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Capital productif, incertitudes et profitabilitéEdmond Malinvaud
To cite this version:Edmond Malinvaud. Capital productif, incertitudes et profitabilité. [Rapport de recherche] Institutde mathématiques économiques (IME). 1986, 57 p., ref. bib. : 1 p. �hal-01541929�
EQUIPE DE RECHERCHE ASSOCIEE AU C.N.R.S.
DOCUMENT DE TRAVAIL
INSTITUT DE MATHEMATIQUES ECONOMIQUES
UNIVERSITE DE DIJON
FACULTE DE SCIENCE ECONOMIQUE ET DE GESTION
4, BOULEVARD GABRIEL - 21000 DIJON
n° 93
CAPITAL PRODUCTIF, INCERTITUDES ET PROFITABILITE
Edmond MALINVAUD
Novembre 1986
Capital productif, incertitudes
et profitabilité
E. MALINVAUD
1. Introduction
Les économistes historiens comme les experts en gestion des
entreprises considèrent depuis longtemps que la profitabilité des
opérations productives constitue le stimulant essentiel de
l'investissement. Jusqu'à une époque récente la théorie économique
formalisée n'en faisait pas cas, sans doute parce que la profitabilité
est un concept de "déséquilibre" et ne trouvait donc pas sa place dans
une réflexion concentrée sur le fonctionnement d'économies de marché où
offres et demandes sont censées s'équilibrer.
C'est James Tobin (1969) qui a le premier corrigé cette lacune
en introduisant son rapport q qui doit effectivement mesurer la
profitabilité des investissements productifs. Mais il l'a fait, presque
en incidente de ses travaux sur la gestion des portefeuilles, par une
argumentation non intégrée dans la théorie des décisions réelles des
entreprises. L'intégration a été réalisée récemment, mais d'une manière
qui me paraît insuffisante (voir H. Yoshikai/ua, 1980, et F. Hayashi,
1982). Ce serait les coûts d'ajustement qui expliqueraient pourquoi
l'investissement réagit aux variations de la profitabilité. L'argument
est certes valable pour les variations à court terme. Mais il a peu de
force quand il s'agit de comparer les caractéristiques de la croissance
économique dans deux pays distincts ou à deux époques dans un même pays.
- 2 -
Si la demande de capital productif est sensible à la
profitabilité c'est surtout en raison des incertitudes affectant les
opérations productives et de l'irréversibilité des décisions
d'investissement. La théorie devrait dont considérer prioritairement cet
aspect des choses, qui va justement être examiné de près ici (1).
L'objet de l'article est donc d'étudier pourquoi et comment,
dans une pespective à moyen terme, la profitabilité constitue l'un des
déterminants fondamentaux de l'équipement en capital productif d'un
pays. Cette étude vise à doter la théorie macroéconomique d'un des
fondements qui semblent aujourd'hui lui manquer pour la discussion des
problèmes de notre temps.
Plus précisément, je me propose d'étudier de façon approfondie
un modèle que j'estime approprié. Ce modèle traite des décisions d'une
firme, donc uniquement d'un "équilibre partiel" et sans considération
des effets que l'agrégation peut entraîner. Il repose aussi sur diverses
autres simplifications. C'est pourquoi, après qu'il ait été étudié de
près, les dernières sections de cet article seront consacrées à l'examen
séparée de diverses complications.
Cependant, une formalisation purement statique sera retenue
tout au long de l'article (2). Le souci est évidemment de réduire la
modélisation à ses éléments essentiels de façon à pouvoir pousser loin
(1) Cet article reprend et complète une note de travail non publiée, à laquelle je me suis souvent référé dans le passé (E. Malinvaud, 1983).
(2) La modélisation intertemporelle généralisant la spécification statique de cet article a été étudiée par P. Artus (1984).
- 3 -
l'étude des propriétés de statique comparée qui jouent le rôle principal
dans une perspective à moyen terme. On peut encore dire que l’objet de
l'article réside dans la détermination du capital productif désiré. Une
théorie complète de l’investissement suppose encore que soient précisés
les déterminants de la vitesse d’adaptation du capital effectif au
capital désiré. L’aisance du financement à chaque moment doit alors
intervenir. Mais l’étude peut suivre une démarche familière qu’il est
inutile de discuter ici.
2. Fonction de production (1)
L ’irréversibilité du capital productif a deux dimensions. Au
moment où le capital est installé, sont choisies non seulement les
techniques de fabrication, mais aussi la taille de la capacité de
production. Une fois l’installation faite, les degrés de liberté sont
fortement réduits, qu’il s’agisse de la combinaison des facteurs mobiles
de production ou du niveau de la production. Ces deux dimensions vont
être représentées de la manière la plus simple possible, qui conduit à
la version statique de ce qu’il est habituel d’appeler aujourd’hui la
fonction de production ”putty-clay”.
Raisonnant sur le cas d’un seul bien produit, nous pouvons
représenter la capacité de production par une variable numérique y
S’en tenant aux seules substitutions techniques entre capital et
travail, admettant de plus la constance des rendements d’échelle, nous
pouvons caractériser 1’intensité capitalistique par une autre variable
numérique k, égale par définition au rapport entre le volume du capital
K et la capacité de production.
(1) La spécification est fondamentalement la même que celle retenue par L. Johansen (1972).
- 4 -
ci) k = -4-ÿ
La quantité de travail L à mettre en oeuvre à un moment donné
pour 1 1 utilisation de ce capital sera proportionnelle à la production y
à réaliser, dans la limite de la capacité de production, le coefficient
de proportionnalité étant d'autant plus faible que l'intensité
capitalistique est plus élevée. Désignons par g(k) ce coefficient, la
fonction g étant donc décroissante. Pour des valeurs données de y et k,
la fonction de production à court terme est définie par les deux
contraintes suivantes sur y et L :
(2) L = yg(k) y^ÿ
Ainsi, une fois le capital installé, la quantité de travail par unité
produite est strictement déterminée. En ce sens on peut dire que capital
et travail sont complémentaires à court terme.
On peut encore définir une fonction de production à long terme
s'appliquant avant le choix du capital et sous l'hypothèse d'une pleine
utilisation de la capacité de production. Déterminant y=y comme fonction
de K et de L, elle résulte de l'élimination de k des équations (1) et
(2). Elle a alors toutes les caractéristiques familières des fonctions
de production à rendements d'échelle constants, bien que la
spécification :
(3) L = yg {-y-)
soient moins usuelle que la spécification équivalente :
(4) y = L cp (—£-)
- 5 -
L'équation (3) montre immédiatement que le taux marginal de
substitution ex ante entre capital et travail est égal à -g'(k), donc à
l'opposé de la dérivée de la fonction g. L'élasticité de ce taux
marginal de substitution par rapport à k est kg"/g'. Par ailleurs le
rapport L/K caractérisant la combinaison des facteurs vaut g(k)/k ; son
élasticité par rapport à k est donc (kg' - g)/g. Egale par définition au
rapport entre cette élasticité et celle du taux marginal de
substitution, l'élasticité marginale de substitution ex ante est donc
donc donnée par :
-g' [g-kg1]
Capital et travail sont ainsi substituables à long terme.
3. Fonction de demande
En vue de donner la forme la plus simple possible aux décions
à court terme, le modèle central retenu ici suppose une forme extrême de
la "fonction de demande coudée". Plus précisément l'entreprise est
censée n'avoir d'action ni sur le prix de son produit ni sur les coûts
des facteurs de production. C'est donc un "price taker". Mais
contrairement à ce qu'impliquerait l'hypothèse de concurrence parfaite,
la quantité de produit que l'entreprise peut écouler est limitée à une
borne supérieure d fixée par la demande, donc exogène. En conséquence la
décision à court terme de l'entreprise est représentée par (2) et :
(6) y = Min {y, d }
Cette égalité suppose en fait deux choses. D'une part
l'entreprise n'est sujette à aucune autre contrainte que celle de ses
débouchés ; en particulier elle peut disposer de la quantité de
- 6 -
travail L impliquée par (2) et (6). L'attention est ainsi concentrée sur
les situations où l'offre de travail serait excédentaire, ou au moins
suffisante. D'autre part les coûts ne sont pas tels que l'entreprise ait
intérêt à ne pas satisfaire, dans la limite de sa capacité de
production, la demande qui s'adresse à elle. Avec la spécification
retenue, seul intervient à court terme le coût réel du travail, rapport
entre le coût d'une unité de travail et le prix d'une unité de produit.
Soit w ce coût réel. La condition retenue est alors y - wLè 0, soit,
compte tenu de (2) :
!
(7) wg(k)Sl
Implicitement il est aussi admis que, si le capital (y et k) est
parfaitement fixe et rigide à court terme, le travail est parfaitement
mobile, de sorte que le coût du travail est strictement proportionnel à
la production ; c'est évidemment une hypothèse simplificatrice, dont il
faudra se souvenir au moment de toute transposition du modèle à la
réalité.
Une brève discussion du choix de cette fonction de demande
s'impose sans doute, bien qu'il s'explique d'abord évidemment par un
souci de simplicité. Les économistes ne peuvent qu'être conscients de
l'allure caricaturale de la courbe de demande qui est ainsi retenue
(voir figure 1, où dans le plan prix-quantité (p,q) cette "courbe" à la
forme d'une marche d'escalier définie par l'horizontale q=d
correspondant au niveau de la demande et la verticale p = p0
correspondant au prix exogène du produit). Une hypothèse moins sévère,
retenant le contexte de la concurrence monopolistique, sera d'ailleurs
étudiée dans la section 11. On admettra alors l'existence d'une fonction
de demande d(p) familière. Dans ses décisions de court terme
l'entreprise, prenant pour donné le coût unitaire nominal du travail s
et maximisant son profit, choisira alors un niveau de production
tel que :
- 7 -
(8) — g(k) = 1 - 1e(p)
où e (p) sera l'élasticité de la demande -pd'/d (pour la cohérence dans
la présentation des relations principales, les notations seront
différentes dans la section 11).
