifficilementsalâchetéquesonéchec.
—Monpèrenem’ajamaisrienexpliqué,dit-elle.Endépitdesesquestionsincessantes,toutlemondeluicachaitlavérité,cequilamettaitenrage.— Mes parents étaient très traditionnels, reprit-elle. Il ne leur serait jamais venu à l’esprit
d’évoquerleursdifficultésfinancièresdevantleurfilleunique.—Ilsvousprotégeaient.Elle s’était beaucoup interrogée. Ne cherchaient-ils pas plutôt à cacher leur honte et leur
impuissance?Ellenes’était jamaissentieà l’abri.Aucontraire,quand ilsavaientbrusquementperduleurmaison,elles’étaitaffolée.Touts’écroulait.Ilsn’avaientplusd’amis,plusdestatutsocial.Quandlatension et les disputes s’étaient aggravées entre ses parents, une terreur sans nom l’avait envahie.L’effondrementdeleurmariagecoïncidaitavecleurruineéconomique.Ensuite,l’équilibreémotionneldeBeatrizavaitvacillé.Serenas’étaitretrouvéeconfrontéeàdesproblèmesinsolubles.
Elles’étaitpromisdeneplusjamaisretomberdansuntelétatd’impuissanceetdeconfusion.Ellenecomptaitplussurlesautrespours’occuperd’elle.C’étaitleseulmoyenpoursurvivre.
—C’étaitdifférent,chezvous?reprit-elle.Vosparentsdiscutaientlibrementaudînerdevantleurfils?
—Laréussitelesobsédait,entoutcas.Serenafronçalessourcils.—Maisilsn’enparlaientpasdevantvous?LeregarddeCoopers’assombrit.—Pourquoimedemandez-vouscela?LemomentétaitvenupourSerenad’utiliserlesarmesqu’ellefourbissaitdepuisdesannées.—Savez-vousquellesorted’hommed’affairesétaitvotrepère?lança-t-elle,lecœurbattant.Que
savez-vousprécisémentd’AaronBrock?
***
Cooperprit le tempsde réfléchir à sa réponse.Ses recherches surSerenaDominguez lui avaientapprisqu’ellen’étaitpasseulementungéniedelafinance.Ruséeettenace,elleétaitcapablededénicherdes informations que des cabinets de juristes payés à prix d’or dissimulaient avec le plus grand soin.Quelsrenseignementspossédait-ellesurl’empireBrock?
—Monpèrepeutêtreaussibienunalliépuissantqu’undangereuxennemi.— C’est une brute impitoyable, répliqua Serena. D’une exigence sans limites. Mon père avait
constammentpeurdenepasêtreàlahauteur,deledécevoir.Coopern’éprouvaitaucuneempathiepourFelipe. Ilavaitsubi lesmêmespressions,maissansse
laisser écraser, lui.Dans cette lutte épuisante pour atteindre la perfection, il avait beaucoup à perdre,maisavaittrouvéenluilesressourcesnécessaires.
—Felipeamanquédeloyautéets’estbrûlélesailes,déclara-t-il,péremptoire.Serenasecoualatêteaveccolère.—C’étaitl’hommeleplusdroitdumonde.Illuisuffisaitd’unepoignéedemainpourconclureun
marché.ToutachangéàpartirdujouroùilarencontréAaronBrock.Cenouvelassocié,quinetoléraitaucunehésitation,aucunefaiblesse,l’acomplètementdétruit.Monpèreestdevenupetitàpetit l’ombredelui-même,unecoquillevide.
Cooperreconnaissaitlesméthodesd’Aaron,qu’ilavaitlui-mêmesubiesdanssonenfance.Maisilnes’enétaitjamaisplaint.Aucontraire,ils’étaitefforcédeprouversavaleuretdesemontrerdignedesespoirsdesonpère.Danssoncombatpourgagnersonrespectetsonaffection,ilavaitparfoiscommisdes actes qu’il avait regrettés par la suite. Et il lui avait fallu beaucoup de temps pour comprendrequ’aucunsuccèsneseraitjamaissuffisantàsesyeux.
Cependant,entantquefilsethéritier,ilassumaitsasuccessionàlatêtedel’empirefamilial.Ilnepermettraitpasquedesrumeursternissentlaréputationdesonpère.
—Felipeétaitblanccommeneige?railla-t-ilensepenchanttoutprèsduvisagedeSerena.Vérifiezvosinformations,majolie.Ilatrahilaconfiancedesonassocié.
—Monpèreaétévictime,maisjeneprétendspasnonplusqu’ilestinnocent.Unelueurféroces’allumadanslesyeuxdeSerena.—Nousavonstousdessquelettescachésaufondd’unplacard,monsieurBrock.Etj’aidécouvert
vossecretslesplushonteux.QuandCooperrecula,parpurréflexe,unsouriretriomphantsepeignitsurlestraitsdeSerena.Que
savait-elle sur lui ? Rien, lui souffla son instinct. Seul JohnHarrington Jr. était au courant. Personned’autre.
—Dequoim’accusez-vous?s’écria-t-ilfurieusement.Jen’airienàcacher.Auneexceptionprès…Quiluiavaitd’ailleursservideleçon.Depuis,ils’étaitressaisi.
Serenapointasurluiunindexaccusateur.—JesaiscommentAaronaconstruitsonempire.—Monpèreestpartiderienetestarrivélàoùilestàlaforcedespoignets,parlesang,lasueuret
leslarmes.—C’estcequeditlalégende,maisc’estfaux.Ilabâtisonempiresurl’extorsion,lechantageetla
corruption.Etj’enailespreuves.
3.
Impossible.Cooper se répéta plusieurs fois les paroles de Serena. Elle ne pouvait pas être aucourantdes irrégularitésqui jalonnaient lacarrièredesonpère.AaronBrockn’aurait jamais laissédetracederrièrelui.SerenaDominguezbluffaitforcément.
Ilfuttentédesaisirledoigtqu’elleagitaitverslui.Ilfallaitluiprouverqu’ellen’étaitpasdetailleàsemesureràlui.
Lemaîtred’hôtelarrivaàcemoment-làpourleurannoncerqueleurtableétaitprête.Réprimantsacolère,Cooperluisutgrédecetteinterruption.Lajeunefemmetentaitsimplementdefairepressionsurlui.Ilsauraitdésamorcercetterusegrossière.
En se dirigeant vers le restaurant, il posamachinalement lamain dans le dos de Serena pour laguider.Aussitôt,lecontactdesapeaunuel’électrisa.Elledutressentirlamêmechose,carelles’écartavivement.
Il remarquaàpeine le superbedécoraux teintesblanchesetbleues.Laconfusiondesespenséestroublaitsessens.Pleind’appréhension,iltentademaîtrisersonagressivité.Telunanimalsauvagequisesentaitattaqué,ilavaitenviederugirpourdéfendresonterritoireetlenomdesafamille.
Ilattenditd’êtreinstallépourreprendreladiscussion,lepluscalmementpossible.— Votre coup de bluff ne marche pas, Serena. Si vous aviez réellement des informations
compromettantes,vouslesauriezrenduespubliques.— Pour quels bénéfices ? répliqua-t-elle distraitement, tout en étudiant la carte. Vous aimez le
caviar?—Serena!lança-t-ilsuruntond’avertissement.Ellelevalesyeux.—Maréussitefinancièren’estpastombéeduciel,déclara-t-elle.Serenseignerestàlaportéede
n’importequi.Encorefaut-ilutiliseràbonescientlerésultatdesesinvestigations.— C’est vrai, acquiesça Cooper. Cela vaut aussi pour les rumeurs sans fondement. Elles se
retournentcontreceuxquilesprennentpourargentcomptant.Ellesouritnonchalamment,commesicelanelaconcernaitpaslemoinsdumonde.—Quesavez-vousexactementdestransactionsdevotrepère?Ilneluidonneraitpasleplaisirderépondredirectement.—Jetravailledansl’entreprisefamilialedepuisplusdedixans.Serenareposalemenuetmitlesdeuxcoudessurlanappeblanche.—Cen’estpascequejevousdemande.J’aiconnaissancedequatrecasoùvotrepèreaenfreintla
loidélibérémentpourécraserlaconcurrence.
Coopers’efforçadenepastrahirsaconsternation.Commentavait-elledécouvertcela?Personnen’était au courant en dehors de son père et lui. Et Cooper était uniquement dans la confidence en saqualitédehautresponsableauseindel’empireBrock.
Ils’agissaitdesrarescirconstancesoùAaronBrock,habituéàrisquergros,avaitfailliperdreunefortune.Auderniermoment,ilavaitréussiinextremisàs’ensortir,auprixd’unsubterfugemalhonnête.
Iln’enéprouvaitaucunremords,etCooperserassuraitcommeilpouvait.Sonpèreétaitunhommevolontaireetdéterminé,que rienn’arrêtait. Ilpartageaitd’ailleursavecsonfilsces traitsdecaractèrequ’ilavaitlargementcontribuéàdévelopperenlui.
Le jour où Aaron, pour l’initier aux affaires, lui avait confié les détails de ses malversations,Cooperenavaitétémalade.Leschoixpaternelsl’effaraient.Ilavaitpeurd’avoirhéritédecettenatureimpitoyable.
Néanmoins, ildésapprouvaitcesméthodeset refusaitdesuivre l’exempledesonpère.Entreeux,c’était un sujet de friction depuis des années. Il n’était pas proche de ses parents, mais se sentaitredevable.Cela l’inquiétait. Jusqu’où irait-il pourmarquer sa fidélité et s’acquitterde sesobligationsfiliales?Jusqu’àenfreindrelaloi?