Figure 1 Figure 2
Pour rattacher l'hypothèse retenue dans le modèle principal à
cette formulation plus familière, il suffit de remarquer que la forme
extrême de la figure 1 ne s'impose pas. Toutes les conclusions du modèle
sont encore valables avec une fonction de demande coudée du type de
celle de la figure 2, dès lors que la condition (7) est remplacée par la
condition plus stricte :
- 8 -
(9) 1 - -J- S wg(k) —d g
w étant le coût réel du travail s/p0 au point M, tandis que et sont
respectivement les élasticités de la demande à gauche et à droite du
coude. Les inégalités (9) remplacent en effet alors l'équation (8) pour
garantir que M corresponde à l'équiibre à court terme de l'entreprise
placée en position de monopole face à la demande qui s'adresse à elle.
Fondamentalement est donc en cause l'hypothèse d'une fonction
de demande coudée et non la forme extrême donnée ici à cette hypothèse.
Le modèle principal peut fournir une approximation admissible si on a
des raisons de penser que l'élasticité de la demande est perçue par les
entreprises comme devant être nettement plus faible pour les baisses de
prix que pour les hausses de prix : il y a beaucoup plus de clients à
perdre en élevant son prix au dessus du prix normal p0 qu'il n'y en a à
gagner en baissant son prix au dessous.
Cette hypothèse a été discutée à maintes reprises depuis
qu'elle a été introduite explicitement par P. Sweezy (1939) (pour une
discussion, voir par exemple T. Negishi (1979); chap. 6 et 7). Récemment
J. Drèze (1979) a fait valoir que les entreprises connaissent mal
l'élasticité de la demande s'adressant à elles. Cette incertitude,
jointe à leur aversion vis-à-vis du risque, les conduit à se comporter
comme si elles étaient confrontées à une fonction de demande certaine
déformée par rapport à leur espérance mathématique de la demande
incertaine, la déformation se traduisant par une diminution de
l'élasticité aux prix bas et par une augmentation aux prix élevés.
- 9 -
Il faut surtout retenir l'intuition de Sweezy : la réalité ne se
conforme pas strictement au modèle de la concurrence monopolistique ;
elle est souvent beaucoup plus oligopolistique. Or l'étude théorique de
l'oligopole conduit à attribuer de plus en plus de rôle à 1'"équilibre
de Bertrand" où chaque entreprise, ayant à annoncer à l'avance son prix,
choisit un prix systématiquement proche de celui de la concurrence, en
vue de ne pas perdre sa clientèle (voir par exemple H. Dixon, 1986). De
même la recherche de la continuité des relations avec la clientèle, qui
s'explique par les économies de publicité et autres en résultant, exige
la confiance qu'un juste prix est pratiqué et que les relèvements de
tarifs sont motivés par des exigences de coûts s'appliquant à tous les
producteurs.
Quoi qu'il en soit de ces justifications fondamentales, la
demande d est traité comme exogène et comme connue par l'entreprise au
moment de ses décisions de production. En revanche ex ante, au moment du
choix de l'équipement, les prévisions de l'entreprise sur la demande d
sont affectées d'aléas ; seule est donc connue à ce moment une loi de
probabilité de la demande.
Cette loi de probabilité, qui va jouer un rôle essentiel dans
le modèle, est représentée par une fonction F où interviennent deux
paramètres E et a caractérisant respectivement la tendance centrale et
la dispersion de la variable aléatoire d :
(10) Prob {d^a} = F (-■—-■ --)l j a
Bien que la chose ne s'impose pas, on parlera de E comme de l'espérance
mathématique de la demande. Ce qui importe vraiment est l'exogénéité de
E, de a et évidemment de la spécification précise de la fonction F. On
admettra que F est dérivable et l'on notera sa
- 10 -
dérivée, la densité de probabilité de d étant donc f/a.
On remarque que la loi de comportement à court terme (6)
permet le calcul direct de la probabilité que la capacité de production
soit suffisante, ainsi que l’espérance mathématique du taux
d'utilisation de cette capacité y/y. On notera l'une P(y) et l'autre T(y)
; mais il faudra se rappeler qu'elles dépendent non seulement du niveau
y de la capacité de production, mais aussi de E et a.
(11) P(ÿ) = F
(12) T(y) = l-P(ÿ) + G(ÿ)
où par définition :
y
(13) G(ÿ) = J u f (---§--E) du
Y ° o
A titre d'illustration, la figure 3 représente ce que seraient les
variations des deux fonctions P et T pour une distribution F à allure
normale. La figure comporte aussi la représentation d'un indicateur q(y)
qui servira par la suite et est défini par :
< 1 4 )
- 11 -
Figure 4
4. Décision optimale
Pour le choix de la capacité de production ÿ et de l'intensité
capitalistique k l'objectif de l'entreprise, confrontée à une demande
incertaine, est supposée être la maximization de l'espérance du profit.
A nouveau c'est un souci de simplicité qui explique la présence de cet
objectif dans le modèle principal. L'alternative d'un objectif
reconnaissant l'existence d'une aversion vis-à-vis du risque sera
étudiée dans la section 12.
- 12 -
Pour la simplicité des notations, mais sans que ceci change
fondamentalement les résultats dès lors que les prix sont exogènes, on
retiendra l'espérance du profit réel plutôt que celle du profit nominal.
Le coût unitaire réel du capital étant dénoté par r, le profit réel
est :
(15) tt = y - wL - rK
ou encore, compte tenu de (2) :
(16) tt = [l - wg(k) ] y - rky
L'incertitude concernant le profit provient surtout de
l'incertitude sur la production, laquelle reflète l'incertitude sur la
demande en raison de l'égalité (6). Elle peut provenir aussi de
l'incertitude sur les coûts des facteurs w et r. Mais cette seconde
source d'aléa n'importe pas vraiment si coûts des facteurs et demande
sont indépendants en probabilité. En effet, l'expression (16) étant
linéaire par rapport à w et r, l'espérance mathématique du profit ne
fait alors intervenir que les espérances mathématiques de w et r. Sous
l'hypothèse d'indépendance des aléas, on ne perd donc pas en généralité
à traiter les coûts w et r comme connus exactement. C'est ce qui sera
fait ici.
Le critère à maximiser peut dès lors s'écrire :
(17) W = {[l - wg(k)] T (y) - rk}ÿ
où il est tenu compte de ce que, par définition :
(18) Ey = ÿ T(ÿ)
. . . / . a .
- 13 -
Le choix optimal de (y, k) est ainsi obtenu par la maximization de W,
les grandeurs w, r, E et a étant alors prises pour données. Ce choix
optimal peut être caractérisé aisément grâce à l’étude des conditions du
premier et du second ordre.
On note sur les équations (12) et (13) que la dérivée de yT(y)
par rapport à y est égale à l-P(y). En conséquence, on écrit
directement les deux équations suivantes :
nq) <std [l - wg(k)] [l-P(ÿ) ] -rk <5y' “
(20) ^ = ~[wg' (k) T(ÿ) + r ]ÿ
Les équations du premier ordre de la maximisation s'écrivent donc :
(21) [l - P (y ) ] [l - wg(k)] = rk
(22) -T(ÿ) g 1(k) = —w
Ces deux équations jouent un rôle fondamental. Leur
interprétation économique est simple. La première signifie que le cout
réel du capital pour une unité de capacité doit être exactement couvert
par le produit entre la probabilité de pleine utilisation de la capacité
et le taux de marge brute rapporté par cette utilisation. La seconde
signifie que le taux marginal de substitution ex ante entre le capital
et le travail, corrigé de l'espérance du taux d'utilisation de la
capacité, doit être égal au coût relatif du capital par rapport au
travail.
- 14 -
L'étude des conditions du second ordre suppose celle des
valeurs prises par la matrice H des dérivées secondes de W lorsque les
conditions du premier ordre sont satisfaites. Tenant compte des
équations (19) à (22) on calcule :
(1-iA/g) m/g ' G
(23) H = -
i/v/g" y 7
où les arguments des fonctions n'ont pas été répétés pour la simplicité
de l'écriture. Tous les termes de la matrice H sont négatifs. Pour
qu'elle soit négative définie, comme l'exigent les conditions du second
ordre, il faut que le déterminant de la matrice soit positif. Tenant
compte de ce que 1 - wg = rk/(l-P) et -i/vg' = r/T on peut écrire ce
déterminant sous la forme :
(24) r2 A - r2 _____- ¿ 1r û - r |̂ a(1_p) _gI
Il est effectivement positif si la densité de probabilité de la
demande, au niveau de la capacité de production, n'est pas trop faible ;
plus précisément si :
(2 5 ) ïf-... > G -g1U } a(l-P) t2 kg11
Nous reviendrons ultérieurement sur cette condition du second
ordre ainsi que sur l'éventualité où, malgré la satisfaction des
conditions (21), (22) et (25), le maximum local de l'objectif W ne
serait pas un maximum global. Pour le moment nous allons admettre que la
solution du système (21)-(22) maximise effectivement W.
• . . / . . .
- 15 -
Il est instructif de considérer la figure 2 qui illustre la
relation entre la capacité de production optimale y et les coûts réels
unitaires des facteurs w et r. On note tout d'abord que les valeurs trop
élevées de w et r ne sont compatibles qu'avec une capacité de production
nulle. Quand le couple (w,r) se situe en un point de la courbe en trait
plein, la capacité de production est telle que sa pleine utilisation est
garantie 1 - P (y) = T(y) = q(y) = 1. On peut appeler cette courbe
frontière du coût des facteurs. Au fur et à mesure que le couple (w,r)
se déplace vers le bas par rapport à elle, la capacité de production
croît et la probabilité que la demande ne l'excède pas croît aussi.