D’ailleurs, il s’agissait plutôt deprotéger l’empire financier. Il était trèsdifficile dedémêler lesintricationscomplexesdudomainedelafamilleetdelasphèredesaffaires,intimementliés.
Entoutcas,ilétaitdesaresponsabilitédeveillersursonnom,mêmesilesméfaitsdesonpèrelegênaient.Aussinenégligerait-ilaucunemenace.
—Ehbien,puisquevousêtessisûredevous,donnez-moiunexemple,dit-ilàSerena.—Lequelchoisir? répliqua-t-elleen tapotantses lèvresduboutdudoigt.HongKong,peut-être.
D’ailleurs,vousétiezprésent.C’étaitlapremièrefoisquevousmeniezdesnégociations.Vousacheviezvosétudesuniversitaires.
Coopers’ensouvenaitparfaitement.Ilavaitfailliéchoueràcausedumanquedetransparencedesesadversaires.Aaron avait volé à son secours, et il avait découvert à cette occasion combien son pèrepouvaitêtreduretsanspitié.Aprèscela,ilavaitfaitensortedeneplusledécevoir…
— Aaron a conclu la transaction de justesse, en extorquant la signature par des manœuvresd’intimidation.Vouslesaviez?
Cooperl’avaitdécouvertplustard,avecunhorriblesentimentdeculpabilité.Quandilavaitprisconsciencedesméthodesdesonpère,ils’étaitpromisdenepassuivresatrace.
Ilprouveraitqu’onpouvaitêtreinvincibleettout-puissantenrestanthonnête,pardesmoyenshonorables.Ilréussiraitenrespectantlamoraleetlalégalité.
—Jeseraiscurieuxdevoirquellespreuvesvousdétenezdecequevousavancez,dit-ilenfin.—Jenevoyagepasavec!Ellessontàl’abri,trèsloind’ici.Avait-elle réellement mis la main sur les documents originaux ? L’effroi s’empara de Cooper.
C’étaitpirequecequ’ilimaginait.—Depuisquandvousintéressez-vousàceshistoires?—Cenesontpasdeshistoires,maisdesfaits,rectifia-t-elle.—Depuisquand?répéta-t-il.Ellehaussalesépaulescommesicelan’avaitaucuneimportance.—Quelquesannées.C’étaitdéjàmonhobbypendantmonadolescence.Un hobby ? médita Cooper. Curieuse occupation pour une jeune fille… A cet âge-là, on se
passionnaitpourleshoppingetlessoirées.Onnepassaitpassontempsàamasserdespreuvescontreunepuissantemultinationale.
Serenaredressalementond’unairdedéfi,commesielledevinaitsespensées.—Malgrétout,jeconsensàgarderlesilenceenéchangedesactionsHarrington.—Jen’ycroispas.
—Aquoi?Auxpreuvesouàmapromessedenepaslesutiliser?Aux deux.C’était absurde. Pourquoi aurait-elle consacré tant d’années àmonter un dossier pour
finalementnepass’enservir?Certes,lesactionsHarringtonreprésentaientbeaucoupd’argent,maiscelasuffisait-ilàabandonnerunprojetdevengeanceourdidepuissilongtemps?
Detoutefaçon,ilnepouvaitpasacceptercemarché.Poursaprotectionpersonnelle,ilétaitobligéde conserver ces actions. Cooper avait beau jouir d’une réputation exemplaire dans le monde desaffaires, il avait lui aussi quelque chose à cacher. Sa première négociation en solo avec JohnHarringtonJr.n’étaitpasàsonhonneur.
Ilavaitencorehonteduprocédéqu’ilavaitutilisé.Anxieuxdefairesespreuvesetdemontreraumondeentierqu’iln’avaitpasbesoindunomdesonpèrenidesoninfluencepourréussir,ilavaitcommisundélitd’initié.JohnJr.luiavaitimprudemmentconfiédesrenseignementsd’ordrestrictementprivé,etils’en était servi pour faire des débuts fracassants dans l’univers de la finance. Il s’était ainsi créé uneimagedelégende.SeulJohnJr.connaissaitlavérité.
Si ce dernier s’avisait de divulguer les faits, la réputation de Cooper serait définitivementcompromise.Parchance,dansuntournoidepoker,ilavaitgagnélesfameusesactionsquiluipermettaientderéduireJohnausilence.C’étaitunformidablemoyendepression.Uneassuranceinespérée.
—Jeveuxd’abordvoircesprétenduespreuves,déclara-t-il.Serenalefoudroyaduregard.—Cequejeviensdevousdirenevoussuffitpas?Jen’airieninventé.—Vousvouscontentezdecolporterdesrumeurs.Jenecéderaipasauchantage.—Celaprendraittropdetempsdefaireexpédiercespapiersjusqu’ici.Cooperpenchalatêtesurlecôté.—Vousêtespressée?—Oui.Ellepinçaleslèvres.—Sivousnemedonnezpasvotreaccordd’icilafindelasemaine,jecontacterailapressepour
publierlesinformationsquejepossède.Diable.Ilnepouvaitpasautoriserunechosepareille.Ilfallaitlarameneràlaraison,etpourcela
l’amadoueretgagnersasympathie.Celarequéraitunchangementdetactique.—Serena,nouspouvonscertainementtrouverunarrangementsatisfaisant.Illuipritlamainetcaressadoucementl’intérieurdesonpoignet.Ensentantsonpoulss’accélérer,
ilscrutasonexpression.Unplaisirfugaces’allumaaufonddesesyeux,maiselleluiarrachavitesamaincommesisoncontactlabrûlait.
Au cours du derniermois, jusqu’à cette nouvelle rencontre au Portugal, SerenaDominguez avaitprudemment décliné toutes les propositions de Cooper, refusant dédaigneusement son badinage et sesinvitationsàflirter.Maisellenepouvaitpascacherlesréactionsdesoncorps.Malgréelle,seslèvress’entrouvrirent,etlerougeluimontaauxjoues.
—Vousn’arriverezpasàm’enjôlerpourmefairechangerd’avis,l’avertit-elle.Sûrducontraire,ilesquissaunsourireconfiantetnonchalant.L’excitationdelaconquêtes’empara
delui.Mêmesielles’endéfendait,SerenaDominguezéprouvaituneviveattirancepourlui.Ilvenaitdedécouvrirsonpointfaible.
Malheureusement,cettefaiblesseétaitréciproque.Physiquement,elleluiplaisaitbeaucoup,etilserendaitcomptetroptardqu’elleseposaitenadversaire.Cependant,ilnedoutaitpasdelacirconvenir.Ilsavaitjoueraveclefeu.Serenaseraitbientôtdanssonlit,horsd’étatdenuire.
***
Serenan’aimaitpasdutoutcesouriredeséducteurquilatroublaitmalgréelle.Maîtrisantlachaleurquicoulaitdanssesveines,ellecroisalesmainssursesgenouxencaressantdistraitementl’intérieurdesonpoignet.
D’où Cooper tenait-il l’étrange pouvoir qu’il avait sur elle ? Lui suffisait-il de la toucher poursemerlaconfusiondanssespensées?C’étaitabsurde.Elleauraitdûfrémird’horreuràl’idéedepactiseravecunBrock.
D’ailleurs,SerenaDomingueznepermettraitjamaisàaucunhommedeladominer,financièrement,physiquement ou émotionnellement. Sa mère avait trop souffert des choix capricieux de son père quidécidaitdetout.Serenanecomprenaitpasqu’unefemmerenonceainsiaucontrôledesavie.
QuandCoopersepenchaenavant,elleplaqualittéralementsondoscontresachaisepours’écarterlepluspossible.
— Est-ce la raison pour laquelle vous m’évitez depuis un mois ? demanda Cooper d’une voixrauque.Parcequevousmeconsidérezcommeunennemi?
—Malheureusementpourmoi,vousmeharcelez,répliqua-t-elleavecirritation.—Vousrepousseztoutesmesinvitations.—Vousêtesbeaucouptropinsistant.Cooper était resté convenable et courtois, mais elle devinait une faim insatiable sous le vernis
d’hommecivilisé.MalgrélesrefusrépétésdeSerena,ilnesedécourageaitpas.Entreeux,c’étaitdevenuuneespècedejeu.
Parfois, elle avait presque envie de céder à ses avances pour vivre une folle aventure sanslendemain, en oubliant sa vengeance. Cela l’aiderait peut-être à se purger des sombres émotions quil’étouffaient. Pourquoi ne pas explorer l’attirance physique qui la poussait vers Cooper ? Un peu deplaisirnepouvaitpasluifairedemal…
Dans cesmoments, elle comprenait que Cooper Brock était dangereux. Jamais, avant de l’avoirrencontré, elle n’aurait imaginé abandonner le projet qui lui tenait à cœur depuis si longtemps. Celal’inquiétait. Que se passait-il ? Le désir que Cooper lui inspirait était-il assez fort pour menacerl’exécutiondesonplan?
Ilposalementonsursamain.—Pourquoin’avez-vouspasaccepté?Serenafronçalessourcils.L’arrogancedecethommedépassaitlesbornes.—Vousnem’intéressezpas.—C’estfaux.Nousnoussommespludèslepremierinstant.Ellesetutenseremémorantleurrencontre.C’étaitl’unedesraresoccasionsdesavieoùelleavait
suivisoninstinctsanssesoucierdesconséquences.Depuis,ellenecessaitdeleregretter.ApprenantqueCooperBrockétaitàLondrespourprésiderungala,elleavaitdécidédes’yrendre
pourl’étudierdeloin.Maisriennes’étaitdéroulécommeprévu.Ill’avaitremarquéedèssonentréedanslasalledebal.
—Pourquoiassistiez-vousàcetteréception?demandaCooperavecunpetitsourireencoin.Pourmerencontrer?Jevousfascinaisdéjàaupointquevousaviezenviedemevoirenchairetenos?
Coopern’étaitpasloindelavérité.Elleétaitimpressionnéeparsaréputationetsesactionsd’éclat.Enserendantaugala,elleespéraitpresqueêtredéçue,maisilpossédaitdesqualitésindéniablesetuncharismeextraordinaire.
—J’étaisvenueapportermonsoutienàvotrecause,déclara-t-elled’untonpincé.—C’est-à-dire?questionna-t-ilavecsonaccentdusuddesEtats-Unis,incroyablementsexy.Incapable de se rappeler le thème de la soirée, elle perdit pied. Son embarras n’échappa pas à
Cooper.
— Je ne sais plus, répondit-elle d’un ton évasif. J’ai participé à tellement d’événements cesdernierstemps…
—Moi,j’aiunebonnemémoire.Voscheveuxétaienttirésenunchignonsévère,etvousportiezunerobebleumarine.
Ellesursautadesurprise.—Comment…Pourquoivoussouvenez-vousdecela?EllegardaitelleaussiuneimagetrèsprécisedeCooper,avecsonsmokingdegrandcouturieretla
barbedetroisjoursquiombraitsesjoues…—Vousétiezhabilléecommeunenonne,reprit-il.Ilsecoualatêteavecunsourire.—Promettez-moideneplusjamaislaporter.Brûlez-la.Serenapinçaleslèvres.Pourcegalacaritatif,elleavaitchoisidélibérémentunetenuestricte,sans
bijouxettrèspeudemaquillage.—Jevoulaispasserinaperçue,expliqua-t-elle.Elle voulait rester dans l’ombre pour observer Cooper Brock à son aise, pendant qu’il évoluait
parmisespairs,lestitansdel’économiemondiale.Maisill’avaitremarquéedèsqu’elleétaitapparue.L’espaced’uneseconde,ils’étaitinterrompuet
avait accusé lechoc.Elle se souvenaitde l’impactqu’elleavait ressentiquand leurs regards s’étaientcroisés.Uneconnexionmystérieuses’étaitinstantanémentétablieentreeux,effrayante,maisterriblementexcitanteenmêmetemps.Serenaavaitl’habitudedeplaire,maisjamaisaucunhommeneluiavaitdonnéenviederendrelesarmes.
Elleavait failli tourner les talonspours’enfuir.Maiscelaauraitétépeineperdue.CooperBrockl’aurait poursuivie. Et elle se serait peut-être laissé rattraper… Cette pensée l’avait obligée à seressaisir.Elleétaitrestéepourl’affronter.
CooperBrocksavaitmaintenantqu’elleavaitlepouvoirdeledétruire,maisilladésiraittoujours…Néanmoins, cela ne durerait pas. Il n’avait pas encore pleinement conscience du danger qu’ellereprésentait.Ilcesseraitdeladévorerdesyeuxquandilcomprendraitqu’elleirait jusqu’aubout!Carelleétaitfermementrésolue.Ellesemoquaitéperdumentderespectersapromesse.UnefoislesactionsHarringtonempochées,elleproclameraitàlafacedumondelavéritésurAaronBrock!
Elle n’avait aucune intention de céder à l’attirance qu’elle éprouvait. Elle allait s’amuser avecCooperpourluimontrercequ’onressentaitquandonperdaittout.Elleécraseraitl’empireBrockdelamêmefaçonqu’ilsavaientanéantil’entreprisedesonpère.
Ensuite,elleéconduiraitCooperetreprendraitlecoursdesonexistence.
4.
Uneheureplustard,SerenareposasatassedecaféenfoudroyantCooperduregard.—C’estàmoidepayer.Vousêtesmoninvité.Coopersignalanotesansleverlesyeux.—Inutiledemerépéter.Jevousaidéjàdonnémonpointdevue.Ilneplaisantaitpaslorsqu’ilavaitdéfendudesopinionstrèsconventionnelles.Pourlui,c’était le
rôle de l’homme de régler l’addition. Elle finit par capituler de mauvaise grâce. Jamais elle n’avaitrencontréquelqu’und’aussientêté.
Au cours du repas, Cooper avait constamment exprimé des idées bien arrêtées. Plusieurs fois,Serenas’étaitsurpriseàdouterdusuccèsdesonentreprise.S’ilétaitconvaincuquesonpèren’avaitrienfait demal, accepterait-il lemarchéqu’elle luiproposait ?Pour lapremière foisdepuisqu’elle avaitsuggérésonprojetàSpencerChatsfield,Serenan’étaitplussûredesastratégie.
Pourtant, son plan devait marcher. Il le fallait. Absolument. Dans le cas contraire, elle n’osaitimaginer lesdésastreuses répercussions financières…Elle réprimaunmouvementdepanique.Tout sepasseraitcommeprévu.EllesavaitcequelesterresdesAlvesreprésentaientpourCooper,sonambitionultimederéussirlàoùsonpèreavaitéchoué.
Elle avait soigneusement choisi sonmoment pour sortir de l’ombre et semesurer à lui.De toutemanière,ilétaittroptardpourreculer.
—Nousyallons?demanda-t-ilenfaisantletourdelatablepourluitenirsachaise.Elleselevaàcontrecœur.ElleavaitéprouvéunplaisirperversàdîneravecCooper,unpeucomme
siellejouaitauxéchecscontreungrandmaître.Ilavaitl’espritvif,etsaconversationétaitbrillante.Enplus,ilétaitdrôleetpercutant.Ellen’avaitpasl’habitudederencontrerdeshommesaussiintéressants,àsahauteur.
Manifestement,ilavaitchangédetactiqueetusaitmaintenantdesonsex-appealetdesavirilitépourvaincresarésistance.Cepariétaitunpeurisquésil’onconsidéraitqu’ellerepoussaitsesavancesdepuisplusieurssemaines.
Croyait-ilparvenirà lui tourner la têteavecsoncharmeetàgagnersasympathie?Ilpéchaitparexcèsdeconfianceenlui.Ellen’auraitaucunedifficultéàluiassénerlecoupdegrâce.
Elle avait appris à être impitoyable. La colère alimentait son énergie. C’était ainsi qu’elle étaitsortiedelapauvreté.
Cooperrejetalatêteenarrièrepourhumerl’airfrais.—Marchonsunpeusurlaplage,suggéra-t-il.Unepromenadeauclairdelune?Aulieudes’esclaffer,Serenahochalatête.Curieusededécouvrir
cequ’illuiréservait,elleôtasestalonsaiguilles,maisgardaprudemmentsesdistances.
Le sable était doux et frais sous ses pieds. Elle se laissa bercer par le bruit des vagues quis’écrasaientsurlerivageàunrythmerégulieretparlebruissementdespalmierssouslabrise.Danssonenfance,ellepassaitsouventleweek-endauborddelameravecsesparents.Elleavaitvécuintensémentcesmomentsdebonheur,emplisd’amouretderires.
Elle avait perdu depuis longtemps cette belle insouciance et ne se souvenait même pas de ladernièrefoisqu’elleavaitpasséunesoiréeseuleavecunhomme…
Dévouéecorpsetâmeàsaréussiteprofessionnellepourassurersaprotectionetcelledesafamille,elle n’avait tout simplement pas de temps à consacrer à sa vie sentimentale. Pendant qu’autour d’elletoutessesamiesallaientdel’avantetsemariaient,ellesereplongeaitdanslepasséafind’enquêtersurl’empireBrocketorganisersondémantèlement.
Elle avait dû opérer un réajustement et se concentrer sur sa nouvelle cible, Cooper Brock, lesuccesseurd’Aaron.Malheureusement,ilétaitloind’êtreaussiantipathiquequesonpèreetpossédaitenoutreune intelligenceetune ténacitéqui forçaient l’admiration.Contrairement à songéniteur, il savaitaussisurmontersesdéceptionsetencaisserl’échecsansabuserdesonpouvoir.
Peut-êtren’avait-ilpasbesoind’enfreindre la loipour labonneetsimpleraisonqu’AaronBrockavaitdéjàmislesmainsdanslecambouisetqueCooperenrécoltait lesbénéficesentoutequiétude…Néanmoins,ilconnaîtraitbientôtlesaffresdelafaillite.Ilsombreraitdanslaruine,lapeuretlasolitudesanspouvoirréagir.
Tantpiss’ilneseremettaitpasdecereversdefortune.Elles’enmoquaitroyalement.Aprèstout,personnenes’étaitsouciédesavoircomment,pauvretémoinimpuissantetsansvoix,elleavaitsurvécuàladéchéancedesaproprefamille.
D’ici lafindelasemaine, lesBrocksesouviendraientdesonnom.Savengeanceluiauraitcoûtéuneénergieconsidérable,deseffortsépuisants,maiselleétaitpresqueaubout.Bientôt,ellepourraitsedétendreet…
Ellefronçalessourcils,incapabledeterminersaphrase.Queferait-elleensuite?Avraidire,ellen’ensavaitstrictementrien.Qu’est-cequiluidonneraitenviedeseleverlematin?Commenttrouverait-ellelebonheurquiluiavaitéchappéjusque-là?