Notons au passage que, sur la figure 4, la frontière du coût
des facteurs rencontre les axes. Mais il n'est pas indispensable qu'il
en soit ainsi. L'hypothèse a été faite que la substituabilité ex ante ne
pouvait intervenir que sur un intervalle (k , k^), de valeur de
l'intensité capitalistique, entre un minimum k^ pour lequel le taux
marginal de substitution serait infini et un maximum k^ pour lequel ce
taux de substitution est nul. Quoi qu'il en soit, nous nous trouvons
devant une situation théorique atypique où, dans le modèle le plus
agrégé qu'il se puisse, avec rendements d'échelle constants, les
conditions d'équilibre de la production laissent subsister deux degrés
de liberté pour le système des prix.
5. Ratio de Tobin et capacité
L'équation (21) implique une relation très simple entre la
capacité de production et un indicateur de la profitabilité des
opérations productives, le ratio q introduit par J. Tobin (1969).
• . . / . . .
Plus précisément ce ratio sera défini ici comme le rapport entre la
valeur actualisée de l'espérance des profits et la valeur de
remplacement du capital. (La définition initiale de Tobin prenait pour
numérateur la valeur boursière de l'entreprise ; on s'en tient ici à une
définition qui ne préjuge pas de l'exactitude de cette évaluation).
Dans le modèle statique considéré ici, la valeur actualisée de
l'espérance des profits s'interprète comme E(y-wL)/r tandis que la
valeur de remplacement du capital est simplement K. En vertu des
égalités (2) et (18) on peut écrire :
(26) „ - E(y-wL) _ [ 1 - wg (k)] T(y)H rk rk
où E est l'opérateur usuel d'espérance mathématique.L'équation (21) implique alors :
(27) q(ÿ) = ----- = q1 - P(ÿ)
où la définition (14) de q(y) reçoit son interprétation.
Ainsi la courbe supérieure de la figure 3 peut maintenant être
comprise comme illustrant la relation d'équilibre entre la profitabilité
et la capacité de production. A un ratio q proche de 1 correspond une
faible capacité de production et un taux espéré d'utilisation de cette
capacité lui aussi proche de 1. Au contraire une large capacité de
production suppose une valeur élevée de l'indicateur de Tobin.
La simplicité de cette relation conduit à privilégier le ratio
de Tobin comme mesure de la profitabilité par rapport à un autre
indicateur auquel on se réfère également souvent : 1'espérance du taux
- 17 -
pur du profit. Avec nos notations ce dernier serait W/K ; il vaudrait
donc (q-l)r.
Il faut toutefois se garder de donner une interprétation
causale directe à l'équation (27). Celle-ci ne détermine pas la capacité
de production y à partir de la valeur du ratio q. Ce ratio est lui-même
une variable endogène du modèle, ainsi qu'on le voit bien sur l'équation
(26). Nous verrons néanmoins que, moyennant des définitions adéquates,
pour les études de statique comparée, une relation directe, au moins
approximative, peut être établie entre l'impact des variables de coût
sur la profitabilité et les variations correspondantes de la capacité de
production.
6. Cas de la loi normale
L'étude des relations de statique comparée partira de la
différentiation du système (21)-(22). Elle fera apparaître des
expressions, telles celle du déterminant A définie par l'équation (24),
où les ordres de grandeur des divers termes ne sont pas a priori
familiers. Or tenir compte des ordres de grandeur conduira à des
relations approchées intéressantes. En vue de se faire une idée à cet
égard, il est utile de considérer des spécifications particulières de la
distribution de probabilité F de la demande.
On s'en tiendra ici au cas d'une loi normale, le cas d'une loi
uniforme ayant été aussi considéré dans E. Malinvaud (1983). A
strictement parler cette loi ne serait pas admissible puisque des
valeurs négatives de la demande d sont exclues. Mais cette particularité
n'a aucune incidence pratique puisque, pour l'étude d'une firme
représentative, on ne fait évidemment intervenir que des cas où
- 18 -
espérance mathématique et variance sont telles que la loi normale
attribue une probabilité infime aux valeurs négatives.
Si, selon l'usage, on retient $ et cp pour désigner respectivement
la distribution cumulée et la densité de la loi normale centrée réduite,
on peut directement écrire :
(28) P(ÿ) = $ ( - ^ - ) f = cp ( - ^ - )
On calcule aussi sans difficulté l'expression (13) :
(29) G(ÿ) = -4- $ (-¿^) - -2- cp ( - ^ - )y ÿ
et par suite aussi l'espérance T(y) du taux d'utilisation de la capacité
donnée par l'équation (12).
Ces diverses expressions font intervenir non seulement la
valeur y de la capacité, mais aussi les valeurs des deux paramètres E et
a. Il est clair que 1 'écart-type a de la loi de probabilité de la
demande ne doit être qu'une fraction de l'espérance de cette demande.
Pour fixer les idées, on peut examiner en particulier les valeurs
obtenues quand a est le cinquième de E et quand ÿ prend les valeurs
suivantes : E - a, E, E + a, E + 2a. Les tables numériques usuelles de
la loi normale permettent les calculs. Le tableau 1 donne les valeurs de
diverses expressions que cette étude amène à considérer.
On peut porter plus particulièrement l'attention sur les deux
cas ÿ=E et ÿ = E+a impliquant une probabilité de demande excédentaire
respectivement de 50 % et 16 %. Le taux espéré d'utilisation de la
capacité se trouve être de 92 % ou de 82 %, correspondant à des valeurs
du ratio q de 1,8 ou de 5. On note en particulier que le membre de
gauche de la condition du second ordre (25) vaut 4 ou 9 tandis que, dans2 2
le membre de droite, G /T vaut 0,21 ou 0,64. Il faudrait une élasticité
- 19 -
de substitution ex ante considérable pour que la condition du second ordre ne soit pas satisfaite.
Tableau 1
F est la loi normale ; E = 5 g
ÿ E-a E E+a E+2a
l-P(y) 0,84 0,50 0,16 0,023
G(ÿ) 0,14 0,42 0,66 0,69
T(ÿ) 0,98 0,92 0,82 0,71
q(ÿ) 1,17 1,84 5,1 31
G/T 0,14 0,46 0,80 0,97
f 0,24 0,40 0,24 0,05
a = ÿf/a(l-P) 1,2 4,0 9,0 16,4
(l-P)/aT 0,71 0,14 0,02 0,002
7. Hypothèses de régularité
Nous admettrons donc par la suite que cette condition du
second ordre est satisfaite. Pour certains raisonneniènts il importe de
plus que la fonction q(ÿ) soit croissante ainsi qu'il est supposé sur la
figure 3. Numérateur et dénominateur de la fraction (14) définissant
cette fonction sont décroissants. Pour que le numérateur décroisse moins
vite que le dénominateur il faut et il suffit que :
Nous supposerons aussi que cette condition est satisfaite, le tableau 1
montrant d failleurs qu'elle l fest très largement dans le cas particulier
considéré.
Les inégalités (25) et (30) définissent ainsi les ’’conditions
de régularité" retenues dans cet article. On n'étudiera pas ici ce qui
pourrait se passer si elles n'étaient pas satisfaites. L'étude a été
faite dans E. Malinvaud (1983) où ont été examinés en particulier deux
cas extrêmes, fort peu vraisemblables : celui d'une élasticité de
substitution ex ante infinie, celui où le support de la loi de
probabilité de la demande consisterait en deux intervalles disjoints, la
densité de probabilité étant nulle dans l'intervalle intermédiaire. Ces
cas extrêmes font apparaître la possibilité théorique que, pour
certaines valeurs des variables exogènes, la solution (y,k) du système
(21)-(22) soit multiple et/ou que le couple des valeurs optimales (y,k)
connaisse une ou des discontinuités dans ses variations en fonction des
variables exogènes. L'essentiel est d'avoir vérifié que ces éventualités
sont effectivement trop peu vraisemblables pour devoir retenir
l'attention.
8, Relations de statique comparée
Sous les hypothèses de régularité la différentiation des
équations (21) et (22) fait apparaître quelles variations ôÿ et 6k résultent
de variations infiniment petites apportées aux variables exogènes : w,
r, E et a.
- 21 -
Pour la clarté de l'interprétation, il y a d'ailleurs avantage
à ne pas prendre pour variations exogènes indépendantes Siai, ôr, 6E,6a eux
mêmes, mais plutôt quatre variations qui, prises individuellement, sont
plus significatives. S'agissant des variations du système des prix, il
est naturel de distinguer leurs impacts sur les coûts relatifs et sur la
profitabilité :
(3 1 ) 6c _ 6r 6wc ~ r iAi
(-5 9 ) ^ ̂r _ iA/q # 6wq r 1-iA/g w
Notons en particulier que (32) définit la variation relative
du ratio q de Tobin, comme le montre l'équation (26). Mais cette
variation concerne uniquement l'impact des variations de prix, comme si
y et k étaient maintenus fixes. C'est en vue de rappeler cette
convention de définition qu'une notation un peu particulière est
introduite dans le membre de gauche de (32). Sans doute n'est-il pas
inutile d'attirer ici l'attention sur le caractère naturel de la
convention dans la théorie du capital. On connait en effet une source de
confusion qui a compliqué les débats auxquels cette théorie a donné
lieu : l'intuition suggère qu'un renforcement de l'intensité
capitalistique s’accompagne d'une baisse du taux de profit marginal ;
toutefois, même acceptant de se limiter aux cas dans lesquels
l'intuition peut être validée, encore faut-il que la variation de la
quantité du capital, ou de la période de production, soit définie de
façon adéquate, notamment en maintenant conventionnellement fixes les
prix relatifs ; Wicksell lui-même, et bien d'autres après lui, se
heurtèrent à d'inutiles difficultés faute d'avoir introduit la
convention. La situation est ici symétrique.