—Vousêtesbiensilencieuse,ditCooperenenfouissantsesmainsdanssespoches.Vousêtesencoreentraindecomploteràmaperte?
Sontonmalicieux,insouciant,l’irrita.Ilnelaprenaitdoncpasausérieux.—Nevousmoquezpasdemoi,lança-t-elleavecunesécheressequilasurpritelle-même.Ceserait
uneerreurgrossière.Ils’arrêtapourlaregarder,enchoisissantsoigneusementsesmotsavantdeluirépondre.—Jecomprendsquevousayezàcœurcequis’estpassé.Maisauboutdequatorzeans,mêmesila
vengeanceestunplatquisemangefroid,ilestpeut-êtretempsdetournerlapage.Il se trompait. Les événements terribles qui s’étaient produits avaient forgé son tempérament et
alluméenelleunfeuquines’éteindraitpassifacilement.—Vousn’avezpasmanquéd’occasionspourdivulguervosprétenduespreuves,poursuivitCooper.
Pourquoiavoirattendu?Elleregrettaitparfoisd’avoir tant tardé.Mais,avant,ellenesesentaitpas toutà faitprête. Il lui
manquaitdesrenseignements,etellen’avaitpaslecouraged’affronterseulelegéantquiétaitsonennemi.Personnenelasoutenait.Traumatisés,sesparentsavaienttroppeurpourl’encourager.
— Je ne peux pas me permettre votre insouciance, répliqua-t-elle en serrant sa pochette et seschaussurescontreelle.Sij’aifaitfortune,c’estgrâceàmontempéramentméthodique.
—Maispasdiabolique!—Vousn’ensavezrien…Illadévisageaenplissantlesyeux.
—Voussavezcequejecrois?—Non,maisjemeursd’enviedel’apprendre.Quandilserapprocha, touslesmusclesdeSerenasetendirent.Fuiroucombattre,quechoisirait-
elles’ilposaitlamainsurelle?—Soit vous n’avez aucune preuve, ditCooper doucement. Soit vous n’avez pas l’instinct d’une
vraietueuse.Serenadétournavivement la tête.Pourquoi la provoquait-il ?Elle nedesserrerait pas les griffes
aussifacilement.—Vousmisezsurmafaiblesseparcequejesuisunefemme?—Pasdutout.Certainesdevoscongénèressontdedangereusesvengeresses.Probablementdesex-maîtresses,songea-t-elle.—Maislavengeancequevouspoursuivezestobsolète,continua-t-il.Obsolète?Sesjambesfléchirentsoudainementsouslepoidsdelarageetdel’amertume.—Votrecolèreétaitdirigéecontremonpère,àmauvaisescientd’ailleurs,maisils’estretirédes
affairesavantquevousnepassiezàl’action.—Amauvaisescient?répéta-t-elleentremblant,sidéréeparsonarrogance.—Maintenantvouschangezdecible,maiscelan’aplusaucunsens,poursuivitCoopercommesi
ellenel’avaitpasinterrompu.Jen’aijamaisrienfaitàvotrefamille.— Vous avez bénéficié des crimes commis par votre père, lança-t-elle furieusement. Vous avez
grandidansleluxeetprofitéd’opportunitésquevousneméritiezpas.Vousavezacceptécommeundûlameilleureéducation,dansdes lycéesetdesuniversitésprestigieux, sans jamaisdouterdevotreavenirradieux.Mondestinauraitdûêtrelemême,maisvotrepèremel’avolé.
Coopersecoualatête.—Vousvoustrompez.C’estvotrepèreàvousquivousenaprivée.Serenainspiraprofondément.—Commentosez-vous?—Ilvousavolévosrêvesetvotresécuritéquandilatrahisonassocié.C’estcontreluiquevous
devriezdirigervotrecolère.Ilne fallaitplusécouterCooperdéverser sonpoison.Pourtant, àuneépoque, elleavaitpensé la
mêmechose.Elleenvoulaitàsonpèred’avoirétédéloyalentrahissantAaronBrock.Pourquoin’avait-ilpaseulecrandes’opposerouvertementàlui?
Maisellenes’étaitconfiéeàpersonne.Sonpèreétaittropfragile,écraséparlahonteetleremords.SiFelipeDominguezavaitsoupçonnécequesafillepensaitdelui,ilnes’enseraitpasremis.
—Aaronadépassélesbornes,objecta-t-elle.Ilnes’estpascontentéd’infligerdesreprésailles.Iladépouilléentièrementmonpère,quineméritaitpasunetellepunition.
—Pourquoin’a-t-ilpasréagi?rétorquaCooper.Unhommedignedecenomn’envoiepassafillesebattreàsaplace!
Serenaréprimal’enviedeluijeterseschaussuresàlafigure.—Jevousinterdisdeparlerdemonpèredecettefaçon.—Ilestadulteetresponsable.Cen’estpasàvousdeleprotéger.—Si!s’écriaSerenasansréfléchir.Elleregrettaaussitôtcetélandesincérité.LesBrockn’avaientpasbesoindesavoiràquelpointses
parentsétaientsansdéfense.—Pourquoinelivre-t-ilpassespropresbatailles?insistaCooper.— Il a d’autres qualités, déclara-t-elle en s’efforçant de restaurer une image positive. Il est très
appréciépoursacourtoisieetsonaffabilité.—Ilestàlaretraite,n’est-cepas?
—Pasdutout!serécria-t-elle.Ilesttoujoursenactivité.Malheureusement, les affaires de Felipe Dominguez n’étaient pas très florissantes… Les
investisseursneluifaisaientplusconfiance.—Vousl’aidezbeaucoupfinancièrement.Serena redressa fièrement lementon.CooperBrock avait sur les rôlesmasculins et fémininsdes
vuestrèsconventionnelles,quidataientd’uneautreépoque.—Iln’yaaucunmalàprendresoindesafamille.—Etvous,quis’occupedevous?Personne.Detoutemanière,Serenan’avaitconfianceenpersonneetn’auraitpasacceptédel’aide.
Ellenevoulaitcompterquesurelle-même.—Jesuistrèsjalousedemonindépendance,qu’ilm’abienfalluconquérirquandAaronadétruit
monunivers.—Arrêtezde l’accuser.Felipeaurait finipar faire faillitede toute façon.Monpèrea seulement
accéléréleprocessus.—Vousnesavezpasdequoivousparlez,lançaSerenarageusement.—Felipen’apasl’étoffed’unhommed’affaires,vousl’avezreconnuvous-mêmeàdemi-mot.Dans
cemondederequins,ilfautautrechosequedelacourtoisieetdel’affabilitépourréussir.Iln’amêmepaseulecouragedesebattre.
—Iln’arienfaitd’illégal,entoutcas.— C’est vrai, admit Cooper. Malgré tout, son manque de rigueur et de lucidité est tout aussi
condamnabled’unpointdevuemoral.Sonentrepriseallaits’effondrercommeunchâteaudecartes,etilrefusaitdeserendreàl’évidenceenespéranttoujoursqu’uncontratmiraculeuxlesauveraitdudésastre.Jem’étonnequemonpèren’aitrienvu.Ils’estsansdoutelaisséabuserparlecôtédébonnairedeFelipe.
SerenaétaitsurpriseparlaclairvoyancedeCooper,quiavaitparfaitementcernélapersonnalitédesonpère.FelipeDominguezcroyaittoujoursquelachanceallaitenfinluisourire,mêmedanslespirescirconstances.Le jour où elle avait compris cela, elle avait cessé de compter sur lui. L’innocence del’enfancel’avaitdésertéeàcemoment-là.
Coopersoupira.—Etvotremèreauraitunjouroul’autrequittéFelipepourquelqu’undeplusriche.Serenaaccusalechoc.—Mamèren’estpasuneaventurière.Beatriz,quipréféraitlasécuritéàl’amour,avaitbesoindesesentiràl’abriauprèsd’unprotecteur
puissantetprospère.PourSerena,iln’yavaitpaspireerreurquededépendred’unhomme.Coopercroisalesbras.—EllevitàLondres,n’est-cepas?Quefait-elle?demanda-t-ilnonchalamment.Beatriz Dominguez avait une relation avec un gentleman fortuné, beaucoup plus âgé qu’elle…
Autrementdit,c’étaitunefemmeentretenue.MêmesiSerenan’approuvaitpasleschoixdesamère,ellenesupportaitpasletonméprisantdeCooper.
—Çasuffit,cow-boy!Vouspensezqu’AaronBrockn’arienàvoiravecladisgrâcedemonpèreetquemavieauraitdetoutefaçonmaltourné.C’estvotrepointdevue,maisjenelepartagepas.
—Jecroisaussiquevousavez tortde faireune fixationsurunévénementdupasséquevousnepouvezpaschanger.
Serenaignoracetteremarquequ’elleavaitdéjàentenduemaintesfois.Personnenelacomprenait.Pourtant,sielleréussissaitàsemontrerplusfortequelesBrock,ellen’auraitplusrienàcraindre.Sielleaffrontaitvictorieusementleclanquil’avaitplongéedanscecauchemar,ellepourraitconquérirlemondeentier.
—Vosparents,eux,nesesontpasrévoltésetontenterrécettevieillehistoire, remarquaCooper.Pourquoinepaslesimiter?