S'agissant des modifications affectant la demande on prendra
pour variations relatives indépendantes celles de l'espérance E et du
coefficient de variation h :
En d'autres termes, quand on étudiera l'effet propre des variations de
l'espérance de la demande, on admettra que son écart-type varie
simultanément proportionnellement. Au contraire quand on étudiera
l'effet propre du degré d'incertitude, on admettra que l'espérance
mathématique reste fixe.
Pour les écritures il est enfin commode d'introduire la
notation a pour désigner le membre de gauche des inégalités (25) et (30)
(33) h aE
(34) a
De même, on désignera par e la quantité :
(35) e = d a W = I [ i + rk]
g ' (k) n wg(k)T(ÿ)
cette quantité est donc grande quand l'élasticité de substitution ex
ante ri définie par (5) est faible.
Avec ces notations la différentiation des équations (21) et
(22) conduit respectivement à :
«Sÿ G Ôk ¿g 6E /, E^ (36) a -1— + ■=■ — r = — a + a — F + a ( l ---)
6hT k " q ° E T h
y y
G ôÿ ôk <5c G ÔE /G EPN ôh(37) T - + e ~ k = - — + T " T * (T - -7> “h
y yT
La solution de ces équations conduit à :
ôÿ ôq ôc ÔE ôh(38) — = a —L + a --- + --- + a, ---
q c r- n ,y H q c E h
(39) _ü< = 3 + Bc _ôc + e 6hh kc h
où les six coefficients à ont des expressions intéressantes à
considérer :
- 24-
(42) cl = 1 - — [ l - ±7— ( 1 - T ) ]
ÿ T A
(43) . 6h =a(l-T)E
ATÿ
où A, déterminant des coefficients du membre de gauche de (36)—(37), a
été défini par l'équation (24) et est positif en raison de l'inégalité
(25).
On s'intéresse aussi aux variations des espérances de la
production Ey et de la demande de travail EL. Il est facile de les
calculer à partir des équations précédentes et de :
(44) ¿(Ey) _ô£ _6T ¿(EL) _ 6(Ey) t kg'. 6k
Ey y T EL Ey g k
(45) _6T _ _ G . ¿x + Ç 6 E + ( G _ E P ) ¿h
T T ÿ T E T ÿ T h
On trouve ainsi :
(46) ¿(EL) ¿q ¿c ¿E ¿h— s y _ Ü + Y _ + _ + Y _EL ^ q c c E h
ou
(47) y = [(1-P) e + ]q TA wg T
- 25 -
(48) y = — [(1-P) - + — a ]c TA T wg
(49) yh = 1— — { 1 - [(1-P) - + — a ]}
yT T A T wg
Les conclusions suivantes de statique comparée peuvent dès
lors être énoncées.
Une modification des coûts qui améliore la profitabilité (Sq > 0)
tout en laissant inchangé le coût relatif du travail par rapport au
capital a un effet favorable sur la capacité de production et la demande
de travail (a et y sont positifs), un effet défavorable surq q K
l'intensité capitalistique (6^< 0).
Un relèvement du coût du capital, compensé par une baisse du
coût du travail (ôc >0, 6^ = 0), provoque une augmentation de la
capacité de production et de la demande de travail (otc > 0, y^ >0) mais
une diminution de l'intensité capitalistique (6^ < 0).
Un accroissement de l'espérance mathématique de la demande,
accompagné d'un accroissement proportionnel de sa dispersion (ôh = 0),
provoque une augmentation exactement proportionnelle de la capacité de
production et de l'espérance mathématique de la demande de travail. Il
n'a en revanche aucun effet sur l'intensité capitalistique.
Un accroissement de l'incertitude de la demande, qui ne
comporte aucune modification de l'espérance de cette demande et qui
n'est accompagné d'aucun changement des coûts, a des effets complexes.
- 26 -
Retenant le cas dans lequel la capacité y est supérieure à E et où
G ( 1—T) est inférieur à T2^, nous voyons sur l'équation (42) que la
capacité de production doit augmenter. L'équation (45) montre que
simultanément le taux d'utilisation de cette capacité doit diminuer,
aussi bien du fait de l'augmentation de la capacité que de celui de
l'effet propre du terme en ôh (on peut en effet admettre que EP > y G, une
inégalité qui est nécessaire si la loi de probabilité est symétrique
autour de E, car alors l'intégrale de (u-E)f entre 0 et y est négative
si P(y)< 1). La diminution du taux d'utilisation implique une élévation
du coût du capital par unité produite r/T, d'où une diminution de
l'intensité capitalistique (3^ < 0). Le sens de l'effet de toutes ces
variations sur la demande est cependant ambigu, comme l'expression (49)
de Ie montre.
9. Lois approchées
Les relations de statique comparée peuvent ainsi être
exprimées par les équations (38), (39) et (46). Une discussion des
ordres de grandeur des coefficients est cependant intéressante. Elle
permet de préciser les résultats de trois manières.
Puisqu'il s'agit d'ordre de grandeur, on peut se satisfaire
d'approximations. Celles qui vont être considérées ici partent de
l'hypothèse que G/T est négligeable relativement à e. Sur le tableau 1
par exemple a est environ dix fois plus grand gue G/T. Dans l'expression
définissant e le crochet est supérieur à 1 ; tant gue l'élasticité de
substitution entre capital et travail ne dépasse pas 1, e est lui aussi
supérieur à 1.
- 27 -
En premier lieu, notons que l'approximation proposée simplifie
les relations, car elle conduit à considérer comme négligeables l'effet
des coûts relatifs sur la capacitéde production et l'effet de la
profitabilité sur l'intensité capitalistique. En effet si G/T est2 2
négligeable vis-à-vis de a e, alors G/T l'est a fortiori et A peut être
remplacé par a e. Les équations (40) et (41) montrent qu'alors a^ et 3^
peuvent être considérés comme nuls.
Si nous ne cherchons pas à faire intervenir les variations de
l'incertitude, nous pouvons dès lors nous en tenir à un système très
simple :
(50) _ a _Ô£ + —- q q E
(51) 6k n 6c. ~ c
(52) 6EL ôq ôc 6E------------- - Y — + Y ---------- -I- ------ p
r i 'c ’q c EEL q ^
C'est ce système que je proposerais volontiers pour intégration dans
toute théorie qui, visant à étudier les déterminants de l'emploi à moyen
terme, tiendrait compte non seulement des décisions des entreprises mais
aussi des autres comportements agissant sur l'équilibre économique
général.
- 28 -
En second lieu, l'approximation permet de voir que l'effet de
la profitabilité est très peu linéaire. Après approximation les
équations (40) et (47) conduisent à :
(53) a = - y =q a *q aT
Or ces expressions décroissent vite quand on fait varier la capacité de
production, à perspectives données pour la demande de biens. La chose
est particulièrement visible sur la dernière ligne du tableau 1 où sont
données les valeurs de y . En d'autres termes, les élasticités de laq
capacité de production et de la demande de travail par rapport à la
profitabilité sont faibles quand on part d'une situation de
profitabilité satisfaisante ; elles sont au contraire très sensibles
quand on part d'une situation de mauvaise profitabilité. C'est ce
qu'illustre la forme très cambrée de la courbe q de la figure 3.
Au passage il est encore intéressant de noter l'expression
approchée de l'élasticité de la demande de travail par rapport au coût
relatif des facteurs. De (48) on déduit :
(54) Y = n T + rk *c T lAig
Ainsi cette élasticité est un peu supérieure à l'élasticité de
substitution.
Nous pouvons revenir, en troisième lieu, sur l'effet qu'un
accroissement de l'incertitude peut avoir sur la demande de travail.
L'approximation retenue permet d'écrire y^ sous la forme :
- 29 -
(55) Yh = 1 - s + n . I f f l i r tyT yT T wg
Dans cette somme de trois termes, seul le second est négatif ; mais il
est supérieur à 1 en valeur absolue : le fait que y soit égal au minimum
de d et y implique en effet que Ey = yT soit inférieur à Ed = E. Si
l'élasticité de substitution était nulle, serait négatif et un
accroissement de l'incertitude détériorerait la demande de travail,
ainsi que l'intuition le suggère. Mais la substitution du travail au
capital fait que, à moyen terme, la demande de travail croît en fonction
de l'incertitude, dès lors que l'élasticité de substitution est
sensible. La condition pour qu'il en soit ainsi peut s'écrire :
rcis\ T bug + rk ̂ E - y T(56) y = n --- a----- > ---- 1—T wg E (1-T)
Si y est supérieur à 1 le membre de droite est inférieur à 1 (sur le
tablieau 1 on constate que ce membre passe de 1 pour y = E à 0,09 pour y
= E + a).
Deux considérations doivent être ajoutées pour préciser la
portée de ce résultat. D'une part la valeur à retenir pour l'élasticité
de substitution dépend de ce que l'on entend par moyen terme. Si
l'horizon reste relativement court, l'élasticité de substitution à faire
intervenir doit être faible puisque les conditions d'utilisation des
équipements déjà installés sont assez rigides. D'autre part, le résultat
obtenu concerne l'équilibre partiel des entreprises et suppose constants
aussi bien les taux de rémunération w et r que le niveau espéré E de la
demande de biens. L'étude de l'équilibre général peut conduire à la
conclusion que l'accroissement de l'incertitude modifie les taux de
rémunération et déprime la demande. Dès lors il se pourrait que l'effet
sur l'emploi soit complètement renversé.
10, Agrégation
On arrêtera ici l'étude du modèle principal que l'article vise
à présenter. Il reste à étudier, de façon évidemment beaucoup moins
approfondie, les effets de diverses simplifications retenues dans la
spécification de ce modèle. On les considérera une par une dans cette
section et les suivantes.