—Ilsétaienttropoccupésàsurvivrepoursongeràriposter.Serenajetauncoupd’œilà l’hôtelpar-dessussonépaule.Elleavaitenviedes’enfuirencourant
pourregagnersachambreleplusvitepossible.—Non.Cen’estpaslabonneexplication.Vousvousraccrochezàcette idéedevengeanceparce
quec’estvotrenature.Vousêtesunefemmepassionnée.Simplement,vousvoustrompezd’objet.—Vousnemeconnaissezpas.—Cettepassionm’afrappédèsquejevousaivue.C’estcequim’aattiréchezvous.—C’estridicule.—Vousirradiezlapassion.—Plutôtlarage!—Maisvousenavezpeur,poursuivit-il.—Pasdutout!Enserendantcomptequ’ellecriaitpresque,elleessayadesedominer.—Lavengeancequivousconsumedepuisdesannéesnesuffirapasàvouslibérer.Elletressaillitquandillapritparlataille.—Vousdevriezconcentrervotreénergiesurmoi,suggéra-t-il.—C’estcequejefais!murmura-t-elle,lesdentsserrées.—J’ensuishonoréetravi,répliqua-t-il,ironique.Sesdoigtsremontèrentlentementlelongdesondos,etellefrissonnadeplaisir.—Vous ne pouvez pas nier l’attirance qui nous rapproche, reprit-il. Je peux voir la flamme qui
brilleaufonddevosyeux.J’aienviede…—Medompter?Dansvosrêves!s’écria-t-elle.Elleessayadesedégager,maisilraffermitsonétreinte.— Nous serions si bien ensemble, susurra-t-il en penchant la tête. Pourquoi refusez-vous cette
évidence?LesparolesdeCooperrecelaientunfonddevérité.Serenaauraitvolontiersvécuuneaventureavec
lui,mêmetrèsbrève.Maissonprojetleluiinterdisait.—Votre désir de vengeance est en train de vous détruire, chuchota Cooper.Mais vous avez le
pouvoirdetoutarrêter.Ellen’enétaitpascertaine.Ilpressalabouchecontresonoreille.—Laissez-vousaller.Justement, Serena ne voulait pas lâcher prise. Que lui resterait-il si elle abandonnait ce qui
l’occupaittoutentièredepuisquatorzeans?Denouveau,elletentadesedégager.—Lâchez-moi.Jenemelaisseraipasséduireparmonennemi.—Vousvoustrompez.Jenesuispasvotreennemi.D’ailleurs,vousnevoulezpasvraimentmefaire
demal.Vousavezenvied’êtreavecmoi.—Vousplaisantez?Elles’écartabrusquementetfutpresquesurprisequ’ilnelaretiennepas.—Jen’aiaucuneenviedecoucheravecvous,monsieurBrock.Iléclataderire.—Vousêtesbiencérémonieuse,toutàcoup!Appelez-moiCooper,jevousenprie.Etvousmentez.
Vousmourezd’enviedecoucheravecmoiaucontraire.Vousnedevriezpasavoirpeur.—Vousnemeconvaincrezpas.
—Moi,jevousdésiredepuislepremierjour.Ellereculadeplusieurspas.—Arrêtez. Rappelez-vous, je veux récupérer les actions Harrington et j’ai lesmoyens de vous
détruire,d’anéantirvotreempire.LeregarddeCoopers’assombrit.—Vosmenacesn’ychangerontrien.—Nousverronsbien.—Nouspouvonscertainementtrouveruncompromissatisfaisantpourchacundenous,proposa-t-il.Dequoiparlait-il?Iln’étaitpasquestiondecéderunpoucede terrain.Elleavait tropsouffertà
causedesBrock.Cethommeétaitdangereux.Ilavaitfailliladétournerdesonobjectifavecsesbeauxdiscours.Elletournalestalonspourrentreràl’hôtel.—Jevousaiassezécouté,lança-t-ellepar-dessussonépaule.Vousavezjusqu’àdemainsoirpour
accepterlaproposition.Sinon,jepublierailesinformationsquejepossèdesurvotrepère.
5.
Cooper traversa àgrandspas le spa luxueux,presquevide à cetteheurematinale.Ledécord’unblancimmaculé,censécréeruneatmosphèrerelaxante,n’apaisaitenriensanervosité.ToutessespenséesétaientconcentréessurSerena.Cettepetiteprincessecapricieuseneluidicteraitpassaconduite!
Ilpassadevantlesaunasanss’arrêter.SiSerenaDominguezcroyaitl’éviterenpassantlajournéeici,ellesetrompait.
Ilavaitcouruuneheureetdemieauborddel’océan,maissonjoggingn’avaitpastempérésacolère.Ilrefusaitd’attendrepluslongtemps.IldevaitparleràSerenaetluifaireentendreraison.
Satentativeseraitpeut-êtreunéchec,maiscelavalaitlapeined’essayer.Ilconnaissaitcegenredejeunesfemmestropgâtées,souventdésœuvrées,quiavaientbesoindesefaireremarquerpourexister.Sionleslaissaitfaire,ellesdevenaientdangereuses.
Ilavaitpourtantessayédelacomprendre,cequin’étaitpasdansseshabitudes.Normalement,lessolidesargumentsqu’ilavaitavancéspendant leurpromenadenocturneauraientdû laconvaincre.Elledevaitabandonnercetteidéedevengeancequiluigâchaitlavie.Nonseulementcelanechangeraitrienaupassé,maisellen’entireraitqu’unesatisfactionpassagère.
Entoutcas,siSerenaDominguezcroyaitacculerunBrockauchantage,ellefaisaitfausseroute.Coopers’arrêtadevantlaporteblanchedel’aromathérapie.Ilrespiraplusieursfoislentementpour
semaîtriser.Ilnedevaitsurtoutpassemontreragressif.Si son adversaire avait été un homme, il se serait comporté différemment.Mais, face à la jeune
Brésiliennequiusaitdesabeautéetdesaféminitépourparveniràsesfins,ilfallaitutiliserlesarmesquiconvenaient.Ellesuccomberaitfatalementàsoncharmemasculin.
S’il la contrariait, elle risquait de suivre son caprice. Cooper serra les poings en imaginant lesconséquences. Serena Dominguez ruinerait non seulement sa famille et son empire, mais détruiraitégalement la vie des nombreux employés qui dépendaient d’eux. Conscient de ses responsabilités,Coopersedevaitd’éviterpareildésastre.
Evidemment,lapetiteprincessenepensaitpasàtouscesinnocents.Centréesurelle-même,ellenevoyaitpasplusloinqueleboutdesonnez.
Cooperlissasacravateetboutonnasaveste.Serenaavaitbesoindegrandiretdedécouvrirquelemondenetournaitpasautourd’elle.Ilseferaitunplaisirdeluidonneruneleçonetdeluiremettrelesidéesenplace.
Ilouvritlaporteetpénétraàl’intérieurd’unepièceembuée,oùildistinguapeuàpeuSerenadansunbaindepétalesderoseécarlates.Ellesursautaviolemmentàsavue.
—Encorevous!Sortez.
Avecsescheveuxrelevésenchignonausommetdesatête,sapeauhumideetl’aréolesombredesesseins qu’on devinait sous la surface de l’eau, elle était irrésistible. Transpercé par un désir sauvage,Cooperhumaavecdélice l’airchargédeparfum.Désormais, ilneverraitplusune rosesanspenseràSerena.
—Vousavezbesoindevousdétendre?demanda-t-ilenrefermantlaporte.Celanem’étonnepas.Cen’estpastouslesjoursqu’ons’attaqueàungroupefinancierquicoteplusieursmilliardsenBourse.Tantdechosespeuventdéraper…Ilfautgarderlatêtefroide.
—Vousm’avezentendue?Allez-vous-en!Coopersecontentadecroiserlesbrasavecnonchalance.—Jevouspréviens,Cooper,sivousrestez,jehurle.Elletapadansl’eau,etlespétalestournoyèrentautourdesoncorps.Fasciné,Coopercontinuaàla
contemplersansbouger.—Iln’yapersonnedanslecouloir.Toutlemondepensequej’aiunrendez-vouscoquinavecvous.Ilavaitétéétonnammentfaciledeconvaincrelesemployées.Sonargentl’avaitaidé,biensûr,mais
aussilefaitquetoutlemonde,àl’hôtel,croyaitqu’ilvivaituneaventuretorrideavecSerena.—Nevousinquiétezpas,jeveuxjustediscuteravecvous.Ellelefoudroyaduregard.—Jenevousaipasinvité.Ilhaussalesépaules.—Sivousvoulezvousdébarrasserdemoi,ilfaudralefairemanumilitari.—Vousnem’impressionnezpas!Cen’estpasparcequevousêtesgrandetmuscléquejenevais
pasvousjeterdehors.JamaisCooper ne s’imposerait par la force à une femme.Mais il valaitmieux laisser planer un
doute. Apparemment, Serena n’était pas gênée par sa nudité. Elle avait l’habitude de jouer de sonphysique, avec des robes décolletées ou fendues sur le côté.Mais oserait-elle sortir du bain en tenued’Eve?
Ilselaissaitdenouveaudistraire…—Nousdevonsparler.—Ici?Maintenant?Elleaccompagnasesquestionsd’ungesteéloquent,etilsuivitsonregard.Lajonchéedepétalesde
roseflottantàlasurfacedévoilaitàdemisescourbesgénéreuses.—Celavousposeunproblème?—Pasvraiment,répondit-ellesurlemêmetondésinvolte,ens’accoudantauborddelabaignoire.