Supposer que les lois auxquelles à conduit lf examen du modèle
principal s'appliquent directement aux grandeurs agrégées et indicateurs
utilisés en macroéconomie appliquée revient à négliger les difficultés
de l'agrégation. Comme pour d'autres études relatives aux comportements
fondamentaux, les difficultés résultent de la multiplicité des biens,
des agents et des techniques productives. Il n'est pas question de les
considérer toutes ici. La plupart d'entre elles sont, ou devraient être,
familières et n'ont rien de spécifique aux problèmes particuliers
considérés. On se limitera donc à quelques commentaires relatifs aux
aspects propres de ces problèmes.
Au niveau de la firme représentative, la multiplicité des
biens et des techniques a la possibilité théorique de rendre trompeuse
l'image d'une substitution progressive du capital au travail au fur et à
mesure que le taux de salaire réel s'élève et le taux d'intérêt réel
s'abaisse. Les modifications simultanées dans les prix relatifs des
divers biens peuvent, dans des cas atypiques, s'opposer à ce qui a été
appelé la "capital deepening response". La chose ne serait pas
mentionnée ici si elle n'avait pas donné lieu aux débats que l'on sait
dans la théorie du capital. A mon avis et jusqu'à preuve du contraire,
la portée pratique de cette possibilité théorique est faible, dans le
contexte présent comme dans les autres considérés antérieurement.
- 31 -
Mais il faut s'interroger sur ce qui est propre à cet
article : l'incertitude sur les débouchés futurs et le rôle de la
profitabilité sur le choix des capacités de productions. L'option
statique retenue suppose implicitement résolues les difficultés que peut
poser l'agrégation sur une multiplicité de périodes futures. L'article
de P. Artus (1984) ne conduit pas à trouver là la source d'erreurs
importantes ; mais il n'a pas épuisée l'étude de la question.
La multiplicité des biens qui peuvent être produits par une
entreprise sur les mêmes équipements, soit simultanément soit
alternativement, complique la définition de la capacité de production
ainsi que la relation entre production, demande et capacité de
production. Confrontée à des demandes données sur les divers produits
qu'elle peut fabriquer, aux prix auxquels elle peut alors les vendre,
l'entreprise cherche évidemment à tirer le meilleur parti de ses
équipements ; mais sa décision ne s'exprime pas aussi simplement que par
l'équation (6) selon laquelle y est le minimum de d et y. L'étude théori
que du problème n'a pas été faite. L'intuition suggère qu'elle
n'amènerait pas à modifier fondamentalement les conclusions du modèle
simple considéré ici ; mais ceci reste à vérifier. Introduisant par
étapes successives des cas s'éloignant de plus en plus de celui de ce
modèle, on pourrait supposer d'abord que les conditions techniques
impliquent des proportionnalités fixes, qu'il s'agisse de production
jointe ou de production alternative, puisque la fonction de production à
court terme est séparable entre outputs et inputs.
La multiplicité des entreprises n'oblige pas à une
reconsidération aussi profonde. On sait comment opère l'agrégation de
lois de comportement relatives à des agents de même nature. Plus
précisément, chaque entreprise a ses propres équations de comportement,
ayant la forme locale des équations (38), (39) et (46), avec des
coefficients a, 6 et y particuliers. La sommation de ces équations, pour
- 32 -
obtenir par exemple la demande globale de travail, suppose que l'on
tienne compte de la distribution statistique des variations
individuelles des variables exogènes, ou même plutôt de la distribution
jointe de ces variations et des élasticités y individuelles. Mais il n'y
aurait là rien de particulier au problème considéré si on ne devait pas
porter à nouveau l'attention sur l'effet de la profitabilité.
Cet effet est, comme nous l'avons vu, très peu linéaire. De ce
fait la dispersion des valeurs individuelles de l'indicateur de
profitabilité, appelons les q^, joue un rôle significatif. Si par
exemple à la suite d'une perturbation forte des conditions économiques
générales, la dispersion des q^ croît sans que leur niveau moyen ne
varie, le niveau global désiré des capacités de production et celui de
la demande de travail doivent diminuer : les diminutions concernant les
entreprises dont la faible profitabilité décroît sont beaucoup plus
importantes que les augmentations provenant des entreprises dont la
forte profitabilité croît. Ceci signifie que, dans l'étude économétrique
des fluctuations de l'investissement global, il faudrait faire
intervenir non seulement le niveau moyen de la profitabilité, mais aussi
un indicateur de sa dispersion entre les diverses entreprises.
11. Concurrence monopolistique
L'hypothèse d'une fonction de demande coudée, qui a été posée
dans la section 3, est commode pour le développement et
l'intelligibilité de la théorie étudiée jusqu'ici. Mais elle n'est
fondamentale que pour certains des aspects des résultats obtenus,
l'essentiel restant le plus souvent l'incertitude sur la demande qui
s'adressera à la capacité de production. Pour s'en convaincre, on va
traiter ici du cas dans lequel la fonction de demande est deux fois
- 33 -
differentiable et ne présente en rien l'allure d'une demande coudée. La
distinction entre augmentation des débouchés et amélioration de la
profitabilité disparait alors, ou devient conventionnelle. Néanmoins
certaines des conclusions tirées du modèle principal subsistent.
Soit donc R(y,u) la recette marginale qui sera réalisée si la
quantité produite et vendue est y. C'est la dérivée par rapport à y de
la valeur des ventes S(y,u). Cette recette marginale dépend de la valeur
prise par un paramètre aléatoire u, dont on écrira la loi de probabilité
cumulative simplement P(u), l'intention n'étant pas ici de considérer à
nouveau l'effet des variations dans le degré d'incertitude. Alors que
R(y,u) est une fonction décroissante de y, on admettra que c'est une
fonction croissante de u, une valeur élevée du paramètre signifiant un
état favorable de la demande.
Le cas où la recette marginale serait linéaire, donc où la
fonction de demande le serait aussi, permettra de rendre plus
transparentes les formules obtenues. Moyennant une paramétrisation
convenable de u, on peut l'écrire :
(57) R(y,u) = b(u-y) + e
où b et e sont deux nombres, b étant positif et d'autant plus élevé que
l'élasticité de la demande est plus réduite.
A court terme la valeur de u sera connue. Si la capacité de
production est suffisante, la production sera fixée au niveau qui
égalise recette marginale et coût marginal. Sinon, la production sera
égale à la capacité. En d'autres termes y sera donné par :
(58) y = Min { ÿ,y }
- 34 -
où y sera solution de :
(59) R(y, u) = i/ug(k)
L ’équation (58) remplace donc l'équation (6), tandis que y apparaît comme
une fonction croissante de u et de k, décroissante de w (le fait que y ne
dépende pas uniquement de u est une caractéristique nouvelle par rapport
au modèle principal, et est source de complications, comme on le verra).
Il est intéressant pour la suite de repérer la valeur du
paramètre u qui est telle que la capacité de production soit juste
adéquate à l'état de la demande. Cette valeur u est la solution de :
(60) R(ÿ, G) = wg(k)
C'est une fonction croissante de y et k, décroissante de w.
L'introduction de u permet d'écrire :
(61) y = y si u iu
(62) y = y si u ^u
La valeur totale des ventes S(y,u), qui a pour dérivée par
rapport à y la recette marginale R(y,u), intervient dans la fonction
objectif W de l'entreprise de la manière suivante :
u
(63) W = J [s(y,u) - wg(k)y]dP(u'
- j CS(ÿ,u) - wg(k)y JdP(u) - rky
- 35 -
Calculant les dérivées de W par rapport à y et k, on trouve
les deux expressions suivantes qui remplacent (19) et (20) :
° °
(64) —- = J [ (R(ÿ, u) - wg(k) ]dP(u) -rkôy u
(65) —— = - [wg'(k) T (ÿ) + r ]ÿ6k
où T(y), espérance du taux d'utilisation de la capacité, est encore
donné par l'équation (12) P(y) étant remplacé par P(u) et G(y) exprimé par
1 u A
(66) G(y) = — J ydP(u)y 0
Ainsi, dans les conditions du premier ordre de la
maximisation, l'équation (22) subsiste sans changement tandis que
l'équation (21) est remplacée par :
(67) J_ [R (ÿ, u) - wg(k) ] dP(u) = rku
(22) - î(y) g'(k) =
Mais l'équation (67) garde la même interprétation que l'équation (21) :
le coût du capital d'une unité de capacité doit être exactement couvert
par la contribution des cas de pleine utilisation de la capacité à
l'espérance du profit brut. Pour retrouver une équation analogue à (21)
on peut d'ailleurs définir le "taux de marge marginal" m comme étant
l'espérance mathématique conditionnelle du profit réalisé sur une unité
supplémentaire de capacité à supposer que la capacité soit pleinement
utilisée :
- 36 -
1 _(68) m = ------ J [R(y,u) - wg(k) ]dP(u)
l-P(G) u
L'équation (67) s'écrit alors comme l'équation (21)
(69) [l-P(u) ] m = rk
Sans reprendre ici la discussion des conditions du second
ordre, on peut passer directement à l'étude des relations de statique
comparée qui résultent de ce que y et k sont la solution du système
défini par (67) et (22). Afin de ne pas avoir à considérer les
complications résultant de l'arbitraire de la paramétrisation, on
maintiendra fixe la loi de probabilité P(u). S'agissant des
modifications subies par la fonction de recette marginale R, on s'en
tiendra à considérer des petits déplacements exogènes 6R qui affectent
de la même manière cette recette pour toutes les valeurs de y et de u.
En d'autres termes, ce seront des déplacements parallèles.