Maisnevousavisezpasdemerejoindre!Il imagina la scène. Il sedéshabillait sous le regardbrûlant deSerena et s’agenouillait entre ses
jambestandisqu’elles’offraitàlui…—Qu’ya-t-ildesiurgentpourquevousmedérangiezàcetteheurematinale?LavoixdeSerenaletiradesarêverie.—SupposonsquejerefusedevouslivrerlesactionsHarrington…Comme il ne voulait pas s’en séparer, il cherchait une alternative à la situation qui semblait
insoluble.Soit ildéfendait sonpèreen lescédant, soit il lesgardaitpour seprotéger, lui, contre JohnHarringtonJr.Danslesdeuxcas,l’empireBrockenpâtirait.
—Vouspublierezlesdocumentsquevousprétendezpossédersurmonpère,reprit-il.Etalors?Unelueurfroide,venimeuse,brilladanslesyeuxdeSerena.Finalement,elleétaitpeut-êtrecapable
decruauté…—AaronBrocknes’enremettrapas,affirma-t-elle.Ilserajetéenpâtureauxrequins.Ceseraun
carnage.Toutlemondeseligueracontrelui,lapresse,lajustice,sesrelations…
Ellecontinuaàdéroulerlescénarioavecunsourirenarquois.—Sansoublierlescharognardsquis’acharnerontsurlui.Sesanciensamisletrahiront.Coopern’avaitaucundoutelà-dessus.Lemondedelafinanceétaitsanspitié.—C’estcequiestarrivéàFelipe?Elledétournalesyeux.— Cela peut arriver à chacun d’entre nous. Une fois lancées, même fausses, les rumeurs vous
poursuiventsansrépit.Etvousdétruisent.Elleavaitsouffertetparlaitd’expérience,maislesdétailsn’intéressaientpasCooper.Iln’avaitpas
enviedes’apitoyersurelleetsesouciaituniquementdelasauvegardedel’empireBrock.Illedevaitàsesparentsqu’ilnevoulaitsurtoutpasdécevoir.
Serenasegrattalagorge.—Aaronperdratoutcequ’ilaaccumuléaucoursdesonexistence.—Non.C’étaitimpossible.LepèredeCooperavaitforcémentprotégésesarrières.—Si,rétorquaSerenaenécrasantunepoignéedepétalesdanssamain.Audébut, ilcommencera
parvendrequelquesacquisdemoindreimportance,ensepersuadantqu’illesrachèteraaprèslatempête.—Celan’irajamaisaussiloin.Serenapoursuivitcommes’iln’avaitriendit.—Ensuite,ilseraobligédeseséparerdetoutsonpatrimoine.Celaluibriseralecœur.Sesespoirs
etsesrêvesserontengloutisparlalutteauquotidienpourlasurvie.Unsilencelourdtombaentreeux.—Ilfinirasonexistencedansladésolation,conclut-elledansunjugementsansappel.—Passijepeuxl’empêcher,intervintCooperdurement.—Ceneseraplusdevotreressort.—Sivousdivulguezcesinformations,c’estmoiquiensubirailesconséquences,pasmonpère.Il
m’aléguésesaffaires.Jesuisleseulresponsable,àprésent.—Ilensouffriraaussi.Sesanciensamisprofiterontdel’occasionpourorganiserlacurée.—Laplupartd’entreeuxcoulentdevieuxjourspaisiblesàlaretraiteetn’ontplusassezd’énergie.
Pendantquejemebattraipoursauvernotreempire,monpèrerassemblerasesforcespours’attaqueràvous.
UneexpressiondepaniquevoilauninstantleregarddeSerena.Puis,ellebattitdescilscommesiderienn’était.
—Nousverronsbien.Cooperexhalaunlongsoupir.—Sacolèreseraterrible.Lamienneaussi.Lajeunefemmecroisalesbrasautourdesesgenouxrepliés.—Croyez-vousàlajustice?—Oui,maispasàlavengeance.—Œilpourœil,dentpourdent.Telleestlaloidutalion,élémentaire,maisefficace.—Vousvoulezmettremonpèresurlapaillealorsquevousêtesrichissimes,vousetvosparents.Je
nevoispasoùestl’équité.UneragesourdeenvahitSerena.—Parcequej’aidel’argentaujourd’hui,ilfaudraitquej’effacecequ’AaronBrocknousafait,à
moietmafamille?Avecsapeaudoréeetlesgouttelettesquiruisselaientsursoncorpsvoluptueux,elleressemblaità
unedéessede laMer.Fasciné,Cooper contempla cette incarnationde la passion et dupouvoir, de laforceetdeladouceur…
—Je devrais oublier que je n’ai pas pu terminermes études universitaires à cause d’un travailéreintantpourpayermesfacturesetmesfraisdescolarité?s’écria-t-elled’unevoixtremblante.
ElleselevasousleregardmédusédeCooper,avecunegrâceroyale.Laprincesseétaitaussiuneguerrière.
Serenaattrapasonpeignoirets’enrevêtit.—Peuimportequej’aievécudanslapauvretésijepeuxmaintenantvivredansleluxe?Cooper se reprochaitd’avoirété sipéremptoire.Manifestement, lesblessuresque sonpèreavait
infligéesàSerenaavaientlaisséunecicatriceprofondeetencoredouloureuse.—Jevousconseillesimplementd’abandonnerlapartiependantqu’ilenestencoretemps.—Ilesttroptard.Vousavezdéjàcontactévotrepère.Ilaledoigtsurlagâchette.—Jepeuxtoutarrêter.Ellenouasaceinturerageusement.—Comment?—Envousoffrantmaprotection.
***
Queracontait-il?Ilétaitsonennemi,etelle,lamenace.—Jenecomprendspas.—Donnez-moicesdocuments,dit-iltranquillement.Enéchange,jevousdéfendraicontremonpère
s’ilcontre-attaque.Serenaémitunrireincrédule.Cedossierpatiemmentconstituéjouraprèsjourreprésentaittoutàses
yeux.Grâceàlui,ellesesentaitforte,victorieuse,sanspeurdel’avenir.—Cespreuvesconstituentmagarantiecontrevotrepère.—Vosmunitions,corrigeaCooper.Maisilnevapassecontenterd’attendrepassivement.Pourne
pasêtreauxabois,ilattaqueralepremier.Certes,ilyavaittoujoursunrisqueàs’enprendreàungéantdecetteenvergure…Maisquelintérêt
Cooperavait-ilàseligueravecelle?Subitement,lejoursefitdansl’espritdeSerena.—Oh!Vousêtesvraimentprêtàtoutpourcoucheravecmoi!Assaillieparunmélanged’indignationetdecuriosité,ellelevalesbrasauciel.Ilvoulaitlamettre
danssonlitpourlafragiliseretprofiterdesavulnérabilité.—Serena,vousavezcommencéuneguerrequevousnepouvezpasgagner,déclara-t-ilenavançant
d’unpas.Elleresserralespansdesonpeignoir.— Jeme suis livrée à une longue analyse de la situation. Je pense, au contraire, que je suis en
positiondeforce.Asasurprise,ilneleniapas.—Maisvousn’êtespasinvincible.—Vousnonplus.Jeconnaisvotrepointfaible…Moi.Etjenemanqueraipasuneoccasiondem’en
servirpourvousdésarmeretvousdétruire.—C’estréciproque,riposta-t-il.Jesuis,moiaussi,lafailledansvotrecuirasse.—Pasdutout.—Jepeuxleprouver.L’arrogancedeCooperétaitinsupportable.—Méfiez-vous,cow-boy!Jerisquedevouspoignarderdansledos.—Uneprincessegâtéecommevousnesesalitpaslesmains.—Gâtée?
Ilnelaconnaissaitpas!Mêmesielleavaitétéunepetitefillerichedansunlointainpassé,elleetsesparentsavaientsombréensuitedansunemisèreeffroyable.Elleavaitsauvélesapparencespournepasperdrelaface.Personnenesavaitcequ’elleavaitenduré,celavalaitmieux.
—Vousavezpeurdemoi,continuaCooper.Queredoutez-vous?Decapituler?—Pasdutout,mentit-elle.Jesaispourquoivousvoulezmeséduire,etcelan’arienàvoiravecle
sexe.—Vousvoulezparier?—C’estpurementunequestiondestratégie.SijedivulguemesinformationssurAaronaprèsavoir
couchéavecvous,vouspourrezlesbalayerd’unreversdemainenexpliquantquejemevengeparcequevousavezrompu.
Ellesetrompait.Jamaisiln’avaitsongéàladiscréditer.—Absolumentpas,protesta-t-il.Jecherchesimplementàempêchernosdeuxuniversd’imploser.—Nevousinquiétezpaspourmoi,cow-boy.Jesaismedéfendretouteseule.Lecœurbattant,ellepassadevantluipoursedirigerverslaporte.Surleseuil,elleseretourna.— Cédez-moi les actions Harrington, murmura-t-elle d’une voix douce et persuasive. Et nous
n’auronspasbesoindevérifiervotrethéorie.
6.
Cooper flânait le longd’un cheminpoussiéreux, dansunvillagede campagne.Avec sesmaisonsblanchiesàlachaux,ledécorn’avaitplusrienàvoiravecleluxedel’hôtelHarringtonetsaplageprivéepourmilliardaires.Unparfumdefleursd’orangersetd’amandiersflottaitdansl’air.
Sur la place décrépite, il aperçut Serena discutant vivement avec un potier devant un étal demarchandises.Sa jolie robebleue lui rappela la couleurdu ciel de sonTexasnatal.Ungrosbijou enargent retenait ses cheveux magnifiques, et elle portait des espadrilles à semelles compensées d’unehauteurvertigineuse.Sagrâceetsabeautélecaptivaient,etsurtoutsonrire.