Il importe de bien comprendre comment cette convention se
compare avec celle retenue pour l'étude du modèle principal. Quand la
fonction de demande a un coude au point (p,d), le prix p et la demande d
étant eux-mêmes fonction de u, soit p(u) et d(u),la fonction de recette
marginale est la constante p(u) pour y < d(u) et la constante nulle pour
y > d(u). Deux types de déplacement peuvent alors être décrits et être
rattachés à ceux considérés dans la section 8 : un déplacement
horizontal 6d correspondant à une variation des débouchés et un
déplacement vertical Sp de la partie nulle de la fonction de recette
marginale, déplacement qui serait intervenu dans la section 8 pour la
mesure de la variation de la profitabilité si on n'avait pas posé le
modèle principal directement en termes réels. Quand la fonction de
demande ne présente pas une allure coudée un déplacement vertical
parallèle de la courbe de cette recette marginale diffère fort peu d'un
déplacement horizontal, surtout lorsque l'on s'en tient à une étude
locale. Ainsi la distinction s'estompe au point de devenir
conventionnelle.
- 37 -
Il serait encore concevable d'étudier divers types de
déplacement de la fonction R. Mais, pour autant que j'ai pu voir, ceci
n'apporterait guère d'enseignements utiles. Il est préférable de s'en
tenir aux variations les plus simples, celles qui affectent R de la même
manière pour toutes les valeurs de y et de u. Il suffit alors de se
souvenir que ces variations peuvent être interprétées soit comme
affectant la profitabilité, soit comme résultant de modifications dans
les perspectives de débouchés.
Commençons ici par interpréter le déplacement 6R uniquement en
termes de profitabilité. Son impact doit alors intervenir dans la
définition de ôq, simultanément avec ceux provoqués par les changements
de coûts. Ainsi, alors que la définition (31) de ôc subsiste sans
changement, la simplicité de la transposition des égalités de statique
comparée requiert que (32) soit remplacé par :
(70) -̂9- - _ — + ôR ~ qôwq _ r m
Le second terme est la variation relative induite directement sur le
taux de marge marginal par les changements des coûts et de la recette
marginale, le seuil u restant par hypothèse inchangé, ainsi que y et k.
La différenciation de l'équation (67) conduit alors à :
(71) a + Ç J * = J aÿ T k q
où le coefficient a est maintenant défini par :
-ÿ Ç_ Rÿ (ÿ,u)dP(u)
(72) a = ----- ^-------------------
[l-P(ü) ] m
- 38 -
Avant d'aller plus loin, il est utile d'étudier ce
coefficient, dont l'expression est a priori bien différente de celle
(34) obtenue avec le modèle principal. Pour ce faire, on peut se limiter
à considérer le cas de la fonction de demande linéaire (57). Le calcul
est immédiat :
(73) a - if
J°° (u-u)dP(u)u
Le coefficient a est ainsi le rapport entre y et la moyenne pondérée des
écarts positifs u - u, la pondération étant définie par la loi de
probabilité P(u).Avec la paramétrisation correspondant à (57), les
variations de u sont mesurées dans la même unité que celles de y ; il
est dès lors normal de concentrer l'attention sur le cas où a est
nettement plus grand que un. A titre d'exemple on peut considérer le
même cas de loi normale pour P(u) que celui retenu pour le tableau 1 ;
on trouve alors que a = 6,25 pour u = E et a = 12 pour u = E + a. Les
valeurs de a sont donc encore plus élevées que pour le modèle principal.
Elles croissent fortement aussi quand la capacité de production devient
plus excédentaire.
La différenciation de l'équation (22) fait intervenir une
complication suplémentaire du fait que le taux d'utilisation T(y) dépend
de k et de iAi par l'intermédiaire de y, comme (66) le montre. On calcule
(74) -JLL = . G + Htù) ({R _ gSi<) _ rk_H(i! ôk
T T y y T y T2 k
O U
(75) H (G) = - JUdP(u)
R'y (y>u )
- 39 -
Dans le cas linéaire H(ü) se ramène à P(u)/b. Quoi qu'il en soit, il
apparaît que la sensibilité de T par rapport à 6R, ôw et même ôk n'est
pas d'un ordre de grandeur différent de celui de sa sensibilité par
rapport à Sy . S'agissant de 6R tout au moins, la chose n'est pas
surprenante puisque cette variation concerne autant les débouchés que la
profitabilité, ainsi qu'on l'a vu.
Tenant compte de cette différentielle de T et se plaçant dans
le cas linéaire, on peut écrire l'équation suivante qui résulte de la
différentiation de (22) :
(7 6 ) Ç + (£ + rkP ) 6k _ _ 6c + P . 6R-gôm
T y byT2 k c T by
où e a déjà été défini par l'équation (35).
Les deux équations (71) et (76) définissent le système des
relations de statique comparée s'appliquant aux variations <5y et ôk entraî
nées par les variations ôR, ôw, ôr de la fonction de demande et des
coûts. Elles sont à rapprocher des équations (36) et (37) obtenues sur
le modèle principal, étant entendu cependant qu'aucune variation de la
loi de probabilité P(u) n'est maintenant considérée.
La similitude entre les systèmes (71)-(76) et (36)-(37) est
évidente. Dans la matrice des coefficients des membres de gauche, les
termes diagonaux ont un peu changé, le premier (a) par sa définition, le
second par l'addition à e d'un terme additif positif. Mais il reste vrai
que, par leurs ordres de grandeur, ses termes diagonaux l'emportent
nettement sur les termes non diagonaux, qui pourraient être négligés si
on voulait se contenter de lois approchées.
- 40 -
Les premiers termes des membres de droite sont dans (71)—(76)
identiques à ce qu'ils étaient dans (36)-(37). Ainsi, on peut encore
dire, en un certain sens, que la profitabilité agit presque
exclusivement sur la capacité de production et le coût relatif du
travail par rapport au capital presque exclusivement sur l'intensité
capitalistique. Cependant les deux équations (71) et (76) présentent une
hétérogénéité qui peut gêner la force démonstrative de la proposition :
6R - gôw intervient dans (71) comme une des composantes de la variation
de la profitabilité ; il figure au contraire dans (76) comme élément
d'un terme additif, qui peut alors être interprété comme l'effet d'une
variation des débouchés.
Pour une meilleure homogénéité, tout au moins dans le cas
linéaire, on peut réécrire (71) sous la forme :
,-7-^ Sy G 6k ôr 6R - q6w(77) a _ + ---- = - — + a ----- _ ---
y T k r by
Sous cette écriture, l'effet des variations de la demande intervient
dans (77)-(76) exactement comme dans (36)-(37). En effet dans le système
s'appliquant au modèle principal, si l'écart-type a, et non le
coefficient de variation h, est maintenu constant alors que l'espérance
E varie, les seconds termes des membres de droite deviennent a6E/y et
P6E/Ty. On retrouve les mêmes expressions dans (77)-(76) à ceci près que
la variation 6E de l'espérance de la demande est maintenant remplacée
par la variation (6R - gôi/O/b, qui est précisément égale à la variation
de y pour k donné.
En somme, les relations de statique comparée sont très
voisines de celles étudiées précédemment. La différence la plus notable
résulte dans l'arbitraire de l'interprétation : alors que le modèle
principal permettait une distinction nette entre les effets provenant
d'une variation de la profitabilité et ceux résultant d'une variation de
la demande, la distinction s'évanouit ici.
- 41 -
Pour terminer, notons que pour conserver la validité de
l'équation (27) selon laquelle, à l'équilibre, l'indicateur q de la
profitabilité doit être égal à la fonction q(y), il convient de retenir
l'expression suivante du "ratio marginal de Tobin" :
(78) q = m -T--y)rk
L'équation (27) résulte en effet alors de (69). La formule de définition
de q est comparable à celle donnée par la plus à droite des égalités
(26) ; elle manque un peu d'élégance puisqu'elle fait intervenir le taux
moyen d'utilisation de la capacité à côté du taux de marge marginal.
L'arbitraire de l'écriture des relations de statique comparée
peut alors être compris comme un arbitraire dans la définition de la
variation 6q à considérer. Selon (77) ce serait uniquement l'impact sur
q de la variation du coût du capital, toutes les autres grandeurs étant
maintenues fixes pour la mesure de cet impact. Selon (71) ce serait
l'impact des variations 6R, ôw et ôr, les grandeurs de y, k et u étant
maintenues fixes. La solution intermédiaire serait encore possible, qui
consisterait à retenir l'impact de âw et ôr pour aboutir à la formule :
(79) is _______ §l _ m .
q r m w
quasiment identique à la définition (32) retenue avec le modèle
principal.
12. Aversion vis-à-vis du risque
En éliminant toute aversion vis-à-vis du risque, le modèle
principal simplifie l'étude, mais d'une manière qui peut être jugée
irréaliste. Cette section et la suivante sont donc consacrées à l'examen
des changements à apporter aux résultats quand l'hypothèse de
maximisation de l'espérance du profit ne suffit plus.
- 42 -
On suppose d'abord que la firme représentative maximise plutôt
l'espérance mathématique d'une fonction différentiable U de ce profit
(Il s'agit du profit réel puisque le prix du produit est supposé égal à
1). La fonction objectif (17), espérance du profit tt défini par
l'équation (16), est alofs remplacée par :
- r - i ,y(80) W = V(y) [1—P(y)] + J V(u)dp(u)
O
expression dans laquelle les notations nouvelles suivantes sont
retenues :
(81) \l(u) = u {[ 1 - wg(k)] u - rky}
(82) dP(u) = f (-— — ) —a a
On établit alors directement que les conditions du premier
ordre de la maximization ne sont plus les équations (21) et (22) mais
les équations analogues :
(83) [l - P(ÿ)] [l - wg(k)] = A(ÿ) rk
(84) - T*(ÿ)g'(k) = ~W
où les deux nouvelles fonction A(y) et T*(ÿ) sont définies par :
ÿ(85) A(ÿ) = 1 + J X(u,ÿ)dP(u)
o
- 43 -
i(86) A(ÿ) T*(y) = T(y) + - J X(u,ÿ) udP(u)z °
tandis que X (u,y) est l'excès sur 1 du rapport des valeurs prises par
l futilité marginale du profit pour y = u et y = y :
(87) 1 * X(u,ÿ) = U'([l -xg(k)]u - rkÿ }
Ü ' {[l -wg(k) -rk]y}
L'aversion vis-à-vis du risque signifie que l'utilité
marginale U' est décroissante. Donc X est positif pour u < y ; il est
même d'autant plus élevé que la différence y-u est plus forte. Il en
résulte que A(y) est supérieur à 1, ceci d'autant plus que l'aversion
est plus forte et la dispersion a des aléas sur la demande plus
importante. La substitution de l'équation (83) à l'équation (21) opère
comme une majoration du coût du capital.