Coopernedoutaitpasd’avoirseméledoutedanssonespritetd’avoirtransformélachasseresseenproie.Maisenavait-elleconscience?
Aveugléeparsondésirdevengeance,Serenanese rendaitpascomptedudangerqu’ellecourait.Malheureusement,elleavaitpeut-êtreaussilepouvoirdeledétruire.Ilfallaitlaréduirerapidementausilence.
Elleachetaunpetitobjetqu’ellefourradanssongrandsac.Quandellerepartit,Cooperdécidadelasuivre.Elleneprêtaitaucuneattentionaux regardsmasculinsqui seposaient surelleà sonpassageetsemblaittrèsàl’aise.
Elles’arrêtadevantunmarchanddefruits,etCooperlarattrapa.—Bonjour,Serena.Ellesursautaavantdeseretourner.—Cooper?Ellereculaendétaillantsonpolonoiràcolouvertetsonjeandélavé,commesielleavaitdumalà
croireàsonapparition.Peut-êtreétait-elleentraindepenseràlui?—Quefaites-vousici?lança-t-ellevivement.—Jemepromène.Illuisourit.C’étaitlapremièrefoisqu’ellel’appelaitparsonprénom.C’étaitunpetitprogrès,etil
aimaitlafaçondontelleleprononçait.—Vousmesuivez?—Vousêtessérieuse?répliqua-t-ilenluiemboîtantlepasquandellerecommençaàmarcher.Vous
quisurveillezmesmoindresfaitsetgestesdepuisdeuxans!— Vous n’avez rien de mieux à faire ? Par exemple, contacter votre conseiller financier pour
transférervosactionssurmoncompte?Ilnepouvaitpas luiexpliquerson terribledilemme.Aforcedefouiner,elleavaitdéjàbeaucoup
tropd’informationscompromettantes.
—Noustrouveronssûrementunarrangement,dit-ilenposantunemainsursonépaule.Enattendant,aidez-moiàchoisiruncadeau.
—Pourqui?demanda-t-elleenseraidissant.Unedevosmaîtresses?—Vousnesavezpas?lataquina-t-il.Avectoutcequevousavezapprissurmoi!Vousm’étonnez.Ellemurmuraquelquechoseenportugaisenlevantlesyeuxauciel.—Jen’aipasdemaîtresse,detoutefaçon,ajouta-t-il.Iln’avaitpas l’habitudede rendredescomptes,mais il tenaitàéclaircir lasituationauxyeuxde
Serena.Iln’auraitpasentreprissaconquêtes’ilavaiteuunefemmedanssavie.—Unepetiteamie,alors.Elles’arrêtaensefrappantlefrontduplatdelamain.—Non,uneprotégée!C’estbiencela?Ilsepencha,commepourluiconfierunsecret.—Iln’yapasdefemmedansmavie.—Non,incroyable!railla-t-elle.—N’est-ce pas ? répliqua-t-il sur le même ton. Depuis que je vous ai rencontrée, je n’ai plus
personne.Lalueurmalicieusequibrillaitdanslesyeuxd’ordeSerenas’évanouit.—Commesicelaavaitquelquechoseàvoiravecmoi!Pourtantc’étaitvrai.SerenaDominguezl’obsédaitaupointd’évincertouteslesautres.—Entoutcas,vousêteslapremièreàquij’offremaprotection.—Jenevouscroispas.—Pourquoi?Elleauraitdûsesentirhonorée.Etreconnaissante.—Vous êtes prêt à tout pourme séduire dans l’espoir deme faire changer d’avis au sujet des
actions.Vousêtessacrémentsûrdevousetdevostalents!—Mettez-moiàl’épreuve.Ellesecoualatêterésolument.—Nonmerci.J’attendssimplementvotreréponsesurlaquestionquimepréoccupe.Elles’éloignad’unedémarchethéâtrale,maisillarattrapa.—Pourquoiêtes-vous tellementobstinéeàvousvenger?Vousnepensezqu’àdétruirealorsque
vouspourriezfairetantd’autreschoses.Elleseretourna.—C’estvotrepèrequiacommencé.Cooperinsista.—Vouspouvezencorechangerdedirection.Mais sivouscontinuez l’amertumeet ladésillusion
s’abattrontsurvous.Qu’avez-vousfaitdevotreviejusqu’ici?Ellepointaunindexsurlui.—Arrêtez.Cooperinclinalatêtedecôté.Ilavaittouchéunpointsensible.—Vousdevriezplutôtréaliservosrêves.Pourquoicetterevancheest-ellesiimportantepourvous?—Parcequejen’aipasconnuleluxederêver,cow-boy,déclara-t-elleaveccolère.Mais,quand
cettehistoireseraterminée,jepasseraiàautrechose.—Aquoi?Vousêtesriche,intelligente,maisceprojetinsenséacomplètementétouffévotreappétit
devivre.—J’aidûmettrebeaucoupdechosesentreparenthèses,admit-elle.—Vous avez fait tropde sacrifices. Il n’est pas trop tardpour changerde cap.Si vous aviez le
choix,queferiez-vous?Qu’est-cequivoustientàcœur?
—Jenesaispas,concéda-t-elleunpeutristement.—Voyager?Vousmarieretavoirdesenfants?Serenapinçaleslèvresetserralespoings.—Certainementpas.Unefemmemariéeperdcomplètementlecontrôledesonavenir.Jamaisjene
memettraidanscettepositiondedépendance.—Vousn’avezvraimentconfianceenpersonne,observaCooper.—Pasenvous,entoutcas.Vousmeproposezvotreprotectionetmepromettezmontsetmerveilles,
maisàquellesconditions?—Aucunes.Jevousaideraidetoutefaçon,mêmesinousnecouchonspasensemble.—Jenevouscroispas!Vousvoulezm’obligeràbaisserlagarde.Maisvousrestezmonennemi!—Jenevoispasleschosesainsi.Elleseplantadevantluiencroisantlesbras.—Pourquoi?Vousnemeconsidérezpascommevotreégale?—C’esttoutlecontraire.Noussommespareils,vousetmoi.Ellerecula,choquée.—Jevousinterdisdemecompareràvous!—C’estlavérité.Vousveillezsurvotrefamillecommel’angeexterminateurduJugementdernier.
Moiaussi.Ellerejetalatêteenarrière.—C’estunavertissement?—Vousêtes libred’interprétermesparolescommebonvoussemble.En toutcas, j’admirevotre
ténacité,mêmesivouspourriezl’utiliseràmeilleurescient.—Evidemment,ironisa-t-elle.—Votrecouragem’impressionne,ajouta-t-il.Vousêtesunebattante.—Ilseraittempsdevousenapercevoir!—Vousêtespleined’énergieetdepassion.S’ils unissaient leurs forces, ils seraient capables de conquérir lemonde entier…Cooper sourit
malgréluiàcetteidée,puisessayadeseressaisir.IlferaitmieuxdechercherlesfaillesdeSerena,aulieudes’émerveillerdesesqualités…
Serenaplissalesyeux.—Sivouscontinuezàmeflatter,j’avancel’échéance.Cooperlevalesmainsensignedecapitulation.—Vraiment,nousdevrionsnousallier,aulieudenousfairelaguerre.—Jamais!Ilétaitravideladéstabiliser.—Pourquoi?—Jenevous fais pas confiance.Vous cherchez seulement àmeneutraliser parceque jemenace
l’empireBrock.—Réfléchissez,Serena.Sinousformionséquipetouslesdeux…Avecvotreintuition,nousserions
indestructibles.Ilplongeasonregarddanslesien.S’ilréussissaitàgagnersaconfiance,elleétaittellemententière
qu’ellelaluiaccorderaitpourtoujours.Illedésiraitdetoutessesforces.Ilrêvaitdepuistoujoursd’unamourinconditionnel…
—Jesuisunesolitaire,déclaraSerenaensedétournant.—Vousn’avezjamaisenviedevousappuyersurquelqu’un?—Jen’aipasbesoind’aide.—Vousn’envoulezpas,corrigea-t-il.
—Celameralentirait.—Vousêtessûre?Rappelez-moicombiend’annéesilvousafallupourpeaufinervotrevengeance?—Peuimporte.Jetoucheaubut.Ellehaussalesépaules.—Jenecomptequesurmoi-même.J’ail’habitude.Quandledésastreafrappé,personnen’étaitlà
pourmesoutenir.Soussesairsdeprincesseetdefemmedumonde,Serenaétaitunesurvivante.Safaçadeglamourla
protégeait comme une armure, mais elle avait souffert très jeune de la peur, de la solitude et de lapauvreté.
Felipeavaitunegrandepartderesponsabilité.AvecAaronBrock.—Prenezgardeànepastropmecritiquer,lança-t-ellefroidement.Vouspourriezvousenmordre
lesdoigts.Secroyait-ellevraimentaussiforte?—Attention,mabelle.Alafin,c’esttoujoursmoiquigagne.Elleluifitfaceabruptement.—Moiaussi.—Contremoi,vousaurezdumal.Enrevanche,sivousacceptezdevousassocier…Ellel’interrompitd’unricanementméprisant.—Abandonnezcetteidéeunefoispourtoutes.Jenerenonceraipasàmavengeance.Vousn’êtespas
debonnefoi.—Quevoulez-vousdire?—Procédonsd’abordà l’échangedes actionsHarringtoncontre lapropriétédesAlves.Ensuite,
nouspasseronsàautrechose,sivotrepropositiontienttoujours.—Jeveuxdesgaranties.Quimeditquevousn’utiliserezpasvotreprétendudossier?—Ilfautmefaireconfiance.Etait-ellesérieuse?Cooperscrutaintensémentsonexpression.Entantqu’héritier,ilsavaitcequ’il
avaitàfaire.Sonpèreluiavaitinculquélesensdudevoirdèssonplusjeuneâge.Ilsesacrifieraitpourlui,parobligationfiliale.