Les équations (85) et (86) permettent par ailleurs d'écrire :
ÿ
(88) A(y) rT*(ÿ) - T(ÿ)] = [ X(u,ÿ)[ “ - T(ÿ)]dP(u)
Ÿ
Le membre de droite est la somme de termes négatifs (pour u<Ey) et
de termes positifs (pour Ey < u <y) ; mais les termes négatifs
l’emportent car leur pondération relative est plus forte que dans :
y(89) J [ -y - T(y)] dP(u) = [l - P(ÿ) ] [ï(ÿ)-l] < 0
p y
- 44 -
Ainsi T*(ÿ) est inférieur à T(ÿ). La substitution de
l'équation (84) à l'équation (22) opère aussi comme une majoration du
coût du capital, mais une majoration différente de celle apparaissant
dans (83).
On peut encore dire que T*(ÿ) est un taux corrigé
d'utilisation de la capacité, la correction consistant à pondérer
d'autant plus fortement les cas de sous-utilisation que cette
sous-utilisation est plus marquée.
Les relations de statique comparée impliquées par (83)-(84)
sont évidemment encore plus complexes que celles résultant de (21)-(22).
Aussi allons nous doublement limiter l'étude ici. D'une part nous
considérerons uniquement le cas de stricte complémentarité, où k et g
sont des constantes imposées par la technologie. Dans le modèle
principal, ceci signifierait que l'équation (22) disparaîtrait et que
l'équation (50), avec le terme additif évident en ôh, deviendrait une
relation exacte ; ce serait la relation principale de statique comparée.
D'autre part nous considérerons le cas où l'utilité marginale U' serait
linéaire par rapport à son argument et décroîtrait à un rythme lent. En
d'autre terme, nous procéderons à une étude locale au voisinage de
l'absence d'aversion vis-à-vis du risque.
Posons alors, avec un choix convenable des unités :
(90) U' (ïï) = 1-£tt
£ étant de plus traité comme un infiniment petit. On en déduit
directement :
(91) X(u,ÿ) = Ç [l -wg ](ÿ—u)
- 45 -
(92) A(ÿ) = 1 + Ç [l - wg ] y [l-T(ÿ)]
On peut dès lors écrire (83) sous la forme :
rk(93) l-P(ÿ) - Ç rky [l-T(y)] =
wg
La différenciation de cette équation conduit, après des
transformations fastidieuses et au premier ordre en A(y) -1, à :
/Q/ \ 6y 6r wq ôw 6E 6h ô£(94) — ^ = - a --- - a -r—̂ • --- + ou — =■ + a. — r- - a r — p
- r r w 1-wg iai E E h h Ç Ç
avec les valeurs suivantes des coefficients :
/nc, 1 (A-l)P A-l(95) a = — - -2 a = a - ---
r a ri w ra (1-T) a
/q / \ A-l -, E A-l(96) ar = 1 - --- au = l - — - ---
L ha y a
/ q-j \ A-l(97) = ---
On note deux résultats qui n’étaient pas aisément prévisibles.
D ’une part toutes les élasticités sauf diminuent quand le degré
d’aversion vis-à-vis du risque augmente, donc quand A-l augmente (1).
(1) Ceci ne s’applique qu'au voisinage de l’absence d’aversion, hypothèse retenue pour l’obtention des formules. Dans ce voisinage, la sensibilité de - à la présence d’aversion est du second ordre par
rapport au degré d’aversion, mesuré par £ ou par A-l, comme le montre les équations (94) et (97). La sensibilité de l/a est donc aussi du second ordre.
- 46 -
D'autre part l'effet des variations de coût ne se résume plus à l'effet
de leur impact <5q sur le ratio de Tobin ; l'impact de la variation de
l'intérêt réel a plus d'effet que celui de la variation du salaire réel.
Toutefois on vérifie bien qu'une augmentation de l'aversion
vis-à-vis du risque provoque une diminution de la capacité productive.
13. Risque de ruine
Après une analyse locale des effets de l'aversion vis-à-vis du
risque, il semble opportun de considérer un cas voisin mais quelque peu
différent, celui où l'entreprise prête une attention particulière à
l'éventualité de "ruine". Pour la prise en compte du comportement
vis-à-vis du risque, et de la révision qu'il peut imposer aux
conclusions du modèle principal, l'étude de ce cas apparaîtra
complémentaire de la précédente.
Soit donc tt le profit réel défini par l'équation (15) ou (16).
On dira qu'il y a ruine si le profit ne dépasse pas un certain seuil
(négatif). Il est normal de considérer ce seuil comme proportionnel au
coût du capital, puisque c'est celui-ci qui caractérise la charge des
ressources immobilisées dans la production. Soit donc s un paramètre
positif, inférieur à 1. La ruine correspond à :
(98) tt ̂ - srK
que l'on peut encore écrire :
(99) y- wL ^ (l-s)rK
Le paramètre s peut dépendre de divers facteurs, tels la
confiance que les créanciers ont dans l'avenir ou la politique de
l'entreprise conduisant à autofinancer une part plus au moins importante
de ses immobilisations. Mais on ne cherchera pas à modéliser ici cette
détermination de s, qui sera donc considéré comme un paramètre exogène.
- 47 -
On considérera que la ruine impose à l'entreprise une
pénalité, elle même proportionnelle au coût du capital. Soit wrK cette
pénalité, co étant un second paramètre positif, lui aussi pouvant
dépendre de facteurs non étudiés ici. Un choc exogène amenant à accorder
plus de poids au risque de ruine se traduit ainsi par un relèvement de u),
tandis qu'un choc rendant les financiers plus exigeants dans
l'appréciation du seuil de ruine se traduit par une baisse de s.
La spécificité la plus simple qui prenne en compte ce risque
de ruine retient la fonction objectif suivante :
(100) W = E tt - wrK Prob { tt i - srK }
Par rapport au modèle principal la différence tient en la présence de la
pénalité pour ruine, multipliée par sa probabilité. Par rapport à la
section précédente la différence tient en ce que la fonction U(tt), dont
on cherche à maximiser l'espérance mathématique, n'est plus
différentiable, cette fonction devant être définie ici par :
(101) U(tt) = tt si tt > -srK
U(tt) = tt - cürK si tt ^ - srK
La fonction est non seulement discontinue, mais aussi non concave. Ainsi
la réalisation des conditions du premier ordre de la maximisation ne
suffit pas à garantir 1 'optimalité. On s'en tiendra cependant ici à
l'étude de ces conditions.
La considération de la fonction objectif (100) amène à
introduire une seconde valeur remarquable de y. A côté de ÿ il convient
de considérer le niveau de production y correspondant juste au seuil de
- 48 -
ruine. L'inégalité (99) montre que ce niveau est directement défini
par :
(102) [l-wg(k)] y = (l-s)rkÿ
C'est une fonction croissante de ÿ, k, r, w et une fonction décroissante
de s. A l'équilibre y est bien entendu inférieur à ÿ.
On établit que les conditions du premier ordre de la
maximisation de (100) s'expriment par les deux équations suivantes qui
remplacent (21) et (22) :
(103) [1—P(ÿ)] [l—iflig(k)] = B(ÿ)rk
(104) -T*(ÿ) g'(k) = £Vit
où les deux nouvelles fonctions B(ÿ) et T*(ÿ) sont définies par:
(105) B(ÿ) = 1 + w [P + | ? ]
(106) B(y)T*(y) = T(ÿ) + a) fB(ÿ) a
expressions dans lesquelles V et 7 sont évidemment les valeurs prises
par la probabilité P et la fonction f quand y = y.
Le système (103)-(104) est très semblable au système
(83)-(84). La substitution de (103) à (21), de même que celle de (83) à
(21), opère comme une majoration du coût du capital, celle-ci étant
d'autant plus forte que le taux de pénalité pour ruine est plus élevé et
que le niveau y du seuil de ruine l'est. De même que la substitution de
(84) à (22), celle de (104) à(22) opère aussi comme une autre majoration
du coût du capital. En effet le taux d'utilisation corrigé T*(ÿ) est
inférieur à T(y), comme on le voit par l'égalité suivante dont le membre
- 49 -
de droite est négatif :
(107) B(y) [T*(ÿ) - T(ÿ) ] =-U) T(ÿ) [P + ]
Pour voir comment l'introduction de l'aversion pour la ruine
modifie les relations de statique comparée, on s'en tiendra, ainsi que
dans la section précédente, au cas de stricte complémentarité, dans
lequel k et g étant fixés par les exigences techniques, l'équation (104)
disparaît. On se limitera d'autre part à donner les expressions
s'appliquant au premier ordre en œ, comme si u) était infiniment petit.
La différenciation des équations (102), (103) et (105) conduit
alors à :
où a est défini comme dans le modèle principal par (34) et où le nouveau
coefficient Ç l'est par :
(108) = _ -§3. + -i£ + -Jây q y l-s
(109) <5ÿ ôq 6E E n ôh ÔB a — ^ + a --- + a(l- —) -----------
y q E y h B
(110)
(111) ç = ü>
L'élimination de ôy et 6B conduit à l'équation cherchée :
- 50 -
(112) _Ô£ 6E 6h+ B.
6ss' 6co
5o)0)
avec les valeurs suivantes des coefficients :
(11„
<114> 6s = f 8b = ¥
La comparaison avec les résultats du modèle principal est
directe.L'élasticité vis-à-vis de la profitabilité croît tandis que
celle vis-à-vis du coefficient de variation des aléas décroît. La
capacité de production est par ailleurs d'autant plus faible que le
seuil de ruine est plus élevé (s plus petit) et le taux de pénalité plus
important.
Ces conclusions confirment celles de la section précédente
quant à l'effet déprimant sur y de l'aversion pour le risque ou la
ruine. S'agissant des autres élasticités, elles suggèrent au contraire
que les modifications à apporter au modèle principal dépendent de
détails des spécifications et ne sont donc guère robustes. Le mieux
consiste sans doute dans ces conditions à s'en tenir aux ordres de
grandeur suggérées par le modèle principal.
14. Taux de profitÿ taux d'intérêt et profitabilité
L'étude théorique présentée dans cet article vise à élucider
les relations entre le système des prix et la structure du capital
productif. Elle repose sur un ensemble d'hypothèses qui paraissent
- 51 -
pertinentes pour la discussion des problèmes à moyen terme. Il resterait
à étudier comment transposer les schémas théoriques pour les appliquer
économétriquement, ou même d'abord comment tester la validité des
hypothèses et des conclusions auxquelles elles conduisent.
On ne cherchera pas ici à aborder l'ensemble des questions que
ce prolongement peut soulever. On se contentera de porter l'attention
sur une relation remarquable à laquelle a conduit le traitement du
modèle principal, à savoir l'équation (27) :
(115) q(ÿ) =_Liî2_= E ( ^ w L ) = q
l-P(y) rK
L'équation est remarquable du fait qu'elle met en regard à
gauche une expression dépendant directement de la capacité de production
et à droite une mesure de la profitabilité de la production. Or la
valeur prise par la fonction q(y) et celle de l'indicateur q de la
profitabilité sont susceptibles d'etre directement et indépendamment
estimées. La confrontation devrait constituer un test relativement
simple de la théorie proposée.
En fait le test est moins simple qu'il peut sembler à première
vue en raison des ambiguïtés que soulève la transposition du modèle à la
réalité. La difficulté principale semble résider en ce que le modèle
traite de valeurs anticipées à moyen terme et de capacité de production
recherchée alors que les données observées portent sur le passé ou le
présent. La mesure des concepts, coût du capital, profit rapporté par la
production et capacité de production, oblige aussi à certaines
conventions.
- 52 -
Mais ces difficultés ne devraient pas arrêter les
investigations. Elles n'ont pas une nature différente de celles
rencontrées dans d'autres domaines d'application, mais seulement une
plus grande acuité.
Dans E. Malinvaud (1986) une confrontation a été tentée
concernant la France durant la période de croissance assez stable des
années 1962 à 1972. Elle a fait apparaître les options à prendre pour
définir des mesures a posteriori de l'indicateur q, du taux
d'utilisation des capacités T(ÿ) et de la probabilité P(ÿ). Ce n'est pas
le lieu de reprendre ici les nombreuses questions que cet essai a
soulevées et qui ne devraient pas être négligées.
Il reste cependant que le test avait conclu sur les onze
années à des valeurs moyennes de 2,8 environ pour q(y) et de 2,2 environ
pour q, la différence semblant significative d'un écart du modèle
principal par rapport à la réalité. La discussion des variantes
apportées ici au modèle principal peut-elle rendre compte de l'écart
constaté ? Il ne le semble pas ; mais, à y regarder de près, on peut
trouver une explication d'une autre nature à l'écart constaté.
La première idée consiste à considérer le rôle de l'aversion
pour le risque ou pour la ruine. Mais les équations (83) et (103)
montrent que, avec les définitions de q(y) et q figurant dans les deux
égalités extrêmes de (115), l'égalité centrale est remplacéepar l'une ou
l'autre des deux suivantes :
(116) q = A(ÿ)q(ÿ) q = B(ÿ)q(ÿ)
- 53-
Comme A et B sont supérieurs à 1, l'indicateur de profitabilité q
devrait être supérieur à q(ÿ) contrairement à ce que le test effectué
semble impliquer. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant puisque les
équations (116) reçoivent une interprétation familière : du fait de
l'aversion pour le risque ou la ruine la profitabilité requise doit être
majorée d'une "prime de risque" de taux A-l ou B-l.
Substituer une loi de demande dif férentiable à la loi de
demande coudée ne semble pas non plus susceptible d'expliquer le signe
de la différence constatée. L'équation (69) implique :
(117) q(ÿ) =
Selon le modèle de concurrence monopolistique de la section 11,
l'analogue de la définition de q donnée par (115) est :
(lie) q = E [5<y.u>-“L]rK
Ainsi
(119) _g___ _ E [s(y,u)-iAiq(k)yl
r~\ m Eyq(y)
L'étude générale de ce rapport, où m est défini par l'équation (68),
n'est pas aisée et ne semble pas de nature à permettre une conclusion
catégorique. Cependant on peut voir que, dans le cas de la fonction de
demande linéaire (où dans celui, non repris ici, de la fonction à
élasticité constante), les cas usuels doivent correspondre à un rapport
(119) supérieur à 1.
Définissons en effet :
-54 -
(120) x,(u) = S(y,u) _
Ey
où, au numérateur, y est fonction de u à travers (58) et (59).
Soit de même :
(121) x,(u) = R(y>“> - “9<k>
1 l-P(S)
Le rapport (119) apparaît alors comme le rapport entre les espérances
mathématiques de Xj,(u) et X2 (u). Dans le cas linéaire (57), et en admettant
de plus que l'origine de u a été choisie de telle façon que G = y, on
obtient aisément les expressions de x^(u) et x^(u), soit :
2
(122) [x^(u) + wg]Ey = wgu + ^ si u i ü
buu + (wg - — ) u si u I ü
(123) X£(u) = 0 si u ^ u
b(u-ü) . ^ - ------ si u S ul-P(ü)
La figure 5 présente les variations de ces deux fonctions. Le rapport
de leurs espérances est positif si l'espérance de x^(u) - X£(u) l'est.
Or cette différence est positive dans l'intervalle MN entre le point
M situé nettement à gauche de Ey et le point N situé nettement à droite
de y. Dans lescas de figure usuels la probabilité de l'intervalle MN
doit être bien plus élevée qu'il le faut pour que E(x^-x2 ) soit positif.
Figure 5
Ayant constaté que l'aversion pour le risque allait dans le sens
contraire de ce qu'aurait requis l'explication de l'écart constaté entre
q(y) et q, E. Malinvaud (1986) avait mis en avant une autre explication
souvent citée dans la littérature : ce serait la nature oligopolistique de
la concurrence qui pousserait les entreprises à installer des surcapacités
de production et à se réserver aussi la possibilité d'acquérir rapidement
des parts de marché supplémentaires si une occasion se présentait, ou de
faire du dumping pour éliminer un concurrent menaçant (voir par exemple
Fudenberg et Tirole, 1983).
- 56 -
Il semble aussi, à la réflexion, que l'on ne devrait pas
identifier l'ensemble du capital productif engagé dans la production avec
le concept K des modèles étudiés ici. Selon ces modèles, le capital K est
en totalité immobilisé sous la forme d'une capacité de production. En fait
une partie du capital mis en oeuvre doit, dans une perspective à moyen
terme, être considéré comme mobile au même titre que le travail employé.
C'est évidemment le cas des stocks intervenant aux divers stades du
processus productif. Ce doit être aussi le cas de beaucoup de petitsî
matériels et celui de véhicules ou machines facilement vendables.
Il est clair que, si une partie K ̂ du capital s'adapte ex post au
volume requis de la production, tandis que le reste est immobilisé avec
la capacité de production, les deux égalités de gauche de (115) doivent
être remplacées par :
E(y - wL - rK9 )(124) q(ÿ) = --------------
avec « 2 = et = k^y. Si q conserve la définition donnée par la
troisième des égalités (115) (avec toutefois EK au dénominateur), ainsi
que ceci a été supposé pour l'évaluation présentée dans E. Malinvaud
(1986), alors l'égalité q(ÿ) = q est remplacée par :
EK(125) q(y) = q + -¡y- (q-D
K1
On trouve alors bien que q(ÿ) doit être supérieur à q.
En d'autres termes il faudrait réviser le test proposé dans E.
Malinvaud (1986) après avoir estimé comment l'ensemble du capital engagé
dans la production doit être divisé entre une part fixe et une part
mobile «£. Si la part mobile du capital est d'un tiers, alors les valeurs
q(ÿ) = 2,8 et q = 2,2 satisfont exactement (125).
- 57 -
Références bibliographiques
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H. Dixon (1986), "The Cournot and Bertrand outcomes as equilibria in a strategic metagame", Economic Journal, Supplement to vol. 96..
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D. Fudenberg and J. Tirole (1983), "Capital as a commitment : strategic investment to deter mobility", Journal of Economic Theory, December 1983.
F. Hayashi (1982), "Tobin's marginal q and average q : a neoclassical interpretation", Econometrica, January 1982.
L. Johansen (1972), Production Functions, North-Holland Publishing Company, Amsterdam.
E. Malinvaud (1983), "Profitability and investment facing uncertain demand", Document de travail, INSEE, N° 8303.
E. Malinvaud (1986), "Jusqu'où la rigueur salariale devrait-elle aller ? Une exploration théorique de la question", Revue économique, Mars 1986.
T. Negishi (1979), Microeconomic Foundations of Keynesian Macroeconomics, North-Holland Publishing Company, Amsterdam.
P. Sweezy (1939), "Demand under conditions of oligopoly", Journal of Political Economy, August 1939.
J. Tobin (1969), "A general equilibrium approach to monetary theory", Journal of Money, Credit and Banking, February 1969.
H. Yoshikawa (1980), "On the q theory of investment", American Economic Review, Septenfoer 1980.