—Ilmefautplusqu’unevaguepromesse,déclara-t-ilprudemment.—Amoiaussi.
***
Serena se promenait pieds nus sur la plage au soleil couchant. Elle se sentait de plus en plusnerveuseàmesurequel’échéanceapprochait.Elleavaitpeurd’échouer…
PourquoiCooper attendait-il ladernièreminute ?D’après cequ’elle savait de lui, c’était un filssoumis,soucieuxdel’honorabilitédesonpère.Ilauraitdûprendresesmenacesausérieux.
Voyait-ilclairdanssonjeu?Sedoutait-ilqu’ellen’avaitpasl’intentiondetenirparole?Entoutcas,elledevaitresterferme,nesurtoutpastrahirsescraintes.Elleavaitpeut-êtresurestimésonpouvoir,mais il ignoraitqu’elleavaitobtenulesoutienfinancierdeSpencerChatsfieldetsignéunaccordaveclui.
Pourquoisonplannesedéroulait-ilpascommeprévu?Les réactionsdeCooper ladésarmaient.Comment pouvait-il lui suggérer d’enterrer la hache de guerre pour s’associer avec lui !Quelle idéegrotesque!Malgréelle,sapropositionl’intriguait.
Etrangement,lapenséedetravaillerauxcôtésdeCooperBrock…luiplaisait.Non,non,non ! Il ne fallait pasglisser sur cettepente. Il cherchait seulement à ladominerpour
l’empêcherdepasseràl’action.
Ebranlée,ellesefrottalevisage.ElleétaitentraindetombersouslecharmedeCooper.Idiota,murmura-t-elleintérieurement.Cen’étaitpaslemomentdeflancher,alorsqu’elleétaittout
prèsderéussir.OùétaitCooper?Ellelecherchaitvainementdepuistoutàl’heure.Perduedanslacontemplation
desvagues,elleaperçutunnageurquiserapprochaitdurivage.Fieret imposant,Coopersortitde l’eau.Fascinéeparsoncorpsmuscléetathlétique,elleadmira
malgréellesadémarche soupleetpuissante. Il aurait fallupartir, lutter contrecedésir inopportunquil’envahissait.Maisellerestaclouéesurplace.
Maintenant,ilétaittroptard.Coopersedressaitdevantelle,irrésistibleetmajestueux.—Vousavezgagné,dit-il,unpeuessoufflé.Ellelefixasanscomprendre.—Vousavezentendu?Illuipritlebras,commepourlasecouer.—J’échangelespartsHarringtoncontrelesterresdesAlves.Encontrepartie,vousvousengagezà
nepasjeterlediscréditsurmonpère.Serenahochalatêteetsedégageadesonétreinte.—Rendez-vousdemainpourdiscuterdesdétails,ajouta-t-il.—Pourquoipasmaintenant?lança-t-elled’unevoixtendue.Illuijetaunregardfurieux,presquehaineux.—Parcequej’aibesoind’unverre.Quandiltournalestalons,Serenademeuraimmobile,commeparalysée.Elleavaitréussi.Elle ferma les paupières en espérant éprouver la sensation de libération qu’elle attendait depuis
longtemps.Maiselleétaitcommeengourdie.Avait-ellevraiment atteint le coupable ?AaronBrockneperdait rien.Sonuniversne s’écroulait
pas.C’étaitsonfilsquipayaitsadette.Maisellesecontenteraitdecettevictoire.Aprèstout,àl’instardeDavidcontreGoliath,elleavait
abattuungéant.CooperBrockavaitcapitulé.Serenaauraitdûjubiler.Pourtant,letriompheavaitungoûtamer.Elleétaittoujoursaussiseuleet
elleavaitfroid.En outre, après avoir traversé tant d’épreuves, elle avait l’impression de ne pas valoir mieux
qu’AaronBrock…
7.
Cooperavaittrouvéuncointranquilledanslapiscine,prèsdubarflottant.Unverredewhiskyàlamain,ilattendaitSerenaavecunressentimentdeplusenplusvif.Oùétait-elle?
Ilavaitdanslabouchelegoûtamerdeladéfaite.Soninstinctluicommandaitderendrelescoupspourdétruiresonadversaire.Ilenavaitlepouvoir.Sonpèrel’auraitencouragéàengageruneépreuvedeforce.Maisilnevoulaitpasmarcherdanssespas.Ilavaitfaitd’autreschoix.Pourl’instant,ilpréféraitcapitulerdevantSerena.
D’ailleurs,AaronBrockn’ensaurait jamais rien.Sonfilsn’agissaitpaspourgagnersagratitude,maispoursauversonhéritage,mêmesil’empirequ’ilavaithéritén’étaitpasau-dessusdetoutsoupçon.
Ilétaitdesondevoirdepréserverl’œuvredetouteunevie.Onl’avaitélevédanscetteperspective.Telétaitsondestin.
Mêmes’iln’avaitjamaisconquisl’amourdesesparents,Coopersavaitaumoinscommentmériterleurestime.Ilsavaienttoujoursexigédeluilaperfection,l’impossible.Pourlessatisfaire,ilfallaitêtrelepremierdelaclasse,excellerdanstouslesdomaines,nejamaismontrerdefaiblesse.
C’était lapremière foisque lecontrôled’unesituation luiéchappaitcomplètement, et celane luiplaisaitpas.
Serena n’arrivait pas. Pour qui se prenait-elle ? Personne ne se permettait de le faire attendre,jamais…
Ellesavouraitsansdoutecemomentqu’elleattendaitdepuissilongtemps.Tout à coup, il l’aperçut. Ses cheveux ondulés flottaient sur ses épaules nues. Elle marchait
fièrement,piedsnus,maisellen’arboraitpasunairtriomphantcommeill’avaitimaginé.Elle n’avait pas l’air d’une princesse,mais d’une reine sur le chemin de la guerre. Retenant sa
respiration,ill’observapendantqu’elleôtaitlesarongrougevifnouéautourdeseshanches,dévoilantunminusculebikiniblanc.Elleavaituncorpsfermeetvoluptueux,unepeausoupleetdorée.Unefinechaîneenargentsoulignaitlaminceurdesataille.
Incapablededétachersonregard,illasuivitdesyeux.D’ailleurs,elleétaitaucentredel’attention.Enavait-elleconscience?Leshommeslaconvoitaient,etlesfemmesl’enviaient.
Coopersecroyaitdénuéde tout instinctpossessif.Pourtant,SerenaDominguezéveillaiten luiundésirjalouxqu’iln’avaitjamaisressenti.
Ellerelevaseslunettesnoiresetentradansl’eau.—Quelcurieuxendroitpourdiscuter,dit-elled’unevoixunpeurauque.—Vousauriezpusuggérerunautrelieu.—J’yaipensé,maisjevousaccordevolontiersunpetitprivilège,concéda-t-elled’untonhautain.Coopers’obligeaàresterimpassible.Ilavaitfurieusementenviedelaserrercontrelui.
—Tenez,dit-ild’unevoixbourrueenluitendantsoncocktailpréféré.—Vousessayezdem’amadouer?Ilestunpeutard.—Non,pasdutout.Maisjeresteconvaincuquenousdevrionsfaireéquipe,vousetmoi.—Pourlesaffaires?—Pourtout.Sespommettessecolorèrentlégèrement,etellesecoualatête.—Vousditescelaparcequej’aiundossiersurAaron.Passeulement.Iln’auraitpasproposécelaàn’importequi.IlavaitSerenaDominguezdanslesang,
danslapeau…—J’aieuenviedevousdèslepremierinstant,luirappela-t-il.Pourtant,àl’époque,j’ignoraisqui
vousétiezetlerôlequemonpèreavaitjouédansvotrehistoire.—Etmaintenant,cow-boy?railla-t-elle.Mesrévélationsn’ont-ellespasémoussévotredésir?Ilsepencha.—Rapprochez-vousdemoi,vousverrez.Elleéclataderire.—Nonmerci.—Nesoyezpassiméfiante.— Trêve de plaisanterie. Les hommes comme vous, imbus de leur puissance, deviennent très
dangereuxquandilssontacculésàladéfaite.—Vousvousyconnaissez,enmatièredechantage!—Vousêteslepremier.Etledernier,admit-elle.Siseulementelleparlaitdesesamours…,songeaCooperenfermantlespaupières.Denouveau,il
s’égarait.Ilseressaisitetcroisalesbras.—Aproposdechantage,quandmeremettrez-vouscedossiersurmonpère?—Quandj’aurailesactions.Pasquestion,protestaCooperintérieurement.— J’ai déjà donné le feu vert pour le transfert, annonça-t-il. Vous les aurez d’ici la fin de la
semaine, lorsquenoussignerons l’actedepropriétédesAlves. Jeveux lesdocumentsàcemoment-là.Copiesetoriginaux.
Serenafronçalessourcils.—Jen’aijamaispromiscela.—J’achètevotresilenceauprixfort.Jeveuxunegarantie.—Ilfaudravouscontenterdemapromesse.—Danscecas,j’annulelaprocédure.—C’estunrisqueàcourir,répliqua-t-elleavecarrogance.L’angoissecomprimalapoitrinedeCooper.—Sivousrompeznotreacco